Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
du temps présent
Conditions d'utilisation
La Bibliothèque de Toulouse s’engage à retirer tout document en cas de réclamation de son auteur ou des ayants droit de ce dernier. Pour tout renseignement ou réclamation, contactez :
webmestre.bibliotheque@mairie-toulouse.fr
En savoir plus
Pour plus de précision sur les licences adoptées sur le site Rosalis, vous pouvez consulter :
•la délibération adoptée par le conseil municipal de la ville de Toulouse le 23 juin 2017,
•la licence ODbL,
•la licence Creative Commons BY SA 4.0.
Contraste insuffisant
NF Z 43-120-14
Texte détérioré — reliure défectueuse
IMF 2 43-120-11
v
Si"/'
93..
ÉOE.'
pL
i>
iJ
REVUE THOMISTE
F. LEVÉ, IMPRIMEUR DE L ARCHEVÊCHÉ DE PARIS
17, EUE CASSETTE, 17
<
\
fflfp
\ ' f
SERONS-NOUS SOCIALISTES?
(1) Oitô |iar J. JiouiiUM.vu (Le Socialisme allemandel le Nihilisme russe. |>. -118).
HKYUE THOMISTE. —• 3e A.NKJ3E. — 1.
REVUE THOMISTE
SERONS-NOUS SOCIAMSTKS ?
(1) Conférence, p.
(2) Akistoïe. Politique, I, cap. ni, n° 11, édit. Uidol. S. Thomas. Comment, n
— Cf.
Polit., I, vu. — II» 2»e, p. Lxxvnr, art. 1, art. 2, ad 3™.
10 REVUE THOMISTE
(1) I. Me.ta.ph., I.
(2) J. Guesdr. Lettre à M. Demolins, citée par la Science sociale, XIII, 223. — Kausky
citû par Malon, J'récis.
16 REVUE THOMISTE
(l) Liî Play. Les Ouvriers européens, I, j8, 18, 217 et suiv.]
REVUE THOMISTE. — 3« ANNÉE. — 2- »
18 REVUE THOMISTE
pour ainsi dire, eu égard aux conditions exigées pour son chan- .
i:M:
gement. C'est la République autoritaire. » — « Et vous trouvez
cela bon?» demande le Président. — « Puisque, en somme,
c'est la seule possible », réplique le déposant (2). — Après
cette confession d'ouvrier, maintes fois répétée sans grandes
variantes, M. Leroy-Beaulieu a le droit de conclure : « Les
sociétés coopératives ont d'autant plus de chances de réussir
qu'elles s'éloignent moins du type actuel de l'organisation du
travail. » Ce n'est pas la collectivité se dirigeant elle-même
qui sort du régime machiniste; c'est la « République autori-
taire » du compagnon de la Villette. La Machine veut de
(1)1. Met., i.
(2) P. LiïROï-BEAULiiiu. Le Collectivisme, p. 23, 26.
20 HE VUE THOMISTE
i'.ii
LE SITE DE L E1TEN
TERRE DE KODSIt
que chez les Indiens comme dans la Genèse, Siva est inséparable
de Knça. A certains points de vue ils ne font même qu'un, étant
de même famille et de même pays ; de même famille, disons-nous,
car Siva, pour les Poèmes, est Kauçika ou « descendant de
Kuça » ; de même pays, car Siva est un Kuçala ou du Kuça-
dvîpa. Ainsi, dans la Bible, Seba est fils de Koush, et par consé-
quent leur pays fut commun. De famille, de pays, de moeurs
encore plus, Siva est un franc Koushite et Chamite. L'union
de Koush et de Siva ne saurait être plus forte. Là où est Siva,
là donc est son inséparable Koush. Il suffit d'aller à l'higlander
himalayen pour voir à proximité Koush et « la Terre de Koush ».
L'un est sur le Mérou, l'autre sur les prolongements de l'IIindou-
Koush.
Nous venons d'avancer que, de moeurs, Siva est autant et
plus Koushite qu'il ne l'est de famille et de pays ; il sort de sa
légende une multitude de traits qui vont droit aux Koushites.
C'est au nord-ouest, à la ruche chamitique même, qu'il parut
avec sa digne compagne Oumâ : c'est là que fut érigée en su-
prême objet d'adoration la révoltante nudité de Cham et de
Chanaan, et avec Oumâ quelque chose de plus. Où prendre pour
théâtre de la scène biblique de Cham et Chanaan un lieu
mieux fait pour elle? Dans les Sivaïtes les Chamites se recon-
naissent sur-le-champ. Partout où les Chamites s'installèrent,
en Chanaan et dans l'Arabie Koushite par exemple, ils implan-
tèrent les symboles et la morale des deux divinités, accompagnés
des arts qui les reproduisent ad nauseam, de la liqueur enivrante
qui ruisselle abondamment au Cham-douîpe (1), de la fureur
de la danse. Il est singulier combien Siva et sa femme sont mo-
delés sur les Chamites. Obscènes, cruels, buveurs, chanteurs,
danseurs au son du tambour et de la flûte de bambou, qui à
l'heure actuelle sont encore les instruments de ces montagnes,
tels furent les Chamites, Koushites, Chananéens, Libyens ; et
Siva avec sa parèdre se montre hideusement obscène, buveur
jusqu'à l'ivresse la plus intense, cruel, joueur du tambour, jhalarî,
danseur frénétique. C'est le Chamite photographié dès le ber-
ceau.
(1) Nous avons appelé Cham-douîpe l'espace entre l'Hindou-Kousli, le Kaboul el Je
îiaut Indus.
LE SITE DE L'ÉDEN 33
TERBE DE HAVILAH
36 KEVUti THOMISTli
.1- I
tént (1). \1optimum de la Genèse devient un véritable indice
»
de l'Eden. Quand de plus on voit cet or accompagné des
pierres précieuses et du bdellium, alors aucun doute n'est pos-
sible. L'or paradisiaque est celui du vord-ouest himalayen.
m
LU SITE ])U L'ÉIiEK 37
-
de proclamer le bdellium de la Bactriâne laudatissimuin. Ce
même habitat est encore montré* par les informations locales
les plus positives et les plus réitérées. Un narrateur de nos
régions himalayennes, Kalhaae, l'auteur de la Eâjatarangini ou
« Chronique du Kashmire », à propos des conquêtes
d'un
râja du vme siècle de notre ère, parle d'un bois entier d'aloès
(1. IV, si. 171) : « Dans la ville de Prâg-jyotisha il ne vit
que la fumée odorante qui s'élevait du sombre bois d'aloès
dont les liges avaient été brûlées. » Prâg-jyotisha fut la capi-
tale de Bhaga-datta, roi des Kirâtes, l'un des combattants de
la Grande Guerre, qui va bientôt faire à Youdhishthire des
dons magnifiques, parmi lesquels* figureront l'aloès et ses par-
fums.
L'habitat est de plus assuré par l'extrême usage indien du
bois et de son extrait. Tandis que le reste du monde en est privé,
et ne l'obtient qu'à des prix fabuleux, aux Indes, on ne peut
plus commun, sous quantité de noms ou d'épithètes, il est par-
tout. Pas de riche demeure, pas de fête, pas de cérémonie reli-
gieuse, sans prodigalité d'aloès. On en fait des onguents, des
eaux de senteur, on en arrose le sol, on s'en parfume le corps, le
mêlant au sandal, même lorsqu'on marche au combat; on brûle
le bois par place dans les lieux publics. — Grâce aux tributs,
l'Assyrie de loin suivait ces traces : ainsi Assarhadon, relevant
avec solennité à Babylone le temple de Bit-Sagattu, dit: « J'ai
brûlé des bois d'aloès. » L'Egypte s'en procurait.
Les noms de la gomme odorante nous ont à leur tour révélé
les propriétaires et vendeurs. Elle est appelée Kauçika, désigna-
tion lumineuse, puisqu'elle rattache le produit au Koush de l'E-
den, et à elle seule fait présumer que Koush et 'Havil ah, tous
deux producteurs de la gomme rare, c'est-à-dire l'Eden lui-même,
se trouvaient là. On la dit encore Siva, et Siva est également un
Kauçika et un Kuçala, Kiimbhâ ou Kumbhinî (actuellement dans
le Guzrat, les Kumbhis habitèrent d'abord l'Inde supérieure),
Daitya-meda-ja, « née de la moelle des Daityas » (1), An-Arya-ja,
« produit des An-Aryas » ou des sauvages
indigènes MIechhas.
Tous ces noms qui, avec intention marquée, désignent des Cha-
(1) Ces Daityas représentaient des indigènes sous la métamorphose des démons ou
Asours, Madhou et Kaitâbha.
LE SITE DE L'ÉDEN 39
(1) La langue actuelle des lieux, l'hindoustani, a conservé de l'ancien parler des élé-
ments qui éclairent, et que possèdent aussi les autres langues chamitiques, comme l'é-
gyptien. Bdellium signifie amas, coagulum, gomme, et l'hindoustani a toujours batornâ
amasser, batolan amas, coagulum, pâthdn bdellium.
•40 REVUE, THOMISTE
(i) Les Darvas sont généralement associés aux Abhi-sâras, qui étaient près des Dardes
dans les régions koushito-himalaj'enncs. — Les Paradas allaient avec les gens de
l'Hindou-Koush. — Les Vâhlikas ou BâhWcas étaient avec les Bactriens, habitants de
Balkli ou Bactra, près de l'Oxus, qu'Aristote appelle le fleuve de Bactres. Nous avions
dit que la Bactriane expédiait du bdellium, la voilà dans les Epopées indiennes. Manou
nomme aussi les Kirâtes à côté des Shines, des Dardes et des Khâças (X, 44). Le Vana-
parva leur attribue le même voisinage (st. 12349-12359). — Tous ces peuples circonscri-
vent donc les sites qui nous intéressent dans le nord-ouest, au cercle du Kaboul, du
haut Indus et des monts du nord.
(2) Adi-parva, st. 1177, 1209, 1210, 1332 à 1340, etc.
(3) Les objets livrés par nos montagnards sont ceux que dans les empires 'éloignés,
Babylone et Assj'rie, Phénicio, Palestine, Arabie, Egypte, Perse, on voit reparaître
Comme raretés exotiques. — Les dires du Sabha-parva. vérifient, en les complétant, ceux
de la Genèse, non seulement en ce qui concerne le site de l'Eden, mais en ce qui est
relatif à l'exportation et à ses marchandises. — Parmi les « oiseaux et quadrupèdes
étrangers, » on comptera les faucons, iâsh, les paons, les cynocéphales, les chiens énor-
mes, et avec l'éléphant, son ivoire.
LE SITE DE L'ÉDEN 43
(t) Lih. II, cap. i, cap. n (Migne, Palrol. grec, t. XVIII, 1132, 1133).
(2) In Hexameron, homil. II, 4, édit. Gaume, t. I, 22. Saint Basile s'exprime ailleurs de
la même manière répétant les mômes termes (Sermo I De virtutc et vitio, n" 8, édit.
Gaume, t. III, 694).
HEVUE THOMISTE. 3° ANNÉE. — 4.
SO KEVCE THOMISTE
(i) « lïst enim disconvenions Deo, ut ejusmodi poteslate sit prueditus, qua noceat, j
et obsit, prodesse vero, ac benefacerc nequeat. Qnae igitur ratio, quao spes salutis, ?
hominibus proposita est, si maloram taatummodo auctor est Deus ? » (Cap, m.) '
SAINT AUGUSTIN CONTRE LE MANICHÉISME DE SON TEMPS 33
telle sorte que ce sont les auteurs latins qu'il [faut interroger
quand on veut connaître et mesurer la faveur dont il a joui
auprès de la postérité. Ici, d'ailleurs, nous n'étudions pas son
influence générale. Il s'agit simplement de 'savoir quel accueil 1
a été fait à sa doctrine sur la nature du mal. |
(1) n<Sç ouv &% àvâYX7i; £!. tô «yaOàv, xai xh xay.ov ; Ennea., lit). VIII, cap. vu. H
fit
SAINT AUGUSTIN CONTRE LE MANICHÉISME DE SON TEMPS 55
(1) Dialog. de casu diaboli, cap. xi : Migne, Patr. lat., t. CLVIII, 341.
(2) Liber de eonceptv virginali, cap. v : Migne, Patr. lat-, t. CLVIII, 439.
SAINT AUGUSTIN CONTRE LE MANICHÉISME DE SON TEMPS. 59
£3?
60 REVUE THOMISTE
II
LES SYSTÈMES
[Suite.)
wv«-
62 REVUE THOMISTE
I. — L'évolutionjsjnie de l'Inconscient
,
en le comparant à ses prédécesseurs matérialistes, le Stagyrite
dirait sans doute qu'il ressemble « à un homme à jeun parmi des
gens ivres ».
2° Le principe qui réalise la finalité nécessaire à l'évolution est une
idée-volonté inconsciente, immatérielle.
A. — C'est une volonté.
M. Ed. de Hartmann prend ce terme dans sa plus large signi-
fication. C'est l'cps^tç d'Aristote, Yappetitus de saint Thomas, qu'il
faut bien distinguer de l'appétit rationnel ou volonté humaine.
M. de Hartmann fait une charge à fond contre ceux qui restrei-
gnent le sens de ce mot à la volonté humaine. Pourquoi « don-
ner aux mêmes fonctions que l'homme accomplit des noms diffé-
rents quand elles se rencontrent dans les animaux, et substituer
alors aux mots manger, boire, enfanter, ceux de dévorer, de
s'abreuver, de mettre bas » ? Cette apostrophe ne s'adresse pas
aux thomistes qui admettent dans tout être un certain vouloir
naturel, distinct du libre arbitre.
Ainsi entendue, l'existence d'une volonté comme principe de
l'évolution se déduit de l'existence de la finalité précédemment
établie. D'où peut venir, par exemple, la rencontre des conditions
nécessaires à la vision : « Ici le lîl de la causalité se rompt entre
nos mains si nous ne recourons pas à la supposition très simple
et très naturelle que la cause est la volonté de produire la vi-
sion. » Et plus loin : « L'oiseau couve parce qu'il veut couver.
Nous devons nous contenter de ce maigre résultat de notre
recherche et renoncer à toute autre explication ; ou il faut nous
demander pourquoi l'incubation est voulue. La réponse ne peut
être que celle-ci : parce que le développement et l'éclosion du
jeune oiseau sont voulus ». Pourquoi sont-ils voulus ? « Parce
que la propagation de l'espèce est recherchée ; et celle-ci de
nouveau, parce que la longue durée de l'espèce en dépit de la
brièveté des existences individuelles est aussi voulue (1). »
La fin préexiste donc comme volonté, c'est-à-dire dans une
inclination naturelle et primitive. Cette manière de concevoir
les choses, le mot de volonté mis à part, représente, bien la pensée
d'Aristote lorsqu'il définissait la nature : le principe du mouve-
(1) Inconscient, Introd., II, trad. Nolcn, p. 57.
t'ÉVOLUTIONISME ET- LES PRINCIPES DE SAINT THOMAS 67
IL — Le système.
Concluons.
Nous retenons, sans réserve, du système de M. de Hartmann,
sa démonstration de l'existence des causes finales. Sa théorie
de la génération hétérogène nous semble susceptible d'être
interprétée rationnellement.
Nous nous refusons absolument à la conception contradictoire
de l'Inconscient comme PUn-Tout. L'Univers est un, d'une
unité d'ordre et non d'une unité formelle et individuelle.
Les êtres qui le composent sont distincts individuellement et
spécifiquement. Chacun d'eux est constitué intrinsèquement par
une sorte d'idée volonté, immatérielle en elle-même, mais unie
intimement aune matière dont elle est la forme. Cette idée volonté
(A suivre.)
Fr. A. Gahdeil, 0. P.
II
111
Patrum interfuisse Thomam et pênes proefuisse dixeris, adversus errores Groecorum hoeretico-
fum et Tationalistarum ineluctabili vi et faustissimo exitu decertanlevi » (Encycl. JEterni
Patrie). Mais si nous devons nous ou rapporter à M. le chanoine Jules Didiot, saint
Thomas a combattudans lo Concile du Vatican contre îcs hérétiques et les rationalistes,
• et
ensuite contre l'article 5 de la Iro question do la Sccunda secundte.
i
(1) a Cr&dere enim oportel accedentem ad Deum qhia est » (Ad Hebr. c. XI, 6). Comment
échapper à une si évidente démonstration ? Uniquement par une erreur de méthode, où
nous regrettons que le Docteur Angélique soit lui-même tombé. Au lieu de dire:.Le
texte est formel, donc ma théorie doit être mise d'accord avec lui ; — il a dit implicite-
ment : Ma théorie est formelle, donc le texte lui doit être accommodé... » Cela s'appelle
enseigner l'exégèse et la logique surnaturelle au pauvre saint Thomas qui ne savait pas
'même que : « Sancta catholica apostolica romana Ecclesia crédit et confUetur uimiii esse
Deum verum et vivum » (Sess. III, cap. I Cône. Vatic). « La controverse de l'école n'est
donc plus Hère, du moins autant qu'elle pouvait l'être encore avant le Concile du Vati-
can. » — De sorte que avant le Coi.cile du Vatican l'Kglise catholique apostolique ro-
maine ne croyait pas au moins explicitement ni no confessait qu'il existe un seul vrai
Dieu! Et je dis cela parce qu'il faut pieusement supposer que saint Thomas, quand il
' écrivait la Somme, n'y aurait rien enseigné de contraire à ce que tout chrétien doit croire
d'une foi explicite. Mais qu'y faire ! « Défaillances momentanéesd'un grand génie, desquelles
personnelle devrait jamais s'autoriser ». — Cours de théologie catholique, par M. le cha-
noine Jules Didiot : Logique surnaturelle subjective, théorème LXXI, n. 479 et 481.
EL P. ZEFERINO 93
IV
SUR
L'INSPIRATION SCRIPTURAIRE
très auteurs. Et dès lors, si Dieu n'est pas tout l'auteur de l'E-
criture, comment concevoir, comment admettre qu'il soit l'au-
teur de tout ?
D'autant plus — et on insistait beaucoup sur cette dernière
raison — que tout n'est pas satisfaisant dans l'Ecriture. On y
trouve, de l'avis des meilleurs critiques, bien des points qui ne
conviennent pas, soit quant aux choses qu'on y rapporte, soit
quant à la manière de les rapporter. — Ne serait-ce donc pas
outrager les infinies perfections de Dieu que de vouloir, par un
rigorisme mal entendu, J'en rendre responsable?
La réponse était dans saint Thomas : « Dieu, avait dit le
saint Docteur, est Vauteur principal de V Ecriture, l'homme en a
été l'auteur instrumental » (1). — Il eût suffi de prendre garde à
ces paroles, de les entendre dans leur vrai sens ; et du môme
coup, on aurait eu la notion exacte de l'Inspiration scripturaire,
on aurait précisé nettement la part d'action qui convenait à Dieu
et celle qui revenait à l'homme. La chose était facile, du reste,
puisque saint Thomas avait pris soin d'expliquer lui-môme ses
paroles.
« La cause efficiente, nous dit-il, se divise en cause princi-
pale et cause instrumentale. La cause principale est celle qui
opère par la vertu de sa forme à laquelle est assimilé l'effet;
c'est ainsi que le feu, en vertu de sa chaleur, chauffe. La cause
instrumentale, elle, n'agit pas par la vertu de sa forme, mais
seulement par le mouvement dont la meut le principal agent ;
d'où l'effet n'est pas assimilé à l'instrument, mais à l'agent
principal ; tout comme le tableau n'est pas assimilé au pin-
ceau, mais à la forme artistique qui est la pensée de l'ar-
tiste (2). » — Non pas toutefois que, dans la réalisation de
l'oeuvre, la forme propre de l'instrument soit inactive. Non, car
« l'instrument a deux actions : l'une, instrumentale, selon
laquelle il opère, non en sa vertu propre, mais en la vertu du
(1) « Auctorprincipalis Scripturoe sacrai est Spiritus Sqnctus... Homo autem fuit auctor
instrumentons. » D. Tir., quodl. vie, art. 14, ad Sm.
(2) « Dicendum quod duplex est causa agens : principalis et instrumentons. Principalis
quidem operatur per virtutem suaiformie cui assimilatw effectua ; sicut ignis suo calore calefa-
cil. Causa vero instrumentons non agit per virtutem suoe forma, sed solum~~FRRjBotujji quo
moviïtur aprincipali agente; undeeffectus non asshnilatur instrumente sed^jp,r'ii\cipaWJMgenti;
sicut lectvm non assimilatur securi sed arti quoe est in mente arti/icis^»' S. Tu. III»-gar^;,
quoest. 62, art. I. ! ;;-"" ^k ^
\
BEVUE THOMISTE. — 3e ANNÉE. — 7. '
\:>"_}.
\ : \ '< *
,
I
m»
98 REVUE THOMISTE
(1) Instrumenturn hahet duas actiones: unam, instrumentaient, secundum quam operatur
noniit virtute propria sed in virtuteprincipalis agentis;aliam autem habet actionem propriam
quoe competit sibi secundum propriam formam : sicut securi competit scindere raiione suoe acui-
tatù,facere autemlectum in quantum est instrumenturn artis ; non autem perficit instrumen-
lalemactionem nisi exercendo actionem propriam : scindendo enimfacit lectum, » S. Tu., IIla
pars, quoest. 2, art. i, ad 2°'.
UNE PENSÉE DE SAINT THOMAS SUR L'INSPIRATION SCRIPTUIÎAIRE 99
(t) « Niltil admodiim refert Spiritum sanctum assumpsisse homines tanquam instrumenta ad
scribendum, quasi non qnidem primario auctorl sed scriptoribm inspiratis quidpiam falsi
elabi pctuerit. » (lîncyclique Providentissimm Deus.)
102 BEVUE THOMISTE
que tout ce qui est défini par eux doive être tenu, jusqu'au
moindre iota et jusqu'au moindre accent, comme défini par
Dieu môme. S'ensuit-il, comme certains auteurs ont voulu l'ob-
jecter, que, s'il en était ainsi, dès là qu'on aurait perdu l'auto-
graphe des Livres saints, nous n'aurions plus aujourd'hui le Livre
de Dieu? Assurément non. C'est là une exagération et une erreur
devant lesquelles un esprit sérieux ne saurait s'arrêter. Encore
môme, en effet, que nous n'ayons plus les autographes de nos
saints Livres et que ces autographes seuls aient été faits par
Dieu, il n'en est pas moins vrai de dire que tout exemplaire de
l'Ecriture, dès l'instant qu'il reproduit ou qu'il traduit le pre-
mier, est vraiment, lui aussi, la Bible, le Livre de Dieu. A-t-on
jamais douté que l'Iliade d'Homère ou l'Enéide de Virgile ne
fussent plus parmi nous, sous le beau prétexte que les auto-
graphes de ces ouvrages ont depuis longtemps disparu et que les
exemplaires qui nous en restent n'ont pas été écrits de la main
même de ces auteurs? Mais ce serait ridicule.
De même donc que la reproduction ou la traduction d'un livre
des auteurs anciens n'empêche pas que ce livre reproduit ou
traduit ne passe vraiment pour le livre de l'auteur qui a composé
l'original; de même aussi la reproduction ou la traduction de
nos saints Livres ne sauraient empêcher que chacun de ces exem-
plaires reproduits ou traduits ne soit tenu, en toute vérité,
pour le Livre de Dieu.
Il est vrai qu'il ne sera pas toujours facile de déterminer si les
exemplaires que nous avons de la Bible sont l'expression fidèle et
adéquate des premiers autographes. Mais ce rôle, qui est celui de
la critique, pour être ingrat, ne saurait être infécond, et l'on peut
travailler avec l'espoir fondé d'obtenir les plus précieux résultats.
L'Église, d'ailleurs, qui veille toujours avec une tendresse de
mère au bien de ses enfants, a pris soin de ne pas laisser entiô- •
s'offrait déjà aux fidèles avec des titres bien capables de lui con-
cilier leur confiance. Elle l'a choisie et déclarée authentique. Non
pas que celte version soit de Dieu, ni qu'elle soit parfaite en tous
points, ou même qu'elle soit pour tout, dans une conformité abso-
lue avec le codex original. Mais l'Eglise l'a jugée suffisamment
bonne pour que, à défaut de la source dont l'accès reste tou-
jours ouvert, ceux à qui l'accès en devenait trop difficile ou
même impossible pussent encore élancher leur soif de vérité
dans des eaux assez pures, où ils ne trouveraient ni le poison de
l'erreur, ni l'infection du vice.
II
(I) « Non sic idem effectus causcc naturali et divinoc virtuti attribuitur quasi parlim a
Deo partim a naturali agentefiat; scd totus ab utroque secundum alium moiium; sicut
idem effectus totus allribuitur instnimento et principali ngenti eliam totus. » I). Tir. Sum.
cont. Geid. lib. III, c. 70 in fine.
UNE PENSÉE DE SAINT THOMAS SI'IÎ L'INSPIRATION SCRIPTURAIRE 107
quer les efforts des plus nobles esprits. Nous en avons pour
e l'admirable travail d'Origène, dans ses Hexaples ; de saint
ie, dans ses incomparables recherches ; du cardinal Ximé-
ians sa Polyglotte. C'est que, de tout temps, l'Eglise a
*is que le premier travail à faire, en ce qui louche l'Écri
-
îtait de s'assurer de la pureté du texte et de chercher à
', autant que faire était possible, tel qu'il a dû sortir des
de Dieu.
travaux de l'exégèse, eux aussi, ne peuvent qu'être faci-
t fécondés par une telle notion de l'inspiration scripturaire.
Est-ce à dire que cette conception d'une logique réelle ne soit pas
susceptible d'une interprétation acceptable? Loin de là. Si l'on veut
appeler de ce nom ce que les anciens scolastiques nommaient la logique
matérielle, -rien n'est plus légitime : les mois ne disent jamais que ce
qu'on veut leur faire dire, et celui-ci n'est pas trop mal choisi. Mais par
malheur il y a loin de la logique matérielle des scolastiques à la logique réelle
de M. du Roussaux.
La logique matérielle, telle que l'a conçue Aristote dans ses Seconds Ana-
(2) Logique réelle, préliminaires.
NOTE SUR L'OBJET ET LES DIVISIONS DE LA LOGIQUE 117
thomistes, ont suivi plus ou moins ces errements, il faut le regretter, bien
que- la chose n'ait pas une extrême importance. Y eût-il sur ce point une
« tradition », ce qui est loin d'être exact, ce serait agir sagement que de
protester contre elle. La tradition qu'il faut suivre, ce n'est pas celle qui
embrouille et confond toutes choses ; c'est celle qui met à leur rang et dans
leur vraie lumière les connaissances que l'esprit humain s'est acquises;
c'est celle des Aristote, des Platon, des Albert le Grand, de Thomas
d'Aquin, législateurs nés de la philosophie et de la science. Pour ces
grands esprits, la méthode fut une préoccupation constante. Il suffit par
exemple d'ouvrir la Métaphysique pour voir à quel point le Stagyrite est
soucieux de faire sa part très exacte à chaque science. Il avait j:>our
cela ses raisons, et nous préférons nous en rapporter à lui qu'à ces
esprits inquiets, impatients de toute règle, qui nous ont poussés depuis
dans mille chemins de traverse. Nous ne voyons pas la nécessité, sous
prétexte d'être complet, de mêler perpétuellement des questions dis-
tinctes, de dire tout ce qu'on sait à propos de tout ce qu'on écrit. C'est là
un procédé indigne de la science, et en particulier de la science logique.
Puisque le logicien fournit à tous des méthodes, il doit être homme de
méthode plus que tous.
Ce n'est donc pas faire injure à M. du Roussaux que de dire qu'il n'a
pas tout à fait compris l'objet véritable de la science qu'il traite. Nous lui
accordons volontiers le bénéfice des circonstances atténuantes : il n'est
pas le seul ; mais nous ne sommes pas non plus les premiers à protester
contre cette confusion regrettable. Sans vouloir, encore une fois, y
attacher plus d'importance qu'elle n'en mérite, nous avons cru bon de la
signaler à l'attention de nos lecteurs.
Jeux premiers lui appartiennent non pas précisément en tant que raison,
mais en tant qu'elle est un intellect. Le premier, c'est l'intelligence des
notions simples et incomplexes, selon laquelle on se rend compte de ce
qu'est une chose. Cette opération est appelée par quelques-uns information
de l'esprit ou imagination intellectuelle. Et à cette opération de la raison se
rapporte la doctrine d'Aristote au livre des Prèdicamsnts, La seconde
opération de l'esprit est la composition ou la division qu'opère l'intelligence
et où se trouve cette fois le vrai ou le faux. Et à cet acte de la raison sert
la doctrine exposée par Aristote dans le livre intitulé Pèrihermênias.
Enfin le troisième acte de la raison s'exerce à l'égard de ce qui est jïropre
à la raison, à savoir le passage d'une notion à une autre, de telle sorte
que du connu elle arrive à la découverte de l'inconnu. Et à cet acte se
.rapportent tous les autres livres de la Logique. »
Nous laissons de côté la suite du texte où saint Thomas entre dans le
détail des subdivisions. Il ne s'agit, entre M. du Roussaux et nous, que
des divisions fondamentales.
Ces divisions, telles qu'elles sont formulées par saint Thomas d'après
Aristote, sont-elles rationnelles? M. du Roussaux ne le pense pas. Il nous
semble cependant que la raison fournie d'un mot par le saint Docteur
n'est jjas trop mauvaise. Ne convient-il pas, en toute chose, qu'il s'agisse
de division ou de quoique ce soit, d'employer le procédé qui doit conduire
le plus sûrement au but ? C'est donc de la considération du but que se
propose une science, ou, ce qui revient au môme, de la raison formelle
sous laquelle cette science envisage son objet, qu'il faudra partir pour la
diviser.
Or quel est ici le but quelle est la raison formelle? Le but, c'est de diriger
l'esprit dans ses opérations à l'égard de la vérité ; la raison formelle, c'est
cette aptitude même qu'ont les opérations de l'esprit à être dirigées. En
conséquence, nous devrons avoir en logique autant de traités distincts
qu'il y aura d'opérations de l'esprit susceptibles d'une spéciale direction.
Ajoutons que ces divers traités devront être ordonnés entre eux de telle
manière que la science procède du simple au composé, des notions plu.s
communes aux notions plus spéciales. C'est ce qu'a fait Aristote et après
lui saint Thomas d'Aquin en donnant à la Logique trois chapitres : simple
appréhension,jugement,, raisonnement.
Qu'objecte à cette façon de faire le philosophe que nous critiquons ?
Rien de bien convaincant, comme on va le voir. « Placer le but, dit-il, le
jugement, en copartie avec les moyens, appréhension et raisonnement,
c'est contrevenir aux règles de la division, » S'il en est ainsi, pourquoi
M. du Roussaux lui-même divise-t-il sa logique déductive en Termes,
Propositions, Syllogismes ; son ouvrage entier en Formes déductives, Formes
120 REVOE THOMISTE
logique. Ce n'est donc pas « pour leur contenu dialectique » que sont
étudiées les trois opérations de l'esprit; c'est pour tout leur contenu, ce qui
n'ernpèche nullement, nous l'avons dit, de considérer à part, dans un but
d'utilité pratique, les lois de ces opérations au point de vue dialectique
et au point de vue réel;
Ce qui a fait l'erreur de M. du Roussaux, c'est que le mot terme, comme
le mot proposition, est susceptible de plusieurs sens. Pour ne parler que
de deux, le mot. terme peut être pris comme signifiant un concept isolé,
animal, plante, homme, etc., ou comme signifiant ce même concept devenu
élément d'une proposition. C'est dans ce dernier sens qu'Aristote définit
le terme « ce en quoi se résout une proposition comme dans son sujet ou
son prédicat. » -^ De même le mot proposition est équivoque. Il peut
signifier un simple énoncé de jugement, et il peut signifier une prémisse
•de syllogisme considérée comme telle. Dans le premier cas. on dit plus
exactement ènonciatimi.
Or M. du Roussaux a confondu ces divers sens, et c'est pourquoi il
croit pouvoir s'abriter, pour justifier sa propre méthode, derrière l'auto-
rité d'Aristote; mais c'est en vain. Pour Aristote, comme pour saint
Thomas, il n'est pas question de termes dans le traité de la première opé-
ration de l'esprit, et il n'est pas question de •propositions dans la seconde,
au sens où M. du Roussaux entend ces mots. Ce qui le prouve clairement,
c'est qu'après le traité des Prédicamcnts, qui se rapporte à la première
opération, Aristote s'occupe des termes, nom et verbe, au début du
-Pèrihermènias, et qu'après.avoir étudié les énonces de jugements dans ce
dernier livre, il revient, dans les Analytiques, au traité de la Proposition.
La division selon les trois opérations de l'esprit n'a donc pas le sens
que lui prête l'auteur des Eléments de logique; c'est une division générale
dans laquelle entre toute la Philosophie rationnelle, et non pas seulement
la théorie abstraite du syllogisme déductif. Cette division d'autre part est
excellente, ainsi que nous l'avons montré, et si quelque autre pouvait lui
être substituée avec avantage, nous persistons à croire, même après les
explications qu'il nous donne, que ce n'est pas celle de notre auteur (1).
Nous avons d'abord remarqué contre elle que les Termes, dont M. du
Roussaux fait une sous-division de la logique déductive, appartiennent
aussi bien à l'induction qu'à la déduction. L'auteur nous reproche cette
(1) Le philosophe que nous citions, plus haut, Mgr Mercier, divise sa Logique selon les
quatre causes de ce qu'il appelle 1''Ordre logique. Cette division est très acceptable dans
-
l'ensemble, bien qu'elle tombe, en certains détails, dans quelques-uns des inconvénients
.
que nous signalons ici. Dureste, si l'éminent professeur s'écarte de la division classique,
ce n'est qu'après lui avoir rendu justice complète ; il n'est point, on le voit, de l'avis de
M. du Roussaux.
NOTE SUR L'OBJET ET LES DIVISIONS DE LA LOGIQUE 123
(1) M. du Roussaux prétend que le traité des Catégories n'appartient pas à la logique.
C'est qu'il n'a pas vu que les Catégories représentent deux choses : Tordre des réalités et
l'ordre de nos concepts. Sous lepremier rapport, elles relèvent delà philosophie première
qui étudie les principes de l'être; sous le second, de la philosophie rationnelle qui étudie
les principes de la pensée. Comment définir si l'on ne sait flans quels cadres généraux
doivent se ranger les notions particulières que nous fournit l'expérience? Or apprendre à
définir est dans le rôle du logicien. — Quant aux Prédicables, l'auteur concède qu'ils ap-
partiennent à la logique et il annonce qu'il en traitera à propos de la définition. Nous
allons au chapitre de la définition : nous y trouvons en effet les noms des prédicables,
mais sans explication aucune. On ne trouve même pas bon de nous dire ce que c'est
qu'un genre prochain et une différence dernière. On nous renvoie pour cela au chapitre de
la classification (!) où l'arbre de Porphyre est introduit à titre d'exemple.
.
124 REVUE THOMISTE
arrivé ainsi, à vrai dire, à une division peu différente; le syllogisme com-
posé fût simplement demeuré en compagnie de son semblable le syllo-
gisme catégorique, au lieu d'être distingué de lui, ce qui ne saurait s'ad-
mettre, au môme titre que du jugement et des simples notions. En tout
cas, on ne fût pas tombé, relativement au principe d'où la division pro-
cède, dans le défaut même que l'on reproche — à tort — à la division des
anciens.
On trouvera sans doute bien longue celte discussion, étant donné sur-
tout le médiocre intérêt qu'elle présente. Nous avions voulu précisément
l'éviter au lecteur et c'est pourquoi nous nous étions borné, dans un pre-
mier compte rendu, à quelques réflexions sommaires sur les points défec-
tueux des Eléments de Logique. Nous ne demandions qu'à nous en
tenir là si on ne nous avait en quelque sorte mis en demeure. L'auteur a
préféré avoir, dans la Revue même, quelques explications complémen-
taires; nous avons cru devoir accéder à son désir.
Evidemment les critiques que nous formulons ici n'ont pas une impor-
tance capitale.
Etant admis qu'il fallait parler logique, nous eussions préféré qu'il
s'agît d'une question de fond, comme l'induction, la classification des
sciences, et plus d'une autre matière sur laquelle nous ne partageons pas
davantage les idées de l'auteur.
Du reste, nous tenons à le dire en terminant, les divergences de vues
dont nous parlons n'altèrent en aucune façon noire respect et notre estime
pour le professeur de l'Institut de Bruxelles. Chacun travaille pour la
vérité à sa manière, et, si ce n'est dans la vie éternelle, je crois bien que
deux philosophes ne s'entendront jamais.
Fr. D. Sertillanges, O. P.
P. Albehto Lepidi, O. P. La Oritica délia ragione jpura secondo Kant
e la vera Jïïosofia. Roma, Befani, 1894.
(1) Une traduction française de l'ouvrage du Père Lepidi sera publiée prochainement
chez Letlnelleux.
128 REVUE THOMISTE
H) Page 34.
(2) Page 47.
11EYUE THOMISTE. 3e ANNlilï. 9.
130 kevuk thomistk.
correction delà forme, inondent vos récits d'une douce lumière; l'ordre et
la mesure leur impriment le mouvement et la vie ; l'unité, la variété eh
soutiennent et ravivent l'intérêt. Quel plaisir, en vous suivant, de voir
Catherine défendre les intérêts des hommes du peuple ou refréner leurs
convoitises; soutenir les droits des grands ou réprimer leurs ambitions,
encourager les vertus des clercs ou réprimander leurs vices ; et enfin
Conseiller le Souverain Pontife lui-même ouïe prémunir contre ses propres
défaillances ! Mais ce n'est encore qu'une partie de son rôle : la source
d'où procède cette puissance échappe à notre regard, et pour la décou-
vrir vous ne craignez pas de nous faire entrevoir les mystérieux abîmes
d'où elle jaillit.
Les visions, les extases de notre Sainte sont des faits, et ces faits com-
mandent la conscience d'un historien fidèle. Vous ne vous êtes pas
dérobée, Madame, aux obligations de ce devoir, et vous -n'avez rien
caché, rien dissimulé des mystères intimes de la grâce. On dirait même
que ce sujet a pour vous un attrait spécial, et votre nouvelle édition accuse
un véritable progrès dans la connaissance et l'expression des manifesta-
tions divines. Aussi j'admire la sûreté de votre main, et je me demande
si, du ciel, votre soeur ne l'aurait point parfois dirigée.
Fidèle à votre méthode, vous rapportez et narrez les événements, vous
les replacez dans leur cadre naturel, et de leur enchaînement historique
ressort aussitôt leur ordonnance logique. Sans effort nous admirons les
vertus de la vierge et de la religieuse, nous écoutons les enseignements
de l'apôtre et, témoins de ses luttes, nous partageons les craintes ou les
espérances du profond politique. La raison captivée s'abandonne aux
charmes des harmonies divines et suit, sans irop s'offenser, les phases
progressives des visions surnaturelles. Puis le récit n'anime, le souffle
qui l'échauffé nous entraîne, et soudain nous apparaissent les scènes du
Thabor et du Calvaire : Dieu lui-même se révèle et, dans une secrète
épouvante, nous contemplons le Christ Jésus sous les traits de la Sainte.
L'union de la créature et du Créateur est enfin consommée et la vie nous a
livré le secret de sa fécondité : c'est la lumière et l'amour, disons avec
Paul : la folie de la Croix.
Vous n'avez donc pas rougi des excès de notre Sainte, Madame, et avec
ses triomphes, vous avez montré ses abaissements : j'en suis heureux, car
ses infirmités la rapprochent de nous et font, mieux comprendre à tous la.
leçon qui se dégage de son histoire. Sans doute votre style, toujours
simple, clair et concis, ne s'attarde pas à des réflexions ou digressions
morales qui souvent surchargent le récit et fatiguent l'attention; mais les
rapprochements naissent d'eux-mêmes et les applications pratiques se
présentent en foule à l'espri), Grâce à vous, Madame, notre modèle vil,
NÉCROLOGIE 133'
parle, agit sous nos yeux; et, pour nous prémunir contre les présomp-
tions ou les désespérances du siècle, nous n'avons qu'à le suivre ou à le
copier. Vous avez fait une belle et bonne oeuvre, et, au nom des Frères et
des Soeurs de sainte Catherine de Sienne, je vous dis encore une fois
merci.
Daignez, je vous prie, Madame, agréer le témoignage de ma vive satis-
faction et recevoir, comme gage de bienveillance spéciale, ma bénédiction
paternelle.
Fv. Axnm'î Fruhwiiith,
Maître général.
Rome, 3 décembre 1894.
(1) Divus Thomas. Anims XV, volumen V; fasc. 21, 22, p.. 352.
......
(2} Expo&itio principii tradïtï a D. Thoma Àq. ad nàCuravi hirustUjantlaîn. vei waterialifi
et immaterialis. 1882 (Plaisance, Solari),
134 revue thomiste
Die Philosophie des hl. Thomas von Aquin. Gcgen Frohschammer, VIII,
Psychologie. (Forts, von IX, 129.) IX. Ethik und Politik. Von Kano-
nikus Dr Michael Glossner in Munchen, Mitglied der rorn. Akadeinie
deshl. Thomas.
Die Grundprinzipien des hl. Thomas von Aquin und der moderne Socia-
Iistnus V. Das Eigentum. Forts, von IX, 115.) Von Dr. Ceslaus
M. Schneider, Pfarrer in Floisdorf.
(1) De humanoe cagnitwnis modo, origine et profectu ad menlem S. Tfwmoe (Typis Divus
Thomas). —Item : iSupplemeidum (189l) (Plaisance, Solari}. —Risposte ad alcune criti-
che. 1892 (Plaisance, Solari).
(2) Cf. ZifiLiARA, Psychologia, IV, ••. in. ». 7,
(3) Dimis Thomas, ibidem.
SOMMAIRES t)K PÈIUODIQUES ÈTKAN'GKKS 135
Die Neu-Thomisten IV. (Forts, von IX, 152) Von P. Mag. Theol. Gundi-
salv Feldner. Ord. Praed., Prior in Lemberg.
Der Beweis dee Aristoteles fur die Unsterblichkeit der .Seele, .II. (Forts.
von IX, 181. Schluss.) Von Dr. Eugen Rolfes, Rektor in Frauweiler.
Zeitschriftenschau.
Neue Bûcher und deren Besprechungen.
Adresse der Rédaction : Prof. E. Gommer, Breslau.
PHILOSOPHISGHES JAHRBUCH
vin. Jahuganc. 1. niiFT. 1895.
