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Ubu Roi

Alfred Jarry
Ubu Roi est un drame en cinq actes et en prose écrit par Alfred Jarry (1873-1907). La pièce est
d'abord publiée dans une revue parisienne, Le Livre d'art au cours de l'année 1896. Elle paraît
ensuite en volume au Mercure de France, la même année, et est jouée en décembre au théâtre de
l'Œuvre. Ubu a connu un tel succès et a tellement passionné son auteur qu'Alfred Jarry lui a
consacré plusieurs cycles. Il est vrai que le personnage d'Ubu a connu une grande postérité,
puisque son nom-même est entré dans le langage courant. En effet, l'adjectif « ubuesque » fait
référence à un mélange grotesque de cruauté et de lâcheté; ce terme existe depuis l'année 1922.
Le nom de la pièce pourrait être inspiré de Sophocle et de sa pièce Oedipe Roi. L'Œuvre de Jarry
est considérée comme avant-gardiste du mouvement surréaliste, mais aussi du théâtre de
l'absurde. Elle n'hésite pas, en effet, à introduire des éléments cocasses, d'humour plutôt gras et
populaire, ou encore de franche provocation.
RESUME DU DRAME
Acte I
Ubu est un officier et homme de confiance du roi de Pologne, Venceslas. Sa mère a beaucoup
d'ambition pour son fils et lui conseille d'assassiner son Roi pour pouvoir prendre sa place. Cela
lui permettrait notamment de pouvoir « manger fort souvent de l'andouille », et autres avantages
dérisoires...Lors d'un dîner, Ubu donne de la « merdre » à manger à ses invités. Ensuite, un
complot est mis en place: le capitaine Bordure et Ubu passent une alliance pour se débarrasser du
roi pendant une revue. Entre temps, il est nommé comte de Sandomir en récompense de ses
services, mais cela ne modifie en rien le projet.

Acte II
La reine a fait un rêve prémonitoire, ce qui la pousse à demander à son mari Venceslas de ne pas
se rendre à la revue. En vain. Comme prévu, il y est assassiné par Bordure et Ubu. La reine quant
à elle parvient à prendre la fuite, accompagnée de son fils Bougrelas (ses deux frères ont été tués
dans l'assaut). Mais elle meurt d'épuisement dans une grotte et le jeune Bougrelas promet de se
venger, après y avoir été encouragé par les ombres de ses ancêtres. Pendant ce temps, pour fêter
son accession au pouvoir, Ubu organise une distribution d'or à la population. En réalité, il fait
cela à contrecœur, poussé par sa mère, et il déclare d'ailleurs: « Ca ne m'amusait guère de vous
donner de l'argent, mais vous savez, c'est la mère Ubu qui a voulu. Au moins, promettez-moi de
bien payer les impôts ».

Acte III
Ubu n'écoute pas les conseils de sa mère, qui l'incite à rester modéré. Il se débarrasse des nobles,
puis desmagistrats et des banquiers, et accable la population d'impôts. Sa cruauté n'a plus de
limites et elledéclenche des envies de vengeance parmi la population, qui se rallie à Bougrelas.
Même le capitaineBordure en a assez du manque de reconnaissance de son ancien complice. Il
part donc en Russie passer unealliance avec Alexis, le Tsar, qui décide alors d'envahir la Pologne
pour assoir Bougrelas sur le trône.
Acte IV

LE JEU
Un mariage d’amour entre le nouveau clown et le grand guignol, entre le gore,le mélo et le comique. Les
scènes de massacre perpétrées par Ubu sont représentées par un débitage clownesque de viande,
boudins et autres bidoches.

LA SCENOGRAPHIE
Distendre les proportions, exploser les règles scéniques traditionnelles pour donner à l’espace les
dimensions d’un cauchemar de clown. Un écran éclaté en cases de bande dessinée dans lequelles les
corps des comédiens apparaissent fragmentés de façon burlesque, avec un clin d’oeil aux chromos du
mélo.
Un étal de boucher sur lequel est supplicié, hâché, découpé, tout un peuple de saucisses... qui est à la
fois un trône, une scène, un castelet et une trappe à faire disparaître les opposants au régime, c’est à
dire la plupart des personnages de la pièce.

LES COSTUMES
Des costumes de boucher: Vestes à petit carreaux, bottes, tabliers et toques sur lesquels viennent se
greffer épaulettes en charcuterie et autres brandebourgs et médailles en saucisson ce qui permet de
démultiplier les personnages de façon burlesque. (L’histoire comporte une foule de personnages
différents, dont certains ne font que traverser la pièce.)

LA MUSIQUE
Une panoplie de morceaux militaires détournés et parodiés, aux échos de mélodies enfantines. De la
nostalgie d’opérette passée à la moulinette du père Ubu. Dans une mécanique aussi implacable qu’une
boîte à musique, ponctuée de sons incongrus, et traversée de percussions qui interpellent ou exécutent
les personnages.

La Pièce

Ubu roi est une parodie burlesque sur le pouvoir, la prise de pouvoir, l’abus de pouvoir, l’amour insensé
du pouvoir total.
Boursouflé d’égoïsme, d’avidité, de bêtise et de lâcheté, le père Ubu ne recherche en toute chose que
son bénéfice et son bonheur personnel qui est autant que possible un bonheur physique : manger plus,
boire plus, prendre toute la place disponible, priver les autres d’espace pour en avoir plus. Il se vautre
dans le pouvoir comme un cochon dans sa mare. Sa seule source d’inquiétude est que quelqu’un puisse
lui contester une part de ce pouvoir. Ce qui l’amène à tout faire pour être de plus en plus puissant, c’est
à dire omnipotent. Il en arrive donc à cette pensée totalement absurde qui est l’aboutissement suprême
et le dernier axiome du potentat : Il est le seul être digne de vie. Tous les autres ne sont plus que des
marionnettes, des pantins à qui il dénie toute humanité. C’est la version clownesque mais totalement
exacte du dictateur.

Comme toujours dans l’univers clownesque, la part enfantine des désirs, des motivations et des
angoisses est puissante, directement palpable. Ainsi l’attrait de la nourriture est omniprésent. Le rapport
à l’argent et au pouvoir se confond avec le rapport à la nourriture. Ubu est gros et gras, et mère Ubu le
convainc de renverser le trône pour pouvoir manger de l’andouille, avec le double sens accroché au mot
andouille, les êtres humains qui entourent Ubu étant au mieux de la chair à canon, à hachoir, des êtres
bons à passer à la boucherie c’est à dire pour Jarry à la machine à décerveler. Le pire est que le père Ubu
comme beaucoup de dictateurs est contagieux, son égoïsme crasse gangrène et gagne rapidement une
bonne partie du pays. Ubu roi, c’est aussi une joyeuse dénonciation de la lâcheté commune et de la
bêtise générale.

Le génie de Jarry, c’est d’avoir dépassé les bornes de la bienséance et de la vraisemblance pour aborder
les rivages du grotesque et du surréalisme.
Car c’est par l’absurde et la dérision qu’il atteint son but de contestataire d’un pouvoir ultra centralisé,
corrupteur et complètement pourri. Toute ressemblance avec quelque dirigeant éperdu de pouvoir où
que ce soit sur cette planète ne pourrait être bien entendu que tout à fait fortuite.
Ubu roi, calqué sur des thèmes et des schémas shakespeariens est une énorme farce. Comme telle, elle
doit faire rire, rire aux larmes, d’un rire dévastateur et irrespectueux qui peut seul permettre de faire
table rase, avant de pouvoir peut-être retrouver quelques valeurs essentielles sur quoi rebâtir une
humanité digne de ce nom.

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