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Texte 1 : Le Roi se meurt, Ionesco (1962)

Amorce : « Rien n’est plus drôle que le malheur » Beckett (maître/auteur de l’absurde)

Les auteurs du 20ème siècle traitent de sujet graves et sérieux en mettant en scène l’être
humain confronté à la mort, en y donnant une tournure comique. C’est le cas pour Eugène
Ionesco, qui est l’un des pères du théâtre de l’absurde, qui est un courant qui propose une
vision très pessimiste de la condition humaine et qui provoque un rire assez noir. Cette
œuvre (jouée en 1962) met en scène le roi Bérenger 1er qui apprend, par Marguerite et son
médecin, qu’il va mourir à la fin du spectacle. Cet extrait est un dialogue entre le roi, ses 2
femmes, le médecin, la femme de ménage Juliette, ainsi que le garde. Son entourage tâche
de le convaincre de sa mort imminente, mais ce dernier refuse l’évidence. Ainsi, en quoi ce
dialogue à la fois pathétique et burlesque propose-t-il une réflexion sur la fuite du temps ?
Dans un premier temps, nous montrerons que le roi fait preuve d’une démonstration de
force pathétique (1-8). Dans un second temps, nous analyserons la confrontation tragique et
burlesque à l’annonce de la mort (9-19). Enfin, nous étudierons la cérémonie burlesque mise
en scène, qui traduit l’impuissance de l’homme face à la fuite du temps (20-25).

Mouvement 1 :
- anaphore/parallélisme : « j’ordonne que » + ordre qui suit
Cette figure insiste sur l’ordre ainsi que sur l’impuissance du roi, c’est un comique de
répétition
- champ lexical de la nature/éléments du ciel : « arbre » , « pluie »...
Ce sont des ordres qui défient la nature, ainsi le roi se croit supérieur à la nature, comme un
dieu. Il y a également une référence à Zeus. Donc le croit fait preuve d’hybris, d’orgueil, de
vanité.
- phrases courtes interrompues par des didascalies, interrogations, exclamations qui relèvent
de la tonalité pathétique. Cela met en exergue le désespoir du roi dont les ordres sont vains,
tout en accélérant le rythme de la scène.
- jeu entre les ordres du roi et les didascalies : « j’ordonne que tu restes » (Juliette sort)
Juliette fait l’inverse de ce qui lui est demandé ce qui crée un effet burlesque, et donne une
tournure comique à la scène puisque la fonction performative du roi n’est plus en marche.
- champ lexical du retentissement : « clairon » , « cloche »
Représente des ordres aux objets
- hyperbole « 121 coups de canon » qui révèle le caractère excessif du roi
- didascalie « il prête l’oreille » est un comique de gestes
- exclamations « Rien ! ... Ah si ! » relèvent du registre pathétique
Au fur et à mesure, le roi prend conscience de son impuissance puisque ses ordres sont de
moins en moins ambitieux, en commençant par le ciel et la nature, puis sur ses sujets, et
enfin sur les objets.
Conclusion : La tirade du roi met en scène la déchéance d’un monarque dont la parole est
devenue complètement inefficace. Cela provoque un rire mi-peiné, mi-moqueur chez le
spectateur.
Transition : Après cette tentative vaine de reprise en main du pouvoir, l’entourage du roi
tente de le raison.
Mouvement 2 :
- négation restrictive : « ce n’est que » à valeur positive qui est une manière de rabaisser
- utilisation de l’impératif : « n’essaye plus » qui a une nuance temporelle pour qualifier le
pouvoir du roi avant et après sa maladie chronique
- tutoiement de Marie et de Marguerite envers le roi qui accentue l’inversion des rôles
puisque il n’est plus en position d’autorité, mais de soumission
- champ lexical du corps et de la santé : « plein de sueur » qui révèle la dégradation physique
- oxymore : « mon petit roi »
Déterminant possessif a une valeur hypocoristique accompagné d’un adjectif rabaissant, il
s’agit donc d’un terme infantilisant. Marie est maternante envers le roi qui est décrédibilisé.
- pronom personnel : « nous » utilisé par Marie montre qu’elle s’associe au roi
- futur : « tu vas mourir » et le compte à rebours avec le champ lexical du temps mettent en
lumière la fatalité de la situation et l’approche de la mort
- comique de mots : précision à la seconde près du compte à rebours par Marguerite
- apostrophe : « Marie ! » est un appel à l’aide qui montre que Marie est une figure
maternelle pour le roi
- impératif : « ne cède pas » montre que Marie accompagne le roi aux portes de sa mort
- Marguerite parle du roi à la 3ème personne du singulier : procédé pour l’exclure, presque
l’enterrer
On remarque que les 2 femmes du roi ont des comportements opposés
- métaphore : « sur la pente » annonce le déclin et la fatalité
- mot : « programme » prépare à une idée de cérémonie
Transition : suite à ce dialogue interrompu brutalement par le garde, 2 clans se dessinent
durant la cérémonie. D’une part, Marie et le roi qui incarnent le déni et une forme de
passion. D’autre part, Marguerite et le médecin qui représentent le réalisme, l’acceptation et
une forme de raison.

Mouvement 3 :
- annonce du garde : « la cérémonie commence » fait la transition du mouvement
- Marie et le roi ont un côté d’un duo, presque des associés, ils jouent donc un rôle. On parle
de théâtre dans le théâtre.
- litanies : le duo fait des prières répétitives et irréalistes pour remonter le temps
- anaphore/parallélisme : « que nous soyons » qui insiste sur la nostalgie du passé et la peur
de la mort
- allégorie du temps : « toi » M
Marie s’adresse au temps comme s’il était humain, elle le divinise (référence à Kronos de la
mythologie grecque)
Ainsi la cérémonie met en scène le désir de marie et du roi de repousser la mort avec un
registre comique et une tonalité absurde.

Conclusion générale : ce dialogue à la fois burlesque et pathétique met en scène la


déchéance et la déliquescence du pouvoir royal. Ainsi, la scène propose une réflexion sur la
fuite du temps et sur la finitude humaine. En écrivant une telle pièce, Ionesco tente
d’exorciser l’angoisse de l’homme face à la mort.

Ouverture : on peut rapprocher cette œuvre au Malade Imaginaire de Molière puisqu’ils


dénoncent, tous deux, par un registre comique les travers humains de la société et la peur
de la mort, quand bien même que Ionesco inaugure, en 1950, un genre théâtral nouveau :
l’absurde.

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