J. AlîHANDLUNCEN.
E. Rolfes, Die vorgebliche Praexistenz des Geisles bei Aristoles.
G. Gutberlet, Ueber Messbarkeit psychischer Acte (Schluss).
J. Nassen, Ueber den platonischen Gottesbegriff (Schluss)
B. Adlhoch 0. S. B., Der Goltesbeweis des hl. Anselm
.
JI. Reciînsionen und Refeuatiï
J. Segall-Socoliu, Zur Verjùngung der Philosophie. Erste Reihe : Das
Wissen vom specifisch Menschlichen, von P. Schanz.
R. Wahle, Das Ganze der Philosophie und ihr Ende, von C. Gutberlet.
Ph. Mainlànder, Die Philosophie der Erlôsung, vorn demselben.
0. Schneider, Transscendentalpsjrchologie, von Fr. X. Pfeifer.
Von der Nalurnothwendigkeit der Unterschiede menschlichen Handelns,
C. Gutberlet.
L. Kuhlenbeck, Giord. Bruno's Dialoge vom Unendlicb.cn, von Joli.
Uebinger.
A. Drews, Kant's Natur philosophie als Grundlage seines Systems, von
Th. Achelis.
E. v. Hartmann, Kant's Erkenntnisstheorie und Metaphysik in den vier
Perioden ihrer Entwickelung, von AI. Schmid.
III. Philosophischer Sprechsaal
À. Linsmeier S. J., Die Goppernicanische Hypothèse und die Sinnestâu-
schungen. (Erwiderung gegen Isenkrahe.)
IV. Zeitschriftenschau.
Vierteljahrsschrift fur wissenschaftliche Philosophie. Philosophische
Monatshefte. Zeitschrift fur Psychologie und Physiologie der Sinnes-
organe. — Zeitschrift fur Philosophie und Pâdagogik. Revue thomiste.
V. MISCRM.RN UND NACHRICHTKN.
Eine Beschrânkung des zweiten Hauptsatzes der Wârmetheorie
— Das !J
136 R10VUE ïUOaUISTK
LA CIUDAD DE DIOS
Le Gémant : P. SERTILLANGES.
PAMS. JMPHIMEJUE F. LEVÉ, RU1Î CASSETTE, il.
On sera peut-être surpris que nous appelions le serpent Ten-
tateur à déposer sur l'Eden; mais n'est-il pas introduit, nommé
et mis en relief par la Genèse elle-même, et ne faut-il pas tirer
parti de tous les éléments du problème ? Loin qu'une telle inter-
vention soit nuisible ou superflue, la description paradisiaque
ne peut obtenir son intégrité qu'à la condition de profiter de
cette donnée tout aussi bien que des autres : c'est un complément
indispensable. Au môme titre que l'or et le bdellium, le serpent
tient au pays.
Le reptile, nominativement signalé par la Genèse est le
nakhash. Or Je nakhash n'est pas autre que le très meurtrier
serpent indien, le nâga ou cobra de eapello. Certes ce n'est pas
un inconnu : il fut et reste le plus fameux serpent des Indes,
sinon le plus fameux du monde. Pour nous, qui passons notre
vie au milieu des Hindous', nous avons les oreilles battues
de son nom. Son habitat est dans nos Terres; l'Hiiidou-Koush
et 'Havilah sont ses demeures; et nécessairement il est le com-
pagnon de leurs richesses. Considérons, en effet, avant d'aller
plus loin, et d'entamer une démonstration positive, que tout ce
qui a précédé sur l'emplacement nord-ouest indien du Pays de
Koush et des -produits de 'Havilah, nous empêche de sortir de
la contrée. Là se passe la scène ; et à propos du nakhash, non
seulement rien ne nous oblige à en partir, mais nous sommes,
par de nouveaux motifs, forcés d'y rester.
(1) V. le numéro de mars 1893.
nEVUE THOMISTE, 3B ANNÉE. 10.
—
138 REVUE THOMISTE
(1) Nous avons autre part montré que l'homonymie des deux termes nakhash ne pro-
vient pas, comme le disent Gesenius, Bochart et une foule d'autres, de l'identité- uV
racine, que l'on ne pouvait facilement constater en hébreu, puisque nakhash n'est pas
hébreu d'origine. 11 n'y a que coïncidence. Tandis que le nom du serpent est pris de l;i
morsure, celui de l'enchanteur, avec une provenance tout autre, est de murmurer, mar-
moter (des paroles etformules), siffler. C'est le sens de siffler qui a produit l'erreur. Mais,
en étymologie, il ne s'agissait aucunement du sifflement de la bétc. La distinction <l<s
sens est nette en Polynésie : on dit nahu mordre, d'où nalieka serpent ; mais il y a aussi
nalta, trembler, qui enfante nakeke, murmure, murmurer, parler beaucoup.
,
(2) A Samoa, l'enchanteur du naheka est le vale-vale-i-naheka.
140 REVUE THOMISTE
nuées (Lév. xix, 25, dans l'héb.) ; et encore : « Que parmi vous
»
il n'y ait pas de devin, ni personne qui tire des augures des
nuées et des serpents nakhash» (Deut. xvm, 10, dans l'héb.).
Tous ceux qui connaissaient le nâg n'étaient pas Chamites : il
fui donc, suivant les populations, considéré de manières très dif-
férentes. — Par Moïse dépouillé de son caractère favorable et
divin, il devint diabolique, l'auteur de la perdition, d'une perdi-
tion h môme nom que lui, puisque le radical que nous avons
donné plus haut signifie perdre et détruire. Il a toujours quelque
chose d'extra-naturel. —De même, les Aryas, peu admirateurs
des dents envenimées, ne se contentèrent pas de vouer au feu et
à la voracité de l'aigle Garuda les serpents et leurs disciples ho-
monymes, ils les précipitèrent au Pâtâle (1). Et toutefois, Lien
qu'aux enfers, les Nâgas restèrent de divins reptiles. Us y sont
représentés, dans le Mahâ-bhârate et les Pourânes (2), comme
éblouissants de pierreries, habitant de magnifiques palais, et li-
vrés en leur souterrain séjour à des joies et délices qui dépassenl
môme celles du ciel d'Indra, Ce luxe, ces palais, dépeignent au
naturel et l'esprit sensuel des fils de Cham, et l'aspect de leur
pays. Il est à croire qu'ils mirent Ja main à l'enfer d'invention
aryenne et hostile, pour le restituer en paradis.
Nous ne nous sommes pas aperçu que l'espèce très particulière
du serpent de l'Eden ait été reconnue par ceux qui ont traité le
sujet. C'est le serpent in génère que l'on voit : mais cela est loin
de suffire, car la nature à part du reptile est faite pour éclairer
bien des points importants. Quelques-uns de ces points tiennent
aux facultés extraordinaires que les populations prêtaient à l'o-
phidien; d'autres sont simplement géographiques, et néanmoins
du plus grand intérêt.
Ainsi, pour dire encore un mot sur ce dernier point de vue,
l'apparition du nakhash assoit de mieux en mieux l'emplace-
ment édénique. Le terme de nakhash, comme ceux qui l'accom-
pagnent dans l'Eden, Koush, ''Havilah,bdellium et agourou, shoham,
(1) Dans VAdi-parva du Mahâ-b., l'action naturelle et funeste du reptile provoque les
vengeances. Le nàga-clief, Takshaka, tue le roi Parikshit (st. 1703, 1803) ; un autre
mord et fait périr une aimable jeune fille à la veille de ses noces (st. 950). Les Aryas
envoient au feu la méchante race.
(2) Mahâ. 0., Udyoga-parvan, st. 3511 et s. — Vish-pur. 1. II, c. v.
LE SITE DE l'ÉDEN 141
>
(1.) Le nâg lui-même avait pour mère la déesse Kadru, « la brune », mais aussi « l;i.
terre ». '
Des savants (P. Lknohmant, Ilist. anc. de l'Or., t. I.) veulent que les ' Touraniens
aient été les premiers métallurgistes (lu bronze ; et ils envoient chez eux, au désert do
Gobi, le Tubal-Caïn <le la Bible pour y faire son apprentissage. Cette idée vient de ce
que les auteurs attribuent les métaux antiques de la basse Chaldée aux Touraniens,
Schoumers et Accads, « dont les produits, dit-on, l'exemple et l'influence ont rayonné
sur l'Assyrie, la Syrie et l'Arabie ». D'un seul mot l'on peut renverser la théorie, le
mot de nâg. L'étain et le bronze, comme'on vient de le voir, en portent le nom précisé-
ment dans les pays cités, Assyrie, Syrie, Arabie. Sous la variante anna, ils le portent
même chez les Suméro-Accads tenus pour inventeurs. Les inventeurs étaient ceux qui
dans leur langue usuelle, avaient l'expression de nâg avec ses sens multiples. — Une
seconde et une troisième dénomination, kansa, bronze, kastîra ou simplement tira, étain
passés en Assyrie et Arabie, mais où les Accads n'ont rien à voir, doublent et triplent
la preuve.
77VTT
(\) Le Vithnu-purâna II, iv) déduit ainsi les noms clos douipes
(1. :
Jambu-dvîpa. de l'arbre Jamlu (Eugenia Jambu).
Plaksha-d., de l'arbre Plakslia (Ficus religiosa),
Çâlmala-d., de l'arbre Çâlmali (Coton-soie),
Ktiça-d., de l'herbe Kuça (Poa cynosuroidos),
Krauncha-d., de l'oiseau Krauncha (Courlis, Héron),
Çâlca-d., de l'arbre Çûlca (le Tek),
Pushlcara-d., du Lotus ou de la Grue (Pusltkara),
Los Bouddhistes ont un Ch.dma.ra-d., du boeuf châmare (le Yak).
144 BEVUE THOMISTE
gaire, mais un hôte des plus honorables placé par nos Chamites
zoolâtres dans la hiérarchie religieuse, et si grandement estimé
en la première demeure de la race que son culte passa à toutes
les colonies d'Orient et d'Occident.
Que l'on nous permette de nous arrêter un peu à cet être
intéressant. Jamais on ne l'avait vu et placé dans ce Paradis,
qui -pourtant lui appartient; et l'étendue de ses propriétés
n'était pas encore connue. On ne parle guère que du culte de
l'Egypte, mais l'ibis fut vénéré dans l'Inde, dans la Chaldéo-
Babylonie et jusqu'en Polynésie. Les hommes se plaisaient à lui
emprunter son nom pour eux-mêmes et à le communiquer
autour d'eux (1).
En Egypte l'ibis était hab, habu, c'est-à-dire « le pêcheur »,
et plusieurs localités étaient Hab ; Habu, xvc nome de la basse
Egypte; Medinet Habu, ville du iv° nome de la haute Egypte;
Hab, ville de la grande oasis. Nous avons apporté des preuves
multiples et incontestables de l'origine hindo-koushite des
Egyptiens : la parenté étymologique et historique des deux ibis
de l'Egypte et de l'Inde n'est que l'un des cas dans la communauté
des rapports. Le nom hindo-égyptien est devenu celui de toute
l'Europe.
Mais l'oiseau en portait un autre : comme le dieu dont il était
le symbole, il s'appelait aussi Thot ou Tekh; et dans l'Écriture,
les deux, oiseau et divinité, étaient représentés ingénument par
un ibis. Qui n'a vu cent fois le nom de Thotmes ou Thoutmes,
porté par quatre rois de la xvme dynastie et par bien d'autres?
Mais Thotmes signifie « enfant de Thot », et s'écrit par l'image
de l'ibis, suivie de ms, « enfant ». Or le prototype du Thot ou
Tekh égyptien fut dans les Indes, en un lieu cher aux ibis, et
première résidence du peuple de Tak ou Takas ainsi que de
leur dieu, à nom aryanisc Taksk ou Takshaka. La région ren-
ferme encore beaucoup d'emplacements de Tak. Elle eut aussi
pour son oiseau pêcheur le nom correspondant au Tekh ou Thot
égyptien, ainsi qu'on va le voir. Toutefois l'ibis ayant encore
la désignation Kubal, corrélatif du hab égyptien, celle-ci pré-
valut dans le pays. Le pays lui-même, qui avait reçu ce nom
sous la forme de Kabul, le garda, et le garde encore.
(I) Chez nous ne s'appelle-t-on pas Agnès, Colombe, Rose,, etc.?
LE SITE DE L'ÉDEK 145
(1) Abaia est rendu in gentre par un « oiseau d'eau » et, avec un point d'interrogation,
par pélican. Le pélican était en effet naguère très commun vers l'Euphrate. On y voit
aussi Y ibis comata; et celui-ci est protégé parles habitants comme un patron des lieux.
1-46 REVUE THOMISTE
(1) On donne quelquefois une même étymologic à Kaboul et Kapisa ; c'est une erreur
Kaboul ou 'Jlavilah est de liab-hab, poursuivre, chasser, d'où ibis, tandis que Kapisa est
du singe Kapi, lui-même de l«up, couvrir, obscur, brun. Les deux racines se retrouvent
distinctes en Polynésie: 1° apu-h., poursuivre, chasser; 2° kapa. h., couvrir.
(2) Le peuple Anou s'écrivait en Egypte par la figure entière.$u poisson.
132 REVUE THOMISTE
leur convient. Nous allons voir cela pour notre second rensei-
gnement sur la fraternité entre ibis et 'Havilah.
Ce sera le fait annoncé tout à l'heure, que de môme qu'au
« Pays
de Koush » de la Bible répondait un « Kuça-dvîpa »
des livVcs de l'Inde, de même au « Pays de 'Havilah » répond
dans lesdits livres un « Krauncha-dvîpa », qui est son substitut;
en sorte que les deux Terres paradisiaques sont reproduites en
deux douîpes indiens, que l'on peut dire hindo-koushites. La
fidélité de l'image se complète par les circonstances que si les
deux Pays édéniques sont voisins l'un de l'autre, les deux
douîpes le sont également; bien plus, que, au sein même du
Krauncha-dvîpa, est une province de Kuçala.
Parmi les sept douîpes ou divisions énumérées par les Pou-
rânes, et comprenant toute la terre, celui qui confine au Kuça-
dvîpa, séparé de lui par un anneau de mer, est en effet le
Krcmncha-dvîpa. Siva en est le patron. Mais que signifie le
terme sanscrit de Krauncka...'? Le parallélisme est vraiment
admirable : il a le sens à'ibis... de courlis, et encore de
héron (1) ! On vient d'avoir le motif de celte dénotation locale,
c'est la très grande quantité des oiseaux krauncha dans le pays
et principalement dans les montagnes.. Echassiers voyageurs,
les courlis fréquentent en hiver les plages maritimes, et quand
vient l'été ils gagnent les hauteurs. Les oiseaux de ce genre
foisonnaient sur les crêtes innombrables de la contrée, sur le
majestueux pic surtout — il est bon de le savoir — appelé
spécialement Hindou-Koush, et qui, donnant son nom à toute
la chaîne, règne en son milieu étincelant de neiges et de
glaces. Dans la province de Kaboul, au printemps, quand arri-
vent les essaims, les oiseleurs accouraient des environs en cer-
taines vallées connues, et prenaient des chiffres énormes de
lierons, grues, Karkara (sorte de grue), canards, oies et cigo-
gnes. On se représente les stations de myriades d'oiseaux
voyageurs sur certaines îles et côtes où par la suite des siècles
s'est amassé tant de guano. « Les riverains du Bârân, dit l'em-
(1)Krauncha est de Kraimch, crochu, crooked. C'est l'oiseau au long bec recourbé.
Son nom scientifique l'exprime Niiménius arqualus. — Voir sur le Krauncha-dvîpa :
Mahâ-bh., Bhishma-p., st. 458 ; — Vishm-p., liv. IT, iv; — Râmâyana, Kiskindhya-k.,
C. XLII.
(1) ifêm. de Baber, t. I, p. 307 ot suiv. — Nous avons ici pour les Indes et pays voisins
un exemple de ee genre de coiffure, dite sauvage. La Péninsule le goûte encore. Kuça
et nos premiers Kousliites, chasseurs montagnards, la portèrent certainement. Siva, le
Kueala, on avait une belle, qui le faisait surnommer Pakshien, le « porteur de plumes »..
(2) Mahd-bhârata, Vana-parva, st. 14331.
(3) Id. Drona-parva, st. 5529 et S804. — Les flèches volent toujours avec des plumes
de héron ou de paon. La tête de l'archer en porte une parure.
f-'t) Est-ce que le Krauncha plutôt que le Kaboul ne serait pas le véritable 'Jlavilali ?
Dans ce cas,'Hav.ilah remonterait quelque peu au nord, au delà de l'Hindou-Koush,
parmi les vastes attenants orographiques du Pamir. Mais la substitution n'est pas admis-
I/Ë SITE DE L'ÉDEN 155
silile. Les noms s'y opposent les premiers : 'Havilah est Kavela et nullement Krauncha.
Le terme de Krauncha est sanscrit, celui de Kaboul est foncièrement chamitique, "et redi-
sant juste 'IlavilaJt. Il est de si vieille date qu'il a assisté à la fondation de l'iigypte,
i[u'i! s'y trouve plusieurs fois transporté, qu'il l'est en Ethiopie, qu'il l'est dans l'Arabie
jeetanide, dès un âge où il ne pouvait être question du Krauncha sanscrit. Sa célébrité
est bien autrement grande que celle du Krauncha; et tandis que le Pamir est nu,
ilépeuplé, le Kaboul est d'une richesse de végétation exceptionnelle, et porta toujours
une population d'une densité capable de fonder des colonies. Le ''Havilah de ces colo-
nies est évidemment le Kaboul, nullement le Krauncha..
(1) Mahâ-b7i.,-Drona-parva, st. 6821.
(2) Aérien, Indi. 1,
' " I
'
(1) Quantité d'autres pourraient ûlre cilcs : les Rukkurâs « peupic-chien », les Kakat
fit Karatâs « peuple-corbeau », les Mushâlms « peuple-raton voleur », etc. Puis viennent
les sobriquets, les Ashtha-JCarnakâs « aux lèvres courant jusqu'aux oreilles », les Usldra-
Karnakâs « aux oreilles de chameau », les Karna-prâvaranâs « se faisant un manteau de
leurs oreilles », etc. Ne porte-t-on pas chez nous des noms comme ceux de Vaka, Kraun-
èha, Kanka? Quel Français ne connaît ^T. Héron? Quel Anglais ne connaît M. Crâne (la
grue) ? Quel Italien ne connaît M. Cicogna ?
(2) Kavela est le lotus et l'ibis, Pushkara le lotus et la grue, JValina le lotus et la grue,
Aravinda le lotus et la grue, Tâmaraea « qui se tient dans l'eau », le lotus et la grue,
Ainbho-ja « né de l'eau », le lotus et la grue, Ambho-ruh et Jala-ruh « qui s'élève de
l'eau », le lotus et la grue, etc.
En raison de cette communauté de nom, on pourrait se demander si 'Havilah n'expri-
mait pas plutôt la fleur que l'ibis. Mais les motifs qui indiquent l'ibis sont décisifs :
1° Balâka « la grue », père de Kuça, est naturellement.l'oiseau, non la fleur; 2° le
douîpe de Krawiclm « au bec recourbé » est encore pour l'échassier ; 3° Kuvaloa Kuva-
laya, l'homonyme de 'Havilah, sur lequel les héros se livrent à l'équitation avec tant de
plaisir, n'a pas besoin de commentaire. Pour monture les dieux ont tous un animal : on
ne galope pas sur une fleur. Le nom consacré à ce genre de véhicule est, du reste, âçva
relatif au cheval, i" Le dieu Thol, type de la famille, est ibis et non lotus. — 'Havilah
représente donc non la fleur, mais l'oiseau.
'.i.58. REVUE THOMISTE
Tout ce qui précède nous a montré dans les Indes des contrées
pi
r,' à noms d'oiseaux pêcheurs, et en quelque sorte 'Habilites. Accom-
pagné de tant de frères, le douîpe indien et paradisiaque de
i 'Havilah ou des ibis est donc loin d'être fait pour étonner.
On a sommairement indiqué que les sources indiennes donnent
jusqu'à la parenté des deux éponymes, Kuça et 'Havilah. Lors-
que, dans le Râmâyane, le hràhmane Kauçîka Yiçwà-mitra
fait naître son ancêtre Kuça du sein de Brahmâ, il cherche à
le rattacher à la religion'du jour et à son plus grand dieu, il
l'aryanise. Mais Kuça que l'on trouvait déjà, dans l'oeuvre scien-
tifique la plus archaïque que l'on connaisse, celle du Calen-
drier, élevé à la présidence de l'un des mois, avait reçu des
hommages des siècles nomhrcux avant que ne fût imaginé
Brahmâ. Aussi les Pourânes, appuyés sans doute sur de vieilles
traditions, parlent tout autrement que le brahmane de fraîche
date. Pour le Bhâgavat, qui affecte les formes anciennes, Kuça
est petit-fils de Balâka,« la grue », et pour le Vishnou-pourâne
(IV, vu) il est fils de Balâth-âçva, « monté sur une grue ».
L'ibis, ainsi que beaucoup d'autres, jouissait de semblable
privilège : nous avons déjà, contemplé le prince Kuval-âçva, « à
cheval sur un ibis ».
Que l'on pèse cette conformité entre les deux familles, de la
Bible et des Pourânes; elle est instructive :
Pour la première, Koush est père de 'Havilah, l'ibis; pour
la seconde, Kuça est petit-fils de Balâka, la grue. Les rôles
l.E SITE J)E L'ÉDEN 15!»
(1) Le siège des Tâks ou Takkas indique celui du dieu. Pour les livres indiens (Vish-p..
IV, iv. — Vat/u-p.), les Talcs firent partie de l'empire du GandhAre, dans l'angle nord
du Kaboul se joignant à l'Indus. Mais nous pensons légitime de reculer au delà dans le
temps et les lieux, et d'en voir les premières tribus plus à l'ouest, plus à l'ouest même
que la ville de Kaboul. Le peuple-serpent Nâga et les Takhas avec leur dieu-serpent
fllil
1.(50 ' REVUE THOMISTE
« de Dieu, les conciles et. les Pères, il n'y a qu'un seul maître
<(
docilement écouté, c'est le Docteur Angélique; les autres n'ont
« d'autorité qu'autant qu'ils fui sont fidèles ». C'est le sentie
« ment de tous les thomistes. Chacun d'eux pourrait dire
« comme Alvarez : « Pour moi, je n'ai qu'un but qui est d'ex-
pour une bonne part, aux leçons de ses maîtres, à la forte dis-
cipline théologique de l'Ordre dont il fut le disciple. Mais lui'
a-t-on jamais imposé toute faite une seule conclusion? La
direction que l'on a donnée à son esprit s'est-elle jamais recom-
mandée d'une autre autorité que celle des raisons qui l'ap-
puyaient? Dans cette affaire du Molinisme en particulier, M. Gay-
raud pourrait dire si quelqu'un l'a obligé, que dis-je ? l'a seu-
lement invité à intervenir dans le débat ouvert entre les deux
écoles rivales. N'est-ce pas de son plein gré, de son propre
mouvement, par sa seule initiative, qu'il réclama d'entrer dans
la lice où d'autres champions plus anciens que lui rompaient
déjà des lances? Trouvant, peut-être, que Je combat languissait,
il publia, avec autorisation sans doute, mais nullement sur com-
mande, ses opuscules : Thomisme et Molinisme, Providence et
Libre Arbitre. Et si les examinateurs de ses ouvrages ont eu à
lui faire quelques observations, ce n'est certainement pas en vue
de l'amener à. accentuer davantage ses opinions thomistes.
Pour toutes ces raisons nous sommes convaincus, répétons-le,
que M. Gayraud n'a pu vouloir se plaindre d'une prétendue pres-
sion exercée sur son esprit.
Tout au plus, peut-être, aura-t-il voulu insinuer que, comme
tous les hommes vivant dans un milieu déterminé, il avait,
durant son séjour parmi les thomistes, subi inconsciemment une
influence qui le prédisposait à voir les choses d'une certaine
façon, influence dont il se trouve aujourd'hui dégagé. Dans ces
ternies, sa réflexion ne contient rien d'offensant, rien même que
de très juste, à notre avis. Oui; mais, réduite à cette signification,
son indépendance actuelle ne prouve absolument rien contre la
vérité de ses anciennes opinions, et, elle ne saurait être invoquée
comme une cause de progrès scientifique. Car il resterait à démon-
trer que ce milieu dans lequel ses opinions s'étaient formées et
développées était défavorable à la culture philosophique de l'esprit,
à l'épanouissement normal de la véritable doctrine théologique,
à l'interprétation rationnelle de la pensée de saint Thomas. Ce
fut précisément l'erreur de Descartes de vouloir reconstruire
l'édifice de la philosophie en dehors de toute éducation intellec-
tuelle antérieure. C'est encore le sophisme de nos modernes
libres-penseurs, qui veulent chasser l'enseignement religieux de
166 REVUE THOMISTE'
i\
« à
savoir son incorruptibilité de forme substantielle simple et
« complètement subsistante. Voilà le pourquoi réel, antécédent
« immédiat, la raison propter quid de l'immortalité de l'âme
« humaine.
« Cela posé, il me paraît clair que si la causalité efficiente
« de Dieu est la raison propter quid de la prescience divine, il
« s'ensuit que les
décrets déterminants, qui constituent immé-
« diatement la causalité efficiente de Dieu, sont, en dernière
« analyse, la raison explicative, le pourquoi réel, antécédent et
« immédiat de la divine prescience; et les Thomistes sont les
« vrais disciples de saint Thomas.
« Mais si la causalité divine efficiente n'est que la raison quia
« de la prescience divine, alors on ne peut conclure que le der-
« nier fondement de la prescience soit ce qui constitue la cau-
« salité. Dans ce cas, en effet, la causalité serait la preuve que
« Dieu connaît les créatures, en particulier nos actes libres ;
« elle ne serait pas l'explication, le pourquoi, de cette divine
« science... De la sorte, les éléments constitutifs de la causalité
« ne serviraient aucunement à expliquer la prescience; et les
« thomistes fausseraient la pensée de saint Thomas ».
SAINT TIIOMAS ET LE PRÉDÉTERMINISNE 171
; ^ - —
III
(1) Nous citerons plus loin ces textes en les rendant à leur vrai sens.
172 REVUE THOMISTE
(i) Un seul regard sur l'ordre des articles de la Somme Théologique (P. I, q. xtv)
suffirait, au besoin, à prouver que nous exposons fidèlement la pensée de saint Thomas.
« Art. 1er : En Dieu il y a connaissance. — Art. 2 et 3 : Dieu se connaît lui-même par-
faitement. — Art. 4 : En lui, connaître et être sont une seule et même chose identique.
— Art. 5 : En se connaissant parfaitement lui-même, il connaît parfaitement sa vertu
causative, et dans cette vertu causative ;ous les êtres qui dérivent d'elle. — Art. 8 et !) :
La science de Dieu, en tant que déterminée par le décret de sa volonté, est cause des
choses qui sont ou seront; et parmi les choses qu'il connaît, celles-là seulement sont ou
seront dont Dieu par son décret veut ou permet l'existence.
SAINT. THOMAS KT LE PHÉDBTERMINISME 1"5
Pour être juste, je dois faire connaître une raison que donne
M. Gayraud, de l'hésitation, de la réserve qu'il manifeste dans sa
conclusion. Il est bien vrai « que l'idée de nature intelligente est
« étrangère à l'idée de cause en général, mais elle est essentielle,
« immanente, à l'idée de cause première. Il est, en effet, du con-
« cept de la cause première qu'elle soit intelligente. C'est le sen-
« timent exprès du saint Docteur qui, on le sait, prouve l'intelli-
« gence de Dieu par l'immatérialité de la nature divine, et cette
« immatérialité par la notion de cause première : Cum Deus sit
« in summo immaterialitatis , sequitur quod sit in summo
« cognitionis. » (Som. Théol., I P., q. 14, a. 1.) « Unum
« quodque agens agit per suam formam, unde secundum quod
« aliquid se habel ad suam formam, sic se habel ad hoc ut sit
« agens. Quod igitur primum est et per se agens oportet quod sit
« primo et per se forma. Deus autcm est primum agens cum sit
« prima causa efficiens. Est igitur per essentiam suam forma et
« non compositus ex materia et forma.» [Som. Théol., q. 3, a. 2.)
« Voilà pourquoi, ajoute M. Gayraud, il me paraît probable
« qu'en Dieu la causalité efficiente est la raison propter quid de la
« divine prescience des créatures et spécialement de nos actes
« libres futurs. Mais, on doit le reconnaître, saint Thomas ne s'est
« pas clairement expliqué sur ce point. » « J'arrive donc, — dit
l'auteur de l'opuscule en terminant son attaque contre l'école tho-
miste sur la question de la prescience divine, — « j'arrive donc à
« cette conclusion : 11 n'est pas absolument hors de doute que les
« thomistes, dans leur explication de la prescience divine par les
« décrets prédéterminants, soient fidèles à la pensée du Docteur
« Angélique et d'accord avec les principes de sa théorie. Gela me
« paraît être seulement très probable. »
Nous remercions cordialement M. Gayraud d'avoir ainsi, à la
fin, atténué son accusation contre l'école thomiste. Après les
reproches énoncés, après les considérants du jugement, nous
nous attendions à un verdict plus rigoureux. Il nous avait dit,
dans la préface de son opuscule : « Il me paraît douteux que
« saint Thomas eût approuvé de pareilles conséquences et adopté
178 REVUE THOMISTE
IV
:
J'arrive aux deux textes de saint Thomas cités par M. Gayraud
à l'appui de son raisonnement, et qui, suivant lui, démontreraient
que le saint Docteur regarde la causalité divine comme n'étant
pas la raison propter quid de la prescience divine.
L'un est tiré de la Somme contre les Gentils (1. I, c. 49 : Quod
SAINT THOMAS ET LE PRÉDÉTERMINISME 181
même avouer que je n'ai pas relevé, dans cette première partie
de l'opuscule de M. Gayraud, tout ce qui aurait appelé des
observations, par exemple, certaines réflexions relatives à la
prescience des futurs, à la science moyenne Mais il est vrai-
ment temps de finir.
Dans un second article j'aborderai la seconde partie de l'opus-
cule de M. Gayraud : la prédétermination physique.
En attendant, je livre aux lecteurs de la Revue Thomiste ces
lignes qu'écrivait le R. P. Gayraud, avant d'avoir entrepris « son
étude nouvelle et plus indépendante des textes de saint Tho-
mas. » Us y verront comment M. Gayraud s'était, par avance,
donné à lui-même une juste et sévère leçon : « Le thomisme
« tout entier tient en ces deux points : 1° Toute l'explication
« de la prescience de Dieu se trouve dans sa causalité ; 2" L'ac-
(i
cord de cette divine causalité avec notre libre arbitre est dans
c.
l'efficace universelle et transcendante de cette causalité même.
« Tout le thomisme est là ! Et quiconque n'admet pas ces deux
« vérités, et veut, quand même passer pour thomiste, se jette,
« à l'aveugle, dans d'inextricables embarras. On conçoit que les
« obscurités mystérieuses du thomisme arrêtent certains esprits
« qui cherchent à résoudre, selon leurs lumières, le grand pro-
« blême des rapports de la Providence avec noire libre arbitre;
« mais, pour moi, j'ai de la peine à comprendre qu'on se dise
« thomiste quand on veut accorder la causalité divine avec
« notre liberté au moyen d'une prescience inexplicable, et qu'on
« ne veut pas mettre dans la divine causalité la raison dernière
« de toute la prescience de Dieu >>. [Providence et Libre Arbitre,
Introduction, page 23.)
(A suivre.)
Fr. Henri Guju.eemjn, 0. P.
Professeur de dogme
à l'Institut catholique île Toulouse.
A mi mémoire sur l'Instinct, la connaissance et la raison, que
nous présentâmes au congrès scientifique des catholiques de
1891, Mgr d'iïulsl opposa, séance tenante, une difficulté que le
compte rendu de la troisième section, p. 274, reproduit en ces
termes :
(1) Des Facultés différentielles de l'homme et des animaux,, clans la Science catholique du
— Li Nature animale et les naturalistes spiritualistes, dans la Revue du
15 mars 1892.
Monde cutltolique du l 01' août 1893.
190 REVUE THOMISTE
FAITS PARTICULIERS
FAITS GKXEIIAlîX
(l) Les Sens et l'instinct chez les animaux, par Sir John Lubhock, baronnet, etc., 1891;
Paris, Alcan. — L'auteur ala loyauté d'ajouter : «Je fus d'autant plus désappointé que,
si j'avais réussi, mon plan m'aurait permis de faire dos recherches nouvelles et inté-
ressantes. Dans un cas de ce genre, on n'a pas, cependant, à désirer un résultat plutôt
qu'un autre; le but de toutes ces expériences est la découverte de la vérité, aussi le
résultat négatif est-il ici très intéressant.» Loc. cit., p. 260.
l'jiomme et l'animal 195
(1) ljiau.MTz, Nouveaux Essais sur l'entendementhumain, liv. II, ebap, xi.
(2) II. P. Maiiik-ïhom.as Coconmhh, l'Ame humaine, existence et nature, cliap. vu, p. iSi,
1800 ; Paris, Perrin.
(!!) Quiodam autem agunt judicio sed non libero, sieut animalia brûla. Judical enim
«vis vidons lu puni, cuni esse fii^iendum, naturali judicio et non libero, quia non ex eol-
laliouc sed ex naturali iustinctu lioe judicat : et similo est de quolibet judicio brutoruni
animalitim, » titimm. thèol.. P. !a, q. i.xxxm, art. 1.
(4) Si M. Gardair a écrit quelque part que sur ce point le P. Coconnier abandonne
saint Thomas, il s'est trompé, et pour s'en convaincre il n'aura qu'à relire avec un peu
'!'attention les deux pages 454 et -ioii de son livre sur VAme humaine. Il y verra que Pau-
*$>^ :
leur refuse seulement aux bétes le jugement qui implique un tenue ou une notion univer-
selle. Le litre du chapitre auquel appartiennent les deux pages en question étant : « Par
(jui l'âme de l'homme diffère de l'âme de la bête', » il y avait lieu simplement de montrer, a
propos du jugement, que l'homme porte des jugements à termes universels, et que la
brute n'en porte, pas. C'est ce que l'auteur a fait; il ne devait ni n'a voulu dire davan-
tage. S'il avait eu à exposer la théorie des jugements empiriques de l'animal, il aurait
simplement développé cette formule de saint Thomas qui résume là-dessus toulc sa
pensée : « Habent (bruta) judicium ordinatum de aliijuibus. Sed hoc judicium est eis exnatu-
rali (estiniatione, non ex aliqua collatione, cuvi rationeni sut judien ignorent. (Quoest. dispul;.
)>
de Vcritale, xxiv, ai'l. 2.) Kt ainsi l'auteur se fût sans doute trouvé d'accord avec l'hono-
rable M, Gardait'. (Note do la la.Rédaction.)
l'homme et l'animal 205
plus bâtes, la corneille un des plus fins. Et, dans une espèce
ou une race donnée, la langue vulgaire s'exprimera fréquem-
ment d'une manière analogue à ceci : « Rustaut ne fera jamais
un bon chien de garde, il est trop bête; lïrifaud a plus d'es-
prit, mais il préfère l'employer à chercher le gibier. Et ces
expressions sont admissibles si l'on entend ici le plus ou
moins d'intelligence comme un degré plus ou moins élevé de
la connaissance sensible, un jeu plus ou moins facile de l'as-
sociation et du groupement des images, si l'on n'a en vue, en
un mol., que cette sorte d'intelligence inférieure que nous
avons appelée intelligence organique ou sensible. C'est bien ainsi
wm->
que, au fond et malgré quelques erreurs d'application, l'avaient
compris Pierre Flourens et Frédéric Cuvier.
L'intelligence rationnelle est, avons-nous dit, plénière, com-
mençant il est vrai son opération à l'aide des organes et de
l'impression reçue par les sens, et débutant ainsi dans la
forme sensible, mais se développai)I ensuite jusqu'à dépasser
sens et organes pour s'élancer, par l'abstraction, dans la
m
nm->?>;•
région de l'universel, de l'idéal, de. l'absolu.
L'intelligence organique ou sensible n'est que partielle ; elle
commence aussi son opération par l'impulsion des organes el.
des sens, mais se développe seulement en eux et ne va point
au delà.
Les fins de l'animal, à qui est fermé le domaine de l'abs-
trait, de l'indéterminé, de tout l'ordre immatériel en un mot,
ne sauraient être les mêmes que celles de l'homme qui plane
dans ce domaine de l'immatériel, et qui en tire tous les
effets de science, de progrès, de langage conventionnel et écrit
d'esthétique, de moralité et de sens religieux dont nous avons
vu que l'animal est privé. Se développer, satisfaire ses besoins,
ses instincts, ses appétits, ses passions, pourvoir à sa conser-
vation, et cela fatalement; ne périr qu'après avoir assuré par
la génération, la perpétuité de l'espèce, voilà à quoi se bor-
nent les fins propres à l'animal. Or il y pourvoit par cette
sorte d'intelligence organique et partielle que nous avons
décrite.
Celle-ci est à l'âme sensitive ce que l'intelligence plénière
est à l'âme raisonnable. L'une, principe immatériel sans doute,
l'homme et l'animal 207
La moralité d'un acte est la qualité qui établit, entre cet acte
et la .fin de la vie humaine, une relation de conformité.
L'homme a un but à atteindre : c'est le perfectionnement de
son être, de sa vie, en vue d'une autre vie à conquérir par son
mérite. Tout ce qui, de soi, ou en raison des circonstances, ne
peut se rapporter à ce but.est moralement mauvais; tout ce qui
LA MORALE A NOS EXPOSITIONS DE PEINTURE 211
s'y rapporte est bon : telle est, en deux mots, la loi de l'activité
humaine.
Il est très évident que cette loi, puisqu'elle dérive de la fin
dernière, est universelle dans son amplitude. Il suffit d'être
homme pour qu'elle s'impose à vous, de faire acte d'homme pour
qu'elle vous juge. L'artiste, pas plus qu'un autre, n'a le droit de
se récuser. Et ainsi il apparaît clairement que la théorie de l'art
indépendant ne repose que sur l'équivoque. Considéré on lui-
môme, l'art est indépendant, en co sens qu'il a son objet à lui,
distinct de celui de la morale. En tant qu'il est exercé par un
homme, il doit se soumettre h la loi de l'homme, il est tribu-
taire de la moralité.
Toutefois la moralité de l'art n'est pas nécessairement active,
si je puis ainsi dire; ce n'est pas comme un but qu'elle s'impose,
c'est comme une règle, comme une limite. Si l'oeuvre d'art,
a respecté cette limite, si d'autre part elle est esthétiquement
belle, on n'a rien autre à lui demander, elle est pleinement ce
qu'elle doit être ; si au contraire elle compromet la dignité de
Fhomrne en l'écartant de son but supérieur, la morale est en droit
de lui demander des comptes; chacun a le devoir de la con-
damner. En un mot, l'apostolat est à la moralité, en art, ce que
le conseiller bienveillant est au maître. Le premier s'offre à lui
pour le grandir, l'autre s'impose à lui et le juge. Il peut n'être
pas apôtre du bien, il doit en être sujet fidèle. S'il ne veut pas
prier, que du moins il ne blasphème pas.
Réduits à ces termes, il nous semble que les rapports de
fart avec la morale ne peuvent être niés par personne, si ce'
n'est par ceux qui nient la morale elle-même. — Et, au fond,
les larges concessions que nous faisons à la liberté de l'ar-
tiste sont beaucoup moins préjudiciables qu'on ne pourrait
croire aux intérêts de la morale. Dans le domaine du beau
comme dans celui du vrai, qui n'est pas contre elle est pour elle.
Tout lui est allié, tout lui est ami de ce qui tend à élever les
âmes ; car ses vrais ennemis, en nous, ce sont les bas ins-
tincts, les préoccupations grossières ou banales. Quiconque
travaille à établir nos esprits dans des régions plus hautes;
quiconque nous rapproche de la nature, nous aide à mieux
comprendre l'homme, la vie, l'histoire, la poésie des choses;
212 JiEVCE THOMISTE
Il
qui le redresse, qui peut prévoir avec sécurité de quel côté sera la
victoire ? La lutte, toujours, sera terrible, et qui sait si en défi-
nitive le bien ne sera pas vaincu ?
En littérature, il est relativement plus facile de diriger vers un
but donné les sympathies de l'auditoire ; l'auteur dispose pour cela
de plus nombreuses ressources, et cependant que de mal n'ont-
ils pas fait ces drames, ces romans à thèse prétendue morale! A
l'apparition du romande Dostoïevski : Crime et Châtiment, un étu-
diant de Moscou assassina un prêteur sur gages dans des conditions
identiques à celles que le romancier imagine. « Certes, écrit le
vicomie de Vogué, l'intention de Dostoïevski-n'est pas douteuse,
il espère détourner de pareilles actions par le tableau du supplice
intime qui les suit; mais il n'a pas prévu que la force excessive
220 HEVDE THOMISTE
III
pas le charme. » Celte affirmai ion est d'abord très exagérée, car elle
écarte systématiquement toute une époque brillante de la sculp-
ture ; mais fût-elle exacte que prouverait-elle ? Il ne s'agit pas de
compter des statues, il faut les comparer entre elles. Or la Victoire
du Louvre vaut la Venus de Mêdicis ; le Moïse de Michel-Ange est
supérieur au David du même artiste, et si l'on dit qu'en ce dernier
cas l'âge du sculpteur explique ladifférence, qu'on aille à la Sixline.
et que l'on compare, parmi toutes ces oeuvres de même inspi-
ration et de même date, les ligures vêtues aux nudités. Les
vingt jeunes hommes sont assurément admi?*ables ; la Création
d'Adam et la Chute d'Eve sont sans prix ; mais tout cela est-il
supérieur aux Sibylles drapées, aux Prophètes ? C'est un problème.
Ces dernières fresques sont moins intéressantes peut-être pour le
praticien, elles sont tout aussi grandes pour l'artiste, preuve que le
nu, au point de vue élevé de l'esthétique, n'est pas en soi un genre
supérieur.
Nous allons plus loin et nous lui trouvons, sous divers rapports,
une infériorité manifeste.
11 est clair, tout d'abord, que la draperie offre à l'art de pré-
cieuses ressources, Maint exemple célèbre prouve quel parti un
artiste de sentiment peut tirer de ces plis qui, en accompagnant la
forme, en enrichissant les combinaisons de lignes, en doublant
l'effet des attitudes, renforcent l'expression et contribuent au
plus haut point à faire de l'oeuvre d'art une création véritable.
