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de
Bonald,.... Tome premier /
publiées par M. l'abbé
Migne,...
DE
M. DE BONALD.
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ŒUVRES COMPLÈTES
DE
M. DE BONALD,
PAIR DE FRANCE ET MEMBRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE,
suivies d'une table analytique des matières en dehors des tables particulières
PUBLIÉES
TOME PREMIER.
1859
SOMMAIRE
La vie du vicomte de Bonald a été racontée par deux de ses fils (a) avec une élégante sim-
plicité et le charme d'un profond sentiment de piété filiale. La notice que nous plaçons en
tête des OEuvres complètes de cet homme illustre est le résumé de ces deux écrits remar-
quables à des titres divers et qui se complètent l'un par l'autre.
Louis-Gabriel-Ambroise,vicomle(6)deBonaId,naquitàà Millau en Rouergue, d'une famille
ancienne, le 2 octobre 175i. Il n'avait que quatre ans lorsqu'il perdit son père. Sa mère,
femme très-pieuse, l'éleva auprès d'elle jusqu'à l'âge de onze ans, et lui inspira
ce vif
attachement à la foi catholique dont il a donné des preuves dans toutes les circonstances
de sa vie. On peut dire que c'est du zèle de ses ancêtres pour la religion qu'il aimait à
relever. Il rappelait divers traits de leur conduite à l'époque de la prétendue Réforme,
et l'ardeur que montra un de ses grands- oncles, Etienne de Bonald (c) conseiller
au parlement de Toulouse, pour empêcher que les nouvelles erreurs ne s'introduisissent
dans cette ville. Théodore de Bèze en fait mention dans son Histoire de l'Eglise réformée.
Vers l'âge de onze ans M. de Bonald quitta le toit paternel pour aller faire
d'abord dans une pension à Paris ensuite au célèbre, collège de Juillj, ses études
que dirigeait alors
le P. Mandar. C'est là qu'il fit sa rhétorique et
sa philosophie.
An sortir du collége, il entra dans les mousquetaires, et resta jusqu'à leur
y suppression,
en 1776. Revenu dans sa ville natale, il fut élu maire, quoique jeune
encore. Déjà les
temps devenaient mauvais on était à la veille de la révolution. Il sut retarder long-
en
temps les orages pour la ville qui l'honorait de ses suffrages; et,
par sa fermeté, la cha-
leur de ses paroles et la confiance générale qu'il inspirait, il put contenir les partis, et eut
le bonheur d'empêcher en plus d'une circonstance
une collision menaçante. Il prévint l'ef-
fusion du sang, comme l'avait fait, sous Louis XIII,
son bisaïeul, Pierre de Bonald,
lequel reçut de Louis XIV un brevet de conseiller (d) du roi
en ses conseils d'Etat et privé,
en considération des services qu'il avait rendus pendant les troubles de religion.
La considération que s'était acquise le vicomte de Bonald dans l'exercice de la mairie de
Millau le plaçait naturellement au nombre de
ceux qui pouvaient prétendre à représenter
la noblesse de sa province aux états généraux qui allaient s'ouvrir; mais, content d'être
utile dans une position modeste, M. de Bonald ne seconda pas les désirs do ses amis. Il fut
néanmoins porté, dans les deux sénéchaussées de Villefranche et de Rodez, aux élections
du mois de mars 1789, et obtint un grand nombre de voix dans l'une et dans l'autre.
Quelques mois après, une circonstance vint augmenter la popularité dont jouissait
dans sa province le maire de Millau, et valut à son nom l'honneur de retentir un moment
à la tribune de l'Assemblée nationale.
Un bruit fort extraordinaire s'était répandu dans toute la France. Chaque ville s'imagina
voir à ses portes une armée de brigands dont elle allait devenir la proie. Des émissaires
étaient envoyés dans toutes les directions pour s'assurer de leur marche, et leurs rapports
contradictoires augmentaient la confusion et la frayeur. Comment cette alarme s'était-elle
tout à coup et si universellement répandue? Etait-ce une manoeuvre habile des fauteurs
de la révolution, ou un de ces pressentiments qui accompagnent toujours les grandes
(a) Notice sur M. le vicomte de Bonald, par M. Henri de B., Paris, Adrien Leclère, 1841, grand in-8"
De la vie et des écrits de M. le vicomte de Bonald, par M. le vicomte V. de Bonald, Avignon, Sexiiiii
aîné, 1855, in-8°.. B
(b) U Encyclopédie du \W siècle a dit que le titre de vicomte lui été donné
était porté
a par Louis XVIH c'est
une erreur. Ce titre avant lui dans sa famille.
(d)
rec'–.
(a) Le 2i mai
Le 21 mai 1659.
105a.
~–
(e) Etienne de Bonald était beau-frère du président Duranti, massacré par les ligueurs.
w,r t
calamités? car il n'était que trop vrai qu'une armée de brigands
cAlamités? brigands était alors à nos portes,
et allait fondre sur notre malheureuse patrie.
Dans cette circonstance, M. de Bonald assembla le conseil municipal de Millau et les
notables de la ville, et leur proposa d'adresser à toutes les autres villes du département
une invitation pour se réunir et former une association pour la défense commune. « La
ville de Millau, » dit M. de Bonald, « a, la première, réclamé les droits de sa province
et elle sera la première à réclamer le respect des lois et de l'humanité, dans un moment où
l'extrême agitation des esprits semble les faire oublier. Elle a vu avec une vive reconnais-
sance, lors des terreurs qui viennent d'affliger ces contrées, les différentes communautés
s'unir pour le salut commun, et les citoyens abandonner leurs foyers pour voler à la dé-
fense de leurs frères. Elle leur propose à présent de s'unir étroitement en une confédéra-
tion d'honneur, de vertu et de respect pour les lois, et pour arrêter toute infraction à
l'ordre public, et toutes les violences qui mettraient en danger la vie et les propriétés des
citoyens etc.
La délibération prise sur cette proposition par les officiers municipaux et les habitants
de la ville fut transmise à l'Assemblée nationale, qui, dans sa séance du 21 août 1789,
en ordonna l'impression, et chargea son président, M. de Clermont-Tonnerre,
d'en témoi-
gner sa satisfaction (a).
Au mois de février 1790, à la réorganisation des municipalités, M. de Bonald fut réélu
maire de Millau, par une majorité de 293 voix sur 368.
Bientôt après, en juillet 1790, la création des assemblées départementales fournit à ses
toncitoyens une occasion de lui donner un nouveau témoignage de leur estime et de leur
confiance il fut nommé membre de l'assemblée départementale de l'Aveyron, par une
majorité de 452 voix sur 523, malgré une opposition furibonde organisée par le trop cé-
lèbre Chabot, alors prieur du couvent des Capucins de Rodez, et qui,'sous sa robe de moine,
laissait déjà pressentir le redoutable conventionnel. Le choix presque unanime de ses col-
lègues (26 voix sur 32) appela M. de Bonald à la présidence de t'administration départe-
mentale. Il quitta alors la mairie de Millau, et.on trouve à ce sujet, dans des notes tout inti-
mes, ces nobles et chrétiennes paroles: J'ai donnéma démission de la place demaire, quej'exer-
çais depuis le 6 juin 1785. Dieu seul sait ce que j'y ai souffertJe lui ai offert mes peines, et il
a daigné m'en dédommager en ne permettantpas que la tranquillité publique fût troublée pen-
dant ce long espace de temps, et au milieu des circonstances les plus orageuses. Il m'appelle
dans une autre carrière à de nouvelles croix je m'y résigne, et s'il daigne m'en faire triom-
pher, je lui demande d'écarter de moi l'esprit d'orgueil et d'amour-propre. (1er août 1790;)
Ainsi, sans partager de tristes illusions ni de folles espérances, M. de Bonald ne se
croyait pas le droit de refuser son concours, même lorsque son pays s'engageait dans des
voies qui lui semblaient aboutir aux abîmes. Le donnant avec la loyauté d'un honnête
homme et le dévouement d'un bon citoyen, il n'hésita pas à entreprendre courageusement
la tâche difficile de présider à l'organisation d'un des nouveaux départements.
Toutefois, il ne devait pas remplir longtemps ses nouvelles fonctions. La conscience a
des droits imprescriptibles, et le moment était proche où elle allait imposer au chef de l'ad-
ministration départementale de l'Aveyron l'obligation de protester contre un des actes du
gouvernement. L'horizon devenait de plus en plus sombre; un schisme affreux désolait
l'Eglise; les exigences de l'Assemblée nationale avaient imposé à la faiblesse du monar-
que l'acceptation de la Constitution civile du clergé. M. de Bonald crut de son devoir et de
son honneur de résigner ses fonctions, et de faire connaître hautement les motifs de sa
résolution, dans une lettre qu'il adressa à ses collègues et qui fut alors fort répandue. Cette
lettre, où respirent le courage du citoyen, l'honneur du gentilhomme et l'humble soumis-
sion du Chrétien, est le premier écrit qu'il ait publié, et elle mérite. de rester à la tête, de
ses OEuvres complètes. La voici
« Dispensé par ma place d'assister aux délibérations du Directoire, j'aurais pu prolon-
(a) Cette séance de la municipalité de Millau, avec le discours de M. de Bonald, est insérée al.
tome 111 des procès-verbaux de l'Assemblée nationale.
NOTICE BIOGRAPHIE' v»
ger mon séjour loin de vous,fous, Messieurs, et éviter ainsi de concourir personnellement"
personnellement"* a:}
l'exécution des nouveaux décrets; mais je dois à la foi que je professe un autre hommage
qu'une absence équivoque ou un timide silence. J'ai donné, je donnerai toujours l'exem-
ple de la soumission la plus profonde à l'autorité légitime, et les dispositions les plus
sévères ne m'arracheront ni un regret, ni un murmure mais sur des objets d'un ordre
supérieur, et qui me paraissent intéresser ma religion, je n'irai pas, en me séparant de
cette autoritévisible de l'Eglise, que les éléments les plus familiers de ma croyance m'ont
appris à reconnaître dans le corps des pasteurs, unis à leur chef, m'exposer à des doutes
cruels, à des remords déchirants pour celui qui a confié a ces consolantes vérités le bon-
heur de son existence. L'Assemblée nationale a décrété des changements dans la disci-
pline ecclésiastique et la constitution du clergé; elle a imposé aux pasteurs le serment de
s'y conformer, et de les maintenir. Le roi, sur des instances réitérées, a donné
sa sanc-
tion à ces décrets mais le chef de l'Eglise garde le silence mais les premiers pasteurs
rejettent unanimement ces innovations; mais les pasteurs secondaires, unis à leurs évê-
ques, annoncent partout la plus invincible résistance; mais plusieurs même de ceux qui
y avaient adhéré rétractent leur adhésion, comme une faiblesse ou une surprise. Et moi,
à qui il est commandé de croire, et non de décider; moi, qui sais que le mépris du Saint-
Siége et de l'autorité des premiers pasteurs a été le principe de toutes les dissensions reli-
gieuses qui ont désolé l'Eglise et l'Etat; moi, qui ne puis séparer le respect que je dois
à ma religion, du respect qu'elle me commande pour ses ministres, j'irais prévenir la dé-
cision du chef de l'Eglise, braver l'opinion unanime de mes pasteurs, déshonorer ma re-
ligion en plaçant ses prêtres entre la conscience et l'intérêt, le parjure et l'avilissement;
je leur dirais Jure, ou renonce à tes fonctions, à ta subsistance, comme en d'autres temps
on disait à des hommes Crois, ou meurs! Non, non, Messieurs, non; l'humanité autant
que la religion se révoltent à cette pensée. Ce n'est pas là sans doute le prix que mes con-
citoyens mettaient à la confiance dont ils m'ont honoré; ils me reprocheraient un jour de
l'avoir usurpée, et je renonce aux témoignages flatteurs qu'ils m'ont donnés, si je ne puis
en jouir sans trahir ma conscience et leurs plus grands intérêts. »
M. de Bonald se retira à la campagne; mais cette démission éclatante ayant inspiré de
vives craintes à sa famille, il céda, sans les partager encore, aux instances qu'elle lui fai-
sait de pourvoir à sa sûreté, et croyant désormais, comme toute la noblesse française, rem-
plir un devoir d'honneur, quand la religion était détruite et l'autorité royale avilie, il
se décida à émigrer.
Il se rendit d'abord à l'armée des princes, et après son licenciement, il se fixa à Hei-
delberg, et s'y consacra avec autant d'assiduité que de tendresse à l'éducation de
ses
deux fils aines qu'il avait emmenés avec lui, et qu'il retira alors du collège de Saint-
Charles, de cette université célèbre où il les avait placés à son arrivée en Allemagne. La
première fois qu'il entra avec eux dans l'église du Saint-Esprit d'Heidelberg, ayant re-
marqué l'inscription qui était au haut du maître-autel, Solatori Deo « Mes enfants, ») "leur
dit-il, « ces mots semblent s'appliquer particulièrement aux émigrés. » En effet, ils allaient
bientôt n'avoir plus d'autre consolateur que celui-là.
Ce fut au milieu des soins de cette éducation et de toutes les distractions qu'elle lui
occasionnait, au milieu des cruols tourments que lui causaient les maux toujours plus
grands de sa patrie, son éioignement du reste de sa famille, et plusieurs fois du dénû-
ment absolu de toutes ressources, qu'il commença à s'occuper de la composition de son
premier ouvrage, sa Théorie du pouvoir politique et religieux, privé, sur ce sol étranger, de
tous lessecours nécessaires pour traiter un aussi vastesujet. Il n'avait guère à sa disposition
que l'Histoire universelle de Bossuet, et quelques volumes de Tacite qu'il lisait beaucoup,
et qui a été, jusqu'à la fin de ses jours, son auteur de prédilection. On lui avait. prêté
l'Esprit des lois et le Contrat social. Il eot alors l'idée de combattre ces deux ouvrages.
Avant l'âge de quarante ans, il n'avait jamais songé à écrire il fallut les loisirs de l'émi-
gration et un vif désir de s'opposer à l'envahissement des mauvaises doctrines, pour l'y
déterminer.
7. 1
vin NOTICE BIOGRAPHIQUE.
Dans son exil, M. de Bonald était toujours à l'affût de toutes
.f.,r. R. compatriotes
rencontrer des m..IH.e
nn.W'nn.~f.l"fn.o malheureux, et"v lorsqu'il passait à
tou
). T?..
les occasions de
Heidelberg des colonnes
de prisonniers français, il aimait à se trouver sur leur passage et à se mêler à leurs rangs,
pour causer avec eux de la France, les questionner sur leurs combats et leurs souffrances,
et s'informer s'il se trouvait parmi eux quelques Aveyronnais, tout heureux alors de pou-
voir leur dire quelques mois de patois, de leur parler de leur famille, et souvent de leur
offrir quelque petit secours ce qui, dans sa position, n'était pas sans quelque mérite.
Un jour, il avait marché longtemps, fort longtemps avec une longue colonne de prison-.
niers, que l'on conduisait en Bohême; et lorsque après s'être un peu oublié dans ses con-
versations, il voulut revenir sur ses pas et rentrer dans la ville, un caporal autrichien lui
barra brusquement le passage, et s'obstinait à le garder prisonnier, et à le faire marcher
avec les autres, au grand divertissement de quelques malins de la troupe, lorsque inter-
vint, fort heureusement pour lui, un officier qui le comprit et le délivra.
Lorsque la compositionde la Théorie du pouvoir fut achevée, M. de Bonald se détermina
à quitter Heidelberg, pour se rapprocher un peu du midi de la France, et il se rendit, à
pied, à Constance, suivi de ses deux fils, et emportant son manuscrit dans son havresac.
Nos voyageurs s'établirent sur le territoire suisse, hors de là porte de cette ville, alors
habitée par tout ce que la noblesse française avait de plus illustre; et ils allèrent occuper,
dans le village d'Egelshoffen, une de ces petites maisons de paysan, entourée d'un joli
verger, d'où la vue s'étendait sur le lac de Constance.
Dans cette retraite,qui eût été heureuse et douce pour le noble écrivain, si le souvenir
de la patrie absente, la pensée des maux qui l'accablaient, et l'éloignement de ce qui lui
était cher, n'eussent constamment assiégé son esprit et brisé son cœur, M. de Bonald se
livrait de plus en plus au travail pour écarter de si sombres pensées. Il se consolait par
l'étude et par les soins qu'il donnait à l'instruction de ses enfants. Il revit son manuscrit,
y fit des corrections et des changements importants, le communiqua à des hommes de
mérite qui habitaient Constance, et il se décida enfin à le faire imprimer par des prêtres
émigrés qui y avaient établi une imprimerie française, dont le faible produit devait être
consacré au soulagement des nombreux ecclésiastiques, victimes de la révolution, qui
s'étaient établis dans cette ville hospitalière.
L'édition de la Théorie du pouvoir (a) fut envoyée presque en entier à Paris, où elle fut
saisie par ordre du Directoire, et, sauf quelques exemplaires distribués par l'auteur à ses
amis, il n'en échappa qu'un bien petit nombre.
Cet ouvrage, où tous les principes politiques et religieux qu'on avait voulu détruire
étaient relevés, où les véritables bases de l'ordre social, ensevelies sous un amas d'er-
reurs, étaient remises à découvert, se trouvait parfaitement approprié aux circonstances,
et la vive impression qu'il produisit sur le petit nombre de personnes qui purent se le.
procurer, sur des hommes tels que Fontanes, La Harpe, Chateaubriand, permet de juger
du succès qu'il eût obtenu. M. Necker lui-même, dont les idées étaient loin d'être les
mêmes que celles de l'auteur, écrivant de Lausanne, en 1800, à M. Marigni, qui fut depuis
inspecteur général de l'Université, lui disait, au sujet de la Théorie du pouvoir: « J'ai lu
l'ouvrage de M. de B. et j'y ai trouvé le mérite d'un grand nombre d'idées, d'une im-
mensité de connaissances, et d'une opinion toujours indépendante. Plusieurs propositions
seraient susceptibles de controverse, et c'est dans le faire qu'il y aurait le plus à désirer;
mais cet art est en seconde ligne, au jugement des vrais appréciateurs de l'esprit. »
Voici comment un journal qui ne partageait pas en tout la manière de voir de M. de
Bonald, se plaisait à peindre l'impression que dut produire l'apparition de son premier
ouvrage.* Jamais,» dit la Revue européenne (b),« M. de Bonald ne fut plus éloquent écrivain;
jamais un style plus beau, plus pur, n'a, comme un verre qui grossit, rapproché des yeux.
(a) Cette édition, extrêmement rare, est en 3 vol. in-42, et porte pour titre Théorie du pouvoir
politique et religieux, dans la société" civile, démontrée par le raisonnementet par l'histoire, par M. de l>
gentilhomme français. 1796. Sans nom de ville, ni d'imprimeur.
(b) Mai 1854.
les moins perçants la hauteur de Ses conceptions. On aime à le voir,
au fond de son exil,
entouré de souffrances, étourdi de frivolités, élevant une voix sévère consolante;
et ap-
pelant ses compagnons d'infortune à des idées graves et hautes, contraires leurs habi-
tudes, étrangères à leurs souvenirs; détournant leurs yeux des futilités du moment,
leur révéler la cause inconnue, là vraie, la grande cause de leurs misères leur expliquant pour
logiquement les iniquités, les violences dont ils sont victimes par l'oubli
qu'on a fait de la
foi de leurs pères! Quelle n'a pas dû être,
au milieu de telles circonstances, l'autorité d'une
parole qui présentait à des hommes persécutés là religion comme
une alliée perpétuelle,
nécessaire, essentielle, dont la nature est de vouloir tout ce qu'ils veulent, de combattre
et
les mémés ennemis 1 Quelle action ne devait pas exercer sur ces enfants du xvm' sièele
un système qui établissait entre les lois de l'Eglise et l'organisation politique dont fa
chute les écrasait, une telle parité, qu'elles semblent s'identifier, et qui relevait
en quel-
que sorte les institutions brisées en eux, au rang des choses saintes » »
Aussi cet ouvrage fut-il extrêmement recherché, et on pressa vivement l'auteur
d'en
donner une nouvelle édition. Il eut toujours le projet de le faire, et néanmoins
qu'après sa mort que la Théorie du pouvoirà été réimprimée. On" s'étonne, » écrivait-il ce n'est
« (a),
« que je n'aie pas fait réimprimer mon ouvrage de la Théorie du pouvoir.
Je n'ai jamais écrit
par goût, encore moins par ambition et par intérêt; j'ai
cru remplir un devoir, et j'ai pris
la plume sous l'influence d'une irrésistible impression. Cet
ouvrage, composé sans secours
et sans livres, avec des réflexions et des souvenirs, au milieu de toutes les misères de l'é-
migration et des soins que je devais à mes enfants, fut imprimé Allemagne
en et envoyé à
Paris, où il fut saisi par la police, et où je faillis t'être moi-même. Je le fis
parvenir à Bo-
naparte à son retour d'Egypte, en cachant toutefois mon domicile. Un
peu plus tard, il
me fit presser par Desmarets, chef de sa police secrète, de le faire réimprimer, sechargeânt
d'en faire les frais. Je m'y refusai, pour n'être
pas obligé de supprimer ce que je disais de
Louis XVIII, dont j'annonçais le retour. Depuis ce moment, distrait
par d'autres soins pu-
blics et domestiques, je ne me suis plus occupé de cette nouvelle édition. II n'y
aurait eu,
je crois, rien à changer aux principes, mais seulement à la forme,
et, saris parler de la répu-
gnance que j'éprouvais à revenir sur un ouvrage qui m'avait si péniblement et si malheu-
reusement occupé, je préférai d'en reproduire les principes sous une forme plus abrégée,
ce que j'ai fait dans plusieurs écrits, et notamment dans la Démonstration philosophique.
du principe constitutifde la société. »
Au printemps de l'année 1797, M. de Bonald
se décida à rentrer en France; avec ses
deux fils. Toujours à pied, car l'état de leurs finances leur interdisait toute
autre manière
de voyager, ils traversèrent la Suisse, et par Schaffouse, Berne et Fribourg, ils
arrivèrent
à Lausanne, d'où, côtoyant les bords du lac de Genève,'ils
se rendirent à Nyon et de là, gra-
vissant la chaîne du Jura, après deux nuits de marche clandestine dans les
arrivèrent au-dessus de la ville de Saint-Claude. Vers minuit, les trois
montagnes ils
voyageurs, par une
nuit obscure, et au milieu d'un orage, passèrent dans un petit bateau
un torrent ra-
pide que la pluie et ta fonte des neiges avaient enflé; et parvenus heureusement à l'autre
bord, ils purent enfin, après avoir évité les postes militaires établis
sur la frontière, at-
teindre, auprès dePont-d'Ain, la grande route de Lyon.
Après six années d'exil, M. de Bonald put revoir sa famille, mais, hélas 1 diminuée.
Cette
mère chérie qui avait élevéson enfance avec tant de sagesse et d'amour, n'avait
pu résis-
ter à l'éloignement de son fils, aux fatigues de sa fuite dans les montagnes, et
de la réclusion qu'elle avait subie pendant plusieurs mois. Une autre place était aux peines
vide au
foyer domestiqué. Il ne retrouvait pas la plus jeune de ses filles, frêle enfant qu'avaient
brisée la frayeur des poursuites exercées contre sa mère, et des fatigues au-dessus de
âge, en la suivant plus d'une fois dans une fuite précipitée. Qu'était auprès de celason la
perte de sa fortune? Sa maison, ses meubles, ses biens avaient été vendus. II
ne lui restait
qu'un coin de terre de peu de rapport, dernier asile qu'avait
pu conserver ,sa femme. JI
n'eut pas même alors la consolation de s'y retirer; car, à peine arrivé à Montpellier, où sa
(a) Lettre la Reçue européenne, août \SM.
femme et ses enfants étaient allés le recevoir, il dut s'arracher une seconde fois à leurs em-
brassements, pour aller à Paris se soustraire plus facilement aux poursuites qui venaient
de recommencercontre les émigrés, à la suite des événements du 18 fructidor.
Peu de temps après son arrivée dans la capitale, M. de Bonald fut curieux de savoir
Constance à
ce qu'élait devenue l'édition de sa Théorie du pouvoir, envoyée de
Paris, curiosité qui aurait pu lui coûter cher. Il se rendit à la police sous un nom
supposé, et c'est là qu'il apprit que son livre, le premier-né des enfants de son intelligence,
avait été saisi et envoyé à l'ignoble pilon, par ordre du Directoire, qui régnait encore.
Ayant témoigné le désir d'en obtenir un exemplaire, si par hasard il en était échappé quel-
qu'un aux gémonies de la police, un des employés supérieurs de cette administration eut
l'obligeance de le conduire lui-même dans une salle où étaient entassés, pête-mêle, des
exemplaires de tous les ouvrages qui avaient éprouvé ce lamentable sort. Là, ayant remué
du boutde sa canne quelques livres de cet énorme tas, sa Théorie du pouvoir lui apparut
tout à coup à la surface côte à côte d'un ouvrage infâme dont nous n'oserions transcrire le
titre. A cette vue, les entrailles paternelles de l'auteur, trop vivement émues, le trahirent
subitement, et il ne put s'empêcher de s'écrier Je péris ici en bien mauvaise compagnie
A ces mots, l'employé, qui était honnête homme, se mit à sourire, et lui dit
Je sens que
l'épreuve était trop fortepour un père, mais je lui promets toute discrétion; et il lui laissa
emporter l'exemplaire.
M. de Bonald demeura deux ans caché à Paris; ce fut dans cette retraite,
environnée de
Divorce con-
beaucoup de dangers, qu'il composa trois de ses principaux ouvrages le
sidéré au xix* siècle, l'Essai analytique, et la Législation primitive. Il a dit avec
raison
France que sur un
dans un de ses écrits postérieurs, que la révolution n'avait reculé en
le dire avec quelque
seul point sur la question du divorce; et il aurait eu le droit de
question a
orgueil, car la supériorité de talent avec laquelle il traita cette importante
contribué certainement à ramener les esprits à la vérité, et à faire effacer plus tard
de
écrivait de Coppet, le 28
notre code cette loi destructive de la famille. M. Necker lui raison, de mesure,
Necker.
juillet 1802, au sujet de ce livre C'est un ouvrage excellent, plein de
parfaite éloquence. J'ai
de la meilleure philosophie, et qui finit par des pages de la plus dignes d'être
remarqué aussi avec un sentiment heureux les fragments que vous avez jugés
réservés à la postérité. On
placés dans un ouvrage qui s'est fait place parmi les livres
peut .affirmer que l'Europe savante, religieuse et morale, a confirmé le
jugement de
M.
pensée qui do-
Dans l'Essai analytique et dans la Législation primitive, on retrouve la
forme
mine dans la Théorie du pouvoir. C'est la même théorie de l'ordre social sous une
moins importants.
différente, avec des développements plus ou moins étendus, plus ou
résultats, il
Quand l'esprit, pour asseoir une théorie, a rencontré une vérité féconde en
la suit avec persévérance, il ne peut plus s'en détacher. M. de
Bonald appliqua son prin-
qui appartient
cipe constitutif de la société en général, son principe générateur, à tout ce
les phéno-
à l'ordre moral, comme Newton appliquait son principe de physique à tous
faces; il en
mènes de l'ordre matériel, ou dé l'univers. Il l'envisageait sous toutes ses
p|ua satisfai-
faisait les applications les plus variées; il y trouvait les explications lesqu'à la vérité.
convenir
santes. Ce principe devint pour loi d'une fécondité qui ne peut les émigrés de
Après la chute du Directoire, et lorsque le premier consul eut fait rayer
se fixer dans sa petite
la liste de proscription, M. de Bonald rentra dans ses foyers, et vint
terre du Munna (a), faible débris de son patrimoine, vendu d'abord comme bien national,
dot englobée dans les biens
et que M- de Bonald avait rachetée pour une partie de sa
de son mari.
dont nous
C'est à partir de cette époque qu'il s'occupa de la publication des ouvrages
de parler, et qui parurent successivement dans les premières années de ce sièele,
venons
en même temps qu'il concourut activement à la
rédaction du Mercure de France, avec
Chàteaubriand,alors son ami, et avec qui il devait se retrouver plus tard dans
le Con~
(a) Le premier consul, préoccupé de ses projets contre l'Angleterre, avait souhaité voir traiter
de Bonald la grande question de la liberté des mers. par M
M. de Fontanes avait été chargé de l'y inviter. Voici la note dans laquelle il lui envoyait le
de ce.travail rédigé sous l'inspiration du premier consul, et qui a d'autant plus d'intérêt que'les programme
idées si
élevées et si justes qu renferme ont enfin pris place dans le droit public européen, grâce à l'initiative
d un autre Napoléon. r ° o
On désirerait qu'il (M. de Bonald) se chargeât d'un ouvrage dont voici le but Le droit public établi
les puissances continentales est plein d'humanité et de justice. Cette humanité et cette justice sont dues àparmi
l'in-
,<
fluence qu'y a toujours exercée la France. Dans l'origine, le pays conquis était dévasté des peuples entiers
faits prisonniers et réduits en esclavage. Depuis plusieurs siècles, c'est-à-dire, depuis
que la France influe
comme première puissance du continent, le droit de conquête ne donne que celui de soumettre les provinee'%
à sort gouvernement, au lieu de celui du prince qui y régnait; le droit de propriété reste sacré. Aucun indi-
vidu ne perd son champ; les tribunaux du pays continuent leur exercice
n'est donc interrompu; les successions des familles, les mariages, les procès,presque sans être troublés. Rien
les testaments, etc., etc., tout
a lieu comme à l'ordinaire.
Sur mer, au contraire, le droit des gens a conservé la rudesse et la barbarie des premiers
rudesse et cette barbarie sont dues à l'influence qu'y exerceut les Anglais depuis plusieurs siècles. temps. Cette
Au lieu
de s'améliorer le droit des gens sur les mers est devenu plus dur et plus barbare à
mesure que les Anglais
y sont devenus plus puissants. En effet ce ne sont point des bâtiments de guerre qui se battent entre
comme sur terre des armées, ce sont des bâtiments de guerre qui prennent des bâtiments de commerce; eux,
ce sont des familles qu'on ruine, des propriétés individuellesqu'on attaque, quoiqu'ellesn'aient rien de commun
avec la guerre. Il faudrait faire sentir que la guerre sur met ne devrait avoir
colonies ou des bâtiments dont on se sert comme moyen de transports et moyen d'attaque;pour but que la prise des
mais que le cont-
merce devrait jouir. de sa liberté ordinaire; que la propriété ne devrait pas moins être sacrée etc., etc
Et dans de nouveaux développements sur ce qui concerne les neutres, faire sentir à quel degré de
Les Anglais sont arrivés, puisqu'ils
tyrannie
lie reconnaissent plus de neutres, puisqu'ils soumettent à leur inauisilicn
même ceux convoyés par des bâtiments de guerre.
On pourrait faire sur ce sujet un ouvrage de longue haleine, raisonné et classique, qui pût être
la nation et à l'Europe. 7 t–– utile à
Nous ignorons ce qui empêcha M, de Bonald de traiter un sujet aussi important et qui répondait
tièrement à toutes ses idées. Quelques pages éparses et incomplètes la liberté des mers sont tout ce
en-
qu'il paraît avoir écrit là-dessus.
sur
(b) D'autres tentatives avaient déjà été faites avant cette époque pour rattacher M. de Bonald
vernement impérial. Voici à cet égard quelques détails parfaitement authentiques et dont une partie au gou-
se trouve pas dans les deux nôtices que nous avons citées. ne
En 1806, M. de Bonald avait envoyé au Mercure un article sur la tolérance qui déplut
police, Fouché. Celui-ci écrivit au préfet de Rodez, pour le charger d'exprimer à l'auteur au ministre de la
tout son mé-
contentement. Le préfet, en fonctionnaire zélé, manda M. de Bonald auprès de lui et joignit au blâme du
ministre toute l'acerbité et toutes les petites vexations, à l'aide desquelles il crut pouvoir lui faire
M. de Bonald se plaignit à son ami, M. de Fontanes, qui lui répondit à la date du 17 août 1806 J'aisa cour.
couru'
votre lettre à la main chez le maître. J'ai vu tout de suite que les ordres ne venaient pas d'en haut. J'ignorai,
tout cela, m'a-t-on dit, je m'en ferai rendre compte. A l'audience suivante on est venu à moi
avec l'air
de la plus excessive bienveillance. L'affaire de votre ami n'est rien, tout est arrangé. Qu'il soit tranquille,
mais qu'il vienne à Paris; à deux cents lieues il est diflicile de se bien entendre. Voilà les
celui qui peut tout. Et M. de Fontanes, après avoir vivement poussé M. de Bonald de propres mots de
rendre à cette
invitation, revient sur l'affaire qui a été l'occasion de cette correspondance et termineseainsi
des malentendus dans toute cette affaire et peut-être un peu de jalousie littéraire, si j'en crois M. dey a eu
leyrand. Des subalternes qui prétendent aussi être des écrivains profonds, n'aiment Tal-
pas, dit-on, ceux qui ont
une vraie profondeur sans l'affecter et sans rien prétendre. Quoiqu'il en-soit, oubliez tout cela et venez à
l'aris chercher la gloire et tout ce qui doit V accompagner sous un gouvernement éclairé. M. de Bonald
resta dans sa solitude et moins de deux mois après cela, M. Mole était chargé par le ministre de la police
de lui proposer la dircctiou du Journal de l'Empire. Quelques jours après, M de Fontanes lui écrivait à
malgré ses relations intimes avec le grand maître, M. de Fontanes, il n'accepta pas, et
prolongea son séjour dans sa retraite du Monna.
Il y était encore le 7 juillet 1810; lorsqu'un envoyé de Louis Bonaparte, M. Briatte,
homme de mérite et d'esprit, mort il y a quelques années conseiller maître à la cour des
comptes, vint l'y trouver et lui présenta une lettre du roi de Hollande, dans laquelle ce
prince lui demandait, avec les plus affectueuses et les plus honorables expressions, de se
charger de l'éducation de son fils. Louis Bonaparte cherchait par -la confiance la plus
flatteuse à attirer auprès de lui le célèbre écrivain et l'honnête homme, et il ne négligeait
rien pour intéresser son cœur à l'accomplissement de son vœu le plus ardent.
Nous rapliorterons cette lettre, si honorable pour celui auquel elle est adressée, plus
encore peut-être pour les sentiments de celui qui l'écrivait, si pleine de noblesse, de
véritable grandeur, d'ardent patriotisme. En la transcrivant ici, nous croyons honorer la
mémoire de notre écrivain; mais nous croyons aussi rendre hommage à celle du roi
Louis.
« Monsieur, je suis presque toujours malade, quoique jeune j'ai des occupations au-
dessus de mes forces et, le seul but d'une vie laborieuse et pénible, c'est pour moi d'être
utile à un pays qui m'a été confié, et de laisser à mou fils aine (a) une carrière plus pai-
sible et plus heureuse à parcourir. Il a dans ce moment cinq ans et demi. 11 est doué d'une
intelligence supérieure à son âge, et il aurait besoin de passer déjà sous la direction de
son père, et de quitter les dames qui ont pris soin de lui jusqu'ici, si je pouvais m'y
livrer. Malheureusement, je suis très-souvent malade, et le peu de temps que ma santé
me laisse disponible est à peine suffisant pour les affaires du pays et les soins pénibles
qu'il me donne.
« Dans cette situation, j'ai pensé souvent sans succès au moyen d'être à côté de mon
fils parfaitement tranquille. 11 est confié jusqu'ici à une dame très-respectable, que j'aime
et j'estime; mais malheureusement.je m'aperçois que cet enfant a besoin, et un besoin
très-pressant, d'être dirigé par un homme. Ce ne sont plus de petits soins qu'il lui faut
uniquement, mais une juste direction sans cela il ferait son éducation lui-même, c'est-
à-dire que son esprit prendrait au hasard des impressions bonnes ou mauvaises, et
qu'ensuite il serait très-difficile de le mener sur le bon chemin. Je voudrais qu'il fût
homme avant de savoir qu'il est destiné peut-être à commander à ses semblables; je
voudrais que l'expérience des temps et des hommes, pût lui servir réellement, et qu'il
reçût, non l'éducation des mots, mais celle des choses.
« Après avoir cherché partout,j'ai réfléchi, Monsieur, que, sans vous connaîtra
autrement, vous étiez un des hommes que j'estime le plus; il m'a paru que vos
principes étaient conformes à mes sentiments. Vous me pardonnerez donc, Monsieur,
si ayant à choisir quelqu'un à qui je désire confier plus que ma vie, je m'adresse
à vous c'est le cas de bien choisir. Si donc, Monsieur, le bonheur dont vous jouissez
sans doute dans une modeste retraite ne vous a point rendu insensible au bien que vous
pouvez faire, je ne dis pas à moi, à un individu, mais à toute une nation plus estimable
encore que malheureuse, et c'est beaucoup dire, acceptez d'être le gouverneur de mon Qls:
le préfet, s'il
ce sujet; (18 octobre 1806), qu'on lui assurerait pour toujours mille écus par mois, et que
acceptait, avait l'ordre de lui faire compter à son domicile la somme dont il aurait besoin pour le trans-
porter à Paris avec toute sa famille. M. de Fonlanes ajoutait Je vous jure que je n'aurais pas voulu
entendre celte proposition pour vous, si je n'étais sûr que vous serez libre, parlement libre dans toutes
monarchique et religieux,
vos opinions- On veut un homme d'un beau talent, d'un caractère élevé, éminemment
qui puisse donner une grande autorité aux principes contenus dans une feuille lue par un million d hommes
tous les malins. Je ne doute pas qu'avec la considération qui vous entoure on ne fit mieux encore dans la
suite. Mais je -n'insiste point sur ce genre de considérations. -La fortune vous touche peu, songez seulement que
vous servez la bonne cause en répondant au vœu qui vous appelle. Mais l'appàt de la
fortune ne séduisit
pas ptus M. de Bonald que ne l'avait fait deux mois auparavant l'invitation du maître.
(o) Le fils aîné du roi de Hollande était mort à cette époque. Celui dont il est ici question était le
second itfst mort en Italie en 1832.
MÔTICE BIOGRAPHIQUE.
xn,
vous le confier, c'est vous marquer le plus vif désir de gagner votre votre amitié, et vous mon-
trer tout le cas que je fais d'un
H un homme def\ bien
ïirtTYïTYlfi ai éclairé,
a Viîûn et <£/)la£.tA tel mia je
tal que vous crois.
îa. imite* /»m/\îc?Je
'Tavous
nAnf<
prie, Monsieur, défaire un petit voyage dans ce pays. Vous devez aisément vous ima-
giner avec quel plaisir je vous recevrai; et si je ne puis réussira vous faire accepter
l'olfre que je vous fais, j'aurai au moins, Monsieur, le plaisir de faire votre connais-
sance, et de vous exprimer ma satisfaction de trouver en vous l'homme de bien et l'homme
éclairé dont je désire l'amitié.
« Si l'on vous parle de ce pays et de moi, nos malheurs nous donneront sans doute des
torts que nous sommes loin de mériter; on vous dira peut-être que je n'aime que la Hol-
lande, que je ne suis plus Français, que je déteste tous ceux qui se trouvent ou se sont
trouvés ici avec moi., Remettez votre jugement sur tout cela, je vous prie, jusqu'au mo-
ment où je pourrai me défendre. Vous verrez alors, Monsieur, qu'attaché par devoir et
par inclination à un pays dans lequel je suis venu malgré moi, j'ai tout bravé pour y
remplir des devoirs plus difficiles qu'il n'est possible de se l'imaginer; tout, jusqu'à passer
pour avoir renié mon pays et n'être plus Français, tandis que mon cœur, depuis long-
temps, ne palpite plus qu'à ce nom. Et cependant j'en reste éloigné; je défends de son
incorporation, c'est-à-dire, de sa ruine totale, un pays dont le climat me détruit chaque
jour visiblement; j'y supporte toutes les difficultés, tous les événements, tous les mal-
heurs sans me lasser. Si je n'y étais obligé par le plus impérieux des devoirs, resterais-je
dans cette situation? J'y suis obligé, mais j'avoue que mon plus grand malheur vient
du renom d'être Anti-Français, qu'il me faut endurer.
« Adieu, Monsieur, recevez cette communication confidentielle avec assurance, et
veuillez me répondre franchement; ne craignez point de me causer du chagrin, si vous
ne croyez ;pas pouvoir accepter; j'y suis accoutumé la seule chose; à laquelle je ne
m'accoutumeraisjamais, c'est dé ne point mériter l'estime et le suffrage des personnes
telles que vous.
i Amsterdam, 1er juin 1810.
Louis NAP. »
Cette iettre fit couler quelques larmes des yeux de celui qui la recevait, comme elle en
avait coûté sans doute à celui qui l'écrivait, et qui avait cessé de régner lorsqu'elle parvint
à sa destination. Ecrite le 1" juin 1810, elle fut remise à M. de Bonald le 7 juillet. Le roi
Louis avait signé son abdication le 4 du même mois, et le 9 la Hollande fut décrétée
province française. Au moment où il écrivait, la résolution du roi était probablement
prise. L'empreinte de tristesse profonde des dernières lignes le fait supposer, et la manière
dont il rapporte lui-même ce fait dans ses Mémoires écrits en 1817, sous le nom de Docu-
ments historiques du comte de Sain.t-Leu, ne permet pas d'en douter. Nous citons ces pa-
roles qui ajoutent encore au témoignage de confiance que donnait le prince à l'illustre phi-
losophe, et qui contiennent de lui une appréciation que nous devons recueillir ici Jl
«
chercha, » dit le comte dé Saint-Leu, «parmi les hommes distingués en France, celui au-
quel il pourrait confier son fils d'avance, afin que s'il était obligé d'abdiquer, son fils et la
reine eussent un guide sûr. I| fallait pour être agréé de l'empereur et respecté lors de la
catastrophe, comme pour soutenir la Hollande dans ce cas, un homme célèbre, un Fran-
çais, un homme connu, estimé de l'empereur comme en Hollande, un monarchistelibéral,
un homme indubitablement ferme d'honneur et de probité. Il choisit M. de Bonald, qu'il
ne connaissait que de réputation. Sa letlre parvint par un secrétaire expressément envoyé
dans le Rouergue.» C'est vraisemblablementà l'approbation de l'empereur que se rapportent
ces mots de la lettre recevez cette communication avec assurance, et en effet l'empereur
était chargé de la lui faire connaître verbalement.
Profondément touché d'offres faites d'une manière si délicate et avec une confiance si
honorable et si flatteuse, M. de Bonald regretta de ne pouvoir s'y rendre; il
ne put accep-
ter ni accorder autre chose que l'amitié qui lui était si "noblement offerte et demandée,
et conserva au roi Louis un reconnaissant et respectueux souvenir qu'il aimait encore
6 rappeler dans ses derniers jours.
Ce fut quelques mois après, à la fin de 1810, que M. de Bonald, vaincu par les instances
de ses amis, par celles surtout de M. de Fontanes se décida à aller occuper au conseil de
l'Université la place à laquelle il avait été nommé deux ans auparavant, et qui était restée
vacante depuis cette époque. Lucien Bonaparte l'ayant demandée dans cet intervalle pour
une personne à laquelle il s'intéressait, cette place, avait dit l'Empereur à M. de Fonta-
nes, est réservée à M. de Bonald.
Une fois décidé à l'accepter, celui-ci se dévoua avec ardeur à ses nouvelles fonctions,
dont l'exercice lui était rendu facile et doux par l'amitié que lui portait le grand maître
de l'Université, et la confiance qu'il lui accordait.
La Restauration qu'il avait prédite dans la Théorie du pouvoir les lui conserva;
Louis XVIII le nomma membre du conseil royal de l'instruction publique qu'il réorgani-
sait sous la présidence de M. de Bausset.
Dans les premiers jours de 1815, M. de Bonald fit paraître un écrit qui produisit alors
et
une grande sensation en France et en Europe qui était digne de la faveur qu'il obtint
non-seulement par le patriotisme, mais aussi par la grandeur et l'élévation de ses vues.
Les Réflexions sur l'intérêt général de l'Europe furent regardées par tous les hommes ins-
truits et zélés pour l'honneur et la gloire de la France, comme un des meilleurs traités de
politique générale, et l'aperçu le plus lumineux sur la situation relative de la France et de
J'Europe, qui eussent paru depuis longtemps. L'auteur demandait, dans l'intérêt de la paix
générale, l'extension de la France jusqu'aux limites du Rhin, et il démontrait avec une
noblesse et une vigueur de style qui n'étaient égalées que par la force de sa dialectique,
que cette extension de la France était un besoin pour l'Europe. «Non, »
s'écriait-il, « ce
n'est pas à la France qu'il importe d'aller jusqu'au Rhin: les habitants de l'ancienne
France n'en seront ni plus ni moins heureux; son gouvernement n'en sera ni plus ni
moins stable et fort C'est pour l'Europe que cette mesure politique est nécessaire, parce
) qu'alors, et seulement alors, la France sera utile à tous les Etats, et ne sera dangereuse
pour aucun. La France serait au repos comme une arme détendue, et toute l'Europe y
serait avec elle et par elle; et ce ressort qu'on voudrait en vain comprimer, aurait perdu,
en s'étendant, son élasticité. C'est alors que la France pourrait donner l'exemple unique
développements, n'ayant rien à
au monde d'une société, qui, parvenue à ses derniers
craindre, rien à désirer, rien à acquérir, et rien à perdre, en paix avec tous ses voisins,
tranquille sur toutes ses frontières, peut agir sur elle-même et employer ses talents na-
turels et ses connaissances acquises à perfectionner ses lois, ses mœurs, son administra-
tion sa constitution à tout réparer, et à tout maintenir dans l'ordre; à fermer les plaies
faites à la religion, à la justice, à la morale, à la propriété, ces bases, fondamentales de
h'prdre social. et la France, peut-être, peut seule conserver cette Europe, que, seule, elle a
pu bouleverser. »
Cette brochure, qui fut goûtée des esprits élevés, ne plut pas en général aux esprits
timides et aux hummes qui avaient la prétention de diriger l'opinion. Cette demande
des frontières du Rhin parut hardie et embarrassante dans les circonstances où l'on se
trouvait, et, dans le parti royaliste, plusieurs s'offensaient qu'un des leurs demandât la
de
conservation des conquêtes de la révolution de ce qui faisait partie de- la France
éclairés.
Bonaparte. Placé, par l'élévation de ses idées, au-dessus des
“
petitesses de l'esprit de
parti, Louis XVÏ1I joignit son approbation à celle de la grande majorité des hommes
C'est ici que commence sa législative et, quelle que soit l'opi-
»a carrière politique et législative,
nion laquelle on appartient, il est impossible de ne pas reconnaître qu'il y a marché
avec talent et avec honneur. Pendant les quinze années de la "Restauration, soit à la
chambre des députés, soit à la chambre des pairs, il intervint dans toutes-les grandes
délibérations en même temps que, comme publiciste, il prenait part à toutes les discus-
sions qui agitèrent la presse de 1815 à 1830. C'est surtout pendant les premières années
de cette époque qu'on le trouve constamment sur la brèche, défendant, avec une énergie
de conviction et une probité politique que ses adversaires ont été forcés d'honorer, les
principes auxquels il avait consacré sa vie. II ne descend de la tribune que pour rédiger,
pour le Conservateur pour le Défenseur et plusieurs autres journaux, de nombreux et
piquants articles sur divers sujets de législation d'administration et de haute politique,
soit générale, soit de circonstance, qui faisaient sensation en Europe et étaient reproduits
dans diverses langues.
La noblesse, la raison et le bon goût de son éloquence ne tardèrent pas à le faire re-
marquer on écoutait avec un grand intérêt ses discours, qui ne visaient pas aux effets
aratoires, mais dans lesquels étincelaient, au milieu des plus hautes considérations poli-
tiques, des traits mordants aussi forts que justes et dont ses adversaires se ressentaient
longtemps. Aussi eut-il bientôt acquis une grande influence et une autorité égale à la
considération dont il était entouré, et qui se traduisait par de fréquents témoignages de
la.part de ses collègues. Souvent désigné comme rapporteur de projets importants, mem-
bre des commissionsd'adresse et président de bureau, il figura plusieurs fois parmi les
candidats présentés au roi pour la présidence de la chambre, et fut appelé à la vice-prési-
dence dans les deux sessions de 1821 et 1822.
11 serait trop long de donner l'analyse de ses travaux législatifs; mais nous ne devons
pas cependant passer sous silence son intervention dans la question du divorce. Il lui
appartenait plus qu'à tout autre de la soulever. Dès le mois de décembre 1815, il avait
proposé à la chambre de solliciter du roi la présentation d'un projet de loi portant
abolition du divorce. Sa proposition, développée dans la séance du 26, fut adoptée, et,
le gouvernement ayant présenté ce projet au mois de mai 1816, M. de Bonald fut nommé
rapporteur de la commission chargée de l'examiner. Cet honneur lui revenait de droit, et
son rapport, chef-d'œuvre de haute raison, de saine politique et d'éloquence, fut admiré
de l'immense majorité de la chambre. Il rappela que c'était à la demande de Portalis (1)
qu'il avait entrepris autrefois de traiter cette importante question. Ce rapport entraîna
l'assemblée, et valut à l'orateur le succès qui lui tenait le plus au cœur, en contribuant
à remettre la France en harmonie avec l'Europe chrétienne et civilisée, à l'égard de cette
partie si importante de la législation et des mœurs.
M. de Bonald avait pris une trop grande part à l'opposition qui s'était formée dans les
rangs du parti royaliste contre le ministère Decazes pour que sa candidature ne fût pas
combattue par le gouvernement. Après la dissolution de la chambre introuvable, il fut
réélu néanmoins malgré les efforts du ministère, et le fut constamment depuis jusqu'au
moment où Louis XVIII l'éleva à la patrie en 1823. Il avait été honoré, quelque temps
auparavant, de la dignité de ministre d'état, et, dès le commencement de la Restaura-
tion, le roi l'avait appelé à faire partie de l'Académie française. La désignation par
l'autorité de membres d'un corps littéraire peut paraître singulière; mais il n'est per-
Bonald était certainement
sonne quiine doive reconnaître avec M. Jules Simon que M. de
très-digne d'une distinction pareille, et qu'il aurait pu obtenir sans difficulté, de l'élection
de ses confrères, ce qu'il dut à une faveur royale d'ailleurs entièrement spontanée.
Après la mort de Louis XVIII, les attaques contre la monarchie avaient redoublé, et,
ce qui était plus malheureux encore, la division entre les
défenseurs du trône ouvrait
à s'introduire au
une large brèche par laquelle la révolution ne devait; pas tarder
(\) M. de Bonald n'était pas éloigné de penser que Portalis, en l'engageant à écrire contre le divorce,
M'avait fait que lui transmettre la pensée de Napoléonlui-même..
cœur de la place. C'est à ces luttes à jamais regrettables que se rattache une cir-
constance de la vie politique de M. de Bonald, qui fut pour lui la source la plus fé-
conde d'amertumes de tout genre, et de la plus cruelle de. toutes, l'injustice, à son
égard,d'un ancien et illustre ami, mais qui n'arien quede très-honorable pour samémoire..
Frappé des ravages d'une presse audacieuse, voyant la religion et ses lois périr
sous. ses coups redoublés, effrayé des progrès d'une propagande qui dans l'espace
de treize années, de 1814. à 1827 avait répandu jusque dans les chaumières trois,
millions de mauvais, livres et en grande partie de Uvres obscènes, le gouvernement
s'était décidé établir dans l'intervalle de deux sessions une censure temporaire. M. de
Bonald sans être, consulté ni prévenu fut nommé à la présidence toute gratuite do
la commission do censure.
M. de Bonàld n'hésita pas. Le roi,, dans un péril suprême de la monarchie, il est
permis de le dire aujourd'hui après les événements accomplis, faisait appel à son
dévouement il lui offrait un poste où il fallait combattre avec la certitude de suc-
comber. Tant que le dévouement ne sera pas un vain mot, ce sera un honneur pour
M. Bonald, de ne s'être pas refusé à la confiance royale. M. de Bonald avait-il tort
ou raison de penser qu'il vaut mieux en matière de presse prévenir que réprimer, peu
importe. Nous n'avons pas ici à discuter, quoiqu'à vrai dire, la question semblerait bien
éclaircie, depuis qu'on a vu le gouvernement qui succéda à la restauration, obligé
d'en venir aux lois de septembre, et;.cette législation draconienne devenue elle-môme
plus tard insuffisante. Mais M. de. Bonald pour lequel cette doctrine était un axiome
incontestable, pouvait-il se refuser à l'appliquer, lorsque cette application devait être
dangereuse pour lui? Voilà la véritable question et la poser c'est la résoudre. En ac-
ceptant cette présidence, M. de Bonald fit un sacrifice à Charles X, d'autant plus grand
qu'il ne se faisait aucune illusion sur les résultats delà mesure soit par rapport à l'Etat,
soit par rapport à lui-même. Il savait très-bien que cette mesure temporaire, au point où
l'on en était venu* ne remédierait à rien; il n'ignorait pas davantage qu'il allait dé-
vouer son nom à la plus effrayante impopularité. Mais où serait le courage de l'homme
publie s'il ne savait braver l'impopularité pour suivre l'impulsion de sa conscience ?
Serait-ce seulement à remplir des fonctions largement rétribuées et entourées de tous
les honneurs publics et à prendre soin de se ménager toujours les faveurs de l'o-
pinion que se plairait un grand caractère?
Tout fut tenté alors pour intimider M. de Bonatd, ou le rendre odieux; on se
plaisait à répandre le bruit que ses fonctions étaient salariées, 'quoiqu'on sût fort
bien qu'elles étaient gratuites, ce qui est aujourd'hui reconnu par tous ses ad-
versaires la haine se traduisit par tout ce que le sarcasme et l'injure peuvent avoir de
plus violent et la calomnie de plus odieux. Placé au-dessus des calomnies- par sa
conscience, des menaces par son caractère, dédaignant les unes et les autres et se
rappelant peut-être en ce moment les beaux vers que lui disait quelques années
auparavant un grand poète
Le mépris du vulgaire
Est l'apanage des grands cœurs.
(Lamartine, Médit. Ode à M. de Bonald.)
elles..
Voué depuis longtemps, dit-il au début de sa Démonstration philosophique, à la
défense
C'est pour le
du système éternel de la société, je termine par cet écrit ma longue carrière.
maisons
bonheur de vos peuples, rois chrétiens, c'est pour le vôtre, et celui de vos illustres
toutes ses théories politiques
que je l'ai entrepris. Cet ouvrage fut comme un résumé de
et religieuses, dont il rapprochait, enchaînait, coordonnait les
diverses parties, embras-
créatures
sant l'ordre universel des êtres, leurs relations avec le Créateur, et celles des
entre
intelligents,
Ces théories, fondées sur les lois les plus naturelles qui régissent les êtres
dévorés d ambi-
mais si opposées au mouvement qui entraînait alors des esprits inquiets,
tion et d'une soif désordonnée de liberté et d'égalité, étaient
essentielles à établir après de
si longues et si tristes expériences. C'est ici le lieu de les
considérer dans leur ensemble.
égarés par les
Quand M. de Bonald commença à écrire, les esprits étaient profondément
certains points
doctrines du xviii' siècle. Composer avec ces doctrines, les admettre sur
avoir le droit de les rejeter sur d'autres, était impossible: tout y était mauvais. Ce
pour de la vérité.
n'était que par leur négation absolue qu'on pouvait rentrer dans les voiesqu'ils avaient
d'adorer ce
Saint Remy disait à nos pères de brûler ce qu'ils adoraient, et
philosophisme, et il était
brûlé. Nous aussi nous avions nos idoles à brûler, les idoles du
d'opposer culte insensé qu'on leur rendait les leçons de la raison, de la religion
pressant au
l'histoire, cette lumière des temps, ce témoin fidèle de la vérité, comme dit dcéron.
et de
Bonald nie d'abord le soi-disant état de nature, qui n'était pour le philosophe de
M. de
le plus naturel à l'homme et la
Genève que l'état sauvage, et montre que l'état social est
plus conforme à sa destinée.
l'origine basse et terrestre que Jurieu et Rousseau donnaient au pouvoir, et en
Il nie
Quand des esprits malins
recherche la véritable source dans le sein même de la Divinité.
rusés, disait-il, persuadent au peuple qu'il est souverain, ils lui présentent, commeje ser-
* et
]
le fruit défendu; alors yeux s'ouvrent, non sur les devoirs et sur les douceurs
vent à Eve, ses
Vinfériorité de son état, infériorité nécessaire,
de la vie privée et de la médiocrité, mais sur
de la misère et de
inévitable, et que dans l'orgueil de ses nouvelles lumières, il prend pour
tant
Jil
l'oppression. Il a conservé toute son ignorance, et il a perdu sa simplicité Heureux
n'était que sujet, il se trouve, comme souverain, pauvre et nu.
fini pour lui; et exilé.de l'ordre, comme
Alors tout, bonheur est
Adam du paradis terrestre, il entre dans une longue
carrière de révolutions et de calamités.
social que ces deux sophistes, Jurieu et Rous-
M. de Bonald nie également ce contrat
avaient inventé pour flatter les passions démocratiques de la multitude.
seau Vunité de pouvoir; à la souveraineté du peuple,
<~ la
Aux idées républicaines, il oppose
Dieu; à la déclaration révolutionnaire des droits de l'homme, la déclara-
souveraineté de
plus chrétienne de ses devoirs. L'homme, dit-il, ne peut rien sur l'homme
tion plus juste et
doit rien à l'homme pour Dieu. Toute autre doctrine ne donné ni base
que par Dieu, et ne que
motifs devoirs. Elle détruit la société, en ne faisant du Pouvoirjuun
au pouvoir, ni aux ses devoirs qu'un marché
ZntratrévocaUeà volonté; elle dégrade l'homme, en ne faisant de
Ainsi remontant tout de suïtejusqu'à Dieu, source de tout
entre des intérêts personnels. en
à tout ce qui existe,
ordre, de tout pouvoir, et dont la volonté immuable est la seule règle tels
qu'au moral, il replace le monde social sur des fondements ™mo
tant au physique
Se
La domestique, sa constitution, la subordination de ses membres,
sont pour
M. de Bonald l'image véritable
itable de la constitution de la société publique, qui n'est en défi- s
nitive que la continuation et le développement de la famille. Et comme la société domesti- 5
que est assujettie à des règles immuables dont elle ne pourrait s'écarter sans périr
qu'elle est fondée sur l'unité d'un pouvoir d'origine divine, il pense que la société publi- f
que est aussi invariablement soumise aux mêmes règles, que le pouvoir y est essentielle-
ment divin, essentiellement un, et que ce n'est que dans cette unité que l'ordre et la paix
peuvent s'établir et se conserver. Il pense que tout système de constitution pour la société
politique, qu'on ne, peut pas appliquer à la société domestique,
en en réduisant les propor-
` lions à sa mesure, est faux et contre nature, et que c'est la pierre de touche des constitu- li
tions.
Il veut le pouvoir absolu, «'est-à-dire indépendant des hommes, mais il
ne le confond «
pas avec le pouvoir -arbitraire, indépendant des lois. Tout pouvoir, disait-il, est nécessai-
rement indépendant des sujets qui sont soumis à son action; car s'il était dépendant des
su-
jets, l'ordre des êtres serait renversé: les sujets seraient le pouvoir, et le pouvoir de sujet
Pouvoir et dépendance s'excluent mutuellement.
Ainsi, le pouvoir du père est indépendantdes enfants le
pouvoir du maître est indépendant
des serviteurs; le pouvoir de Dieu'est indépendant des hommes.
Mais le pouvoir s'exerce en vtrtu de certaines lois qui constituent le mode de
tence et déterminent sa nature. Quand le pouvoir est constitué dans son exis-
dance des hommes il est dans ses lois naturelles il est dans
une entière indépen-
sa nature dans la nature de la
société; IL EST DIVIN. Car Dieu est l'auteur de toutes les lois naturelles des Etats.
n ne trouve donc pas que le gouvernement constitutionnel-parlementaire soit dans les
lois naturelles il y voit un renversement de l'ordre qui doit exister dans toute société
bien constituée. Cette forme de gouvernement lui paraît aussi déraisonnable aussi dange-
reuse pour un Etat qu'elle le serait pour la société domestique qui voudrait se constituer
aussi avec trois pouvoirs distincts, celui du père, de la mère et des enfants. La monarchie
lui paraît le gouvernement le plus naturel et le plus parfait, soit
pour la société politique,
soit| pour la société religieuse; oelui auquel toutes les autres formes de gouvernement
tendent à revenir pour y trouver la stabilité et le
repos. Il aimait à citer ce passage de
Tacite Omnem potestatem ad unum conferri pacis interfuit. C'est la tendance irrésistible
de l'invincible nature.
Il ne regarde pas sans doute comme illégitimes toutes
ces diverses formes de gouver-
nement qui existent sur la terre ,il savait que chaque peuple, ainsi que Je dit Bossuet,
doit suivre comme un ordre divin le gouvernement établi dans
son pays parce que Dieu est
un Dieu de paix, et qui veut la tranquillité des choses humaines; mais il croit que les
gouvernements qui s'éloignent de la forme monarchique absolue, la plus conforme, dit
Bossuet, à la volonté de Dieu, selon qu'elle est déclarée
par ses Ecritures sont moins bien
appropriés à la nature humaine, moins à l'abri des révolutions moins
propres à assurer
le bonheur des hommes.
II est persuadé qu'il ne peut
y avoir qu'une seule forme naturelle de gouvernement,
dont le principe général ;et constitutif -se trouve dans la distinction des trois
personnes,
qui, sous divers noms, sont entre elles dans les mêmes
rapports, et réunissent les mêmes
fonctions dans toute société domestique, civile et religieuse. Un jour peut-être, dit-il
on
fera quelque attention d cette doctrine simple et féconde qui classe, sous trois idées les plus
générales, de CAUSE, de moyen et d'EFFET, comme dans trois catégories, tous les êtres et
leurs rapports, et qui, transportées de la métaphysique dans la société domestique,
y
deviennent le père, la mère et l'enfant; dans la société politique, le pouvoir, le ministre
et le sujet, et dans la société religieuse, Dieu, le médiateur et les hommes, sauvés et
éclairés par lui; en sorte que la famille, l'Etat, la religion, présentent, chacun dans l'ordre
de son être, trois personnes, trois opérations ou trois rapports toujours
en harmonie; et
c'est de l'examen de ces rapports que M. de Bonald déduit les lois naturelles de chacune
de ces sociétés.
Caril-n'admet pas que l'organisation sociale soit abandonnée
aux caprices des hommesj
et quand il voit que les espèces animales qui vivent en société ont pour leur conservation
suppose pas que les
'des lois précises qui règlent leurs mouvements et leur instinct il ne
société physique
•êtres intelligents, vraiment destinés plus que tous tes autres, à vivre en
et que le créateur n'ait pas réglé par
et morale soient livrés ad hasard de leurs passions religieuse.
ses lois leur triple société
domestique, politique et
Ce système universel des êtres, exprimé d'une manière si
simple, par les trois termes
de pouvoir, âè ministre et de
de cause, moyen et effet, lesquels se traduisent en ceux
sujets, à l'égard des êtres intelligents, indique leur subordination, leurs rapports, et la
forme'de société qui leur est la plus naturelle.
La nécessité de ces considérations était évidente
dans un temps de désordre où lès
gouvernements ébranlés penchaient vers une dangereuse démocratie, Il fallait montrer,
monarchique était la plus naturelle, et par
et c'était facile dans ce système, que la forme pour la société politique, mais
conséquent la plus parfaite; qu'elle l'était non-seulement
aussi pour la société religieuse, à cause de l'identité de leurs principes constitutifs; car,
le pouvoir, c'est l'Etre-Supréme
dans cette société, il y a aussi trois personnes distinctes
sont l'universalité du genre humain
Seigneur souverain de toutes les créatures les sujets été donnée { Matth. xxviu, 18 )
le ministre est le divin Médiateur à qui toute puissance a
sur la terre un vicaire
devant qui tout genou doit fléchir (Philipp.n. 10), et qui a laissé
visible pour le représenter.
Le raisonnement seul justifie ainsi, aux yeux de ceux
,,“<
qui ne veulent pas de I autorité
constitution monarchique, si
de la foi l'existence de la société religieuse et de sa
lumières de la raison qu'il essaie de
odieusement attaquée. C'est encore à l'aide des seules'
unissent la
rechercher dans la nature de l'homme et de la société, et dans les rapports qui
créature au Créateur, les motifs du sacrifice, de, ce grand acte de toute société, et particu-
lièrement de la société religieuse, observé dans tous les temps et chez tous les
peuples.
Il le définit 'Le don de soi fait au pouvoir par ;leministre, au nom et dans l'intérêt
des
une
sujets. C'est l'offrande de Y homme et de la propriété ,qa\ se retrouve, d'après lui, sous
forme ou sous une autre, même dans la famille et dans l'Etat mais surtout dans la religion,
don de soi
où, sans parler du grand sacrifice des Chrétiens,, il y a un autre sacrifice ou ministres
continuel, dans le renoncement aux douceurs de la vie domestique imposésouffrances aux
les des
de la religion; dans les austérités des cénobites, dans les travaux et
missionnaires: idée du sacrifice si profondément gravée dans l'esprit de l'homme, les
si
jusqu'à étouffer
impérieuse que, chez les malheureux subjugués par t'erreur, elle va
exemple, à
sentiments naturels, et jusqu'à pousser une mère, comme les Chinois, par
ne permit Jamaëque ses
vérifier ses enfants à YEsprit du fleuve. Mais la Vraie' religion
arrêta le bras d'Abraham prêt
autels fussent souillés du sang des victimes humaines elle
fils. ces idées générales sur le sacrifice,' il arrive par degré à ce qu il
à immoler son De
la religion
va de plus auguste et de plus mystérieux dans politiques
chrétienne.
Sous la plume de M. de Bonald, ces théories et religieuses ont été fécondes
conséquences utiles, en aperçus ingénieux, en développements inattendus et dignes
en l'expérience confirme
d'être sérieusement médités. L'histoire vient toujours à leur appui
les principes qu'il pose; il montre les peuples se formant et se
fortifiant, ou s'affaiblis-
sant et tombant en ruines suivant que leur constitution politique
est plus ou moins con-
s'éloignent de ce type
forme aux lois naturelles de la société, et qu'ils se rapprochent ou
fondamental et éternel de tout ce qui est bon, c'est-à-dire delà religion.
pays qu'il
Admirateur de l'ancienne constitution du royaume de France, c'est dans notre
croit reconnaître la constitution la plus naturelle de
la société publique. La France d au-
trefois lui parait presque le type de la perfection, et de ld,
disait-il, venait' sa préémi-
jusqu'au moment où des systèmes insensés et de grands esprits
nence dans tous les genres
faux, comme les appelle Bossuet l'en ont fait descendre.. ministère social, le plus
C'est dans l'ancienne constitution française qu'il trouve le
service de l'Etat et
naturellement organisé dans l'ordre de la noblesse, dévoué au
dans l'Etat une noblesse,
n'ayant cependant aucune attribution politique. Car il veut
ministre du pouvoir, iir, mais n'admet pas une aristocratie, pouvoir elle-même.
elle-môme. Aussi M.
Jules Simon n'est-il .il exact qu'à demi, quand il dit: En homme pratique, M. de de Bonald
fait fi de cette noblesse toute de décoration qui cherche une vaine importance dans
un
titre nu, et qui n'a point de part à l'autorité. Ennemi des aristocraties, M. de Bonald
n'accorde à la noblesse aucune part à l'autorité, mais lui impose le devoir de servir
l'Etat. Et c'est précisément ce qu'il remarquait dans notre ancienne forme de gouver-
nement.
La noblesse, dit-il, n'est ni l'ancienneté de la race, ni la richesse, ni les titres ou les
décorations; elle est le dévouement héréditaire au service de l'Etat, dans les deux profes-
sions défensives de la société, la justice et les armes. Elle est le ministre du pouvoir en
qui réside, comme dans sa source, le droit de rendre la justice et de disposer de la
force publique.
Il ne voit au contraire dans l'aristocratie que le gouvernement du pays par les
grands, comme, dans la démocratie, le gouvernement du pays par le peuple. Ce sont
deux modes de société qui ont également pour principe la souveraineté du peuple,
du peuple des salons, ou du peuple des rues, et si les formes sont différentes, le
principe est le même.
Si de la philosophie politique, nous passons à la philosophie pure, à la philosophie
proprement dite, nous remarquerons que M. de Bonald n'a pas essayé de ces systè-
mes qui embrassent une foule de questions insolubles à l'esprit humain il rejetait
tout ce qui n'était pas de pratique, tout ce qui ne s'appliquait pas à l'utilité de l'hotn-
me et de la société. Sur toutes les questions épineuses que la scolastique agite, il
ne demandait pas la raison plus de lumière qu'elle n'en possède, et la foi était
toujours l'asile ou il aimait à se refugier. 11 ne se rangeait sous la bannière d'au-
cun philosophe; et n'ayant aucune pensée de produire un système de philosophie,
mais seulement d'étayer ses systèmes politiques, il se bornait à discuter quelques
points isolés de la philosophie de l'école ceux-là seulement qui se rattaéhaient à
ses théories d'organisation sociale et devaient leur servir de base.
Aussi, la définition de la. philosophie de l'école ne lui suffit pas. La philosophie
de l'école, la philosophie proprement dite, ne considère que l'homme isolé. On la
définit la connaissance de Dieu et de soi-même par les seules lumières de la raison.
C'est ainsi qu'on l'a entendu dans tous les temps. M. de Bonald fait entrer
un élé-
ment de plus dans cette définition elle est pour lui la science de Dieu, -de l'homme
et de la société, considérée toujours par la seule raison. Sa philosophie
se distingue
donc de toute autre en ce qu'elle ne considère jamais l'homme que dans
ses rapports avec
ses semblables et vivant en société; elle est toute morale et sociale; il en fait des applica-
tions continuelles aux gouvernements et aux divers Etats de société qui peuvent exister
sur la terre.
Mais pour fonder une science quelconque, il faut nécessairement,
ou un premier
principe d'évidence naturelle, ou un fait incontestable, généralement admis, qu'on
ne
puisse révoquer en doute, et qui serve de point de départ M. de Bonald choisit comme
fait primitif le don du langage fait au premier homme. Ce fait lui parut réunir toutes
les conditions requises pour asseoir son édifice philosophique.
Il s'attacha donc à prouver que le langage ne pouvait être d'invention humaine, et
de là résultaient deux conséquences: la vérité de l'existence de Dieu, auteur du lan-
gage, et la nécessité de la société humaine pour le conserver et le transmettre à cha-
que individu, sans quoi les hommes n'auraient pu ni exprimer leurs pensées, ni les
connaître, ni jamais se réunir.
Il déduit de cette théorie de justes conséquences, mais qu'il
ne faut pas juger à
travers les exagérations qu'y ont mêlées plus tard des esprits extrêmes.
Pour arriver à démontrer que l'homme ne peut inventer le langage, il traite d'abord
la question des idées et montre ta la nécessité de leur union avec la parole aui qui nous
nôu les
OEUVRES nftMM
OKïTVÏlRK COMPL. rit?
DE M.
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BONALD,
T I.
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manifeste c'est la -partie ta plus remarquable de cette théorie. Les philosophes
pl s'é-
taient assez inutilement fatigués à considérer les idées en elles-mêmes, sans s'embar-
rasser
-1 du
_"1. moyen qui nous en donne11 la perception. Ils divisaient ce qui semble essen-
tiellement uni, du moins dans l'état actuel de l'homme. M. de Bonald établit que la
parole est absolument nécessaire, toujours dans notre condition actuelle, pour penser
aux objets qui ne peuvent se présenter à nous sous des images qu'elle est le moyen
de cette manifestation, et il la compare à un rayon de lumière dans un lieu obscur,
éclairant tous les corps qu'il renferme, et nous découvrant leur forme, leur couleur,
et les rapports qu'ils ont entre eux et avec nous-mêmes. Notre entendement, dit-il, est
le lieu obscur où nous n'apercevons aucune idée, pas même celle de notre propre intélli-
gence, jusqtià ce que la parole humaine, dont on peut dire qu'elle éclaire tout homme
venant en ce monde, pénétrant jusqu'à notre esprit par le sens de l'ouïe, comme le rayon
du soleil dans le lieu obscur, porte la lumière au sein des ténèbres, donne à chaque idée,
pour ainsi dire, la forme et la couleur qui la rend perceptible pour lès yeux de l'esprit.
Alors chaque idée, appelée par son nom, se présente, et répond, comme les étoiles dans
Job Me voilà l
M. de Bonald pense qu'on peut trouver là un moyen d'accommodement e.ntre, les parti-
sans des idées innées et ceux qui ne veulent que des idées acquises par les sens, ou des
sensations transformées. L'idée est innée, son expression est acquise. Ainsi, dit-il, quoi-
que nos idées ne soient pas innées dans le sens que l'école ancienne l'a peut-être entendu, il
n'est pas moins vrai que la loi de Dieu, et généralement toutes les vérités morales, sont, comme
dit saint Paul, écrites dans le cœur de l'homme: « Opus legis scriptum in cordibus nostris, »
où elle» attendent que la parole transmise à chaquehomme par la société suivant les lois géné-
rales du Créateur, vienne les rendre visibles d l'esprit.
En réalité, M. de Bonald ne diffère pas de l'école ancienne sur les idées innées, puis-
que la seule différence est dans le moyen qu'il jugeait nécessaire à leur manifestation, et
dont l'école ancienne ne s'était pas occupée.
De cette théorie résulte cette conséquence, que l'invention du langage,. invention la plus
profonde, la plus- étendue, la plus féconde et qui suppose une infinité d'idées accessoires,
ne peut- avoir été faite par l'homme. Comment en effet des muets auraient-ils pu se con-
certer pour une si belle œuvre comment àuraient-ils pu s'entendre sur l'expression de
leurs idées, lorsqu'ils n'auraient connu encore aucune des idées dont ils auraient ea à
chercher l'expression?L'homme n'a donc pu inventer le langage; il l'a donc reçu d'un être
intelligent et supérieur à lui, c'est-à-dire de Dieu même.
De ce don primitif du langage, M. de Bonald déduit encore comme une conséquence
naturelle une transmission ou révélation première faite à la société, des lois qui doivent en
assurer la durée, et de cette législation primitive, expression de la volonté divine. De sorte,
dit-il, que toutes les vérités générales, fondamentales, sociales, sont en dépôt dans la société
et nous sont données par la société. M.d«Bortafd démontre donc par-là la nécessité de l'état
social et l'impossibilité d'un pacte qui aurait créé la société.
Mais M. de Bonald est loin-denier l'existence en nous de la toi naturelle, et à ceux qui
voudraient faire sortirde sa doctrine cette fausse conséquence, il serait en droit de répon-
dre, qu'en raisonnant dans le système où les idées ne sont perceptibles que par leur ex-
pression, c'est-à-dire par le langage, si ce langage nous est donné par la société dans
laquelle nous naissons, il est vrai de dire, en un sens, que l'homme tient tout de la société,
puisque ce langage non-seulement nous fait connaître les vérités existantes par tradition
dans la société, mais nous manifeste aussi les vérités qui sont en nous et que le doigt de
Dieu y a gravées, opus legis scriptum in cordibus nostris. (Rom. u, 15.) Il adopte pleine-
ment ces expressions de saint Paul, dans un passage que nous venons de citer, et recon-
naît formellement qu'il y a dans notre esprit, quelque chose d'antérieur à l'enseignement,
des pensées qui attendent des paroles pour se joindre à elles, des idées que les mots ré-
veillent, montrent à l'esprit et ne créent pas; des vérités morales qui sont écrites dans le
cœur, où elles attendent que les paroles viennent les rendre visibles à l'esprit.
NOTICE BIOGRAPHIQUE.
XXJ)J
Seulement dans ce système,
?téme, l'homme ne pouvant rien connaître de qui est
ce en lui sans
sans
le concours de la société, i, ne
U% pouvant user Sans elle
USer éâtlS P.Ùa de
dfi sa propre
nrrtnPA inf*slli»ort^a
intelligence, n~
ne .vn».r.n>
pouvant
atteindre ces vérités écrites ert lui, mais invisibles à ses yeux, on est forcé d'admettre
l'existence de la société comme fait primitif et antérieurement à km! pacte social. Ainsi
tombent infailliblement les doctrines de Rousseau;
On comprend maintenant quelle liaison étroite existe chez M. de Bonald
entre la philo-
sophie et les théories sociales, et corïinïefit fa Êhitosôpbïe n'est autre chose
base êè ses systèmes pofiliquôs, le premier anneau d'une chaîné pour lui que la
que la parfaite cohésion
de toutes ses parties rend très-difficile a briser'.
Au mois de juin 1830, M.Ûè Bo&âld, l'aura pleine des plus sottbrês préâsenliai&nts,
mais
sarïs Connaître aiwan des projet du gouvernement, sur lesquels il n'avait point été
suite, éMit parti de Parte pour aller1 présider le collège électoral de con-
département, et
s'était rendu ensuite dans sa terré dû Mô*ma. C'est là qu'il apprit son la révolution. Cette
catastrophe {'affligea profondément, mais ne le surprit pèrê. Qui l'avait plus souvent pré-
dite que lui? Profondément attaché aux Bourbons, dont le retour lui avait cause
une si
grande joie? il- les vit, avec, une profonde- douleur* partir pouf leur troisième exil.
Il n'hésita pas un instant sur la conduite à tenir. Sans faiblessé; mais s-ans ostentation
et sans se draper dans son dévouement il descendit volontairement et avec eàlme de
la haute position que lui avait conquise son mérite. Il dédaigna mêftïa dé l'apprendre
publie et d'en faire part au nouveau gouvernement. Il eut, du reste, d'aiïtént moins de au
regret qiï© l'institution d'une pairie héréditaire était opposée à toutes ses idées
A parti-P de ce Momèot» M. de Bonald s'établïl, pour ne plus la quitter, dans
sa terre du
Monnâ.M y vécut ses dix dernières artnéës, entouré deâafamile, adressant
encore à divers
journaux des articles où l'on retrouvait souvent Urte sève* une énergie que l'âgé n'avait
pas
épuisées, suivant avec lin vif intérêt tous les événements, tous les débats, toutes les iutles
politiques de ce temps si agité, -et ft'fiêsïïaat- pas à blâmer^ chez ses amis politiques,
l'aveugle tactique qui, «Ouvrant le trône debouë, en haine deeëlui qui était assis, décon-
y
sidérait la royauté dans ï'èSprit dé là nation1.
C'est dans cette retraite qu'il mourut d'une attaque d'asthme suffoquant, ie 23 novembre
1810, âgé de ê6 ans. (<J).
M. de Bonald ne se mêla à aucune intrigue; ne sollicîta aucun suffrage. Le crédit qu'il
eut quelquefois, il né l'employa que pour rendre service. Simple dans Ses habitudes, sé-
rieux dans Ses gôûis, exact à toutes les1 pratiques de religion, on peut dire que la vraie
philosophie avait pénétré jusqu'à son cœur, et y avait établi cette paix qui est le plus
grand de tous les biens. Il aimait la libefté et le calffie de la campagne les Occupations
de l'agriculture qu'il aima toujours et qui remplirent les loisirs de sa vieillesse, lui fai-
saient oublier volontiers la politique et la philosophie. Urie exploitation agricole le char-
mait C'est, disait-il', une véritable famille dont le chef, propriétaire ou fermier, est le père. H
s'occupe des mêmes travaux que seit strviteurs, se *« nourrit
nuwnn du uui tnémepain, souvent àa la
e, souvent
même pain, et ta même
(a) deBonalJ
t n.\ M. Ha n laissé
T^Annl.l a laics^ quatre
rnmfiv» enfants
Anfïtnfe < 1°
Henri de Bonald, connu par quelques brochures et
M.
4o M r,™<i*t^ï» d'autres
avoir
en
encore
*>ï~–j't
^'n,i*«nn aujourd'hui que ses deux
existant et ses trois
1 fils
1..
petits-fils. MM. Au-
<
Je nombreux articles politiques, mort sans enfants guste et René de Bonald sont deux frères, appar-
en 1848 2° M. Victor de Bonald, recteur de l'a- itenant à une famille de Rodez, qui n'a de commun
cadémie de Montpellier sous l'empire et à la fin de <que le nom avec celle de Millau. Encore
la Restauration, qui a trois fils; 3- le cardinal de s'écrivait-il ce nom ne
s pas de même autrefois. la plupart des
Bonald, archevêque de Lyon 4" madame de anciensi titres portant pour cette famille Bonat et
Serres, morte en 1856 au Vigan laissant neuf non i Bonald. M. René de Bonald était conseiller de
enfants. préfecture
1 et non du conseil général de l'Aveyron,
Le Dictionnaire de la conversation et de la lecture où
c il n'y a eu de ce nom que le vicomte de Bonald
a reproduit, sur la famille de Bonald (art. Bo- €et son petit-fils qui en fait partie aujourd'hui il fut
nald), l'erreur de M. dé Courcelles, dans son grand sous-préfet
s et non préfet son frère, M. Auguste de
ouvrage généalogique (t. VI, Pairs de France), qni I
Bonald, fut payeur du département de l'Aveyron, et
donne au vicomte de Bonald un frère, M. Auguste sson fils exerça après lui les mêmes fonctions, fut
de Bonald, et cinq enfants, e1 désigne cïimitte son ensuite
e receveur général à Mende et est aujour-
second fils M, René de Bonald, conseiller du conseil d'hui
d en la même qualité à Niort. Ce sont deux fa-
général du département de l'Aveyron, nommé par in- milles
n appartenant au même département, mais
térimpréfet de ce département en 1817 et 1818. ccomplètement ,distinctes, malgré la confusion éta-
M. de Bonald n'a jamais eu de frères et n'avait ljblie par la complaisante
erreur de M. de Cour-
aucun parent de son nom, de sorte qu'il ne peut y celles.
c
table Cette
table. exploitation nourrit tous ceux qu'elle a fait naître. Elle a des occupations pour
Cette exploitation pi
tous les dges et pour tous les sexes; et les vieillards, qui,ne peuvent se livrer à des travaux
pénibles, finissent leur carrière comme ils l'ont commencée, et gardent autour de la maison
les enfants et les troupeaux.
Quelle différence, disait-il, entre cette vie de l'homme des champs et-celle de l'indus-
triel occupé tout le long du jour à tourner une manivelleTout développe l'intelligence de
l'agriculteur, et élève sa pensée vers celui qui donne la fécondité à la terre, dispense les sai-
voit pas
sons, fait mûrir les fruits; tout tend à rabaisser l'intelligence de l'industriel, qui ne
à laquelle il est
au delà du maître qui l'emploie, ou tout au plus de l'inventeur de la machine
-attaché. L'un attend tout de Dieu, et l'autre ne reçoit que de.l'homme.
Malebranche méditait les fenêtres fermées; M. de Bonald, au contraire, aimait à méditer
que sonesprit méditatif pre-
au grand air. La promenade était son exercicefavori. C'est là
nait de nouvelles forces, et préparait, mieux que dans le silence. du cabinet, les matériaux
qu'il devait mettre en œuvre. Souvent, dit M. le comte de Marcellus dans un écrit consacré é
.à la mémoire de son illustre ami, souvent
dans ces moments de rêverie où on le voyait se
promener seul dans lesjardins de la capitale, il travaillait à traduire avec concision,
exacti-
tude et élégance, quelque phrase énergique de Tacite ou de Cicéron, ses deux auteurs favoris,
ou quelques vers sentencieux d'un poète latin. Rien, me disait-il, ne forme le style commeun
4el exercice souvent pratiqué.
Ce qu'écrivait M. de Bonald était bien plus le fruit de ses méditations que de ses études.
11 ne se consumait pas dans de pénibles recherches historiques ou philosophiques. Il ne
s'enfonçait pas dans la poussière des bibliothèques. L'immense quantitéde livres, disait-il,
fait qu'on ne lit plus; et dans la société des morts comme dans celle des vivants, les liaisons
trop étendues ne laissent plus aux amitiés lé temps de se former. II remarquait que si du siè-
cle de Louis XIV on remonte à celui d'Horace et de Virgile, et des temps d'Auguste à ceux
d'Homère, on trouve toujours moins desecours pour produire et-de plus grands effets pro-
duits ;,moins de livres à consulter et plus de ce génie qui ,enfante par sa propre fécondité
image du Créateur qui, pour produire toutes choses, n'a besoin que de lui-même. Il dédaignait
société. ••_
.toutes les questions de philosophie autour desquelles on languissait autrefois sans utilité;
elles ne lui semblaient plus appropriées aux progrès des esprits et à l'état de la
On voit par ses ouvrages quelle était son admiration pour Bossuet, ce génie rare qui ne
s'égare point dans d'inutiles questions et ne respire que pour la religion. Il retrouvait dans
sacrée sa propre politique. 11 disait,
sa philosophie ses propres idées, et dans sa Politique
au sujet de l'assemblée de 1682, que ce grand évêque aurait
voulu empêcher, et dont les
décisions, désapprouvées par le Saint-Siège, devinrent plus tardl'objet des regrets du clergé
et de Louis XIV lui-même: Quand Bossuet voulut poser dans les quatre articles les limites
gui, en France, séparaient les deux pouvoirs spirituel et temporel, il manquait, j'ose le dire
avec le respect dû à ce grand homme, il manquait à ses vastes connaissances, ce que
les plus
vastes connaissances neremplacent pas: l'expérience la plus hardie en projet, la plus habile
en exécution, la plus désastreuse en résultat, qui ait
jamais été faite par un peuple chrétien.
Si Bossuet eût pu prévoir celle révolution dont le profond révolutionnaire Miraheau donne
« l'argument
dans ce peu de mots qu'il fallait décalhodiciser la France pour la démonarchiser,
.je ne crains pas de dire que ses idées sur le pouvoir social, c'est-à-dire sur l'accord du pouvoir
universel du chef de l'Eglise catholique, avec le pouvoir local du chef d'un Etat particulier.
auraient pris une direction moins locale et moins tranchante.
Par une suite naturelle de ses idées sur la perfection à laquelle le christianisme tend à
élever l'homme et la société, M. de Bonald se faisait une théorie littéraire dépendante de
ses idées sociales. Tout s'enchaînait dans ses pensées et se rapportait à un même prin-
cipe. Buffon avait dit que le style est l'expression de l'homme; M. de [Bonald ajouta que la
littérature est l'expression de la société, c'est-à-dire que la littérature, considérée d'une
manière générale, dépendait de l'état social qu'elle était plus ou moins parfaite selon que
la société était arrivée à un âge plus ou .moins avancé, et que sa constitution po-
litique et religieuse était plus ou moins conforme aux rapports naturels des hommes
entreeux.
Il faisait remarquer que, dans l'enfance des peuples comme dans celle de l'homme,
l'imagination est plutôt éveillée que la raison, et qu'ainsi la littérature devait être alors
pauvre d'idées et riche d'images; mais qu'à mesure qu'un peuple avançait dans les voies
de la civilisation, le langage de la raison se faisait mieux sentir, et qu'on trouvait enfin
chez les peuples chrétiens la perfection du style, c'est-à-dire un style fort d'idées et sobre
d'images, parce que la société chez ces peuples était parvenue à cet âge de virilité où la
raison prend.le pas sur l'imagination. La religion, qui tend à perfectionner l'homme et la
société, était pour lui la cause première et cachée des différences qu'on aperçoit dans le
style des divers peuples et des diverses écoles de littérature.
Aussij.d'après ces principes, il ne voyait de véritable éloquence. politique qu'au sein des.
sociétés chrétiennes. Ainsi, dans la poésie, il mettait au premier rang des chefs-d'œuvre
de l'esprit humain la Jérusalem délivrée, parce qu'elle chante le triomphe de la chrétienté
dans sa-lutte contre l'erreur armée de toute la puissance des infidèles: sujet grand, majes-
tueux, et d'un intérêt général. Il trouvait que/dans ce poëme, tout était élevé dans les mo-
tifs, noble dans les moyens, juste et vrai dans les idées. Ce qui distingue, disait-il, le génie
du Tasse, et fait de son poëme le tableau le plus par fait de ce que doit être la société chrétienne,
c'est le caractère à la fois religieux et politique de ses guerriers; mélange de douceur, de
ce
force, de foi, de courage, de grandeur et de soumission qui constituent l'homme publie,
tt dont le christianisme seul a connu le secret.
flexibilité de son esprit et la fécondité de son imaginationétaient remarquables. Il
La
traitait avec une égale facilité des sujets de politique, de métaphysique et de littérature, et
quelque vulgaires et rebattus qu'ils fussent, ils prenaient sous sa plume une physionomje
nouvelle.
Il avait cette heureuse et rare faculté de traduire le plus souvent sa pensée en un mot
concis, énergique, spirituel ou profond. Aussi est-il, au dire de M. Sainte-Beuve, un des
écrivains dont il y aurait le plus de grandes ou spirituelles pensées à extraire; on-en ferait un
petit livre qu'on pourrait intituler « Esprit, » ou même « (îénie de M. de Bonald, » et qui se-
rait très-su'bstantiel et très-original. Peu d'écrivains en. effet ont fourni à la littérature autant
de ces mots qui deviennent comme la monnaie courante de l'esprit humain, et que l'on cite
tout en ignorant la source où on les .a puisés. Nous avons cité déjà cette pensée qui
fait loi, d'après M. Sainte-Beuve, la littérature est l'expression de la société. Com-
ment ne pas citer aussi sa célèbre définition L'homme est une intelligence servie j>a®
des organes?
-Accueillie au commencement de ce siècle avec enthousiasme, elle a subi dans ces der-
niers temps des critiques qui nous engagent à nous y arrêter un instant. Il se peut qu'elle
ne soit pas assez rigoureuse, et ne marque pas avec assez de précision l'union substantielle
des deux natures, mais elle ne l'exclut pas et ne peut pas être taxée d'erreur, comme on
a essayé de le faire. « Une définition ne peut pas tout dire: c'est un discours abrégé et res-
treint aux points les plus sa.illants de l'objet défini c'est un texte qui a besoin de dévelop-
pement. Il fallait surtout indiquer ici la distinction des natures et leurs fonctions diverses.
Saint Augustin définit l'homme Anima rationalis, mortali atque lerreno utens corpore;
Bossuet dit aussi qu'on peut le définir: Une âme raisonnable se servant d'un corps. Ces
définitions incomplètes ne sont pas taxées d'erreur; elles n'excluent rien de ce qui est
essentiel à l'homme, et se prêtent à tous les développements nécessaires, comme Bossuet
le fait voir (1). »
Si la définition est incomplète, disons au moins, avec M. Jules Simon, que c'est un mot
heureux ajoutons très-heureux, et si M. Simon s'était placé au moment où elle a paru, il
ne s'étonnerait pas de l'accueil qu'on lui fit. Ce mot a eu le succès qu'aura toujours l'ex-
pression vive, saisissante, énergique d'une vérité essentielle à la société ettrop longtemps
(t) Défense des principes philosophiques de M. de Bonald, par M. Y. de Bonald, son fils, contre de ré-
centes critiques.
méconnue. Le matérialismedébordait
matérialisme débordait enenFrance. doctrines sensualistes qui avaient fait
France le,s dp.çtrines
la révolution régnaient encore dans l'école, mais déjà leur joug pesait. Le moment de le
seconer é(ait venu. Le mot de M. de BonaJdfut uaépjajp qui jaillit daus les ténèbres et qui,
mettant en lumière le ç.Oté élevé de la nature humaine, indiqua la voie où il fallait mar-
cher. « L'impression fut vive et durable» et dès ce moment on n'osa plus citer la définition
grossière, à la fois absurde et coupable de Saint-Lambert (1) ,v
Des esprit extrêmes vinrent ensuite; ils voulurent y voir plus peut-être que l'auteur
n'avait voulij y mettre ils en Grent une défînitian complète, rigoureuse et un homme
éminent qui devait l'attaquer dans ces derniers temps, çommo radicalement f(ms$ef écrivait
alors « Pour parler d'une façon plus, exacte et en- même temps plus honorable
pour t'homme, la définition qui lui convient le mieux est celle-ci: l'homme est une
intelligence servie par des arganes. Elle, n'attribue rien à l'homme, qui ne lui appartienne,
elle. le distingue de tout ce qui n'est pas lui 5 elle le rapge dans la classe, des êtres intelli-
gents, où il doit être?elle le définit par tout ce. qui l'élève et l'ennobUt 5 elle; est donc
vraie J'ose, affirmer que cette définition, bien développée» équivaudrait à un traité
complet de physiologie. »
En dépit de toutes ces attaquai qu'elles viennent de droite ou de gauche, des philoso-
phes chrétjens au des rationalistes» Je, mût de M. de Boriald restera toutes les fois qu')n
voudra parler de l'homme, sous son aspect le plus général, le plus élevé, sous le rappjrt
de ses fonctions les plus nobles, cette définition sufBra à l'écrivain, à l'orateur, au mora-
liste, au philosophe lui-même; et il sera toujours vrai de dire « qu'avec une définition
plus ngo,ure,use- çt dans les termes mê. we» de l'école., on n'eût pas obtenu le même suceès
contrôle. Biaté.ria,li&me, et on n'eût pas dôtfônê Saint-Lambert (2;). »
On, a reprochéè M, de Bonald d'être trop tib.so.lik dans ses principes; mais on ne fat ja-
ttais plus indulgent pour les personnes et plus calme dans ses jugements, « Au physique, w
disait-il» « la force employée avec adresse vient à bout de tout; au moral, des principes
inflexibles et un caractère liant prennent sur les hommes un grand ascendanj. Ce sont
ceux dont il estdit Heureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre. { Matth.
v, 4. } »|l a eu da violents et implacables ennemis de ses principes; il n'en a. jamais eu
de sa personne. Il a eu des amis même parmi ceux qui ne partageaient pas ses principes
politiques. Le général Foy et lui avaient l'un pour t'autre une bienveillance réciproque ?
et quoique siégeant dans des rangs bien opposés, M. de Bonald rendait toute justice à l'élé-
vation de l'esprit et à la noblesse de sentiments de son collègue,qui, à son tour, professait
pour lui la plus haute estime. Il en a inspiré à tous ses adversaires, à oeux qui l'ont com-
battu pendant sa vie, aussi bien qu'à ceux qui repoussent encore aujourd'hui ses principes. Le
Jownal des Débats, organe de ses plus ardents adversairessous la Restauration, ne s'exprime
pas autrement à cet égard que M. Jules Simon le jugeant au nom du rationalisme dans la
Revue des DeuxrMondes. « A toutes les grâces de l'esprit le plus fia et le plus délicat, M. de
Bonald unissait, «dit le Journal des Débats,» le cceur le plus ouvert, le caractère le plusloyal et
le plus chevaleresque (3).»– « Tout le monde, » dit M. Jules Simon, est unanime pour Jouer
cette vie pure et désintéressée, et c'est quelque chose de glorieux que celt& unanimité des
partis en faveur d'un homme qui neleurajamais fait aucune concession (4).»-
Devant ces témoignage?, nous n'aurions donc. rien à ajouter sur le caractèrede notre
écrivain, si dans ces derniers temps un critique distingué, qui a su d'ailleurs, pour juger
M. de Bonald, se placer au-dessus des préventions vulgaires, n'eût émis cette assertion
•
étrange « En plus d'u» cas, M. de Bonald fut un instrument du pouvoir, sincère, mais
non désintéressé. »
Pendant sa vie, M. de Bonald a gardé le silence devant des accusations, de ce genre pro-
duites paç d'ignobles pa.eaphlétai?e,s. Ses admirateurs agiraient de naêtne, mais lorsque
(1) Défense des principes philosophiques de M. de Bonald,
par M. V. de Bonald, son fils, contre de ré-
centes critiques,
(2) Idem.
(3) tournai des Débats, 2 et 3 janvier 1841.
(6) Revue des Deux-Mondes, 1841.
des écrivains d'une aussi haute valeur se laissent tromper par ces accusations au- point de-
leurdonner l'autorité de leur parole» leur devoir est de les repousser.
M. de Bonald fut un instrument du pouvoir; comme tout homme mêlé aux aff aires publi-
ques, comme tout homme qui prend une part quelconque, grande ou petite, au gouverne-
ment de la société. Là question est de savoir s'il fut un instrument du pouvoir contre ou
suivant ses convictions s'il fut un instrumentdu pouvoir en vue dé ses intérêts ou en vue
de ses principes?
Sur ces questions, on pourrait en appeler au même critique, qui avoue que M. de
Bonald n'a pas cédé une ligne de terrain; qu'il ci eu jusqu'au bout l'intrépidité de sa
croyance et n'a jamais fléchi. Mais M. Jules Simon sera encore plus précis, M. Jules Simon,
qui pense que M. de Bonald, si l'on excepte la part honorable qu'il a prise au retour et au
triomphe des idées spiritualistes, n'a guère fait que du mal. « Ou ne trouve pas dans cette
longue carrière, dit-il, une action qui ne soit conforme à ses principes, pas une ligne qui
les démente. Il pouvait relire en 1810 sa Théorie publiée 46 ans auparavant sous la
république, sans regretter une seule de ses opinions. Il figura cependant en 1815 dans le
dictionnaire des Girouettes, et jamais accusation né fut plus contraire à la vérité. M. de
Bonald ne s'est jamais 1 éhdu, il n'a jamais été le complaisant de personne, pas même de
ses amis politiques;» car, » dit un peu plus loin le même écrivain, «honnête avant tout, et
plutôt homme de système qu'homme de parti, il se mOntfait sévère Même pour ses
amis. »
Ainsi, au pouvoir ou hors du pouvoir,dans l'oppositionou sur les bancs ministériels, M. de
Bonald n'a suivi que ses convictions. Une pareille constance dans ses opinions, Une pareille
indépendance de caractère ne sont-elles pas la preuve incontestable du désintéressement
le plus profond? n'en sont-elles pas le résultat? Quoi 1 voilà un homme dont la vie pu-
blique, commencée en 1785, s'est terminée en 1830, et qui dans ce long espace de près
d'un demi-siècle a mérité qu'un ennemi de ses doctrines politiques, philosophiques et re-
ligieuses écrivît de lui qu'on ne trouve pas une action qui ne soit conforme à ses principes,
et on pourrait douter de son désintéressement c'est impossible.
Au surplus, qu'on ouvre sa vie. Président de l'administration de son département, il
donne sa démission dès qu'un acte du pouvoir menace de porter atteinte à ses croyances
Revenu pauvre de l'émigration, il refuse plusieurs occasions de faire sa fortune sous l'em-
pire. Le gouvernement lui offre la rédaction du Journal de l'Empire avec d'énormes ap-
pointements qui lui seront assurés non-seulement pouf le présent, mais pour toujours:
il n'accepte pas. L'empereur le fait presser de réimprimer sa Théorie du pouvoir, proposant
d'en faire lui-même les frais il y renonce plutôt que de supprimer une phrase, suppres-
sion qui eût passé inaperçue, dans un livre inconnu du public, et que le régime sous le-
quel était alors la presse, eût d'ailleurs snfiisamment expliquée. Le roi de Hollande veut
le nommer gouverneur de son fils il ne se rend pas à ses désirs. Un personnage éminent
lui laisse entrevoir qu'on pourrait peut-être un jour songer à lui pour l'éducation de l'hé-
ritier du trône impérial, et sa réponse est une énergique protestation contre le titre donné
au jeune prince Je lui apprendrais à régner partout, excepté à Rome: Trouverait-on
dans les honneurs que lui a accordés la Restauration et qui n'étaient certes pas au-dessus
de son mérite, la preuve de peu de désintéressement? mais les a-t-il obtenus par quelque
capitulation ? il ne les a pas même demandés. La trouverait-on dans l'acceptation de la
présidence de la commission de censure? mais ces fonctions furent gratuites, nul ne l'ignore
aujourd'hui et y a-t-il une plus grande marque d'un désintéressement profond, d'un
ferme caractère, que d'accepter gratuitement des fonctions pénibles, au bout desquelles
se trouvaient l'impopularité et un déchaînement d'opinion d'une violence inouïe, mais par-
faitement prévu? Pair de France nommé par Louis -XVJII, il pouvait, après 1830, conser-
ver sa pairie et sa dotation; bien d'autres le firent et on ne les accusa pas de manque de
désintéressement. M. de Bonald, qui n'avait pas de fortune personnelle, ne l'a pas fait.
Que reste-t-il donc pour étayer l'assertion que nous venons de réfuter? quelques phra-
ses des mémoires fort connus d'un calomniateur anonyme, autorité que n'accepte sûre-
ment pas l'honorable écrivain trompé sans doute par des réminiscences des déplorables
luttes de la Restauration. Mais la vérité se dégage des erreurs qu'elles ont accréditées
autour de certains noms, et nous en avons assez dit pour montrer que, quand M. de
Bonald servit le pouvoir, il le fit avec l'indépendance d'un esprit élevé, et le discerne-
ment d'une conscience honnête et éclairée.
Aussi M. de Lamartine a-t-il placé très-haut le caractère de M. de Bonald, la plus noble
el la pluspure figure que l'ancien régimepût présenter au nouveau (1).
Nous terminerons cette notice par quelques traits du portrait qu'en a tracé cet écri-
vain •
« Gentilhomme de province, chrétien de foi, patriote de cœur, royaliste de dogme, bour-
honniste d'honneur et de fidélité, il avait revendiqué sa part de proscription et d'indigence
pendant l'émigration, il avait erré de villes en villes, à l'étranger, avec ses enfants nourris
de son travail. Ii avait étudié l'histoire, les moeurs, les religions, les révolutions des peuples
dans leurs catastrophes mêmes et sur place. Comme Archimède ilavait écrit et calculé au mi-
lieu de l'assaut des hommes et de l'incendie européen. Sa religion était sincère et soumise
comme â un ordre reçu d'en haut et non discuté. Il empruntait toute sa philosophie aux Livres
saints. il remontait toujours d'échelon en échelon jusqu'à l'oracle primitif, Dieu.Comme
dans toutes les fois sincères et désintéressées, il n'y av^it en lui ni excès ni violence.
JJ était indulgent et doux, comme les hommes qui
se croient possesseurs certains et in-
faillibles de leur vérité. Son caractère avait la modération du possible. Il aurait été le
ministre très-sage d'une restauration patiente prudente et mesurée. Il possédait la sa-
gesse de ses opinions. Il était trop élevé et trop serein pour être orateur parlementaire,
ou orateur populaire. Il ne parlait pas, il pensait à la tribune. Mais ses livres et ses opi-
nions écrites faisaient dogme dans le parti monarchique et religieux. Son style simple,
réfléchi, coulant sans écume et sans secousse (3), était l'image de son esprit. On y sentait
l'honnêteté et la candeur de l'intelligence; on s'y attachait comme à un doux et intime en-
tretien on en prenait l'habitude, et même en résistant aux convictions, on suivait en-
traîné par le charme de la bonne foi dans l'erreur, et du naturel dans la vérité. Sa conver-
sation surtout était attachante.. C'était la confidence de l'homme de bien. M. de Bonald
n'était pas seulement pour la France d'alors un grand publiciste, c'était un pontife de la
religion et de la monarchie (2). »
(1) Hist. de la Restauration, t. II, p. 408.
(2) M. Nettement, comparant entre eux les écrivains de notre siècle, a dit La prose de M. de Bonald
est celle qui. se trouve dans les rapports les plus intimes avec la prose des grands écrivains du xvne siècle.
Chose remarquable la parenté des styles suit ordinairement la parenté des esprits. »' (Ui&t. de la littéra-
ture française sous la Restauration, t. II.)
(5) Ibid. p. 408, 409, 410.
ÉLOGE DE M. DE BONALD
Messieurs, nabit
na de mousquetaire. Mais quand le corps
S'il n'est pas un écrivain dont le cœur n'ait auquel
au il appartenait fut supprimé, quand
palpité au seul nom de l'Académie fran- les
Je: événements le contraignirent à reposer
çaise; si le plus orgueilleux s'étonne de se l't
l'uniforme, et que, rentré au foyer paternel,
sentir modeste en entrant dans cette en- nommé
ne bien jeuneencore, maire de sa ville
ceinte, où le passé s'unit au présent pour natale,
na il se vit appelé à de nouveaux de-
décourager toutes les vanités si les re- voirs,
vo le mousquetaire n'eut point de trans-
gards les plus fermes se baissent éblouis formation morale à subir; car sa précoce
fo
devant ce lumineux foyer où rayonnent tant raison,
ra la sévérité de ses principes, t'avaient
de gloires que ne dois-je pas éprouver, fait distinguer parmi ses brillants camara-
fa
moi qui viens occuper, sans la remplir, la de et une étude constante avait fécondé
des,"
place d'un des plus illustres membres de les germes précieux qui, déposés dans un
lei
cette illustre compagnie; moi qui dois pro- esprit
es grave et méditatif, devaient plus tard
noncer son éloge au lieu même où j'avais produire
pr de si nobles fruits. Aussi le voyons-
espéré recevoir ses leçons? Croyez-le bien, nous,
ne dès son début dans la carrière admi-
Messieurs, nul n'a mieux compris que moi ni
nistrative, dominer par la confiance qu'il
combien devait peser à ma faiblesse cette inspire, par l'austère énergie de sa parole,
in
tâche que vos suffrages m'ont imposée 1.
Et je l'ai désirée pourtant 1 C'est qu'il m'était
pz la fermeté de son caractère, lescircons-
par
tances difficiles qui commencent à naître;
ta
doux de songer qu'en obtenant l'honneur de et, non moins heureux que ne le fut son
et
payer à M. le vicomte de Bonald un nouveau aïeul Pierre de Bonald pendant tes troubles
aï
tribut d'admiration je pourrais acquitter dE religion qui éclatèrent sous le règne de
de
publiquement une dette de reconnaissance. Louis XIII, écarter longtemps les orages
L<
Car l'homme éminent auquel je succède de la ville dont les suffrages l'ont choisi,
de
avait honoré ma jeunesse de son bienveil- prévenir
pr des luttes cruelles entre les ha-
lant intérêt sa bonté avait souri à mes pre- bitants
foii que leur culte sépare, et retarder
miers travaux, et j'ai vu s'écouler onze an- l'effusion
l'E du sang qui bientôt inondera la
nées depuis l'époque où son vote daigna France.
Fi
m'appeler à siéger auprès de lui dans cette Je ne veux point, Messieurs, ramener
Académie. J'étais loin de penser, quand ce sous
so vos regards le sombre tableau de ces
glorieux témoignage de son estime embel- temps funestes que la terreur a flétris de
te
lissait pour moi la défaite, que le regret de son nom, et vous me suivrezdans cette ville
so
sa perte viendrait un jour attrister ma vie- d'
d'Allemagne où nous retrouvons M. de Bo-
toire. nald,
n: exilé et proscrit, appliquant ses soins
Ce regret, que vous avez tous ressenti, à l'éducation de deux de ses fils, qu'il avait
Messieurs, il faut aujourd'hui que je le associés
as à son exil, et demandantquelques
réveille, en vous racontant cette noble vie, consolations
cc à des travaux qui ne tarderont
en vousparlant de ces austères travaux, élo- pt à lui donner la gloire,
pas
quents monuments élevés sur les confins de Le licenciement de l'armée de Condé ve-
deux sociétés. Il ne m'est point donné, je le nait
m de faire rentrer dans le fourreau l'épée
sais, d'apprécier dignement ces hauts en- dt gentilhomme le philosophe s'arma de
du
seignements du publiciste, ces profondes la plume 1 C'est à ces longs jours de mal-
méditationsdu philosophe; mais je les rap- heur
hl et d'isolement que nous devons le
pellerai du moins à votre pensée vos sou- premier
pr ouvrage de l'illustre écrivain. Les
venirs suppléeront à l'insuffisance de ma yeux attachés de loin sur la France, il a vu
ye
parole; et peut-être me prêterez-vous une to les liens relâchés ou rompus; les cons-
tous
oreille indulgente,commeonécoute encore, titutions
til dévorant les constitutions; les
apportés par l'écho, si faible qu'il soit, les vainqueurs
va de la veille devenus les pros-
derniers sons d'une voix amie qu'on a cessé cr du lendemain tous les droits mécon-
crits
d'entendre. ni tous les devoirs oubliés ;et l'anarchie
nus,
Issu d'une des plus anciennes familles du marchant
m sur des cadavres à l'accomplisse- ·
Rouergue, qui avait donné des magistrats ment m de son oeuvre de destruction 1 Il n'a
renommés au parlement de Toulouse, M. de pas pa cessé de l'aimer, cette patrie qui n'a plus
Bonald fut, comme son père et son oncle, pc pour lui qu'un échafaud Maissebornera-
destinée la professiondes armes; et l'homme t-il
dont la pensée devait sonder si profonde- Il
t-i à lui donner de stériles regrets ?.
Non 1
II pense que, dans un temps de dissolution,
ment tous les mystères de la politique et de le premier devoir qu'on ait à remplir envers
la philosophie, entra dans le monde sous un sonso pays, c'est de l'aider à se reconstruire,
et, appelant à son secours la force qu'il a Jâtrie
lâ( d'elle-même 1 On vit se renouveler les
puisée dans de profondes études et de fruc- principales
pr: vicissitudes philosophiques du
tueuses méditations, il compose la Théorie passé.
pa Alors l'Inde, la Grèce, Alexandrie re-
du pouvoir politique et religieux. > naquirent
na avec leurs systèmes; on avait
Certes, Messieurs, en traitant un pareil abusé del'aulorité; on abusa, plus qu'on ne
ab
sujet à une pareille époque, un homme mé- l'avait jamais fait, du raisonnement.
l'a
diocre se serait jeté dans des personnalités: Descartes du moins avait agi par l'esprit,
l'homme qui souffre se croit si facilement et il avait ainsi laissée l'homme les moyens
le droit de se plaindre !Loin de là. de remonter dans les hautes sphères reli-
gieuses. Au dix-huitième siècle, on ne you-
M. de Bonald ne songe qu'à poser des prin- giE
cipes. Depuis plus d'un demi-siècle, la so- lui procéder que des sens. La France était
lut
ciété se balançait sur un océan de doutes et devenuedisciple
de de Locke 1 Et sur cette pente
de tempêtes l'écrivain n'aura point de re- rapide
raj on descendit si bas, si bas, qu'on
lâche qu'il ne l'ait affermie sur des bases iné-en vint au point de demander si l'homme
branlables 1 Depuis un demi-siècle, la vie n'a n'était
n'é pas une machine ou une plante.
été qu'un long paroxysme d'orgueil poli- C'est après cette tourmente philosophique
tique; M. de Bonald cherche à ranimer partout qu parut M. de Bonald,
que
lé cultedes grands souvenirs qui ont le plus Lfl
1 dix-huitième siècle avait tronqué
honoréPhumanitéIAinsi,quand]ap!upartde 1 hhomme en retranchant de sa synthèse la
ses contemporains s'efforcent de renouer la partie
Fiai divine. M. de Bonald le complète en
chaîne deCondillac et des encyclopédistes,il la lui rendant avec cette logique vigou-
a, lui, des idées plus élevées, des résolutions reuse
rei qui enfante d'indestructibles convic-
plus viriles: ce qu'il veut, c'estconstituer la tions.
tio Les gouvernements, qui s'étaient pré-
cil~ les uns sur les autres depuis l'as-
société civile en constituant la société reli- cipités
gieuse et politique c'est vers ce but qu'il semblée
sei constituante, avaient surtout agi
dirige toute la vigueur de son intelligence, au nom d'eux-mêmes, au nom de la per-
toute la puissance de sa spéculation, toute la sonnalité humaine il n'en est plus ainsi
noblesse de son âme 1 M. de Bonald n'ignore av<
soi
avec M. de Bonald 1. D'après lui, on ne peut
de la société sans parler de l'homme,
pas combien il y a de faussetés accréditées traiter
tra
dans sa patrie; il n'ignore pas ce qu'il y a ni parler de l'homme sans remonter à Dieu.
de dangereux pour un écrivain à contredire Di< Dieu et l'homme, voilà les deux grandeurs
ceux qui ont usurpé le monopole de la qu'il qu lie invariablement Dieu comme l'ar-
faveur populaire mais M. de Bonald est de chétype
chi de toute puissance, de toute per.
ces hommes qui préfèrent le bien public à la fection;
fec l'homme comme ne devant relever
qu de Dieu seul. Déjà, vous le voyez, Mes-
vanité individuelle. Il parle donc à son pays que
avec la candeur du génie qui fait ses pre- sieurs,
sie nous avons quitté les landes stériles
mières armes dans le rude métier de penseur. où s'étaient égarés la majorité des philoso-
Avant de vous entraîner avec moi dans phes ph du dix-huitième siècle; nous sommes
da les voies où nous apparaissent les plus
les profondeurs de cet immense travail, l'un dans
des plus imposants peut-être que notre siè- grandes
gn célébrités philosophiques nous ne
de ait produits, me sera-t-il permis dejeter soisommes plus ni avec Locke, ni avecl'atmos- les en-
un rapide coup d'œil en arrièreî cyclopédistes
cyi nous respirons dans
Le moyen âge avait trop tendu le principe phère
ph intellectuelle de Platon. Il y a déjà un
de l'autorité l.Qu'arriva-t-il,Messieurs?. ob: abîme entre le sensualisme et M. de Bonald:
Dès la renaissance, quand on ressuscita mais nu ce n'est point assez! M. de Bonald
toute la spéculation grecque, il y eut un s'est s'e mis en dehors de l'arbitraire humain
vaste frémissement parmi les populations pour po ne subir qu'une autorité éternelle;
européennes elles aussi voulurent penser; l'enfant
l'e: des montagnes du Rouergue a
elles aussi voulurent faire acted'indépen- puisé
pu peut-être au lieu natal cette fierté qui
dance 1 Mais la réaction fut excessive comme empêche.
en: l'homme de s'agenouilter devant
la cause qui l'avait amenée. Un philosophe d'autres
d'e hommes; il ne sera satisfait que
italien avait détaché la morale de la religion; lorsqu'il
lot aura extrait de son principe toutes
Machiavel en avait détaché la politique; les les conséquences qu'il juge indispensables
Luther avait brisé le dogme catholique à'I résurrectionde notre dignité morale.
