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Les
femmes qui jusque-l moulaient l'orge chez elles ne tardrent
pas prendre l'habitude d'y aller. Seule la vieille pouse de
Bouchab continuait de moudre ses crales la maison. Elle
trouvait, disait-elle, plus de got la farine qu'elle produisait
elle-mme.
- Mais tu te fatigues, objectait le Vieux.
- Oh non ! a me maintient en forme, au contraire. Regarde
donc les autres : elles vieillissent plus vite que moi parce
qu'elles ont de moins en moins faire. Et quand elles
s'installent chez leur mari en ville, elles restent enfermes,
grossissent force d'inactivit et de mangeaille graisseuse, et
elles tombent malades. Je plains ces poux qui se ruinent
payer des mdecins et des mdicaments. Que ne les ont-ils
donc pas laisses tranquilles ici !
- Chacun a son point de vue. Le tien n'est pas dnu de sens.
Mais ces femmes se vantent de vivre mieux en ville qu'ici. Lbas, elles portent de l'or. N'as-tu pas vu qu'elles ressemblent
des bijouteries ambulantes ? Si un voleur les dpouillait, ce
serait un homme riche.
- Tout a, c'est du tape--lil, dit la vieille.
- Du tape--lil ? H ! C'est de l'or sonnant et trbuchant. Je te
rpte que ces parvenues portent sur elles de vraies fortunes.
As-tu, toi, un seul bijou en or ?
- Non.
- Eh bien ! Tu vois la diffrence.
- Non, je ne vois pas. Je suis mieux ainsi. Pourquoi m'exhiber
comme une moins-que-rien ?
C'est de la vanit, de l'ostentation, que sais-je? Je n'ai jamais eu
que des bijoux en argent pur.
C'est noble et c'est berbre. D'ailleurs, j'ai des pices rares qui
valent plus cher qu'un bijou en or tout neuf. Mes parures ont
une histoire tandis que ce que portent ces parvenues, comme
tu dis, n'en a aucune. Est-ce vrai ?
- Certes. Comme je l'ai toujours dit, nous sommes les garants
de la tradition. Mais veille bien sur ces pices d'argent. Il y a
des trafiquants d'objets rares partout.
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