On possède un dessin de la Transfiguration, où Raphaël avait
préparé le nu du Christ avant de jeter la draperie volante. Que
l'on compare l'effet de ce dessin à celui de la toile définitive : lé-
gèreté, souplesse, élan, noblesse, presque toutes les qualités
maîtresses de cette figure sont dues au jet habile du vêtement. Et
cela ne peut étonner aucun artiste; ils le savent si bien, pour la
plupart, qu'ils n'ont garde, le plus souvent, "de se priver d'une
telle ressource. Seulement, au lieu de rester un voile, la draperie
devient un accessoire ; elle courtise la ligne et le coloris et refuse
à la pudeur ses services, afin que personne n'ignore par quel sen-
timent ces artistes sont mus. Kn vérité n'est-ce pas pousser trop
loin un parti pris injustifiable ? N'est-ce pas confondre la hardiesse
avec la fanfaronnade, la puissance avec la brutalité.
Autre considération spécialement applicable à notre art et à
LA MORALE A NOS EXPOSITIONS DE PBINTURI5 229
Fr. D. Sbutillanges, 0. P.
Lecteur en Théologie.
Cen'est pas l'atelier collectiviste, c'est un atelier patronal
agrandi et mieux dirigé que nécessite le machinisme ; et, cette
forme d'atelier, en fait, se développe et se répand aujourd'hui de
plus en plus. J'ai essayé, dans mon dernier article, de montrer,
par quel sophisme d'équivoque, les socialistes s'interdisent de le
reconnaître. Or, ils nous pronostiquent, ensuile, pour demain ou
après, l'évolution collectiviste de la propriété : elle doit être, selon
leurs prophéties, la juste et naturelle conséquence de l'évolution \
II. -—
La Propriété corporative et les survendions patronales.
En face du grand patron, riche et maître de tous les instru-
ments mécaniques du travail, comme des matières premières,
238 ' REVUE THOMISTE
2° — Mais Je sujet, lui aussi, est une notion ou catégorie, la notion des
notions, la catégorie des catégories.
i
— Cette expérience n'a pas de lieu, elle* évolue « in vacuo », elle est
comme « une construction suspendue en l'air ». Ce défaut provoqua de la
BULLETIN l'HlI.OSOPHIQL'li 249
procédés de la conscience.
On objecte à la vérité que, précisément, la nature de l'esprit est d'être
vide. Qu'on le prouve ! C'est là, en effet, une hypothèse des plus
hasardées. Et comment la concilier avec l'affirmation du sens commun qui
prétend avoir de l'esprit une connaissance claire. Une chose Yide, incon-
naissable, serait-elle donc évidente comme existence?
Conclusion : L'esprit est tout aussi inconnaissable que la matière et la
matière que l'esprit. Or, la vraie méthode delà philosophie, pour décou-
vrir la vérité, n'est j>as de s'approcher de l'inconnaissable. II faut donc
laisser les constructions a priori et en particulier la conception qui un'l
tout dans le moi, quitte ensuite à distinguer en lui deux faces, l'une
BULLETIN PHILOSOPHIQUE 25]
En deux mots, quels sont, entre MM. Hodgson et Stout, les points de
contact et les divergences ?
Ils s'entendent pour re]>ousser le Réalisme de sens commun « préphilo-
sophique ! » dit M. Hodgson. « Quintessence du non-sens ! » riposte
254 REVUE THOMISTE
h). —M. Caldwell ne dissimule pas que, pour opérer « cette application
transcendanlalc du principe de causalité », Hartmann a fait audit principe
« un brin de toilette ». (Et il rappelle malicieusement à ce propos la toi-
lette faite par Kant à la table des Jugements.) Hartmann, en effet, ne con-
çoit pas la cause dans le sens étroit d'une connexion de présentations
(Kant), mais plutôt comme une loi de conjonction entre choses existantes.
Il n'a plus qu'à ajouter qu'il y a un lien entre les choses de l'esprit et les
transcendantes, et que nous avons dans les mains l'un des bouts, l'im-
manent. On aboutit ainsi à un transcendantal cause de nos « affections ». Ce
qui revient à dire, suivant M. Caldwell, qu'il faut être avant de con-
naître. II peut dès lors attribuer à cet être déjà en possession de la caté-
gorie de cause toutes les autres catégories kantiennes : unité, plura-
lité, etc. Sa théorie n'est plus une épistémologie, mais une métaphysique,
car il doit faire des choses-en-soi des entités métaphysiques. Comment,
accorder cela avec le principe de l'idéalisme qui soutient qu'une
chose en soi est contradictoire ?
mais la chose en soi ne sera jamais atteinte par nous. Il n'y a pas de chose
en soi : tous les plans de la réalité sont relatifs (related). Ainsi, le savant
qui explique l'énergie psychique par des procédés chimiques n'a pas
détruit le fait de l'énergie psychique, absolument comme l'idéaliste n'a
pas détruit la réalité des choses en insistant sur la nécessité de passer
par certains procédés purement psychiques avant de connaître les choses.
L'idéalisme est l'idole du philosophe comme le matérialisme est l'idole
du savant. Au-dessus et au milieu se tient le transcendanlalisine pour leur
dire que la réalité n'est pas mesurée par l'un seulement de ses plans. Mais
le transcendantalisme ne doit pas devenir dogmatique. Il attire l'attention sur
certains faits comme le matérialisme et l'idéalisme. Tous trois sont des
aspects du réalisme au sens large. Le réalisme scientifique et le transcen-
dantalisme ne sont donc pas inconrpatibles.
Le réalisme transcendantal a été inventé pour sortir de l'abstraction de
l'idéalisme. Il y a une meilleure voie pour en sortir que par ce « salto
mortale ». Ce serait, dit M. Caldwell, de refuser d'y entrer. L'idéalisme
repose, en effet, sur une fausse et incomplète analyse des facultés.
3° — M. Caldwell résume les résultats généraux de ses investigations :
1° L'idéalisme dogmatique est un idolon specus. Le transcendantalisme
a pour but de s'en débarrasser.
2° Le système du sens commun est une entrée en communication avec
la réalité, — imparfaite, mais non contradictoire : il a besoin d'être com-
plété par la science.
3° Le réalisme au sens large n'exclut pas, mais inclut l'idéalisme.
•4° La forme épistémologiquc du scepticisme est le produit de l'idéa-
lisme. Ce scepticisme est l'illusionnisme. Son principe est que la connais-
sance est un procédé qui se détruit lui-môme. On peut l'énoncer ainsi :
« Nous ne pouvons connaître les choses jsarce que, entre les choses et
nous, il y a l'esprit : ce qui veut dire que, pour les connaître, il faut les
connaître, c'est-à-dire les falsifier. »
-2"
— La Philosophie, les Sciences et les Arts.
On objectera que c'est attribuer la perpétuité de Terreur à toute forme
systématique de la pensée : la Philosophie marche à tâtons, tandis que les
Sciences, elles, progressent.
Je pense, dit M. H. Jones, qu'il en est de la philosophie comme des beaux-
arts. Jjeur histoire présente une série de phénomènes abrupts. « Tous
les poètes sont des Melchisédech, sans généalogie possible, sans conti-
nuation de l'un à l'autre ». Le même contraste existe entre les 'beaux-
arts et la science qu'entre la science et la philosophie.
L'incohérence et l'irrégularité dans les productions des beaux-ans.
loin d'être une imperfection, sont la condition de leur progrès. Chaque
262 REVUE THOMISTE
i° — Conclusion :
Par là, l'échec apparent des systèmes cesse de nous troubler. La phi-
losophie est indépendante des systèmes comme la vie de l'humanité est
indépendante des vies «jui la composent. La chute des systèmes philoso-
phiques n'est que le procédé négatif nécessairement impliqué dans le
développement de la pensée. Les systèmes passent : la philosophie de-
meure comme l'expression réflective de la vie grandissante de l'esprit
humain.
La philosophie est donc essentiellement humaine, comme l'art, comme la
moralité. Ces trois formes profondes de notre activité spirituelle sont
la poursuite constante et inefficace d'un idéal absolu. L'idéal ne change
BULLETIN PHILOSOPHIQUE 2fi3
pas, le problème demeure toujours le même, mais les formes sont plus
riches, plus complexes, plus harmoniques.
« Croyances et systèmes doivent péril* pour que la religion et la philo-
sophie puissent vivre. Celles-ci sont les principes d'unité et d'harmonie
d'un monde qui sans elles serait fragmentaire et discordant. »
IV
LA LEÇON DU RÉALISME.
(1) Cf. Lr.Pini. La Critica délia mgione para secondo Kante la vera filosofia.
«EVIJJÏ THOMISTE. — 3° ANNÉE. — 18.
266 REVUE THOMISTE
4° — Résultats.
1° Tandis que l'Idéalisme tend à stéréotyper la réalité, l'empirisme réa-
~ liste nous montre, non des essences fixes et rigides comme les idées de
Platon, mais la vie riche d'un monde concret, variable et changeante. Ce
réel restera toujours pour le penseur humain, non l'universel, mais le
particulier que son concept n'atteint pas.
23 Le fait que le réel est toujours le singulier semble impliquer l'impos-
sibilité de jamais concevoir ou catégoriser pleinement la réalité, car la parti-
cularité qui singularise l'universel ne peut être connue qu'empiriquement.
Ce sont là cependant « des matières de fait qui sont la base de nos rela-
288 REVUE THOMISTE
tions d'idées » car l'ordre idéal esf le miroir de l'ordre de fait (the idéal
ordes is the mirror of the faclual). .
Epilogue.
Il se produit Jicluellement en Angleterre une réaction : (qui a toujours
été la tcndanc de la pensée anglaise) en faveur de l'empirisme. Celte réac-
tion n'est pas moins évidente en France, en Allemagne et en Amérique.
Toutes les tendances actuelles nous prouvent que la philosophie, bien que
tard, s'inspire de l'esprit d'empirisme et que la leçon qu'elle apprend est
celle du réalisme :The lesson she is harning is thelesson of Realism.
L'esprit est pour lui actif et passif tout à la fois. Il agit sur les données
expérimentales, toujours singulières, par une sorte de travail d'illumina-
tion qui pénètre leurs profondeurs et fait briller dans leur fond l'idée em-
barrassée dans ses liens matériels. Mais, tout en agissant, il reste attentif,
comme un miroir prêt à recevoir l'impression qui va surgir des ténèbres
sous l'action du faisceau de lumière qui fouille l'objet sensible. Tout à
coup, semblable à ces fonds richement colorés, qui s'illuminent sous les
rayons du soleil,, à travers les flots saumâtres, l'universel se dégage, à la
lumière de l'intellect agissant, des profondeurs de l'objet matériel. L'oeil
qui tout à l'heure restait vide a vu se révéler tout un monde : l'esprit, qui
fouillait le monde des sensations, a vu, sous son action iliuminatrice,appa-
raître l'universel. Il le reflète, il se l'assimile, il l'exprime dans un veriïe
mental. Tout travailleur qui s'obsserve a surpris en soi ces deux phases :
la j>remière où il fixe, où il projette sa lumière sur l'objet : la seconde où
l'obje tvient comme se peindre en lui, où il contemple, où il jouit.
Maintenant, l'universel est transposé par l'action de l'esprit. II se trouve
dans son vrai milieu, dépouillé de la gangue des singuliers qui l'obstruait,
apte à se communiquer indéfiniment à des êtres de même espèce, encore
que cette forme d'universalité ne le suive pas dans chacun d'eux. Les rela-
lions qui se déduiront par analyse de l'universel ainsi obtenu, auront tou-
jours un regard sur la réalité transsubjective. Il n'est pas jusqu'à « la vie
riche du monde concret, variable et changeante » qui ne puisse être enre-
gistrée et « catégorisée » autant que possible grâce aux notions d'état
potentiel et d'état actuel, qui se retrouvent dans toutes les catégories du
réalisme aristotélicien.
Si le domaine du singulier à proprement parler reste la propriété du
sens, rien de ce qui, dans cet objet, est universel, notions générales, prin-
cipes, lois, rien en un mot de ce qui est scientifique n'échappe à l'esprit.
Plus lard, la carte fut dressée, de ces astres déconcertans. On vit alors
<jue les astres des deux hémisphères faisaient partie d'un même monde, et
semblaient se rallier aux mêmes points d'attache, tourner autour de l'an-
tique pivot.
Kant a exploré, lui aussi, un nouveau monde, le monde subjectif. Je
n'ose dire qu'il l'a découvert, et l'on trouverait jieul-être, perdus dans la
nuit de l'histoire, des Islandais, des Danois de la philosophie pour
réclamer la priorité. Quoi qu'il en soit, Kant a entraîné dans ces parages
nouveaux toute une génération de conquistadores. En ce moment, leurs
travaux, ceux en particulier que nous avons analysés, nous font, l'effet des
premières caravelles, déroutées par des astres nouveaux.
Chez quelques-uns, la carte se construit : chez d'autres elle est presque
achevée. On voit alors le dessin des astres des deux mondes, de l'Idéalisme
et du Réalisme, s'organiser par rapport à un même point fixe qui n'a pas
changé.
Kant n'a pas révolutionné la philosophie. 11 a seulement exploré plus
à fond l'une de ses parties. II n'est pas un Copernic, comme il s'en est
vanté : c'est un Christophe Colomb manqué. Voulant conduire les siens
par des routes nouvelles, il les a égarés parmi des astres troublans.
Mais la polaire qui domine les deux mondes et leur sert de point d'at-
tache, l'évidence de l'objectivité de nos idées, est: toujours là où l'avaient
fixée le Stagyrite et: Thomas d'Aquin.
Fr. A. (xAimKiL,
des Frères Prêcheurs (1).
lui pour cette entreprise 1oute une pléiade d'écrivains dont la compétence
est; hors de conteste, et avec eux il travaille à éclairer l'opinion- sur des
oeuvres dont tout le monde parle, mais dont bien peu ont une juste idée.
Nous ne pouvons qu'applaudir à un effort si généreux et au succès qui
déjà le couronne. Bien que la Revue de M. Henry Jouin ne se renferme
pas, loin de là, dans le domaine de l'art chrétien, elle ne saurait pour cela
nous être indifférente. II nous suffit que .ses collaborateurs sachent garder,
ainsi qu'ils l'ont fait jusqu'ici, le respect et la gravité qui conviennent.
Pourquoi ferions-nous preuve d'exclusivisme? Tout ce qui est grand el
noble n'est-il pas chrétien ?
Fr. D. Skrtillanges, 0. P.
H. P. M.-J. Oluvihh, nus Fiti:w;s Pjikchiïuus.—Les Amitié-? de Jésus.
Paris, Lethielleux, 1895.
RIVISTA INTERNAZIONALE
(Rorna, via Torre Argenliua, 76'j
Gknnajo 1895
1 béni di iainiglia. M. d'Amelio.
(1) R. Pinot, Cours de méthode de la Science sociale, dans la Science sociale, XII,
3:;-35.
(2) C'est-à-dire tin objet quelconque de ce monde sensible, en dehors de notre personne
et de celle d'autrui.
~~
1 s ' -r- 1 l '
ou les provins dont elle sort, et non d'après les vues arbitraires du
viticulteur.il n'en fixe ni l'essence, ni les propriétés, etc'estlàune
incapacité générale de l'homme en face des choses. Toutes les mé-
thodes des sciences physiques imposent sur cet axiome; tous les
procédés industriels sur cette nécessité première : « que nous ne
pouvons ni faire ni défaire les lois de la nature ». L'observation
manifeste donc rigoureusement le principe de saint Thomas : « Mes
exterior, quantum ad ejus naturam, non subjacet humanse povestati. »
On objecterait volontiers qu'avec desgreffes, par exemple, le vi-
ticulteur peut croiser et varier les espèces et les qualités de ses
plants. L'homme arrive ainsi, par sa science et son art, à modifier
la nature des choses. C'est vrai ; mais il n'y arrive pas de lui-même,
par la seule et pleine efficacité de son action. Il détermine, au con-
traire, l'action naturelle des choses qu'il transmute ; chimiste ou
agriculteur, il y coopère, modifiant ainsi une nature par une autre.
De ces actions et réactions chimiques, végétales, physiologiques,
l'agent et le patient, le greffon et le plant greffé, déterminent la
mesure, toute la mesure, en vertu même de leurs propriétés natu-
relles. La nature des choses, ce principe premier et substantiel de
leur être et de leur mouvement, n'est donc jamais notre oeuvre;
auxiliaires seulement deses forces, nous l'appliquons à nous servir,
selon nos besoins. Telle est, d'après l'expérience, l'extrême limite
de notre pouvoir sur les objets extérieurs.
Or la propriété est un certain pouvoir sur les objets extérieurs;
.
donc elle se limite nécessairement à leur utilisation : « Fosse uti re-
bus exterioribus ad suam utilitatem. »
SICCÏ AD FINES! (1 ).
faits et plus, forts à l'aide des moins parfaits et des moins forts.
Quant à l'homme, il utilise toutes ces espèces pour son propre
bien: les unes pour se nourrir, les autres pour se vôtir,... les
autres pour se transporter ». L'observation toute générale qui
suffit dans ces matières à la philosophie, se trouve exactement
confirmée ici par les observations spéciales des sciences phy-
siques. C'est la loi de l'utilisation naturelle des espèces infé-
rieures par les espèces supérieures, dans tous les règnes de la
nature. Elle se retrouve, par exemple, dans ce que Wurlz, après
Dumas, nommait « la statique physique"et chimique des êtres
organisés ». Il définit les végétaux comme « des appareils propres
à former de toutes pièces et à emmagasiner de la matière orga-
nique,c'est-à-dire des composés du carbone, de nature complexe »;
voilà le Planta; ex mixtis nutriuntur de saint Thomas. À son tour
le règne végétal fournit au règne animal «la condition "de son
existence et l'instrument de son activité, savoir, les matières
organiques toutes formées»; c'est encore: Animalia ex p>la,ntis
mttrimentum habent. Voici enfin la.gradation notée par saint Tho-
mas entre les espèces animales elles-mêmes : « Pour vivre, les
animaux ont besoin de consommer sans cesse les matières orga-
niques qu'ils trouvent toutes formées dans les plantes. Les uns
s'en nourrissent directement ; les autres, d'une manière in-
directe, en faisant leur proie des premiers (d) ». C'est donc
une. môme loi générale des espèces, dont tour à tour les
sciences physiques et la philosophie naturelle ou morale, obser-
vent les divers aspects, les intentions et les résultats multiples:
Ea quai sunt imperfecta in natura ordiiiantur ad perfecta sieut ad
finem.
les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur
toute la terre, sur tous les reptiles qui rampent dessus. »
Les limites morales du droit de propriété sont rigoureusement
fixées par cette analyse toute spéculative, en apparence, de ses
origines. Puisque ce droit est fondé sur notre nature raisonnable
et subordonné à son bien, il n'est jamais le pouvoir absolu et,
,
arbitraire d'user et abuser sans règle, de gaspiller ou de détruire.*)
Rien n'est plus erroné que cette égoïste, et d'ailleurs inexacte
traduction du fameux jus utendi et abutendi. Le droit romain
n'en est pas responsable. « A Rome, — observe Mqurlon, —
abuti éiait pris par opposition à uti, qui signifie se servir d'une
chose sans la détruire ni la dénaturer. Abuti est donc faire de sa
chose un usage qui la consomme ou la dénature, ou qui, tout au
moins, la fait passer de notre domaine dans le domaine d'un
autre (1). » II serait donc assez peu scientifique de déclamer ici
contre l'égoïsme du droit romain. Mais il est juste et pas mal
opportun de réagir contre l'égoïsme plus ou moins systématique
de ces propriétaires qui se croient maîtres absolus de leurs \
biens. Us sont maîtres, oui ; mais pour utiliser raisonnablement,
non pour jouir sans règle, pour gaspiller ou pour laisser en friche.
Le droit de propriété, en tant qu'aptitude à disposer des choses,
est donc fondé sur la nature même de notre espèce. Tout homme
est, par essence, virtuellement propriétaire. Mais, comment
acquiert-il la propriété ; comment ces aptitudes, non pas seule-
ment générales et lointaines, in actu primo, mais spécifiées et dont
l'acte se dessine pour ainsi dire à l'avance, dans la raison et
dans la volonté, môme d'un tout jeune enfant; comment ce
domaine in actu signato devient-il un domaine acquis et s'exer-
çant : in actu exercito ?
L'observation a quelque difficulté de le démêler. Les modes
d'acquisition de la propriété sont nombreux. En théologie morale
comme en droit, on distingue ordinairement les modes origi-
naires, ceux qui ne supposent aucune transmission d'un droit
antérieur, et les modes dérivés, qui la supposent. Parmi ceux-ci :
la prescription, la tradition, la vente, l'adjudication, l'héri-
tage, etc. ; parmi ceux-là : l'occupation et l'accession. En pré-
DE LA PROPRIÉTÉ.
(.4 suivre.)
3
damnés eux-mêmes. On a peine à les découvrir dans la
sque, tant ils se trouvent môles à l'universel effroi. Les
•uverons-nous aux côtés du Christ, jugeant avec lui l'uni-
rs, selon la parole de l'Evangile? Non, ils s'écartent de
avec frayeur, et après une telle secousse on se demande
s pourront jamais parvenir à l'aimer.
Du reste il faut avouer qu'il n'est guère aimable. Il est
ange qu'on ait pu voir un véritable Christ dans ce colosse
ï flancs de taureau!
1 est représenté maudissant, ce qui est parfaitement légi-
^ !
Ainsi que je l'avais promis, j'ai visité tout à loisir mes cha-
pelles. Trop à loisir peut-être; c'est pourquoi je trouve bon de
clore ici mon pèlerinage.
UN PÈLERINAGE ARTISTIQUE A FLORENCE 325
Fr. D.-Sertjllanges,
des Frères Prêcheurs.
Il y a huit cents ans que l'argument de saint Anselme oc-
cupe la raison des philosophes et il est peu d'esprits qui ne
se soient laissé prendre tout d'abord à son apparente simplicité
Pourquoi chercher Dieu par de longs détours à travers les inex-
tricables labyrinthes des démonstrations savantes? Vous osez
demander s'il existe? Mais, son existence, ne la trouvez-vous pas
dans l'idée même que vous avez de lui? —•N'est-ce pas l'explica-
tion lumineuse etraisonnéede ce mot de l'Ecriture : Dieu est proche
de vous; c'est au dedans de vous-mêmes qu'il vous le faut-cher-
cher.
Il n'est donné qu'aux génies d'élite d'agiter ainsi l'intelligence
de vingt générations et de forcer toute pensée à ne point passer
indifférente devant la leur. Aussi ne pouvons-nous qu'être d'ac-
cord avec le récent historien du saint Docteur sur « l'intérêt qui
s'attache à la démonstration d'Anselme (1) », comme « sur les
difficultés qu'elle présente ».
« Un argument, nous
dit-il, qui a paru à un génie philoso-
phique de premier ordre comme saint Anselme une découverte
importante, et que Descartes,,Leibniz, Fénelon, Mallebranche, ont
adopté, remanié et défendu avec passion, mérite qu'on ne le re-
jette point sans l'avoir examiné sous toutes ses faces et de très
près, et que si Von arrive à y découvrir quelque défaut qui ait
échappé à ces esprits si pénétrants, on se rende du moins bien
compte de ce qui a pu causer leur erreur et de ce que, à défaut
de solidité, la démonstration pour laquelle ils se sont épris a de
particulièrement spécieux. »
(1) V'Argument de saint Anselme, par leR. P. Rauey, maristc, préface,]), i.
^ t ^-—> • ^—TF-
î
« Tout d'abord nous croyons, Seigneur, que vous êtes tel que
« rien de plus grand ne se peut concevoir. Pareille nature
« n'existera-t-clle point parce que l'insensé aura dit dans son
« coeur : « Dieu n'est pas !»
« Mais cet insensé même quand il entend ce que je dis, à
« savoir, un être tel que rien de plus grand ne se peut imagi-
« ner,
il comprend mes paroles, et ce qu'il comprend est dans
« son intelligence, bien qu'il ne comprenne pas qu'il existe.
« C'est tout autre en effet d'avoir une chose en l'esprit et de
« comprendre qu'elle existe. Quand un peintre prémédite le
« tableau qu'il doit faire, assurément il l'a dans l'esprit, mais il
« ne pense pas qu'il existe, ne l'ayant point encore exécuté.
<c
Mais après son exécution ce tableau qu'il a peint, il l'a tou-
« jours dans l'esprit, mais dès lors il comprend qu'il existe.
« L'insensé lui-même est donc convaincu qu'il est, tout au
« moins dans son intelligence, un être tel que rien de plus
« grand ne se peut concevoir. Car ce qu'il entend, il le com-
« prend, et tout ce que Ton comprend est dans l'intelligence.
« Or un être tel qu'on n'en saurait concevoir un plus grand,
« ne peut être dans l'intelligence seulement. Car s'il est seu-
« lement dans mon esprit, je puis imaginer qu'il existe aussi
« en réalité, ce qui est plus grand. Si ce qui est tel qu'on ne
« peut se représenter rien de plus grand est seulement dans l'es-
« prit, cet être même qui est tel qu'on n'en peut concevoir un
« plus grand est donc aussi tel qu'on en peut concevoir un
t<
plus grand. Ce qui certainement est impossible.
« 11 existe donc sans doute aucun, et dans l'intelligence et
« en réalité, uzi être tel qu'on'' n'en saurait concevoir un plus
« grand.
«
Et il est si vrai qu'il existe qu'on ne peut même concevoir
« qu'il n'existe pas. Car on peut imaginer un être tel qu'on
•
mais...4e-.i;da'-;?|i^»séc qu'elle exprime et contient. Les autres
preu^^aïte l'existence de Dieu ne se peuvent ramènera celles-là
II
pour la première fois la môme idée que chez un autre qui est fa-
miliarisé avec sa signification ordinaire. Il pourra bien essayer
par un mouvement naturel de l'esprit provoqué par la parole
qu'il a entendue, d'imaginer ce qu'elle signifie, mais ce sera mer-
veille s'il réussit par hasard à se faire une idée exacte de la réa-
lité » (1).
Saint Anselme cède un peu de terrain pour tenter d'envelopper
son adversaire.
Il a bien compris que le jeu de Gaunilonn'était qu'un rôle, qu'il
avait affaire à un esprit convaincu qui se faisait volontairement
le porte-parole de l'insensé : quidam non insipiens et catholiciis pro
insipiente. Aussi déplace-t-il la lutte pour répondre au croyant:
sufficere trahi potest respondere catholico (2).
« Si l'être le plus grand qui.se puisse concevoir, riposte-t-il,
n'est ni conçu ni compris, il faut bien reconnaître qu'il n'est ni
dans l'intelligence ni dans la pensée. Mais alors il faut dire ou bien
que Dieu n'est pas l'être le plus grand qui se puisse concevoir ou
bien que vous ne le connaissez pas, que vous n'en avez pas l'idée
et qu'ainsi il n'est ni dans votre esprit ni dans votre pensée? De
la fausseté de cette supposition je ne veux point d'autre preuve
que votre conscience et que votre foi » (3).
Assurément Mais Gaunilon pourrait très bien prier son inter-
!
(1) Sed etsi verum cssol, non posso cogitai'i vel intolligi illurl quo majus ncquil cojji-
(îii'i, non lamen falsum easel, rjuo majus cogitari nequit, co'gitari
posse cl intelligi...
TAberapolvg. cap. i.\.
(2) Loc. cit. seq.
- * * /
(1) I p. q. 36, art. 3, o. Aliquid cognoscitur 3 ter... alio modo, per proesentiam suoe simi-
litudinem in potentia cognoseiliva... Tertio modo per hoc quod similitudo rei cognitoenon
accipitur immédiate ab ipsa re cognita sed a re aliqua in qua résultat.
L'ARGUMENT J)E SAINT ANSELME 337
de l'être le plus grand (pu se puisse concevoir, bien qu'il ne suffise pas
de l'entendre nommer.
Mais quelle peut être, dans le cas où nous sommes la nature et
la portée d'une pareille idée ?
j Cet être à part, est-ce vraiment lui que je connais, son essence
ï même que je perçois ? Le concept que j'en puis avoir n'est qu'une
î image effacée, faite d'éléments étrangers, empruntés à des réalités
I « qui offrent avec lui plus de différence que de ressemblance » (1).
S Cette image amoindrie, aux traits d'ébauche, je ne puis l'acqué-
! rir que par des moyens compliqués parmi lesquels l'élimination
I tient -sinon la première, du moins la plus large place. Aussi
saint Thomas enseigne-l-il que les substances immatérielles
ne se trouvent point par elles-mêmes dans le champ de nos
connaissances. Ce n'est que par comparaison que nous en pou-
vons dire quelque chose, et ce que nous savons d'elles, c'est
surtout ce qu'elles ne sont pas... (2)
Or cette aperception lointaine et par reflets que j'ai de cet être
que vous nommez Dieu, m'exprime-t-elle du moins une réalité? —
Mais! j'ignore encore s'il existe! — Elle ne fait que me déterminer
le sens qui s'attache à ce mot qui désigne, me dit-on,l'être le plus
grand qui se puisse concevoir. Pour saisir cette définition, j'ai dû
faire appel aux idées que j'ai pu acquérir par l'étude des réalités
qui tombent sous mon observation.
Mais quand j'explique la signification d'un mot par les élé-
ments intellectuels que j'ai déjà dans l'esprit, je ne saurais con-
clure de celte définition même à une réalité extérieure corres-
pondant à l'idée que je m'en forme ainsi. Si je sais déjà que
nulle idée ne se peut trouver dans mon intelligence qui ne pro-
vienne du dehors, je puis bien me rendre compte qu'il y a des
réalités représentées par chacun des concepts simples que j'ai
dans mon entendement. Mais quand je les combine entre eux, je
ne puis rien préjuger sur la réalité objective de l'assemblage que
j'en fais.
(1) Intcr creatorem et croaturam non potest tanta similitudo nolari quam inter eos major
sit dissimilitudo notanda. Concil. Later.
(2) De anima. Q. unica. Art. 17,-o. — « Per eiïectus déficientes devenimus in causas
excellentes ut cognoscamus de eis tantuin quia sunt; et dum cognoscimus quia sunt causoe
excellentes, scimus de eis quia non sunt taies quales sunt earum ei'f'ectus ; et hoc est scire
de eis magis quid non sunt quam quid sunt v
: V".
III
(1) « lia sunt a ratioue riistincta non seinper possunt eogilari afj invicem séparai»
qiiffi
esse qnamvis scpai'atim cogitari possenl. Quamvis vis onini Deus cogitari possit sine hoc
quod ejns bonitas cogitetur, non tamen potest cogitari quod sit Deus et non sit bonus. Un-
de lient in i>eo distinguant)!!' quod est et essa rationc; non tamen soquitur quod pôssii
Cogitari non esse. » S. Tir., De Veriiate. q. x,a. 12, ad 9m.
l'argument de SAINT AXSKLMK 'ii'S
IV
Vous ne sauriez admettre, nous dit-il, que cet être, s'il n'existe
pas, n'existera jamais.
« Ce qui n'existe pas partouf.et toujours, alors même qu'il existe
à un moment et dans un lieu déterminés, je puis me le représenter
comme n'existant nulle part ni jamais, comme dans l'endroit et le
temps où il n'existe pas. Car ce qui hier n'était pas et existe au-
jourd'hui, je puis concevoir qu'il n'existe jamais, comme au jour
qui précédait son existence. Ce qui n'est pas dans un lieu bien
qu'il soit dans un autre, je puis imaginer qu'il n'est nulle part
comme dans le lieu où il ne se trouve point.
« Pareillement un être dont quelques parties n'occupent pas le
même point du temps et de l'espace où se trouvent les autres, je
puis concevoir que toutes ses parties — et par conséquent le tout
— ne sont nulle part ni en aucun temps.
« Si l'on dit que le temps est toujours, que le monde est partout,
le temps n'est cependant pas tout entier toujours ni le monde tout
entier partout. Et comme certaines parties du temps n'existent pas
au moment où d'autres existent, je puis concevoir qu'elles n'ex-
istent jamais. Comme aussi certaines parties du monde n'occupent
point le même lieu que d'autres, je puis supposer qu'elles ne sont
nulle part.
« De plus, ce qui est constitué de parties, peut être décomposé
par la pensée et on peut se le représenter comme n'existant pas.
« Tout être qui n'est pas tout entier en un lieu et eh un temps, je
puis donc me le représenter comme n'existantpas alors même qu'il
existe.
« Mais l'être le plus grand qui se puisse concevoir s'il existe je ne
puis imaginer qu'il n'existe pas : car alors, s'il existe, il n'est plus
l'être le plus grand qui se puisse concevoir, ce qui est une contra-
diction. »
Jusqu'ici aucune assertion qui ne soit de la plus rigoureuse ex-
actitude. Mais entendez la conclusion :
« Il n'y a donc aucun lieu ni aucun temps où il ne soit tout en-
tier : Il est tout entier et partout et toujours (1) ! »
Oui ! s'il existe !
—
Qui m'assurera de la vérification de cette hypothèse ?
plus grand que celui que je conçois, car il n'a rien de plus que ce
que je lui attribue dans ma pensée.
Là est la grande confusion qui met le trouble dans l'esprit et les
déductions d'Anselme. Il semble que pour lui, dès qu'il s'agit de
cet être sans rival, le concept môme de son existence et le fait de.
son existence soient identiques. Il concluera indifféremment : Si
j'ai l'idée'de cet être, il est nécessaire que je me le représente exis-
tant et il est nécessaire qu'il existe. « Il est évident, dira-t-il, que
ni il ne manque d'existence, ni il ne peut en manquer ni ne peut
être conçu comme en manquant (1) .»
Et encore: « Tout ce qui a un commencement et une lin,
tout ce qui est composé rie parties, tout ce qui n'est pas tout
entier partout et toujours, je puis me le représenter comme
n'existant pas. Mais cet être, qui, dans l'idée que je me forme
de lui, n'a ni commencement ni fin, qui n'est point composé
de parties, qui est tout à la fois et partout et toujours, je ne
puis imaginer qu'il n'existe pas (2). »
Cette conclusion est rigoureuse, mais nous avons le droit de
nous récrier dès qu'Anselme prétend connaître par là même
qu'il existe en réalité.
Il oublie, dès qu'il s'agit de cet Être incomparable, la dis-
tinction qu'il a faite lui-même entre « deux actes de l'intelli-
gence : imaginer et connaître. » — « Dès qu'une chose existe* je
ne puis connaître qu'elle ri'exisie pas. Ce serait précisément la
méconnaître. Mais je puis imaginer qu'elle n'existe pas, à l'ex-
ception, ajoute-t-il, de cet être souverain. »
Oui, puisque l'idée de son existence même entre dans la
représentation que j'ai de lui : c'est cette exception, et cette
exception seule qui le met à part et au-dessus de tous les
autres, dans la catégorie de mes idées. Tous les autres, je puis
me les représenter sans leur existence, qu'ils existent ou non.
Celui-là seul, je ne saurais le concevoir ainsi, qu'il existe ou
qu'il n'existe pas!
Mais suit-il de là que je connais qu'il existe? Non! Ce sont
là deux états d'esprit bien différents. Pour imaginer, l'esprit
Il nous dira, lui aussi, qu'il faut au monde un principe qui soit
« acte pur >>,..dont l'existence soit l'essence même. Mais il s'est
préalablement assuré de sa réalité par la réalité même du monde.
« Sans lui, nous dit-il, l'univers n'existerait pas (1) .»
Son existence étant connue, il étudiera la condition de ce prin-
cipe qui est d'être premier et, par conséquent, de ne rien rece-
voir d'autrui. Il ne saurait donc tirer son existence de nul autre;
et, ne la recevant de nul autre, il ne saurait non plus la recevoir
de lui-même, car, pour se la donner, il faudrait déjà qu'il l'eût.
Il en conclura qu'il est son existence même.
N'est-ce pas là le vrai procédé de la raison, qui va de la réalité
à la réalité, de l'être mobile à l'Immobile, de l'être contingent à
l'Être nécessaire, de la multitude organisée à l'Unité dont elle
dérive, à l'Intelligence qui l'ordonne, au Vouloir qui la com-
mande et la conduit à Celui que Dante appelle « la Première
Pensée et le Premier Amour (2) ».
Nous demandons pardon au lecteur d'avoir peut-être fatigué
son esj)rit après avoir fatigué le nôtre, h donner la chasse à ces
subtilités, à travers tous les halliers de la Dialectique. C'est un
peu,le P. Ragey qui en est cause. N'a t-il pas prétendu que tous
ces raisonnements font partie essentielle de l'argument d'An-
selme (3)? -
(1) P.
179, cli. xxiv.
(2) Ch. xxv, p. 182.
(3) Descautes, Objections et Réponses.
358 REVUE THOMISTE
.
son adversaire. Jamais il ne lui dit : Fous avez cette idée et vous
ne l'avez pas, mais Yobjet qu'elle représente, cet être le plus grand
qui se puisse concevoir n'est pas l'être le plus grand qui se
puisse concevoir s'il n'existe pas. Ce n'est donc pas lefait d'a-
voir cette idée ou de ne pas l'avoir, mais sa valeur représenta-
tive, qui est le principe môme du raisonnement. Il nous semble donc
acquis que Pargiiment du Proslogion n'a point pour base, dans
la pensée de son auteur, « une donnée expérimentale ». Il faut
faire honneur au P. Ragey de cette découverte : s'il gardait sili-
ce point la moindre incertitude, nous ne pourrions l'attribuer qu'à
sa modestie.
Mais cette interprétation prête-t-elle à la preuve primitive un
sérieux appui? Nous ne le pensons pas. Le raisonnement que
l'on établit sur ce fondement porte en lui-même le même vice
que l'autre.
a hefait d'avoir l'idée de l'être le plus grand qui se puisse
concevoir suppose la réalité objective », nous dit-on : pourquoi?
Parce que « si celle-ci n'a pas un objet qui lui corresponde,
l'idée, qu'on a n'est pas l'idée de l'être le plus grand ».
Mais c'est précisément ce qui est en question. Pour avoir l'i-
dée de cet être, avons-nous dit, il n'est pas nécesaire qu'il
existe, il suffit de se le représenter existant. Vous ne sauriez
conclure que s'il n'existe pas, je n'en ai point l'idée.
Et puis, on le peut voir, malgré ses excellentes intentions,
l'Interprète d'Anselme ne prend nullement comme point de
départ de son argumentation, le fait psychologique de l'idée, mais
sa valeur représentative, puisque la réalité même du phénomène
dépend, d'après lui, de sa portée objective (1). Aussi n'avons-
nous pas avancé d'un pas dans la découverte de la vérité.
Enfin le P. Ragey nous a donné une formule de l'argument
anselmique.
Nous pourrions faire remarquer que si le saint Docteur n'a-
vait fait que trouver une formule nouvelle, comme l'a laissé
entendre son apologiste, si là se bornait son mérite d'inven-
teur, elle devrait être respectée. En donner une autre aux pen-
(1) On peut de ce fait comme de tout autre s'élever à la connaissance de Dieu, mais
en faisant intervenir le principe de causalité.
L'ARGUMENT DÉ SAINT ANSELMK 359
.
sées qu'elle recouvre, serait détruire d'un seul coup tout ce qui
est de lui. Mais ne cherchons pas de mauvaise querelle. Ecou-
tons -plutôt cette formule qui nous est apportée, dans laquelle
l'auteur a dû résumer ses propres pensées et nous laisser sa
manière de comprendre et d'interpréter la preuve d'Anselme.
« L'être le plus grand que l'on puisse concevoir existe si,
dans le cas où il n'existerait pas, il faudrait admettre comme
vraies deux propositions contradictoires. »
On ne saurait dire plus juste.
« Or dans le cas où cet être n'existerait pas, il faudrait
admettre comme vraies deux propositions contradictoires.
On veut bien nous prévenir que « cette proposition a besoin
d'être prouvée ». Recueillons donc la preuve.
« Dans le cas où l'être le plus grand qui se puisse conce-
voir n'existerait pas, il faudrait admettre qu'il est possible et
qu'il n'est pas possible.
« En ce cas, en effet, il serait possible, attendu que le con-
cept que nous nous en formons ne renferme pas d'idées que
notre esprit ne puisse associer, ce qui, de l'aveu de « tous les
philosophes, constitue la.possibilité intrinsèque».
— Nous n'y saurions contredire.
a — Mais dans ce même cas et en même temps ce même
être ne serait pas possible, attendu que nulle cause ne pourrait
le produire (1). » —• C'est encore vrai.
— Eh bien!
— Eh bien ? si le P. Ragey avait voulu nous dire tout ce qu'il
sait, il aurait ajouté ici comme précédemment :
« C'est ce que les philosophes appellent la possibilité extrin-
sèque. » Il eût ainsi mis plus d'équilibre et d'harmonie entre les
différents membres de son raisonnement!
Oui ! mais, du même coup, il nous en eût découvert le défaut.
Cet être, possible intrinsèquement, ne serait pas possible extrinsè-
quement. Où est la contradiction? Il y a simultanément négation
du même attribut vis-à-vis du même sujet, mais pas sous le
même rapport.
[Fin (1)]
est sur l'Eden une opinion fort répandue que nous pensons
11
devoir combattre comme tout à fait erronée. Luther supposait,
of Ihts Ilindoo-Koosh, p. i.
(1) BiDDUiiPH, Tribus
(2) Nous croyons que ia scène so passa au'Cliam-doiiipe. ,V. Chamites, A|>. li
LE SITE DE L'ÉDEN 367
(1) Ce travail est le premier chapitre d'un livre en préparation sur lesatlriljuts divins,
destine à faire suite à Dieu, devant- la science et devant la raison. Paris, Oudin, 189i.
(2) Diff ius credimus non tsse quodcnviq'ie non ita fuerit, ni- esse tebebit. (Contra Marc,
lib. I, c." 3.)
(3) NonnuUi ca quoe de corporalUm* rébus,.., per sens'is corporeos accepta... ad res incorpo-
reas et sjyïritua es transferre cona-niur, u.t ex his .lias meti-ri atqne opinari velint. Suitt eiiam
alii jfd secun lum humani aninii naturam- vel aff'erium de Deo seutiunt, si qaid sentiunl ; et
ex hoc errore, cum de Deo disputant, sermoni suo disiorias et faUaces reyulas Jîgunt.{TriniL
iib. I. c. 1.)
w
NATURE DU'l'REMIEH PRINCIPE 373
giist.in, qui se servent des données recueillies par les sens dans le
monde des corps... el qui no craignent pas de les appliquer aux
choses immatérielles et spirituelles, pour apprécier ces choses et
en prendre connaissance. D'autres prêtent à Dieu, dans la connais-
sance qu'ils prennent de lui, si véritablement ils en prennent quel-
qu'une, la nature et les affections de l'âme humaine, ce qui soumet
leurs discours sur la divinité à de tortueuses et fausses règles. »
N'avoir de Dieu que l'idée que l'on se fait d'une créature corpo-
relle ou spirituelle, mesurer son être à la taille des autres êtres, ce
n'est pas le voir dans ce qui lui est propre, ni prendre de lui
une véritable connaissance. Les dérivés ne sont pas de môme con-
dition que le principe, ni les effets que les causes; les esprits qui
réfléchissent s'en sont facilement aperçus, c'est pourquoi ils ont
fait effort pour s'élever plus haut, et contempler en lui-même, par
delà le monde de la contingence,le centre glorieux d'où émane un
si prodigieux rayonnement. La voie est toute tracée et la lumière
pour la suivre ne fait pas défaut. La raison sait que les perfections
qui se rencontrent dans les effets se retrouvent dans la cause et
doiventy être à un état plus parfait. Au lieu d'entrer dans une
voie si simple, beaucoup d'esprits se sont égarés dans des che-
mins opposés.