à'Ia
Descartes avait sécularisé la philosophie. Les limites qui me sont imposées, Mes-
Dès lors on s'élança de toutes parts à I'a,>- sieurs,
su non moins que mon insuffisance,
saut des vériiés et des erreurs: un siècle m'interdisent
m' de suivre pas à pas cettear-
suffit pour troubler toutes les notions qu'on gumentation
gu puissante où nous trouvons M.
avait eu tant de peine à répandre à travers de Bonald et Jean-JacquesRousseau combat-
tai un moment côte à côte. Et d'ailleurs,
les tumultes de la féodalité; un siècle suffit tant
pour renverser te. sanctuaire où s'était est-il es besoinqueje vous les rappelle, ces ad-
conservée la parole d'ordre, la paroi» de sa- mirables
mi pages dans lesquelles votre glo-
lut universel. En vain Louis XIV et Bossuet rieux
ri* confrère dépasse de si loin parl'origina-
lit de ses aperçus, par la profonde péné-
luttèrent de puissance et de gériieipour réé- lité
difier les tabernacles qu'on venait de démo- tration
Ira de son intelligence. les publici-stes
Jir en vain Bossuet, plus roi que le grand qui qu l'oat précédé ? Je m'adresse sans crainte
à
roi, monta sur le Sinaï, armé de ses plus à ttous ceux qu: ont lu etmédité ces pagess
urûlantes inspirations, pour empêcher l'in- éloquentes,
él< et je leur dis M. de Bonald ne
telligence humaine de s'abandonner à l'ido- ressemble-t-il
re pas trait pour trait à ces beaux
ELOGE DE M. DE BONALD PAR M. ANCELOT. xxxi
génies de l'antiquité quiui écrivaient sur les ne pensant d'ailleurs ni à lui ni aux siens,
lois ou sur la chose publique ?.. sa parole n'ayant
n'a d'autre culte que celui de la vérité.
n'est-elle pas ici un magnifique retentisse- La postérité, Messieurs, ne doit-elle'pas son
ment, un retentissement tout nouveau néan- respect
res à l'homme qui se présente devant elle
moins, des plus larges inspirations de avec de pareils titres?pour louer une sembla-
ave
l'homme qui réunit sur sa tête la triple ble vie, ne suffit-il pas de la raconter?.
gloire du consulat, de l'art oratoire et de la Mais
S M. de Bonald avait annoncé qu'on ne
philosophie romaine?. pouvait
poi parler de l'homme sans remonter à
Cependant il ne suffit pas à M, de Bonald Dieu. ïl consacrera donc la seconde partie
Die
d'avoir établi des principes qui forment un de la Théorie du pouvoir à constituer la so-
de
étrange contraste avec la faiblesse native et ciété
cié religieuse. Cette force de tête, qu'il a
la caducité précoce des pouvoirs qui venaient développée d'abord, le soutiendra, s'étendra
déi
de terrifier la France. Il crée, il fait jaillir même dans ce second travail ici M. de Bo-
mê
de sa vaste tête une monarchie dont llexis- nal accomplira des prodiges de raisonne-
nald
tence rappelle, dans le domaine de l'esprit, me et de sagacité; il prouvera qu'il n'est
ment
ces monumentsélernels que les sièclesetles pas de problème si dilicile qu'il n'ait pé-
hommes ne peuvent ni dissoudre, ni renver- nétré,
né! analysé, lorsqu'il s'agit de réunir tous
ser. Pour l'auteur de la Théorie du pouvoir, les membres de l'humanité comme dans une
le monarque, c'est la volonté générale incar- sec et même famine, dans une seule et
seule
née 1 Il est le lien d'amour entre les hom- mé
même foi, dans une seule et même satisfac-
mes il est à ceux-ci ce que le centre est à tioi sociale. Ici, l'homme politique se fond
tion
tous les points de la circonférence; il est le dans l'homme religieux, et celui-ci dans
dar
pouvoir général OU social conservateur, qui, l'homme
l'hi politique, de telle facon qu'ils
pour faire exécuter les lois, expression de deviennent
dei inséparables l'un de l'autre. Ici,
la volonté générale conservatrice, agit par M. de Bonald prolonge sa vue infiniment
la force générale. Pour M. de Bonald, la au delà de toutes les bornes où s'était arrêtée
monarchie n'est pas un fait, un fait discu- l'intelligence
l'icr des auteurs profanes. Ici, nous
table comme un autre elle est une loi, un retrouvons
reli un esprit qui rappelle involontai-
rapport de la nature sociale à Dieu 1 Elle. rement
ren la verve d'un saint Thomas, d'un
est l'idéal de la force et; de la dignité^ de saint Augustin, et de tous ces nobles enfants
sai
l'amour et de la protection. de l'Occident qui défendirent le mieux, la
On peut croire sans peine qu'un homme plume
pluti à la main, les plus grandes et les plus
tel que M. de Bonald avait assez d'imagi- belles traditions de l'histoire.
bel
nation pour s'exciter au bruit qui sortait de I philosophie du dix-huitième siècle
La
l'éco e de Mably et de quelques ouvrages n'a
n'avait cherché la glorification de la race
connus dans l'effervescence révolutionnaire; humaine que dans les seules faeultés de sa
hui
mais M. de Bonald a profondément étudié nature;
nat M. de Bonald ne la trouve et ne
les sociétés c'est-à-dire qu'il dédaigne des l'accepte
Tac que par le christianisme et dans le
triomphes trop faciles. Il aimera mieux res- christianisme. La philosophie du dix -hui-
chr
ter dévoué à l'expérience de toute l'histoire tième
tièi siècle avait conclu à la jouissance;
qu'a la fièvre politique d'une époque; il pré- M. de Bonald conclut au sacrifice. Le dix-
férera l'indépendence de sa pensée à la |i- huitième siècle et M. de Bonald sont
hui
vrée d'un parti. Et qu'on n'invoque point dei guerriers1 qui se suivent, se me-
deux
contce M. de Bonald ni son passé aristocra- surent,
sur se heurtent sans cesse dans les
tique, ni son éducation, pour expliquer ses questions les plus capitales. Mais est-ce le
qui
opinions et ses écrits 1 M. de Bonald ne siè, qui terrasse l'homme ? est-ce l'homme
siècle
relève que deses études,de ses méditations, qui terrasse le siècle?. Regardez autour
dc sa probitéd'esprit et decceur. Un homme de vous, Messieurs, et voyez ce qui reste
de sa taille ne s'incline devant personne, il de la lutte engagée entre ces deux redouta-
reste debout lui-même. bieschampions
ble 1 Dans le dix-huitième siècle,
Tant qu'il y aura des hommes, Messieurs, on n'avait eu d'autre objet que de donner
il y aura des mécontents. Nous portons tous au sensualisme la prédominance absolue
en nous-mêmes l'amour de l'infini, le sen- sur le spiritualisme or voilà que les plus
timent de l'infini il est et il sera donc tou- illustres
illu représentants de la philosophie se
jours impossible d'assouvir nos exigences. sot tous déclarés contre les doctrines que
sont
Tous les gouvernements, quels qu'ils soient, combattait M. de Bonald 1 Dans le dix-hui-
cor
auront des adversaires et des ennemis: car tième siècle, on n'avait travaillé en politique
tièi
en matière de gouvernement comme partout, que sur la souveraineté du peuple: or voilà
que
ailleurs ici-bas, nous ne saurions jamais at-» que de toutes parts se lèvent et s'unissent
qu<
teindre à la réalisation de notre idéal; le les résistances pour opposer une digue aux
les
génie ne peut donc avoir d'autre objet et envahissements
en\ de ce dogme renouvelé de
d'autre but que de satisfaire le moins im- Buchanan et de Jurieu Dans le dix-huitième
Bu<
parfaitement qu'il soit possible nos espé- siècle,
siè< on niait radicalement le christianis-
rances et nos désirs. C'est là ce qu'a tenté mee on le niait avec la rage frénétique et
me
M. de Bonald 1 11 avoulu affranchir J'homme l'ironie sanglante d'un Chubb, d'un Wools-
Fin
de l'homme il a voulu affermir sa cons- ton et d'un Bolingbroke or voilà qu'aujour-
tan
cience sur des principes; il a voulu donner d'b la conscience lassée des générations
d'hui
à la société un pouvoir fort, en favorisant n'a plus d'autre refuge que le christianisme
toutes les libertés qui ne sont pas ïa licence, sous peine de s'éteindre, de mourir déses-
sou
pérée dans le néant Qui donc a vaincu, Mes- sa féconde pensée contient le germe de tons
sieurs, nous le répétons?. Est-ce le siècle le! principes qu'il a développés plus tard,
les
qui a terrassé l'homme? est-ce l'homme qui qu'il a constamment défendus c'est qu'on
qu
a terrassé le siècle? ne saurait trop ie recommander à l'atten-
ne
Toutefois, Messieurs, la Théorie du pou- tion des esprits sérieux, ce vaste travail que
tic
voir n'eût pas été complète, si l'auteur n'a- le directoire livrait aux ignominies du pilon,
vait offert un moyen de l'appliquer. M. de pendant
pe que le général Bonapartele lisait en
Bonald appelle donc au secours de sa pensée le méditant. Ge double fait ne nous révèle-
l'éducation sociale, sujet formidable par son t-il pas l'avenir prochain de deux puissan-
t-i
importance, et qui malheureusement ne ce qui vont bientôt se heurter? Le direc-
ces
s'est jamais présenté qu'en sous-œuvre à la toire s'irrite et tremble devant ces hautes
toi
majorité des gouvernements.C'est sur l'édu- leçons;
le^ le général Bonaparte les comprend
cation religieuse qu'il concentre toutes les et les étudie.
prédilections de ses recherches; il a vu tout Nous voici parvenus, Messieurs, à ces
ce qu'il y a de faux et de puéril à ne parler jours
joi où M. de Bonald, que ses étudessévères,
que de philosophie grecque et latine à des non moins que l'espoir d'être utile à son
no
générations nées chrétiennes et pour être pays
pa malheureux, avaient armé contre les
chrétiennes; il impose donc le christianisme peines
pe cuisantes de l'exil, céda au be-
afin que le travail de la civilisation soit con- so de respirer l'air de la patrie. 11 avait
soin
séquent avec son principe. Il a vu tout ce quitté
qu l'All'emagne pour s'arrêter un mo-
qu'il y a de déplorable pour l'esprit public ment
m< en Suisse, et bientôt, à travers mille
dans la multiplicité, dans la confusion des dangers,
da voyageant à pied et durant la nuit,
systèmes;, il appelle dans l'éducation so- ca-i alors c'étaient la gloire et la vertu qui se
car
ciale l'uniformité, l'universalité la per- cachaient,
cal le noble proscrit atteignit la ville
péluité. de Lyon avec ses deux fils. Dans cette cité,
Ce que M. de Bonald a toujours redouté, que le fléau des discordes civiles avait livrée
qu
le plus, c'est de voir lesgouvernements mar- naguère
na à toutes tes horreurs de la dévas-
cher au hasard, sans se,proposer aucun point tation,
tal M. de Bonald se dérobe quelque
fixe; aussi, de même que Platon était pour- temps
te aux rigueurs de la loi qui le menace;
suivi sans cesse par son idée du beau et du la prudence lui commande enfin de s'en
bien, M. de Bonald est sans cesse tourmenté éloigner, et prêt à partir pour Paris, où les
élf
par un impérieux besoin de vérité absolue: périls
pé sont moins grands, parce que les
yoilà le secret des luttes opiniâtres de son moyens de s'y soustraire sont plus nom-
m<
infatigable dialectique. Là où1 il n'y a que br
breux, il se décide à laisser dans une pen-
des vérités relatives, et parconséquent mobi- sion
si< de Lyon son plus jeune fils, Maurice de
les et incertaines, que rencontrons-nous, en Bonald.
Bc
effet, Messieurs ? négation de toute autorité, Oh! garde-le bien, ville hospitalière, cet
provocation à un étemel désordre 1 enfant
en pour qui son père demande un re-
Oserons-nous le dire? ce qui fait que tout fu à tes murailles en ruines 1 Quarante
fuge
vacille aujourd'hui, littérature, arts, scien- années
an passeront: un autre fléau amoncel-
ces, politique et philosophie, c'est que nulle lera d'autres ruines dans tes muraillesI
lei
part ne s'élève ni croyance ni vérité absolue. Garde-le bien aujourd'hui, cet enfant 1. car
Gj
Et l'on s'étonne que le monde social soit à l'heure de tes nouveaux désastres, le digne
agité 1. Comment un édifice sans base ne pasteur qui épanchera sur tes souffrances
pa
chancellerait-il pas? comment croire à une to les trésors de sa charité évangélique,
tous
harmonie durable là où commandent seules le saint prélat qui pansera tes blessures,
des passions du moment?. Et pourtant, qc séchera tes larmes, qui consolera tes
qui
Messieurs, rit, désespérons pointlLa foi n'est infortunes,
in il se nommera Maurice de Bo-
pas éteinte dans tous les cœurs; les idées nald!
na 1
d'ordre et de stabilité ne sont pas absentes Quand des jours moins sombres commen-
de tous les esprits. L'impulsion salutaire est cèrent à luire pour la France, M. de Bonald,
ce
donnée, et le jour n'est pas loin peut-être dont le nom avait été rayé de la liste des
de
où nos regards pourront se tourner vers l'ho- proscrits
pr par le premier consul, fut rendu
rizon, sans redouter d'v voir poindre un aux 'douceurs de la vie de famille, et il se
au
orage. N'avons-nous-pas pour garantie de retira
re dans sa petite terre du Monna, faible
l'avenir cette royale sagesse qui préside à débris d'un patrimoine que les confiscations
dé
nos destinées et qui a grandi dans les tem- avaient
a\ dévoré. Déjà il avait écrit son Essai
pêtes du passé? analytique,
an la Législation primitive, ainsi que
Je m'arrête, Messieurs car, entraîné par so Traité sur le divorce; s'unissant à des
son
mon désir d'excuser, du moins, si je ne hommes qui, comme lui, dévouaient leurs
h(
peux lesjustirier, les suffrages qui m'ontap- ef
efforts à la reconstruction de la société, il
pelé à m'asseoir à cette place, avant moi si ceconsacra ses loisirs à la composition de
.glorieusement occupée, je n'ai peut-être pas nombreux
ne articles dont il enrichit le Mer-
assez consulté mes forces. Je me suis étendu cure
eu et le Journal des Débats.
longuement, trop longuement sans doute, Deux fois l'auteur de la Theorie du pou-
sur le premier ouvrage dn célèbreauleurde voir
vo fut appelé à une haute mission par
la Législation primitive; mais c'est qu'il est deux de ces récentes monarchies que la
d(
le moins connu de tous ceux que M. de Bo- gloire militaire avait enfantées. On désira
gl
nald publiés; c'est.que ce premier fruit de confier
c( à ses lumières l'éducation de l'héri-
tier du grand empire; et le roi de Hollande, (on en rencontrait, Messieurs, à l'époque
Louis Bonaparte, le supplia par une lettre où M. de Bonald écrivait) ont accusé d'ob-
aussi noble que touchante, d'accepter la di- scurité l'auteur de la Législation primitive;
rection morale de son fils aîné. M, de Bo- ils n'ont pas craint d'attacher à son nom
nald refusa! Subissant le fait, mais défen- J'épithète d'inintelligible. Certes, i! est plus
seur infatigable du droit, l'illustre écrivain aisé de formuler ainsi une condamnation
ne croyait point à l'avenir de ces "dynasties; qne de lire pour s'éclairer et d'étudier
il ne croyait point à la stabilité de ces trô- pour comprendre. Sans doute les ouvrages
nes. Peu d'années après, ces trônes s'écrou- de M. de Bonald ne sont pas aussi facilement
lèrent, ces dynasties disparurent. appréciés que peuvent l'être des écrits
Avec la Restauration commence la car- frivoles; mais ils sont clairs pour qui veut
rière politique et législative de M. de Bo- prendre la peine de méditer et de réflé-
nald et il serait superflu de rappeler ici chir. Il est peu d'hommes qui aient obtenu
quelle trace éclatante y laissa chacun de ses plus souvent que lui le bonheurdevoir leurs
pas. Les échos des deux chambres n'ont définitions devenir des axiomes philosophé
point oublié ses mâles accents; vous n'avez ques et littéraires. Dans une ou deux cir-
point oublié, Messieurs, qu'il n'y eut pas constances peut-être l'inflexibilité de sa
alors une discussion importante que sa pa- pensée le livra-t-elle à quelques illusions.
role n'ait illuminée; pas une grave délibéra- Parfois, peut-être, il excéda lui-même ses
tion où ne se soient révélées son influence forces, notamment dans sa dissertation sur
et cette autorité que donnent toujours le ta- l'o:igine du langage. Peut-être, enfin, lui re-
lent et le patriotisme, quand ils se joignent procha-t-on avec quelque raison de presser
à la probité politique et individuelle. trop les mots, de les tordre, pour ainsi dire,
Célèbre par ses écrits, célèbre par son élo- afin d'en faire jaillir un principe. Mais qu'im-
quence, M. de Bonald avait sa place marquée portent ces légères taches là où brille tant de
dans cette Académie. Il eût manqué à cette lumière? Que M. de Bonald pèse les lois
savante compagnie, le profond philosophe, naturelles de l'ordre social ou du pouvoir;
le publiciste éclairé dont l'Europe admirait qu'il recherche les premiers objets des con-
les ouvrages, et qui s'étonna pourtant de sa naissance morales qu'il lance du haut de sa
nouvelle dignité. Il ne comprenait pas pour- science et de sa méditation son verdict con-
quoi on lui avait conféré ce titre, et l'homme tre le divorce qu'il publie ces pensées qui
degénie disait qu'il n'avait pas assez d'esprit eurent et qui méritèrent un si grand reten-
pour être académicien. tissement, partout où il marche, que de vivi-
Après quinze années de rudes travaux et fiants conseils 1 que de profondes réflexions 1
de luttesglorieuses, M. de Bonald vit encore quelle expérience de l'homme, quelle saga- 1MI
s'accomplir une révolution plus d'une fois cité prophétique!
annoncée par sa prévoyance. Celui qui avait Le style de M. de Bonald, constamment
écrit qu'il n'y a rien de pis que les mesures pur et correct, toujours fort, énergique et
fortes prises par les hommes faibles, ne pou- concis, souvent remarquable par la chaleur
vait pas se tromper sur l'iss,ue du combat. et l'élévation, appartient à la grande école
Résigné aux décrets de la Providence, qui du dix-septième siècle. Nourri de la lecture
voulut signaler par la chute d'un trône les des admirables modèles qu'il a parfois éga-
deux extrémités de sa carrière, mais fidèle lés, l'austère écrivain avait gémi à la nais-
à ses doctrines comme à ses affections, il sance d'une littérature qui mettait sa gloire
renonça sans regret à tous ses honneurs, à foulersous ses pieds toutes les traditions,
heureux de pouvoir les abdiquer sans re- à mépriser toutes les lois, à renverser tous
mords. Depuis ce temps il ne quitta plus les autels, et qui espérait se grandir en se
son antique manoir, où, jusqu'au dernier dressant sur des débris. Trop équitablo
jour, il écrivit des pages remarquables sur pour ne pas rendre hommage à de jeunes et
les grandes questions religieuses et sociales nobles talents, mais aussi trop clairvoyant
qui avaient fait l'étude de sa vie. pour ne pas déplorer de funestes doctri-
Admiré pour ses talents, honoré pour son nes, il repoussait de toute la force de sa
caractère, noble dans la retraite comme il raison une école ardente à détruire, impuis-
l'avait été dans l'exil; dévouant les années sante à fonder, car il avait lu sur. sa ban-
que Dieu lui laisse à semer autour de lui nière ces deux mots: Désordre et révolte 1
par ses conseils, par ses exemples, par sa M. de Bonald savait que les règles du goût
charité, tout le bien qui était dans son cœur, sont plus- unies qu'on ne pense aux autres
M. de Bonaid nous apparaît peut-être plus éléments conservateurs vous le savez
imposant encore au milieu des simples habi- aussi, Messieurs, et plus d'une fois sans
tudes du montagnardaveyronnais, que sous doute, depuis quinze années, vous avez ré-
le manteau du législateur. C'est qu'il n'y a pété avec une douloureuse amertume cette
pas de plus beau spectacle Messieurs, que phrase que le génie de votre confrère avaitt
celui de ces hautes vertus que les épreuves jetée à la méditation des hommes, et que la
ne sauraient courber C'est qu'il n'est point mémoire des hommes a recueillie
d'orgueilleuse fortune qui ne se doive incli- La littérature est l'expression de la so-
Her devant cette glorieuse indigence. ciété.
Des critiques superficiels ou malveillants
EXTRAIT
DE LA REPONSE DE M. BRIFAUT, DIRECTEUR DE l'ACADÉMlÉ FRANÇAISE AW DISCOURS DE
M. ANCELOT, prononcé DANS LA séance DU 15 juillet léîî.
AVIS DE L'ÉDITEUR.
E
mentétait un besoin pour mon coeur. à ses lois: ou plutôt elle étaitVhomme r
Dans J'auteur de la Législation primitive même lui-
le penseur, l'écrivain, l'homme enfin, tout et ce qui en lui tombe sous les
sens
digne de la sublime mission qu'il avait est n'était que le péristyle du temple.et commHa
den.naut, et qu'il a si bien remplie, de procla- reçue s enveloppe de son immortelle sut)s-
lance..
mer et de défendre les vérités sociales,àà une Avec quelle douce joie,
époque où l'on put craindre de les voir pé- orgueil, avec quel légitime
nr dans un commun naufrage. Mais ici liment < tout ce qui conservais encore le se.
l de la dignitéhumaiuedSÏSl eH te, d
comment dire en quelques mots la nature et cette' parole, dut-il voir se développer la
la portée des travaux de cette vaste intelli- i
t théol'ie qu'elle annonçait 1
et qu'elle résuma
gence? Essayons toutefois de la suivre de S
loin dans les routes jusqu'alors inconnues anti-chrétienne t Tfr6 1 Les maximes de la
phi losophie
qu'elle s'estfrayées avec autant de a venaient de recevoir un-
que de bonheur. courage6 effrayante
e application. Un vaste gémissement
ss était prolongé sur cette terre de France si
'r~
La fausse science, qui, au siècle, longtemps
avait usurpé le beau nom de xvm< 1. Travaillée par le génie du mai et
philosophie, aau moment, où, de lassitude,
(il
..––t.-
venait dè franchir les derniers degrés de bourreaux
i erreur. Lorsque l'homme, formé à son perdre
école, eut nié systématiquementtous les
(1) Mgr C-î ri 11 il aLnn A,, J
114-- xxiratiu, ainrs evéque de Rodez,
OEUVRES COMPL.
Du
DE M.
n i qui fut
DE BONALD. J.
1.
h
ii dans
et ceux
un
pou- *«mvtjt,graMetM~nn,!),.pM,j,~
ss élevait, grave et solennelle,
ensuite nommé à l'arclievéellé
l'arcbe\'êché de
des
lugubre
de Cambrai.
les cris des
victimes venaient se
silence, une voix
pour dire à
V
l'homme qti'on ne l'avait ainsi méprisé que (le
<
l'esprit humain, avec le caractère dccer-
parce qu'on l'avait méconnu; pour lui ren-' titudequi t résuite des faits, avec une évi-
dre, avec les titres de sa grandeur, toutes denéequi
c finira, on peut leprédire, partriom-
ses espérances et les lui demontrer envi- | pher de toutes les résistances.
ronnées de la plus pure et la plus écla- Et voyez, Messieurs, combien \a pensée
chrétienne, lorsqu'elle inspire la science, lui
tante lumière. «
de grandeur! Tandis que, dans un
Ainsi, le dogme consolateur de 1 immor- imprime siècle impie.on avait osé représenlerl'homme
lalilé de nos âmes recevait un hommage
éclatant. Là science elle-même était réhabi- comme <
issu de cette niasse inerte et infor-
liléeî Des doctrines plus élevées allaient suc- me que nous louions aux pieds, et qui, en
céder à la philosophie du néant. C'était le se transformant, après avoir parcouru tous
réveil après les angoisses d'un rêve de mort: les degrés- <J« l'échelle des êtres, parvenue
c'était une ère nouvelle qui comnienc.ait.pour enfin au sommet, avait revêtu la forme hu-
l'humanité. nraine, Vau leur des Recherches philosophiques
Qu'on lise M. de Bonald, et l'on verra awec nous le montre, à' Dieu, l'origine des choses, sor-
admiration se déployer les richesses de sa tant des mains de qui, bien loin d'a-
dialectique puissante, lorsqu'il combat sous bandormer sonauavenir religieux et son exis-
toutes les formes cette erreur fondamentale, tence sociale hasard de ses inventions,
qui pesait sur la société dans un temps otl, le crée dans la perfection et la plénitude de
par la plus étrange inconséquence, après son être. 11 lui donne, avec la parole qui
avoir dit à l'homme qu'il n'était qu'un peu seule peut les lui manifester, ces luis éter-
de boue, on élevait sur cette base la pom- nelles dans leur principe, primitives dans la
peuse théorie de sa dignité et de ses droits, date deileur promulgation, qui doivent être à
la base de ses croyances, la règle de
de son affranchissement et de sa perfectibi- jamais
lité, comme s'il était possible d'asseoir quel- ses devoirs, et lefrontispice auguste du lem-
chose de généreux et de moral sur un pkde lu Législation. Confiées à la grande
que famille par le Père commun, elles seront
symbole d'ignominie! âge avec la parole elle-
Un philosophe s'était rencontré dans 4a transmises d'âge enimpérissable patrimoine,
patrie des Descartes, des Bossuet et des Ma- même comme un fécond de toutes celles qui
lt-branche, qui, répudiant le noble hérita.gei pour être le germe
de leurs doctrines, avait, pour ainsi dire, doivent régir l'homme et la société.
matérialisé l'origine de nos idées..Rien de « L'a société est l'homme en grand. »
plus avilissant, riende plus funeste pour res- dit M. deBonald.Celui qui avait si bien com-
prit humainque ce système, flétri depuissous j-iris'la dignité de l'un a dû voirde bien haut
5
t
le nom de s-ensuaHstne. Par lui la raison avait les lois
constitutives dé l'autre. Aussi, ja-
humaine ne s'était 1
perdu ses ailes et se traînait comme un reptile3 niais peut-être la pensée
j
fangeux; par lui était tarie la source divines Théoriedéployée avec plus de puissance que dans la
du pouvoir et la Législation primi-
de la poésie et de l'éloquence;, par I-ui toutes
les sciences morales étaient frappéés desà tire-, jamais le droit public n'avait rencontré
un plus digne interprète jamais un plus
mort. Le roi delà création était condamné às beau monument ne lui avait été consacré
ne jamais connaître que ce que ses sera
peuvent lui révéler, à ne jamais sortir dee par la main du génie.
i'humble sphère où ils sont eux-mêmes cir- Platon avait à peine effleuré la science.
conscrits. M. de Bonald l'a compris autre- Rousseau l'avait appuyée sur une base rui-
ment il ne croit pas que l'hommeaitappris s lieuse. Montesquieu, peu d'accord avec lui-
à leur école tout ce qu'il sait de Dieu et dee même, et donnant l'esprit de ce qui est plu-
la vertu, de la vérité éternelle et du beauu tôt que la raison de ce qui doit être, s'était
qui en est la splendeur. €e que la raisonu faces. plus d'une fois arrêté à de trompeuses sur-
humaine a de plus pur et de plus élevé,i, Dans le" publiciste du xif siècle, c«
il le fait descendre de plus haut; pour lui,i, sont des vues d'ensemble,
c'est une théorio
complète, où les principessont exposés dai.s
comme pour Platon, la source en est danss tout leur jour, où tout est ramené à quelques
les cieux.
Il y a eu une révélation primitive. C'est ;t notions simples et élevées, ou plutôt à un
Dieu même qui, en donnant à l'homme la la seul principe fondamental. L'unité est son
parole, flambeau de son intelligence, a créé :é dogme politique. Il a vu l'univers obéir à
la une seule volonté toute puissante la société
en quelque sorte pour lui le monde de x religieuse, comme la société domestique,sou-
pensée, comme, en faisant briller à ses yeux
le soleil qui nous éclaire, il lui avait mani- i- mise à un seul chef suprême. Ce type uni-
festé les merveilles du monde visible. Telle le versel de la monarchie, il l'a retrouvé
univers abrégé,
est la théorie de l'origine céleste du langage,e, jusque dans l'homme, cet
que l'homme n'eût pu inventer que par unin selon la pensée des anciens et il se demande
* effort de raison, auquel le langage lui-même, e, pourquoi la loi de l'analogie subirait, dans
qui seul la développe,aurait pu seul la pré- i- l'ordre social, une si étrange exception. Il
parer. Cette haute vérité, que tes plus pro- )- pénètre, avec le flambeau de l'analyse, jus-
fonds penseurs regardent comme désormais is que Jons ses plus 'intimes profondeurs,
acquise à la science, avait été pressentie; ï ses prévisions se changenten certitude et
jusqu'à M. de Bonald, elle n'avait pas été té ildemeureconvaincuquelemonde politique,
démontrée. Sous sa plume, elle se présente te comme celui de Newton, aussi su.n centre,
comme l'une des plus magnifiques conquêtes es vers- leauel il doit sans ce^se converger,
ELOGE DE M. DE BONALD PAU Mgr DE
sous peuré d'errer au hasard hors de l'or-
bite qui lui fut tracée par la sagesse éternelle.•
Et lorsque, descendant des hauteurs de la
spéculation, on entre, sur les pas du publi->
FOULQL1ER.
jetée
jïaIiSa par
n«r i>v>.rn^x_:t i. j.
l'hypocriteambition de quelques-
uns à la crédulité de tous.
On suspend au-dessus des lois,
glaive comme le
de Damoclès, un pouvoir menaçant,
m.x
t e
|
s'est
la pompe de leurs mensonges ne pureni-
ciales,
chF,
Il
venu l'un des heureux miséricordieuse qui «crimes, il en jouissait par -une possession
^f^l
»» l'éblouir un moment. Les vérités so-
elles
que des esprits qui étaient des
par des expériences
servie une Providence paisible et assurée.
voulait sauver le. monde. v •'
De là, je sais quoi de calme et de .),, -n
re-
ait aspiré ne
Quoique M. de Bonald
la gloire d'écrivain, et que
n
la
point
pensée fût t
tout
à
I l|
posé,
vie.
que ses écrits respirent
De là, un langage pur,
comme sa
facile, narmn-
pour une si haute raison,leunslyle de
ticulier devait distinguer
sour profond, de cette
Par le fond ainsi
partenait point à celle
intelligence
que par
école
la
caractère
forme,
moderne
il
par- nieux, dans lequel la beauté noble et digne
ce peu- de
créatrice.
n
née
I giqueë|
1.
il, M, tic Bouald avait été nomme président du dircctoire du département de fAvcyron.
ELOGE DE M. DE BONALD PAR Me' FOliLQlJiER. ïlîu
la triple
imaine, la
chant dans la vie humaine, triple majesté
de la religion, de la vertu et du génie?
majesté la
appris à la révérer et à la bénir. Comme
croyance, elle avait toutes ses convictions;
Lorsqu'après avoir remonté le cours et comme sentiment, elle régnait sur son cœur,
suivi les bords sinueux de la. fourbie, le elle en réglait, elle en inspirait toutes les
Monua apparaissait tout à coup à vos re- affections. Et, on peut le dire, Messieurs, s'il
gards. le cœur vous battait, comme àl'appro- fut pour elle un fils tendre et respectueux,
che d'un sanctuaire. A quelques pas, vous s'il lui consacra son magnifique talent, ce
alliez voirun grand homme, celui de votre ne fut que justice car elle aussi avait élé
prédilection, celui dont l'âme fut toujours une mère pour son illustre défenseur. Elle
haute, la vie sans reproche et la plume comme l'avait nourri du lait le plus pur de ses doc-
l'épée de Bayard, toujours fidèle et glorieuse. trines. Elle avait élevé son âme et agrandi
Il n'avait jamais adoré que son Dieu, servi la sphère de ses conceptions. Nous lui de-
que son roi et sa pairie; défendu et proclamé vons M. de Bonald, et lui-même dut à cette
que les doctrines qui honorent l'humanité céleste bienfaitrice ses vertus et sa gloire.
et qui la protègent et l'auréole d'une double On peut ajouter qu'il lui dut aussi son bon-
immortalité rayonnait déjà sur son front qui heur. Si toutes les vicissitudes de son exis-
fléchissait à peine sous le poids des ans. tence ne purent altérer la sérénité de son
Vous l'abordiez avec un saisissement de âme, s'il se vit entouré du respect et de,
respect et de bonheur. 1-1 vous accueillait l'amour d'une famille bénie, qui retraçait
avec une bonté qui vous charmait sans vous quelque chose de l'ère des patriarches, c'est
surprendre, car elle vous était connue. Vous que sa vie fut toujours aussi chrétienne que
ne vous lassiez point d'admirer dans ce no- ses principes; c'est qu'il laissait à:des en-
ble vieillard, rassasié de jours et couvert fants dignes de lui un trésor plus, précieux
d'une gloire si pure, le dirai-je? une sim- encore que ses immortels écrits, l'héritage
plicité, une candeur d'enfant. On voyait que soigneusement recueilli de ses exemples.
les orages qu'il avait traversés dans sa vie Sur la fin de ses jours, le plus jeune de ses
ne l'avaient point atteint: ils étaient venus fils venait se jeter à ses pieds pour qu'il le..
s.e briser à ses pieds. Sa physionomie, dont bénît encore une fois, au moment où il allait
l'expression était digne et ferme, respirait prendre possession du siège des Pothin et
en même temps quelque chose de calme et des lrénée. L'illustre vieillard pouvait main-
de serein. A ses côtés, on se sentait trans- tenant mourir en paix: il avait donné à. soa;
porté dans une région d'ordre et de paix, pays l'un de ses plus saints Pontifes, qui de-
élevé à une hauteur immense au-dessus de vait porter glorieusement, avec le poids do
tout ce qui enflamme la cupidité et qui agite son nom, celui de la charge pastorale dans la,
la vie de l'homme sur la terre. C'était un première Eglise de l'antique Gaule.
sage, et un sage chrétien, dont les paroles, Je suis heureux, mes enfants, d'avoir re-
dont le silence même, dont la seule présence, tracé, quoique, faiblement, devant vous,
agissaient puissamment sur votre âme. Alors quelques uns des titres de cette gloire im-
même qu'il n'était entouré que d'humbles périssable, de vous avoir présenté, presque-,
di.sciples, il semblait ne voir en eux que à votre. entrée dans la vie, la grande figure de-,
des amis; il souriait avec bienveillance à la celui dont la vie fut elle-même si pure et si,
pensée timide qui osait à peine se produire belle.,
devant lui. Et lorsque, avec un aimable aban- Votre pays, qui voit en lui la plus haute
don, il ouvrait les trésors de sa profonde sa- de ses illustrations, aime sa mémoire, parce
gesse et de son expérience séculaire, cha- qu'en réveillant ses plus beaux souvenirs,
cune de ses parolesétait un trait de lumière, elle encourage ses plus douces espérances.
quelquefois un éclair de génie. Tout annon- S'il s'honore de lui avoir donné le jour, il
çait'une raison supérieure, mûrie par une se félicite surtout de pouvoir offrir à ses nou-
vie de réflexion, et surtout cette passion du veaux enfants un si parfait modèle, et l'éclat
bien, la seule qui eû.t jamais possédé cette qu'il emprunte à un si beau nom lui est
grande â,me.,Après cinquante ans de travaux, moins précieux que les nobles pensées que,
l'infatigable athlète n'avait pas déposé les ce nom lui rappelle.
armes, et de vastes projets l'occupaient en- Un jour, vous aussi, mes enfants, vous^
core, tous inspirés par la double pensée qui aurez, selon la mesure de vos forces, à sou-
fut le mobile de toute sa vie, le triomphe tenir la grande lutte, celle qui a commencé^
de la Religion et le bonheur social. avec le inonde et qui ne doit finir qu'avec
La Religion, Messieurs! elle était tout lui, la lutte de la vérité contre l'erreur, du,,
pour M. de Bonald.Hors d'elle, il ne voyait bien contre le génie du mal. Préparez-vous
ni vérité, ni vertu, ni bonheur. Elle était à à celle haute mission. Les. doctrines philu-t
ses yeux,, pour le monde des intelligences, sophiques et religieuses de l'auteur delà Lé-,
l'air qu'on y respire, le jour bienfaisant qui gislation primitive sont en quelque sorte
l'éclairé, la chaleur vivifiante sans laquelle v. stre patrimoine. Ses leçons, qui retentis^
tout s'engourdit dans la mort. Ce grand es- sent dans toute l'Europe, sont pour voua
prit en avait fait l'objet d'une étude sérieuse^ comme des leçons de famille. Nous avons la
incessante. Il était parvenu, dans ses savan- douce confiance qu'elles ne seront point per-
tes investigations, aux dernières limites dues.En recevant le prix de vos premiers
qu'il est donné à la raison humaine d'attein- efforts, vous allez en déposer l'engagement
dre, lorsqu'elle porte son flambeau dans Jes sacré entre les mains du digne pontife quia
mystérieuses profondeurs de cette Oeuvre bien voulu relever par sa présence l'éclat dt$
divine et plus il l'avait étudiée, plus il avait cette solennité littéraire.
AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.
défense de la
Recueillirles œuvres des grands hommes qui ont consacréleurs talents à la
religtoh ét des principes sociaux, les coordonner et les offrir ensuite au public à des prix
accessibles à toutes les positions, c'est la une des spécialités des Ateliers catholiques de
Montrouge. Mais si nous nous faisons un devoir de ressusciter, pour ainsi dire, ces
écrivains*
antiques, quelle qu'ait été leur patrie, dont les siècles passés nous ont transmis les oeuvres, à
plus forte raison devons-nous réunir en faisceaux lés écrits dés hommes éminents, qui, de
révolutionnaire
notre temps, se sont immortalisés par les nobles combats livrés à l'hydre
menaçant de précipiter dans le même abîme et la religion et l'ordre social. C'est à ces héros
chrétiens; nos contemporains et nos concitoyens, qu'il convient surtout d'élever un monu-
ment dé gloire qui rappelle à la génération actuelle la reconnaissance qu'elle leur doit, et
triompher des
qui apprenne à nos descendants de quelles armes ils doivent se servir pour
aberrations & l'esprit humain. Si le volcan qui, à la fin du xvm° siècle, menaçait de sa lavé
l'Europe értfeè^é, semble s'éteindre s'il ne se fait plus dé ce gouffre encore béant que quel-
figure, les esprits se calment,
ques éruptions locales et dé loin en loin, si, pour parler sans
les naines antireligieuses s'effacent, l'ordre renaît, les bons principes revivent, n'en doutons
p'aM'ést àtec luttes incessantes de ces glorieux soldats de l'ordre contre le désordre
social que nous le devons. La force matérielle peut bien retenir le bras prêt à frapper; mais
la plume du véritable philosophe, en calmant peu peu les esprits, change les convictions.
Toutefois il n'en est pas des combats littéraires comme de ceux qui se livrent sur un champ
de bataille où deux àfmées s'entre-çhoqûent. Ici souvent le vainqueur écrase à l'instant le
vaincu, lui dicte ses lois et l'oblige à faire une paix soudaine. Dans les discussions philoso-
phiques et religieuses au contraire, lé suecès se fait attendre. Le héros de la vérité n'est ap-
plaudi, àû montent de la lutte, que par un petit nombre de spectateurs; mais ses ouvrages,
circulant dans le monde, sont comme une semence qui germe peu à peu, éclot, grandit,
se développe; et dont la tige, en grandissant, devient comme un
phare lumineux qui dissipe
lès ténèbres, et découvre les écueils contre lesquels la société allaitse briser.
Ce premier trait de lumière devient une invitation à relire des ouvrages dont les préjugés
avaient d'abord voilé le mérite j on leur rend entin justice; on en adopte les principes; ja
vérité se fait ainsi jour et se communique de proche en proche. C'est le changement que
nous avons vu s'opérer eh France depuis cinquante ans. -L'esprit religieux, sauvegarde de
l'ordre social, reprend peu à peu son empire sur les esprits, et ramène insensiblement, en
calmant les mauvaises passions, l'ordre et la paix.
Or, parmi les^éçrivains français de notre siècle qui ont reçu d'en haut la mission de corn?
battre là philosophie antireligieuse et antisociale, se distingue particulièrementM. le vicomte
de. Bonald.. Pendant sa longue carrière il s'est dévoué à la défense du trône et de
l'autel,
Constamment sur la brèche, armé de sa vigoureuse logique, il repoussait sans cesse les atta*
ques de la révolution. Bien plus, il ne craignait pas de descendre avec elle dans l'arène; il
la prenait corps à corps, et chacun de ses traits la perçait à jour et lui assurait la victoire,
Telle a été sa lutte pendant quarante ans, aussi n'est-41 pas un écart de l'esprit révolutionnaire
qu'il n'ait relevé en proclamantbien haut le principe qui lui était opposé.
Pour remplir sa tâche, M. de Bonald a pris toutes les formes il se montrait tout à la fois
philosophe profond, écrivain habile et judicieux aucun genre de littérature ne lui était
étranger. Sa plume infatigable déconcertait ses adversaires, consolait les hommes de bien et
excitait l'admiration de tous, malgré les invectives du parti qu'il combattait. Ce fut dansl'exil
que M. de Bonald essaya son talent, et son essai fut un chef-d'œuvre,quoiqu'en dise une cer->
taine école philosophique. Gémissant sur les maux qui désolaient sa patrie, il voulut tenter
d'y apporter un remède. Il composa la Théorie du pouvoir qui fut imprimée, pour la pre*
mière fois en 1796, à Constance, dans une imprimerie élevée par des prêtres français émigrés
Cet ouvrage qui attaquait de front la révolution ne plut
pas au Directoire républicain; il
en ordonna la saisie, et peu d'exemplaires échappèrent aux agents du pouvoir. L'auteur ne le
fit pas réimprimer; mais dès que le calme fut un peu rétabli, en 1800, il
en publia, sous le
voile de l'anonyme, une analyse dans un volume in-8. qu'il intitula Essai analytique
sur les
lois naturelles de l'ordre social. Ce dernier ouvrage eut trois éditions différentes dans l'espace
àe quelques mois. Après le dévergondage qui durait depuis dix ans, le monde semblait tout
stupéfait d'entendre une voix qui parlait raison et proclamait des principes
que l'on croyait
oubliés à tout jamais; l'on achetait ce livre comme une nouveauté qui piquait la. curiosité.
La
dernière édition de cet ouvrage que l'auteur avait préparée avant sa mort, parut chez Adrien.
Leelereen 184Î.
L'année suivante, c'est-à-dire en 1801, M. de Bonald publia un troisième ouvrage qui
leva contre lui toute la secte des libres penseurs et que sou-
ne lui pardonne pas encore cette pha-
lange de philosophes qui se posent en réformateurs de l'ordre social et religieux.
Cet ouvrage
a pour titre Du divorce considéré au dix-neuvième siècle relativement à l'état domestiquent
à l'état public de la société. Le divorce était la honte et le fléau de la France.
W. de Bonald Je
poursuivit avec acharnement, et ne lâcha prise
que lorsqu'il eut obtenu des-Chambres-
l'annulation de la loi du divorce aussi antisociale qu'antireligieuse dans
un pays catholique-
M. de Bonald mit le comble à sa réputation
en publiant en 1802 la Législation primitive
considérée dans les derniers temps par les seules lumières de la raison. Cet
ouvrage fut ac-
cueilli avec enthousiasme dans les diverses parties de l'Europe; il eut, dès
France, les honneurs d'une traduction en plusieurs langues étrangères. L'auteur son apparition en
de la Litté-
rature française contemporaine, malgré ses préventions et le dénigrement qu'il
veut faire
peser sur M. de Bonald est forcé d'avouer que cet ouvrage restera longtemps.
La première édition ne contenait que la Législation primitive
Aux éditions suivantes on ajouta divers traités politiques où l'on
proprement dile
pouvait voir l'ap-
plication des principes développés dans le
corps de l'ouvrage. Nous ne parlons
pas ici des Réflexions sur le traité de Campo-Formio et
livre des Pensées sur divers sujets que l'auteur publia
sur celui de Westphalie, ni du
en 1817; cependant elles ont paru
assez saillantes pour qu'on les traduisît en allemand en 1838. Pour faciliter la lecture
pensées, nous avons cru utile de les rapporter à certains chefs particuliers, de ces
et de les diviser
ainsi en diverses catégories se rapportant aux divisions ;de
notre édition; néanmoins toutes
les pensées se trouvent reproduites sous un seul titre général forment
et un tout.
L'ouvrage auquel les philosophesde notre temps rendent le plus
d'hommage est celui qui a
pour titre: Recherchesphilosophiques sur les premiers objets des
connaissances morale, « Aban
donnantles routes qu'il avait suiviesjusqu'alors, dit l'auteur déjà cité de
la Littérature française
contemporaine (1), de Bonald semblait dans cet ouvrage vouloir s'élever par ses
et nous faire regretter qu'il n'ait pas toujours consacré raison à propres forces
sa
cherches philosophiques sont une production solide et l'une des mieux un si bel emploi. Les Re-
écrites en cette ma-
tière. Ses Recherches renferment entre autres une dissertation
laisse rien à désirer. Mais ses dissertations les plus remarquables sur l'âme des bêtes qui ne
sont celles qui renfer-
Mient la solution de deux grands problèmes que la philosophie
n'avait pas encore réso-
lus, savoir l'Origine du langage et celle de l'écriture. » Ce témoignage
est bon à recueillir de
la part d'un auteur qui s'est efforcé de flétrir, autant qu'il l'a
pu, la mémoire du grand philoso
phe. Nous laissons à d'autres le soin de venger ses. écrits et
ses principes d'économie sociale
et religieuse, ce semble ne sont pas du goût de M. Quérard. Cet
vrais services en publiant son grand ouvrage, de Bibliographie, intitulé La
auteur a rendu de
France littéraire; il
eût bien fait de suivre toujours le même plan en mettant au jour la Littérature
française con-
temporaine. En admettant dans sa nouvelle collection des articles de
biographie Û
s'est détourné de sa spécialité. Pour juger un auteur qui s'est trouvé mêlé
aux événements de
son siècle, il faut se dégager
fard a consacrée à M. deBonaldporteavant tout le cachet d'une prévention
H) xix* siècle. tom, 11 naa. 207. il
de ses propres passions politiques. Or, la notice
que M Que-
W"1 ami
politique qui «veu-
gle letïingraplie,et dénature à ses yeux celte admirable fixitéde principes basés surKessencedes
choses qui fera toujours la gloire du célèbre éeonomiste qu'il critique avec- tant d'amertume.
Outre les principaux ouvrages que nous venons d'énumérer, M-. de Bonald a publié une
foule d'articles dans les journaux, principalementdans le Mercure de France, les Débats, le
Conservateur, la Quotidienne et le Rénovateur. L'auteur en avait réuai une partie qu'il a
publiés en 1819 chez Adrien Leclere, sous le titre de: Mélanges littéraires, politiques et phi-
losophiques, 2 vol. in- 8°. Une foule d'autres opusculesavaient été publiés à part et à diverses
époques. On en trouve le détail dans la partie biWrogcaphique"de la notice de M. Quérard.
Déja il a paru, chez Adrien Leclere, une édition des œuvres de M. de Bonald. Cette édition
commencée en 1811 ne s'est terminée qu'en 1843; elle forme 15 vol.,in-8' du prix de 75 francs.
« L'éditeur, dit Quérard, a réuni, à l'aide d'un frontispice commun, les principaux ouvrages
de cet écrivain,imprimés séparément à diverses époques! Il suffit de comparer la. nomen-
clature partielle des ouvrages du vicomte de Bonald avec les tables des volumes de cette édi-
tion pour reconnaître que lacollection n'en est pas complète. »
En conséquence l'édition des OEuvres complètes de M. de Bonald était encore a faire. Le
point le plus difficile et le plus important était de réunir les divers opuscules publiéspar
l'auteur et dont Quérard, malgré le blâme qu'il inflige àl'édition d'AdrienLeclere, ne donne
lui-même qu'une liste fort incomplète. Pour arriver à notre but, nous'avons eu recours à
nos moyens ordinaires. Des consultations ont été adressées aux personnes qui pouvaient
nous procurer des renseignements; plusieurs d'entre elles se sont montrées pleines dte
zèle pour notre œuvre et nous ont puissammentsecondés. Nous devons surtout des actions
de grâces à M. Victor de Bonald, membre du conseil général de l'Aveyron et petit-fils s de
l'auteur. Il acoaiprisriinjprtans?.du inonu a Mit qai nous éleviansà la gloire de son illustre
aïeul aussi n'a-t-il rien épargné pour que notre édition fût complète et exacte. lia a même
poussé le zèle jusqu'à se condamner au rôle de cocrecteuren- lisant tes épeeuves de nos trois
énormes volumes,. pour rétablir le texte authentique de l'auteur partout où il avait été aK
téré par les premiers éditeurs.
Malgré ce dévouement de la famille et des amis de M. le vicomte de Bonald, notre édition
serait restée incomplète, si nous n'avions eu la patience de parcourir, page par page, tous
les journaux de France dans lesquels a écrit ce fécond publiciste, depuis 1801 jusqu'à l'é-
poque de sa mort en 1841. Nous avons été amplementdédommagés de. nos peines car nous
avons recueilli dans la plupart de ces journaux une foule de discours ou- d'écrits très-impor-
tants qui enrichissentmaintenant notre- édition. Pour ne pas nous égarer, malgré notre dé-
sir d'être complets, nous nous sommes bornés à n'extraire des divers recueils dans lesquels.
écrivait M. de Bonald que les articles qu'il a signés de son nom. Il est néanmoins à présumes
que les Débats, la Quotidienne et la Gazette de France, contiennent une foula d'autres a rti-
cles'communiquéspar l'illustre écrivain et qu'iljn'a^asjugé à propos de signer. Nous avonscra
qu'il valait mieux négliger ces sortes d'écrits que de grossir notre édition de productions n«
portant pas un vrai cachet d'authenticité. Nous avons eu soift d'indiquer les sources où nous
avons puisé, atin de ne laisser aucun doute sur ce point important. Malheureusement les
premiers éditeurs ont laissé beaucoup à désirer à cet égard les dates mêmes d'un grand
nombre de pièces n'ont pas été conservées par eux, malgré leur utilité pous l'intelligence
des faits. Nous avons réparé cette omission partout où il nous a- été possible de le faire
l'on rencontrera encore néanmoinsquelques pièces sans date, par.ce.qu'il nous a été im~
possible de la déterminer.
Les oeuvres de M. de Bonald une fois réunies, il fallait les diviser de manière à éviter te
confusion des éditions précédentes, où, comme le remarque avec raison l'auteur de la Litté-
rature française, contemporaine, chaque ouvrage se trouve plutôt juxtaposé à la suite d'un
autre que coordonné d'après un plan quelconque. Cependant la coordination s'offrait
tout naturellementà l'esprit. Qui ne sait que M. de Bonald s'est révélé au monde comme un
économiste habile. Dans un temps où tout était confusion dans la société, il rétablissait victo-
rieusement sur leur base les principes de l'ordre social, et il les a soutenus jusqu'à la fin
(1) Liu. fravç. contemp. t.- Il, p. 211et suiv.
«'esavie avec un zèle admirable. aussi la plus grande partie de
ses œuvres se rapporte-t-elle
à l'économie sociale. C'estdans cette catégorie
que viennent se ranger la Démonstration philo-
sophique duprincipe constitutif de la société, la T héorie du pouvoir, Y Essai analytique, la
Légis.
lation primitive, l'ouvrage sur le Divorce, et une foule d'écrits moins étendus,se
rapportant aux
bases fondamentales de la société'; nous en donnerons bientôt
une énumération complète.
Un si ardent défenseur des principes constitutifs de la société devait
se tracer à lui-même
un système politique en harmonie avec ces mêmes principes. M. de Bonald
occasion
d'exposer ce système d'abord à la Chambre des députés dont il été membrea eu
a pendant sept
ans, puis à la Chambre des pairs où Louis XVIII l'appela en 1823. La seconde partie des
œu-
vres de M. de Bonald se rapporte donc à la politique. Outre les discours prononcés dans
les deux Chambres, nous avons dû agglomérer dans cette partie un grand
nombre d'opuscu-
les fort remarquables se rapportant à la politique, dont la plupart
la Restauration, ont même été publiés avant
et par conséquent avant que l'auteur ne siégeât au Palais-Bourbon.
La troisième partie est consacrée à la philosophie. Si M. de Bonald, dit l'auteur
« de la
Littérature française contemporaine, n'a
pas, à proprement parler, fondé' une école, il est
du moins avec le comte de Maistre M, de Lamennais
et à la tête de ce qu'on a appelé l'école
catholique. De Bonald était même plus particulièrement le philosophe de l'Ecole.
» II était
donc tout naturel de réunir en faisceau les
œuvres philosophiques d'un auteur qui, de l'a-
veu même de ses adversaires, s'était élevé si haut dans la science de la philosophie.
Ce qu'on remarque particulièrement en M. de Bonald, c'est qu'il était
un écrivain eminem-
ment catholique. Son dévouement à la religion, foi de chrétien peignent tellement dans
sa se
toutes ses oeuvres qu'on pourrait presque les rapporter toutes à
sion qu'on intitulerait OEuvres morales etreligieuses.
une seule et même divi-
Il nous a paru néanmoinsplus ration-
nel de ne réunir sous ce titre
que ceux de ses écrits qui ont un but directement religieux.
Cette catégorie forme la quatrième partie de
notre édition.
Dans une cinquièmepartie intitulée, Mélanges,
giquement dans les quatre premières. Nous divisons nous reproduisons ce qui n'a pu entrer lo-
celle-ci en trois sections la première
contient les œuvres se rapportant à l'histoire; la seconde, celles qu'on
peut appeler litté-
raires la troisième renferme divers opuscules qui n'ont
aucun rapport logique avec les au-
ires subdivisions de cette partie.
Ce plan permettra d'étudier avec ordre les
œuvres de M. de Bonald. On remarquera que
Jans chacune de nos divisions nous faisons marcher de pair l'ordre analogique et
chronologique. Nous publions, autant
que possible, à la suite les des autres tous les
traités sur la même matière, en les classant selon l'ordre uns chronologique. C'est
ainsi que dans la première partie
nous avons réuni tout ce qui avait rapport au di-
vorce dans la seconde, tous les discours et autres écrits rélatifs aux élections, à la liberté de
la presse. L'on n'aura plus le désagrément de passer d'un article
sur l'éducation, par exemple,
à un autre sur les finances, puis des matières politiqnes pour retomber ensuite sur d'au-
ires ayant un but littéraire. Cette confusion rendait intolérable la lecture des œuvres de
M. de Bonald, et impossible
une étude tant soit suivie de ces mêmes œuvres.
Lorsque l'esprit humain se sera suffisamment fatigué à la poursuite des systèmes chi-
mériques d'économie sociale et politique, lorsqu'il
aura découvert le vide et la fausseté de
ceux que des hommes plus amateurs de leurs propres conceptions que de la logique et du
bien public, s'efforcent d'implantée dans la société, l'on reviendra à la vraie philosophie
r.iate on l'etudiera dans les
so-
œuvres de ces écrivains qui, comme M. de Bonald, l'ont si habile-
ment développée en s'appuyant sur l'ordre que la divine providence établi dans la nature. Ne
a
voyons-nous pas de no» jours cet heureux retour vers les idées saines des principes sociaux?
N'en avons-nous pas l'application sous les yeux? L'édition des
œuvres de M. de Bonald
est donc un service rendu au public, à la société. Aussi n'avons-nous rien négligé
pour qu'il
fût complet. C'est dans ce but que nous
avons fait rédiger une table analytique des
matières, afin que Ton pût trouver sans peine, dans
nos trois énormes volumes, ce dont on
a besoin. Puisse notre édition atteindre le. but que nous nous sommes proposé et contri-
huer à ramener dans les esprits le respect de l'autorité civile et religieuse, la gravité des
mœurs par la méditation des lois que la divine providence a établies pour la
constitution
de son Eglise, de lafemille et des sociétés!1
CONSPECTUS
PREMIERE PARTIE – ECONOMIE SO- De la réunion des royalistes dans les deux
CIALE Chambres.
Ci
DE
M. DE BONALD.
^umikt
311 Partie
1 1: 311 4
ÉCONOMIE SOCIALE.
DÉMONSTRATION PHILOSOPHIQUE
DU PRINCIPE CONSTITUTIF DE LA SOCIÉTÉ.
C'est tous les rois, puisque tous les rois dans les esprits, et rejetèrent,
sont frères, que j'ose faire hommage d'un comme trop
sévères, les doctrines qui avaient présidé à
écrit qui peut, sous leur puissante protec- l'éducation du premier âge.
tion, préparer le retour de la politique Elles voulurent faire une autre religion,
aux
voies qu'elle a depuis trop longtemps aban-
données.
une autre politique, une autre société.
Dans cette confusion universelle, Dieu
La société chrétienne condamnée, ainsi fut pas plus respecté que les rois; ne
que l'homme, à passer par l'enfance et la et la
royauté, partout où s'en était conservée l'i-
jeunesse pour arriver a l'âge mûr,
a vu ses mage, fut sommée de recevoir, des mains de
premières années s'écouler dans ce travail
ses sujets, l'investiture du pouvoir qu'elle
intérieur de développement, naturel à tout
ne tenait que de Dieu.
corps organisé qui tend à sa perfection. Ces doctrines se sont répandues dans la
Au xv siècle la société sortit de l'enfance. chrétienté, et en ont troublé successivement
Les passions s'éveillèrent, toujours plus toutes les parties.
avancées que la raison elles firent irruption La France, l'aînée de toutes les> sociétés,
OEUVRES COMPL. I. 1
DE M. DE BoNALD. A
et qui avait étendu sur toute l'Europe la do- o- n'est'pas encore renverse, et recommence
mination de sa langue, de ses arts, de sa t-lit- sans cesse le fragile édifice élevé par
l'igno-
térature, de ses exemples, la France, après ès rance et l'orgueil
avoir longtemps contenu la fureur du tor- r- Mais peut-être l'excès du désordre éclai-
rent, a cédé à sa violence; et il n'est as
pas rera les esprits; peut-être l'âge mûr, revenu
besoin de rappeler aux rois de l'Europe, qui ni des illusions de la jeunesse, redemandera la
tous en ont été atteints, les événements qui ui lumière, qui peut seule lui faire retrouver
ont signalé cette sanglante période de notre re la vérité.
histoire. C'est, s'il est permis encore d'espérer,
Dans son désespoir, l'Europe s'est levée, :e, pour hâter cet heureux moment, que j'ose
elle a couru aux armes mais, en arrêtant nt mettre sous les yeux des princes chrétiens
s;
les effets, elle a laissé subsister les causes; un exposé simple et fidèle du système éter-
et si elle a repoussé les armées, elle a peut- t- nel de la société.
être accrédité les doctrines. Le volcan an Depuis longtemps voué à sa défense, je
brûle et gronde encore, même après que ne termine par cet écrit ma longue carrière.
l'explosion a cessé. C'est pour le bonheur de vos peuples, rois
Les erreurs, qui veulent s'affermir malgré ré chrétiens, c'est pour le vôtre et celui de vos
la nature qui les condamne à une éternelle lie illustres maisons, que je l'ai entrepris.
mobilité, entretiennent donc dans la société,;é>
Daignez en agréer l'hommage.
par ces efforts impuissants, un état d'agita- a**
Le vicomte DE Bonald.
tion et de trouble qui menace tout ce qui ui
Pair de France (1).
INTRODUCTION
Avant d'exposer mes principes de philo- Ce système serait assez fidèlement traduit
tirée de
sophie appliquée à la société, j'ai dû consi- par cette .définition de l'homme
Saint-Lambert L'homme est une masse orga-
sidérer l'état actuel de la philosophie en
nisée et sensible, qui reçoit l'esprit de tout ce
France.
On peut ramener à trois écoles différentes qui l'environne et de ses besoins.
les systèmes philosophiques qui partagentl Dans ce système les organes matériels
aujourd'hui les esprits. sont tout l'homme, et même l'homme intel-
C'est ce qu'a fait M. Ph. Dàmiron dans ligent la pensée est une digestion ou une
son Essai sur l'histoire de la philosophie en sécrétion comme tout autre elle est, dit
Condillac, la sensation transformée.
France au xix.e siècle, essai dont cette intro-
duction n'est que l'analyse. Ici, dit M. Damiron, les applications nais-
Il pourrait y avoir plus d'exactitude, et sent d'dles-mémes. Elles sont toutes en har-
peut-être d'impartialité, dans les jugements monie avec l'idée générale dont elles émanent.
quelques-uns des S'agit-il, en effet, de savoir ce que c'est que le
que M. Damiron porte sur bien, ce que c'est que le .mal? la réponse est
écrits qu'il examine: il est si difficile d'être
entièrement juste envers ceux dont on ne aisée. Le bien est tout ce qui tend à conserver
l'homme, c 'est-à-dire l'organisme; le mal est
partage pas les sentiments mais, tel qu'il
est, l'Essai suffit au dessein que nous -nous tout ce qui tend à le détruire ou à le détério-
rien
sommes proposé. S'il n'expose pas avec as- rer. Rien au-dessus du bonheur physique,
les systè- de pis que les souffrances du corps le bien
sez de fidélité ou de connaissance suprême est la santé. Aussi le vice et la vertu
mes particuliers qu'il combat il indique volontaire des
avec assez de précision les différentes écoles ne peuvent être que l'habitude
'auxquelles ils appartiennent; or, ce sont les actes con formes ou contraires à la loi de la
écoles de philosophie et non les philoso- conservation ( toujours des corps ou de l'or-
phes, que nous considérons dans cet écrit. ganisme). Tel est le fond du catéchisme de
M. Damiron commence par l'école sen- « Volney.» c'est
là toute sathéorie. Onregrette
seulement a"y trouver des lacunes, » l'une
sualiste, expression adorfcie, équivalente de «
<(1) Cet écrit fut -publié dans les premiers mob de 1850.
5 PART. I. ECONOM. SOC. – PRINCIPE CONST. DE LA SOCIETE,
6
doute, il ne juge pas ces deux formes »de
« formes» de de philosophie religieuse, représentée
de
l'activité humaine assez positivement utiles à par
MM.
M de Maistre, de la Mennais, de Bonald
la conservation de l'individu pour en tenir et
et d'Eckstein.
compte ou en recommander l'usage. C'est un Ceux-là croient l'homme une intelligence
tort et une erreur; car, d'abord, il y a dans servie
se par des organes, intelligence distincte,
la culture des arts un charme honnête, etc., etc. pj csnséquent, de l'organisme, éclairée sur
par
Quant au sentiment religieux, Volney fait soson origine, sa nature, ses devoirs et sa fin,
plus que le négliger, il le repousse et le pros- m comme le dit l'auteur de VEssai, par
non
crit il ne veut ni de la foi ni de l'espé- ui inspiration que les Catholiques laissent
une
rance, etc. aux protestants, mais par une révélation di-
ai:
Comment Volney aurait-il pu parler de vine,
vi positive, extérieure, transmisejusqu'à
religion, lorsqu'il ne reconnaît point d'âme nous
nc par un enseignement traditionnel ou
distincte des organes, et qu'en aurait-il pu hi
historique doctrine qui ne prend pas son
dire? Nous remarquerons seulement que, de point
pc d'appui dans l'homme, dans sa sensa-
la part de M. Damiron, l'expression de îacu- tion, comme l'école: sensualiste, ou dans sa
tic
ne est bien faible en parlant, de l'absence de conscience
co comme l'école éclectique; mais
ja religion dans un système de philosophie. en dehors de l'homme, ou en Dieu.
M. Dam ron rejette ce système désolant, La troisième école dephilosophieestl'école
dont Locke, parmi les modernes, a jeté les éclectique,
éc qui s'appelle aussi, on ne saitt
fondements, lorsqu'il élève la question de pourquoi,
po spiritualiste, rationnelle, car elle
savoir si la matière peut recevoir la faculté n'est
n'< proprement ni l'une ni l'autre école
de penser; que Condillac avec sa sensation éclectique, c'est-à-dire qui cherche pour choi-
éc~
transformée, a continué et rendu populaire; sir,
sir renouvelée des Grecs, grands chercheurs
et qui, à quelques différences Iprès, est, se- de philosophie Grœci, dit saint Paul sa-
Ion M. Damiron, le système de MM. Cabanis pientiam
pi, quœrunt (1 Cor. i, 22) et dont
( revenu depuis à des idées plus saines), Des- MM.
MJ Bérard, Virey, Kératry, Massias, Bons-
tutt de Tracy, Volney, Garat, Gall, Azaïs, testen,
les Ancillon, Droz de Gérando, Maine
Broussais (ce dernier omis dans la première de Biran, Royer-Collard, Cousin, Jouffroy
édition de l'Essai, et nommé dans la se- et M. Damiron lui-même sont les disciples
conde ), tous philosophes sensualistes ou ma- ou les apôtres.
térialistes, et même M. !a Roaiiguière, que Puisque le caractère de cette école est de
M. Damiron classe parmi eux, parce que, choisir,
ch et par conséquent de chercher, il
dit-il, le principe qu'ilprofessa d'abord, qu'il sernblerait
se naturel d'attendre pour la défi-
modifid ensuite, savoir, que toute idée a sa nir,
ni de savoir si elle a fini de chercher, et ce
source dans la sensation, offre assez de traces qu'elle
qu a enfin trouvé et choisi. Nous ne le
de ce système pour pouvoir sans inconvénient savons pas, et, s'il faut en croire M. Dami-
sa
en prendre le nom et le drapeau. ron, elle ne Je sait pas elle-même, et il est
roi
Nous ne nous arrêterons pas plus long- difficile qu'elle puisse jamais le savoir, tant
dii
temps sur cette doctrine abjecte, réfutée dans il y a de différences et même de contradic-
nos Recherches philosophiques, etc., et M. Da- tions
tic dans les recherches faites à la fois par
miron l'a remarqué elle anitnalisel'homme, fai de philosophes, et d'incertitude dans
tant
en n'offrant à ses désirs et à son activité que leurs
lei choix. La philosophie de l'éclectisme
des jouissances matérielles; elle laisse la di
dit l'auteur de l'Essai, plus diverse et plus
vertu souffrante sans récompense, le crime confuse, a plus de peine à se rallier à un nom
co;
heureux sans châtiment, la conscience sans et à un drapeau. Ce ne sont cependant pas
remords, l'homme sans avenir et sans con- les noms qui lui manquent puisqu'elle en
solation et comme elle ne voit d'autre bon- a, dans l'Essai de M. Damiron', plus à elle
heur que la vigueur corporelle, et nie tout seule
sei que les deux autres écoles ensemble
autre devoir que celui de la conserver, elle ni les drapeaux, puisqu'elle en a autant que
semble imaginée tout exprès pour les mé- de philosophes. Mais c'est tout à fait la faute
chants, que Hobbes appelle des enfants ro- de l'éclectisrue lui-même c'est à une école
«le
bustes. qui
qu sait ou croit savoir, et non à une école
La seconde école dans l'ordre suivi par qui
qu cherche et cherchera toujours qu'un
M. Damiron, est l'école théologique, spiri- ho
homme supérieur peut attacher son nom et
tualiste ou catholique (car il lui donne ces soi drapeau. Ainsi, continue M. Damiron,
son
trois noms), et que nous appellerons l'école l'éclectisme nest pas le même dans tous les
l'ét
temps; il dépend des opinions au milieu des- Catholique est aussi positif qu'il est possible
quelles il intervient; aujourd'hui il se trouve qu'il le soit, fondé sur une révélation écrite,
entre le sensualisme et la théologie; il consiste, transmise jusqu'à nous d'âge en âge par la
de la législation
par conséquent,dans un spiritualisme ration- tradition, base universelle
nel. Bien des différences séparent sans doute de tous les peuples, conservée fidèlement
ies écrivains assez nombreux que nous ran- par le plus ancien peuple qui subsiste en-
les nations
geons dans cette classe. Outre le génie, qui core sous nos yeux, reçue par
n'est pas le même il y a encore des questions les plus éclairées et les plus fortes, comme
qui sont loin d'écre identiques; mais ce qui le fondement de leurs croyances, et défen-
ieur est commun à tous est de ne prendre leur due par les plus beaux génies. Qu'ajou-
doctrine ni dans le système de la sensation, ni terez-vous à ce système pour le rendre plus
.dans celui de la tradition {de la révélation) positif et plus complet? Le ferez-vous pen-
mais dans un. système moyen, qui, plus large cher vers le sensualisme? Mais, dans ce
que le premier et plus positif que le second, système l'homme est une intelligence servie
s'attache bien moins à repousser qu'à modifier par les organes, et dans ces organes, servi-
i'un et l'autre, moins à le~ nier tous les deux teurs ou ministres de l'intelligence est toute
qu'à les compléter, les éclaircir, et à leur la matière que le système spiritualiste peut
.emprunter avec critique ce qu'ils peuvent admettre.
avoir de vrai. Et puis, dans quelle proportion, quelle
Ainsi l'éclectisme n'est pas proprement dose si je peux ainsi parler, prendrez-vous
à l'autre ? Ils sont, cha-
une doctrine, mais il est en quelque sorte de l'un pour ajouter
deux doctrines; il n'est pas un système suivi cun dans leur genre, deux systèmes absolus
dans toutes ses parties, il dépend des opi- et il ne peut y en avoir d'autres; deux sys-
nions au milieu desquelles il intervient au- tèmes complets, positifs l'un dans l'affir-
jourd'hui il se trouve entre le sensualisme et mation de la seule substance corporelle,
le spiritualisme, demain il peut se trouver l'autre dans l'affirmation de deux substances,
peul-être entre l'illum.inisme de Saint-Mar- corporelle et spirituelle, qui composent
tin et celui de Swedemborg. Bien des diffé- l'être humain; deux systèmes diamétrale-
rences séparent les nombreux écrivains que ment contradictoires, et, pour en composer
nous rangeons dans cette classe; mais ce qui .un tiers système, un système moyen qui ne
leur est commun à tous est de ne prendre leurs soit ni l'un ni l'autre et qui soit tous les
.doctrines dans aucun des deux autres systè- deux, vous chercherez en vain, vous vous
mes, mais dans un système moyen plus large condamnerez, comme les
Danaïdes, à rem-
que l'un, plus positif que l'autre, et qui s'at- plir un tonneau sans fond vous
chercherez
tache moins à les nier qu'à les compléter. toujours et vous ne choisirez jamais de
Cette explication du système éclectique manière à faire un corps de doctrine un et
n'est pas très-philosophique, au moins dans lié dans toutes ses parties et universellement
l'expression. Que signifie en effet rendre plus reçu et prenez garde que, tant que vous
large.le système matérialiste, et plus positif cherchez, vous n'êtes que des sceptiques;
le système théologique ou religieux, et les dès qu'une fois vous aurez choisi, vous n'ô-
compléter tous deux? Le système matéria- tes plus éclectiques.
liste est aussi large qu'il peut l'être; il est Et c'est ici que se montre la grande erreur
surtout simple et complet; il n'admet qu'une de l'éclectisme. La pensée a été donnée
substance, la matière, et il en fait tout et à l'homme comme instrument, moyen,
même l'intelligence; il en fait son Dieu et produit de son activité intellectuelle, de
son homme. Rien certainement de plus sim- même que ses organes lui ont été don-
ple et de plus complet. Lui ajouterez-vous, nés comme instrument et moyen de son
pour le rendre plus large, une âme distincte activité corporelle. L'homme doit nourrir ses
des organes? ce ne sera plus le matérialis- organes, pour les faire vivre et croître il doit
me, mais le système opposé, qui admet les les exercer, pour les fortifier et les rendre
deux substances.Ne lui ajouterez-vous qu'un propres au service qu'il en attend mais il
peu d'âme et retrancherez-vous quelque prend toujours au dehors de lui-même, et ce
chose à son organisme? il n'en sera qi plus qui accroît leur substance, et ce qui exerce
large ni plus complet, et, d'odieux qu'il est, leurs forces. L'homme doit également nour-
il deviendra .ridicule. 'u rir son esprit par l'étude, l'exercer et le
D'un autre -côté le système religieux du fortifier par le travait, mais c'est aussi tou-
9 PART. I. ECONOM. SOC- PRINCIPE COSST. DE LA SOCIETE. 10
jours hors de lui-même qu'il doit chercher
les matériaux de ses études et les objets de
saire. « Toute
saire- <
«M^tivit/ et toute,
Tnnt* subjectivité ^n^i«;
tn,,t, réflexivi-
té expirent dans la spontanéité de l'apercep-
ses travaux et, pour cela, la religion, la tion; )> mais la lumière primitive est si pure,
morale, la jurisprudence, la politique, l'his- qu'elle est insensible. C'est la lumière réfléchie
toire, les sciences les arts la nature, J'uni- qui nous frappe, mais souvent en offusquant
uivers tout entier, sont à sa disposition: de son éclat infidèle la pureté de la lumière
Tradidit mundum disputationi eorum. (Eccle. primitive. La raison devient bien « subjecti-
m, 11.) Les éclectiques, au contraire, ne
ve y> par son rapport au « moi » volontaire et
prennent qu'en eux-mêmes l'objet et le sujet libre, siège et type de toute « subjectivité; »
de leurs pensées, et ne pensent, si je peux mais, en elle-même, elle est impersonnelle, et
parler ainsi, que leur propre pensée. Leur n'appartient pas plus à tel « moi » qu'à tel'
science philosophique est la science du moi, autre « moi » dans l'humanité. Elle n'appar-
mot qui revient si souvent dans leurs écrits; tient pas même à l'humanité, et ses lois ne re-
ilsn'étudientqueleurconscience,qui ne veut lèvent que d'elle-même.
dire, en langage philosophique, que la scien- J'avoue avec une entière sincérité que,
ce de soi, sui scientia. Ce sont donc des ou- quoique assez accoutumé à des études sé-
vriers sans ouvrage, qui ne travaillent que rieuses, je ne comprends pas un mot de ce
sur leurs outils; labeur ingrat, plaisir sté- long passage et, si d'autres moi en pénè-
rile, qui ne saurait produire, et dessèche trent le sens, il est pour le mien d'une obs-
l'esprit sans le féconder vaine contempla- curité désespérante. Encore un exemple-
tion de soi-même, qui ressemble à cette pris dans le même auteur. Dans tout et par-
occupation des solitaires du Mont-Athos,, qui, tout, Dieu revient en quelque sorte à lui-
les journées entières, les yeux fixés sur même dans la conscience de l'homme, dont il
leur nombril, prenaient pour là lumière in- constitue indirectement le mécanisme et la
créée les éblouissementsde vue que leur cau- triplicité phénoménale, par le reflet de son
sait cette position. J'avais en adoucissant propre mouvement ou de la Ir.iplicité substan-
l'expression, caractérisé d'une manière vraie tielle, dont il est l'identité absolue.
et énergique cette dangereuse habitude de Tout fait individuel est un concert de deux
l'esprit. M. Damiron a trouvé ce rapproche- parties, dont l'une est entièrement indivi-
ment ridicule ce n'était pas là son défaut. duelle et déterminée par elle-même, et la se-
Aussi l'éclectisme qui prend dans la conde, individuelle et déterminée par son con-
conscience son premier principe comme le tact avec lapremière, n'est cependant, consi-
matérialiste le prend dans la sensation, se dérée en elle-même, ni individuelle, ni dé-
produit dans ses écrits par une expression terminée.
vague, obseure, aride, abstraite, sans cou- En veut-on un autre exemple, tiré du plus
leur et sans vie; et je doute que personne, littéraire, au moins dans son style, des phi.
hors leurs auteurs ou leurs traducteurs, ait pu losophes qui composent la galerie de M. Da-
lire jusqu'au bout, sans une extrême fatigue; miron ? Au reste, celui-ci est plutôt de l'é-
les nombreux ouvrages sortis de l'école cole sensualiste, selon l'auteur de l'Essai.
éclectique, ou écossaise. En voici des exem- Quant à la volonté, son point de départ est
ples pris au hasard Plus que jamais fidèle à la faculté élémentaire, ou le désir, comme
la méthode psychologique, dit un célèbre pro- l'attention est le point de départ de la faculté
fesseur de cette école, au lieu de sortir de élémentaire de l'entendement le désir engen-
l'observation, je m'y « enfonçai » davantage; dre, comme l'attention, deux autres facultés,
et c'est parl'observation que, dans « l'intimité « ni plus ni moins, » savoir la préférence et
de la conscience, » et à un degré où Kant la liberté. La préférence est au désir ce que la
n'avait pas penétré sous la « relativité » et la comparaison est à l'attention, et la liberté est
« subjectivité» des principes nécessaires, j'at- à la préférence ce que la raison est à la com-
teignis et je démêlai le fait instantané, mais paraison. Comme les facultés élémentaires de
réel, de l'aperception spontanée de la vérité, l'entendement se compliquent des facultés se-
aperception qui, ne se réfléchissant pas immé- condaires qui interviennent dans leur
exer-
diatement elle-même, passe inaperçue dans cice, de même les trois facultés élémentaires
« les pro fondeurs de la conscience, » mais y de la volonté, savoir le désir, la préférence
est la base véritable de ce qui, plus tard, soùs et la liberté, se compliquent successivement
une forme logique, '< et entre les mains de la de diverses facultés secondaires auxquelles
réflexion, » devient une conception néces-elles donnent naissance, telles
que le repentir
qu'on peut appeler une religion humaine,
et la délibération. Le repentir naît à la suite
de la préférence.
veut se substituer à la religion divine, com-
(raisonnant ment, même avec l'appui des journaux popu-
Le repentir, dit M. Damiron
passage), n'entre dans les facultés laires dont se vante l'éclectisme, peut se
sur ce pas populaire la foi à une doctrine, ou
intellectuelles de l'auteur que nous venons de rendre
faculté, selon Con- plutôt à des opinions si diverses, si confuses,
citer, quoiqu'il soit une
selon l'auteur cité, le repentir si peu unanimes, exprimées dans un langage
dillac mais,
si abstrait, si vague, si peu populaire? Si
appartient à la sensibilité la délibération
suit la préférence et précède la liberté. On elfes pouvaient être comprises, elles ne
feraient qu'un peuple de chercheurs, qui
peut d'abord préférer sans avoir délibéré;
l'acte de préférence été suivi du n'aurait rien de fixe dans ses dogmes, rien
mais st a re-
d'arrêté dans des croyances qui ne parlent
pentir, on ne préfère pas de nouveau sans ni à l'esprit, ne présentent à
ni au coeur
délibérer. Or, la préférence après délibéra-
aucun sentiment, et n'entretiennent
tion, c'est la préférence libre, la liberté. l'un
liberté, voilà les trois fa- l'autre que de doutes et d'incertitudes 1
Désir, préférence, Damiron, les prodiges de la
cultés réelles; leur réunion est la volonté.
Voyez, dit M.
société chrétienne elle n'a dans l'origine de
Mais, comme la réunion de plusieurs facultés
n'est puissance que sa foi mais sa foi lui vaut l'em-
n'est point une faculté réelle, la volonté
faculté mais faculté pire. C'est que les Chrétiens ne cherchent
point une propre, une croire, c'est savoir. Les
nominale, un signe, ainsi que l'entendement, pas, ils savent; car
et rien de plus.
nations, dit encore M. Damiron, ne sont que
préven- qu'elles croient. Que serait donc la nation
Je le demande à tout homme sans ce
l'éclectisme?
tion, qu'a-t-on appris, que sait-on, quand qui croirait à
pâli cet étrange enseignement? Au reste, les éclectiques ont eu une preuve
on a su.r de l'obscurité, de l'in-
qu'en reste-t-il dans l'esprit? quelles notions récente de la faiblesse,
système: les journaux
utiles et distinctes a-t-on acquises? pense- cohérence de leur l'Académie avait pro-
t-onque l'intelligence soit plus éclairée parla nous ont appris que
prix annuel, l'explica-
subjectivité et la réflexivilé, par la lumière posé, pour sujet de n'a répondu
primitive ou la lumière réfléchie; ou que cation de l'éclectisme. Personne pouvait y répondre:
J'esprit, même le plus ordinaire, ait besoin à l'appel, et personne ne de mot.
d'étudier toute cette généalogie de désir, de c'est une énigme qui n'a pasreligieuse parla-
préférence, de liberté, de volonté, pour dé- Avant de passer à l'école
sirer, préférer, vouloir et agir ? Cette dissec- quelle nous terminerons cette dissertation,
sur le rapprochement
tion de la faculté intellectuelle en apercep- il convient de s'arrêter
fortunes diverses
tion, intuition, perception, réflexion, obser- qu'a fait M. Damiron des
France, avec les
vation, etc., lui servira-t-elle de quelque des écoles de philosophie en
révolution. Ce rappro-
chose pour apercevoir, concevoir, observer, diverses phases de la
honneur à l'é-
réfléchir et juger? et cela ne ressemble-t-il chement ne fera peut-être pas
de certaines personnes;
pas un peu aux leçons ;de grammaire que te clectisme aux yeux chez une nation
maître de langue donne, dans les comédies mais, comme la philosophie
de Molière, à M. Jourdain? Autant vaudrait avancée fait partie de sa
littérature, il en
démonstration de
soutenir que l'homme a besoin, pour digérer résultera une nouvelle
ses aliments, de connaître le mécanisme de cette
vérité avancée ailleurs par l'auteur de
la digestion ou, pour marcher, d'avoir étu- cet écrit Que la littérature est l'expres-
dié les lois du mouvement. sion de la société.
M. Damiron reproche sans cesse de la En effet, M. Damiron montre le matéria-
poésie au système religieux qu'il appelle lisme tout-puissant aux premières époques
tbéologique, comme si la poésie était con- de la révolution, sous le règne de l'anarchie
damnée à ne pas raisonner. Assurément on et de la terreur. Alors la force physique ré-
partie
n'accusera pas l'enseignement éclectique gnait seule, et la société livrée à la
d'être trop poétiqua. matérielle et populaire de la nation, n'était
Mais si, comme le dit M. Damiron, chez occupée qu'à ravir ou à disputer des intérêts
les nations la foi fait tout; si l'histoire de> matériels.
A la restauration, continue M. Damiron,
la philosophie est celle des croyances; si lat
déclare. L'école éclectique et l'école théo-
philosophie n'est que la foi des peuples réflé- tout se
chie et expliquée si enfin la philosophie, logique se constituent l'une et l'autre. Mais
wu u a.mw:m mr w.-a UV"'4-I.I. ·y
la première, faible encore, sans principes bien l
lisme répond, sous le directoire et sous l'em-
arrêtés, dispose les esprits plutôt qu'elle ne les pire, le peu de foi aux choses morales, la Gor-
gouverne, elle commence à percer, mais ne ruption
7 des consciences,leur servilité, la con-
rïqne pas encore.. La sèconde, au contraire duite
c brutale du pouvoir, le matérialisme des
(l'école religieuse), pleine de force et d'éclat, arts
c et le dédain de la religion. Quand, à
et comme armée de toutes pièces, a d'abord une sson tour, le catholicisme réparai (avec la mo-
action assez vive et assez étendue par le clergé narchie), et entre en scène avec « l'éclat et l'ap-
qui la propage, et le pouvoir qui la favorise, pui des noms qui le soutiennent, « tout s'en
Elle a bientôt un public mais ensuite elle ressent;
r » aussitôt la foi semble renaître, elle
défaille et commence à perdre crédit. Aujour- gagne le pouvoir, passe dans les arts et dans
(,
cependantde l'élément populaire déposé dans système d'entre-deux, comme dit Pascal,
la constitutionécrite dans la Charte. Le s/s- entre le vrai et le faux; système moyen ou
tème de philosophie catholique ou religieuse mitoyen, système faible tant que l'Etat in-
commence donc avec la monarchie, et tend cline vers la monarchie plus que vers sa ri-
avec elle às'étendre et à s'affermir. Toutefois vale, qui grandit, prend de la force, et se
s'élève àcôtéd'elle,timide encore et sans force, développe à mesure que la démocratie prend
la philosophieéclectique.L'espritetla tendan- le dessus, et lorsque la société politique, in-
ce monarchiques s'affaiblissent; laphilosophie certaine de sa route, cherche aussi à choisir
religieuses'affaiblitavecla monarchie: l'uneet entre la monarchie et ^la démocratie. Ainsi
j'autre défaillent h la fois iadémocratie gagne l'éclectisme politique, qui fait le fond de
du terrain; l'éclectisme, son contemporain, toutes les constitutions modernes, et l'éclec-
son compagnon, ou plutôt son complice, gran- tisme philosophique, s'appuient mutuelle-
dit avec elle et se développe. II gagne, commement, introduits l'un et l'autre par de faibles
elle, sur tous les points; le grand nombre estpolitiques et de faibles philosophes, qui
à lui; il passe dans les journaux les plus po-croient que la vérité est un milieu, comme
pulaires, preuve qu'il arrive à l'empire; et la vertu aussi incapable d'éclairer les peu-
preuve que nous arrivons à l'anarchie, sui- ples qu'impuissants à les gouverner.
vant la remarque faite à la tribune par un Si nous voulions aller plus loin, et cora»
de nos derniers ministres, M. de Martignacj parer les divers systèmesphilosophiquesaux
et je m'étonne que, pour l'honneur de son aiverses religions, comme nous, les avons
éclectisme, M. Damiron n'ait pas répudié cette
comparés aux divers gouvernements poli-
honteuse alliance avec les journaux populai- tiques, nous trouverions que le système de
res, ces organes furibonds de la démocratie. philosophie sensualiste ou matérialiste qui
Au reste, je doute que les philosophes an- nie l'intelligence humaine,, n'est que l'athé-
ciens, même les éclectiques, et Cicéron le isme qui nie l'intelligence divine; que le
premier de tous Cicéron qui disait Mihi système religieuxou catholique est le théisme,
nihil unquam populare placuit, eussent atta- qui croit à l'existence de Dieu, et à la réali-
ché tantde prix à la popularité de leur phi- sation d.e l'idée abstraite de la Divinité, par
losophie. Horace n'en voulait pas même pour sa présence réelle au milieu des hommes,
sa poésie. au Verbe incarné, Dieu du. genre humain,
Odi profanum vulgus et arceo. comme dit M. 'Cousin; et que J'éclectisme
tCarmin., lib. m, od. 1, vers. 1.)
qui ne rejette ni n'admet le matérialisme et
le spiritualisme, mais prend de tous les deux,
Ainsi, continue M. Damiron, ait sensua- conduit au pur déisme qui modifi&ralhéisme
en admettant' l'existence de la Divinité, et même, pour ce qui concerne M. de Bonald,
modifie le catholicisme en niant la réalité de avec
i exagération sur les talents, le génie, Vé-
sa présence au milieu des hommes, et son rudition,
î l'éclat de style des écrivains de l'é-
influence sur les destinées humaines. cole
< religieuse. Il n'eu dit pas tout à fait au-
Ainsi l'éclectisme philosophique admet tant des écrivains des autres écoles pas
un Dieu sans action dans la société et l'é- même, sans doute par modestie, de celle à
clectisme politique veut des rois sans in- laquelle
1 il appartient. Quelques lecteurs
fluence et sans pouvoir. pourraient
1 prendre au pied de la lettre les
Les systèmes de philosophie sont des éloges
< qu'il donne au style des écrivains ca-
croyances, ou, comme je l'ai déjà dit, des tholiques
t et en concevoir des préventions
religions humaines et les philosophes qui contre
c les systèmes opposés. Quand on veut
en sont les prêtres sont jaloux du pouvoir et décrier
c le fond, il ne faut pas tant vanter la
de l'influence des prêtres qui enseignent des forme.
croyances divines et les longues disputes Il est vrai que, par compensation, l'école
de la philosophie et de la religion tfont pas religieuse
r compte bien moins de noms que
un autre principe. 1les deux autres surtout que l'école éclecti-
Je passe à l'école de philosophie spiritua- que q mais, si M. Damiron aime les noms
liste ou religieuse, sur laquelle je m'élen- propres, l'école religieuse pourrait revendi-
drai davantage, comme appartenant spé- quer q les noms des Pascal des Leibnitz, des
cialemerit aux matières traitées dans cet IE 'er,desCh.Bonnet,etdetantd'autresquiont
ouvrage. é de l'école théologique et catholique sans
été
M. Damiron l'appelle aussi école catholi- êêtre théologiensni môme tous catholiques; et
que, et nous donne le droit d'appeler protes- ces c noms, elle pourrait les opposer, sans trop
tante l'école éclectique ou écossaise et ef<- de d désavantage à tous ceux qu'a cités
fectivement, fidèle audogme calviniste, cette M. S Damiron.
t'cole ne voit qu'inspiration et sens privé, là Cet écrivain voit beaucoup d'att et [d'arti-
où l'école catholique croit une véritable et fice
fi dans le style de M. de Bonald, qui n'en a
réelle révélation. jamais mis dans son style, pas plus que dans
Ainsi la philosophie catholique est une ssa conduite; et, s'il y à un mécanisme si sau-
philosophie d'autorité générale, et l'éclec- vantv et si curieux dans sa phrase, il a fait,
tisme est une philosophie de raison indivi- ccomme M. Jourdain, de la prose sans le sa-
duelle mais que 'peut vouloir l'éclectisme voir. i> M. Damiron voit aussi de grands res-
autre chose que faire de sa raison indivi- sentiments
s dans les écrits de M. de Maistre,
duelle une autorité générale, qu'il trouve eet dans ceux de M. de la Mennais de grands
toute faite dans la philosophie catholique ?7 ddégoûts et une grande mélancolie. Il n'y a
r de tout cela dans aucun de ces écrivains,
Dans l'école de philosophie religieuse ou rien
catholique, il y a unité de vues et de systè- maisc un grand amour de la vérité et il se-
mes entre ses défenseurs seulement les rait r plus raisonnable et plus vrai d'attribuer
uns ou les autres font des applications par-' à la supériorité de la cause qu'ils défendent,
ticulières et en quelque sorte spéciales des les différents mérites de leur style, la force
principes qui leur sont communs; M. de dde leurs pensées, et même le ton ferme et
Maistre à la religion, M. de Sonald à la po- hardi
'J de leurs écrits (t).
litique, M. de la Mennais à la philosophie, L'éclectique prend donc en lui-même et
M. d'Eckstein à l'histoire.
ddans la conscience son premier principe,
On remarquera peut-être que M. Damiron ccomme le matérialiste le prend dans la sen-
s'étend, ce semble, avec complaisance, et sation.
si
(1) On me permettra de relever ici une'injustice, dd'un projectile, et que l'autre rappelle au juge l'idee
à mon égard, de M. Damiron. A propos de ce qu'a morale
nr qu'il sera jugé lui-même par celui qui juge
écrit mon illustre ami le comte de Maistre, sur l'exé- le justices. La religion ne nous dit-elle pas que
les
cuteur des jugements puhlics, M» Damiron appelle nnous serons tous jugés par le Juge suprême, et la
affreusement religieux ce que j'avais dit à la chambre peine
p' de mort qu'infligent les jugements humains
des pairs, que punir un coupabledu dernier
puce
sup- {((celte peine,
c'était le renvoyer devant son juge naturel,
qu'innocents ou coupables, nous
Trouve-t-il plus humain le mot usuel chez les An- sommes tous condamnés à subir), est-elle une ex-
si
gtats, qui disent dans la même circonstance lancei ppiation suffisante d'une vieentiêre de crimes et d'une
multitude
m d'assassinats: et le doux Fénelon ne dit-
un homme dans l'éternité? Il y a cette différence, il pas que c'est un bienfait pour les méchants que
que le mot anglais ne présente que l'idée physique d, les rentettre dans l'ordre par le supplice ?
de
PART. I. ECOiNOM. SOC.- PRINCIPE CONST. DE LA SOCIETE.
1.7
=.a. "Vl1..
a. vvu.-a aaa. 18
Ainsi tous les: deux le prennent dans dans le fait incontestable des enfants qui,
l'homme mais le philosophe catholique le nés chez les sauvages ou chez les peuples
prend hors de l'homme et en Dieu et certes, policés, parleront indifféremment les lan-
quand on reconnaît l'existence de la Divi- gues barbares des peuplades américaines,
nité, il faut la bannir de sa pensée, ou la ou les langues polies des nations européen-
placer à la tête de l'homme, de la société et nes, et n'en parleront conséquemment au-
de l'univers Ab Jove principium, disaient cune, si aucune n'a pu frapper leur ouïe ?
les païens.
Cette preuve, je le sais, paraît à nos sa-
C'est donc de la révélation (s'il y a une vants trop vulgaire et pas assez rationnelle
révélation, dit M. Damiron), et non de l'ins-
piration que les Catholiques, je le répète, ou scientifique; et une vérité sur laquelle
on ne peut disputer, et qu'on ne peut con-
laissent aux protestants, que partent, comme tredire, ne doit pas prendre rang dans leur
d'un premier principe, les partisans de cette philosophie. En toute autre matière, ils ne
doctrine; et, comme Archimède, ils deman- veulent pas croire à ce qu'ils ne voient pas;
dent un point d'appui hors du monde pour dans celle-ci, ils refusent de croire à ce qu'ils
le soulever. Cette révélation, orale pour la voient, et, pour échapper à cette preuve
première famille, et plus tard écrite pour la irréfragable de la transmission primitive du
première société publique, a été conservée langage, ou plutôt à ses nombreuses et na-
par ce même peuple miraculeusement sub- turelles conséquences, quelques-uns sesont
sistant au milieu de nous, et transmise jus- jetés dans les hypothèses les plus monstrueu-
qu'à nous d|! génération en génération par
ses ils ont imaginé des myriades de siècles
les monumeîps historiques ou traditionnels pendant lesquelles l'homme, par le moyen de
les plus authentiques, et par le monument circonstances favorables, aurait pu naître du
de tous le plus authentique, l'établissement limon de la terre échauffé par les rayons du
de la religion chrétienne, qui a été le der- soleil, d'abord imperceptible animalcule,
nier développement de la révélation primi- puis insecte, poisson, bipède ou quadru-
tive, et dont l'état extérieur et politique s'ap- pède, homme enfin et, dans cette hypothèse
pelle la chrétienté, réunion et comme confé- il était aussi facile de faire l'homme inven-
dération des nations les plus puissantes et teur de son propre langage, que d'avoir fait
les plus éclairées qui furent jamais. le soleil créateur de l'homme. C'est ce qu'on
appelle de la science.
Cette révélation, que MM. ile Maistre, de
la Mennais et d'Eckstein ont considérée et M. Damiron ne partage pas ces extrava-
défendue comme une vérité de foi, religieuse gantes rêveries; mais, après avoir exposé
et historique, j'ai voulu en donner la preuve avec bonne foi mon opinion sur la nécessité
philosophiqueou scientifique,et j'ai soutenu de la transmission primitive du langage,
la nécessité physique et morale, physiologi- philosophe timide, mais consciencieux, n'o-
que et psychologique, si l'on veut, de la sant pas l'admettre et craignant de la rejeter,
transmission primitive du langage faite à il finit par demander: Que faut-il en penser
l'homme par un être nécessairement supé- Mais, pourrions-nous lui dire, philosophe,
rieur et antérieur au genre humain. vous vous présentez pour nous servir de guide
dans la recherche de la vérité, et au premier
Ce n'est pas, comme le dit M. Damiron,
pas vous nous demandez la route! Vous écri-
par l'autorité des Livres saints, qui ne le éclairer, et c'est de
disent pas, au moins directement, ni sur des vez pour nous la lumière! Mais c'estnous que
à vous-
attendez
recherches archéologiques que j'ai établi la vous
même nous demandons ce qu'il faut penser
nécessité de cette transmission primitive je de quedoctrine;
cette et puisque vous êtes éclecti-
m'en suis servi tout au plus pour en confir-
que, cherchez et « choisissez» entre les deux
mer la vérité. Mais quel besoin avais-je de opinions qui font de Dieu ou de l'homme l'in-
l'archéologie ou même de la Bible, lorsque
venteur du langage, celle que nous devons eni-
j'avais sous les yeux la preuve la plus visi-
brasser.
ble, la plus palpable, la plus évidente, la
plus populaire, la plus universelle, la plus A la preuve physique de la nécessité de
usuelle, de la nécessité de cette transmis- la transmission primitive du langage, tirée
sion, dans l'état des sourds-muets, qui ne du spectacle de la transmission journalière
sont muets que parce qu'ils sont sourds,. et que les hommes s'en font les uns aux autres,
el de l'absence de toute parole, ou du mu- goût,
g de l'étucation des sourd-muets, et qui
lis me absolu chez ceux qui n'ont pu recevoir tous le s'accordent à reconnaître que les sourds-
cette transmission à cette preuve physique, muets m n'ont point d'idées, parce qu'ils n'ont
dis-je, se joint la preuve métaphysique tout point p d'expressions.
aussi évidente de l'impossibilité de l'inven- De ces deux propositions ega.ement in-
tion de la parole par les hommes, qui, sans contestables,
& ou plutôt de ces deux faits,
parole ou sans expression, n'auraient pas l'un, 1' que les hommes ne peuvent parler
pu avoir même la pensée de l'invention et que q la langue qu'ils ont pu entendre l'au-
c'est ce qu'a très-bien aperçu J.-J.Rousseau, iitre, qu'ils ne peuvent, sans expressions
lorsqu'il dit que, tout considéré, la parole lui mentales
n ou vocales intérieurementou exté-
paraît avoir été fort nécessaire pour inventer rieurement
r prononcées, se rendre sensibles
la parole. leurs propres pensées, ni les rendre sensi-
Cette preuve n'est autre chose que l'évi- bles b aux autres, c'est-à-dire avoir la cons-
dente nécessité de la parole mentale ou in- cience c de leurs propres pensées et en
térieure pour s'exprimer soi-même ou se ddonner aux autres la connaissance; de
rendre sensible sa propre pensée, et de la ces c deux faits, dis-je, résulte, ce me semble,
parole vocale ou extérieure pour t'exprimer le h plus haut degré de certitude de, la vérité
et la rendre sensible pour les autres; et, que q j'ai voulu établir, savoir, la révélation
comme je l'ai dit dans les Recherches philo- faite f< à l'homme par Dieu même, vérité si
sophiques, sous une forme plus abrégée, la universellement
v reçue, qu'une révélation
nécessité de penser sa parole avant de parler quelconque,
q sous une forme ou sous une
sa pensée, aautre, est le premier dogme «fe religions
C'est cette nécessité de la parole, pour de d tous les peuples, consentement de tous
exprimer sa pensée, qui a fait donner à des les 1 peuples dans un même sentiment, que
mots le nom usuel d'expressions; mais il Cicéron ( appelle la voix de la nature et la
faut observer que la parole n'est nécessaire preuve de la vérité a voxnaturœ et argumen-
que pour rendre la pensée aux choses mora- tum t veritatis. »
les, et non pour exprimer la pensée aux M. Damiron croit sans doute à une révé-
la pensée qui la reçoit, comme la pensée à l'homme, mais sa manifestation aux hom-
suppose des paroles qui l'expriment; et, r
mes en esprit et en vérité, c'est-à-dire en
quand on veut inspirer à. quelqu'un quel- âme
à et en corps; c'est là législation qu'il leur
que chose à dire ou à faire, ne faut-il pas lui aa donnée c'est, en un mot, toute l'écono-
mie de la religion chrétienne, fondée sur cces vagues « sensations, » ces notions irréflé-
l'incarnation et la prédication du Verbe fait chies,
t qu'on retrouve en soi-même dans tous
chair, base inébranlable sur laquelle s'est lles instants où l'on ne donne aucune attention
élevé le majestueux édifice du christianisme, àt ce qu'on voit, où l'on se borne à sentir et
qui s'avance à travers les siècles, et toujours i fait on n'en aurait pas d'autres si les cho-
de
attaqué, et aujourd'hui plus que jamais, tses en restaient toujours là. Mais, comme il
par toutes les erreurs de l'esprit, par toutes est
t inévitable que l'esprit vienne à réfléchir,
les passions du coeur, reste et restera iné- ài recueillir ces impressions, et qu'alors laper-
branlable à leurs atteintes, et, dans ses tré- ception
i est en lui plus ferme et plus « pro-
sors, recèle encore des sujets de consolation noncée,
i » ces pensées, ces mouvements intel-
pour ses enfants, et de confusion pour ses lectuels,
l deviennent plus forts, se produisent
ennemis. avec
c plus d'énergie, et sortent de lapure con-
Et qu'on prenne garde que, lorsque nous science
i pour pénétrer dans l'organisation.En
disons que Dieu a communiqué à l'homme y pénétrant, ils déterminent certains « mouve-
le don de la parole, et que, comme dit M. iments internes, » que suivent aussitôt les ges^
Damiron, il l'a instruit après l'avoir produit, tes
i d'attitude, la physionomie et la x parole.M
nous ne contestons pas qu'il ait pu le créer L'organe
i
vocal en particulier est très-propre.
parlant, au lieu de le rendre parlant après par son extrême souplesse, à bien recevoir et à
l'avoir créé; nous ne disons pas qu'il ait ïbien rendre ces impressions de l'dme. Il « ar-
reçu au premier moment une langue corn- rive donc » que les pensées se « mettent en
plète; nous disons seulement que l'homme, rapport
i » avec les mouvements organiques, et
au premier instant de son existence, a été principalement
j avec les sons, qu'elles s'y al-
instruit en pensées et en expressions, de tout lient et s'y unissent intimement. C'est au
ce qu'il lui était nécessaire de savoir et d'ex- point qu'on a peine quelquefois à les en dis-
primer et que l'homme ait été créé avec le tinguer, et qu'on croit les voir, les saisir, les
don de la parole, ou qu'il l'ait reçu après sentir réellement dans les phénomènes,qui
avoir été rréé, cette double hypothèse ne n'en sont cependant que les signes. Or, une
change rien au fait de-la révélation, prouvée telle alliance n'a pas lieu sans que ces actes de
par la nécessité d'une transmrsskta primi- l'espritne participent plus ou moins à la na-
tive et par l'imoossibilité de penser, sans ex- ture de ceux du corps. Ils « prennent quel-
pressions. que chose » de leur caractère et de leur al~
En attendant de savoir ce qu'il faut en lure ils deviennent plus positifs et plus
penser, M. Damiron, après avoir repoussé marqués; ils se « matérialise~at» en quelque
comme peu philosophiques les comparai- sorte, et sont alors des pensées qui, arrêtées
sons, qu'à l'exemple du plus célèbre philo- et fixées par l'expression, s'achèvent, se défi-
sophe de l'antiquité, j'avais employées pour nissent et se « changent » en idées claires et
faire entrer plus facilement ma pensée dans distinctes. « C'est ainsi qu'on pense au moyen
l'esprit du lecteur, essaye de donner de l'in- des signes, et surtout aumoyen des mots.» >,
ventiun du langage par l'homme lui-même, Que faut-il penser de cette explication,
une explication qui, dit-iJ, sera peut-être puis-je à mon tour demander à M. Damiron,
philosophique. Le lecteur en jugera la et qu'en' pense-t -il lui-même ? en
est-il
voici pleinement satisfait? ne trouve-t-il pas un
Quelles que soient l'origine et la nature peu précipitée la conclusion qu'il a tirée de
de l'esprit, on peut dire indépendamment ce long raisonnement, et que j'ai soùli-
de tout système, et sans s'exposer à être gnée ? Toutes ces locutions physiques qu'il
contredit par aucun, que cet esprit qui vit, emploie pour exprimer te fait moral de
sent et se meut en nous, est quelque chose l'invention du langage, ces forces, ces mou-
d'animé et d'acti f que c'est une force, une vements internes et intellectuels dont il parle
force intelligente de perception des pensées comme il parlerait de mouvements intestins
voilà les mouvements qui sont propres à cette et qui passent comme l'éclair, ces demi-pensées
force. Tant que ces mouvements sont purs, qui sortent ds la conscience et passent dans
simplement spirituels, dégagés de tout lien, l'organisation, cette parole, qui est, dit-il
de toute force matérielle, ils sont si déliés, si ailleurs, une sortie de l'esprit qui passe de
rapides, sipeu marqués, qu'à peine laissent- la conscience dans les nerfs, s'y projette pour
ils de trace dans'la conscience ils y passent ainsi dire, et s'y produit sensiblement au
comme l'éclair. Ce sont là ces « demi-pensées, » moyen du son et de la voix; ces pensées
qu'on cvoitvoir, saisir,sentirdansdesphéno- prodigieuse souplesse, se prêter, comme dit
mènes qui ne sont pas des signes, ces actes de M. Damiron, aux mouvements intellectuels,
l'esprit qui se matérialisent en quelque sorte, et produire spontanément le langage, com-
etc., tout cela lui paraît-il à lui même, et ment nos muets, au milieu de toutes les re-
dans la pensée et dans l'expression, bien lations de la société, qui donnent aux esprits
philosophique? Ces demi-pensées, ces vagues bien plus de mouvement et d'activité, entou-
sensations, si déliées, si rapides, qu'à peine rés d'êtres parlants et entendants, et en com-
laissent-elles -des traces dans la,conscience; merce continuel avec eux, malgré tous les
ces notions irréfléchies alors qu'on se borne bienfaits d'une éducation qui ne leur laisse
seulement à sentir, lui rendent-elles une pas les mots à inventer, puisqu'elle s'appli-
raison suffisante de l'art merveilleux du que à leur enseigner les mots d'une langue
langage articulé et de tous ses phénomènes? toute formée comment nos muets ne peu-
M. Damiron confond-il les idées et les ima- vent-ils pas même répéter cette parole, et
ges, les pensées et les sensations? Est-ce ne font-ils entendre que des sons inarticulés
qu'il y a des moitiés de pensées ou des qui les rapprochent bien plus de la brute
moitiés d'expressions? il n'y a pas encore le que de l'homme? Et encore il faut remar-
langage, et il veut que l'esprit réfléchisse, quer, comme une nouvelle preuve, que de-
recueille des impressions vagues et fugitives, puis le premier homme qui la reçut de Dieu,
qui ne laissent pas de traces dans la con- l'art de parier a toujours été transmis et est
science, et qu'alors la perception soit plus venu aux hommes, comme la vie, par suc-
forte et plus prononcée expression remar- cession que l'homme, même doué de tous
quable, qui échappeau philosophe etqui de- ses sens, ne parlerait qu'avec une extrême
vrait lui faire apercevoir qu'une perception difficulté, ou même ne parlerait pas du tout,
n'estprononcéeque lorsqu'on peut la pronon- si jusqu'à quinze ou vingt ans il était entiè-
cer ou la parler. Il faut pour cela que la con- rement séquestré de la société de ses sem-
science pénètre dans l'organisation com- blables, parce que son organe vocal n'aurait
ment se fait ou peut se faire cette action de plus assez de souplesse pour se prêter aux
l'être moral qui pénètre l'être physique ? La combinaisons infinies du langage arti-
conscience est-elle autre chose que l'intelli- culé.
gence qui réfléchit à ce qu'elle a fait, ce La production de l'esprit par la parole est
qu'elle fait ou veut faire, à ses devoirs, à ses comme celle des corps le résultat de l'action
fautes, etc.? et y a-t-il conscience, sui scien- simultanée de deux agents; et delà vient
tia, sans pensée et par conséquent sans ex- sans doute que les mêmes expressions s'ap-
pression ? Combien d'autres questions à pliquent aux deux opérations, et qu'on dit,
adresser à M. Damiron avant de lui accor- en parlant de la pensée, conception, produc-
der cette conclusion si peu préparée: C'est tion, fécondité de l'esprit, qénération des
ainsi qu'on pense au moyen des signes et sur- idées, etc.
tout au moyen des mois. Non, philosophes, vous ne dissiperez pas
Est-ce que M. Damiron compare le geste le doute de J.-J. Rousseau, que la parole lui
ou le dessin, signe de la pensée, aux choses paraît avoir été fort nécessaire pour inventer
matérielles, images ou figures que Jes Latins la parole. Jamais vous n'expliquerez autre-
appelaient signa, avec les mots qui ne sont ment que par une transmission primitive la
pas les signes, mais l'expression naturelle de merveille de la parole et le fait de sa trans-
ja pensée, ou la pensée exprimée et rendue mission journalière et lorsque vous nA niez
sensible? pas l'existence d'un Etre supérieur à l'hom-
Mais le raisonnement par lequel M. Dami- me, et que vous avez pour vous l'opinion de
ron veut expliquer l'invention du langage tous les peuples qui ont admis une révéla-
par l'homme lui-même, peut-il détruire ou tion, et l'exemple des nations les plus éclai-
seulement balancer le fait évident, palpable, rées et des plus beaux génies qui ont cru
visible comme la lumière du soleil, du mu- à celle que reconnaissent les Chrétiens
tisme qui n'a pour cause que la surdité, ou pourquoi vous égarer dans des hypothèses
''absence d'une langue transmise, pour ceux chimériques ou absurdes, supposer toujourss
qui ne sont pas sourds? Si l'organe des pre- ce qui est en question, et vouloir que la
miers inventeurs du langage, au temps de la pensée ait précédé la parole, lorsque, sans
plus extrême barbarie, puisqu'elle précédait parole, je le répète, l'homme ne pourrait
l'invention du langage, a pu, à cause de sa avoir eu même la pensée de l'invention?
27
Mais _·.r m,t.s ..1. 1. tj DE
OEUVRES COMPLETES
__it a créé l'homme parlant,
si la Divinité
ou lui a révélé l'art de parler après t'avoir
M. DE BONALD.
*rLJ 1TJU JJIJ .LPVSi.inLJLS.
Ts.o~ e'o!~te
ddans les Livres-
}pas '
saints? 9Malebranchen
28
Mra~hfonnh~ n yHaA
cherché sa métaphysique, ni Leibnit/ sa
ils ont pu se rencontrer avec les
créé, elle lui a donc donné aussi le merveil- Théodicée;
3
leux organe de la voix, et celui plus mer- lLivres saints, comme le feront tous ceuxqui
veilleux peut-être de l'ouïe, sans lesquels il s'occuperont
s à développer les vérités de
l'ordre moral mais, s'ils y ont trouvé la vé-
ne pourrait parler; elle a donc créé l'hom- 1
PREFACE.
Dans les Recherches philosophiques sur les principe générateur, ou seulement constitu-
premiers objets de nos connaissances morales, tif, de la société en général et de toutes les
j'ai considéré l'homme, intelligence servie sociétés particulières, domestique civile
par des organes, ses idées, ses images, ses religieuse qui portât dans toutes le même
sensations, en [un mot, toutes ses facultés nom, qui remplit dans toutes les mêmes
individuelles, et j'aurais pu intituler cet fonctions, qu'on aperçût jusque dans les so-
ouvrage Philosophie de l'homme. ciétés les plus imparfaites et leurs combi-
Dans l'écrit que le lecteur a sous les yeux, naisons les plus irrégulières et cet élément
je considère la société en général, réunion ou principe une fois connu, m'a conduit de
d'êtres semblables pour leur production et conséquence en conséquence à des résultats
leur conservation mutuelles, et ses éléments que je peux dire inattendus, et sur lesquels
naturels et constitutifs; j'applique cette dé- j'appelle le jugement du public éclairé et
finition aux différentes espèces de société impartial.
domestique civile religieuse et à leurs Je n'ignore pas que, dans beaucoup d'es-
combinaisons ou modifications diverses so- prits, l'impartialité-n'esl aujourd'hui que de
ciétés toutes semblables, comme l'indique le l'indifférence pour la vénié, et que les lu-
nom de société, commun à toutes, bien dif- mières, les lumières morales, les seules qui
férentes de ces associations de commerce ou méritent ce nom, disparaissent de plus en
d'entreprises, ouvrage de l'homme, et disso- plus, remplacées par des connaissances
lubles à sa volonté. d'arts et d'objets tous matériels, accessibles
Ce vaste sujet, je l'avais ébauché dans un à tous les esprits et même aux hommes sans
Essai analytique sur les premiers principes esprit; connaissances qu'on prend pour des
de l'ordre social, et plus développé, d'une lumières, quoiqu'elles n'éclairent l'esprit ni
manière à la vérité plutôt historique que sur jle vrai bonheur de l'homme, ni sur le
philosophique, dans la Théorie du pouvoir bon ordre de la société, et qu'elles puissent
politique et religieux; ouvrage saisi sous le plutôt, par leur excès, matérialiserl'homme
Directoire, qui n'a pas reparu depuis, et et corrompre la société.
auquel celui-ci pourrait servir d'introduc- Le moment n'est donc pas favorable, je ne
tion. ne dis pas au succès d'un pareil ouvrage, je
J'ai en effet cherché par les seules lumiè- n'ai garde de prévenir à cet égard le juge-
res de la raison, et à l'aide du raisonnement, ment du public, mais seulement à sa publi-
s'il existait un fait unique, évident, palpa- cation et cependant je ne me suis pas dé-
ble, à l'abri de toute contestation, qui fût le couragé. Scribantur hœc ln generatione altéra
me suis-je dit avec le Psalmiste (Psal. ci, dans l'obscurité, répand à l'horizon un plus
19) j'ai pensé qu'il pouvait tôt ou tard vif éclat.
tomber en des mains qui le feraient fructi- J'ai pris mon point de départ d'une idée
fier, ne fût-ce qu'en le refaisant et en le pré- diamétralement opposée et convaincu que
sentant sous une forme moins didactique l'ordre, la force, la sécurité, la prospérité,
car, dans mes nombreux travaux, tous rela- la douceur des mœurs, la politesse des ma-
tifs à la société, j'ai plutôt songé à sonder et nières, la décence dans la conduite, la cha-
à raffermir les fondements de l'édifice, qu'à rité envers ses semblables, la bienveillance
le décorer et à l'embellir. universelle, en un mot toutes les vertus pri-
Mon premier objet en traitant philosophi- vées et publiques, et tous les biens sont les
quement des principes de la société, a été fruits nécessairesde la vérité et comparant,
d'en faire l'application à la société reli- sous ce rapport, le monde idolâtre ( 1 ), le
gieuse, mère de toutes les autres, et parti- inonde païen, le monde mahométan, le monde
culièrement à la religion chrétienne, mécon- encore sauvage, le monde même philosophi-
nue par la honteuse et superbe igorance des que, tel que l'a fait la révolution, au monde
uns, attaquée par les autres avec Une haine chrétien, j'ai cru que la vérité était dans la
furieuse, que la vérité seule a le triste pri- chrétienté, qu'elle y avait toujours été, et
vilège d'inspirer: car oh ne peut ni aimer que les désordres locaux et passagers qui
ni haïr à demi la vérité quiconque n'est pas avaient pu s'y manifester, prouvaient seule-
pour elle est contre elle, et c'est ce qui a fait, ment que la vérité n'avait pas été toujours
même dès l'origine du christianisme, des et partout .complètement développée car
bourreaux et des martyrs. ce que les hommes peuvent espérer (de
Les écrivains qui depuis un siècle ont fait mieux dans la recherche de la vérité, est de
de la religion chrétienne, et surtout de la re- découvrir des vérités fécondes, et non des
ligion cathodique, l'objet de leurs sarcasmes, Vérités complètes.
de leurs sophismes ou de leurs déclama- J'ai cru que la société chrétienne n'aurait
tions, ont tous supposé que, jusqu'à cette pu croître, se civiliser, se perfectionner
bienheureuse époque, pompeusement déco- s'affermir sous l'influence d'une fausse doc-
rée du nom de siècle des lumières, le monde trine de religion, de la religion qui se mêle
chrétien avait été dans l'erreur; que l'en- aux lois, aux moeurs, aux pensées, aux sen-
seignement religieux n'avait été que men- timents, aux actions, aux habitudes domes-
songe et imposture la foi des peuples qu'es- tiques et civiles d'un peuple, qui pénètre, si
clavage et aveuglement la piété, qu'hypo- je peux ainsi parler, sa vie tout entière
crisie ou faiblesse d'esprit; qu'eux seuls privée et publique; pas plus qu'un élève,
avaient porté les lumières dans les ténèbres dans un art ou une science quelconque, ne
et mis les hommes sur la route de la vé- pourrait y faire de progrès si son esprit était
rité, ou plutôt hors des voies de l'erreur et imbu de faux principes sur cette science ou
d'une honteuse crédulité car ces écrivains sur cet art; et j'aurais pour garant de mon
ne se sont chargés que de démolir, sans rien opinion, de l'influence puissante de.la reli-
remettre à la place; et, en annonçant pour gion sur l'état d'un peuple, ces paroles d'un
une autre époque de nouvelles constructions, philosophé de ces derniers temps, ennemi
ils ne se sont pas du tout occupés de ce que haineux du christianisme, Condorcet :La re-
deviendrait la société pendant l'interim. ligion mahométane retient les Turcs dans une
Il a été, comme nous l'avons vu, rempli incurable stupidité.
par une sanglante révolution, dont la bruta- Ce qui explique la différence, ou plutôt
lité toute physique a achevé l'œuvre du bel l'opposition totale qui existe entre l'opinion
esprit, sans que les démolisseurs aient paru des ennemis de la religion et la nôtre, c'est
se douterqu'un grand désordre ne peut avoir qu'ils n'ont vu dans la société et dans la re-
pour cause qu'une grande erreur. Ils ont ligion que l'homme, l'homme individuel, ses
même vu, sans le comprendre, la force et la erreurs, ses passions, ses faiblesses, et ils en
vie de la religion se débattant sous leurs ont demandé compte à la religion comme
coups, s'accroître avec ses douleurs et leur
violence tel le soleil, au moment de dispa-
raître et de plonger par
lUayaV;V1.4V3Nm.vbcu
(
yan son
avaa.uvo~a.vv
le monde
.absence acu.mvaauu
i ) Je distingue le paganisme de l'idolâtrie
comme les Grecs et les Humains.
cu redresser
en aculcaaC'1 les
aca mauvais Ut
si la religion pouvait changer notre nature
et faire autre chose que nous offrir, pourr
maauram penchants et les JU-7
partie religieuse de mes écrits à l'autorité t me-fera sacrifier des vérités que je crois
ne
religieuse, je déclare hautement que je ne ééternelles, à des systèmes d'un jour ou d'un
reconnais à aucune autorité humaine le siècle,
s et à des intérêts d'un moment.
DÉMONSTRATION PHILOSOPHIQUE
DU PRINCIPE CONSTITUTIF DE LA SOCIÉTÉ.
{i) Les Anglais appellent la femme women monde par la faute de la première femme: dans un
de la
homme de mal, de malheur, de souffrance, de woe, sens physique, des misères et des douleurs état
qui veut dire mal, douleur, souffrance, et de man, maternité; et dans un sens politique, de 1 dg
homme. Cette locution remarquable peut s'entendre, passivité et de dépendance du ministère.
dans le sens religieux, du mal introduit dans le if
m PART. L.ECQNO». SOC2- PRWCIPE CONS-l. DE LA SOCIETE. 46
.).u.c uVty^:r~ vC. 1na ..7vüIGlG.
