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uestions possibles à l'entretien 

 Pourquoi avez-vous choisi cette oeuvre ? 

1/ Après avoir expliqué à quelle époque et où se situe cette histoire, vous la


résumerez.
2/ En quoi peut-on affirmer que ce texte est révélateur des Lumières? Vous vous
intéresserez au thème de la pièce(comparer avec un autre texte).
3/Après avoir expliqué ce que c'est qu'une utopie, vous montrerez que le texte en est
une.
4/ Quels sont les éléments permettant d'affirmer qu'il s'agit d'une comédie ?
5/ Montrez que cette comédie emploie parfois le registre satirique.
6/ A quoi sert le travestissement dans cette pièce ? Montrez que son rôle est
paradoxal.
7/ Dans quelle tradition théâtrale cette comédie s'inscrit-elle?
8/ On dit de la comédie de manière générale qu'elle corrige les moeurs par le
rire.Est-ce le cas ici?
9/ Bernard Dort, dans son essai "Théâtres", affirme que "l'action marivaudienne
débute par une surprise :quelque chose survient au personnage, et celui-ci n'a
jamais rien connu ni senti de pareil". Expliquez cette affirmation en faisant référence
au texte.
10/ Trouvez des éléments biographiques (de la vie de Marivaux) trouvant une
résonance dans cette oeuvre.
11/ Pourrait-on dire que cette pièce est révolutionnaire ? Expliquez votre réponse.

L’île des esclaves est une utopie qui transporte le spectateur sur une île antique où
l’ordre social est renversé : les maîtres deviennent esclaves et les esclaves
deviennent maîtres.Ce renversement de rang vise à amuser le spectateur mais aussi
à me faire réfléchir :Les maîtres méritent-ils vraiment d’être des maîtres ? Quelle est
la raison d’être des inégalités sociales ? Maîtres et esclaves peuvent-il s’aimer ?Il
s’agit d’une comédie sociale qui souligne les tensions entre l’aristocratie et les
domestiques.Marivaux atténue cependant la violence de sa critique sociale par la
distanciation via l’utopie, et le comique farces que, cette pièce étant ponctuée par les
plaisanteries grivoises d’Arlequin

Marivaux 
Originaire de la noblesse normande, Pierre Carlet Chamblain de Marivaux, dit
Marivaux n’exerça jamais sa charge d’avocat car il préféra composer une œuvre
variée : romans,chroniques, poèmes, et surtout comédies.
Après sa ruine provoquée par la banqueroute de Law en 1720, il s’inspire des
comédies italiennes, dont il apprécie le jeu très corporel pour révolutionner la
comédie sentimentale.Il excelle dans la peinture des sentiments où il met en scène la
surprise de l’amour dans un style subtil et raffiné que l’on appellera le
marivaudage.La surprise de l’amour (1722), Le jeu de l’amour et du hasard (1730) ou
encore Les Fausses confidences (1737) comptent parmi ses plus célèbres comédies
de l’amour.Mais Marivaux dote ses pièces d’une réflexion sur les préjugés et
l’organisation sociale.Dans sa comédie sociale L’île des esclaves (1725), les
réflexions politiques du dramaturge sont particulièrement explicites.Dans divers
journaux, Marivaux développe également une œuvre philosophique complémentaire
à sa création théâtrale.Ses réflexions se retrouvent également dans ses romans
d’apprentissages (La Vie de Marianne, Le paysan parvenu), où se joue la tension
entre l’ordre social et le désir amoureux.Marivaux est aujourd’hui l’un des
dramaturges les plus joués en France