« D'autres hommes, dit encore (1) saint Angustin, s'efforcent de
pénétrer au delà de toute la création visiblement mobile, pour
fixer leur attention sur l'immuable substance qui est Dieu; mais,
accablés sous le poids delà mortalité, désireux de paraître savoir
ce qu'ils ignorent, incapables d'atteindre il ce qu'ils voudraient
connaître, ils mettent en avant leurs manières de voir par trop aur
dacieuses et pleines de présomption, et se ferment tout accès à. la
(1) Est etiam aliud hominum genus, eorum qui universam quidem creaturam, quoe prqfecio
vmtuHUs est, nituntur transcendere, ùt ad incommutabiïcwi substantiàm quee Deus est, eriganl
intentionem<; sed mortalitatis onere proegravati, cura et videri volunt scire quod nesciunt et
quod volunt scire non possunt ; pnesumpliores opinionum suarum audacius affir?nando, interclu-
dunt sibitnet intelligentioevias, magis eligentes sententiam suam non corrlgere perversam, quam
mutare defensam... eo remotiores a vero, qnoidquod sapiunt, nec in corpore reperitur, nec in
facto et condito spiritu, nec in ipso Creator'.. Qui enim opinatur Deum, verbi gratia, candi-
dum vel rutilum, fallitur ; sed tamen hoec inveniuntur in corpore. lîursus qui opinatur Deum
nunc obliviscentem, nunc recordantem, vel si quid hujusmodi est, nihilominus in erroreest; sed
tamen hoec inveniuntur in anime Qui autem putat ejus esse potestatis Deum ut seipsum ipse
genuerit, eo plus errât, quod non solum Deus ita non est, sed nec spirilualis, nec corporalit
creatura; nulla enim omnino res est quoe seipsam gignat ut sit. {Trinit., lib. I, c. I.)
374 KEVOB THOMISTE
Jamais les Grecs n'ont osé dire que la divinité fût imparfaite.
NATUHK DU PRHMIEK PH1NCIPIÏ 37S
Leur bon sens, et l'idée qu'ils se sont toujours faite que les dïeux
sont éternels, et que ce qui: est éternel est parfait, les ont préser-
vés de cette erreur. Quand les Eléates assimilaient Dieu à l'être,
comprenant sous ce nom toutes les réalités, ils aimaient mieux
prêter aux choses contingentes les qualités du divin que de don-
ner à Dieu les imperfections des choses. En disant que l'être est
Dieu, ils ajoutaient : « l'être est tout, l'être est un, l'être est
immuable. » C'est une erreur, puisqu'il y a du mouvementet du
devenir dans le monde; mais une erreur moins grave que celle
qui place le devenir dans la cause du monde. Les Eléates se trom-
paient en méconnaissant les données fie l'expérience pour tout
rapporter aux idées de la raison; mais les modernes se trompent
plus encore en voulant tout juger par les seules données de l'ex-
périence. Ni l'une ni l'autre de ces conceptions n'est la bonne,
leur exclusivisme les empêche de voir toute la vérité.
Revenant à notre sujet, nous disons en premier lieu que., s'ilya
du devenir, de l'imparfait et de l'inachevé dans les dérivés, il n'y
en a pas dans leur Principe. Le mot parfait vient du mot fait, et
signifie qu'une chose, arrivée au terme de son développement;
possède enfin la plénitude de son être : une oeuvre parfaite est
une oeuvre à laquelle rien ne manque de ce qu'elle doit avoir. Si
le mot parfait n'avait pas d'autre sens, il nous serait impossible
de l'appliquer au Premier Principe sans supposer que ce Prin-
cipe a commencé, qu'il a d'abord été inachevé, incomplet, puis
achevé et complet, c'es?-à-dire sans supposer ce qui est en ques-
tion; genre d'erreur qui se présente souvent quand il s'agit de
Dieu. Heureusement le mot parfait se prend dans un sens plus
étendu et désigne encore toute perfection, quelle que soit la ma-
nière dont cette perfection existe. C'est en ce sens que nous l'en-
tendons de Dieu.
Les philosophes, dit saint Thomas, qui ont placé de l'imper-
fection et du devenir dans la cause du monde, l'ont fait parce
qu'ils ont considéré le côté mobile et changeant des choses (1).
(1) Deus autem poniturprhnum principium, non matérialité sed in f/enere caitste efficientis:
et hoc oportet esse perfectissi m uni. Sicut enim materta inquantum hujmmodi, est in potentiel,
ita, a yens in quantum hvjusmodi est in actu : unde primum principium aclivum cpvtt t
maxime esse in actu, et per conséquent maxime esse perfectum : secundum hoc enim dicitur
aliquid esse perfectum secundum quod est in actu; nam perfectum dicitur cui nihil deest
secundiwi modum suoe perfectionis.
(T, q. iv, a. 1, c.)
(1). « Omnibus lopdtia; sed illi intelligent qui ejus vocem àcceptam forii
cum veritate conferunt, • (Confes., lib., X, c. 6,)
"3 f> <,j '" ~~? "' * ' "^ * ~ î , , i' «
(1) Sicut quod est caUdvm, potest habere aliqu-id exlraneum quam calidum, ut albdinem ;
sed ipse caler nihil habet proeter calorem, (f, q. m, a. 6,.c.)
334 REVUE THOMISTE
(1) Persona est rationalis naturte individua mdistantia. (De Duab. JVat. princ.)
(2) Métis agitât molem et magno se corpore mUcet.
• (sKneidos, lilj. VI, v. 727.)
NATURE DU PREMIER PRINCIPE 387
cipe et l'autre dérivé; l'un est cause et l'autre effet; or, dit le
Père Pétau, « ce qui se fait ne se fait pas de J'ôtre de s'a-
cause (1) ». Vérité incontestable; il y a, en effet, deux ordres
de causalité : celui où les causes produisent des effets de
même nature qu'elles et celui où elles n'en produisent que
d'une nature inférieure. Le vivant qui engendre son semblable
appartient au premier ordre de causalité ; l'architecte qui
bâtit, une maison se range dans le second. Or il est visible que
l'être de l'architecte ne devient pas l'être de la maison, la
différence de nature qui existe ici entre l'oeuvre et l'ouvrier
le montre clairement.
Il en est ainsi même quand l'effet reproduit la nature de sa
cause, quand l'homme, par exemple, reproduit son semblable.
L'être qui appartient au père n'est pas l'être qui appartient
au fils. Il faut deux humanités numériquement distinctes, con-
crétées dans deux êtres également distincts : l'humanité du
père qui engendre, l'humanité du lits qui est engendré. S'il
n'y avait qu'une humanité, il n'y aurait ni père, ni fils, ce
qui revient à nier la génération, genre de causalité pourtant
si palpable dans l'univers. Il y a, en effet, pour toute généra-
tion et pour toute causalité, deux termes en présence : l'un,
la cause, qui donne l'être et existe antérieurement à l'effet;
l'autre, l'effet, qui reçoit l'être et dépend de la cause quant à
l'existence. Confondre l'être delà cause avec l'être de l'effet,
ou les unir pour en former un troisième, ne peut se faire
sans aller contre les premières données de la raison.
Ce qui est vrai de toute causalité, l'est également, et à plus forte
raison, delà causalité première. Remarquons d'abord que le Pre-
mier Principe ne peut pas se donner des égaux, car il ne peut pas
faire que ses dérivés ne tiennent de lui leur être et leur existence.
Ce que ceux-ci possèdent, ils l'ont reçu, tandis que lui possède
tout sans avoir rien reçu; la nature de leur être n'est donc pas la
même. « La substance incréée, dit Lactancc, tenant son existence
d'elle-même, ne peut être de même nature que la substance qui
n'est que par autrui (1). »
(1) Quod enim fît, ex facientis substantiel non est. (Dogmes, vol. I, p. 4 57.)
(2j « Quoe enim nalura per se increala est et a nuilo produci polesl, non esleadem
specie cum ea quoe esc se nisi producatur, esse non potest. » (Lib. I, c. 3.)
388 REVUE THOMISTE
(1) ïûvOeTov yàp son tô êx ô'jô lovlàyjarov <tuvi(ttc(|/svov, <3v GaTEpov oOx ïan Oaxépw
toÙto v.a\ •jrpayij.âTi, xat ).ôy» * rt zb Sexttxôv tevo? èxépou 7tap* aû-rà 7ipàç \j7rapf1v, wv
yjctjvoSoç s;'v àîïOTsXet ' rj to noï.Xoïç sic to avTO <7'jvioûa"Lç à-KapTi^û^evo^. (De Process.
S. Sancti, c. 4.)
(2) In omni composito oportel esse polenliam et acluin, quoi in Deo non est, quia
Vel una partium est actux respectu alterius, vel saltem omnes partes xunt in potentia
respectu tolius. (I, q. III, a. 7, c.)
(3) Frag. 6.
rii " >
(1) "Efftiv o5v Sri xar' è[).rr> SôEav itç&zov ocaipsvéov TaSs - u tô ôv àei, -flve<7ti/ Se oùx
ïyo-i, v.uà. tI to Yiyvô|AEVov \).bi, ov Se oOSénoTe. '
Quod semper aliter atoue alitir est, non est, quia non manei. Non omnino non est, sed , .
(2) <(
(1) ©eoî Beûv, o>v êyù> BrjfjLtoup-yôç k'pywv, a 5t' Ijaoù yevôpisva â'/ura Ifioû
iràTiip te y&
[XT|
êeéXovToç. Ta |xèv o\iv Sy| SsGév nâv Xurov, tô ye [«.rçv nakioç ap|io<i6èv xaï l-/ov e-j
Xûetv É6é).eiv xaxoû • St' à v.a\ ràewcep y£y£Vï)crOE, àSâvaroi [/.èv ovy. êaTÈ 0Ù8' â'JiUToi m
-jtâtwiav, otf ti i).èv Sr\ ).u0ï|a-E(78e ye oûSé TCÛ^eaOs OavâTOU (toÉpa;, tîjç êpi9)ç (SouXigaïwç
y.t!Xo-JOi £Tt SectjjioO v.ai xvpiwTépou Xa-^ovTeç êxEtvwv, oî; ôt' ÈyiyvsaOE. (Timée, Didol,
p. 211 ; trad. Schwalbé.)
NATURE 'DU PRËMIKR PRINCTPK 391
Nam et cum jurant et cum optant et cum gracias agunt, non.Jovem aut deos multos,
(1) «
sed Daim appellant. Adeo ipsa-Veritas, cogente natura, etiam ai invitispecloribus erumpit. »
(Lib. II, c. d.)
NATURE DÛ PREMIER. PRINCIPE 393
(1) Dum intento mentis studio guxrunt scrutanlque omnia, unum Deum auctorem om-
nium reperire, ad quem unum omnia referantur. (Lib. VI, hist. cl.)
(2) AoÇcûrrai ts IlÀâTwva, ml (A^v xat tppàrrai ità),w Ttspt êvb; OsoO. (Hist. Philotophitc,
lib. IV.)
(3) "O-ct Osàç EÏç ttâvTtov pao-O.sùç, xai Tiari^p, /.ai Osoi jcoMol, OsoO JtctïSsç <7UV(£p)jovTSî
Ûe£. (Orat., I.)
(4) Jam ergo céleri dei non erunt scd satellite.* ac ministri, quos ille unus maximus et
potins omnium officiis hit prccfecit, ut ipsi ejus imperio ac nutibus servianl. (Lib. I, c. 3),
(5) Ta S* o'vTa ou poOXeTai ito),iT£ÛE<rOat xaxùc.
Oûx âyaOôv ito>,wotpavt*] ' et; xospoiva; ëorw. (Métaphy»., lib. 12,.
HEVUE THOM1STK. — 3" ANNÉE. — 26.
394 REVUE THOMISTE
le travail, soutenu par une idée si élevée de la volonté divine qui l'ajjpelait
à la science; une foi si simple, s'exprimant par la dévotion la plus pro-
fonde dans la pratique des devoirs religieux, unie à la vraie liberté dans
x
les recherches scientifiques; une largeur de vue, qui le faisait s'intéresser
à toutes les grandes questions agitées par la société moderne, liée à cet
esprit de critique scientifique minutieuse qui fait le véritable historien ;
un attachement inébranlable au Pape, qu'il regardait toujours comme son
seul .souverain, joint à une prudence extrême dans les rapports qu'il
devait nécessairement entretenir avec ceux qui gouvernent aujourd'hui
l'Italie ; une fermeté constante dans ses principes de catholique et de
savant qui n'empêchait pas les relations les plus intimes avec de grands
érudits protestants comme Henzen, Momrnscn et d'autres ; un attache-
ment tendre et constant à sa famille, qui l'aimait et le vénérait, uni aux
(1) Revue Thomiste, II, p. 28t.
,^
de Vaison(l).— Parmi les anciennes églises romaines donl les origines sont
restées incertaines malgré toutes les recherches faites par les historiens,
se trouve la célèbre basilique de l'Ara Goeli au Gapitole. Lors de la démo-
lition du couvent situé à côté, dont l'emplacement doit être occupé par le
monument de Victor-Emmanuel, on a trouvé un fragment d'architrave
avec le mot grec HTOYMENOC; le nom de l'abbé manque. M. de Rossi
attribue le monument au vin" siècle, et il en conclut qu'à cette époque,
lorsque tant de moines grecs possédaient des couvents à Rome, il y en eut
également dans le monastère près de l'Ara Goeli; au siècle suivant, ils y
étaient remplacés par les Bénédictins. Mais l'église elle-même est beau-
coup plus ancienne; un chronographe, Timolhée, qui semble avoir vécu
dans la seconde moitié du vic siècle, j>arle <JC l'église de Sainte-Marie'au
Gapitole comme existant depuis longtemps déjà à l'époque où il écrivait.
En 1250,1e sanctuaire fut restauré et donné aux Franciscains (2). —'Après
cela, M. de Rossi parle des publications de l'abbé Saint-Gérând sur la
basilique chrétienne de Tipasa en Afrique (3) ; il rapporte plusieurs ins-
criptions qui y furent trouvées, en les accompagnant de notes judicieuses
et instructives (4). Parmi les communications au sujet de plusieurs petits
objets de l'antiquité chrétienne (p. 95-105), relevons la notice sur un
calice en verre, trouvé au cimetière Ostrien et conservé au musée chrétien
du Vatican, plusieurs notes sur des inscriptions et des symboles de
contenu religieux tracés sur les objets de la vie ordinaire par les chrétiens
au iv° siècle, et quelques uns sur des amulettes superstitieuses portant:
des signes chrétiens. Le dernier fascicule était presque terminé, quand la
mort mit fin à l'activité de l'auteur. L'ami et: le collaborateur du défunt,
M. Gatti, ajouta aux àrticlesde M. de Rossi sur un cimetière souterrain
chrétien anonyme, découvert au Monta Mario près de Rome (5), et au
sujet de l'inscription en honneur de saint Quirin, évêque de Siscia, sur
laquelle nous reviendrons encore (6), une courte notice biographique de
l'auteur, et un mémoire sur les inscriptions de Rome, que celui-ci avait
composé en 1848 pour une séance de l'Académie romaine d'archéologie,
mais qui n'avait pas pu être lu à cette assemblée et, pour cette raison,était
resté inédit (7).
(1) Epigra/e d'una illustre donna délia régla ttirpe'degli Âmari ostrogoti, p. 77-82; Un
cippo del re Teoderico nulle paludi Pontine, p. 83-84.
(2) Le origini délia chiesa delV Ara Coeîi, p. 85-89.
(3) Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques, 1892, p. 466-484.
(4) Basilica ed insigni Ucrizioni in 'Mosaico scoperte in Tipasa di Mailritania, p« 90-94.
1
(5) Cimitero sotterràneo di ignoto nome sul monte Mario, p. 133-146.
(6) Scoperta delVépigraphe metrica del martire Quirino, vescovo di Siscia, nella platonia a
S. Sebastiano, p. 147-130.
(7) Délia raccolta délie iscrizioni cristiane di Roma dei primi set secoli, p. 181-173:
— *. r
-
({) Bullettino, d894, p. 41 ss. ; 106 ss. ; 174 ss..
(2) Armellini Maiuano, Gli antichi cimiteri cristidni di Borna e d'Italia. Roma, 1893.
d vol. de 779 p. in-8°.
402 REVUE THOMISTE
de la Vit/na Cassiu, à Siracuse même, l'autre sur les tombeaux trouvés près
de Gatania (!). Plusieurs épitaphes intéressantes sont venues au jour,
dont quelques-unes portant des dates du iv° et du vc siècle; d'autres men-
tionnent la qualité de prêtre ou encore la patrie et la condition civile des
défunts. Une particularité dont on a pas encore trouvé d'exemple jusqu'ici
a été remarquée à un tombeau de San Giovnmvi] la plaque de pierre hori-
zontale qui fermait une tombe en forme d'arcosolium était percée de trois
trous plus larges en haut qu'en bas, dont l'un conservait encore son cou-
,
vercle Iraforé en guise de tamis. Ces ouvertures étaient destinées proba-
blement à verser sur le cadavre des essences, afin d'empêcher les effets
de la décomposition.
Dans un faubourg de la ville de Kertsch, (Russie méridionale), des ou-
vriers travaillant dans une carrière s'abattirent dans une chambre sépul-
crale antique païenne, ornée de fresques. Les recherches faites à la suite
de cette trouvaille et dirigées par M. le professeur Julien Kulakowsky
amenèrent la découverte d'une crypte sépulcrale chrétienne datant de
l'année 491./Elle est creusée,dans une couche d'argile, de forme carrée,et
contient trois tombeaux en forme de niches, un tombeau 23ar côté, le qua-
trième étant réservé à la 2'orte d'entrée, qui était fermée par une grande
pierre. Les parois sont entièrement recouvertes de longues inscriptions,
divisées en 13 compartiments et accompagnées de croix. Dix de ces com-
partiments contiennent le texte grec de divers passages des psaumes 26 et
120 et le psaume 90 en entier. Dans un autre on lit la date de l'année 788
de l'ère bosphorienne, qui commence en 297 avant Jésus-Christ; l'an-
née indiquée correspond donc à 491 de l'ère chrétienne. Les deux qui
restent nous donnent deux prières liturgiques, dont nous voulons com-
muniquer le texte, en suppléant avec l'auteur les lettres qui manquent dans
îe texte original. L'une d'entre elles a la teneur suivante :
>
Xoipd [j.eyixXyi yévyovev (sic) tw ol'xw toutci) u^jAspov, twv à^t'w (v) xapays-
vo[Aévwv, twv êwtewv (Sixattov), auvaÀ (X) ouiveov "/al tôv îtavtwv ty.voû (v)
tg) (v) Ge lié (vj) a (ov),
Une grande joie fut faite aujourd'hui à cette demeure, puisque des
«
saints y arrivèrent, des justes s'associèrent à leurs cris d'allégresse et
tous vous adressèrent des hymnes en disant : Ayez pitié de nous. »
Une grande croix, accompagnée des lettres A et ûj est tracée à travers
le texte.
(1) Le calacomhe di S. Giovanni in, Siracusa, dans Notizie degli scavi publ. par Fioreli.i,
1893, juillet, —Ipogeo cristiano dei basai tempipresso Calania (ibid., septembre).
BULLETIN AKCUÉ0L0G1QUE 4Ô5
L'autre dit :
« Saint Dieu, saint fort, saint immortel, ayez pitié de votre serviteur
Savagas et Phaeispartas ».-
M. Kulakowsky croit qu'on avait tracé l'inscription quand le premier
défunt fut enterré dans la crypte ; de là le singulier « voire serviteur ».
Quand le second fut porté au tombeau, on se contenta d'ajouter son nom,
sans changer le nombre des mots précédents. L'auteur examine le monu-
ment dans tous ses détails, le compare à d'autres découvertes qu'on a
faites dans la même contrée, et en tire des conclusions historiques sur
l'introduction et la propagation du christianisme au Bosphore (1).
(1)J. Kulakowsky, iiint allchristliche Grableammer in Kerlsch aus demjahre 491, clans
Roem. Quartalschrift fur christl. Alterthnmskunde, etc.,''VIII (l'89i); p. 49-88; 309-328.
H. Beaunis et A. Binet. — L'année Psychologique.
I11-80, p. vn-619. Paris, F. Alcan.
Bossuet disait un jour : « J'ai autrefois donné au roi une instruction par
écrit, où je mettais l'amour de Dieu pour fondement de la vie chrétienne.
Le roi, l'ayant lue, me dit : Je n'ai jamais ouï parler de cela, on ne m'en
a rien dit ». (OEuvres, éd. Vives, t. XXVI, p. 187.) On ne parle pas plus
aujourd'hui de cette vertu, « fondement de la vie chrétienne », qu'au
temps de Louis XIV. C'est pour qu'on s'en occupe et qu'on en parle
davantage que M. Galea a écrit son élude (Prolog.). Dans la Ire partie, il
s'applique à donner une notion précise'et complète de la charité : dans la
11°, il recherche par quel motif on doit aimer Dieu pour avoir une charité
vraie. Cette seconde partie était la plus difficile. L'auteur, après avoir
distingué entre le motif d'amour qu'il appelle « motivum-causam per
modum objecti » et celui qu'il nommé « înolivum-fînem », exprime sa
pensée dans les deux propositions suivante : « Bonitas divina, in quantum
in dilectione Dei ex charitatedicitmotivum-causamper modum objecti, aoei-
pienda estprout est simul bonum nostrum. »— «Bonitas divina,ih quantum
didt motivum-finem quo tenemur diligere Deum kk chariteitè, ciccipienda'estprout
est bonum ipsiusDei, elnonprout est bonum nostrum proprium » — Cette dis-
.
408 REVUE thomiste'
point de vue qu'il fallait pour comprendre le grand génie dont il dé-
fend là gloire, et ne pas arriver à cette déconvenue de M; Elsér trouvant
qu'Ai'islbte est ce poisson étrange « Tiritenfisch » qui, au momeriteri-
tique, s'enveloppe et se dérobe dans un noir impénétrable; ::-:•i
Cet ouvrage du Dr Grupp, comme sou til.re l'indique, est. une histoire de
la civilisation du moyen âge, pourvu toutefois qu'on ne prenne pas le mol;
histoire dans un sens trop rigoureux cl; systématique. 11 serait plus juste,
en effet de dire que ces deux volumes sont une suite de tableaux relatifs
aux éléments multiples qui ont constitué la civilisation chrétienne depuis
latin du monde antique jusqu'à celle du moyen âge. Chaque tableau ou
étude (et il y en a cinquante distribués en nombre égal dans les deux vo-
lumes) forme un petit tout indépendant, groupant les diverses données
constitutives de la question. L'auteur est d'ordinaire bien informé sur ses
sources, encore qu'il vise manifestement: à écarter de son livre tout appa-
reil d'érudition. L'ouvrage n'est pas,dans la pensée de son auteur, un 'livre
d'étude pour les spécialistes, ni une contribution scientilique aux diverses
et nombreuses questions qu'il effleure plus qu'il ne les traite dans le bref
espace qu'il leur consacre ; c'est un ouvrage destiné à donner une vue
intéressante et; suffisamment scientifique des éléments de la civilisation du
moyen Age. A ce point, de vue l'ouvrage sera utile et atteindra son but.
L'ordre chronologique dans lequel sont disposées ces diverses études
pouvait à la rigueur permettre à l'auteur d'envisager son ouvrage comme
une sorte d'histoire de la civilisation. Néanmoins il leur manque pour jus-
tifier pleinement ce titre un groupement plus étroit et plus logique des
éléments constitutifs de la civilisation du moyen âge, ainsi qu'une
exposition méthodique de leur dépendance et de leur développement suc-
cessif. Tel qu'il est, l'ouvrage renferme une masse de renseignements
intéressants,et les illustrations qui viennent çà et là compléter les données
du texte, achèvent de faire de ces deux volumes une excellente publication.
P. M.
412 ' REVUE THOMISTE.
Lu Gkiiaxt : P. SEKTILLANGES.
LA DiÉFEKSE
Voilà qui est parler raison, mais voilà aussi qui ne ressemble
guère à l'affirmation, si sûre d'elle-même, des adversaires de
l'hypnotisme.
Il ne faudrait pas croire, du reste, que l'on attribue par fantaisie
et pour le plaisir de contredire, au sommeil artificiel la qualité de
phénomène purement physiologique. Si on le fait, c'est sur bonnes
preuves :
Pourquoi, en effet, ne pas identifier deux sommeils qui se pro-
duisent par les mêmes moyens, présentent les mêmes phénomènes,
et se transforment si facilement l'un dans l'autre? Or, le sommeil
naturel et le sommeil hypnotique, nous le verrons bientôt, ont
essentiellement les mêmes causes : l'un et l'autre peuvent s'accom-
pagner de rêves de la même façon; enfin « ils se transforment l'un
dans l'autre. Par exemple, un dormeur artificiel abandonné à lui-
même, cesse d'être cataleptique peu à peu et finit par entrer dans
le sommeil ordinaire ; ainsi un dormeur ordinaire, si on le touche
en môme temps qu'on lui parle avec douceur, parvient lentement
et sans s'éveiller à se mettre en communication et à devenir
cataleptique (1)..»
De fait, si le sommeil hypnotique relève essentiellement de la
pathologie, il sera ou une psychose ou une névrose. Mais il n'est
ni l'une, ni l'autre, nous dit M. le Dr Albert Moll, de Berlin. La
preuve, c'est qu'aucune maladie ne cesse, pas plus qu'elle ne se
produit, instantanément. Or, je puis faire cesser le sommeil
hypnotique, avec tous les phénomènes produits, instantanément,
puisque je n'ai qu'à dire au sujet : « ré veillez-vous », il se réveil-
lera. L'hypnose n'est donc pas une maladie; mais il faut l'identifier
avec le sommeil naturel ou reconnaître au moins qu'elle présente
avec lui les plus intimes rapports, et constitue un état tout à fait
analogue (2).
Et comment l'hypnose serait-elle essentiellement une maladie,
si l'on s'en sert justement pour soulager les malades et améliorer
leur état? Or, c'est ce qui a lieu. « Contrairement à beaucoup de
médecins, écrit M. le Dp Beaunis, je regarde le sommeil hypno-
tique sans suggestion comme plus réparateur que le sommeil ordi-
(1) Liébault, le
Sommeil provoqué, p. 27. Behniieim, De la suggestion, etc., p. 220.
(2) Der Hi/pnetismus, 2. édit., p. 163-167.
418 ' REVUE THOMISTE
demeure toujours établi que cette thèse est sans fondement. Rien,
absolument rien, ne prouve que ce phénomène ne soit pas pure-
ment et simplement naturel.
.Mais que penser des faits étranges qui accompagnent ou
suivent le sommeil hypnotique ?
que rien les annonce, sans que rien les prépare « subitanei ed
improvisi » (1). Et si vous en voulez un argument en forme, le
voici :
Tout symptôme naturel de maladie naturelle a ses prodromes.
Or, les symptômes de l'hypnotisme n'ont pas de prodrome.
Donc les symptômes de l'hypnotisme ne sont pas symptômes
naturels de maladie naturelle.
La majeure se prouve par le consentement unanime des méde-
cins et de ceux qui ne le sont pas « fatto notorio ai medici e ai non
medici, » (2) en particulier par l'affirmation catégorique de
M. Paul Richet qui, parlant de l'hystérie fondement et substra-
tum de l'hypnose au jugement de M. Charcot, a pu dire : « L'at-
taque d'hystéro-épilepsie, ou la grande ' attaque d'hystérisme ne
surprend pas : elle est toujours précédée, quelquefois pendant plu-
sieurs jours, d'un cortège de phénomènes permettant aux malades
de prévoir le moment où elles vont tomber en attaque » (3).
La mineure est trop sûre : qu'un homme soit endormi, et vous le
verrez vous présenter successivement et sans transition, au gré
de l'opérateur, les symptômes de toutes les maladies imaginables.
Voilà donc un argument solide dans toutes ses parties et inatta-
quable.
— Hélas ! il est si peu solide dans toutes ses parties que sa base
même manque de consistance. .'
Que suppose, en effet, le R. P. Franco, quand il raisonne
comme nous venons de le voir? Il suppose que l'hypnose est une
maladie qui, comme telle, doit avoir ses symptômes, lesquels, à
leur tour, s'ils sont naturels, doivent avoir leurs prodromes. Mais,
nous l'avons vu, il n'est pas le moins du monde démontré que
l'hypnose soit une maladie. L'argument du Révérend Père, au lieu
d'être bâti sur le roc d'une certitude, repose donc sur le sable
d'une pure probabilité. C'est un vice irrémédiable.
Mais accordons que l'hypnose soit une maladie, l'argument ne
s'en portera pas mieux pour cela : car la majeure est fausse, et
.
nous la nions.
(1) Ibid.
(2) L'Ipnolismo, etc., p. 124.
(3) Etudes cliniques sur la grande hystérie, p. 1.
426 REVUE THOMISTE
Une cause naturelle, n'esl-il pas vrai, opère son effet nécessai-
'L'ipnolîsmo, p. 121-130.
(1)
(i) Voir les tableaux ds la suggcstibililc comparative des sujets dressés par
MM. Bcrnhcim, Liébeaull, Beaunis, etc.
PROCÈS de l'hypnotisme 431
Le 11. P. Franco est bien convaincu que les raisons dont nous
venons de faire l'examen doivent entraîner l'assentiment de tout
esprit sage et non prévenu ; cependant, comme abondance ne
nuit point, il continue son argumentation ; et pour porter à l'hypno-
(1)
qu'étant entendus ils ont un très bon sens ». '
Bossuot déjà reconnaissait que « ces termes semblent rudes à quelques-uns, mais
'
SAINT THOMAS ET LE I'RÉDKTERMIiMSMIÎ Ïi3
te
mière, qui meut la volonté à agir. Je ne vois aucune raison
4-ii ' KËVUE THOMISTE
« 'l'homas. L'acte
«
premier moteur. ».
« voit donc clairement qu'elle est la véritable pensée de saint
libre est un mouvement qui procède du
C'est donc encore partie gagnée pour les thomistes. 'Ils sont
bien réellement avec saint Thomas quand ils disent que la volonté
.
II
« volonté se meut
elle-même in quantum per boc quod vult finem,
« reducit seipsam ad volendum ea qua; sunt ad finem, c'est la
« doctrine expresse de saint Tbomas (Siim. ïbeol. \. 2, q. 9, a. 3
« et'4). Que fait Dieu dans l'acte où la volonté movet seipsam.
« dans ce velle ea quai sunt ad fine m qui est l'acte de la volonté
« libre? » M. Gayraud le demande au saint Docteur dont il aligne
trois textes les uns à la suite des autres (1), en les faisant suivre
immédiatement de ces réflexions : « Ces textes, on peut le dire,
« sont le champ clos où partisans et adversaires de la prédéter-
« mination physique épuisent, depuis trois siècles, tous les efforts
« de la dialectique la plus subtile. »
Et en deux ou trois pages il en résume, sans y rien ajouter
de nouveau, l'interprétation proposée par chacune des deux
écoles rivales. Sur le troisième texte, en particulier, le plus
« fameux », M. Gayraud remarque qu'il « est commenté de cent
« façons contraires. Saint Thomas a-t-il voulu?... Ne faut-il y
« voir que?.. N'y a-t-il là que?... Dieu n'agit-il jamais?... Dans
« l'ordre de la grâce... cette motion est-elle?... Le vouloir que
(1) Voici ces textesVoluntas Jicitur habere dominium sui actus non per exclusionein
:
caus;c primoe, sed quia causa prima non ita agit in voluntate ut eam de necessitale ad
unum delerminet sicut déterminât naturam ; et ideo delei'mînatio actus relinquitur in potes-
tate ratiouis et voluntatis. (III de Pot. a. 7 ad 31'".)
Quia voluntas est activum principium non determinatum ad unum sed indifferenter se
habens ad multa, sic Deus ipsam, movet quod non ex necessitate ad unum déterminât, sed
l'emanet motus ojus contingens et non necessarius, nisi in liis ad quoe naturaliter
movetur (S. Th. 1, 2, q. 10, a. 4).
Enfin « le texte fameux » (1. 2, q. 9, a. 6 ad 3) : Dcus movet voluntatem hominis sicut
universalis motor ad universalc objectum voluntatis quod est bonum ; et sine hâc univer-
sali motiono liomo non potest aliquid velle. Sed homo per rationem déterminât se ad volen-
dum hoc vel illud quod est vere bonum vel apparens bonum. Attamen interdum specia-
liter Deus movet aliquos ad aliquid determinate volendum quod est bonum, sicut in bis
quos movet per gratiain.
ItEVUE THOMISTE. — 3e ANNÉE. 30.
' ' - l! I ^
« point. »
Nous voilà guère avancés. Mais, patience.
« A la vérité, saint Thomas affirme, poursuit M. Gayraud,
« que l'acte instinctif et spontané de la volonté, qu'il nomme
« simplement velle, et l'acte libre qu'il appelle eligere, sont
« deux actes distincts et non pas une seule et môme entité
« ou réalité physique : Eligere est alius actus quam velle.
«
Electio et ipsum velle sunt diversi actus, sicut etiam intel-
« ligere et raliocinari (24 de Verit. a. 6 ad 2. —S. Th., q. 83,
« a. 4, ad 2). Mais il ne dit nulle part que le passage du pre-
« mier acte au second, du velle à Y eligere, exige une action
« spéciale du premier moteur sur la volonté. Voilà pourquoi,
« me semble-t-il (ce pourquoi est adorable !), on peut soute-
« nir que tout ce que le saint Docteur enseigne concernant la
« motion divine à l'acte libre doit s'entendre de la motion au
« vellefinem en vertu de laquelle la volonté se meut elle-même,
« sans laquelle on ne peut rien vouloir, et par laquelle l'homme
« se détermine délibérément à vouloir tel ou tel bien parti-
« culier. »
Si long que fût le morceau, il m'a paru nécessaire de n'y rien
retrancher. Ce que j'y distingue, et ce que je signale aux esprits
réfléchis, c'est la logique de l'argumentation. Je suis intimement
convaincu que si M. Gayraud, quand il était disciple, avait en-
tendu l'un de ses maîtres raisonner de la sorte, il aurait com-
iftsl!?
i
« quid determinate volendum soit une prédétermination spéciale
« à l'acte libre; Dieu meut en effet notre volonté au bien de
« plusieurs façons, différentes de la prédétermination physique. »
— Mais veuillez nous dire, je vous prie, pourquoi ces niots Deus
sjjecialiter movet aliquos ad aliquid determinate volendum ne parais-
sent pas suffire à prouver que la motion divine soit une prédéter-
mination spéciale à l'acte libre, tandis que, dans le même lexle, je
w pourrais dire clans la même phrase, ceux-ci : Deus motet volunta-
tem hominis sicut universalis motor, ad universale objectum voluntatis,
p vous paraissent si clairement suffire à prouver que « cette mo-
« tion divine est une prédétermination physique à la volition du
« bien en général que vous ne voyez aucune raison de le nier »,
et que vous ne songez même pas aux autres façons différentes dont
Dieu meut notre volonté au bien. Voudriez-vous donc nous faire
entendre que la bouche de saint Thomas est de celles qui soufflent
en même temps et le froid et le chaud (1) ?
M. Gayraud reconnaît, du reste, que son explication par la
seule motion au bien universel laisse subsister bien des points
d'interrogation, a Je n'ignore £>as, dit-il (page 104), les arguments
« subtils que l'on peut faire contre cette motion
divine ad uni-
« versale bonum et contre la détermination de la volonté à vou-
« loir hoc vel illud sous l'influence de cette motion universelle. »
«Ht
SAINT THOMAS ET LE PRÉDI3TERMINISUK 451
111
Voici une autre preuve tirée des principes de saint Thomas sur
la Providence de Dieu et sur son gouvernement.
C'est une vérité absolument hors de controverse dans la théo-
dicée chrétienne et rationnelle que tous les êtres dans le monde,
tous leurs effets, tous leurs actes, tous les accidents et'les phé-
nomènes qui s'y l'attachent, sont, jusque dans les dernières parti-
cularités de leur être réel, ordonnés, par la divine Providence,à la
fin dernière unique,, qui est le bien général de l'univers sous
la forme et dans la mesure qu'il a plu à la bonté toute sage
et toute gratuite de Dieu de déterminer. Necesse est
dicere, affirme saint Thomas (S. Th. I P. q. 22, a. 2), omnia
divinse Providentiaï subjacere, non in universali tantum, sed
etiam in singulari... Necesse est omnia qua>, habent quomodo-
cumque esse, ordinata esse a Deo in finem. — Il n'est pas moins
certain que Dieu, par Faction de son gouvernement, assure,
jusque dans les moindres détails, la parfaite exécution de cet
ordre, de ce plan établi et fixé par sa Providence. Oportet dicere
quod Deus omnium etiam minimorum particularium ralionem
gubernationis habeat... Impossibile est quod aliquid contingat
praeter ordinem divinae gubernationis. [Ibid. q. 103, a. 6 et 7.)
Si, maintenant, vous demandez à saint Thomas pourquoi il
est nécessaire, necesse est, que tous les êtres sans exception, avec
toutes leurs particularités, soient compris dans le plan que Dieu a
conçu, qu'ils tombent sous cet ordre à la fin dernière universelle,
en un mot qu'ils soient soumis à sa Providence, le saint Docteur
répond sans hésiter : c'est parce que tous les êtres tiennent tout
ce qu'ils sont de la causalité de Dieu ; Cum omne agens agat
propter finem, tantum se extendit ordinàtio effectuum in finem
quantum se extendit causalitas agentis... Causalitas autem Dei,
qui est primum agens, se extendit usque ad omnia entia, non
solum quantum ad principïa speciei, sed etiam quantum ad
individualia ^principia. Unde necesse est omnia quai habent
quomodocumque esse, ordinata esse a Deo ad finem. Cum ergo
,ui" t r , i
TT-i ' ' ' r T—^ , -. , r' t ')
^ r
subduntur.
Si vous demandez, d'autre part, à saint Thomas pourquoi il
faut que l'action, la direction effective du gouvernement divin
atteigne tous les êtres, tous leurs actes avec toutes leurs moda-
lités, il répond : c'est parce que tous les êtres, quels qu'ils soient
et avec tout ce qu'ils sont, entrent dans le plan de Dieu et qu'ils
sont ordonnés à la lin dernière qui relève de Dieu : Voici ses
propres expressions (S. Th. I P q. 103, a. 5 : Utrum omnia
divina? gubernationi subdantur)... « Patet etiam hoc idem ex
ratione finis. In tantum enim alicujus gubernatio se extendit
in quantum se extendcre potest finis gubernationis. Finis autem
divina? gubernationis est ipsa sua bonitas. Unde, cum nihil esse
possit quod non ordinetur in divinam bonitatem sicut in lînem,
impossibile est quod aliquod entium subtrahatur gubernationi
divina?.. Stulta igitur fuit opinio dicentium quod ha?c inferiora
corruptibilia, vel etiam singularia, aut eliam res humana? non
gubernantur a Deo. « Et s'il pouvait rester quelque doute que ce
raisonnement s'applique également à nos actes libres, qu'on lise
la réponse ad 3m : « Creatura rationalis gubernat seipsam per
intellectum et voluntatem, quorum utrumque indiget régi et
perfici ab intellectu et voluntate Dei. Et ideo supra guberna-
tionem qua creatura rationalis gubernat seipsam tamquam domina
sui actus, indiget gubernari a Deo. »
Que mes lecteurs veuillent bien remarquer toute la grandeur
158 REVUE THOMISTE
(1) La motion objective s'appelle aussi motion morale, soit parce qu'elle s'adresse plus
particulièrement aux êtres floués d'intelligence et de liberté, soit parce qu'elle est le seul
moyen au pouvoir des créatures d'ébranler l'activité humaine sans nuire à la liberté,
condition de toute moralité. —La motion subjective qui produit intérieurement,ab ïntus
comme parle Cajetan, dans la volonté même, une' inclination, s'appelle aussi motion
physique, parce qu'elle est produite, à l'instar de tous les effets physiques, par une
cause efficiente qui modifie entitativement le sujet sur lequel elle agit. Cependant, si
cette motion ou modification jmysique n'enlève pas la liberté, il est bien clair qu'elle ne
nuira pas à la responsabilité morale de la volonté qui la reçoit; et par conséquent, tout
en étant d'ordre physique par son entité et par la manière dont elle est produite, celle
:"-'-
motion ne laissera pas d'être d'ordre moral, quant au résultat, quant à l'acte auquel
elle aboutit.
SAINT THOMAS ET LE l'KÉDËTERMI.NISMK 463
()) Saint Thomas agite absolument la môme question et donne identiquement la môme
réponse dans le fameux article 6, (l" 2;l6, q. 9). Si l'on avait fait ce rapprochement on
eût évité sur cet article et sur la réponse ad 3 bien des commentaires fantaisistes, et l'on
eut été moins embarrasse pour « définir exactement qu'elle était, lorsqu'il rédigeait
celte réponse ad 3, la pensée de saint Thomas. »
464 lîtëVUE THOMISTE
traité du gouvernement divin, saint Thomas entend parler delà motion relative aux actes
particuliers et libres — et qu'il prend le ternie movere, immutare, dans le sens de mouvoir
de ce côté ou d'un autre, de modifier l'inclination'volontaire en la tournant vers ceci
ou vers cela, l'inclination au bien universel restant toujours sauve, et sauf aussi le
rapport de subordination qu'ont inévitablement vis-à-vis d'elle toutes les volitions parti-
culières libres.
(.1) Le sens est que Dieu peut mouvoir invinciblement ou même, on certains cas, aller
jusqu'à mouvoir nécessairement la volonté comme il s'en explique à la lîn de l'article ;
mais que, même en ce cas, il ne peut violenter la volonté, car cela entraînerait une con-
tradiction dans les termes.