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utile
n.ti~o Aii, nuisible -).à 1~
ou- ',r¡'I1.ici.~ln J'Io"n.iJ. de la1
la conservation ~1_.1 langage mathématique, on pourrait dire •*
'1 1
société dont il est le chef, et de combattre l'homme est à la femme ce qu-e la femme est
pour écarter les obstacles qui s'opposent à à l'enfant ou le pouvoir est au ministre
cette conservation, et l'infertilité de la terre, ce que le ministre est au sujet.
qui, sans Je travail imposé à l'homme,
comme première condition de ta vie, ne pro- CHAPITRE V.
duirait que des ronces et des épines, et la
malveillance des hommes qui voudraient lui DU SUJET DANS LA SOCIÉTÉ DOMESTIQUE.
ravir le fruit de ses labeurs. L'enfant, sujet de l'action et de la volonté
Aussi, le pouvoir domestique avant tout du père et de la mère, n'a qu'un devoir
établissement de pouvoir public, avait le celui d'écouter et d'obéir. il n'a point de
droit de glaive pour défendre sa société, le fonctions qui lui soient propres mais toutes
%us vitœ et necis, attribut essentiel du
pou- les fonctions des deux autres personnes de
voir public, et que le pouvoir domestique la société se rapportent à lui, et les travaux
conserveencore pour sa défense personnelle, du père, et la sollicitude de la mère et les
même sous l'empire de la société publique, soins des serviteurs. Par sa faiblesse même,
dans les lieux et les moments où il ne peut il est le maître. Quel est le plus grand, dit
appeler à sa défense l'autorité publique. Ce admirablement le code de la morale chré-
droit de vie et de mort, les anciens peuples tienne, de celui qui sert, ou de celui qui est
l'avaient attribuéau pouvoir paternel, même servi? (Luc. xxn, 27.}, Et le législateur s'a-
sur les membres de sa famille ( 1 ). L!histoire dressant à ses disciples, et dans leur per-
en offre d'illustres exemples, et l'on.peut sonne à tous ceux qui ont autorité sur les
remarquer que les lois encore n'en punissent autres Qu& celui, leur dit-il, qui veut dire
pas et en, trouvent excusable le terrible usage le plus grand entre vous, ne soit que le servi-
delà part de l'époux, dans le cas de flagrant te.ur des autres. (Matth. xx, 26; Marc, x,
délit contre la fidélité conjugale. (Voyez le 43.) Leçon sublime, qui apprend aux hommes
Code pénal.) qu'ils ne sont élevés, par leur rang et leur
fortune, au-dessus des autres que pour les
CHAPITRE IV. servir que les honneurs sont des charges,
CARACTÈRE DU MINISTÈRE DE; LA SOCIÉTÉ c'est-à-dire des fardeaux, et elles en portent
DOMESTIQUE.
le nom des offices, c'est-à-dire des devoirs,
offlciutn; en un mot, que tout ce qui est
La. mère, placée par la nature entre le grand ne l'est que pour servir tout ce qui
père et, les enfants, entre le pouvoir et le est faible et petit, et de là sont venus les
sujet,, et par le moyen ou le ministère de la-. mots servir, service, employés à désigner,
quelle s'accomplit l'action productive et dans les langues des peuples chrétiens seu-
conservatrice, la, mère reçoit de l'un pour lement, les plus hautes fonctions du minis-
le transmettre à l'autre, obéit à celui-là tère public. Nous reviendrons ailleurs sur
pour avoir autorité sur celui-ci dépendante cette idée.
du pouvoir, indépendante du sujet, et pour La société domestique est donc une société
remplir la double fonction d'obéir et de de production et de conservation des indi-
commander, de recevoir et de transmettre, vidus. Nous verrons plus tard que la société
elle doit être homogène à l'un et. à l'autre, publique, appelée aussi Etat ou gouverne-
c'est-à-dire de même nature que l'un et l'au- ment, est une société de production et de
tre». Aussi, si elle participe de l'homme par conservation des familles.:
la raison,. elle participe de l'enfant, comme Au reste, je n'ai parlé que de la famille
-'ont observé tous les physiologistes, par la agricole et propriétaire, la seule qui soit
délicatesse de ses organes, l'irritabilité de indépendante, qui puisse ne travailler que
ses nerfs, la mobilité de son humeur, et l'on pour elle, et n'ait pas besoin pour vivre de
pourrait l'appeler homme-enfant. Je prie le rendre son temps «t son industrie -et l'on
lecteur de bien retenir cette proposition, peut remarquer que, dans les leçons que
dont il trouvera, des applications à d'autres donne l'Evangile à la société, presque tout
sociétés. Ainsi, si l'on voulait traduire la les exemples sont pris de la famille agri-
constitution, de la société domestique en cole.
( i ) Lorsqu'il naissait un enfant chez les Romains, terre, l'enfant devait vivre d'où est venue î'<?w*
eu le mettait-aux pieds du père s'il le levait de sion élever un enfant.
1E/S5 l»Ei lu. UEj DULIALiUa
CHAPITRE VI. thologie a conservé des traces oe ces événe-
ments des premiers âges. Un danger com-
DE L ÉTAT PUBLIC DE SOCIÉTÉ.
mun a réuni toutes ces familles mais cette
Les fatnihes en se multipnant se rappro.- foule, sans un conseil et sans une direction,
chent ( 1 ) les besoins des hommes sont ne pouvait que fuir, et il fallait combattre.
égaux, les moyens de les satisfaire, ou les Qu'au milieu de cette troupe consternée,
forces, sont inégales et la guerre naît entre écoutant et rejetant à la fois lés conseils con-
les hommes de l'égalité des besoins et de tradictoires et les mille moyens de salut
l'inégalité des forces. Les premières richesses imaginés par la peur ou l'incapacité, il s'é^
furent des troupeaux, qui donnaient la nout- lève un homme fort en paroles et eaàetions,
riture et le vêtement, et il faut, pour vivre qu'il soit écouté, qu'il entraîne la multitude
en paix, que Jacob se sépare d'Esaü, et que, dans son avis, voilà le pouvoir; que les hom-
dans les immenses plaines de la Mésopota- mes après lui les plus habiles et les plus,
mie, l'un aille à l'occident et J'autre à l'o- courageux s.e joignent à. lui pour l'aider de
rient. Des querelles entre bergers,, pour leurs conseils, et agir sous ses ordres et par
l'usage d'un pâturage, d'un chemin ou d'une sa direction, voilà les ministres du pouvoir
fontaine, étaient et sont encore de fréquents que le reste, sous la protection de leur in-*
sujets de guer.re entre le& hommes pasteurs tel ligence et de leur courage, serve à l'action
ou laboureurs,, et sans le pouvoir public, du pouvoir en portant des vivres, des armes*,
qui prévient la guerre par ses lois, ou l'em- des matériaux, selon qu'il faut combattreou
pêche par la force dont il dispose, les fa- travailler, voilà les sujets. Voilà, non l'ébau-
milles auraient péri, 'comme les individus che et les éléments de la société, mais le
périraient sans les soins delà famille. complément même de la société relatif aux
Il s'éleva donc des. pouvoirs publics, et temps, aux lieux et aux hommes.. Voilà toute
l'on voit dans l'histoire des chefs, et des rois la constitution de la société, etîdans toute
aussitôt que l'on voit des peuples et des société, même à son dernier âge, nous ne
cités. trouvons ni d'autres personnes, .ni d'autres
Quelles furent les causes et les origines rapports entre elles, ni d'autres fonctions.
de ces importants établissements? Comment César, dans ses Commentaires, donne la
des familles indépendantes les unes des au- m^me origine au pouvoir public dans les
dont il décrit les moeurs
tres, des hommes jusque-là étrangers les sociétés celtiques,
uns aux autres, purent-ils reconnaître des et les coutumes. Lorsque,
dit-il, quelqu'un
maîtres ? Fut-ce l'effet de la force ou le ré- d'entre Içs premiers se propose lui-même
sultat d'un contrat? Ni l'un ni l'autre. L'éta- pour commanderV expédition,, et demande qui
blissement du pouvoir public ne fut ni vo- veut le suivre; ceux qui approuventl'entreprise
lontaire, ni forcé; il fut nécessaire, c'est à- çt le choix du chef se lèvent et promettent
dire conformée ia nature des êtres en société leurs secours, et la. multitude applaudit. « At-
concilia quis ex principibus se
et les causes et l'origine en. furent toutes que ubi in
naturelles. dixit ducem fore, ut qui sequi velint profi-
Des familles issues les unes des autres, teantur, consurgunl,
ii qui et causqm et homi-
auxilium pollicentur
établies sur le même territoire (car la pro- nem probant, suumque
multitudine collaudantur. »
pagatian du genre humain ne s'explique atque a
pas autrement, et c'est ainsi que se peuplent Ainsi, dans cet exemple, nous voyons la
actuellement les pays récemment habités volon té et l'action, du pouvoir, la coopération
des aides ou ministres pour l'utilité du sujet:
ou nouvellement découverts), ces familles,
disons-nous, ont vu !a sûreté de leur vie et nous y retrouvons, l'élément de toutes les
nécessaires de
de leurs propriétés menacée par un ennemi institutions, dépendances
puissant, par le débordement d'un fleuve, tout établissement public de société, et que
le temps développe jusqu'à la civilisation la
ou par. des animaux féroces, et dans le récit
des exploits de ses héros fabuleux, la my- .plus avancée (2).
(1) La population peut doubler tous les vingt quelque homme plus intelligent, plus hardi ou plus
fort que les autres pour réparer le mal ou enOn pré-
ans, mêrçie tous les quinze dans un pays vide encore venir les suites, et des hommes pour l'aider. le
d'l):il>itanls. enfants,,
2 ) Il n'arrive pas un accident dans les rues de remarque jusque dans les jeux des parmi
lesquels il se trouve toujours un petit pouvoir pour
nos cités populeuses, un accident qui rassemble la
commander et diriger. La nature se retrouve partout.
foule, sans qu'on n'y trouve une image de cette
formation fortune de la société, et qu'il s'y montre
«4~ PAK'f.
~'Hhl. 1. ECOiNOM.7V[.
1. ~AV.l"J1U. SOC.– PRINCIPE
Y1211\41 CONST. DE LA SOCIETE. 50
Ainsi ces secours ou services de toute es- Ainsi le pouvoir, en se montrant, a dis-"1!-
pèce en vivres, en armes, en matériaux, que tingué et classé les personnes et toutes les `
-7
cèdent du pouvoir et de ses ministres, de i'homme, moins encore dans celle d'un
même que J'enfant procède du père et de la peuple, qu'il refuse les moyens de salu* qui
mère. Bossuet dit la, même chose dans ses lui sont offerts, quand le soin de sa propre
Avertissements. les né-
conservation, la première de toutes les né-
(1 ) Nous appelions en France lit de justice, la circonstance où le pouvoir royal se montrait avec.!?
plus d'éclat.
UU LSU 111' JL7LJ UUllillJl/t Oit
cessités, lui en fait sentir le besoin, et que norer le père et la mère, ce que tous les com-
sa raison en approuve les moyens. mentateurs, et entre autres Bossuex, enten-
Certes, nousayons sous Les yeux un exem- dent des pouvoirs et .magistrats :publics
ple mémoFablede la formation d'une société comme des pouvoirs do la famille, et de la
par l'élévation spontanée du pouvoir. Quand paternité publique comme de la paternité
Bonaparte a paru, la France n'était plus une domestique?
société; mais est-ce le peuple français, est- JI y a peu de jugement aussi à faire dériver
ce le directoire, est-ce le conseil des Cinq- la formation d'une société du droit de con-!
Cents ou celui des Anciens, est-ce même quête; car la conquête suppose ua état ^in-
l'armée qui a nommé cet homme pour finir térieur de société, une société armée, et par
les malheurs et la honte de l'anarchie con- conséquent un pouvoir* et des officiels ou
ventionnelle et directoriale? N'est-ce pas ministres qui en commandent ou dirigent
lui et lui seul qui s'est nommé lui-même les mouvements vers une fin commune, un
premier consul, consul à vie, empereur, roi pouvoir déjà établi et reconnu. La conquête-
d'un pays, protecteur d'un autre, et partoutn'est donc pas une formation de société
nou-
le maître sous divers noms? Prendrait-on velle, mais une extension. de société déjà
pour un contrat social la ridicule comédie formée,
1 extension qui peut être légitime
de ces listes ouvertes où s'inscrivaient la <dans son principe ou légitimée par sa durée.
peur ou l'ambition, et que rejetait la fidélité? La formation de la société publique n'a-
Et, si la légitimité, la première puissance été, < je le répète, ni volontaire, ni= forcée ;.elle-
de toutes dans les nations chrétiennes, ne ai été nécessaire.
se fût montrée, le pouvoir n'aurait-il pas Et sans cette nécessité, à prendre cette ex-
passé à la famille du conquérant? pression
j dans son acception philosophi-
Si la nécessité de repousser un ennemi que, < comment serait tombée dans l'esprit
extérieur a pu donner naissance au pouvoir d'hommes,
< naturellement indépendants, la
public, la nécessité, tout aussi urgente, de plus] inconcevable de toutes les idées et 1*
réprimer l'ennemi intérieur et d'assurer plus ] répugnanLe à la nature de l'homme
contre les passions la tranquillité de la cité l'idée
I de sujétion à son semblable? Le sys-
t
et le repos des familles, a ùû. aussi le pro- tème
1 d'un contrat social entre les peuples et
duire. Aussi nous trouvons, dès la plus haute
les rois, ce contrat qui suppose une délibé-
antiquité, des rois ou chefs législateurs, rationi a priori, pour sacrifier, sans nécessité-
comme nous y avons trouvé des rois guer- urgente et démontrée, sa liberté et sa vo-
riers et'des héros vainqueurs de monstres. 1lonté à la volonté d'un autre, n'a pu naître
Que les rois se soient élevés dans les sociétés que
< dans des esprits sans jugement et des.
naissantes par la profondeur de leur raison âmes i sans élévation et, loin que les hommes
ou la hauteur de leur courage, est-ce au aient '< pu ainsi à l'avance, et pour la satisfac-
peuple, ou n'est-ce pas à la nature» ou plutôt tion
1 de l'un d'entre eux, se donner un.
à son auteur, qui a départi à quelques maîlreà J telle ou telle condition,trop heureux
hommes les qualités d'esprit et de cœur qui dans < des périls urgents de trouver un sau-
les ont rendus propres à commander à leurs veur, ils ont accepté de sa part, avec recon-
semblables, que l'honneur doit en être rap- naissance,
i toutes les conditions qu'il leur a
porté? Et les premiers peuples eux-mêmes iimposées dans leur intérêt.
ne sont-ils pas tout à fait entrés dans celte Ainsi nous avons trouvé, dans j'état pubfic
pensée^ quand ils out fait leurs premiers rois <ou politique de la société à sa naissance, lés
enfants des dieux? Et n'ont-ils pas, comme trois
t personnes sociales que nous avons
les enfants de la famille, obéi à l'ordre d'ko* trouvées
1 dans la société domestique (Ij.
(1 ) De grands esprits, comnie saint Augustin et Un roi dans la. société politique, constituée sur
Bossuet, ont voulu non expliquer, mais faire com- 1les lois naturelles., est 1* pouvoir législatif; 2° il
prendre par des similitudes le mystère de da Tri- est pouvoir exécutif, c'est-àrdire instituant et di-
<
nitë, cetui qui présente les plus grandes difficultés rigeant
] la force publique, soit celle des armes, soit
à la raison mais its ont pris leurs points de com- celle
( des lois criminelles; 3° il est administrateur
paraison dans l'homme, et ils pouvaient les cher- suprême
s de la fortune de l'Etat, distributeur sou-
cher dans la société; et, si le pouvoir politique est verain
1 des grâces et des emplois. Si l'on demandé
l'image et le lieutenant du pouvoir divin, c'est dans 1le pouvoir législatif est-il roi? on répondra sans
l'image qu'il est naturel de chercher quelques traits hésiter*:
1 oui. Le pouvoir exécutif est-il- roi (rt)? oni;
du modèle. encore. L'administrateur suprême de la, fortune, de;
<
Nous restrouverons dans les sociétés poli- un pouvoir, et le plus respecté de tous,
tiques les plus avancées, sous divers nomss mais
i qui cependant n'aurait pas à la longue
de noblesse, d'officiers publics, de magistrats, 1pu maintenir tout
seul. l'ordre et la sûreté
<ié guerriers, etc. ( 1 ). <de l'Etat, dans un pays plus étendu etmoins
FElat, distributeur souverain des grâces et des om- prême, et pour parler le langage humain, le pou-
plois, est-il roi? oui, pour la troisième fois. Sont- voir législatif; que dans la seconde personne, Fils
pe trois rois? non, mais trois personnes en un seulIl de Dieu et Dieu lui-même est l'action et la direc-
roi, et tout ce que l'Eglise nous enseigne avec tant it- tion du ministère, force de la religion et sa milice
de précision et d'exactitude, des trois personnes enn spirituelle; qu'enfin dans la troisième personne,
Dieu dans la belle Préface du dimanche de la Tri- Dieu aussi, et procédant de l'une et de l'autre (ce
rite, s'applique exactement à la trinité royale. Unn qui est vrai aussi de la troisième personne royale,
seul roi, disons-nous, non en ne fanant qu'une seulee car l'administration se compose de législation et
personne, niais irais personnesen une même substance, d'exécution, et procède de l'une et de l'autre) se
< non in unius singularitate personœ sed in unius.s trouve l'administration de l'Eglise, puisque l'Esprit-
trinitate subslantiçe. »Ainsi il y a propriété dans less Saint est appelé dans la liturgie religieuse adminis-
personnes, unité dans t'essence, égalité dans la ma- tmlew al distributeur des dons el des grâces, et que
jesté, tel in personis. propriétés, et in e&sentia imita, ces trois personnes constituentaussi l'essence et la
et in majestate ae.gaulitas. Et cela est vrai, et avecc substance de la Trinité divins.
la plus rigoureuse exactitude, vrai philosophi-r- Encore une fois, je ne prétends pas expliquer ce
quement et métaphysiquement, de lalrinité royale, qui est inexplicable, mais, à l'exemple des grands
Ces trois personnes dans le roi sont bien -dis- hommes que j'ai cités, faire entrevoir par des simi-
tinctes puisque le roi délègue les fonctions dess litudes
1 la possibilité du mystère.
deux dernières à des personnes différentes, qu'elless (1 ) Dans les langues du Nord, le pouvoir est ex-
constituent un ordre différent de devoirs et d'affairess primé
1 à découvert; car les mots Kosnig, Kitig,
militaires ou administratives, et que ces trois fonc- Kan,
j etc., qui expriment la royauté, ont tous pour
tions et ces trois personnes constituent l'essence oui racine
] le verbe germanique ou scythique Kœnnen,
la substance de l'unité royale. qui veut dire pouvoir à l'infinitif. (Leibnitz;)
Or que nous enseigne la religion dans sa doctrineb ('2) Je crois devoir prévenir que l'état domestique
|a plus usuelle et la plus simple?Qu'en Dieu le Père, n'est
j pas l'état de domesticité; mais la vie en l'a-
prefijièi personne de la Trinité, est la-volonté su- mille,
i a domo.
d'être un: et le pouvoir n'est entre les> violences, en attendant d'être la victime,de
hommes un si grand sujet de division, que} ceux qu'il opprime.
parce qu'il ne peut pas. être un objet de3 Il est bon d'observer que l'Académie fran-
partage. C'est la tunique sans couture quii çaise, dans les premières éditions de son
ne peut être divisée et se tire au sort,.ett Dictionnaire, avait, fait absolu. synonyme
toujours entre les. soldats. d'arbitraire; dans les dernières, elle les.aa
Le pouvoir doit être un, et il est, comme distingués, et depuis que laJangue politique
nous le verrons, toujours un, malgré- des5 a été mieux faite, il n'est permis qu'à des
apparences contraires car la politique a, ignorants en grammaire comme en poli-
comme l'astronomie, ses mouvements réelsi tique, ou à, des factieux, de les confondre.
et ses, mouvements apparents. Un philosophe qui,fait autorité aujourd'hui.
Les fonctions du pouvoir peuvent êtrei pour beaucoup de gens,. M, Victor Cousin,
multiples,, suivant que son action s'appliquei a dit, dans ses. Fragments philosophiques,
à divers objets mais son essence est d'être page 153 Le contraire de l',arbitraire, logir
un, car deux pouvoirs répondraient à deux quement et grammaticalement parlant, c'est
sociétés, et de là vient que, partout où. le L'ABSOLU,
pouvoir est divisé, il se forme des partis Bossuet, définit le pouvoir absolu ou dé-
qui sont plusieurs sociétés dans le même finitif celui où un seul agit, mais par des
Etat; et le grand Maître en morale ne nous lois fondamentales contre lesquelles tout ce
dit-il pas que tout pouvoir, divisé en lui.- qu'on fait est nul d soi. Et la plus fonda-
même sera désolé? (Math. xur 25,; Luc. mentale de ces lois est que le pouvoir
xi, 17.) n'agira pas sans conseil ou sans remon-
Le pouvoir est essentiellement indépenr trances qui sont tôAou tard écoutées. Mon?
dant; car un pouvoir dépendant de quelque tesquieu définit le pouvoir arbitraire celui
autre n'est plus un pouvoir* où un seuj^entraîne, tout. par sa volonté ou,
Summum esse, dit Hobbes, et aliis subjick, par ses caprices;, mais il avoue lui-même
contradictoria sunt. « Etre le premier et le qu'il n'y a pas de pouvoir, pour si absolu
plus haut, et être soumis à quelque autre; qu'il soit, qui ne soit borné par quelque
implique contradiction. » endroit. Ce pouvoir, qui entraîne tout s'il,
n'est pas, comme en Turquie, borné par
Il faut, dit le célèbre Kant, que celui qui la religion, est entraîné lui-même par des.
devra limiter le pouvoir ait un pouvoir plus
révoltes de prétoriens et de janissaires.
grand ou du moins égal à celui qui est Ce n'est, pas le pouvoir» absolu, qui, pèse
limité; mais alors c'est le dernier et non le les peuples c'est l'obéissance absolue.
premier qui a l'autorité suprême, ce qui im.. sur Le pouvoir est la théorie, et, l'obéissance
plique contradiction. l'application. L'un, est une abstraction,don{
Le pouvoir public ne peut être indépen- les peuples ne s'occupent même
pas, l'au-
dant, sans être propriétaire dans le sol, car, tre est un. fait; et. je ne crains pas de sou-
sans propriétés territoriales, il n'y a pas tenir que jamais le pouvoir absolu de nos
d'indépendance politique puisque toute rois n'aurait osé demander
aux peuples ce.
autre richesse immobilière ou commet qu'en a obtenu le pouvoir constitutionnel
ments, i
ciale, dépend des hommes et des événe- du monarque armé de deux chambres.
1 | La religion chrétienne et les mœurs qu'elle
Le pouvoir est définitif, car un pouvoir avait formées étaient un frein doux et puis-
'qui ne peut définitivement exiger l'obéis- sant aux abus ou aux erreurs du pouvoir
sance n'est pas indépendant, n'est pas le (cette réflexion est de Montesquieu), et ce
:pouvoir, puisqu'il y a un pouvoir plus grand n'est que dans le pays où l'on a prétendu la.
que lui, celui de lui désobéir. réformer que l'on a vu surgir, dans la per-
C'est ce pouvoir définit-if que des hommes sonne de Henri VIII, le pouvoir le plus
ignorants ou perfides ont voulu rendre arbitraire, le plus cruel et le plus insensé
odieux en l'appelant absolu, et le confon- ii dont le monde eût entendu parler depuis les.
dant avec le pouvoir arbitraire, qui est le Commode et les Héliogabale.
moins indépendant, le moins définitif, le >
Le pouvoir partout est définitif, ou il n'est
moins absolu de tous, les pouvoirs, puisque pas un pouvoir. Ainsi, dans l'ordre domes-
sa volonté est sans règle et son action sans tique, le pouvoir du père sur ses enfants,,
direction, et qu'il est le jouet de ses propres du maître sur ses serviteurs, du chef d'alo».
lier sur ses ouvriers ainsi, dans l'Etat po- puleuses, où les rois ont été obliges de les
litique, les'arrêts des cours de justice, les déléguer.
ordres des chefs militaires, les décrets des Les premiers rois jugeaient eux-mêmes
assemblées législatives, sont chacun dans les différends qui s'élevaient entre leurs su-
leur sphère des pouvoirs définitifs ou abso- jets, et combattaient toujours à ta tête de
lus, et plus absolus si le pouvoir est collec- leurs armées et, plus d'une fois, le combat
tif et, si tous ces pouvoirs ne pouvaient singulier de deux rois a décidé du sort de
pas exiger l'obéissance, toute société domes- deux nations.
tique ou politique, même toute association Aujourd'hui les rois jugent en donnant des
d'intérêts, serait impossible. lois, en instituant des juges et combattent
Le pouvoir est essentiellement acti f, puis- par leurs généraux et leurs araées.
qu'en lui réside la volonté générale, prin- Ces deux fonctions, de juger et de combat-
cipe de toute action politique. tre, se retrouvent partout où il y a un com-
Le pouvoir doit être perpétuel car la mencement de société, et jusque dans les
mort ou la suspension du pouvoir serait la peuplades sauvages où les vieillards ren-
fin de la société, puisqu'une société sans dent la justice et les hommes plus jeunes
pouvoir n'est plus une société. Aussi les prennent les armes et déjà, chez les Ger-
rois ne meurent pas dans nos monarchies hé- mains, ces derniers étaient distingués en
réditaires. chefs, duces, ou compagnons du prince,
Le pouvoir par conséquent, doit être comites, d'où nous sont venus les titres
continuellement et réellement présent à la so- modernes de duc et de comte.
ciété, pour en régler le mouvement et en di- Tous les caractères que nous avons assi-
riger l'action car, comme la société ne gnés au pouvoir domestique conviennent
peut exister sans pouvoir, l'absence du pou- donc aussi au pouvoir public. Ils sont les
voir législateur et régulateur livre la société mêmes pour le pouvoir divin, en qui rési-
au désordre, et finit par l'usurpation qui dent, mais dans un degré infini, l'unité,
ramène une société, mais négative; c'est-à- l'indépendance, la force, l'activité la per-
dire qu'au lieu de pouvoir, de ministre, de pétuité, etc.
sujets, il y a un despote, des satellites et des
esches. CHAPITRE VIII.
Des publicistes ont, dans ce siècle, dis- CARACTÈRE DU MINISTÈRE DE
tàïigué deux autres pouvoirs LA SOCIÉTÉ
le pouvoir
exécutif et le pouvoir judiciaire. L'essence PUBLIQUE.
du pouvoir est d'être législateur, et celui-ci Le pouvoir domestique agit pour la pro-
ne se délègue pas; mais son action admi- duction et la conservation de ses sujets, qui
nistrative, son action judiciaire sont des sont ses enfants, par le moyen ou le minis-
fonctions qu'il délègue en 5,s'en réservant la tère de la mère (expressionabsolumentiden-
suprême direction ceux à qui il les délègue tique, sauf toutefois que moyen peut se dire
ne sont pas des pouvoirs, mais des autorités, de tous les êtres, même des êtres physiques,
puisqu'ils ont besoin d'être autorisés à les au lieu que ministère ne peut se dire que
remplir. des êtres intelligents).
Comme nous avons dit que le pouvoir Ainsi le pouvoir public agit pour la pro-
était volonté et action, vouloir et faire, velle duction et la conservation de ses sujets par
et facere, ces deux attributs du pouvoir ré- le moyen ou le ministère de ses agents, no-
pondent aux deux parties, intelligence et blesse, magistrats, guerriers, fonctionnaires,
organes, dont l'homme est composé. A l'in- etc., qui maintiennent l'ordre dans l'Etat, le
telligence appartient la volonté, aux organes défendent contre l'étranger, protégent les fa-
appartient l'exécution ou l'action. milles, jugent et apaisent leurs différends,
Le. pouvoir a donc deux fonctions émi- et contribuent ainsi à accroître et à conser-
nentes celle de juger tout ce qui peut éclai- ver la population.
rer sa volonté, celle de combattre tout ce qui Qu'on ne s'étonne pas de ce rapproche-
peut faire obstacle à son action. ment entre la société domestique et la so-
Dans les sociétés primitives, ces deux ciété publique; car, de même que sans le
fonctions du pouvoir de juger et de combat- père et la mère il n'y aurait pas de familte3
tre étaient remplies par les rois eux-mêmes et de sujets dans la société domestique, ainsi
plus littéralement que dans nos sociétés po- nous avons vu que, sans pouvoir public et
sans ministres, il n'y aurait pas de société, priété
pt territoriale il n y a pas d'indépendance
par conséquent pas de sujets; mais une foule politique.
po
sans conseil et sans direction qui ne pour- Le pouvoir, avons-nous dit, doit être dé-
rait que se détruire elle-mène, si elle finitif ou absolu, et il c'est même toujours
fi*
n'était; pas détruite par des causes étran- et partout, et plus absolu s'il est collectif.
gères. Son
Sc action exercée par ses ministres doit
Le ministère que, considéré en corps ou donc
de être définitive; et les arrêts des cours
en ordre on appelait dans l'Europe chré- de justice rendus de par le pouvoir de l'Etat,
de
tienne la noblesse, a suivi en France toutes et les commandements des chefs militaires
les phases du pouvoir viager tant que le donnés en son nom, et revêtus de son*auto-
de
pouvoir lui-même a été viager et que la suc- rite, doivent être obéis.
ri
cession héréditaire n'a pas été réglée» et de Le pouvoir est essentiellementaotif,les mi-
là vient qu'on n'aperçoit pas de noblesse nistres seront à la foisactifs et passifs; passif à
ni
proprement dite sous les premières races de 1.'égard
!'< du pouvoir dont ils prennent les or-
dres,
dr actifs à l'égard des sujets auxquels ils
nos rois; plus fixe à mesure que la succes-
sion héréditaire au pouvoir a été plus régu- le transmettent ils ne sont pas pouvoir, ils
les
lière et mieux affermie; héréditaire enfin se autorité; ils reçoivent du pouvoir pouc
sont
quand le pouvoir est devenu définitivement transmettre
tr, au sujet, et ils sont intermé-
héréditaire, parce que, ainsi que nous l'a- diaires, moyen, medius, entrel'un et l'autre,
di
vons dit, !e ministère doit être partout ho- et ils doivent être homogènes oude mêmean-
mogène au pouvoir. tu que le pouvoiret le sujet, pour quelepou-
ture
D'ans les gouvern èmentsgrossiersdes sociétés y< puisse agir sur eux et qu'ils puissent
voir agir
primitives, dit Condorcet dont la phi- st: le sujet ils participent donc
sur du pouvoir
losophie ne rejettera pas l'autorité, on trouve et du sujet, et c'est de cette participation
«presque générale » l'hérédité des chefs et des réelle
ié au pouvoir royal qu'est venu l'usage
rois, ainsi que la prérogative« usurpée » par des
d< couronnes que la noblesse portait dans
d'autres che fs inférieurs de partager seuls sE armoiries.
ses
l'autorité politique, d'exercer les fonctions Les fonctions essentielles du pouvoirsont,
du gouvernement et de la magistrature. avens-nousdit,
a^ de juger et de combattre. Les
C'est là l'origine de la noblessse; et ce que fonctions
fc subordonnées des ministres ou
Condorcet appelle usurpation était un besoin agents
à; répondent à ces deux fonctions du
ou plutôt une nécessité de la société où les pouvoir.
pi Au ministre appartient le conseil
rois ou chefs ne pouvaient tout seuls gou- pour p> éclairer le jugement du pouvoir, elle
verner c'est-à-dire juger et combattre. L'o- service
st pour seconder son action ces deux
rigine de la féodalité n'a pas été particulière fonctions,
fc conseil et service, ont été long-
à nos climats mais elle se trouve presque temps te remplies en France par les mêmes per-
sur tout le globe aux même époques, partout sonnes
s< depuis, et à cause de la multiplicité
la propriété ou l'usufruit de la propriété des d affaires, elles ont été divisées; le conseil
donné à condition de défendre l'Etat, et sous ou o la remontrance appartenait à la noblesse
l'obligation du service militaire. sénatoriale
si ou à ia magistrature le service,
Le pouvoir, avons-nous dit, doit être un, à la noblesse militaire; et cependant l'an-
parce que la volonté est simple et ne peut cienne c: pairie, siégeant dans la cour souve-
être divisée mais, comme son action peut raine ri et remplissant de hauts emplois mili-
§tre appliquée à un grand nombre d'objets, taires,
ti représentait l'ancien temps et avait
ses agents ou ministres sont plusieurs, et les retenu
ri ces deux fonctions.
sujets, tous.. Je répéterai ici, comme une vérité du pre-
Le ministre doit être indépendant du su- mier n ordre et comme la preuve que tout ce
jet mais dépendant du pouvoir, et même qui q existait dans nos sociétés de noble obéis-
plus dépendant que le sujet, puisqu'il est su- sance
s; et de véritable liberté nous venait de
jet lui-même, et de plus subalterne et soumis h la religion chrétienne que les mots servir
à des devoirs spéciaux et c'est avec raison et e service, employés pour désigner les plus
que Terrasson a dit, que la Subordination était hhautes fonctions, celles qui ont commande-
plus marquée darts les premiers rangs que dans ment,
n oni passé de l'Evangiledans toutes les
les derniers. langues des peuples chrétiens; le ;divin lé-
Il
Lé ministre doit donc être, comme le pou- ggislateur dit à ses disciples, qui se dispu-
voir, propriétaire dans le sol; car sans pro- taient
ti les premières places Que le plus grand
d'entre vous nesoit que le serviteur des autres. relle, car toute famille tendj et doit tendre à
Et c'est pour obéir à cette noble et touchante s'élever.
leçon, que le premier pouvoir de la chré- Cette ambition honorable la monarchie,
tienté s'intitule serviteur des serviteurs de où tout allait régulièrement et sans secousse
-Dieu, et c'est son plus beau titre. (car ta nature, dit Leibnitz, ne fait jamais de
sauts), l'avait inspirée* aux familles, et même? to
CHAPITRE IX. souvent elles y parvenaient trop tôt et avant ï
d'avoir acquis une fortune qui leur permît y
DU SUJET DANS LA SOCIÉTÉ PUBLIQUE.
de servir l'Etat, comme le dit Montesquieu, >
Comme tout se fait dans la société publique avec le revenu ou même le capital de leur
bien.
pour l'utilité des sujets, ils n'y ont propre-
ment rien à faire. C'est pour eux, en effet, La démocratie où tout va par sauts et par
bonds s soufflé cette ambition dans le eœur r
que lepouvoirfaitdes lois, que les magistrats
jugent, que les guerriers combattent,que les de tous les individus et a mis h découvert,,
prêtres instruisent, etc. Les sujets n'ont de pour le malheur du plus grand nombre, ce
pouvoir et de fonctions que dans la société résultat inévitable dans une société popu-
âdomestique, petit Etat où ils sont rois, où leuse, que, sur tant d'admissibles, il fie peut
ils sont ministres et leur devoir comme leur y avoir que très-peu d'admis.
intérêt est d'y maintenir l'ordre et la paix, Cependant la monarchie n'excluait aucurt
de veiller sur leurs familles d'en accroître individu:, même des plus hauts emplois. Les
'la considération parieurs vertus, et la for- constitution du royaume de France est si ex-
tune par leur travail et c'est d'eux que l'on cellente, dit le président Hénault, d'après un
pourrait dire avec vérité: ancien auteur, qu'elle n'a jamaisexclu et n'ex-
clura jamais les citoyens nés dans le bas étagef
0 fortunatos minium,, sua si bona norint! des dignités les plus relevées ( 2 ). Mais si les
(Virg. Georçf. life. n, vers. 458.) exemples de ces élévationsétaient rares, c'es!
que les hommes nés pour s'élercr ainsi et
Les sujets, dans la convocation générale de franchir de si grands intervalles,
sont encore
tous les ordres de l'Etat, appelée états géné- plus
rares que les exemples. La révolution
raux, avaient pris la dénomination de tiers cependant en a fourni un grand nombre;
étatr mot que les ignorants ont cru. une in- mais Mme de Staël
remarque que c'est pres-
jure, ce qui était synonyme de troisième que uniquement dans la carrière militaire,
ordre de, l'Etat. et elle en donne une raison que je m'abstiens
Qu'est-ce que le tiers état ? demandait i'abbé de répéter.
Sieyès aux premiers jours de la révolution. Un des plus grands maux qu'ait fait S l'E-
Il répondit,, je pense, que c'était la partie de tat et à ta famille
la révolution, a été d'ins-
la nation la plus nombreuse, la plus forte,. pirer l'ambition des pJaees et des honneurs,
la plus laborieuse, la plus industrieuse, et disons mieux, la fureur de sortir de leur
sans doute la plus éclairée en politique, condition. à une foule d'individus, heureux
puisqu'elle comprenait les avocats, les mé- jusque-là dans la vie privée, touriïïefltés
au-
decins, les fabricants et les négociants. Avec jourd'liBi des désirs, la loi' d'admis-
d'autres principes politiques et plus de ju- sibilité générale par que
ne leur donne ni lesuioyens
gement, il aurait répondu que le tiers état ni l'occasion do satisfaire, etd'avoir ainsi
en-
était la partie de la nation qui, n'étant pas combré toutes les carrières de médiocrités
encore sortie de l'état domestique desociété, mécontentes^ inutiles à leurs familles à
par lequel ont commencé plus tôt ou plus charge à t'Etat, qui ne peut cependant laisser
tard toutes les familles même les familles sans moyens de subsistance ce nombre im-
royales. ( î ), travaillait pour arriver à l'état mense de jeunes gens à qui l'éducation des
publie, et prendre rang parmi les familles dé- arts et des lettres qu'ils ont
reçue, et presque
voué'es au service politique, tendance natu- toujours aux frais du public, ne permet plus
(1 ) Comme fa dit Coulanges cienne) à laquellen'ont point été élevées tant d'an-
L'un a dételé le matin, tres familles dont l'antique éclat remonte aux pre-
L'autre l'après-dînée. miers temps de la monarchie, et qui ont mêlé leur
( 2) c Du sein de ce tiers état, si avili, si opprimé,.
sang avec celui de nos rois, (Pu Gouvernement,
des mœurs, et des conditions en France avant té ré*
si méprisé, dit-on, sont sorties, dans l'espace d'un volutitm, par M. Sénac DE Meillan, aueien iul«n<
oiècle, quinze familles honorées de la pairie (au- dant de Valenciennes; chez Maradan, libraire.)
de -reprendre les travaux utiles et lucratifs de Il faut, en terminant ce chapitre, reiliàr-
ïa maison paternelle. Aujourd'hui que lesi quer qu'autrefois, en France, si la noblesse
particuliers ne sont plus assez riches ou as- appartenait à la constitution comme mihis-
sez généreux pour payer les chefs-d'œuvre tère du pouvoir royal, l'administration ap-
des arts, l'Etat, poar faire vivre les artistes, partenait au tiers état et c'est là que la par-
commande des tableaux aux uns, des mo- tie démocratiquede l'Etat est bien placée.
dèles en pl-âtre aux autres, des projets de mo- Quand la monarchie
pure est dans la cons-
numents d'architecture} qu'on n'exécuterai titution, la démocratie peut et doit être dans
jamais, et se ruine ainsi pour faire éclores l'administration; et en France les municipa-
:i des talents malgré la nature, comme on faitt lités, les assemblées provinciales; même les
venir en serre chaude des fruits qui n'ontt pays d'états avec leurs comtes et leurs barons;
ni couleur ni saveur. Les écoles ont tué ces étaient et faisaient de la démocratie, mais
puissances de lui imposer un maître, se sont Turquie, au même résultat, sans la chimère
fait sentir. La Pologne, dit J.-J. Rousseau, surannée
s de l'équiiibre politique auquel les
tombait en paralysie cinq à six fois par siè- puissances
1
chrétiennes ont cru la conserva-
cle. Sans roi qui ne mourût pas, sans direc- ttion de la Turquie nécessaire. Dans une mo-
tion uniforme et perpétuelle, sans indépen- narchie
î élective, le roi est sous la dépen-
dance, car l'indépendanced'une société n'est dance
( des grands héréditaires qui l'ont
que l'indépendancede son pouvoir, comme nommé
i et lui ont imposé des conditions.
l'indépendance d'un individu n'est que l'in- Dans
1 la monarchie despotique, tes ministres
dépendance de sa volonté; sans gouverne- ou agents du pouvoir sont sous la dépen-
<
conditions sans que, dans toutes ces combi- éégard dans un état hostile; dangereux pour
naisons plus ou moins ingénieuses, il y aitt lui-même,
1 parce que le pouvoir y est en
autre chose que l'esprit de l'homme, trop) proie
F à tous les ambitieux, et qu'il ne peut
souvent lés erreurs de son jugement, quel- échapper à la guerre civile que par la guerre
quefois ses passions, et sans qu'on puisse yl étrangère.
é C'est l'histoire de Rome, de Car-
trouver quelque raison prise de la nature de tthage, de l'Angleterre, de la France républi-
l'homme ou de celle de la société; que,
q des républiques grecques et des démo-
Cependant J.-J. Rousseau a dit Ppurr craties
c italiennes du moyen âge; et la dé-
qu'une volonté soit générale dans une républi- mocratie
E ne peut se maintenir quelque
que, il est nécessaire que toutes les voix temps
t dans un grand Etat, comme les Etats-
soient comptées; toute exclusion formelles lUnis d'Amérique, qu'à l'aide de circonstan-
rompt la généralité. Et plus loin Là démo- cces particulières d'isolement ou d'une popu-
cratie peut embrasser tout un peuple ou seî lation
1» dispersée sur un vaste territoire; et.
resserrer jusqu'à la moitié. Ce qui est une» ddans les petits, que par l'amitié et, s'il en
contradiction formelle avec ce qui précède; était
é besoin, par l'intervention de quelque
là il ne veut pas une seule exclusion; ici il grande
g puissance, ou enfin, comme dânsles
exclut la moitié du peuple. petits
p cantons helvétiques, par l'influence
Mais la nature ne perd pas ses droits, ett toute-puissante,
t< et, pour parler plus exàc-
jusque dans la démocratie la plus étendue, tement,
t1 par le pouvoir de la religion,
et par conséquent la plus désordonnée, oni
retrouve, au fond de toutes les combinaisons, CHAPITRE XIII.
quelque image de l'unité du pouvoir ou des
la monarchie; car, ainsi que nous l'avons DE L'ARISTOCRATIE.
déjà dit, la politique a, comme l'astronomie,
ses mouvements réels et ses mouvements Dans la monarchie royale, nous avons vu
apparents. les
j( trois personnes sociales parfaitement
Ainsi les affaires se décident à.la moitié distinctes
d les unes des autres; dans la démo-
plus une des voix, et cette voix seule quoi- cratie nous les avons trouvées confondues
c
que inconnue, qui tranche la question d'une een une seule dans J'aristocratie nous en
?g
ta
.-°.M-«na “«, 1a«
trouverons deux, les ministres
–
OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD.
minUtras et
Pt les sujets,
suiets. sor magnifiques seigneurs comme ceux
sont ceux de
Venise. S'il y avait un livre d'or à Venise,
Ve
7fi
la noblesse et le peuple.
L'aristocratie se rapproche donc davanta- où étaient inscrits les seuls nobles Vénitiens,
même de et si même les nobles de terre ferme étaient
ge de la.monarchie elle participe t
des plus hauts emplois, il y avait à
M force de conservation
et de stabilité, et elle exclus
ex(
monarchie Genève, et dans d'autres républiques de la
Ge
•est à proprement parler une
acéphale, ou sans chef; et c'est pour conser- Suisse, des distinctions entre les natifs, les
Su
naturels, les bourgeois, les paysans, etc., et
ver une image plus complète de la monar- na
conséquemment des priviléges et des exclu-
chie, qu'elle se donne un chef sous le nom coi
de doge, de président, et quelquefoisde roi sions,
sic et tous ces gouvernements s'appe-
les vains laient,
lai les uns comme les autres, républi-
comme en Pologne, qui n'a que
honneurs de la souveraineté, et n'est que le ques,
qu et l'étaient en effet.
premier sujet de cette aristocratie, ou plutôt VeniseE puissante était4 tranquille parce
constitu-
son premier esclave, qn ainsi que nous l'avons dit, sa
que,
II faut remarquer que cette classe de ci- tic la rapprochait davantage de la monar-
tion
toyensqui exercé exclusivementetcollective- chie,
ch et que le pouvoir y était reconnu com-
anciennes
ment le pouvoir, réunie en un corps presque me la propriété héréditaire des
mi
partout appelé sénat perd le nom politique famille
fai fondatrices de cet Etat; et Genève,
de noblesse pour prendre celui de patriciat; malgré
m, l'exiguïté de son territoire était
agitée, parce que la nature
et, pour faire sentir en deux mots cette dis- continuellement
co
linction, la noblesse sert le pouvoir le pa- de de ce gouvernement appelant au pouvoir,
qui en
triciat l'exerce, et, devenu roi, nomme des en er général tous les citoyens, ceux
ministres ou secrétaires d'Etat, pour les dif- étaient ét exclus s'offensaient avec raison de
férentes parties de l'administration. l'inconséquence
l'i et de la dureté des lois qui
Ce qui rapproche le plus l'aristocratie de avaienti al concentré le pouvoir dans un cer-
la monarchie royale, est l'hérédité que le tain i ta nombre de familles qui n'y avaient pas
patriciat a gardée pour lui et n'a pas accor- plus p de droit que les autres.
dée à son chef, de peur d'en faire un roi,
Mais, si l'aristocratie, pouvoir plus cou-· CHAPITRE XIV.
centré, participe de la stabilité de la monar-
pouvoir collectif elle DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF..
chie, en sa qualité de 3
participe aussi des vices de la démocratie
elle préserve par la plus sé-
1
Le gouvernement appelé représentatif, on
dont ne se que regardé comme
vère surveillance. Plus forte et plus tran- ne n sait trop pourquoi, est
|< dernier terme des progrès
le politiques de
quille que la 'démocratie, elle l'est meins s
monarchie, réunit plutôt les in- l'esprit
1 humain, et des découvertes qu'il a
qu la et
F faire dans la
science de la société.
çonvépients des deux gouvernements quee pu
leurs avantages. Si nous l'examinons d'après les principes
C'est l'hérédité du pouvoir, qui fait la dif- F- que
ç nous avons appliqués aux autres formes
de {l'ancienne aristocratie noble de
le de
c gouvernement, nous y voyons, au moins
férence sociales mais
Venise l'aristocratie bourgeoise de Genève, i, de t nom, les trois personnes
it confondues ensemble et, dans le fait, ré-
entre lesquelles J.-J. Rousseau n'en voit (
le pouvoir; car la roi y
quelque raison; it
car duites à une seule,
aucune, et certes avec <
(1) Nous avons parlé, à propos des états géné- breux, nous ne pouvons en venir à. bout avec nos
raux, du clergé et de la noblesse. Qu'il nous soit soldats, qui tombent chaque jour et qu'on ne rem-
permis d'opposer aux ignorants détracteurs de ces place pas. Il faut que la France se lève. Eh
deux classes de citoyens, le sentiment d'un véri- comment voulez-vo.us que la France se lève, inter-
table homme d'Etat, de Bonaparte, rapporté par un rompitavec vivacitéNapoléon U n'y a pas de clergé, Na-
homme dont ils ne récuseront pas l'autorité « Dans il n'y a pas de noblesse, et j'ai tué la liberté, j
ja campagne de France, dit le général Foy, dans poléon croyait donc à l'utilité politique de ces deux
ion Histoire de la péninsule; t. 1, p. 169, «aux pre- ordres, non-seulementpour affermirla liberté, mais
miers mois de 1814, Napoléon parlait à Troyes en pour la défense de l'Etat, où ils formaient l'esprit
sont
Champagne avec un de ses généraux de l'état des
choses Les ennemis, disait trop nom-
public, de toutes les défenses la plus sure.
héréditaire, ilit n'y a .que deux personnes dde leurs enfants, et les mères parce qu'elles
dont l'une exerce héréditairement le pou- se s sont crues plus jeunes.
voir sur l'autre; c'est comme nous l'avons Enfin, la troisième personne, celle de qui
déjà dit, une monarchie acéphale ou sans on c parle, sujet de l'entretien
politique du
chef, At comme elle se rapproche davantage pouvoir f et du ministre, parce qu'elle est
de la monarchie, elle participe aussi de sa l'objet 1 de leurs fonctions et que tout se rap- •
stabilité. porte
{ à elle, s'exprime par il, et cet il dési-
Ici, je m'adresse aux esprits vraiment phi- gne § si bien l'infériorité, qu'il devient terme
losophiques, et je leur demande d'accorder de c mépris, si on se le permet en parlant
une sérieuse attention à ce qui me reste à d'une ( personne présente. Je, tu, il, langage
dire sur les personnes sociales. de
c la société domestique, de la société dont
Nous retrouvons le type et la preuve de le 1 pouvoir dit moi nous, vous, eux, lan-
leur existence distincte et de leurs différen- gage i de la société publique, de la société
tes natures à la fois aux deux extrêmes de dont ( le pouvoir dit nous. Le particulier dit
nos esprits, si je peux ainsi parler, et dans J
je, le roi ou le public dit nous (1).
les conceptions les plus élevées de notre Ils seraient bien peu philosophiques ceux
raison, et dans les règles les plus familières qui (
regarderaient un rapprochement si frap-
et les plus usuelles de notre langage. pant
1 comme trop familier et trop vulgaire
podr servir de preuves à de si hautes vé-
Ainsi, pour commencer par ce qui nous 1
rités.
est lé plus familier, les trois pronoms per-
sonnels je, tu, il, base de toutes les langues, Mais on peut offrir aux esprits méditatifs,
des considérations d'un autre genre, et
ne sont que l'expression des trois personnes
sociales et de leurs différents rapports. après avoir cherché une preuve familière de
l'existence et de la nature des personnes so-
Je, première personne, celle qui parle, qui ciales dans la constitution de tout langage
commande, désigne le pouvoir; d'où vient et
l'expression ses règles fondamentales, nous en trou-
que est, dans les Livres
ego verons une d'un genre plus élevé dans la
saints, particulièrement affectée à l'Etre su- constitution même de l'univers, et dans les
prême* et il est si bien reconnu que ce mot conceptions les plus hautes auxquelles notre
est l'expression de la supériorité, qu'il est raison puisse atteindre.
contraire aux bienséances de le répéter trop 11 faut avant tout établir ou rappeler deux
souvent en parlant de soi; et dire sans cesse propositions dont la certitude ne peut être
je fais, je dis, etc., est un ridicule, si ce contestée, et qui sont comme le fondement
n'est un tort, et l'on a fait de ego le substantif de lascience de l'homme intelligent.
et l'adjectif du vice d'égoïsme et d'égoïste. 1* C'est que nos idées sont l'expression
Laseconde personne, celle à qui l'onparle, ou la représentation des objets, et les mots
l'on.commande, s'exprime par tu; terme de dont nous nous servons, l'expression de nos
commandement du pouvoir au ministre, du idées.
père à son fils, de l'époux à sa femme, du 2° Qu'il n'y a point d'idée reçue qui ne
maître à ses serviteurs, et nous en trouvons soit l'expression d'un objet, ni de mot com-
encore la preuve dans les règles de la civilité pris qui ne soit l'expression d'une idée.
entre personnes bien nées, qui ne permet- C'est ce qu'a voulu dire Fontenelle dans
tent rien, dans les relations de société, quii cette proposition Qu'une vérité « nommée »
sente la supériorité; de là vient qu'on doitt est une vérité « connue. »
s'abstenir de tutoyer en public qui que ce Cela posé, je dis que les trois idées géné-
soit.t. rales de pouvoir, de ministre, de sujet, cor-
La révolution, qui a introduit le mépris> respondent une à une avec une parfaite
de toutes les bienséances, sous le prétexteî analogie, aux trois idées plus générales en-
d'égalité, a fait une mode du tutoiement des5 core de cause, de moyen et d'effet, idées
pères et mères par leurs enfants, en même les plus absolument générales que la rai-
temps qu'elle supprimait, comme contraireJ son puisse concevoir, et qui sont expri-
à l'égalité, le mot de domestique. Les pèress méos par les termes les plus absolument
ont permis ce tutoiement enfantin et contre généraux que la langue puisse fournir.
nature, parce qu'ils se sont crus plus aimés3 De même que pouvoir, ministre, sujet,
Il
re, sation et à tous ses degrés, « pour qu'elle n'ait
sujet; trois temps dans la durée passé,pré- ré- pas un fondement dans la nature même. »
sent, futur; trois dimensions dans l'espace3 i est facile de dire, avec Lucrèce, que la
longueur, largeur, profondeur, etc. Cette tte crainte a fait les premiers dieux, ou, avac
vérité n'a pas été ignorée des philosophes nos athées, que la Divinité est une invention
es
de l'antiquité, dont le plus célèbre, Platon, des prêtres. La crainte ou l'amour, l'impos-
n,
parle du nombre trois comme d'un nombre ture ou l'erreur exagèrent, défigurent ce
re
mystérieux et qui renferme de grandes es qui est, mais ne créent point ce qui n'est
vérités. pas; et, si la Divinité elle-même, dans le
CHAPITRE XVI. grand intérêt du genre humain, n'avait dai-
gné se rendre sensible aux premiers hu-
DE LA SOCIÉTÉ RELIGIEUSE.
mains, soit par la transmission du langage,
Nous voyons dans la société humaine,
i, qu'on ne peut expliquer autrement, soit de
telle qu'elle nous est connue par l'histoire toute autre manière,, jamais l'idée de la
re
et la tradition, seuls monuments que nous js Divinité ne serait entrée dans aucun esprit,
puissions consulter, et aussi haut qu'il nous
îs jamais son expression ne se serait trouvée
soit possible de remonter, la connaissance dans aucune langue. Et n'est-ce pas à cette
;o
de Dieu aussitôt que l'existence de l'homme,e, manifestation sensible de la Divinité qu'il
et la religion aussitôt que la famille. faut rapporter la pente prodigieuse du genre
J'entends ici par religion une connais- s- humain, presque à son origine, à se faire
sance plus ou moins distincte et raisonnable!e des dieux visibles, des dieux de chair et de
d'un être invisible et tout-puissant, créateur matière, des dieux enfin tels que le deman-
lr
des êtres subordonnés, à qui l'homme attri- i- daient les Hébreux, qui marchassent devant
buait les biens et les maux de la vie, et donttt eux ?
il s'efforçait de mériter les bienfaits ou de Une fois cette idée de la Divinité enwée
e
fléchir le courroux. dans le monde, elle s'y diversifiera à l'infini,
A ce consentement universel du genre e soit dans son expression, soit dans les déve-
humain, regardé par un des plus grandss loppements
que les hommes lui donneront
philosophes de l'antiquité, Cicéron, comme e ou les altérations qu'ils lui feront subir;
la voix de la nature et la preuve de laa mais, transmise
avec la langue de généra-
vérité, vox naturœ et argumentum veritatis, tion en génération, elle
ne sortira plus de la
opposera-t-on les réeits suspects de quel- société.
ques voyageurs qui, croyant trouver unt Dieu et l'homme, êtres non égaux, mais
culte public chez des hommes à peine eni semblables, puisque deux intelligences qui
i
état domestique, n'ont, disent-ils, aperçu se connaissent mutuellement sont sembla-
dans quelques peuplades sauvages aucune bles, quoique à
i une distance infinie l'une de
connaissance de la Divinité? Mais, outrei l'autre. Cette vérité de raisonnement est
qu'ils allaient y chercher toute autre chose, confirmée par Jes croyances religieuses, qui
et que ces peuples aussi avaient toute autreî nous apprennent que Dieu fit l'homme à son
chose à leur offrir, que pouvaient-ils, dansi image et à sa ressemblance.
milles, appelée religion naturelle, et natu- tution 1 séparée du maniement des affaires
relie en effet au premier état, et seulement politiques, ] et il établit des collèges de prê-
de société. tres. On connaît le luxe de cet établissement
au premier état la 1
chez les Romains,
Ces familles avaient retenu le dogme fon- sacerdotal-ebezles Grecs et
les Grecs
damental de l'unité de Dieu. Mais celles qui, et ces derniers, plus jaloux que
traditions antiques, retin-
plus tard', s'en séparèrent, tombées dans de conserver les
derniers temps,
l'idolâtrie, avaient aussi leur culte domes- rent dans le sénat, jusqu'aux
des sacrifices.
tique, comme nous le voyons dans l'exem- le titre politique de roi
même elles sacriSèrent aux Aussi Montesquieu dit avec raison Us
ple de Laban et
de prêtres sont ordinai-
dieux de leurs foyers, sous le nom de lares, peuples qui n'ont pas
et firent de ces foyers eux-mêmes une sortei rement barbares. pourrions, Et, à voir ce qui se passe
chez nous, nous ajouter qu'ils ne
de divinité.
remarqué deux états dans tarderont pas à le devenir, les peuples qui
Nous avons
t
la société domestique, la monogamie et ne veulent plus de
prêtres, et les regardent
deux états correspondantss comme un parti.
la polygamie
t
dans la société politique, la monarchie ou Nous avons cité
monor,ratie et la polycratie ou démo- à l'autorité
des faits; et, sans recourir
des Livres saints, les histoires
cratie. Nous retrouvons cette même; di- profanes nous en disent assezavait sur le sacer-
t
vision dans la religion, le monothéisme et doce des premiers rois, quelquefois de la
qui succédé à
le polythéisme, religion d'un Dieu ou de. e. celui du père de famille,
furent devenues
plusieurs dieux, partout unité ou plura- mère, lorsque les familles
lité. des peuplades et des nations, et sur le grand
l'extravagance ou
Mais lesfamillesétaient devenues des cités, nombre des dieux et sur
cuites, et sur les désordres-
et les cités des nations et la religion de fa- la cruauté des les familles, de la po-
mille, de domestique qu'elle était, devintreli-i- de la polygamie dans
du polythéisme dans
gion de la ci té, religion de l'Etat, religion pu- lycratie dans les Etats,
division était dans les fe-
blique. Nous ne parlons ici que des sociétéss l'univers. Ainsi la
la multiplicité des femmes dans
idolâtres; et la cause des variétés infiniess milles, par
de leurs cultes et de la multiplicité de leurs >s les Etats, par la multiplicitédes concurrents
fut précisément culte de chaque e au pouvoir; dans l'univers, par la muitipU-
dieux, ce
cité des dieux particuliers à chaque famille, ne jamais abandonner la couronne, quand
à chaque contrée, àchaque nation et, comme3 même elle pendrait d'un buisson.
il y avait les dieux dos foyers ou lares, il yr La noblesse française a toujours défendu
eut les dieux des cités, deos populares; ett le trône de ses rois de son corps et de ses
tout était Dieu, dit Bossuet, excepté Dieui biens, et elle a tout perdu ou tout compro-
même.. mis par son émigration, sacrifice ou dévoue.
Il existait cependant, le vrai Dieu, ce Dieut ment, le plus mémorable et le plus étendu
unique car, s'il y en avait un, il ne pou- dont l'histoire fasse mention.
vait y en avoir plusieurs. Il existait ce vraii Et n'était-ce pas encore un sacrifice que
Dieu, puisqu'il y en avait tant de faux, ett la vie austère et occupée de nos anciens ma-
et ;què l'erreur n'est jamais qu'une vérité gistrats, qui consumaient leur vie et leur
incomplète ou défigurée; et la connaissance fortune dans des fonctions ingrates péni-
et
s'en était conservée dans l'univers, puis- bles, et dont l'honneur était la seule récom-
qu'elle s'y conserve encore. pense ?
Par quel moyen s'y était-elle conservée ?2 Le sacrifice existe surtout dans la société
Nous le demanderons à l'histoire, et nous eni religieuse; et sans parler
encore du grand
trouverons la preuve sous nos yeux. Mais sacrifice de la religion chrétienne, qu'est-
avant de passer à cette démonstration, il ce, je demande, que ce renoncement
convient de s'arrêter sur le plus grand acte douceurs de la vie domestique et aux
soins
de la société et de toute société, et plus par- lucratifs des affaires temporelles aux s'im-
ticulièrement de la société religieuse, qui posent les ministres de la religion, que
pour
en a plus qu'une autre retenu J'expression, s'occuper exclusivement de l'instruction des
je veux parler du sacrifice, que, pour cette peuples et du service des autels? Que sont
raison, la religion; dans sa liturgie, appelle les austérités des cénobites, le dévouement
l'action par excellence, actio. des saintes filles au soulagement des pau-
vres et des malades, et à l'éducation de l'en-
CHAPITRE X VIL fance ? Que sont les travaux des missionnai-
DU SACRIFICE (1).
res que sont même dans les fausses reli-
gions les cruautés qu'exercent sur eux-
Le sacrifice est le don de soi que le minis- mêmes les bonzes et les faquirs qu'est-ce
tre fait au pouvoir, au nom et dans l'intérêt autre chose que le don de soi et de véritables
*des sujets, et par lequel il offre la société sacrifices ?
itoul entière, en offrant l'homme et la pro- S'il avait manquéquelque chose en France
priété, qui composent toute la société. aux sacrifices de la noblesse et du clergé, les
Ce don de soi existe dans la société domes- déportations, la ruine, le bannissement et
tique, où la femme se donne corps et biens la mort d'un si grand nombre de prêtres et
à son époux, pour ne faire qu'un avec lui, de nobles, tristes fruits de la révolution,
etêtre, disent les Livres saints, l'os de ses os, n'y auraient-ils pas abondamment sup-
et la chair de sa chair {Gen. n, 23), et, chez pléé ?
tous les peuples, le don de la virginité s'est En effet, la société une fois convaincue
appelé sacrifice, et en a eu le mérite lors- de l'existence d'un Etre suprême, arbitre
qu'il a été fait à la Divinité. souverain des événements, dispensateur
Ce don de soi existe dans la société po- équitable des biens et des maux, des ré-
litique ou le corps des ministres, où la compenses et des châtiments, que pouvait-
noblesse se donne corps et biens au pou- elle faire autre chose pour reconnaître son
voir dans l'intérêt de la défense de la so- souverain domaine, mériter ses bienfaits ou
ciété. La noblesse anglaise, dit Montesquieu, fléchir sa justice? Que pouvait-elle donner
s'ensevelit sous les débris du trône. Et sir au maître souverain de tous les hommes et
Thomas Windham disait à ses fils, en [mou- de tous les biens qu'elle-même tout entière,
rant Mes enfants, je vous recommande de c'est-à-dire l'homme et la propriété ? Et ef-
(t) M. !e comte de Maistre, mon illustre ami, qu'il m'accordait, etdela conformité de nos opinions.
dit de très-belles choses sur le sacrifice. a
Un journal Il m'écrivait, peu avant sa mort « Je n'ai rien
ni fait l'honneur de m'appeler son discipte je n'ai pensé que vous ne l'ayez écrit; je n'ai rien écrit
été ni son disciple, ni son maître. Nous ne nous que vous ne l'ayez pensé. L'assertion, si flatteuse
sommes jamais vus; mais je le regarde comme un pour moi, souffre cependant de part et d'autre
'Je nos plus beaux génies, et m'honore de l'amitié
quelques exceptions.
t
fectivement, nous voyons dans toutes les CHAPITRE XVIII.
sociétés, sous une forme ou sous une autre, DE LA SOCIÉTÉ JDDAÏQUE.
l'offrande de l'homme et de la propriété et
je le demande, si cette grande idéa du sacri- lUne vérité aussi fondamentale que l'exis-
fice, fondée sur l'inébranlable conviction de ter d'un Dieu, aussi nécessaire à la société,
tence
l'existence de la Divinité et de sa. toute- ne pouvait périr dans l'univers, et elle y a
puissance, n'eût pas été si fortement enraci- toujours
tôt été, puisqu'elle y est encore.
née dans l'esprit des hommes, quelle est Par
1 quels moyens s'y est-elle conservée?
l'imposture, la séduction ou l'éloquence, Pa des moyens pris dans l'ordre des choses
Par
qui eût pu faire violence aux sentiments de ^n
humaines et de la société car Dieu ne gou-
la nature, au point de persuader aux mères ye
verne les hommes que par des moyens hu-
de faire brûler leurs enfants dans les bras mains,
m, et il s'est fait homme lui-même, quand
d'airain d'une horrible idole et de quel -j a voulu régénérer les sociétés humaines.
il
malheur.plus grand que celui de perdre Cette vérité, confiée à des familles péris-
ainsi les doux fruits de leur tendresse vou-
sables, aurait péri avec elles; elle fut confiée
sa]
laiént-eiles se préserver ? Quel est le délire
à un peuple tout entier, et ce peuple fut
qui dévouerait les prêtres indiens à des constitué
pénitences barbares, pires que la mort, et j50 pour ne jamais périr, et être ua
témoin
téi toujours vivant de la foi à l'existence
què ta justice n'oserait pas infliger à des
malfaiteurs ou pousserait les Japonais à se
de Dieu.
faire écraser sous les roues des chars qui Les familles patriarcales étaient donc de-
portent leurs fausses divinités, et les Chinois venues un peuple et un grand peuple, et ce
ve
à sacrifier leurs enfants à l'Esprit du fleuve? peuple
pe issu de ces familles, et qui en avait
Et cependant ces détestables sacrifices ont re la connaissance du vrai Dieu, devint
reçu
été ou sont encore pratiqués partout où le naturellement
na le dépositaire de cette grande
vrai Dieu n'a pas été connu ils le furent vérité,
yé le plus précieux patrimoine du genre
même chez les Romains et jusque dans les humain.
lit Le peuple Juif, pour être capable
derniers temps de l'Empire. Hélas! ils l'ont de cette haute destination, fut séparé des
été" chez nous-mêmes, et il entrait aussi des nations
né toutes idolâtres, par ses lois et par
idées de sacrifice dans les nombreuses exé- ses moeurs, comme il l'était déjà par ses
se
cutions faites au pied de la statue de la li- croyances
cr et il reçut une constitution par-
berté, et l'on en a vu la preuve dans les ticulière
ti< dont nous voyons encore les effets
discours et les écrits du temps. Non, l'im- et ce peuple répandu dans tout l'univers
chez
posture et l'hypocrisie ne vont pas jusque- et partout sous nos yeux une constitution
là, et les erreurs ne sont jamais que des que tant de siècles d'oppression, de disper-
qi
vérités ,défigurées. sion,
si de persécutions et d'outrages, n'ont
11 était donc dans la nature de l'homme et pu altérer, et qui, seule entre toutes les
pi
de la société, le sacrifice de l'homme et de la constitutions,
c( dit J.-J. Rousseau, est à
propriété. Le raisonnement en donne le l'épreuve
l'< du temps, de la fortune et des
motif, l'histoire en constate le fait. Mais il conquérants.
ci
ét-ait aussi dans la nature de la Divinité que Nous retrouvons dans la constitution de
l'homme fût offert et ne fût pas immolé, et cette
ci société tous les caractères que nous
la preuve de cette vérité philosophique se avons remarqués dans la société domestique,
a'
trouve dans les Livres saints, où Dieu exige et bien plus développés, puisqu'elle était
ei
de la société domestique, représentée par nne
n constitution non .de famille, mais de
Abraham, le sacrifice de son fils, et, satisfait nation.
n
de son obéissance, ne permet pas qu'il soit Comme cette société fut constituée sur la
consommé, et agrée le sang de l'animal à la religion
r qui doit être la base et la pierre
place de celui de l'homme. angulaire
a de toutes les constitutions même
C'est ce sacrifice que nous allons retrouver politiques,
p Dieu en fut le pouvoir suprême.
dans la société judaïque, et que les Turcs, 1Le pouvoir doit être continuellement et `
et de constitution, narc
par è~ qüi
~'ést cette identité parfig^T
C'est
e
enjj^Tfor'ce)
a
qUi a faitfait
e force, la
ia force
le médiateur, le sauveur, Jésus-Christ, gieuse etet lala.Qjpnarc^tauralion des Etats
mo
enn
un mot, comme sur un fondement inébran-
lable. Aussi,, l'on peut remarquer que l'E-
i- Ja perfection.
conservat¡¿œes.
«^ tofflbés
Etats, tombés dans Je ]e
de
de conserva^ presbytérianisine,en poli-
glise termine toutes ses prières et toutes ses cathohqo^ sontsans force
demandes à Dieu ainsi Par notre Seigneur C&à£
;s
;r
~opu~
I de
religion, sont sans force propre
stabilité, toujours agités
Jésus-Christ votre Fils, etc., etc.; mais- cette JSàns toujours hostiles et, agresseurs
préposition par suppose toujours que moyen a.
ou ministère sont sous-entendus; et fair/^ai
>lf ÏÏoll et en cherchant. le boohW
ou demander quelque chose par quelfjr'
.ETES DE M. DE BOHALD. îw
et la force, ils n'ont rencontré que la ri- des divines Ecritures. Le calvinisme a donc
chesse. rejeté toute hiérarchie, et chaque fidèle est
si bien à lui-même son pouvoir reBgieux,
CHAPITRE XX. que le calvinisme a fini par rejeter tout au-
tre pouvoir. Il a commencé par méconnaître
DE LA RÉFORME. l'autorité du vicaire de Jésus-Christ, son
'
L'événement qui, an xvie siècle, divisa1 la représentant visible, et qu'il a traité d'ante-
société religieuse, porta le même désordre ire christ, et bientôt il a méconnu Jésus-Christ
rîaiis la société politique, et établit à la fois
ois lui-même. Il n'y a plus à Genève, écrivait
la religion presbytérienne et te gouverne-
Voltaire, que quelques gredins qui croient
le-
ment populaire; et tantôt le presbytéria- lia encore au consubstantiel. De nos jours, le
nisme politique, ou la démocratie, naquit au conseil supérieur a défendu aux ministres,
depuis longtemps accusés, même par
sein du presbytérianismereligieux, ou de la ja
réforme, et tantôt le presbytérianisme re- J.-J. Rousseau, d'être sociniens, unitaires
ligieux au sein du presbytérianisme poli- ,ljl ou déistes (1 ), de traiter dans les chaires
tique. de la Divinité de Jésus-Christ et leurs fidè-
les sont, comme on le sait, partagés sur cette
Le lecteur n'a pas oublié que la différence
essentielle et caractéristique que nous avons
remarquée entre la monarchie royale ett ,a
nce
la
s croyance fondamentale.
Mais, comme la démocratie politique se-
démocratie, est que, dans la première, les rait d'autant plus impraticable qu'elle appel-
lerait plus de citoyens au pouvoir, et qu'il
trois personnes sont distinctes l'une de
l'autre, et les deux premières homogènes et a fallu, malgré le principe de ce gouverne-
semblables par la perpétuité, ou l'hérédité; \é ment, restreindre de mille manières le nom-
Des bre de ceux qui peuvent prendre part aux
et que, dans la seconde, les trois personnes délibérations politiques, de même, dans la
sont confondues en une seule, le peuple, •r' démocratie religieuse, le grand nombre des
actuellement ou éventuellement pouvoir, autorités interprétantes jeta au commence-
ministre et sujet.
ment un si grand désordre et produisit un
Nous retrouverons les mêmes accidents mts
si grand nombre d'opinions différentes, d'où
dans la société religieuse, et les mêmes dif- sortirent des-sectes plus ou moins nombreu-
férences entre la Religion catholique et les CS mutuellement,
doctrines calvinistes. ses, qui s'anathématisaiènt
qu'il devint indispensable de rétablir l'auto-
Dans la société catholique, les trois per-)er..
rité qu'on avait abolie comme une tyrannie.
sonnes sont parfaitement distinctes l'une ded On essaya donc des consistoires et des syno-
l'autre, et le ministère, qui ne peut pluss S,9~
se
des, et même on multiplia les conjessions de
confondre avec l'état de simple fidèle, se foi sans pouvoir s'accorder sur aucune, ac-
perpétue par la consécration, qui est une une
"ne
spirituelle. cord en effet tout à fait inconséquent au
sorte d'hérédité ou de filiation principe de la réforme et à la liberté du sens
Dans le presbytérianismereligieux,tel que privé, et qui, à la place de l'autorité de TE-
l'a établi Calvin, chaque fidèle peut être» ie le
glise, contre laquelle on s'était élevé, éta-
ministre du culte, et, effectivement, partouttout
blissait la tyrannie de quelques théologiens,
où manque ce ministre, qui n'est qu'un
\oraleur
orateur ou un
plus un. tecteur, ie premier
lecteur, le premier ve-
ordinairement un ancien, le rem-
Non-seulement chacun
sonS^même le ministre de sa religion,
son sens est son pouvoir, son autorité,
ver
em-
î
est ou peut
ion,
rîté,
qui bientôt eux-mêmes se divisèrent, et la
Hollande
]
arminiens
i
retentit des disputes acharnéesdes
et des gomaristes qui eurent
tant d'influence sur l'état politique de ce
1pays (2)-
~1~
dicateur ded.Starek,
J" rainistreW
mUHstre l' lecteur
le lecteur à ce la réunion des différentes communions chrétiennes, et
2™ Ia, COU1' de HessedX le se trouve chez Adrien Le Clère,cerueque Cassette* n° 29,
ecrK •? .Pl"S 'à Vânts l'An^firemierpré- protestante
ite dit M. labhe
pré- près Saint-Sulpice. Voy. aussidans
écrit qui tit veauc9up de bruit dans un (ies des Grégoire sur le même sujet son Histoire des
rie v \lt£ mqUe?
de violentes persécubiôns
I\'lonnaires.
de- TModule, attira us
dé la et un
p~rt ses
Cet écrit ons. ,e la partdé
un sectes.
sessccunus sectes. nu ils rroiftnt. ni ce qu'ils
ra\ ) f\n ne sait
« On na fa qu'ils
eait ce croient, nl OU IIS
l'orgueil qu'elles inspirent. Ces doctrines nature, et qui a conféré au pouvoir laïque
qui conduisent au fatalisme, et la faculté du 1la suprématie ecclésiastique; sujet de risée
divorce qui rétablit la polygamie, ont fait pour les gens instruits, et d'indifférence re-«
dire à l'un des plus grands génies qui aient 1lîgieuse pour tous les autres.
paru, à Leibnit?, quoique luthérien, qu'il y La réforme, ouvrage, en Allemagne, de la
avait de grands rapports entre les doctrines cupidité des princes; en Angleterre, de
mahométanes et les doctrines protestantes. l'amour d'un roi pour une maîtresse.; en
Aussi Luther, au fort de la guerre des Turcs France, du goût des nouveautés, la réforme
contre la maison d'Autriche, se montra-t-il a été l'événement des temps modernes le
leur partisan, et il ne voulait pas qu'on leur plus funeste à la société, et la cause pro-
résistât.. chaine ou éloignée de toutes les révolutions
Le calvinisme a porté atteinte à la croyancequi, depuis le xv'- siècle, ont agité l'Europe,
de l'immortalité de l'âme et d'une vie futu- et de toutes les guerres qui l'ont ensanglan-
re, en proscrivant l'invocation des saints et tée et, si la société doit finir, je n'hésite
les prières pour les morts; doctrine froide pas à le regarder comme le premier coup
et cruelle, qui rompt tout lien, tout com- de cloche de cette dernière catastrophe.
merce de sentiments et de secours, que les
dogmes plus humains et plus consolants de CHAPITRE XXI.
l'Eglise catholique établissent entre ceux qui
DU LUTHÉRANISME.
vivent encore sur la terre et ceux qui n'y
sont plus (1). Si le calvinisme est la démocratie de la
Le calvinisme, dit M. Hume dans son his- religion, le luthéranisme- en est l'aristo-
toire d'Angleterre, a toujours montré une cratie.
haine furieuse contre la religion catholique. En effet, la monarchie royale présente les
Cette haine s'est manifestée à toutes les trois personnes distinctes; la démocratie
époques par la destruction des objets du n'en a qu'une l'aristocratie, j'entends l'aris-
culte catholique et la persécution contre ses locràtie héréditaire, la seule qui, dans' la
ministres. Cette haine dure encore, et s'est langue politiqué, porte le nom d'aristocratie,
manifestée de nos jours par les mêmes en a deux, les ministres ou corps héréditaire,
excès. qui exerce le pouvoir, et les sujets.
La réforme a établi une sorte de christia- Ainsi, dans la monarchie religieuse ou la
nisme domestique, puisqu'elle n'a ni sacer- société catholique, les trois personnes sont
doce, ni autel, ni sacrifice, et que le père de parfaitement distinctes. Dans le. calvinisme,
famille, une Bible à la main, peut être le mi-r il n'y en a qu'une, le peuple; il y en a deux i
nistre de ce culte. L'erreur politique de cer- dans le luthéranisme, qui a conservé une
tains législateurs est d'avoir voulu en faire hiérarchie, des évoques, des doyens, même
une religion publique, et de l'avoir, en cette des chanoines, et retenu dans quelques
qualité, associée à l'Etat politique. Cette as- lieux plusieurs rites de la religion catho-
sociation contre nature et qui voulait réunir lique, même à sa manière, la présence réelle,
deux principes opposés, un culte domes- et jusqu'à la confession auriculaire, derniers
tique sans autel et sans sacrifice, et une so- vestiges de f'ancienne croyance qui tendent
ciété publique et politique, a été, indépen- tous les jours davantage à s'effacer.
damment des passions humaines, la cause de Nous avons dit que l'aristocratie politique
tous les troubles qui se sont manifestés dans était une monarchie acéphale ou sans chef.
les Etats oft elle s'pst introduite, et qui ont l.à où le luthéranisme n'a pas dégénéré, on
(1 ) Cependant, selon Calvin dans ses Insti- prier pour les morts mais dans la suite il n'a pas
tutions, chap. 5, dit- le baron de Starck, « il est reçu été plus embarrassa de cet aveu que de plusieurs
depuis plus de treize cents ans dans l'Eglise de autres.
pourrait aussi le considérer comme un ca- tutions religieuses et des constitutions anale*
tuti
tholicisme acéphale; et cette définition s'ap- gues des gouvernements politiques.
gue
piquerait encore mieux à la religion grec- Ainsi
A la. monarchie royale et la religion
catholique, la démocratie et le calvinisme,
que, qui a presque tout conservé des dogmes ca-tl
catholiques, hors le pouvoir du chef visible l'ar
l'aristocratie et le luthéranisme, s'accordent
de l'Eglise, Par la conformité de leurs principes.
par
Aussi le luthéranisme est presque partout L'Angleterre,
I plus aristocratique que dé-
uni à une monarchie mêlée d'aristocratie, mocratique,
mo est aussi plus luthérienne que
de démocratie, de despotisme, comme en calviniste,
cal puisque le luthéranisme, modi-
Angleterre, en Suède et en Danemark, ou le fié par ses différentes révolutions religieu-
pouvoirest contenu par les mœurs, bien plus ses y est la religion dominante, et- propre-
ses,
que par les lois. me celle de l'Etat.
ment
Le dogme fondamental de la réforme, le L'Angleterre
1 a une religion nationale,
sens privé, était moins un dogme luthérien qu a fait schisme avec la religion univer-
qui
qu'un dogme calviniste, et le superbe Luther selle,
sel et qui succombe elle-même sous la
aimait trop la domination sur les esprits, multiplicité
mi des sectes et surtout sous le
méthodisme. Des insensés voudraient aussi
pour la laisser ainsi usurper au vulgaire. En m^
déclamant avec violence contre le Pape, il nous donner une religion nationale, et nous
rio
se fit lui-même le Pape de sa nouvelle
séparer, s'ils le pouvaient, de l'unité de reli-
sé|
Eglise; et le sage, le modéré Mélanchthon,le gion, qui, réellement et sans antithèse, n'est
gic
plus habile de ses premiers disciples, s'en que la religion de l'unité.
qu
plaignait. Luther était plus emporté, Calvin Notre Eglise gallicane avait bien aussi
plus haineux; et il semble que la haine de quelque
qu chose de moins universel et de plus
Calvin contre l'Eglise romaine autant que national,
na particulier à elle seule. Tout ce qui
l'aversion de LutherpourCalvin et ses doctri- affecte
afl la religion réagit toujours sur le
nés, aient, de nos jours, ramené les luthé- corps
co politique; mais les sentiments de la
riens à des sentiments plus modérés envers France pour le Saint-Siège, et son attache-
Fr
l'Eglise catholique et envers les souverains. ment
m< à la religion catholique, corrigeaient
On en voit la preuve en Angleterre, qui ce que les opinions gallicanes pouvaient
vient de rendre les droits civils et politiques avoir
av de trop indépendant. C'est précisé-
aux catholiques d'Irlande. D'ailleurs Luther ment
m ce dont nos libéraux se plaignent; et
avait fait sa réforme avec des princes, Cal- la religion qu'ils voudraientnous donner(s'ils
vin la sienne avec des bourgeois, ce qui veulent
vé même d'une religion), serait une
explique la tendance plus populaire du cal- religion
re presbytérienne qui s'accorderait
yinisme., merveilleusement
m avec leur démocratie, et
Aujourd'hui, qu'ils ont tous abandonné il. ils modifieraient l'une et l'autre leur ma-
les dogmes de leurs fondateurs, et qu'ils nière. n: Mais le presbytérianisme naquit en
sont aussi peu luthériens ou calvinistes les E Europe d'un zèle outré de religion; il ne
réunir, pourrait renaître aujourd'hui que de l'a-
uns que les autres, ils cherchent à se p
malgré l'infinie distance de leurs croyances5 théisme
tl et dans l'indifférence de toutes les
le dogme le plus fondamental, l'Eucha- religions;
n et cette, mère inféconde ne peut
sur
eharistie, et la haine réciproque de leurss rien ri produire, ou ne peut produire que des
fondateurs. Quand deux religions en sont à1 monstres.
n
point de tolérance et de complaisanceî La religion catholique se prête à toutes les
ce
mutuelle, on peut assurer qu'elles sont finies; formes
f< de gouvernement; mais toutes les
gouvernement ne se prêtent pas
et que,,si elles sont encore des factions po- formes-de
fi
catholique et com-
litiques, elles ne sont plus des sectes reli- aaussi bien à la religion
gieuses. me
c elle est la plus parfaite des religions, elle
Au reste, ce que nous avons dit en parlantt rne porte tous ses fruits que sous le plus
de l'aristocratie politique, qui tend forte- parfait
I des gouvernements. Elle fleurit, il est
ment la démocratie si même elle n'est;t vrai, dans quelques petits cantons démocra-
it tiques de 'la Suisse mais il faut observer
pas une démocratie plus concentrée, peut t
s'appliquer au luthéranisme, qui, tous lesis qu'elle
( y est presque la seule autorité; et
jours, tombe davantage dans le calvinisme. î. ces( peuples isolés, simplesdans leurs mœurs,
On peut voir à présent avec évidence, la la agricoles
< et pasteurs n'ont pas besoin d'un
tendance réciproque des différentes consti- autre pouvoir.
Quand j'ai dit que
v ..av ..auaiw
le protestantisme con- voir qui commande, un sujet qui obéit, un
aiV
( Je considère la famille, .et j'y vois aapou- iSeulement, dans les sociétés monarchiques
( 1 ) La chute de la royauté dans te démocratie
est qu'un accident, une .maladie passagère
n
retour de ta démocratie à la royauté est tin état
Je gleurs
| ou des devins, qui, trompés ou trompeurs;
s'aUribuenl
s
les
1
pour la guérison de leurs maladies et
succès de leurs chasses ou de -leurs guerres,
naturel et le rétablissement vdë lapante. des
c qualités surnaturellesque la superstition de ces
{%); Cela ne Veut pas dire que les Barbares
«
peuples regarde comme inspirées par quelque puis-
n aient aucune -religion,' mais seûlemçjit que, dans sance
s supérieure à l'homme.. >
leurs idées grossières comme eux; ils ont des jon-
1L14xn i
vvm.ua. w
et monothéistes, les personnes sociales sont J'examine cette religion, et je me de-
distinctes comme les fonctions dans quel- mande
£ si son existence dans le monde ré-
ques autres elles sont confondues. Mais pond à la dignité et à l'universalité qu'elle
·
laissons les sociétés politiques, et ne nous s'attribue.
s
occupons plus que du monothéisme, ou de Je la vois depuis dix-huit cents ans tou-
la monarchie religieuse. j
jours combattue; et c'est là le caractère le
Parce que le monothéisme, ou la société plus
{
certain de la vérité, et celui qui lui a
de l'unité de Dieu, contient vérité, elle a dû été
< le plus souvent et le plus solennellement
être la première ^t doit être la dernière. annoncé
i combattue dans ses dogmes par
File est l'alpha et l'oméga de la religion rien 1Ferreur, dans ses préceptes par les
passions,
ne l'a précédée et rien ne la suit. La vérité dans
( ses conseils par la mollesse; toujours
a commencé l'éducation du genre humain, combattue
< et toujours triomphante; persé-
et elle doit la terminer. cutée
< par le glaive, persécutée par le so-
Il
Cette société peut être considérée dans phisme,
]
persécutée par le mépris, persécu-
trois états, et ne peut exister dans aucun 1tée^par l'indifférence, et
toujours plus fé-
autre; elle est, ou domestique et dans une conde inspirant, suivant les temps et les
famille, ou nationale chez un peuple, ou lieux, le courage à ses martyrs, la science à
universelle dans le monde. ses docteurs, la pureté à ses vierges, l'austé-
Nous l'avons vue, cette religion, dans les rité à ses cénobites, le. zèle de sa propagation
familles patriarcales où elle était inférieure à ses missionnaires, et t'enthousiasme de la
et domestique, dans son pouvoir, dans son charité même au sexe le plus faible; inspi-
ministre, dans son sujet, dans son sacrifice, rant enfin tous les dévouements et tous les
action essentielle de toute société. sacrifices. Je la vois, de siècle en siècle, dé-
Nous l'avons vue dans la nation juive, où fendue et pratiquée par les hommes les plus
elle était extérieure et nationale nationale recommandables par leurs vertus ou les plus
dans son pouvoir (car l'unité de Dieu n'était célèbres par leur génie; et je ne parle pas
reconnue et n'avait un. culte public que chez des Augustin, des Thomas d'Aquin, des
cette nation) nationale dans ses ministres Bernard, des Bossuet, mais par les hommes
pris dans le corps de la nation nationale qui tiennent le sceptre des sciences même
dans ses sujets ou fidèles, qui étaient la na- profaner, par les Bacon, les Descartes, les
tion tout entière et nationale dans son sa- Pascal, les Leibnitz, les Newton, les Euler,
crifice, qui n'était offert que dans son tem- les Ch. Bonnet, les de Maistre, sans qu'au-
ple et par son pontife. Mais où est la reli- cun homme d'une haute considération mo-
gion universelle? Ici 'la religon chrétienne rale ou d'un génie universellement reconnu
se présente se donnant à elle-même le ti- soit entré en lice pour t'attaquer. Faut-il
tre d'universelle, ou de catholique et excepter le plus bel esprit de notre époque,
elle se dit en effet universelle dans son Voltaire? Mais ses plus graves objections ne
pouvoir, qui est l'Etre suprême, souve- sont que des bouffonneries- ( 1 ). Les esprits
rain Seigneur de t.outes les créatures uni- superficiels n'ont pasvu que, le se.1 du sar-
verselle dans ses sujets^ qui sont l'universa- casme consistant dans le contraste, pîus l'ob- –
lité du "genre humain doeete omnes gentes. jet est élevé et grève, plus la bouffonnerie
(Matth. xxym, 19) universelle dans son et le sarcasme' sont piquants et faciles; et
ministre, par qui tout a été fait, à quitoute c'est ce qui fait qu'on ne peut parodier et
puissance a été donnée au. ciel et sur la terre qu'on n'a jamais parodié que des tragédies.
(Ibid. 1 8}, et devant qui tout genou doit flé- Elle a été attaquée de nos jours; elle l'est
chir (Philip. n, 10), représenté par le vicaire peut-être encore par. des littérateurs sans
visible qu'il a laissé sur la terre univer- génie, qui prennent leur ignorance pour
selle dans sa morale, qui est celle du genre des objections, et croient.se grandir en atta^
humain universelle, enfin, dans son sacri- quant ce qu'il y a de plus grand.
fice, qui doit toujours, nous dit cette reli- Mais ce qui place la religion chrétienne
gion, être offert du couchant à l'aurore, pour• hors de toute comparaison" avec toute autre
le salut et la rédemption du genre humain. doctrine, ce spnt les peuples formés à son
PRÉFACE
Dans tous les temps, l'homme a voulu s'é- nature des êtres qui composent chacune de
riger en législateur de la société politique et en
ces deux sociétés, aussi nécessairement que
réformateurde, la société religieuse, etdonner la pesanteur résulte de la nature des corps.
une constitution à l'une et à l'autre société; orCes deux constitutions sont nécessaires dans
je crois possible de démontrer que l'homme l'acception métaphysique de cette expres-
ne peut pas plus donner une constitution à sion, c'est-à-dire,qu'elles ne pourraient être
la société religieuse ou politique, qu'il ne autres qu'elles ne sont, sans choquer la na-
peut donner la pesanteur aux corps, ou l'é- ture des êtres qui composent chaque société:
tendue à la matière, et que, bien loin de ainsi toute société religieuse ou politique,
pouvoir constituer la société, l'homme, par qui n'est pas encore parvenue à sa constitu-
son intervention, ne peut qu'empêcher que tion naturelle, tend nécessairement à y par-
la société ne se constitue, ou, pour parler venir toute société religieuse ou politique)
plus exactement, ne peut que retarder le que les passions de l'homme ont écartée de
succès des efforts qu'elle fait pour parvenir sa constitution naturelle., tend nécessaire-
à sa constitution naturelle. ment à y revenir. Cette tendance contrariée
En effet, il existe une et une seule consti- par les passions de l'homme, ce combat en-
tution de société politique, une et une seule tre l'homme et la nature, pour constituer la
constitution de société religieuse la réu- société, est la seule cause des troubles qui
nion de ces deux constitutions et de ces> se manifestent au sein des sociétés reli-
deux sociétés constitue la société civile gieuses et politiques. La force, l'indépen-
l'une et l'autre constitution résultent de _lat dance, le perfectionnement en tout genre,
sont, dans la société religieuse et politique, sciences auprès de la science de la so-
les fruits nécessaires de la constitution; la ciété ? et qu'est l'univers lui-même, si on le
faiblesse la dépendance, la détérioration compare à l'homme?
religieuse et politique sont l'infaillible par- Après avoir établi les principes de la
tage des sociétés constituées. Une société constitution des sociétés en général, et en
religieuse non constituée n'est qu'une forme avoir fait l'application à la constitution delà
extérieure de religion une société politi- société politique, j'ose les appliquer à la
que non constituéë .n'est qu'une forme ex- constitution de la société religieuse en dé-
térieure de gouvernement et, à propre- veloppant ces principes, sous des rapports
ment parler, des sociétés non constituées moraux ou religieux, je suis pas à pas l'or-
ne méritent pas plus le nom de société, dre et la marche que j'ai suivis en les dé-
qu'un corps qui ne serait pas pesant ne mé- veloppant sous les rapports politiques. Je
riterait le nom de corps. Si je n'ai pas dé- parviens donc à des, résultats absolument
montré ces vérités, d'autres les démontre- semblables et cela doit être car la société
ront, parce que le temps et les événements civile, réunion d'êtres à la fois intelligents
ont mûri ces vérités parce que la conserva- et physiques, est un tout composé de deux
t lion de la société civile dépend aujourd'hui parties absolumeut semblables, puisqu'elles
de leur mani festation, et que If agitation in- sont composées des mômes éléments, et que
testine, qu'il n'est que trop aisé d'apercevoir la seule différence qui existe entre elles
dans la société générale, n'est autre chose que consiste dans le rapport différent sous le-
les efforts qu'elle fait pour enfanter des vé- quel chacune de ces parties considère les
rités essentielles à son existence. éléments ou les êtres dont elle est composée
Tel est le sujet et presque l'analyse de éléments ou êtres que l'une de ces parties,
cet ouvrage. Je cours, en l'annonçant, Je qui est la société politique, considère ·
risque d'éveiller des préventions défavora-
bles; mais je veux c nvaincre mon lecteur,
et non pas le surprendre.
tre qui
comme physiques et intelligents, et que l'au-
est la société religieuse, con-
sidère comme intelligents et physiques.
J'ai donc traité de la constitution de la J'ai donc considéré la société politique
société politique et de la constitution de la sous ses rapports intérieurs ou religieux, et
société religieuse. la société religieuse sous ses rapports exté-
J'ai commencé par la constitution politi- rieurs ou politiques.
que, parce que la société est nécessaire- J'ai dit qu'il existait une et une seule
ment société politique ou extérieure avantt constitution de société politique une et
d'être société religieuse. une seule constitution de société reli-
Non-seulement ce n'est pas à l'homme àl gieuse; j'ai dit que l'existence de la so-
constitue.r la société, mais c'est lasociétéi ciété civile dépendait de la démonstration
à constituer l'homme, je veux dire à le for- de cette vérité: je vais plus loin, et j'ose
mer par l'éducation sociale et j'ai traité des dire que l'instant où cette vérité sera dé-
l'éducation sociale. montrée sera l'époque d'une révolution dans
L'homme n'existe que pour la société, ett la société civile car, à commencer par l'E-
la société ne le forme que pour elle il doitt vangile, et à finir 'par le Contrat social, tou-
donc employer au service de la société tout tes les révolutions qui ont changé, en bien
ce qu'il a reçu de la nature et tout ce qu'il ou en mal, l'état de la société générale,
a reçu de la société, tout ce qu'il est et toutt n'ont eu d'autre cause que la manifestation
ce qu'il a. Servir la société, c'est l'adminis- de grandes vérités, ou la propagation de
trer suivant la force de cette expression, oui grandes erreurs.
exercer une fonction dans une partie quel* Mais pourquoi des vérités si importantes
conque de son administration et j'ai traité> au bonheur de la société sont-elles restées
de l'administration sociale ou publique ett jusqu'à présent ensevelies sous un prodi*-
de ses différentes parties. gieux amas d'erreurs? Si leur démofiiHra-
j'ai donc traité de la constitution politi- tion est nécessaire, pourquoi leur manifes-
que, de l'éducation sociale, de l'administra-• 'tation est-elle si tardive? Dans les sciences
tion publique c'est-à-dire que j'ai traitéî qui ont pour objet la quantité, l'étendue, le
le sujet le plus vaste et le plus importantt mouvement, les propriétés enfin de la ma-
de tous ceux que l'homme peut soumettre àt tière, l'homme a fait des progrès étonnants
ses méditations.Que sont en effet toutes les» et, dans sa propre science, et dans la science
123 PART. I. EÇONOM. SOC.
la société
Je la SOciétf5. il enil est
Ilnlitimio
politique, on uct ““,> “
encore
éléments et presque à l'ignorance du auxx
pre-
-–'tn.
THEORIE DU POUVOIR.
_-< J.
– PREFACE.
rnr.rrrt.t~.
nature, jusqu'à la croyance d'un Etre su-
prême, créateur du monde, père du
m
126
LIVRE PREMIER.
LOIS FONDAMENTALES DES SOCIÉTÉS.
tence de Dieu qu'on puisse offrir à l'homme en so-t- sur lesquels elle est fondée. 6'est cette preuve sur
ciëté car il ne faut jamais considérer l'homme e laquelle Cicéron insista le plus. Quoniam in re omizi
hors de la société, puisqu'il est impossible qu'ilil consensiofirma gentiumomnium est vox naturm et ar-
existe un homme hors de toute société ou naturelle,i, gumenlum veritatis. Je développerai ces vérités en
ou politique. Cette preuve de l'existence de Dieu u traitant de la société religieuse.
est d'une évidence sociale: car il y a une évidence
e (1) Dans Dieu, la volonté veut de toute éternité,
sociale, comme il y a une évidence morale, physi- mais la force ou la puissance n'agit que dans le
que et métaphysique, suivant la nature des rapportss temps.
L'homme ne peut vouloir conserver Dieu sant par la force ou la puissance pour la fin
que parce qu'il l'aime. L'amour de Dieu est de leur production et de leur conservation
donc, dans l'homme, le principe de conser- mutuelles; production ou création de l'hom-
vation de la connaissance de Dieu l'amour me et sa conservation paf la volonté, l'amour
de Dieu dirige donc une force conservatrice, et la puissance de Dieu; production ou con-
qui est l'action des corps dans lé culte ex- naissance de Dieu et sa conservation, dans la
térieur. Donc l'amour de Dieu agissant par volonté; l'amour et la force de l'homme. Je
la force ou l'action des corps dans le culte prie le lecteurdebiensaisircettedistinction,
extérieur, est, dans l'homme, le pouvoir pro- pour ne pas abuser de mes expressions.
ducteur et conservateur de la connaissance 11 y a donc société entre Dieu et l'homme
(1) L'orgueil, la colère, l'ambition, ia vengeance, de dominer. Le délicieux plaisir d'obliger lient
i'amour même, comme sentiment ou passion, neî peut-être aussi, et à notre insu, quelque chose de
§pni que des modificationsdifférentes de la passioni ce principe; L'avarice, L'envie et l'ingratitude n.$ s
résulter nécessairement de l'inégalitéde leurs dans l'autre, volonté, amour et force de pro-
forces: car ta philosophie, qui veut que les ditire. Mais, parce que la conservation des
hommes naissent égaux en droits, n'empêche êtres suppose nécessairement leur produc-
tion, les sociétés qui produisent les êtres se-
pas qu'ils ne naissent inégaux en forces.
Je suis d'accord avec l'histoire. Cet état de ront les éléments de celles qui les conser-
guerre et de destruction est l'état sauvage, vent ainsi la religion naturelle sera l'élé-
lel qu'il a existé dans les premiers temps, et ment de la religion publique, et la famille
tel qu'il existe encore sur la terre. sera l'élément de la société politique; donc
L'effet nécessaire de la multiplication de la religion publique sera la religion naturelle
l'espèce humaine est de rapprocher les hom- accomplie, généralisée dans la religion chré-
mes l'effet nécessaire du dérèglement de tienne, et la société politique sera la famille
leurs volontés et de leurs fortes est de les généralisée dans la monarchie, car la con-
détruire. servation des êtres n'est au fond que la pro-
Puisque les hommes ne peuvent se mulli* duction continuée, accomplie, généralisée.
plier sans se rapprocher, il est nécessaire Ainsi l'on pourra définir la religion chré-
qu'ils puissent se rapprocher sans se détrtii* tienne et la monarchie, une réunion d'êtres
semblables., réunion dont la fin est leur con-
re, c'èst-à-dire qu'il est nécessaire qu'ils se
conservent, pour qu'ils puissent se pro* servation mutuelle; comme on définit la relU
duire. gion naturelle et la famille, une réunion d'ê-
Nécessité des sociétés extérieures ou gé- tres semblables, réunion dont la fin est leur
nérales de conservation, religieuses et phy- productionmutuelle.
siques, appelées religion publique et société
politique. CHAPITRE Il.
Je suis d'accord mëthe avec la philosophie. SOCIÉTÉS POLITIQUES OU GÉNÉRALES.
« c'est, » dit le Contrat
social, l'opposition,
des intérêts particuliers (ou des volontés dé- Volonté générale, amour général, force gé»
réglées)qui aifenda nécessaire l'établissement nérale, forment la constitution de la sociéié
des sociétés, et c'est l'accord de ces mêmes politique ou de la société de conservation.
înlérêts qui L'a rendu possible. Donc la volonté, l'amour et la force sont
Cet accord de tous les intérêts opposés extérieurs car il n'y a de général que co
qui forma la société, fut-il volontaire od qui est extérieur ou public.
forcé, demande la philosophie? NÉ l'un ni Comment la volonté générale de la société
l'autre, dit la Faison il fut nécessaire. Ou ta volonté sociale fut-elle rendue exté-
Là o'û toutes les volontés particulières tousrieure ? Cette question, la plus importante
les amours particuliers, toutes les forces par- de toutes les questions politiques, exige des
ticulières, veulent nécessairement dominer,. il développements étendus et malheureuse-
est nécessaire qu'une volonté générale, un ment un peu abstraits. La philosophie, qui
amour général, une fotee générale dominènt;i place la volonté générale dans la volonté po-
c'est-à-dire que, pour que la société puisse pulaire, n'évite des difficultés dans la théo-
se former, il faut que l'amour- général des rie que pour enfanter des monstres dans
autres l'emporte sur l'amour particulier d& l'application.
soi. La volonté générale de la société de con-
Voilà l'accord des intérêts opposés, voilà servation ne peut être la volonté particulière
la société générale- ou politique. d'un homme: car la volonté particulière de
La société' politique ou la soeiété de con- tout homme est essentiellementdéréglée elle
servation sera donc constituée comme la so- ne peut être la volonté de tous les hommes:
ciété de production. Je vois dans l'une vo- car des volontés essentiellement déréglées
Ionien amour et fotee de conserver; comme ou destrueti ves ne,peuvent se réunir en une.
sont des. viees. si bas, qu'en ce qu'ils, sont contraires. soit avare, envieux, ingrat. De là encore la dis-
à la nature de LTiomme, et que l'avare est domiré tinction que l'opinion publique met entre les crimes;
par son argent l'envieux avoue, par son <ume plus l'objet en est élevé, moins ils déshonorent
même, la supériorité des autres; t'ingrat souffre la pourvu toutefois que les moyens ne soient pas vils
domination du bienfait, sans chercher à s'y sous- et infâmes, ce qui n'est guère possible.
traire par la reconnaissance. Ces passions rendent La pudeur naturelle à l'homme n'est autre chose
l'homme vil et coupable à la fois, et les autres le que la honte que l'homme éprouve à rendre les,
rendent coupable sans l'avilir. Aussi l'on avoue la autres témoins de son impuissance à dominer ces,
<olsi:e, l'ambition, l'amour on n'avoue pas qu'on sens elle n'existe pas dans les enfants.-
volonté essentiellement droite ou conserva- à
à l'esprit et au corps. Il sera l'amour agissant
trice, ni des volontés nécessairement parti- pa la force: car, dans l'être libre, l'amour
par
culières et opposées se réunir en une vo- sa force ou sans acte n'est pas amour.
sans
lonté essentiellement générale et toujours là1 L'homme particulier ou individu a une
même. fit particulière, qui est l'objet d'une volonté
fin
La volonté de tout un peuple, fût'-êlle una- pi particulière et comme le moyen est propof-
nimé, n'est qu'une somme de volontés parti- tii tionné à la volonté; l'amour particulier agit
culières et elle ne peut être la volonté gé- p£ par une force particulière»
nérale. La société, homme collectif ou général, ou
J.-J. Rousseau, qui a élevé l'édifice dui ré réunion d'hommes particuliers, a une fingè-*
Contrat social sur cette misérable équivoque3 ni nérale, qui est l'objet de la volonté générale,
dé volonté populaire et de volonté 'gêné*j et el à laquelle elle parvient avec un moyen
rale, est forcé lui-même de les distinguer général,
gi c'est-à-dire un amour général, agis-
« Quand le peuple d'Athènes nommait ou i sant
s< par une force générale.
cassait ses chefs, décernait des honneurs à Je suis donc ramené par un autre chemin
l'un, imposait des peines à l'autre, il n'avaitt à cette proposition déjà démontrée, qu'il y
politique une volonté géné^-
pus de volonté générale. » il distingué ail-1- a dans la société
t,
leurs la volonté générale de la volonté par- rale, unamour général, une force générale de
à sa fin, qui est la conservation des
liculiére. « La volonté générale tend à l'éga- parvenir
p
lité, et la volonté particulière aux préférer.- éiêtres sociaux.
ces. » Donc elles sont diamétralement oppo- 1- Mais un être parvient nécessairement à sa
sées donc elles ne peuvent se réunir. fin,
fi à moins qu'un être supérieur ne l'en
Qu'est-ce donc que la volonté générale dee empêche
e et il n'y a point d'être supérieur à
la société?'l 1; société, puisqu'il n'y a point d'être hors
la
La société est an être car, si elle n'étaitit de d la société.
(1) On ne peut pas appeler un gouvernement civil in Israel, sed unusquisque quod sibi rectum videba-
ou humain un gouvernement où Dieu intervient lur, hoc fuciebat. (Judic. xxïi, 24.)
sans cesse visiblement, et où la première magis- Les derniers Juges enfants de Samuel, ne mar-
trature de la nation est presque toujours entre les chèrent pas dans les voies de leur père, ils se lais-
mains d'hommes inspirés; de quel gouvernement sèrent aller à l'avarice et corrompirent le jugement.
courrait-on dire ce qu'il est dit du peuple juif à la {l Reg. vin, 3.)
lin du Livre des Juges? In diebus Mis non eral
rex
BOMLD. m
^j ŒUVRES COMfLEtES
V
DE M. DÉ
ft.-vmp.tmifftfnerrière, consacré ad dieu
•
par ses divisions,
«. • « j»fll_
avant d'être i_ proie ,i'nn
la “““;“ d'un I
Koipe, toute guerrière, seseconsâcrëau diéU
vage.
de l'homme'intelligent et dans la nature de
L'homme est opprimé par le gouverne-
ment et par la religion, par les lois et par l'homme r physique.
L'univers subjugué par la République ro-
tes mœurs.
constituée, si j'ose le dire, maine est soumis à la fois au despotisme ac-
La guerre y est foule de maîtres et au culte
consacrée, la loi ordonne ouu câblant d'une
la prostitution
permet d'assassiner l'esclave et 'd'exposert insensé d'une multitude de dieux.
l'univers n'obéissent qu'à
l'enfant. Mais Rome et
de la société est
st unpouvoir; bientôt Rome et l'univers ne
Le pouvoir gênerai
anéanti dans les assemblées populaires par »r reconnaîtront qu'un Dieu.
particulier ^législateurs, l'exis-s- La monarchie de l'univers encore impar-
le pouvoir avec
même de l'Etre suprême est attaquée ie faite, ou l'unité de pouvoir, commence
tence
dans les lycées par les opinions extravagan- i- Auguste. temps, la plus haute sagesse se
En même
tes des philosophes. fait entendre, le christianisme ou la religion
L'athéisme, au rapport de Diodore de i-
Si-
la démocra- universelle de l'unité de Dieu parait sur la
cile, commence à Athènes avec a-
divin fondateur accomplit, en
de néant reli-
li- terre, et son
tie et ces deux principes terminant, la religion judaïque.
gieux et politique seront désormais insépa- ,a. la le chris-
Faible dans ses commencements,
rables.
lianisme s'étend et l'idolâtrie, qui suc- mé
n par les usages barbares des sérails.
combe, entraîne le despotisme dans sa Ainsi, la société civile n'a commencé
chute. dans
d l'univers qu'avec l'établissement du
La religion s'avance de l'Orient et du culte
c public de la religion chrétienne; et
Midi avec les Romains la constitution mo- la France est revenue.à à l'état sauvage, lors-
U
narchique vient de l'Occident et du Nord qu'il
q y a été aboli.
avec les Barbares. Ainsi, pour montrer, sous un seul point
La vocation des gentils ou païens à ta re- de d vue et dans les destinées d'une môme
ligion chrétienne est, en même temps, Ja société,s> la marche simultanée de la religion
vocation des Barbares à la société civile. e du gouvernement, la constitution politi-
et
Et séparées pendant quarante siècles, la que q est altérée en France, depuis un siècle,
justice et la paix se sont emhrassées la re- par P des volontés particulières mises trop
jigion de l'unité de Dieu et la constitution souvent
s à la place de la volonté générale
de l'unité de pouvoir se rencontrent en Eu- la 1(' religion est attaquée, depuis le môme
rope; la religion y établit la liberté des en- temps,
t< par l'orgueil et l'impiété le gouver-
fants de Dieu, ou la liberté religieuse la nementn et la religion vont s'affaiblissant de
monarchie y fonde la véritable liberté de concertc bientôt la division du pouvoir en-
{'homme, ou la liberté politique (Esprit des traîne
ti la division du culte, et l'abolition de
lois); et réunies dans la société civile, elles tout
tl culte public suit de près l'anéantisse-
détruisent du même coup l'idolâtrie et le ment n de tout pouvoir général. Alors l'exis-
despotisme, l'esclavage religieux et l'escla- tence
'< de Dieu même est hautement attaquée,
vage politique. e l'on voit l'athéisme le plus effronté naître
et
Des sociétés particulières se forment d la démocratie la plus illimitée mais les
de
soumises à la fois à la religion chrétienne peuples
P ne peuvent exister sans divinité, ni
et à la constitution monarchique, qui sont les sociétés sans pouvoir les sens se créent
dans la nature morale et dans la nature des d dieux, l'ambition érige un pouvoir. Des
physique de l'homme, elles affermissent sur courtisanes
c sont les divinités, des bour-
f sont le pouvoir, et despotisme
ses véritables bases l'existence de la société reaux
l'idolâtrie la plus
le plus
civile par la conservation des êtres intelli- impure s'élève à côté du
1]
"
gents et physiques dont elle est composée. féroce; mais la religion reparaît, et elle
tend la main à la monarchie qui se relève,
L'homme moral ou intelligent se conserve tE
par la foi pratique de l'unité de Dieu et de Ainsi le culte le plus compliqué, le poly-
l'immortalité de l'âme, foi qui est l'effet et théisme,
t! a commencé dans l'univers avec le
l'objet de la religion chrétienne l'homme gouvernement
g le plus simple, le despotisme;
physique se conserve par les lois qui répri- et,e de nos jours, l'absence de tout culte, le
ment sa force, ou qui protègent sa faiblesse, déisme
d ou l'athéisme, commence en Europe
!ois qui sont l'objet et l'effet de la constitu- aveclegouvernement
a le plus compliqué, la
tion monarchique ainsi l'on ne pourra dé- divisiond et l'équilibre des pouvoirs, ou le
truire, à la fois, dans la société, la religion gouvernement
g représentatif.
chrétienne et la constitution monarchique, Ainsi, et ce principe, hardi peut-être, se
qu'en détruisant la société. développera
d fdans le cours de cet ouvrage,
Enfin, pour achever le tableau, une reli- h leE principe de la monarchie est un principe
gion voluptueuse crée en Orient, dans les d'unité,
d d'existence, de perfectionnement
temps modernes, un gouvernement oppres- politiquep et religieux; et le principe des so-
seur; au défaut du despotisme des lois, s'é- ciciétés non constituées est un- principe de
tablit le despotisme des mœurs à la foi de division,
d de mort, de néant politique et
l'unité de Dieu, la religion mêle les opi- religieux.
ri Je"; ne dis pas que dans toutes les
nions les plus licencieuses, et le culte, les monarchies
n on ait connu l'unité de Dieu
pratiques les plus gênantes; à l'unité' de encoree moins que l'athéisme soit la religion
pouvoir le gouvernement mêle les lois poli- dde toutes les républiques je dis seulement
tiques les plus absurdes, et l'administration qu'à
q considérer en général, et comme l'on
les coutumes les plus tyranniques et lors doit di considérer les vérités sociales, tous les
même que ce jeuple amolli n'est plus op- te temps et toutes les sociétés, l'observateur
primé par la guerre, il est opprimé par là peut pi apercevoir les rapports frappants et les
polygamie, opprimé par l'ignorance, oppri- progrès
pi simultanés de certaines opinions,
t
politiques et de certaines opinions religieti- tituée
t chez un peuple qui ne connaissait pas
ses(l). l'unité
1 de Dieu; mais la force de la consti-
Je m'arrête le lecteur saisira sans peine 1tution politique avait, en Egypte, constitué
servatrice de la société, action de son pou- Les ministres du culte public furent donc,
ddans leurs fonctions, indépendants de
la
voir conservateur doit être immortelle; volonté de tout homme, pouvoir ou sujet de
donc le ministère du culte public ou le sa- minis-
1la société; car s'ils eussent, comme
cerdoce doit être immortel et perpétuel. la volonté
Mais l'homme physique ne peut être im-
très
t du culte, été dépendants de
particulière de quelque homme, le culte
Tûortel que par l'hérédité, c'est-à-dire que? r
de' quelque
dans5 1lui-même eût été dépendant
la perpétuité est dans la famille et non particulière; il eût pu cesser d'être
l'individu. volonté
A
••
aux ministres, dont – la fonction est «de dis-
»• n'est
n' J pasJ toujours par les agents
1 ^m. mdu
Ava. A monar-
mf-S>.•*W*rt
m~i^H41
lui-
tinguer la volonté générale de la société de que,
qi encore moins par le monarque
la volonté particulière de l'homme-roi; car, même,
m que l'individu est opprimé, mais par
s'ils voulaient les confondre, ils auraient son
s< égal. Tout homme qui porte le déshon-
intérêt d'altérer le dépôt. Ce dépôt ne doit neur
ni dans la famille d'un autre par la, cor-
pas être confié à un homme sujet à la sé- ruption
ri de ses mœurs, le chagrin dans son
duction de la faveur ou à l'influence de la âme
ai par la calomnie, ou le désordre dans
crainte; il ne peut être remis qu'à un corps, s< affaires par l'injustice, est un
ses véritable
trop nombreux pour être séduit, assez puis- oppresseur. Les lois'peuvent punir l'oppres-
O|
sant pour n'être pas intimidé, qui n'ait si
sion l'éducation seule en formant les
aucun intérêt à altérer le dépôt. mœurs, peut la prévenir.
n:
Autre loi politique nécessaire consé-
CHAPITRE VIII.
quence des lois fondamentales, et fonda-
mentale elle-même établissement des tri- CARACTÈRES DE LA MONAUCHIE.
bunaux dépositaires des lois. Cette fonction
en Egypte était confiée aux prêtres; dans Je me résume, et je reviens sur les lois
les monarchies modernes elle est confiée politiques
p qui constituaient la monarchie
aux juges. Nous en parlerons ailleurs. égyptienne,
é; et qui constituent toutes les
Les membres de ce corps doivent être, monarchies
u
dans leurs fonctions, indépendants de toute 1° Intervention de la religion dans toutes
volonté particulière, soit de l'homme dépo- les
1<
i
actions sociales.
sitaire du pouvoir, soit des hommes mem- 2° Education religieuse et politique, ;ou
bres de la société, parce que les hommes, ééducation publique.
quelque rang qu'ils occupent dans la société, 3° Indépendance de la religion et de ses
tendent naturellement à se soustraire aux ministres
n de toutes volontés particulières.
lois, c'est-à-dire à les renverser ou à en 4.° Succession héréditaire de l'exercice du
altérer le dépôt. f
pouvoir.
Autre loi politique nécessaire indépen- 5° Indépendance personnelle du monar-
dance des membres des tribunaux dépositai- que.
<] «•
6" Perpétuité de la profession militaire
res des lois, de toutes volontés particulières; l'hé-
ce qui veut dire inamovibilité des offices, cou de la force publique assurée par
perpétuité de la profession. rédité.
L'oppression individuelle était donc pré- 7° Indépendance de la force publique do
ltoutes volontés particulières.
venue, ou pouvait être réprimée, puisque
la force publique ne pouvait être dirigée 8° Etablissement des tribunaux déposi-
contre un individu par la volonté particu- taires
t des lois.
lière du monarque, et que, si les agents de 9" Indépendance des tribunaux de toutes
la volonté générale se permettaient d'obéir volontés particulières.
10° Nomination d'agents du pouvoir ou
à une volonté particulière du monarque, au
préjudice du corps social ou d'un de ses ministres.
r
membres le recours contre eux était ouvert 11° Responsabilitédes ministres aux tri-
1bunaux dépositaires des lois.
devant les tribunaux. La France doit une
partie de ses malheurs à cette loi néces- 12° Indépendance de toutes les profes-
saire trop souvent méconnue. Aussi la sions
s sociales, assurée par l'inamovibilité
â'esponsabilité des ministres était-elle for- de
< leurs membres.
mellement demandée par les trois ordres Ainsi le caractère particulier de la mo-
,de l'Etat à leur dernière convocation. Cette narchie
i est que toutes les professions y sont
dépendantes des lois et indépendantes des
loi n'a aucun inconvénient; parce qu'une loi c
.{..
rien de nécessaire en soi, c'est-à-dire, qui ne donne aux siens. Ces lois, bonnes ou mau-
pût être autrement; ou, s'il y avait quelque dais.es, n'étaient que les volontés ou les opi-
chose de nécessaire, c'était qu'émanées de nions d'un homme; un autre homme
l'homme,, les lois devaient nécessairement vait avoir des opinions plus
pou-
sages; des pen-
être imparfaites, et qu'émanées de plusieurs sées plus profondes et l'on ne pouvait
con-
hommes, elles devaient nécessairement por- tester au peuple le droit, «je dis plus, le de-
ter l'empreinte du caractère de leurs au- voir de les adopter, car la société doit tou-
teurs, jours tendre à sa perfection.Rousseau adopte
Le farouche Dracon donna des lois atro- ce principe, lorsqu'il avance «qu'un peuple,
ces; l'indulgent Solon, des lois plus douces,dans la république, a toujours le droit de
l'austère Lycurgue des lois bizarres et même changer ses lois, même les meilleures;
car,
cruelles l'Athénien fut aimable, je Spartiate s'il veut se faire mal a lui-même, qui est-ce
dur et féroce. La raison concluait de ces di- qui a le droit de l'en empêcher?»»
versités, que les; institutions forment les Il était même contre la nature du gouver-
(1) Les législateurs quine veulent pas imiter la meur voyageuse de Lycurgue, et partir pour ne ptus
6incente i
de Solon,devraient au moins imiter l'iiu- revenir.
i
ig9
lytf
f ~))- –– iiiii
CELWES COMPLETES DE M. DE BONALD.
nement républicain, qu'un peuple ro.l~ e'occ.i-
jelît sans réserve aux volontés d'un homme
s'assu-^ existence
peines à l'autre, il n'avait pas de volonté gé- La nécessité du pouvoir unique est mé-
nérale proprement~dite. » connue à Athènes, et bientôt l'existence de
Dès que la volonté de tous n'est pas tou- la ] Divinité même y est attaquée. Les Athé-
jours la volonté générale, elle ne l'est ja- niens, au rapport de Diodore de Sicile,
mais; et ce passage de Rousseau est la ré- mirent à prix la tête d'un j>ens-ewr qui avait
futation la plus complète de son ouvrage. osé douter dans ses écrits de l'existence de
Le corps social comprend les hommes ett Dieu.
les. propriétés, tous les hommes et toutes less 'C'est une source inépuisable de réflexions
propriétés; il réunit dans une même vo- profondes et peut-être de vérités nouvelles,
principes reli-
lonté générale, et dans l'objet unique de saa que cette liaison intime des
conservation, toutes les générations et touss gieux et des principes politiques, et Je nœud
les âges les membres se renouvellent mystérieux qui unit les deux sociétés. Je
mais le corps reste le même les proprié- reviens à mon sujet.
taires se succèdent, mais la propriété estt Il n'y eut donc plus de volonté générale
immuable; l'homme meurt, mais le pouvoirr dès que toutes les volontés particulières
ou le monarque est immortel. Tout se gé- purent se manifester. « En effet, s'il n'est
néralise dans ce corps général il vit d'unee pas impossible, » dit Rousseau, «
« qu'une
201 PART. l. ECOMOM. SOC-THEORIE DU POUVOIR.
volonté particulière s'accorde
Volonté s'anf-nriin sur
i wu .v/nu PART.
cm. quelque
nnl>l/A
point avec la volonté générale, il est im-
possible au moins que cet accord soitdura-
ble et constant, car la volonté particulière
rn.ni: i. ruuv.
