Vous êtes sur la page 1sur 2

W. Feuillet – Collège J.

Semprùn, Gueugnon

DM n°2 : Entraînement au sujet de réflexion (rédaction)


Corrigé rédigé

Publiée en 1896, la pièce Ubu roi d’Alfred Jarry met en scène la prise de pouvoir
violente d’une caricature de dictateur, le Père Ubu, secondé par sa femme, la Mère Ubu, une
politicienne ambitieuse qui, guidée par l’hybris, manipule son mari. Après avoir fomenté son
coup d’État dans l’acte I, le Père Ubu, accompagné de son bras droit, le Capitaine Bordure, et
de ses hommes, met son plan à exécution dans l’acte II, en particulier dans les scènes 1 à 4
qui sont un déchaînement de violence guerrière mais aussi un grand moment de ridicule. En
quoi ces scènes semblent-elles être une parodie d’épopée ? [Nous montrerons dans un
premier temps que ces scènes reprennent des éléments épiques, puis, dans un second
temps, que ces éléments épiques sont parodiés.]
Les scènes 1 à 4 de l’acte II présentent quasiment tous les « ingrédients » propres au
genre littéraire de l’épopée. Rappelons que l’épopée est un récit qui relate les faits d’armes,
les nobles exploits d’un héros entouré de ses hommes. La situation est donc bel et bien celle
d’une épopée : un semblant de héros, le Père Ubu, accomplit avec ses hommes un fait
guerrier puisqu’il prend le pouvoir de Pologne par la force en tuant le roi Venceslas. La
dimension collective de l’épopée se laisse sentir dans les didascalies : « Les hommes d’Ubu
entourent le roi. », « Tous frappent le roi. » Ici, les marques du pluriel traduisent cet effort
collectif pour prendre le pouvoir. De plus, le champ lexical du combat propre au registre
épique traverse les scènes 2 à 4 : « l’armée », « une balle », « son épée »… Par ailleurs, la
violence hyperbolique des combats est aussi de nature épique : « Il lui fend le crâne. », « fait
un massacre ». Cette exagération épique n’est pas sans rappeler certains combats
homériques.
Cependant, ces scènes n’ont de l’épopée que la matière première, car tous ces
« ingrédients » sont parodiés. Alors que l’épopée est un genre littéraire noble, présentant
des personnages aux hautes valeurs morales dans un vocabulaire élevé, l’épopée du Père
Ubu est, quant à elle, une mascarade calamiteuse. Tout d’abord, le héros de ces scènes se
montre lâche et peureux : « Oh ! Bordure, j’ai peur ! laissez-moi m’en aller. », dit-il au cœur
de la bataille, peut-être sans une once d’ironie. Plus loin, il est ridiculisé par un enfant,
Bougrelas, qui « lui découd la boudouille ». N’oublions pas aussi que les victimes du Père
Ubu sont un vieux roi désarmé et de jeunes enfants : ce déséquilibre des forces est le
contraire de ce que l’on attend d’une épopée. Au-delà du caractère anti-épique du Père Ubu,
la forte présence du comique de mots et du comique de gestes donne une teinte ridicule aux
faits d’armes : comme par magie, « un Palotin explose », puis Ladislas se retrouve « coup[é]
en deux comme ne saucisse » (comparaison cocasse !) tandis que Bougrelas braille des
insultes telles que « Chenapans, sacs à vins, sagouins payés ! », familiarités qui n’auraient
pas leur place au milieu des combats d’Ulysse. Depuis la chapelle, la reine Rosemonde, quant
à elle, commente les combats sur un ton détaché, presque sans émotion : « Voilà Boleslas
mort ! Il a reçu une balle. » La phrase déclarative terminée par un point sonne comme un
constat plat et neutre.
Pour conclure, s’il s’agit bien, dans les scènes 1 à 4 de l’acte II, d’un combat à l’aspect
épique, le ton parodique domine : les personnages n’ont ni les valeurs, ni les paroles, ni les
actions attendues dans une épopée. Bougrelas seul, un enfant de quatorze ans, fait montre
de sa vaillance, seul contre tous, preuve supplémentaire que la parodie règne, car les valeurs
W. Feuillet – Collège J. Semprùn, Gueugnon

sont inversées : les hommes sont des enfants et les enfants présents se comportent comme
des hommes.

Vous aimerez peut-être aussi