IfSH "TirWTtfT^i \ r™^""* (
IV
(1)... Si sint multa ageritia ordinata, semper secundum agens agit in virtute primi
agentis, nam primum agens movet secundum hoc omnia agunt in virtute Dei et ipsa est
causa omnium actionum agentium. Réduire cette dépendance des causes secondes libres
à la seule motion au bien général c'est ne rien comprendre à cet article.
470 RlîVUE THOMISTE
soit par une influence médiate s'il s'agit des causes inférieures,
soit par une influence directe et immédiate s'il s'agit des causes
supérieures et des agents spirituels (solus Deus illabitur libero
arbitrio). Il y a toutefois, entre le pilote dont je viens de parler,
entre le chef d'armée dont je parlais plus haut, et Dieu, une
différence capitale. Le pilote et le chef d'armée n'ont aucun
pouvoir intime sur les forces qu'ils mettent en jeu et dirigent,
et ils ne peuvent les influencer que par le dehors. Dieu, au
contraire, a tout pouvoir sur toutes les natures, dont il est
l'auteur, sur toute l'activité qui est eh elles et dont il est la
première source; aussi peut-il les diriger, les actionner, les
influencer par le dedans, de telle sorte que son effet est dans
les agents naturels une inclination, une propension naturelle,
dans les agents volontaires et libres une inclination volon-
taire et libre.
Un dernier mol, sur la nature de la prédétermination physique.
Est-elle en soi une motion totalement distincte de la motion au
bien universel, et faut-il la concevoir comme une motion sur-
ajoutée constituant une seconde entité specie et numéro diversa?
Avant de répondre, je remarque, d'abord, que le bien universel
et le bien particulier sont, quand on les prend parallèlement,
deux objets distincts, et que l'acte qui est uniquement le
vellefinem, l'inclination au bien général, et l'acte qui est la libre
élection d'un bien particulier sont, à les considérer séparément,
deux actes réellement distincts. De là, je conclus qu'il faut éta-
blir une distinction réelle entre la motion à f l'acte spécial qui
est uniquement la volition du bien général, et la motion à
l'acte qui est la volition particulière et libre. Des actes numéri-
quement et spécifiquement distincts exigent des motions causales
numériquement et spécifiquement distinctes.
Je remarque, en second lieu, que dans toute volition parti-
culière, dans tput acte libre, est contenue, est englobée la volition
du bien général. Vouloir librement un bien particulier, c'est
le vouloir cpmme détermination du bien général auquel on tend;
c'est poser un acte unique qui, par un côté, est volition du bien
général, par un autre côté volition du bien particulier, ou plutôt
qui dans sonunique et simple entité est par tout lui-même voli-
tion du bien général déterminé en tel objet particulier, ou volition
SAINT THOMAS ET LE I'RÉDÉTERMINISMK 475
(1) Je ne parle toujours, cela va sans dire, que de la motion aux actes de l'ordre pu-
rement naturel. Pour la motion aux actes surnaturels, il y a à l'aire d'autres considé-
rations qui m'entraîneraient trop loin et qui sont, du reste, étrangères au présent débat.
476 REVUE THOMISTE
l'esprit du congrès
«
elles que se réalisera l'oeuvre de progrès et de paix; c'est
« en elles, enfin, que nous fraternisons aujourd'hui. (1) »
Or la charité a des moyens et une méthode qui lui sont pro-
pres. Elle aura donc pour effet de tempérer les intimidations
!
Troisième éd, (1883), p. 1577.
(1)
: (2) Eu 1809; trad. Boné, Bull. Soc. géol. fr. (1851), VIII, 274.
(3) Etude sur l'hist. de la Terre, 184i.
!
L ARGUMENT MATHEMATIQUE.
LA FORME DE LA TERRE
501
(1) Voyez, à l'appui do lout ceci, notre Exposé raisonné de la théorie cosmor/onioue
moderne, dans les Mouat-Rosen, 189;j.
502 REVUE THOMISTE
(1) Pour légitimer la supposition de cette homogénéité, qui n'était d'ailleurs, chez
Newton, qu'une assimilation faite en vue des calculs, on peut remarquer que la forma-
tion et le pelotonnement des tourbillons exigent des différences dans les vitesses des
filets contigus, mais ces différences résultant, dans un anneau, delà dislance des filets
au centre, il n'est pas nécessaire, pour expliquer le tourbillonnement, de supposer
l'hétérogénéité des filets différents. D'autre part, on peut admettre que la masse terrestre
était encore homogène, à ce moment-là, puisqu'elle provient de la matière cosmique
primitive qu'il est naturel et logique de se représenter comme homogène tant que les
réactions capables de la diversifier n'ont pas commencé. Or, l'exposé que nous avons fait
de la genèse des astres (Monat-Rosen) nous a montré des phénomènes mécaniques cl
plrysiques mais, jusqu'au moment présent, aucune action chimique de nature à rompre
l'homogénéité originelle de la matière.
t r^T~7^
(1) Avec la plupart des astronomes et des géologues, nous partageons l'existence des
planètes en deux parties : la phase sidérale avant et la phase planétaire après la forma-
tion de la croûte rocheuse supprimant la radiation lumineuse.
(2) S. Guxtiieb, Lehrbkch der Ceophytil; I, 109.
,. ^ > ^ . « "/'''/ .
^rrr-TT-TVyK'L ^'JJ.S
gine, n'a cessé de régner et, sous son influence, la masse tellu-
rique, d'abord gazeuse, est devenue liquide. Etant donné le faible
volume de la Terre, le passage y a été rapide de l'état gazeux â
l'état liquide. Le globe présente alors l'aspect d'un magma à l'é-
tat de fluidité ignée, dans lequel les marées lunaires se font puis-
samment sentir. Ce magma étant à une température très élevée,
se refroidit rapidement en rayonnant vers les espaces ; aussi rapi-
dement, du moins, que le lui permet sa vaste atmosphère, con-
tenant, toute l'eau des océans futurs et les vapeurs de plusieurs
substances volatiles actuellement fixées, ce qui porte sa pression
à 250 ou 300 fois sa valeur actuelle. Ce rayonnement calorifique
s'effectue selon la loi de Newton : il est d'autant plus intense que
la différence de température est plus grande entre le globe
magmatique et les espaces ambiants. II arrive un moment où le
refroidissement, plus intense naturellement à la surface, y est
assez avancé pour permettre la formation de scories, constituées
par des silicates à la fois légers et très réfractaires, flottant sur le
bain en fusion.
Les lambeaux scoriacés, d'abord isolés, se soudent peu à peu,
formant une pellicule, d'abord très mince mais bientôt épaissie,
qui supprime immédiatement la radiation lumineuse, en môme
temps qu'elle gène, au point de finir par les annuler, les marées
lunaires de la masse interne. Avec l'extinction du globe, com-
mence la phase planétaire de son existence, qui dure encore au-
jourd'hui. Cette phase est donc caractérisée par la présence, à la
surface du noyau, d'une écorce rocheuse, solide et continue, que
nous appelons la lithosphère terrestre (1).
Dès que la lithosphère est formée, commence la série des
phénomènes mécaniques dus aux réactions mutuelles de l'é-
corce et du noyau central qu'elle enveloppe. L'ensemble de ces
réactions constitue ce que nous appelons le phénomène orogénique,
dans l'acception la plus générale du terme; c'est l'objet de la
géologie mécanique, voici en quoi elles consistent :
(I) Du grec lithos, pierre, et sphaïra, sphère: « sphère rocheuse », par opposition à
atmosphère, « sphère gazeuse », photosphère, « sphère lumineuse », hydrosphère, « sphère
liquide », formée' par la masse océanique, et pyrosphère, « sphère ignée », ainsi que
quelques auteurs allemands appellent le noyau central, faisant sur son état actuel une
hypothèse, très vraisemblable sans doute, mais néanmoins trop peu sûre, à notre avis,
pour servir de base à un terme de la nomenclature classique.
«Éâiii?
canaux pour les venues centrifuges. C'est ce qui arrive : Il s'y pro-
duit, par suite de la tension et des marées de la masse interne, des
émissions éruptives qui ressoudent les fentes, constituent des
dykes rocheux et, s'épanchant au dehors, forment les grands
massifs granitiques de la période primitive. Ces émissions arrivent
à l'état igné, incandescent, souvent avec des gaz et des vapeurs
enflammés; elles rendent à certaines régions de la planète un éclat
local et momentané; la Terre est alors une étoile à catastrophes, vi-
sible temporairement des autres astres.
Mais le refroidissement gagne toujours dans la direction du
centre. Bientôt il atteint les couches les plus profondes de la li-
thosphère et touche au noyau. Il se forme en cet endroit une zone
dont l'état pâteux établit la transition entre le noyau fluide et
l'écorce solide. C'est comme une couche de colle qui soude Ja li-
thosphère au noyau, et dont l'influence, impossible à négliger, sur
les dislocations delà croûte,constitue le plus délicat des problèmes
orogéniques. Epaississant toujours, la lithosphère devient bientôt
trop forte pour pouvoir être rompue par les agitations du bain
interne. A partir de ce moment, les marées ne pourront plus
amener d'éruptions et, pour faire jaillir le magma central, il faudra
une action mécanique, émanant de la lithosphère elle-même.
D'ailleurs, le refroidissement de l'écorce touche à sa fin. Il a été
très rapide, parce qu'aucune enveloppe solide ne la protégeaiteontre
le rayonnement. Il est donc naturel qu'elle arrive bientôt à l'équi-
libre de température avec les espaces ambiants.
A ce moment-là, le refroidissement de la lithosphère est terminé,
tandis que celui du noyau, entravé par l'enveloppe mauvaise con-
ductrice que lui oppose la lithosphère, se continue encore, non
plus par la voie du rayonnement immédiat vers les espaces, mais
par l'entremise de l'écorce et la voie très lente de sa faible con-
duction (t). 11 y a donc un instant à partir duquel le noyau central
({) A partir de cet instant, la chaleur reste presque tout entière emmagasinée dans la
masse fluide intérieure ; le rayonnement du noyau vers les espaces devient très faible,
par conséquent, la tendance à le diminuer, tendance que nous avons vu dominer toute la
phasii sidérale, va s'affaiblissant. Avec elle, diminue jusqu'à s'annuler presque, la ten-
dance corrélative à prendre et à conserver la figure sphériqne en tant que thermoécono-
mique. Voilà pourquoi lorsque, dans la suite, nous parlerons de l'opposition faite à
l'écrasement polyédrique de la lithosphère par le noyau interne, nous pourrons négliger
complètement cette tendance, dérivant du principe de conservation de l'énergie, pour ne
nous occuper que de la tendance, toute différente dans son principe, qui pousse le noyau
Vers la forme ellipsoïdale et dérive pour lai de sa plasticité permanente et de. la rotation
diurne.
§08 " HE VUE THOMISTE
(1) La chute centripète, sous l'influence de la pesanteur, d'un voutsoir (ou d'un groupe de
voussoirs) de la lithosphère, assimilée à une voûte spliérique, ne saurait produire l'effet
désiré. Kn effet, de deux choses l'une : Ou les voussoirs mohiles descendent'sans se plisser
ni plisser leurs voisins, et alors leur descente, écartant les voussoirs fixes, augmente la
surface totale de la lithosphère au lieu do la diminuer; — ou bien les voussoirs mobiles
,se plissent (en prenant à leur compte tout le ridement nécessité par leur descente ou en
le faisant partager aux voussoirs fixes voisins, peu importe), mais dans ce cas, le plisse-
ment (total) n'ayant d'autre but que de permettre la descente des voussoirs mobiles,
d'autre cause que leur coincement progressif entre les parois convergentes (radiales) de
leurs voisins, ce plissement se borne à racheter l'excès de largeur horizontale que les
voussoirs mobiles présentent à mesure qu'ils descendent. Il ne saurait dépasser cette
mesure, ni par conséquent modifier en rien la surface totale de l'écorce.
J 'I ,
" HT--—-ri- ' —'- -*-?»"—"'''>"!"
II
mettraient de rouler les unes sur les autres. Dans ces conditions,le
corps devient parfaitement plastique, tout en conservant pro-
bablementla même résistance à l'écrasement. L'équilibre molécu-
laire est instable ; il est en butte à une plasticité qui n'at-
tend pour se manifester que la rupture de l'équilibre entre
les pressions extérieures à chaque élément du corps. C'est cet
état particulier que M. Heim appelle la plasticité latente. Ce
terme a été critiqué; nous ne voyons pas bien pourquoi. II
nous paraît très juste et entièrement expressif; nous conti-
nuerons à nous en servir jusqu'à ce qu'on en ait proposé un
meilleur. Comme on le voit, cet état est tout à fait analogue
à celui d'un liquide, sauf que, dans les solides en général et dans les
roches en particulier, lefrottemententreles particules est beaucoup
plus grand et demande, pour être annulé, des surcharges plus
considérables. La plasticité latente des roches n'est pas une pure
conception théorique. Comme la pression orostatique, dont elle
dérive qui, elle, résulte de l'arc-boutement mutuel des particules
lilhosphériques sous l'influence de la tendance centripète, la
plasticité se révèle, de bien des manières, dans l'allure des
dislocations montagneuses et dans les travaux aux grandes
profondeurs. Ce n'est, malheureusement pas un mythe; ce
double agent est au contraire parmi les plus redoutables ennemis
de l'ingénieur des mines et de l'ingénieur des tunnels qui,
avouant leur quasi-impuissance à son égard l'ont surnommé
l'effort irrésistible.
Ainsi donc, les roches qui, à l'air libre, sont rigides et cas-
santes, c'est-à-dire indéformables, deviennent parfaitement
plastiques sous l'influence des pressions énormes dues aux masses
surjacentes et répercutées en tous sens, grâce à l'arc-boute-
ment dont nous venons de parler. On peut reproduire expé-
rimentalement ce curieux phénomène, à la condition d'enfermer
le corps sur lequel on opère dans un vase résistant qui l'em-
boîte exactement et dont la mission est de répercuter en tous
sens, d'après le principe de Pascal; la pression qu'on exerce.
Des expériences de ce genre ont été faites, mais nous n'avons
pas à nous en occuper ici. Ce qui doit attirer notre attention,
c'est la valeur des pressions nécessaires pour produire la plas-
ticité latente, ou mieux encore la profondeur à laquelle les
WfZPï^^fi&M^'
roches peuvent prendre cet état. Or, cette profondeur est facile
à déterminer.
La résistance à l'écrasement de la plupart des matériaux a
été déterminée, et môme plus d'une fois, par des expérimen-
tateurs différents, dans un but technique. La pression néces-
saire pour pulvériser un fragment de roche, ou comme l'on
dit, -la résistance cl l'écrasement de la roche considérée, com-
porte, d'après M. Heim (1) et par mètre carré de section
chargée, les valeurs suivantes :
Briques 400.000 kilogrammes.
.
Grès divers 2.000.000 à 3.000.000
Calcaires compacts. 3.000.000 à 5,000.000
. . . . . .
Granit frais 5.000.000 à 7.000.000
Porphyre felsitique frais 8.000.000 kilogrammes.
S h p=S cr
d'où h = —
P
c'est-à-dire que la hauteur à donner à une colonne rocheuse pour
que son poids écrase son pied est égale au quotient du coeffi-
cient de ?'upture de la roche par le poids de son unité de volume.
P a h
Hoches Poids du m3 Résistance <i l'écras. en kg. Valeur en M.
en kg. par m2 de surface.
alpins, avec les aiguilles du Mont-Blanc, exerce sur sa base une pression égale seulement
au quart de la résistance de celle-ci à l'écrasement.
M. Ileim, à qui sont empruntées toutes ces données, remarque encore que les chiffres
donnés ci-dessus, pour les résistances àl'écvasement, ont été obtenus dans des expériences
de courte durée (une demi-Jiewe environ, pour chaque essai),, dans lesquelles on faisait
augmenter très rapidement la pression, jusqu'à ce que rupture s'ensuivit. Les chiffres
donnés se rapportent donc à un écrasement brusque, et les limites qui correspondraient
à une action lente et continue seraient bien moins élevées. Les craquements, indices de
déchirements internes, qui, dans les expériencesd'écrasement, se font en tendre longtemps
avant que la rupture survienne, prouvent que la cohésion est déjà notablement altérée
par une force très inférieure à celle qui amène l'éclatement définitif. tl
Sftrais
(Asuivre.) R. de Girard,
Professeur à l'Université de Fribourg (Suisse).
(1) Une propriété du réseau tétraédrique (comme de tous les réseaux polyédriques, (lu
reste); très précieuse au point de vue de l'emploi, géographique, consiste à se développer
sur le plan de l'une des faces du solide, sans se dé/ermer aucunement. Dans ce .développe-
ment, chacune des arêtes latérales de notre solide se compose de deux parties à 180", et
chaque arête est perpendiculaire aux deux médianes qu'elle détermine.
{Suite.
logue romain, M. Orace 3IaruccM, a publié une monographie sur ces sou-
venirs topographiques et monumentaux, dans laquelle il a réuni tout ce
que nous savons à leur sujet (1). Il parvient à établir en leur faveur des
preuves historiques et archéologiques, qui nous reportent à une très
haute antiquité.
D'autres sanctuaires de Rome conservent d'une manière semblable les
traditions locales touchant la vie et la mort des martyrs célèbres vénérés par
l'église de la capitale. Déjà, à plusieurs reprises, des fouilles exécutées
dans ces sanctuaires ont donné des résultais de la plus haute importance.
Dans le courant des dernières années, la basilique des saints martyrs Jean
et Paul sur le mont Goelius a été l'objet d'études et de travaux de ce
genre, exécutés par le R. P. Germano di San Stanisïao, de l'ordre des Pas-
sionnistes, auxquels le sanctuaire appartient. Les résultats des fouilles ont
dépassé toutes les attentes. On a retrouvé, sous le sol de la basilique
actuelle, le rez-de-chaussée de la maison habitée au ivc siècle par les saints
martyrs avec ses grandes salles encore ornées de peintui'es du m" et dii
îv" siècle, avec sa cuisine, ses magasins, ses chambres de bains. C'est
dans un coin reculé, sous un escalier de leur maison même, que Jean et
Paul avaient été tués jJour la foi pendant la j>ersécution de Julien l'Apos-
tat, et leurs coi^s vénérables avaient été enterrés à la même place. Gel;
endroit deux fois sacré fut changé en sanctuaire aussitôt après la mort des
martyrs, et vers la lin du iv" ou au commencement du vc siècle, une grande
basilique à trois nefs fut bâtie au niveau du premier étage de la maison, éi
on ne conservait de celle-ci qu'une partie des murs extérieurs, qu'on uti-
lisait pour la basilique. Le 11. P. Germano a fait connaître au monde
savant les résultats magnifiques de ses fouilles et de ses études dans un
beau volume richement illustré, qui contient la description détaillée de ce
monument unique au monde et d'une importance capitale pour l'archéo-
logie chrétienne (2). Nous y trouvons d'abord une partie concernant
plutôt l'archéologie profane, je veux dire la descrijîtion de la maison avec
ses salles et ses escaliers, ses chambres de bains et ses offices. Cependant
déjà ici les peintures qui décorent les parois des salles et des corridors
nous révèlent la profession de christianisme des propriétaires. Aucune
Jigure de divinité païenne ne frappe le regard du visiteur; par contre, au
milieu de peintures décoratives de différentes époques, il_y a quelques
sujets appartenant au cycle ouvertement chrétien. C'est ainsi que, dans la
(1) Or. Marucchi, le Memorie dei SS. Apostoli Pietro e Paolo nella citlà di Roma. Cou
iilcune notizie sut cimitero di Priscilla. Roma, 1893. — 131 p.
(2) La Casa Celimontanadei SS. martiri Giovanni.e Paolo, scoperla ed illustrata dal P.
Germano di San Stanislao, passionisla. Cou una pianta in cromolitografia e 84 fig. nel
testo. Roma, 1894.
BULLETIN ARCUÉOLOGIQUK 525
(1) Kirsch (J. P.), Die ehr'utlichen Cultwgeboeude im Altertkmn (Vcrcinssclirift (1er
Goerrcsges.aurPflcge dev Wissenschaft ira kathoh Doutscliland), Cologne, I3acUem,l893.
BULLETIN AHC11É0L0GIQUE 527'
bration des anniversaires pour les défunts, ainsi qu'aux réunions pour l'a-
gape funèbre qui avait lieu à cette occasion. Bientôt ces églises prenaient le
nom de quelque martyr célèbre enterré dans le cimetière où elles étaient
situées; elles devenaient des édifices religieux dédiés à la mémoire des
martyrs, dont la fête annuelle y fut célébrée. A partir de l'époque cons-
lantinienne, on commença à bâtir également des basiliques souvent très
somptueuses sur les tombeaux des martyrs célèbres; mais ces basiliques
restaient des églises de cimetière, elles ne servaient pas, en général, à la
célébration de la liturgie dominicale. L'autel de ces églises contenait; le
tombeau du saint ou du moins il se trouvait dans le voisinage de la tombe
vénérée, tandis que dans l'autel des basiliques, à l'intérieur des villes, iil
n'y avait pas de reliques des martyrs. Ce n'est que dans le courant du IVe
siècle, grâce au développement du culte des glorieux confesseurs de la' fqj.
qu'on commençait à placer aussi des reliques dans les autels.de ces
basiliques des villes et à les dédier ainsi d'une manière spéciale à un saint :
usage qui, vers la fin de l'antiquité, devint loi et l'est resté jusqu'à nos
jours.
Parmi les études sf)écialcs concernant les monuments de l'architecture
chrétienne antique, les plus importantes ont été publiées sur les basi-
liques de l'ancienne Afrique chrétienne. Depuis quelques années, M. Sté-
phane Gsell fait des explorations archéologiques sur le territoire de
l'Algérie. Les résultats de ses recherches jettent une lumière très vive sur
la vie chrétienne de ces contrées, si florissantes dans l'antiquité. La
ville dans laquelle il a retrouvé les plus nombreux souvenirs du christia-
nisme primitif, est ïipasa, située à 08 kilomètres d'Alger. A côté de plu-
sieurs autres édifices chrétiens, qui ont laissé des vestiges assez bien
conservés, cette ville possède les ruines de la basilique de sainte Salsa.
martyre célèbre, et du cimetière ancien qui l'entoure. M. Gsell nous a
donné la descrij)tion détaillée de ces monuments dans un volume spécial,
consacré à ses recherches archéologiques en Algérie (1). Il y revient dans
sa thèse latine de doctorat et dans un mémoire très étendu, annulant celte
thèse, publié dans les Mélanges de l'Ecole française à Rome (2). Nous y
trouvons tous les détails sur la construction de l'église de Sainte-Salsa.
sur les restaurations et les modifications qu'elle subit dans la première
moitié du vic siècle. Puis l'auteur parle des autres sanctuaires situés sur
(1) Stéphane Gsell, Recherches archéologiques en Algérie. Avec des planches exécutées
par P. Gavault. Paris, Leroux, 1893.
(2) Stéphane Gsell, De Tipasa, Mauretanioe Coesariensis urbe. Alger, 1894.
— Tipasa,
ville de la Mauritanie Césarienne. Dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire, 189£,
p. 291-450.
t—
tais de ses explorations entreprises pendant les années 1891 et 1892 sur
une partie du territoire du déparlement de Conslantine. II a continué
depuis, avec [son collaborateur H. Graillot, ces recherches dans d'autres
régions de ce territoire, et les deux explorateurs nous ont rendu compte
de leurs résultats dans les Mélangea (1). Les découvertes qu'ils ont faites
ajjportent une preuve éclatante de la grande diffusion du christianisme
parmi la population si nombreuse de ces contrées. Il n'y a presque pas
de groupes de ruines d'une certaine- importance, dans lesquels ils n'aient
trouvé les vestiges d'un ou de plusieurs édifices religieux chrétiens.
Parfois ce sont de simples chapelles de dimensions modestes, mais ordi-
nairement des basiliques à trois nefs d'une grandeur assez considérable.
Souvent les vestiges ont été assez bien conservés, de manière à présenter
des détails suffisants pour pouvoir reconstituer le plan du bâtiment. Nous
relevons là bien des variétés curieuses et importantes pour l'architecture
chrétienne antique; ainsi par exemple plusieurs églises qui n'avaient pas
d'abside proprement dite, mais qui se terminaient en trois compartiments
de forme carrée, dont celui du milieu doit avoir servi de choeur; la forme
et la disposition des sacristies [secrelarùt) à droite et à gauche du choeur;
la place de l'autel vers le milieu d'un des murs latéraux, les deux fonds
étant occupés par des chapelles funéraires. Ces descriptions exactes
accompagnées de plans forment une contribution très importante pour une
élude d'ensemble des basiliques chrétiennes d'Afrique. Cette étude sera
d'autant plus précieuse que tout ce qu'on trouve en Afrique est antérieur
au vu" siècle environ ; tout appartient donc à l'antiquité proprement dite,
et les vestiges représentent la forme originale et primitive sans les chan-
gements apportés par les siècles postérieurs.
Mentionnons ici également un ouvrage sur les édifices du culte chrétien,
dans lequel, il est vrai, l'étude de la décoration intérieure, les mosaïques,
occupe la première place. Il est consacré aux monuments chrétiens du
moyen âge, mais l'auteur y a assigné aux basiliques de l'antiquité la place
(1) St. Gsell et If. Grau-lot, Exploration archéologique dans le département de Cons-
tantine (Algérie). — Ruines romaines au nord de l'Aurès. Dans les Mélanges d'archéol. et
d'histoire,. 1893, p. 461-541 ; 1894, p. 17-86. — Ruines romaines au nord des monts de
Batna. 1894, p. 5C1-609.
BULLETIN ARCHEOLOGIQUE 329
qui leur convient (1). Les monuments y sont traités, dans une étude d'en-
semble et de vulgarisation, par ordre chronologique et par séries topo-,
graphiques. Tour à tour, les mosaïques des basiliques de Rome, de Ma-
yenne, de Naples, de Milan, de la Sicile, etc., passent sous les yeux dû
lecteur. La limite chronologique est iixée d'une façon différente j>our les
différentes contrées, selon les influences qui se sont produites dans le
développement de l'art. A Rome, l'auteur nous conduit jusqu'à la Renais-
sance, tandis que, dans les villes du midi et du nord de l'Italie, il s'arrête
au temps de l'influence byzantine. M. Glausse ne se contente pas d'une
simple description de tous ces monuments; il parle des édifices dans les-
quels ils se trouvent, étudie les ligures symboliques innombrables et sou-
vent difficiles à interpréter qu'il rencontre sur Jes mosaïques; insère des
digressions sur d'autres objets d'art qui sont en rapport avec le sujet
qu'il traite. De plus, il ne s'est pas contente de puiser dans les ouvrages
qui l'ont précédé; il a étudié les originaux eux-mêmes, et se base dans
ses recherches sur ses observations personnelles. Aussi l'ouvrage en-
richi de nombreuses illustrations, est-il d'une grande utilité non seule-
ment pour le grand public lettré qui s'intéresse aux oeuvres d'arl, mais
encore pour les érudils en matière d'archéologie chrétienne.
èlre Daniel, indique du doigt cette scène. Au-dessus de l'arc, qui réunit
l'es deux compartiments, les rois mages apportent leurs cadeaux au
Messie nouveau-né, assis sur les genoux de sa mère. La voûte ne conserve
plus que des restes de la ..décoration très gracieuse qui l'ornait; on y
reconnaît le paralytique guéri portant un lit sur ses épaules. Dans la
seconde partie, les parois au-dessus des arcs des absides étaient complète-
ment recouvertes d'une couche épaisse de stalactites sorties des murs et de
souillures qui étaient descendues par la lanterne de la voûte. M. Wilpert
ne crut pas possible que la première partie de la chapelle fût si richement
décorée et la seconde sans décoration. On pouvait, en effet, distinguer
dans un coin de la lanterne Noë dans l'arche, peint sur fond rouge.
Assurément, les autres parois avaient eu autrefois et conservaient peut-
être encore, sous la couche qui les recouvrait, leurs peintures. Il essaya de
laver les murs, mais sans obtenir les résultats désirés; il fallait une prépa-
ration chimique qui enlevât les souillures sans endommager le stuc et les
peintures. Cette préparation fut trouvée; et après un travail pénible de deux
semaines, M. Wilpert avait réussi à restituer à l'état primitif, autant qu'il
était possible, la décoration des parois de ce sanctuaire. C'est en effet une
chapelle souterraine, qui servait à la célébration des rites eucharis-
tiques au jour de la sépulture et de l'anniversaire des défunts. Les résul-
tats de la découverte, sur laquelle nous possédons deux rapports de
Fauteur, dépassaient toute attente (1). Non seulemement plusieurs scènes
de l'histoire sainte déjà connues, Daniel dans la fosse aux lions, Abraham
voulant sacrifier Isaac, la résurrection de Lazare, sortirent bien conser-
vées et se présentèrent avec des détails très curieux dont on n'avait pas
eu encore d'exemple, mais encore une image unique jusqu'ici parmi les
peintures des catacombes apparut au-dessus de l'abside au fond de la
chapelle. On y voit six personnages, parmi lesquels une femme, assis à
table, pour prendre le repas mystique, qui est figuré par le poisson
symbolique, Jésus-Christ dans l'eucharistie; à côté du poisson, on
remarque non seulement le pain, mais encore un vase à deux anses,
rempli de vin : c'est la première fois que les deux éléments eucharistiques
sont représentés dans une scène de ce genre. De plus, un septième person-
nage, plus âgé que les autres, se tient à la tête de la table, ayant dans les
mains un petit pain de forme arrondie qu'il rompt pour le" présenter aux
convives. C'est donc réellement la « fraction du pain », terme technique
dans, Ies_ plus anciens écrits chrétiens pour désigner le repas eiicharis-
(1) Jo's. Wilpert, XVichtige Fanàe in der Capota Greca, clans la Riim. Quartahchrift
fin- christl. Alte.rthumtkimde, 1894, p, 121-130. — La Fractio punis rappresentata in affresco
cimiteriah délia prima meta dtl secolo II. Memoria lctta alla Pont. Accademia di arelico-
logia. Roma, 1894.
» * > t,< ,',-<> 1 !
tique, qui y est représenté. Pour ne laisser aucun doute sur le sens
allégorique du tableau, le peintre a eu soin d'ajouter, à droite et à gauche,
des paniers remplis de pain, qui rappellent la multiplication miraculeuse
des pains dans le désert, à l'occasion de laquelle"Noire-Seigneur pro-
mit l'institution du repas sacré, dans lequel il voulait donner sa chair
et son sang à ses disciples. Toute la décoration est de la première moitié
du ii" siècle. La scène que nous venons de décrire suffirait à elle seule
pour réfuter l'opinion de M. Ad. Harnack, lequel a voulu prouver que
saint Justin, vers le milieu du 11e siècle, indiquait comme éléments
eucharistiques en usage dans l'église de Rome le pain et l'eau (1). Nous
attendons pour un avenir très prochain une publication détaillée préparée
par Mgr Wilpert avec des planches phototypiques et le texte explicatif en
allemand et en français. Le même savant archéologue a présenté à l'Aca-
démie pontificale d'archéologie à Rome un mémoire sur la technique des
peintures cimetériales, dans lequel il prouve que les décorations des
catacombes romaines sont peintes à fresque, et développe de quelle
manière les artistes ont procédé ("2).
Une peinture d'une plus basse époque, qui méritait une attention parti-
culière à cause de la grande vénération dont elle jouit depuis tant de siè-
cles, a été l'objet d'une étude spéciale de la part de mon collègue le R. P.
Bertliier,0. P. C'est une antique image de la sainte Vierge, vénérée dans
l'église des saints Dominique et Sixte à Rome (3). L'auteur prouve qu'elle
est identique à une image de la sainte Vierge qui a été vénérée plus
que toute autre dès le vu" siècle, ainsi que nous le savons par le témoi-
gnage positif d'un Guide pour les pèlerins (Itinerarium) écrit entre 630 et
tiio, comme le montre M. de Rossi qui publia ce document dans le pre-
mier volume de sa Borne souterraine.. L'image est peinte sur un panneau
de bois avec fond d'or,- la Vierge a le visage un peu allongé, le front
large, les yeux grands, le regard vif et mélancolique; tout l'ensemble est
très majestueux et présente des traits caractéristiques que l'on cherche
en vain dans les madonnes ajopelées byzantines d'une époque postérieure.
M. Eug. Mùntz, bien connu par ses publications sur l'histoire des
beaux-arts, a présenté à la Société des antiquaires de France un travail
sur l'une des branches les plus importantes de la peinture pendant les
(1) An. Harnack, Brod irnd Wasser, die euckaristischen Opferelemente bei Justin, dans
Texte und Untersnchungen, VII, 2. Leipzig, 1 890.
(2) Wili'EHï, Svlla teenica délie pitture cimiteriali e sullo stato délia loro eontervaziane.
Roma, tip, Cuggiani, 1894.
(3) BbuthikUjO. P. La, Vierge achéropite des SS. Domenicoet Sisto à Rome, dans la Revue
del'art chrétien, 1894, ]). 483-94; 1895, p. 42-37.
332 REVUE THOMISTE
(1) Eug. Muntz, la Mosaïque chrétienne pendant les premier! siècles. Extrait des Mémoires
delà Société nationale des antiquaires de J'Vance, tome LU. Paris, 1893. Avec de nombreux
dessins.
(2) Ara;.- Breymaxx, Adam knd Em in der Kunst des christlichen Alterthums. WoJfen-
bûttel, -1893.
(3) Fkrii. Noack, Die Geburt Christi in der Mldenden Kunst bis sur Renaissance. Im
Anschluss an die Elfenbeinwerke des grossh. Muséums zu Darmstadt. Darmstadt, 1894,
fi) Torrer R. et Mui.i.kr Ci-.-, Kreuz nnd Kreuzignng CJirittiin ihrer KunstentwicMunff.
Avec 12 planches et 83 illustr. dans le texte. Strasbourg, 1894.
(S) R. Forrer, Vie fruhchristUckeri- Alterthnmer aus dem Griïbcrfeïdc non Achmim-Pano-
polis. — Mit 18 Tafeln, 2S0 Abbildungen. Sti'assburg im Elsass, 1893. aussi Kaot-
— V.
makn, Eiii altchristliches Palliolmn des k. Muséums in Berlin {Roemische Quartalschrift, 1894,
p. 341-345.
BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE 533
.
ornements d'une exécution très diverse et très instructive pour l'élude des
broderies à cette époque.
Quelques monuments de l'antiquité appartenant aux produits des arts
industriels ont été l'objet d'études spéciales. En jjremier lieu il faut men-
tionner un mémoire du P. Grisai", S. J., au sujet de la représentation de la
croix et du crucifiement sur la jîorte en bois de la basilique de Sainte-
Sabine à Rome(l). L'suteur étudie dans tous leurs détails les scènes dans
lesquelles ligure la croix, et en tire des conclusions sur l'âge et le carac-
tère des sculptures en bois; il attribue celles-ci à l'époque de la construc-
tion de l'église (c. 435) et les regarde comme l'oeuvre d'un artiste latin.
Mgr de Waal, dans la même revue, parle des anciens reliquaires conservés
dans l'église de Saint-Pierre à Rome, dont le principal est la grande croix
donnée à saint Pierre par l'empereur Justin (2). Le P. Gozza-Luzi, sous-
bibliothécaire de l'Eglise romaine, fait connaître une matrice ayant servi
à faire les figures appelées Agnus Dei(3). Dans la Bévue de l'Art chrétien, le
R. P. Delattre continue le catalogue, illustré de nombreuses figures, des
lampes en terre cuite et des plats chrétiens de Cartilage (4). M. Vict.
Schultze a consacré un mémoire aux lampes de l'antiquité chrétienne
trouvées à Athènes (5). Pour l'histoire de la miniature, si importante sur-
tout pour étudier les relations entre l'art antique chrétien et celui du
moyen Age, nous pouvons enregistrer deux publications d'une grande
valeur. L'une d'elles a pour auteur le P. Beisscl, S. J., et pour objet une
collection de miniatures choisies dans différents manuscrits de la biblio-
thèque Vaticane, appartenant: à l'époque du v" au xv° siècle. Les planches,
sur lesquelles elles sont reproduites, sont au nombre de trente ; le texte
explicatif est en allemand et-en français (6). M. Wickhoff étudie les minia-
tures d'un manuscrit chrétien antique conservé dans la bibliothèque
impériale de Vienne (7).
Une étude de M. Helbig sur le soi-disant trésor d'ornements et d'ins-
(1) GiusAi), Kreuz und Kreuziguiig aiif der altchristliehen Thnre von S. Sabina in Rom,
dans la Roemische Quartatschrift, 1894, ]). 1-48.
(2) De Waal, Dis antiken, Reliquiare der.Petersltirche, dans la Itoemische Quartalschrifl,
1893, p. 245 ss.
(3) Cozza-Luzi, Sopra un' antica stampa di Agnus Dei. Appunti storico-critici. Ibid.,
1893, p. 263-274.
(4) Delaïïbe, Lampes et plats chrétiens de Caithage, dans la Revue de l'Art chrétien,
1893, p. 34-40.
(5) Vncr. Scnur.ïzii, Allchristliohe Lampen ans Athen, dans le Christliches Kunstblatt,
1893, n» 2.
(6) St. Beissel, Miniatures choisies de la bibliothèque du Vatican. Documents pour une
histoire de la miniature. I"'ribourg-en-Brisgau, Ilerder, 1893.
(7) Fn. Wickhoff, Die Ornamente eines altchristliehen Codex der k. /,-. Hofbibliothek. Ans
Jahrbiicher der Kunstsammlungen des ail. Kaiserhautes. Wien, 1893.
v .">'' •
~<"1 v
(1) De Rossi, Il cippa iepolcràle di Abercio collocalo nel museo Lateranense (BulleUinodi
archeol. criât. 1894, p. bd ss.).
(2) Ficker Gerhard, Der heidnitche Charakter der Abercius-Inschrift. Silzv/ngsbanchte
der Akadamieiu Berlin, -1894,V- 87 ss.
(S) V. aussi 3)E Waai., Die InscArift des Abercius (Roemlsche Quartahchrift 1894,
p. 329-331.
(4) IIarxvck ad, Zur Aberciui-Inschrift-, dans les Texte und Untersuchungen XII, i,
Leipzig 189S.
.
^^^^^^^^^^m^^W^^m^i
536 .-revue-THOMISTE
(i), Wn.i'EitT, Altchristliche Grabplatte ans der Basilika des hl. Valentin in Terni, dans
lioemische Quartahclirifl 1893, p. 287 ss. — Du Rossi, ibid. 1894, p. 131 ss.
(2) Or. Mahuoriii, Ritrovamento di un importante ucrizionc ônorariu. (Ibid, 1894,
p. 134 ss.
(3) Diï Waal, AllchristlicheInschrift avs S. Ursula in Kwln (Ibid. 1893, p. 302 ss.)
— JSinemonumentalemetrische Martyrer-Inschrift (Ibid. 1894, p. 335^36). — Fin. nettes mo-
numentales Zeugniss fur die letete grosse Christenverfolgangim roemischen Reiche (Ibid. 1893,
p. 391 ss.).
(4) Kmscii, Inschrift vom S. Fucharins-Coemeterium in Trier (Ibid., 1894, p. 332-34).
.
(3) Revue épigr. du midi de la France, 1893, p. 214.
(6) Ibid. 1883, p. 241.
— V, encore 1894, p. 274, 275, 27G, 289.
BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE 837
ment l'auteur de la vie sur la terre, elle a été unie à lui dans le ciel. Elle
est morte dans le Christ pour ressusciter dans la gloire. Elle fut en-
terrée le »
Est-il rien de plus beau que cette expression : elle a perdu la mort
pour trouver la vie.
Le sol inépuisable de l'Afrique du nord a rendu aux explorateurs de ces
dernières années un grand nombre d'inscriptions chrétiennes, qui ont été
publiées surtout clans les Notices el mémoires de la Société archéologique du
département de Constantine, » dans les « Comptes rendus des séances de TAca-
démie cCHippoiie » et dans le « Bulletin archéologique du comité des travaux
historiques et scientifiques ». Sur les épitaphes de Garthage, recueillies et
étudiées avec autant de zèle que d'érudition par le 11. P. Delattre, on
rencontre très souvent la formule « fidelis in pace ». Plusieurs de ces
inscriptions ont été trouvées dans des édifices religieux et se rapportent à
l'histoire de ces monuments et de leurs autels. Pour la Dalmatie, le
« BullMtino di archeologia e sioria Dalmata » contient les inscriptions nou-
vellement trouvées et des travaux concernant l'épigraphie chrétienne de
ces contrées, surtout de la nécropole près de Spalalo. Les deux savants
archéologues MM. les abbés Buliç. et Jeliç se vouent principalement à
l'élude de ces monuments comme de tous les autres restes de la vie chré-
tienne antique de leur patrie.
(1) De Rossi, Incremenli del museo sacro délia biblioteca Vaticana durante il pontificato di
Leone. XIII. Roma, 1893. --"
j38 h'kvue thomiste
tain que les arguments, souvent si décisifs, fournis par l'archéologie chré-
tienne, ne sont que trop négligés dans l'étude de la théologie. Et jsourtant
il y a bien des questions, par exemple celle du culte des martyrs, de l'in-
vocation des saints, du suffrage pour les âmes des trépassés, j>our
lesquelles les preuves monumentales sont jjlus frappantes que les textes
que l'on tire des auteurs ecclésiastiques de l'antiquité.
Enfin, consacrons un dernier souvenir à celui par le nom duquel nous
avons commencé ce Bulletin, en mentionnant l'édition du plus ancien
grand martyrologe de l'église romaine, le « Martyrologium Hierony-
mianum», faite par MM. do Bossi et Duchesne.
Ce calendrier des saints connus et vénérés dans différentes contrées
de l'empire romain, forme la base du martyrologe romain moderne. Il
est conservé dans plusieurs manuscrits, lesquels ont été étudiés minu-
tieusement par les deux savants auteurs. Des années ont été consacrées
à cette édition, vivement désirée par tous les érudits en matière d'his-
toire. L'introduction nous fait connaître le caractère et la composition
du calendrier, et les manuscrits qui nous l'ont transmis. Le texte con-
tient la rejjroduction exacte des manuscrits les plus importants avec les
variantes des autres en note, de sorte qu'on trouve là tous les éléments
que peut fournir cette source de premier ordre pour l'histoire des saints
vénérés dans les premiers siècles de l'Eglise (1).
J.-P. KlKSGH,
professeur à l'Université de l'riljourg (Suisse).
M. le Dr Baeumker nous fait part dans la préface déco livre des recher-
ches qu'il a dû faire pour se procurer les manuscrits les plus anciens de
celle traduction latine. « J'ai lu moi-même, nous dit-il, les codex A, C,
M, N. J'ai copié le premier qui pour cela m'avait été envoyé à Breslau...