_».-i
I.
POUV. POLITIQUE.
“
LIV. 1. 202
FULITIQUE. LIV.
».t. s'il n'y eut pas dans la république
Mais,
de volonté générale, il ne put y avoir de
pouvoir général, qui n'est que l'exercice de
la volonté générale.
tend par sa nature aux préférences, et la
lonté générale à l'égalité. » C'est-à-dire vo- Ainsi, dès que les volontés furent indivi-
que
la volonté particulière veut dominer, et que duelles, le pouvoir fut individuel aussi, ou
la volonté générale ne veut pas.qu'aucune tendit à le devenir.
volonté particulière domine. Si ces volontés particulières pouvaient
se
Toutes ces volontés particulières ne pou- manifester en commun, tous ces pouvoirs
vaient s'exercer ensemble, et la jalousie de individuels ne pouvaient s'exercer
ensem-
ces petites âmes, qui dans un roi ne voyaient ble. On fit pour le pouvoir ce qu'on avait
qu'un homme, ne soutirait pas qu'un seul fait pour les volontés, mais avec cette diffé-
exerçât la volonté générale. On convint rence que le plus grand nombre faisait pré-
doncque le plus grand nombre des valoir sa volonté sur celle du petit nombre,
lantes remporterait sur le plus petit vo- et
dans les assembléespopulaires, et que, dans
par cela même on regardait ces volontés l'administration, ce fut le plus petit nombre
comme individuelles, puisqu'on était obligé qui exerça son pouvoir au nom du pouvoir
de les compter. Cette disposition était évi- de tous car, même en s'en écartant, on
demment tirée de ce principe qu'à égalité rendait hommage au principe fondamental
de pouvoir, la force est du côté du nombre. de l'unité de pouvoir.
Effectivement, cette société sans volonté On sépara donc les volontés des pouvoirs
r
générale n'était au fond qu'une société dans et cette séparation contre nature fut cause
l'état sauvage, où la force pouvait à tout ins- de tous les désordres car qu'est-ce que la
tant tenir lieu de raison. Cependant, pour volonté, sans le pouvoir d'en faire usage? et
déguiser autant qu'il était possible ce que le pouvoir est-il autre chose que l'exercice
ces luttes de volontés pouvaient avoir de de la volonté?
scandaleux, et toutes ces fictions d'invrai- Puisque chacun avait le droit de manifes-
semblable, on imagina les formes mysté- ter sa volonté, il était dans la nature de
rieuses au scrutin, et ce ne fut qu'en ca- l'homme qu'il voulût en faire usage et,exer-.
chant soigneusement sa volonté qu'on put
la manifester. Invention digne de son objet, cer son pouvoir.
H se forma des brigues dans les assem-.
à l'abri de laquelle on put impunément cou- blées, pour faire prévaloir sa volonté parti-.
ronner l'intrigue et écarter la vertu, et q,ui culière jjl s'éteva des factions 'dans l'Etat,.
ôtait à l'injustice et à l'envie jusqu'à Uem-
pour être admis à exercer son pouvoir -par-
barras de la pudeur (1) 1. ticulier.
(1)) Oïi penrraii soutenir que là. foi fondamen-
tale .de Punité et de l'individualité du pouvoir passe à la voix prépondérante dû-président, la vo-.
se lonté générale n'est plus même une volonté parti-
retrouve même dans.une assemblée populaire exer- culière elle n'est réellement qu'un être de raùdit»
çant les fonctions de souverain, en dépit des hom- puisqu'elle est la volonté d'un
mes et de leurs institutions. Qu'on suppose une votant qui n'existe"-
assemblée législative divisée sur une question pas.
en Rousseau dit ailleurs (1. Ii, ch. H) que la volonté
deux partis numériquement égaux toute décision générale est la loi. Il confond deux choses très-
est impossible, la loi ne peut pas naître, et c'est distinctes, la volonté générale et son expression.
déjà un vice radical. Mais, si un votant passe d'un l'homme et la parole. Montesquieu dit que la volonté
<«te à l'autre, il est évident que sa volonté fait la générale est le pouvoir de l'Etat. Il confond aussi
loi, qu'il est le législateur du, jour, et quil pro- deux choses très-distinctes la volonté générale et,
nonce entre les deux partis comme le roi en son. son agent. Le pouvoir est l'agent de la volante,
conseil. donc iln'est pas la volonté. La volonté dirige lu
t. Si l'on ôte, dit Rousseau, « les voix positi- pouvoir, donc file n'est pas le pouvoir. L'homme.
ves et négatives. qui se détruisent, reste pour. somme l'organe de la parole, la parole, sont des choses
des différences la volonté générale, s Or ici il ne très-distinctes; comme la volonté générale, le pou-
reste qu'une voix donc, selon Rousseau, une voix voir, la loi. Lorsque je ne sais quel membre de
particulière est. dan*, ce eas la volonté générale, l'assemblée constituante osa dire que, si la société
("est la même chose dans toute supposition des (française) avait la volonté, de renoncer à la religion
deux tiers ou des trois quarts des suffrages te chrétienne, elle en aurait le pouvoir, il dit une ira-
scrutin ue sert qu'à masquer quelle volonté parti- piété absurde. La société en aurait la force,
culière ou combien de volontés particulières ont irais
elle n'en aurait pas le pouvoir, car une société
fait la loi. constituée n'a pas plus le pouvoir de se déronsti-
Toute assemblée délibérante doit pour cette rai-
tuer, que l'homme raisonnable n'a le pouvoir de se
8011 être en nombre impair, ou si elle est en nombre détruire lui-même, ^approfondirai cette question
pair, on donne deux, voix à celui qui ta préside, intéressante dans la Théorie du pouvoir religieux, eu
fiction par laquelle on suppose ta présence d'un traitant de la liberté.
votant qui n'existe pas et lorsque la question
Jane de volontés se contrariaient, tant de Le pouvoir tendit donc à revenir à chacun
pouvoirs se heurta-ient on voulut limiter le et e comme on imagina différents moyens,
nombre de ces volontés et de ces pouvoirs, pour p empêcher cette division, ou la contenir
Parune nouvelle fiction, caron s'enfonçait dans d certaines bornes, il en résulta diffé-
toujours plus avant dans le pays sans bornes rents r modes de gouvernement républicain..
des illusions, on supposa qu'il n'y avait «.La «.
démocratie peut embrasser tout un
qu'un certain nombre de citoyens qui eus- peuple p ou-se resserrer jusqu'à la moitié. »
sent le droit de manifesterJeur volonté dans (Contrat
(i social.)
les assemblées, et un nombre encore plus Une fois le pouvoir parvenu au terme ex-,
petit qui eût le droit d'exercer son pouvoir trême tl de sa division, c'est-à-dire lorsque
par J'administration. Le gouvernement de- tous ti eurent acquis le droit d'exercer leur
vint aristocratique il n'y eut plus alors, propre p volonté par leur propre pouvoir,, la-
dans cette société, même l'apparence d'une société s revint à l'état primitifde société saur
volonté générale. Pour qu'une volonté soit vage v et sous une forme extérieure de gou-
générale dans une république, il est néces- vernement,
v elle ne fut plus qu'une réunion
saire que toutes les voix soient comptées d'hommes
d attachés au même sol, divisés de
toute exclusion formelle rompt la généra-volontés, et cherchant à les faire prévaloir
lité. » (Contrat social.) r leurs forces particulières.
par
Pour base à une distinction aussi inju- La loi fondamentale de l'unité de Dieu ne
rieuse, on imagina je ne sais quelle quotité ffut pas moins altérée que celle de l'unité de-
de propriété, qui donnait au propriétaire le pouvoir.
1 Dès que celui-ci ne put plusrépri-
droit de manifester sa volonté à la place de merlesr actions, la religion. ajouta par sa li-
celle des autres, et une quotité plus forte cence c à la dépravation des volontés.
qui lui donnait le droit d'exercer son pou- Les Grecs avaient des dieux auxquels un.
voir et celui des autres on confondait ce honnête homme aurait rougi de ressembler,,
qui est distinct de sa nature, l'homme et la et < le culte était digne de telles divinités.,
propriété,, l'esprit et la matière et par une «< On ne peut lire sans étonnement les hon-
fiction plus étrange que toutes celles dont ineurs qu'il fallait rendre à Vénus, et. les
nous avons parlé, ce n'était plus à l'homme, prostitutions
1 qui étaient établies pour l'ado-
mais à sa terre, à son argent, à ses bestiaux, 1rer. » (Bossuet.) En Egypte le culte cônsa-
à ses moissons, qu'on donnait le droit dei crait < les' travaux utiles de l'agriculture; en
vouloir, de pouvoir; et cette faculté qu'ont Grèce< il consacrait la. volupté; la licence
refusait à l'être intelligent, on la plaçaitt devint affreuse, et tes mœurs abominables;.
dans des êtres qui n'avaient pas même lat le J respect s'affaiblit pour un culte aussi dis-
{acuité de connaître (1).. solu
s et à Athènes, selon un ancien auteur
Alors parurent pour la première fois, dans cité < par le président. Hénault, chaque citoyen
le vocabulaire des sociétés, les mots de li- avant < d'avoir part aux charges publiques*
berté et d'égalité, dont on ne parle jamais que était obligé de prêter serment de défendre la
chez un peuple où il n'existe ni l'une nii •'-religion de l'Etat et de s'y conformer. La loi
3'autre. Ceux qui eurent pour eux et pourr du serment en prouve lanécessité.
les autres le droit de pouvoir et de vouloir, Puisqu'il n'y avait pas de volonté générale
eurent toute la Ji&«r^ dont l'homme pouvaitt dans les républiques, il n'y eut pas depou-
jouir elle reste, constitué par la médio- voir général, qui est l'exercice dé la volonté
crité de sa fortune dans une nullité merale3 générale, ni de profession militaire distin-
et physique de volonté et de pouvoir, récla- guée ou de force publique, qui est l'action
ma l'égalité, à laquelle tous les hommes peu-r
du pouvoir général.
vent prétendre. 11 n'y eut donc pas de professions sociales,,
Une distinction aussi contraire à- la natures au moins politiques, séparées des autres
de l'homme fut le principe detousles maux ·, professions point de distinctions hérédi-!
la nature de l'homme voulait qu'il cherchât,t taires, nulle fixité dans les personnes dans
à manifester sa volonté et surtout à exercée t la monarchie, le pouvoir général réuni sur
*!>on pouvoir. un seul était limité par .tous; en Gréée, le-
(1) Dans la distribution des emplois, le princee constitution du royaume de France est si excellente
doit, a mérite égal, préférer la propriété et j'enn qu'elle n'a jamais exclu et n'exclura jamais les ci-
dirai ailleurs la raison mais la loi ne doit pass toyens nés dans le plus bas étage des dignilés le&
«cime la pauvrelé et en aggraver ainsi le inal- plus relevées, i (M aiharel contre Hotman% cité gat
Ikjiu 9 es sui-ait créer l'esclavage politique. ( Laa le président Héiiault.l
pouvoir individuel ne put être contenu que cîrcenses.
c; Le peuple se crut riche, parce
par une limite individuelle, c'est-à-dire que qu'on
q lui distribua du blé; heureux, parce
le pouvoir de l'un limita ou voulut limiter qu'onq lui donna des spectacles|; libre, parce
le pouvoir de l'autre; de là les dissensions -qu'il
-qi eut des esclaves.
et les guem s civiles. J'attribuerais vo'ontiers à cette raison l'in-
Aussi l'oppression générale, ou l'emploi troduction
tr de l'esclavage dans les républi-
immodéré des hommes par la guerre, y fut ques qi anciennes et s'il n'eut pas ce motif,
il
an plus haut degré; et à Sparte., sous ce il eut du moins cet effet.
gouvernement de fer, l'esclavage môme ne En Egypte, il résultait des lois sur les
fut pas un asile contre l'oppression indivi- professions,
Quelle la plus barbare. On connaît la loi place;
p, que chaque citoyen était à sa
p| en Grèce, au contraire, où rien ne
épouvantable duCryptia ou de l'Embuscade. fixait g. l'inconstance naturelle à l'homme et
11 n'y avait as de profession particulière n
n'occupait son oisiveté, effet et cause de ces
vouée au service militaire, on y dévoua les gouvernements, il eut beaucoup d'hommes
g, y
peuples entiers; ce fut un système, dans <ji déplacés, et qui, n'ayant rien à faire, s'oc-
ces gouvernements, de faire périr les ci- cupaient
c, à chanter ce qu'avaient fait les
toyens pour assurer le repos de la cité; des autres,
a, ou à disserter sur ce qu'ils devaient
conscriptions entraînaient à à l'agression des fafaire. Les poëtes et les philosophes pullulè-
Etats voisins, bien plus qu'à la défense de r( rent dans la Grèce on crut les poëtes dess
leurs foyers, -tous les citoyens, sans distinc- hommes
b, utiles, parce qu'ils amusaient les
tions d'occupations, d'habitudes, ou de liens autres, et les philosophes des hommes
a, ver-
domestiques.
Et qu'on ne dise pas qu'un amour exalté vertu.
t
tueux, parce qu'ils discouraient sur la
de la patrie était' le mobile de ce généreux V( Le caractère de la monarchie était dé-
dévouement car 1° l'amour de sa patrie pendance égale de tous les citoyens de la
p<
oblige à la défendre, et non à attaquer cefle volonté générale indépendance égale de
V(
des autres. 2° Dans les beaux jours de la fC tous les citoyens de toutes volontés particu-
république romaine, le peuple a souvent ]j lières.
refusé de se faire inscrire, et il a fallu l'y
Le caractère de la république fut nulie
contraindre.
J'ajouterai quel genre plus monstrueux d dépendance
] de la volonté générale, puisqu'il
n'y eut point de volonté générale assujet-
d'oppression que celui qu'exerce un
vernement qui donne des passions à ses
gou-tissement à des volontés particulières, puis-
sujets pour pouvoir assouvir les siennes? '?' les lois ne furent que l'expression de vo-
.que
Comme il n'y eut pas dans les républiques
lontés particulières; inégalité d'assujettisse-
m
de distinctions sociales permanentes, on vit ment à ces mêmes lois, puisqu'elles permi-
reparaître les inégalités naturelles, et l'on y d'rent
rc aux uns de manifester leur volonté, ou
d'exercer leur pouvoir, et l'interdirent aux
remarqua -de grands esprits et de grands
autres.
courages, parce que les inégalités naturelles at ai
sont l'esprit et la force du corps. Or il ne peut exister ni liberté ni égalité
Tout s'y rapprochait de l'état naturel st i
sociales, là où le citoyen est assujetti à des
aussi les femmes y eurent moins d'empire; volontésparticulières,
v( et où tous les citoyens
car l'amour, comme sentiment, appartient n< ne sont pas également assujettis aux mêmes
plus à l'homme de la société qu'à l'homme v< volontés.
de la famille (1). 11 n'y eut donc ni volonté ni égalité dans
Dans les aristocraties (et selon Rousseau les te républiques.
lui-même il n'y eut jamais de véritable dé- Rousseau en convient à peu près, lorsqu'il
mocratie), une partie plus ou moins dit di « Ceci suppose que tous les caractères
nombreuse de citoyens était exclue des as- de de la volonté générale se trouvent dans la
semblées politiques et des emplois publics, pluralité
pi quand ils cessent d'y être, quel-
On chercha à distraire leur attention, et à que qi parti que l'on prenne, il n'y a plus de
faire oublier à l'homme naturel l'oppression lit liberté. » Et selon lui-même, ces caractères
exercée sur l'homme politique!; on multiplia sontso si difficilesà déterminer,etles conditions
les distributions et les spectacles, panem et quiqi les constituent si impossibles à réunir,
(1) Le sauvage est extrêmement froid sur le et l'imagination ne parviennent à l'âge de pubertit
sentiment de l'amour, et l'on peut dire que le coeur qu chez l'homme policé.
que
L~'w7 LG 1M. Lru DUl'iU.i1.
qu'il est évident qu'il ne peat exister de li- plus
p régler son action, qu'il ne peut csnnai-
berté dans une république. tre ses volontés il ne sait ni ce qu'il veut,
ti
La république n'est donc qu'une forme de ni
n ce qu'il fait; c'est-à-dire qu'il est sans
gouvernement: elle n'est pas wne constitu- volonté
v et sans pouvoir, ou sans force di-
tion, puisqu'elle n'est point établie sur des rigée.
ri
lois fondamentales les lois que ses défen- « Une loi fondamentale est de fixer le
seurs appellent lais fondamentales, ne sont nnombre
n des citoyens qui doivent composer
que des lois politiques, qui ne sont pas fon- les assemblées sans ce!» on pourrait igno-
JE
dées sur la nature de l'homme. C'est ce qui r,
rer si le peuple a parlé, ou seulement une
va faire le sujet du chapitre suivant. partie
p du peuple. A Lacédémone, il fallait
CHAPITRE XI. t mille citoyens, à Rome, on n'avait point
dix
fixé ce irombre, et ce fut u»e des causes de
LOIS POLITIQUES DES RÉPUBLIQUES. Si ruine.
sa »
Je me hâte d'en venir aux lois politiques. II y a contradiction dans ce passage; car
des républiques fe lecteur jugera si elles siSI l'on fixe le nombre des citoyens, on ne
sont des rapports nécessaires qui dérivent Ppeut fias ignorer que tout te peuple ne parle
de la nature des êtres, c'est-à-dire de l'hom- pas,
I' et que ce n'est que le nombre de ci-
qu'on a fixé. Assurément, cette pré-
me, comme les lois politiques d'une société toyens
t(
monarchique je te prie de méditer le clta- tf tendue loi fondamentale n'est pas dans la
pitre 2 du livre Il de Y Esprit des lois J'es- nature
n de l'homme, elle n'est donc pas dans
père convaincre tout homme impartial que la lt nature de la société pourquoi les uns
Jes lois que Montesquieu qualifie de lois sont-ils
sc plus monarques que les autres ? ou"
fondamentales des Etats populaires, !le sont pour
P mieux dire, pourquoi les uns exercent-
ils tes droits de souverain, et les autres ne
que des lois politiques, qui, loin d'être fon- jouissent-ils même pas des droits de ci-
dées sur aucun pri «ci pe, sur aucune nature ^c
des choses, ne doivent leur existence qurà toyens ? Que faut-il de plus à un citoyen
des volontés particulières, des opinions et pourP être admis à exercer tous les droits»
des convenances. qque le libre et bon usage de ses facultés in-
« Dans la démocratrie, le peuple ne
peut tellectuelles ? Si vous me répondez que vo-
ll
être monarque que par ses suffrages, qui tre gouvernement ne pourrait aller avec tant
sont ses volontés la volonté du souverain de d souverains, j'en concturai que votre gou-
est le souverain lui-même. » vernement n'est pas dans la nature dé
Ses suffrages sont ses volontés. Avant de 2'homme.
2'
s'assembler, il ne connait pas quel sera le Si cette fixation du nombre de citoyens
résultat de ses suffrages, il ne eonnaît donc qui
q doivent exercer les fonctions de monar-
pas ses volontés ce souverain ne sait donc qque est si importante, que l'omission ou
pas ce qu'il veut; et, si les suffrages sont l'imperfection de cette loi puisse être une
exactement balancés, ou s'il en manque un d principales causes de la ruine d'un Etat
des
seul, il n'y aura point de volonté, et par con- populaire,
P sur quelle base asseoir cette fixa-
fréquent point de souverain (1). tion si essentielle ? Je trouve dans la nature
ti
Le peuple n'est monarque que par ses va- la raison qui, dans une monarchie, place
iontés il doit donc toujours avoir des vo- ddans une seule famille t'exercice du pou-
lontés, parce qu'il est dans sa nature qu'il voir,
v appelle l'ainé des mâles, et exclut les
veuille toujours être monarque de là son femmes de la succession mais à quelle lai
intervention continuelle dans le gouverne- naturelle
n ou positive aurai-je recours pour
ment, et la ruine de la démocratie. me
B décider entre la moitié, le tiers. ou le
«Cemonarque,»continue l'auteur, « a tou- quart
9 des citoyens ? Si j'écoute les savants,
jours trop ou trop peu d'action quelquefois je me livre à l'incertitude des systèmes; si
J'
avec cent mille bras il renverse tout quel- i
je consulte l'histoire,, je m'expose àiacon-
quefois avec cent mille pieds il ne va que tradiction
t des exemples.
comme un insecte. » Mais enfin ce nombre mystérieux une fois
Voilà donc ce monarque qui ne peut pas f
fixé, la réunion des* volontés de tous les ci-
(1) Toute société qui peut se trouver dans> dd'autres) puisse n'être pas faisable n'est pa; une
«ne condition telle, qu'une loi qu'elle juge néces- société.
s
taire à sa conservation (et il ne doit pas s'en faire
teyens sera la volonté du monarque Point Cicéron écrit que les lois qui les rendirent
du tout. secrets, dans les derniers temps de la répu-
Ces membres du souverain, dont il était blique, furent une des grandes causes de sa
si diflicile et si important de fixer le nombre, chute. Comme ceci' se pratique diversement
il n'est pas du tout nécessaire 'qu'ils s'accor- dans différentes républiques, voici, je crois,
dent, il est presque impossible qu'ils le fas- ce qu'il faut en penser, » etc.
sent et le moyen le plus sûr de réduire ce L'existence de la démocratieest bien fréle:
monarque à une inaction totale, est d'exiger voici une troisième- loi dont l'imperfection
l'unanimité dans ces volontés et comme peut entraîner sa chute. La perfection de
quelques-uns peuvent pour tous les autres, l'homme et de ses œuvres est dans le gou-
quelques-uns aussi veulent pour tous les vernement populaire une condition sine qua
autres; en sorte qu'une volonté prétendue non. Cependant, selon l'auteur lui-même.
générale se compose de* volontés particuliè- rien de, plus incertain que les bases sur les-
res, différentes et souvent formellement queUes on doit établir cette loi. C'est une
opposées (1). Poursuivons. loi fondamentale, et l'on ne sait à qui s'en
« Une loi fondamentale, dans l'état popu- rapporter, ni à quoi s'en tenir 1 C'est une
laire, est de diviser le peuple en de certai- grande question de savoir si les suffrages
nes classes. C'est dans la manière de faire doivent être publics ou secrets; et Cicéron
cette division que les grands législateurs se prétend que la république romaine périt
sont signalés, et c'est de là qu'ont toujours pour avoir adopté les suffrages secrets; et
dépendu la durée de la démocratie et sa pros- Montesquieu lui-même hésite et propose ses
périté. » doutes et Rousseau, pl'us tranchant, décide
Encore une loi dont l'imperfection peut contre Cicéron 1 Ce n'est pas la nature qui
entraîner la ruine de l'état populaire. Ser- décidera entre eux, elle est muette sur cette
vius Tullius divisa le peuple romain en six grande question; ce n'est donc pas une loi
classes, et Solon divisa le peuple d'Athènes fondamentale. Quelque parti que l'on pren-
en quatre seulement. L'un s'attacha à fixer ne, il aura des partisans et des adversaires,
ceux qui devaient élire, l'autre, ceux qui c'est une opinion à discuter; on peut au-
devaient être élus. Le premier suivit, dans jourd'hui en adopter une, et demain une
la composition de ses classes, l'esprit de l'a- autre, et se décider pour Cicéron, Montes-
ristocratie, le second, celui de la démocra- quieu ou Rousseau; il 'n'y a donc rien de
tie tous deux étaient de grands législateurs, nécessaire dans cette loi; elle n'est donc pas
et dans une division de laquelle ont toujours une loi fondamentale.
dépendu la durée de la démocratie et sa pros- « C'est encore une loi fondamentale de la
périté, ils suivirent des principes tout oppo- démocratie, que le peuple seul fasse des
sés. D'autres législateurs auraient pu partir lois; il y a pourtant mille occasions où il est
de principes différents, et adopter de nou- nécessaire que le sénat puisse statuer il est
velles combinaisons ils n'auraient pas man- même souvent à propos d'essayer une loi
qué de raisons pour en justifier la sagesse. avant de l'établir (à). »
A Athènes même Ciislhènes au lieu de Je n'en veux pas savoir davantage dès
quatre tribus, en établit dix, et Démétrius que cette loi fondamentale de la puissance
Poliorcètes en établit douze. Il n'y a donc législative du peuple souffre des exceptions;
rien de nécessaire dans cette loi, rien qui dès qu'il y a, je ne dis pas mille occasions,
soit tel, qu'il ne puisse être autrement sans mais une seule circonstance, où, malgré la
choquer la nature des choses ce n'est donc loi fondamentale, le peuple ne doit pas faire
pas une loi fondamentale. une loi; dès qu'il est môme si peu certain
« La loi qui fixe la manière de donner les de sa capacité à faire des lois, qu'il est utile
billets de suffrages est encore une loi fon- de les essayer, pour voir si des lois qui lui
damentale de la démocratie. C'estunegrande ont paru sages comme législateur, lui con-
question, » dit gravement Montesquieu, « si viendront comme sujet, je ne vois là plus
les suffrages doivent être publics ou secrets. rien de fondamental, rien de nécessaire. On
(1) Le symptôme le plus grave de la maladie qui idées plus contradictoires. La nature n'essaye pas
afflige l'Europe est le sérieux avec lequel il faut elle prend trop bien ses mesures. Essayer des lois
discuter ces extravagances que des peuples sages Avec de pareilles notions pu peut faire de l'esprit
devraient livrer sur leurs théâtres à la risée pu- sur les lois, comme disait Voltaire, mais on ne sai-
blique. sit pas l'esprit des lois,
(2) Essayer une loi Je ne connais pas deux
.2.11l OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD.
peut élever des opinions contradictoires sur
Jes occasions où le peuple devra ou ne de^
vra pas faire des lois, et sur le plus ou le
moins de probabilité qu'une loi qu'il a^faite,
-T -1'"
et fondées comme elles sur la nature de
l'homme et sur celle de la société.
« Les lois politiques s'apaellent fonda-
mentales elles-mêmes, si elles sont sages. »
212
(1) c Les Grecs se livrèrent à une joie stupide, et crurent être libres, parce que les Romains les
déclaraient tels. » (Grandeur des Romains.)
'Rome eut fies rois, d'abord électifs temps-là, un territoire moins borné et une
bien-
t,
itt ils seraient devenus héréditaires. Elle puissance
p plus grande, il y a apparence que
•eut dés distinctions héréditaires le sacer- sa s fortune eût été fixée pour jamais, » {Gran-
doce l'était dans quelques familles, comme d-eut
o des Romains.) Nouvelle preuve que les
celles dès Pinariefls et des Potitiens; et nmonarchies ne sont pas conquérantes. Mais
I
^histoire révèle la piété héroïque de Fabius Rome était réservée à de plus hauts des-
Dorso, qui descendit du Capito'le assiégé tins.ti
par les Gaulois, et traversa leur armée pour L'équilibre du pouvoir produisit à Rome
aller s'acquitter, sur le mont Quirinal, d'un l'effet
l' qu'il devait naturellement produire
sacrifice établi à perpétuité dans sa famille. lé
1< pouvoir luttait contre le pouvoir, 'et les
(Ïrir.-Liv., lib. v, c. 40.) rois
r tous grands personnages, l'auraient
-La distinction héréditaire des sénateurs, sans
s doute emporté sur le sénat et sur le
!ou'le patriciat, n'était pas, comme en Egyp- peuple,
p sans un événement qui survint tout
te, la profession des armes. On essaya de exprèse pour le rendre odieux.
remédier à ce défaut par l'établissement des Je ne s'ais par quelle fatalité il arrive dans
Chevaliers, distinction intermédiaire et équi- tltoutes les révolutions (1), que le parti qui
voque. Ces chevaliers étaient militaires ils succombe
s est toujours coupable de quelque
durent juges; ils furent traitants; ils exer- action
a atroce ou insensée, qui se découvre à
cèrent les fonctions les plus opposées, et ppropos, et que le parti oppose ne manque
n'eurent jamais de place fixe dans le gou- pas p de mettre à profit pour hâter l'explo-
vernement, parce qu'ils n'en avaient aucune sion.
s
dans la nature des sociétés. Je reviens aux A Rome, s'il faut en croire des histo-
sénateurs. riens
r qui ont écrit longtemps après l'évé-
L'ordre des'sënateurs, ou le patriciat, au nement,
n le fils du roi fait violence à Lu-
lieu de défendre la société, la gouvernait crèce
c elle se tue. Son mari et ses parents,
•c'est-à-dire qu'au lieu d'être force publique, ennemis
e et parents du foi, jurent sur son
action et limite du pouvoir il était pouvoir sang
s la perte de la royauté, qui n'avait rien
lui-même, même du temps des rois. 11 fal- dde commun avec les actions bonnes ou
lut donc placer ailleurs la force publique, mauvaises
ri du fils du roi.
l'action et la limite du pouvoir, et le peu- Quoi qu'il en soit, la royauté est anéan-
ple fut appelé à cette fonction délicate. « Ro- tie
t le sénat la partage comme il avait déjà
mulus eut envie de contenir le sénat par le partagé
p (2) un roi il retient le pouvoir,
peuple, et le peuple par le sénat. » Le peuple et
e accorde l'autorité et la représentation ex-
devenu force devenait nécessairement pou- htérieure à deux magistrats pris dans son
voir; car tdès que le peuple est quelque sein, s et élus annuellement par le peuple.
chose dans la constitution, il y est tout. Montesquieu fait sur cet événement une
Ainsi les mêmes mains qui fondaient l'em- réflexion
r aussi douloureuse qu'elle est pro-
pire y jetaient une semence de destruction fonde.
fi « Malheur, » s'écrie-t-il, « à la ré-
et de mort ainsi des germes funestes, op- putation
y de tout prince qui est opprimé par
probres et fléau de l'humanité, se mêlent uun parti qui devient le dominant, ou qui a
aux principes de la vie et en infectent les titenté de détruire un préjugé qui lui sur-
sources. vit
v u
!»
Rome avait, si j'ose leldire, trop de*cons- Si cet édifice monstrueux, que toutes les
titution pour son territoire; elle devait s'é- passions
p ont élevé de concert sur les ruines
tendre jusqu'à ce qu'elle eût mis sa popu- de d la France, pouvait subsister, si la pos-
lation et son territoire au niveau de sa cons- térité
tl osait arrêter ses regards sur ces temps
titution. « Le règne de Numa, long et paci- ddéplorables de notre histoire, elle croirait
fique, était très-propre à laisser Rome dans peut-être
p aussi, sur la foi de tant d'écrivains
sa médiocrité; et si elle eût eu, dans ce ppervers, que les jours des forfaits de la
(1) C'est ce qu'on a vu en Suisse, en Angleterre, e\ débile sont des fables. Il ne faut pas oublier que
en
en France, où l'on révéla aux Parisiens ébahis, que 1< deux premiers consuls furent Collatin, mari <!o
les
le malheureux Louis XVI avait formé le projet de Lucrèce,
L et Brutus, tous deux parents de Tar-
faire sauter en l'air une ville de huit à neuf lieues qquin.
de circuit, et qu'il entrait des troupes par les (2) Romulus fut tué, à ce qu'on croit, par la
égouts. sénateurs
Sl qui emportèrent sous leurs robes *-es
Rousseau convient 'que nous n'avons nuls monu- membres
n déchirés, et firent croire au peuple qu'il
ments assurés des premiers temps de Rome, et qu'il s'était élevé-au ciel pendant un orage.
s'
y a grande apparence que la plupart des choses qu'on
France furent les jours de son bonheur, que jouissent d'une autorité légitime, et que
la, noblesse française fut une horde d'an- les sénateurs lui paraissent jouir d?un pou-
thropophages, et que Louis XVI fut un voir usurpé. Montesquieu le dit lui-même t
tyran. « C'est le noble (c'est-à-dire le souverain)
Dès qu'à Rome le pouvoir se.. fut écarté qu'on envie, et non le magistrat.Quand
de son principe, dès qu'il ne fut plus un, il le pouvotr est un, il est ce qu'il doit être,
n'y avait pas de raison pour qu'il fût deux parce qu'il est le pouvoir général de la so-
cents, trois cents, plutôt que mille, que deux ciété, et qu'une société n'a qu'un pouvoir
mille, que tous et certainement il n'appar- le pouvoir est limité, le peuple est tran-
tenait pas plus alors aux patriciens qu'aux quille (2); mais quand le pouvoir est une
plébéiens. « Rome, après l'expulsion de ses fois entre les mains de plusieurs, ce n'est
rois, devait être une démocratie car, pré- plus le pouvoir de la société, c'est le pou-
tendre que le peuple eût voulu chasser les voir de l'homme chacun veut exercer le
rois pour tomber dans l'esclavage de quel- sien, l'Etat est alors comme une société de
ques familles, cela n'était pas raisonnable. » commerce dont la dissolution donne à cha-
(Esprit des lois, t. II, chap. 14.) Comme que associé le droit de retirer sa mise.
l'autorité royale avait passé tout entière en- Après cette digression, je reviens à mon
tre les mains des consuls, le peuple sentit que sujet.
cette liberté dont on voulut lui donner tant Si Rome avait été constituée, elle ne l'é-
d'amour, il ne l'avait pas, (Grandeur des Ro- tait plus les institutions grecques avaient
mains.) Il chercha donc à abaisser le consu- pris le dessus. Elle devint guerrière et con
lat, à avoir des magistrats plébéiens – les quérante et même plus conquérante à
patriciens furent forcés de lui accorder tout mesure que ces institutions dominèrent da-
ce qu'il demanda La puissance devait vantage. Et comme sa discipline militaire
donc revenir au plus grand nombre, et l'a- était parfaite, sa situation heureuse, et son
ristocratie se changea peu à peu en Etat po- caractère ferme et sévère, elle eut de grands
pulaire. » Le sénat avait dépouillé le roi, le succès, et elle les ménagea avec une ex-
peuple dépouillait le sénat; chacun voulait trême habileté. Voyez, dans les Causes de la
son pouvoir, parce qu'il n'y avait plus ni grandeur et de la décadence des Itomains, la
volonté générale, ni pouvoir général. marche profondément astucieuse du sénat,
Encore un aveu précieux du même au- avec quel art perfide il trouvait dans la
teur :<< Ceux qui obéissent à un roi sont guerre de nouveaux motifs de guerre, et
moins tourmentés d'envie et de jalousie, dans la conquête de nouveaux germes d'a-
aue ceux qui vivent dans une aristocratie grandissement.
héréditaire. » (Grandeur des Romains.) Il Mais à mesure que l'Etat s'étendait au
donne pour raison, « que le prince est plus dehors, le pouvoir allait se divisant au de-
loin de ses sujets, qu'il n'en est presque dans. Quand il fut parvenu au terme ex-
pas vu (1), au lieu que les nobles sont sous trême de sa division, quand le Sans-culotte
les yeux de tous. » Et il cite en preuve, de Rome eut son pouvoir, la société n'en
« que le peuple, dans toutes Jes aristocra- eut plus; et pourqu'eUe subsistât, il de-
ties modernes, déteste les sénateurs. Ainsi, vint nécessaire que son pouvoir général se
il donne le fait en preuve d'une raison in- rétablît en détruisant tous les pouvoirs par-
soutenable. Pourquoi le peuple dans les ticuliers. « Dès lors on vit le gouvernement
monarchies ne déteste-t-il pas les magis- prendre sa pente-naturelle, et tendre forte-
trats qui exercent une portion d'autorité, ment à l'aristocratie (Contrat social, 1. III,
dont il ressent même l'action d'une manière ch. 10), c'est-à-dire, à la réunion du pou-
plus immédiate et plus répressive, et-qui voir. Il fallait un maître à ce peuple-roi il
sont aussi sous ses yeux? C'est que ceux-ci préluda par dix tyrans. Marius, Sylla, César,
(1) Montesquieu dit que le peuple déteste
chefs, purce qu'il les a continuellement sous ses peuple, car le peuple est toujours et parlout le
les même. Le peuple aisé, éclairé et philosophe de Ge-
yeux. Rousseau dit, au livre il, ch. 9 du Contrat nève, a massacré comme le peuple pauvre, igno-
social, qu'un peuple a moins d'affection pour les
2heh qu'il ne. voit jamais.
rant et grossier de Paris. Montesquieu se demande
(2) H est à comment ces guerriers si fiers dans les combats,
remarquer que le peuple se révolta auraient-ils pu être citoyens tranquilles? Et com-
à Rome dans les premiers temps de la république, ]ment les guerriers français, anglais, allemands, es-
et se sépara du séria; on ne voit pas qu'il se soit ipagnols, russes, qui sont fiers aussi dans U>s com-
révolté contre les empereurs, même tes plus cruels; )bats, sont-ils des sujets soumis ?
et qu'on ne dise pas que ce n'était pas le même
~-6ru- eua y~.c ug Il cbau yaa lu ~ucme
OEUVRES COMPI.. nr. M. nu RruvAtn T
Antoine, Octave môme, établirent tour à dde' celle de l'Etat toutes les anciennes fa-
tour leur pouvoir à la place du pouvoir gé- milles
n avaient péri dans les guerres civiles,
n'érai; l'usurpation devint successive, en ou o périrent sous Tibère et ses successeurs,
attendant que la succession devint régu- dans d une paix plus cruelle que la guerre (2).
S les distinctions héréditaires n'eussent
l'ière. Il y eut à la vérité quelques tentatives Si
'
pour rendre le pouvoir au sénat, de la part été é
de quelques partisans peu éclairés de l'aris- dans
d
dans Rome que ce qu'elles doivent être
mains.) Je cet
.fut d'entretenir la paix. » (Gandeur des Ro-
{!) Voy. dans Horace les louanges qtf donne ài compté que 66 rois.
dont un
Auguste sur sa piété et son zèle à rétablir le cultee (I) Je ne connais que deux sociétés,
doive méditer
des dieux. honune appelé à gouverner les autres
qu'un petit
( 2) Opns aggredior ipsa etiam pace sœvum, ditt les révolutions Rome et la France; et étude sé-
Tacite (Hist. lib. n, c. 2). en pariant de ces mê- nombre de livres dont il doive faire une dans
rieuse et Tacite en est un. C'est surtout ce
mes temps. intéressant à consulter, cet ob-
(5) Voy. Casa ubon, cité par Montesquieu(Gran- moment qu'il est
servateur profond des hommes et des révolutions.
deur des Rom.); et lia France, en 1400 ans. n'a»
ceinte, cherchait à devenir un Etat, plutôt ment en France, par le coniité de salut pu-
quelle ne refait encore, le temps de son blic. Plus souvent elle se fera par les armes.
bonheur comme de ses vertus fut ce- Quand tous les membres de la société ont
lui qui suivit immédiatement l'établisse- leur pouvoir, les soldats ont le leur, parce
ment du consulat, parce qu'alors l'institu- qu'ils sont membres aussi de la société; et
tion monarchique était dans toute sa force ils y joignent la force qui naît de leurs fonc-
et qu'il n'y avait à la monarchie, pour tions, de leur réunion, et l'obéissance
ainsi dire rien de changé que les noms. qui naît de leurs habitudes. Alors, il n'y a
a Comme l'autorité royale avait passé tout réellement de constitution que dans l'armée,
entière entre les mains des consuls (Gran- parce qu'il n'y a que là un poupoir et des
deur des Romains}, » le peuple crut voir distinctions sociales, e'est-à-dir.e militaires,
l'unité du pouvoir royal là où il en voyait et ce pouvoir devient souvent celui de la
l'autorité et la représentation, et dans son société entière.
heureuse simplicité il ne songea pas à ré- Du temps d'Auguste, et après lui, lorsque
clamer sa part d'un pouvoir déjà partagé. le poupoir était limité par la modération nar
Mais ses flatteurs, et il y en a partout, lui tu.relle du prince, il y eut à Rome des inter-
font ouvrir les yeux il réclame son pou- valles de bonheur et même de vertus, coiïb-
,voir, et ii l'obtient. Le pouvoir se partage, parables aux plus beaux jours de la répu-
et par l'admission au consulat accordée à blique. Voyez tout ce que les historiens les
tous les citoyeas, ,et par l'établissement des moins suspects ont écrit des règnes de Yes.-
tribuns alors les dissensions et les trou,- pasien, Tite, Trajan, Marc-Aurèle, etc: Et
bles, signes certains d'une dissolution iné- Tacite lui-même, qu'on ne soupçonnera pas
vitable, déchirent la société Rome s'étend de prévention pour la personne ou le gou-
et s'enrichit, et elle n'est que plus agitée vernement des empereurs, « réserve avec
chacun réclame un pouvoir qui peut con- complaisance,'et comme pour charmer l'en-
duire à de grands honneurs ou à d'immenses nui de sa vieillesse, les règnes de Nerya et
richesses. Lorsque chacun & son pouvoir, de Trajan, dont il se propose d'écrire l'his.-
TEtat n'en a plus; la société n'existe plus toire. Temps heureux ei trop rares, s'écrie<-
qu'extérieurement l'homme est revenu à t-il, où l'on peut penser tout ce qu'on veut;
l'état sauvage, avec les vices de, la civili- et dire tout ce qu'on pense f(l) 1 » Et même
sation. Mais., je le répète les hommes ne dans < les derniers temps, « Claude, Aurélien^
peuvent demeurer assemblés sans former Tacite et Probus, dquatre grands hommes,
une société, ni la société exister sans pou- qui, < par un grand bonheur, se succédèrent,
voir. Chez un peuple naissant, il paraît un rétablirent
] l'empire prêt à périr. » (Gran-
grand homme, et les hommes confient leur deur < des *Romains.) Car, dit l'auteur du Con-
.pouvoir à la vertu ou la donnent à la recon- trati social, quand, par quelque heureux ha-
naissance chez un peuple vieilli dans la sard, un de ces hommes nés pour gouverner,
t
j
corruption, il s'élève un tyran et les hom- prend le timon de,s affaires dans une monar-
aaes laissent usurper leur pouvoir à la ter- chie < presque abjimée, on, est tout surpris des
reur. Ce sera Nabis, Marins, Sylla, Groiravellressources
i qu'il trouve, fit cela fait époque.
©u Robespierre et ce .tyran, quel qu'il soit, Il est temps de le dire Rome, avec toutes
recomposera momentanément une société-9 <ces formes de gouyernement, n'eut jamais
en y rétablissant un pouvoir; mais ce pou- de < constitution fixe, c'est-à-dire qu'elle n'eut
voir particulier ne manifestera que des vo- <que par intervalles un pouvoir unique et
lontés particulières dépravées et tyranni- Ilimité tout à la fois. A Rome, il n'y eut pas
ques il sera renversé par la force et frayera de < pouvoir unique, tant que les rois le par-
la voie à un pouvoir général qui régnera ttageaient avec le sénat, ou le sénat avec le
par les lois expressions de la volante gé- peuple.
•nérate. Le pouvoir n'y fut pas limité car, si le
-Quelquefois, l'usurpation ou le rétablis*- sénat limitait le poupoir des rois, si le peu-
sèment momentané du pouvoir se fera à la ple ] limitait le pouvoir du sénat, rien ne li-
faveur des leis comme à Rome, par les dé- mitait i celui du peuple, et même la limite
€emvirs; en Angleterre, par le long parle- (que le peuple opposait au pouvoir du sénat
(1) Quod si vita suppeditet, principatum divi félicita
| te, ubi senlire qurc velis, et ((use senties d_i-
Uervas et imperium Trajani uberiorem seçuriorem- eçrelicet!
< (Çorn. Taçit^ /ftst.lib, i, ç. lf)
<iue materiam senectuti scposui rara tempor.ym
ne consistait plus, comme aux jours de la recours pour les besoins les moins urgents^
re<
simplicité, à se retirer de la ville et à ne ré- et souvent sans besoin. Perpétuelle sous
sister que par une force d'inertie que le Sylla
Sy et César, héréditaire sous Auguste,
sénat surmontait avec un apologue, mais ell devint enfin le premier titre des empe-
elle
dans une action le plus souvent violente et reurs. Il est essentiel de remarquer que ce
rei
excessive que le sénat repoussa quelquefois ne fut jamais pour attaquer, mais toujours
à force ouverte. pour se défendre et préserver l'Etat de quel-
po
Sous les empereurs qui ne partageaient le que danger imminent au dedans ou au de-
qu
pouvoir avec personne, si le pouvoir était hors, qu'on créa à Rome cette magistrature
ho
unique, il n'était pas limité, ou il ne l'était extraordinaire
ex preuve évidente que la cons-
que par l'action violente et désordonnée des titution
tit monarchique est un principe de
soldats, comme celui du sénat l'avait été par conservation
co et non d'agression. Cette .vé-
l'action violente et désordonnée du peuple; rit consolante sera mise ailleurs dans tout
rité
et parce que ce pouvoir n'était pas limité, il so jour.
son
n'était pas constitué, il n'était pas défendu, « Cette faculté
précieuse qu'avait le sénat,
et la succession y fut sans cesse troublée par d'ôter la république des mains du peuple »
d'1
la révolte des troupes et l'ambition des usur- (Grandeur des Romains) par la création du
(6
pateurs. Vespasien, Nerva, Trajan, sentaient dictateur,' c'est-à-dire de constituer la so-
di
si bien le défaut de leur pouvoir, et même ciété,
ci, la vénération affectueuse du peuple
le désavantage de leur position, que leur pour les familles distinguées; son respect
pc
premier soin fut de rétablir le sénat, autant pour un culte grave et cérémonieux, et pour
pc
qu'ils le pouvaient, dans son antique con-si- la religion du serment, qui, comme une ancre,.
dération ce qui n'était autre chose que reretenait ce vaisseau dans la tempête (Esprit
poser des limites à leur pouvoir (1), dt lois); ces idées vastes et sublimesdes
des
La république romaine eût subsisté bien dieux protecteurs de l'Empire, garants de
di
sapins de temps sans l'institution du dicta- sc immortelle durée, vengeurs des ser-
son
teur, qui, dans les temps de crise, créait le ments
m méprisés, qui prévinrent tant de sé-
pouvoir général de la société, en suspendant ditions
di et apaisèrent tant de révoltes ce««
le pouvoir particulier des corps aristoerati- Rome,R fondée sous les meilleurs auspices; ce
ques ou démocratiques, et ramenait ainsi la Romulus,
& leur roi et leur Dieu, ce Capitolt
société à l'unité monarchique. Alors Rome éternel et comme la ville, et la ville étemelle
avait une constitution; car le pouvoir était eomrnec< son fondateur (Grandeur des Ro-
unique et limité même par ie sénat, qui n'é- mains);
m ces pensées, pleines d'immorta-
tait plus alors pouvoir, mais simplèment lité, li ce mélange inexprimable de pensées
distinction sociale et permanente, et qui, profondes
p et de sentiments exaltés, qui font
revenu à l'objet de l'institution naturelle de le les grands hommes et les peuples immortels,
la noblesse; n'était plus que force conser- ddonnèrent aux Romains un caractère forte-
vatrice de la société, et n'avait plus qu'à n ment prononcé de gravité, de fierté, de con-
combattre sous les ordres du dictateur; et fiance fl en eux-mêmes et en la protection des
Fhistoire romaine en offre plus d'un exem- ddieux, qui imposa aux autres peuples, au-
ple. Cette monarchie avait cet avantage, que té tant que leurs succès, et commanda à l'uni-
le monarque choisi dans des temps criti- vvers, pour tout ce qui était Romain, un res-
ques et pour des besoins extrêmes, était pect p que le temps n'a pu détruire. Les Ro-
souvent un homme d'un grand talent, et mains n ne sont plus; les débris de toutes les
quelquefois un homme d'un grand génie. Il hhordes qui envahirent l'empire d'Occi-
était dans la nature de la société, qui tend à dent,
d mêlés et confondus, ont remplacé,,
se constituer, que ce pouvoir, de temporaire dans d l'heureuseItalie, ces maîtres du monde;
qu'il était, devînt fixe et permanent, et qu'il mais
n leurs rois, leur langue, leurs usages,
opérât la conversion entière de la république le leurs colonies, leurs monuments, ont sur-
à la monarchie; et c'est en effet ce qui ar- vécuàleurdestruction:
v tout ce quiétonne no-
riva. La dictature, rare dans les premiers tre tr imagination,dans le beau moral comme
temps de la république, devint, dans la dans d le beau physique, nous n'osons nous
suite, beaucoup plus fréquente. On y eut l'l'approprier, et nous l'attribuons aux Ro-
(1) Montesquieu, remarquant l'industrie avec mêmes,
n compte au nombre des moyens qu'il eni-
laquelle le gouvernement rnsse cherche à sortir dit ploie,
p l'établissement des tribunaux. (Esprit des
despotisme qui lui est plus ijcsanl qu'aux yeuvles lois, t. v, ch. 14.)
L
mains (1). Tout l'univers est plein dei puissance des Egyptiens et des Romains;:
Rome l'empire romain ne peut périr le> parce que le premier de ces peuples fonda
plus grand homme des temps modernes, son existence politique sur les lois immua-
Charlemagne, digne héritier d'Auguste et deî bles qui dérivent de la nature de l'homme,
Trajan, décore du titre imposant d'empire) et que le second, écarté de cette constitu-
romain le frontispice du majestueux édifice) tion fondamentale par la forme particulièro
qu'il élève; et Rome elle-même, destinée ài de son gouvernement, trouvait, dans les
l'éternité, de l'empire, devient le centre d'uni principes de sa législation politique, la fa-
empire dans l'éternité. culté d'y revenir lorsque l'intérêt de la so-
Ainsi, lorsqu'il ne reste plus que des sou- ciété l'exigeait, et qu'en attaquant et sub-
venirs confus de l'existence des premiersi juguant l'univers avec les passions des so-
empires de l'Asie, ou de frivoles produc- ciétés non constituées, il défendit et con-
tions de l'esprit des Grecs, l'observateur re- serva ses conquêtes, avec toute la force de
trouve encore, au milieu des ruines accu- la constitution.
mulées par le temps et les passions, dess Je me hâte de passer aux temps moder-
monuments impérissables du génie et de lai nes.
LIVRE III.
SOCIÉTÉS MODERNES.
(1) Si le Rhin est la borne naturelle de la cas de succès, de l'obliger à les démolir ce serait
France, dès que, de gré ou de force, la France s'est
ist rendre la France à sa tendance naturelle et, sous
renfermée dans des limites plus étroites, en forti-
ti- ce rapport, les places. fortes de la France garan-
fiant plusieurs lignes de places, ce serait une
ne lissaient de la conquête les pays voisins, cornais
fausse politique à quelque puissance étrangère, en la France elle-même de l'invasion.
239 OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD. 240
elle est adorée, indique que le culte de cette3 Bon constituée, dans la-
Dans une société non
déesse a été porté en Germanie par des na- quelle les lois sont n< n nécessaires ou con-
vigateurs Docet advectam religionem. Jea traires à la nature <es êtres, les mœurs pri-
passe à des preuves plus décisives. vées peuvent être bonnes, ou conformes à
La fin de toute société est la conservation
». la nature des êtres.
des êtres qui la composent. Dans une société constituée, les mœurs
La volonté générale de la société qui veutt privées peuvent être mauvaises, et les mœurs
parvenir à sa fin s'exerce par le pouvoir gé- publiques être bonnes.
néral, et le pouvoir général par la force pu- Ainsi, une société dans laquelle le divorce
blique ou générale. et l'exposition des enfants seraient permis,
La volonté générale se manifeste et le3 aurait des Ibis défectueuses ou contraires à
pouvoir général agit par des lois qui doiventt la nature des êtres; mais si l'homme ne fai-
être l'expression de la volonté générale. sait jamais usage décès lois, les mœurs
Les lois sont écrites ou non écri-tes. Less privées seraient bonnes. L'imperfection des
premières s'appellent particulièrement lois; lois peut et doit entraîner la corruption des
les secondes, coutumes, mœurs, habitudes. mœurs privées parce qu'il est dans la na-
Les coutumes sont les habitudes d'une na- ture de l'homme qu'il fasse ce que sa pas-
tion les habitudes sont les coutumes deî sion lui inspire et que la loi lui permet.
l'individu les mœurs sont ou des'coutumess Si les individus d'une nation étaient adon-
ou des habitudes, selon qu'il s'agit d'une» nés au libertinage ou livrés à la fureur d'un
nation ou d'un individu. jeu ruineux, les mœurs privées seraient
Une société constituée est celle qui par- mauvaises; mais s'il y avait de la gravité
vient à sa fin; une société non constituée estt dans le sacerdoce, de l'honneur dans le mi-
celle qui ne parvient pas à sa fin. litaire, de la probité dans les juges, de la
Donc les lois et ies mœurs seront plus bonne foi dans le commerçant, les mœurs
parfaites à mesure qu'une société sera plus publiques seraient bonnes. Il est à craindre
constituée. que la corruption des mœurs privées n'en-
Donc les lois et les mœurs seront moins traîne la dépravation des moeurs publiques,i
parfaites, à mesure que la société sera moins parce que les passions dans l'homme qui
constituée. leur cède ne tardent pas à l'emporter sur
Je n'ai pas besoin de dire que la perfec- les devoirs.
tion ou l'imperfection d'une loi écrite out Ainsi, dans une société non constituée
non écrite consiste à être ou à n'être pas uni les mœurs de l'homme doivent lutter sans
rapport nécessaire dérivé de la nature des cesse contre la loi, ce qui est contre la na-
êtres qui composent la société. ture des choses;
L'homme,considéré en société naturelle,, Et dans la société constituée, la loi doit
ou l'homme de la famille a des habitude?; sans cesse lutter contre les moeurs de l'hoai-
ce sont ses mœurs ou les mœurs privées ou me, ce qui est dans la nature.
domestiques. Les peuples non policés n'ont que dt/3
L'homme, considéré en société politique, mœurs ou des coutumes ce sont leurs lois.
ou l'homme social, a des habitudes ce sontt Lés Germains n'avaient que des coutumes.
ses mœurs ou les mœurs publiques ou so- Pour conserver les êtres qui la composent,
çiales. et parvenir à sa fin, la société doit réprimer
Dans la société politique non constituée, la passion ou la force de l'homme, et proté-
qui n'est pas une véritable société politique,ger sa faiblesse.
il n'y a point d'hommes sociaux il n'y a La société constituée réprime la passion
point de mœurs publiques ou sociales; et ou la force de l'homme par le frein du pou-
parce qu'il n'y a que des mœurs privées, la voir social la société non constituée ne la
société non constituée périt par la corrup- réprime pas, parce qu'elle n'a pas de pouvoir
tion des mœurs privées. social ou général. Je renvoie, à cet égard, à
Dans la société politique constituée, qui ce que j'ai dit au chapitre 10 du livre i".
est la véritable société politique il y a des La société protège la faiblesse de l'homme
hommes sociaux, il y a des mœurs publi- par les lois écrites et non écrites, par les
ques ou sociales; aussi la société constituée lois et par les mœurs.
ne peut éprouver de révolution que par la La société constituée protége la faiblesse
dépravation des mœurs publiques. la société non constituée l'opprime.
anaaa.
La preuve en est dans l'histoire des socié-
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aux
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\ui». rAi\i..i.iv/uï. ruLaxi\£uij.
<1~ ~ti~t~n qui
besoins d'une population
lit- h*
nn; paraît
nora?t fa-
m1**
quel elles s'engagent est leur corps, leur la loi épouvantabledu Cryptia ou de l'Em-
1<
1 1) J'ai cité ailleurs ce passage de Rousseau l'homm?, et la constitution plutôt que la commo-
c Je crois la corvée moins contraire à la liberté, dité de l'individu. Avec de la uiesure dans la dé-
<;ue les taxés. > Quelques parlements en jugeaient termination des ouvrages publics, et de l'économie
de même, lorsqu'ils s'opposaient au rachat des dans leur direction, ou peut accorder l'un et
corvées. Ils considéraient la société plutôt que l'autre.
priété, l'étude des lettres, le goût des arts qui peut tout renverser est un pouvoir sans
utiles sont respectés et ce n'est que dans, limites or la noblesse est une limite au
un Etat populaire, que le matérialisme le pouvoir; car le monarque ne peut anéantir
plus oppresseur a pu se permettre ces ef- la noblesse, qui est coexistante à lui, fille
froyables réquisitions qui dévouent à Ja comme lui de la constitution, engagée comme
guerre et à la mort toute l'espèce humaine lui à la société par des nœuds indissolubles,
d'une grande société, depuis un âge jus- et marquée comme lui, du caractère indé-
qu'à un autre, comme un vil troupeau dont lébile d'une naissance distinguée. Qui vous
le berger livre au boucher toutes les bêtes a fait comte? demandait un roi de France
d'une môme année, lorsqu'il veut le renou- au souverain d'une petite province, ceux
veler. qui vous ont fait roi, repartit le fier vassal.
On m'objecterasans doute que la noblesse, Il avait tort comme souverain, mais il avait
en la supposant la profession des armes, ne raison comme noble, et la nature de la so-
peut plus suffire depuis longtemps à l'objet ciété constituée a fait les nobles aussitôt
de son institution; que, hors quelques cas qu'elle a fait les rois. Aussi le premier soin
extraordinaires, elle ne .s'acquitte plus en des despotes est de détruire dans le pays
corps du service militaire; que son nombre qu'ils conquièrent, la noblesse comme une
est partout si fort au-dessous des besoins existence indépendante, et ce qui caractérise
de l'Etat, qu'il est obligé de prendre dans les Etats despotiques, est qu'il n'y a point
les autres classes de la société la de noblesse héréditaire. Sa nécessité sous ce
presque
totalité de ses défenseurs que les nobles rapport n'est pas contestée et Rousseau lui-
sont soldés lorsqu'ils font la guerre, et même, dans son .Gouvernement d». Pologne,
qu'ainsi, tenant les fiefs sans en acquitter dit qu'avec un roi héréditaire il faut une
les charges, la noblessse a dû être soumise, noblesse héréditaire.
comme les autres classes de la société, à 2' La noblesse défend le pouvoir de la so-
l'impôt destiné à la solde des troupes. ciété par son interposition, c'est-à-dire en
Je ne dissimule pas l'objection, il est tropdonnant l'exemple de la soumission aux
aisé d'y répondre elle a été répétée jusqu'à autres sujets, qui obéissent avec moins de
satiété» par ceux qui dans la noblesse peine lorsqu'ils voient obéir ceux qu'ils
ne
voient qu'une distinction, et qui bornent sont accoutumés à respecter en répandant,
tous les devoirs d'un sujet envers l'Etat à en entretenant, dans toutes les classes de la
l'argent qu'il lui paye. Je vais répondre à la société, un esprit d'attachement à la consti-
fois à la jalousie et à l'avarice, et si je tution et de fidélité envers le pouvoir: et il
ne
puis convaincre les passions je pourrai est vrai que c'est par l'exemple qu'elle don-
peut-être dissiper les préjugés. ne, ou par les principes qu'elle répand, que
La noblesse est la force publique consti- la noblesse prévient la révolte des sujets
tutionnelle, c'estrà-dire défensive et sociale,contre le pouvoir; que lorsque, par des cir-
parce qu'elle a pour objet la conservation constances malheureuses, son exemple a été
du corps social, et non l'agrandissement de inutile et l'esprit de fidélité perverti, elle
l'empire le service féodal était purement n'a presque jamais eu assez de forces réel-
défensif. les pour arrêter la révolte: et que dans tou-
Le corps social peut périr ou par l'oppres- tes les-insurrections
dont l'histoire des mo-
sion que te ,pouvoir exerce sur les sujets, narchies modernes
nous a transmis le sou-
ou par la révolte des sujets contre le pou- venir, on voit périr la noblesse, victime de
voir, ou par la guerre de la part d'une so- son devoir et de la constitution. Elle
ciété voisine. Le service de la noblesse est beaucoup trop inférieure est
nombre aux
relatif à ces trois circonstances, et il est autres classes de la société, en
continuel comme le danger. La noblesse été destinée pour qu'elle ait
préserve les sujets de l'oppression par son seule, par la nature à leur opposer,
une force active, en cas d'une révolte
existence le pouvoir, de la révolte par son générale; mais elle doit
être cependant dans
interposition; la société, de la conquête par
une certaine proportion avec la population
son action. totale. A ce sujet, je dois remarquer que lo
1" Elle préserve les sujets de l'oppression
gouvernement de France n'avait pas fait as-
par sa seule existence. Un pouvoir oppres- sez d'attention à l'extrême diminution de la
seur est un pouvoir qui peut tout détruire, noblessè, depuis le règne de Louis XIV.
tout renverser, tout changer; un pouvoir Cette circonstance seule
en indiquait la
causé; elle était dans le goût dû célibat véritable force défensive sociale, intérieure
qu'inspiré le'philosophis.me et quenécessite et extérieure, que dans les'deux professions
le luxe, dans la réunion des fortunes qui distinguées, parce que c'est dans ces deux
est la suite nécessaire de la rareté des.ma- professions seules que la nature et la cons-
riages elle était encore dans l'abolition in- titution l'ont placée. Ce n'est ni un éloge
constitutionnelle de quelques priviléges que j'en fais, ni un mérite que je leur attri-
dont il fallait seulement prévenir l'exten- bue c'est une destination nécessaire et in-
sion et l'abus et puisque la vanité et l'in- dépendante des dispositions personnelles de
térêt sont; deux, mobiles puissants sur le leurs membres. Ecoutez Montesquieu « On
cœur de l'homme, il fallait les conserver a vu la maison d'Autriche travailler, sans
tous les deux et les diriger vers un but relâche, à opprimer la noblesse hongroise;
utile à la société, celui d'empêcher l'extinc- elle ignorait de quel prix elle lui serait
tion. de. la noblesse. Je traiterai peut-être quelque jour. Elle cherchait chez ces peu-
ail:leurs cette matière avec plus d'étendue ples de l'argent qui n'y était pas; elle ne
mais je ne suis pas éloigné de penser que voyait pas les hommes qui y étaient; Lors-
les lois somptuaires peuvent être appliquées que tant de princes partageaient entre eux
à la noblesse comme elles le sont au clergé; ses Etats, toutes les pièces de sa monarchie,
que la noblesse doit être pauvre sans indi- immobiles et sans action, tombaient, pour
gence,.comme elle doit être fière sans or- ainsi dire, les unes sur les autres. Il n'y
gueil qu'elle ne doit avoir que le luxe de avait.de vie que dans cette noblesse, qui
sa profession, et point celui de la vanité s'indigna, oublia tout pour combattre, et
que sa force réelle est dans la considération crut qu'il était de sa gloire: de périr et de
dont elle jouit, sa considération dans ses pardonner. La noblesse anglaise s'ensevelit,
vertus, et sa dignité dans sa modestie. avec Charles I", sous les débris du trône, et
Le gouvernement ne doit ni la dépouiller avant cela, lorsque Philippe II fit entendre
ni l'enrichir. Ainsi il choquerait également aux oreilles des Français le -mot de liberté,
la constitution, s'il dépouillait la noblesse la couronne fut toujours soutenue par la
par des taxes sur ses biens. privilégiés, noblesse. »
c'est-à-dire sur les terres de la profession, Dans les circonstances où se trouve la
et s'il enrichissait quelques nobles par des France,, la noblesse a donc obéi à la loi im-
profusions. Les terres nobles doivent avoir périeuse de son institution et si elle devait
des priviléges comme les personnes. (Esprit à la société les charges de ses fiefs, qu'on me
des lois.) permette l'expression, elle en a bien, ac-
3° La nooiesse préserve la société de ..a quitté les arrérages; et soit que, restée dans
conquête par son action. L'accroissement le royaume, elle y ait conservé le feu sacré
nécessaire de la société, les progrès néces- de la fidélité à la religion et au pouvoir de
saires de l'art militaire, et l'état accidentel l'Etat par son exemple et par la compassion
des sociétés voisines ont nécessité l'établis- même qu'ont inspirée ses malheurs; soit
sement d'une autre force publique offensive qu'elle se soit réunie, hors du royaume, à
et accidentelle. La noblesse s'y est incor- ses braves et. malheureux chefs, lorsque le
porée et soit qu'elle forme seule des corps monarque, dans les fers, n'a pu l'appeler àr
distincts, nécessaires dans un gouvernement, sa défense; elle a, au dedans comme au de-
monarchique, soit qu'elle soit répandue, hors rempli son devoir et sa fin, la conser-
dans les divers corps de l'armée, elle y porte vation de la société. Si la pureté de sés-mo-
l'esprit de son institution, l'esprit de fidélité tifs a été calomniée, par la fureur de parti, et
au pouvoir de l'Etal qui a disparu avec elle, ses efforts traversés par de misérables in-
et l'esprit d'ilonneur ou de courage qui lui, trigues si des indiscrétions de conduite,'
a survécu, mais qui ne survivrait pas à la, que l'âge et le malheur rendent excusables,¡
monarchie cet esprit d'honneur qui, dans. ont été exagérées par ta haine, et les vertus
les combats, des soldats français a fait des héroïques du plus.grand nombre méconnues'
héros, et qu'il ne faut pas confondre avec ce par la jalousie, qu'elle s'en console: elle n'a
fanatisme démocratique, qui quelquefois,; dû se proposer que son devoir et-sa gloire.'
après le combat, en a fait des assassins.
La noblesse s'acquitte donc, sous tous les Infeiix utcumque ferent ea fecta, minores
Vincet àmor pamœ, laiidumque immensacupido
rapports, de la fonction de défendre la so- (Virg., Mneid., lib. vi, vers. 82! 822.5
ciété; je dis-plus il n'y a pour la société de
Cicéron rendait compte à Aul.us Torquatus la conscription militaire a lieu, on ne peut
1j
des motifs qui l'avaient engagé à quitter pas dire que le service personnel soit forcé,
p
l'Italié, pour aller se réunir à la noblesse ccomme il l'était dans les républiques an-
romaine auprès au grand Pompée. « Ce n'est ciennes
c car, outre les nombreuses excep-
pas, » dit ce vertueux Romain, dans le des- tionsqu'il
t y a cette loi, tout individu presque
sein de mettre à profit la victoire, que j'ai partout
p peut s'y soustraire, ou même se re-
abandonné ma patrie, mes enfants et mes tirer
t: du service, en devenant chef de famille,
biens; mais dans la persuasion que je rem- c'est-à-dire,
c en obéissant à la destination
plissais un devoir juste, sacré, indispensa- naturelle.de
n l'homme or, on n'est propre-
ble, que la profession honorable que j'exer- ment n forcé de faire une chose, que lorsqu'on
çais m'imposait envers l'Etat (1). » Mais, si nne peut s'y soustraire par aucun moyen, ou
là nature a établi un pouvoir conservateur que q par des moyens dangereux et contraires
et deux professions conservatrices de la so- aux a lois naturelles, religieuses ou -civiles,
cfété, pourquoi voit-on des révolutions qui c'est-à-dire
c à la nature de l'homme social
la détruisent? 1° Les révolutions sont les cou à ses devoirs.
maladies du corps politique et dans le corps On m'objectera peut-être les milices de
politique comme dans le corps humain, la France, F
nature, lasse de parler à qui ne veut pas en- 1° Elles ne servaient qu'en temps de
tendre, se débarrasse, par des crises vio- guerre, g et n'étaient pas même assemblées
lentes, des lois défectueusesqui s'opposent pendant 1 la paix or, personne ne conteste
au développementde la constitution, ou des cque le devoir, disons mieux, le droit de tout
mauvaises humeurs qui, dans le corps hu- citoyen c ne soit de défendre l'Etat dans ses
main, dérangent l'équilibre nécessaire à la dangers.c
perfection de la santé; 2° la révolution de 2° La milice ne portait que sûr les jeunes
France a une causé qui n'a jamais existé gens g les moins utiles à leur famille.
dans aucune société, et qui seule en ex- 3° La milice n'était pas réellement forcée,
plique la promptitude et la violence elle puisque j tout jeune homme pouvait s'y dé-
est venue du pouvoirconservateur lui-même, rober r en se mariant.
qui, égaré par des suggestions perfides, et 4° Enfin, le sort du soldat, dans nos gou-
séduit par la bonté de son cœur, a cru des vernements,
> en paix ou en guerre, sain ou
changements nécessaires; or, des change- malade, i est infiniment plus heureux qu'il nee
ments faits par les hommes dans une société l'était1 chez les anciens il est mieux habillé,
constituée, sans que la nature en ait indi- mieux i nourri, mieux soigné; au lieu qu'on
que la nécessité, sont des révolutions. Dès aa peine à concevoir les fatigues incroyables
que, par un changement que la nature n'a- qu'endurait
c habituellement le soldat ro-
vait pas demandé, les trois ordres de l'Etat main. i
ont été réunis en une seule assemblée, la CHAPITRE VI.
révolution a été consommée.
Je finirai par des faits; et ils sont décisifs* SUITE DU MÊME SUJET. – TRIBUNAUX.
à les considérer en général, comme l'on doit Les peuples germains, moins agricoles
considérer toutes les vérités sociales. que
( pasteurs et chasseurs, avaient plus de
1' L'esprit de l'institution de la distinction propriétés
j communes que de propriétés in-
héréditaire de la profession des armes, ou dividuelles
( ils avaient donc peu de lois ci-
de la noblesse, je veux dire le motif d'assu- viles cependant ils connaissaient des for-
rer là liberté et la défense de tous, parla ]mes régulières dans l'administration de la
dépendance et même le sacrifice de quel- justice distributive; on nommait, dans les
ques-uns, subsiste encore dans toute sa différents ( cantons, des juges et des asses-
force car là où la noblesse est militaire par seurs Eligunturin iisdem conciliis et prin-
préjugé, le peuple est guerrier par inclina-
<
j
cipes,
( qui jura per pagos vicosque reddunt
tion; c'est-à-dire que l'administration n'a centeni singulis ex plebe comités, consilium
point de. contrainte à exercer là où l'opinionsimul et auctoritas, adsunt. (TACITE.)
exerce la sienne. Lorsque ces peuples se furent placés-dens.
2° Même dans les Etats monarchiques, où leurs nouveaux établissements, libres autre-.
(1) Née enim nos arbitrer, victoriae prœmiis pium, et debitum rèipublica*> nostraque dignitaii,
ductos, palriam oliin, et liboros et fortnnas reli- videbamur sequi. (Cic> Epist. A. forquato,
quisse sed quoddam nobis otïiciUm justmn, et lib. vt, 1.)
fois dans leurs vastes forêts, ils devinrent grieultureen
g honneur, et l'homme de guerre
nécessairement serfs, c'est-à-dire attachés à eenrégimenté.
la gièDe, dans les terres où ils se trouvè- On dira peut-être que cette loi a long-
rent firés par le sort de la conquête, où la temps
t( subsisté après que les fiefs sont de-
volonté des chefs et le pouvoir de la société venus
v héréditaires; et je répondrai que la
naissante durent soumettre à des lois uni- nnature amène, par des voies insensibles et
formes les anciens possesseurs et les nou- progressives,
p les changements nécessaires,
veaux colons. comme
c l'homme gâte tout par des innova-
En effet, tant que les bénéfices, c'est-à-dire tions précipitées le temps est tout pour
*j
les terres à charge du service militaire, ne rl'homme, il n'est rien pour la société. C'est
furent que viagers, il fallut que la loi du ser< la pensée sublime de saint Augustin, lors-
vage fixât dans les mêmes lieux ceux qui
qu'il
q dit en parlant de. Dieu Patiens, quia
n'auraient pu être fixés par un usufruit pas- œternus.
a
sager. S'il eût été libre à ces hommes si en- Les Germains, dans leurs forêts, avaient
nemis du repos, si avides de hasards et de peu de propriétés particulières dans leurs
P
Courses, dé se déplacer à volonté, comment nouvelles
n conquêtes, ils n'en eurent point
aurait-on pu empêcher les colonies établies d transmissibles; ils eurent donc peu de
de
dans les sables arides de la Sologne, dans les lois civiles, et parce qu'ils n'avaient que la
montagnesstériles duGé vaudan et du Rouer- propriété
P de leurs personnes, ils n'eurent
gue, de se jeter sur les plaines fertiles de la presque que des lois criminelles. De là, tous
P
Beauce ou de la Limagne, lorsque la nation cces tarifs, dans les lois des f'rancs, pour les
elle-même avait quitté les rochers de la coups,
Cl les blessures, les injures, les outra-
Scandinavie ou les forêts de la Germanie, ges.
g La punition du meurtre, ce crime de
pour s'établir dans lès belles contrées de lèse-nature et de lèse-société an premier
l'Italie ou des Gaules?1 chef,
c fut dans les premiers temps, laissée à
Comment aurait-on pu arrêter le vagabon- la famille du mort, mais elle pouvait com-
dage individuel, et les désordres qui en se- poser avec le coupable l'une et l'autre dis-
P
raient résultés dans une société naissante, position
P était dans la nature de ces sociétés
formée par des hommes hardis et féroces, naissantes.
n La première rendait le meurtre
qui auraient cherché leur subsistance dans bbeaucoup plus rare, en en rendant je châti-
]e pillage, et trouvé leurs plaisirs dans les ment
n beaucoup plus sûr; la seconde était
aventures périlleuses; des hommes qui, se- juste*
îl dans un temps où le meurtre était
Ion Tacite, regardaient comme honteux d'ac- plusP souvent la suite d'une querelle qu'un
quérir par le travail ce qu'on pouvait obte- forfait
& prémédité. En permettant à tous les
nir par la furce parents
P de tirer vengeance du meurtrier, la
Comment aurait-on pu inspirer le goût de h loi ordonna de courre sus a l'assassin, com-
la culture des terres à des hommes, qui, sui- meK sur une bête féroce; elle le mettait hors
vant le même auteur, laissaient aux femmes, de d la société mais en même temps elle lais-
aux vieillards, aux plus faibles de la famille sait
Si dans la composition une ressource à
le soin de leur ménage et de leurs terres, et l'l'homme plus malheureux que coupable.
ne savaient que dormir ou combattre ? « peu- CC'étaient les lettres de grâce de nos gouver-
ple inconcevable, » dit Tacite, « qui abhorre nements.
le repos, et se plait dans I'oisiveté4 » Dès que la nature de la société eut rendu
Comment les chefs particuliers auraient- le les terres héréditaires dans les familles de
ils pu s'acquitter de la charge de leurs béné- leurs
le possesseurs, le goût si puissant d'une
ficès, et mener leurs hommes à la guerre; si propriété
pi permanente inspira le désir de la
eeux-ci eussent pu se soustraire à cette obli- c(
conserver, et les moyens de là défendre. Les
gation parleur déplacement? peuples
pi sentirent le besoin des lois écrites
La loi du servage était donc nécessaire, ilsiL rédigèrent leurs anciennes coutumes
en
dans une société naissante, formée par un lo lois écrites, ou bien la nature en introduisit
peuple étranger au pays qu'il occupait, pour dedi nouvelles. Oh vit naître les codes saxons,
prévenir une émigration générale, empêcher wisigoths,
w lombards, bourguignons; plus
le vagabondage individuel, retenir le culti- tatard on découvrit lé recueil des lois romai-
vateur à sa terre, et le soldat sous ses dra- n(
nes, et la nature elle-même inspira aux peu-
peaux et elle est inutile aujourd'hui que ples pi d'en confier l'interprétation à ceux qui
tes peuples et les individus sont fixés, l'a- seuls
se pouvaient Jes entendre, et le soin d'en
faire l'application à ceux qui seuls avaient rends sans juges; mais il est impossible d'a-
la force nécessaire pour faire respecter leurs voir une religion publique sans ministres,
décisions. Ainsi les actes judiciaires furent ou une force publique sans guerriers on
Mnfiés aux clercs ou ecclésiastiques, comme peut supposer des propriétaires sans pro-
l'administration de la justice avait été confiée cès maison ne peut supposer un pouvoir
aux seigneurs ou chefs militaires et ce né religieux ou politique, sans force publique,
fut pas usurpation de la part de ceux-ci, ce car un pouvoir sans force n'est pas un pou-
fut nécessité. voir.
Il n'est pas hors de propos de remarquer Mais si, comme chargée d'administrer la
que ces peuples, que les Romains appelaient justice distributive, la magistratureexerçait
barbares, parce qu'ils avaient des rois et une profession relative aux individus plutôt
qu'ils ne parlaient pas latin, confièrent à qu'à la société; comme dépositaire des lois
perpétuité le dépôt des lois et l'administra-? qui s'étaient extrêmement multipliées, com-
tion de la justice, et que les Romains eux- me chargée de vérifrer les lois, c'est-à-dire,
mêmes ne surent jamais où fixer l'un et l'au- de n'admettre dans ce dépôt sacré que 1"ex-
tre. Voyez dans Montesquieu leurs varia- pression de la volonté générale, la magistra-
tions éternelles sur cet objet important. ture exerçait une fonction sociale (1) elle
La société s'étendait; le commerce et les fut donc profession distinguée par la nature1e
arts créaient de nouvelles propriétés; de de ses fonctions, profession sociale par son
nouveaux rapports se développaient et don- objet, profession permanente comme la so-
naient naissance à de nouvelles loïs leur ciété. Puisqu'elle était distinction sociale,
interprétation devenait plus difficile, parce permanente, elle devait, suivant l'esprit de
que les propriétés étaient d'une nature plus la monarchie, et par analogie avec les autres
composée, et que les hommes s'éloignaient distinctions sociales, devenir inamovible, et
de la simplicité primitive leur application elle devint inamovible héréditaire, et elle
devenait plus fréquente, parce que la so- devint héréditaire, en devenant propriétaire
ciété était plus nombreuse cette fonction par la vénalité. Car la vénalité n'est qu'une
ne pouvait plus être exercée par des hom- propriété en argent, établie primitivement
mes livrés à d'autres occupations, elle de- sur l'Etat, et qui passe, par la résignation
maridait l'homme tout entier. Alors la néces- des offices, d'une famille à une autre, comme
sité des choses, la nature de la société éta- la vente d'un fief militaire, ou la résignation
blirent insensiblement une autre profession, d'un bénéfice ecclésiastique fait passer d'une
qui tenait à la fois de la gravité, de l'appli- famille ou d'un individu sur un autre une
cation de là profession sacerdotale, et de la propriété séculière on ecclésiastique, sous
force de la profession militaire car l'homme la charge d'un service militaire ou religieux.
peut faire de nouvelles combinaisons, mais La vénalité n'est pas établie pour l'homme,
il ne peut créer de nouveaux éléments mais pour la société il est douteux si, sans
cette profession fut nommée magistrature^: la vénalité, on aurait des juges plus éclai-
et il y eut. des chevaliers ès-*lois, comme des rés mais il est incontestable que, sans la
chevaljei-s de nom et armes. vénalité, on n'aurait pas de magistrats indé-
.On a vu que la religion et la force publir pendants La magistrature vénale est dans
que étaient dotées en fonds de terre. La ma- la constitution monarchique, comme le sa-
gistrature ne pouvait l'être, parce qu'elle cerdoce transmissible, ou la noblesse héré-
était une profession de nouvelle création. ditaire. On ne peut assigner l'époque fixe à
Comme elle n'était pas fondamentale ou né- laquelle la magistrature devint profession
cessaire autant que les deux autres, Ja ria- sociale, inamovible, pas même celle de la
ture ne l'avait pas élevée, comme les deux vénalité, quoique plus récente; parce que
antres, au rang de profession de proprié- ces changementssuccessifs sont t'ouvrage de
taire en effet, on peut terminer les diffé» la nature, et non celui des hommes, et que
(1) En Egypte, « trente juges étaient tirés des tion relative aux individus les seconds ont une
principales villes. pour composer la compagnie qui fonction relative à la société ou sociale. En Egypte,
jugeait tout le royaume; on était accoutumé à ne il y avait des juges, comme on vient de le voir,
voir dans ces places, que les plus honnêtes gens du mais il n'y avait d'autres magistrats que les prê-
pays et les plus graves. > (Bossuet.) Les juges tres. Aussi, parce que la profession da juge n'était
sont.chargés de rendre-aux individus la justice dis- pas sociale comme tes deux autres, elle ne fut paa
tributve les magistrats sont chargés du dépôt des héréditaire comme elles.
lois de la société. Les premiers n'ont qu'une fonc-
la nature disposant tout avec ordre, avec priétés leur interprétaTio^ f>lfî§ difficile, et
sagesse, dans le temps convenable, et par par conséquent les erreurs des juges plus
des voies que les hommes ne peuvent trou- fréquentes et .plus préjudiciables, il fallut,
bler, parce .qu'ils ne peuvent les connaître, pour l'intérêt de la société, pourvoir la
marche lentement et sûrement à ses fins,: sûreté du dépôt des lois et à la correction
mais parce que des propriétés en argent ne des erreurs, ou des prévarications des juges
sont que des propriétés fictives ou de con- alors se formèrent les cours souveraines;
vention, et non des propriétés naturelles, la alors la profession devint sociale, c'est'à-
profession de la magistrature ne fut pas ad- dire distinguée des autres professions, per-
mise dans les assemblées générales des pro- manente, indépendante,inamovible, pro-
priétaires, ou états généraux, et elle resta, priétaire, etc. Alors la nature de la société
dans l'opinion, un peu au-dessous des deux attribua au pouvoir général et conservateur
premières. de la société l'administration suprême de la
J'ai dit qu'elle avait le dépôt des lois, justice, parce que tout ce qui est social doit
c'est-à-dire de l'expression de la volonté émaner de la volonté générale de la société,
générale elle devait donc veiller à ce qu'il et ressortir à son pouvoir général.
Mais, puisque la magistrature était deve-
ne se glissât dans ce dépôt sacré aucune loi
qui ne fût l'expression de la volonté géné- nue distinction sociale, ou profession dis-
rale, c'est-à-dire qui ne fût une conséquence tinguée, elle devait servir au pouvoir géné-
nécessaire des lois fondamentales, si c'était ral de limite et de défense et en effet eRe
remplit avec zèle et quelquefois avec cha-
une loi politique, ou une conséquence né- leur cette fonction délicate et si elle a quel-
cessaire des lois politiques, si c'était une
loi civile et lorsqu'elle n'apercevait pas ces quefois borné te pouvoir particulier de
caractères dans une loi qui lui était pré- l'homme, elle a beaucoup favorisé le déve-
sentée, elle devait avertir l'agent de la vo- loppement du pouvoir général du mo-
lonté générale, dont cette loi était censée narque.
l'expression. On voit naître la nécessité des Lois politiques nécessaires établissement
des tribunaux et des cours souveraines,
remontrances,et l'on aperçoit le terme de ce
devoir, dans la nécessité à toutes volontés inamovibilité des fonctions, perpétuité des
particulières d'obéir à la volonté générale, offices, droit de remontrance et d'enregis-
clairement manifestée,et qu'on ne s'exagère trement, administration suprême de la jus-
tice, attribut de la royauté.
pas le danger de cette obéissance, la consti-
tution y a pourvu. Je suis obligé de ren- CHAPITRE VII.
voyer à un autre chapitre ce qui me reste à
dire sur ce sujet. RÉFLEXIONS SUR LES LOIS POLITIQUES DES SO-
Comme la distinction de cette profession CIÉTÉS MODERNES.
n'était pas fondamentale et primitive, se?; 11 est sensible que les institutions ancien-
membres individuellement furent agrégés à nes se sont développées et perfectionnées
la distinction fondamentale et primitive de dans notre législation moderne; et ce qu'il
la profession militaire, et firent partie de la est surtout important de remarquer est la
noblesse. Mais remarquez qu'ils n'en firent liberté que l'homme a acquise, sans que 14
partie qu'autant qu'ils furent membres des conservation de la société ait été moins as-
tribunaux qui avaient des fonctions socia- surée.
les, comme dépositaires des lois, ou des Ainsi la profession naturelle de la no-
cours souveraines les autres cours infé- blesse est la profession des armes'; mais le
rieures, quoique plus anciennes, qui n'a- noble peut exercer une autre fonction éga-
vaient d'autres fonctions que de rendre la lement utile àl'Etat, et plus analogue à ses
justice aux individus, au nom et à la place connaissances et à ses habitudes, la profes-
de ceux auxquels cette fonction avait été sion sénatoriale ou judiciaire.
primitivementconfiée, ne participèrent point Le propriétaire non noble, tenu par la
à cette prérogative. condition de sa propriété au service mili-
Ainsi lorsque les seigneurs ou leurs taire personnel, a acquis par l'impôt la li-
cours administraient la justice, cette fonc- berté de s'y soustraire il a pu se d^chàr-
tion n'avait rapport qu'aux individus; lors- ger sur un autre de cette fonction honora-
que la multiplication des lois eut rendu leur ble et périlleuse, comme il a pu remplacer
dépôt nfcessaire, et l'accroissement des pro- aussi par un léger sacrifice les fonctions i>é
n) blés de la corvée et cependant, loin de de nos' établissements politiques, c'est que
rien perdre à ce changement, l'Etat y a ga- leurs
1 auteurs ont voulu trouver un législa-
grié, soit du côté de sa défense qui a été teur i 'là où ils ne devaient chercher que la
plus assurée, soit du côté des travaux pu- nature,i et assigner des époques fixes à la
blics qui ont été exécutés avec plus de législation^
1 lorsqu'il ne fallait qu'en étudier
promptitude et d'intelligence. la
1 marche et en observer les progrès. L'art
.. « Mais dans un long gouvernement on va met
i à découvert ses procédés; la nature dé-
au mal par une pente sensible. » (Esprit robe i ses opérations à nos regards, et ne
des lois,.) nous
i laisse apercevoir que des résultats. Si
L'extrême facilité dedéplacer le signe de un i peintre veut représenter un arbre, je
la propriété a rendu excessivement fré- vois -i ies pinceaux, la toile et les couleurs
j
quent le déplacement de la propriété même, je vois le tronc se dessiner, les branches
et lui a ôté cette fixité nécessaire pour em-
pêcher l'oppression. Les impôts dans quel- de
s'étendre,
s le feuillage naître c'est l'ouvrage
l'homme, copie imparfaite et périssable
<
ques Etats n'ont plus été proportionnés ni des ( productions de la nature. La terre re-
aux vrais besoins de la société; ni aux fa- çoit (, le fruit qui doit produire le chêne;
cultes de ses membres; des systèmes faux elle < referme son sein et travaille en secret.
ou exagérés sur les effets d'une circulation L'arbre
i se développe de son germe; mais
rapide d'espèces ont obscurci les idées sim- qui ( racontera les merveilles de cette géné-
ples et distinctes*de l'ordre et de l'économie; ration2
i Il croit, il s'élève; mais qui le voit
et égaré les gouvernements. Ils se sont s'élever s et croître? Battu par les orages, il
aveuglés sur la nécessité de régler ou de n'en i est que plus robuste; retranché par le
justifier Remploi des contributions, publi- fer, i il en devient plus vigoureux il verra
ques. Le luxe et quelquefois les intérêts passer les générations et les siècles; et le
particuliers ont multiplié sans mesure les vieillard
a qui dans son enfance se courbait
travaux publics, ou en ont diverti les fonds ]pour redresser sa tige, en contemple là hau-
d'autres emplois. Alors l'impôt forcé ou teur, t et assis à son ombre, réfléchit avec
détourné de son véritable «bjet a pu faire douleur c à la rapidité du temps. Voilà f ou-
regretter la corvée et ses abus; alors seule-- vrage de la nature voilà la société.
ment on a pu dire avec Rousseau « Je crois Nous connaissons la législation politique
les corvées moins contraires à la liberté que de la Grèce
les taxes, et je voudrais qu'on imposât tou- c et de Rome nous distinguons
c qui est de Romulus ou de Solon, de Nu-
jours les bras des hommes et jamais leur ce
bourse. » tma ou de Lycurgue les motifs du légiste--
teur,
t l'époque précise de ses institutions
Ainsi, dans les sociétés anciennes, on dé- leur 1 objet, leurs dispositions, leurs effets,
plaçait beaucoup plus les hommes que les rien
propriétés; et dans les sociétés modernes tutions, r ne nous échappe et nos propres insti-
t ces institutions qui subsistent en-
on déplace ou l'on emploie beaucoup plus ccore, et
les propriétés que les hommes et il était sous lesquelles nous vivons, ces
institutions récentes, si nous les compa-:
réservé à. un Etat devenu populaire de don- à celles des Grecs et des Romains et
rons
r
ner .à l'Europe chrétienne et civilisée l'af- sur lesquelles. nous avons des .monu-
freux exemple de: déplacer à la fois tous les s
ments contemporains de tous les âges. déjà
hommes et toutes les propriétés, et de dis- cmonarchie,
n elles ne sont pour nous qu'une
poser par des réquisitions inouïes, des en- matière à systèmes et un sujet de disputes.
fants de la veuve et du pain de l'orphelin, n
rQui est-ce qui a réglé l'ordre de la succes-
L'humanité aurait donc infiniment gagné sion, s établi l'indivisibilité de la couronne,
aux nouvelles lois qui se sont établies dans rinaliénabilité
l' des domaines? y avait-il
les gouvernements modernes, si un emploi plusieurs p ordres de citoyens sous la pre-
immodéré des propriétés ne pouvait deve- mière n et la seconde race? Quelles étaient les
nir funeste à la société, et par conséquent fonctions
f( des assemblées générales, Ou l'e-
nuisible à l'espèce humaine. rigine
ri de la pairie ? Quelle est l'époque cer-
Si le développement insensible des insti- taine
t£ de l'hérédité des fiefs, de l'introduc-
tutions monarchiques, tel que je l'ai pré-- tion ti de la magistrature, do l'inamovibilité
senté, ne s'accorde pas avec les systèmes ddes offices, de la vénalité des charges?
de quelques écrivains célèbres sur les pre- N Nous l'ignorons mais nous voyons un or-
miers temps de notre histoire et l'origine dre d de succession invariable, une couronne
indivisible, une noblesse héréditaire, unee quelles une nation se fit à elle-même l'ap-
magistrature inamovible; nous voyons laa plication de la constitution, découlèrent plus
France, ce chêne antique, croître peuà peu,i, ou moins imraèd'i3.tement,nécessairementdës
et par des progrès insensibles, étendre surr lois fondamentales; cette nation prit un ca-
toute l'Europe son ombre protectrice etit ractèrô plus ou moins marqué, ce caractère
courbé par les vents, redresser sa tête al- qui fait qu'un peuple est lui-même et non
tière. Qu'on ne parle pas des hommes ni dee un autre; ce caractère,principe intérieur de
leurs motifs, la nature les fait servir à sess sa force, cause secrète de ses succès, res-
desseins qu'on ne m'oppose pas des faitss source inespérée dans ses malheurs.
contraires, la nature les ramène à son plan Le caractère d'une nation se compose de
qu'on ne m'allègue pas des dates, la naturee ses affections, ses affections de ses habitu-
ne connaît pas d'époques dans ses opéra- des, comme le caractère d'un homme se com-
tions, parce qu'elle opère sans cesse. pose de ses penchants.
Une religion grave et imposante, tour à
CHAPITRE VIII.
tour indulgente etsévère, qui ne laissait pas
RECAPITULATION CARACTÈRE DES PEUPLES la faiblesse sans espoir, ni la vertu même
PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DE LA SOCIÉTÉ. sans crainte, et qui faisait consister toute laa
loi dans l'amour de l'Etre suprême et dans"5
Les sociétés fondées en Europe par less l'amour de ses frères, dut donner à
peuples du Nord furent donc constituées, ett ple des affections douces et sociales,unet peu- for-
leur constitution reposa sur les trois lois5 mer en lui des habitudes de confiance la
fondamentales d'une religion publique, d'unt Divinité et de bienveillance en
envers ses sem-
pouvoir unique, de distinctions héréditai- < blables.
res. Mais, comme la religion chrétienne L'hérédité du pouvoir, en rendant hérédi-
qu'elles embrassèrent,fondée sur la croyance taires les sentiments d'affection et de recon»
de l'unité de Dieu, la connaissance de ses naissance pour la famille régnante, dut ms-
perfections et de la destination de l'homme, pirer à un peuple des habitudes d'amour
et
était la seule religion digne de Dieu, de de respect pour le pouvoir de l'Etat mis 11
i'homme et de la société; que le pouvoir sa portée, et qu'il pouvait, pour ainsi dire,
unique ou la royauté reçut dans presque voir i de ses veux et toucher de ses mains.
toutes ces sociétés, la perfection dont il Enfin tes distinctions héréditaires,
était susceptible, par l'introduction d'un or- transmettant, d'une génération à l'autre, en
dre régulier de succession; et qu'enfin les vénération une
i affectueuse pour des familles an-
distinctions héréditaires et permanentes ne ciennementdistinguée», et une considération
furent plus bornées à ceux qui exerçaient naturelle pourles professions qu'elles
]
la profession des armes ou le ministère de çaient,
exer-
< durent donner au peuple des habi-
la religion, mais qu'elles furent étendues ài ttudes de déférence et de subordination, né-
la profession dépositaire des lois, accordées cessaires
< à former et à maintenir envers les
même comme récompense à ceux qui professions ] chargées de veiller à la conser-
avaient rendu des services importants à la vationi de la société., et qui, dans le respect
société, et cependant toujours ramenées à des < classes inférieures, trouvent de nouveaux x
l'esprit de leur institution en sorte que moyens ] de remplir cette imoortante fonc-
pa&la nouveUeforme qu'elles reçurent sous tion. t
le nom de noblesse, elles furent de la part Et parce que la religion publique, le pou-
de la société le souvenir ineffaçable de ser- voir
i unique, et les distinctions sociales,
vices rendus, et dans la famille distinguée étaient
( les lois fondamentalesde la spcjété
ou anoblie, un engagementirrévocable à en civile,( et que la société ne pouvait subsister
rendre de nouveaux la constitution fut sans « elles, la famille régnante, les ministres
donc chez les modernes le développement, du ( culte, et ceux d« la force publique dé-
la perfection, le complément de la constitu- ffensive ou sociale, c'est-à-dine la
noblesse,
tion primitive. furent
f les propriétes publiques e.t générales
Et selon que les lois politiques, par les- dec la société (1).
(i) «Vous vioulez détruire la noblesse, disait un j
I Robespierre et par d'autres.
par
des coryphées de la révolution française; vous n'y Cette auecdocte est tirée du Tableau de Paris,
songez pas on ne détruit pas ta noblesse, qui est llors des massacres des mois d'août et de septem-
un être moral, ce sont les nobles qu'il faut dé- 1bre 1792. Son estimable auteur,
nuire. 'C'est ce legs épouvantable qui a été acquitté des un des rédacteurs
d Actes des Apôtres, a employé ses talents à
re.
La famille- -élevée au trône fut une véri-r les soumet à périr avec elle tel est leur
table propriété de la société; puisqu'elle nee sort, et
pour qu'ils ne puissent s'y sous-
put plus disposer d'elle-même, renoncerah traire, la religion et la nature les ^marquent
la succession, ni en intervertir l'ordre con- d'un caractère particulier qu'aucune
force
damnée à la grandeur, elle dut en supporter
le poids, en dévorer les amertumes,
r
ne peut effacer. Car si la violence peut in-
en terdire aux ministres de la religion,, ou à
éprouver les revers. « Ce n'est pas pour l'in-
ceux de la force publique sociale, t'exercice
des
térôt de. la famille régnante, dit l'Esprit s public de leurs fonctions quelle force
lois, que le droit de succession est établi, rait ôter à des pour-
prêtres le caractère qu'ils
mais parce qu'il est do, l'intérêt de l'Etatf tiennent de leur consécration,
qu'il y ait une. famille régnante. » ou à des no-
bles
] le caractère qu'ils tiennent de leur
Les ministres de la religion et ceux de lat naissance?
i 2
force publique, ou les nobles, furent, aussi Je ne puis mieux terminer cette partie de
une propriété de la société, puisqu'ils. ne imon ouvrage, que par un passage intéres-
purent plûs disposer d'eux-mêmes, renon- sant
cer volontairement à; leurs distinctions, ni de
embrasser des professions incompatibles
<
LIVRE I:V:IÍ
SOCIÉTÉS CONSTITUÉESOU MONARCHIES ROYALES.
(1) Userait, je crois, aisé de prouver que la Ponlii agèr; Marcillac, de Marçelli ager, etc. et
France est, de tous les pays soumis à la domina- comme
c cette expression ne désigne que des biens
tion Romaine, celui où il a dû se conserver le d campagne, il n'y a pas de ville considérable dont
de
plus de Romains, surtout dans les provinces du le nom se termine ainsi. On retrouve aussi leur
l<
midi. Leur langue particulièreest beaucoup plus la- agriculture
a et leurs usages, dans plusieurs usages
tine que la langue française les terminaisons en e dans différents procédés de
et l'agriculture de ces
ac, si communes dans la topographie de ces pro- provinces. Les différentes parties de la charrue à
vinces, ne sont que le mot ager défiguré par con-
traction les Romains, selon toutes les apparences,
i
p
bœufs portent, dans le jargon méridional, au moins
ddans les montagnes où les peuples sont plus cons-
donnaient au g un son dur et ferme, approchant tants
t; dans leurs habitudes, absolument les mêmes
Den-
du k, comme lont encore les peuples du nord qui rnoms qu'elles unt dans Virgile Aures, Stiva,
appellent un champ Acker. talia,
t< Temo.
Ainsi, Aurillac, vient de Aurelii ager: Pontac, de
semble ignorer le secret de la force de la tés par des revers accablants, si le royaume
France « De là, dit-il, cette suite non in- est dans le dernier degré d'épuisement, et
terrompue de sages précautions transmises, son monarque réduit eet excès d'abaisse-
comme par une espèce de miracle, de règne ment, qu'il offre de concourir à; détrôner son
en règne, par lesquelles nos: rois, sans lais- petit-fils si la haine exige davantage, si
ser pénétrer leur secret, parvinrent enfin à elle ose demander qu'il le détrône lui-
reprendré l'autorité s: nécessaire pour le même le ressort de l'honneur trop violem-
bonheur des peuples. » ment comprimé réagit avec force, et l'hon-
Voilà l'effet de la constitution de la neur dicte à Louis la généreuse résolution»
France voici l'effet du caractère français. de se mettre à la tête de ses fidèles sujets,.
Si le roi Jean souscrit dans sa prison à et de s'ensevelir sous les débris de la mo-
un traité honteux, l'honneur français s'in- narchie, plutôt que de consentir à L'avilis-
digne, et courbé sous le malheur, il ose sement du pouvoir de l'Etat.
tenter la fortune des armes. Ce caractère national s'est plus d'une fois
Si, après le long et déplorable règne de prononcé contre l'administration elle-même,
Charles VI, son fils, déshérité par sa mère, à des époques dont on n'a pas perdu le sou-
dépouillé par son, concurrent, accablé par venir, lorsqu'il repoussait par les traits du
l'èis divisions même de son parti, réduit à ridicule, ou le silence de l'improbation, les
Orléans et à Bourges, ne peut être sauvé atteintes portées aux lois fondamentales.
que par un prodige; ii se fera un prodige Mais pourquoi recourir à des exemples
une jeune elle (1) simple et pauvre s'an- éloignés ? Voyez la France; elle n'est plus t
nonce comme envoyée de Dieu, pour dé- depuis six ans entiers, le plan de destruc-
livrer Orléans assiégé, et faire sacrer le roi tion le plus vaste, le plus savamment com-
à Reims occupé par les Anglais. L'orgueil biné, le plus opiniâtrément suivi, la guerre
national sourit à l'idée d'une protection par* civile la plus acharnée, la guerre étrangère
,ticulière de, la Divinité, et ne se croit pas la plus générale des proscriptions sans
au-dessous. Le roi écoute l'héroïne, les exemples, une oppression inouïe, la faim,
chefs lui cèdent, l'armée est entraînée, et la la misère et la mort, tous les fléaux ensem-
croyance d'un miracle enfante des pro- ble, n'ont pu anéantir dans cette société
diges, l'esprit de vie que lui imprimèrent sa cons-
:
Si la France est attaquée par toute la titution et le caractère national. Il n'y reste
puissance de l'Espagne, de l'Autriche et de pas pierre sur pierre, et ses fondements,
l'Italie réunies sur une seule tête; si elle a comme ceux de ce temple célèbre, agités
à lutter contre la profonde habileté de Char- par une force secrète, engloutissent les ou-
les-Quint et tous les trésors du Nouveau- vriers et repoussent leurs constructions. Les
Monde si ses finances sont épuisées, ses lois nouvelles ne peuvent s'affermir, ni les
armées battues, son roi prisonnier,tout sera anciennes habitudes se détruire; le feu
perdu hors l'honneur mais cet honneur au- sacré brûle encore dans la Vendée comme
tant que la politique prescrira à la régente dans un sanctuaire là des Français, sans,
de donner enolage les enfants de France, autre motif que l'attachement au culte de
plutôt que ,les capitaines,{dernier espoir de ileurs pères et à l'héritier de leurs rois,
l'Etat. sans,
autre secours que leur courage, luttent,
Si Louis XIV expie ses longues prospéri- avec la seule force du caractère national,
(1 JII ne s'agit de savoir si toute la cour de Voltaire eût nié les faits, s'ils eussent été moins ré-
Charles VII croyaitpasque Jeanne d'Arc fût inspirée cents et moins constatés, et nbri-sëulement il eût
1 armée, le peuple, les Anglais eux-mêmes le <
rejeté le prodige de l'inspirationparticulière,mais il
croyaient, et tous agissaient d'après cette persuasion, i
C en est
eût
e rejeté le prodige de la persuasion; il n'eût pas.
assez pour que j'aie pu dire avec vérité, manquëdedirequ'on
t ne persuade pas à des nations, à
que la religion a sauvé la France. Au
Pucelle d'Orléans fût inspirée ou non, reste, que la des
d armées, qu'une jeune et pauvre fille,: qu'elles
elle n'en est voient combattre, qu'elles voient blessée et prise, est
pas moins l'héroïne de la nation et comment le envoyée
e de Dieu pour sauver un grand empire réduit
gouvernement a-t-Ù pu accueillir l'auteur et tolérer aaux dernières extrémités. C'est cependant ce qui
la publication d'un ouvrage, où le fiel le plus amer, arriva. Oii n'eût pas impunément plaisantéà Romesur
le ridicule vie plus obscène, sont versés à pleines a
hla nymphe Egérie, ou sur les bouclierstombés du ciel
mains sur tout ce qu'il y a de plus respectable
parmi les hommes, la vertu, le courage, le malheur, o a interdit en Suisse des discussions critiques sur
on
l'
l'histoire de GuillaumeTell. Il se répand sur les gou-
et la mort pour sa patrie et son roi? Est-ce là vernements destinés à servir d'exempte aux autres.
ce v
que le gouvernement devait à la mémoire de cette
courageuse fille? Ou croyait-on l'ouvrage politique- un esprit de vertige et d'erreur,
ment utile, parce qu'il était effrontémentimmoral ? De la chute des rois funeste avant-coureur.
(Racine.)
contre toutes lès passions des hommes et vait i plus à craindre qu'elle-même. Ce fut
toute la rage de l'enfer; tandis que d'autres cependant
(
l'acquisition de l'Alsace et de' la
Français poursuivent avec un acharnementFlandre
I française, qui sont à peine la qua-
déplorable la ruine- de leur patrie, et leur rantième
i partie du: sol de la France, qui fit
propre perte. Hélas î: si leurs jeux étaient craindre
( à toute l'Europe que Louis11.XIV
moins cruels, on verrait avec pitié ces en- n'aspirât
i à la monarchie universelle,* est
fants s'obstiner à élever un édifice de neige vrai,
"i
dit -Montesquieu que ses ennemis
leurs craintes
l'en accusèrent plutôt. sur que
sur un sol brûlant s'il y avait réussi, rien
C'est surtout dans l'histoire de la France ssur leurs raisons
en
ti' avaient, pu lui assurer Ja moindre eon-
Italie. Sous touis XIV, elle dé-
ploie tout à coup une force inconnue elle
conquérantes.
est
<
Mais lorsque la constitution de la France
anéantie, non par des altérations insen-
sibles, mais tout coup ét à la fois par la
était guerrière, elle devient conquérante i
-
e
. : • titure de la société civile car il est contre la
;• CHAPITRE II. r
nature
n de la société civile que> les professions
sociales de la société religieuse et de la so-
••
LA FRANCE RÉPUBLIQUE.
' "
point de vue que nous présente son nou- faible £ en n'ombre dé députés dans la een»
générale de l'une et de l'autre so^
veau gouvernement, nous trouverons', dans vocation
les différentes révolutions qu'elle à es- ciété.
s'tïyéés, et qu'on décore du nom- de éons-
v
c
En portait'1 cette loi, le monarque mit
•'
titiitiëns de 1789, 91, 93, 94, 95; la preuve âdonc sa volonté particulière à la place de la
évidente que le '-pouvoir une fois écarté de volonté"
v générale et par conséquent son
son; principe, qui est l'unité, a une tendance pouvoir particulier à là place- dà pouvoir
irrésistible à se diviser sur tous les mem- ggénéral.
brés de la société; et une fois parvenu au Les corps dépositaires des lois, chargés
terme extrême de sa division, à revenir à cde distinguer la volonté particulière de
son principe c'est-à-dire que, lorsqu'il n'y l'hômmede
1 la volonté générale de la socié-
à plus de pouvoir général dans la société, tté, réclamèrent contre une loi qui n'était
chaque membre de la Société tend à exercer pas ï émanée dé la volonté générale mais en-
son pouvoir particulier et lorsque tous les traînés
t eux-mêmes par lé torrent irrésistible
membres' de la société ont leur pouvoir cdes circonstances, ils jugèrent une plus
particulier^ il n'y a plus de société, parce longue résistance inutile ou dangereuse, et
qu'iln'y a plus de pouvoir général mai1à iils enregistrèrent, c?ëst-à-dire qu'ils admi-
le pouvoir général tend à se rétablir, ou rent r dans le dépôt des lois cette loi désas-
pour mieux dire, la société tend à se recom- treuse,
t la cause de tous les malheurs.
poser, parce que ia société ne peut exister Les états généraux s'assemblèrent sous
sans pouvoir général, ni l'homme exister ces
,sans société.
Je prie le lecteur de faire une' attention
sérieuse au développement qui va suivre
il lui offrira l'analyse du système de la so-
t funestes auspices.
.-
Apparent dirse facies, inimicaqoe Trojss
Numina.
(Yihg., JEneï(l.t lib. h, vers. 62fti)1
Dès que le monarque avait fait prévaloir
ciété civile'; jamais théorie n'avait été con- son pouvoir particulier sur le pouvoir gé-
firmée par une expérience plus vaste et plus néral,r lé pouvoir général n'existait plus
décisive. car
c le pouvoir général de la société et le
Le pouvoir général de la société existait pouvoir
1 particulier de l'homme ne sauraient
en France dans le monarque. Il devient exister e ensemble dans la même société.
nécessaire de convoquer la nation parce Dès qu'il n'y avait plus de pouvoir- gé-
; .:
c
tat,avec toute la passion qu inspire une au- as médité la leçon sévère dans la retraite
torité usurpée. •; _ profonde
f à laquelle les événements l'ont
Leurs adversaires défendent l'autorité lé- condamné;
t et cette leçon n'a pas été perdue
gitime avec tout le zèle qu'inspire une reli- jpour un prince qui réunit à un esprit éten-
gionnouvelle. • cdu et cultivé, à un jugement sain et solide,
Si Henri IV n'eût pas été calviniste, les 1l'intention bien connue de faire le bonheur
II) En 1282, les Etats de Castille déposent Al- soutenir les droits sacrés des rois eides pères:mais
plionse son frère Emmanuel prononce la sentence vous êtes Chrétien et je suis musulman songez que
venger la nature.
je ne suspends haine que pour
qui le dégrade. Alphonse eut reconrs au roi de Ma- ma
roc, qui passa aussitôt en Espagne, pour le
rétablir. et la majesté royale violées en votre personne. »
luidit-il, » en combattant pour vous, (Hist d'Esp., par M. Désokmeaux.)
t Je viens,
de nouvelles. L'antiquité n'offre rien de dant un instant et pour de plus grandes rai-
semblable dans un aussi long espace de sons, elle jette, pour ainsi dire, toute l'Eu-
temps. Si quelques Etats de création posté- rope du même côté, en réunissant sur la
rieure :ont été réunis à d'autres, ou ils n'é- tête de Charles-Quint, l'Allemagne, Tes Pàys-
taient que des parties, détachées d'une plus Bas, l'Espagne, l'Italie, et jusqu'à l'Améri-
grande société qui tendaient à s'y rejoindre, que. Mais, lorsque leTurcamolîicesse d'être
ou ils étaient trop petits pour pouvoir sub- redoutable, et que la maison d'Autriche
sister par eux-mêmes car la nature ne veut avec sa politique invariable, son adminis-
pas plus de monstres politiques que de tration sage, ses nombreuses armées; sa
monstres humains, et elle ne veut ni des discipline parfaite le devient à son tour,
nains, ni des géants, parce qu'elle ne veut alors s'élève auprès d'elle une puissance
pas que l'homme soit le jouet de son sem- dont la nature hâte, presse le' développe-
blable^ bu qu'il en soit le tyran: Ainsi la ment par des moyens nouveaux elle avance
Navarre,détachée de la F rance et de l'Espa- à pas de géant, et la Prusse est barrière;
gne, trop faible pour pouvoir subsister entre lorsqu'on peut à peine la soupçonner d'être
ces deux puissances, été réunie à l'une et obstacle. La Russie son tour jouit du bien-
à l'autre, et par cette réunion, la nature a fait fait de la civilisation de son état naguère
cesser une cause de guerre entre deux puis- barbare, elle a retenu la passion de guer-
sances qu'elle devait unir un joor par les royer placée sur la limite de l'Europe
nœuds les plus étroits, et l'alliance néces- et de l'Asie, elle pèse à là fois sur toutes
saire, indispensable, entrait dans le plan de les deux mais il
progrès.
me semble que j'aper-
leur conservation réciproque mais elle a çois une borne qui s'élève pour arrêter ses
laissé le Portugal enclavé dans l'Espagne;
elle a réuni le territoire et séparé les peu- J'entends dire que le musulman, malgré
ples, pour tenir en haleine les forces de sa religion et ses préjugés, veut s'instruire
cette belle partie de l'Europe, trop sujette dans nos arts mais un peuple ne peut se
à s'endormir dans la langueur du repos. La civiliser sans devenir Chrétien et monarchi-
nature suspend la réunion de l'Ecosse et de que, parce que la société civile est la réu-
l'Angleterre, tant que l'Angleterre est re-
doutable pour la; France et qu'elle en oc-
nion de la société religieuse de l'unité
Dieu, ou du christianisme, et de la société
de `
cupe les plus belles provinces; mais elle politique de l'unité de pouvoir, ou de la
rend à leur tendance réciproque son libre monarchie; et si le Turc, abruti par sa reli-
cours, et rejoint ces deux parties d'une. gion oppressive et son gouvernement des-
même île, lorsque l'Ecosse cesse d'être une tructeur, ne peut s'élever au christianisme
alliée nécessaire pour la France, et que la et à la monarchie, son empire sera infailli-
France réunie en un seul corps devient re- blement détruit; et, quel qu'en soit le con-
doutable à l'Angleterre. Elle laisse les petitsquérant, fût-ce le Russe lui-même, l'empire
Etats de la maison de Sardaigné à côté de grec et l'empire
russe se limiteront l'un
la France, parce qu'elle ne veut pas que l'autre. Ces événements plus
ou moins éloi-
cette puissance s'étende en Italie; et elle gnés sont infaillibles, parce qu'ils sont dans
l'avertit^ par des revers réitérés, de l'inu- la nature des choses ils sont dans la
na-
tilité des efforts qu'elle fait pour s'y main- ture des choses, parce. que la constitution
tenir. Lorsque dé plus grands intérêts exi- religieuse et politique est dans la nature de
gent de plus grandes mesures, lorsqu'elle la société; comme les sociétés religieuses
craint pour la société civile de l'Europe et politiques sont elles-mêmes dans la
chrétienne, c'est-à-dire pour la religion ture de l'homme moral physique. Au na-
et mi-
chrétienne et la constitution monarchique lieu de tous
ces changements de scène, je
menacées par le despotisme du Croissant, vois l'ambition des souverains, les intrigues
alors, dans la crise de son développement, des
cours, les des peuples; je vois
elle élève de ce côté de l'Europe la barrière les passions deerreurs
l'homme, mais je vois les
la plus redoutable; comme un habile ingé- volontés de la nature qui entraîne,
qui di-
nieur, elle y multiplie les ouvrages avancés. rige vers le but qu'elle
Depuis longtemps elle y a placé le Hongrois, peuples et leurs se propose, les
les rois et leurs
le plus belliqueux de ses enfants; elle le conseils, l'hommeerreurs,passions.
et ses
réunit au Bohémien, elle les réunit tous les Il me semble voir une troupe d'enfants
deux à la maison d'Autriche et même pen-__conduits
par un précepteur sévère; L'un
court, et l'autre s'arrête; l'un s'écarte' à CHAPITRE V.
droite ;et l!autre à gauche quelques-uns se
RÉVOLUTIONS GÉNÉRALES. DÉCADENCE
battent entre eux, chemin faisant;: mais le
précepteur presse l'un, arrête l'autre, ra- DES ARTS ET DES MOEURS.
mène celui-ci; apaise ceux-là, et -les fait ar? Avant de passer aux sociétés non consti-
river ensemble au terme. tuées, il est à propos de faire quelques ob-
II faut observer, à l'honneur de la société servations générales sur dès objets impor-
xLyile-, .c'est-à-dire à l'honneur de la religion tânts observations que j'ai dû réserver jus-
chrétienne, et de la constitution monarchi- après l'entier développement de mes
que
que, que lesfjois civiles sur la transmission principes sur les sociétés constituées, et
des propriétés particulières ont été suivies leur application par les faits historiques.
Pour la réufiandes Etats, et ratifiées par le Chacun de ces objets pourrait fournir le
.consentement exprès ou tacite des sociétés. sujet d'un ouvrage; et* pressé par la matière
Dans ces réunions»,;les sociétés ont presque que je traité, je ne puis lëùr'consacrer qu'un
toujours obéi à la loi fondamentale de la chapitre.
succession héréditaire, lorsque, par l'extinc-
'" "
Je n'ai pas laissé échapper une occasion
tion des mâles de la famille régnante, elles de faire remarquer à mes lecteurs l'exacte
ne pouvaient obeir à la loi politique delà parité qu'il y a entre la société et l'homme.
succession masculine. L'homme est la société en abrégé, la société
Ainsi, des alliances ont Véuni la Hongrie est l'homme en grand; et cela doit être,
à la Bohême, et l'une et l'autre à la monar- puisque l'homme est l'élément du corps
so-
chie autrichienne; des droits de succession cial, et que le corps social est un composé
ont réuni l'Ecosse à l'Angleterre, et la Na- d'hommes. La société civile a donc, ainsi
varre à la France; un testament dispose de que l'homme, une partie intérieure ou intel-
J'Espagne mais ces réunions n'ont pas ligënte, une partie extérieure ou matérielle;
anéanti les titres, .ni confondu les peuples.. elle a donc, ainsi-que l'homme, ses facultés
Je retrouve avec un secret plaisir, sur la et ses besoinsy ses devoirs et ses passions,
liste des puissances, les noms de ces vieux ses vertus et ses vices ainsi que l'homme,
enfants de l'Europe; j'entends nommer les elle naît, elle croit, elle se développe au
rois de Bohême; et de Hongrie, de Navarre moral et au physique; comme lui, elle dé-
et d'Ecosse. Je commerce avec des Ecossais cline, elle vieillit, elle meurt.
et des Hongrois; et dans la société civile de L'homme meurt par la séparation ou l'ab-
l'Europe, la seule société civile de l'univers,
des spectacles sence de sa partie intelligente, et la décom-
le cœur n'est pas affligé _par position dé sa partie matérielle une société
de barbarie et de destruction dont. les autres peut finir par là destruction de sa partie in-
parties du. monde présentent de si nombreux térieure qui est la religion, et le démem-
monuments..