Résumé 
Scène I
La scène se passe sur un rivage en Grèce antique.L’aristocrate Iphicrate est
désespéré car il vient de réchapper du naufrage de son navire, et craint de ne plus
revoir Athènes. Son valet Arlequin, rescapé avec lui, se réjouit d’apprendre par son
maître qu’ils ont échoué sur l’île des esclaves où les maîtres sont mis en
esclavage.La relation entre le maître et le serviteur s’inverse déjà.
Scène II
Alors qu’Iphicrate s’apprête à tuer Arlequin, il est surpris par des habitants de l’île.
Trivelin, qui dirige l’île des esclaves, intervertit les rôles entre le maître et
l’esclave,afin de corriger l’orgueil des maîtres et fonder une société plus égalitaire.
Iphicrate s’afflige tandis qu’Arlequin se réjouit de cette inversion des rôles.
Scène III
Euphrosine et son esclave Cléanthis sont deux autres rescapées du
naufrage.Cléanthis souhaite battre son ancienne maîtresse par colère et
ressentiment, mais Trivelin la réfrène : « "Doucement, point de vengeance." »Trivelin
invite alors Cléanthis à dresser le portrait d’Euphrosine. Cléanthis caricature son
ancienne maîtresse en mondaine superficielle : «" C’est Madame, toujours vaine ou
coquette" ».
Scène IV
Trivelin demande à Euphrosine de reconnaître la justesse du portrait établi
parCléanthis, en échange d’une libération plus rapide, ce qu’Euphrosine accepte
après des hésitations.
Scène V
Arlequin se réjouit de son nouveau statut de maître. Trivelin l’invite à dresser le
portraitd’Iphicrate; il esquisse alors le portrait satirique d’ « un ridicule ». Iphicrate finit
par admettre la justesse de ce portrait, en espérant retrouver rapidement son ancien
statut.
Scène VI
Arlequin et Cléanthis veulent incarner leur rôle de maîtres en s’entretenant sur
l’amour à la manière des aristocrates. Mais leurs discours galants tournent à la
parodie de la galanterie. Arlequin condamne alors l’hypocrisie mondaine : «" Nous
sommes aussi bouffons quenos patrons ; mais nous sommes plus sages." »Se met
en place un chassé-croisé amoureux et social : Arlequin demande à
Cléanthisd’arranger son union avec Euphrosine ; tandis que Cléanthis demande à
Arlequin d’arranger son union avec Iphicrate.
Scène VII
Cléanthis ordonne à Euphrosine d’aimer Arlequin, « homme franc » dont l’honnêteté
s’oppose à l’hypocrisie mondaine.
Scène VIII
Arlequin tente maladroitement de séduire Euphrosine, engendrant un contraste
plaisant entre son nouveau statut de maître et son langage populaire : « "c’est que je
vous aime, et je ne sais comment vous le dire." » Euphrosine, accablée, l’exhorte à
la laisser tranquille : « "Ne persécute point une infortunée, parce que tu peux la
persécuter impunément." » La jeune aristocrate déchuereste supérieure au parvenu
incapable de s’exprimer.
Scène IX 
Arlequin demande à Iphicrate d’aimer Cléanthis. L’ancien maître, révolté, l’exhorte à
la clémence.Arlequin, ému, le rappelle à son égoïsme passé : « "Tu veux que je
partage ton affliction, et jamais tu n’as partagé la mienne." ». Puis, il accède à sa
demande de libération, soulignant sa supériorité morale : « "moi, je n’aurai point le
courage d’être heureux à tes dépens." » Iphicrate confesse alors : « "je ne méritais
pas d’être ton maître. "»Arlequin procède à l’échange des tenues.
Scène X
Maîtres et esclaves sont réunis.Arlequin invite Cléanthis à l’imiter car il pense que les
maîtres se sont remis en question.Elle prononce alors une tirade dénonçant
l’immoralité des puissants qui osent demander la clémence à ceux qu’ils
opprimaient.Émue par les aveux d’Euphrosine, Cléanthis lui rend sa liberté : « "Si
vous m’avez fait souffrir, tant pis pour vous, je ne veux pas avoir à me reprocher la
même chose, je vous rends la liberté" ».Euphrosine lui répond comme à une égale.
Scène XI
Trivelin se réjouit car « "la paix est conclue, la vertu a arrangé tout cela" ». Sa tirade
finale décrit avec philosophie la différence des conditions comme une épreuve.Il
annonce qu’un navire emmènera bientôt les personnages à Athènes.La pièce
s’achève sur une scène dansée et chantée à l’italienne, où des esclaves célèbrent
leur libération : « "La vertu seule a droit de plaire" » .Quels sont les personnages
dans L’île des esclaves ? Iphicrate : Iphicrate est le maître d’Arlequin, décrit par ce
dernier comme un galantridicule. En grec, son nom signifie « celui qui gouverne par
la force ». Avant d’être désarmé par Trivelin, il n’hésite en effet pas à utiliser son
épée contre Arlequin.
Arlequin : Arlequin est un personnage traditionnel de la commedia dell’arte. Fidèle à
cette filiation, l’esclave d’Iphicrate est un personnage bouffon, comique et porté sur la
bouteille.Il donne lieu à des scènes farcesques. Euphrosine : Euphrosine est la
maîtresse de Cléanthis. Elle est décrite par son esclave comme « une vaine
minaudière et coquette ». Cette femme narcissique voue à culte à l’apparence. Elle
se montre cruelle avec son esclave qu’elle accable de quolibets.Cléanthis : L’esclave
d’Euphrosine est animée par une soif vengeresse envers son ancienne maîtresse.
Ce personnage un peu plus profond qu’Arlequin révèle la dure condition des
esclaves (et donc des domestiques au XVIIIème siècle). Elle finit néanmoins à
pardonner à sa maîtresse. Trivelin : Trivelin, un habitant de l’île des esclaves, est
chargé de faire respecter les règles de l’île aux nouveaux arrivants. Il agit comme un
metteur en scène, distribuant les rôles et les costumes aux autres personnages. Son
but est de donner « un cours d’humanité » aux maîtres en les invitant à reconnaître
leurs torts et à s’amender. C’est un personnage juste qui prône la fraternité et
l’adoucissement des mœurs.