Les manuscrits N et M, grâce à l'entremise de l'illustre Rodolphe Bosse,
ministre de l'instruction publique en Prusse, me furent envoyés par Léopold
Delisle et Auguste Molinier, directeurs des Bibliothèques Nationale et Ma-
zarine,avec la gracieuseté qui leur est couluinière. 11 fut plus difficile d'ob-
tenir le manuscrit de Séville car son fondateur avait défendu par testament
de le faire sortir de la bibliothèque capitulaire. Je dois à la bienveillance
de Son Eminence Mgr Kopp. archevêque de Breslau d'en avoir pu faire
usage. Il s'interposa auprès du cardinal Zéj^hirin Gonzalez, archevêque
de Séville, et, sur la demande de celui-ci, le bibliothécaire en chef de la
Colombine, Don Simon de la Rosa y Lopez, lit photographier par Antonio
Rodriguez, artiste d'élite, les 108 feuillets du manuscrit. La Société de
Goerres, dont j'allai trouver le président, Georges de Herlling, prit sur
elle, avec libéralité, de faire face à la plus grande partie des dépenses. »
Ces lignes diront mieux que nous ne le pourrions faire la valeur de
cet ouvrage. Nous ajouterons que le professeur Baeumker, est une des
célébrités de la science allemande et que sa valeur de savant n'est surpassée
que jiar son amour des doctrines thomistes. Il l'a bien montré lors de
l'apparition de la Revue Thomiste dont il fut le premier abonné étranger.
Le texte du Fons vitoe est suivi d'une table alphabétique et raisonnéedes
plus complètes, conçues dans le genre de l'Index d'Albert de Bergaine.
Les professeurs pourront ainsi se fixer en un instant sur tel ou tel point
delà doctrine d'Avicebron qu'ils auront plus particulièrement en vue.
L'impression confiée à la maison Aschendorf, de Munster, rivalise avec
les productions les plus belles de l'Imprimerie nationale et des Didot.
Ki'. A. Gari)i:ii..
paroissial, et que son curé lui apporterait en bloc, rédigée par articles,
comme une espèce de « service des places » ; il rêvait d'un curé tout brave
homme, joyeux partenaire au piquet et aux dominos. Gfaussens) feuilleté et
pillé lui fournissait une fois la semaine toute son homélie, matière et
forme : les fructueux binages du château de Pinadas venaient agréable-
ment l'enlever chaque dimanche aux besognes ingrates de la paroisse... Il
est jeune, heureusement, le vicaire; l'égoïsme n'a pas encore noué son
arne à tout jamais. Stupéfait, attendri, il observe son curé, il l'ecoule, se
compare, se juge et se transforme. Félicitons Yves le Querdec d'avoir su
se donner l'heureuse chance de joindre quatre ou cinq lettres du vicaire
converti, à la correspondance de son convertisseur. [Sans déprécier per-
sonne, il y a certainement en France, dans mainte cure et dans quelques
autres espèces de maisons ecclésiastiques, pas mal d'abbés Firtnin à
convertir.
Yves le Querdec aura donc eu le mérite d'avoir traité sous une forme
vivante et familière, tantôt élevée, tantôt piquante, avec une grande jus-
tesse d'observation sociale et de sens pratique, une grave et urgente ques^
lion de notre temps. 11 y a de nos séminaires où ces Lettres ont été lues au
réfectoire de la communauté : lecture « édiiianle el instructive » qui eu
valait bien d'autres.
Lk Gisiianï : P. SERTILLANGES.
PAIUS. IMl'RIMIÎHIH V. [.KVIC, M1K CASSETTE, 17.
La prédétei'minalion physique, à ne la considérer que du côté
de Dieu, n'offre prise à aucune objection sérieuse. Elle est, au
contraire, mieux que toute autre explication — on en convient
volontiers — en parfaite harmonie avec la perfection, la suprême
indépendance, la prééminence active souveraine de Celui qui est
l'Etre par essence, l'être premier et infini, de qui tout, sans excep-
tion, dans l'ordre universel de l'être et de l'actualité, doit néces-
sairement procéder et dépendre. Dieu, certes, n'est pas, comme
le rêvent les panthéistes, la réalité même de toutes choses, la
cause immanente et constitutive de tous les êtres; il est par rap-
port à l'universalité des choses une cause extérieure et trans-
cendante. Il n'est pas cause intégrante du monde, il en est la
cause efficiente et productive. Mais, dans cet ordre-là, il doit être
bien réellement le principe, la cause, la raison première de
tout : Ex ij>so, et per ipsum et in ipso sunt omnia.
Les adversaires de la prédétermination physique cherchent
ailleurs le fondement de leur opposition. Ils lui reprochent de ne
pouvoir s'accorder avec les faits, avec deux faits surtout : la li-
berté humaine et l'existence du mal moral. C!est la remarque,
que faisait déjà saint Thomas (III Cont. Ge?it. c. 89) « Quidam vero
non intelligentes qualiter molum vohmtatis Deus in nobis causare
pessit absque prsejudicio libertatis voluntatis conati sunt... » C'est
pour^sauver la liberté humaine et expliquer comment peut se pro-
duire le péché, que Molina, rejetant les décrets prédéterminants et
II
REVUE THOMISTE
(I) Quelque chimiste de profession soutiendra peut-être que dans la combinaison chi-
mique l'agent physique ne l'ail que mettre en exercice les forces actives des éléments. Je
ne saurais y contredire.
\'l '„ *^> S ?' M !
' ÎJ -^t—r-,^ T7' r *S"" _T (};,.-
une qui a son poids, c'est qu'il a été explicitement réfuté par
saint Thomas. Voici ce qu'écrit le saint Docteur (II, Dist. 25, a. 1,
ad 3) : « Determinatio actionis et finis in potestate liberi arbitra
constituitur. Unde remanet sibi dominium sui actus, licet non ita sicut
primo agenti. » Dans la question III de Malo, a. 2, l'objection IV
était ainsi conçue : Liberum arbitrium dicitur liberum quia seipsum
ci\
III
s'il l'eût voulu, Dieu aurait bien pu placer l'homme dans des
circonstances plus fortunées. Mais ce point se rattache à la ques-
tion plus générale de la permission du mal. Pourquoi Dieu choisit-
il un ordre de choses où il sait que le mal se fera? Pourquoi
choisit-il tel ordre où le mal se fera par Pierre, au lieu de
tel autre où Pierre eût fait le bien et Jacques le mal?
C'est là un mystère commun à tous les systèmes théologiques
et qu'il n'y a pas lieu d'examiner ici. Il ne s'agit présente-
ment que d'expliquer la production du mal de manière à
mettre à couvert la responsabilité de Dieu. Avouez que le
molinisme y réussit à merveille.
Oui; et si nous n'acceptons pas sa solution, ce n'est certes
pas pour le plaisir de faire de Dieu l'auteur du péché; mais c'est
parce qu'elle se rattache au système, —qui nous paraît absolu-
ment injurieux pour Dieu, — de la science moyenne et du con-
cours divin indifférent et variable au gré de la créature.
L'autre, c'est que Dieu, n'est pas l'auteur du péché e>t que toute
la responsabilité en revient à la seule créature qui ie pose li-
brement : Perditio tua ex te, Israël (Osejî). La créature libre est
défectible par son propre fond, et Dieu lui-même, ne pouvait
pas faire que par essence elle ne le fût pas : la créature pourra
donc par elle-même recevoir défectueusement la motion divine
qui la pousse au bien et la fait agir. Sans doute, par sa toute-puis-
sante intervention, Dieu peut toujours remédier à cette défec-
tibilité et empêcher tout mal ; mais il juge digne de sa sagesse et
de sa bonté — et qui pourrait dire que c'est sans raisons? — de
gouverner les êtres conformément à leur nature, c'est-à-dire de
telle sorte que le libre arbitre défectible défaille quelquefois. Il
n'est donc pas tenu d'intervenir toujours par un secours infailli-
blement efficace afin d'empêcher le mal; il peut donc décréter
qu'il n'interviendra pas toujours par ce secours particulier et qu'il
laissera le mal se produire, d'autant plus que dans sa bonté il
est résolu d'en tirer un très grand bien. Et cependant Dieu accorde
à toute volonté libre, en outre des biens indispensables à la na-
ture, des secours gratuits au moyen desquels elle pourrait tou-
jours faire le bien; et si en réalité elle ne le fait pas, c'est parce
qu'elle a librement fait dévier la motion de Dieu et mis obstacle à
sa grâce. Nunc ergo judicate inter me et vineam meam. Quid est quod
debui ultrafacei*e vineoe mese et nonfeci ei ? (Isai., v, 3.)
Qu'on juge également si le thomisme mérite tous les reproches
qu'on lui fait, et si vraiment il est acculé à cette alternative de
faire injure à la sainteté et à la bonté de Dieu en voulant rester
conséquent avec lui-même, ou de devenir inconséquent à lui-
même pour sauver l'honneur de Dieu?
IV
(1) Ces paroles sont tirées d'une étude composée par M. le D 1' Grasset et intitulée :
l'Hypnotisme et les Médecins catholiques. La science et les convictions religieuses de l'é-
minent Professeur de médecine, universellement reconnues, rendent son écrit doublement
précieux et utile ; et je ne saurais assez lui exprimer ma reconnaissance, soit de la com-
munication cm'il a bien voulu m'en faire, soit de l'autorisation de m'en servir qu'il m'a
accordée si gracieusement.
(2) F, Claverib, Étude sur l'hypnotisme, p. 70.
femme et son fils. Si la suggestion produit son effet, cet effet lui-
même aura été voulu, explicitement et implicitement, par celui
auquel il profite. Enfin, si le médecin revient et hypnotise de nou-
veau, c'est que son client lui a dit : « Revenez et hypnotisez-moi,
chaque jour, jusqu'à ce aue je sois enfin délivré de cette horrible
hantise. » On le voit, dans tout ce qui s'est passé, il ne se trouve
pas un détail qui échappe à la volonlé de l'hypnotisé : la visite du
médecin, le, sommeil, la suggestion et son effet, toutes les circons-
tances de temps, de lieu, de personnes, c'est sa volonté qui a tout
fixé et déterminé. L'hypnotiseur n'a rien fait etne ferarien qu'avec
sa permission et sur sonordre :il esta sonservice. Etl'on viendrait,
après cela, nous dire que l'hypnotisé est nécessairement, par état,
quoi que l'on fasse, « la chose » de l'hypnotiseur. Et on nous
parle de « l'esclave antique »!
C'est quand même, dira-t-on peut-être, une dépendance humi-
liante. —Mais les dépendances humiliantes sont la loi de notrevie.
Tous les êtres, hormis Dieu, sont dépendants. Quel est le plus hu-
miliant de recevoir, décemment assis dans un fauteuil, les sug-
gestions verbales d'un médecin, ou d'être là, gisant sur une table,
enivré et abruti par le chloroforme, au milieu de trois chirurgiens
qui vous découpent, sanglant?
Non ; employé « en cas de nécessitée! les précautions nécessaires
prises », suivant la formule du RI P. Franco (1), l'hypnotisme
n'offre pas, en lui-même, la moindre tache d'immoralité.
II. est vrai qu'on lui reproche encore d'être immoral à cause des
moyens qu'on met en oeuvre pour le produire, et d'un certain effet,
particulièrement condamnable et redoutable, qu'il entraînerait
après lui. Faisons brièvementjustice de ces futiles accusations.
Voici le bel argument que l'on tire des procédés pour endormir,
employés par les hypnotiseurs :
Les hypnotiseurs emploient pour endormir leurs sujets des
procédés que la morale condamne.
Donc, 1 hypnotisme est immoral.
Et l'on fait appel, pour établir ce fait qui sert de base à.. ce soi-
L'on affirme donc que l'hypnose fait naître « une passion vio-
lente et une attraction presque irrésistible (2) dans le sujet hypno-
tisé, à l'égard de son hypnotiseur ». Et l'on cite des faits qui ne
laissent pas que d'impressionner; celui, par exemple, dont fut
témoin, au Havre, M. Ochorowicz : cette dame, épouse et mère
de famille, traversant la ville en courant pour se rendre près de
M. le Dr Gibert qui l'avait magnétisée, en lui donnant rendez-vous
à son cabinet de consultation, et qui, une fois arrivée, « se livre
à une joie folle, saute sur le canapé comme une enfant et frappe
des mains en criant : Vous voilà!... vous voilà enfin!... Ah!
comme je suis contente!... (3) » Et cette jeune femme tellement
éprise de son médecin qui la traitait par l'hypnotisme, qu'elle ne
lant. L'une, il est vrai, fut guérie par suggestion; mais l'autre fut
moins heureuse : elle perdit sa place et finit par se suicider. —
Enfin, parfois la sensibilité hypnotique se développe à un point
tel chez les sujets, qu'ils deviennent vraiment le jouet et tombent
à la merci de leur entourage : témoin cet infortuné garçon de dix-
neuf ans, qui, s'étant laissé endormir par deux de ses amis s'oc-
cupant d'hypnotisme, devint si facilement hypnotisablc que ses
camarades de magasin s'amusaient à l'envoyer crier : « Vive la
République! » à l'oreille de son patron, réactionnaire convaincu, et
j tenir, devant tout le monde, des propos grivois aux commises.....
En présence de tels faits, et autres semblables que nous con-
i naissons, qu'on pourrait compter par centaines, qui oserait encore
soutenir que l'hypnotisme n'est pas malfaisant?
— Il l'est. Mais l'est-il par nature? Voilà ce qui est à établir.
L'eau, le pain, le vin, la viande, ont fait beaucoup plus'de vic-
times encore que l'hypnotisme. Voulez-vous, pour cela, que nous
proclamions ces substances malfaisantes par naiure? Non,puisque
vous savez bien qu'elles ne deviennent malfaisantes que par l'excès,
que prises à contre-temps, que par l'abus enfin. Il en va de même
de l'hypnotisme. Appliqué à toutes sortes de personnes, sans
égard au tempérament, aux antécédents et aux prédispositions, à
588 KEVUE THOMISTE
l'état actuel, sans compter les séances, par tous moyens, doux ou
violents, indifféremment, l'hypnotisme pourra être, sera même
certainement fatal; mais il n'en faudra pas rapporter la faute à
l'hypnotisme, la faute en sera tout entière aux étourdis, aux
coquins ou aux maladroits qui l'appliquent ou le subissent.
Employé avec prudence et avec tact, par des médecins psy-
chologues et observateurs, juste dans la mesure où l'on juge
que le réclament l'état et l'intérêt du malade, l'hypnotisme
n'est pas malfaisant.
« Je crois, écrit encore M. le Dr Grasset, que les consé-
quences désastreuses de l'hypnotisme peuvent être absolument
évitées dans l'hypnotisme médical... et je peux dire, en toute
simplicité, que j'ai conscience d'avoir rendu de vrais services à
certains malades par ce moyen, sans avoir jamais porté préjudice
à aucun (1). » Du reste l'éminent professeur est le premier à
reconnaître « que, dans certains cas, l'hypnotisme peut faire
du mal, et ne doit pas être employé même médicalement (2) ».
Mais, ajoute-t-il aussitôt fort judicieusement, « ceci ne fait
que rapprocher ce moyen des autres agents thérapeutiques, qui
ont tous, dans leur étude, un chapitre des indications et des
contre-indications (3) ».
Le 2-i, il dit que cela va bien, sauf le poignet qui reste immobile; les
doigts sont plus souples. Je le fais écrire pendant le sommeil, en sug-
gérant de la souplesse dans le poignet. Les jours suivants, même état; il
accuse toujours de l'immobilité dans le poignet, qui se manifeste surtout
quand il écrit quelque temps.
Obligé de m'absenter le 30 pendant deux mois, je prie M. Liébeault de
continuer les suggestions.
Voici ce que le malade a noté :
« Le 30, j'écris ajjrès la séance : le poignet est toujours immobile, il
ne fait aucun mouvement, ce qui gêne beaucoup pour écrire ; les doigts
vont bien.
« Le 1er décembre, le poignet a un peu remué, et; il nie semble, en ce
moment, moins raide.
« Le 2, après la séance, et avant de quitter M. Liébeault, j'ai très bien
écrit au crayon, le poignet étant plus mobile; mais, en ce moment, il
redevient moins mobile, et le ]iouce appuie j»Ius fort que les autres doigts.
« Le 5, en écrivant très lentement et en pensant loujours qu'il ne faut pas
appuyer, cela va mieux; mais c'est toujours le pouce qui presse sur la
plume Après avoir dormi, le pouce exerce bien moins de pression sur
.
la plume ; j'écris mieux surtout en écrivant lentement. Le poignet lui-
même est moins raide.
« Le 7, il y a certainement du mieux dans le poignet; le pouce n'a plus
qu'une petite tendance à presser la plume. »
' Le 7, H... C... dit avoir écrit trois lettres; les deux premières allaient
bien, la troisième allait moins bien, et il écrivait de nouveau assez mal. Le
poignet fonctionne un petit peu; c'est le pouce qui exerce une pression
sur la plume.
Le 16, le pouce continue à appuyer davantage ; cependant des spéci-
mens d'écriture de ebaque jour, montrés par le malade, montraient qu'il
écrivait très bien.
Mais le sommeil hypnotique est moins profond depuis quelques jours,
ce qu'il attribue à ce que M, Liébeault l'endort dans une salle pleine de
monde, où il y a beaucoup de bruit, tandis que chez moi il dormait seul
et sans bruit, dans mon cabinet. 11 ne retourne plus chez M. Liébeault
et discontinue le traitement jusqu'au 29 janvier, après mon retour à Nancy.
La flexion du pouce appuyant sur la plume avait augmenté et entravé
l'amélioration.
Le 29, cette flexion avec un moment d'arrêt dans l'écriture se produit
assez souvent, tous les trois mots ; les autres doigts ne s'infléchissent plus,
mais le poignet est immobile.
Après une nouvelle séance le 29, le pouce ne fléchit plus immédia-
tement, après la séance, dans mon cabinet; mais chez lui la flexion se
reproduit.
Le 30, il écrit quatre lignes chez lui et ne peut plus continuer, le pouce
PROCÈS .de l'hypnotisme 593
résultats. Si l'on veut se faire une idée des services qu'il a déjà
rendus, et surtout qu'il est appelé à rendre dans l'avenir, que
l'on veuille bien prêter quelque attention à cette communication
de M. le Dr Fort au Congrès de l'hypnotisme de 1889 :
« Le 21 octobre 1887, un jeune Italien, employé de com-
merce, âgé de vingt [ans, Jean Marabotti, se présente à moi et me
demande de lui faire l'extraction d'une loupe siégeant à la région
frontale, un peu au-dessus du sourcil droit. La tumeur a le
volume d'une noix.
« Reculant devant l'emploi du chloroforme, que le malade
désire, je me livre sur lui à une courte expérience d'hypnoti-
sation. Voyant que j'ai affaire à un sujet hypnotisable, je lui
promets de lui faire l'extraction de sa tumeur sans douleur et sans
employer le chloroforme.
« Le lendemain je le fais asseoir sur une chaise et je le plonge
dans le sommeil hypnotique par la fixation du regard, ce qui
a lieu en moins d'une minute.
« Les docteurs ïriani et Colombo, médecins italiens, présents
à l'opération, constatent que le sujet a perdu toute sensibilité et
que ses muscles conservent toutes les positions qu'on leur donne.
comme dans l'état cataleptique. Il ne voit rien, il ne sent rien,
il n'entend rien ; son cerveau reste en communication avec moi
seul.
« Dès que nous eûmes constaté que le malade était complè-
tement plongé dans le sommeil hypnotique, je lui dis : Vous
dormirez pendant un quart d'heure, sachant que l'opération ne
durerait pas plus longtemps. Il resta assis, parfaitement immo-
bile. Je fis une incision transversale, de 0m06 de long; je disséquai
la tumeur que j'enlevai entière, je pinçai les vaisseaux avec les
pinces hémostatiques de Péan, je lavai la plaie et j'appliquai
le pansement. Je ne fis pas une seule ligature. — Le malade
dormait toujours. — Pour maintenir le pansement, j'enroulai
une bande autour de la tète. Je disais au malade : Baissez la
tête, levez la tête, penchez la tète à droite, à gauche; il obéissait
avec une précision mathématique.
« Lorsque tout fut terminé, je lui dis : Réveillez-vous. Il se
réveilla, déclara qu'il n'avait rien senti, qu'il ne souffrait pas;
et il se retira à pied, comme s'il n'avait pas été touché.
l'HOCÈS de l'hypnotisme 597
d'un gramme de morphine par jour depuis plus de Irois ans (il en
avait pris l'habitude pendant une maladie au Caire), fut débar-
rassé de son habitude en quinze jours. Il mourut plus tard d'une
pneumonie. Mon expérience m'a enseigné qu'il est difficile d'ac-
quérir de l'influence sur les morphinomanes : on a besoin de
temps et de beaucoup de patience pour arriver au but, mais le
médecin accoutumé au traitement suggestif peut être sûr du
succès (!)•.» '
.
En fait de succès, l'on obtiendra difficilement quelque chose de
plus remarquable que M. Auguste Voisin, médecin de la Salpê-
trière, dans les circonstances que l'on va lire :
« Une fille âgée de vingt-deux ans,séquestrée à Saint-Lazare à la
suite de vols et d'abus de confiance, avait été reconnue aliénée et
envoyée à la Salpêfrière. C'était une fille grande et forte, d'une in-
telligence peut-être au-dessous de la moyenne, pensive et sour-
noise. Sauf un front bas, on ne remarquait chez elle aucune con-
formation défectueuse. Indocile, paresseuse, oïdurière, elle mani-
festait toujours de la mauvaise humeur, et récriminait à propos de
tout. Quand elle était inoccupée, elle prononçait des paroles incohé-
rentes qui annonçaient l'existence d'un délire.maniaque. Bientôt,
elle a des accès d'agitation, devient furieuse, eton ne peut la main-
tenir qu'avec la camisole de force. Elle a aussi, de temps en temps,
des attaques d'hystérie sous forme de perte de connaissance, sans
convulsions.
« M. A. Voisin pensa à l'hypnotisme pour calmer cette violente
agitation. Etant un jour venu à l'improviste dans son service, il
trouva la malade camisolée, assise dans la salle des douches, le
bonnet d'irrigation d'eau froide sur la tète. Il essaya de l'hypnoti-
ser en lui faisant fixer des yeux le doigt placé au-dessus de son
nez; mais, à cause de la difficulté de lui faire regarder fixement
un objet, il n'obtint le sommeil qu'en la regardant de très près, à
quelques centimètres de son visage et en suivant tous les mouve-
ments de ses yeux. Au bout de dix minutes survint un strabisme
convergent auquel succéda bientôt un sommeil stertoréux. Après
cinq minutes de ronflement, elle se mit à bavarder d'une façon
incohérente.
Voilà les faits, et voilà cet hypnotisme qu'on voudrait nous re-
présenter comme étant, de soi et par nature, malfaisant, immo-
ral, diabolique. Malfaisant, de soi, l'hypnotisme, quand il guérit
tant d'inlirmités et de douleurs! Immoral, quand il aide si efficace-
ment, la volonté défaillante à secouer le joug des vices ! Diabo-
lique, quand il nous est un si précieux instrument pour écarter
de l'homme les deux choses où le génie du mal doit particu-
lièrement se complaire la souffrance dans les corps et. la cor-
>:
ruption dans les âmes ! Ces trois épithètes; les plus dures qu'on
puisse imposer, la science et le bon sens protestent de concert,
si on veut en 'flétrir l'hypnose.
Sans doute, sous le nom et sous couleur d'hypnotisme, on peut
se livrera des pratiques d'un ordre transcendant; sans doute l'hyp-
notisme est d'un emploi délicat et peut offrir des dangers, donner
lieu à des abus; mais cela n'empêche pas que l'hypnotisme vrai,
scientifique, ne se ramène à des causes absolument naturelles, et
qu'employé avec prudence, uniquement pour le bien des sujets, il
ne soit un agent tout à la fois très puissant et trèsbienfaisant. Quoi
qu'on en puisse dire, l'hypnotisme « restera une des plus belles
acquisitions de la Biologie contemporaine(2) », un des plus riches
présents qu'ait faits à l'homme la bonté de Dieu.
(A suivre.)
(1) Voir Revue des Cours et Conférences. Cours de M. Boutroux, 1894-95, leçons Ire,
p. 193.
608 REVUE THOMISTE
au foyer des dieux. A cette idée répond un désir que rien de borné
ne peut satisfaire: mais ce désir insatiable qui fait le supplice de
' Prométhée prépare aussi sa délivrance... La nécessité, du jour où
elle a été comprise, commence à être vaincue...L'un après l'autre,
Prométhée dénoue ses liens : par la science, parles arts, il semble
rendre ses chaînes plus flexibles et recouvrer peu à peu la liberté
de ses mouvements. Néanmoins, ses liens ont beau devenir de
plus en plus ténus et presque invisibles, il les retrouve toujours.
En même temps qu'il s'y voit enveloppé, il y voit aussi tous les
autres hommes ; il voit s'agiter en vain, il voit souffrir ceux qui
ont reçu le feu du ciel... il s'oublie en entendant la voix de ses frères;
sa, pensée et son coeur volent vers eux, il voudrait les secourir,
mais un dernier et inflexible lien le retient encore... Tout à coup,
la merveille que la pensée et le désir cherchaient en vain, un su-
prême élan de l'amour l'accomplit : en voulant faire tomber les
chaînes de ses frères, Prométhée a fait tomber les siennes ; il est
près d'eux, il est à eux, il est,en eux, il est libre (1). »
Mais c'était trop peu que de délivrer l'homme aux yeux de ce
libérateur juré. Aujourd'hui, Prométhée est pour lui l'Univers,
emprisonné par les lois de l'Evolution mécanique ou téléologique.
Dans ses derniers ouvrages, M Fouillée s'est employé tout entier
à dégager les Idées-Forces prisonnières dans [le réseau des néces-
Psychologie.
1° Exposition. - .
(1) Psych. des Idées-Forces, I, Introd.,. p. vi. — .Toannics a S. ,Thoma (Logica, II. P.,
q, xxiv, art. 2.'« Utrura prsemissoe efficienter influant in conclusionera») : « Les prémisses
peuvent être prises formellement ou objectivement; formellement, elles constituent le
jugement, acte du sujet; objectivement, elles sont les choses qu'atteint le jugement. En
tant qu'objets, la Logique les dispose et les propose à l'intellect...— suivant la connexion
qu'elles présentent, — et dans l'espèce, dit le Philosophe (II. Phys., lecl. v, apud. D. Th.),
les prémisses ne font que fournir la matière de la conclusion. Si, au contraire, on les prend
comme les actes mêmes du sujet..., l'opinion la plus commune reconnaît une causalité effi-
ciente aux prémisses, vis-à-vis de l'acte qu'est, dans ce cas, la conclusion. (Voir saint
Thomas : Commentaire sur leI"T livre des Posé. Anal., lect. ni. — IL Phys., lect. v.—
V. Métapk., lec. m. — I. P., q. xix, a. 7. »
(2) Èvol., Introd,, xl.
(3) Psychol., Introd., vm.
l'évoluïionisme et les PRINCIPES DE SAINT THOMAS (815
en tant que tel est un pu morcelé. Saint Thomas tient pour l'unité
de la puissance et de « l'habitus » dans le morcellement dés
représentations (1). M. Fouillée tient pour la continuité de tous
les processus mentaux dans le processus appétitif. Sans doute,
cette expression est vague, et, d'une manière générale, la doctrine
de saint Thomas nous semble plus précise que celle de M. Fouil-
lée. La ressemblance entre les tendances des deux doctrines n'en
demeure pas moins un fait. .
cause, et rien que cela. Or, il est évident qu'en l'absence de l'exer-
cice de l'effet qu'elle seule peut produire, la cause existe.
— Comme possibilité seulement !
— Comme possibilité existante /'Donc l'être n'est pas l'action,
quoi qu'en puisse dire l'observation directe. Et l'activité primi-
tive, origine du processus mental, ne saurait s'identifier avec
l'existence et la vie.
Sommes-nous rendus au terme de notre analyse ? Examinons le
résidu jusqu'ici obtenu. Nous sommes en présence d'une puissance
à vouloir, d'une puissance appetitive, laquelle doit d'un moment à
l'autre exercer son acte. Une puissance peut-elle d'elle-même pas-
ser à l'action ? Telle est la question posée àl'analyse. Elle répond :
Agir est plus que tendre à agir. Si une puissance pouvait d'elle-
même passer à l'acte, le pJus sortirait du moins, l'être du non-être.
Ce serait la contradiction réalisée. Il faut donc recourir, en vertu
du principe de causalité, à l'intervention d'une cause antérieure à
la puissance (1). Et comme, par supposition, nous avons opéré
notre analyse sur l'activité primordiale du monde psychologique
observable, c'est au delà de ce monde, antérieurement à la puis-
sance primordiale de cet ordre, qu'il faut placer l'action complé-
mentaire capable de donner le premier branle à l'évolution des
Idées-Forces.
II. — Métaphysique.
firmer que notre intelligence est en contact vrai avec les choses.
Elle pouvait donc s'appliquer à elles et reconnaître directement
l'existenceet la proportion d'intellectuaïité qui était en elles. C'est
ainsi que le philosophe reconnut (non pas construisit) les catégories,
c'est ainsi qu'il affirma l'existence de l'intellectuaiité àquatre états:
à l'état figé et comme cristallisé dans la matière, à l'état psychique
dans la plante, à l'état sensible/dans l'animal, à l'état mental et
conscient dans l'homme. Une telle observation ne confond rien, ne
mutile rien : elle est la traduction même de l'expérience.
—-i- x ; ^ \"J> ' t ^T ^^T - < J i
^h ^ I * ^' ^' r < I
111°.
— M. Fouillée et le Dualisme.
Fr. A. Gardeil, 0. P.
II
laire? Parce qu'elles ont à produire des oeuvres d'art aussi peu
immédiatement attribuables à la môme puissance active, que le
débit d'une coupe à Harwarden, le programme politique du
premier ministre libéral, et la composition d'un discours en
faveur du Home Rule. Voilà, dans sa simplicité primitive, la loi
spécificatrice de tout être en puissance. Des milliers de fois, saint
Thomas l'applique à toutes sortes de sujets. En psychologie, eu
morale, elle lui sert universellement à classer facultés, disposi-
tions, habitudes, vertus, droits et devoirs. Dans toute cette seconde
partie de la Somme, à laquelle se rapporte notre commentaire
d'aujourd'hui, c'est un de ces axiomes perpétuellement sous-
entendus que l'auteur n'a plus besoin de formuler. Vous êtes
averti, lecteur intelligent, d'y penser toujours de vous-même.
Vous vous souviendrez alors de ces termes où saint Thomas a
marqué, dans l'article premier, la fin propre et immédiate du
droit de propriété : Fosse -uti AD SUAM UTILITATEM. Cette
formule même contient sa preuve : nous savons que le bien de
notre nature termine naturellement en ce monde l'évolution
ascensionnelle de la matière dans la série des formes. D'accord
avec la métaphysique, un paysan dira, parlant de sa vigne et de sa
vache : « Mon bien ». La fin essentielle et prochaine du droit de
propriété, c'est toujours son légitime détenteur.
Donc, à des propriétaires'd'espèce différente se rapporteront diffé-
rentes espèces de propriété. — Voici un paysan qui possède, dans
le finage de sa commune, deux ou trois hectares de bois. A ce titre,
c'est pour soi, sans partage obligé avec aucun autre propriétaire,
qu'il dispose de son terrain et de ses arbres, sur pied ou coupés,
morts ou vife. C'est donc la personne humaine, l'individu de nature
raisonnable, subsistant et agissant par soi, qui est la fin propre et
immédiate de sa propriété privée. — Voici maintenant la com-
mune de ce bonhomme, qui possède en nom collectif deux cents
hectares de taillis. Pour qui sont-ils? Pojhr tout le monde dans la
commune, pour personne en dehors d'elle. C'est dans le groupe et
par lui que chacun des habitants domiciliés exerce un droit per-
sonnel sur sa part d'affouage. De même donc que la propriété
individuelle a pour sa fin propre et immédiate le bien personnel et
son détenteur, la propriété, collective se subordonne à un bien
collectif.
LA PROPRIÉTÉ D'aPBÈS LA PDILOSOPIHE DE SAINT THOMAS 639
bien? »
Une seconde question s'ensuit. Pour utiliser son, bien, ne faut-il *
pas l'avoir rendu ou gardé utilisable? La terre exige sa culture,
un immeuble son entretien. Je ne parle ici que des richesses natu-
relles, et non du capital en argent, doiit}la valeur dérivée,- artifi-
cielle et de convention, soulève des difficultés toutes spéciales,
Saint Thomas a grand soin de les traiter à part, sans les mêler en
quoi que ce soit au problème général dii droit de propriété (i ). Je
resterai fidèle à sa méthode, dans tout le cours de ce travail. Le
droit de propriété, appliqué à des valeurs naturelles, — c'est-à-dire
venit. » Elle rend tranquilles l'atelier et la rue parce qu'elle unit les
coeurs : « Diversorutn cordium volunttytes simul in unum consensum
conveniimt (1). » Elle est ce repos d'une société où tout le monde
s'entend sur le Lien commun.
VI. :
Le Dévouement de l'Élite, parmi les Propriétaires, au
Bien social de la Paix.
Les gens positifs, les business men, trouveront sans doute bien
idéaliste, bien digne d'un métaphysicien et d'un mystique, cette
religion du bien commun et de la paix sociale. Je tombe d'accord
avec eux qu'elle n'est pas accessible à tout le monde. Il faut, pour
être à sa hauteur, certaines qualités natives ou acquises : savoir
s'abstraire de la vie matérielle, regarder avec les yeux de l'âme,
pour apercevoir au-dessus d'un tas d'individus vulgaires ou mal
formés, cette forme et cette beauté suprême de l'être collectif. Il
faut même un coeur indulgent non moins qu'un oeil lucide : la
beauté, la perfection des collectivités n'est pas plus absolue en ce
monde que celle des individus, Il faut enfin que l'observateur
sache dépouiller les préjugés de son égoïsme personnel ou d'une
excessive passion de l'indépendance. Le bon Frère Thomas, avec
sa métaphysique et sa sainteté, y a parfaitement réussi.
Sans être le Frère Thomas, et même en demeurant homme
du monde, avec tous les intérêts de sa situation, un esprit élevé,
un coeur généreux, n'y peut-il pas suffisamment réussir?
C'est juste ici que le régime de la propriété individuelle peut
rendre de très nobles services, en préparant un homme à com-
prendre et à exercer ce dévouement. Cette loi, psychologique et
sociale, est souvent rappelée par saint Thomas; de l'amour inté-
ressé d'un bien quelconque, notre volonté raisonnable est naturel-
lement portée, si ce bien mérite vraiment son nom, à l'aimer pour
lui-même. Les natures d'élite ressentent plus que d'autres ce gé-
néreux mouvement ; elles ne peuvent s'empêcher, tout en utili-
sant un homme ou un groupe, de considérer la perfection intrin-
sèque, d'en goûter l'attrait final. Et c'est là une loi sociale aussi.
Par elle, l'amour filial reçoit son caractère de piété élevée et
grave, dans certaines familles qp les soins attentifs d'une éduca-
tion virilement comprise mettent, sous les yeux des enfants, leur
père et leur mère, comme un idéal vivant de force et de délicatesse
morale. L'amour de la patrie, lui aussi, ajoute peu à peu la même
piété dévouée, à ses premiers mouvements intéressés. Partout, en
définitive, si nous ne sommes pas trop incurablement égoïstes
nous aimons la société pour elle-même, et pas seulement pour
nous. Et comme tout avantage personnel qu'elle nous procure
engage sa.perfection collective et la manifeste,il nous aide à conce-
voir un amour désintéressé du tout social, de son bien et de sa
paix.
(1) 1. Politic.l.
LA PROPRIÉTÉ D'APRÈS LA PHILOSOPHIE 1 » 15 SAINT THOMAS 059
(liants. Les professeurs réclament qu'on les protège d'une manière efficace,
« de peur que, disent-ils, le fondement de l'Eglise, que
l'on sait être l'Uni-
versité de Paris, étant ébranlé, l'édifice entier ne s'écroule tout à coup(l) ».
Dans une autre occasion semblable, Rodolphe Glachard, doyen de la
Faculté de théologie, prononça, dans un discours adressé à cette Faculté
en 1387, les paroles suivantes : « Je ne parle point des évéques de Paris
qui, dans la condamnationdes doctrines hérétiques se sont toujours appuyés
sur l'autorité de nos professeurs de théologie; car je vois que partout les
évèques ont à peu près tous agi de môme, quand ils se trouvaient entou-
rés de difficultés. Et de là a pris origine cette renommée si illustre, qui
fait asseoir dans cette vénérable Faculté la vérité catholique comme dans
son propre siège, d'où elle n'a jamais pu être arrachée (2).» Certes, une idée
pareille de l'importance de l'Université de Paris pour l'Eglise elle-même ne
pouvait être que le résultat d'une véritable domination dans le domaine de
la science, exercée pendant un grand nombre d'années et reconnue d'une
manière implicite ou explicite j>ar les autorités ecclésiastiques et civiles.
En effet, nous voyons, dès le début du xni° siècle, les Papes et les rois de
France accorder aux professeurs et aux étudiants de Paris un grand nombre
de privilèges, qui favorisaient le développement intérieur et extérieur de
l'Université, et qui en firent, vers la fin du xivc siècle, une véritable répu-
blique des lettres, un petit Etat dans l'Etat, traitant presque d'égal à égal,
non seulement avec l'évêque de Paris, mais avec le Parlement et la
royauté. L'histoire de l'Université de Paris est donc de la plus haute im-
portance, non seulement pour l'histoire de la science et des lettres, mais
encore pour l'histoire politique et religieuse, et surtout pour l'histoire de
la civilisation au Moyen Age. La base nécessaire pour les études histo-
riques sérieuses est la publication complète, exacte et critique des
sources originales, travail souvent très difficile et ingrat, mais indispen-
sable! L'Université de Paris a eu la bonne fortune de trouver dans la per-
sonne du R. P. H. Denifle, O. P., sous-achiviste du Saint-Siège, l'érudit
qu'il fallait pour jeter les fondements solides de son histoire. Soutenu
par le Conseil général des Facultés de Paris, qui avait entrepris cette
publication aux frais du Ministère de l'instruction publique de France,
le savant Dominicain se mit à recueillir dans les archives et les bi-
(1) «Ne coiicusso eeclesie fundamento, quod Parisiense studiumesse dinoscitur, conse-
quenter corruat ipsum edificium improvise. » ( Chartul., I. p. 237.)
(2) « Non loquor (quantum ad) Parisienses episcopos, qui in articulorum ac heretico-
rum dampnatione eorum (scil. theologorum Parisiensium) semper usi auctoritate, nam
onines ferme in arduis ila fecisse ubilibet video. Et exinde parta est illa percelebris fama,
que inhacalma facultaté tanquam in sua sede catholicam veiïtatem reponit, née àb ea
umquam avei-lî potuisse commendat. » (Ckartul.,111, p. 488.)
BUXLKTIN d'histoire 663
écoles situées sur l'île de la Seine formèrent une corporation, une « l/ni-
versitas magistrorum et tscolarkim », dans le but de promouvoir et de
défendre leurs intérêts communs (1). Le P. Denifle trouve la première
mention de cette nouvelle organisation dans la vie de Jean Ior, abbé de
Saint-Alban (1195-1214) ; son biographe rapporte en effet que, par son
zèle à fréquenter les écoles de Paris pendant sa jeunesse, il mérita d'être
admis dans la société des maîtres élus [ad électorum consortium magistrorum
meruit attingoré). En tout cas, l'Université se présente à nous comme com-
plètement organisée au commencement du xin* siècle. En 1208 ou 1209, le
.
pape Innocent 111 adresse une bulle à tous les docteurs de l'Eci'iture
Mainte, du droit canon et des arts libéraux à Paris, dans laquelle il (ail
allusion au règlement établi par les maîtres en ce qui concerne leur cos-
tume, les heures des leçons et des disputes, et l'assistance aux funérailles
d'un clerc défunt; il cite encore un autre statut établi par la communauté
de tous les maîtres, par lequel chaque membre devait obéir strictement
aux décisions prises par la communauté, sous peine d'être exclu de la
société, s'il ne se soumettait, après une triple inonition, à « l'université
des maîtres ». Un professeur, dont le nom n'est pas indiqué dans le docu-
ment, avait encouru cette peine, dont il ne pouvait être délivré qu'en
s'adressant au Saint-Siège. Le pape intervient en faveur du professeur
auprès de la communauté (2). Le P. Deniîle pense que le règlement
auquel le pape fait allusion dans sa lettre est le premier acte de l'Univer-
sité des maîtres comme corporation. Quelques années plus tard, en 1221,
nous trouvons l'Université des maîtres et des élèves de Paris agissant
comme personne morale en cédant à perpétuité aux Frères Prêcheurs le
terrain appelé Saint-Jacques, près de l'église de Saint-Etienne, et tous
les droits que leur corporation y pouvait, avoir (3). 11 n'y- a donc pas le
moindre doute, qu'à cette époque l'Université existait comme communauté
formée librement par les maîtres et leurs élèves : elle avait des propriétés
dont elle pouvait disposer, elle élaborait des règlements auxquels tous les
membres devaient obéir. Vers ce temps, elle s'était même fait un sceau
particulier en vue des actes officiels de la corporation ; il est mentionné
comme de fabrication récente dans une bulle du pape Honorius III donnée
le 2 avril 1221 (4). Mais le chancelier de l'église de Paris réclama contre
ce droit que l'Université s'était arrogé d'avoir un sceau particulier ; et en
1225 celui-ci dut être brisé. Ce n'est qu'en 1246 que le pape Innocent IV
conféra à l'Université le droit d'avoir son propre sceau (1).
La lutte entre l'Université nouvellement formée et le chancelier de la
cathédrale de Paris était inévitable à cause des droits que celui-ci avait
exercés jusqu'alors et dont il continuait à jouir vis-à-vis des écoles de l'île,
soumises à sa juridiction. C'est lui, en effet, qui donnait la permission d'en-
seigner à tous ceux qui voulaient faire des cours dans une des écoles
situées sur l'île. II garda le même droit vis-à-vis de l'Université nouvelle-
ment formée; lui seul pouvait accorder la licence de l'enseignement, ou,
comme on dirait aujourd'hui, conférer les grades académiques. Il était par
là même le chef de 1 Université, d'autant plus que, par le privilège de
Philippe-Auguste que nous avons mentionné plus haut, les professeurs et
les étudiants furent soustraits à la juridiction du prévôt, chef de police de
la ville, et placés sous celle de l'offîcial de la curie épiscopale; De cette
façon, le chancelier était devenu le juge civil de l'Université, dont il était
déjà le chef en ce qui concernait la nomination des maîtres des différents
gracies. En outre, le chancelier reçut en 1208, du légal apostolique Guala
Bichierus, le pouvoir par délégation de prononcer l'excommunication
contre tous les maîtres et élèves de l'Université, qui ne se soumettraient
pas à la constitution publiée par lui sur la vie et les masui's des clercs.'