Puissent les souverains être pénétrés de
brement des parties extérieures dent elle
est composée. Ainsi a fini l'empire romain,
cette vérité, dont il semble qu'il soit réservé
ce siècle grande ou la société de l'univers idolâtre. La société
à la fin de de montrer une religieuse, la société politique périrent la
V vérité, que la France prouve
application fois la religion de l'empire- fut détruite et
par ses malheurs, et que d'autres nations
ses provinces envahies et démembrées. Ce
prouveront peut-être par leurs revers; vër
fut une grande révolution dans l'univers.
rité dont la politique humaine rie fait que J'en approfondis la cause, j'en observe les
hâter le développement, ,lorsqu'elle croit effets, je la rapproche de cette révolution
l'éloigner, parce qu'elle est un l'apport. né- dont l'Europe est le témoin ou ,1a victime;
cessa ire qui dérive de la nature des choses; il
mécbhnaît, parce me semblé que le grand rideau se tire, et
vérité que l'homme que que le présent et le passé me dévoilent l'a-
dans sa courte existence il n'en voit pas venir.
l'accomplissement,mais dont la société qui Si la religion est le culte delà Divinité, il
survit ressent infailliblement les effets c'est
est évident qu'il ne peut exister que deux
qu'il n'y ci de succès dur utiles que ceux dont religions dans l'univers, la religion d'un
la ,force n'a pas à rougir devant la justice, et Dieu et la religion de plusieurs dieux;
qu'une nation est tôt ou tard punie du mal le judaïsme ou christianisme, et le poly-
qu'elle a fait à une autre. ` théisme chacune de ces religions peut se
diviser en plusieurs sectes, et le maho-
métisme lui-même n'est qu'un grossier mé-• lièrè. Je l'ai déjà dit, mais je ne saurais
lange de judaïsme et de christianisme. assez le répéter et le développer là passion
Dès que la raison de l'homme fut éclairéei de dominer, naturelle 'à t'homme, irritée!,
par la vérité, et, ce qui est bien plus difficile, exaltée dans la société par la présence <tes
ses passions. subjuguées par l'admiration, lai objets et la fréquence des occasions, ne peut
première évolution se fit, celle du polythéis- être contenue que par le double- frein <dti
me au christianisme; et elle était nécessaire, pouvoir religieux et du pouvoir politique,
c'est-à-dire conforme à la nature perfection- de la religion et du gouvernement. Dans les
née de l'homme, ou à sa raison éclairée, à l uns, la religion réprime les. volontés,' et par
la vertu; et par conséquent a ta nature per- elles,' réprimé les actes extérieurs dans tes
fectionnée de la société, ou à sa; constitu- autres, le gouvernement réprime^les actes
tion. Par le: même principe, la révolution extérieurs, et par eux, réprinDteles-'vôIoMés;
contraire; ou le retour au moins immédiat ces deux freins se prêtent tin secours tnu<-
du christianisme au polythéisme, payait im- tùel, parce que la religion ne peut réprimer
possible dans l'univers, et aussi contraire à toutes les volontés dépravées des uns, ni le
la raison de l'homme qu'à la constitution gouvernement arrêter tous lès actes éxté-
de la société. Mais, si }ar;évolulion générale rieurs des autres. La religion, qui est intel-
est impossible par le retour immédiat du ligence, do\t agir plus efficacement sur ceux
christianisme au polythéisme, la révolution, qui, par leurs dispositions naturelles, leur
au moins partielle. du christianisme à l'a- éducation et leur position1 dans la- société,
théisme extérieur et social, ou à l'abolition ont l'intelligence ou la volonté plus dégagée
de tout culte public, est malheureusement des sens, plus cultivée par lés connaissances,
possible, parce qu'elle est conforme à la na- plus occupée d'objets intellectuels} c-'esl-à^-
ture dépravée de l'homme ou ses passions, dire, sur ceux que la nature de la société
et à la nature dépravée de la société, ou à destine à commander aux autres, où, par l'au-
sa déconstitution. Cette résolution doit ar- torité du rang ou parcelle de l'instruction
river lorsque la raison de l'homme sera éga- et de l'exemple. Le gouvernement, qui est
rée par les passions, et la société dissoute force, doit agir plus efficacement sur ceux
par l'extinction du pouvoir social ou gé- ^ont les forces physiques s'ont plus néces-
néral.. Le projet de cette révolution existe,
et n'est pas un secret; l'exécution en est
saires la conservation de la sdciëté/ ou
plus dangereuses pour sa tranquillité, sur
publique serait condamnée à entreprendre, mière,i réservée à une révolution dont tou-
l'égalité de' forces. que l'identité de moyens tes
t les promesses des charlatans qui l'en-
militaires met entre les peuples les plus dorment,
< ou des imbéciles qui la trompent,
flegmatiques et les nations les plus impé- aprèsJ s'être trompés eux-mêmes, ne détour-
tueuses, disparaîtrait devant le nombre et neraient
i pas les suites épouvantables, La
la vivacité française. Les philosophes qui destruction
<
du pouvoir dans toutes les so-
ont médité aussi, et qui connaissent les ciétés, < destruction opérée en France, et es-
temps et les hommes, ne l'ignorent pas; et sayéei à Naples, à Turin et partout l'abtrïï-
l'on a pu voir, dans celte guerre, le parti tion1 de toutes les institutienïrpolitiqùes et
qu'ils ont tiré de cette. connaissance. Le pro- religieuses,
i qu+, sans violence et sans crime,
jet de là révolution du christianisme à l'a- empêchent
<
l'excès de la population en Eu-
fhéisrae extérieur, ou à l'abolition de tout rope, qui seules ont fait cesser ces nom-
culte publie, a donc existé mais, qu'on ne breuses1 émigrations de Barbares qui nous
«'y trompe pas, il existe encore il n'est pas étonnent, institutions que la nature de la so-
abandonné, et quelle qu'en soit la cause, ciété a multipliées là où la population pouvait
t7 ne le sera jamais. A des mesures exagérées être plus nombreusepar l'abondance des sub-
qui no convenaient plus, ont succédé des sistances, et son excès plus dangereux par le
moyens ptas doux qui conviennent beau- tempérament des hommes; l'extrême division
coup mieux «t personnage qui, par un des terres et
leur défrichement bien plus
motif louable d'humanité, a contribué à ce étendu qu'autrefois; des passions plus exal-
changement,est, sans le savoir, l'instrument 1tées toutes ces causes, mille autres encore,
docile dont se servent des gens profonds. y accroitraient la population dans une pro-
On a ajourné les moyens militaires dont la gression incalculable, tandis que les insti-
violence et l'intensité avaient usé la force tutions républicaines ne pourraient opposer
on désavoue, on punit même des horreurs aux passions de tant d'hommes qu'une bar-
dont l'excès commençait à contrarier l'effet rière impuissante. Tous les désordres des
mais l'impression est faite, et sur le peuple temps anciens, de plus grands encore, ré-
disposé par la terreur à tout souffrir, et sur sulteraient infailliblement et de la multipli-
l'Europe préparée, par des succès inouïs, à cité des passions et de la destruction du
tcut admirer; mais le système parait s'af- pouvotr. Les moeurs, nous en verrons bien-
fermir sur des combinaisons politiques tôt la preuve, périraient avec la religion;
qu'on n'ose pas même juger car, dans ce les arts périraient avec les mœurs les
malheureux temps, l'homme réfléchi ne sait sciences., qu'on a vues en France prêtes à
où placer ses affections ni ses haines, et s'éteindre, les sciences, et par conséquent
craint également d'être injuste envers une l'art militaire, se perdraient dans cette con-
amitié déguisée, ou d'être dupe d'une ami- fusion générale et l'Europe affaibrie, épui-
sée, comme elle le'futà la chute de l'empire On sait qu'il y avait dans la religion chré-
romain, offrirait une proie facile à ces peu- tienne des corps et des individus qui
ples que la nature recèle dans les vastes se
vouaient à la fonction périlleuse d'annoncer
plaines de l'Asie septentrionale, et qu'elle aux peuples idolâtres l'unité de Dieu. Ainsi,
réserve à de grands desseins. tandis que ces missionnaires appelaient,
A juger de l'avenir parte passé, les dé- péril de leur vie, des païens à la connais-
au
chirements effroyables qu'éprouva l'empire sance du vrai Dieu, et par conséquent des
romain par les inondations successives des barbares à la société civile, et travaillaient
Barbares, et sa dépopulation presque uni- ainsi à consommer le changement de l'ido-
verselle, se répéteraient sur la malheureuse lâtrie au christianisme des missionnaires
Europe les mêmes peuples qui se faisaient d'athéisme travaillaient avec autant de
appeler les fléaux de Dieu, viendraient 'la per-
sévérance, mais avec moins de dangers, à
punir d'avoir oublié la Divinité, comme ils avancer la grande révolution du christia-
la punirent alors d'en avoir défiguré l'idée. nisme à l'athéisme, et de l'état civil à l'état
Que le philosophe, qui serait tenté de m'ac- sauvage. Il était aisé de prévoir une rivalité
cuser de faiblesse, et mes idées d'exaltation, éclatante entre des ouvriers dont les
écoute Rousseau, et qu'il admire comment uns
travaillaient à détruire ce que les autres
il est ramené à la même conséquence par la s'efforçaient d'édifier; elle produisit la des-
force des principes. «Les Tartares, » dit-il, truction de cet ordre célèbre qui a allumé
« deviendront nos maîtres; cette révolution tant de haines et excité tant de regrets. La
me paraît infaillible, tous les rois de l'Eu- vraie cause de sa chute ne fut connue dans
rope travaillent de concert pour l'accélé- le temps que d'un très-petit nombre de
rer. » per-
sonnes, qui fascinèrent les yeux des plus
Je n'ai considéré les effets de cette révo- clairvoyants, et égarèrent les intentions les
lution que dans une partie de l'univers; plus pures. Les philosophes eux-mêmes
mais, si l'on suppose les ténèbres de l'a- ne
s'en cachèrent pas; et le plus rusé d'entre
théisme répandues sur toute la surface de eux, oubliant, dans l'ivresse du succès, sa
la terre, on sera conduit forcément à des prudence ordinaire, osa écrire ces lignes
conséquences bien importantes et j'ose re-
marquables « Les sots et les ignorants at-
dire, bien nouvelles. Je ne sais si tribueront la destruction des Jésuites aux
un hom-
me peut passer du polythéisme à l'athéisme, magistrats; les sages l'attribueront aux phi-
mais il n'est pas dans l'ordre des choses ni losophes. »
Cans la nature des idées humaines, qu'un Jamais il ne s'offrit un sujet plus impor-
peuple qui croit plusieurs dieux, en vienne tant à l'attention des hommes d'Etat et
tout à coup à abolir tout culte public de la aux
méditations des rois. Tandis qu'une politi-
Divinité. Il semble nécessaire qu'il
passe que sans élévation et sans vues s'applaudit
auparavant par l'intermédiaire de la reli- du succès de ses intrigues; qu'elle jouit des
gion de l'unité de Dieu. L'histoire s'accorde troubles qu'elle a causés, et combine les
avec cette observation et l'on n'a pas en- moyens d'en causer de nouveaux; l'insen-
core vu chez un peuple idolâtre naître l'a- sée ne voit pas l'athéisme s'avancant à pas
théisme extérieur, c'est-à-dire, cesser tout lents, se glissant dans le désordre, et éten-
culte public de la Divinité. Il faut donc dant sur l'Europe son crêpe funèbre.. 11
que
la religion d'un Dieu; ou le christianisme, me
semble voir, dans un vaste salon, une troupe
soit connu de tous les peuples idolâtres, de joueurs avides. La présence du
avant que la révolution générale, qui peut maître
contient les passions violentes qui les agi-
conduire l'univers à l'athéisme, soit mais uniquement occupés de leur ob-
con- tent
1
sommée. Je rapproche ces observations poli- jjet, ils n'aperçoivent pas les lumières prêtes
tiques des croyanees religieuses sur la der- ài s'éteindre ils se trouvent tout à
nière catastrophe de l'univers, sur l'exlinc- coup dans
iune obscurité profonde le maître a disparu
tion de la foi qui doit la précéder, àl leurs regards. La cupidité qui les anime,
sur les
désordres effroyables qui doivent l'accom- délivrée
c d'un frein importun, sans recourir
pagner, et qui seraient la suite nécessaire dé àà des chances incertaines, veut
la conversion de toutes les monarchies de se satisfaire
l'Europe en république; etj'admire ipar la force ou par la ruse; et ce lieu, où
comment régnait
r naguère l'ordre et la décence, de-
une saine et vaste politique meramène à la vient
valigion. v un théâtre de confusion, de discorde
e d'horreur. On a trop séparé, jusqu'à prâ-
et
uv"i"j^t
EiO èJEi ai» i-»*J
la supé-
supe-
sociétés
,™:a«ao
soci. ,.i,riioc
civiles remarquez
rfmarnuez aussi la.
sent la politique de la religion. Quelques
théologiens, riorité
non que les arts avaient acquise, en
écrivains qui notaient que dans l'imitation de la belle nature
considéré la société reli- Frar
France,
n'ont pas assez
la société et voyez, dans les sociétés policées, ancien-
gieuse dans ses rapports avec po- v<
s'éloigner de l'imi-
n'étaient nés
nes et modernes, les arts
Ktmue d'autres écrivains, qui pas la
considéré la société tatic de cette nature perfectionnée, dans
tation
même politiques, ont institutions s'é-
men proportion que leurs
la société même
politique sans aucun rapport avec loignent de la nature de.la
loig
société constituée.
religieuse. Quand on traite de' la société ci- Je n'en excepte aucun peuple, pas même les
-vile, qui est la réunion de la société politi- n
qui, l'imagination encore pleine de
il' faut, sous Grecs,
bre<
que et de la société religieuse, société leurs rois, et de leurs héros,
leur
immortali-
peine de s'égarer, considérer la po-
saient, dans leurs chefs-d'œuvre, des temps
saie
lilique sous le point de vue de la religion, et des
d hommes qui n'étaient plus mais qui
point de vue
et la société religieuse sous le descendent souvent, dans les sujets même
des
du gouvernement politique; traiter, pour les plus relevés, à des imitations d'une na-
la
ainsi dire, la politique en théologien, et quel-
religion en politique. C'est un grand ou- turi excessivementfamilière, basse, et
ture
qu'ébaucher d'autres quefois
que ignoble, parce que leurs sociétés,
vrage que je n'ai fait san constitution n'étaient, au turbulents
fond, que
achèveront, et le trait lancé ne reviendra pas sans
des rassemblements fortuits et
en arrière. des de sociétés domestiques souvent dans 1 état
Une société constituée peut essuyer
crises qui ne détruiront pas le corps social sauvage.
sau
passagères dans un I
Le goût ou l'imitation de la belle nature
ce sont dès maladies i
robuste. Ces crises ne sont quelque-• ne se perfectionne chez les Romains, que
corps
fois que des moyens violents, que la nature, lor lorsque les institutions monarchiques pren-
à gouvernement qui ne nent
nei la place des institutionsdémocratiques,
lasse de parl'er un
veut pas entendre, emploie pour amener r Les
Le temps d'Ennius>et de Lucile sont ceux
des Saturnins le siècle
•quelque développement nécessaire de a
la des
de: Gracques et
politique dont a
la d'Auguste
û'1 est celui de Virgile et d'Horace.
constitution, quelque
société a besoin. Ainsi,
loi
dans un
débarrasse
homme bien
quelque-
ti Ce l serait,
de
ce me
littérature
semble, le sujet d'un
politique bien inté-
constitué, la nature se ouvrage
ou
des obsta- ressant, le rapprochement de l'état des
fois, par des maladies violentes, re: que
développement du
u arts
arl chez les divers peuples avec la nature
cles qui s'opposent au
progrès du tempérament. Il11 de leurs institutions, fait d'après les prin-
«orps, ou au cipes que je viens d'exposer. L'auteur trou-
pourrait arriver, par-exemple, que la France, ei| la mollesse des ins-
établît l'éducation n verait peut-être, dans
échappée à sa révolution, ve
perfectionnât lois sur l'im- titutions
tit politiques des Etats d'Italie le
publique et ses i-
politiques dont le développement 1t motif
m de l'afféterie qui domine dans leurs
pot, lois dureté militaire des insti-
la nature, a arts; dans la
l'univers. la
nécessaire, sollicité en vain par ar
la commotion terrible qui a ébranlélé tutions
tu des peuples du Nord, le motif de
produit litté-
la rudesse de leurs productions
politique profond, comme le médecin in raires;ra dans la constitution mixte de l'An-
Le
habile, peuvent, à des signes certains, con- n- g| gleterre, la cause de ces inégalités bizarres,
sublime et
naître l'approche des crises violentes du lu de dl ce mélange d'une nature
social du corps humain. Le symp- P- d'une
d nature basse et abjecte qu'on remar-
corps ou Il rejetterait le prin-
moins équivoque de celles dont le que
q dans ses poêles.
tome le imitations exagérées, de
politique est'menacé, est la décadence ce cipe
ci secret de ces
corps qu'on aperçoit
cette grandeur gigantesque
des arts et des mœurs. c
politique et reli-
li- dans
d les productions et jusque dans le ca-
Plus, dans sa législation espagnol, sur la constitution de
policée, qui connaît
ait ractère
r
gieuse, une société ou
société, où le pouvoir royal n'est pas
rapproche de la constitution ou cette
c
les arts, se limité par les institutions politiques;
plus, assez
de la nature perfectionnée des sociétés, l]S a n'oublierait pas surtout de remarquer que
dans leurs productions, les arts se rappro- -o- iil s'éloignaient de la nature
embellie 1les arts en France
la
chent de l'imitation de nature ou descendre à la
à pein-
in- noble et perfectionnée, pour
perfectionnée des objets qu'ils ont r
champêtre, enfantine, fami-
qu'aucune nature simple,
dre. La France était plus près me i
depuis la société politique pen-
naturelle les
des lière, que
autre nation de la constitution
1
chait vers la révolution qui devait la rame- choses dont la mesure est aussi convenable
ner à l'état primitif des sociétés naturelles. que l'excès en est ridicule; je passe sur ces
Ainsi la poésie peignait les jouissances des détails, qui paraîtraient peut-être-Trivoles,et
sens, plutôt que les sentiments du cœur ou je viens à un objet plus important, à l'état
l'Héroïsme des vertus publiques elle met- des femmes dans la société politique.
tait sur la scène les détails naïfs, bas, quel- Si je ne respectais les lecteurs de tous
quefois larmoyants, souvent obscènes, de les âges, à l'instruction desquels cet ou-
l'intérieur de la vie privée plutôt que le vrage est consacré, je ferais voir dans la
tableau des grands événements qui déci- Grèce,îa société naturelle ou l'homme na-
dent du destin des rois et de la fortune des turel, écarté de sa fin principale la propa-
empires, plutôt que la représentation dé- gation de l'espèce humaine par d'infâmes
cente et vraie de mœurs nobies et relevées. désordres, sur lesquels une poésie volup-
La peinture exprimait plus volontiers la fé- tueuse s'efforce en vain de jeter un voile;
rocité de Brutus que la magnanimité d'A- comme la société politique, ou l'homme so-
lexandre, L'architecture avait moins de cial, était écarté de sa fin par les institutions
monuments à élever que de boudoirs. em- politiques. Ces vice-s, inconnus à Rome, tast
bellir; et la. disposition d'esprit qui
même
que 1'institutio» monarchique y conserva
changeait un jardin, où l'art avait perfec- les mœurs, je tes y retrouverais lorsque les
tionné la nature en en disposant avec ordre institutions populaires ouvrirent la Ijce aux
les différentes beautés, en une campagne passions les plus monstrueuses je les re-
inculte et agreste sous le nom de jardin trouverais transmis avec les institutions et
anglais, devait bientôt remplacer la régula- les arts d'Athènes, datis les démocraties ita-
rité majestueuse d'une société constituée, liennes dumoyen âge; jeil'es retrouverais peut-
parle désordre et le délire des institutions être se glissant dans une société monarchique
politiques de l'homme. à la veille de sa dissolution source itrtaris-
La langue elle-même se ressentait de sablede réflexions profondes sur la- déprava-
l'approche de cette révolution. En vain tion de l'homme, de cet être inexplicable à-
quelques bons écrivains se roidissent contre la philosophie, de cet être qu'elle outrage,
une dégénération dont le temps a révélé le qu'elle honore quelquefois lorsqu'elle n'en?
principe, la Inngue française, la langue de fait qu'un animal! Je l'ai dit ailleurs c'est
Fétielon et de Racine, de Bossuet et de Buf- par l'état social des femmes qu'on peut tou-
fon cette langue simple sans bassesse et jours déterminer la nature des institutions
noble sans enflure harmonieuse sans fati- politiques d'une société.
gue, précise sans obscurité, élégante sans En Egypte, où était le type de la consti-
afféterie métaphorique sans recherche tution, les lois soumettaient les maris à
cette langue, la véritable expression d'une leurs femmes en l'honneur d'Isis chez les
nature perfectionnée,de venaitbrusque, dure, Germains, où nous avons retrouvé les lois
courte, sauvage, hyperbolique, parce qu'il fondamentales de la constitution,, Fopinien
fallait, disait-on, que la langue fut pensée, fût faisait des femmes des êtres au-dessus de
sentie, forte, pittoresque comme la nature, l'humanité; chez tes peuples dont les con-
C'est à l'imitation de la belle nature que naissances étaient bornées, et les habitudes
la langue, les arts et les manières françaises guerrières et féroces, la nature exagérait U
devaient la supériorité qui les faisait, même sentiment, pour mieux protéger la faiblesse
dans leur dégénération, admirer et copier
et, pour le dire en passant, ce quelapMlo-
de toute l'Europe parce qu'en tout genre, sophie appelle, dans
les enfants', les femmes
ce qui est dans la nature'la plus parfaite est ou le peuple, préjugés, superstitions, n'est
nécessaire, et si l'homme peut en retarder
autre chose qu'une exagération de sentiment,
tes progrès il ne saurait en arrêter le dé-
veloppement.
par lequel la nature supplée à la faiblesse de
l'esprit pour assurer la pratique d'un prin-
Les moeurs déclinaient avec les arts, elles cipe important,
ou établir la foi d'une vérité
déclinaient avec la constitution. Je ne dirai essentielle. Et c'est
ce qui fait que la philo-
pas que dans la manière de se vêtir ou'de sophie, qui éteint le sentiment, et veut tout
se loger la nature libre et, sans gène rem- faire avec la raison, d'un homme instruit
plaçait la nature embellie et perfectionnée fait un pédant qui étouffe ses sentiments na-
que la familiarité, la commodité, bannis- turels pour faire parade d'une raison dé-
saient la dignité, la décence extérieure placée d'une femme oa d'unenfant,,fail des
êtres ridicules qui veulent mettre une force la constitution
co politique de la société. La
femm secoue elle-même le joug. des mœurs
de raison qu'ils n'ont pas, à la place de sen- femme
timents qu'ils doivent avoir; et du peuple décentes,
décer les mœurs cessent de la protéger,
fait un monstre qui n'a ni raison ni senti- les lois li mêmes l'oppriment, et l'on porte
ment, parce que le sentiment est la raison contre contr elle la loi du divorce: L'homme re-
du peuple, comme on peut dire, à certains jette le frein du pouvoir; le pouvoir cesse
égards, que la raison doit être le sentiment de le protéger, le pouvoir même l'opprime,
des rois. Je rentre dans mon sujet. l'o porte contre lui les lois révolution-
et l'on
naire Dans le même temps et chez le
Dans nos monarchies modernes, et parti- naires.
culièrement en France, l'opinion n'attri- même mêm peuple, une philosophie orgueilleuse
buait aux femmes rien du divin, mais les veut ramener la religion sociale à la reli-
mœurs en faisaient des divinités et tel était gion
naturelle; une philosophie sensuelle
le respect public à leur égard, que la poli- ne considère
co plus les femmes sous des rap-
tesse française donnait la même qualification ports sociaux, mais sous des rapports pure-
à 1'épouse du monarque, et à la femme du ment ment naturels; une philosophie séditieuse
dernier sujet. ramê la société civile à l'état féroce et
ramène
Cette identité, sur le même objet, entre sauvage
sauv, des sociétés naturelles.
les mœurs des Egyptiens, des Germains et Qu'on
Q« ne s'effarouche pas de ce rappro-
des peuples monarchiques modernes, a une chement chen d'idées, en apparence si disparates.
cause, et il ne faut pas la chercher ailleurs C'est ce mélange inexprimable de religion,
que dans la constitution de ces sociétés. de galanterie
g; et de fidélité à l'Etat qui for-
La nature, qui ordonne tout avec sagesse, mait le caractère de l'antique chevalerie
et pour la conservation des deux sexes, ré- institution
insti sublimé que la nature avait
prime la force destructive de l'homme par adaptée adap aux besoins d'une société naissante,
le frein du pouvoir, et met la faiblesse de et qu'elle ql saurait encore proportionner à ses
la femme sous la sauvegarde du respect. développements
déve et à ses progrès, si les
Elle contientl'homme par le pouvoir, parce souverains
sou\ daignaient réfléchir à cette vé-
que le pouvoir est empire et force comme rité ritépolitique Que dans une société cons-
l'homme elle protége la femme par les tituée titué tout ne peut pas se faire avec la force
mœurs, parce que les mœurs sont persua- et de dl par le roi que le moral dans l'homme
sion et douceur comme la femme. Des lois est quelque c chose que ce ressort puissant
positives en faveur des femmes, déjà fortes se .< .dirige contre les gouvernements, s'il
des avantages que la nature leur donne, en n'est n'es pas dirigé par eux et pour eux; que
feraient des tyrans; comme en Orient, des ce ressort n n'a de force que par la résistance
moeurs différentes, malgré les avantages de qu'on qu'o lui oppose, ni d'utilité que par la di-
la nature, ou à cause de ces avantages rection rect qu'on kii donne; et que, pour ac-
mêmes, en font des esclaves. croître
croî sa force et diriger son action, la re-
Ce respect pour les femmes, qui tient à la ligion
ligi< est bien supérieure à la philosophie.
nature de la société ou de l'homme social, En effet l'homme est esprit, cœur et sens,
mêlé à un sentiment pour elles qui tient à intelligence
inte ou volonté, amour et force. La
la nature de l'homme naturel, forme entre religion,
relij en subjuguant l'esprit et maîtri-
les deux sexes ce commerce, appelé galan- sant sanl les sens, concentre toute la force mo-
terie, où la force de l'homme devient com- rale de l'homme dans son cœur, qu'elle
plaisance et trop souvent faiblesse, et où la nourrit
nou en lui ordonnant d'aimer, qu'elle
faiblesse de la femme devient empire et dirige diri en fixant à ses affections des objets
quelquefois tyrannie. légitimes
légi elle fait donc des hommes sensi-
ble; et vertueux; car l'homme est sensible
On:a a remarqué plus haut l'influence de la bles
forme de gouvernement sur les arts on en aimant, et vertueux en n'aimant que ce
qu' doit aimer. La philosophie, au con-
peut remarquer ici l'influence de la religion qu'il
sur les mœurs et sur la constitution. traire,
trai en laissant aller l'esprit et laissant
fair les sens, dessèche le cœur en l'épui-
Le libertinage d'esprit porte atteinte aux faire
principes fondamentaux d'une religion so- sant, san et porte toute la force morale de
cials; bientôt le libertinage des sens bannit l'homme
l'hc vers son esprit qu'elle ne veut pas
une galanterie décente qu'on peut appeler bor borner, et vers les sens q.u'elle ne veut ni
le culte extérieur des mœurs honnêtes un ne peut maîtriser et selon que
l'esprit et
fanatiques
délire républicain ne tardera pas à attaquer les sens dominent, elle fait des
WVUltt. JPAlil. I» rUUY. 1 UJLjinvjuix îjii. il. ooi
ou des scélérats;, et quelquefois tous les riosilé elle conserve le cœur en fixant sa
deux ensemble; car on est fanatique par légèreté; elle conserve lés sens en bornant
l'exagération de V esprit, et scélérat par le leur usage et prévenant leur dérèglement.
dérèglement des sens. La vertu est donc La philosophie, en épuisarit le cœur détruit
dans le cœur, ou dans des affections diri- le pouvoir, éteint la faculté d'aimer, seul
gées, le fanatisme dans l'esprit, ou dans des ressort de l'homme, et met les sens ou la
opinions exaltées et la scélératesse est dans force sous la direction immédiate d'une vo-
les sens, ou dans des actions hardies. Cette lonté dépravée. Dès lors, elle fait des hom-
distinction est juste; et l'on remarque en mes vicieux par le déréglement des sens, et
effet, que l'héroïsme de la vertu se joint elle fait des athées par l'extinction de la fa-
presque toujours à Ja candeur, c'est-à-dire, culté d'aimer car la foi de la Divinité est
à une certaine simplicité dans l'esprit; l.e sentiment en nous, et non opinion. La re-
fanatisme des opinions, à l'insensibilité du ligion laisse chaque faculté à sa place; elle
cœur; et la scélératesse, à la perfection des se borne à communiquer le mouvement au
sens ou à la force physique. L'esprit, le premier moteur; elle éclaire l'intelligence;
cour, (es sens, voilà l'homme et tout l'homme; l'intelligence guide la faculté d'aimer, celle-
c'est en réunissant la perfection de ces trois ci se manifeste par les moyens extérieurs
facultés, la justesse et J'étendue de l'esprit, la religion éclaire la volonté, la volonté rè
j'élévfltion et la sensibilité du cœur, et la gle le pouvoir, le pouvoir dirige la force;
perfection des sens ou la force physique, c'est-à-dire, que la religion éclaire l'esprit,
ccelir règle les
que la nature forme dans. Je silence ces l'esprit dirige le cœur, le
hommes extraordinaires, qu'elle réserve à sens. Cette théorie explique l'homme, ex-
de grands desseins, qu'elle a marqués pour plique la société, explique la religion
être pouvoir, et qu'elle envoie, quand il est même; sans .elle, j'ose le dire, tout n'est
temps, ou former, ou rétablir une société. qu'incertitude, système dans l'homme na-
Si forte virumquem
turel et l'homme social, dans l'homme mo-
onspexere, silent. ral et dans l'homme, physique telle est le
(Virg., MneiiX.h. i, vers. Ibb.) fondement de la politique et de la théolo-
L'esprit, le cœur, le corps intelligence, gie,, c'est-à-dire*de la science de la société
politique et de la société religieuse. Fai-
amour, sens extérieurs; volonté pouvoir,
force, voilà l'homme, ou la société en abrégé: sons-en une application qui porte sur
et si l'on se rappelle mes priaci j es sur les l'homme, sur la société, sur la religion à la
opérations et le concours de ces trois agents fois. J'ouvre l'histoire de l'Europe chré-
dans la société, on pourra en faire à l'homme tienne, j'y vois de grands crimes mais j'y,
et fréquemment des remords violents,,
une application exacte. En effet, la volonté vois actions
dans l'homme ou son esprit est tout inté- s'? des expiatoires, de grandes vertus
rieur ou moral; les sens ou la force sont sociales, c'est-à-dire, des vertus religieuses
tous extérieurs ou physiques; le cœur ou le et politiques; j'y vois de l'héroïsme dans
pouvoir tient à l'un et à l'autre; car, si les les fautes, de l'héroïsme dans le repentir.
inclinations du cœur doivent être dirigées Voilà l'homme,, me dis. -je,, l!homme dé la
par l'esprit ou la volonté, ses affections sont religion. C'est son. cœur combattu^ déchiré
nécessairement manifestées par la force ou entre la volonté dépravée de l'homme,, et sa
religion. de, recon-
par les sens. La philosophie déprave et con- volonté éclairée par la
sume toutes les facultés de l'homme, en ne nais l'une à ses erreurs,, et. l'autre à ses re-
réglant pas l'usage qu'il dojt en faire: elle mords. Si je vois les crimes que la religion
exalte l'esprit en permettant à ses recher- n'empêche pas, je vois aussi, les, vertus
ches les objets auxquels il ne peut pas at- qu'elle produit. Tout n'est pas perdu, puis-
teindre elle épuise le cœur, en livrant à que, emporté- par. s.a. passion naturelle, la
ses affections les objets qu'il ne doit pas passion de dominer», l'homme public, obéit
aimer; elle dérègle les sens, en laissantà au frein de la.religiou qui le ramène.
leur usage tous les objets dont ils ne doi- Je parcours les fastes de l'Europe philor
vent pas user, La religion, au contraire, sophe à travers le voile transparent des
conserve toutes ses facultés en réglant leur événements, je découvre des horreurs cal-
usage, et accroit leur force par l'utile résis- culées, des forfaits raisonnes, de sombres
tance qu'elle leur oppose. Elle conserve l'es- et affreuses vengeances, des machinations,
prit en arrêtant sa vaine et impuissante cu- infernales.
que je ne fais que soupçonner. L'amour de
Et des crimes peut-être inconnus aux enfers.
(Racine, Phèdre.)
l'homme n'est plus dans le cœur, où la reli-
Voilà l'homme de la philosophie, me dis-
gion l'avait placé; il en est sorti avec elle.
je ce sont les crimes de son esprit dépravé.
C'en est fait le bonheur de la société* la
Le cœur s'emporte et éprouvedes remords; conservation de l'espèce humaine ne sont
l'esprit combine, et ne peut éprouver de re- plus qu'une opération de l'esprit, un
gret que celui d'avoir mal combiné. Les for- problème.
faits que je vois me font frémir sur ceux
LIVRE V.
SOCIÉTÉS NON CONSTITUÉES.
son
i
par
]
et de goût sur le Toi/agë en Danemark,
M. Coxe, dont il a donné la traduction,
bouillant de courage et de fanatisme lee «< le pouvoir du prince était limité par les
despotismeusé des empereurs grecs ne peut it droits
< de la noblesse et duclergé; » c'est-
résister au despotisme des sultans dans laa à-dire,
l que le pouvoir social ou général
crise de son développement. Constantinn était
< constitué, puisqu'il était défendu et
Paléologue illustre en vain, par une défensee limité
] par les professions générales ou
glorieuse, les derniers moments de son n ssociales.
règne il se fait tuer sur la brèche l'em- La couronne était alors héréditaire, oa du
pereur et l'empire, tout périt à la fois etit moins
i élective dans la famille. Mais, par une
Constantinople devient le siége de la domi- i- suite
s de circonstances malheureuses, la sue-
nation ottomane et le centre d'un Etat des- i- cession
i héréditaire, ce rapport nécessaire
potique, si on le compare aux monarchies is dérivé
t de la nature des êtres, cette loi poli-
chrétiennes. tique,
t conséquence nécessaire de la loi fon*
Malgré les déclamations de quelques écri- damentale
( de l'unité de pouvoir, et fonda-
vains qui ont peint des couleurs les plusis mentale
i elle-même, n'avait pu se conserver
odieuses la révolution de 1660, qui détrui- dans
i cette société. Le pouvoir général n'y
sit, en Danemark, le pouvoir particulier duu iétait donc pas constitué et parce qu'il
sénat, pour élever sur ses débris le pou- n'était
r pas constitué, il n'était ni défendu
voir général de la société, le despotisme e i limité et parce qu'il n'était ni défendu
ni
de droit n'existe pas plus dans la constitu- r limité, il était fréquemment usurpé et
ni
tion du Danemark que le despotisme de faitit quelquefois
c oppresseur. Le même règne vit
n'existe dans son administration. Il suffit,t, i exemple mémorable de tyrannie et d'u-
un
pour s'en convaincre, de rappeler les faits;s surpatiôn.
£ Christiern le Néron du Nord,
historiques, et d'en montrer l'accord parfaitit ffut un tyran qui n'exerça que &on pouvoir
particulier le sénat qui le déposa fut un avait
ai ses enfants; mais Vunivers n'avait pas
usurpateur, qui exerça aussi son pauvoir de citoyens.
d<
particulier car il faut observer que l'auto- Le danger qui menaçait Copenhague fit
rité royale était à tel point anéantie en Da- taire
ta toutes les volontés particulières, ces-
nemark, que, par un article des conditions se tous les pouvoirs particuliers, et réunit
ser
que le sénat faisait signer au prince auquel toutes
te les forces individuelles. Le roi devint
il déférait le vain titre de roi, conditions donc
dc le pouvoir général conservateur, Agent
toujours plus dures à chaque changementde d< la volonté générale conservatrice, direc-
de
règne, le cas de la déposition était prévu, te de la force publique conservatrice. La
teur
et le monarque y était expressément soumis. société
s< danoise,renfermée tout entière dans
Dès que le roi ou Je sénat exerçaient le lec. murs de Copenhague, fut donc consti-
les
pouvoir particulier, il n'y avait plus de pou- tuée
U et par cela même, elle acquit toute la
voir général dans la société car le pouvoir force
fc de résistance et de conservation dont
général et le pouvoir particulier ne peuvent elle
el était susceptible. Aussi la bravoure des
exister ensemble dans la même société. vvieux héros de la guerre de trente ans
Une société soumise à des pouvoirs parti- échauffés
éi par la présence d'un des plus
culiers est une société non constituée; elle grands rois qu'ait eus la Suède, cette socié-
gi
est donc dépendante des autres sociétés, té qui compte parmi ses monarques tant
té
soit par le besoin de les détruire, soit par la dd'hommes extraordinaires,ne put triompher
crainte d'en être détruite; c'est-à-dire qu'elle d' la courageuse résistance des habitants de
de
a un principe d'agression, et qu'elle n'a au- Copenhague; et Frédéric III recueillit le
C
cune force de résistance et de conservation. fruit
fr du calcul politique que doit faire tout
Le Danemark .fut donc guerrier et .même prince,
p dans une situation en apparence dé-
conquérant, et malgré la nature, il assujettit sespérée, do défendre avec hauteur, avec
s<
sions, qui ont si longtemps ébranlé l'em- Montesquieu, «il n'y a point de lois fonda-
pire, » dit le traducteur de M. Coxe,« ont été mentales,
l il n'y a pas non plus de dépôt des
apaisés par l'attente bien fondée de voir un Ibis
1 de là vient que, dans ces pays-là, la
ordre régulier de succession héréditaire éta- religion a ordinairement tant de force. La
bli dans la famille impériale actuelle. » Cet religion
J a plus de force dans ces Etats que
immense empire ne pourrait, sans danger dans
( aucun autre c'est d'elle que les peu-
pour ses voisins et plus encore pour lui- ples
1 musulmans tirent le respect étonnant
même, subsister longtemps sans constituer qu'ils
( ont pour leur prince. »
son pouvoir. Pierre 1" a fondé un empire II est vrai qu'en Turquie la succession est
le plus grand deses successeurs, Catherinell, fixée
f dans une famille particulière mais il
peut faire davantage, elle peut constituer ifaut observer que, dans ces pays, une famille
une société. C'est à son génie que la nature ine peut être une propriété pour la nation,
commet le soin de fixer le destin de la Rus- comme elle l'est dans les nôtres; puisqu'à
<
sie, et peut-être celui de l'Europe. Une so- cause de la polygamie, elle n'en est pas une
ciété, telle que la Russie, non constituée, pour
] le père ui-même, qui, loin d'aimer sa
s'est-à-dire travaillée d'un principe inté- famille,
i peut à peine la connaître. « Ces prin-
rieur d'agression et du besoin de s'étendre, ces ont tant d'enfants qu'ils ne peuvent ja
menace d'un grand danger la tranquillité mais avoir d 'affection pour eux. » {Esprit des
lois.) Ces Etats n'admettent pas non plus de tales ce n'est donc qu'une forme extérieure
distinctions héréditaires, parce que les ré- de gouvernement, déterminée par quelques
voltes qui y sont fréquentes, à cause de la lois politiques. Mais, parce que la religion
grandeur démesurée cft l'empire, y devien- est la loi fondamentale de ces Etats; la loi
draient aussi plus dangereuses, si elles politique, qui veut qu'on consulte l'uléma, ou
trouvaient des chefs accrédités par une exis- les ministres de la religion, dans Jes affaires
tence politique et des honneurs indépen- importantes, est une loi religieuse et politi-
dants du souverain. Non-seulement il n'y a que tout à la fois, qui dérive nécessairement
pas de distinctions permanentes dans les de la loi fondamentale, et qui est fondamen-
Etats despotiques, mais il ne peut pas y en tale elle-même. « Dans ces Etats où il n'y a'
avoir parce que le despote n'exerce que point de lois fondamentales, la succession à
son pouvoir particulier, qu'un pouvoir par- l'empire ne saurait être fixe. Chaque prince1
ticulier ne peut agir que par une force par- ayant une égale capacité pour être élu# if
ticulière, et qu'une force particulière ne arrive que celui qui monte sur le trône fait
saurait être permanente et héréditaire car d'abord étrangler ses ffères, comme en Tur-
il n'y a de permanent et héréditaire que ce quie, ou lés fait aveugler, comme en Perse,
qui est général et social. ou les rend fous, comme au Mogol. » (Es-
C'est parce que les despotes n'ont pas au- prit des lois.) Ce sont de véritables lois po-
tour d'eux l'enceinte que forment les dis- litiques, dans ces Etats; et elles sont contre
tinctions et les rangs qu'ils sont obligés d'é- la nature de l'homme, parce que le gouver-
lever entre eux et leurs sujets la barrière nement despotique est contre la nature des
de l'invisibilité. Ce n'est pas qu'ils les re- sociétés.
doutent plus que les autres princes ne re- Si les Etats despotiques ne sont pas cons-
doutent les leurs tout souverain se per- titués, ils sont donc guerriers et conqué-
suade volontiers qu'il est l'objet de l'amour rants, et ils sont eux-mêmes aisément con-
et de la vénération de ses peuples mais, quis.
comme le despote est le centre et l'unique Ce serait 'cependant une grande erreur
dispensateur de toutes les grâces, de tous d'assimiler le gouvernementottoman au gou-
les emplois, de toute existence politique; vernement des anciens empires de l'Asie.
qu'il peut d'un sourire, ou d'un signe de « Le despotismeabsolu du Grand-Seigneur,»'
tête, faire un ministre ou un gouverneur de est-il dit dans la Politique des cabinets de
province; s'il vivait au milieu de ses sujets l'Europe, « est une erreur ancienne que la
avec la familiarité et l'affabilité de nos prin- constitution ottomane n'avoue pas. Le pou-
ces, il serait en butte aux demandes les plus voir de ce prince est grand, sans doute; en
déplacées, et aux sollicitations les plus im- tout où la loi n'est pas expresse, sa volontô
portunes. Nos rois n'ont rien de pareil à re- y supplée mais cette volonté n'est pas si
douter grâce aux distinctions établies, ils indépendante, qu'elle ne doive avoir l'aveu
ont des convenances impérieuses, ou, pour des ordres de l'Etat, entre lesquels l'uléma
mieux dire, des lois à suivre dans la distri- est le plus nécessaire; parce que l'empire
bution des emplois publics, et ils peuvent devant sa naissance,son accroissement et ses
être accessibles sans être importunés. progrès à la religion, celle-ci a dû et doit
Le pouvoir particulier du despote n'est encore faire le pivot principal sur lequel
donc limité que par la religion et si elle porte toute la machine du gouvernement. »
ne peut en réprimer les excès, la limite se Les fiefs mêmes d charge de service militaire-,
trouve naturellement dans la force armée, ou sont connus en Turquie. « La richesse de
dans l' insurrection populaire c'est-à-dire tout ce qui est connu sous le nom de Ré-
que le pouvoir particulier de l'armée, ou gial. consiste dans des bénéfices militaires,
celui du peuple, limité le pouvoir particu- qui exigent une prestation de services, ou
lier du despote et parce que cette résistancei,. de secours en cas de guerre. » (Ibid.) C'est
ne consiste pas dans une force d'inertie, mais une limite au pouvoir du sultan r et si l'oa
dans une force très-active, elle agit toujours connaissait mieux l'intérieur de ces cours
sans mesure, comme elle agit toujours sans silencieuses, on apercevrait peut-être d'au-
raison. tres limites à la volonté du despote, dans les
Il n'y a donc pas de pouvoir général dans prérogatives de certaines places, ou dans
les Etats despotiques, il n'y a donc pas do quelques habitudes d'administration, aux-
constitution politique, pas delois fondamen-' quelles l'usage, dans ces gouvernements
–
SOC,-THEORIE DU tJUtU'r. r~
POUVOIR. PART. I. POUV. POLITIQUE. L1V. V W
lois..
345 rr~m.
a~a .ART. I. ECONOM.
de loi. Et r« ni nAi»i
enfin, e celui
et n\\à\\
mniqui mi'îl n'a d'autres inté-
t>\ qu'il
obéit, et înté-
routiniers, a donné force
“ ï
avec lui que des intérêts po-
de mots, peut rêts à démêler
ppurle caractériser en peu on r<
lieu que les membres du patri-
dire qu'il est plus despotique par les mœurs h
litiques au
les ciat helvétique, distingués par leurs fonc-
que par de l'Etat, ta
tions politiques des sujets ne
individuelles,
CHAPITRE II. sont
s. pas par leurs professions
à tout
e sorte que le sujet peut se trouver,
en
ARISTOCRATIES. moment, en concurrence avec le
souverain,
n
J'entends par aristocraties les gouverne- dans d les affaires civiles, comme mariages,
nombre quelconque de familles acquisitions,
a commerce concurrence aussi
ments où un
jouit héréditairement du droit de gouvernerr fâcheuse fi pour l'amour-propre, qu'elle peut
préjudiciable à l'intérêt personnel.
l'Etat ce qui n'est autre chose que d'y exer- être ê
pouvoir particulier. Ainsi dans quelques cantons, où un cer-
cer son tain
t nombre de familles appelées par excel-
Il est évident que cette définition peut t
familles de l'Etat, jouissent de la fa-
convenir à Zurich comme à Venise, à Berne3 lence 1
leur pouvoir, au nom et à la
à Genève à Lucques; cuité d'exercer
comme à Gênes, comme
s
c
place de celui du reste des citoyens, tout ce
et il semble qu'on pourrait distinguer les 1
aristocraties en aristocraties nobles, et enn qui c n'est pas de l'Etat ou souverain est
mais privé non-seulement des avantages politi-
aristocraties bourgeoises en y regar- 1
près, voit toutes les ques, mais même de certains droits naturels.
dant de plus on que s (
citoyen-sujet ne peut exercer son indus-
aristocraties sont nobles. Car si la noblesse e Le 1
ques de tous les ordres de l'Etat, ne per- est ( tout entière l'ouvrage de l'homme la
mettaient pas d'alléguer des motifs (1). 1nature n'y est pour rien. Aussi elle fait de
(1) On ne parviendra jamais à obscurcir ces deux infortuné n'eût peut-être été que trop loin dans sa
vérités l'une, que Louis XVI voulait faire le bon- bienfaisance et tel était le torrent de certaines opi-
heur de son peuple, lorsqu'il assembla les états gé- nions, que, selon toutes les apparences, la constitu-
néraux Vautre, que tous les ordres de l'Etat étaient tion eût été sacrifiée à la philanthropie.
disposés à le seconder de tous leurs efforts. Ce prince
viduel,rien n'y est social il n'y a pas mêmee membres d'une confédérationoù l'aristocra-
de vestige des lois fondamentales. tie domine, et dont la forme est garantie par
La France s'érige en démocratie, et s'élèvee d'autres puissances. C'est toujours hors
en un instant au plus haut période de dé-i- d'elles-mêmesqu'il faut chercher le principe
sorganisation auquel une société puisse at- de leur conservation, c'est-à-diro leur pou-
teindre les Etats-Unis avaient toléré touss voir conservateur.
les cultes; malgré quelques décrets hypo- Ainsi les petites aémocraties de la Suisse,
crites, la France les proscrit tous, et pourr des Provinces-Unies, de l'Allemagne, sont
mieux anéantir la religion, elle en massacree tenues en respect par les membres les plus
les ministres. Les Etats-Unis avaient abolii puissants de la confédération.
la royauté; la France va plus loin elle faitt Ainsi les petites républiques de Lucques,
• périr le roi, et par la honte de sa mort, ellee Raguse et Saint-Marin, qui, ne pouvant guer-
veut étouffer jusqu'à la compassion (1). Less royer au dehors, pourraient être travaillées
Etats-Unis avaient anéanti les distinctions de dissensions intestines, ont dans lesgrau-
la France détruit les familles distinguées. des puissances des protecteurs qui, au he~
Les Etats-Unis avaient respecté la croyance3 soin, deviendraient Jeurs maîtres.
de la Divinité; la France l'anéantit, et sess Les Etats-Unis de l'Amérique ont, dans
tyrans décrètent qu'elle existe, comme sii la crainte des Anglais ou dans celle des
Dieu était l'ouvrage de l'homme. Les Etats- sauvages, un motif de conserver la traju-
Unis avaient respecté l'homme, et le sang quillité au dedans, ou un moyen de l'y ré-
n'avait coulé que sur le champ de bataille; tablir.
la France détruit l'homme de tout âge, de3 Les grands cantons de la Suisse, Venise,
tout sexe, de toute profession, de tout parti, Gênes, verraient les grandes puissances in-
et par tous les moyens de destruction queî terposer, dans leurs troubles ou leurs dé-
peut fournir l'art ou la nature. Les Etats- bats, une médiation efficace.
Unis avaient respecté la propriété; la France2 On verrait encore aujourd'hui l'Angleterre
anéantit la propriété même, en dépouillant,» et la Hollandese disputer l'empire des mers,
en égorgeant les propriétaires. C'en est fait; si dés puissances intéressées ne mainte-
la coupe de la destruction et du malheur naient chez la dernière des formes monar-
est épuisée, la royauté et le roi, le culte ett chiques, qui, modifiant les institutions po-
ses ministres, les distinctions et les person- pulaires, y compriment les passions répu-
nes, la propriété et les propriétaires, l'hom- blicaines, et assurent ainsi le repos des deux
me, Dieumême, la France a tout détruit. nations et celui de l'Europe.
Voyez comment les chefs profondément
CHAPITRE IV. habiles de la démocratie française, connais-
sant le besoin d'une haine nationale pour
OBSERVATIONSGÉNÉRALES SUR LES RÉPU-
BLIQUES.
cette démocratie naissante, et te parti que
son gouvernement peut en tirer dans la
Il semble, à voir l'état florissant et tran- suite, lui désignent l'Angleterre par leurs
quille des républiques modernes, que mes déclamations emportées et leurs féroces dé-
principes sur le vice intérieur des sociétés crets, et donnent ainsi à leur Rome une
non constituées ne peuvent leur être appli- autre Carthage.
qués; puisqu'au lieu d'être guerrières et Nullus amor populis, nec foedera sunto.
conquérantes, elles jouissent de !a paix la (Yirg. JSneid., lib. iv, vers. 624.
plus profonde, et qu'on pourrait même re- On dit aux peuples que des rivalités entre
procher à quelques-unes un amour du re- des < ministres ont produit de longues guerres
pos, voisin de la faiblesse, et peu compatible entre< les rois; mais on ne leur dit pas que,
avec la dignité et la considération qu'une pour ] armer une république contre une
société, quelles que soient ses forces, doit autre,i il ne faut qu'une querelle de pâtres,
être jalouse de maintenir. (ou une concurrence de marchands.
La réponse est aisée, et fournira mes On ne leur dit pas que, si la vanité et la
principes de nouveaux développements. mode
i font des militaires dans les monarchies,
Toutes les républiques modernes sont sous dans ( les républiques la passion de dominer
Ja dépendance ou la protection de droit ou ffait des guerriers.
o-
de fait de quelque grande puissance, ou sont
1.-
(l) Deformitas exitus misericordiam absliilerai.
On ne leur dit pas que la guerre la plus
(Tacit.,
#11*. >– u:
Hht., ni, on
85.)
-,¡,-
heureuse compromet la félicité d'un roi et tives,
t qu'il plaît à Montesquieu de regarder
la prospérité de son Etat; et que, dans un comme
( étemelles, le dernier Européen eût
Etat populaire, la guerre la plus malheu- cdepuis longtemps expiré sur cette terre fé-
reuse ouvre des chances favorables à l'am- conde où deux cent millions d'habitants
bition des chefs, et préserve l'Etat du danger j c
jouisent de tous les avantages d'une reli-
plus grand des divisions intestines. gion
| bienfaisante, et de gouvernements mo-
Les républiques n'existent donc pas par dérés.
c
«Iles-mêmes, et indépendamment des mo- Quel aliment à des guerres interminables,
narchies et soit qu'elles redoutent un en- cque la possession ou le commerce de l'Asie,
nemi, qu'elles ménagent un co-Etât confé- de
c l'Afrique et de l'Amérique, si les répu-
déré, qu'elles respectent un protecteur ou 1bliques avaient besoin de motif pour guer-
des lois. « Comme une certaine confiance àdévasterait, elle subjuguerait, e,lle dévore-
fait la gloire et la sûreté d'une monarchie, rait
r l'Europe. Puissante comme Rome, et
il faut au contraire qu'une républiqueredowte dépendante
d comme elle elle ne pourrait
quelque chose. La crainte des Perses main- eexister sans détruire les autres sociétés, ni
tint les lois chez les Grecs; Carthage et subsister
s après les avoir détruites.
Rome s'intimidèrent l'une l'autre et s'affer- Qu'étaient auprès des avantages physi-
mirent. Chose singulière! plus ces Etats ques de la France les faibles commence-
Ç,
( 1 ) On n'ignore pas les avanies que les nations ( 2) Aperiet et recludet contecta et tumescentia
commerçantes endurent à la Chine et au Japon, vulnwa bellum ipsum. (Tacit., tJisi., lib. u, 77.)
pour obtenir la permission d'y commercer.
sort de l'individu est quelquefois plus heu- variable
v et si incertain, puisqu'il met d'un
reux dans les républiques, qui procurent à côté
c la politique des ministres, et de l'autre
l'homme, en bien-être et souvent en licence,» les volontés de la nature. Ces vérités peu-
li
ce qu'elles lui ôtent en liberté. La repu- vent
v être géographiquement démontrées;
blique est comme un homme d'un tempé- 3° Que la destruction de la monarchie
rament faible, qui vit de régime; et trop française entraînerait inévitablement et pro-
fi
souvent la monarchie est un homme d'une cchainement la destruction de toutes les ré-
constitution vigoureuse qui se permet des publiques
p de l'Europe; en sorte que les ré-
excès. publiques
p sont bien plus intéressées que les
Mais ce bonheur, ou plutôt ce bien-être monarchies
n à rétablir en France la constitu-
qu'on goûte dans quelques républiques, tition monarchique. L'état de la Pologne, de
c'est aux monarchies qu'elles le doivent. En la1 Hollande et de quelques parties de la
effet, si le régime populaire existe dans les SSuisse offre la preuve de cette assertion.
petits Etats, et le despotisme dans les Etats Je terminerai cet article par un parallèle
d'une grandeur démesurée, c'est par la même ue a la monarchie et de la république, qui
raison que le régime municipal existe dans ssera comme l'analyse de tout ce que j'ai dit
les cités d'un empire. Les républiques sont sur s ces gouvernements.
des fractions des sociétés monarchiques en Dans la monarchie, tout est social, reli-
général, comme les cités sont des fractions gion,
g pouvoir, distinctions.
d'une société monarchique particulière; le Dans l'Etat populaire, tout est individuel
régime républicain peut convenir au petit chacun
c a sa religion, chacun a son pouvoir;
nombre des citoyens, comme le despotisme chacunc veut se distinguer ou dominer par
au nombre excessif des sujets. Mais ni l'un sess talents ou.par sa force.
ni l'autre ne convient à la nature des so- Dans la monarchie, parce que le pouvoir
ciétés car la nature ne veut pas qu'une so- este social, sa limite est dans les institutions
ciété soit oppressive, et qu'une autre soit sociales.
s
opprimée elle ne veut pas que l'une soit trop Dans la démocratie, parce que le pouvoir
puissante pour être contenue, et l'autre trop est
e individuel, sa limite est dans l'homme.
faible pour pouvoir se défendre la nature La monarchie considère l'homme dans la
veut que les sociétés soient libres et indé- société,
si ou membre de la société, ou l'homme
pendantes sous l'empire des lois fondamen- social:
s>
tales', comme elle veut que l'homme soit La république considère l'homme hors de
libre et indépendant sous l'empire des lois la h société ou l'homme naturel.
religieuses politiques et civiles or la Et comme la société est faite pour l'homme,
plus grande société républicaine est, en Eu- ete l'homme pour la société, la monarchie
rope, dépendante, comme la plus petite; qui q considère l'homme dans ses rapports
l'Allemagne a besoin, comme Genève, que avec a la société, convient à l'homme et à la
des monarchies étrangères garantissent sa société.
s<
constitution, c'est-à-dire maintiennent sa Et la république, qui considère l'homme
tranquillité. Il suit de là sans
s. rapport avec la société, ne convient ni
1° Que des républiques ne sauraient sub- à la société ni à l'homme.
sister indépendantes, et qu'elles sont dans Et si, au centre de l'Europe, au sein de (a
un état continuel d'agitation,jusqu'à ce que civilisation,
c lorsque tous les principes au-
l'invincible nature ait repris son empiré, r<ront été attaqués par une fausse philosophie,
c'est-à-dire, que toutes les sociétés non t<tous les devoirs ébranlés par l'intérêt, tous
constituées tiennent de la nature une ten- 1< les liens relâchés par l'égoïsme, une grande
dance à se constituer, ou à former une véri- société
s< passe tout à coup de la plénitude
d la constitution à la démocratie la plus
table société, parce que la société constituée de
est dans la nature des êtres; ppopulaire, comme cette révolution sera sans
2° Que les sociétés ne peuvent tendre à se exemple,
e les effets en seront inouïs.
constituer, sans faire effort pour se placer Tout y sera détruit à la fois lois fonda-
dans les bornes que la nature leur a assi- mentales,
n lois politiques, lois religieuses,
gnées c'est l'opposition réciproque à cette 1< lois civiles, droit de propriété, existence de
tendance naturelle qui entretient, en Eu- l'homme,
l' existence de Dieu même.
rope, une cause perpétuelle de guerre, et Et lorsqu'il n'y aura plus ni Dieu, ni
qui y a produit ce système d'équilibre, si rois,
r, ni distinctions, on verra reparaître les
559 ŒUVRES COMPLETES DE 4t. DE BO~ALD.
~ivimt~<')~en1nciT~l~te
divinités les plus impures, .rle ier7te9ie les
ies tyrans
plus féroces, les inégalités naturelles less
~nc
s 1.L.
hA la mort ne sera
Et
dernier des malheurs.
.7.
1.
une nouvelle preuve car elle a fait la guerre Le peuple, à Rome, n'avait pas de liberté,
défensive avec les moyens et l'esprit encore parce
pé qu'il n'avait pas l'autorité, et qu'elle
subsistant de la monarchie, et l'offensive a\ passé tout entière entre les mains des
avait
la liberté n'est donc, pour le peu-
avec les passions naissantes de la répu- consuls
cc
blique. ple, que l'autorité.
pl
Enfin, Rousseau s'exprime ainsi, en par- « On n'entend parler,
continue cet auteur,
lant de la Pologne « 11 faut convenir que qi des divisionsqui perdirent Rome mais
que
J'état de liberté ôte à un peuple la force of- on ne voit pas que ces divisions y étaient
01
fensive, et qu'en suivant le plan que je nécessaires,
ni qu'elles y avaient toujours été,
propose, on doit renoncer à tout espoir de et qu'elles y devaient toujours être (ibid.);
conquête. » Or, j'ai prouvé que la liberté et pour règle générale, toutes les fois qu'on
sociale ou politique ne se trouvait que dans verra
v< tout le monde tranquille dans un
la monarchie; et c'est aussi une monar- Etat qui se donne le nom de république, on
El
chie, quoique mal constituée, que cet au- peut
P< être assuré que la liberté n'y est pas. »
teur propose d'établir en Pologne où il Rien de plus clair. Tant que tout le monde
recommande d'éviter le tumulte démocrati- est tranquille dans une république, il n'y
es
que. a pas de liberté l'agitation, les disputes
CHAPITREVI. sont
se le signe de la liberté mais le sujet de
toutes
ta les disputes est que les uns ont le
UBGRTÉ ET ÉGALITÉ DANS LES RÉPUBLIQUES. pouvoir des autres, et que ceux-ci récla-
la liberté dans une
Je l'ai dit ailleurs ment
ffi leur pouvoir, que ceux-là veulent gar-
république consiste à assujettir la volonté der.
d< Quand chacun a repris son pouvoir, il
particulière des autres à la sienne, et à n' a plus lieu à disputer, il n'y a donc plus
n'y
exercer leur pouvoir; l'égalité consiste de liberté, puisque tout le monde peut être
d,
dans le droit de manifester sa propre vo- tranquille.
tr Alors il y a égalité la liberté et
lonté et d'exercer son propre pouvoir l'égalité
y{ ne peuvent donc exister ensemble
c'est-à-dire qu'il n'y a pas, dans un Etat dans les républiques elles s'excluent done
di
populaire, de liberté ni d'égalité sociales, mutuellement;
m mais s'il n'y a plus lieu à
et encore moins de liberté et d'égalité na- disputes,
di il y a matière à combats. Dès que
turelles. chacun a son pouvoir, chacun veut l'exer-
cl
« On met en avant,»
dit Tacite,« la liberté c(
cer « alors les assemblées deviennent do
et d'autres prétextes spécieux; et quicon- véritables
vi conjurations, et l'autorité du peu-
que vent assujettir les autres à sa domina- ple,
p; ses lois, lui-même, des choses chimé-
tion ne manque jamais de faire sonner ces riques.
ri » Et cela arrive « lorsqu'on prend
grands mots ( 1 ). » l'esprit
1' d'égalité extrême alors le peuple ne
On me permettra de répéter ici un pas- peut
p souffrir le pouvoir même qu'il confie,
sage de Montesquieu sur la république ro- veut
v tout faire par lui-même, délibérer
maine, qui ne laisse aucun doute sur ce pour
p le sénat, exécuter pour les magistrats,
que j'ai avancé. el dépouiller tous les juges. »(Esp.des lois,
et
« Comme l'autorité royale avait passé tout 1. vin, ch, 2.) C'est-à-dire que chacun veut
entière entre les mains des consuls, le peu- manifester
n sa volonté et l'exercer par son
ple sentit que cette liberté, dont on voulait pouvoir.
p
lui donner tant d'amour, il ne l'avait pas Dans une monarchie où existe la li-
il chercha donc à abaisser le consulat, à berté
b sociale, la loi protége la liberté natu-
avoir des magistrats plébéiens, et à parta- relle
ri dans la république où il n'existe pas
LIVRE VI,
QUESTIONS GÉNÉRALES SUR LA LÉGISLATION ET SUR LA DIVISION DES POUVOIRS.
fois, qu'il ne parle que des vertus politiques, indépendamment de l'amour pour la patrie,
du désir de la vraie gloire, du renoncement
et non des vertus religieuses; mais outre
à soi-même, du sacrifice de ses plus chers
que toutes les vertus sont et doivent être à la intérêts, de toutes ces vertus héroïques que
fois des vertus religieuses et politiques, il
faut éviter les distinctions sur le mot de nous retrouvons chez les anciens, et dont
vertu, comme sur la vertu même parce que nous avons seulement entendu parler. Les
lois y tiennent la place de toutes les vertus. »
ceux qui n'entendent pas l'auteur, et qui ce-
pendant t'admirent, se sont accoutumés à (Liv. v, chap. 3.)
croire sur parole, qu'il ne pouvait exister Dans ce passage, l'auteur fait, sans le vou-
de vertu en général que dans les Etats po- loir, l'éloge le plus complet de là monarchie,
pulaires et ceux qui ne l'entendent que et la critique la plus juste de l'Etat popu-
trop, se sont persuadés et ont persuadé à laire.
d'autres qu'il n'y avait de vertus nécessaires Si les hommes étaient doués de ces perfec-
à pratiquer que les vertus politiques, et tions angéliques qui les disposent à la pra-
qu'un citoyen avait rempli tous ses devoirs tique des plus héroïques vertus, il ne fau-
et accompli toute justice par un amour spé- drait ni gouvernements ni lois.
culatif ou pratique de sa patrie, pourvu tou- C'est parce que l'homme doit combattre
tefois qu'elle fût gouvernée démocratique-
ses propres passions, et se défendre de cel-
ment erreur funeste, qui, réduisant tous les des autres, qu'il a fallu des gouverne-
les devoirs, toutes les vertus qui font le bon-
ments et des lois. « C'est l'opposition des
heur de l'homme et l'ornement de la société, intérêts particuliers qui a rendu nécessaire
à l'amour exclusif de sa patrie, n'est trop l'établissement des sociétés. »
souvent que le masque de l'ambition des
chefs et l'excuse de la férocité des peuples Le gouvernement qui suppose les hom-
vertu, si elle mérite ce nom, qui inspirait à mes vertueux et sans passions, n'établit au-
Caton cette conclusion atroce Ergo delenda cunes lois pour en prévenir ou en arrêter
l'effet; il doit donc périr par ces mêmes
est Carthago; qui a inspiré de nos jours à
passions qu'il n'a pas prévues. « L'abus du
des hommes vertueux aussi, ces lignes abo-
pouvoir,» dit l' Esprit des lois ,« est plus grand
minables": Ladestruction de cette ville (Lyon)
consolide toutes les autres et en racontant dans une république, parce que les lois qui
ne l'ont point prévu n'ont rien fait pour
l'ar-
leurs affreux exploits dans la même ville
Ce. gouvernement né convient donc
Qu'il y a de plaisir pour les républicains de rêter. »
société humaine, puisqu'il ne sup-
bten remplir leur devoir! Et le monstre qui a pas à la tel qu'il est. Aussi Rous-
entassé quarante mille victimes dans les flots pose pas l'homme
de la Loire, et dont une justice tardive a dé- seau
dit-il qu'il ne convient qu'à des dieux
Û'JI
ce qui est dire qu'il ne convient à personne. Caton prêter sa femme à Hortensius, et la
Le gouvernement, au contraire, qui, sup-i- régicide Brutus placer son argent à une
posant à l'homme des passions, établit desis usure criante (i).
lois pour les contenir, qui subsiste indépen- i- Opposons le Contrat social à l'Esprit des
damment de ces vertus héroïques dont it lois. « Que de choses difficiles à réunir ne
l'homme est si rarement partagé, convientit suppose pas le gouvernement démocrati-
donc parfaitement à la nature de l'homme, que 1 x Et après une énumération qui prouve
et remplit le but de la société, qui est de con- que ces choses sont non-seulementdifliciles,
server l'homme ou de le rendre heureux parr mais impossibles à réunir, il ajoute « Voilà
la répression de toutes Jes passions, qui fontit pourquoi un auteur célèbre a donné la vertu
son malheur et celui de ses semblables. IlIl pour principe de la république, car toutes
assure donc l'existence et la conservation dee ces conditions ne sauraient subsister sans la
la société,fil est sa constitution. Il n'est pass vertu. Mais, faute d'avoir fait les distinc-
vrai que les lois y tiennent laplace de toutess tions nécessaires, ce beau génie a souvent
les vertus; mais les lois y répriment tous less manqué de justesse, quelquefois de clarté,
vices. et n'a pas vu que l'autorité souveraine étant
Si l'Etat populaire est exclusivement laa partout la même, le même principe (la vertu)
patrie des vertus h éroïques, et qu'il ne puissee doit avoir lieu oans tout Etat bien constitué,
subsister sans elles, je défie qu'on m'expli- plus ou moins, il est vrai, selon la forme-
que pourquoi ces mêmes vertus y sont pres- du gouvernement. »
que toujours l'objet de la plus noire ingra- Le même principe, la vertu, doit avoir lieu
titude et de la persécution la plus injuste. dans tout Etat bien constitué il doit donc
Je ne crains pas de l'avouer; en admirantt avoir lieu dans la monarchie, et il ne doit, dans
ces vertus héroïques dont les écrivains dei mon système, avoir lieu que dans la monar-
l'antiquité, emportés par le goût du merveil- chie, puisque je ne reconnais de constitution.
leux, et par leur amour pour leur patrie, que dans la société monarchique. Effêetive-
nous ont fait un si pompeux étalage, je mei ment la vertu n'est moyen (et non pas prin-
rappelle involontairement que dans une cipe) du gouvernement que dans la: monar-
autre république,des écrivains ont prodiguéi chie elle y est sociale, parce que l'homme
à Robespierre et à ses dignes amis le titre> y est social; et dans les autres gouverne-
de vertueux; et je frémis de penser que sii ments, elle n'est qu'individuelle, parce qu'il
ce parti eût pu triompher, la postérité abu- n'y a que des individus.
sée les eût regardés peut-être comme des Quel est le caractère distinctif et spécial'
Sully ou des Fénelon. de la société constituée, ou de la monarchie?
Si l'on voulait porter le flambeau, je ne La distinction des professions. Le moyen ou
dis pas du christianisme, mais de la saine le ressort de la monarchie sera donc le
morale dans la conduite privée de ces hom- moyen ou le ressort particulier de chaque
mes, dont l'antiquité se glorifie, et suivre profession ou le ressort commun et général
ces héros de théâtre derrière les coulisses, de toutes les professions. Or ce ressort est,
on verrait trop souvent les déplorables fai- l'honneur, et l'honneur est la vertu propre
blesses de l'homme succéder aux vertus gi- de chaque profession et la vertu commune
gantesques du citoyen on verrait l'austère de toutes les professions. Ainsi l'honneur
( 1 ) Brutus, sous des noms empruntés, prêta de aux yeux des partisans mêmes de la république, il
l'argent aux Salaminiens à 4 pour cent par mois. il eût fallu qu'il l'eût rétablie. Oh admire, en le détes-
obtint pour cela deux sénatus-consultes, dans le tant, un forfait heureux; mais un assassinat
premier desquels il est dit que ce prêt ne serait pas succès n'est que le plus vil et le plus lâche des sans
cri-
regardé comme une fraude faite à la loi. Pompée, mes. Ce n'ett qu'à une action conforme aux lois na-
pour six cents talents qu'il avait prêtés au roi Ario- turelles, religieuses et civiles, que l'intention peut
'^rzane, se faisait payer trente-trois talents attiques suffire. Et que gagna Rome à la mort de César? ce
tous les trente jours. (Voy. les Lettres de Cicérore à qu'a gagné la France à la mort rie Louis XVI, qui,
Auicus, liv. \i, leur. 1,2, 5.) avec des droits bien plus légitimes, avait le cœur
Brutus assassine son ami, son bienfaiteur, peut- aussi bon. Rome tomba sous la tyrannie TTAnloine,
être plus encore; il épargne Antoine, l'indigne com- deLépideet d'Octave, comme la France sous cette
plice du plus aimabte des maîtres il perd la tête deMarat et de Robespierre. Ce n'était au fond que
après l'action, il négocie avec Antoine, il a peur du des disputes d'ambition. Caton, Cieéron Brutus et
peuple, il perd l'espoir à Philippes, croit voir un autres voulaient exercer leur pouvoir; et ils étaient
fantôme et se tue, parce qu'il a la faiblesse de croire des aveuglesde ne pas voir que la volonté générale
tout perdu; et l'on en fait un grand homme! César de la société demandait impérieusement que le pou
ne se fût pas tué. Ah! du moins, pour mériter ce voir général se constituât.
titre et faire excuser le meurtre de son bienfaiteur
dans l'homme d'église est la décence et la sous
sc Henri III et la régence mais l'esprit
gravité, dans l'homme d'épée la bravoure, d( professions ou les moeurs publiques
des
dans le magistrat l'intégrité, dans le gentil- s'étaient
s'i extrêmement altérées et lorsqu'on
homme la loyauté, dans l'homme de lettres voyait dans une monarchie toutes les profes-
vc
la vérité, dans le commerçant la bonne foi, sions se confondre dans les clubs, et y per-
si,
dans l'artiste même le bon usage de son ta- dre
dr leur esprit particulier, le ministre de la
lent. L'honneur français est la fidélité à son religion
re devenir administrateur ou académi-
roi ou, ce qui est la même chose, à sa pa- cien;
ci, le militaire, bel esprit le magistrat,
trie l'honneur d'une femme est une con- pl
philosophe la noblesse, avide d'argent le
duite irréprochable. L'honneur est donc la commerçant, agioteur et les sociétés litté-
co
vertu de chaque profession,. et de toutes les raires,
ra devenues les dépositaires de l'in-
professions car toutes disent mon hon- struction
sti et de la morale publiques, décer-
neur, quoique chacune le fasse consister ner
nE des prix aux actions louables et mettre
dans une qualité différente. Montesquieu a un tarif à la vertu il ne fallait pas une ex-
ur
entrevu cette vérité, lorsqu'il a donné aussi trême
tri sagacité pour prévoir une révolution.
l'honneur pour principe à la monarchie. Mais Les monarchies ont ce grand avantage sur
ce beau génie, égaré par ses préjugés philo- les républiques, que le gouvernement peut
le;
sophiques, a manqué de justesse l'honneur toujours
to; empêcher l'altération des mœurs
qu'il a adopté, et dont il trace les caractères, publiques
pu ou la corruption des professions
fait aussi peu d'honneur à son tœur qu'à son mais les mœurs privées ne sont pas de son
m.
esprit et tout ce qu'il en dit est faux et im- ressort,
re et ne lui donnent pas la même prise.
moral (1). Au reste, je ne borne pas la signification de
AI
Dans les républiques,où tous les éléments ce mot mœurs à celle qu'on lui donne com-
de la société mêlés et confondus étaient em- munément
mi quand on dit d'un homme qu'il a
portés dans un tourbillon de passions vio- de mauvaises mœurs ce genre de corrup-
lentes, allumées par de grands intérêts, on tic est plus funeste à l'homme que nuisible
tion
voyait fréquemment des vertus hors de leur à 1la société, et il n'est pas impossible à un
place naturelle, et elles en étaient plus re- gouvernement
go attentif, et qui se donne la
marquées. On admirait la continence d'un peine
pe de veiller sur 1'homme physique, d'en
guerrier et Je courage d'une femme; c'étaient ôter le scandale, et de rendre les mœurs plus
ôt(
les vertus de l'homme et non celles de la décentes, et par conséquent meilleures
dé
profession, les mœurs privées et non les mi la corruption vraiment à redouter pour
mais
mœurs publiques; mais aussi l'on trouvait la société, parce qu'elle y éteint tout esprit
souvent l'ambition du pouvoir suprême dans public, tout sentiment généreux, qu'elle
pu
un général, et l'esprit de faction dans un flétrit
(lé l'âme et dessèche le cœur, est le goût
magistrat. Règle générale, les républiques immodéré des richesses. Dans les monar-
im
pé'rissent par la corruption des individus, et chies,
ch cette passion trouve un correctif dans
les monarchies par la corruption des pro- les mœurs qui permettent le luxe au citoyen,
fessions; c'est-à-dire, que les sociétés non ou qui honorent la pauvreté dans le noble
constituées périssent par la dépravation des mais
m* dans les républiques, dans lesquelles
mœurs privées, et les sociétés constituées, toutes les institûtions favorisent l'acquisi-
toi
par l'altération des mœurs publiques. A tion des richesses par le commerce, et où
tic
Home, dans les derniers temps de la répu- les mœurs, et souvent les lois, en interdi-
les
blique, la corruption, des moeurs privées se, l'emploi par le luxe, elle est devenue
sent
était à son comble en France, les moeurs une avarice insatiable, dont les progrès sont
un
privées étaient meilleures de nos jours que d'autant plus effrayants, qu'ils sont moins
d'e
( i ) Montesquieu prétend que l'honneur permet Cette morale facile rappelle le trait (le l'auteur a un
Cei
la ruse, lorsqu'elle est jointe à l'idée de la grandeur ouvrage célèbre, à l'égard du cardinal de Fleury (a);
ou.
des affaires. L'honneur s'accorde avec la prudence, il est
( vrai qu'il s'agissait d'un grand esprit et d'une
mais le véritable honneur ne permet jamais la ruse, grande
gre affaire; d'être de l'Académie française.
et le faux honneur lui-même défend de l'avouer.
(a) L'auteur fait ici allusion à un trait de la vie de Mon- rel
retrancha ou on adoucit tout ce qui pouvait être con-
tesquieu, rapporté par Voltaire dans son Siècle de Louis damné
dat par un cardinal ou par un ministre. M. de Mon-
XIV, Cet écrivainprétend que le cardinal de Fleury avait tes
tesquieu porta lui-même l'ouvrage au cardinal, qui ne
écrit à l'Académie que le roi ne donnerait point son ap- lisait
Usa guère et qui en lut une partie; cet air de confiance,
probation à la nomination de l'auteur des Lettres persanes, soutenu par l'empressement de quelques personnes eu
dauslesquellesselrouvajentdes sarcasmes impies. « Alors,
dit Voltaire, i Montesquieu prit un tour fort adroit pour
i sou
cré
crédit, ramena le cardinal, et Montesquieu entra à l'Àcao
déi
démie. s Cette anecdote, quoique rejetée par les biogra-
mettre le ministre dans ses intérêts il fit faire en peu de phes modernes, n'a été contredite par aucun des canteiu-
ph<
jours une nouvelle édition de son livre, dans lequel on porains
poi et des amis de Montesquieu.
aperçus. C'est là ce qui perdrait les républi- mains,
n il faut que le crime soit connu, que
Ii faiblesse soit ignorée. »
ques modernes, si les monarchies cessaient la
de les protéger. A combien d'Etats en Eu- CHAPITRE III
rope ne pourrait-on pas appliquer ce que Ju-
r
gurtha disait de Rome 0 urbemvenalem, si POUVOIRS LÉGISLATIF, EXÉCUTIF, JUDICIAIRE.
emptorem invenerit I II est temps d'aborder la célèbre question
Je reviens à la vertu publique ou à l'hon- de la division des pouvoirs, dogme fonda-
neur, ressort des monarchies. La constitu- mental
c de la politique moderne. Avec les
tion qui ordonne tout avec sagesse, ne cher- principes que j'ai posés, je puis la simpli-
che donc pas à forcer la nature de l'homme fier,g et peut-être la résoudre.
en lui inspirant le goût de la vertu pour la « Il y a dans chaque Etat, » dit Montes-
vertu même, perfection idéale à laquelle la quieu,
q «trois sortes de pouvoirs la puis-
religion même ne nous élève pas mais elle sance s législative, la puissance exécutive des
substitue à cette brillante chimère le désir choses
c qui dépendent du droit des gens, et
de la gloire, la crainte de l'infamie. L'hon- la], puissance exécutive de celles qui dépen-
neur est dans la monarchie ce qu'était la cen- <jdent du droit civil. Cette dernière puissance
sure chez les Romains; avec cette différence, s'appelle
s aussi pouvoir judiciaire. » (Esprit
que confiée à toute une nation, elle ne peut dese lois, I. h, ch. 6. )
être abolie ni usurpée. L'honneur peut avoir Opposons Montesquieu à lui-même. i Le
ses excès, mais un gouvernement qui gou- rpouvoir, » dil-il, « est la volonté générale de
verne, doit en réprimer les écarts et peut ]l'Etat; » or, l'Etat n'a qu'une volonté, celle
quelquefois armer avec succès l'honneur de c sa conservation; donc l'Etat n'a qu'un
contre l'honneur même. pouvoir.
j
On reproche à l'honneur d'épargner un Opposons Rousseau à Montesquieu. « Nos
coupable pour étouffer une faiblesse, et politiques
t ne pouvant séparer la souverai-
d'étendre sur les familles la honte du châti- neté
i dans son principe, la divisent dans son
ment. C'est une conséquence nécessaire de objet. ( Ils la divisent en force et en volonté,
la constitution, qui ne considère jamais l'in- en( puissance législative et en puissance
dividu, mais la famille, et qui ne considère exécutive,
< en droit d'impôts de justice et de
les familles que dans les professions. Ce qui guerre,
1 en administration intérieure, et en
fait que le crime de l'individu est celui de pouvoir
] de traiter avec l'étranger. Tantôt ils
la famille, et que le crime de la famille re- confondent
c toutes ces parties et tantôtils les
tombe sur la profession; et comme la profes- séparent
< ils font du souverain un être fan-
sion est nécessaire à la conservation de la 1tastique et formé de pièces rapportées
société, tout ce qui peut l'avilir diminue c'est ( comme s'ils composaient l'homme de
sa force et son utilité. « II y a,» dit Montes- plusieurs
] corps dont l'un aurait des yeux,
quieu, «de mauvais exemples qui sont pires ]l'autre des bras, l'autre des pieds, et rien de
que des crimes et plus d'Etats ont péri plus. ] Les charlatans du Japon dépècent, dit-
parce qu'on a violé les mœurs, que parce <on, un enfant aux yeux des spectateurs;
qu'on a violé lesjlois. «Maxime profondément puis jetant en l'air tous ses membres l'un
j
vraie, et qui reçoit dans ce moment une ap- après l'autre, ils font retomber l'enfant vi-
plication bien étendue 1 Cette attention à vant et tout rassemblé. Tels sont à peu près
dérober certaines fautes à la connaissance les tours de gobelets de nos politiques
du public et à Tanimadversion des lois est après avoir démembré le corps social, par
un nouveau trait de ressemblance de nos un prestige digne de la foire, ils rassem-
mœurs à celles des Germains. « Les peines 1blent les pièces, on ne sait comment. » [Con-
chez les Germains, » ditTacite. (1), « varient jtrat social. )
selon les délits. Les traîtres et les transfu- Dans cette sortie violente, évidemment
ges sont pendus à des arbres élevés; on dirigée contre Montesquieu,Rousseau com-
étouffe dans des bourbiers, en les accablant pare à un charlatan celui qu'il appelle ail-
avec des claies, les lâches, les faibles, les leurs un beau génie.
infâmes. Quand on punit, disent les Ger- Il n'y a donc qu'un pouvoir mais ce pou-
loi n'était
'r
pasnécessaire, choisi pour époque de la majorité des rois,
3° Parce que cette trê l'âge
l de quatorze ans, qui était l'époque de
elle fut nuisible; et l'on pourrait peut-être
LI majorité des citoyens non nobles, parce
la
lui attribuer une partie des malheurs de la qu'alors ils pouvaient se livrer à quelque né-
France sous le rè^ne de Charles VI, en fa- j.
goce, 9 au lieu de l'âge de vingt et un ans, épo-
veur de qui elle fut portée. Car si ce prince que de la majorité du noble, parce qu'alors
n'eût été majeur que plus tard, suivant la 1 noble pouvait porter les armes et desser-
coutume ancienne, il y eût eu un régent ,t
,1]
le
vir
v son fief.
jusqu'à cette époque, c'est-à-dire un pouvoir ~ar Souvent une loi politique n'est que le ré-
dans l'Etat; mais comme la régence cessa ér t'tablissement nécessaire d'une loi plus an-
lorsque le roi n'était pas en âge de gouver- cienne, inconstitutionnelle ment abrogée.
ner par lui-même, ou si l'on veut, d'être tre
re t
Ainsi la loi de 1750, sur la noblesse mili-
pouvoir, il y eut le pouvoir de ses oncles,
ttaire, n'était que le retour nécessaire à la loi
le pouvoir de sa femme, le pouvoir de son on politique abrogée par Henri IV, loi qui don-
frère, etc.; et ce monarque infortuné, ac- as-
coutumé dès l'âge de quatorze ans à être as- rnait à la profession des armes le droit de
servi, ne put plus, même dans ses interval-
les de raison, se ressaisir d'une autorité que
ue
a conférer
t
tait
t
la noblesse. Ainsi la loi qui permet-
au clergé de France de rentrer dans ses
les usurpateurs avaient eu le temps de con-
domaines,
i ne fût pas devenue nécessaire, si
m~ 1l'on n'eût pas abrogé ou enfreint la loi qui
solider, et réduisit la France aux dernières res 1lui défendait de les aliéner.
extrémités par la faiblesse de son caractère,
r.e' Je terminerai ce qui concerne les lois po-
autant que par la faiblesse de son esprit. :it* litiques par un passage du judicieux prési-
(Mézerai.) dent
( Hénault, qui s'accorde parfaitement
La loi de Charles V me paraît défec- 3C~ avec
l mes principes. «L'àutorilé,» dit cet au-
tueuse tteur, « ne doit tirer les lois nouvelles que
1° Parce que par cette loi l'autorité pré-
ré- comme
« des écoulements des anciennes. Dès
cède la raison, ce qui est contre la nature;
re; qu'elle
<
n'y aura plus d'égards, le droit nou-
>U YU1K. PAKT. I. POUY, POLITiQUE. LIV. \J. 586
veau forcera tout, et sera, comme dît Pope, et d-e l'exposer en vente avant la loi de
mm droit toujours, ou trop fort avec les fai- Sparte qui permettait d'égorger les malheu-
bles, ou;trop faible avec les forts. » Voyez
dans ce passage de Pope les nouvelles lois
reux Ilotes, ou qui faisait du larcin une ins-
titution nationale; avant la loi infâme de
françaises, également impuissantes à proté- Thèbes, rapportée par Plutarque, qui ne sa-
ger la vertu et à réprimer le vice. Hénault vait adoucir les mœurs qu'en outrageant la
dit ailleurs « Toutes les origines sont obs- nature avant les lois reçues dans les aris-
cures, et la coutume des fiefs était anté- tocraties, qui distinguent les citoyens des
rieure à la loi des fiefs. •» citoyens, et mettent d'un côté la perpétuité
En voilà assez sur les lois politiques du .pouvoir particulier, et de l'autre la perpé-
passons aux lois civiles, j'ébauche à grands tuité de la sujétion avant la loi rendue dans
traits un vaste tableau. la république française, qui ôte avec tant
Toute société est régie par des coutumes de soin aux ministres de la religion toute
'ou des lois écrites et l'on ne peut conce- influence dans l'éducation publique qui ne
voir une société sans les unes ou sans les veut pas que l'éducation soit religieuse, de
Autres, -et même sans toutes les deux. peur qu'elle ne soit pas assez sociale avant
Or je dis qu'à toute époque de son exis- la loi qui, regardant le célibat comme une
'tence une société constituée a eu^usque-là propriété, ou l'impôt comme un châtiment,
'toutes les lois nécessaires à sa conservation.; soumet le célibataire à. une contribution
car s'il lui eût manqué une seule loi néces- particulière; avant la loi qui, dans la répu-
saire à sa conservation, elle ne se serait pas blique, brise le lien conjugal ou anéantit
«onservée. Cette vérité est évidente, et pour l'autorité paternelle; avant toutes ces lois
en faire l'application aux lois politiques, ci- dis-je, il n'existait rien de semblable dans
viles et criminelles à la fois, j'observerai ces sociétés la nature n'avait eu garde d'y
qu'avant l'édit de Charles V sur la majorité introduire de pareilles lois et elles étaient
des rois de France il y avait une loi qui si peu nécessaires à leur conservation
fixait l'époque de ;la majorité; qu'avant qu'elles ont été, au contraire, ou qu'elles
l'ordonnance de 1667, il y avait en France peuvent être la cause de leur ruine. i Car
des lois sur latransmission ou la conservation si le législateur, se trompant dans son ob-
des propriétés; qu'avant l'ordonnance eritui- jet, prend un principe différent de celui qui
«elle de 167©, il y"avait des lois sur la ré- naît de là nature des choses, l'Etat ne ces-
pression des délits; comme avant l'ordon-
sera d'être agité jusqu'à ce que ce principe
nancedu célèbre chancelier d'Aguesseau sur
les testaments, il y avait des lois sur la- j
soit détruit ou changé, et que l'invincible
nature ait repris son empire. »
disposition des biens. Car s'il n'y eût eu
J'ai dit que les lois civiles étaient les rap-
en France, avant Charles V, aucune loi pour ports nécessaires qui dérivent de la nature
fixer l'époque à laquelle le pouvoir de la
des professions et de la nature des pro-
société devait -être exercé avant t667, au-
priétés.
1
cune loi sur la transmission et la conserva- Cette relation des lois à la nature des
tion des propriétés; avant 1670, aucune loi
professions et à celle des propriétés n'a pas
sur la punition des délits avant d'Agues- échappé à l'auteur de l'Esprit des lois 1&
4
seau aucune loi sur la disposition des titre seul du ch. 9 du liv. v l'annonce as-
biens, la société française n'aurait pu se (
sez Comment les lois sont relatives à leur
conserver jusqu'à l'une ou à l'autre de ces principe dans la monarchie. « 11 faut, dit-il,
époques ces lois fussent-elles utiles n'é- j »
«que les lois travaillent à soutenir cette no-
taient pas nécessaires et c'est ce qui dé- blesse*
dont l'honneur est, ainsi dire
montre l'injustice de l'effet rétroactif donné 1l'enfant et le père il faut pour
1
qu'elles la ren-
aux lois puisque c'est les supposer néces- dent héréditaire,
saires dans un temps où la volonté générale ( non pour être le terme
entre
< le pouvoir du prince et la faiblesse du
de la société ne les jugeait pas même utiles. peuple
mais le lien de tous deux. Les sub-
On ne peut pas en dire autant des lois stitutions,
s qui conservent le bien dans les.
des sociétés non constituées car, avant la ffamilles, seront très-utiles dans
ce gouver-
loi qui donnait à Rome droit de vie et de nement i les terres nobles auront des privi-
mort au père sur son fils, au citoyen sur léges 1 comme les personnes on ne peut sé-
son esclave, ou qui permettait a un créan- fparer la dignité du monarque de celle du
eier de réduire son débiteur en esclavage, royaume
i on ne peut guère séparer non
OEUVRES Kiunn a 1,
fiOMPL. niî AT.
itp T
587 OEUVRES COMPLETES DE M.
&& Uti DE BONALD,
JU. JUti LSUJNALW, 588
ulus
plus dignité du
sa
*a noble de celle de son fief.
du noble fief, gement dont elles sont tenues envers la so-
gsèment so-
Toutes ces prérogativessont particulières à ciété
ci étant héréditaire, il faut que les moyens
la noblesse et ne passeront point au peuple, d les remplir soient héréditaires aussi et
de
si on ne veut pas choquer le principe du gou- hles substitutions sont, pour les terres de la
vernement, si on ne veut diminuer la force noblesse
n ou profession militaire, ce qu'est
de la noblesse et celle du peuple. » l'inaliénabilité pour les domaines de la pro-
1'
Mais si les lois civiles varient suivant la fession sacerdotale, et pour ceux de la pro-
f<
nature des professions, elles doivent varier fession royale je vois entre ces lois mêmes
f<
à
i
ses habitants,; on ne vit pas à Dunkerque 1° L'homme qui commet le délit est phy-
comme à Toulouse, à Marseille comme i. sique et moral mais le pouvoir politique
Paris, en Normandie comme à Saint-Malo, ne peut statuer que sur l'homme physique
et les diverses professions veulent être ré- j l'homme, relativement à la société politique,
gies différemment. » (Rem. part.) ne sera donc coupable que par l'action, et
Ainsi, parce que les professions et les
propriétés sont différentes quant à leur ob-
non par la volonté premier rapport, pris
de la nature de l'homme.
jet ou*à leur nature, les lois relatives aux[ 2° Le délit peut être commis contre le
unes et aux autres seront différentes mais5 corps social, ou contre ses membres les dé-
leurs différences seront toujours nécessaires..• lits seront donc publics ou particuliers se-
J'en citerai deux exemples, l'un relatif auxE condrapport,qui dérive de la nature du délit.
professions, l'autre aux propriétés. 3° Le corps social, ou la société, est com-
Les substitutions s'établiront dans les fa- posé d'hommes.et de propriétés. Les honi-
milles qui exercent une profession -sociale, mes, membres du corps social,. diffèrent
commû celle des armes; parce que l'enga- entre eux par l'importance respective da
leurs professions pour la conservation de la de répression, et non comme châtiment. Je
société; les propriétés diffèrent entre elles m'explique,: la volonté générale de la so-
par leur nature différence dans les délits, ciété qui a la conservation des êtres pour
relative aux professions des hommes et à la objet, emploie, pour1 les conserver, des
nature des propriétés. Troisième rapport moyens infaillibles, parce qu'elle est une
qui dérive de la nature de la société. volonté efficace; c'est-à-dire que, supposant
Tous ces rapports sont nécessaires, et ils
avec raison à l'individu coupable d'un de
dérivent de la nature des choses donc ils
ces délits qui détruisent le corps social,
sont des lois. (Esprit des lois. ) l'intention de poursuivre sa destruction,
J.'ai dit que l'homme pouvait commettre" elle le met dans l'impossibilité physique
un délit contre le corps social ou contre ses d'accomplir ses desseins or, il n'y a que la
membres, c'est-à-dire détruire le corps so- mort qui puisse mettre l'homme dans cette
cial ( autant qu'il est en lui ), ou seulement impossibilité physique donc la peine de
l'offenser. mort est un moyen de conservation pour la
Offenser le corps social, c'est troubler un société donc la loi qui soumet à la peine de
de ses membres dans la jouissance paisible mort l'homme convaincu de crimes qui dé-
de ses propriétés, de quelque nature qu'elles truisent la société est l'expression de la vo-
soient, ou si l'on veut, le troubler dans le lonté générale, conservatrice de la société.
libre exercice de ses droits de citoyen et de Mais n'y a-t-il que la peine de mort qui
propriétaire. puisse mettre l'individu coupable d'avoir
L'homme qui trouble son semblable dans attenté l'existence du corps social, dans
l'exercice de ses droits de citoyen et de pro- l'impossibilité physique de continuer ses
priétaire, doit être puni par la suspension attentats? Oui, car la mort est le seul moyen
entière ou partielle de l'exercice de ses de répression auquel il soit physiquement
droits de citoyen et de propriétaire; et je impossible de se soustraire; parce que tout
vois clairement, entre ledélitet le châtiment, homme peut se dérober par la fuite à une
ce rapport nécessaire qui constitue la loi. peine même perpétuelle, et qu'une révolu-
Détruire le corps social politique, c'est le tion peut rejeter dans la société les malfai-
ramener à l'état sauvage, puisque former le teurs qu'elle a prétendu exclure de son sein
corps social, a été le tirer de l'état sauvage. en sorte qu'il est vrai de dire que l'homme
C'est détruire la société politique, ou la ni la société ne peuvent pas infliger une
ramener à l'état sauvage, que d'attenter à peine perpétuelle.
ses lois politiques parce qu'une société Ainsi la nation qui condamnerait à la dé-
dans l'état sauvage n'a point de lois politi- portation 'des scélératsqui ont mérité le der-
ques. Ce crime s'appelle crime de haute tra- nier supplice, manquerait essentiellement
hison, ou de lèse-majesté.
aux lois des sociétés entre elles, c'est-à-
C'est détruire la société politique, ou la dire aux lois de l'humanité, en laissant, au
ramener à l'état sauvage, -que, d'ôter-de des- milieu de la société générale, des causes et
sein prémédité, et sans motif légitime, la vie des instruments de la destruction des so-
à "son semblable, ou d'envahir ou détruire à ciétés.
dessein et sans cause suffisante, les proprié- Et remarquez que le pouvoir de la société
tés publiques ou particulières, à force ou- politique, en retranchant du corps social un
verte ou par l'introduction furtive d'un si- membre coupable, fait comme les tribunaux,
gne faux, représentatif de la propriété, à la qui, dans une cause mixte, prononcent sur
place du signe universellement convenu et ce qui est de leur compétence, et renvoient
reconnu dans la société; puisque le carac- le surplus de l'affaire à d'autres tribunaux,
tère de l'état sauvage est de laisser les hom- chargés d'en connaître. Il n'exerce son ac-
mes et les propriétés exposés aux attentats tion sur l'homme physique, seul soumis à sa
de la force ou aux entreprises de la ruse. juridiction, que pour renvoyer le vrai cou-
Or quel châtiment la société peut-elle in- pable, l'homme moral, par-devant son juge
9iger à l'homme, qui soit en proportion avec naturel, Dieu, pouvoir de la société intellec-
la destruction de la société ? Il "n'y en a au- tuelle à laquelle il appartient.
cun car la destruction même de l'homme Je n'ignore pas qu'une fausse philosophie
n'a aucune proportion avec la destruction refuse à la société le-droit de condamner à
de la société^ et la mort qu'elle fait subir mort, et qu'à ces principes conservateurs,
au coupable, elle l'emploie comme moyen fondés sur des' raisons inattaquables, elle
391 ŒUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD. 392
oppose de misérablessophismes sur le tour- Sous les deux premières races, les frères
ment prolongé d'une existence malheureuse, des rois n'étaient pas apanages en proprié-
di
ou des opinions extravagantes sur les droits té mais en pouvoir on en faisait des rois,
tés,
de l'homme en société. ai lieu d'en faire de grands propriétaires.
au
Ces opinions tiennent d'un côté à cette
“ D là la confusion de la première race, l'a-
De
cruelle philanthropie qui sacrifie sans cesse narchie
in de la seconde, les malheurs de
la société à l'homme, et de l'autre à ce maté- toutes
te les deux. La nature indiquait la né-
rialisme désolant, qui, ne voyant rien pour cessité
et du remède par la gravité du mal; et
l'homme après cette vie, craint de lui tout pi la guerre des pouvoirs entre eux,
par elle
ôter en lui ôtant l'existence présente. Et il avertissait
ai assez qu'il ne fallait pas établir
est bien digne de remarque, que les mêmes des pouvoirs. L'homme, toujours avide de
û<
hommes qui refusaient le droit de glaive au dominer,
d1 met ses conceptions à la place des
pouvoir général de la société, en ont permis conseils de la nature, et la société n'en est
ce
en France l'exercice le plus illimité au pou- que plus agitée. Il s'élève un nouveau pou-
qi
voir particulier de l'homme, c'est- à-dire à voir,
*< le pouvoir suzerain; nos rois retien-
nent 1-a suzeraineté, et cèdent à leurs enfants
ses passions. ni
Je n'ai fait que poser les'bases sur les- 'la souveraineté; ils retiennent le pouvoir,
>la
quelles on doit asseoir les lois civiles et cri- et donnent la force. Dès lors on vit des pou-
minelles; je laisse les détails aux juriscou- voirs
«< dépendants d'autres pouvoirs, et des
suites mais au tracé des fondements, on sociétés
se politiques soumises à la fois à deux
peut apercevoir le contour et les distribu- pouvoirs.
p< La nature réclama contre ces ins-
tions de l'édifice. titutions monstrueuses on vit le souverain
ti
Si les lois sont des rapports nécessaires attaquer,
at avec ses sujets, son suzerain, ou
qui dérivent de la nature des choses, ces rap- le suzerain venir au secours des sujets
ports s'éldLbMsseiitnécessairement,si l'homme, contre
c( leur souverain. Dans quelques so-
toujours libre, n'en retarde pas le dévelop- ciétés,
ci si le souverain mourait sans enfants
pement c'est-à-dire que la nature des cho- mâles,
m sa fille portait sa succession dans la
ses les établit, si l'homme, qui gâte tout, ne maison
m d'un ennemi puissant qui ne respec-
veut pas en établir d'autres. La nature fait tait même pas les faibles liens de la suze-
ta
donc les lois dans une société constituées rahieté.
n Cette infraction à la loi de la nature,
mais comment fait-elle des lois? de deux qi ne veut pas qu'une femme puisse être
qui
manières pouvoir,
p< porta les plus belles provinces de
1° Elle introduit dans la société des cou- la France dans la maison des rois d'Angle-
tûmes qui acquièrent ferce de loi. J'ai terre,
te et alluma entre ces deux couronnes
prouvé qu'en France toutes nos lois politi- des
da guerres interminables.
ques n'étaient que des coutumes dont on ne Eclairé par deux siècles de calamités, Phi-
pouvait assigner l'époque, ni fixer l'origine. lippe
jj le Bel restreignit les apanages aux
2° Elle indique à la société le vice d'une seuls
S( hoirs mâles mais il fallut bien d'au-
loi défectueuse ou incomplète, par le ca- tres désastres, et les désordres affreux cau-
ti
ractère des troubles dont elle est agitée; s, par l'ambition des deux maisons de
sés
comme dans le corps humain, elle indique Bourgogne,
B pour qu'on en vint à l'usage
l'espèce de remède par le genre de la ma- a,actuel, de ne diviser ni le pouvoir ni la
ladie. Ainsi l'on peut apercevoir la cause force,
fi et de donner aux princes apanagistes
des troubles qui agitent la Pologne, dans le des
d propriétés sans souveraineté et des
vice de sa loi politique qui fait un pouvoir h
honneurs sans pouvoir.
de chaque ordre de l'Etat; et l'origine de la Ainsi la nature doit être le seul pouvoir
guerre qui s'éleva en Espagne pour la suc- législatif des sociétés et elle est effective
i,
cession à la couronne, dans l'imperfection ment
n l'unique législateur des sociétés cons-
de la loi politique qui rend les femmes ha- tituées, dont le pouvoir général n'a autre
ti
biles à succéder. chose
c à faire qu'à rédiger, en loi écrite, les
On peut se faire une idée bien distincte coutumes
o qu'a établies la volonté générale
de la manière dont la nature des sociétés s'y d la société ou la nature, ou à faire les
de
prend pour faire des lois, en suivant les diffé- changements
c dont elle indique le besoin.
rentes variations qu'a subies en France la loi 1 pouvoir général ou le monarque, en rem-
Le
sur les apanages des princes du sang, avant plissant
p cette fonction, manifeste donc la
d*être fixée comme elle l'est actuellement. volonté
v générale dont il est l'exercice et
l'organe, puisqu'une coutume n.'a acquis raux bornés, CQmme nous l'avons vu, è
força de toi dans une société constituée, assurer la perpétuité du pouvoir par l'élec- •
que parce que la société a eu la volonté> tion d'une autre famille, lorsque la maison
générale e la suivrj. Le monarque n'est régnante vient à s'éteindre, ou la conserva-
donc, pour ainsi dire, quo le secrétaire de tion de la société par l'octroi de l'impôt,
la nature, et il ne doit écrire que sous sa lorsque l'impôt actuel est insuffisant ne
dictée. Clovis, Charlemagne, saint Louis, peuvent sur les autres objels procéder
n'ont fait que rédiger d'anciennes coutu-
que par doléances. Et remarquez la force de
mes, ou donner des développements néces- cette expression, qui signifie plaintes res-
saires à des lois déjà exilantes; ils n'ont pectueuses parce que, dans une société où
pas èïêAv.s législateurs, parce qu'il n'a ja- la nature seule fait des lois, le pouvoir doit
mais existé de législateurs que dans les so- les faire observer, et la société ne peut se
eiétés qui n'ont pas voulu de la nature pour plaindre à son pouvoir que de leur inobser-
législatrice; et voilà l'explication de cette vation. En effet, ouvrez les procès-verbaux
maxime du Contrat social <i Pour que le de tous les états généraux ils ne sont rem-
gouvernement soit légitime, il ne faut pas plis que de réclamations sur la négligence
que le gouvernement se confonde avec le du gouvernement à faire observer les bon-
souverain, mais qu'il en soit le ministre. nes coutumes et les lois anciennes et lors-
Alors la monarchie elle-même est répu- que, emportés par un zèle peu éclairé, éga-
blique. » rés par des factions, ou dominés par la vio-
Dans la société constituée, le souverain lence, ils ont voulu proposer de nouvelles
est la volonté générale ou la nature, et son lois dont la nature n'avait pas indiqué la
ministre est le monarque ou le gouverne- nécessité, ou en faire malgré le pouvoir de
ment. La monarchie est donc le seul gouver- l'Etat, c'est-à-dire malgré la volonté géné-
nement légitime, puisqu'il est le seul où le rale, ils ont toujours troublé la France, et
souverain, la nature, ne puisse, sous aucun ils ont fini par l'anéantir.
rapport, se confondre avec le gouvernement,. En un mot, quand la nature de la société
qui est le monarque. Dans une république, exige une loi nouvelle, la nécessité introduit
où le pouvoir réside dans le sénat, ou dans
une nouvelle coutume quand la nature de-
Je peuple, le souverain nomme le gouverne- mande la correction, la modification, le dé-
ment, ou ce qu'on appelle le pouvoir exécu- veloppementd'une loi existante, il survient
tif. Non-seulement il en nomme les mem- des troubles dans la société qui en avertis-
bres, mais il établit des lois qui détermi- sent. Quand la succession héréditaire dans
nent ses fonctions,Aracent sa marche, règlent l'ainé des mâles de la maison régnante est
son action or un pouvoir; qui donne des devenue nécessaire à l'étendue, aux cir-
lois à un autre pouvoir, qui détermine tou- constances de la société française, la cou-
tes ses fonctions,, règle son action», trace sa tume s'en est introduite sans qu'on puisse
marche, nomme les membres qui l'exer- en assigner l'époque, ni en nommer l'au-
cent, et les destitue s'ils s'écartent dés rè- teur. Quand la loi, qui veut que l'impôt ex-
gles qu'il leur a tracées,, se confond avec traordinaire soit consenti par la nation sur
lui, et leur séparation ou distinction, est la demande du monarque, a été enfreinte,
purement idéale. Un prince qui dicterait à les troubles entre le pouvoir de l'Etat et les
son ministre toutes les décisions qu'il de- corps dépositaires des lois ont agité ia
vrait rendre, toutes les démarches qu'il de- France c'était un avertissement de la na-
vrait faire, assurément se confondrait avec ture, et comme un accès de fièvre du corps
lui. social qui annonçait un vice intérieur.
Je reviens à la fonction du pouvoir géné- Les hommes n'ont donc pas de nouvelles
ral, de rédiger en lois ies volontés de la na- 1lois à faire dans une société constituée.
ture. Nulle autorité ne peut exercer, même Une coutume nouvelle, » dit Bossuet, « était
concurremment avec le monarque, cette iun prodige en Egypte les Juifs n'ont eu
fonction du pouvoir général, car il y aurait rien
i à changer à la loi de Moïse. »
alors deux pouvoirs, deux sociétés. Ils sentaient bien cette vérité, les nova-
Les corps dépositaires des lois ne peu- teurst qui ont bouleversé la France, lorsque»
vent d'eux-mêmes ajouter au dépôt qui leur 1pour créer le besoin d'un pouvoir législatif: f
est confié; car s'ils pouvaient y ajouter, ils qu'ils
( pussent eux-mêmes exercer, ils sup-
pourraient en retrancher. Les états gêné- posaient
] à la France le besoin de lois fou?-
damentales, le besoin de lois politiques, le core
( atteinte à la loi politique nécessaire.,
besoin de lois civiles, le besoin de lois cri- puisqu'elle
{ tient aux mœurs, qui déclare les
minelles, le besoin môme de lois religieu- enfants
t naturels inhabiles à succéder. Aussi
ses: comme si une société politique ou une cette
c disposition, revêtue de toutes les for-
société religieuse eussent pu se conserver, imes légales, et confirmée par des disposi-
même un seul instant, sans des lois, et sans tions
t postérieures ne fut regardée que
toutes les lois nécessaires à leur conserva- ccomme une volonté particulière de Louis
tion. XIV, et elle fut ôtée du dépôt des volontés
Z
Je reviens à la fonction attribuée au ino- générales,
« c'est-à-dire révoquée par son suc-
narque, de rédiger en, lois écrites les cou- cesseur
t qui reconnut et confirma le droit de
tûmes introduites par la nature, ou de faire la
1 nation. On n'a pas oublié des exemples
les changements dont elle indique la né- semblables
< et plus récents, à l'occasion des
eessité. 1lois subversives de la magistrature en 1771
On objectera sans doute que le monarque et e 1788. Des dispositions moins directe-
est homme, et qu'il peut se tromper c'est- ment, r moins prochainement attentatoires à.
à-dire rédiger en loi écrite une coutume à la I constitution, resteront sans exécution et
laquelle la volonté générale n'a pas donné tomberont
t en désuétude, et il serait aisé
son assentiment c'est-à-dire rédiger en lui d'en ( fournir des exemples. Mais si elles.
un abus, ou faire à une loi existante un £sont exécutées, elles altéreront peu à peu le
changement dont la nature n'indique pas la caractèrec national, affaibliront le respect de
nécessité alors la constitution vient à son la nation pour les lois fondamentales, chan-
seeours, et lui présente, dans les corps char- geront
$ ses habitudes, et produiront à la fin
gés du dépôt des lois, des conseillers qui une i crise violente si le gouvernement,
éclairent la raison de l'homme, en respectant avertii par les troubles qui auront précédé,
la volonté générale de la société à laquelle ne J se hâte de remonter à la source du mal
rien ne peut faire obstacle. En vain s'exa- et < si l'on prétendait
qu'un corps législatif
gère-t-on le danger de l'opposition, ou les aurait prévenu le désordre par des lois
inconvénients de la complaisance je n'hé- plus ] sages, je répondrais qu'un corps légis-
siterai pas à répondre que, toutes les fois latif, voudrait faire des lois, ce qui seul
qu'une loi sera nécessaire, son inscriptionamènerait et plus tôt et [plus sûrement des
au dépôt des lois, qu'on appelle en France crises aussi violentes et plus irrémédia-
enregistrement, ne souffrira aueune diffi- bles.
culte car il est dans la nature des choses Dans une société non constituée, princi-
que tout cède à une nécessité reconnue. Ce palement dans la démocratie, où il y a un
n'est jamais qu'à l'occasion de lois non né- corps législatif qui est le peuple, il peut se
cessaires et conséquemment nuisibles, et faire sans cesse (1), et il se fait fréquem-
presque toujours à l'occasion de lois fisca- ment de nouvelles lois, parce que le légis-
les, qu'on a vu s'élever en France ces luttes lateur aura sans cesse de nouvelles volon-
aussi funestes que scandaleuses entre l'au- tés, et se décidera fréquemment, d'après de
torité royale et les corps dépositaires des nouvelles convenances et comme il n'y a
lois. rien de fondamental, rien de nécessaire dans
Leur complaisance n'est pas plus à redou- les lois elles-mêmes, il n'y aura rien de fixe
ter et c'est ici qu'il faut admirer la force dans les formes avec lesquelles on fera des
de la constitution. Une loi directement, pro- lois. Le législateur pourra non-seulement
chainement destructive de la conservation changer la loi, mais encore changer la forme,
de l'Etat, sera formellement repoussée par qui est bien moins respectable que la loi$
la seule force du principe constitutif; je me en sorte qu'on ne pourra reconnaître, à au-
borne à un seul exemple. Lorsque Louis XIV cun caractère certain et légal, si sa volonté
appela à la couronne les princes légitimés a été, ou non, suffisamment éclairée. Don-
ou leurs descendants à défaut des princes nons-en un exemple. La loi politique de-
du sang, il viola la loi politique et fonda- toutes les sociétés institue des tribunaux
mentale, qui donne à la nation, en cas d'ex. pour prononcer sur la vie et les propriétés
ih)Ctio|L$ie la maison régnante, le droit d'é- des citoyens. Dans une société constituée,
lire celle qui doit la remplacer. Il porta en- cette institution est une conséquencenéces-
(1) c U d gouvernement libre, c'est-à-dire, tou- Romains) c'est-à-dire que,, parce qu'il s'y fait des
jours agile, ne saurait se maintenir, s'il n'est, par lois absurdes, il faut pouvoir les changer
tes prupres Sois, capable de correction (Grandeur des
saire de la loi fondamentale de l'unité de peut manqueraux lois de la morale et même
pouvoir, et de celle des distinctions de pro- à celles de la raison, mais qu'if n'enfreint
fessions elle y est même devenue loi fon- aucune loi politique, puisqu'il peut, comme
damentale. Les offices dans ces tribunaux législateur suprême, changer à tout moment
sont inamovibles, et les officiers indépen- et-dans toute circonstance, et le fond et la
dants de l'homme-roi. forme des lois. « Un peuple,» dit Rousseau,
« a toujours le droit
dechanger ses lois, mê-
Dans la démocratie, les offices sont amo-?
vibles, et les tribunaux ne sont fixes qu'au- me les meilleures. »
tant qu'il plaît au peuple souverain, de ne CHAPITRE IV.
pas les déplacer. Ainsi, lorsque le peuple
veut disposer de la vie ou de la propriété DE L'AUTORITÉ DES CORPS DÉPOSITAIRES DES
d'un citoyen, iLchange la loi politique, ou LOIS.
plutôt il en porte une autre- et.comme dans
la monarchie le roi renvoie le prévenu de- On a souvent observé que les corps dépo-
vant les tribunaux établis pour le juger, le sitaires des lois en France ont toujours
peuple souverain suspend par un acte de ,étendu leur autorité pendant.les minorités
son pouvoir législatif les tribunaux, les ju- et sous les règnes faibles;. et Won. n'a pas
ges et jusqu'à l'exécuteur des jugements il
considéré que cette extension de pouvoir, est
évoque à lui seul la connaissance de l'af- nécessaire et dans la nature de la société,
faire, et s'attribue presque toujours la pu- constituée, parce qu'elle est pour, la .société
nition du délit. Et qu'on ne dise pas qu'il, un moyen de conservation.
n'observe point, en portant cette nouvelle Une société constituée est comme un plan
loi, les formes prescrites; ces formes ne sont parfaitement horizontal, dout un côté ne peut
elles-mêmes que des lois qu'il a faites, et., baisser que le côté opposé ne s'élève. Dès
qu'il lui plaît égalementide-changer.. que le pouvoir général est exercé avec fai-
blesse, tes pouvoirs particuliers prennent
J'oserais même dire que cette volonté nou- le dessus car la société ne peut pas plus
velle a autant le caractère de l'unanimité et exister sans pouvoir, que l'homme exister
de la généralité, qu'aucune autre volonté de
sans société.
ce législateur absolu; et quiconque a eu-
Le pouvoir particulier ne peut être que le
sous les yeuxle terrible spectacle d'un peu-
ple prêt à exercer un acte de sa prétendue pouvoir d'un individu, ou celui d'un corps.
souveraineté dans les fonctions judiciaires Mais le pouvoir.. particulier d'un individu,
et executives, a pu remarquer que jamais sa qui s'élève dans la. société à la place du pou-
volonté ne se prononce par des signes plus voir général, constitue précisément la ty-
expressifs, moins équivoques,,et en appa- rannie, et entraîne la destruction ou le mal-
heur de la société, soit qu'elle laisse usur-
rence plus unanimes. Si l'on prétendait que
ce n'est qu'une partie du peuple, qui, dans per son pouvoir par la force ou par la ruse,
le cas que je suppose, a exercé le pouvoir ou qu'elle le défende par la guerre civile.
législatif, je répondrais que, dans une ré- Le pouvoir particulier de corps interprè-
publique, ce n'est jamais qu'une partie du tes et dépositaires des lois, comme -sont, les.
peuple qui fait des lois, et qu'il ne s'en fe- parlements de France, n'expose l'Etat hm*
rait aucune, si l'unanimité absolue des opi- cun de ces dangers; 1° parce qu'étant plu-
sieurs, tous indépendants les uns des au-
nions était requise.
tres, ces corps sont nécessairement divisés,
On dira peut-être qu'un roi peut mettre et ne peuvent s'accorder ni sur le but, ni
la force à la place de la justice, soustraire un sur les moyens; 2° parce que n'étant pas
coupable aux tribunaux, oalivrer un inno- pouvoir par la constitution de l'Etat, commet
centa des-commissions arbitraires. Mais il le sénat de Suède et de Pologne, ou le, par-
est aisé d'apercevoir que le roi, en suppo- lement d'Angleterre, mais seulement fonc-
sant qp'il trouve des ministres pour signer tion du pouvoir, ces corps peuvent devenir
des ordres contraires aux lois, viole à la fois les plus puissants dans l'Etat, sans pouvoir
les lois de la morale et les lois politiques de jamais y être les premiers, puisque dans.
son Etat; qu'il n'est plus alors le pouvoir t'ordre des professions sociales, ils ne sont
général de la société, l'agent de sa volonté pas la profession la plus distinguée 3° par--
générale, puisqu'il manifeste sa volonté par- ce qu'à quelque excès qu'ils portent leur,-
ticulière au, lieu que le peuple souverain pouvoir, il ne peut jamais, être dangereux*
pour ta constitution; car, selon la judicieusee comme l'Angleterre et l'Ecosse. Sans ces:
remarque de Montesquieu, ces corps, danss corps, la France serait ce qu'est aujourd'hui
leur égarement même, ne soupirent qu'après s la Pologne. Toutes les autres nations mo-
les lois et leur devoir, et qu'ils retardent la
a narchiques ont une royauté et des distinc--
fougue et l'impétuosité des factieux, pluss tions héréditaires; la France seule a des
qu'ils ne peuvent les servir. corps dépositaires et interprètes des lois,,
Les affaires de la Fronde, auxquelles Mon- corps indépendants dans l'exercice de leurs
tesquieu fait allusion dans ce passage, prou- fonctions et en convenant que ces corps.
vent mieux que tout ce qu'on pourrait diree sont sujets à l'erreur, parce qu'ils sont su-
combien peu doit être suspecte au gouver- jets aux passions* je ne crains pas de dire
nement l'autorité que les parlements ne& que c'est dans ce développement des lois.
manquent pas de s'arroger pendant le som- fondamentales, que consiste la supériorité;.
meil ou la faiblesse du pouvoir général,, de la constitution française sur la constitu-
puisqu'à l'époque de J'extension la plus im- tion des autres Etats, comme c'est à l'ex-
modérée que les parlements aient, donnée ài cellence de sa constitution que la France
leur autorité, le plus, puissant de ces corps, doit la perfection dans tous les genres à la-
secondé par la capitale,. et par les personna- quelle elle était parvenue. Lorsque le pou-
ges les plus considérables de l'Etat, bien
lain de se rendre redoutable, ne devint pass
voir général de la société est exercé avec,
vigueur, le pouvoir particulier des corps.
même odieux, et ne fit que se rendre ridi- rentre dans ses bornes, parce qu'il n'est
cule-. Ce ridicule qui caractérisa la Fronde, plus nécessaire mais lorsque, sous un rè-
s'étendit jusque sur les choses et les hom- gne faible, on entend des plaintes contre-
mes qui en étaient le moins susceptibles; ett l'excessive autorité des parlements, on peufc
le grand Condé lui-même, factieux par dé- croire qu'il y a derrière la toile quelque am-
pit et par air, comme le parlement l'était par bilieux qui voudrait établir son,pouvoir par-
faiblesse, eut peine à s'en sauver en sorte ticulier; et l'Etat alors ne ressemble pas.
