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une demi-lieue »; « Eh ne sais-tu pas que je ironique, il adopte une attitude en contradiction
t'aime ? »; « Mais j'ai besoin d'eux, moi. ». avec ses propos : « ARLEQUIN, prenant sa
● La violence : « Esclave insolent ! »; bouteille pour boire. − Ah ! je vous plains ... ».
«Méconnais-tu ton maître, et n'es-tu plus mon Il avoue carrément son indifférence face à la
esclave ? ». Ici, la forme interronégative appelle détresse et à la mort : « je m'en goberge»,
une réponse positive qui ne viendra pas... On comprenez : « je m'en moque ».
trouve encore : « Misérable! Tu ne mérites pas
de vivre.» Le jeu de scène suggéré par Marivaux ● D'autre part, il se lance dans une tirade
(«IPHICRATE, au désespoir, courant après lui, moralisatrice assez inattendue pour un valet
l'épée à la main. ») est hautement symbolique. grossier mais qui témoigne de son fonds de
En effet, l'épée, arme des nobles par excellence bonté et de la philosophie qui est la sienne après
et garante de leur pouvoir va se révéler inutile : une vie d'esclavage.
Arlequin se met hors de portée. On sait par Arlequin recourt volontiers à des maximes «
ailleurs que le gourdin dont il se servait les hommes ne valent rien »; «Quand tu auras
régulièrement s'est perdu dans le naufrage. souffert, tu seras plus raisonnable »; «Tout en
Celui-qui-règne-par-la-force (Iphicrate en grec) irait mieux dans le monde, si ceux qui te
vient donc de perdre ce qui lui donnait cette ressemblent recevaient la même leçon que toi. »
force : dans la scène suivant , il perdra jusqu'à Il revendique son statut d'humain (Aristote
son propre nom... faisait de l'esclave une machine) : «tu me traitais
comme un pauvre animal ». S'il accepte le
La palette des émotions d'Arlequin est plus principe de la loi du plus fort («Eh bien!
réduite. Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi; »)
il a cependant vite évacué l'idée de vengeance :
● D'une part, il témoigne d'une indifférence «va, je te le pardonne » et envisage le châtiment
qui oscille entre la taquinerie et le cynisme. Il a de son maître comme une « leçon » qui lui
une attitude d'enfant moqueur , « siffle », permettra de devenir « plus raisonnable » :
«chante», « rit », refuse hypocritement de Trivelin ne tiendra pas un autre discours. Le
marcher (« J'ai les jambes si engourdies »), tutoiement signifie lui aussi l'inversion des rôles
permettant d'associer à son personnage un : la distance entre le maître et l'esclave est
comique de gestes qui soulignera désormais abolie. Plus subtilement, la dernière
l'incompréhension de son maître : « as-tu perdu réplique d'Arlequin suggère que seule
l'esprit? , lui reproche Iphicrate. De même, l'obéissance de l'esclave fait la force du maître :
Arlequin reprendra insolemment en écho les «tes forces sont bien diminuées, car je ne t'obéis
paroles d'Iphicrate : « Je t'en prie, je t'en prie... plus, prends-y garde. » Le seul obstacle à
», singe-t-il. Pour finir, au « mon cher Arlequin l'émancipation de l'esclave est dans la tête de
» du maître répondra « mon cher patron » dans l'esclave.
la bouche de l'esclave. Comme les mutins
évoqués par Trivelin dans la scène deux, Conclusion :
Arlequin en est encore au stade de la vengeance.
A deux reprises, il reproche ironiquement au Ainsi, les rôles ont changé. Arlequin se
maître sa brutalité : «vos compliments me retrouve maître de la situation. C'est lui qui
charment; vous avez coutume de m'en faire à parle le plus, c'est lui qui clôt le dialogue : c'est
coups de gourdin » et «les marques de votre suffisant au théâtre pour savoir qui domine. On
amitié tombent toujours sur mes épaules ». On pense à la dialectique du maître et de l'esclave :
sait que « compliments » et « amitié » sont ici le maître est en quelque sorte le véritable
des antiphrases. Mieux : il se réjouit du malheur esclave !
des maîtres « ils tuent les maîtres, à la bonne
heure », « s'ils sont morts, en voilà pour
longtemps; s'ils sont en vie, cela se passera » ;
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