Grâce à tous ces pouvoirs, le chancelier de Notre-Dame se trouvait à la
tête de la communauté des écoles établies sur l'île ; elle était soumise à sa
juridiction. Nous parlerons plus tard des luttes qu'il eut à soutenir contre
l'Université.
Vers l'année 1220, une partie des maîtres de philosophie avec, leurs
élèves quittèrent l'île et allèrent s'établir sur le terrain relevant de l'abbaye
de Sainte-Geneviève. Le grand nombre de chaires de celte faculté, l'espace
trop serré de l'île et aussi le désir de se soustraire à la juridiction du
chancelier de Paris furent les motifs de cette émigration. Les nouvelles
écoles furent placées sous la juridiction de l'abbé de Sainte-Geneviève
et, en .1222, l'abbé conféra la licence de l'enseignement à des membres
de ces nouvelles écoles; le pape Honorius 111 lui reconnut le droit de le
faire, malgré les réclamations du chancelier de Paris. Le nombre toujours
croissant de maîtres, surtout de philosophie, qui vinrent s'établir « sur la
Montagne » près de Paris, dans la dépendance de l'abbaye, eut pour suite
l'institution d'un chancelier spécial pour ces écoles, lequel est mentionné
pour la première fois dans une bulle du pape Alexandre IV, en date du
7 décembre 1277 (2).
\
Le souverain pontife défend dans ce document de conférer la licence
pour l'enseignement à tous ;eeux qui ne se soumettraient pas à la consti-
tution publiée par lui, Pape, au sujet de l'Université. Or, la bulle est
adressée en même temps au chancelier de Paris et. au chancelier de Sainte-
Geneviève : preuve certaine que la juridiction de l'un et de l'autre} sur les
maîtres et les élèves qui relevaient d'eux, était également reconnue par
Alexandre IV (1). Cependant le nouveau chancelier n'acquit point la même
importance que son collègue, la grande majorité des maîtres restant tou-
jours établie sur le territoire soumis à la juridiction de ce dernier.
L'Université avait été formée par la réunion en corporation des maîtres
qui enseignaient ces sciences : la théologie, la philosophie ou arts
libéraux, le droit canonique et civil et la médecine. L'organisation du
corps entier des maîtres entraîna dès le commencement du xiii0 siècle, la
constitution des Facultés. Les membres de l'Université qui cultivaient la
même science formèrent entre eux une corporation plus étroite, dans le
luit également de mieux promouvoir les intérêts de leur science. Dans une
charte datée du mois d'août 4210, par laquelle l'évêque Pierre de Paris
publie l'arrangement conclu entre le chancelier et l'Université,nous lisons,
après les articles généraux, d'autres stipulations conclues entre le chance-
lier et les ordres des théologiens, des juristes, des médecins et des
artistes (2). Le nom de Faculté ne s'y trouve pas encore; nous le rencon-
trons dans plusieurs documents postérieurs, mais employé dans le sens
d'enseignement d'une branche ou discipline. Dans les statuts de l'ordre
des philosophes rédigés en 1255, le mot de faculté est employé pour la
première fois dans le sens de corporation de tous ceux qui enseignent el
étudient la même discipline scientifique (3). Mais l'organisation existait
depuis le commencement du xne siècle ; car nous vovons par les doeu-
ments, que les quatre Facultés tiennent leurs réunions particulières, éta-
blissent des règlements sur les études, les examens, la collation des
grades, excluent de leur communauté ceux qui se montrent récalcitrants à
leurs lois,' etc. Aussi la grande charte .donnée à l'Université en 1231 par
lé pape Grégoire IX prend-elle en considération les quatre Facultés, pour
régler plusieurs détails des rapports entre chacune d'elles et le chancelier
de Paris (4). A la tête des trois Facultés de théologie, de .droit et de
médecine était placé le doyen d'âge des maîtres régents de la Faculté : c'est
lui qui convoquait et présidait les réunions, et faisait les communications
ainsi que, en 1284, dans la lutte soutenue par l'Université contre les
Frères Prêcheurs, le Recteur apparaît comme agissant au nom de toute
l'Université. Il envoya les bedeaux dans la maison où les Dominicains
enseignaient, pour y publier les décisions prises contre eux ; et lorsque
ceux-là furent chassés, il se présenta lui-même, accompagné de trois
maîtres de la Faculté des arts, pour publier les décisions (1). En 1259, nous
trouvons dans un jugement prononcé par Octavien, cardinal-diacre de
Sainte-Marie in Via lata, en laveur de banquiers qui réclamaient de
l'argent qu'ils avaient avancé à l'Université, le titre de « Recteur de
l'Université des maîtres et des étudiants » (2). Pourtant, il était loin d'être
comme tel à la tête de toute l'Université; car, dans les assemblées géné-
rales, nous voyons en première ligne les doyens des trois autres Facultés,
ensuite le recteur et. les procureurs des nations ; il était plutôt le repré-
' sentant des intérêts communs des maîtres et fies étudiants formant les
(1) Chartul., I, p. 236. Lettre circulaire de l'Université à tous les prélats, professeurs
et étudiants, du 4 février 1254.
[Tjlbid., p. 378, n. 330. |
(3) Chartul., I, p. S77, n. 493.
(4) Charlvl.. II, p. 313, n. 1 OSI.
(5) Chartul., I, p..449, n. 409." .'.
.
. . ....
670 REVUE THOMISTE
niversilé, tel que le P. Denifle l'a retracé dans ses Introductions, d'après,
les documents.
Il
(J) Chartid,, I, p. 137, n. 79; bulle Parens scientiarum Je Grégoire IX du 13 avril 1231.
(2) Chartnl., II, p. 683 : « De modo licentiandi in thcologia.
»
,1
'
fournir sous la direction d'un maître, et après les examens qu'il fallait
subir pour les différents grades. II est certain que cette discipline rigou-
reuse, pour le maintien de laquelle les Facultés firent tous leurs effort*
pendant le xm0 et le xiv" siècle, exercèrent la meilleure influence sur If-
développement des hautes études.
La célébrité de l'Université de Paris au Moyen Age y attirait les plus
grands philosophes et théologiens de tous les pays ; et cette présence des
savants renommés à leur époque contribuait, en retour, à augmenter l'im-
portance de ces Facultés. Nous trouvons dans le Gartulaire les noms de
tous les philosophes et théologiens célèbres du Moyen Age. Le savant
éditeur s est donné la peine immense de rechercher dans les sources
manuscrites les notices concernant ces savants et leurs ouvrages. Un
grand nombre de ceux-ci se trouvent mentionnés dans le texte même des
documents et dans les listes des prix des livres, qui furent fixés pour l'usage
des maîtres et des étudiants de l'Université. Et là encore on se rend bien
compte que le Gartulaire est la source la plus importante pour l'histoire
littéraire de la philosophie et: de la théologie, au moyen âge. Il est souve-
rainement désirable que ces indications soient mises à profit par les érudits
qui s'occupent de lascolastique, et qu'elles poussent à l'étude de l'histoire
si peu ap2>rofondie encore de ce développement de la science théologique
au xm0 et au xiv'' siècle. Inutile de faire remarquer que le grand théolo-
gien dont cette Revue porte le nom, joue un rôle important dans les docu-
ments qui concernent les éludes à l'Université de Paris, il est très curieux
de poursuivre dans le Cartulcmre le mouvement, produit par l'étude des
ouvrages d'Aristote et le changement introduit dans la méthode de l'ensei-
gnement par ces ouvrages. Le xm' siècle avait reçu en héritage du siècle
précédent la méthode dialectique suivie et perfectionnée par Abélard. Un
très petit nombre d'ouvrages seulement d'Aristote était connu alors ; les
autres, traduits en latin pendant le xm" siècle, furent introduits à Paris en
même temps que les commentaires des philosophes arabes et juifs de
l'Espagne. La spéculation philosophique et théologique s'empara avec
empressement de cet aliment: nouveau qui lui était offert, toujours pourtant
sous l'oeil vigilant de l'autorité ecclésiastique. Certains des ouvrages qui
venaient de faire apparition ne furent livrés aux maîtres et aux étudiants
de Paris qu'après avoir été purifiés des erreurs qu'ils contenaient. Grâce
à l'affluence des plus grands savants en philosophie et en théologie de
toute l'Europe, à l'impulsion donnée à la spéculation par les ouvrages
d'Aristote, au raisonnement clair, strict et concis auquel la méthode
scolastique forçait l'esprit, à la discipline sévère que l'on maintenait pour
les épreuves nécessaires avant d'obtenir les grades, l'Université de Paris
parvint à l'apogée de sa renommée scientifique pendant la seconde moitié
du xme siècle.
BULLETIN D IHSTOIHK 673
II. est vrai que les erreurs ne manquent point à cette époque, le Gartu~
faire en fait foi par un grand nombre de condamnations de thèses avancées
par des maîtres de Paris. En effet, il n'était pas facile d'appliquer la spé-
culation philosophique d'Aristote aux dogmes de la foi révélée, de systé-
matiser la vérité catholique d'après un plan emprunté à la philosophie
antique, sans se mettre en contradiction avec les définitions de.l'Eglise.
Ensuite il y eut certaines parties de l'enseignement philosophique et, en
conséquence, de la sj>éculation théologique, sur lesquels on pouvait avoir
et défendre des opinions différentes, tout eu restant complètement sur le
terrain solide des définitions dogmatiques de l'Eglise. Des divergences de
ce genre ne tardèrent pas à se produire, non seulement .entre les profes-
seurs individuellement, mais encore entre les ordres religieux qui occu-
paient une place si importante dans les études théologiques et philoso-
phiques à Paris. Les plus célèbres sous ce rapport étaient les Frères Prê-
cheurs et les Frères Mineurs, avec leurs grands docteurs, le bienheureux
Albert le Grand et saint Thomas tl'Aquin appartenant à l'ordre de Saint-
Dominique, Alexandre de Halès et saint Bonaventure sortis de l'ordre de
Saint-François. L'enseignement de ces docteurs éminents devint l'ensei-
gnement officiel des deux ordres eux-mêmes," et les divergences qui exis-
taient entre les maîtres excitèrent la rivalité scientifique entre leurs
frères.
Mais, loin d'entraver le développement des études, les luttes littéraires
excitées soit par des doctrines erronées, soit par la lutte scientifique
entre les différentes écoles ne faisaient qu'activer davantage le travail
scientifique des philosophes et des théologiens. L'Université de Paris, la
Faculté de théologie en particulier, s'est montrée dans ces circonstances
vraiment digne des éloges que lui prodiguaient les papes : la grande
majorité de ses maîtres est restée toujours pendant le xni 0 et le xivc siècle
sur le terrain solide des vérités révélées et de l'enseignement officiel de
' l'Eglise. Les professeurs étaient toujours les premiers à saisir, à montrer,
et à combattre les erreurs qui sortaient de l'enseignement de quelque
' membre de l'Université. Et grâce à ce zèle pour l'orthodoxie et à cette
majorité, du côté de Clément VII pendant une période de onze ans à peu
près. La confusion générale excitée par le schisme, la pression exercée
.parle roi et les princes de France, l'habitude acquise depuis longtemps
par les maîtres de se procurer de gros bénéfices ecclésiastiques par la
grâce des papes d'Avignon expliquent cette position prise par l'Université.
Mais à partir de l'année 1390, après la mort d'Urbain VI et l'élection de
Boniface IX, le%,Tnembres principaux de la Faculté de théologie commen-
:
Les représentants des deux écoles ne traitaient plus les grandes questions
philosophiques et théologiques qu'on cherchait à approfondir au xiii' siècle •
1
NI
tuées à Paris pour favoriser les études, ou bien ils accordent aux étudiants
en théologie de percevoir pendant un certain nombre d'années les revenus
de leurs bénéfices ecclésiastiques sans observer la résidence prescrite par
(1) Uni., I, p. 128, î). 71 : p. 145, n. 90 ; p. 149, n. 91, et beaucoup 'd'autres documents.
(2) Churtul., I, p. 59, n. 1.
(3) Cf. Chartul., I, p. 120, n. 66; p. 122, n. 67; p. 538, n. 466, 461. — II, p. 3, n. 531 ;
vovez également l'ordonnance de Philippe IV en 1207. pour la durée de la guerre, p. 73,
n. 601: p. 77, n. 603; p. 94, n. 624, etc.
(4) Chartul, I, p. 140, n. 82; p. 483, n. 429: p. 597, n. 511. —II, p. 28, n. 556 et
passim. — V. II. p. M. n. 612.
(5) Chartul., I. p. 532, n. 402; p. 644, n. 530.
(6) Chartul., II, p. 49, n. 574, 575: p. 51, n. 575 a.
bulletin d'histoire .
679
(1) ChartvX., I, p. 88, n. 31; cf. p. 75, n. 16; p. 76, n. 17; p. 77, n. 18; p. 80, n.
p. 93, n.33;p. 98, n. 41.
(2) Chartul., I, p. 136, n. 79. — Cf. p. 113, n. 38; p. 117, n. 61.
(3) Chartul., I, p. 396, n. 345; p. 397, n. 347; p. 440, n. 399 ; p. 441, n. 400; p. 58S,
n. S02.
(4) Châtiai., I, p. 605, n. 315; p. 623, n. 516. — II, p. 43, n. 569; p. 53, n. 577; p. 55
•n. 579.
BULLETIN D'HISTOIRE 681
(1) ChariuL, I, p. 93, n. 34; p. 94, n. 33; p. 99, n. 42: p. 100, n. 43.
(2) Chartul.,}, p. 93, n. 36.
(3) Chartul., I, p. 94, note du P. Denille au n. 34.
(4) Chartul., i, p. 93, n. 37 avec la note du P. Denille.
(a) Chartul., I, p. 139, n. 76 avec la note; p. 168, n. 126.,
;..(6.) Chartul., I, p. 119, n. 63 ; p. 109, n. 33; p. 238, n. 214
: p. 409, n. 360; p. 403,
n. 338; n.42J, n. 373.
BULLETIN D'HISTOIRE 083
sainte Vierge) (l).Le savant éditeur ne publie pas seulement les documents
concernant l'établissement de ces différents ordres à Paris, mais encore
les statuts et les ordonnances des Chapitres généraux concernant les
éludes ; de plus, il donne les notices les plus précieuses sur les maîtres
(]iii en sont sortis.
Parmi tous ces ordres religieux, les plus célèbres pour l'enseignement
à l'Université de Paris furent les Dominicains et les Mineurs. La grande
influence qu'ils acquirent bientôt après leur arrivée à Paris excita contre
eux une vive opposition de la part des maîtres appartenant au clergé
séculier. A plusieurs reprises, des luttes ardentes éclatèrent entre l'Uni-
versité et ces ordres, les Dominicains en première ligne. Une première
fois, l'occasion de démêlés longs et véhéments fut une loi édictée j>ar l'U-
niversité en 1252. Elle portait que dorénavant chaque collège de religieux
devait se contenter d'un seul maître enseignant et d'une seule école (2).
Les Dominicains avaient, depuis la rentrée de l'Université à Paris en 1231,
deux chaires, comme nous avons vu; ils étaient les seuls qui se trouvaient
dans cette situation; nul doute, donc, que cette loi n'ait été dirigée princi-
palement contre eux. Ils n'entendirent pas se laisser enlever si facilement
une position acquise et s'opposèrent vivement à l'exécution du nouveau
statut. De là grande lutte entre l'Université et les Frères Prêcheurs, dont
l'ennemi le plus acharné fut le célèbre maître Guillaume de Saint-
Amour (3). En 1250, on voulut terminer le différend par une transaction, à
la suite de laquelle les Dominicains auraient gardé les deux chaires, mais
à condition qu'ils n'en auraient jamais un plus grand nombre et que leur
admission dans la communauté des maîtres et étudiants séculiers dépen-
drait du bon plaisir de ceux-ci. Celte transaction fut annulée par le Pape
Alexandre IV, qui prit la défense des ordres religieux; ce n'est qu'en 1259
que la lutte fut apaisée grâce à son intervention, les professeurs et les
i
étudiants des ordres religieux furent réintégrés dans tous les droits que
l'Université avait tenté de leur enlever. Vers la même époque, on voit se
préparer une vive opposition de la part d'une grande partie de l'épiscopat
i français contre les privilèges accordés par les Papes aux Ordres Mendiants,
en ce qui concerne la faculté de prêcher et d'entendre les confessions des
fidèles. Déjà en 1255, le maître général des Dominicains Humbert en
parle dans une lettre à tous les frères de l'ordre (4). L'Université de Paris
ne pouvait rester étrangère aux événements qui marquent la suite dé
Dr J.-P. Kirsch,
Professeur à l'Université de Fribourg (Suisse).
Georges Goyau, André Péhatk et Paul Fabke, anciens élèves de l'École
française de Rome. — Le Vatican; les Papes et la Civilisation, le Gouver-
nement central de Vjaglise, Introduction par S. E'. le cardinal Bourret ;
épilogue, par M. le vicomte E.-M. de Vogué. Firmin Didot, 1895.
Ce splendide volume, publié récemment par les soins de la librairie
Firmin-Didot, contient les documents les jjlus précieux et les vues les
plus larges sur tout ce qui se rapporte à la Papauté et a son rôle dans le
monde. Nos lecteurs ont pu apprécier, par le spécimen qui leur en a été
donné (!), la valeur des aperçus présentés par M. Goyau, en particulier,
pour initier le public à l'action parfois cachée, toujours profonde de
l'Eglise dans les choses humaines. D'autres études, d'un ordre moins
élevé, n'en sont pas moins fort intéressantes et instructives. On sait peu,
en France, comment vit et fonctionne cet organisme social, d'un genre à
part, qui s'appelle l'Eglise. Qu'est-ce au juste qu'nn consistoire, un con-
clave, une congrégation romaine? quels sont le rôle et le mode d'action de
ces grands corps, juges et gardiens des intérêts religieux ? Bien des chré-
tiens et des hommes de savoir sont sur ce point d'une parfaite ignorance;
ignorance regrettable, assurément, qui prépare plus d'un esprit à se
laisser surprendre par les déclamations passionnées des ennemis de la foi.
On est parfaitement édifié dans un certain monde sur ce qu'on appelle les
abus de la cour romaine ; on n'en ignore que mieux ce que c'est que la
cour romaine ; l'ouvrage que nous recommandons à nos lecteurs fera
tomber sans doute plus d'une prévention sur ce point.
L'ouvrage,est divisé en quatre sections : 1° Vue générale de l'histoire
do la Papauté, de saint Pierre jusqu'à Léon XIII ; 2° le Gouvernement
central de l'Église : le Sacré-Collège, les consistoires, les congréga-
tions, la secrétairerie d'État, la Propagande, la cour pontificale; 3° les
Papes et les Arts, au moyen âge, à la Renaissance, de nos jours ; -4° la
Bibliothèque Vatkane : son rôle et ses diverses transformations, parti-
culièrement sous Léon XIII.
Chaque section comprend, outre le texte, un grand nombre d'illustra-
tions fort soignées, qui constituent tantôt un document intéressant, tantôt
une véritable preuve. Deux gravures au burin, l'une du regretté F. Gail-
lard, l'autre de son très habile élève Eug. Burney sont les perles de cette
édition, pour la perfection el l'intérêt de laquelle la maison Didot n'a rien
négligé. D. S.
tant d'une impossibilité intellectuelle d'unir être et non être sous le même
rapport, qui ne voit qu'on fait appel, pour le prouver, au principe
même de contradiction.
M. Gardair, ne me semble donc pas heureux en quittant sur ce point la
lettre du IVe des Métaphysiques.
Il ne l'est pas davantage lorsqu'il introduit dans la philosophie thomiste,
un principe qui n'y a jamais eu droit de cité, le principe leibnitzien de la
raison suffisante et surtout lorsqu'il a la singulière pensée d'englober dans
ce principe le principe même d'identité.
En l'ait de principe de raison suffisante nous ne connaissons, nous
autres thomistes, que le principe de causalité. Le mot raison tel que
l'emploie Leibnitz a une saveur subjective qui jure avec notre objecti-
visme ; le mot suffisante est inexact : ou bien l'on entend par cette expres-
sion ce qui est capablepar soi de poser effectivement un effetf et alors ce n'est
pas suffisant qu'il faut dire mais efficace] ou bien, on lui laisse sa signifi-
cation aristotélicienne suivant laquelle?» suffisance désigne la capacitépoten-
tielle, et alors, il faut, en plus, pour que quelque chose soit, une « raison »
efficace. J'ajoute que dans la théorie leibnitzienne de la force, raison suffi-
sante joint les deux, ce qui forme la conception de la cause créée la
plus étrangère à la doctrine de saint Thomas,tout entière fondée sur l'irré-
ductibilité de la puissance à l'acte.
Bannissons donc du thomisme intègre ce mot de raison suffisante :
parlons causes tout simplement et disons : rien ne devient actuellement
sans une cause actuellement influente. Mais alors, ce principe n'est plus
absolument premier. Il contient une matière, j'entends une matière méta-
physique. S'il est vrai, c'est qu'antérieurement, il est impossible qu'un
devenir s'effectue sans qu'il soit actuellement effectué par une cause actuel-
lement agissante. Sans cela ce devenir serait acte et puissance à la fois. Le
principe de causalité est donc régi par le principe de contradiction.
Voilà pourquoi au chapitre IV du premier livre des Derniers Analy-
tiques, parmi l'énuméralion des choses qui conviennent à ce sujet, per se,
en vertu de lui-même, le propre et l'effet propre ont rang immédiatement
après l'essence. Celle-ci est le fondement du principe dit d'identité. La
propriété, l'effet propre ont, à leur tour, dans leur essence un ordre à
une cause extrinsèque à eux. Ils ne seraient pas sans cet ordre. La défi-
nition que l'on en donne en contient une marque bien significative. Elle
j'enferme toujours le nom du sujet d'inhérence de la propriété, de la cause
propre de l'effet. On ne saurait définir le Rire sans nommer l'homme,
l'être participé sans nommer l'être par essence. Aristote et saint Thomas
ramènent ainsi le principe de causalité au principe dé contradiction. Si
l'effet requiert une cause c'est qu'il est impossible qu'un effet, reconnu
comme tel, ne soit pas un effet.
&^m^^^^m^^m^^^Ê^^^^
(590 HEVUE "THOMISTE."
REVUE PHILOSOPHIQUE
NOVEMBRE 1895
B. PisiiEZ. — Le Développement des idées abstraites chez l'enfant.
A. Fohel. —Activité cérébrale et conscience.
G. Richard. — La Sociologie ethnographique et l'histoire. Leur opposi-
tion et leur conciliation.
H. Lachelier. — La Théorie de l'induction d'après Sigwarl.
Analyses et comptes rendus.
Revue des périodiqnes étrangers.
Etudes critiques :
Th. Ryssen. — La Morale dans la philosophie allemande contempo-
'
REVUE BIBLIQUE
octobre 1895
P. Batiffol. — L'Eglise naissante : les institutions hiérarchiques.
R. P. Laghangk. — Origène, la critique textuelle et la tradition topo-
graphique.
Ch. Robert. — Les Fils de Dieu et les filles de l'homme.
A. Quentin. — Inscription inédite du roi Assurbanipal.
Mélanges.
R. P. Séjourné. •— Chronique de Jérusalem.
Recensions.
Bulletin. — Table.
LA QUINZAINE
1er novembre 1895
François Descostes. —Joseph de Maistre orateur.
Clarisse Baser. •— Journal inédit du duc de Montpensicr. — Le
duc de Montpensier, le duc de Chartres (Louis-Philippe) et Mme de
Genlis visitant la Trappe en 1788.
E. Buisson. — Les Victimes de Boileau, Cotin.
Jean Birot. — Le Sens de la mort. — Considérations sur l'homme et sa
destinée.
La Conquête, roman.
Georges Vitoux. — Chronique scientifique. — Analyse des travaux de
Pasteur.
Jean de Prémery. — Chronique la de quinzaine.
Le Gérant ; P. SERTILLANGES.
PARIS. — IMPRIMERIE F. IEVÉ, RUE CASSETTE, 17.
Après avoir rendu compte avec une bienveillance extrême de mes
premiers articles surl'hypnotisme, un écrivain (l), dont ttoslecteurs
ont eu le plaisir, déjà une fois, d'apprécier le savoir et la distinc-
tion, ajoutait ces paroles : « Seulement, le travail du R. P. Gocon-
nier ne se termine pas là. Ayant donné, dans le « Procès de l'hyp-
notisme », les arguments de l'accusation, il nous doit encore l'ex-
posé de ceux de la défense, suivi du résumé des débats et de sa
propre conclusion » (2). Cette dette, si gracieusement réclamée, je
l'ai payée en partie, car j'ai fait entendre la défense comme j'avais
fait entendre l'accusation (3) ; mais, afin de m'acquitter tout à fait,
je dirai à mon tour, puisqu'on veut bien me le demander, ce qui
me semble être la vérité sur le grave problème qui nous occupe.
Je dois avouer d'abord que, ayant lu avec une attention égale et
une entière impartialité,l'argumentation des adversaires de l'hyp-
notisme et celle de ses défenseurs,c'est l'argumentation de ces der-
niers qui, dans l'ensemble, m'a laissé l'impression la plus favorable.
Des deux côtés, sans doute, l'on fait preuve de talent, de science et
d'habileté : mais je trouve que les partisans de l'hypnotisme
montrent une connaissance et une analyse des faits plus précises,
une logique plus correcte et plus ferme, une psychologie plus
exacte et plus profonde. Je le reconnais, un grand et noble zèle
pour la défense des âmes contre l'action et les influences sata-
niques anime les adversaires ; cela se voit bien à l'ardeur, à la
/
(1) M. Cn. de Kirwan. Voir le n° do mai 1895 de la Revue Thomiste..
(2) Revue des Questions scientifiques, avril 1895.
(3) Voir notre n» de novembre.
REVUE THOMISTE. — 3e ANNÉE. — 47.
694 REVUE THOMISTE
* **
Mais quels sont ces éléments essentiels de l'hypnose, ou qui du
moins ne s'en séparent pas ? En première ligne il faudra mettre,
sans doute, le sommeil? Eh bien, non, ce serait une erreur. Bien
que le sommeil l'accompagne ordinairement, l'hypnose, en dépit
de son nom, peut exister sans sommeil. Le fait est constant,
comme nous Talions voir.
M. Bernheim l'affirmait déjà, au premier congrès international de
l'hypnotisme expérimental et thérapeutique de Paris, en 1889.
« Certains sujets, disait-il alors, c'est l'exception, mais ils ne sont
pas rares, sont si faciles à impressionner, qu'un simple mot suffit
à provoquer chacun des phénomènes de l'hypnose avec ou sans
sommeil. Dès la première fois et sans qu'il ait assisté à aucune
expérience de ce genre, je lève le bras d'un tel sujet, et je lui dis :
ci
Vous ne pouvez plus le baisser. » Il ne le peut plus. Je dis :
« "Votre corps est insensible. » Et je le pique sans qu'il manifeste
aucune douleur. Je dis : « Vous êtes obligé de vous lever et de
marcher. » Et il marche sans pouvoir résister. « Tenez ! voici un
gros chien qui aboie ». Il le voit et recule épouvanté. J'ajoute :
« Dormez! Il ferme les yeux et dort, piar-dessus le marché.
Tout cela s'exécute, chez lui, le plus simplement du monde.
Ce sont là des suggestibles, des somnambules, sans artifice de
préparation » (4).
Deux ans plus tard M. le docteur J. Déjerine écrivait à son tour,
(1) P. 87. ;
I
:3i
ïïm
?>
'!
i
I
J
L'histoire des doctrines au moyen âge est loin d'avoir atteint
une suffisante clarté. Malgré dès travaux importants entre-
pris sur cette période qui marque une étape capitale dans la for-
mation intêlïéct^^^ l'Europe, de nombreux et gravés pro-
blèmes sont encore indécis., Tel est celui auquel nous nous
proposons dé fournir la présente contribution : l'histoire de
l'averroïsme pendant le xiiic siècle.
;
Le mouvettient philosophique issu dé l'introduction d'Aristote
dans la société chrétienne est constamment pénétré par la ques-
tionaverroïste; si bien que l'on peut dire que lé groupe de pro-
blèmes qui la constitue forme l'objet spécial de la polémique
philosophique du sxiu* siècle, à peu près comme le nominalisme et
le réalisme au siëcle; précédent. Ces deux groupes de problèmes
d'ailleurs, agités chacun pendant un siècle, n'étaient pas sans con-
nexion; ils représentent deux faces diverses de la théorie de l'uni-
versel selon qu'on la transporte en ontologie ou èn^logiqué, \-'''..
Cependant, malgré l'importance de ce qu'on est, convenu
d'appeler aujourd'hui rayerroïsme, aucune question ne semble
plus obscure dans l'histoire de la philosophie du xme siècle. On
y touçher il est vrai, partout les doctrines ; mais les hommes qui
les acceptent et lés propagent n'y paraissent, semble-t41f nulle
part. Le fait est même si visible dans sa bizarrerie, que M. Renan,
**spFg%!B
'• Ainsi nous sommes encore dans cette étrange situation de sa-
. .
,
:
.'(1): Paris, 1867,
". (2) P. 225-259.-
3= Mit. ;";
'.'
'; ..V .'.','"
/'' .''"'.'"
_
.>,:.; '
-.'•';•' -;\:-:.: ; [
'|3)v..P'.'."3'i8..;,
-
',-' '; .;:'..':''/';;
I
(î) Renan, en parlant de Siger de Brabant, qu'il ignore être le principal et même un
de ces averrôïstes dont il cherche vainement le nom, fait à son sujet cette réflexion :
« Ce Siger resté obscur, parce qu'il n'eut pas pour arriver à la renommée l'appui d'un
ordre religieux » (p. 272). Si Renan avait connu les doctrines et les oeuvres de Siger de
Brabant, il n'aurait pas eu de peine, crevons-nous, à admettre que même un ordre reli-
gieux n'aurait pu faire sa fortune. Il est vrai que les grands docteurs du moyen âge
doivent beaucoup aux sociétés religieuses qui ont promu et propagé leur enseignement,
mais cela ne suffit pas pour établir que l'on eût pu obtenir un résultat analogue, avec un
philosophe dont l'oeuvre et la carrière étaient aussi problématiques que celles de Siger.
POLÉMIQUE AVERR01STE DE SIGER DE BRABANT ET DE S. THOMAS 707
les écoles des arts libéraux, protesta contre cet Aristote chris-
tianisé, et, non content, de prendre Aristote tel quel, même avec
ses erreurs originelles, il voulut l'entendre et l'enseigner à la
suite d'Averroès, c'est-à-dire en maintenant et exagérant les
points irréductibles à la doctrine chrétienne. C'est cette opposition
à l'enseignement philosophique et théologique chrétien sous le
couvert scientifique d'Aristote, mais plus encore sous l'influence
d'Averroès, qui constitue ce qu'il est d'usage de nommer l'aver-
roïsme.
*
* *
716 ,
REVUE THOMISTE
.
(1) UEBEmvEGS, Grundriss der Geschichte der Philosophie; Bas Altertkum, Berlin, 1886,
p. 236-242.
(2) Ibid.,\>. 236.
POLÉMIQUE AVERRÔÏSTË DE SIGÉR DE BRÀBÀNT ET DE S. TUOMAS 'Jl%
(i) Ë. RenaS,, De philosophia peripateticq apud Syrosi Paris. 18b2, et, le résumé du
'même auteur dans Franck, Dictionnaire des Sciences philosophiques, article: Sthjens
(philosophie des); L. Stein, Das erste ' Auftrèien dét•grièchitchen Philosophie tinter deri
Arabern, '.'; dans Àrchiv fur Geschichte der {Philosophie, Berlin, VIII (1894) 330-361 ;
J. Bach; Des Albertus Màgnus Verhâltniss ztidefi Erkenntnisslehre der Grieçhen, Lateiner,
Araber und Judeii, "Wiên, 1886, p. 80* etc. On' trouve dans ces deux derniers auteurs lès
sources, diverses relatives a cette question. — Voy. aussi Forget, la Science; catho-
lique décembre 1894, p. 38, etc..:
.
'':.".; ,'-.."
718 - REVUE THOMISTE
[Àmmre^\ >:'.-.: ;
Er. P. Mandonnex,;Q./I?.
En 1864, je fus chargé delà station quadragésimale à Bâghères-
de-Bigorre, et j'eus ainsi l'occasion de faire, entre deux prédi-
cations, le pèlerinage de Lourdes.
L'évêque de Tarbes avait, depuis deux ans, rendu son jugement
au sujet des apparitions de là très sainte Vierge, et les fonde-
ments de l'église demandée par Bernadette étaient déjà posés.
Cependant la physionomie primitive des lieux n'avait pas été sen-
siblement modifiée, de sorte qu'il était encore facile de recons-
tituer au vif, pour ainsi dire, Tes scènes émouvantes dont tout le
monde connaît le récit. Lès èàux du Gave, assez hautes en ce
moment, laissaient à peine accès à la grotte, où l'on descendait par
un sentier abrupt ouvert au chevet de l'église en construction.
Ce jour-là (1), un ciel sombre et pluvieux donnait aux roches
Massabielle le même aspect mélancolique et sévère qu'elles
devaient avoir, le 11 février 1858, alors que Bernadette y venait
chercher du bois mort pour son pauvre foyer. Le silence n'était
troublé que par le clapotis des eaux dans les pierres du tor-
rent, et la solitude semblait immense, à deux pas cependant
dès habitations groupées au pied de la citadelle, dont la haute
silhouette s'estompait dans le brouillard. Nous fîmes, mon
compagnon et moij une courte prièrëv au lieu même Où la
voyante avait -fléchi les genoux, et, châsses par la pluie,
nous regagnâmes l'hôtel, en échangeant nos impressions sur
le site et les événements dont il évoquait le souvenir.
Je l'avoue, mes impressions a: moi n'avaient rien d'enthoù-
siaste. J'avais;. assez de
~(ï-"i\\-'•.-'
grottes et de '.-'"'''"
rochers:
. .
vu ,
pour ne trouver
(1) Autant qu'il m'en souvient, c'était le lundi iimars.. x ,;\
.
+. <- s-1 Ji * *
? ? -
II
III
(1) Ilebr. x, 37
A LOUCDES 729
Un spectacle d'un tout autre genre nous fut offert après le cou-
730 KEVUE ÏBOMISTE
cher du soleil, par une délicieuse soirée, toute parfumée des brises
venues des montagnes, et transparente à l'égal des nuits orien-
tales, grâce aux étoiles dont le scintillement illuminait le ciel.
Nous avions rencontré, au pied d'une des rampes qui montent à
la terrasse du Rosaire, le supérieur des missionnaires de l'Imma-
culée-Conception (1), un homme charmant, dans la compagnie
duquel les heures passent vite. Tout en causant avec lui, nous
avions monté la pente et gagné la première plate-forme, d'où le
regard s'étend jusqu'à l'extrémité de la grande avenue. A ce
moment, tout était noyé dans l'ombre, à l'exception delà statue
de la sainte Vierge et de la croix dite des Bretons, qui marquent
le commencement et le milieu de cette magnifique promenade, et
qu'on a continué d'illuminer pendant les pèlerinages. Cependant
du côté de la grotte une vive lueur, reflétée dans les eaux du Gave
et sur les façades de l'autre rive, décelait la présence d'un groupe
nombreux au lieu de l'apparition.
L'horloge sonna huit heures. Au dernier coup, une voix mâle
entonna YAve maris Stella, que des milliers de voix continuèrent
avec un élan d'ineffable piété, pendant que la procession'sc dérou-
lait comme un serpent de feu, ondulant au gré des accidents du
terrain. Nous en suivions la marche à travers les hautes arcades
de la rampe dont les massifs piliers, coupant d'ombre la ligne
lumineuse, l'égrenaient en un rosaire de constellations. Puis la
tète de colonne déborda sur la place, la traversa lentement et finit
par s'engager sur la montée qui venait à nous.
A mesure que s'élevait la lumière, la haute flèche se dessinait
plus nettement, comme une apparition dont le pied semblait à
peine toucher le sol, tandis que son front se perdait dans le ciel.
C'était d'un effet magique ; on eût dit que le saint édifice s'animait
et qu'une voix allait en sortir pour répondre à l'appel des pèlerins.
Est-ce la chapelle bénie?
Fleur de marbre ouvrant à nos yeux
Sa corolle que le génie
Fit monter, un jour, vers les cieux? (2)
Sans doute ici les admirateurs de Zola verraient un peu d'hallu-
cination. J'avoue n'en avoir cure, et fermer encore les yeux pour
(1) Le T. R. P. Fournou.
(2) Manuel des pèlerins bretons, cantique II, p, 8.
iphï§$ï
A LOURDES 7.31
,
dont la brise agitait doucement la surface, et dans lequel venait
se perdre, d'instant en instant, quelque filet de clarté glissant
au long des escarpements voisins. Les yeux éblouis par cette
h
/lin1
%
m
732 BEVUE THOMISTE
IV
:
736 -
REVUE THOMISTE
A LOURDES 737
III
LIMITE DE I.'ÉCRASEMENT UTHOSPHÉIUQUE.
REVUE THOMISTE
la suite de cette étude, nous établirons les caractères géologiques que doi-
(1) Dans
vent posséder ces arêtes et, cela fait, nous chercherons à les découvrir à la surface de
notre globe et de quelques planètes.
746 KEVUË THOMISTE
(t) Nous avons dit précédemment qu'il n'y ava.it pas lieu de s'arrêter aux systèmes
qui équivalent à admettre la solidité intégrale de notre planète. Remarquons seulement
que la Terre: ou un astre quelconque, peut et même doit arrivera la solidification com-
plète avant d'atteindre au refroidissement complet. Une fois solide, cet astre continuera
donc à se refroidir et, parlant, à se contracter. Il y a même des corps où la contraction
est plus rapide après la solidificationqu'avant. La lithosphère, depuis longtemps refroidie
et devenue incapable de contraction, devra donc continuer à se rider, même après la
solidification du noyau central. Or, la tendance à réduire au minimum le travail de
déformation ne pouvant être abolie, la symétrie tétraédrique qui y satisfait ne cessera de
régir l'ensemble du phénomène. On voit donc que les théories qui veulent une litho-
sphère très épaisse, ou môme la solidité complète du globe, n'infirment aucunement le
système tétraédrique.
LA FORME DE LA ÏERRE 749
Il n'y a pas vingt ans la poésie paraissait morte. Un jeune critique d'a-
venir terminait un livre sur Nos poètes par un récit humoristique de
Théodore de Banville chez son barbier. Théodore de Banville jsrie le
barbier de lui couper les cheveux, et, consciencieux, l'homme de l'art s'y
refuse:.» Ce n'est, pas la peine, Monsieur* dans un quart d'heure il n'y en
aura jilus. » M. Jules Tellier, l'auteur de Nos poètes, voyait bien encore
quelques j>oètes, lui aussi, mais il était persuadé que dans un quart
d'heure il n'y en aurait plus.
En effet, ceux qui l'étaient déjà se réj3élaient et ainsi ils se continuaient;
mais il n'en venait pas de nouveaux. C'est que toutes les forces vives
de la jeunesse lettrée allaient ailleurs, elles allaient au roman et au réa-
lisme.
Quand le bon jeune homme qui avait des ambitions littéraires venait à
Paris, il y trouvait une jiuissantc école : elle lui offrait les trois choses
dont il avait besoin : une théorie de l'art, des maîtres impérieux et une
forte camaraderie. Avec cela on n'a pas à penser, on n'a pas à se con-
duire, et l'on est sûr de faire du bruit. Le bon jeune homme frappait donc
à cette porte, et voici par quelles paroles on l'accueillait:
i^^j „
\
^
• i-^^ -,>/!.,.•'/ * *l •-
^TnfHTT-p™
II
G'étaienl; en effet de purs gamins, ces Adoré FUrwpette, qui les pre-
miers cassèrent les vitres du réalisme; et leur petit livre qui était une
parodie, les « Déliquescences », fut la première révélation de la Décadence
au grand public. On ne sut ' d'abord si l'on devait ou non le prendre
au sérieux; mais quand on eut ]3ercé le joyeux mystère de sa naissance,
les vrais décadents, ceux qui ne plaisantaient pas, en avaient profité pour
se faire connaître. Le chef de la décadence sortant de l'ombre dont n'avaient
pu le tirer le zèle de ses amis et la publicité des petites revues, étant
signalé à la grande notoriété par Jules Lemaitre, le voilà célèbre, le
voilà illustre, ce fut fait en un clin d'oeil. Il y a dix ans, à part les initiés,
qui donc connaissait Verlaine ? et qui ne le connaît aujourd'hui.
D'où vient cette gloire, subite, cet engouement qui fait qu'aujourd'hui les
petits rhétoriciens eux-mêmes rêvent de Verlaine comme leurs aînés
rêvaient de Musset, et qu'ils commettent des vers amorphes et soi-disant
décadents avec une extrême fécondité ? La cause en est justement que
par ses oeuvres, ses théories, et tous ses disciples, Verlaine répondait
uniquement mais entièrement aux aspirations brutalement refoulées par
le triomphe du réalisme.
Verlaine reçut dans sa jeunesse la forte éducation poétique du Parnasse,
et ainsi s'explique sa science de la versification. Plus tard, dans un genre
sentimental et tendre, il écrivit des vers distingués qu'on croirait de
Goppée (1), Coppée le seul ami d'autrefois qui ait eu le bon coeur de
ne pas le renier. Jusque-là Verlaine n'avait rien inventé. C'était alors
un brave homme, vivant d'une existence tranquille, aisée et douce, bon
père et bon mari. II n'avait jioint de réflexion, ni de conviction, ni de
volonté; si, étant très artiste, il vibrait à toute chose, il était du moins
soumis aux habitudes, paisible et docile à son milieu (2). Mais alors
passe dans sa vie un être sauvage et presque monstrueux, un enfant
prodige : Arthur Rimbaud. Dès lors adieu la régularité de la vie et
de la pensée ! Verlaine est comme arraché aux lisières qui le maintiennent
(1) Sagesse.
LES PETITES ÉCOLES POÉTIQUES CONTEMPORAINES 7SÎ.