)
que cette tragi-comédie n'a conservé d'inté-• mal à une maison où des valets qui vou*
rêt chez la postérité que par le caractère draient abuser de la faiblesse de Monsieur,
profondément séditieux de son premier ac- vont partout se plaignant du despotisme de-
teur,, le coadjoteup de Paris,, et le tour ori- Madame.
ginal de ses Mémoires. Ce siècle a vu des exemples mémorables.
Une grande partie des malheurs de la td'extension d'autorité judiciaire sur l'auto-
i-
France,, sous les règnes faibles de François rite religieuse entreprises aussi funestes à
II et de Henri III, vint de ce que le parle- la société politiquequ'à la société religieuse,
ment de Paris, affaibli par la diversité d'o- levain empoisonné qui fermente encore, et
pinions religieuses, qui s'étaient glissées dont l'effet le moins déplorable a été de li-
parmi ses membres, ne put pas faire préva- vrer au ridicule des disputes et à la frivolité
loir son pouvoir particulier sur celui des des conversations ce qu'il y a de plus sacré-
Cuises: encore n'aperçoit-on, dans ces parmi les hommes, ta religion et la justice!
temps déplorables, d'attachement à la cons- Je ne craindrai pas de déterminer avec
titution et de courage à la défendre, que précision les relations des corps dépositai-
dans ce corps respectable, dont le chef, res des lois avec les états généraux; et, bien
Achille de Harlay, bravant un sujet auda- loin de penser avec quelques personnes,
cieux, qui venait de chasser son souverain que la nature ait laissé des obscurités et des
de sa ville capitale, et, qui bientôt ne lui incertitudes dans la constitution qu'elle a
laissa de force que celle de le faire assassi- donnée aux sociétés, j,e crois fermement qu&
ner, osa lui dire « C'est grand'pitié quand tous les cas y sont prévus et que tous les
le valet chasse la maître; au reste, mon âme points en sont exactement définis.
est à Dieu, mon cœur est au roi, et mon. Les étals généraux ont deux fonctions t
corps entre les mains des méchants qu'on celle de remplacer la famille royale en cas
en fasse ce qu'on voudra. » (Hénablt.) d'extinction, et celle d'accorder l'impôt en
C'est au pouvoir particulier des parle-
cas d'insuffisance. Or, les parlements ne
ments pendant les minorités, que la Franc& peuvent, sous aucun rapport, s'occuper du.
doit de n'avoir pas été en proie à des tu- premier objet, parce qu'ils ne sont pas des
telles ensanglantées, à des régences ora- ordres ou professions primitivement et né-
gsuses, à des protectorats tyranniques, cessairement conservatrices de la société*ui
du second, parce qu'iJs ne sont pas des or- pouvoir,
1 en lui faisant-craindre de ne pas le,
dres propriétaires. Là qualification insigni- conserver
c
fiante qui leur a été donnée par lés états gé- 3° Parce que les corps dépositaires des.
néraux de. d'états généraux au petit pied, lois
li sont'jtaïce, et; que les états généraux
ne peut tirer à conséquence parce que dans sont
s force, etqu'il esidans la nature impres-.
la-constitution des sociétés, des compliments criptible
c des êtres:que force obéisse àiustice.
ne peuvent pas prescrire contre la nature 4° Enfin parce que les états généraux ne
des êtres. S'il y avait dans une société des ppeuvent s'assembler sans convocation et.
états généraux continuellement, ou même que
q leur convocation étant une loi, ne peut,
périodiquement assemblés,, ne fussent-ils êêtre appliquée que par les corps qui en sonfe.
qu'au petit pied, il n'y aurait plus de consti- ddépositaires.
tution de pouvoir général,, appelé monar* On dira peut-être que les parlements ne,
chie; mais une constitution de pouvoirs par- cconvoqueront pas les états généraux, pour-
Mculiers appelés aristocratie. cconserver plus longtemps l'intérim du pou-
Mais si les parlements ne peuvent con- vvoir
v général mais il est aisé de sentir que-
courir, avec les professions ou ordres essen- plusieurs
p parlements, tous égaux et indé-
tiellement conservateurs et propriétaires, à pendants
p les uns des autres, ne pourraient
nommer la famille qui doit exercer le pou- eexercer conjointement le pouvoir, au lieu
voir général, conservateur des hommes et qque les états généraux, assemblée unique et,
des propriétés,, la nature des choses ou la représentant
n la généralité, pourraient facile-
constitution leur assigne des fonctions plus ment
n l'usurper. Je n'avance rien de nou-
éminentes, puisqu'elle les destine à exercer vveau, et les prétentions mêmes du parlement
le pouvoir général lui-même, dans l'inter- e prouvent les droits. « A la mort de Char-
en
valle qui s'écoule, entre l'extinction de la fa- les IX, après le dîner, qui, selon l'usage,
1<
( 1 ) Cet Etat périra, dit Montesquieu, en parlantit société commerçante. Lorsque la puissance législa-
de l'Angleterre, lorsque la puissance législaaive y seraa tive sera plus corrompue que Cexéculive, c'est-à-dire,
plus corrompue que l'exécutive. Cet oracle assez z lorsque le parlement, s'éievant au-dessus des lois,
obscur ne peut s'expliquer que par mon système. Laa voudra empiéter sur la prérogative royale, ce qui,
puissance exécutive est le roi, ou le pouvoir de laa par la nature de cette société, doit nécessairement
société politique. La puissance législative, ou le par-
r- arriver."
iement, est plus particulièrement le pouvoir de laa
glais est éloigné des autres gouvernements. s. sentiellement être empêché, te pouvoir du
Partout enfin et dans la jurisprudence ci- i- parlement est donc nécessairement destruc-
'vile équitable dans ses dispositions, op- )- teur, puisqu'il a fallu lui opposer un pou-
pressive dans ses formes-; et dans la juris- s- voir nécessairement coercitif. Le.pouvoir du
prudence criminelle-, sévère sans être ré-i- parlement est donc -actif-, puisqu'il tendà
;pressive, qui punit le malfaiteur, et qui nee faire le pouvoir du roi n'est donc que pas-
peut protéger la propriété et jusque dans laa sif, puisqu'il ne tend qu'à empêcher quel'au-
langue, cultivée sans-être polie, perfection-i- tre ne fasse. Le pouvoir actif et destructeur
née sans être embellie, 'l'observateur retrou- du parlement doit tôt ou tard l'emporter sur
vera une nature embellie et perfectionnée à 'le pouvoir passif du monarque, parce que le
côté d'une nature brute et sauvage effet >t pouvoir passif ne peut anéantir le pouvoir ac-
inévitable d'une organisation de société ohà tif, mais seulement suspendre son action-,
la constitution de la nature se combine avecc Dans une sécrété parement monarchique,,
4es institutions de l'homme, et la yalontéé les corps dépositaires des lois ont le droit de
générale de la société essentiellement con- représenter au pouvoir de l'Etat qu'une loi
servatrice avec les volontés particulières des n'est pas émanée de là volonté générale de
l'homme nécessairementdestructives. la société, mais de la volonté particulière
Une observation importante et peut-êtree de l'homme- ce veto., si l'on petit l'appeler
décisive, est que ce n'est que depuis que les ainsi ne peut être que suspensif, parce que
^commerce a pris en Europe une grande fa- le pouvoir général est -essentiellementcon-
t
veur, et qu'on airoulu en faire, souvent servateur, et que les volontés particulières
malgré la nature, la fin «t le moyen de touss d'un homme quel qu'il soit', peuvent cor-
les gouvernements, que les politiques mo- rompre l'administration, mais ne sont.jamais
dernes ont insisté sur la nécessite de ce3 assez fortes pour renverser la constitution.
qu'ils appellent la division des pouvoirs ett Fn France, la lutte ne pouvait être qu'entre
la création d'un ipoutvoiiï législatif séparé des hommes en Angleterre«lie est entre
preuve évidente que c'est àïa réunion d'une3 des pouvoirs.
société commerçante à la société politique, Les fautes de l'administration auraient pu
que l'Angleterre doit cette législation parti- produire des troubles en France; mais il
culière qui déconstitue la société politiquei n'y aurait jamais eu de révolution si les
pour constituer la société mercantile, quii états généraux, dérogeant à leur nature et à
Ôte au monarque le pouvoir de faire, et nej leurs fonctions, ne s'étaient pas érigés en.
lui laisse que le pouvoir d'empêcher, qui luii pouvoir législatif, dont les résolutions
donne la direction de la force publique, ett devaient être sanctionnées par le monar-
peut lui refuser les moyens de la mettre eni que c'est-à-direqu'il a fallu, pour détruire
mouvement, et qui, ne laissant ainsi à lat la France, que le choc des passions et le
volonté générale qu'un pouvoir négatif, lal hasard des circonstances y aient formé une
met hors d'état de remplir parfaitement lat constitution semblable, dans le' fond, à la
fin de toute société; constitution que la foule constitution anglaise; et l'on propose à la
admire parce que l'administration y est France cette même constitution pour la ré-
sage et habile; société où elle croit beaucoup tablir. Et qu'on ne dise pas que l'assemblée
de vie, parce qu'elle y voit beaucoup de nationale de France ne formait qu'une
mouvement, et où elle trouve beaucoup de chambre, tandis que le parlement d'Angle-
bonheur, parce qu'elle y voit de grandes ri- terre est composé de deux chambres dont
chesses. Je finis par une réflexion que je re- l'une balance, par ses prérogatives, la force
commande à l'attention la plus sérieuse du de l'autre l'équilibre ne peut existerqu'en-
lecteur. tre des forces égales aussi, dans des temps
Le roi, dans ,1a constitution anglaise, a le de troubles, il doit arriver que la force
veto absolu surles résolutions du par!ement, l'emporte sur les prérogatives. Qu'on ne
ou le pouvoir d'empêcher les actes du par- m'allègue pas un siècle de tranquillité;
lement de devenir des lois. Dans une société qu'est-ce qu'un siècle pour une société ?
où il y a deux pouvoirs; s'il y en a un dont La preuve que la constitution d'Angle-
la nature et l'essence soient d'empêcher, la terre est insuffisante pour assurer la conser-
nature et l'essence de l'autre sont de dé- vation de la société, est qu'on est obligé d'y
truire car un pouvoir dont l'essence est déroger toutes les fuis que la sûreté inté-
d'empêcher, suppose un pouvoir qui doit es- rieure de l'Etat est menacée, et d'étendre le
pouvoir général en restreignant 1-es pouvoirs tes Provinces-Unies, où le commerce est
particuliers mais il est aisé de voir que moins national., parce que la société politi-
cette mesure, quoique indispensable, est un que est moins constituée et moins une.
danger de plus puisqu'elle doit -être votée Celle-ci -est une confédération informe com-
presque toujours par ceux mêmes dont il posée à peu près de cinquante républiques,
faut restreindre les pouvoirs et qu'elle met très-inégales entre elles quant aux forces
nécessairement aux prises le pouvoir géné- réelles et à l'influence politique, et surtout
ral et les pouvoirs particuliers. quant aux principes constitutifs de leur gou-
Le bill sur la suppression des «ssemMées vernement particulier. La société politique,
séditieuses «stactaelle tirent l'occasion d'une la société commerçante, y sont républicai-
îuïte de ce genre, la plus opiniâtre qu'on nes, et par conséquent elles tiennent toutes
eût vue depuis longtemps. les deux de leur nature un caractère d'in-
Il ne faut pas s'en étonner. Dans ce mo- quiétude et un principe d'agression récipro-
méat l'Angleterre est en équilibre entre la que, par lequel on peut expliquer beaucoup
démocratie et la monarchie. Si le bill ne d'événements des temps passés et des temps
.passait pas, elle tomberaitinfailliblementdans- modernes.
*e gouvernement populaire, et les vrais amis En Angleterre, la société commerçante
de rhumanitë ne pourraient que donner des n'est pas incompatible avec la société poli-
larmes au sort de cotte belle partie de l'Eu- tique, qui, comme monarchique et consti-
rope. Mais il sera adopté, et il sera peut-être tuée, tend encore plus à se conserver qu'à
l'époque d'uneaméliorationdans la constitu- entreprendre sur l'autre mais dans les Pro-
tion de ce pays. Car quelle constitution que vinces-Unies, la société commerçante a tout
celle qui donne aux. députés des professions à appréhender de la société politique, parce
conservatrices de la société, aux repré- que là où il y a d'immenses richesses na-
sentants de la nation propriétake,le droit tionales, si le pouvoir est entre les mains de
d'invoquer impunément, dans l'assemblée plusieurs, il sera bientôt entre les mains de
même de la nation, la forte du peuple con- tous, ce qui doit entraîner la ruine des deux
tre 1es décrets du corps législatif, au moment sociétés et à cet égard, les faits qui se pas-
où cette force s'est dirigée de la manière la sent sous nos yeux s'accordent avec le rai-
plus criminelle contre la personne sacrée du sonnement. Je crois qu'il n'y a pas un Etat
monarque et qui leur permet de soutenir, en Europe à qui un pouvoir unique soit plus
sans encourir l'interdiction civile, que cent nécessaire qu'aux Provinces-Unies c'est le
mille sans-culottes peuvent s'assembler
plein champ, et sous la présidence d'un leurs
en 1
seul moyen de préserver leur commerce et
possessionséloignées, s'il en est temps
énergumène ou l'influence d'un factieux; encore, < des troubles du dedans et des atta-
censurer les opérations du gouvernement .<ques du dehors. Ce qui pourrait arriver de
et la conduite de ses agents prendre parti plus I heureux pour la société commerçante,
pour ou contre une loi soumise à la discus- serait s que la société politique s'étendît assez
sion la plus réfléchie et la plus solennelle; pour devenir monarchique. Tout peuple,
« >»
exprimer leur vœu sur les questions poli- dit i Rousseau, « qui, par sa position, n'a que
tiques les plus importantes, décider de la 1l'alternative entre le
commerce et la guerre,
paix et de la guerre embrasser toutes les est « faible en lui-même, il dépend de ses voi-
opinions que l'éloquence peut dicter à la sins, s il dépend des événements. il ne peut
sottise se communiquer tous les désirs que se s conserver libre qu'à force de petitesse ou
la cupidité peut suggérer à la misère; se li- de d grandeur. »
vrer peut-être à tous les attentats que l'am- C'est donc forcer la nature des choses et.
bition ou la vengeance peuvent conseiller à méconnaître n tous les principes, que de -vau.-
la force; et que ces démarches ne sont pas loir li établir en France deux pouvoirs, lors-
seulement compatibles avec l'ordre public qu'il q ne peut y avoir qu'une société. Un
et la sûreté individuelle, mais qu'elles sont gouvernement
g républicain n'y choquerait
l'effet et le gage de cette liberté sage et ré- plus]a nature qu'un gouvernement,
pas
p
glée à laquelle l'homme est appelé par la mixte. « De
rc toutes les productions do l'in-
nature même de la société?2 trigue,
tr depuis le commencement de la ré-
Les circonstances qui ont produit la cons- volution, » dit
titution anglaise n'existent nulle part les prit, v< un homme de beaucoup d'es>~
pi « ce prétenduacte constitutionnel a été,
mêmes qu'en Angleterre, pas même dans
OEUVRES rnntor
fHEnvnK<!
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COMP! r.a
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LOri4.Ll). 1.
sans contredit,
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4lJ
nefte. Des droits sans démarcation, des for- démocratie sans égalité-, voilà ce qui a été
ces sans équilibre; des mouvements sans di- appelé le pacte social un 1791. » (Merciep-
rectiori, une monarchie sans patriciat, une n°9, 1795.
UVRE VII.
CARACTÈRE NATIONAL.
INFLUENCE DES CLIMATS:
exemple, attribuent une 'influence sii soins sc supérieur à tous les objets sensibles,
son
les des l'être
T< intelligent ne peut rien devoir qu'à
marquée sur le caractère et mœurs lui son phy-
l'homme pro- d< êtres intelligents comme
des
hommes. En faisant de une
végétale soumise propriétés du sique
si même ne dépend que très-peu de ces
duction aux l
l'air, ils ont avili sa causes extérieures. « Dans l'espèce humai-
terroir et à l'action de
dignité, dégradé ses vertus, justifié ses vi-
t
dit
ce
ne,
ni Buffon, « l'influence d.es climats
des variétés assez lé-
gouvernement de ses dé- ne
ni se marque que par
ces, et délié le gères-, V espèce est une comme il est fait
voirs. ':•
physique du climat t pour
Pl régner sur la terre, que le globe en*
« Quand la puissance tier
ti est son domaine, il semble que la nature
viole la loi naturelle, » dit cet auteur, « t
c'est
législateur des lois civiles qui- s< soit
i- se prêtée à toutes les situations. »
à faire
au
rétablissent t Mais si l'on ne doit pas croire à l'effet des
forcent la nature du climat et sur l'homme physique, et bien moins
les lois primitives. ^(Esprit des lois, liv. xvi, climats cl
e
encore sur l'homme moral, on ne peut s'em-
chap. 12.)
Le climat opposé à la loi naturelle 1 la na-pêcher
P d'attribuer beaucoup d'influence a la
à.la de l'hom- transmission
tl héréditaire ( 1 ), c'est-à-dire
ture du cl imat opposée nature
les mœurs et le caractère d'un peuple
me t c'est absurde lés lois civiles qui for- q
que
climat l'homme qui change e se
s. forment par les institutions religieuses
cent la nature du
la nature: c'est, impossible. et politiques « Ce sont, » dit Rousseau,
tranchants les institutions nationales qui forment le
D'autres écrivains ont été plus «
loi, même génie,
g le caractère, les goûts' et les mœurs
ils ont nié l'existence de toute e
dans l'homme des d'un
d peuple » et une fois le caractère et
naturelle, et n'ont vu que s institutions, si un
1les mœurs formés par les
appétits et des besoins. qui gouverne a soin de con-
de l'homme unee gouvernement
ë
Les uns avaient fait institutions dans toute leur pu-
l'art et les soins du jardinier server
s les
plante dont ,r
habitudes de la nation se main-
pouvaient améliorer les sucs; ceux-ci ont
it reté,
r les
tiennent,
t les qualités se transmettent par la
fait de l'homme un animal uniquement dé-
physiques. Ces opi- succession,
s se développent par-l'imitation,
terminé par les besoins [L
l'éducation, et le caractère
nions; si commodes pour paresse la de ceuxs se
s forment par
national se conserve. En vain
l'esprit de
qui gouvernent, si favorables aux passions 1S r
qui gouvernés, sont- répan- parti s'efforce d'obscurcir des vérités aussi
de ceux sont se 1
démêle, dans les vues profon-
dues; et l'homme, regardé comme un vil
il sensibles;
s on
derne, le descendant du soldatde Philippe che et leur subsistance, acquière, avec un9
et d'Alexandre,, dont les montagnes escar- constitution fixe, toute la force de résistance
pées ont préservé la race d'une destruction dont elle est susceptible. Rousseau, dont il
totale et c'est une nouvelle preuve de la. faut souvent saisir les aperçus, et rarement
force de la constitution monarchique; car les principes, pronostique que les Tartares
Rousseau met sur la même ligne la petite deviendront nos maîtres. «Lette révolution,
monarchie des Macédoniens et celle des dit-il, me paraît infaillible; tous les rois
Francs. C'est dans la transmission hérédi- de l'Europe travaillent de concert à l'accélé-
taire, fortifiée par l'imitation ou par l'éduca- rer » et quoique ce danger ne soit peut-
tion, qu'il faut chercher la cause de ces dis- être pas aussi prochain que cet auteur parait,
positions générales à certains peuples on le penser, qui oserait, après ce que nous
ne peut rendre raison du caractère, des na- avons vu, fixer les progrès de cinq à six
tions que par leurs institutions, on ne peut cent mille Tartares conduits p^n un Attila
expliquer, l'homme que par lui-même. ou un Tamerlan, que la Turquie aux abois
Je reviens au Tartare. Ce qu'il a de sin- verserait en Europe, et qui pourraient comp-
gulier n'est pas son caractère, c'est qu'il n'a ter parmi nous, sur deux alliés fidèles, nos
aucun caractère, parce qu'il n'a pas d'insti- divisions et nos jalousies « « il semble, » dit
tutions politiques c'est le peuple de la.na- un auteur judicieux, « que, dans le politique
ture, prêt à recevoir toutes les institutions et dans le moral, tout est en effort, comme
qu'on lui donnera, et à prendre les habitu- dans le- physique, et que les peuples répan-
des et le caractère que formeront en lui ces dus sur la surface de la terre se pressent,
institutions. Il est devenu Européen dans comme les éléments, et se portent, par leur
nos climats, Indien au Mogol, Chinois à Pé- propre poids, vers les lieux où le luxe, le
kin. La grande Tartarie semble être l'atelier. despotisme, la corruption des mœurs, ont
de la[nature elle a placé ce, peuple dans de énervé les âmes, comme l'air, l'eau, le feu
vastes déserts, loin de notre civilisation cor- se précipitent dans les espaces vides, ou
ruptrice, comme une mère sage qui éloigne remplis d'un air sans ressort, de corps sans
ses jeunes enfants de la ville, et les fait nour- résistance. » (Pluquet.)
rir dans ses terres. Montesquieu ne trouve que dans les cli-s
Ainsi le genre humain a commencé en mats froids une grande force d'esprit et de,,¡
Asie, puisqu'il y recommence encore, et s'y corps, qui rend les hommes capables d'ac-
refait des pertes qu'il éprouve ailleurs. C'est. tions longues,, pénibles, grandes et hardies.
dans ses immenses régions, vingt fois plus Mais pourquoi la civilisation, qui suppose les
grandes que la France,-selon Bufion, que se progrès de l'esprit humain et le plus grand
forment dans le silence et sous les yeux de développement de sa force, la civilisation,
la nature, loin de nous, de nos arts, de notre qui est une action longue, grande et pénible,
luxe,de nos systèmes, ces nations vierges qui a-t-elle toujours été si avancée dans la
viennent, de loin en loin, détruire et nous,. Midi, si retardée dans les climats glace
du NorU ? Mais les Romains et même les effets déréglés de ce sentiment que la natu-
Grecs, le législateur des Arabes et ses sue-
re a destiné à la conservation de l'espèce-
cesseurs, Mahomet II et Soliman, les pro- humaine, et que l'homme, qui abuse de
digieux conquérants du Mexique et du tout,
1 fait servir à sa destruction. Cette in-
Pérou (1), nés et faisant la guerre dans ifluence du climat était commode pour les,
des climats chauds, n'avaient-ils romancîers, qui veulent des penchants irré-
pas une J
grande force de corps et d'esprit, n'étaient- sistibles,
s et pour les philosophes, qui veu-
ils pas capables d'actions longues, grandes, lent
1 des passions insurmontables aussi l'on
pénibles et hardies ? Cette théorie ne s'ac- aé débité sur ce système bien des romans,
corde pas mieux avec l'histoire moderne. et
e encore plus de philosophie.
Les Espagnols, les Italiens, sous Charles- Je suis loin de penser que la nature ait
Quint, Philippe II, et de nos jours, se sont donné
c à l'homme plus de besoins sous une
battus en Flandreau en Allemagne, 1latitude que sous une autre,
comme parce que je ne-
au Mexique ou en Afrique les Anglais puis
p croire qu'elle n'ait pas également voulu
dans l'Inde, comme en Amérique les Fran- I conservation et la propagation de l'espèce
la
çais au Canada comme en Italie; les Rus- humaine-
h dans tous les lieux où elle a pla-
ses sur les bor Is de la mer Noire, comme cé
c l'homme autrefois le Midi était excessi-
en Finlande les Autrichiens dans le Pié- vement
v peuplé; la population de l'Italie, de-
mont, comme aux plaines de Tirlemont .(2) la
1< Sicile, de l'Espagne, de l'Egypte était
.- "
«ne imagination sensible à l'excès, qui quel- institutions
i politiques. Dans les pays du
quefois lui fit faire de grandes choses, et qui midi
i de l'Europe, il.y eut plus de désordres,
plus souvent lui-, fit faire de grandes fau- plus de licence, plus de passions, parce
tés.- ••
Lorsque les Romains eurent assujetti les
1
qu'il
< y eut plus de commerce, de voyages,
de richesses, de tableaux, de statues, de ro-
Grecs, et les rois de cette nation successeurs mans, de-théâtres1 (1). Mais lé climat nefait
d'Alexandre, la vanité des triomphateurs ett rien de tout cela; c'est le gouvernement qui
l'avarice des proconsuls transportèrent ài le fait ou le laisse faire, et qui, au lieu de
Rome tous les chefs-d'œuvre des arts dont t considérer, le commerce, les richesses, les
la-Grèce était ornée; alors la peinture, iai arts, les productions de l'esprit ou de l'ima-
sculpture, la musique, lapoésie^dévoilècent t gination, comme de nouveaux moyens de
de mille manières,, et dans le langage le pluss conduire les hommes au bonheur parla ver-
séduisant, ce que la nature jusque-là n'avaitt tu, abandonne ce ressort puissant à des
confié qu'en secret à la pudeur. Chez les5 mains corrompues ou malhabiles, et content
Grecs, peuple faible, les imaginations n'é- de réprimer l'homme physique, livre l'hom-
taient que sensibles chez le Romain, durr me moral, c'est-à-dire, tout l'homme, au
et féroce, elles devinrent ardentes les ins-• dérèglement de son esprit, à la dépravation
titutions religieuses et politiques s'altérè- de son cœur, au délire de ses sens, souvent
rent.dans les troubles civils, les mœurs se5 même le pousse sur cette pente rapide, par
perdirent cruel par l'effet de ses institutionss de coupables exemples, ou des institutions
primitives, voluptueux par Tefifet de ses nou- imprudentes et dangereuses, et le conduit
velles mœurs, le Romain devint extrême3 ainsi au malheur par le vice (2).
dans ses vires, comme il l'avait été dans sess Je le répète les gouvernements. font les
vertus, et les mêmes temps virent éclore less institutions, les institutions font les, hom-
horribles proscriptions de Sylla.et la prodi- mes, et les hommes se transmettent les qua-
gieuse mollesse de Lucullus,. lités bonnes ou mauvaises qu'ils tiennent de
Je passe à l'Italie moderne. Lorsqu'elles leurs institutions.. Les souverains qui rè-
commença à respirer des dévastations dess gnent sur des, peuples d'une imagination
Barbares, les mêmes causes vinrent l'embel- plus mobile, ont, si l'on veut, plus de pré-
lir et la corrompre. Les arts-ne s'étaient pass cautions à prendre que ceux qui ont à gou-
perdus en Italie, où régnaient les Papes ett verner des peuples plus constants dans leurs
les empereurs grecs, où il y avait des villess goûts, plus tranquilles dans leurs manières
florissantes, et presque le seul commercee mais ils ont aussi un ressort de plus à em-
qui se fît pour lors; > le commerce, causee ployer-: ressort actif, d'une force irrésisti-
unique de prospérité, selon les moderness ble, incalculable, tel que la poudre, dont
politiques, et source la plus féconde dee l'explosion,, dirigée par un mineur habile
corruption particulière et publique. Les artss ou par un ouvrier ignorant, peut renverser,
se ranimèrent à la voix, de Léon X, des Mé- en un clin d'oeil, l'obstacle le plus formida-
diçis,, des princes ou des particuliers aux- ble, ou faire sauter l'édifice le plus pré-
quels un grand commerce avait procuréé cieux.
d'immenses richesses.
de l'insensé. qui a osé calomnier ainsi la nature et »t tues!
la société, que les sectateurs prétendus de la nature, (2) Dans l'Orient, et chez les, peuples qui sui;-
les soi-disants législateurs des sociétés,, ont fait unn~n vent la, religion mahométane. les insliiutions reli-
dieu! gieusesajoutent aux causes de corruption, puisque,,
(1) Le moyen, dit un homme d'esprit,, dans ses !s non contentes de permettre les plaisirs des sens dans
Lettres sur l'Italie, d'avoir des mœurs et des sta-
i- cette vie, elles les proliietteiit dans l'autre.
:'•
CHAPITRE IV.
-
CARACTÈRE NATIONAL DANS LES DIVBHS
GOUVERNEMENTS.
institutions
i
qu-éès
C
primitives y 'auront été atta-»
avec plus ou moins de succès.
Les peuples soumis à une monarchie bien,
constituée auront beaucoup de caractère,
c
puisqu'ils ont contracté toutes. les habitudes
J'ai dit ailleurs que le caractère d'une sociales;
s et qu'ils ont sous les yeux des ob-
tiq.n se composait de ses habitudes religieu- jets a toutes leurs affections..
ses ou politiques, de son attachement pour Dans une aristocratie, le- peuple aura
les propriétés sociales, c'estrà-dire, de son moins de- caractère, surtout si le pouvoir est
r
affection à un culte antique* de son amour entre les mains d'un grand nombre de fa-
pour une famille anciennement régnante,, de milles,
r parce- qu'alors il est;. comme je l'ai
sa vénération affectueuse pour les familles remarqué, plutôt un objet d'envie que d'af-
r
exerçant les professions distinguées. Le ca- fection cependant si le peuple est heureux,
ractère national, plus aisé à sentir qu'à dé- s'il
s a une religion-, sévère, et un, culte impo-
finir, me paraît être l'attachement d'un peu- sant si cet Etat est d'une médiocre étendue,,
g
pie aux objets sensibles de ses affections.
et séparé des Etats voisins par iine situation,
Cet attachement ne peut être formé que: par particulière si les familles patriciennes sont
f
s,es habitudes un peuple qu.i aura plus aanciennes et considérées; si, jouissant en.
d'objets à. ses affections, et des objets plus de l'effectif du pouvoir, elles savent,
commun
c
constants,, plus [invariables, plus sensibles»
aura donc plus d'habitudes, plus d'attache- en tempérer l'éclat par leur modération per-
sonnelle,
s le peuple aura de l'affection pou?
ment, plus de caractère. Ce sentiment pro.- gouvernement^ et Yenise, qui réunit
fond, endormi dans la jouissance uniforme sson
“
tous ces avantages, a déployé- autrefois,dans
et tranquille d'une longue, prospérité, se les moments de crise, une grande force de
çéveille aux jours du maiheur; et si la ter- national.
caractère
c
reur en comprime momentanément les ef- Dans un Etat populaire, il ne peut y avoir
fets, il se replie sur lui-mêoie,,et caché dans
de caractère national car où seraient les..
le fond du coeur, il y vit de souvenirs, de
objets
c des affections et le motif des habitu-
regrets et d'espérances, et n'en acquiert que des ? S'il y a une religion, publique, des
plus d'énergie, semblable à ces ressorts dont c
régnante, dans les mêmes limites;. ce ca.raer c1 caractère national, parce que le peuple
de
ière sera plus ou moins -altéré, selon, que les t
trouve un motif à ses habitudes, et un objet
à sas aifectioas, dans la religion qui y a or- tance
ta opposa l'opinion publique à ces opé-
dinairement beaucoup de force mais il ne rations
ra désastreuses d'autres tentées plus.
peut placer son attachement, ni dans une fa- récemment
ré sur les mêmes corps ont été
mille régnante trop invisible po.ur être con- moins heureuses, parce qu'elles étaientplus
m
nue,, trop nombreuse pour être un objet inconstitutionnelles,
in et qu'on attaquait à la
d'affection, ni dans des familles distinguées fo les institutions et les personnes, c'est-à-
fois
qui n'existent pas à quoi il faut ajouter dire,
di la propriété publique et particulière^
que le pouvoir inspire la terreur plutôt que et si sur d'autres points les institutions po-
la confiance, que les lois y font des esclaves litiques
lit de l'Etat ont reçu quelque atteinte,
et non des enfants, et que l'homme exerçant el a été le fruit d'une altération progres-
elle
le pouvoir, caché à tous les yeux, est comme sive plutôt que d'une brusque invasion.
si
une divinité redoutable dans un sanctuaire Je n'ai parlé que de la France-monarchiet
inaccessible. ca la France-républiquen'a pu, même dans
car
Ainsi, parce qu'il y aura plus de caractère ^a
la ferveur d'une liberté naissante, la défen-
dans une monarchie, elle défendra mieux dre dr contre la tyrannie la plus insolente, la
ses lois fondamentales contre l'usurpation, plusP1 féroce qui fut jamais.
et son territoire contre l'invasion étrangère, Si l'on m'objectait le renversement subit
et elle se relèvera plus promptement de ses dE de toutes les institutions religieuses et po-
chutes. litiques,
lit j'oserais répondre que depuis
Et parce qu'il y en aura moins dans les m moins d'un siècle, le caractère national s'é-
républiques, eltes défendront avec moins de taitta altéré par des causes qu'il n'entre pas
courage leur sol contre l'ennemi, ou leur dans d8 mon plan de détailler, mais qu'on eût
liberté contre leurs tyrans; et une fois sub- pupi et àik prévenir; et que cependant tel était
juguées, elles secoueront plus difficilement l'attachement
1'* de la nation à sa religion, à la
le joug. J'en appelle à l'histoire. monarchie
m et même à son malheureux mo-
« Athènes, » dit Montesquieu, une fois narque,
ne que le culte, qu'il ne faut pas con-
vaincue à Chéronée, le fut pour toujours, » fondre
fo avec la religion, n'y a été anéanti
et elle ne défendit pas mieux sa liberté que qu'avec
<H des ménagements et des précautions
son territoire. Rome fit toujours la guerre qui <Il décelaient les craintes des novateurs, et
se une apparence de réforme capable d'in-
avec désavantage en Italie, et au fort de sa sous
liberté se vit opprimée par les décemvirs.(Es- duire
di en erreur, s'il était possible, jusqu'aux
prit des lois.) Carthage fut perdue quand él élus mêmes (Matth. xxiv, 24); que la monar-
Scipion fut à ses portes; l'Angléterre n'a chie et n'a été renversée qu'en faisant concou-
pas toujours défendu ses lois fondamentales rir ri le monarque lui-même à sa destruction;
contre ses tyrans, ni son territoire contre en ei sorte que la révolution, dirigée contre la
l'invasion. La Hollande a toujours plus royauté, rc a été faite de par le roi ce qui a
compté pour sa défense sur ses eaux que jeté je de l'odieux, dans l'esprit des peuples,
si les zélés défenseurs de la monarchie, et
sur ses citoyens; et la Suisse, quoi qu'on en sur
dise, se défendrait mieux par ses montagnes le leur a ôté tous les moyens de la sauver, en
que par ses soldats. réunissant
ré contre eux, dans les mains de ses
La France avait jusqu'à présent mieux dé- ennemis,
et la force réelle et la force d'opinion.
fendu ses institutions qu'aucune autre na- d< de l'autorité légitime; et qu'entin le mal-
tion; les innovationsprécipitéesqui yavaient heureux
n< monarque n'a été immolé que lors-
T la majesté royale anéantie ne pouvait
été tentées n'avaient pu réussir^ et sans ré- que
volte ouverte elles avaient été repoussées plus pl le protéger, et que la nation, égarée
P* l'imposture, ou écrasée par la terreur,
par la seule force du caractère national et du par
principe de la constitution. La destruction n< ne pouvait plus le défendre.
des corps dépositaires des lois, sur la fin du Que du nombre des jours, ce jour soit effacé.
règne de Louis XV, fut moins un change- Le caractère français, retrempé par les
ment de choses qu'un changement de per- plus pi effroyables calamités, juste châtiment
sonnes; on remplaça les parlements par de d< ses égarements, peut encore souléver ce
d'autres parlements, qui, à la première oc- poids
p< immense de malheur et de honte qui
cas.ion favorable, auraient fait valoir les accable
ac cette nation, destinée sans doute à
mêmes droits (si toutefois ils eussent pu étonner
ét l'Europe par son retour,comme elle
tenir jusqu'à cette époque contre l'opinion l'a î'< épouvantée par ses forfaits. A lui seul
publique). On n'a pas oublié quelle résis- appartient
al ce prodige, et peut-être n'8Uend-
il qu'une preinière impulsion quod, in re ( toutes les nations qui ont envahi l'em-
de
tali, dit Tacite, difficillimiim est, iprima. vox. pire
l romain, a moins un caractère national
C'est ce ressort comprimé par une longue cque les goûts .d'un peuple industrieux:
oppression, qui, par sa réaction., établi* la parce
1 que le Romain, le Napolitain, le Tos•
France sous Charles VJI et Hettri IV; l'Es- can,
( toujours italiens et par conséquent ci-
pagne, sous Pelage et Philippe V; la Suède, ttoyens de deux patries, n'ont pu encore
sous Gustave Vasa; le Portugal, sous le duc Iformer des habitudes dans des gouverne-
de Bragance, et qui eût rendu l'Angleterre à ments
r où la succession est élective comme
Charles II, si la mort prémsfturée de Crom- àl Rome, ou récemment fixée dans la maison
well n'eût hâté son retour (1)., régnante,
r comme à Naples ou en Toscane,
Moriamur pro rege nostro, s'écrient les ( où là distinction héréditaire de la no-
et
fidèles Hongrois à la vue de Marie-Thérèse, 1blesse n'est peut-être pas assez profession
qui leur présente son fils, trait suMme
caractère qui honore autant le peuple qui
de sociale
£ mais, si ces peuples heureux ne
peuvent
1 encore trouver de motifs à leurs
•en fournit l'exemple, qee Je souverain qui ]habitudes dans la constitution de leur Etat,
«n est l'objet. ils
i ont dans l'administration paternelle de
1leurs souverains des objets bien doux à
CHAPITRE V. leurs
j affections.
CARACTÈRE DES BIVEBS PEDPLES DE L'EUROPE, Cependant l'on remarquera, comme une
nouvelle
] preuve de mes principes sur le
Si l'on voulait faire une application plus caractère
( des nations, un caractère national
particulière de ces observations générales, plus
] prononcé chez le peuple le plus mo-
on pourrait remarquer que l'Italien, débris narchique
] de l'Italie et le plus aborigène
(i) Il me semble que Hume en fait l'observation. der!
( parler avec éloquence, avec grâce sur la vente
Ce célèbre historien me ramène à son respectable exclusive du tabac, sur les assignats, sur la consti-
<
compatriote, Burke, ce défenseur bloquent et sen- tution civile du clergé, sur l'impôt, sur les succes-
sible des vrais et solides principes de la constitution sions,
j] etc., etc.; résister pendant deux ans à des as-
monarchique,J'ose croire que quelques-unes de mes sauts de tous les jours, à des dangers de tous les
pensées, sur ces grands objets, se trouveront ÏTu-* j instants, à des contradictions de tous les genres1
nisson de ses méditations profondes, lorsque je me surmonter l'insurmontable dégoût d'une lutte opi-
rappelle avec quelle force, avec quelle chaleur, il niâtre, où la raison et le génie étaient condamnés
défend la religion publique, le pouvoir royal, la suc- d'avànce, où l'orateur persuadait sans convaincre,
cession héréditaire, les distinctions sociales. touchait sans émouvoir, ébranlait sans entraîner,
Ce vertueux étranger venant rompre une lance, c'est ce qu'on n'avait jamais vu; c'est sans doute
dans cette joule mémorable de toutes les passions ce qu'on ne verra plus. Qu'on ne dise pas que ces ef-
contre tous les principes, a rappelé ces chevaliers forts prodigieux ont été inutiles, et que le côté droit
qui, dans tes anciens tournois, accouraient des pays de l'assemblée constituante aurait du se retirer dès
lointains, attirés par le désir de la gloire, et fixaient le commencement car, sans parler des mesures
tous les regards par l'éclat de leurs armes, la fierté violentes que cette mesure extrême aurait pu en-
de leurs devises et la force de leurs coups. Jamais traîner, les principes auraient été également atta-
les principes conservateurs des sociétés n'avaientété qués, et ils n'auraient pas été également défendus,
attaqués par des moyens aussi profonds qu'ils l'ont ce qui seul eût été un grand mal; et la révolution,
été de nos jours, jamais ils n'avaient été défendus faite sans obstacle, n'en aurait été ni moins géné-
avec autant de génie, de connaissances et de cou- rale, ni moins sanglante, parce qu'en dernière ana-
rage. Dans l'assemblée constituante, ils furent dé- lyse, les meneurs, qui étaient hors de l'assemblée, en
fendufr par des orateurs de tous les ordres, avec une voulaient à la religion, à la royauté, à la noblesse,
force de raisonnement et de caractèrequi ne laissa à la propriété dans toute l'Europe; il fallait que le
au parti opposé que la ressource des clameurs et scandale arrivât; il était nécessaire, pour la conser-
des injures. il faut observer, àThonueur de la cons- vation de la société et l'instruction des races futures,
titution, et comme une preuve de mes principes sur que les principes conservateursdes sociétés fussent
la force conservatrice des sociétés religieuse et poli- attaqués, fussent défendus par toute la puissance de
tique, que les défenseurs les plus nombreux et les l'homme; il fallait que la constitution succombât
plus éloquents de la constitution religieuse et de la malgré le génie de l'homme, et qu'elle ressuscitât
constitution politique, se trouvèrent dans les profes- par la seule force de la nature de la société, parce
sions sociales, conservatrices de l'une et de l'autre qu'il était nécessaire que la nature montrât sa force
société. L'abbé Maury et Cazalès déployèrent une et l'homme sa faiblesse. Depuis la séparation de
puissance de talent, une force et surtout une pres- l'assemblée constituante, des écrivains distingués
tesse d'éloquence, une fermeté de caractère qu'on ont empêché la prescription des bons principes et
n'avait vue jusqu'à présent dans aucune assemblée entretenu avec soin le feu sacré. Les professions
politique, ancienne ou moderne. bémosthènes par- sociales ont encore rempli leur destination je re-
lait devant le peuple d'Athènes, de tous les peuples marque avec intérêt, sur la liste des défenseurs de
le plus dillicile à fixer, mais le plus aisé à entraî- la société religieuse et de la société politique, des
ner Cicéron, devant un sénat grave, instruit, pré- ministres de la religion, des magistrats de nos pre-
venu presque toujours pour l'orateur; l'un et l'autre mières cours souveraines; l'abbé Barruel, Ferrand,
n'avaient à parler que sur de grands {intérêts poli- constamment sur la ligne de la raison et du goût,
tiques, ou dans de grandes causes particulières. défendent la cause de la religion et des lois avec une
Mais raisonner devant des sophistes! avoir des phi- pureté de principes que les sophismes ni les circons-
losophes à émouvoir, et des beaux esprits à persua- tances n'ont pu altérer.
-et le Napolitain, à qui il ne manque peut- laisser ce qu'il est, s'ils veulent rester: ce
être que de développer sa constitution pour1 qu'ils sont dans le Polonais, tout- Sàrmate>
devenir un grand peuple, se distingue ai- niais qui a perdu son indépendance pour
sément, au physique et au moral, des au- l'avoir préférée sa liberté;; et jadis dans
ropé.
L'Allemand, composé aussi dé plusieurs dre un roi malheureux.:
peuplades réunies sous diverses souverai-
"• :-
tres habitants de cette belle partie de TEir- l'Ecossais, peuplé si fidèle et ;si jfiep, mais
égaré une fois par- tefanatismej Jusqu?à ven--
'.
zarres que donne l'opulence, la fierté ordi>- CHAPITRE Vi.
naire aux peuples dominateurs des mers,
et lé, tour d'esprit solide et penseur, que OSSERVÀTIONS GÉNÉRALES SUR LE CARACTÈRE
doivent prendre les citoyens dans un pays NATIONAL.
où le gouvernement est pour tous un objet Si l'on rapproche les applications que
de surveillance et d'inquiétude, plus peut- nous venons de faire, des observations pré-
être qu'un objet d'affection. cédentes,pour en déduire des conséquences
Le Russe, peuple composé de ïaht de na- générales et pratiques
sur les causes mora-
tions diverses, qui ne sont réunies ni par les et physiques qui peuvent influer sur Je
«ne [;même religion ni par les mêmes caractère national, on remarquera
ïneeurs, ni par la même langue, n'a pu pren- 1° Que chez les anciens, comme les mo-
dre de caractère déterminé; parce que cette dernes, les peuples qui out montré le plus
société n'a pas encore fixé sa constitution, de caractère, ont été ceux qui, dans la so-
qu'elle n'a pas encore trouvé d'objet cons- ciété politique comme dans la société reli-
tant à ses affections dans la succession qui gieuse, ont eu le plus d'objets à leurs affee-
n'y est pas héréditaire, et qu'enfin, depuis tion's sociales, et des objets envers lesquels
heureux.
que le peuple russe a pris place parmi les l'amour, principe des sociétés constituées
nations de l'Europe, il a été constamment pouvait se manifesterpar les sens. Cette pro-
position ne peut être entièrement dévelop-
Je ne .vois de caractère jfortement pro- pée que dans la Théorie du pouvoir reli-
noncé que dans le Français, peuple com- gieux
posé de Gaulois, dé Romain et de Germain • 2° Que le caractère national se formant
dans l'Espagnol, mêlé de Gothet d'Arabe, par tes habitudes et les affections rejigieu-
réunissant à l'imagination mobile des peu- ses et politiques, tout changement dans les
ples du Midi le flegme des peuples du Nord, unes ou dans les autres qui interrompt les
et l'expression hyperbolique, le tour d'es- habitudes, et déplace l'objet des affection.?,
prit romanesque des Orientaux; dans le toute .1 loi civile ou criminelle, tout mode de
Hongrois, Tartare humanisé, excellent peu'- ïchâtiment ou même de récompense qui
ple, qui réunit à la politesse des nations les 1choque les sentiments et les opinions d'une
plus civilisées les inclinations guerrières, société constituée, ne peut qu'altérer le ca-
l'héroïque et courageuse fidélité d'une na- ractère national
tion vierge, peuple que ses maîtres doivent 3° Que la loi politique la plus urgente, la
U5 PART. I. ECONOM. SOC.-THËOR1E DU POUVOIR.
dette la plus sacrée des
i souverains, le
1 puis
l'UU H'illi PART.
is rope
-n**VL
Eil-Ul. I.
des
n ri nr*
l.rUU
progrès
r\vt/\i-fn&t> si
r*i
ferme appui de la constitution, tomme la l'homme par Tégoïsme, en délayant les peu-
an.
POU V. POLITIQUE. LIY.
1.1 utl»I^U^. ^.a i «.»"
effrayan-ts, en isolant
Yli.ttG
î S! f"ï l AflT.
ées
(t) Les peuples des pays envahis par les armées à-dire, le pouvoir de perpétuer l'anarchie dans sa
les plus
Hollande etet
ue ta Convention, dans la Belgique, la heureuxde de
: patrie. C'est, au contraire» la liberté qui est tran-
quille; et la servitude qui est orageuse, parce que
l'Allemagne, étaient les peuples
l'Europe; et cependant ils ontareçu en beau-
au-
bras ouverts.
rts.
tout ce qui est bien pour l'homme est dans la nature
de la société. La liberté sociale, la seule qui puisse
coup d'endroits leurs oppresseurs
D'où viennent ces germes de révolution, c'est-à-dire lire convenir à l'homme en société, se trouve avec la
de corruption et de mort? croit-ou que les révolu-
)lu- tranquillité dans la monarchie, parce que la monar
tions soient dans l'intention de la nature, de cette ette chie est le gouvernement de la nature: au contraire.
sage et bonne mère, qui veut la conservation de dans la république je vois le plus grand nombre
l'homme physique et moral,et la durée des sociétés?
tés? dans la servitude, parce que je vois, contre les vo-
Non, le père de t'homme et de la société, l'auteur eur lontés de la nature, quelques-uns exerçant le pouvoir
de la nature veut que les peuples soient heureux, et particulier et celui des autres, d'où il résulte le trou-
le pouvoir utile; or, pour que le peuple soit, lieu- eu- ble et la confusion pour tous.
pouvoir; pour quee le H est à remarquer que les anciens, qui vivaient au
reux, il ne faut pas qu'il soit qu'il soit peuple.'• sein des républiques, ne nous parlent que du tumulte
pouvoir soit utile, il ne faut pas
Dira-t-on avec Rousseau Malo periculosam liber-
ber- et de la déraison des assemblées populaires, et que
talem, quam tranquillam servitulem? Ce propos l'ad- tant
ant les modernes qui vivent tranquillement sous des
cité d'un palatin polonais ne devait pas exciter ad- monarchies modérées, et qui leur doivent jusqu'à la
miration de ce philosophe car il savait bien que liberté d'en attaquer les principes, soupirent après
cette liberté dont le. palatin regrettait la perte, n'é-
n'é- le gouvernement républicain.
tait autre chose que .son pouvoir particulier, c'est-
est-
quelle ils doivent leur existence politique
tie de cet ouvrage, du pouvoir daïis les
«t leur tranquillité intérieure: que dis-je?sociétés politiques, et des lois fondamenta-
des traîtres méditaient peut-être de la livrer
les de sa constitution. J'ai osé m'élever con-
aux assassins des rois, tandis que son sang tre des opinions accréditées par des écri-
•coulait pour leur défense; et, courant au-vains célèbres, et penser que l'homme vrai"
devant d'un joug honteux qu'il n'avait pas ment libre, c'est-à-dire comme je T'expli-
îe courage de repousser, le parti le plus iâ-
querai dans la suite de cet ouvrage, celui
ebe osait se dire le plus libre!1 qui, dans la société religieuse comme dans
la société politique, B'obêitqu'à des lois, ouà
Ainsi les peuples d'en deçà la Meuse ontt
fermé l'oreille à la touchante proclamationdes rapports nécessaires dérivés de la nature
de ce prince, leur compatriote, destiné à des êtres, ne pouvait sans s'avilir, assujettir
combattre toute sa vie pour le soutren de sa perasée aux opinions àe quelques esprits
eet empire, dont son antique maison a va dont l'autorité fondée sur la hardiesse de
jeter les fondements. leurs écrits, bien plus que sur la nouveauté
Là le gouvernement n'a pu sauver des su-de leurs systèmes, a été soutenue par la
jets qui voulaient périr: ea France, les su-
licence et l'esprit de révolte.
jets n'ont pu sauver un gouvernement qui On doit regarder comme une expérience
voulait se dissoudre (1). faite en grand sur l'humanité, le'dëveloppe-
CHAPITRE vn. ment de ce système profond, saivi avec la
p^us infatigable persévérance, par ce parti,
«ONCtUSÏON DE LA PREMIÈRE PARTIE. qui depuis longtemps disposait en France
J'ai rempli la tâche que je m'étais im-de
• toutes les réputations, donnait la vogue
posée de traiter, dans la première par- *ux opinions et aux personnes, calomniait
(1) On n'imagine pas ce que la révolution a coûte famille une partie dès biens suffisante sa conser-
<de peines à ses auteurs, ni combien la partie pro- vatioa.
priétaire du peuple français a résiste aux innova- Dans les pays oh, par l'égalité des partages, la loi
tions. On ne peut pas en dire autant de la partie force les enfants de vendre tout ce qui pourraitleur
commerçante. La propriété forme les habitudes, le rappeler leurs pères, il n'y a jamais de famille; je
commerce conrt après les chances et les hasards. dirai plus, il n'y a jamais de société, parce qu'à
Partout l'intérêt, et non le patriotisme, a propagé le chaque génération la société finit et recommence.
f oût des cocardes et des uniformes nationaux, pre- Les novateurs, avec leurs lois faites pour le moment
miers signes de la rébellion. C'était te moyen de qui suit, pour l'homme qui passe, hachent mena
débiter du drap et des rubans. Des écrivassiers, des la société. Il me semble voir un enfant qui a coupé
'histrions, des agioteurs, des filles publiques, ont
donc été tes auteurs ou les agents de la catastrophe un serpent en plusieurs parties; il s'applaudit de les
voir sautiller,s'agiter en tout sens; il croit voir pins
•qui a bouleversé le plus bel empire de Puni vers! Vide de vie oh il voit plus de mouvement mais bientôt ce
quam turpi lethopereamus, écrivait Cicéron àAtlicus.
J'ai dit que la propriété formait les habitudes: reste d'esprits animaux que chaque partie tenait
du corps dont elle avait -été détachée, s'exhale tout
«ne loi civile très-sociale, parce qu'elle est très- meurt; et t'enfant étonné ne voit sur le sable que
monarchique très-monarchique,parce qu'elle est des morceaux infects et inanimés.
«ne conséquence directe de la loi politique de l'hé-
rédité des professions, comme cette loi politique est On me dira qu'en appelant l'aîné à la propriété,
«Ile-même une conséquence nécessaire de la loi fon- j'en exclus tous ses frères j'aurais trop à répondre;
damentale des distinctions sociales, est la loi qui mais, comme je ne traite pas cette question ex pro-
établit l'inégalité des partages entre les enfants d'un jesso, je me contenteraide dire que le gouvernement
même père, et qui, constituant chaque famille, comme ne doit considérer l'homme que dans les familles,
ta sociétémême, y établit en quelque sorte la royauté comme la constitution ne considère les familles que
par le droit d'aînesse, et l'indivisibilité et presque dans les professions. Ainsi, quand l'administration,
î'inaliénabiliié du patrimoine par la nécessité de en France, s'applaudissait de voir les droits de con-
convenance, où sont les frères de prendre en argent trôle augmenter par la fréquence des mutations de
leur portion légilimaire, et délaisser dans la maison propriété, elle se réjouissait devoir de nouvelles l'a-
paternelle l'intégrité des possessions. milles s'élever sur les débris des anciennes ce qui
On n'est pas digne de gouverner les hommes, est un mal, même lorsque la nature le fait, et un
lorsqu'on ne sent pas l'influence d'une loi pareille grand mal, lorsque l'administration y coopère par
sur les habitudes d'un peuple, c'est-à-dire, sur ses des impôts excessifs, par l'introduction d'une nou-
vertus. Cette maison a été la demeure de mes pè- velle espèce de propriété qui ne manque pas d'ins-
res, elle sera le berceau de mes descendants. Là, pirer le dégoût des propriétés foncières, par la faci-
j'ai vu la vieillesse sourire à mes premiers travaux, lité que l'on trouve à faire des fortunesrapides, etc.
et je verrai moi-même l'enfance essayer ses forces Peu d'années avant la révolution, on vit à la fois,
naissantes. Ces champs ont été cultivés par mes chez les notaires de Paris, neuf mille terres en vente.
pères, je les cultive moi-même pour mes enfants. C'était, pour un Etat, un symptôme de mort pro-
Des souvenirs aussi chers, des sentiments aussi chaine. Je reviens aux hommes en société. Des ha-
doux se lient au goût le plus puissant sur le cœur bitudes et non des opinions, des souvenirs et non
de l'homme, le goût de la propriété, et font le bon- des raisonnements, des sentiments et non des pen-
heur de l'homme en. assurant le repos de la société; sées voilà l'homme religieux et l'homme politique,
je dis plus, elles assurent sa .perpétuité. Les fa- le gouvernement et la religion. Jî suis, dit avec
milles sont beaucoup plus nombreuses là où le beaucoup de raison l'auteur des Etudes de la nature,
nombre des enfants, quel qu'il soit, laisse dans la parce que je sens, et non parce que je pense.
ce qu'il'n.0 pouvait-détruire, entamait par le mêmes. A la vue du leurs effo.rts impuis-
ridicule ce qu'il n'osait. attaquer à force sants, de leurs dissensions éternelles, l'ob-
ou-
verte, flattait avec bassesse, l'autorité, pour la servateur attentif s'est, rappelé celte tour cé-
corrompre, ou la censurait avec audace pour lèbre, que des constructeurs orgueilleux et
l'intimider, et sapait ainsi les fondements de divisés voulaient élever jusqu'aux nues, et
ia société, jusqu'au moment où, la brèche qu'ils ne purent achever. Ce n'est qu'avec
étantouverte, il a pu monter l'assaut. Alors une sérieuse considération, ;et peut-êtro
la société a recueilli le fruit de cette doc- avec quelque étonnement, qu'il a retrouvé
trine, dont la propagation avâ*ït été tolérée, ce tableau si vrai, si animé ces funestes ef-
favorisée peut-être par des administrateurs fets de la multiplicité des pouvoirs dans la
aveugles ou corrompus; de cette doctrine, constitution des sociétés; précisément dans
qui substituait la raison de chacun à la re- les mêmes lieux qui virent jeter les fonde-
ligion de tous, et les calculs, (feFintviiêit per- ments des premières, sociétés, et au moment
sonne] à l'amour de l'Etre suprême et à l'a- où leurs fondateurs prêts à se séparer pour
mour de ses semblables. toujours, emportant avec eux, pour fonder
Les effets de cette morale étaient peu sen- les sociétés diverses, les notions précieuses
sibles tant que les entreprises de l'intérêt de l'unité de pouvoir, avaient besoin de le-
personnel, #u l&fs étcar-iis de te raison étaient çons fortes et sensibles sw1. le danger de le
contenus par les lois mais, lorsque, par le diviser.
renversement subit de toutes les lois reli- Mais quand ces notions fondamentales
gieuses et politiques, la raison de chacun a commençaient à s'effacer de l'esprit des peu-
été admise à la discussion de tous les prin-
cipes, et l'intérêt de chacun appelé au par- que la religion publique devenait l'ob-
pl.es,
jet de l'indifférence, le pouvoir général l'ob-
tage de toutes les propriétés, l'intérêt dé- jet de l'ambition, les distinctions sociales
chaîné a enfanté de nouveaux crimes qu'une l'objet de la jalousie et de la haine; une
raison égarée a aussitôt érigés en vertus. Providence sévère, mais juste, a voulu rap-
La délation a été une vertu, le pillage une peler aux sociétés, par un grand exemple,
vertu, l'assassinat même une vertu; ces ver- ces vérités essentielles à leur durée et à la
tus ont eu leurs héros; et ceux qui, animés conservation de l'espèce humaine. Elle a
d'une horrible émulation, ont le plus dé- choisi.la France, la France réduite à être le
noncé, le plus. pillé, le plus assassiné, ont modèle de l'Europe par l'élégance de ses
été les plus vertueux; et la tolérance, l'hu- modes, ou le scandale,par la licence de ses
manité, la bienfaisance, rhorreur de la guerre écrits, après en avoir longtemps été l'arbitre
n'ont paru que des étiquettes, que des char- par la force de ses armes et la sagesse de ses
latans, pour tromper les sots, avaient mises conseils; et la France a montré à l'Europe,
à leurs poisons, Cette doctrine épouvantable par son exemple, ce que pouvait être une
a fait des prosélytes, et l'Europe du xvni* société sans religion publique, sans pouvoir
siècle a été menacée de descendre bien au- général,lsans distinctions sociales; O Francel
dessous de l'Europe des siècles de barbarie ô ma patrie si tu as été destinée à instruire
et d'ignorance. les nations par tes malheurs, tu as rempli,
Ces hommes vertueux, après avoir fait des dans toute son étendue, cette funeste mis-
hommes nouveaux, ont voulu fonder desso- sion. Assez longtemps, tu as attristé tes amis
ciétés nouvelles habiles à détruire, ils ont par les crimes assez longtemps, tu as ré-
rasé, jusqu'au sol, l'ancien édifice, et en ont joui tes ennemis par tes divisions, et dévoré
dispersé les matériaux.; mais, quand il a tes propres enfants par tes fureurs et par tes
haines. 0 Français 1 peuple jadis si aimant
fallu réédifier, ils n'ont pu s'accorder ni s'en-
tendre. Ils ont posé des bases fragiles sur et si sensible revenez à vos institutions,
un sol inégal et ma! affermi à la place de la et vous reviendrez à votre caractère aima-
majestueuse simplicité, des constructions ble, à vos vertus douces, à votre bonheur.
antiques, ils ont élevé des masses sans pro- Ce bonheur, vous ne le trouverez que dans
portions et sans aplomb cet édifice ruipeux la religion, dans la vertu; et la vertu dans
n'était pas parvenu à sa hauteur, et déjà il un peuple, n'est que la justice. N'en croyez
croulait de toutes parts.; alors la confusion pas ces hommes timides, qui, doutant de la
5'e.st mise dans l'ouvrage, et la division force infime des lois; ou ces hommes cor-
parmi les ouvriers ils ont détruit leur pro- rompus, qui, voulant jouir du fruit de leurs
tre ouvrage, ils ont fini par se détruireeux- forfaits,
pre forfaits, parlenfde
parlenldecomposer
composer avec la justice.
just
OEUVKKS
OEuVKKS COMPL. DE M.
COillM. V.F M mîlinsiin 1 DE RONALD 1. 15
THÉORIE DU POUVOIR.
AVERTISSEMENT.
INTRODUCTION
J'ai défini la société civile, -la réunion de n'est autre cnose que les efforts Quelle fait
-la société politique et de la société reli-
gieuse j'ai traité de la société politique, et
pour enfanter cette vérité
Dans la discussion à laquelle je vais me
je vais traiter de la société religieuse. livrer, j'ose braver à la fois et la timidité de
Si la société civile est la société religieuse l'homme plus
vertueux qu'éclairé, qui craint
et la société politique ensemble, je n'ai pu de voir sa religion soumise à l'examen de la
considérer la société politique, dans l'état raison; et les superbes dédains
du philo-
civil, que dans ses rapports avec la société sophe moderne, qui
religieuse; ainsi je ne pourrai considérer la beau de la raison dissipé se vante que Je flam-
a les prestiges do
société religieuse dans l'état civil
que la religion.
dans ses rapports avec la société politique. Chrétiens, il est temps de justitiernotre
C'est parce qu'elles ne peuvent être sé}>a- foi; philosophes,
il est temps de justifier
rées, que les révolutions de Ja société reli- votre incrédulité.
gieuse ont produit les républiques, et que les Le grand procès de la re-
ligion et de la philosophien'a que trop duré;
révolutions de la société politique ont
pro- sachons enfin si elle est l'ouvrage de l'hom-
duit les sectes.
J'ose donc fixer l'attention de mes lecteurs me, elle doit sa naissance à l'imposture,
si
ses progrès à la crédulité,
sur la société religieuse, ou la religion; bitude, cette religion qui son empire à l'ha-
j'ose essayer de démontrer qu'il existe, ne détruit pas les
passions indestructibles de l'homme dépra-
pour la société religieuse, une et une seule vé, mais qui fait
constitution nécessaire ou naturelle, a cesser tous les crimes
comme de l'homme social, et les affreux sacrifices
il existe une et une seule constitution
natu- du sang humain, et le culte infâme dé la
relle ou nécessaire de société politique
c'est-à-dire, qu'il n'existe qu'une religion prostitution, et les jeux barbares du cirque.
qui puisse conserver, sur la terre, la et le trafic imposteur des oracles, et l'op-
naissancede Dieu et !a perfection de l'homme con- pression de la. faiblesse. de l'âge par l'expo-
intelligent, comme il n'y a qu'un gouverne-
sition publique, et l'oppression de Ja fai-
blesse du sexe par Je divorce ou Ja polyga-
,ment qui puisse conserver le pouvoir de la mie,
société politique et la liberté de l'homme et l'oppression de la faiblesse de 1a
physique. condition par l'esclavage, et le plus mons-
Je le répète encore, parce que cette trueux de tous les crimes, l'apothéose do
l'homme;
grand vérité, qui fait le sujet de cet ouvrage, devons, cette 'religion, « à laquelle nous
doit être l'objet des méditations les plus sé- et dans le gouvernement un certain
droit politique, et dans la guerre un cer-
rieuses de tous les hommes éclairés ver-
et tain droit des gens que la nature humaine
tueux.
'Si je n'ai pas démontré cette vérité, d au- ne
saurait assez reconnaître. » (Esprit des
lois.) Sachons si elle n'est qu'une faiblesse
tres la démontreront, parce qu'elle est mûrie du cœur,
cette religion qui a produit dans
par le temps et les événements (1), parce
que la société.des vertus si courageuses si elle
son. développement est nécessaire à la corner- .n'est qu'une illusion de l'esprit
vation de la société civile, et que l'agitation [:jgion cette reli-
qu'on peut remarquerions là société générale qui résiste, depuis dix-huit, siècles à
] persécution du glaive et à la persécution
,1a
(1) Ma pensée n'est pas qu'on n'ait pas démon- n'a
tre jusqua présent qu'il n'y a qu'une véritable reli- r pas fait sentir assez raccord intime et secret
/{.s principes des deux sociétés religieuse et poli-
gion; cette vérité est depuis longtemps à l'abri de <
i
tique.
toute atteinte mais je veux dire seulement qu'on
à la persécution de la Si dans cette discussion importante, et la
du raisonnement
pauvreté et de l'abaissement, à la persécu- plus
1 importante de toutes celles qui peu-
tion des richesses et de l'empire; à la per- vent
i occuper l'homme en société, il est
sécution du scandale dans ses ministres, et à quelqu'un
<
de mes lecteurs qui n'ait pas la
la persécution de l'ignorance dans ses en- forcé
i d'imposer silence aux préjugés de sa
fants à la persécution du ridicule de la part naissance,
i aux opinions de son parti, aux
de ses ennemis, et à la persécution plus dan-• sophismes
i de ses passions qu'il ferme ce
gereuse de l'indifférence de la part de ses
livre,
] il a assez lu.
disciples; cette religion qui, sourdementt Je n'écris ni pour ni contre quelques hom-
les
combattue, pendant un siècle, par toutes les» mes et quelques partis j'écris pour tous
ressources du génie, attaquée à
force ou- hommes et pour toutes les sociétés.
verte par tous les moyens de l'autorité re- Je ne .me dissimule pas la difficulté de
mal
naît de toutes parts, comme ces feux 1 faire revenir les esprits à des idées dont ils
étouffés dont l'activité concentrée se mani- paraissent si éloignés mais je me rassure
feste par des jets de flammes, avant-coureurs> en pensant que l'esprit humain, parvenu au
d'une éruption générale, ou comme ces> terme extrême de l'absurdité et de l'erreur,
plantes vivaces qui abandonnent leurs feuil- h en est que plus près, dans le cercle qu'il
les à la dent d'un animal vorace, mais dontt parcourt, dé la raison et de la vérité et je
les racines trouvent un asile inviolable danss ne désespère pas de persuader quelques lec-
les flancs impénétrables du rocher. teurs, lorsque je réfléchis que des écrivains
Il est temps de décider si ceux qui ontt qui, du développement d'un atome, ont fait
tout sacrifié pour cette religion, qui la croientt Dieu, et du développementd'un poisson ont
et qui la pratiquent, eu ceux qui, moinss fait l'homme, qui ont rêvé que le globe pou-
conséquents et plus faibles, la croient sanss vàit être de verre fondu, et les montagnes
la pratiquer, sont des esprits crédules, où sii de coquilles d'huîtres, ont eu leurs admi-
les philosophes qui veulent la détruire sontt rateurs, et peut-être ont fait quelques pio-
les bienfaiteurs de l'humanité? Faut-il op- sélytes (1).
poser les talents ? J'opposerai Arnauld à Je prie le lecteur de relire avec attention
Bayle, Pascal à J.-J. Rousseau, Malebranche e les premiers chapitres de la première partie
-à Boulanger, Nicole à Helvétius, Fénelon à de cet ouvrage sur les principes des
sociétés
Diderot, Bossuet à Voltaire? Faut-il compa-i- en générai je suivrai dans leur application
religieuse la méthode didacti-
vrer les vertus? Ah! nous n'en sommes pass à la société
encore réduits à cet humiliant parallèle. i. que et rigoureuse que j'ai adoptée. Des vé-
Objet de mépris ou de haine, nous endurons, i, rités d'un aussi grand intérêt que celles que
depuis un siècle, les sarcasmes de la philo- je vais développer, peuvent se passer de ces
sophie écrivante; nous essuyons, depuis six x ornements que l'art trop souvent prodigue
-ans, les fureurs de la philosophie revêtue e au mensonge. Je ne veux pas de cette admi-
it
de l'autorité; un plus long silence trahirait• ration stérile] qui accorde aux talents de
• la cause de la vérité. l'auteur ce qu'elle refuse à la solidité de
Dans son sein rejetons cette guerre,
l'ouvrage; je renonce à éblouir celui que je
Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre. ne pourrais pas convaincre, et si je puis être
(Racine, Milhrid.)
utile, je me croirai assez éloquent.
D'autres ont défendu la religion de l'hom- i- Je vais encore ramener mon lecteur dans
me je défends la religion de la société ils Is les sentiers déserts de la métaphysique; mais
ont prouvé la religion par la religion même; î; j'espère le dédommager de l'ennui de la
je veux la prouver par l'histoire. Je laisseie marche, par l'application qu'il pourra faire
l'écrivain pusillanime trembler au seul re- à chaque pas, pour ainsi dire, de la théorie
proche de crédulité ou d'intolérance le le que je vais mettre sous ses yeux, et par la
«temps des petites craintes et des ménage- i- satisfaction qu'il éprouvera, en retrouvant
ments politiques est passé; que l'univers vs les. motifs de ses sentiments les plus chers,
prononce entre nous, et que l'homme impar- r- et le fondement des vérités les plus précieu-
tial juge enfiïr de, quel côté est l'amour de le ses. Ainsi l'on contemple avec intérêt les
la vérité, et de. quel côté est le fanatisme de le détails et le jeu de ces machines ingénieuses
l'erreur. dont on a longtemps admiré lès effets.
î 1 ) Voy. dans '«s
Leilres Helviennes, de l'abbé
)é philosophie a amoncelées pour expliquer Dieu)
CaiTuel, les absurdités vraiment incroyables que la IMiomme et l'univers.
LIVRE PREMIER.
même sans que nous y pensions; que sou- dence le motif pour lequel la société ou
ou
vent on fixe les yeux sur un objet sans le
qu'on le touche sans le sentir; je
répondrais que danscessituatious,l'homme
l'homme social fait à la Divinité le don de
l'homme et le don de la propriété. Aimer,
c'est se donner soi-même tout entier à l'ob-
trop fortement occupé d'un autre objet, n'est jet de son amour ainsi dans la société
pas actuellement libre de réfléchir sur ses naturelle de l'homme ou des deux sexes il
sensations. L'amour est donc le principe de y a don mutuel de l'homme tout entier
nos actions libres. ainsi dans la société extérieure des hommes
L'homme ne doit aimer que Dieu et l'hom- entre eux, nul, dit le Fondateur de la reli-
me, parce que l'amour étant le principe de' gion chrétienne, ne peut donner un plus
la production et de la conservation des êtres, grand témoignage d'amour que de donner sa
l'homme ne peut aimer que les êtres qui vie pour ses amis (Joan. xv, 13), c'est-à-
peuvent le produire ou lé conserver. Or, dire de se donner tout entier à eux.
Dieu et l'homme peuvent seuls produire Donc la société se donnera tout entière à
l'homme et le cunserver, c'est-à-dire, main- Dieu, objet de son amour. Or, la société est
tenir l'homme moral. dans sa perfection, et l'homme et la propriété donc elle fera à
l'homme .physique dans sa liberté. Dieu le don de l'homme et celui de la pro-
L'homme doit aimer Dieu infiniment, priété. Ce sont des'rapports nécessaires déri-
parce que Dieu est infiniment aimable; il vés de la nature des êtres sociaux donc ce
doit s'aimer lui-même, parce qu'il est bon sont des lois. L'homme est. physique et mo-'
ou créé à l'image de Dieu il doit aimer les ral, la société fera donc à Dieu le don de.
autres hommes, ou son prochain, autant l'homme physique, et le don de l'homme
que lui-même, parce que les autres hommes moral..
sont :aussi bons que lui, puisqu'ils sont J'ai dit, dans la première partie de cet
créés, comme lui, à l'image de Dieu. Ce ouvrage qu'il ne pouvait exister que deux*
sont des rapports nécessaires, dérivés de la religions parmi les hommes, le mono-
nature des êtres sociaux donc ce sont des théisme et le polythéisme; parce que la
lOiS. : religion étant le culte de Dieu, il ne peut y
L'homme social ne peut être considéré avoir que le culte d'un Dieu ou le culte de
quejelativement Dieu, à lui-même, à ses plusieurs dieux. Or, je dois retrouver dans
semblables; c'est-à dire, en société reli- les deux religions le sacrifice, c'est-à-dire,
gieuse, en société naturelle ou famille, en le don de l'homme et l'offrande de la pro-
société politique. Donc toutes les actions priétê.
sociales qu'il peut faire ont rapport à l'un Je ne parlerai pas de l'offrande de la pro-
ou à l'autre de ces états ou de ces sociétés. priété, qui dans les deux religions et dans
Donc toutes, ses actions sont des actions de tous les âges, a été l'oblation des fruits de
j'homme social, soit religieux, soit naturel» la terre ou l'immolation des animaux, c'est-
soit politique; et comme l'amour est le à-dire le don des propriétés naturelles.
principe de toutes ses actions libres, l'amour Dans le premier âge du monothéisme, la'
de Dieu sera ou devra être le principe de religion. patriarcale ou des premières famil-
les, telle que nous ia connaissons par des L'homme aimait Dieu, parce que Dieu l'a-
monuments dont j'aurai bientôt occasion de vait créé et le conservait; mais Dieu pouvait
parler, Dieu exige le don de l'homme phy- cesser de conserver l'homme, donc l'homme
sique ou son immolation; mais, content du le craignait c'étaient des rapports nécessai-
cœur, il arrête le bras et dans cette religion res dérivés de la nature des êtres, donc c'ê-
d'amour imparfait ou de désir, il n'y a pas taient les lois.
de don de l'homme physique, et la propriété Ainsi l'amour et la crainte sont les seuls
seule est immolée. sentiments de l'homme, et toutes les autres
Dans la religion judaïque, second âge du affections n'en sont que des modifications.
monothéisme religion non plus d'une L'homme avait été créé bon, parce que l'E-
famille ou de la société naturelle, mais d'un tre infiniment bon ne pouvait produire
que
peuple ou d'une société extérieure, Dieu des êtres bons. Dans l'homme bon, l'amour
demande le sacrifice de quelques hommes l'emportait sur la crainte, parce que, si Dieu
à la place de celui de tous les hommes a créé l'être bon, il l'aime il l'aime, tant
(le don des premiers-nés), mais il veut qu'il est bon: il veut le conserver, tant qu'il
qu'ils soient rachetés par le sang de l'ani- l'àime. L'amour doit être plus fort que la
mal et dans cette religion d'amour impar- crainte,
parce que l'amour est un sentiment
fait' ou d'attente, il n'y a pas de don de positif, puisqu'il se rapporte à une action
l'homme physique, mais seulement l'immo- positive, celle de produire; la crainte n'est
lation de la propriété. C'est-à-dire que qu'un sentiment négatif, puisqu'il se rap-
dans la religion patriarcale et la religion porte à une action négative, celle de dé-
judaïque, Dieu, satisfait du don de l'homme truire, c'est-à-dire, de
ne pas conserver.
moral, ou de la volonté remet à la société Mais l'homme est malheureux donc il est
le don de l'homme physique; mais il ne lee puni; donc il est coupable; donc il n'est
remet qu^après t'avoir demandé, parce que plus bon; donc il a commis quelque action
le. sacrifice de l'homme tout entier est de déréglée et
comme l'amour ré^lé est le
l'essence de la société religieuse et de la principe de ses actions libres, ou réglées,
société politique c'est-à-dire qu'il est un son amour s'est déréglé. L'amour réglé esf
rapport nécessaire, dérivé de la nature des d'aimer Dieu plus que soi-même, et d'aimer
êtres en société, une loi. ses semblables autant que soi l'amour dé-
]
Dans la religion chrétienne, dernier âge réglé est donc de s'aimer soi-même ou ses
du monothéisme, religion d'amour parfait semblables, plus que Dieu, et de s'aimer
ou de jouissance, je vois le sacrifice de soi-même plus que ses semblables. L'homme4
l'homme, de l'homme tout entier, de l'hommea donc perdu l'amour dej Dieu, et il y a
moral par l'obéissance, de l'homme physi- substitué l'amour de l'homme, comme il a
quepar la destruction. Mais n'anticipons substitué l'amour de soi à l'amour de ses
pas sur la démonstration de vérités aux- semblables
1 mais il n'a pu effacer de soiu
quelles je n'ai pu encore préparer mon lec- esprit< l'idée de la Divinité; il en a perdu»,
teur. Yamour,
1 mais il en a conservé la crainte. La
Dans le polythéisme, c'est-à-dire, chez craintesans
( amour est la haine il a donc la
tous les peuples de la terre, hors le peuple 1haine de Dieu la haine de Dieu, la haine
sectateur de la religion' de l'unité de Dieu, de ( ses semblables se, manifestent à la fois.»
je vois le sacrifice de l'homme physique, ce et < le gouvernement se déprave comme la re-
sacrifice que Dieu exige de la volonté, et 1ligion.
qu'il interdit à la force et en effet le Père L'homme établit son pouvoir particulier
des humains ne peut pas être honoré par le ou < l'amour de soi, à la place du pouvoir gé-
meurtre de l'homme, puisqu'il défend à néral i de la société ou de l'amour des autres
l'homme d'attenter à la vie de son sembla- et E il fit servir la force générale ou celle des
ble; l'action de ce sacrifice n'est pas une autres
a à seconder les fureurs ou les caprices,
action libre ou dont le principe soit l'amour, déc l'amour de soi. Malheureux par ses pro-
parce que l'amour, pouvoir producteur ét pres r passions et par les passions d'autrui*.
conservateur des êtres, ne peut pas être le ddétruit dans son corps, détruit dans les ob-
principe d'une action qui les détruit. C'est jets
ji de ses affections, cherchant en vain,.
là un rapport non nécessaire, ce n'est pas dans d la société naturelle, un asile contré-
une loi. 11 faut expliquer cette horrible in- l'oppression de la société politique, l'homme-
I'
conséquence du coeur humain. i vit plus autour de lui que des êtres mak-
ne
faisants conjurés pour sa perte il sentit gieuses
g qui n'ont pas de sacrifice peuvent
qu'il était haï, parce qu.'il sentait qu'il était avoir
a l'opinion de la Divinité, mais eiles
haïssable. Cet amour mêlé de crainte, qui n"en
n ont pas le sentiment; elles en-ont la
présentait à l'homme bon, dans l'Auteur de pensée,
p< qui est production, mais elles n'eu
son être, le pouvoir qui le conservait, de- o pas le sentiment qui est conservation
ont
venu, dans l'homme coupable, crainte sans c'est-à-dire
c' qu'elles produisent Dieu dans la
ïîmôur, ou haine, ne lui fit voir dans la Di- pensée,
p mais elles ne conservent pas dans
Viriité qu'une puissance armée pour le dé- 1< cœur le sentiment de son existence. Donc
le
trui'rë la-frayeur multiplia les dieux, comme it
il y a des sociétés religieuses athées, ou qui
il
elle multiplie les objets l'homme social of- nn'ont pas 'le sentiment de la Divinité.
frit àUx dieux la vie de son semblable pour La vraie religion ou la religion de l'unité
détourner les maux dont il se croyait me- d Dieu est amour. La fausse religion ou la
de
nàcé, comme il offrit à son semblable sali- r
religion de plusieurs dieux est haine donc
îierté même pour racheter sa vie. Ainsi l'i- 1< monothéisme a précédé le polythéisme,
lé
tiolâtrie, le despotisme, l'esclavage, prirent parce
p que le positif précédé le négatif, ou
à la fois naissance dans l'univers; comme le 'l'être a précédé le néant qui n'est que l'ab-
T
'christianisme, la monarchie, la liberté ont sence
s de l'être. 'L'homme avait le sentiment
volonté et
commencé ensemble, o 'l'amour d'Un être qui avait la
ou
Ainsi il y a dans toutes les sociétés reli- 1; force de le conserver, avant d'avoir le
là
gieusès étdans'tous les états de ces sociétés, sentiment
s contraire ou la haipe d'un 'être
le don de 7'Ao)MMt'e'e< d~. tie la ~ropriéGé qui'aVait
q la volonté et la force de le détruire.
,don de l'homme, don sans destruction dans La'religion èh générai est sentiment ,1a
'la religion d'amour; don âè l'homme, don t
Tëligion de l'unité' de Dieu est amour. Aussi,
'avec destruction dans Ta religion de haine; ddans le premier code social, c'est-à-dire
parce que là haine fait, comme l'amour, le religieux
T et politique, qui ait été donné à
don de l'homme et que l'homme se donne l'homme, il est dit Tu aimeras Dieu de tout
T
lui-même au Dieu qu'il -aiite pour obtenir t esprit, de tout ton cœur, de toutes ~tes for-
ton
lé bien qu'il désire où pour sa conserva- ocs(J»eM«.vi,5);d'oùil
<j résulte:1° que, comme
tion, comme il donne son semblable au Dieu Ti-le cœur est en nous la seule faculté aimante
qu'il hait pour éviter le mal qu'il craint ou aimer
a Dieu par l'esprit et l'aimer par les for-
c ou par le corps signifie que l'amour,
sa destruction. ces qui
C'est sur ce fait incontestable que repose a sa source dans le cœur, doit éclaifërTesprit
toute la théorie dé la religion. Je dis incon- i la foi et régler les sens par le culte ex-
par
testable, parce que le don réel ou figuré de térieur
t 2° que ce passage confirme é-videm-
l'homme, dans fautes les sociétés, est at- ment
c que l'homme est, comme ji? l'ai dit,
testé par les monuments les plus inébran- esprit,
e cœur et sens ou force.
Tables. C'est parce que ta reîigiûfn est amour, que
Il y a donc eu, dans toutes lès sociétés po- -les
1 femmes ont, en général, une religion
litiques de l'univers, le don de l'homme", [plus sentie; non parce que leur esprit est
avec Ou sans destruction, offert à la Divi- plus f faible, mais parce que leur cœur est
nité donc il y a eu dans toutes Tes religiorrs plusj aimant.
l'acte de Tàmour ou delà hame, c'est-à-dire C'est parce que la religion est amour qu'il
tfe la crainte sans amour de la Divinité, est e si fréquent de voir des personnes livrées
Mais l'amour et la crainte sont les seuls serr- aaux faiblesses d'un ecetir trop sensible, por-
iimënts de l'homme; donc il y a eu dans ter t dans la religion toute la vivacité de leurs
toutes les sociétés politiques et religieuses sentiments
s et le Fondateur lui-même de la
de l'univers le sentiment de la Divinité. r'religion chrétienne ou sociale pardonne
La religion est donc sentiment et non opi- beaucoup
1 de faiblesses en faveur de beau-
nion; principe de la plus haute importance, ccoup d'amour Remiltuntureipeccatamulta,
ï
clef de toutes les vérités religieuses et même quoniam dilexit multum. (Luc. vu, W.)
de toutes les vérités politiques, puisque j'ai C'est parce que la religion est amour que
prouvé que la constitutionmonarchique était 1le malheur dispose ou ramène l'homme à la
aussi sentiment, et non opinion. Je vois religion r l'homme accablé par les rigueurs
donc chez tous les peuples le sentiment de de ( la nature ou par Tinjuslice des hommes,
la Divinité, parce que je vois chez tous les cherche
c à aimer pour trouver qui l'aime.
peuples* le sacrifice donc 'les sociétés reli- C'est parce que la religion est amoùr, que
ou conserver ce qui n est pas
produit; ce
l'amour profane a été chez les anciens une
religion qui a eu son culte et ses prêtres, ses qu' est absurde.
qui
autels "et ses sacrifices; et que, dans le lan- Les
1 hommes pensent Dieu donc Dieu
pei exister. Les hommes ont le
peut sentiment
gage figuré, il en a conservé encore tous
les
attributs. de Dieu; donc Dieu existe.
Les hommes en société ont eu l'amour de CHAPITRE III.
la Divinité, parce que la Divinité pouvait les SUITE DU MÊME SUJET.
conserver, comme ils ont eu la haine de la
Divinité parce que la Divinitéponvait les dé- Je dois répondre à quelques objections.
truire car l'amourdans l'homme n'a rapport ·Tous les hommes, me
demande le philo-
qu'à ce qui peut le conserver, comme la bai- sophe,
sol ont-ils le sentiment de la Divinité?2
ne n"a rapport qu'à ce qui peut le détruire. Ot et la preuve de cette assertion me pa-
Oui,
Mais (et j'appelle sur la démonstration sui- raît évidente. Je ne puis connaître le senti-
rai
vante l'attention la plus sérieuse) l'homme, ment
m< de l'individu, sentiment particulier
être contingent, qui peut exister ou ne pas et qu'il peut ne pas manifester au dehors
exister, peut se méprendre sur l'objet de mais
mî je connais infailliblement les senti-
ai- ments de la société, sentiments sociaux,
son amour ou de sa haine c'est-à-clire m<
c'est-à-dire extérieurs -et publics. -Or, on a
qui
mer ce qui peut le détruire, ou haïr ce
c'e
vu dans toutes les sociétés le
sentiment de
peut le conserver: mais la société être
nécessaire ( en supposant l'existence de la Divinité manifesté par un acte extérieur
l'homme), rie peut se tromper sur l'objet de et semblable, par le sacrifice donc tous les
hommes ont le sentiment de ta Divinité,
ses sentiments, c'est-à-dire qu'elle ne peut
lie
aimer que ce qui peut la conserver, et parce
pa que tous lés hommes sont membres
qu'elle ne peut haïr que ce qui peut la dé- du corps social et qu'en qualité de mem-
dt
truire; car, si la société humaine pouvait bres d'un corps, ils en partagent nécessaire-
br
se tromper sur l'objet de ses sentiments,
ment
»«< tous les sentiments. Existence d'un
c'est-à-dire haïr ce qui peut la conserver, Etre supérieur à l'homme, qui i"a créé et
El
qui le conserve loi fondamentale de toute
ou aimer ce qui peut la détruire, elle pour- qt
société humaine, sentiment que l'homme
rait cesser de se conserver donc elle ne so
serait pas nécessaire. Or, la société ou les tient de sa nature d'homme social. Unité de
tri
Dïeu,-rapport nécessaire dérivé de la nature
hommes sociaux aiment ou haïssent la Di- D
vinité, je l'ai prouvé donc la Divinité peut des êtres loï religieuse, conséquence né-
d<
cessaire de la loi fondamentale et fondamen-
les conserver ou les détruire. Mais un être ce
ne peut conserver ou détruire que ce
qu'il ta elle-même car, s'il existe un Etre in-
tale
peut créer donc Dieu a créé t'homme, donc fini, tout-puissant, il ne peut en exister
fil
Dieu existe. J'ai dit que les hommes ne qu'un.
qi C'est ce que l'homme apprend de ses
maîtres
k fides ex auditu (Rom. x, 17) ;mais
peuvent penser qu'à ce qui peut exister.
En effet, penser à ce qui-ne peut pas exister c'est ce qu'il apprend aussi de sa raison.
c'
Ainsi, dans la société politique, l'existence
est ne penser à rien penser à rien est ne A
ddu pouvoir général est une loi fondamen-
V»as .penser.
•J'ai dit que l'homme ne pouvait avoir le
tale
t£ et l'existence d'un seul homme appelé
sentiment, c'est-à-dire aimer ou craindre n monarque, exerçant le pouvoir général^, est
dérivé
u loi politique rapport nécessaire
une
que ce qui existe car avoir le sentiment d la nature des êtres, conséquence néces-
de
de ce qui n?existe pas, c'est avoir le senti-
saire de la loi fondamentale, et loi fonda-
ment du néant, c'est n'avoir aucun senti- Sl
elle-même. Si Dieu n'existait pas,
mentale
ment, c'est n'aimer ni ne craindre. Or, n
1( mot Dieu n'existerait dans aucune
le lan-
l'homme, esprit et corps ne peut pas plus le sentiment de Dieu n'existerait chez
exister sans pensée- et sans sentiment, c'est-
gue,
8
aaucun peuple; l'élève ne
pourrait pas en-
à-dire sans amour ou aans crainte, qu'il
ne peut exister sans «action ou sans mouve- ttendre, parce que le maître ne pourrait pas
parler. Le missionnaire n'apprend pas au
ment.
Penser est produire or penser à ce qui sauvage
s que la Divinité existe; car il lui
parlerait en vain, si le sauvage n'en
avait
ne peut pas exister, ce serait produire ce I
le sentiment. Il Mi apprend seulement't
qui ne peut pas être; ce qui est absurde. pas
1
qu'il n'existe qu'un Dieu, parce que l'unui
Aimer est reproduire ou conserver or, c
de Dieu est un rapport nécessaire, dérivé
aimer ce qui n'existe pas serait reproduire r
<
de la nature des êtres, rapport sur lequel a que la triste impuissance de combattre.
la nature éclaire l'homme sauvage comme C'est à cette même cause qu'il faut attribuer
l'homme policé. la prétendue pureté Je moeurs qu'on croit
Les hommes peuvent découvrir des rap- remarquer dans quelques gouvernements et
ports entre les êtres, et ils travaillent sans dans quelques sectes.
cesse à en découvrir de nouveaux, c'est-à- On demande si un homme élevé dans les
dire étendre et perfectionner leurs con-
à forêts, sans communication avec ses sem-
naissances mais l'homme n'invente pas des blables, aurait la pensée et lo sentiment de
êtres, car inventer un être ce serait le créer, la Divinité il est aussi absurde de supposer
et l'homme ne peut pas plus créer un être un homme hors de la société pour lui de-
qu'il ne peut le détruire. Quand Néper dé- mander ensuite s'il. a la connaissance de
couvrit les logarithmes, il ne fit que mettre Dieu, qu'il le serait d'arracher un enfant
au jour de nouveaux rapports entre les naissant à sa famille pour lui demander,
nombres; Archimède trouva le rapport du dans un âge avancé, s'il connaît ses parents.
diamètre à la circonférence,mais il n'inventa C'est changer 1 état de la question, puisque
nilediamètre,nilacirconférence;Pascaln'in- je parle de l'homme social, et qu'on me
venta pas les courbes, ni Newton les cou- parle de l'homme sauvage. Or, s'il a existé,
leurs, quoiqu'ils découvrissent, l'un de s'il existe encore des peuples sauvages, il
nouvelles propriétés des courbes, l'autre de n'a jamais existé, il ne peut même exister
nouveaux effets de la lumière. d'hommes sauvages. L'homme n'est pas une
Oui, tous les hommes ont le sentiment de plante qui puisse croître uniquement à l'aide
la Divinité, soit positi f qui est l'amour, soit des sucs de la terre et des influences de
négatif qui est la haine. Philosophe, tu l'air. Les seuls hommes sauvages que l'on
penses à Dieu, quand tu en nies l'existence; ait connus, l'hommedesforêts de Hanovre, et
et, malgré toi-même, tu en as le sentiment, la fille trouvée dans les bois de Picardie, ont
c'est-à-dire la haine, quand tu la combats. été rendus à la société; et leur existence
L'homme parfaitement libre, l'homme ver- jusque-là ne peut être regardée que comme
tueux, celui dont l'amour est réglé, a néces- une enfance prolongée, ou un état d'im-
sairement le sentiment, c'est-à-dire l'amour bécillité.
de la Divinité l'homme esclare de ses pas- On a trouvé-, dit-on, des peupies qui ne
sions, l'homme dont l'amour est déréglé, et manifestaient aucun sentiment de la Divi-
qui n'a que l'amour de soi, a aussi le senti- nité, c'est-à-dire qu'on en a cherché, et
ment de la Divinité, mais ce sentiment est qu'on a vu peut être quelques peuplades en
la crainte sans amour, ou la haine il vou- état de société naturelle dans laquelle le
drait anéantir un être dont l'existence l'im- culte est purement domestique, et renfermé
portune et ce n'est pas dans son esprit, dans l'intérieur de la famille (2).
mais dans son cœur, que l'impie a dit il n'y On a sous les yeux un exemple récent du
a point de Dieu (1). peu de fond qu'il faut faire sur les aperçus
Donc l'athée, ou l'homme qui hait la Divi- des voyageurs, même les plus éclairés, lors-
nité, car il n'y en a pas d'autre, est un qu'ils nous parlent de la religion des peu-
homme nécessairement- vicieux, esclave de ples sauvages. En 1767, le capitaine Wallis,
ses passions. Mais il faut observer que l'a- après un séjour de quelques semaines à, l'île
thée sera plutôt livré à l'amour déréglé de d'Otahiti, dans la mer du Sud, déclare for-
soi, ou à la passion spirituelle de l'orgueil, mellement qu'il n'a pu découvrir parmi ces
qu'a l'amour déréglé de ses semblables, ou insulaires la moindre trace de culte reli-
aux passions des sens; car l'amour déréglé gieux, quoiqu'il les ait observés avec une
des autres n'est pas dans la nature d'un être altention particulière. Deux ans après, en
qui n'aime que soi et qui hait tout le reste. 1769, le célèbre Cook aborde à la même île.
C'est pour cette raison que quelques athées JDans le long séjour qu'il y fait, il observe,
en imposent, par des dehors de régularité, il-décrit,
i avec la sagacité et l'impartialité
à ceux qui, ne faisant consister la vertu que qui
<
le caractérisent, les traditions religieu-
dans l'absence des passions sensuelles,ises et même les coutumes politiques, de ce
croient voir la force de vaincre là où il n'y peuple
1
singulier. Ecoutons cet observateur
(l) Dixil insipiens in corde suo Non est D, us. un esprit malfaisant, et qu'ils lui adressent des
(lHfil.xin,i.) prières. Les Hottentots sont des peuples en sociélé
(2)' U» voyageur dit qne les Hottentots n'ont au- naturelle,
i et ils ont la religion idolâtre de la société
tune religion e.1 ailleurs il dit qu'ils recoimnisseut naturelle,
i ou l'idolâtrir dans son premier état.
profond dans la recherche ces croyances d'alliance parmi les Juifs est remarquable
d'al
religieuses du genre humain, les sentiments mai ce qui est encore plus singulier, est
mais
conservés chez des peuples simples sont qu'< lui dit qu'elle 's'appelait la maison de
qu'on
d'un autre'poids que les opinions inventées Dieu.
Die\
par les philosophes. « Les habitants de la Nouvelle-Zélande
« Les Otahitiens croient unDieu créateur, connaissent
con l'influence de plusieurs êtres
le genre humain venu d'un homme allié à sa supérieurs
sup à l'homme, dont l'un est suprê-
fille; ils connaissent une Divinité suprême, me, les autres subordonnés. Ils ont à peu
qui est chez eux la puissance, puisqu'ils la près
prèi les mêmes dogmes, que les Otahitiens,
désignent par le mot de producteur des ils écoutaient avec un silence profond et
et 'il
et il
tremblements de terre; mais ils adressent beaucoup
béai de respect et d'attention les dis-
leurs prières à une autre divinité appelée cou: sur la Divinité. »
cours
Tané, qui est la Bonté, puisqu'elle prend L usages politiques de ces peuples ne
Les
une plus grande part aux affaires des hu- sonl pas moins dignes d'attention que leurs
sont
mains. Ils croient l'âme immortelle, soumise dog
dogmes religieux.
à deux états, l'un plus heureux, l'autre Chez
C. ces différents peuples, la royauté. est
moins. Ils ont des prêtres; ils font des of- héréditaire du père au fils « leur gouver-
hér<
frandes à la Divinité, et lui prodiguent des nement
nerc ressemble au premier état de toutes
témoignagesd'adoration et de respect. Les l'es inations de l'Europe, lors du gouverne-
les
cimetières, qu'ils appellent moral, sont des ment féodal. Le roi, le baron, le vassal, le
men
lieux où ils vont rendre une sorte de culte paysan,
pay; y sont distingués: chaque baron
religieux. Ils récitent des prières quand ils four
fournit et conduit à la guerre un certain
enterrent leurs morts ils y vont adorer une nombre de combattants. »
non:
divinité invisible, et ils expriment leurs Li croyance de la Divinité se trouve donc
La
adorations et leurs hommages de la manière che2 tous les peuples or l'accord de tous les
chez
la plus respectueuse et la plus humble. peuples
peu sur l'existence d'un objet est senti-
Leurs regards et leur attitude montrent as- men et non une opinion. En effet, les opi-
ment, x
sez que la disposition de l'âme répond à son nior dans l'homme sont des opérations de
nions
extérieur. Ces Indiens sont plus jaloux l'esprit,
l'esl ou des volontés; or les hommes
de ce qu'on fait aux morts qu'aux vivants; diffèrent nécessairement par les volontés
diffè
et le seul cas où ils se soient permis d'user puisqu'ils
puis ont tous nécessairement la'ro-
de violence envers les gens des équipages, lont de se dominer réciproquement niais2
lonlé
ç'a été lorsqu'ils ont voulu violer leurs en- ils s'accordent nécessairement par les senti-
s
dos funéraires, en en abattant les murs, ou men parce que le sentiment est amour de
ments,
même en y cueillant du fruit. » On ne peut conservation, crainte de sa destruction., et
sa c<
nier que les notions primitives de la reli- que tous les hommes ont nécessairement le
gion, telles que l'existence de Dieu et la mên amour pour ce qui peut les conser-
même
connaissance de ses principaux attributs, le ver, la même crainte de ce qui peut les dé-
dogme de la création, l'existence d'un pre- truire.
iruii
mier homme et d'une première femme qu'ils j'j dit qu'on retrouvait dans toutes les
J'ai
font même naître du, premier homme, la sociétés
socil le sentiment de la spiritualité et de
croyance de l'immortalité de l'âme, des pei- l'immortalité de l'âme; c'est ce qui va faire
i'jm,
nés et des récompenses futures ne se soient l'objet du chapitre suivant.
l'obj
conservées chez ces insulaires. Mais, voici
qui est encore plus extraordinaire; ces peu-, CHAPITRE IV.
ples connaissent la circoncision Cook nous SPIRITUALITÉ
SI ET IMMORTALITÉDE l'aME.
l'apprend, quoiqu'il pense qu'elle n'est pas
chez eux une pratique religieuse. Banks, Spiritualité
Sf et immortalité de l'âme loi
célèbre naturaliste, embarqué avec Cook, fond
fondamentale des sociétés religieuses, vé-
découvrit chez ce peuple un objet qui excita rite attestée par-le sentiment unanime de
rité
sa curiosité. C'était, selon Cook, une es- toutes les sociétés humaines, et par l'abus
touti
pèce de coffre ou d'arche travaillée avec qu'e ont fait les peuples idolâtres.
qu'en
délicatesse, faite pour être transportée d'un L( honneurs divins que les peuples,
Les
endroit à un autre. Elle contenait quelque dans leur enfance, comme les peuples vieil-
dans
chose que Banks ne put voir. La ressem- lis dans
d la civilisation, ont rendus à la mé-
LIance générale de ce coffre avec l'arche. mois de leurs bienfaiteurs ou de leurs
moire
me», no s auressaiein pas a ues caaavres ce sentiment sont plus forts dans l'âge, le
inanimés; ils croyaient qu'ils existaient, sexe et les conditions dont la faiblesse ou
puisqu'ils leur décernaient un culte et des les occupationsne permettent pas l'esprit
hommages. La croyance des génies aussi de se livrer à des études pénibles, de saisir
ancienne que l'univers, le respect pour les des rapports composés alors le sentiment
morts et les sépultures, respect plus marqué supplée à toutes les autres manières de s'ins-
à mesure que les peuples sont près de l'é- truire de cette vérité fondamentale la na-
tat des sociétés primitives c'est-à-dire 2 ture met cette vérité dans tous les cœurs,
mesure qu'ils sont plus près de cet état où parce que tous les cœurs sont capables de
les peuples n'ont que des sentiments et n'ont sentir mais elle ne la confie qu'à l'esprit
pas encore des opinions, la coutume reçue du petit nombre, parce qu'il n'y a que le
chez un grand nombre de peuples d'enseve- petit nombre qui ait un esprit capablé de
lir avec les morts les objets de leurs affec- comprendre.
tions pour les servir dans l'autre rie, les On peut apprécier, d'après ce principe, ce
lois sévères portées contre tous ceux qui que les philosophes appelaient des préjugés
violaient les sépultures, et qui dépouillaient populaires, et le service qu'ils rendaient à
les cadavres, l'obstination remarquée dans l'humanité en cherchant, comme ils le di-
toutes les sociétés naissantesà ne pas laisser saient, à éclairer les hommes, c'est-à-dire à
dans les combats leurs morts au pouvoir de
l'ennemi tout annonce que les peuples,
toutes les époques de leur existence, ont eu
à ôter les sentiments du cœur de ceux dont,
ils ne pouvaient suffisamment éclairer l'es-
prit.
le sentiment consolateur que le corps n'é- Quand la raison est développée, et qu'elle.
tait que la demeure d'un être qui lui était peut être éclairée par l'étude et le raisonne-
supérieur, et qui survivait à sa décomposi- ment, alors le sentiment se règle il cesse
tion.. d'être exagéré, et la raison dit à Thouime
Pour .connaître, sur ce dogme important, qui veut et qui peut la culti-ver, que l'hom-
le sentiment des premiers peuples, nous me n'est pas tout entier dans son corps,
n'avons pas besoin d'interroger les tnonu- qu'il a une âme spirituelle et immortelle,
ments anciens, ni de remontera l'origine et que cette vérité, et les conséquences. qui
des sociétés. Nous avons au milieu de nous en découlent, sont le lien le plus puissant
un peuple naissant; car le genre humain des
( sociétés humaines. C'est la nature de ln
renaît à chaque génération vérité conso- société
i qui établit la foi de la vérité par le
Jante pour les gouvernements, qui peuvent, sentiment; et ce sont les philosophes qui la
quels que soient les progrès des fausses d.oc- détruisent avec leurs opinion.s. De là tant de
trines, recommencer .un peuple par l'édu- systèmes, absurdes, sur la nature de l'âme,
cation, puisque la nature le recommence par que les uns croyaient du feu, les autres de
la naissance. Or les enfants, les femmes «t l'air;
1 que ceux-là faisaient passer dans le
les conditionspeu élevées, c'est-à-dire l'âge, corps des animaux, et que :ceux-ci refusent
le sexe et les conditions qui ont des senti- même à l'homme,.
iuents et qui ne peuvent avoir des opinions, On- ne contestera pas sans doute que
ont naturellement le sentiment des esprits; la
1 foi de sentiment ne soit dans la plu-
c'est de là que vient l'opinion reçue chez jsart des hommes, et peut-être dans tous
presque tous les peuples, que les femmes les
1 hommes, bien plus ferme et bien plus
ont la connaissance de l'avenir et des com- profonde
] que la foi d'opinion. Qui est-ce
munications particulières avec des êtres in- qui
< croit le plus, qui est-ce qui croit le
visibles. De là la croyance de tous les peu- mieux aux vérités fondamentales de J'exis-
pies, que les hommes extraordinaires étaient tence
I de Dieu et de l'immortalité de -l'âme,
inspirés par un génie particulier. C'est un de
< celui quiaécouté, souvent sans 1r com-
préjugé, ditla philosophie c'est un senti- prendre,
] un discours scientifique sur cette
uaent,, répondrai-je, par lequel la natire matière,
i par l'orateur le plus disert, ou de
supplée à la faiblesse de la raison ou au dé- la
J veuve, de l'enfant accablés de douleur,
faut de connaissances. Un enfant a peur de qui
< offrent leurs larmes à t'Etre suprême
quelque chose qu'il ne peut voir, quoiqu'on pour l'époux ou le père que la murt leur a
ne l'ait jamais enrayé par des contes de re- ravi,
i qui le conjurent de le recevoir dans
venants il a peur dans l'obscurité, il est son sein, et qui mêlent à cet acte religieux
mal à son aise dans la solitude. Les effets de cet
< espoir indéfinissable qu'ils ne soni \ax
separés pour toujours des objets de leurs immortalité de l'âme vérités fondamen-
'nlîefiiions et de leurs regrets ? tales base de toutes les sociétés reli-
Une société se disant religieuse, qui se gieuses.
contente de parler de l'existence de Dieu et La société en général est la réunion d'êtres
de l'immortalité, de l'âme, ne .peut conserver semblables réunion dont la fin est leur pro-
ni l'une ni l'autre de ces vérités. Elle tombe duction et leur conservation mutuelle.
à l'égard des au-
donc nécessairement dans l'athéisme et le « Ces êtres sont les uns
matérialisme, et comme l'existence de Dieu tres dans de certaines manières d'être qu'on
et la spiritualité de l'âme immortelle sont appelle rapports. »
les éléments de toutes les sociétés religieu- « Ces rapports
doivent être nécessaires,
ses, il est évident qu'elle cesse aussi de c'est-à-dire qu'ils doivent dériver de la
se conserver elle-même. nature des êtres qui composent la société. »
J'appelle à l'histoire de l'état présent des « Ces rapports
nécessaires sont des lois,
sociétés religieuses en Europe, de cette pro- suivant Montesquieu, Rousseau, la rai-
position qui renferme tout ce qu'on peut son (97). »
dire sur les sociétés religieuses, et qui, pro- 11y a différentes lois, parce qu'il y a entre
fondément méditée, présente les vérités les les êtres en société différents rapports,
plus importantes en morale, et les consé- c'ést-à-dire qu'ils sont les uns à l'égard des
quences les plus étendues en politique. autres dans différentes manières d'être.
La religion ou la foi pratique de l'exis- Il y a dans la société religieuse, comme
tence de Dieu et de l'immortalité de l'âme ddns la société politique, des lois primiti-
est amour et intelligence; mais, si elle doit ves fondamentales de la société et sans
être amour pour tous, elle ne peut être lesquelles on ne saurait la concevoir. C'est,
,intelligence que pour un petit nombre. dans la. société politique, l'existence du
Dans l'âge, le sexe et les conditions plus pouvoir qui gouverne les hommes physi-
étrangères aux passions qui tyrannisent ques-intelligents et dans la société reli-
l'homme, l'amour est plus réglé donc elles gieuse, l'existence de .la Divinité, qui gou-
conservent mieux l'amour de la Divinité verne les hommes intelligents-physiques-
(1) et ce sentiment peut dégénérer en Dans la société politique, l'existence d'un
superstition, c'est-à-dire, en faiblesse. Au pouvoir unique, ou d'un monarque, est une
contraire, dans l'âge, le sexe et les condi- loi politique, conséquencenécessaire, immé-
tions plus livrées à l'orgueil, à l'ambition, à diate de la foi fondamentale, et loi fonda-
la cupidité, l'amour se dérègle et l'homme mentale elle-même; parce que là où tout
substitue l'amour de soi à l'amour de Dieu: veulent dominer, il est nécessaire qu'un siuk
mais, s'il perd l'amourde Dieu, il y substitue domine, ou que tous se détruisent. Dans la=
la crainte sans amour ou la haine car société religieuse l'existence d'un Dieu,
l'homme ne peut exister sans amour ou sans unique est une loi conséquence nécessaire,,
crainte de la Divinité et cette haine dégé- immédiate de la loi fondamentale de l'exis-
nère en fanatisme, qui est une force exces- tence d'une intelligence suprême, et loi fon-
sive. L'amour de Dieu peu éclairé peut damentale elle-même, parce qu'elle est- uni
devenir superstilion. La haine de Dieu ou rapport nécessaire qui dérive de la nature^
l'athéisme, et on l'a vu, peut devenir fana- des êtres. En effet, s'il existe un être intelli-
tisme. Aussi le fondateur dé la religion gent, infini, tout-puissant, il ne peut en-
chrétienne témoigne une prédilection parti- exister qu'un; parce que des êtres tout-
culière pour la faiblesse du sexe, de l'âge et puissants veulent nécessairement dominer,
de la condition; et il juge dangereuses, et que là où. tous veulent nécessairement
dominer, il est nécessaire qu'un seul domine,
pour la vertu, l'opulence et les conditions
élevées. ou que tous se détruisent. Le lecteur remar-
CHAPITRE V.
quera avec étonnement que ce principe
soit, même à l'égard de Dieu, appuyé par
SUITE DES PREUVES DE L'EXISTENCE Dëi DIEU un fait; et il se rappellera la croyance reçue
ET DE L'IMMORTALITÉ DE L'AME. dans la religion chrétienne, de la chute des
Existence de la Divinité, spiritualité et esprits orgueilleux qui voulaient s'assimiler
( 1) On ne peut avoir l'amour de Dieu sans avoir çaue par la fermeté de leur religion, et leur coura-
l'amour de ses semblables aussi les femmes se sont geuse sensibilité envers les malheureux.
particulièrementdistinguéesdans la révolution Iran- (97; Voy. part. i> liv. i, chap. 1.
*75 (OUVRES COMPLETES DE DE BONAED.
aa.v aru M.
11n. ulu L1f1111LV. 476
lj.~(j
Très-Iïsut. croyance
au Très-Iïaut, nrovflnp.fi dont on
nn retrouve impérissable; donc
rptrnnvp imn<£r-iéca>\la Annn l'homme
l'knmm»' ««<
est immortel,
1-1
dans la fable des traces manifestes. soit dans son âme, soit dans son corps,
L'immortalité de l'âme n'est pas une con- instrument
i du culte extérieur par lequel
séquence moins nécessaire de sa spiritua- l'amour 1
se produit. Aussi la résurrection
lité. En effet l'homme sent en lui-même des ( corps est un dogme fondamental de la
l'existence d'un être qui pense, qui veut, religionr chrétienne Surget corpus spiri-
qui aime, qui craint; mais il ne peut voir tale. t (ICor. xv, 4-4.)
cet être, ni le soumettre à aucun de ses L'immortalité de l'âme est donc un rap-
sens. Or, l'existence d'un être qu'on sent et port f nécessaire dérivé de la nature des êtres
qu on ne peut voir, est une existence invi- qui q composent la société religieuse; elle est
sible, l'âme existe donc d'un6 existence donc d une conséquence nécessaire, immé-
invisible, ou, ce qui est la même chose, elle diate,
d de la foi fondamentale de l'existence
vit d'une vie invisible. Or, une vie invisible de d Dieu et de la spiritualité de l'âme; elle
est une autre vie que celle que nous voyons, est e donc loi fondamentale elle-même.
et par laquelle vivent tous les corps maté- Mais, si l'âme vit d'une autre vie et dans
riels et par conséquent elle appartient à un un u autre ordre de choses que celui que
autre ordre de choses, à un autre monde que nous n voyons, cette vie est nécessairement
ce monde matériel. heureuse
h ou malheureuse. Sous un être
L'homme moral et physique, produit la infiniment
ir juste, bonheur est récompense,
connaissance de Dieu dans sa pensée, et la malheur m est châtiment. La récompense sup-
conserve par le sentiment; donc l'homme est pose pi le mérite et le châtiment suppose la
en société avec Dieu, puisque la société en faute. fa Ce sont des rapports nécessaires, des
général est la réunion d'êtres semblables, lois. lo Le mérite ou la faute supposent un état
réunion dont la fin. est leur production et antérieur
ai à la récompense, ou au châtiment
leur conservation mutuelle. Mais nous avons et cet état antérieur ne peut être que la
vu (1), que « l'amour que l'homme a pour société sc présente. Donc le dogme des peines
Dieu est, dans l'homme, le principe de pro- et des récompenses futures est
un rapport
duction et de conservation de la connais- nécessaire
ni dérivé de la nature des êtres qui
sance de Dieu dans la pensée de l'homme, composentcc la société religieuse; une loi
et qu'agissant par les sens, c'est-à-dire par religieuse,
re conséquence nécessaire, immé-
le culte extérieur, il est pouvoir producteur diate,
di de la loi fondamentale de la spiritua-
et conservateur de la connaissance de lité lit et de l'immortalité de l'âme, et de celle
Dieu. Nous avons vu que « l'amour que de de l'existence de l'Etre suprême. Donc elle
Dieu a pour l'homme est, dans Dieu, le est es loi fondamentale elle-même et l'on en
principe de conservation de l'homme, et retrouve re la croyance dans toutes les socié-
qu'agissant par la force ou la puissance, il tés. té; Je reviendrai ailleurs sur ces lois reli-
est pouvoir conservateur de l'homme. » gieuses,
gi< et je développerai les autres à me-
Or, une société dans laquelle Dieu est sure su qu'elles se présenteront il me suffit
pouvoir conservateur par son amour et sa pour po le moment d'avoir fait remarquer à
puissance, et dans laquelle il est lui-même mes mE lecteurs que les principes que j'ai posés
produit et conservé par l'amour et la force dans da la première partie de cet ouvrage, en
de l'nomme agissant dans le culte extérieur, traitant
tra des sociélés politiques, sont rigou-
ne peut périr. En effet, si urie société qui rei reusement applicables à la société religieuse.
produit et qui conserve la connaissance de Car Ca la société religieuse et la société politique
Dieu par l'amour et le culte, et que Dieu sont soi semblables, et elles ont une constitution
conserve aussi par son amour, pouvait semblable ser, (2).
périr, Dieu cesserait d'être produit et con- ]Existence et unité de Dieu, spiritualité et
servé, non en lui-même, mais au dehors et im; immortalité de l'âme, peines et récompenses
dans des intelligences semblables à lui et de l'autre vie ces dogmes sont vrais, parce
faites son image; il cesserait eu même qu'ils qu' sont utiles à la conservation de la so-
temps d'être pouvoir conservateur Dieu ciété cié civile car, s'il pouvait y avoir quelque
.perdrait donc la faculté d'être produit et dogme, do§~r. utile à la conservation de la société,
conservé, et le pouvoir de conserver. Or, qui ne fût pas vrai, la société manquerait de
Dieu ne peut perdre ni faculté ni pouvoir quelque moyen de conservation donc elle
que
donc la société des hommes avec Dieu est ne pourrait se conserver. Or, la société est
(1) Voy. pari 1, liv. i, chap. 1. (2)
(ç Yoy. part. i, liv. 1, ebas. 1.
un être nécessaire, en supposant l'existence corps
c en sorte qu'ils ôtent aux hommes la
de l'homme, puisqu'elle dérive nécessaire- moyen
rr de se conserver, et leur laissent la
ment de la nature de l'homme donc la so- facilité
fa de st> détruire.
ciété se conserve nécessairement; donc il ne La société civile, formée par la société re-
lui manque aucun moyeu de conservation; ligieuse.
U et par la société politique, est donc
donc le dogme de l'existence et de l'unité proprement
p la réunion des esprits et le rap-
de Dieu, de la spiritualité et de l'immorta- pprochement des corps, pour la production et
lité de l'âme, des peines et des récompenses ic conservation mutuelle de Dieu et de l'homme.
la
de l'autre vie, sont nécessairementvrais. On a vu, dans la première partie de cet
Tout ce qui est utile à la conservation de oouvrage, que l'amour de soi est, dans Dieu et
la société est nécessaire tout ce qui est né- ddans l'homme, le principe de création « ds
cessaire est une vérité donc toutes les vé- production
p de l'homme, et qu'agissant par la
vi tés sont utiles aux hommes ou à la société; puissance
p ou par la force, il est pouvoir
donc tout ce qui est dangereux pour l'homme créateur
c; ou producteur de l homme
at pour la société est une erreur, Que l'amour des hommes est, dans Dieu et
CHAPITRE VI. ddans l'homme, le principe de conservation
ddes hommes, et qu'agissant par la puissance
SUITE DES PREUVES DE L'EXISTENCE DE DIEU, 0 la force, il est pouvoir conservateur des
ou
ANALOGIE DES VÉRITÉS GÉOMÉTRIQUES ET hommes.
SOCIALES. Nous en avons conclu, dans la société des
Dieu et l'homme, les esprits et les corps, hhommes extérieurs ou physiques, la we'ces-
éléments de toute société. sité
s; d'un homme, objet général et commun
Les corps unis aux esprits, éléments de la dde l'amour que les hommes en société exté-
société politique. rieure
r doivent avoir les uns pour les autres.