Le courant littéraire de L'Ile des esclaves :

Les Lumières. La comédie en un acte (11 scènes) de Marivaux est marquée par un
thème socio-politique : la critique de l'ordre social et de la hiérarchie religieuse. Elle
s'inscrit à la fois dans le théâtre de Marivaux - avec le jeu du travestissement et le
thème de l'amour - et dans la pensée du 18°s.
Les personnages principaux :
- Iphicrate, général athénien. En grec, son prénom renvoie à son ordre social et
signifie celui qui gouverne par la force.
- Arlequin, esclave d'Iphicrate. C'est un personnage célèbre de la commedia dell'arte.
Son ton est très familier. Dans la pièce, il change momentanément de statut pour
devenir le maître d'Iphicrate. Peu rancunier, il pardonne ses excès à son maître.
Pour lui, rien ne porte à conséquences.

- Euphrosine, dame athénienne. Comme Arlequin, elle est issue de la Commmedia


dell'arte. C'est la maîtresse de Cléanthis. Coquette et de mauvaise foi, elle refuse de
reconnaître ses défauts à Trivelin.
- Cléanthis, esclave d'Euphrosine et maîtresse d'Arlequin. Rancunière, elle profite de
son renversement de statut pour assouvir sa vengeance et refuse d'abord de rendre
son statut de maître.
- Trivelin, gouverneur de l'île. Il s'agit d'un ancien esclave, qui a supprimé les maîtres
à son arrivée sur l'île par désir de vengeance. Dans la pièce il est compatissant
envers les maîtres durant la passation de pouvoirs.
Comparez Marivaux à :
-Beaumarchais, auteur du Mariage de Figaro. Pour les scènes de duel verbal, le
recours à l'ironie, ainsi que la relation maître / serviteur
- Alfred de Musset, auteur de la pièce Les Caprices de Marianne. Pour le système
des personnages qui fonctionne comme un jeu de doubles. Chaque personnage a
son miroir : Marianne est le double de Coelio, lui-même double d'Octave, qui
ressemble beaucoup à Marianne. Dans la pièce de Marivaux, Cléanthis est le double
féminin d'Arlequin, et Iphicrate le double masculin d'Euphrosine. Chaque esclave
rappelle aussi son maître, dans ses qualités ou ses excès.

- Lesage et son Turcaret, pour l'inversement des rôles des personnages et la satire
de la société.
L'argument qui tue sur L'Ile des esclaves :"Marivaux remet en cause la société qui
fausse les rapports humains" 

Les conventions sociales peuvent être un obstacle à l'authenticité des échanges


entre les hommes. Dans son théâtre, Marivaux casse l'ordre établi en introduisant un
jeu qui crée du désordre, par exemple le jeu d' inverser les rôles esclaves-maîtres.
Mais tout rentre finalement dans l'ordre à la fn de la pièce, les maîtres retrouvent
leurs titres et les valets redeviennent les serviteurs au service d'Iphicrate et
d'Euphrosine.  

Le film à voir en complément :

- L'adaptation moderne d'Irina Brooks, dont voici un extrait :

 
Les citations importantes :

"Je veux être un homme de bien ; n'est-ce pas là un beau projet ?" (Arlequin)

"Vous avez été leurs maîtres, et vous avez mal agi ; ils sont devenus les vôtres et ils
vous pardonnent ; faites vos réflexions là-dessus. La différence des conditions n’est
qu’une épreuve que les dieux font sur nous." (Arlequin)
"Il ne vous fera pas de révérences penchées ; vous ne lui trouverez point de
contenance ridicule, d’airs évaporés : ce n’est point une tête légère, un petit badin,
un petit perfide, un joli volage, un aimable indiscret ; ce n’est point tout cela ; ces
grâces-là lui manquent à la vérité ; ce n’est qu’un homme franc, qu’un homme simple
dans ses manières, qui n’a pas l’esprit de se donner des airs ; qui vous dira qu’il
vous aime, seulement parce que cela sera vrai ; enfin ce n’est qu’un bon cœur, voilà
tout ; et cela est fâcheux, cela ne pique point." (Cléanthis)

Les grands thèmes :

- L'utopie :L'île des esclaves est une utopie sociale qui rappelle le motif de l'île
paradisiaque de Thomas More. Dans L'utopie, l'écrivain y décrit un endroit où les
hommes vivent en harmonie, sans conflits d'intérêts ni injustices. Bien sûr, il s'agit
d'un mythe qui n'a rien de réel. D'ailleurs, une utopie signifie « endroit qui n'existe
nulle part » étymologiquement. L'île des esclaves est une utopie en ceci qu'il propose
une inversion des rôles esclaves-maîtres, possible nulle part ailleurs. Cependant, il
n'abolit pas le concept de la servitude. Ce n'est donc pas un monde idéal que nous
propose Marivaux, mais un exemple de société qui présente un nouvel ordre social
au rapport de domination inversée.