(1) On a également le droit d'affirmer que la poésie décadente est une réaction contre
le Parnasse. On passait à Verlaine pour fuir Lèconte de Lisle. Mais ce n'est là qu'une
cause seconde du triomphe de la décadence... Le Parnasse exigeait trop de science,
imposait un art trop difficile pour être jamais populaire. La foule n'avait pas essayé d'y
monter. Elie n'en sortait donc pas lorsqu'elle entra dans les nouvelles avenues poé-
tiques. Elle sortait du réalisme. Et la décadence fut en ce sens la revanche du vers sur
la prose, et du lyrisme sur le roman.
REVUE THOMISTE. — 3° ANNÉE;.— Si.
758 REVUE THOMISTE
.
ont un sens malgré tout et qu'il est difficile de les assembler sans qu'une
idée s'en dégage, pour échapper au péril de cette idée, il finit par renon-
cer même aux mots ; et sur une belle page blanche le poète décadent René
Ghil écrit :
Mille sanglots plangorent là.
C'est la conclusion logique du système, c'est le non-être.
III
les objets et que nous comprenons sans avoir besoin de l'analyse. D'eux à
nous se produit immédiatement une communication mystérieuse. Nous
voyons ; tout notre être s'émeut à chaque objet d'une énrotion particu-
lière et individuelle qui n'est jamais la même d'un objet à un autre objet.
C'est 2>ar là que nous connaissons le inonde. La littérature a suivi la
marche tout op230sée, la littérature réaliste surtout. Elle ne sait qu'ana-
lyser et consigner ses analyses. C'est un huissier doublé d'un commissaire-
priseur. Et voilà pourquoi elle est fatigante. Elle nous énumère les détails;
et c'est la chose accessoire, elle nous laisse le soin de reconstituer l'en-
semble, seule chose importante et difficile. Et le véritable artiste, ce n'est
pas le minutieux écrivain, qui nous dit : ceci est bleu, et cela est vert,
• avec telles formes, tels reliefs, tels signes distinctifs, c'est le lecteur qui
!
de tous ces morts fait surgir et vivre un être réel, et l'ayant l'ait surgir,
en est ému.
Le symbolisme au contraire tâche de revenir à la seule façon naturelle
et émouvante de connaître. Les pi'océdés de définition et de description
sont usés. Elle en veut d'autres. Où les trouver?
Dans l'Ecole décadente. La Décadence, nous enseigne, chose précieuse,
à transmettre une émotion, une sensation sans l'intermédiaire delà des-
cription et de la définition. Profitons de cette excellente leçon. Au lieu de
décrire et de nommer, faisons retentir dans le lecteur l'émotion particu-
lière, grande ou forte, simple ou compliquée, mais unique, par laquelle
nous communiquons avec chaque objet ou chaque idée. Et par là nous
760 HEVUE THOMISTE
IV
\
!)lî LA JWCÏRINIi DES KSSliNCKS DANS LA l>OJiSlK LYHIQUJi, AU THKATUK
IÎT DAiVS LA MOHAI.IÏ
il ne détermine point. Qu'est celle fleur qu'il me présente? Elle n'est pas
de celles que j'ai vues, et pourtant l'impression qu'elle me donne est hien
l'impression que je reçois de la nature. Elle n'a point de noms, ni de qua-
lités, je sais seulement qu'elle est l'émoi ion même éveillée par la splendeur
des floraisons. Et puisqu'il faut parler d'elle, je l'aiipcllerai : « L'absente
de tout bouquet ».
.De là vient la richesse de la poésie symbolislo el sa souplesse qui est
infinie. Amour do celle essence qu'elle nous oflre dépouillée de contours,
mais non d'émotion, chaque lecteur j>enl met Ire les lignes, les couleurs, et
la l'orme qu'il veut. Ses souvenirs on ses rêves viennenl se grouper autour
du faniorne flouant dont il seul passer le souille. Les spiriles prétendenl
que l'air est peuplé de larves dénuées de force; un médium leur dnnne-l-il
la sienne, ces larves se manifestent par des effets maléiiels el sous des
apparences sensibles. Telles les essences de la poésie lyrique symbolislo:
il est nécessaire que le lecteur leur donne un peu de lui-môme pour
qu'elles se matérialisent.
En soinme.il se fait là une élaboration qui semble surprenante et qui est
toute naturelle. Chaque objel nous laisse une idée et une sensation. Depuis
bien des siècles nous savons ne pas nous charger de ces idées particulières
en les réduisant grâce à rabs1ractioii, à une idée générale. Le symbolisme
en agit de môme avec les sensations particulières; par des procédés d'art
et non plus par le raisonnement il les ramène à une sensation générale.
Entendez bien la sensation même, non pas l'idée de la sensation, .car la
confusion est facile. El dès lors chacun de nous peut remonter de cette
sensation générale à telle sensation particulière, comme l'idée du chat se
représente pour moi dans la bêle eAlinc qui ronronne auprès de mon l'eu.
Voilà ce que les poètes symbolistes, inconsciemment ou non, essayent de
faire. El leurs efforts seul inéiïloires, mais ils ne réussissent pas toujours.
Ce n'est pas du |>romicr coup qu'un art aussi nouveau que le leur peut
i
arriver à avoir des moyens sûrs el une technique infaillible. Ils vonl au
' petit bonheur, en tàlonnanl. Souvent ils lombent mal; quelquefois cepen-
! dani ils ont de merveilleuses rencontres. Ecoute/, celle évocation, admi-
i
rable symbole du pur mouvement :
;
Toute blanche dans l'ombre, elle était devant moi.
Sa blancheur éclatait dans le feuillage sombre
Et mon âme frémit d'un ineffable émoi.
Le sol fuyait en bas comme un vaisseau qui sombre.
El j'ouvris mes deux bras vers elle éperdu ment;
Elje vis toul à coup qu'elle venait dans l'ombre.
Elle venait à moi comme on vient en dormant,
Sans un appel lointain de la voix el du signe;,
Sans un bruit, sans un geste el sans un mouvement.
Elle venait à moi selon la droite ligne.
762 REVUE THOMISTE
toutes les énergies et ses forces essentielles. Et elle évoque cet avenir,—-,
éternel mensonge des doctrines qui ne sont pas chrétiennes —: où les âmes
et les volontés dégagées des obscures sujétions de nos préjugés, sous
lesquels furieusement elles se débattent en se blessant: les unes les autres,
s'épanouissent dans la splendeur, et n'étant ni contraintes ni tourmentées
seront heureuses, fraternelles et bonnes.
La morale symboliste, par opposition à l'absence de morale qui a carac-
térisé honteusement le réalisme, s'est dévouée à la vie : elle a glorifié la
jouissance de vivre ; et après la mort que le réalisme avait' fait peser sur
l'art et sur la conscience, c'est un progrès capital.
V
L'ÉCOLE KOMANIS. THOISIKMK ÉPOQUE DE LA POÉSIE CONTEMPORAINE
(2)1. Eth., t.
' (3) P. 110: ' '
.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 769
Dès lors, il nous est facile d'apprécier ce que peut valoir un évolution-
(1) P. 80. •
(2) P. 74.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 771
()) P. 28.
772 ' REVUE THOMISTE
(1)P.9.
(2) P. 31, note.
(3) I\ 5.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 773
froid, par exemple. Et puis, c'est tout : elle lés rend plus ou moins pro-
pres à la vie sociale, elle ne la fait pas directement. Gela ne passe à l'acte,
qu'en raison des circonstances, des objets, des nécessités extérieures qui
sollicitent et ébranlent telle ou telle aptitude. La nourriture, le travail, le
vêtement qu'exige et fournit le climat réagissent ici sur l'hérédité; et la
raison qui s'applique au choix et à l'usage de ces divers moyens d'exis-
tence réagit à son tour. L'hérédité humaine en subit alors l'influence ; car
le pli du métier, les privations ou les jouissances matérielles font le pli
la joie, la tristesse, la force,,la faiblesse de l'âme et du corps. Ici de nou-
veau il y aurait à distinguer soigneusement. Il faudrait ne plus confondre
la double action de la vie sociale sur l'hérédité et de l'hérédité sur la vie
sociale. La formule simpliste de M Lebon est donc insuffisante.
D'un mot, elle pèche logiquement : cum hoc ergo projeter hoc. M. Tarde a
fort bien critiqué cette « acception élastique prêtée par les sociologues
naturalistes au mot hérédité, qui leur sert à exprimer pêle-mêle, avec la
transmission des caractères vitaux par génération, la transmission d'idées,
de moeurs, de choses sociales par tradition ancestrale, par éducation do-
mestique, par imitation coutume (1). »
La psychologie sociale de M. Le Bon est donc par trop l'oeuvre subjec-
tive d'un physiologiste voyageur et psychologue; mais il lui reste le mérite
d'avoir substitué au mécanisme éyolutif de M. Durkheim, un sérieux effort
pour reconnaître la place de l'âme, et de l'âme collective, dans la vie des
peuples et les mouvements des foules.
Mais si c'est vrai, est-ce bien la vérité qu'il nous faiit ici? Est-ce;M'era la
première-vérité explicative de tout arrangement social ; le premier motif
de tout groupement humain? &'associer, être associé,, est-ce d'abopdî ell
avant tout se ressembler?
(1) P. x.
(2) P. vin.
(3) P. xii-xiii.
776' REVUE THOMISTE
<c
Qui se ressemble, s'assemble.»', dit le proverbe, et il a raison ; la
similitude des natures, des goûts, des travaux rapproche les hommes; on
se ressemble plus ou moins, on est d'un côté patron, de l'autre ouvrier,
mais on se ressemble, on est de part et d'autre cultivateur, forgeron,,
fabricant, on s'unit à l'atelier ou au syndicat. La ressemblance formelles
des qualités détermine en son espèce le type de société qu'on réalise et le
constitue activement; mais pourquoi s'assemble-t-on?
Pour gagner sa vie, l'un comme patron, l'autre comme ouvrier; afin de
s'assurer son salaire, sa clientèle, son crédit, par le moyen du syndicat.
Qui se ressemble s'assemble donc en vue d'un but, par Vattrait actuel d'une
fin, dont la conception et la volonté prédéterminent le rassemblement.
Aussi, M. Tarde est-il forcé, en dépit de son système, d'introduire dans
sa déiinilion du groupe social, un petit mot qui la fait craquer tout entière
dans son laborieux échafaudage. Ecoutez: un groupe social est « une
collection d'êtres, en tant qu'ils sont en train de s'imiter entre eux ou en
tant que sans s'imiter actuellement;, ils se ressemblent, et que leurs traits
communs sont les copies anciennes d'un même modèle ('1}. » — Une col-
lection; et non pas seulement une juxtaposition, un tas ; donc une chose qui
a son unité propre, l'unité collective. 11 n'y a qu'à reprendre ici l'analyse
que nous avons opposée au mécanisme atomique de M. Durkheim ; elle
porte aussi bien contre le mécanisme imilatif de M. Tarde. Parce qu'ils se
ressemblent de nature ou parleurs habitudes acquises ou spéciales, les
hommes ont mêmes désirs, mêmes fins désirables; donc c'est: la commu-
nauté des fins qui détermine le groupement social ; c'est la manière diffé-
rente de concevoir et de poursuivre les fins qui détermine les désagré-
gations et les luttes des groupes ; c'est lu poursuite du bien humain qui est
chez tous le principe premier etfoncièrement identique de toute la vie sociale.
(i)P. 73.
. .
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 777
Une idée très simple domine la logique plus réelle qu'apparente de cette
thèse aux multiples conclusions, que viennent tour à tour renforcer de
leurs autorités si diverses Adam Smith, Milne-Edwards, Platon,
MM. Spencer et Ribot, M. Marion, J.-J. Rousseau, M. de Ronald, etc..
Voici l'idée : « L'âme humaine est fille de la Cité. » Avant d'entrer en
société, l'homme est un sensationnel, un impulsif, un anthropoïde; après
y être entré, il devient rationnel, libre, réellement homme. L'association
dit M. Izoulet, « produit une plus-vie, l'association crée » ; elle crée « la
raison humaine ». Et ce n'est pas une métaphore, dans le style imagé à la
Carlyle, qu'affectionne l'auteur : c'est selon lui, le mot propre : « L'union
fait la force dit-on. Mais le proverbe est encore bien au-dessous de la
vérité. L'union crée; voilà ce qu'il faut dire (1). »
Voici un nouvel aspect de l'évolutionnisme en sociologie. Ce n'est plus
le « fieri » de la société en général ou des sociétés particulières que
M. Izoulet veut expliquer ; c'est ce que devient l'homme par la société et
en elle. Ces deux aspects de l'évolution sociale sont d'ordinaire trop aisé-
ment confondus pour qu'on ne loue pas aisément un auteur d'avoir su
s'attacher à l'un d'eux sans le prendre pour l'autre.
(1) P. 59.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 781
(1)P. XL.
(2) French Révolution, I, 13.
BULLETIN DE PIUXOSOPIIIE SACIALE 783
voit que l'hérédité. Mais, à côté de ces erreurs capitales, ses j)ropagateurs
nous auront rendu le service d'iittirer l'attention sur la question éminem-
ment philosophique du devenir social : comment se fait une société en
général et comment se font les diverses sociétés ? Et puisque la société à
son tour transforme les individus et agit sur l'espèce, que devient l'homme
dans la société et par elle? La question est pendante.
Il faudra, pour éviter les erreurs de ceux qui l'ont soulevée et pour pro-
fiter pleinement des vérités qu'ils ont découvertes ou remises en lumière,
reconnaître deux faits premiers, deux lois capitales. 1° L'homme n'est pas
homme du fait de la société, mais du fait de sa descendance physique ;
seulement, sa nature substantiellement complète à sa naissance est inha-
bile à exercer immédiatement son activité. 2° L'homme entre et vit en
société dans l'intention formelle de réaliser et de perfectionner les
divers biens nécessaires à sa nature et les diverses activités qui les
lui procurent. Donc, en vertu de ces deux lois, un agent, complet à
l'origine dans sa constitution essentielle d'animal raisonnable, et une fin
proportionnée par son universalité à l'ampleur de cette activité, domi-
nent tout le devenir des sociétés et des variétés de types humains
qu'elles réalisent. Il n'y a pas d'évolution mécaniste, de pure agrégation;
d'individus et de hordes, de division de travail sans but. Il n'y a pas d'évo-
lution où le plus sorte du moins, où l'association crée l'homme dans le
sauvage, et le sauvage dans l'anthropoïde. Il y a un homme et un bien
humain, dont la nature contient éminemment toutes les transformations
spéciales des sociétés et de leurs membres. Dès lors, les formes de ces
transformations ne sortent pas l'une de l'autre : les familles ne deviennent
pas village, ni les villages province, ni les provinces nation. Mais, de la
même matière sociale — la masse des hommes rassemblés en vue de leur
bien — sortent tour à tour les formes d'associations nécessaires à ce bien.
Tout cela est en puissance dans le plus primitif des groupes, sous l'action
•éminente de ces deux causes, inséparablement unies : la nature humaine
ET SON BIEN.
1
m
mm
m
m
f"
NOTE
SUR QUELQUES PUBLICATIONS RELATIVES AU CONGRÈS SCIENTIFIQUE
INTERNATIONAL DE BRUXELLES (1894), SECTION DE PHILOSOPHIE.
idéal les principes nécessaires à des sciences qui vivent dans le monde
réel. Que la gravitation universelle soit le produit de l'attraction concédée
à certains centres ou d'une poussée venant d'une périphérie quelconque,
les savants n'en ont cure. C'est affaire d'un -J- au lieu d'un —. Mais ceci :
y a-t-il une cause réelle et objective de la gravitation universelle ? Les
savants ne sauraient s'en désintéresser. Voilà précisément ce que leur
accorde notre philosophie tout en les avertissant qu'ils ne trouveront
jamais, par leurs hypothèses, que l'organe matériel des causes, et non
l'âme d'intellectualité qui forme leur véritable nature.
« Entre autres, voilà un Père dominicain assis non loin de nous. Son
visage d'une maigreur effrayante avait une couleur uniforme de vieil
ivoire tachée de deux disques sombres qui étaient les yeux. Sa tête puis-
sante, au front haut, révélait le penseur. Elle était entourée de cette cou-
ronne étroite de cheveux, emblème de la couronne d'épines, qui laisse le
crûne entièrement découvert. Son nez, d'une finesse extrême, sa bouche
aux lèvres amincies et incolores, ses joues enfoncées nous faisaient penser
aux moines dont le visage décharné par les veilles et les privations a été
immortalisé par Fra Angelico. Son corps drapé dans l'ample froc du reli-
gieux était de haute stature, et ses mains, semblables à celles d'un sque-
lette, sortaient de ses manches et se crispaient nerveusement sur un
bréviaire usé. Soudain il se lève, et d'une voix caverneuse émet sèchement
une opinion, mais avec une autorité que donne seul le savoir. Toutes les
têtes se tournent vers lui; il semble ne pas s'en apercevoir. Sur le même
ton il achève ses remarques, tout le monde l'applaudit; il s'assied, baisse
les yeux et semble perdu dans une rêverie profonde (p. 51). »
Et qui donc écrivait l'autre jour que certaines silhouettes de congres-
sistes, que j'ai jadis crayonnées ici, étaient de mauvais arguments, peu
sérieux, etc. ? Sans doute, comme .argument c'est faible! Mais comme cro-
quis pris sur le vif c'est si joli! Seulement, monsieur le chevalier, vous
accentuez trop les noirs ; rengainez une autre fois votre fusain ; le burin
suffit à qui sait frapper les médailles.
,
Ce n'est pas seulement mes croquis que l'on a'confondus avec des argu-
ments dans l'article des Annales (octobre 1895) auquel je viens de faire
allusion, c'est la Philosophie elle-même que l'on a confondue avec les
sciences. Certes le congressiste qui sous le voile de l'anonyme nous a cou-
•
rageusement attaqués, M. Duhem et moi, ne manque jjas de vigueur et
d'esprit. II en faut pour s'assimiler au point de produire l'apparence du
savoir, des théories dont on ne possède pas la clef. La notion exacte et
l'habitude de l'abstraction formelle est cette clef. Sans elle on j>eut
parler .philosophie comme Jean-Louis parle de Glwses et autres dans la
Revue Mené. On né philosophe pas,à proprement parler.
J'ai pu répondre, grâce à l'obligeante courtoisie de M. le Directeur des
Annales de Philosophie, chrétienne, dans le recueil même où j'avais été pris à
partie. Je ne pouvais, recevant l'hospitalité, dire tout le fond de ma pensée,
ce qui eût paru un peu personnel. Comme il s'agit d'un anonyme, on me
pardonnera de l'avoir dite ici, moins comme un reproche que comme l'ex-
pression d'un regret.
Que de travail, que de talents perdus dans les écoles philosophiques
catholiques, parce que l'initiation première manque! Quand donc trou-
verons-nous un ensemble de maîtres qui, avant de nous faire apprendre des
thèses, des conclusions, nous disent ce que nous allons faire, quel genre
de travail nous abordons, qui, dans le cours même de l'enseignement,
nous rappellent sans cesse aux principes premiers, fondements de tout sa-
voir,nous montrent en quoi le procédé que nous suivons diffère de celui des
sciences, et comment il est légitime à son rang comme le leur pour elles.
Cette école, qui n'existe pas encore, en France du moins, est d'ores et
déjà le véritable Prolègomè'iw à. toute métaphysique qui se présentera comme
science. Elle séparera nettement les confins disputés. Puisse le Congrès de
Fribourg que l'on commence à organiser pour 1897 en voir poser la
première pierre !
Fr. A. Gaiideil, O. P.
Defensio dàctrinoe:-S. Thornse Aq. de pisamoitione pïiysicà seu resporisio ud &. P.
V. Frins, S. J. — Auctore P. F. A./Dùmbieiimuth, O.P. sàcr. Theol,
magistro et in çollegio Loyaniensi ejusdem Ordinis Stiid. reg,.(l).
REVUE. THÔMIStK
n'ont jamais affirme dans cet endroit que la volonté humaine rie fût. point
passive vis-à--A'is .du Dieu glorieux (p. 170).-»-Ne dirait-on pasd'ùne larrie
d'acier'qui tranche un lacis de fils d'araignée. II; y «â vraiment de bons
coins dans ce volume et qui réservent de singulières jouissances; d'esprit
.
aux thomistes. '_ \
'.-
.
~ "''"
---". :-;-"~'.'\: .'•"•:"•
' Cequi est plus itnportantet ce qui nous arrête davantage, c'est l'uti-
;
lité de cette lecture pour tous ceux qui sont nécessairement- obligés
dé se-faiitë une opinion sur ces questions, professéurs;de séminaires, par
exemple, ou leurs- élevés les plus intelligents. Souvent le temjjs manque
pour lire les volumes divers où sont recensées les différentes .opinions'.-
Ce qui manque surtout, pour-ceux qui; tiennent à avoir coûte que coûte la
solution, de saint. Thonïas (et ils sont légion), c'est: un ouvrage où saint
Thomas: parle par lui-même, ou soient rassemblés de toutes les parties
de son oeuvre les textes épàrss où l'auteur n^appàraisse que'.pp.iir réunir
entré eux et comme.; pbûr. enchâsser, sans les toucher, lès pierres pré-
cieuses des textes de_ l'Angélique. Voilà l'avantage incomparable que
présente l'oeuvre dû R. P. Duininerinùth. Celui qui a lu son.ouvragéjpar^ |
ticûlièremehties sections III, IV, V, plus spécialement encore la III 0 n'a !.
j D'ailleurs, les théologiens jésuites les plus anciens, n'ont-ils pas eux-
:»
mêmes été thomistes ? Citons âyeç le P. Dummermuth (p. 426) Toletus et
Peréyre. Ce dernier ne va-t-il pas jusqu'à dire de la doctrine thomiste :
licet nonnuïli dissenticont, ego timien manibus ye&ibusqm in eam sententiam.
perqùam ïibenter eo. Et quant aux molinistes, s'entendent-ils seulement
sur l'époque de cette prétendue apparition du baîïezianisme ? Molina en
,
attribue la primeur à p. Soto -(1547), le R. P. Ifrins-. à Victoria (1546),,-
.Suarez à .Ferrariensis (1516), Toletus à Cajetan (1507), les Conimbricenses
à Capreolus (1436), sans préjudiciel' aux droits que Molina et Suarez
revendiquent pour Scot (1300) (p. 427). II. ne reste plus qu'à remonter à
saint Tlïoïiiàs lui-même, et l'on trouve de fait des passages de Toletus, de
,
Molina, de Bellarmin, des Conimbricenses, de Suarez lui-même,qui Ont la
naïveté de le reconnaître. À qui Croire ? .jj
Ce livre fera certainement époque dans la campagne entreprise il y &
quinze.'ans pai* le R. P. Schnemann et. continuée depuis par le R. P.
Frins, sans parler dès ouvrages minoris momenti (p. v). Mettra-t-il fin à"
cette lutte désespérée: d'une opinion, qui se meurt, acculée qu'elle est
pour vivre à s'appuyer, contre toute ATaisemblance, sur saint Thomas
d'Aquin ? Car ainsi le veut Léon/XIIÏ. Et .c'est le cas de répéter en le
modifiant le mot célèbre •..Sintsecundum ï). Thomam (tut non sint. —
On peut en douter. Il n'est bruit cependant,dans le monde théologiqUe,
que d'une lettre adressée par le Souverain Pontife à la Compagnie de
794 REVUE THOMISTE
maspense. « Quo etiam iîèt ut, si quoeforte speciosaj causoe vël inductoe
consuetudinis aliqua ex parte contraria;, vél minus recta? ihlerpretationis
resideant, ëis periitussublâtis, régula et normastatuatui*... » '":'.
Enfin, après avoir réfuté en détail et avec soin les objections qu'on
pourrait tirer de certains textes des Constitutions de la Cdrénjagnie, qui
paraissent favoriser sur ce point la liberté, le Pape> déclarerait qu'en tout
cas, sa propre autorité doit suffire et que son décret sera lu chaque armée,
au réfectoire, au moment de l'ouverture des cours'dans toutes les rési-
dences scolaires de la compagnie (1)^
Si. cela est exact, comme on ne saurait douter de l'obéissance de ceux
auxquels ces instructions s'adressent, la question de Auxîliis à fait uii
grand-pas, l'ouvrage du P. Dummermutli est bien 'près d'être' le digne
couronnement ide l'oeuvre gigantesque de défense soutenue depuis trois
siècles avec tant de vaillance. .-'" ":-;.'
Quoi qu'il en soit, les'thomistes resteront à leur posté, se: rappelant
l'encourageante parole du Pontife Benoît XI'II, de fraternelle mémoire":
« Laudabiliier Jiactenus docuistis sententias vestras... Pergiie^prro
Dbdoris
vestri sancti Thomas opérdsoh clariora,sineullo jjrorsns errofe consèriptagûilus
Ecclesiam Ghristi mira eriidiiione clarificavit, inoffensàyede decurrere... » \ :
Le R. P. Dummermutli ajoute (p. 430) : Etpergùnt t/iomiskc.
C'est le mot de la fin'de son livre : ce sera aussi celui dé ce compte
rendu. ""'-''.-- ,''-'"' ":':" ''" :"''••.•:;
-":.. Fr. A. vGardeil, O. P.- ;
_
Pendant les xry° et xv° siècles, les cardinaux travaillent à se constituer en:
véritable pouvoir parlementaire qui limite, dirige . l'autorité pontificale.
Pour suffire à leurs fonctions de princes ecclésiastiques, de grands sei-'
gne.urs,, d'agents politiques, et aussi, il faut bien le dire, au goût de luxe et
d'ostentation qui emporte tout le mondé de ce lemps^ les cardinaux doivent
travailler à se procurer des revenus proportionnés, et chercher à modifier
l'ancien état de choses.' -,-....... ,-...;. ......
C'est la formation et le développement de ce régime financier que nous
....
présente Mgr Kirsch. Il en analyse tous les rouages particuliers et leur :
Le travail de Mgr Kirsch est un de ces boiis et rares ouvragés qui n'ont
pas besoin d'être: loués. \'\ '..-:. ':'/'.'-:; :P. M. ''"..:.
t
Ketteler et Organisation sociale en Allemagne.' Lefhielleux,
10j rue ^Cassette, 1894.
M, l'abbé Kannengieser a réuni; sous ce titré plusieurs articles publiés
par lui dans le Correspondant^ durant lé cours de ces trois dernières
années. À vrai dire, Te livre se ressent Un peu de ce mode dé çompôsi-»
lion. Malgré les efforts de l'auteur, je crains bien que l'unité n'en soit pas.
796 ' REVUE THOMISTE
cialos sur le sujet. C'est un livre agréable el utile. Par contre il no saurait
dispenser dos travaux écrits « à l'allemand*: ». On nu peut reprocher à
l'autour de n'avoir pas suivi cette méthode, puisqu'elle n'allait pas à son
but, mais il atorl, croyons-nous, de sembler un peu en médire. L'his-
toire critiquo el savanle es1 la base nécessaire à loule histoire, quelque
nom qu'on lui donne, cl sans ses services préalables, rien n'existe que le
lieu commun et la Jiclion. Si de nombreux travaux « à l'allemande ». puis-
qu'on veut les appeler ainsi, n'avaient été laits sur Jeanne d'Arc, M. Du-
îiund nous aurait-il donné un si bon livre ?
P. M.
culàircs, et; dont Charcot disait : Ils jouent sur un piano muet dont les
touches fonctionnent, mais ne font pas vibrer les cordes « moteurs d'arti-
culation; ou sont ans graphiques à qui les idées ne viennent bien que la
plume à là main ». Le type le plus favori, au point de vue de l'éloquence,
est le moteur oral ou verbo-moteur. Le travail de celui qui se prépare au
métier de la parole doit donc être de se rapprocher autant que possible,
jaar l'exercice, de ce type modèle.
En introduisant dans la rhétorique cette donnée de la physiologie
moderne, M. Ajam l'a rajeunie et a contribué à établir sur un fondement
plus large la philosophie de l'éloquence.
Beaucoup d'honorables auteurs et professeurs de cours d'éloquence,
éloquence sacrée ou éloquence profane, gagneront à lire ce petit traité,
et y trouveront jusqu'au plaisir de pouvoir contredire avec raison l'au-
teur, en plusieurs endroits.
M.-Th. C.
Paris, Poussiélgue. -
M. l'abbé Victoà Maùhak. Élus et sauvés. ïn-12. Marseille, Verdot.
Le R; P. Zahm. Science catholique et savants catholiques. Traduit de l'anglais
par''M;, l'abbé J: FLAGÉOLinv In-16, Lethielleux. J
Le D' A. IiMUEiiT-GouiiiiÉYiiE. La Stigmatisation, l'extase divine, et les
miracles de Lourdes.. Réponse aux libres-penseurs. 2 vol. iriT8. Yic et
Ama.t.:' -'". ?' .
."'.,
Le R.'P. Qlliyieh. La Passion de Jésus. Edit. populaire,"in-12. Lèthiël^
•'.'l'èux.'•'-";."• ' ."
;.-..-
;
.'•;'.'.'
Maréchal djï Gastkllaxjs, Mémoires (1804-1862). Tome II (1823-1831). . .
seçondo, Kâril ela vera filosofia. <— Ch. Ponsonnàillie : Les Cent Che/ir
d?oeuvre de Varifr'eligïeiix. — Comtesse de Fiavigny : Vie de sainte Càthe*
ring deSienne,...".'.."......... ;..;... ;.......................... ,.... 126
Nécrologie. -^- Ji-B: Tornatore.;. 133
Sommaires de revîtes scolastiqiies...... ..-.:.
,/
134
,
QUATRIÈME-NUMÉRO.
— SEPTEMBRE 189S
bourg ;..........;../..............,........: .
523
Notes bibliographiques. S40
: ,,
SIXIÈME NUMÉRO.
— JANVIER 1896
I3fK
SOMMAIRE .- '
. ,
SeronSr-nous socialistes ?. —R. P.Schwalni.
Le Site de l'Ëden..— R.P. Brosse.
S. Augustin contre le manichéisme de son temps [fin). CDouais.
L'Évolutiomsme et les Principes de S. Thomas,
-r Los Systèmes {Suite).
-
R. P.Gardeil. :
ABONNEMENTS
Paris kt Départements ..... 12 Fr. | Ktkanger. (Union Postale) ...... 14 Fr.
f.B Numéro S> Fn.
. ... ,
AVIS
4. L'acceptation.-du premier numéro d'une nouvelle année est considérée
comme un réabonnement, payable dans le courant du mois, à moins
que l'on ne préfère payer à domicile, par voie postale, dans le courant
du mois suivant.
2. Les fascicules parus dans le courant de l'année 4893 et 1894 ont été
réunis en volume et sont en vente aux bureaux de la Revue, 222, fau-
bourg Saint-IIonoré, au prix de 12 fr.
3. Les ouvrages déposés aux bureaux de la Revue seront annoncés par elle
et, s'il y a lieu, appréciés et analysés dans les Bulletins.
faites ..'-•'
colonies et formera la collection la plus complète qui ait jamais été
'
SOMMAIRE
Le Site de l'Éden (Suite). — R. P. Brosse.
Saint Thomas et le Prédéterminisme. — R. P. (jaiillermin.
L'Homme et l'Animal. — C. de Kirwan.
La Morale à nos expositions de peinture. — R. P. Sertillanges.
Serons-nous socialistes ? (Suite etfin). — R. P. Schwalm.
Bulletin Philosophique.— Le Problème de là connaissance dans les revues
anglo-américaines (Suite et fin). — R. P. Gardeil.
Une Nouvelle Revue d'art. — R. P. Sertillanges.
Comptes rendus, Sommaires de revues.
BUREAUX DE LA REVUE
222, FAUBOURG 'SAINT-HONORÉ, PARIS
BRUXELLES (Société belge do librairie, Ifi, nié Trenrenberg). — LONDRES (Burns et Oates, -28, Oreharcf
treet), — FRIBODRG (Suisse) (Librairio de l'Université). — FRIBOPRG (Grand-Duché de Bade), (H. Her-
er). — VIENNE (Mayei' et Cie, 7, Singorstrasse). —. MADRID (Gregorio del Amo, 6, calle de la Paz).
EIPSIG (L. A. Kittler, et F. A. Brockhaus, Qucrstrasse). — MUNICH (Leutncr, Kauflngerstrasse, 26). —
—
ATISBONNE (Fr. Pustot). — ROME (Sarraceni, 13, via délia Universita). — NEW-YORK & CINCINNATI
fr. Puatet). — ST-LOUIS (U. S, of. A.) (B. Herder). — ST-PÉTERSBOURCf (Ricker). — VARSOVIE
'ebethnner et WolfF). • .'
. ,
ha Itévue Thomiste est rédigée par des Pères Dominicains, avec : .
la collaboration de plusieurs savants de France etde l'Etranger. Elle parait
tous les deux mois, par livraisons d'au moins J28 pages grand in-8°, el
forme chaque année un volume d'environ 800 pages. Les.abonnements
sont annuels; ils sont payables rlfavance el datent du mois de mars de
chaque année.
ABONNEMENTS
Paris et Départements .... 1
•. ' 12 Fr. |
.
Etranger (Union Postaltî) 14 Fr.
Le Numéro * I''r.
i
'
\
AVIS /
/
Sur la demande qui lui en a été faite, l'administration
de la ".Revue Thomiste" veut bien se charger de procurer
à ses abonnés, aux prix de catalogue, tous les ouvrages
qu'ils pourront désirer. Il suffira d'en faire la demande
par carte postale adressée ainsi :
BUREAUX DE LA " REVUE TIIOMISTIv'
— — 3 fr. iiO
Les Ange». — — — 2 i'r. »
Direelcuv : Administrateur :
11. P. COCONNIER, 0. P R. P. SERTILLANGES, O.P.
rrofosscnr Lecteur
il l'Université de Fribourn; (Suisse) eii Sacrée Théologie
SOMMAIRE
La Propriété d'après la philosophie de S. Thomas. — R. P. Schwalm.
Un Pèlerinage artistique à Florence (fin).
Michel-Ange et l'Art chrétien. — R. P. Sertillanges.
L'Argument de saint Anselme et son récent apologiste. — R. P. llurlaud.
Le Site de l'Éden {fin). — R. P. Brosse.
Nature du Premier Principe- — R. P. Villard.
Bulletin archéologique. — J. P. Kirsh.
Notes bibliographiques.
BUREAUX DE LA REVUE
222, FAUBOUHG SAINT-HONORÉ, PARIS
BRUXELLES (Société belge do librairie, 10, rue Treuronbei-g). — LONDRES (Biirns et Oates, 28, Orchard
Street), — FRIBOURG (Suisse) (Librairie de l'Univorsitti). — FRIBOURGr (Grand-Duché do Bado) (H. Her-
der)..— VIENNE (Mayor et C", 7, Singcrstrassn). — MADRID (Gregorio del Amo, C, calle do la Paz).
—
LEIPSIG (L. A. Kittler, et F. A. Brockhaus, Quorstrasso). — MUNICH [Leutncr, Kauflrigoi'strasse, 20). —
RATISBONNE (Fr. Pustot). — ROME (Sarraoeni, 13, via délia Universita). —NEW-YORK & CINCINNATI
(Fr. Pustet); — ST-LOUIS (U. S. of. A;) (B. Hei-dor). ST-PÉTERSBOURG (Rickor). VARSOVIE
— —
CGebethnnoi' et Wolff). v
La Revue Thomiste est rédigée par des Pères Dominicains, avec
Ta collaboration de plusieurs savants de France et de l'Etranger. Elle paraît
tous les deux mois, par livraisons d'au moins i28 pages grand in-8°, et
forme chaque année un volume d'environ 800 pages. Les abonnements
sont annuels ; ils sont payables d'avance et datent du mois de mars de
chaque année. ''
,
ABONNEMENTS.
Paris et Départements 12 Fr. | Etranger (Union Postale) Fit.
...... 14
Le Numéro « Fn.
Troisième Année N° 4 Septembre. i<8,Ô5;.
Directeur : /. Administrateur :
R. P. COCONNIER, 0. P. R. P. SERTILLANGES, O.P.
Professeur' Lecteur
à l'ÏJnïVersilé de Fribourç (Suisse en Sacrée Théologie
SOMMAIRE
Procès de l'Hypnotisme {suite). La Défense. — R. P. Coconnier.
Saint Thomas et le Prédéterminisme {suite). — R. P. Guillermïn.
Le cinquième Congrès pénitentiaire international. — R. P. Hébert.
La forme de la terre. — La théorie tétraédrique.— R. de Girard.
Bulletin archéologique [suite). — J. P. Kirsch.
Notes bibliographiques.
BUREAUX DE LA REVUE
222, FAUBOURG SAINT - HONORÉ, PARIS
BRUXELLES (Société belge de librairi», 16, rue Treurenberg). — LONDRES (Burns et Oates, 28, Orehard
street), — FRIBOURG (Suisse) (Librairie do l'Université). — FRIBOURG (Grand-Duché de Bade) (H. Her.
der).— VIENNE (Mayer et C'y 7i Singerstrasse). — MADRID (Gregorio del Amo, 6, calle de la Paz).—
bEIPSIG (L. A. Kittlor, et F, A. Broekhaus, Querstrasse). — MUNICH (Leutucr, Kaufingerstrasse, 26). —
RATISBONNE (Fr. Pustet). — ROME (Sarraceni, 13, via délia Universita). —NEW-YORK ACINCINNATt
(Fr. Pustet). — ST-LOUIS (U. S. of. A.) (B. Herder). — ST-PÉTERSBOURG (Ricker). — VARSOVIE
Gebethnnur et Wolff).
La Revue. Thomiste est rédigée par des Pères Dominicains, avec
la collaboration de plusieurs savants de France et de l'Etranger. Elle paraît
tous les deux mois, par livraisons d'au moins 128 pages grand in-8°, et
forme chaque année un volume d'environ 800 pages. Les abonnements
sont annuels ; ils sont payables d'avance et datent du mois de mars de
chaque année. \
ABONNEMENTS
Paris et Départements .....: 12 Pu. | Ktuanger (Union Postalk) ...... 14 Fr
l.iî Numéro « Kn.
AVIS
Sur la demande qui lui eu a été faite, l'administration
delà ".Revue Thomiste" veut bien se charger de procurer
à ses abonnés, aux prix de catalogue, tous les ouvrages
qu'ils pourront désirer. Il suffira d'en faire la demande
par carte postale adressée ainsi :
HUHEAUX DE LA "jlKVUK THOMISTE "
SOMMAIRE
Saint Thomas et le Prédéterminisme (fin). — R. P. Guillermin.
Procès de l'Hypnotisme. La Défense (suite). — R. P. Coconnier.
L'Evolutionisme et les principes de saint Thomas. — R. P. Gardeil.
La Propriété d'après la philosophie de saint Thomas (suite). — R. P, Schwalm.
Bulletin d'histoire :
L'Université de Paris au moyen-âge. — J. P. Kirsch.
Notes bibliographiques. Sommaires de revues.
BUREAUX DE LA REVUE
222, FAUBOURG SAINT-HONORÉ, PARIS
BRUXELLES (Société belge de librairie, 10, rue Trourenbcrg). — LONDKES (Rurns et Oates, 28, Orchard
street), — FRIBOCRG (Suisse) (Librairie) do l'Université). — FRIBOURG (Grand-Duché do Rade) (H. Her-
der). — VIENNE (Mayer et G", 7, Siugerstrasse). — MADRID (Grcgorio del.Amo, 0, calle de la Paz). —
LEIPSIG (L. A. Kittlor, et F. A. Brockhaus, Querstrassc). — MUNICH (Loutncr, Kaufingorstrassc, 20). —
RATISBONNE (Fr. Pustet). — ROME (Sarraoeni, 13, via délia Universita». —NEW-YORK & CINCINNATI
(Fr. Pustet). — ST-LOUIS (U. S. of. A.) (B. Herder). — ST-PÉTERSBOURG (Ricker).
Gebothnner et Wolff).
-
VARSOVIE
La : Revue .Thomiste; est rédigée, par des pères Dominicains, avec
la collaboration de plusieurs savants de France et de l'Etranger. Elle paraît
jtous, les deux mois, par livraisons d'au moins 128 pages grand in-8°, et
forme chaque année un volume d'environ 800 pages. Les abonnements
' sont annuels ; ils sont payables d'avance et datent du
' mois dé mars de
chaque année.
ABONNEMENTS
i
SOMMAIRE
Ce qu'il me semble qu'on doit penser de l'hypnotisme. — li, P. Coconnier.
Polémique averroïste de Siger de Brabant et de S. Thomas d'Aquin. —
R. P. Mandonnet:
- ' A Lourdes. — T. R. P. Ollivier.
La Forme de la Terre. — R. de Girard.
Le Mouvement littéraire :
Les petites écoles poétiques contemporaines. — Claude des Roches. ;
Bulletin de philosophie sociale. Les sociologues évolutionnistes en France. —-
R. P, Schwalm.
Note sur quelques publications relatives au congrès de Bruxelles. — . -
R, P. Gardeil ^
Notes bibliographiques, — Livres nouveaux.
.
BUREAUX DE LA REVUE
IiHUX.Kf.il.iKS (Société belge de librairie, il), nie Trourenborg). — LONDRES (Iiuins ai Oatos, 2S, Oroh<<)
stroet), — FRIBOURG (Suisse) (Librairie de l'Université). — FH1BOPRG (Grand-Duché de Bade) (II. Ho
-
der). — VIENNE (Mayer et C", 7, Singerstrasse). — MADRID (Grogorio . del Amo, 6, calle do la Paz,'. - ',
LEIPSIG (L. A. Kittler, et F. A. Brockhaus, Querstrasac). — MUNICH (Leutncr, Kaufingorstrasse, 2P),
RATISUONNE (Vr. Pustet). — ROUE (Sarraceni, 13, via dollà Univorsita;. —NEW-YORK & CINO.lNRâ l'I
(Fv. Pustot). — ST-IiOUIS (U.S. of. A.) (B.IIerder). — ST-PÉTERSBOURG (Rickor)l
Gobetbnnur et Wolil').
- VAIJSOtlE
La Itevué Thomiste est rédigée par des Pères DomiiVicains, avec
- laçoljaboration de plusieurs savants dô France et de l'Etranger. Elle
paraît
tous leS deux mois, par livraisons d'au moins i28 pages grand in-8°, et
forme chaque année un volume d'environ 800 pages. Les abonnements
sont annuels ; ils sont payables d'avance et datent du mois de mars de
ehaçjue année..
ABONNEMENTS
Contraste insuffisant
NFZ 43-120-14
i
Texte détérioré — reliure défectueuse
IMF Z 43-120-11