Les esprits unis au corps, éléments de la Cet C homme, appelé roi ou monarque,amour
société religieuse. ggénéral de la société, parce qu'il représente
La société en général est une réunion d'é- Utous les hommes à l'égard de chaque homme,
ires semblables, réunion dont la fin est leur este le principe de conservation des hommes
production et leur conservation mutuelle. physiques
p agissant par la force générale de
Cette déûnition, qui convient à toute so- la 1; société, il en est le pouvoir conservateur.
ciété, ne s'applique, avec une rigoureuse Et j'en conclus, dans la société des êtres
exactitude, qu'à la société intellectuelle, ou intelligents,
il la nécessité d'une intelligence,
à la société des intelligences, parce que la objeto général et commun de l'amour que les
société des corps n'est que leur rapproche- êtres ô intelligents doivent avoir les uns pour
ment, aii lieu que la société des esprits est les Il autres. Cette intelligence, amour géné-
:eur réunion. Er effet, les corps, occupant ral r de la société, est donc le principe de con-
chacun un espace, ne peuvent que se rap- servations des êtres intelligents, agissant par
.prêcher, mais ils ne peuvent passe confon- la 1; force dans le culte extérieur, elle en est le
dre en un seul corps; au lieu que des pen- pouvoir i: conservateur. car les sociétés reli-
séés et des sentiments, qui n'ont aucune ggieuses ou physiques sont semblables, et elles
étendue et n'occupent aucun espace, peu- ont 0 une constitution semblable.
vent se réunir et se confondre en une seule Je ne puis me refuser à fixer l'attention
pensée et un seul sentiment. De tous les ddu lecteur sur l'analogie qu'il y a entre les
sentiments, de toutes les pensées sur le mê- deux d propositions que je viens d'énoncer et
rue objet, peut résulter une seule pensée, les 1' vérités géométriques; et cela doit être,
un" seul sentiment; mais de tous les corps, puisque
p Dieu, vérité par essence, est }&
il ne peut résulter un seul corps. Donc il ssource et le type de toutes les vérités. Il me
n'y a proprement de société que pour les es- semble
s que cette connexité singulière entre
prits, parce qu'il ne peut y avoir proprement ddes vérités d'un ordre différent ajoute une
de réunion que pour les esprits; donc les ziouvelle
i\ force aux preuves de l'existencede
législateurs modernes, qui séparent avec Dieu. 1 Je suppose que mes lecteurs ont quel-
tant de soin la société religieuse de la so- qque teinture de la géométrie élémentaire.
ciété politique, détruisent toute réunion en- A considérer la société politique comme
tre les hommes, pour ne laisser subsister un i problème dont on cherche la solution,
entre eux que le rapprochement; c'est-à-dire quelles
<\ en seraient les conditions?
qu'ils divisent les esprits, et rapprochent les Trouver une forme de société politique ou
479 OEUVRES COMPLETES DE M. DE BQNALD. 480
gouvernement,telle
de gouvernement, telle qu'un nombre quelcon- cette
nombre quelcon- e< famille, ou, ce qui est la. même chose,
la même
que d'hommes physiques soient unis entre eux l'i l'écarter du milieu d'eux, sans perdre leur
et maintenus dans cette union par un rapport unionw mutuelle entre eux, ni recouvrer cette
ou intérêt commun. union,
Ui après l'avoir perdue, sans rétablir au
Quelles seraient les conditions du pro- m milieu d'eux cet homme, ou cette famille re-
blème de la société intellectuelle?2 \i
vêtue du pouvoir, ou sans se rétablir eux-
Trouver une forme de société intellectuelle, mêmes
m dans leur rapport commun d'amour
telle qu'un nombre quelconque d'êtres intelli- oi ou de subordination envers ce pouvoir.
gentssoient unis entre eux, et maintenus dans Les dissensionscommencèrent à Rome avec
cette union par un rapport ou intérêt com- l'< l'expulsion des rois; elles allèrent toujours
mun. croissant,
cr et ne cessèrent qu'au rétablisse-
Quelles sont les conditions du problème m ment du pouvoir unique sous Auguste. Les
de la circonférence? désordres les plus effroyables ont commencé,
l'f
Trouver une figure telle qu'un nombre quel- en ei France, avec la destruction du pouvoir gé-
conque, un nombre infini de points soient néral n< ou royal; ils ont été, ils iront toujours
adhérents entre eux, et maintenus dans cette croissant,
cr et ne cesseront qu'au rétablisse-
adhésion par un rapporte commun. ment
m du pouvoir sous le monarque légitime.
Je pense qu'il n'y a rien de forcé, rien Cette C< vérité est aussi, évidente que les pro-
que de parfaitement exact dans l'énoncé de p< positions d'Euciide.. •
ces trois problèmes absolument semblables. Or, ce pouvoir, l'homme ne l'a pas créé;
Or, pour résoudre le problème, de la cir- il existait, et l'homme n'a fait que le pro-
conférence, dans un nombre quelconque in- dl duire au dehors.
fini de points, j'en trouve un que j'appelle Ainsi, dans la société religieuse, le mo-
centre, au moyen duquel je trace une figure nothéisme,
n< ou la religion de l'unité de Dieu,
qui satisfait rigoureusement à toutes les cori- remplit
re toutes les conditions du problème;
ditions du problème car la circonférence est puisque
pi la société religieuse de l'unité de
une figure d'une infinité de points tous
adhé- Dieu,
D ou la religion chrétienne, est telle
vnts entre eux et maintenus dans cette adhé- qu'unqi nombre quelconque infini d'êtres in-
sion par un rapport commun, lequel rapport telligents
te sont unis entre eux, et maintenus
est leur distance égale du centre. Je'dis que dansdî cette union réciproque, par un rapport
ce rapport commun ou cette distance égale commun cc d'amour et de dépendance envers
du centre les maintient dans leur adhésion ui une intelligencesuprême que nous appelons
réciproque; puisqu'ils ne peuvent s'éloigner Dieu.D
ni se rapprocher du centre sans perdre leur C'est cette union mutuelle en Dieu, quc
adhésion mutuelle, et qu'ils ne peuvent la la religion consacre sous le nom de commu
recouvrer, s'ils l'ont perdue, qu'en se réta- nionni des saints.
blissant dans leur rapport, ou dans leur dis- Les hommes ne peuvent se soustraire à'ca
tance égale à l'égard du centre. rapport
rt avec l'Etre suprême, sans perdre
Or, à considérer cette proposition d'une le leur union mutuelle entre eux; ni la recou-
manière abstraite, l'homme n'a pas créé ce vi vrer, après l'avoir perdue, sans rétablir fui
point appelé centre: ce point existait néces- milieu
m d'eux l'amour de l'Etré suprême, ôu
sairement dans un nombre infini de points, pour pi mieux dire, sans se rétablir eux-mê-
et le géomètre n'a fait que le produire au mes m dans ce rappnrt d'amour et de dépen-
dehors. dance
di envers l'Etre suprême.
Une république d'athées ne peut pas sub-
Dans la société politique, la monarchie
constituée ou royale satisfait à toutes les con- si
sister, et la France en offre la preuve.
ditions du problème puisque la monarchie Les hommes n'ont pas fait Dieu; il existe
royale est une forme de gouvernement telle ei en lui-même, et il n'a fait, par la création de
physiques l'homme
l' et de l'univers, que se produire au
qu'un nombre quelconque d'hommes
familles sont unis entre et main- dehors.
&
ou de eux,
tenus dans cette union par un rapport com- puisqu'il Le centre existait avant la circonférence,
mun d'amour et de subordination avec un p a produit la circonférence; et la
homme ou une famille qui exerce le pouvoir circonférence
ci n'a fait que le rendre visible
• général de la société, ou monarque. Car. les ou 0 le produire. Le pouvoir existait avant la
hommes sociaux ou membres de la société société S( politique, puisqu'il n'y a eu de so-
ne peuvent se séparer de.cet. homme ou de ciété c politique qu'après que le pouvoir a été
r^!rr Ct VISiWe
et visible dans
renauexiéneur. la P–
da"S la
vu..raiu.
oifc iala république des Juifs n'était
u. ruu y liiiuwtt X. UV. 482
aaW^l F.
système de Locke a fait oublier celui du P. Male- négliger la métaphysique même ou la science de
branche qui avait eu tant de partisans en France l'intelligence.
et même en Angleterre, parmi les meilleurs esprits;
et enfin la physique ou la science des corps a fait
1( Idipsum quod Deus est, quidquid illud est,
corporalitervideri non potest. (S. AuG.)
1
487 OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD. 4SS
.ti'OJ
hommes
hi-immo« de les lîftn-r
trms Ips
Ho tous lieux etat de tmis les
rlfl tous l'homme, donc
rhnmmft.
1'l L'homme existe. S'il existe
dnnn l'homme
temps, ses pensées par la parole ou par l'é- dE êtres appelés hommes qui aient la pensée
des
criture, a dû donner à leurs discours, à leurs et le sentiment les uns des autres, il y a donc
écrits, et à eux-mêmes, un caractère de réunion de sentiments et de pensées, c'est-
ré
divinité qui pût autoriser leur mission. Ce à-dire,
à- d'intelligence entre ces êtres donc
caractère donné à leurs discours et à leurs il y a entre eux communicationd'intelli-
écrits est la connaissance de l'avenir; et le gence.
gc Mais te seul moyen de communica-
caractère donné à leurs personnes est le tion entre des intelligences unies à des
ti<
pouvoir d'interrompre les lois générales corps
ce est'la parole donc il y a parole hu-
des êtres, c'est-à-dire le pouvoir de substi- maine,
m qui n'est que la parole fixée, ou trans-
tuer des lois générales que nous ne con- missible
m et transportable.
naissons pas, aux lois générales que nous J'oserai aller plus loin, et dire Tout ce
connaissons; car l'Etre suprême, ordre et qt est social, ou tout ce qui sert è la con-
qui
intelligence par essence, ne peut agir que servation
se de la société, être nécessaire, est
par des lois. aussi
ai nécessaire, c'est-à-dire, est tel qu'il ne
Or, la connaissance de l'avenir, comme le peut être autrement sans choquer la nature
p(
pouvoir de changer les lois générales con- des êtres. Or, l'écriture sert à la conserva-
d<
nues, sont des caractères également divins. tion de la société des intelligences, puis-
tii
Car la prédiction de ce qui doit arriver est qu'elle
qi fixe, étend et transmet la parole, qui
une création puisque créer est donner est le moyen de communicationentre les in-
es
l'existence à ce qui n'est pas, ou voir ce qui telligences
te donc l'écriture est nécessaire.
n'est pas encore, comme ce qui est actuelle- Mais
M l'écriture fait communiquer les intelli-
ment, ou ce qui n'est pais; et substituer gences
g< entre elles, malgré la distance des
des lois inconnues aux hommes, aux lois lieux et la différence des temps donc les
Iii
qu'ils connaissent, est avoir une connais- intelligences vivent en divers lieux et en
in
sance et une puissancesupérieures à la force divers
di temps donc les intelligences vivent
et aux connaissances de l'homme. Or, cette d'une
d' autre manière ou d'une autre vie que
puissance et cette connaissance de l'avenir celle
cf que nous voyons.
ont été regardées par tous les peuples comme Dieu ne pourrait parler et écrire lui-même,
un attribut essentiel de la Divinité, puis- sans
se cesser d'être une pure intelligence, et
qu'ils ont, dans tous les temps, décerné les sans gêner le libre arbitre de l'homme il
s«
honneurs divins à tous les hommes chez qui fa donc parler et écrire par d'autres hom-
fait
ils ont cru en apercevoir une émanation; et m
mes il autorise donc la mission qu'il leur
par là ils ont hautement déclaré qu'ils re- donne par le caractère dont il les revêt. Si
d<
gardaient l'Etre suprême comme le Créateur la mission est divine, le caractère doit être
de l'univers et l'auteur des lois de la na- divin. Or, Dieu est, comme l'homme, intel-
di
ture. ligence,
H, amour et force; mais il a la pléni-
Ainsi, pour reprendre en peu de mots la tude tl de l'intelligence, de J'amour et de la
série des propositions qui ont conduit à fc force donc il communiquera à ceux qu'il
cette démonstration les hommes pensent à c' chargera d'annoncer ses volontés une partie
Dieu; donc Dieu peut exister. Les hommes di de son intelligence, par le don de prophétie,
dl son amour, par une charité ardente, de
ont le sentiment de Dieu; donc Dieu existe. de
S'il existe une intelligence suprême dont les saSi force, par le pouvoir de suspendre les
hommes intelligents aient la pensée et le lois Jc connues de la nature. Ces hommes ex-
sentiment, il y a donc société d'intelligence traordinaires
tr parleront et écriront la parole
& Dieu, que Dieu ne peut parler ni écrire
entre cette intelligence suprême et l'homme: de lui-même Multifariam,multisque modis olim
donc il y a réunion d'intelligences donc il Il
Deus
& loquens parribus in prophetis. (Hebr.
y a communicationsd'intelligences, donc il volontés de Dieu sont
l> 1.) Et, comme les
y a parole, doncil'y a écriture, qui n'est que i, parole qui les
la parole fixée, ou transmissible et transpor- des volontés immuables, la
table; donc il y a parole divine et écriture exprimera
e sera fixée par l'écriture.
divine. Ce ne sera que pour des développements
Cette démonstration me parait aussi ri- nécessaires
n au perfectionnementde la société
goureuse que le serait la suivante. civile, pour l'établissement de la religion
ci
L'homme pense à l'homme donc l'homme sociale,si que Dieu parlera par un homme
peut exister l'homme a le sentiment de plus p extraordinaire que ceux qui l'auront
a~wvma.,r:~ma. Il. rvu Y. ttC,l..l(üLU:l. L1Y. JI. 490
précédé, et qu'il fixera sa nouvelle
nonvpllfi parole
narnio par
une nouvelle écriture :«Novissimediebusislis
nnn nAm^i.
nements
n *“» At^
futurs ôtërait »“» i-i .i
tout libre arbitre à
l'homme. Ce livre doit contenir l'histoire de
Y
locutus est nobis in Filîo. (Hebr. i, 2.) Et
» cet tout ce que Dieu a fait pour les hommes, et
t<
homme sera, -comme les autres et bien plus
de
d tout ce que Dieu demande des hommes
que les autres, intelligence divine, amour il doit être à la fois l'histoire et le code des
divin, force divine. Ainsi ses oeuvres
auront, sociétés, et il doit convenir à toutes les si-
par-dessus celles de tous les autres hommes,
un caractère de puissance et sa parole
ti s,
tuations de l'homme, et à tous les événe-
aura, ments de la société.
m
par-dessus celle de tous les hommes,
un ca- Je trouve tous ces caractères d'antiquité,
ractère de prophétie..
Dieu ne parlera que rarement; car il
d sublimité, de-sagesse, de prophétie, dans
de
ne ]e livre que le plus étonnant de tous les
le
peut parler sans changer les lois générales peu-
ples
pi a conservé à l'univers, avec une fidélité
qu'il a établies, et sans accompagner sa si inviolable et en même temps si aveugle.
pa-
rôle de signes extérieurs qui puissent
en j'i trouve tout ce que la société a été; et,
J'y
constater la divinité. s'i m'était donné d'en pénétrer les profon-
s'il
C'est cette parole et cette écriture divines
deurs, j'y découvrirais sans doute tout
de
qu'on appelle révélation ou manifestation. Il ce
qu'elle
qu doit devenir. C'est le long entretien
y a donc un livre qui contient la parole de de Dieu avec les hommes, c'est le livre de l'al-
Dieu à l'homme et aux sociétés. Ce livre
liance de Dieu avec les hommes, c'est-à-dire
]ja
doit être le plus ancien de tous les livres, et
de l'alliance de la société religieuse et de la
le plus sublime de tous les écrits il doit
donc avoir été conservé de siècle en siècle,
société
S0( politique, de la religion et du. gou-
avec le soin le plus religieux, et transmis à
vernement
vei Qui fecit utruque unum. (Ephes.
la société avec la fidélité laplus scrupuleuse. nn, 14.)
Ce livre est donc divin. En effet, ce livre
Ce livre doit contenir l'histoire de la société
'<
de Dieu avec l'homme, et de tous ses divers est nécessaire à la conservation de la société
civile, puisqu'il contient le recueil des pré-
civ
états, ou de la religion dans ses différents
âges; et comme la société religieuse et la ceptes
cer donnés aux sociétés, et l'histoire de
leurs
leu développements. Donc il n'est pas fait
société, politique sont unies dans la société
civile, ce livre doit contenir l'histoire des par l'homme, car l'homme, être trop borné,
divers états et des différents âges de la so- ne peut rien faire de nécessaire; donc il est
fait par Dieu; donc il est la parole et l'écri-
ciété civile et comme Dieu est une intelli-
ture de Dieu; donc il est divin.
tur(
gence infinie, qui connaît tout ce qui n'est jJe laisse l'athéisme pâlir, sécher sur quel-
pas encore comme tout ce qui n'est plus, ce
livre doit renfermer l'histoire prophétique ques dates obscures, parce qu'on veut faire
que
accorder l'écriture de Dieu avec l'écriture de
acci
des divers états et des différents âges de la
l'homme, sur quelques faits étonnants, com
.r>n0
société civile, c'est-à-dire, de la société re-
ligieuse et de la société politique et cette me si Dieu ne pouvait que ce que peut
me
l'ho
l'homme; et je poursuis, et l'histoire de la
histoire se développera à mesure que les
soci
société se développe à mes yeux.
événements en fourniront la démonstration,
parce qu'une connaissance parfaite des évé-
LIVRE Il.
chair, les os»de ses os; ils seront deux dans la *•»*,
même chair (1).
Ue, BONALD.
M. DE BUWALill.
rez point,
re% «n;,i/ et
connaissant
cor
/>/vous
nmis ferez
492
*<>«
dieux,
fiomwie des dîêuJF.
vcr^z comme
le bien et le mal (Gen. m, h] »
La femme naît après l'homme; elle est st et le sujet séduit, mettant l'amour déréglé
l, de soi ou l'orgueil à la place de l'amour de
l'objet de sa tendresse mais elle est sujet,
l'homme est pouvoir. Amour et dépendance ce l'Etre
l'E suprême ose désobéir, c'est-à-dire
(onstituent les relations du pouvoir et du lu substituer
su] au pouvoir général son pouvoir
sujet; amour et crainte, voilà la société ex- s- particulier
pai fruit funeste, qui cause une
térieure ou physique. mort
mc certaine à l'orgueilleux qui ose s'en
Le genre humain sort d'une famille, puis- is- nourrir.
no L'homme, pouvoir de la société ex-
té, térieure,
ter partage la désobéissance du sujet,
que la famille est l'élément de la société, déréglé de son
Croissez, leur dit le Créateur, c'est-à-dire, ej au lieu de la punir l'amour
hommes intelligents, développez les il-
facul- semblable
se l'emporte dans son cœur sur l'a-
«
tés que j'ai mises en vous (2); multipliez, as, mour
mi de l'Etre suprême. L'orgueil avait
c'est-à-dire, hommes physiques, remplissez ez égaré
ég le sujet, la faiblesse perd le monar-
cet univers que je n'ai créé que pour vous.»» que. i. qt
A peine l'homme a-t-il cédé à ses pas-
Dieu comble l'homme de ses dons, mais ais
il met un frein à ses désirs par une défense si
ise sions, que, troublé par la conscience de sa
sévère. Dieu se constituepouvoir, et il cons- as- faute
fa il tremble de rencontrer l'Auteur
'a- de d« son existence, et il se cache de de-
titue l'homme sujet; il lui commande l'a-
la reconnaissance] de ses bien-
>n- vcvant sa face. (Ibid., 8.) Le sentiment de la
mour par s'altère dans l'homme coupable;
faits, et la crainte, par la menace des pei- lei- Divinité
D
)Ur I'j l'amour fait place à la crainte. Adam ne se
nes qui suivront sa désobéissance. Amour à la vue de son Créateur, que parce
dérobe
d(
et crainte, voilà la religion. Créateur de lui.
Dieu n'intime ses ordres qu'à l'homme, ne, qu'ilq ne peut éloigner sonhaine, il en fera
pouvoir de la société naturelle; l'homme les Déjà D il le hait, et dans sa
Dieu a pi-
transmet à la femme. La fonction du pou- ou- un u Dieu barbare et impitoyable
voir est de faire connaitre au sujet la loi, et ti tié de son ouvrage (3). Il reprend l'homme
avec
a bonté il le châtie avec ménagement,
de la lui faire observer.
famille est heureuse, tant l'homme, et
e dans la punition même, il place l'espoir
La que me,
que ddu pardon. Il
lui laisse entrevoir qu'un au-
pouvoir de cette société, reste la place que
à
ordre de choses succédera un jour à Vétat
la nature de cette société lui assigne sii sa fitre lequel la société est tombée.
fait descendre, s'il obéit à celle
elle malheureux dans
faiblesse l'en w
change, et alors commence pour l'homme ime tis t tous les maux.
la femme, le pouvoir
voir La bonté de l'Etre suprême se manifeste
comme pour pour
le sujet, un état de peine, dede en
e même temps que sa justice crainte mê-
comme pour lée d'amour, mais d'un amour d'espoir et
misère et de douleur. 1
Quelle leçon donnent à l'univers les sui- d'attente, c est le premier état de la religion
déplorables de la faiblesse du pouvoir ir et de
<
l'unité de Dieu. Dieu annonce à l'homme
tes l'état futur de
de l'orgueil du sujet! C'est en faisant bril- )ril- un i changement heureux dans
la société; développement et perfectionne-
1er aux yeux de la partie faible de la so-
1
de la liberté
té et ment qui caractérisent la constitution reli-
ciété les lueurs trompeuses i
la société politique.
de l'égalité, qu'un génie malfaisant la sôu- gieuse
i comme
Le Créateur oblige l'homme au travail de
lève contre l'autorité légitime. « La défense 3nse
qui vous est faite, » lui dit-il, « ne gêne votre otre 'la 1 terre c'est à ce prix que l'homme ac-
propriété il condamne la
liberté que pour vous empêcher d'aspirer er à quiert le droit de douleur c'est à ce
l'égalité avec votre Créateur Yous ne mour- our- femme à enfanter avec
l i ) Geu. n, 24. Ce n'est pas sans doutepoliti-
religieux
ces paroles que les législateurs du divorceou de la
dans
.oliti-
seebal sapientia. (Luc. h, 40.)
“•
( 3 ) Ce n'est que chez le sectateur de l'idolatne
publique ou cacbée, que la crainte de Dieu peut
ques ont trouvé la justification ou
être sans amour, ou haine; car le sectateur du mo-
polygamie. nothéisme constitué, ou de la religion du rédempteur
P° T2 ) Ou les deux expressions, Croissez et
iulli-
Multi-
promis ou donné, ne peut avoir une crainte sans
pliez (Gen. 28) signittt-nt la même chose, et ilTex- ne une crainte sans es-
peut y avoir rien d'inutile dans. l'Ecriture, ou 1 ex- amour, puisqu'il ne peut avoir
poir. La crainte de l'un est celle de l'esclave, la
pression croissez a le sens que je lui donne ett c'est crainte de loutre eôt celle de l'eufant.
au.si dans ce sens qu'il est dit de Jesus-Chnstdans dans
l'Evangile Venfanl croissait en sagesse. « Puerr exe- cxe-
prix qu'elle acquiert dans la famille les tait un culte,' mais ce n'était pas une
reli-
droits de la maternité. gion et l' Etre suprême, amour par essence,
Malheureuse par la faiblesse du pouvoir veut la religion qui est culte, et rejette le
et par l'orgueil du sujet, la société ne con- culte qui n'est pas religion.
naissant que trop le bien de son état passé, Dieu distingue la religion d'Abel aver
et le mal de sa position présente, s'éloi- cuite, du culte sans
religion de Caïn. La
le juste et le mé-
gne, à la voix du Créateur, du séjour guerre commence entre des so-
de délices qu'elle avait habité jusqu'à sa chant, et elle durera jusqu'à la fin
désobéissance c'est la première révolution, ciétés. Les bons voudront conserver la so-
et elle a les mêmes causes qu'auront à l'a- ciété en défendant son pouvoir général con-
venir toutes les autres, la faiblesse et l'or- servateur les méchants voudront la dé-
gueil. truire, ou faire prévaloir leur pouvoir parti-
plus
Les faits décrits par l'écrivain sacré sont culier. Mais jamais les haines ne seront
réels, mais prophétiques et je lis, dans les actives, ni les fureurs pi us sanglantes, que
détails qu'ils me présentent, la cause des lorsqu'à l'ambition d'établir son pouvoir
désordres futurs des sociétés et des malheurs particulier daii&la société politique, l'homme
de l'espèce humaine. joindra l'ambition de faire dominer son
Cette prophétie sublime, que tant d'évé- pouvoir particulier où ses opinions dans la
fanatisme se
nements ont justifiée, est à mes yeux une société religieuse, lorsque le
la cupidité. Alors on verra les
preuve irrésistible de la divinité des Livres joindra à
saints. plus grands désordres qui puissent affliger
Avec l'homme commence la religion la société, parce
qu'il s'agira des plus grands
intérêts qui puissent occuper les hommes.
avec la religion commence le sacrifice. Les
philosophes veulent que la religion natu- Malheur à la société livrée au double fléau
turelle ou la religion de la famille soit pu- de l'ambition et du fanatisme 1.
rement intérieure c'est une erreur gros- Le fanatisme verse le premier sang que la
jaloux de la pré-
sière ou un sophisme évident la religion terre ait vu répandre. Caïn,
donnée par Dieu même au sacrifiée
est amour, l'amour est action, l'action de férence
l'amour est le sacrifice. de son frère, l'immole à sa jalousie. Le der-
Le sacrifice, avons-nous dit, c'est le don nier meurtre
qui souillera la terre, comme
le premier qui l'ensanglanta, ne peut être
que l'objet qui aime fait de lui-même à l'ob- qu'un fratricide.
jet aimé.
Comme la société naturelle est un homme Dieu avait parlé à l'homme, pour consa-
qui forme la société naturelle,
et une propriété, le sacrifice était le don de crer l'union le travail qui la perpétue il
l'homme et le don de la propriété. On voit pour ordonner
condamner les crimes
naître la distinction bien marquée de la re- lui parle encore pour
ligion avec sacrifice, et de la religion sans qui la détruisent.
sacrifice de la religion de sentiment, et de Qu'as-tu fait?- crie au meurtrier cette voix
la religion d'opinion; de la religion du puissante et terrible qui se fait entendre au
l'assassin; la voix du sang d'e ton
cœur, et de la religion de l'esprit, de la phi- cœur de
losophie. frère crie de la terre jusqu'à moi tu seras
cultiveras en vain
Abel, homme juste, choisit ce qu'il a de maudit sur la terre; tu la
y trouver un asile et,
plus beau dans ses fruits et ses troupeaux, tu la parcourras, sans s'attache
le remords à ses pas; la
et l'offre au Seigneur. Il joint les disposi- dès lors, lui le sceau de l'homi-
tions du cœur, ou le don de l'homme mo- frayeur habite avec il croit, dans
ral, aux présents de l'homme physique. cide s'empreint sur son front homme y lira son
Aussi l'Ecriture ne dit pas que le Seigneur- ses terreurs, que tout
être le vengeur. Le
regarde favorablement les présents d'Abel, crime et voudra en
il n'a pas conféré à fa
mais qu'il regarde favorablement Abel et Créateur le rassure
société naturelle le droit de glaive; ce droit
ses présents. qu'à la société politique qui
Cdïn, homme sombre et farouche, offrait n'appartient
Le père ne peut pas ré.
à Dieu les mêmes présents en apparence, s'existe pas encore.
mais le don de l'homme n'accompagnaitpas pandre le sang de son fils, venger un
ni crime
le don de la propriété. La religion do Caïn par un crime plus
grand. Cette loi mons-
d'ôter
etait extérieure comme celle d'Abel, mais trueuse, qui donne au père le droit
elle n'était pas sacrifice comme le sien. C'é- la vie à son fils, et qui détruit la
société na-
turelle pour conserver la société politique, e, sée de son crime, Lamech dévoile à sa famille
cette loi est émanée de la volonté particu- u- cet horrible mystère; dans sa frayeur, il
lière de l'homme, et non de la volonté gé-
nérale de la société. Dieu se réserve à lui-
:é- désespère du pardon de son crime, et^ il
li- éternise le châtiment. J'ai tué deur'hom-
en
même le châtiment de Caïn, et déclare qu'il 'il mes, dit-il, dans un accès de jalousie maè
punira le meurtrier de Caïn plus que Caïn ïn j'en serai puni septante fois sept fois. (Gen.
même. iv, 23, 1k.) On sait que.ce nombre se prend,
L'édifice de la société se dessine, et j'en
;n dans l'Ecriture, pour un nombre infini et
aperçois les fondements. Je reconnais, dans fis c'est dans ce sens que le divin fondateur du
le sacrifice religieux, la loi fondamentale de
le christianisme dit qu'il faut pardonner à son
la religion publique; dans la supériorité de le ennemi septante fois sept fois (Matth. xvm,
l'homme. sur sa famille, la loi fondamentale le 22) quelques versets plus bas, M est dit
de l'unité de pouvoir: je vois commencer ^r qu'Hénoch, homme juste, ne meurt pas.
les lois civiles dans le droit de propriété ac-
c-
quis et consacré par l'obligation du travail il CHAPITRE II.
imposé à l'homme, et les lois criminelles JS FORMATION DES SOCIÉTÉS POLITIQUES.
dans la défense faite à l'homme de la famille,
*J
ou à l'homme naturel de venger le crime le Les hommes se multiplient, et les pas-
commis sur l'homme. La société naturelle le sions se multiplient avec les hommes l'or-
ne peut avoir de distinctions sociales ou de le gueil et la volupté, c'est-à-dire l'amour dé-
force publique là où il n'y a qu'un homme, »,
réglé de soi ou la passion de dominer, atti-
il est le pouvoir, il est la force, il est tout,
t, rent sur l'espèce humaine le châtiment épou-
parce qu'il est seul. vantable attesté à la fois par l'inistoire, par
Mais dans la religion naturelle, Dieu est lee la fable, et par l'état présent du globe. L'a-
pouvoir, l'homme est l'agent de ee pouvoir r mour déréglé de soi sera dans tous les
ou la force H est le ministre du sacrifice, lee temps la seule cause des révolutions de la
prêtre de la religion raison pour laquelle,(, société et des désastres du genre humain.
dans l'enfance des sociétés politiques, le
sacerdoce était toujours uni à la royauté.
e La société physique oujdes corps recom-
mence, comme elle avait commencé, par une
Dans ce tableau si vrai, si animé, je voiss famille. Cette famille
conserve le dépôt de
le développement progressif de la sociétéé la religion d'amour, et à peine descendue
ou de l'homme social, l'accomplissementdut sur cette terre bouleversée par les eaux
précepte donné au premier homme Crois- elle offre au Seigneur
un sacrifice qu'il
sez. Enos enseigne aux hommes à invoquerr agrée, parce que le don de l'homme se joint
le nom du Seigneur par un culte public ett au don de la propriété. Croissez et multi-
avec de certaines cérémonies Tubalcaïn en- pliez (Gen, i» 28), dit encore l'Etre suprême,
r
seigne aux hommes à fondre et à travailler qui dans une famille a conservé le
les métaux c'est le premier et le plus né- humain, comme il l'avait produit dans
genre
une
t
l
cessaire de tous les arts, puisqu'il fournit famille.
les instruments de tous les autres Jabel La terre se repeuple, les hommes et les
perfectionne l'agriculture avec lesarts uti- passions naissent à la fois la guerre des
les qui conservent 1$ société, naissent lesy bons et des méchants, cette guerre née
avec
arts agréables qui l'embellissent; Juhal dé- la société, devient plus active à mesure que
couvre l'art de varier les sons, et sans doutei le genre humain est plus nombreux et les
d'y adapter des paroles, car la poésie a dû hommes plus rapprochés.
naître aussitôt que ta musique. La fable at- Pour reproduire le genre humain, il est `
teste toutes ces vérités par ses fictions, inévitable
l'histoire que les familles se rapprochent;
comme par ses monuments, et la pour conserver les familles, il est nécessaire
tradition par ses souvenirs.
On aperçoit chez les premiers hommes la les que les sociétés se forment c'est-à-dire que
familles particulières formeront, en se
croyance de peines éternelles pour le crime, rapprochant, de petites sociétés, et
de récompenses éternelles pour la vertu. ] que les
sociétés formeront, en se distinguant, de
Un des pères du genre humain avait dé- grandes familles. Mais comment réunir
f en
robe un meurtre à la connaissancedes hom- isociété, et pour leur conservation mutuelle,
mes mais il n'avait pu échapper à ses re- des < familles d'hommes également animés de
mords ni à ses terreurs. Troublé de la pen- la 1 passjon de dominer? comment séparer
distinguer les sociétés, sans les fixer dans encore constitué, c'est-à-dire défendu
et li-
un territoire déterminé? et comment fixer mité, il se sert de la force
;les sociétés chez des hommes pour satisfaire ses
que le goût passions. La force qui ne doit être que
de l'indépendance, si puissant sur le
cœur l'action du pouvoir général de la société,
de l'homme naturel, les habitudes ou les be- devient l'instrument
du pouvoir particulier
soins de la vie pastorale favorisés par la de l'homme. Ce
pouvoir est ambition chez
constantebeauté du climat, invitaient à voya- l'homme fort, volupté chez l'homme faible;
ger sans cesse, et qui, pour se déplacer, mais sous tous ces rapports il est égale-
n'avaient qu'à lever leur tente et suivre ment
leurs troupeaux? Comment dire aux uns oppresseur, parce qu'il est toujours
amour déréglé de soi ou passion de domi-
Vous vous fixerez ici, et aux autres,vous de-
ner. Les hommes soumis à ce pouvoir parti-
meurerez là? Quelles montagnes, quels fleu- <culier partagent les passions qui les oppri-
ves auraient pu arrêter leur humeur vaga- ment tyrans de leurs semblables, esclaves
honde ? Dieu, volonté générale, conserva- eux-mêmes
et toujours malheureux, soit
trice des sociétés humaines, attachera, pour qu'ils < soient, l'instrument de l'oppression
ainsi dire, la glèbe des diverses sociétés \i ou < qu'ils en soient le sujet, ils ne voient
rendra un peuple serf du pays qu'il habite dans
< la nature qu'oppression et que mal-
il tracera, entre les sociétés diverses, des li- heur. 1 Le sentiment consolateur d'une Divi-
mites que l'homme tentera en vain de ren- nité r bienfaisante s'altère mais il ne peut
verser. Déjà les sociétés ne s'entendent plus s'effacer
s du milieu de la société; la religion
entre elles; je vois naître la diversité des se s corrompt,, mais le culte ne peut se dé-
langues, puissant moyen de réunion entre truire. t La religion était amour et crainte
les familles de séparation entre les socié- l'amour 1
sans crainte ou l'amour profane de
tés. J'ai remarqué ailleurs qu'aujourd'hui, l'homme, 1 la crainte sans amour ou la haine
comme alors, la diversité des langues a été de d Dieu font les dieux et ces nouveaux
le plus grand obstacle h l'achèvement de l'ou- dieux d demandent un nouveau culte la vo-
vrage de l'impiété et de l'orgueil; et j'ajoute- lupté
1 leur donne un sexe, la haine leur prête
rai ici que le parti philosophique, pour con- ses s fureurs; les premières divinités sont des
duire son œuvre à sa perfection, cherchait déesses
d impures et des dieux altérés de
1
autant qu'il le pouvait, à faire disparaître la sang. s, Les sacrifices qu'on leur offre sont la
diversité des langues, en répandant en Eu- prostitutionp et le meurtre; et remarquez que
rope le goût de la langue de la société dans la le prostitution
comme le meurtre sont éga-
laquelle son œuvre était le plus avancée. lement 1< le don de l'homme.
Chaque peuple doit conserver sa langue, On ne peut en douter aujourd'hui
parce que toute langue suffit aux besoins reyolution que la
ri française a ramené une nation à
du peuple qui la parle, et qu'elle peut se l'état 1' barbare et sauvage des sociétés pri-
perfectionner avec sa constitution.
Il est impossible la mitives.
n
raison humaine d'ex- l'idolâtrie,
pliquer le phénomène de la diversité des
{•
Ce fut le despotisme qui produisit
ce furent les passions qui défigu-
langues; et si la philosophie prétend, contre
rèrent
ri la religion. Lorsque le pouvoir géné-
toute vraisemblance, que toutes les langues p, n de la société a fait place en France au?
ral
sont dérivées d'une seule, elle remonte à un di pouvoir particulier la plus oppresseur, des;
déesses impudiques, des dieux anthropopha-
seul peuple, elle remonte à une seule fa-
mille, elle-remonte à la création. g( sont exposés à la vénération des peu-
ges
ples.
p]
Quand le genre humain est divisé en so- O honte éternelle de l'humanité 1 au sein
ciétés, il s'élève au milieu d'elles des
pou- dedf la société religieuse la plus éclairée et
voirs car nulle société ne peut exister sans
d( la société politique la plus policée,
de
pouvoir, parce que l'homme ne peut exister on a
vu
Vi renaître l'idolâtrie et ses impures et.
sans un amour. cruelles extravagances;la raisonde l'homme
L'homme devenu pouvoir dans la société cr
personnifiée
pe par de viles courtisanes sa
extérieure, aux passions de l'homme joint force fo personnifiée par des hommes abomina-
les moyens du pouvoir, c'est-à-dire la force; bles bl
et dans les sociétés où le pouvoir n'était pas lire
( 1) ont obtenu d'un peuple en dé-
phages.
lit les hommages que Minerve et Mars
re.
( 1 ) On a rendu, dans plusieurs lieux, à Marat baptisé
ba
et Robespierre tes honneur. que tous les peuples
à des enfants .au nom de ces deux amhropo-
dIi
se sont accordés à ne rendre qu'à la Divinité on
a
499 OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD. 500
Athènes d'un peuple idolâtre; ett
cevaient à Athènes social. Tout sacrifice social est le don de
il est affreux de penser que si cette orgiee l'homme, et le don ou l'offrande de la pro-
d'assassms et de bacchantes, appelée gou- priété parce que la société n'est composée
vernement révolutionnaire, eût pu subsis- que d'hommes et de propriétés, comme l'u-
ter, la société, aux affections de laquelle ilil nivers lui-même n'est que l'assemblage des
faut des objets sensibles, abrutie par le mal-l- substances spirituelles et matérielles.
heur et l'oppression, exaspérée par la guer- La société naturelle se développe un ins-
développe
re, premier besoin de ce gouvernement dé- tant, et la religion naturelle se
vastateur, aurait décerné à des monstres lee avec elle. La société naturelle du plus saint
culte public que la Grèce décerna aux héros \s des patriarchesdevient momentanément une
qui l'avaient délivrée de ceux qui l'infes- société politique la religion naturelle de-
taient. Les familles proscrites auraient dis- •- vient en même temps et pour le même temps,
paru de dessus la terre le silence et le tom- î- une religion publique et dans cet événe-
beau, seuls confidents de leurs malheurs, ment, on peut lire l'annonce et l'état futur
les auraient dérobées à la mémoire des hom- i- de la société civile.
mes de nouvelles générations se seraientH La religion du premier homme, après sa
élevées dans l'erreur et la férocité le temps,s, chute, était une religion d'espoir et d'at-
qui jette un voile sur les crimes comme sur ir tente. Les promesses deviennent plus posi-
c'est-à-
les vertus n'aurait laissé percer que l'au- t- tives l'espoir devient plus motivé,
dace de l'entreprise et l'éclat du succès; et la dire que dans cette religion de crainte et
postérité abusée aurait mis peut être les as d'amour, la crainte, peu à peu, fait place à
bourreaux, de tant d'innocentes victimes au u l'amour. Le Créateur avait annoncé au pre-
rang des bienfaiteurs de l'humanité (1). mier homme, d'une manière enveloppée
que sa postérité triompherait de l'esprit
CHAPITRE III séducteur qui avait été la cause de sa chute;
il daigne révéler au plus saint des patriar-
DÉVELOPPEMENT DE LA SOCIÉTÉ NATURELLE ET ST
ches, que tous les peuples de la terre seront
DE LA SOCIÉTÉ RELIGIEUSE.
bénis dans sa postérité. (Gen. xxii, 18.)
La religion du premier homme, ou Jla re- 3- J'ai dit que la famille dont Abraham était
ligion primitive, s'était conservée dans..la la le chef, était devenue une véritable société
société naturelle de quelques familles, qui, li, politique.
dans la pratique de toutes les vertus et 1° Elle passe de l'état errant d'une société
é- naturelle à l'état stable et fixe d'une société
l'exercice de la vie pastorale, vivaient indé-
pendantes de toute société- politique. C'é- è- politique. Abraham, pour prévenir les con-
tait la même religion, c'était le même sa- a- testations qui s'élevaient entre ses pasteurs
ar et ceux de son frère, lui propose de se sé-
crifice. La société naturelle était formée par
l'homme et sa propriété l'homme s'offrait tit parer et de se fixer chacun dans un tesri-
donc lui-même et il offrait sa propriété, 5, toire déterminé. Il demeura, dit l'Ecriture,
c'est-à-dire que, dans la religion d'un Dieu,u, dans la terre de Chanaan. (Gen. mi, 12.
l'homme moral s offrait lui-même au Dieu ;u 2° 11 fait alliance avec ses voisins. Trois
de l'intelligence et du cœur, par l'aveu de le chefs Amorrhéens avaient fait alliance avec
sa dépendance et la conformité de ses dis- s- Abraham. (Gen. xiv.)
positions à la volonté de son Créateur, et 3° 11 fait la guerre pour un sujet légitime
que, dans la religion de plusieurs dieux, x, car ayant appris que son frère avait été aWa-
l'homme physique s'offrait lui-même aux jx qu6 et fait prisonnier, il choisit les plus bra-
dieux des sens, en lui sacrifiant ses pro- 0- ves de ses serviteurs, il forma deux corps dv
pres enfants par la prostitution ou par le ses gens et de ses alliés, et, venant fondre sur
meurtre. j lesrois ennemis, il les défit. (Gen. xiv 14,
Je reviendrai sans cesse sur cette vérité,è, 15.) Ainsi je vois dans cette société 1° éta-
parce qu'elle nous conduira à des dévelop- p- blissement stable dans un territoire déter-
pements que le lecteur peut déjà pressentir.
ir. miné 2° droit de paix et de guerre; 3° pou-
II n'y a pas de religion sociale sans sacrifice
ce voir général qui dirige la force publique;
111.
LIVRE
1..
des autres provinces; mais les familles s'y conser- blesse s'est beaucoup diminuée à compter de cette
vaient peut-être davantage, à cause que les aînés époque l'extrême diminution de la noblesse en
d'un grand nombre de maisons nobles de cette pro-
vince occupaient des places dans le parlement. Sous
Louis XIV et même plus tard, les aînés des familles
– u«.» Ci inciuc jnu» Lai u, les aines ues lamines
Oftîi VH PTC fftUDl r»ïi" TV1 ïï\ï? T^s.i r it I
A
1
France est un fait avéré dont il serait utile de re-
chercher la cause, et urgent de prévenir l'effet.
ne formaient société constituée que sous le lévites étaient réellement la noblesse; ils
rapport de la religion. en avaient les fonctions, et les biens même
Lorsque.le peuple attente à la constitu- qui leur furent donnés aux dépens des au-
tion religieuse, en prostituant ses adorations tres tribus avaient part à leur privilége,
à des dieux, ouvrage de ses mains, ce sont puisqu'il y avait pour leur maison, qui est,
les lévites que Moïse charge de la punition à proprement parler, la propriété de la fa-
(1).
des coupables; ce n'est qu'à eux qu'il confie, mille, une substitution qui n'existait pas
de la part de Dieu, les armes qui doivent pour les maisons des autres familles car il
les exterminer, parce que c'est à la force di- ne faut pas oublier que, dans le dénombre-
rigée par le pouvair à conserver la^société. ment que fait Moïse de sa nation, il ne
Les lévites étaient les gardiens et les dé- compte que par familles et jamais par tê-
fenseurs du tabernacle, et non pas des prê- tes
tres, puisque le sacerdoce n'était que dans Puisque la religion était une société, elle
ta famille d'Aaron. Les lévites campaient devait être indépendante, elle -devait être
toujours autour du tabernacle, qu'on peut propriétaire. Moïse ordonne le payement des
•regarder comme le pouvoir extérieur de la dîmes en faveur du lévite, de l'étranger ou
société des Juifs, et la garde en était confiée du pauvre, de la veuve et de l'orphelin;
à leur valeur. Ce ne sont point des conjec- c'est-à-dire qu'il veut que les biens de la
tures c'est le propre texte des Livres sacrés. religion soient consacrés au culte religieux,
Les lévites porteront eux-mêmes le taberna- et à soulager la faiblesse de Y âge, du sexs
cle. et ils camperont autour. Les lévites et de la condition. Les propriétés de la reli..
dresserontleurs tentes autour du tabernacle. giou chrétienne n'ont pas une autre desti-
et ils veilleront à sa garde. Faites appro- nation.
cher la tribu de Lévi; qu'elle se tienne devant La dlme, chez les Chrétiens comme chez
Aaron, grand prêtre, afin qu'ils le servent les Juifs, est d'institution divine, dans ce
et qu'ils veillent à la garde du tabernacle. sens qu'elle est un rapport nécessaire dérivé
(Num. m.) Les familles des lévites étaient de la nature des êtres, et par conséquent un
de la société, et les autres familles étaient développementnécessaire de la constitution
dans la société. Aussi Dieu défend expressé- religieuse et politique, puisque l'Etre su-
ment de comprendre les familles lévitiques prême, en créant l'homme, a rendu néces-
dans le dénombrement du reste de la na- saires la société et ses développements. En
tion Ne fuites point, dit le Seigneur à effet, si la religion a des ministres, elle doit
Moïse, le dénombrement de la tribu de Lévi, pourvoir à leur subsistance, au moyen de
et n'en marquez pas le nombre avec celui des ses propriétés. Mais ces ministres ont des
enfants d'Israël, mais établissez-les pour fonctions à remplir dans la société, et ils ne
avoir soin du tabernacle. Vous donnerez les peuvent cultiver les propriétés de la reli-
lévites à Aaron et ses fils comme un.don que gion il faut donc que d'autres les cultivent
leur font lès enfants d'Israël, mais vous éta- pour eux. Et qu'on ne dise pas que l'Etat
blirez Aaron et ses enfants pour les fonctionsî peut salarier le culte, expression aussi in-
du sacerdoce. (Ibid.) La société dévoue ces décente que l'idée est fausse et impie car
familles à sa défense; et dès ce moment, alors la religion n'est plus propriétaire, elle
distinguées par un engagement particulier, n'est plus indépendante, elle n'est plus so-
elle rie peuvent s'y soustraire, et leur servi- ciélé, puisque l'essence d'une société cons-
tude fait leur distinction, comme leur dis- tituée est d'être indépendante, et qu'une
tinction fait leur servitude. société qui n'a que des salaires et non des
Les lévites avaient donc la garde hérédi- propriétés est dépendante, comme un in-
taire du tabernacle ils étaient donc la forcee dividu qui a des, .gages et non des pro-
publique, conservatrice du pouvoir de laj priétés.
société, puisque le tabernacle était en quel- La dîme est nécessaire; et si les, hommes
que sorte le pouvoir extérieur de la société, ne la rétablissent pas, la nature de la société
-qu'on le consultait dans toutes les affairess la rétablira d'elle-même, ou la religion ces-
politiques, et que les réponses qui en éma- sera d'être publique mais les abus de la
«aient étaient des ordres pour la nation. Less perception, les abus de la distribution et les
( i)
Dieu punit David d'avoir voulu faire le dé- C'est une chose digne de remarque, que Jésus-Christ,
nombrement du peuple juif. Une société ne doit pass dans l'Evangile, tire toutes ses paraboles de la fa-
compter les hommes, mais tes familles propriétaires.
i. mille propriétaire.
.msJ. a.vamu uv m
abus de l'emploi, s'il yen a, sont purementt
vuivu». rmii.n.ruL'f. nr.l.,H>IEjUA. L.IY. 111. s!î>
contingents, et ils.doivent être réformés* Jei
1:
LIVRE IV,
RELIGION CHRÉTIENNE OU CONSTITUÉE.
CHAPITRE PREMIER,
q, s'opéra dans l'univers à l'avènement
qui
LOIS DE LA SOCIÉTÉ
RELIGIEUSE
TUÉE (1J. ytCONSTI- d'Auguste à l'empire romain. Jusqu'à lui
d'
l'univers policé gouverné despotiquement
Ce
partie..
fut une grande révolution,
mièrJpnHif "éCeSSaire>
Ducre
-u que-t. – celle
v^i,ve j^n llome
par
p; ictmjjiiqut!, était
Hume république, eiaii soumis
soumis àa une
pour n"telliS«»<* de ce chapitre, de relire les premiers chapitres de la
pr*
foule de maîtres et adorait une multitude vation, c'est-à-dire, la perfection de l'homme
de dieux, c'est-à-dire, obéissait à une multi- intelligent, qui n'est autre chose que sa
tude de pouvoirs dans la société politique, liberté. Cette vérité sera démontrée en son
et à une multitude d'opinions dans la société lieu.
religieuse. Mais l'unité de pouvoir s'élève 2° Les moyens sont semblables car la
dans l'univers, et aussitôt l'unité de Dieu se société politique parvient à sa fin, c'est-à-
manifeste à tous les peuples. dire, à la conservation des êtres qui la com-
La religion judaïque n'étail que la reli- posent, par un amour général qui est le mo-
gion naturelle développée au point qu'il narque, principe de conservation des êtres
convenait aux besoins d'une société parti- sociaux, et pouvoir conservateur lorsqu'il
culière, au caractère d'un certain peuple, à agit par une force générale conservatrice
l'objet que le législateur se proposait pour qui est la noblesse; et la société religieuse
un temps donné. La religion chrétienne est parvient à sa fin par un amour général que
la religion judaïque développée, perfection- nous verrons tout à l'heure être Dieu même»
née, accomplie' au point qui convient à tou- principe de conservation des êtres, et pou-
tes Jescsociétés à tous les peuples, à tous voir conservateur lorsqu'il agit par une
les temps. force générale conservatrice,qui est le sacer-
La religion judaïque était une religion de doce car une société qui n'aurait pas les
crainte mêlée d'amour, mais d'un amour moyens, c'est-à-dire, le pouvoir de parvenir
qui désire la religion chrétienne est une 5à sa fin, n'y parviendrait pas.
religion d'amour mêlé de crainte mais dej La société civile, réunion de la société
l'amour qui jouit. Or la religion qui doitt religieuse et de la société politique, a donc
être sentiment de l'Etre suprême, ou amourr deux pouvoirs conservateurs, Dieu et le
mêlé de crainte; la religion judaïque étaitt monarque; deux forces conservatrices, le
donc dans un temps la véritable religion, ett sacerdoce et la noblesse mais elle n'a
la religion chrétienne est aujourd'hui laj qu'une volonté générale conservatrice, parce
véritable religion mais, comme l'amourr que deux volontés égales sur le même objet
qui désire n'est pas réellement l'amour, ne font qu'une même volonté. En effet,
Dieu est la volonté générale conservatrice
parce que l'amour veut jouir et non atten-
dre, il s'ensuit que la religion chrétienne3 de la société intérieure des intelligences,
est autant au-dessus de la religion judaïque,l dont il fait partie.
Dans la société politique, être général et
que t'amour qui jouit est au-dessus de
l'amour qui désire. La religion chrétienneg collectif, la volonté générale est cette volonté
est donc la sockHé religieuse constituée. ou cette tendance qu'a tout être de parvenir
'La société est une réunion d'êtres sembla- à la fin pour laquelle il a été créé; volonté
bles, réunion dont la fin est leur conserva- ou tendance qui, jointe aux moyens de par-
tion mutuelle. Cette définition convient à laa venir à la fin, constitue la nature de cet
société religieuse comme à la société politi- être.
que donc ces sociétés sont semblables. Mais cette volonté et ces moyens', qui
Si les sociétés religieuses et physiquess constituent la nature d'un être, lui ont été
sont semblables, il existera des rapports ouu donnés par le Créateur, qui a créé les êtres
lois semblables entre les êtres qui les com- pour une fin, et par conséquent avec la
posent car il peut exister des rapports sem- i-volonté et les moyens d'y parvenir. Donc la
blables entre des êtres différents. Donc cess volonté générale de la société a été donnée
sociétés ont une constitution semblable à la société par Dieu même cette volonté
puisque la constitution est l'ensemble dess est donc la volonté de Dieu. Donc la volonté
rapports ou lois qui existent dans la sociétéégénérale conservatrice de la société reli-
entre les êtres qui la composent. gieuse constituée, et celle de la volonté
Nous avons déterminé les caractères dee politique constituée, ne font qu'une volonté
la société politique constituée; nous devonsisgénérale qui est la volonté de Dieu. Ce sont
donc les retrouver tous dans la société reli- les effets de cette volonté générale conserva-
gieuse constituée. trice que les hommes qui croient à l'exis-
1° Leur fin est semblable car la fin 'de la tence de Dieu appellent Providence.
société politique est la conservation, c'est-
1- Si la volonté généràle conservatrice de la
à-dire, la liberté de l'homme physique; et jt société civile est Dieu < même, pourquoi,
la lin de la société religieuse est la conser- dira-t"On, y a-t-il des sociétés qui se détrui-
-
sent pu qui ne parviennent pas à leur fin? générale d'exister, le pouvoir général d'exis-
La société parvient nécessairement à sa fin, ter, la force générale d'exister, et qu'on rie
et la société ne se détruit pas. parce que, si pourra même la concevoir sans ces trois
l'homme nous paraît retarder, par le facultés, ces trois facultés seront les condi-
dérèglement de ses volontés particulières, tions nécessaires de son existence, et seront,
les progrès de la société et l'accomplisse- par conséquent, ses lois fondamentales.
ment de la volonté qu'elle a de parvenir à sa Ce même raisonnement'peut s'appliquer
fin, cette volonté n'en a pas moins un effet dans tous ses points à la société religieuse,
infaillible, nécessaire, qui, dans un temps en observant seulement que la société poli-
ou dans. un autre, triomphe toujours des tique a pour éléments des êtres physiques-
obstacles que lui oppose la volonté dépravée intelligents, et que la société religieuse,
de l'homme. Et comme sa fin est la conser- considérée dans l'état civil, a pour éléments
vation des êtres, et qu'elle ne peut assurer des êtres intelligents-physiques.
cette conservation qu'en se constituant, il Dans la société politique, les êtres qui la
s'ensuit que, malgré les efforts de l'homme, composent, ou les hommes physiques intel-
elle tend nécessairement invinciblement,à ligents, peuvent être considérés sous diffé-
se constituer. rents rapports. Considérés relativement au
La volonté générale de la société civile, pouvoir général, ils sont pouvoir, ou force
c'est-à-dire religieuse et politique, qui est publique action du pouvoir, monarque ou
la volonté de Dieu même, a donc infaillible- noblesse; des rapports sont des lois politi-
ment son effet car il n'y a. pas en l'Etre ques, qui, comme je l'ai prouvé, sont des
éternel de succession de temps, et s'il nous rapports nécessaires dérivés de la nature des
parait a nous, êtres finis et bornés, que sa êtres, des conséquencesnécessaires de la loi
volonté n'est pas exécutée dans le temps, fondamentale
1 du pouvoir général, et lois
elle l'est infailliblement dans l'éternité. Sui- fondamentales
] elles -mêmes. J'ai prouvé,
vons le parallèle des deux sociétés. dans
< la première partie de cet ouvrage, que,
Nul être collectif ne peut exister sans dans < une société politique constituée ou
lois car un être collectif, étant formé par monarchique,
i les autres lois politiques
la réunion de plusieurs êtres place néces- étaient ( égalementdesconséquences nécessai-
sairement, et par l'effet de cette réunion res, 1 quoique moins immédiates, des lois fon-
seule, ces êtres dans une certaine manière damentales,
( et lois fondamentaleselles-mê-
d'être, les uns à l'égard des autres, qu'on mes. t
appelle rapport. Dans la société religieuse du corps social
« Ces rapports sont des lois lorsqu'ils sont avec Dieu, c'est-à-dire, dans la société re-
nécessaires, c'est-à-dire, lorsqu'ils sont tels ligieuse
1 sociale, qu'on appelle religion pu-
qu'ils ne pourraient être autres qu'ils ne blique, 1 nous verrons la loi religieuse du
sont sans choquer la nature de ces êtres. » pouvoir1 général, je veux dire de Dieu même
Ces êtres qui, dans la société politique, rendu r présent et extérieur, être un rapport
sont les hommes physiques intelligents, nécessaire r dérivé de la nature des êtres, une
peuvent être considérés en eux-mêmes et conséquencec nécessaire de la loi fondamen-
dans leur nature d'êtres physiques intelli- tale t du pouvoir général, et loi fondamentale
gents. Ils ont, sous ce rapport, des facultés elle-même
e et nous verrons l'institution du
que j'appelle essentielles, naturelles, fonda- sacerdoce,
s force publique de la société reli-
mentales, parce qu'elles constituent néces- gieuse,8 être encore un rapport nécessaire
sairement l'homme naturel, et qu'il ne peut dérivé d de la nature des êtres, une consé-
exister sans elles c'est la faculté intelli- quence<3 nécessaire de la loi fondamentale de
gente ou voulante, la faculté aimante, la la lj force générale, et loi fondamentale elle-
faculté agissante. La société, être collectif même.n On verra également que les autres
ou général, réunion d'êtres physiques intel- lois I' religieuses sont des conséquences né-
ligents, aura donc la faculté générale de cessaires,
c quoique moins immédiates, des
vouloir, la faculté générale d'aimer, la lois 1( fondamentales, et lois fondamentalesel-
faculté générale d'agir; c'est-à-dire, qu'elle les-mêmes.
'<
aura une volonté générale, un pouvoir gé- Dans la société politique, les hommes phy-
néral, qui est un amour général agissant par sisiques intelligents peuvent être considérés
une force générale; et, comme la société ne. dans d leurs différentes manières d'être les
pourra exister ou se conserver sans la volonté unsu à l'égard des autres, comme parents,.
maS;rnc voisins,
maîtres, 1Tl\icln~ propriétaires;
f,rnn,·7l,Fn;r~e: les rapports cessaires des
l~c 'YOoy.nA.f~ t. -l':i~
iO un, m. ut, uuixAijI».
.J. lois politiques cette
qu'en ces différentes qualités ils ont entre ne parvient donc pas à sa fin; elle n'est donc
_·Ll
03*
.m_ société
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eux, doivent être nécessaires et dérivés de pas constituée; elle n'est donc pas une véri-
leur nature de parents, de maîtres, de voi- table société politique elle n'est qu'une
sins, de propriétaires ces rapports sont. les forme de gouvernement.
lois civiles, et j'ai prouvé que, dans une so- Donc la société politique, qui a des lois
ciété constituée, les lois civiles doivent être fondamentales, mais dont les lois politiques
des conséquences nécessaires des lois poli- ne sont pas des conséquencesnécessaires des
tiques, et lois politiques elles-mêmes. lois fondamentales,est moins constituée que
Dans la société religieuse, les hommes -celle où les lois politiques sont dés consé-
intelligents-physiques peuvent être considé- quences nécessaires des lois fondamentales,
rés dans leurs différentes manières d'être et lois fondamentales elles-mêmes. Ainsi
les uns à l'égard des autres leurs rapports l'Espagne est moins constituée que la Fran-
entré eux, sous cet aspect, forment les lois ce, puisque, de la loi fondamentale de la
morales, qui doivent être des rapports néces- succession héréditaire, elle déduit la loi po-
saires dérivés de la nature des êtres. Elles litique qui appelle les femmes à succéder,
doivent donc être des conséquencesnécessai- conséquence que j'ai prouvé n'être pas un
res des lois religieuses, et lois religieuses rapport nécessaire dérivé de la nature des
elles-mêmes. Ainsi la loi de l'indissolubilité êtres. La Pologne est moins constituée que
du mariage est un rapport nécessaire dérivé l'Espagne, parce que, de la loi fondamentale
de la nature des êtres en société naturelle ou de l'unité de pouvoir, elle n'a
pas déduit la
de la famille, une loi morale, conséquence loi politique de la succession héréditaire.
nécessaire de la loi religieuse qui consacre 'foutes les sociétés, même monarchiques,
l'union des époux, et loi religieuse elle- d'Europe, sont moins constituées que la,
même. France, parce que, de la loi fondamentale
La société politique dans laquelle les lois du pouvoir général, agent de la volonté gé-
politiques, celles qui constituent la forme nérale, organe de sa parole qui est la loi,
extérieure de la société, ou Je gouverne- elles n'ont pas déduit, comme la France, la
ment, sont des conséquencesnécessaires des loi politique de la nécessité de corps chargés
lois fondamentales et lois fondamentales el- de vérifier si la parole du monarque est l'ex-
les-mêmes, et dans laquelle les lois civiles, pression de la volonté générale de la so-
celles qui règlent les devoirs des hommes ciété.
les uns à l'égard des autres, sont des consé- Donc une société politique, qui a des lois
quences nécessaires des lois politiques, et fondamentales
lois politiques elles-mêmes, a tout ce qu'il et des lois politiques, consé-
nécessaires des lois fondamenta-
faut pour parvenir à sa fin, qui est la conser- queuces
vation des êtres physiques intelligents dont
elle est composée; elle est donc constituée!
- les, et lois fondamentaieselles-mêmes, mais
dont les lois civiles ne sont pas des consé-
nécessaires des lois politiques, et
La société religieuse, dans laquelle les quences
lois politiques elles-mêmes, est moins cons-
lois religieuses, c'est-à-dire celles qui cons-
tituent la forme extérieure de la société, tituée que celledatis laquelle les lois civiles
des conséquences nécessaires des lois
sont des conséquences nécessaires des lois sont politiques. Ainsi la loi civile de la substitu-
fôndamendales, et lois fondamentales elles-
tion des fiefs pour la noblesse est une con-
mêmes, et dans laquelle les lois morales,
celles qui déterminent les devoirs des hom-
séquence nécessaire de la loi politique de
l'hérédité de la profession, et loi politique
mes les uns à l'égard' des autres, sont des
elle-même; et la France, qui, pour favori-
conséquences nécessaires des lois religieu- ser les
mutations de propriété,, a restreint
ses, et lois religieuses elles-mêmes, a tout cette loi, a altéré la constitution pour enri-
ce qu'il faut pour parvenir à sa fin, qui est chir le fisc.
la conservation des êtres intelligents physi-
ques dont elle est composée elle est donc Donc la société religieuse, qui n'a pas de
constituée. lois fondamentales,ne peut avoir aucune loi
Donc la société qui n'a pas de lois fonda- religieuse, conséquence nécessaire des lois
mentales ne peut avoir dé lois politiques, fondamentales, et loi fondamentale elle-
conséquences nécesaires des lois fondamen- même cette société ne parvient donc pas à
taies ni de lois civiles, conséquences né- sa fin; elle n'est donc pas constituée; eiie
a. m 1'C\I.J~u.
R'SS~ rnm .a~
n'est donc pas une véritable société reli- pendance, et par conséquent de conserva-
tion et de force qui en assure la durée, et qui
gieuse n'est qu'une secte.
Plle
Donc la société religieuse, qui a des lois se manifeste par un perfectionnement ou un
fondamentales, mais dans laquelle les lois développement progressif; et l'on verra que
religieuses ne sont pas des conséquences la société religieuse constituée a un prin-
nécessaires des lois fondamentales, et lois cipe intérieur de vie, d'indépendance, et par
fondamentales elles-mêmes, est moins cons- conséquent de conservation et de force qui
tituée et parvient moins à sa fin que celledans en assure la durée, et qui se manifeste par
laquelle les lois religieuses sont des consé- un perfectionnement ou un développement
quences nécessaires des lois fondamentales, progressif.
et lois fondamentales e'iles-mêmes. Ainsi, On a vu que les sociétés politiques non
en Allemagne, la loi religieuse, qui permet constituées ont un principe intérieur de fai-
a l'ordre épiscopal,premier grade de la force blesse, de dépendance, de détérioration et
publique de la société religieuse, d'occuper de mort; et l'on verra que les sociétés reli-
plusieurs sièges à la fois, et qui le détourne gieuses non constituées ont un principe in-
de ses fonctions naturelles et nécessaires térieur de faiblesse, de dépendance, de dé-
par l'exercice d'un pouvoir politique, n'est térioration et de mort; parce que l'on peut
pas une conséquence nécessaire de la loi fon- dire des unes comme des autres « Si le
damentale des distinctions sociales ou force législateur, se trompant dans son objet, éta-
publique; et par conséquent la religion blit un principe différent de celui qui naît
chrétienne y est, sous ce rapport, moins delà nature des choses, l'Etat ne cessera
constituée qu'elle ne l'est en France et en d'être agité jusqu'à ce que ce principe soit
Espagne, et l'imperfection de la constitution détruit ou changé, et que l'invincible na-
religieuse s'y manifeste par des effets très- ture ait repris son empire. » Ce qui veut
sensibles. Ainsi, dans l'Eglise grecque, la loi dire que les sociétés politiques, comme les
religieuse, qui soumet les ministres de la sociétés religieuses non constituées^ ne ces-
religion à un chef particulier, y est formel- seront d'être agitées et de se détériorer,
".ement en contradiction avec la loi fonda- jusqu'à ce qu'elles soient parvenues les
mentale du pouvoir général puisque cette unes et les autres à la véritable constitut on
société, reconnaissant le même pouvoir gé-
néral que le reste de la chrétienté, ne veut
pas reconnaître un chef général de la force
gieuse.
politique et à la véritable constitution reli-
joindra au peuple de Dieu, et il ne fera qu'un tr Dieu et tous les peuples de la terre, hors
tre
société dont le principe est la
peuple composé de. tous les peuples de l'uni- uun seul, une
vers les prêtres et les lévites qui ne sor- haine h ou la crainte sans amour.
taient que d'Aaron, sortiront dorénavant du Dieu et l'homme font donc une société d'ê-
milieu des peuples idoldtres le Juste descen- tres tl semblables réunis pour leur destruction
dra du ciel comme une rosée la terre pro- n mutuelle. Destruction de Dieu pour l'homme
et sera le Sauveur avec intelligent,
il par les idées fausses qu'il se fait
duira son germe, ce
lequel on verra renaître la justice. Tout ge- dde la
Divinité, et par les honneurs divins
fléchira devant lui, et tout reconnaîtra qu'il
q rendait à l'homme; destruction de Dieu
nou même l'homme physique, par les re-
sa souveraine puissance. Si les Livres saints » pour
royauté, ils parlent pas présentations
P impures ou affreuses, par les-
parlent de sa ne
moins de son sacerdoce, et j'y remarque à quelles q il le peint à ses sens; destruction de
intelligent, qui, en perdant la con-
la l'ois ce culte nouveau dont il doit être le l'homme »
pontife et la victime; cette alliance nouvelle naissance r de Dieu, perd l'idée de la per-
dont il doit être le médiateur et le garant, fection, f et par conséquent cesse lui-même
nouvelle société dont il doit être le de
c se «onserver dans la perfection conforme
cette
fondateur et le pouvoir. ài sa nature car la perfection de l'être intel-
profanes, et je lis ligent consiste à avoir l'idée de la perfec-
J'ouvre les histoires
dans Tacite et dans Suétone, que c'était une tion t qui est Dieu; destruction de l'homme
opinion constante et répandue dans tout l'O- physique, 1 et parle déchaînement de sa force,
la
rient, vers le temps d'Auguste, qu'on ne se- et < par l'oppression de sa faiblesse, et par
rait pas longtemps sans voir sortir de la Ju- barbarie 1 du culte, et par l'atrocité des guer-
la férocité des spectacles, et par
dée ceux qui régneraient sur toute la terre. res, et par
d'Auguste, lors- la prostitution, et par le divorce, et par
En effet, sous le règne l'exposition publique, et par les misères de
qu'une paix générale vient d'être donnée à
destruction de tout l'homme,
l'esclavage,etc.;
l'univers, et que la Judée a subi le joug des après cette vie, les châtiments nécessai-
Romains, naît chez les Juifs, et de la par
rement réservés au plus grand des crimes,
race
de leurs rois, un homme qui, dans les cir-
vie de la haine de l'Etre infiniment aimable.
la haine réciproque de..
constances de sa naissance, de sa et
qui Il faut donc que
sa mort, et surtout dans les événements Dieu et de l'homme se change en amour mu-
l'ont suivie, me paraît réunir tous les carac- Dieu et l'homme puissent
libérateur attendu des tuel, pour que
tères attribués ce à
faire ensemble une société véritable, c'est-à-
Juifs; un homme qui, dans l'établissement [.
dire, constituée, réunion d'êtres semblables,
et les progrès de la société religieuse dont
aussi réunir dont la fin soit leur production et leur con-
il est le fondateur, me paraît
conviennent chef, servation .mutuelle. Il est donc nécessaire
tous les caractères qui au 1 Dieu et l'homme soient réconciliés. Ce
ru pouvoir de la grande société religieuse, que sont là des rapports nécessaires dérivés de
de la religion sociale, c'est-à-dire univer-
humain, qui, la nature des êtres sociaux; donc ce sont
selle, au Sauveur du genre 5 des lois.
constituant la société civile par la société
assuré la conservation de Mais cette réconciliation de Dieu et de
religieuse, a l
3
s'opérer sans médiateur.
l'homme intelligent et physique, et fondé l'homme ne peut
toujours la liberté des enfants de Dieu, En effet, la haine de la Divinité, c'est-à-
pour
les arrachant à la fois à l'oppression reli-
1
dire de l'Etre infiniment bon, est le rapport
en
gieuse et à l'oppression politique. le moins nécessaire qui puisse exister entre
le plus contraire, c'est-
Je cherche si la raison peut me conduiree les êtres, le rapport contraire à la nature des
à reconnaître, pour le genre humain, la né- à-dire infiniment donc crime
cessité d'un médiateur, ou autrement, si laa êtres. La haine de Dieu estrapportun
infini, car un crime est un non ne-
ïMemplion {Ju genre humain est un rapport. •t.
555
55Ï5 OEUVRES COMPLETES tEjO DE
L')E, M.
lU. DE BONALD.
UE.m'MALU. g36
556
cesmire entre les êtres ou contraire à leurr tous
t< les hommes à la considération d'un
nature, homme
h détruit, et la justice humaine nous
L'homme qui hait Dieu le hait d'une donne d l'idée et J'exemple d'une pareille
î
baine infinie puisque cette haine
a pourr compensation.
c<
motif la crainte du mal le plus grand Cet homme détruit à la place de tous les
quei
l'homme puisse éprouver, d'un mal infini, hommes In et à la considération duquel tous
la crainte de sa destruction; et pour objet, les Je hommes devront leur pardon,
l'être le plus puissant qu'il puisse redou- l'homme sera donc
l'i universel, l'homme général, il sera
ter, un être infini. Dieu* qui hait l'homme 11 l'humanité même puisqu'il sera puni à la
coupable, le hait d'une haine infinie, parce place p! de tous les hommes, puisque tous les
que tous les sentiments en Dieu sont infinis, hommes ht seront pardonnés à cause de lui.
et que le sujet de sa haine est un crime in- Cet homme qui sera détruit à la place de
fini, et son objet un être infiniment cou- tous to les hommes sera donc infiniment haï
pable. d( Dieu, puisqu'il sera chargé du crime in-
de
L'homme ne peut se réconcilier avec fini firt de tous les hommes
Dieu s'il n'en est pardonné, ni Dieu se ré- mérites cet homme aux
m duquel tous les hommes devront
concilier avec l'homme s'il n'est satisfait. Je leur pardon sera infiniment aimé de Dieu,
Ce sont des rapports nécessaires dérivés de
puisqu'il méritera à tous les hommes le par-
pl
l'être infiniment juste et de l'être infiniment don de d'un crime infini.
bon.,Mais, pour que l'homme satisfasse à Or Dieu ne peut haïr infiniment que
Dieu, il faut qu'il l'aime et il le hait d'une l'é l'être infiniment haïssable, qu'un homme
haine infinie Pour que Dieu par- coupable, ni aimer infiniment qu'un
donne à l'homme, il faut qu'il l'aime, et il co infiniment aimable, que lui-même, que
in
être
le hait d'une haine infinie 1 Dieu et 1 homme Dieu. Di Cet homme sera donc Dieu il sera
ne peuvent donc se réconcilier l'un à l'au- ho homme-Dieu, Ce sont là, j'ose le dire, des
tre, puisqu'ils ne peuvent s'aimer. rapports
ra nécessaires, dérivés de la nature
Ce sont là des rapports nécessaires; donc des de êtres donc ce sont des lois.
ce sont des lois. Si l'homme ne peut se ré- L'Homme-Dieu sera donc détruit à la place
concilier avec Dieu sans satisfaire à sa jus- de tous les hommes
tice, ni Dieu pardonner à l'homme sans être tice pour satisfaire à la jus-
tic de Dieu et tous les hommes seront
satisfait, Dieu ne pourra jamais pardonner pardonnés conservés
pa et par les mérites et à
l'homme, puisque l'homme ne pourra ja- la considération de cet Homme-Dieu. Cet
mais satisfaire à Dieu. jjc
Homme-Dieu qui réconciliera les hommes
Donc un médiateur entre Dieu et l'homme, Dieu sera donc le médiateur d'une
avec
av<
qui satisfasse pour l'homme et qui lui mé- nouvelle alliance
rite son pardon de Dieu, est un être néces- no entre Dieu et les hommes;
le fondateur d'une société constituée
saire ou tel qu'il ne peut exister autrement. d'u ou
d'une société de conservation dont le prin-
Un crime infini suppose une justice in- cipe cip est l'amour, à la place d'une société
finie dans l'être qui punit, ou une bonté
non constituée d'une société de destruc-
noi
infinie dans l'être qui pardonne. Or, Dieu tio tion dont le principe est la crainte sans
est l'être infiniment juste et infiniment bon. am amour, ou la haine. 11 sera donc le Sauveur,
II punira donc l'homme infiniment
cou- le Rédempteur du genre humain et le fonda-
pable avec une rigueur infinie, il lui par- teur teu de la société religieuse constituée ou
donnera avec une infinie bonté. de la religion chrétienne.
Quel est l'acte de la justice infinie de Tous
1 ces rapports sont nécessaires, tous
Dieu, qui veut punir l'homme du crime in- dér dérivés de la nature des êtres sociaux donc
fini dont il s'est rendu coupable ? C'est l'acte ils sont des lois.
de le détruire.
f Homme-Dien a aimé les hommes d'un
Cet
Quel est l'acte d'une bonté infinie dont
infini puisqu'il s'est abaissé pour
Dieu peut user envers l'homme coupable amour am<
eus d'une manière infinie, et que, de Dieu
qu'il veut pardonner? C'est l'acte de le con- gu'
server.
Mais Dieu lui-même peut-il à la fois dé-
truire et conserver l'homme ?
f
eux
qu'il était, il est devenu homme et a pris la
forme d'un esclave; puisqu'il s'est volontai-
°^ chargé du crime infini dont ils s'é-
rement
taient rendus coupables, et que, pour l'ex-
taie
Oui: il peut détruire un homme à la piei pier à leur place et les conserver en apai-
place de lousjes hommes; il peut conserver sant la justice
sani de Dieu, il s'est dévoué à (a
haine infinie de Dieu et aux rigueurs infl- ià mesure que la société est plus constituée.
nies de sa justice. Cet amour a donc été le Ainsi, nécessité d'un médiateur, promesse
principe de conservation des hommes; cet d'un Sauveur, établissement d'une nouvelle
amour se produisant au dehors par la force alliance plus générale et plus parfaite, et
ou par le corps, puisque Dieu a pris un dans le même être, les infirmités de l'homme
corps et a souffert dans son corps, a donc et les grandeurs de Dieu, la naissance de
été le pouvoir conservateur des hommes l'homme et l'éternité de Dieu, la mortalité de
car on a vu dans la première partie de cet l'homme et l'immortalité de Dieu; tous ces
ouvrage, chap. 1", que l'amour des hommes caractères se présentent à moi dans tous les
était le principe de leur conservation, et que temps qui ont précédé l'état, présent de la
l'amour agissant par la 'force était, dans la religion chrétienne, et dans tons les écrits
société constituée, le, pouvoir conservateur que cette religion révère comme divins, et
des hommes. Jésus-Christ, ou l'Homme-Dieti, c'est le trait le plus marqué de sa perfection,
est donc le pouvoirgénéral conservateur, le de sa nécessité, de sa divinité.
monarque de la société religieuse constituée, « On peut, dit Bossuet, suivre
aisément
de cette société, réunion d'êtres semblables l'histoire des deux peuples juif et chrétien
pour leur conservation mutuelle, de la reli- et remarquer comment lHomme-Dieu fait
gion chrétienne. l'attente de l'un et de l'autre; puisque, at-
Tous ces rapports sont nécessaires; donc tendu ou donné, il a été, dans tous les
ils sont des lois. temps, la consolation et l'espérance des en-
Cet être extraordinaire, cet Homme-Dieu, fants de Dieu. »
s'il est homme, il doit naître et mourir Dans la religion naturelle, premier âge
comme un homme; s'il est Dieu, il ne peut du monothéisme ou de la religion de l'unité
naître ni mourir comme unhomme; il doit de Dieu, le Médiateur est promis à la pre-
précéder sa naissance et survivre à sa mort: mière famille après sa chute la promesse
et la religion chrétienne me montre en effet est obscure et enveloppée; c'est le germe
THomme-Dieu venant au monde par une gé- jeté en terre, et qui y reste longtemps en-
nération ineffable, et ressuscitant par sa pro- seveli.
pre vertu, le troisième jour après sa mort. Les familles s'unissent, la société reli-
Mais,si la religion chrétienne a Dieu même, gieuse se développe, le germe mûrit, et
Dieu fait homme pour fondateur et pour les promesses deviennent plus claires et plus
pouvoir, elle est donc la religion constituée, répétées.
le dernier état sur la terre, le dernier âge « Le peuple de Dieu, » dit Bossuet, « pris,
de la société religieuse de l'unité de Dieu. sous Abraham, une forme plus réglée. Dieu
Car quel être pourrait fonder une société fait une alliance particulière avec ce saint
plus parfaite que celle que Dieu a fondée et patriarche, et lui promet qu'en lui et en sa
qu'il conserve? Je dois donc retrouver dans semence toutes ces nations aveugles qui
ses différents âges et dans tous les états par oubliaient leur Créateur, seront bénies,
lesquels elle a passé, le germe de son état c'est-à-dire appelées à sa connaissance, où
présent, et par conséquent l'annonce de la se trouve la véritable bénédiction.
rédemption qui constitue son dernier état, « Par cette parole, Abraham est fait le père
la promesse, ou la figure de l'Homme-Dieu des croyants, et sa postérité est choisie pour
qui lui a donné sa dernière forme. Car la être la source d'où la bénédiction doit s'é-
société constituée, religieuse ou politique, a, tendre par toute la terre.
ainsi que l'homme, un principe intérieur de « En cette promesse estait renfermée la ve-
perfectionnement; et, dans les différents nue du Messie, toujours prédit comme celur
états par lesquels elle passe, on peut aper- qui devait être le Sauveur de tous les gen-
cevoir le germe de la perfection à laquellé tils et de tous les peuples du monde. Ainsi
elle doit parvenir, comme dans tous les âges ce germe béni, promis à Eve, devint aussi
de l'homme on peut apercevoir le germe de le germe et le rejeton d'Abraham.»
la perfection physique et morale à laquelle Le sacrifice de l'homme parfait est figuré
il doit s'élever. dans celui de l'homme juste et le sacrifice
L'on retrouve en effet, dans les différents volontaire d'Isaac était, selon le même au-
3ges de la religion, chrétienne ou constituée, teur, « une belle et vive image de l'oblation
le germe et l'annonce de ces grands événe- volontaire de Phomme divin. ),
ments. L'un et l'autre sont plus développés La distinction des tribus, qui forme la base
de l'état politique du peuple juif, commence même temps l'éternité de sa génération, la
aux enfants de Jacob la religion se déve- sainteté de sa vie, l'immortalité de son être.
loppe avec la société, et la promesse du Mé- Ce double caractère dedivinité etd'bumanité
diateur avec la. religion. Le sceptre (c'est-à- se développe à la fois; etjene vois jamais
dire l'autorité), dit Jacob mourant à ses en- l'homme que je n'aperçoive aussitôt Dieu.
fants, ne sortira point de Juda, et on verra Les temps sont accomplis. Cet homme pa-
toujours des capitaines et des magistrats,ou rait sur la terre; il vient. dit-il lui-même,
des juges nés de sa racejusqu'àce que vienne accomplir la loi et non la détruire (Matth.t
celui qui doit être envoyé, et qui sera l'at- v, 17), et perfectionner la religion en la con-
tente de tous les peuples. (Gen. xux, 10 )y duisant à son entier développement. L'a-
Le peuple de Dieu se forme, sous la con- mour parfait est substitué à l'amour impar-
duite de Moïse, en société extérieure en parfait chez les Juifs, à la haine chez les gen-
corps de nation la religion, jusqu'alors do- tils le don de l'homme parfait remplace le
mestique et renfermée dans l'enceinte de la don de l'homme coupable et l'offrande de
famille, devient publique et nationale. Moïse la propriété la plus pure, la sanglante des-
confirme au peuple hébreu la venue du grand truction des animaux. L'alliance de Dieu
prophète qui devait sortir d'Abraham, d'I- avec un seul peuple fait place à son alliance
saac et de Jacob.'Dîew, dit-il, vous suscitera, avec tous les peuples, et la religion en es-
du milieu de votre nation et du nombre de prit et en vérité termine la religion des fi-
vos frères, un prophète semblable à moi; gures et abolit la religion des passions. Tous
écoutez-le.. (Deut. xvm, 15.) « Ce prophète les crimes par lesquels l'homme social op-
semblable à Moïse, et législateur comme lui, primait son semblable, cessent dans l'uni-
qui peut-il être, » demande Bossuet, « sinon vers policé. x Sur ce principe, » dit Bossuet,
le Messie, dont la doctrine devait un jour « queDieu ne dédaignait pas de former société
régler et sanctifier l'univers. » avec l'homme, était bâtie toute la loi; loi
Dans la religion naturelle, le Médiateur a sainte juste, bienfaisante honnête, sage,
été promis; dans la religion judaïque, il est prévoyante et simple, qui liait la société des
montré, et son sacrifice est figuré. Tous les hommes entre eux par la sainte société de
ans l'agneau était immolé, était mangé, en l'homme avec Dieu » c'est-à-dire, qui liait la
mémoire de la délivrance d'Egypte. Tous société politique par la société religieuse,
les ans,dans le sacrifice expiatoire qu'offrait pour n'en former qu'une seule société, la so-
le grand prêtre au nom de toute la nation, ciété civile; société qui est la réunion des
deux animaux chargés de toutes les iniqui- hommes physiques intelligents par l'amour
tés du peuple étaient offerts l'un était sa- général des uns pour les autres, personnifié
crifié, l'autre était renvoyé libre. « Ces deux dans le monarque pouvoir général conserva-
animaux, dit un savant interprète, étaient teur de la société politique, et la réunion
visiblement la figure de l'Homme-Dieu; un des hommes intelligents physiques par leur
seul n'aurait pu marquer ses deux natures, amour pour Dieu et par l'amour de Dieu
l'une passible, l'autre impassible. Mais celui pour eux, personnifié dans l'Homme- Dieu»
qui était offert marquait très-bien l'humani- pouvoir général conservateurdelasociété re-
té 'sainte, qui étant mortelle, a pu souffrir ligieuse; société civile constituée, réunion de
et mourir; et l'autre qui, étant chargé de 'Dieu et des hommes, réunion d'êtres sembla-
tous les péchés du peuple, était renvoyélibre bles intelligents et physiquespourlafin de leur
dans le désert figurait la Divinité qui est production et de leur conservation mutuelle.
impassible et immortelle. » (Théodoret.) Nlais la raison humainepeut-elle atteindre
A mesure que les temps approchent, les à la hauteur de ce mystère, demandent les
caractères de l'Homme-Dieu, du Médiateur, esprits forts et les esprits faibles, et le chré-
du Messie, deviennent plus marqués, et la tien timide qui rougit de révérer ce que
promesse d'une nouvellealliance, ou d'une d'autres nient, et le philosophe,plus faible
nouvelle société, plus expresse. Ces carac- encore, qui s'enorgueillit de nier ce que
tères, ces promesses, sont rassemblés d'une d'autres révèrent? La raison humaine ne pé-
manière admirable dans l'éloquent Discours nétrera jamais le comment du mystère de
sur l'histoire universelle, par Bossuet. On y l'Incarnation divine, parce que l'intelligence
voit prédites par les prophètes toutes les humaine n'a pas la capacité de ccmprendre
circonstances de sa naissance, toute la suite la manière dont peut agir l'intelligence di-
de sa vie, tous les détails de sa mort, et en vine car deux intelligences qui se corn-
LIV. IV. 5i2
341 PART. 1. ECONOM. vua. PART.
SOC– THEORIE DU POUVOIR. rnm. m. rvv.. RELŒffiUX.
li. POUV.
lu ""I,¿LI''II:8'.I.JU~8-41.'l,.I-
nui a le libre usage de ses facultés intellec-
prendraient mutuellement seraient égales, qui
nmnHnii>nt
comme deux corps de même figure et de tuelles pense nécessairement à l'objet de son
même volume, dont les poids seraient en amour, et que l'homme qui a le libre usage
parfaitéquilibre. Mais, lorsque la religion me de ses facultés physiques produit nécessaire-
présente, lorsque la raison me confirme la ment son amour par faction de ses sens.
nécessitéde cette médiation auguste, de cette Dans Dieu, être simple, l'intelligence est
rédemption ineffable, si ma vue trop faible distinguée de l'amour, puisque Dieu pense
ne peut se fixer sur la manière dont cette au méchant sans l'aimer, et l'intelligence ou
action toute divine a pu se consommer, la la volonté est distinguée de la force, puis-
religion ne défend pas à ma raison de cher- que Dieu veut de toute éternité, et qu'il ne
cher à pénétrer les rapports avec ce qu'il fait que dans le temps.
m'est permis de connaitre de la nature de Dieu est amour, et l'amour le plus fort
Dieu, et ce que je connais de la nature de qui puisse exister, puisque son amour est
l'homme, rapports qui ne peuvent être que infini. L'amour, parce qu'il est amour,
nécessaires et dérivés de la nature des êtres cherche à se produire par la force ou par
soeiaux; et qui sait si, lorsque les lois que une action extérieure; car, si l'amour qui est
ce divin Législateur a données aux
hommes
3n Dieu n'était pas semblable, en lui-même
sont devenues un sujet de dérision et de et quant à son essence, à l'amour qui est
censure, et lui-même l'objet de l'outrage et dans l'homme, l'homme ne serait pas fait à
de la haine, il n'entre pas dans les vues de1 l'image et à la ressemblance de Dieu il ne
sa providence sur les hommes, de cette vo-
société, pourrait former avec Dieu, société d'intel-
lonté générale conservatrice de la ligence et d'amour il ne pourrait aimer
de laisser percer quelque lumière sur ses) Dieu ni même penser à lui.
opérations merveilleuses ? Et oserait-on sou-
Ainsi l'amour que Dieu avait pour lui-
tenir que l'homme, qui découvre sans cesse1 même s'est produit au dehors et par l'action
de nouveaux rapports entre les êtres maté-
extérieure de la création, parce que l'amour
tériels, ne peut pas en découvrir de nou-
de soi est le principe de la création des étres,
veaux entre les êtres intelligents? et qu'agissant par la force ou par une ac-
Revenons aux principes je supplie les
lecteur de redoubler d'attention sur les con- tion extérieure il est pouvoir créateur des
êtres (2).
séquences.
L'homme est intelligence, amour et force Mais l'amour des êtres est le principe de
et l'homme est fait à l'image et à la ressem- conservation des êtres; et lorsqu'il agit par
blance de Dieu. la force ou par une action extérieure, il est
Dieu est donc intelligence, amour, forcee pouvoir conservateur des êtres or, on vient
ou puissance (!)• ae voir que la conservation des êtres so-
Dans l'homme, être composé, l'intelli- ciaux demande nécessairement l'incarna-
gence est esprit, la force est corps l'amourr tion de Dieu ou que Dieu se fasse homme.
tient à à l'un et à l'autre, puisque l'hommee Donc l'amour des êtres se produira «u
( 1 ) Il est aisé, ce me semble, de justifier l'or-
thodoxie de cette proposition par un passage du u
- l'appuie par des considérations tirées du premier
chapitre de la Genèse, où il semble que l'eau ait
première Epitre de saint Jean, passagee été comme la matière première des êtres, puisqnVn
chap. v de la
qui a beaucoup exercé les interprètes, et qui s'ac- parlant de l'Esprit de Dieu, il est dit dans l'hébreu
corde singulièrement avec les principes que j'ai éta- qu'il était porté sur les eaux, comme une mère
blis. H y en a trois, dit saint Jean, qui rendent té- sur ses petits. (Incubabat.)
moignage dans le, Ciel, c'est-à-dire, dans Dieu le 'e Aussi lorsque, dans le verset précédent, saint
Père, le Verbe elle Saint-Esprit, et ces trois i.
sont un. Jean oit que le Fils de Dieu est venu, non-seulement
Le Père est volonté; le Verbe est force; le Sah>t-Es- avec l'eau, mais avec le sang, cela veut direforce que
s'est manifesté par sa
prit, amour qui lie l'un et l'autre, et procède de l'un n son amour pour nous
Ainsi la suite du si nous re-
et de l'autre. Il y en a aussi trois qui rendent té-
i- ou son corps. passage,
de
moignage sur la terre, c'est-à-dire, dans l'homme, > cevons le témoignage des hommes, le témoignage
J'esprit. l'eau et le sang, et ces trois reviennent à un.
Z Dieu est plus grand, signifierait que, quoique nous
L'esprit est volonté, le sang est force ou corps; trouvions dans nous-mêmes, dans l'homme, une
de
l'eau désigne le baptême qui est amour amour dee preuve, un témoignage de la certitude du dogme
l'a révélé
Dieu, amour de nous-mêmes, amour des autres, i, la Trinité, le témoignage de Dieu qui nous
principe de la société religieuse, de la société na- est encore plus croyable que le témoignage que nous
turelle, de la société politique. Car le baptême nouss trouvons en nous-mêmes. Ce passage n'est Testa-pas le
donné: 1° l'amour de Dieu, puisqu'il nous fait sess seul de l'Ancien, et plus encore du Nouveau!
enfants; 2° l'amour de nous-mêmes, puisqu'il nouss ment, dont mes principes sur les sociétés donnent
fait bons; 5° l'amour des autres, puisqu'il nous faitit une explication assez naturelle.
frères. On peut voir dans les commentateurs, quee liv.i,
(2) Foi/.part.i, chap. 1.
saint Augustin donne ce sens au mot aqua, et qu'il Il"'
3tj'K<m.i~t-~D~ 1 ~f~l'
dehors. par la force de Dieu, ou l'action ex les plus absurdes. Lorsque Sémélé, mère de
térieure de l'incarnation. Bacchus, qui, suivant tous les mythologis-
Dans l'homme, être fini, l'amour se pro- tes, a de grands rapports avec Moïse (t)
duit par une action finie. demande à voir Jupiter dans sa majesté, et
Dans Dieu, être infini, l'amour se produit la foudre à la main, elle en est consumée.
par une action infinie. Lorsque l'homme intelligent veut se com-
L'action de l'amour producteur ou con- muniquer à ]'bomrae intelligent qui existe
servateur des êtres est le don que l'objet ai- avec lui dans le même temps et dans le mé--
mant fait de soi-même à l'objet aimé. Per- me lieu, il emploie la parole verbale; mais
sonne, dit le divin fondateur de la religion s'il veut se communiquer à un grand nom-
chrétienne, ne peut donner un plus grand bre d'hommes intelligents, à une société
témoignage d'amour que de donner sa vie tout entière, et se communiquer aux hom-
pour ses amis, ou de se donner soi-même. mes qui existent dans d'autres temps et
(Joari. xv, 13.) dans d'autres lieux, il ne peut employer que
Donc dans Dieu,l'action de l'amourcréateur la parole écrite et, comme dit un poëte, il
et conservateur des êtres est le don que Dieu peint la parole, il parle aux yeux, et donne
fait de lui-même à l'homme qu'il aime. un corps à ses pensées.
Ainsi ['amour créateur s'est manifesté par Mais Dieu a aussi une parole, puisqu'il
le don que Dieu a fait à l'homme d'une por- est intelligence, et qu'il fait société avec des
tionde lui-même ou de son intelligence, en intelligences unies à des corps cette pa-
le créant semblable à lui et l'amour consèr- role est, suivant les Livres saints, sa puis-
vateur se manifestera par le don que Dieu sance ou sa force; car il n'est pas dit, en
fera à l'homme de tout lui-même, en se don- parlant de la création, il a voulu et tout a
nant tout entier à lui. été fait mais, il a dit et tout a été fait
Tous ces rapports sont des rapports néees- « dixit et factasunt (Psal..xxnr, 9); » etail-
saires dérivés de la nature des êtres donc leurs, les deux ont été faits par sa parole;
ils sont des lois. « verbo Domini cœli firmati sunt. » Ibid.,
Nous avons vu qu'une intelligence ne 1 ) Cette même expression, Dieu dit,
6. se
peut se donner elle-même ou se communi- trouve
< répétée dans la Genèse, à tous les
quer à une intelligenceunie à un corps, que actes
<
de la création.
par la parole soit verbale, soit écrite. Mais Dieu, pour parler à l'homme, a employé
Dieu ne peut parler ni écrire lui-même, des
< hommes qu'il a chargés du soin de par-
sans cesser d'être pure intelligence, sans ler
• sa parole, olim loquens Deus patribus in
cesser d'être uniquement Dieu. Lorsqu'il a prophetis
î ( Uebr. i, 1 ) pour parler à une
voulu parler à l'homme, il a donc employé société,
s et lorsqu'il est nécessaire que sa
le ministère des créatures; car Dieu, dit parole
1 soit plus générale il emploie sa pa-
dit saint Augustin, ne peut parler que par role
1 écrite dans les Livres saints, loquens in
des organes matériels, non nisi per creatu- Scripturis. Mais, lorsqu'il veut parler à la
ram visibile factum est. Ainsi nous voyons, société
s générale, à l'univers, il est néces-
dans les Livres sacrés de l'Ancien Testament, saire
E qu'il emploie la parole la plus géné-
que l'Ange du Seigneur apparaît, et jamais rale
î et la plus universelle la parole la plus
le Seigneur lui-même. Les fictions de la my- générale
£ et la plus universelle est la parole
thologie s'accordent avec les faits rapportés 1la plus extérieure; la parole la plus exté-
,•
cette parole humanisée, devenue homme oua de l'amour producteur ou conservateur.;aus-
personne, sera le Fils de Dieu; parce que la a si
lorsque le Verbe veut se produire au de-
parole,est fille de celui qui parle, et l'actionn hors, c'est l'amour ou l'Esprit-Saint qui le
fille de celui qui.:agit. Elle sera Dieu même, rend extérieur en lui formant un corps.
comme la parole est l'homme qui parle, ett Ainsi je crois que Dieu a parlé au peuple
l'action l'homme qui agit.; mvissime diebuss hébreu par le ministère de Moïse et dés
MtM <OCM<MS e~'ttOM~ in ft~'O. (,@e6f. 1, 1.)) prophètes, lorsque je vois cette constitution
•
Cette parole devenue homme paraîtra auil religieuse que cinq mille ans n'ont pu dé-
milieu des hommes, # Verbum (qui signifieà truire, mi même altérer, vette .constitution du
parole) carofactum estj et habitavit in no- rable, à l'épreuve du temps, de la fortune et
bis. (Joan. i, ilA.) des conquérants.
Ce sont des rapports nécessaires dérivés Et je crois que Dieu a parlé lui-même â
delà nature des êtres donc ce sont des lois. l'univers, lorsque je vois cette constitution
Gomment .s'esit opéré ce prodige d'amourr religieuse, que dix-huit siècles n'ont fait
et de force ? Je l'ignore,, et ne cherche pas ài qu'affermir, cette constitution durable, à l'é-
-
le pénétrer; mais,, ;si l'Etre suprême a pu1 preuve du temps, des passions «t des uhijo-
former un corps qu'il a animé d'une portion1 sophes.
.de son intelligence., qui oserait nier qu'il1 CHAPITRE III.
ne puisse former un; corps qu'il animeral
JÉSUS-CHRIST.
de >t0ujte son intelligence ?
Je vais plus loin, et je ne crains pas dé C'est donc chez le peuple juif que naît,
dire qu'à méditer profondément sur les opé- "dans le .temps marqué par les Livres saints,*
rations.de l'esprit que suppose fart de lire et sous le règne d'Auguste, cet homme qui
et d'écrire, cet &ri que:, par un prodige au- se donne pour le Messie attendu des Juifs,
quel l'habitude seule nous. rend insensibles, et que la religion chrétienne nous montre
>
on apprend à l'enfant comme aux plus gros- comme le Médiateur promis aux Sommes;
siers etaux plus bornés des hommes, on doitt cet homme, signe de contradiction et de
regarder comme un mystère incompréhensi-• scandale, et dont la personne et la doctrine
ble, que l'homme.aussi puisse matérialiserdevaient être, dans toute la suite des temps,
<sa pensée et donner un corps à sa-parole. l'objet de l'adoration la plus profonde et de
J'oserai faire voir l'accord des principes l'amour le plus ardent,
ou l'objet des outra-
que je viens d'exposer, avec un dogme fan- ges les plus sanglants et de la.haine.la plus
(lamentai de la religion chrétienne,, en sou- déclarée (2). Du sein du plus furieux
ruettan,t cette explication et mes principes à fanatisme, la plus haute sagesse se fait enten-
l'infaillible décision de l'autorité de l'Eglise. âre(3.-r-J. ROUSSEAU); te) est l'hommage que
Dieu est intelligence ou volonté; il se pro- la vérité arrache à la philosophie, dans le
duit pu il agit par sa parole ou par son fer- même temps que l'inconséquent philosophe
be.Son Verbe est donc force ou puissance; ose traiter de fanatisme le zèle du peuple
omnia per ipsum fapta sùnt. ( Joan. î, 3. ) juif à défendre la foi de l'unité de Dieu,
Mais l'action de ;sa fonce ou de sa puissance dontTil était, le dépositaire.
a pour motif ["amour ,de soi et l'amour des Médiateur d'une nouvelle alliance, vic-
êtres qu'il veut créer et conserver. Uamour time d'un nouveau sacrifice, pontife d'un
est donc le lien de là volonté et de la puis*- nouveau culte,; fondateur d'une nouvelle
sance^ ir procède donc de Dieu et de son société, < Jésus-Christ réunit la plénitude de
Verbe, .comme Tamour dans Phomme tient ]la sagesse à "la plénitude delà puissance;
à J 'es prit et au corps, à la volonté
(1)
età la j mais de
Qu'on prenne garde que partout où ilexjste le
.a tous les prodiges par lesquels il
1 lient d'un témoin oculaire.
deux êtres, y y en a nécessairement un troisième On sait qu'unie nos plus fougueux.révolution-
qui procède de l'un et de d'autre, et qui est le rap- naires,
i Ajiacharsis Clootz, était si connu par sa
puri qui existe nécessairement entre eux. 1haine contre 1p. fondateur de la religion .chrétienne,
(.2) J'ajouterai de ta jalousie. On faisait devant qu'on
< l'appelait f ennemi personnel de Jésus-Christ.
Vultaire l'éloge philosophique de la sagesse des ré- On ( a vu, sous le tyran de la France, quelques chets
poiises de ilésuS'Christ, de la sublimité dé son es' d'un parti longtemps oppresseur et aloiîs .opprimé,
prit; et Voilaire, qui avait donné pendant cette con- ttraduits
vers
veisaiion des marques non équivoques d'impatience, sa
se tourne
l
(1) Le concile Je. Trente ordonne de ne sou- tence ne peut rien apprendre au public, encore pet>
mettre aux p.eines canoniques que les pécheur; scan- nuH-il aux évoques d'en dispenser. (Sess. 24; De
daleux, c'est -à-dirc, lorsque la publicité de la péni- reforni., cap. 8.)
obligée, même dans les premiers temps, de de
<
la société politique ont rendu le Cnrétien
se relâcher de cette excessive rigueur, plus
] spirituel, et perfectionné l'une et l'au-
envers les personnes puissantes; et cet tre
1 société. Cette loi est un rapport néces-
historien remarque que saint Basile, loin saire qui dérive de la nature dés êtres en
d'excommunier l'empereur Valens, héréti- société
s politique constituée. En effet, Télé-
que et persécuteur, reçut son offrende à ment
i [de la société politique constituée est
l'autel. C'est ce qui fait que la pénitence la famille propriétaire donc il est contre la
publique a cessé dans l'Eglise à peu près nature
1 de cette société de créer des familles
lorsque la société politique constituée s'est qui
( ne soient pas propriétaires. Or, la fa-
réunie à la religion chrétienne. Non-seule- mille
t d'un prêtre serait nécessairement une
ment la société religieuse est devenue plus ifamille non propriétaire, puisque la pro-
spirituelle dans ses moyens de conserva- priété
] que le prêtre tiendrait de la société,
tion, mais la société physique elle-même passerait
1 nécessairementà son successeur, et
est devenue, si je puis parler ainsi, moins que
( sa profession ne lui permettrait pas d'ac-
physique dans les siens; puisque son pou-. quérir
( par son travail une autre propriété.
voir général emploie, pour la conserver, (Cette loi dérive nécessairement de la nature
plutôt la justice que la force; qu'il n'est pas des
c êtres en société religieuse; car les prêtres,
réduit, pour y maintenir la tranquillité, à fforce publiquetde la religion, destinés à répri-
recourir sans cesse à des exécutions mili- mer
i les faiblesses de l'homme,doiventdonner
taires, comme dans les premiers temps d'une l'exemple
1 de la tempérance or, il ne faut
nation; et que même il emploie pour la connaître
( ni l'homme, ni ses passions, pour
conserver plus la justice et moins la force, ignorer
i qu'il est plus aisé à l'homme d'être
à mesure qu'elle est plus constituée. De ce ichaste que d'être tempérant. ^Ministres de la
perfectionnement progressif et sensible, par société,
s pour offrir en son nom à: 'l'Etre
lequel la société civile se spiritualise tou- suprême
s le sacrifice de l'amour général et
jours davantage, on peut conclure que son mutuel
i de Dieu et des hommes, aucun
état de perfection absolue et de développe- amour
t humain et particulier ne doit occuper
ment parfait sera un état pur de spiritualité, leurs
1 pensées et partager leurs sentiments.
c'est-à-dire, lorsque la société politique sera ]Dévoués à la conservation de la société
confondue avec la société intellectuelle, par religieuse
i et à l'instruction de la société
la destruction des éléments terrestres qui la politique,
1 ils ne doivent plus appartenir à la
composent; ce qui appartient à un autre société
î naturelle, qui ne ferait que détour-
temps et à un autre ordre de choses. Les iner leur esprit, distraire leur cœur, et par-
réformateurs religieux, qui ont conclu que tager
t leurs sens et il est permis de penser
les rites expiatoires, dans une religion, que,
( si les prêtres français eussent été par-
étaient de l'invention des prêtres parce ttagés entre l'attachement à leurs devoirs et
qu'ils n'ont pas vu textuellement dans 1l'affection. pour
une famille, ils n'auraient
l'Evangile que Jésus-Christ ait fait aux apô- j 1pas montré cette fermeté invincible, ce mé-
tres une obligation de jeûner le Carême ou pris
| héroïque des privations, des tourments,
de se confesser à Pâques, ont raisonné pré- de
ç la mort même, cet abandon à la Provi-
cisément comme les réformateurs politiques dence
( qui a sauvé la France et consolé la
qui concluraient que la justice est de fin- religion.
i
vention des parlements, parce que Tacite, Le culte des images pouvait être dange-
en traitant des mœurs et de la constitution rreux dans les premiers temps du christia-
des Germains, n'a pas parlé du recours au nisme,
i à cause de l'abus qu'en faisaient les
conseil par requête civile, ni de la première païens;
1 mais il devait s'étendre avec le temps,
ou de la seconde chambre des enquêtes. parce
1 qu'il était un rapport dérivé de la na-
La loi du célibat des prêtres était moins ture
t de l'homme dont les sentiments ont be-
distinctement exprimée dans les premiers soin,
s dans l'homme même le plus intelli-
temps du christianisme, et chez des Chré- £gent, d'être avertis et soutenus par les sen-
tiens encore à demi-juifs ou païens; mais sations.
£
la nature de la société religieuse en intro- Le culte public était moins pompeux, lors-
duisait la pratique mais elle était recom- que la société politique était plus pauvre;
<
mandée par les apôtres, mais la loi enfin mais
i il est dans la nature des choses que les
en a été universellement adoptée, lorsque iarts se développent à mesure que la société
les progrès de la société religieuse et celu j se
< perfectionne. Or les arts ne peuvent se
559 OEUVRES COMPLETES DE M DE BONALD. £6°
développer qu'en créant de nouvelles pro-
priétés, par les nouveaux usages auxquels 1
ils emploient les matières premières, ou par
du surplis,
sur
trouver textuellement dans
trouve
tes apôtres
ap<
1 «. _I_
parce qu'effectivement on n'a pu
l'Evangile,
pu
que
célébrassent l'Office en chape et
la manière différente dont ils les emploient, bonnet carré.
en boi
Mais la société doit à l'Etre suprême l'of- Ains la coutume d'administrer le baptême
Ainsi
frande dé la propriété et c'est en employant par asaspersion a succédé insensiblement à
les arts à décorer le culte religieux, c'est-à- d le donner par immersion, lorsque
celle de
dire, ce qu'elle a dé plus auguste, que la religion chrétienne, née dans les pays
la reli;
société fait à l'Etre suprême l'offrande des chaud; où cette pratique était sans danger,
chauds
propriétés factices, comme elle fait dans le a été répandue
r dans des climats plus froids,
pain, l'eau et le vin, l'offrande des proprié- elle pouvait avoir des inconvénients.
où ell<
où
tés naturelles. Les réformateurs, qui ont Ain; la communion sous les deux espè-
Ainsi,
prétendu que le culte des images était une ces, pratiquée
pi dans les premiers siècles du
idolâtrie déguisée, et par conséquent une christianisme,
christi a été insensiblement réduite
pratique oppressive de l'homme intelligent, à une seule espèce, lorsque la multitude des
dont on ne trouve pas de traces dans les fidèles a pu faire craindre des accidents dans
fidèles
premiers siècles de l'Eglise, raisonnent à distribution du calice, et que la spiritua-
la dist
peu près comme des politiques qui préten- lisation de la société, si je puis me servir de
lisatio
draient que nos rois ont altéré là constitu- cette expression, a permis de se contenter
tion et opprimé leurs sujets, parce que leurs sei symbole qui les renferme tous.
du seul
habits sont plus riches et leurs palais mieux e essentiel, d'observer que ces lois,
Il est
ornés. comm celles de là société politique consti-
comme
Jésus-Christ dit à ses tlisciples de répon- tuée, sef sont introduites insensiblement, et
dre oui et non, lorsqu'ils seront traduits de- qu'on ne peut en nommer l'auteur, ni en as-
vant les tribunaux, parce qu'il était néces- signer l'époque.
saire alors de les distinguer des païens qui r m'étendrai pas davantage sur les
Je ne
juraient par leurs dieux; mais lorsque l'u- exemples
exemj que je pourrais citer du dévelop-
nivers est devenu chrétien, il n'y à plus eu pement successif des institutions religieu-
pemer
de raison pour que le Chrétien se distinguât ses de la religion chrétienne il serait le su-
du Chrétien et ce serait une impiété, si ce d'un ouvrage intéressant; mais j'en ai
jet d'u
n'était une folie, de prétendre que lé Chré- assez dit pour la manière dont j'envisage
tien, interrogé par la justice des hommes, mon sujet.
s
qui n'est autre chose qu'une émanation de
la justice de Dieu, ne peut pas, sans crime, CHAPITRE V.
|
prendre témoin qu'il dit la vérité, Dieu
LOIS RELIGIEUSES,
R CONSÉQUENCESNÉCESSAIRES
qui est l'auteur de toute vérité. C'est cepen-
DES LOIS FONDAMENTALES.
dant ce que pratique une secte d'orgueilleux
insensés, qui se croient meilleurs et plus j'ai dit que la religion chrétienne est la
J'ai
Chrétiens que les autres, parce qu'ils déso- religion constituée, celle dans laquelle les
religi<
béissent à la justice, en refusant le serment lois religieuses
ri sont une conséquence néces-
qu'elle à droit d'exiger des hommes; qui saire des lois fondamentales, et lois fonda-
manquent aux égards que les hommes se mentales
menu elles-mêmes comme j'ai appelé
doivent les uns aux autres, en ne se servant sociét politique constituée, celle dans la-
société
pas des signes extérieurs de bienveillance quelle les lois politiques sont des consé-
quellE
et d'estime convenus entre eux; qui ne ren- quem nécessaires des lois fondamentales,
quences
dent pas même au pouvoir de la société les loi fondamentaleselles-mêmes.
et lois
respects qui lui sont dus, lui refusent les La comparaison des lois religieuses aux
titres d'honneur que la société défère à la lois politiques
p est exacte; puisque les lois
dignité de ses fonctions, et affectent de trai- religi
religieuses sont celles qui déterminent la
ter avec la même familiarité et la même sim- forme extérieure de culte, comme les lois po-
plicité d'expression, le chef de la société et litiqu
litiques sont celles qui déterminent la forme
le dernier de ses membres. extérieure de gouvernement.
extéri
C'est avec la même réflexion que quelques La sociétéreligieuse estintérieure etexté-
sectes ont rejeté, comme des inventions dia- rieun elle est adoration et culte considé-
rieure
boliques, la liturgie et les habits sacerdo- d Dieu à l'homme intelligent, elle est
rée de
taux que l'Ecosse a été en feu pour l'usage adoration ou religion intérieure; considé-
adora
rée de Dieu à l'homme extérieur"ou social, lorsqu'il
lors agit par la force, il est pouvoir con-
elle est culte ou religion extérieure. La réu- servateur
sen des êtres or cette force est exté-
nion de la religion intérieure et extérieure, riei pu sociale, puisque le pouvoir dont
rieure
de l'adoration et du culte, constitue précisé- elle est l'action est lui-même extérieur et
ment la, religion sociale oa publique; parce social. Nous avons déjà vu que cette force
soci
extérieure,
extl sociale ou publique, est la pro-
que la réunion de l'homme intérieur et de fession sacerdotale, par l'action de laquelle
fess
l'homme extérieur,, de l'âme et du corps,
constitue l'homme social ou politique. Ce le
le pouvoir
x se rend extérieur et présent dans
n'est donc que par abstraction, qu'on peut le sacrifice.
s
séparer, dans la société, la religion intérieure Ainsi je vois, dans la société religieuse,
A
les distinctions sociales permanentes ou le
ou l'adoration, de la religion extérieure ou
du culte; comme ce n'est que par abstraction, sacerdoce,
sac, comme j'ai vu, dans la société po-
qu'on peut considérer sur la terre l'homme litique,
lit»' les distinctions permanentes ou la
intelligent séparé de l'homme physique. noblesse.
noli
Toute société, avons-nous dit en traitant Ainsi l'institution de la profession sacer-
dotale est une conséquence nécessaire de la
o0t
des principes des sociétés en général, existe
volonté générale, pouvoir gêné- loi fondamentale de l'unité de Dieu, pouvoir
par une un
ral, une force générale d'exister; car une cor conservateur de la société religieuse., et loi
fondamentale
*on elle-même comme l'institu-
société qui n'aurait pas la, volonté d'exister,
lepouvoir d'exister,qui n'au- tioi de la noblesse est une conséquence né-
tion
qui n'aurait pas cessaire de la loi fondamentale de l'unité de
rait pas la force d'exister, n'existeraitpas. ces
pouvoir politique, et loi fondamentale elle-
La volonté générale est, dans la société, $m
cette volonté de parvenir à sa fin qui se
me
même.
Le
1 sacerdoce est la force publique ou l'ac-
trouve dans tout être, et qui, les
son essence.
moyens d'y parvenir, forme sa
avec
nature
est tio du pouvoir religieux, comme la noblesse
tion
ou est la force publique
ou l'action du pouvotr
politique parce que tout pouvoir agit par
Le pouvoir général est l'amour réciproque po force, et
une
un qu'un pouvoir sans force n'est
de Dieu et de l'homme, principe de conser-
wHori des êtres qui composent la société, pou- pas un pouvoir. « Les peuples, dit Mon-
te
tesquieu,
voir conservateur, lorsqu'il agit par la force. dinairement
qui n'ont pas de prêtres, sont or-
du barbares. »
La force conservatrice de la société inté- «
laforce,
Puisque le pouvoir estpermanent,
rieure ou d'adoration est, dans Dieu, ce que qui est l'action du pouvoir, doit être perma-
les théologiens appellent la grâce; dans qu “
nente le même auteur le remarque « Le
l'homme, elle est la disposition à recevoir la culte des dieux, dit-il, demandant une atten-
grâce, et la fidélité à y correspondre. Cette eu tic continuelle, la plupart des peuples fu-
tion
définition est exacte, puisque la grâce est la
res portés à faire du clergé un corps sé-
rent
force ou le secours qu'a l'homme pour faire
paré.
le bien, c'est-à-dire, pour former société PaDonc» la succession perpétuelle du sacer-
avec Dieu; et quoique Dieu donne à l'hom- .doce,
c succession physiquement héréditaire,
me jusqu'aux premières dispositions néces- dans une religion charnelle comme la reli-
saires pour faire le bien, qu'il lui donne le gion
gi chrétienne, est un rapport nécessaire
vouloir et le faire, ces dispositions se trou- qui dérive de la nature des êtres, une con-
gI
vent dans l'homme, puisque Dieu les y a séquence nécessaire de la loi fondamentale,
sé
mises (1). et loi fondamentale elle-même.
Dans la société de Dieu avec les hommes Une force extérieure suppose une direc-
extérieursou sociaux, qu'on appelle culte, le tion aussi extérieure direction suppose
ti<
pouvoir, général conservateur est l'amour commandement et obéissance donc la hié-
ce
réciproque de Dieu et des hommes person- rarchie
ra des ministres du culte est un rapport
nifié dans l'Homme-Dieu rendu extérieur et nécessaire
n, dérivé de la nature des êtres, une
présent dans le sacrifice, dont je parlerai conséquence
ce nécessaire de la loi fondamen-
tout à l'heure. Eu effet, l'amour est le priu- tale de la force publique, et loi fondamen-
ta
cipe de conservation des êtres sociaux; et tale
ta elle-même. « Lorsque la religion, dit
( 1 ) Je prie le lecteur de s'abstenir d'épiloguer religieuse,
re ou de l'Eglise, mes opinions ne s'écar-
sur cette définition de la grâce. Je ne tiens à aucun teront
te jamais de ses principes, et je réformerai mes
parti et si par hasard mes expressions pouvaient expressions,
e) s'il est nécessaire.
ue pas s'accorder avec les expressions de la société
Montesquieu, a beaucoup de ministres, il la société chrétienne, le pouvoir conserva-
est naturel (c'est-à-dire, nécessaire) qu'ils teur de cette société (1).
aient un chef, et que le pontificat y soit éta- Si l'infaillibité appartient an corps des
bli. » ministres, elle ne peut être attribuée à au-
Je prie le lecteur de donner une attention cun individu, ni à aucune fraction de la
particulière la démonstration suivante-: profession sacerdotale.
Une société constituée parvient nécessai- La force de la société religieuse intérieu-
rement à sa fin, qui est la conservation des re, ou de. l'adoration, est la grâce la force
êtres qui la composent. de là société religieuse extérieure, ou du
Mais la volonté générale, le pouvoir géné- culte, sont les ministres de la religion la
ral, la force générale constituent la société. société religieuse intérieure et la société
Donc la volonté générale de la société sera religieuse extérieure, c'est-à-dire, l'adora-
nécessairement conservatrice, son pouvoirr tion et le culte, s'unissent pour former la
général nécessairement conservateur sa religion publique ou sociale. Donc la force
force générale nécessairement conserva- conservatrice de l'une, uni est la grâce, s'u-
trice. niraà la force conservatrice de l'autre, qui
Les ministres du culte religieux, ou la sont les ministres de la religion donc les
profession sacerdotale, sont la force publi- ministres de la religion seront les dispensa-
que conservatrice de la société religieuse. teurs de la grâce donc la dispensation de
Donc .la profession sacerdotale, réunie la grâce par les ministres de. la religion,
pour exercer un acte de la force générale qu'on appelle l'administration des sacre-
conservatrice 'de la société religieuse, sera ments, est un rapport nécessaire qui dérive
nécessairement conservatrice donc l'Eglise, de la nature des êtres, une conséquence né-
ou les ministres de la religion, assemblée en cessaire des lois fondamentales, et loi fon-
concile, est infaillible. damentale elle-même.
Donc l'infaillibilité de l'Eglise est un rap- Les sacrements ont tous pour objet de.
port nécessaire qui dérive de la nature des consacrer des actes de l'homme social intel-
êtres, une conséquence nécessaire de la loi ligent et physique, et par conséquent ils
fondamentale du pouvoir général, et loi fon- sont tous des actes conservateurs de la so-
damentale elle-même. ciété civile.