- La relation maîtres / valets : figure emblématique du valet, Arlequin fait l'expérience


d'un statut de dominant en devenant le maître d'Iphicrate. Cette inversion des
pouvoirs constitue le nœud dramatique de la pièce de Marivaux. C'est une véritable
remise en cause de l'ordre établi.

- L'amour : c'est un des thèmes favoris de Marivaux. On parle d'ailleurs de


marivaudage pour évoquer un échange de propos galants d'une grande finesse entre
un homme et une femme qui sont dans le jeu de la séduction. Dans L'île des
esclaves, on passe de la simple galanterie à une expression plus forte des
sentiments.

- L'exotisme : ce n'est pas le thème le plus important, mais l'exotisme du décor (la
mer, les rochers) rappelle le caractère transitoire et utopique de l'île. L'île renvoie
aussi au goût du 18ème siècle pour l'exotisme, que l'on retrouve par exemple chez
Voltaire ou Montesquieu.

L'erreur à éviter quand on parle de L'Ile des esclaves :

On évitera de dire que L'Ile des esclaves n'est qu'une mascarade qui finit bien. Si
tout rentre dans l'ordre à la fin de la pièce, c'est que Marivaux est moins réformateur
que moraliste. Cependant, derrière le jeu joyeux d'Arlequin et la fantaisie des
situations, la pièce repose sur des tensions profondes : entre la vérité et l'apparence,
la lucidité et l'illusion, les hommes et les femmes, et surtout entre les maîtres et leurs
valets, qui sont parfois traités de façon bien cruelle.

le parcours « Maîtres et valets » 


Le parcours associé à cette œuvre au bac de français est : Maîtres et valets.Le rôle
du valet au théâtre a évolué au fil des siècles.Le valet est un personnage qui s’inscrit
dans une longue tradition comique qui remonte à la Commedia dell’arte
italienne.Dans la Commedia dell’arte, Arlequin est un valet bouffon, rustre,
changeant, glouton et porté sur la bouteille.Il se distingue par son agilité et ses
contorsions farcesques. Il porte un costume composé de losanges bigarrés
symbolisant sa versatilité 
On retrouve le personnage du valet bouffon chez Molière au XVIIème siècle, soit un
siècle avant Marivaux (notamment avec Scapin dans Les fourberies de Scapin
ouSganarelle dans Dom Juan...). Chez Molière, le valet est un contrepoint comique
au maître. Il est souvent rusé, mais grossier, peu cultivé, avec un penchant
irrépressible pour la bouteille. Il ne porte aucune revendication sociale, et n’a jamais
l’étoffe d’un maître.
Mais au fil des siècles, la relation maîtres valets va gagner en épaisseur.Marivaux
reprend ainsi le personnage d’Arlequin dans de nombreuses pièces, mais le rend
souvent plus astucieux, plus habile ou plus spirituel que dans les farces de la
commedia dell’arte (par exemple dans la pièce Arlequin poli par l’amour où le célèbre
valet devient plus subtil). Dans L’île des esclaves, Arlequin se caractérise toujours
par sa balourdise et sa paresse, mais acquiert un peu plus de profondeur
psychologique car il souffre de la cruauté de son maître.L’intrigue permet par ailleurs
de bousculer les hiérarchies sociales en place et dénoncer ainsi la cruauté des
puissants.On note toutefois que dans cette pièce, Marivaux appelle à traiter les
valets avec plus de fraternité mais ne remet pas ouvertement en cause l’ordre social
puisqu’à la fin de la pièce, maîtres et valets réintègrent chacun leur rôle.La
psychologie du valet de comédie est approfondie quelques décennies plus tard par
Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro (1778). Dans Le mariage de Figaro, le
valet se démarque en effet de ses prédécesseurs : il est plus rusé, habile, ironique
au point où il surpasse son maître, le Comte Almaviva, en intelligence et en vertu.Le
Figaro de Beaumarchais remet en cause les hiérarchies sociales. Sa volonté
d’émancipation est alors emblématique du siècle des Lumières.Le valet est donc
d’abord un personnage stéréotypé, un confident ou un contrepoint comique, mais il
prend peu à peu de l’épaisseur avec Marivaux jusqu’à devenir un personnage
complexe qui porte des revendications sociales avec Beaumarchais.

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