On pent parvenir au même résultat par Je me permettrai une réflexion, relative-
une démonstration plus abrégée. ment au premier des sacrements, à celui qui
Une autorité irréformable est une autorité heureusement a été conservé dans toutes les
infaillible car une autorité ne peut être re- sectes chrétiennes quoiqu'une d'elles ait
connue faillible, qu'autant qu'une autorité commis le crime, même politique, d'en nier
supérieure peutlui faire apercevoirqu'elle a la nécessité.
failli or il n'y a aucune autorité supérieure On peut se rappeler qu'en traitant de la
à celle de la société, puisque la société com- coutume barbare d'exposer ou de tuer les
prend tous les êtres donc la société ne peut enfants, établie par les .ois, adoptée par les
être reconnue faillible, donc elle est irréfor- mœurs des peuples de l'antiquité les plus
mable, donc elle est infaillible. célèbres, coutume pratiquée encore à la
La force générale conservatrice de la so- Chine et au Japon, j'ai dit que, « quand l'en-
ciété ne peut être dirigée que par son pou- fant n'est pas. Un être sacré aux yeux de la
voir général conservateur dont elle est l'ac- religion, il est bientôt un être vil et nuisible
tion donc là où sera la force générale con- aux yeux de la politique. » La religion chré-
servatrice de la société religieuse assemblée tienne, essentiellement conservatrice de
pour sa conservation, là sera le pouvoir gé- l'homme physique comme de l'homme mo-
néral conservateur. Voilà que je suis avec ral, prend l'enfant sous sa protection, et le
vous tous les jours, jusqu'à la consommation marque d'un sceau particulier. Si la nature
des siècles. (Matth. xxvm, 20.) Là où deux en fait un homme, la religion, par l'inno-
ou trois personnes sont assemblées en mon ceace à laquelle elle l'élève, en fait plus
nom, je suis au milieu d'elles (Matth. xvm, qu'un homme la différence que l'on remar-
20), dit à ses apôtres, premiers ministres de que dans la discipline de J'Eglise, relative-
( i ) II mesemble que Jésus-Christ avant sa 26.) Après sa résurrection, il leur parle au présent
mort parle à ses apôtres au futur J'enverrai l'Es- Je suis tous les jours avec vous, etc.
prit consolateur. lorsqu'il sera venu, clc. (Joan.xv,
ment au baptême, que, dans les premiers L'homme intelligent a des volontés dé->
temps, on ne donnait qu'aux adultes, n'est pravéés ou des passions des volontés dé-
donc pas un changement, mais un dévelop- pravées sont des volontés de détruire la
pement nécessaire à la conservation des êtres; société naturelle, politique ou religieuse;
1° parce que l'âge le plus tendre trouve, C'est-à-dire la société civile qui comprend
dans la religion, une protection que trop toutes ces sociétés, hors desquelles on ne
souvent la politique lui refuse 2° parce peut concevoir l'homme. Si ces volontés
qu'en donnant le baptême aux enfants dans ^dépravées s'accomplissent par la force, il en
les premiers temps de l'Eglise, et lorsque résulte des actes ou actions dépravées qui
l'univers était encore païen, on s'exposait sont défendues. Si ceâ volontés ne peuvent
ad scandale de voir retourner à l'idolâtrie s'accomplir parla force, elles sont des dé-
des hommes marqués du sceau du christia- sirs dépravés; et il est dit Vous ne désirerez
nisme mais, lorsque ce danger a cessé par point (Exod. xx, 17), etc.
la conversion de l'univers idolâtre, il n'y a En effet, la raison démontre qu'un désir
plus eu d'inconvénient à administrer le bap- dépravé est coupable pai;ce qu'un désir
tême aux enfants la coutume s'en est in- étant une volonté sans force, devient un
sensiblement introduite, et a fini par amener acte, si la force se joint à la volonté or, la
la loi. Je n'ai parlé que d'un effet extérieur force tend nécessairement à se joindre à la
et politique du baptême; mais le fondateur volonté, et par conséquent le désir tend à
de la religion chrétienne et l'autorité infail- devenir acte.
lible de la société religieuse m'apprennent Les volontés dépravées sont donc défen-
que le baptême est sacrement ou grâce dis- dues, soit qu'elles se. manifestent par des
pensée par les ministres delà religion; grâce actes, ou qu'elles demeurent de simples
est force conservatrice force suppose un désirs..
sujet contre lequel cette force s'exerce Toute iransgressiond'une défense emporte.
c'est-à-dire que le baptêmedonne à l'homme nécessairement punition donc toutes les
la force de résister à ses penchants, c'est-à- volontés dépravées doivent être punies
dire à l'amour déréglé de soi, à la passion donc elles doivent être jugées donc elles
de dominer, naturelle à l'homme et à tous doivent être connues;doncelles doivent être
les hommes. Mais, si cette passion est natu- accusées tous ces rapports sont nécessaires
relle à l'homme, elle fait donc partie de la et dérivés, de la nature des êtres; donc ils
nature de l'homme, elle est donc indestruc- sont des lois.
tible dans l'homme on doit donc en aper- Mais l'homme est seul à connaître ses dé-
cevoir les traces dans l'homme, dans tous les sirs et les motifs de ses actions donc il doit
âges, dans tous les sexes, dans toutes les être seul à les accuser; donc la confession
conditions de l'homme; et les traces de la auriculaire est un rapport nécessaire qui dé-
passion me démontreront l'existence de la rive de la nature des êtres, une conséquence
passion elle-même. Effectivement je la re- nécessaire des lois fondamentales, et fonda-
connais, cette passion, dans l'enfant, à l'opi- mentale elle-même.
niâtreté; dans le jeune homme,. à l'indoci- Mais, disent les réformateurs, c'est à Dieu
lité dans l'homme faitj à l'ambition; dans seul, juge et témoin de nos actes' les plus
le vieillard, à l'inflexibilité; dans un sexe secrets, de nos désirs lesplus fugitifs, qu'il
cette passion s'exerce par la force, dans un faut s'en accuser la réponse est aisée et
autre par la faiblesse; dans l'homme policé, suit naturellement de mes principes. Un acte,
elle est intrigue dans le sauvage, elle est un désir destructif de la société religieuse
férocité; dans tous les hommes elle est doit être réprimé par la force générale con-
amour-propre, orgueil. servatrice de la société religieuse, qui est
11 n'est pas hors de propos de remarquer la grâce or, la force générale conservatrice
que la philosophie attaque, en même temps, de la société religieuse intérieure ne peut
la nécessité du baptême, cette du sacerdoce être appliquée à l'homme extérieur ou so-
et de la noblesse, le droit de propriété même; cial, que par les ministres de la religion qui
en sorte qu'elle veut détruire à la fois tout sont la force générale conservatrice de la
ce qu'il y a de transmissible dans la société société religieuse extérieure;
c'est-à-dirè
religieuse, et d'héréditaire dans la société que les forces conservatrices des deux so-
politique, tout ce qui imprime caractère, et ciétés sont inséparables, comme les, deux
suppose la spiritualité de l'homme. sociétés elles-mêmes; et les deux sociétés
sont inséparables, parce que l'homme intel- Dieu. L'amour comme la produi-
la. haine se produi-
ligent ne peut être; séparé de l'homme phy- sent dans un être libre par la force ou l'ac-
sique. tion extérieure des sens donc l'âme qui
Un sujet coupable d'un crime ne se con- n'est plus unie aux sens ne peut plus faire
tentera pas de l'intention même connue de, ni actes d'amour, si elle hait,, ni actes de
son souverain de lui pardonner; il voudra haine, si elle aime donc son état tfamour
en obtenir des lettres de grâce, et en faire ou de haine est immuable.,
sceller réexpédition.. Cette comparaison est 1° Le dogme des peines et des récompen-
parfaite* parce que les- sociétés religieuse et ses dérive nécessairement.de la. distinction
physique sont semblables, et qu'elles ont une du bien et du mal or, la distinction du bien
constitution semblable. Je parlerai ailleurs et du mal est nécessaire,,parce qu'elle est ua
de l'effet politique de la confession. rapport nécessaire dérivé de la nature des
Donc les peines expiatoires, la prière, êtres donc les peines et les récompenses
l'aumône, le jeûne, tout ce qui gêne l'esprit, futures sont un rapport, nécessaire,une loi
le cœur etlessens de l'homme, sont des rap- mais un rapport nécessaire est un rapport
ports nécessaires qui dérivent de la loi de la immuable, éternel donc les peines. et les
confession; car tout ce qui est pénible à récompenses de l'autre vie seront éternelles;
l'homme intelligent et à l'homme physique c'est-à-dire que la vertu sera récompensée,
peut être un sujet de peine. et le crime puni, tant que le bien sera dis-
Si l'homme intelligent a rempli tous ses tingué du mal.
devoirs envers la société religieuse dont il 2° Toutes les récompenses qu'accorde la
est membre (et remarquez que l'homme in- société politique, toutes les peines qu'elle
telligent ne peut remplir ses devoirs envers inflige, durent autant que l'homme politi-
la société religieuse, que l'homme physique que ou que la famille. L'henneur d'une ré-
ne remplisse les siens envers la société po- compense personnelle, et la honte d'une
litique dont il fait partie), il doit être récom-peine afflictive, s'étendent par le souvenir
pensé par le pouvoir conservateur de la so- au delà même de la durée de la famille. Des
ciété religieuse; il doit être récompensé, récompenses ou des peines pécuniaires ac-
tant qu'il ne cesse pas de mériter la récom- croissent ou diminuent pour toujours sa
pense donc la récompense doit être éter- propriété. Donc les récompenses ou les pei-
nelle, paree que l'homme intelligent, dégagé nes de la société religieuse dureront autant
des liens du corps, ne peut démériter. que l'homme intelligent; car, comme je l'ai
Donc, s'il n'a pas rempli tous ses devoirs dit ailleurs, s'il y a une autre vie, elle est
envers la société religieuse, ou s'il n'a pas nécessairement heureuse ou malheureuse.
expié ses fautes (car le pardon envers le 3° Si les peines et les récompenses de
pécheur repentant est un rapport nécessaire l'autre vie ne sont pas éternelles, il n'y a
dérivé de la nature d'un être infiniment plus de Dieu; puisqu'il n'y a plus de justice
bon), il doit être puni, tant qu'il ne pourra en Dieu, puisque le bien et le mal, néces-
cesser de démériter or, l'homme intelli- sairement et essentiellement distingués,-fi-
gent, dégagé des liens du corps, est dans un niront par être confondus et obtenir le même
état fixe et dans lequel il est toujours ce traitement il n'y a plus de société car il
qu'il est une fois donc le châtiment sera n'y a plus de frein pour le crime heureux,
éternel. plus de dédommagement pour la vertu per-
« L'idée d'un lieu de récompense, dit sécutée.
Montesquieu,entraîne nécessairement l'idée h° Je vais plus loin, et persuadé de ce
d'un séjour de peines et quand on espère principe, que tout ce qui est utile à la con-
l'un, sans craindre l'autre, les lois civiles servation de la société est nécessaire, c?est-à-
n'ont plus de force. » dire, est tel qu'il ne puisse être autrement,
11 n'est pas difficilede prouver que l'homme je dis Le dogme de l'éternité des peines et
intelligent, ou l'âme dégagée des sens, ne des récompenses est utile à la conservation
peut ni mériter ni démériter, c'est-à-dire de la société civile, puisqu'il est l'encoura-
qu'elle est fixée dans l'état dans lequel elle gement le plus puissant de la vertu qui la
se trouve au moment de sa séparation d'avec conserve, le frein le plus efficace du crime
Ii'S sens. L'âme juste est en société d'amour qui la détruit donc le dogme de l'éternité
avec Dieu; l'âme coupable est, si je puis des peines et des récompenses futures est
«l'exprimer ainsi, en société de haine avec vrai car, s'il n'était pas vrai, la société man-
querait d'un moyen de conservation donc tant sujet, Montesquieu « La religion
elle pourrait ne pas se conserver; donc elle païenne, qui ne défendait que quelques
ne serait pas nécessaire ce qui est absurde. crimes grossiers, qui arrêtait la main et
La philosophie rejette les peines éter- abandonnait le cœur pouvait avoir des
nelles, et elle voudrait des 'crimes inexpia- crimes inexpiables mais une religion qui
bles. 1° II y a contradiction entre des enveloppe toutes les passions qui n'est pas
crimes qui ne peuvent être expiés, et des plus jalouse des actions que des désirs et
peines i qui peuvent finir. 2' J'ai prouvé des pensées; qui ne nous tient point atta-
que là certitude que son crime ne peut être chés par quelques chaînes, mais par un nom-
expié, ferait d'un homme coupable par (fai- bre innombrable de fil*; qui laisse derrière
blesse, un scélérat par désespoir-, et H est elle la justice humaine, et commence une
aisé de sentir que la certitude que ses pei- autre justice; qui est faite pour mener sans
nes auront un terme, après lequel il jouira cesse du repentir à l'amour et de l'amour au
d'un bonheur sans fin, ferait, d'un homme repentir qui met entre le juge et le crimi-
faible par nature, un homme criminel par nel un grand médiateur, entre le juste et le
En effet, les objets qui affectent les médiateur un grand juge une tette religion
sens, ayant bien plus d'empire sur l'homme ne doit pas avoir de crimes inexpiables.
que ceux qui n'affectent que ses facultés Mais, quoiqu'elle donne -des craintes et des
.spirituelles,, l'homme ne trouverait pas un «espérancesà tous, elle fait assez sentir que,
motif suffisant pour se priver d'un plaisir s'il n'y a point de crime qui, par sa nature,
présent, et vers lequel son penchant l'en- soit inexpiable, toute une vie peut l'être;
tralne, dans ta crainte d'une peine éloignée, qu'il serait très-dangereux de tourmenter
d'un genre qu'il ne peut connaître, qui ne sans cesse la miséricordedivine par de nou-
se présente pas à son esprit avec la certi- veaux crimes et de nouvelles expiations;
tude d'un objet sensible et éprouvé; d'une qu'inquiets sur les anciennes dettes, jamais
peine qui, plus ou moins longue, aboutirait quittes envers le Seigneur, nous devons
toujours à une éternité de bonheur. Pour craindre d'en contracter de nouvelles, de
juger de l'effet que produirait, dans la so- combler la mesure, d'aller jusqu'au terme
ciété, le dogme des peines temporaires dans où la bonté paternelle finit. »
l'autre vie, il n'y a qu'à voir les dangers et Les philosophes ont commencé par nier
les fatigues qu'un homme, passionné pour l'éternité des peines, et pais ils ont déclamé
quelque objet, brave pour se satisfaire. contre les expiations. En effet, si les gou-
Philosophe, qui admets l'immortalité de vernements abolissent la peine de mort, i.
l'âme, et qui nies l'éternité des peines, mul- est évident qu'ils n'ont plus besoin de let-
tiplie les siècles par les siècles, élève le tres de grâces. `
temps à la pjxissame infinie de l'éternité:; et J'ai remarqué qVe les mêmes hommes qui
ose dire après combien de temps d'expia- attaquent le dogme de l'éternité des peines
tion, Robespierre, expirant avec le seul re- et des récompenses éternelles, abolissent,
gret d'avoir laissé vivre quatre cent mille dans la société politique, la peine de mort
têtes innocentes, jouira du même bonheur et la récompense héréditaire .de Ja noblesse.
,que la vertueuse Elisabeth, mourant &n par- Tout se tient dans la société.civile et il ne
donnant à ses bourreaux ( i), ss fait pas un changementdans une des deux
C'est: vous-même, me dira le philosophe, sociétés qui la composent, qu'il ne se fasse-
-qui ôtez tout frein au crime, en supposant bientôt dans l'autre un changement correç^
.qu'un instant de repenti-r peut expier une :pondant.
vie entière de forfaits. La religion, il est L'homme est essentiellement faible; mais
vrai, ;me dît qu!un acte d'amour peut tout Dieu est essentiellement bondonc le -par-
effacer, et j'en trouve la raison dans la na- don est dans la nature de Dieu, comme la
ture des êtres, en considérant qu'amour est i passion est dans la nature de l'homme. Mais
pouwir, et que rien n'est impassible au pow- Dieu est essentiellement juste, et touteiaute
voir mais la raison me dit aussi que le> est essentiellement punissable donc la
crime est haine de la Divinité, et ..qu'il estt peine, pour la faute commise, est dans la na-
comme impossible de passer subitement de> ture du Dieu juste, comme elle est dans la
.la haine, à l'amour. Ecoutez, sur cet impor- nature du délit. Le pardon aecordé suppose
11 ) Ce n'est
pas le dogme de l'éternité des pei- forfaits les passions peuvent conduire l'homme
,Des qu'il est pénible de croire, quand ou voit à quels c'est bien plutôt celui de la possibilité du pardon.
donc la peine infligée, et le délit effacé sup- L'amour et la erainte, dans l'homme so-
pose la peine accomplie donc le dogme d'un cial, ne peuvent être que l'amour de sa con-
lieu destiné-à à accomplir la peine infligée au servation et la crainte de sa destruction
délit pardonné est un rapport nécessaire qui puisque la société est une réunion d'êtres
dérive de la nature des êtres qui composent semblables, réunion dont la fin est leur con-
la société religieuse, aussi nécessairement servation mutuelle.
que la loi civile qui ordonne qu'un homme Si la religion, dans l'homme, est amour et
banni pour un temps doit garder son ban crainte, elle se produira au. dehors par l'ac-
avant; .de rentrer dans sa patrie, dérive de la tion des sens; car nous avons vu que l'homme
.nature des êtres qui composent la société ne peut avoir l'amour et la crainte d'un ob-
politique., jet, sans manifester, s'il est libre, par l'ac-
Le, dogme d'un lieu destiné aux expia- tion de ses sens, son amour ou sa crainte.
tions est donc un développement nécessaire Par quelle action de ses sens l'homme ma-
de la loi des expiations donc il est virtuel- nifestera-t-il l'amour de sa conservation ou
lement, implicitement compris dans l'Evan- la crainte de sa destruction?2
gile, qui établit la loi des expiations. Le Par le don car l'homme donne pour ob-
fond, dit Spanheim, ministre réformé, est tenir le bien qu'il aime, comme il donne
certain mais la manière et les circonstances pour éviter le mal qu'il craint.
ne le sont pas. Aussi le concile de Trente, Mais l'importance du don doit être pro-
en établissant la certitude du fait, a formé, portionnée à la force de l'amour
selon; Bossuet, son décret avec une eocpresr- crainte et de la
sion générale; car, dit cet illustre auteur, la eux-mêmes comme l'amour et la crainte sont
proportionnés à labonté de l'ob-
.nature des peines n'est pas expliqué de la jet
même sorte par les saints docteurs.
que l'on aime et à la puissance de l'ob-
jet que l'on craint.
CHAPITRE VI. Dans la société religieuse, l'objet de Y&-
crainte. *•.
L'homme se donnera donc lui-même à la
Divinité, objet de son amour et de sa
L'homme social ou la société est l'homme
et la propriété l'homme social ou la so-
crifice de la religion de l'unité de Dieu, et
dieux..
Je sacrifice de la religion de la pluralité des
Jean.
nion d'êtres semblables réunion dont la fin pouvoir de la société, dans la comparaison
est leur conservation mutuelle. touchante des brebis et du pasteur; le de-
(ï) Je prie le lecteur, pour qui lit vérité n'est
(2)
pas indifférente, de lire avec attention le discours Les anciens, dit l'Esprit des lois, n'avaient.
île Jésus -Clnïsi après la Cène, rapporié dans saiut pas l'idée de la monarchie.
voir des hommes entre eux dans ces paroles: sique par les jeux barbares'du cirque ou tes
C'est là mon commandement que vous vous sacrifices abominables de sang humain, et
mmies les uns les autres, comme je vous ai l'oppression de l'homme moral par l'igno-
aimés. (Joan. xv, 12.) Il leur enseigne quelle rance el l'absurdité du polythéisme seule
est la mesure de cet amour, en leur disant religion constituée, puisqu'elle est la seule
que personne ne peut donner un plus grand dans laquelle les lois fondamentales soient
témoignage d'amour que de donnersa vie pour des rapports nécessaires qui dérivent de la
ses amis (lùid., 13) et il ajoute que, -s'il ne nature des êtres; les lois religieuses, des
souffre pas la mort ils ne peuveut}r?cevoir son conséquences nécessaires des lois fondamen-
esprit, jour l'accomplissementdu grand ou- tales et fondamentales elles-mêmes; cette
vrage auxquels ils sont appelés; mais que, religion dont la morale est si pure et les le-
lorsqu'une fois il sera élevé, il attirera tout à
çons si sublimés; cette religion qui a résisté
lui. (Joan, m, 32.) Tout à coup, s'adressant à tant de persécutions, et qui s va passer
à son Père, il se constitue lui-même l'homme tant de sectes cette religionqui montre une
universel, en réunissant tous les hommes en plus grande force de conservation, mesure
un seul homme, et les incorporant à lui qu'elle s'éloigne du temps de son berceau,
même r Mon Père, dit-il, que tous ensemble
et qui,. dans la première société del'ùnivers,
ils ne soient qu'un, comme vous et moi nous survit à sa destruction même, et ressuseitf
sommes un qu'ils soient un en nous, comme de son tombeau, comme son fondateur, en
vous êtes en moi, et moi en vous. (Joan. xvii, frappant d'aveugSemfinfet de terreur tes vils
H, 21-23). Et afin que nous ne croyions satellites qui l'y retiennent je vois, dis-je,
pas qu'il borne au petit nombre de ses dis- un sacrifice perpétuel, dans lequel les prê-
ciples lus prières qu'il adresse à son Père tres, visiblement successeurs des premiers
Ce n'est pas seulement) continue-t-il pour disciples de VHomme-DieU, tes prêtres,
eux que je prie, mais encore pour tous ceux force publique conservatrice de ïs sosiété
qui croiront en moi par leur parole qu'ils religieuse extérieure, et rnfmstre'S ou dis-
soient consommés dans1 l'unité, et que le monde pensateurs de la grâce, force conservatrice
connaisse que c'est vous qui m'avez envoyé, de la société intérieure, font en mémoire da
eb quevous les avez aimés comme vous m'avez cet Homme-Dieu ce qu'il leur a enseigné da
aimé. (Md., 20, 21,) faire ils prennent le pain et le vinv ils tes
Enfin, dans son dernier repas avecses dis- bénissent, ils rendent grâces à Dieu, ifs pto-
ciples, il prend du 'pain, le bénit, le rompt, noncetït tes mêmes paroles qoe leur Maître
le leur présente. et leur dit sans prépara- prononça, il* mangent le paio r ils boivent
tioaet sans commentaire Prenez et mangez: le vin, ils le distribuent. L'autorité infailli-
ceci est mon. corps qui est donné pour vous ble de la société religieuse m© moiïtref un
il prend le calice, il rend grâces à Dieu, et Homme -Dieu rendu extérieur et sensible
leur dit avec: ta même simplicité d'expres- sous ces apparences extérieures de la pro-
sion et la même force d'assertion Buvez en priété la plus pure et la plus générale j elle
tous, car ceci estmon sang, h sem§d& lanou* .] méfait voir,. dans sa mort* le sacrifice san-
vdle alliance qui sera répandit pour vous; fai- glant de rHoinme-Dieu &fert une fois par
tes ceci en mémoire de moi. {Luc. xxiï, t9, tous les hommes, et renouvelé: sur" nos au-
20.) Son corps en; effet est H viré, son sang tels d'une manière' ineompréhensi-Meetnon
est répandu, et la nouvel 1 e alHaBce est con- sanglante je vois le sacrifice que j'ai reraar-
sommée. <
qué dans toutes les religions^ lé sacrifice de
Depuis ce temps, c'est-à-dsire depuis dix- •.] ï'hoBSHi© et celui d'é la propriété je vois le
huit cents ans, je vois, dans- ta nouvelle al- (tende
< soi-ϐme que l'homme intelligent,
liance ou la nouvelle société des hommes et
< physique doit faiFe à Dieu, et le, éo« ée
avec Dieu, etprpe\é& Religion chvéHenne^&nle soi-même que Piev^ comme; Je Fai prouvé,
religion sociale, puisqu'elle a assuré la con- doit faire à l'bomme intéWigeat el physique.
servattort de Fhomrae; social' eu, faisant. ces- < Ge même sacrifice, cette ffiêm* erôyan-ee, je
set-. tous tes genres,, d'oppression qui le dé- ks-
] retrou've dwus- tes cÉeux grandes portrons
teuisent, et l'oppression de- fc'âge par- tfexpo- qui compose-nt U soctélé ebrétiienine- l'E-
sition publique,, et h'oppressioff dw sexe par
le divorce, la polygamie et la prostitution
j
glise latine et l'Eglise gi-'eferfii'e, iwcoricilw-
b'es
1 sur d'autres points, s'accordent sur ce-
publique, et l'oppression de la condition par- dogme
c fondaiaental-, et, en prouvent la vé-
l'esclavage, et l'oppression de l'homme phy- rité par l:euTs divisions comme psv leur" ae-
ford. Le raisonnement me démontre que la crois, est plutôt en nous un effort pour pro-
société est une réunion d'êtres semblables, duire un si grand acte, qu'une certitude ab-
Réunion dont la fin est leur conservation mu-solue de J avoir produit. » f Hist. des variât.)
tuelle; qu'il y a donc société entre Dieu et Jésus-Christ, fondateur de la religion
l'homme que le principe de conservation chrétienne, est donc le pouvoir qui la con-
des êtres est l'amour; qu'il y a donc amour serve effectivement, il dit lui-même qu'il
entre Dieu et l'homme; qne l'amour dans n'est point la volonté de cette société mais
un être intelligent et physique se manifeste qu'il en est le pouvoir Je ne fais point,
par les sens ou par le don de soi-même que dit-il, ma volonté, mais celle de mon Père qui
f objet aimant fait à l'objet aimé; que le m'a envoyé (Joan. v, 30) et il ajoute Le
corps social ou l'homme social doit donc Père ne juge personne, mais il a donné tout
s'offrir lui-même en don à l'Etre suprême, pouvoir au Fils. (Ibid., 22.) Or, le pouvoir
c'est-à-dire offrir l'homme et la propriété, de juger est essentiellement le caractère de
éléments de toute société, offrir un homme la royauté ( 2). Jésus-Christ n'est donc pas,
à la place de tous les hommes, et une es- selon lui-même, la volonté générale de la so-
pèce de propriété à la place de toutes les ciété religieuse; mais il en est le pouvoir
propriétés, c'est-à-dire offrir l'homme Je" général, et le raisonnement s'accorde avec la
plus universel et la propriété la plus uni- révélation.
verselle offrir l'homme intérieur et exté- Mais, si Jésus-Christ est le pouvoir conser-
rieur, parce que l'homme social est néces- vateur de la religion chrétienne, la religion
sairement intelligent et physique. Si l'homme chrétienne se conservera donc; et l'histoire
social, l'hommeintelligent et physique, se des temps passés et l'expérience des faits
donne lui-même à Dieu, il faut, pour que récents nous prouveront qu'elle est indes-
le don soit mutuel, pour que l'amour soit tructible donc les religions qui n'ont pas
réciproque et la société .parfaite ou consti- le sacrifice de la religion chrétienne, ou qui
tuée, que Dieu se donne lui-même à l'hom- n'ont aucun sacrifice, ne se conserveront
me sôcial c'est-à-dire à l'homme intelli- pas; et l'histoire des temps passés et l'expé-
gent et physique; et si l'homme a été im- rience des faits qui sont sous nos yeux,
molé à Dieu, il faut, autant qu'il est possi- nous prouveront que les religions qui n'ont
ble, que Dieu aussi soit immolé pour pas de sacrifices, ou qui n'ont pas celui de
l'homme. Ce sacrifice de l'homme et de la la religion chrétienne, ne sauraient se con-
propriété, l'histoire me le montre réel ou server. Ils nous prouveront même qu'elles
figuré dans tous les temps, chez tous les peu- ne sauraient conserver ou défendre les véri-
ples et chez tous les Etats de la société. Je tés primitives et fondamentales de toute
le retrouve dans la société naturelle et dans religion, l'existence de Dieu et l'immortalité
la société politique; je le retrouve chez les de l'âme; c'est-à-dire que les sociétés qui
Juifs et chez les Chrétiens, je le retrouve n'ont pas de Dieu-Homme, ou le Dieu pré-
chez les idolâtres et chez les païens, chez les sent au milieu d'elles-, sont des sociétés
Grecs, chez les Romains, chez les Germains, athées et matérialistes.
chez les Mexicains (1 ) partout je retrouve La société religieuse, qui a Dieu présent
le sacrifice de l'homme et l'offrande de lal et extérieur au milieu d'elle, se conserve
propriété et lorsque la raison avoue la né- donc elle est la société constituée donc elle
cessaté de la présence réelle de l'Homme- est la véritable religion.
Dieu au milieu de la société et la nécessitéi Les sociétés religieuses qui n'ont pas
du sacrifice mutuel, ou du don de soi-même, Dieu présent et extérieur au milieu d'elles
de l'homme à Dieu et de Dieu h l'homme, ne se conservent pas donc elles ne sont
elle appelle la foi à son aide contre les senss pas des sociétés constituées donc elles ne
qui s'obstinent à méconnaître un Dieu voiléi sont pas de véritables religions; donc elles
sous des espèces ou des apparences, et con- ne sont que des sectes.
tre les passions qui s'obstinent à rejeter unt J'ai exposé les principes; je vais en faire
frein qui les importune. Le cœur dit, Jee l'application à l'histoire. Dans tout ce qui a
crois, et la raison éperdue se rappelle cess rapport à l'homme et à la société, les faits
paroles consolantes de Bossuet « Dire Jee doivent prouver le raisonnement.
(l) Je iu'érwnee eonfwmément aux sentiments du clergéde France de W% Vmj. le xii « DJgfiqytn
4fc l'figUse /gâtante, copsigeé? tton;s 1^ PéçJariHiqp <~ h'j~ury, sur <M~tM ecçl~~s,:gs4tqtce, {a).
(a) L'éditeur! de. 1,843 fdit, asse? mal k propos, à. l'osca- le concours du Pape, est au-dessus- d.ç l'aijlorUé, d,g Paj>e
sion dft cette note de M. de Donald, la réflexion suivante mais ce que nous devons remarquer', c'est que, sf M. de
t Les Catholiques ne reconnaissent paade concile œcu- Bonald peut èit& rangé parmi las gallicans, il était i'vp
ménique sans le Pape. Là où la pierre fondanjentaleman- gallicanismebien, mitigé. Cela, ressoçtde,tOMS ses. ouvrages,
((lie, l'édifice croulé. Mais il aurait dû en même temps fit notamment de ses ÏÏéflexions sur le mémoire à eonsmier
faire remarquer que M. de Bonald ne contredit en rien de M. le comte de Montloster. (Voy.we part., et sa Lettre
cette doctrine. Il n'avait pas d'ailleurs à la combatl re ni à M. de Fremillfi, ibid.) Dans cette lettre surtout, M. de
à la défendre, puisque les docteursgallijcajasdontH adopte Bonald reconnaît au Pape, une autorité souveraineet abso-
l'upinio» n'admettent pas plus que les. ultraraonlains de lue; car, e,0 parlant delà dé.mjssioo. exigée en 18Q1 de
:«ncile général ou oecuménique sans' le Pape. Ce. n'est t,put L'épiscQpa'jj français;, il dii, Les Callioliqnes, ewetn
pas ici le. lieu «l'examiner,à, l'occasion, d'une note, si l'o- t/eçoiQ die se rappeler cç Wûl. de Bosmet, que le Pape a une
pinion dés gallicans, reproduite ici par M. de Bonald., peut autorité ordhmïre pour les temps ordinaires, elun$ auto-
être théologiquement soutenue, et si l'on peut dire que
l'autorité d'un concile qui n'est pleine et entière qu'avec
lé extraordinaire pour les. temps extraordhmivs.
(LES epiteurs.)
chef de l'Eglise n'intéressait plus le pouvoir a l'exercice de la spirituelle mais, pourvux
d'une seule société, et le père commun des qu'il ne possède la première que chez lui,
Chrétiens dut être, même extérieurement, et qu'il n'exerce l'autre qu'avec les limites
indépendant de toute autorité séculière. qui lui sont prescrites. »
Ecoutons le plus sage de nos historiens et « On peut croire,» dit le
savantabbé Fleury
apprenons à distinguer la vérité de la fausse (1) « que c'est par un effet particulier de
sagesse. « L'Eglise, reçue dans l'Etat sous la Providence, que le Pape s'est trouvé in-
Constantin,» ditleprésidentHénault,«yavait dépendant, et maître d'un Etat assez puis*
apporté son culte qu'elle ne tenait que de sant pour n'être pas aisément opprimé par
Dieu seul, mais qu'elle ne pouvait exercer les autres souverains, afin Qu'il fût plus li-
publiquement que par la permission de bre dans l'exercice de sa puissance spiri-
l'empereur; c'était lui qui assemblait les tuelle. C'est la pensée d'un grand évoquede
conciles et quand la religion fut encore plus notre temps (2). »
répandue, les souverains, chacun dans leurs Cette puissance temporelle des Papes fut
Etats, exercèrent, dans les choses ecclésias- fondée par Pépin, qui donna au Saint-Siège
tiques, la même autorité que l'empereur. la dépouille des Lombards. Rome, étonnante
L'assemblée des conciles généraux iatéres- destinée! Rome, veuve de tant de rois, de-
sait trop l'autorité des princes séculiers, meure la reine et ia métropole du monde;
pour qu'il n'y eût point entre eux, par la et telle est la marche des choses, e.t ce déve-
suite des temps, de jalousie au, sujet de la loppement insensible, des sociétés, auquel
convocation. Il fallait, pour les accorder, un les hommes concourent sans le savoir, que
lien commun formé par la religion, qui tînt Pépin, en assurant l'indépendance politique
à tous et qui ne dépendît de personne. C'est du Saint-Siège de tout prince particulier,
ce qui rendit enfin les Papes, en qualité de fit, dans des vues personnelles, ce qui serait
pères communs des fidèles, maîtres de cette devenu indispensable, lors de la division 'de
convocation, mais avec le, eonewrs juste et l'Europe, chrétienne arrivée soixante-dix
nécessaire des souverains. Je ne dois pas ans après, sous son petit-fils.
émettre ici une réflexion,continue l'auteuf Louis le Débonnaire, sous lequel le vaste
«c'est que, bien loin d'être de l'avis de ceux empire de Charlemagne commença à se di-
qui ont déclamé contre la grandeur de la viser, fut aussi le premier à renoncer au
cour de Rome, et qui voudraient ramener droit de confirmer l'élection des Souverains
les Papes au temps où les chefs de l'Eglise Pontifes; et il n'aurait pu le conserver, sans
étaient réduits à la seule puissance spiri- s'arroger, sur les autres sociétés, une supé-
tuelle et à la seule autorité des clefs, je. riorité qui ne pouvait s'accorder avec, Jetir
pense qu'il était nécessaire pour le repos gé- indépendance. il était dans la nature des
néral de la chrétienté, que le Saint-Siègeac* choses qu'elles prissent toutes un égal inté*»
quît une puissance temporelle. Tout doit rêt au choix du chef de la force: publique
changer en méme temps dans le monde, si l'on conservatrice de la société religieuse et il
veut que la même harmonie et le même ordre était également nécessaire que ce choix fût
y subsistent. Le Pape n'est plus, comme dans- fait par des ministres de l'Eglise, c'est-à-
les commencements,un sujet de l'empereur. dire, par ceux qui pouvaient connaître les,
Depuis que l'Eglise s'est répandue dans tout besoins de l'Eglise, et juger du mérite du
l'univers, il a à répondre à tous ceux qui y sujet.
commandent, et par- conséquent aucun n& Toutes ces conditions se tronvcHt.au jouo.
doit lui commandes La religion ne suffit d'hui réunies dans l'élection des Papes,
pas pour imposer à tant de souverains, et choisis par des ministres de l'Eglise, assis-
Dieu a justement permis que le père- com- tants et conseil du Saint-Siège, nommés eux-
mun des fidèles entretint, par son indépen- mêmes, du moins en partie, sur la présea~
dance, le respect qui lui est dû. Ainsi dorto tation des couronnes;" en sorte que les pot**
il est bon que le Pape ait la propriété d'une voirs-des sociétés politiques concourent M6~-
puissance temporelle, en même temps qu'il dîatement à la B&mÈnation du SoavejaJa-
(• l ) ivq Discours sur t'hisi. ecclês., art. iO, Sedi apostolic», sede&aiatotiEeclesisegraluJaiiiw,,
( 2 ) Bossuet. Voici ces paroles, tirées de la Dé- volisqtie omnibus precamur sacrum principauim.
fense de la Déclaration du clergé de France s Sali omnibus modis salvum et incolumem esse, t (Lib. t,
apostolicœ, Romanae ùibis, aliarumijHe tewaraui sect. 1, cap. 16.) Quoique ce livre ne fût point en-
çoneessam diliouem, quo liberior ac tutior potesia- core imprimé, FJeury le connaissait, et en possé-
tem apostolicam toto orbe exerceat, non lantum dait même une copie.
Pontife. Mais si tous les pouvoirs des socié- CHAPITRE Il.
tés chrétiennes concourent ensemble à un
choix qui les intéresse toutes, aucun en par- DES CROISADES.
ticulier ne doit avoir d'influence stw la per- Vers les dernières années du x' siècle,
sonne et l'on doit regarder comme un dé- l'opinion s'était répandue dans la chrétienté
veloppement nécessaire de la société reli- que la fin du monde approchait; et cette
gieuse, amené par le temps et la nature des opinion, qui tenait en apparence à la révo-
choses, la coutume qui a acquis force de loi, lution millénaire qui finissait, avait disposé
de n'élever au souverain pontificat qu'unies esprits à recevoir des impressions ex-
sujet indépendant, par son origine, de toutes traordinaires.
les grandes puissances de l'Europe, Dans ces circonstances, les Turcomans,
Si Je pouvoir conservateur de la société vainqueurs des Sarrasins, envahirent les
politique défend la société religieuse des lieux honorés par la vie et la mort du divin
passions des hommes, et hâte ses dévelop- Fondateur de la religion chrétienne les
pements nécessaires, le pouvoir conserva- Chrétiens, qui les habitaient, furent surtout
teur de la société religieuse prolége à son l'objet de la fureur et des outrages de ces
tour, contre ces mêmes passions, la société peuples barbares et voluptueuxqu'échauffait
politique et favorise ses progrès. le zèle naissant d'une religion licencieuse
Lorsque, sous des rois faibles, les gou- et guerrière.
vernements des provinces et des villes, de- Les voyageurs qui revenaient de la Pa-
venus héréditaires, multiplient dans l'Etat lestine, dévotion commune dans ce siècle
les sociétés en multipliant les pouvoirs par- et conforme aux mœurs du temps, enflam-
ticuliers; lorsque ces sociétés se déchirent maient par leurs récits la compassion des
entre elles par les dissensions éternelles de peuples. On n'écoutait pas alors avec une
leurs pouvoirs, et déchirent ainsi la grande stérile curiosité le récit des malheurs que
société, la religion vient à son secours. des hommes, que des frères, membres de la
« En 1042,» dit Hénault, du
«s'établit la trêve même société religieuse et de la grande
Seigneur: c'était une loi qui défendait les société civile, souffraient sur une terre bar-
combats particuliers, depuis le mercredi soir bare. L'esprit n'opposait pas ses froides et
jusqu'au lundi matin, par le respect que fausses combinaisons aux élans sublimes
l'on doit à ces jours que Jésus-Christ a con-,de l'amour du prochain, aux vues profondes
sacrés par les derniers mystères de sa vie. » d'une vaste et saine politique; et lorsqu'il
Le pouvoir conservateur de la société reli- fallait maintenir l'exemple des grandes ver-
gieuse devient le pouvoir conservateur de la tus qui conservent les sociétés, on ne cal-
société politique, lorsque ce pouvoir affaibli, culait pas les hommes, encore moins l'ar-
divisé, anéanti, ne peut plus remplir ses fonc- gent qu'il pouvait en coûter. Un homme (la
tions. Qu'on y prenne garde la religion nature les produit où et quand ils sont né-
rappelle un sentiment au cœur de l'homme cessaires), un homme pouvoir, c'est-à-dire
féroce, et elle l'amollit. Dans ce partage de embrasé de l'amour de ses semblables, en-
jours entre la paix et la guerre, sur sept treprend seul de venger sur les infidèles le
jours, la religion^ en obtient cinq pour la sang et l'honneur des Chrétiens. Il fait parler
paix. 0 philosophie 1 lorsque le fer mois- la religion, et la religion donne à cette en-
sonnait les têtes les plus chères et les plus treprise ce grand caractère qu'elle commu-
innocentes, avec tes opinions et tes senten- nique à tous les événements dont elle est le
ces, sur diîf-huit mois, n'as-tu pu obtenir principe. Ce n'est pas un roi et un peuple,
unjour? « L'autorité royale et ecclésiastique,» ce sont tous les rois et tous les peuples,
dit Hénault, « ne pouvait faire davantage c'est l'Europe entièré qui s'arrache de ses
alors .pour empêcher tes sujets de se dé- fondements, pour tomber sur l'Asie. L'objet
truire; encore un siècle de guerres privées, était saint, il fut défiguré par les passions
et c'était fait de l'Europe. » Le mal était à des hommes et l'ambition médita des con-
son comble la religion emploie les remèdes quêtes dans ces mêmes lieux qui ne de-
extrêmes. Ici, sans vouloir justifier les dé- vaient rappeler aux Chrétiens que les humi-
sordres, je me borne à indiquer les causes, liations de leur Dieu. Le désir de visiter les
à observer les effets. saints lieux, dévotion en usage Jans un
temps où la foi, dépourvue des connaissan-
ces qui auraient pu la nourrir, avait plus
beso'n d'être soutenue par des objets sensi- CHAPITRE III.
bles, entraîna sur les pas des croisés une MAHOMÉTISME.
foule immense qui affama l'armée par ses
besoins, et déshonora l'entreprise par ses L'univers n'avait vu encore que des reli-
L'i
désordres. La religion inspira les motifs, et gion de sentiment, et par conséquent des
gions
ils furent dignes d'elle les hommes y mé- religions avec sacrifice il avait vu, chez
relig
Ièrent leurs passions, la société civile eu l'idolâtre, une religion de haine ou de vo-
l'ido
recueillit les fruits car la religion fait ser- lupté, et le sacrifice de la haine ou de la
lupti
vir les passions des hommes au perfection- volupté; chez le Juif, une religion d'amour
volu
ùement de la société. imparfait et d'attente, et un sacrifice impar-
imp<
Des guerres intestines et continuelles, fait; chez le Chrétien, une religion d'amour,
fait
que l'ardeur du pillage et la soif de la ven- et le sacrifice de l'amour le plus parfait. Six
geance entretenaient entre les différents siècles après l'établissement du christia-
siècl
pouvoirs qui s'étaient élevés au sein de la nisa
nisme, parut une religion sans sentiment,
société, et qui avaient changé tous les châ- sans sacrifice, une religion d'opinion, une
teaux en forteresses, et tous les cultivateurs phil
philosophie; et un imposteur, d'un génie
en soldats, auraient ramené l'Europe à l'état hardi et de mœurs voluptueuses, fit adopter
harc
de barbarie. Une guerre générale, entreprise au peuple
p le plus grossier les opinions reli-
pour la défense de la religion et de l'hu- gieuses
gieuu les plus absurdes
manité opprimées, éteignit cette ardeur in- A la croyance de l'unité de Dieu, à lapra-
sensée. L'Europe changea de face; et l'on tique
tiqui de la circoncision, aux prières mut-
peut dater de cette époque le développement tipli
tipliées, aux ablutions, aux abstinences qu'il
de la constitution politique et religieuse des prit des Juifs, voisins des Arabes, et comme
sociétés, le perfectionnement de leur admi- eux enfants d'Abraham, Mahomet ajouta le
nistration, l'établissement de la. marine, et dogi de la vie future, de l'éternité des pei-
dogme
les progrès du commerce. Un autre effet des nes et des récompenses, plus développéchez
nes
croisades, selon l'abbé Fleury, fut de mettre le Chrétien,
Cl mais qu'il accommoda à ses pro-
pour toujours l'Italie à couvert des insultes pres habitudes et aux mœurs sensuelles de
des Sarrasins, et de les affaiblir en Espagne, sessectateurs.
ses s Les récompenses promises à
où leur puissance en effet a toujours dimi- la vertu furent les plaisirs des sens les pei-
]a Ve
nue depuis cette époque. Cette noblesse, nes destinées au crime en furent la priva-
essentiellement conservatrice de la société tion et comme l'espoir de les goûter dans
tion
politique, tant qu'elle n'est que force, mais l'autt vie devait allumer le désir d'en jouir
l'autre
destructive de la société constituée dès dans celle-ci, le législateur fut obligé d'éta-
qu'elle est pouvoir, devint docile et polie, blir la polygamie, inconnue aux Juifs, aux
sans cesser d'être brave. Les croisades fu- Chrétiens, aux païens mêmes.
chn!
rent l'origine de la chevalerie, de cette reli- £j volupté eût suffi pour répandre cette
La
gion de l'honneur, qui produisit des vertus doctrine licencieuse elle s'étendit par la
doct
si héroïques et si naïves, et des hommes si terreur,
terrE elle se propagea par l'intérêt. Lee
francs et si courageux; institution que les cimeterre d'une main, l'Alkoran dans l'autre,
cimE
peuples ne virent qu'avec respect* et dont les enfants
]es < d'Ismaël accoutumés au brigan-
les écrivains du temps ne parlèrent qu'avec dage se répandirent chez leurs voisins, les
dage
enthousiasme. pillèrent, les convertirent, ou les exterminè-
pillé
Ainsi la volonté générale conservatrice de rent Ainsi la volupté, l'intérêt et la terreur,
rent.
la société civile guérit alors l'Europe de la
fureur des combats, par les calamités d'une
tout ce qu'il yde plus puissant sur l'esprit,
le cœur
c< et les sens de l'homme, propagèrent
guerre générale; comme elle veut aujour- ]e
le mahométisme
ni dans tout l'Orient, chez des
d'hui la guérir de la fureur de philosopher, peuples ardents et faibles destinés, ce sem-
peul
par les effets déplorablesd'un philosophisme ble, à être opprimés par leur gouvernement
universel. Et sans doute, dans les temps à par leur religion, et qui n'onKpu établir
et pi
venir,on pourra appliquer à l'Europe philo- encore
em..c un gouvernement modéré ni retenir
sophe ce que les historiens disent de l'Eu- une religion raisonnable. Nous verrons les
rope guerroyante Encore quelques années mêa
mêmes mobiles, la volupté, l'intérêt et la
de philosophie, et c'était fait de l'Europe. terreur,
(err, propager, dans tous les temps, les
Les croisades me conduisent naturelle- opir
opinions religieuses, ou les religions d'opi-
ment à parler du mahométisme. nion Je prie le lecteur de ne pas perdre
nion.
ce principe de vue. «C'est unmalheur pour ta impossible, puisque c'était comparer, à pju-
nature humaine," dit Montesquieu, « lorsque sieurs égards, l'original à sa copie. D'ail-
la religion est donnée par un conquérant leurs, pour comparer les législateurs, il faut
la religion mahométane,qui ne parle que de comparer les lois pour comparer les lois,
glaive, agit encore sur les hommes avec cet il faut comparer leurs effets. Je vois dans
esprit destructeur qui l'a fondée. » Les peu- le peuple juif, existant depuis 5,000 ans,
ples du nord de l'Europe avaient cessé d'être dispersé, opprimé depuis dix-huit siècles,
conquérants en devenant Chrétiens, les Ara- l'effet indestructible d'une législation dura
bes devinrent conquérants en devenant mu- ble, à l'épreuve du temps, de la fortune et des
sulmans. «Mahomet, continue Montesquieu, conquérants. Le mahométisme, qui compte
« trouva les Arabes guerriers il leur donna à peine onze siècles d'existence, fondé sur
de l'enthousiasme(c'est-à-dire des opinions), la conquête, ne subsiste qu'à l'aide de l'em-
et les voilà conquérants. » La religion chré- pire, comme le remarque très-bien le judi-
tienne trouve les peuples du Nord conqué- cieux abbé Fleury. Conquérante ou domi-
rants, elle leur inspire des sentiments, et les natrice, la nation musulmane n'a pas encore
voilà paisibles, « Harald, roi dé Norwége, » gémi sous l'oppression étrangère. Partout
dit Mallet, dans son Voyage de Norwége, « y où le musulman est soumis à des maîtres
forma dans le ix' siècle une monarchie près- chrétiens, il renonce aisément à sa religion;
que absolue, et transmit à ses successeurs tandis que le Grec, sous la domination ma-
'une assez grande puissance, dont ils aug- hométane, reste inébranlable dans la sienne.
mentèrent même l'éclat. Mais, dans les xii" On dit que la persécution accroît l'obstina-
et xhic siècles, cet éclat commença à dimi- tion d'une société religieuse il faut dittin-
nuer. (La Norwége devenait chrétienne.) In- guer la persécution religieuse de la persécu-
sensiblement la cour de Rome et le clergé tion politique, et une religion de sentiment
acquirent un ascendant sans bornes parmi d'une religion d'opinion. Une religion â'opi-
les grands et ie peuple. (Voilà les hommes nion résiste à la persécution religieuse, par
et leurs abus.) il semble aussi que dès lors la répugnance secrète que l'homme éprouve
l'énergie (c'est-à-dire la fureur guerrière) à soumettre ses opinions à celles d'autrui,
de.la nation ne fut plus la-même, elle cessa répugnance qui prend sa source dans la pas-
d^être redoutée (c'est-à-dire conquérante). » sion,
î de dominer naturelle à l'homme mais
Voilà la religion et ses bienfaits. Je reviens elle
< cède à la persécution politique, c'est-à,
à Mahomet. dire
< à la privation de certains avantages*
Après diverses révolutions qui ne sont politiques, parce qae, fondée par VintérêJ,
pasde mon sujet, les Turcs, peuples d'ori- elle ne peut résister à un intérêt pl»s gram».
gine tartsre, sectateurs de Mahomet, enva- Une religion de senêiment ou d'amour no
hirent l'empire d'Orient mal défendu par cède ni à la persécution politique, ni à la
les Grecs, qui savaient mieux disputer de persécution religieuse- (rl)f parce que l'a:-
la religion que combattre pour l'empire, mour, dans l'homme, estprraeipei.de con-
Leur schisme avait aliéné le cœur des La- servation, et que l'aafcaur est plus fort que
tins, et leurs malheurs n'inspirèrent pas tout. La crainte est sentiment ausst, et mous
l'iatérêt que les Chrétiens opprimés par les avons vu.des reMgions de crainte sansamour,
Sarrasins avaient, quelques siècles aupara- ou de haine mais, comme je l'ai fait ob-
vant^ trouvé en Europe. L'Occident, que les server, la crainte ou la haine n'est qu'un
Grecs eux-même^s avaient dégoûté par leurs sentiment négatif ou le néant de l'an]owrau
perfidies; de 'ces expéditions lointaines, ne lieu que l'amour est le sentiment positif; et
s'ébranla pas pour les secourir l'Europe cette différence en établit une très^reaiar-
vit, avec indifférence, s'établir, dans son quable enlre la force de résistance des di-
seiKj cette puissance a-lors si formidable et verses religions fondées sur les sentiments.
la Grèce, t>;à la religion chrétienne n'avait On peut prouver à na fo&mme qui craint!,
^u fonder ta constitution monarchique, fut que sa crainte n'est pas fo»dé«r et le con-
seumisej, pour plusieurs siècles,, à la reli- vaincre or, eonvaiacre- un homme qa-'W a
gion la plus oppressive et ai$ gouvernement tort 4e craindre, c'est t& rassurer, c'est foi
le plus destructeur. ôter sa crainte, est le délivrer tTua senti-
Orta voulu, comparer Moïse et Mahomet ment tyra-nnkjue, c'est lui rendre: sow libre
comme législateurs la comparaison était arbitre, et l'honafiae tend toujours œâ'eïîces-
( i) '• La perséculiori poiitifjuc la plus rigoureuse ne diminue pas îc nombre des Catbolïqiics d'Irlande,
1-1
saisir; mais on peut prouver à quelqu'un Quso regio ln terrisnostri non plena laboris?
qui aime, qu'il a tort d'aimer, sans le con- (Virg., Mneid. i, vers. 459.)
vaincre. La conviction est douloureuse, peut dire cette religion sainte, objet, depuis
parce qu'au sortir de l'amour, si je puis le tant de siècles, de la fureur la plus Opiniâ-
dire, l'âme tombe dans le néant du senti- tre, et destinée à d'éternels combats (1).
ment, ce qui est pour elle la situation la L'erreur a, dit-on, ses martyrs, comme la vé-
pins horrible, puisqu'elle est, par sa nature, nW;âussi ce n'est pas uniquement sur l'obs-
faite pour aimer; car, par sa nature, elle tination de ceux qui meurent pour une reli-
tend à sa conservation, dont l'amour est le gion, mais sur leurs motifs, qu'il faut la
principe. Ainsi, dire à quelqu'un qui aime
qu'il ne devrait pas aimer, c'est dire à une
j juger d'ailleurs, si Vopinioh fait des mar-
Ityrs à la naissance d'une secte, le sentiment
pierre qui tombe, qu'elle ne devrait pas tom- en
< fait dans tous les temps, parce que l'a-
ber. Il faut opposer à l'amour un amour su- mour est un principe et le seul principe (le
1
périeur, comme il faut opposer à la force de conservation.J'aurai
< occasion de développer*
a pierre qui tombe une force supérieure ces
( vérités elles sont aussi importantes en
qui l'empêche de tomber. Le païen, asservi morale
i qu'en politique. J'en fais l'applica-
à une religion de crainte sans amour ou de tion
t à Ja religion mahométane, et je ne crains
haine, embrasse volontiers le christianisme pas
] de dire que, s'il s'élevait en Orient une
qui est une religion d'amour; et c'est ce qui j puissance
1 chrétienne, l'islamisme n'y sub-
explique la facilité avec laquelle les peuples sisterait pas un siècle; parce que cette reli-
idolâtres se convertissent la religion chré-
s
gion,
£ purement d'opinion, n'a d'autre pou-
tienne; car des religions qui sont contre la voir
y conservateur que le pouvoir politique,
nature de l'homme doivent nécessairement < que tout y est contraire à là nature da
et
le céder à une religion qui est dans la na- ]Dieu et à la nature de l'homme. L'empire
ture de l'homme. Le Juif, soumis à une re- (ottoman, dépendant comme Je sont toutes
ligion d'amour, mais imparfait ou d'attente, les
] sociétés non constituées, ne se sou-
abandonne plus difficilement sa religion; ou tient
t que par le système général de l'Eu-
s'il y renonce, ce n'est pas pour devenir irope, qui déjà, n'est plus le même. Dans son
idolâtre ou musulman, mais pour embrasser état
i d'ignorance et de barbarie, il ne peut
le christianisme, religion d'amour parfait ou lutter
1 contre des nations civilisées, ni se
jouissant; car, dans tous les genres, ce qui civiliser
( sans renoncer à ses opinions reli-
est imparfait tend nécessairement à de- gieuses.
| Il sera donc détruit, et sa destruc-
venir parfait, parce que la nature des êtres ttion est dans la nature des choses, parce que
tend à établi des rapports nécessaires ou la
1 civilisation est dans la nature de la so-
parfaits ainsi, la future conversion des ciété
c un grand événement, dans la société
Juifs, qui est une vérité de foi, peut aussi religieuse,
r tient peut-être à cet événemenî
être démontrée par le raisonnement. de
c la société politique. Il me semble, dans
Le Chrétien, gui orofesse une religion 1l'ordre des choses et des événements,
que la
j'amour parfait ou jouissant, n'y renonce société
s chrétienne, attaquée avec fureur,
jamais que pour tomber dans le néant reli- réunisse
r toutes ses forces en faisant cesser
gieuioudans l'athéisme. Qu'on se rappelle l division qui sépare l'Eglise d'Orient de
la
l'effroyable quantité de Chrétiens qui ont celle
c d'Occident. Qui sait si les conquêtes
péri dans les persécutions des empereurs qque méditent de grandes puissances n'opé-
romains; en Perse, sous Sapor; en Afrique, reront
r pas un jour le rapprochement des Là-
par les Vandales; en Asie, par les sectateurs tins
t et des Grecs assez punis de leur schisme
ue Mahomet; de nos jours, au Japon, et, j une longue oppression? Qui sait si une
par
puisqu'il faut le dire, sous nos yeux, en princesse,
f qui a tant de grandeur dans l'es-
France; car il ne faut pas se dissimuler que prit
p et de justesse dans les vues, n'est pas
la persécution qui pèse sur une partie de destinée à préparer une réunion, dont le
d
l'Eglise chrétienne, et qui la menace tout génie
g de Pierre le Grand avait soupçonné
entière, est la persécution la plus dange- l'utilité,
l' et dont de petits motifs lui firent
reuse et la plus profonde dans ses moyens, abandonner
a le projet? Des politiques de
que la religion ait essuyée. Hélas 1 CQUlittoirs
c verraient, dans l'envahissement
(1) L'Eglise doit combattre jusqu'à la (in des ligion, l'exigence de Dieu et l'immortalité de l'âme.
!i
temps pour la défense de ses dogmes. Mais tous ses
dogmes ont été successivement attaqués, et enfin
Que
(j reste
combats
t- donc à attaquer, et à .quels. nouveau*
l'Eglise est-elle réservée?
Kiupiélé a attaqué les cléments mêmes de toute re-
c
de l'empire turc, ou, pour mieux dire, dans arbitre a t nomme, ei tout menie a mss ac-
la restauration de l'empire grec, la ruine de tions, en les faisant regarder comme inévita-
quelques nations qui font aujourd'hui le bles, est un de leurs dogmes fondamentaux.
commerce du Levant; mais quand ces na- Telle est cependant l'influence qu'a sur la
tions ne vendront plus leurs draps au Levant, société politique ce monstrueux mélange de
elles y porteront des vins, des eaux-de-vie, judaïsme et de christianisme, qu'il a em-
ou d'autres productions de leur sol. Si les pêché le despotisme des lois de s'établir en
habitants de ce nouvel empire font eux- Turquie, et qu'il y a borné le pouvoir du
mêmes un commerce dont ces nations ont souverain; mais il y a établi le despotisme
aujourd'hui le profit, il naîtra de leur civili- des mœurs, et cette société n'a jamais pu dé-
sation mômeîd'autresbesoins qu'une indus- fendre son pouvoir contre les caprices du
trie nouvelle s'empressera de satisfaire. peuple ou les violences de la soldatesque, ni
Cette réflexion est particulièrement appli- la faiblesse d'un sexe contre les passions ty-
cable à la France; mais si elle est moins ranniques de l'autre.
commerçante, elle n'en sera que plus forte CHAPITRE IV.
je dirai plus, et à méditer attentivement sur
l'état présent de l'Europe, sur les intérêts et ORDRES MONASTIQUES.
les vues probables de quelques puissances,
on est tenté de remonter jusqu'au règne de La religion chrétienne,conduisait insensi-
François 1", pour chercher dans nos liaisons blement à sa perfection l'édifice de la société
avec la Porte ottomane, commencées sous civile, en hâtant par ses développements les
ce prince, une des mille et une causes, sinon progrès de la société politique.
de l'origine, du moins de la durée de nos La société religieuse arrachait à la société
malheurs. naturelle des hommes qui lui étaient inuti-
Je ne m'arrêterai pas sur le parallèle que les, et elle en formait des corps dont les
quelques insensés ont voulu établir enirre membres se dévouaient tout entiers au ser-
la législation de Jésus-Christ et celle de Ma- vice de la société civile, en consacrant à son
homet. Qu'a de commun, en effet, le faible utilité leur esprit par le vœu d'obéissance,
empire de ces esclaves, qui n'a d'autres res- leur cœur par le vœu de pauvreté, leurs sens
sources que nos divisions, d'autre défense par le vœu de chasteté. C'étaient de petites
que la peste, avec la prospérité, les progrès, sociétés, qui, pour l'utilité de la société gé-
la force toujours croissante des sociétés fi- nérale, faisaient à Dieu le sacrifice de l'hom-
bres et chrétiennes? Et qu'on ne dise pas me et celui de la propriété.
que je compare les sociétés politiques plutôt Je l'ai dit ailleurs, la société, pourparvenir
que les sociétés religieuses; car il est aisé à sa fin, qui est la conservation des êtres qui
de voir que la religion mahométane ne pour- la composent, réprime la force de l'homme
rait pas plus s'unir à la constitution monar- ou sa passion de dominer, et protége sa fai-.
chique, que la religion chrétienne ne pour- blesse.
rait s'allier avec le gouvernementturc. « Sur Ainsi elle instituait les ordres militaires
le caractère de la religion chrétienne et et religieux destinés à défendre le commer-
celui de la mahométane on doit, sans autre çant et le voyageur des violences des peu-
examen, embrasser l'une et rejeter l'autre; ples barbares que leurs conquêtes avaient
car il nous est bien plus évident qu'une re- rapprochés de l'Europe. Elle instituait la
ligion doit adoucir les mœurs des hommes, chevalerie, destinée à protéger ta faiblesse
c est-à-dire, conserver l'homme moral, qu'il uu sexe, et faisait servir ainsi la force de
ne, l'est qu'une religion soit vraie. » (Esprit
1 homme à la conservation de la société. Elle
des loisj établissait des ordres Hospitaliers, pour pro-
La religion manométane n'est pas une re- téger la faiblesse de l'âge avancé et celle de
ligion.de sentiment elle n'a donc pas de la santé des ordres Prêcheurs, pour proté-
sacrifice, elle n'est donc pas une religion; ger la faiblesse de la condition, en répan-
elle ne défend donc pas l'existence de Dieu et clant dans le peuple, par l'instruction pu-
la foi de l'immortalité de l'âme, c'est-à-dire blique, la connaissance des vérités religieu-
qu'elle ne conserve pas plus l'homme moral ses et morales; des ordres savants pour
que le gouvernement ne conserve l'homme conserverau milieu du dénûmént absolu des
physique. Aussi l'athéisme se répand en connaissances, les richesses littéraire^ de
Turquie; et 'e fatalisme, qui ôte tout libre l'antiquité, et pour protéger la faiblesse a«
l'enfance, en lui donnant l'éducation publi- quesarrachent l'homme à sa famille, pour le
que des ordres contemplatifs, pour proté- dévouer à la conservation de la société ci-
ger la faiblesse du coeur, en ouvrant un asile vile, ils remplissent un autre objet moins
à ces âmes ardentes qu'une sensibilité ex- aperçu, et non moins important à sa conser-
cessive peut rendre dangereuses à la société, vation ils diminuent le nombre des famil-
ou malheureuses par la société. Certains or- les, et arrêtent ainsi, sans violence et sans
dres se vouaient à la sublimefonction de dé- crime, les progrès toujours croissants d'une
livrer des fers des barbares -les Chrétiens population dont l'excès dangereux a été dans
qui gémissaient dans l'esclavage, et d'autres tous les temps l'objet des craintes, et sou-
à l'héroïque mission d'étendre, au péril de vent des précautions les plus immorales des
leur vie, les bornes de la civilisation et de législateurs les plus vantés.
la religion chrétienne; et les uns, comme On n'étudie pas assez la marche des cho-
les autres, protégeaient la faiblesse, de la ses dans la conservation de la société ci-
condition dans le captif, comme la faiblesse vile.
de l'esprit dans le sauvage. Les ordres mo- Lorsque, par un mouvement général im-
nastiques qui subsistaient des dons offerts primé à tous les peuples du Nord, la Provi-
] ar la piété, plus rapprochés du peuple par dence conservatrice de la société eut détruit
leurs habitudes, et surtout par leurs besoins, le despotisme de l'empire romain, et établi
se consacraient, dans les campagnes, aux à sa place dans toute l'Europe la constitu-
fonctions du saint ministère. Enfants de la tion monarchique, il s'écoula un certain
Providence, ils étaient pour le peuple, qui temps avant que ces nations aventurières
s'élève difficilement aux idées spirituelles, eussent perdu le goût des émigrations et
une preuve vivante et visible que la religion des entreprises. Ainsi les eaux de la
prend soin de ceux qui se dévouent au ser- mer, soulevées par les vents, se balancent
vice de la société. Ils entretenaient dans l'ha- encore longtemps après que les vents ont
bitude précieuse de la bienfaisance, des cessé.
hommes trop attachés à leurs intérêts tem- Cependant l'Europe respirait des dévasta
porels. Dans des sociétés où il n'y aura per- tions effroyables des barbares, et des guerres
sonne à assister, tous les cœurs seront fermés cruelles qu'ils s'étaient faites entre eux. Elle
à la compassion, toutes les mains à la bien- se repeuplait; car la population s'accroît
faisance, toutes les- demeures à l'hospitalité. plus rapidement après les grandes agitations
Aussi le pouvoir conservateur de la société de la société, si une bonne administration
religieuse, et par conséquent de la société seconde la nature. Bientôt les grandes so-
civile, qui sait de quel prix sont, pour la ciétés de l'Europe se divisent en petites so-
conservation de la société, la pratique et ciétés, et les guerres privées commencent
l'exemple de la charité, nous dit lui-même
«, Encore un siècle de guerres privées, dit
quenous aurons toujours des pauvres au mi- Hénault,« et c'étaitfaitde l'Europe. »Un nou-
lieu de nous fait bien digne de remarque, veau mouvement est imprimé à cette popu-
que le moment où les gouvernements tra- lation immense l'Asie est punie, et l'Eu-
vaillaient avec le plus d'ardeur à bannir de rope est sauvée. La société religieuse prête
leurs états la pauvreté, ou plutôt la mendi- à se spiritualiser, parce que l'homme, par le
cité, ait été l'époque de l'expropriation la développement de la société, allait devenir
plus générale, et par conséquent de l'indi- plus intelligent, envoie les peuples ranimer
gence la plus universelle 1 leur foi pour la Divinité, par la vue du tom-
Les ordres de filles se vouaient à l'éduca- beau de ]'Homme-Dieu. Jl me semble voir
tion des jeunes personnes, à l'instruction de des enfants qui vont, pour la dernière fois,
l'enfance, au soin des malades, à la direction revoir les lieux de leur naissance, ces lieux
des hôpitaux, et faisaient servir ainsi à la dont ils vont être séparés par des espaces
conservation de la société les personnes du immenses, et avec lesquels ils n'entretien-
sexe, que leur goût et leur position ren- dront plus de communicationque par le sen-
daient inutiles et par conséquent dangereu- timent et la pensée. J'ai fait voir tout ce que
ses à la société naturelle. Ah que la philo- la société civile avait gagné à la fureur des
sophie acquitte les fondations de la religion, croisades mais, pour épargner à la société
ou qu'elle lui permette de les acquitter elle- ces terribles bouleversements, la volonté
même! générale conservatrice de la société civila
Eu même temps que les vœ x monasti- avait depuis longtemps jeté les fondements
607
de 1.. OEUVRES COMPLETES UI~
1 ces établissements qui. devaient prévenir
i
célibat dont ils imposaient la loi, et par l'ex- Si l'invention des machines, s uMont celle
trême division des terres qu'ils prévenaient; ddes moulins à blé, dont, pour cette raison,
car, dans le même temps que des hommes .A Montesquieu révoque en doute PutitHé» si
consacraient leurs personnes à lâ.oonserva- l'art
K de l'imprimerie en économisant les
tion, de la société» et s'interdisaient, pour lui b
bras> laissent Un plus,grand nombre d'hom-
être utiles, jusqu'à la ,faculté de posséder n disponibles pour la guerre (car^l nefaut
mes
rien en propre, d'autres hommes consa- p oublier, que l'homme est toujours occupé
pas
craient, leurs propriétés à la subsistance de à conserver, la société ou à la détruire) si
ces pauvres volontaires, et la plus grande l'l'art militaire lui-même, perfectionné par la
.:.
charité se trouvait ainsi placée à côté du
plus extrême besoin*
On a vu que, dans toutes les sociétés an-
ddécouverte de la poudre à canon, consomme
plus
p
médecine
il
les choses et moins les hommes si la
perfectionnée, l'usage du linge
ciennes, l'exposition publique ou le meur- pplus répandu, des aliments plus sains, des
tre des enfants était autorisé par les lois, soins
s< mieux entendus dans les administra-
adopté par les mœurs,; et que la politique tions, rendont les famines ou les maladies
ti
imposait silence à la nature. Ces lois op- contagieuses
& plus rares et moins" meurtriè-
pressives, également contraires à la société res,
n la volonté générale de la société mon-
politique et à la société naturelle puis* tre à l'Europe l'Aniérique, vaste gouffre où
ti
qu'elles permettaient à l'homme d'attenter v s'engloutir l'excédaut de la population
va
aux jours de l'homme, et au père d'ôter la d l'Europe l'Amérique, qui consomme ies
de
vie à son propre fils, ne pouvaient subsis- hommes
h par les chances périlleuses de l'a*
ter dans des sociétés constituées, réunion varice,
v qui les consomme par les fruits ftfners
d'êtres semblablespour leur conservation na- dde la volupté 1
turelle, et dans lesquelles les lois doivent La. conservation des sociétés exige donc
être des rapports nécessaires; dérivés de la qu'elles
q aient toutes des moyens de con-
nature des êtres. La volonté générale cou- sommer un excédant de population, qui de-
si
servatrice de la société accordera la poli- vient
V infailliblement dangereux à leur pro-
tique et la nature elle maintiendra, dansla p tranquillité et à la tranquillité générale.
pre
société politique sans violence et sans 1L'Angleterre, l'Espagne, le Portugal, là Hol-
crime, une proportion nécessaire entre la lande, ont leurs colonies j l'Allemagne* lé
U
force qui doit réprimer et la force qui doit Suisse, l'Italie» l'émigration insensible et
S
être réprimée. Une maladie nouvelle, in- l'industrie
1' voyageuse de leurs habitant-s
connue dans les sociétés anciennes, se ma- 1< Nord a le célibat militaire, lé Midi le cé-
le
nifeste tout à coup dans nos. climats elle libat religieux la Russie a. ses déserts et
li
attaque l'homme dans l'âge le plus tendre, s armées; la. Turquie la pestset la guer-
ses
et si trop souvent elle coûte des larmes à la r la Chine les famines ^fréquentes et l'ex-
re
famille, elle épargne des crimes à la société position
p publique; le Japon l'avortement
et lorsque l'humanité gémit sur le sort de forcé.
fi La France avait les colonies, Je com*
tant d'innocentes victimes que ce fléau ter- merce, le célibat religieux et militaire}
fl
rible eulève au sein qui les nourrit, un sen- d tous ces moyens, grâce a la révolu-
de
timent consolateur apprend à l'homme que tion,il
ti né lui reste que le militaire i e'e&t
ces êtres intéressants ne sont arrachés à la fa du repos de l'Europe, et peut-êlre du
fait
société politique, que pour composer la so- bbonheur de l'espèce humaine, si la France
ciété religieuse. L'homme qui n'est ici-bas est
ei réduite à détruire les autres sociétés-
que pour perfectionner ses moyens de con- ppour se conserver elle-même, A la vérités
servation physique et morale, cherchera à l'affreusedépopulation causée par la guerre,
1'
se, préserver des ravages de cette cruelle et la consommation prodigieuse de jeunes
ei
maladie. y réussira peut-être, mais il ne g
gens, bien plus sensible dans quelques an-
parviendra pas à déranger un équilibre que nées,
n lorsque la génération qui précède ne
la volonté générale de la société tend à éta- sera
si plus, peuvent rassurer llEurope, pour
blir et lorsqu'il se flattera d'avoir conservé bbien des années mais lès années ne sont
à la société politique des générations en- qque des jours pour la société, et il n'est pas
tières, ces mêmes générations seront mois-, douteu-x
d, que la fertilité du sol, le bon mar-
sonnées par des événements qu'il lui, sera ché
cl des subsistances, l'abolition du célibat
religieux, la diminution des grandes fortu- vent à l'état des propriétés utiles, telles que
nes, un partage plus égal de terres, des pas- les forêts; et ils émploient l'excédant de
sions plus exaltées dans un gouvernement leurs richesses à faire à là propriété géné-
fondé sur toutes les passions n'eussent rale des améliorations, que l'individu le
bientôt rétabli dans la France république plus opulent n'a ni les moyens ni là vo-
tine population égale ou même supérieure lonté d'entreprendre, et qui demandent un
à eêlte qui y existait avant la révolution. esprit de suite et de perpétuité qui ne peu|f
Je ne puis terminer ce chapitre sur les se trouver que dans les corps.
ordres monastiques, sans faire quelques ré- 3" Leurs richesses peuvent et doivent être
flexions sur les dispositions dans lesquelles la dernière ressource de l'Etat dans ses ex<-
pourraient être quelques souverains catho- trêmes besoins c'est un trésor confié à la
liques à supprimer dans leurs Etats les garde de la religion, et que le gOuverne-
ordres religieuxj'examinerai cette mesure nement peut-être eût dissipé et jamais une
sous des rapports moraux et physiques, société catholique ne sera en danger d'être
double point de vue sous lequel il faut con^ détruite, ou envahie que la fèligiôû né
sidérer la société et tout ce qui lui appar- s'empresse d'employer à sa défense les tré-
tient. sors dont elle est dépositaire je dis à sa
Rapports moraux ou religieux 1° si les défense, car la religion ne doit pas servir
souverains mettent quelque intérêt à entre- les projets de t'ambition.
tenir leurs peuples dans la religion, c'est-à- On attribue la dépopulation de l'Espagne,
dire dans l'amour de Dieu et dans l'amour sa -faiblesse apparente et celle de quelques
des hommes ( 1 ), ils doivent sentir l'im- états d'Italie au nombre excessif des cou-
portance de laisser au milieu de la société vents mais on he fait pas attention que,
l'exemple d'hommes qui renoncent à leur lorsque l'Espagne donnait le ton à toute
fanmle et à leur propriété pour se consacrer l'Europe, et qu'elle produisait les prodi-
entièrement au service de Dieu et à celui gieux conquérants du nouveau monde, et
des hommes. les grands capitaines de ses guerres d'I^lie,
2° La religion chrétienne ne fait .à per- elle avait autant de couvents qu'aujourd'hui,
sonne en particulier un devoir de l'état mo- et bien plus de religieux^
nastique mais elle fait un devoir à la so* Depuis cette époque, sa population s'est'
eiété polititju« constituée, de conserver des extravasée en Amérique mais là faiblesse
modèles de l'état le plus parfait qui puisse d'une société constituée vient rarement de
exister pour l'homme intelligent, c'est-à- sa dépopulation, et s'il faut à un Etat une
dire de l'état où J'homme ne s'occupe, ex- grande population pour attaquer, il en faut
térieurement du moins, que de Dieu et des à une société constituée une bien moindre
hommes, et point du tout de soi. pour se défendre. La faiblesse intérieure de
Motifs politiques 1° l'administration peut l'Espagne, et celle de quelques Etats d'I-
employer aux usages religieux et politiques taliei viennent des imperfections de leurs
les plus utiles, des corps dont les membres, constitutions et des faux principes de leufs
dégagés de tout autre soin, ont consacré administrations quand l'Espagne et l'Italie
toutes leurs facultés physiques et morales voudront développer leur constitution et
au service de la société, par les motifs les perfectionner leurs administrations, el-les
plus puissants qui puissent agir sur l'hom- n'auront
] rien à désirer, rien à craindre des
me dés corps qui, par leur opulence ¡autres puissances. Le système dé l'allonge-
même, offrent à l'administration, dans les jment ou du raccourcissement des fibres, par
usages auxquels ib peuvent être employés, 1lequel Montesquieu veut prouver que l'hom-
de grands moyens d'économie. me
i du Nord est exclusivement propre à la
2° Les ordres monastiques, en prévenant j
guerre,
1 ne doit pas décourager les souve-
l'excès de la population, et par conséquent, rains
i du Midi. Deux des plus grands hommes
l'extrême division des propriétés, cûnser- de
( guerre des temps modernes, qui ont le
(1) Un peuple qui a le sentiment de Dieu peut sieurs
être un peuple vicieux, et c'est toujours la faute de s usages religieux, ou la permission donnée
au
s peuple de travailler le dimanche, en disant qu'il
l'administration mais un peuple athée deviendra vaut mieux que le peuple travaille le dimanche, que
un peuple abominable, et il faudra qu'une révolu- ti s'enivrer au cabaret
de cela est faux. Que le peuple
tion le' détruise pour le recommencer. Oii tentend jure,
i qu'il batte, qu'il s'enivre, mais qu'il ait de
se
uca
tles zélateurs peu éclairés de l'ordre publient des
niœûis, justitier la suppression indiscrète de plu-
OKuvBfcS coau'l, bis M. dis Bon Ai.D 1
11la religion car ou peut avoir de la religion avec
des
d passions.
~ra~mvn~
l'c.1.i:)i:)IVllo:t.
90
plus oDsërvé et manié l'homme, et dont que l'Europe pourra faire avant cent ans
par conséquent l'autorité est d'un autre II ne faut donc pas détruire les ordres
poids que les opinionsd'un bel esprit, Henri religieux, comme ont fait quelles souve-
de Rohan et le maréchal de Saxe pensaient rains, pour.établir à leur place des fabriques
que l'Italie était encore la pépinière des d'objets superflus qui font renchérir les
meilleurs soldats « Le courage y som- bras pour l'agriculture sans rendre moins
eille, dit le Plutarque français, et si l'on chères les productions mêmes de ces fabri-
changeait la constitution politique de ces ques des fabriques qui altèrent le moral de
anciens maîtres du monde, ce serait le ré- l'homme en réunissant les individus de tous
veil du lion (1).» les âges et de tous les sexes, en allumant
On relève les accroissements qu'ont pris dans son cœur le goût du luxe et des be-
la population et le commerce dans les so-, soins factices qui altèrent son physique en
ciétés qui ont aboli l'état monastique, c'est-; ^occupant à des travaux sédentaires pour
à-dire dans les:sociétés qui ont embrassé la: lesquels la nature ne l'a pasfait. Mais il faut
religion réformée. Mais 1° l'accroissement' rendre les ordres religieux' utiles à la so-'
de la population n'est pas toujours un bien; ciétd, en les maintenant dans la1 destination-
2° l'accroissement immodéré du commerce pour laquelle ils ont été fondés, ou en leur
est toujours un grand mal mal moral, car en donnant de nouvelles que les développe-
l'amour de la propriété éteint dans la société; ments de la société peuvent demander; il
tout amour de Dieu et de l'homme mal faut surtout maintenir dans leur sein la su-
physique, car, il ôte à la société toute force bordination, et ne pas permettre que tout
intérieure de résistance ou de conservation. religieux mécontent trouve auprès des tri-
Les souverains, qui placent la suprême fé- bunaux séculiers un recours assuré contre
licité de leurs peuples et la gloire de leur son supérieur cet abus, était commun en
règne dans l'extension du commerce, ne font France, et tenait plus qu'on ne pense aux
pas attention qu'il n'y a peut-être pas au- principes de liberté et d'égalité, qui s'avan-
jourd'hui en Europe une seule ville dont les çaient peu à peu dans la société. Cet abus-
habitants, pour conserver la fidélité qu'ils est destructif de tout ordre, de toute règle;
doivent à leur légitime souverain, fussent, il dissout les corps pour protéger les mem-
disposés à soutenir les périls et les incom- bres et encore le recours aux tribunaux
modités d'un siège, et que ces exemples de séculiers ne sert jamais qu'aux mauvais su-•
courage et de dévouement étaient extrême- jets, car un bon. religieux doit souffrir et se
ment communs dans les siècles précédents. taire. Les supérieurs immédiats et naturels'
C'est surtout dans les troubles intérieurs des corps religieux doiventêtre les évêques,
qu'on peut juger la force de conservation et je crois que l'exemption de la juridic-
des diverses. sociétés. On verra la France se tion de l'ordinaire est contraire à la saine
retirer de l'abîme le plus profond dans le-! i discipline de l'Eglise, à l'intérêt de l'Etat, à
quel une société puisse être-tombée, par la l'intérêt des ordres religieux eux-mêmes."
seule force, de son principe intérieur ou re- Il n'est pas hors de propos d'observer que
ligieux. D'autres sociétés, placées dans les ces grandes fondations sociales ont presque
mêmes circonstances n'auraient pas les toutes pris naissance en France, en Espa-
mêmes ressources, et c'est une comparaison gne, en Italie, dans les pays où l'homme est
(î) 'Les souverains qui veulent accroître les fréquents dans quelques Etats d'Italie; él parce
moyens de prospérité et de force défensive de leurs qu'un pouvoir sans force ne peut réprimerles actes, (
Etats, -établissent* des fabriques dans le genre an- une religion toute extérieure ne peut rép-inier les
glais, et donnent à leurs troupes la discipline alle- volontés. H n'y a demœurspubliques.qttelàoùilya
maude. n faut cela peut-être, mais ce n'est pas assez; des hommespublics; il n'yadeshommes publics, que
il faut remonter -an principe, et développer la cons- làoù il y a une profession sociale ou publique. La ré-
titution qui vivifie à soit tour toutes les parties de volution française prouvera cette grande vérité, que
l'administration. Des sociétés monarchiques, dans les prêtres sont la force conservatricedelà société re-
lesquelles,le peuple engourdi dans l'oisiveté laisse ligieuse, et les nobles, de la société politique; et
les terres en. friche pour demander l'aumône dans c'est en sacripant leurs vies et leurs propriétés pour
les villes, et où la noblesse endormie dans le luxe demeurer fidèles au pouvoir de l'une et de l'autre
et le goût des arts se dérobe par orgueil ou par mol- société, qu'ils les rétabliront en France. C'est la- vé-
lesse aux professions sociales, n'ont ni moyens réels ritable raison pour laquelle les prêtres et les no-
de prospérité,ni véritnble force conservatrice. Mais bles sont les premières victimes dans les révolu-
un pouvoir sans force n'est pas un pouvoir aussi ces tions religieuses ou politiques. Les factieux, qui
sociétés ne peuvent conserver l'homme intelligent veulent établir leur pouvoir particulier à la place
qu'elles laissent avilit- dans la corruption et la fouiv du pouvoir général, cherchent à anéantir sa force
berie, ni même l'homme physique qu'elles laissent ou son action, parce qu'un pouvoir sans force n'est
détruire par la mulilation ou l'assassinat, crimes si plus un pouvoir.
VU M. *i*t t Ut V» \J 1 IIULiIUILLA, L.L y V. 014
plus aimant, parce que la constitution poli-,?
-,f guérie» Leibtiitz, qui avait étudié l'histoire
tique et religieuse y est plus amour, ou pluss en philosophe et en politique, reconnaît que
constituée comme les premiers réforma- '<cette puissance des Papes a souvent épargné
leurs se sont élevés en Angleterre et eni T de grands maux. » Si cette question se déci-
Allemagne, c'est-à-dire dans les pays où laa dait par l'autorité des noms, on pourrait op-
constitution politique et religieuse est pluss poser le nom de Leibnitz à celui d'une foiilee
opinion et système. A voir l'état présent de3 d'écrivains inconsidérés .ou prévenus, qui
la France, on peut conjecturer, sans trop de3 ont déclamé à tort et à travers contre la puis-
témérité, qu'il s'y prépare l'établissement de3 sance des Papes, parce que les déclamations
quelque corps dont la destination soit à laï sont commodes, et qu'elles dispensent l'é-
fois religieuse et politique, tel que serait unî crivain de prouver, comme le lecteur de ré-
corps consacré à l'éducation publique, parce fléchir.
qu'un établissement de ce genre est néces- Ce n'était pas seulement des passions guer-
saire à la conservation de la société ci- rières de leurs chefs que la religion cher-
vile (i;. chait à préserver les peuples; elle cherchait
CHAPITRE V. encore à les défendre des passions volup-
tueuses de leurs rois. On voit fréquemment,
EFFETS DE L'AUTORITÉ DES PAPES. dans l'histoire des temps anciens, des rois
repris, pour avoir contracté des mariages
La société civile était arrivée à la fin du illégitimes,
pour ne pas renoncera à un com-
xv* siècle. Jusqu'alors l'Europe pouvait merce scandaleux, pour donner enfin à leurs
être considérée comme une seule famille, peuples des exemples aussi funestes à la
troublée quelquefois, il est vrai, par les pas- ciété politique so-
que contraires à la société
sions de ses membres, parce qu'il ne peut religieuse. La société était alors un enfant,
pas plus exister d'hommes sans passions, que que la religion, sa mère, corrigeait avec la
de sociétés sans, hommes, mais réunie
par verge; devenu plus grand et plus raisonna-
un intérêt commun, je veux dire, par lat ble, l'autorité est la môme mais les moyens
même religion publique et les mêmes senti- sont différents. Au reste, quels
que soient
ments de respect et de déférence pour un ceux que J'Eglise emploie, et qui doivent
chef commun, que sa dignité séculière ren- convenir
dait l'égal des rois, que son caractère spiri- chrétiens
aux temps et aux hommes, les rois
iuel et ses fonctions religieuses rendaient ront « ne doivent pas oublier qn'ils n'au-
i de puissance réelle sur leurs peuples,
supérieur à fous les Chrétiens. qu'autant que les peuples seront persuadés
Plus d'une fois le père commun des fid,è-
les avait interposé sa médiation, son auto-' doit que la religion en a sur eux l'homme ne
<
que, parce que ce n'est pas au Pape ,(i) qque de la considération et du respect des
iBais à l'Eglise en corps qu'appartient l'in- souverains,
S( qui tous ont le plus grand inté-
Iflillibilité. Cesotitlalesvrâisprincipes (2) rêt à maintenir l'Etat temporel du Saint-
ri
eji c'est la doctrine de i ugiise de France. Siége,
S et contre les troubles du dedans, et
Utissi il est essentiel d'observer que les jus- eontreles
e< attaques du dehors. Mais ces mê-
Ifs droits du Saint-Siège sont plus affermis mes
rr désordres tant reprochés aux Papes
êp France que dans aucun autre royaume éétaient presque toujours l'effet inévitable des
de la chrétienté, parce que son autorité y passions
p des princes chrétiens, qui, dans
est renfermée dans de justes bornes. Eni leurs
1< projets d'agrandissement ou de défense,
France, le pouvoir général de l'Eglise estt nne permettaient pas aux Papes de conserver
plus reconnu et plus respecté, parce que le» cette
c neutralité, qui convenait encore mieux
a caractère de Père commun
des Chrétiens
Pape ne peut pas, par les lois du royaume, au
y exercer de pouvoir particulier; au lieut
qu'à
q la médiocrité des forces du prince tem-
porel. La France, l'Espagne, l'Allemagne,
que dans les autres Etats chrétiens, et par- p
chacune un Pape français, espa-
ticulièrement en Allemagne, les justess voulaient
v
droits du Saint-Siège sont moins respectés, gnol,
g allemand, plutôt qu'un Pape chrétien;·,
elles voulaient moins un Pape général, si je
parce que le pouvoir particulier du Pape.yf e
m'exprimer ainsi, qu'un Pape parti eu
a des bornes moins précises et moins fixes.
puis
T
lier. De ià les intrigues de l'élection, et
Cette vérité importante doit être l'objet dess 1
(1) Luther comparait le Pape à un loup enragés Pape doiventêtre traités, s:lon lui comme des chefs
contre tcquet tout lu monde s'arme, sans attendrei de briganrfs. ete.
l'ordre des magistrats. Tous Ceux qui défendent le
femme mais elle est criminelle en ce qu'elle « Ju dicainus id
secreto facïendum, nempe ut
permet de rompre le lien conjugal en épou- lantumvestrœ
u Celsitudini, Ulipersonœ,acpau-
sant une seconde femme du vivant de la icispersonis
,c fidelibus constetCelsitudinisvestrce
première, qu'elle opprime par conséquent, animus « et conscientia sub sigillo confessionis.»
puisqu'elle la détourne de sa fin naturelle S" Le divorce est plus destructif de la so-
et politique, qui est le mariage. ciété
ci naturelle ou de la famille que la poly-
2° De même le divorce n'est pas criminel gamie,
g' puisqu'il sépare nécessairement les
en ce qu'il autorise la séparation d'avec une enfants
ei du père ou de la mère ce que ne
femme qu'on a épousée, puisque cette sépa ff pas la polygamie.
fait
ration est permise par l'Eglise et par l'Ktai 6° II est plus destructif de la société poli-
dans certains cas où des empêchements diri- tique,
ti puisqu'il exalte dans les deux sexes
mants n'ont pas permis aux conjoints de J'. l'amour déréglé de soi ou la passion, en lui
-former un véritable lien conjugal; mais en offranto; des voies légales de se satisfaire; et
ce qu'elle autorise la dissolution du lieu qu'en q même temps qu'il ôte tout frein à la
conjugal formé sans aucun empêchement, et force fc de l'homme, il laisse sans défense la
avec toutes les conditions requises pour sa fa faiblesse de la femme qu'il opprime, en
validité. l'arrachant à la famille dans l'âge où la na-
1'
3° La polygamie n'est pas criminelle parce tl ture lui permet de remplir sa fin sociale, la
qu'elle permet d'avoir plusieurs femmes à propagation
P de l'espèce humaine, et plus en-
la fois car dans la polygamie comme avec core, c lorsqu'elle est dans l'âge auquel sa na-
le divorce, l'union actuelle des sexes n'est ture ll lui refuse cette faculté, et. qu'elle n'a de
jamais que l'union d'un homme et d'une protection 'P que dans son époux,ni d'existence
femme. qque par ses enfants.
7° 11 est plus destructif de la société reli-
k" II est si vrai que le divorce et la poly-
puisqu'il permet de désirer la femme
gamie ne sont qu'une même chose, que Lu- gieuse,
ther l'autorise expressément par ces paroles d'autrui, en donnant la facilité de l'obtenir:
8° II est plus funeste à la tranquillité pu-
célèbres Si la maîtresse ne veut pas venir,
blique, puisque la polygamie se praiique
b
due la servante approche; et que lui-même trouble, et que le divorce ne peut
et ses théologiens permirent au landgrave sans s
s'exercer sans division.
de Hesse d'épouser Marguerite de Saal, du s
vivant de la princesse Christine de Saxe, sa 9" Il est plus funeste pour les mesurs, car
première femme, dont il avait plusieurs en- ilr permet la polyandrie à la femme, en
temps qu'il permet à l'hommela, po-
fants, et avec laquelle il promet même de même 1]
continuer à vivre. Les pièces relatives à ce l,lygamie. Dans les pays où la polygamie est
mariage, soupçonné dans le temps, mais permise, les femmes sent dérobée-s à la vue
tenu fort secret, furent rendues publiques, des d hommes. «Rien n'égale, » dit Montes-
dans le siècle dernier, par l'électeur Palatin, quieu, « la modestie des
femmes turques,
chinoises et persanes » au. lieu que, dans
et produites dans la forme la plus authenti- c
les pays où le divorce est autorisé, par la re-
1
que. Rien de plus curieux que l'exposé sur ligion,
lequel le landgrave fonde sa demande en 1 et où- son usage n'est pas réprimé par
bigamie, et la consultation théologique l'influence
1 secrète de l'exemple d'une reli-
dans laquelle Luther et sept autres théolo- gion qui le défend, il
n'est pas rare de voir
poussé. au point
giens des plus célèbres du parti, après avoir 1l'oubli des mœurs publiques
doctement établi la sainteté du mariage, et- qu'une c femme ne rougisse pas de paraître,
donné au prince les avis les plus graves sur dans € un cercle, au milieu de trois ou quar
la chastetéconjugale et la tempérance chré- tre époux
anciens ou nouveaux.
tienne,'conclurenten permettant la.bigamie 10? La loi qui autorise le divorce, est es-
:a Son Altesse qui leur avait promis la dé- sentiellement
s mauvaise, puisque les mœurs
pouille des monastères, et les avait mena- sont. £ obligées d'en réprimer, l'usage; or. une
cés de se raccommoder avec l'empereur. 1loi, qui est en contradiction avec de bonnes
Les docteurs exigent du prince qu'il tienne Jmœurs, est essentiellement mauvaise, puis-
'le cas secret, qu'il n'y ait que la personne (que de bonnes mœurs sont elles-mêmes une
qu'il épousera, et un petit nombre de servi- bonne loi.
teurs fidèles qui le sachent, en les obligeant H" La tolérance du- divorce-a produit les
même au secret &ous le sceau de la confession. plus ]
affreux, désordres partout, où elle a ete
C23 OEUVRES COMPLETES DE JW. DE RONALD. 624
introduite. Stork, Muncer, Carlostadt, des échafauds. Ses divorces multipliés
multioliés furent
premiers et des plus célèbres sectateurs de une véritable polygamie U eut six femmes
Luther, lui reprochèrent hautement que sa il en répudia deux, et en lit périr deux du
réforme, n'avait abouti qu'à introduire une dernier supplice. « II n'y a point eu d'exem-
dissolution semblable à celle du mahamétisme. ple«n Angleterre, » dit le président Hénault,
Dans la France république, le divorce est «
d'un despotisme si outré, ni d'un abandon
devenu une véritable polygamie et le dé- si lâche des parlements, tant sur le spirituel
sordre a été poussé au point que, dans l'as- que sur le temporel, aux bizarreries d'un
semblage d'hommes le plus immoral qui ait prince, qui,, à force d'autorité, ne savait plus's
.existé sur la terre, la convention, il a été que faire de sa volonté, et parcourait tous
proposé d'en défendre ou d'eu restreindre les contraires. Mais on lui passait tout en
l'usage. Et si elle ne l'a pas fait, c'est sans faveur de sa haine pour le Sainf-Siége (1)<S
doute qu'il lui a été donné de détruire, et non
La réforme était alors à la mode; il n'é-
de rebâtir. tait pas de théologien qui ne voulût faire
Le di vorce, dira-t-on, est assez rare, et n'a une constitution religieuse, comme il V-'y a
aucun effet funeste dans les pays où il est pas aujourd'hui d'tewjrae de lettres qui ne
permis; cela doit être. Ainsi,, dans les pays veuille faire une constitution politique, Mais
eû.la religian n'est plus sentiment, mais si Luther avait, assez réformé, pourquoi ré-
opinion, le mariage lui-même n'y est plus formait-on d'une autre manière? et si sa
sentiment, mais opinion et convenance. Si réforme n'était pas suffisante, pourquoi y a-
l'homme dans ces. paysa encore urçsenUmeflt, t-il des peuples entiers qui s'en contentent?
ce n'est pas celui de l'amour. Là» l'homme Luther avait réformé la religion en Allema-
est éteint, il pense et calcule, Cette assertion, gne, Zwingle en Suisse, Henri VIII en An-
que je développerai ailleurs, ne paraîtra pas
hardie à ceux qui ont observe l'hommedans
j
gleterre il était réservé à la France de pro-
duire le second patriarche de la réforme. Ce
certains pays. fut
j Calvin, homme entier et atrabilaire, qui
L'exemple d'une religion sévère contient n'était que subtil, et qui se crut profond
ptus qu'on ne pense les désordres des opi- qui voulut être politique, et qui ne fut pas
nions Hcèneieuses et l'on verra tout à même
] théologien. Celui-ci s'écarta encore
l'heure que les sectes réformées sont des plus
1 de ta constitution religieuse. Luther,
religions dépendantes, qui ont hors d'elles- et
< même Henri VIII, avaient conservé, au
nxêmes, et dans leur apposition, avec la reli- moins
1 momentanément, la présence exté-
gion constituée, la cause de leur durée, rieure
] et réelle du pouvoir conservateur de
comme tes républiques ont hors d'elles-mê- 1la religion publique; Zwingle et Calvin
mes, et dans leur dépendance des moflar- l'anéantirent.
1
chies, la cause qui les conserve. Le sacrifice perpétuel fut, aboli ory le sat-
crifice,
( ou le, don de l'homme et celui. de la
CHAPITRE
CHAPtTME VIH,VHL propriété sont l'affile de l'amour, et il n'y a
}
KÉFORMJÎ I)E LA RELIGION EN ANGLETERRE, pas d'amour sans acte donc il n'y eut pas,
1
EN
dans les sociétés réformées,, d'amour ou de
SUISSE ET ES FRANCE.
sentiment de la Divinité; donc l'athéisme
Un moine fougueux et sensuel avait ré- social 5 ou public fut constitué. Calvin em-
formé la religion en Allemagne; un prince ploya, J pour propager sa doctrine et pour la
impudique et cruel la réforma en Angleterre. défendre,
( les; mêmes moyens que. ses pré-
Dans cette île célèbre, la réforme eut les (décesseurs dans la réformation, l'intérêt, la
mêmes causes, et le réformateur employa volupté, i la terreur; il donna des.biea&et des
les mêmes moyens, l'intérêt, la volupté et la femmes.
t Le clergé, fut dépouillé, et le di-
terreur. Henri VIII dépouilla l'Eglise de ses vorce permis. iii se servit de l'autorité qu'il
biens; il donna l'exemple des mœurs les avait e à Genève pour faire punir ses contra-
plus corrompues il fit couler le sang sur les dicteurs,
c même du dernier supplice,; ses
(1) Ni Luther ni Henri VIII n'auraient fait for- raisonneur
r méthodique, railleur amer, réformateur
tune en France; Luther l'eût révoltée par son, in décent, s'y fit des partisans. Il y a, ce semble,
d
tempérance, par l'emportement de ses discours et quelque
t\ chose de Luther dans 3.-J. Rousseau, et
les contradictions dç ses écrits Henri VHI par le d Calvin dans Vollaire
de aussi les écrits de celui-
despotisme de ses volontés et. la., barbarie, de ses ci
c ont-ils fait plus de mal en France, et les pa-
exécutions. Calvin bel esprit, écrivain élégant, radoxes-
i de Fa.utre en Allemagne.
sectateurs prirent les armes, et leurs géné- tistes
tis se divisèrent en quatorze sectes, les
raux, à la requête des consistoires, donné- sacramentaires
sai en neufbranches, les coffres-
rent des ordres pour contraindre les papistes su
sionnistes en vingt-quatre, les luthériens en
à embrasser la réforme par taxes, par loge- treize,
tre les calvinistes en six, sans compter
ment, par démolition de maisons et par dé- les
le; sociniens, les nouveaux ariens, les qua-
couverte de toits. Je ne dissimule pas que kers, etc. (1). Le cardinal BeJlarmîn comp-
ke
les Catholiques usèrent quelquefois de re- tait, de son temps, je ne sais combien d'in-
tai
présailles, et d'une façon cruelle. Mais si terprétations différentes données a ces pa-
tei
les réformés n'étaient pas toujours et par- roles
ro Ceci est mon corps. (Matth.xxvi,26.)
tout les agresseurs, la réforme eut nécessai- L'histoire
L* de toutes ces variations a fourni à
rement l'initiative dans les troubles. Luther Bossuet
Bc le sujet d'un de ses meilleurs ou-
s'était marié, Zwingle s'était marié, Bèze vrages, et le plus propre à faire impression
vr
s'était marié; Henri VIII n'avait fait sa ré- sur
su l'homme qui a conservé assez de droi-
ferme que pour se marier; Calvin se maria tu et de lumières pour croire que la vérité
ture
aussi, ce qui fit dire plaisamment à Erasme: es une, et que la religion est vérité.
est
« II semble que la réforme n'aboutisse qu'à On ne doit pas s'étonner du nombre infini
défroquer quelques moines et à marier quel- de sectes qui naquirent de la réforme et qui
quès prêtres, et que cette grande tragédie divisèrent
di et déchirèrent l'Europe. If n'y a
se termine enfin par un événement tout à qu'une
qu manière d'aimer le même objet; mais'
fait comique, puisque tout finit en se ma- il
il y a une infinité de manières de penser sur
riant, comme dans les comédies. n Une lele même objet. ïl nepeutdoncyavoirqu'une
chose digne de remarque est que la réforme religion de sentiment; il peut y avoir une
rel
fut accréditée en Allemagne par le landgrave infinité de religions d'opinion. Les lois reli-
ini
de Hesse, qui voulait du vivant de sa femme gieuses,
gii celles qui constituent la religion
épouser Marguerite de Saal en Angleterre, publique, doivent être un rapport nécessaire"
pu
par Henri VIII, qui voulait divorcer d'avec dérivé de la nature des êtres sociaux or
dé
Catherine d'Aragon, pour épouser Anne de entre
en deux objets, il ne peut y avoir qu'un
Boulen, et en France par Marguerite de Na- rapport
ra; nécessaire; donc il ne peut y avoir
varre, princesse d'une vertu plus que sus- qu'une
qu religion constituée mais il y a, en-'
pecte. tre deux objets, une infinité de rapports non
tre
Ainsi l'Orient se perdit par fa polygamie, né
nécessaires; donc il y a un. nombre infini de
et t'Occident par le divorce. religions non constituées ou de sectes.
roi
On a vu le motif de la réforme; le pré- Ainsi, si l'on donne avec les Catholiques,
texte était les désordres des ministres de la à <ces paroles Ceci est mon corps, leur sens
religion catholique; mais eussent-ils été lit
littéral, on ne peut entendre que d'une ma-
plus monstrueux, c'était une raison pour nière la présence réeïte, et l'on croit Jésus-
ni<
réformer tes individus et non pour boule- Christ présent sous fes espèces qui le ca-
Ch
verser la société. Et d'ailleurs quelle réfor- chent, anssi longtemps que ces espèces sub-
ch
me que celle qui, pour réformer les hom- sistent sans altération et dans quelque lieu,
sis
mes, introduisait dans la société une disso- qu'elles
qu subsistent. On n*a qu'un rapport, et
lution semblable d celle du Ma~om~M~e ? et, il est nécessaire; car la présence de Jésus-
quelle que fût alors l'a dissolution des Christ sous les espèces est réelle ou elle ne
Cti
mœurs du clergé, prodigieusement exagérée Test
J*e pas, elle est continueHe ou elle ne l'est
par l'esprit de parti, Erasme lui-même, dont pa mais si Ton suppose, avec Luther, que
pas
la plume caustique n'épargne pas le clergé cei présence n'est qu'instantanée, on aura
cette
romain, trouve plus de piété dans. un bon un foule de rapports non nécessaires, puis-
une
évêque catholique que dans tous ces nouveaux que Jésus-Christ pourra être présent sous
qu
évangélistes. les espèces pendant un temps plus ou moins
les
Je ne parlerai pas du nombre infini de loi long, une minute, un quart d'heure, une
sectes qui pullulèrent de cette tige trop fé- heure,
he un jour, etc.; et dans la fixation du
conde. « Du sein de la réforme de Luther, tel temps pendant lequel on croira Jésus-Christ
de Zwingle et de Calvin naquirent mille sec- présent,
pri il n'y aura rien de nécessaire, ou
qu soit tel qu'il ne puisse être autrement. Si
tes aussi opposées entre elles qu'elles étaient qui
ennemies de l'Eglise romaine. Les anabap- l'on l'o suppose avec les sacramentaires, que la
(1} Piuquet, Mémoires pour servir à l'histoire des égarements de l'esprit humain, ou Diclionnultc
des hérésies.
présence de Jésus-Christ est purement figu- sonnement au dogme de l'autorité ensei-
rée ou intérieure, on pourra donner une in- gnante, et l'on trouverait que le seul point
finité de sens plus ou moins étendus à cette de réunion de toutes les sectes réformées
présence figurée et intérieure sens qui va- est qu'il ne faut point admettre d'autorité
rieront nécessairement avec le degré d'in- générale infaillible c'est-à-dire, de force
telligence, ou, si l'on me permet cette expres- publique ou sociale, force nécessairement
sion qui rend parfaitement ma pensée, avec conservatrice, puisqu'elle est dirigée par un
le degré d'intériorité de celui qui en rai- pouvoir général ou social conservateur;
sonne sens sur lequel deux personnes, bien rapport nécessaire et évidemment dérivé de
loin de pouvoir s'accorder, ne sont pas mê- la nature de la société ce sont ces rapports
me sûres de s'entendre, parce que la pré- non nécessaires, et leur infinité, qui ont
sence purement spirituelle de Jésus-Christ produit cette infinité de formes différentes
doit être plus ou moins spirituelle selon les de sectes divisées par leurs opinions, unies
par leur haine contre la religion consti-
dispositions plus ou moins parfaites, ou si
l'on veut, selon le plus ou moins de spi.ri-
tualité de celui qui le reçoit et tel était,
tuée.
C'est précisément parce qu'il n'y a sur ie
en effet, je nombre infini d'équivoques et même objet que deux rapports nécessaires
d'ambiguïtés auxquelles prêtait la doctrine un rapport positif et un rapport négatif, que
du sens figuré soutenue par Bucer, le plus Jésus-Christ est ou n'est pas sous les espèces
snbtil de tous les réformateurs, que Calvin eucharistiques, et que les réformés ne peu-
lui-même, son ami, et en quelque façon son vent s'arrêter à des rapports intermédiaires
disciple, « quand il voulait exprimer une et équivoques, qu'il n'y a pas de milieu
obscurité blâmable dans une profession de entre le catholicisme et l'athéisme comme
foi, disait qu'il n'y avait rien de si embar- d'ans les gouvernements, il n'y a pas, en
rassé, de si obscur, de si ambigu, de si tor- dernière analyse, de milieu entre la monar-
tueux dans Bucer même, et que Luther, zélé chie et l'anarchie.
défenseur du sens littéral qu'il se vantait On peut déjà apercevoir quelque chose de
même de défendre mieux que les Catholi- commun entre les sectes ou sociétés reli-
ques, traite avec une extrême dureté Zwin- gieuses non constituées, et les sociétés poli-
gle et ses sacramentaires, qu'il appelle une tiques non constituées. L'absence d'un pou-
faction à deux langues. » (Bosscet, Hist. des voir général conservateur multiplie à l'infini,
variations, liv. iv.) dans les unes et dans les autres les formes
Le fait vient à l'appui du raisonnement différentes de sectes, comme elle multiplie
les Chrétiens occidentaux comme les Chré- à l'infini les formes différentes de républi-
tiens orientaux, les Grecs comme les Latins, ques car on n'a pas oublié ce que dit Rous-
à la Chine comme à Rome, les Catholiques seau « que la démocratie peut embrasser
n'entendent que d'une manière les paroles tout un peuple ou se resserrerjusqu'à la
sacramentelles et la présenceréelle de Jésus- moitié. »
Christ sur les autels; mais les luthériens, Il est temps de développer cette liaison
les calvinistes, les ubiquistes, les sacramen- secrète et intime de la société religieuse et
taires, etc., entendent de différentes maniè- de la société politique, principe fondamental
res leur sens figuré ou leur présence mo- de la société civile et d'en faire l'applica-
mentanée et dans,.ehaque.. secte ;même ily tion aux gouvernements et aux religions
a des variations remarquables entre les doc- qui existent en Europe.
teurs. On pourrait appliquer le même rai-
LIVRE VI.
RAPPORTS DES SOCIÉTÉS RELIGIEUSES AUX SOCIÉTÉS POLITIQUES.
l'
amovibles, sans aucune hiérarchie entre
dans le doge, l'avoyer et le stathouder; mais a
l'autorité est entre les mains d'un certain eux. e
nombre de familles, qui ont encore le dépôt 4° Le gouvernement mixte dé monarchie,
dd'aristocratie et de démocratie comme il
et l'interprétation des lois, et qui forment
distinction héréditaire. l'est en Angleterre, c'est-à-dire, mêlé de
luthéranisme pouvoir général et de pouvoirs particuliers.
A ce gouvernement répond le
conservé
il y a un pouvoir général, mais négatif, qui
pur. 11 a une représentation de,
peut empêcher, mais qui ne peut pas faire.
pouvoir général, puisqu'il admet momenta- pU n'est pouvoir général pour conserver,
nément la présence réelle de Jésus-Christ, mais pas empêcher qu'on
pouvoir conservateur de la société reli- il pour ne détruise. Le
pouvoirpositif ou le pouvoir de faire est le
gieuse; t'autorité ecclésiastique est entre pouvoir particulier des pairs et des com-
les mains de superintendants, et dans quel- munes ce pouvoir n'est pas pouvoir conser-
ques endroits entre les mains d'évêques qui
distinction mais qui vateur;
v car s'il était pouvoir conservateur,
sont permanente, ne il
< ne faudrait pas de pouvoir qui eût le veto
reconnaissent point de chef. il
absolu sur ses résolutions. Il y a une
3° Le gouvernement démocratique, tel noblesse n héréditaire ou des distinctions
que celui de Genève, de quelques cantons sociales si permanentes, qui ne sont pas force
suisses. Le pouvoir général >n'y existe pas ou o action du pouvoir, puisqu'elles sont
même en représentation. Dans les vrais elles-mêmese pouvoir. A ce gouvernement,
principes de ce gouvernement, le pouvoir unique u dans les sociétés politiques, répond
devrait être entre les mains de tous, ce qui une u religion unique dans les sociétés reli-
veut dire que chacun devrait exercer son gieuses g je veux parler de la religion angli-
pouvoir particulier mais comme la démo- a cane ou épiscopale, qui est évidemment
cratie pure, selon Rousseau lui-même est mixte a de catholicisme, de luthéranisme et
impossible, et qu'un gouvernement ne sau- de d calvinisme. Le dogme de la présence
rait aller avec tant de pouvoirs particuliers, réelle
n ou le pouvoir conservateur de la
on en a forcément restreint le nombre, et il religion
n chrétienne, y est purement négatif.
n'y a qu'un certain nombre de citoyens qui, Ecoutons
E Burnet, l'historien de la réforme
sous le nom de conseil, de sénat, etc., puis- dd'Angleterre « L'Eglise anglicane a une
sent exercer leur pouvoir et celui des telle te modération sur ce point (de la présence
autres. Il n'y a point dans ce gouvernement réelle),
f que n'y ayant aucune définition
positive de la manière dont le [corps de llupté et de la terreur, c'est-à-dire par tout ce
Jésus-Christ est présent dans le sacrement qqui peut entraîner l'esprit, le. cœur et les
les personnes de différent sentiment peuvent sens
s de t'homme; et le pillage, le divorce et
pratiquer le même culte sans être obligées I, guillotine, ont été les pieux artifices dont
la
de se déclarer, et sans qu'on puisse présu- 1les nouveaux apôtres se sont se.rvîs pour
'1
1T«.. MJIU
La guerre de trente ans, allumée par dess tend à se constituer. Déjà l'on voit chance-
motifs de religion, se termina par un traitéi 1er cet antique édifice de la confédération
qu'on peut regarder comme la constitutiont germanique le clergé, la noblesse y seront
de l'aristocratie germanique parce que ramenés tôt ou tard à leur destination natu-
dans ce traité, les droits des membres de lai relle de force publique conservatrice de la
confédération et l'exercice des divers pou- société religieuse et de la société politique;
voirs qui la composent,furent définis et ga- les pouvoirs politiques se constitueront
rantis. La religion avait agi sur le gouver-
nement; le gouvernement, à son tour, at
• c'est-à-dire que les monarchies s'établiront
sur les ruines de l'aristocratie, et par con-
réagi sur la religion. A mesure que le gou- séquent le pouvoir religieux se constituera
vernement s'est écarté de l'unité monarchie• sur les ruines de la réforme; parce que la
que, la religion catholique s'est écartée de société religieuse, comme la société politi-
l'unité religieuse. C'est au sein de l'Alle- que, tend nécessairement, infailliblement à
magne catholique que, de nos jours, on a se constituer, et que la constitution est dans
demandé dans un ouvrage célèbre:Quid est la nature de la société, parce que la société
Papa (1) ? et le respect pour le Saint-Siège elle-même est dans la nature de l'homme.
s'y est extrêmement affaibli. L'observateur On peut même prévoir que la chule de la
remarque, dans le clergé catholique de plu-» Réforme, en Allemagne, sera accélérée par
sieurs parties de l'Allemagne, un secret pen- la Réforme elle-même, et le résultat néces-
chant pour les dogmes ou la discipline des saire des vues politiques dés chefs du corps
Eglises réformées penchant qui se trahit évangélique qui ne peuvent constituer
par l'admiration servile que le plus grand leur gouvernement sans détruire leur reli-
nombre de ses membres manifeste haute- gion. Je livre ces réflexions aux méditations
ment pour les écrits, les discours des mi- les plus profondesdu lecteur instruit il les
nistres rélVirmés, dont ils cherchent à imiter rapprochera dés événements présents et de
jusqu'au débit extérieur par l'altération de ceux qui peuvent en être la suite, des at-
la discipline et l'excessif relâchement de la teintes portées récemment à la constitution
loi de l'abstinence, de celle des habits germanique et des effets qu'elles peuvent
1
ecclésiastiques,l'introduction dans les égli- avoir.
ses du chant en languevulgaire, (2) et surtout La réforme de Calvin, qui abolissait tout
par l'improbation que, dans plusieurs lieux, pouvoir général, toute autorité unique dans
le clergé d'Allemagne a donnee au refus fait la société religieuse, tendit nécessairement
par celui de France, d'adhérer aux lois qui à établir la démocratie dans les sociétés
lui donnaient une constitution civile. Je vais constituées où elle pénétra, en y abolissant
plus loin; et fondé sur mes principes, j'ose tout pouvoir général et en y déchaînant tous
assurer que, si la société politique germa- les pouvoirs particuliers: Ce changement fut
nique ne se constitue pas, la société reli- projeté en France que les réformés voulaient
gieuse s'éloignera toujours davantage de sa diviser en républiques fédératives sous le nom
constitution naturelle, c'est-à-dire de la re- de cercles, subdivisés en cantons ( 3 ) il
(t) On assure que l'auteur de cet ouvrage est cher, la volupté du goût, le plaisir de la vie, la dou-
unévêquesun"ragant.[Eybel,qui l'a composé, était ceur du.repos, le bien-être, etc., etc., et je crois
professeurdedroit canon à Vienne, sous Joseph 11.J aussi de l'avoir t'ait conseillerantique.
(2) Quoique la connaissance de la langue la- J'ai lu un ouvrage manuscrit intitulé De l'état
tine suit, plus répandue peut-être en Allemagne de la religion en Allemagne, par un ecclésiastique
qu'elle ne l'est en France, il n'y est pas d'usage <
d'un grand talent et très-instruit, mort depuis peu,
(
que les laïques suivent les Oilices de l'Eglise, et supérieur
s d'uue congrégation en Allemagne; on y
l'on ne trouve pas même chez Ips libraires des li- ttrouve .des détails aussi curieux qu'ils sont affli-
vres allemands ou latins pareils à ceux connus en geants.
f
France sous le nom de Paroissiens. En général,
les laïques lisent les prières en langue vulgaire.
de ces ouvrages assez -récent et très-répandu en
Unvinistes,dans
Ce projet fut arrêté à J'assemblée des cal-
(5)
tenue à Privas enYivarais en 1621.
la révolution, le de fédéra-
a 11
Allemagne est intitulé Dieu est l'amour le plus pur. rreparu, sous nom
l
lisme. Plusieurs ministres réformés, membres des
C'est un recueil de prières sentimentales,où, dans d différ-entes assembléesqui ont opprimé la France,
une effusion de pur amour, l'auteur attaque le et
e Rabaut-Saint-Etienne, entre autres, en étaient
dogme des peines éternelles, et même le précepte les
L zélés promoteurs. La division de la France en
de la mortilicatiou chrétienne. Il t'ait Dieu si bon, départements
d devait conduire à ta diviser en répu-
si bon, qu'il lui Ole toute justice; il y a des litanies lbliques fédératives. Mais l'ambition atroce et ferme
du genre le plus épicurien et le plus bizarre, dans dde Robespierre a soufflé sur cesrêves politiques de
lesquelles l'auteur remercie Dieu de lui avoir donné lbeaux esprits et de pédants. Je ne crois pas que le
des organes Pour le. plaisir, le sens agréable du tou-
pprojet en soit abandonne'; il a toujours été la chi-
réussit à Genève, dont on se proposait de Si le calvinisme tend à établir la démocra-
faire le moule de ces républiques. Il réussit tie, si la démocratie tend à appeler le calvi-
dans les Provinces-Unies et sans doute.il nisme, un Etat calviniste et démocratique
eût réussi en Angleterre, sans l'opposition tout à la fois sera donc parfaitement tran-
qu'il éprouva de la part de la religion angli- quille, puisqu'il y aura un rapport parfait
cane, qui, plus constituée, puisqu'elle ne entre son gouvernement religieux et son
rejetait pas formellement le dogme de la gouvernement politique on se tromperait
présence réelle du pouvoir général de la so- de le croire. J'en appelle aux faits. 11 n'y
a
ciété religieuse, et qu'elle conservait dans qu'un seul Etat en Europe, celui de Genève,
l'ordre épiscopal une sorte de force publi- où le
pur calvinisme se trouve réuni à la
que, quoique dépendante du pouvoir politi- démocratie aussi pure qu'elle puisse exister;
que, lui opposa sa force de résistance. La et cependant l'exiguïté du territoire, le petit
société religieuse défendit en même temps nombre des sujets, les habitudes des ci-
la société politique, en sorte que le roi seul toyens, l'avantage de la position, la garantie
succomba, et la royauté fut sauvée. Point de trois puissances n'ont
< pu y maintenir
d'évéques, point de roi, disait Jacques 1" ce quinze
< ans de suite un état supportable de
qui était dire, en d'autres termes Point de tranquillité':
| et Rousseau appelle Calvin un
constitution religieuse, point de constitution profond
] politique 1 Je dis plus Dieu lui-
politique. même
j ne pourrait, sans un miracle toujours
Il se présente ici une réflexion importantesubsistant,
1 maintenir la paix dans une so^-
on a vu dans la première partie de cet ou- ciétéi sans pouvoir religieux et sans pouvoir
vrage, l'affinité qu'il y avait entre la démo- politique,
] et dans laquelle il n'existe aucun
cratie et le despotisme. Or le despotisme Jfrein, ni pour les volontés dépravées, ni.
n'est proprement que l'autorité militaire la pour
] les actes extérieurs de ces mêmes vo-
plus absolue. La démocratie s'alliera donc 1lontés.
naturellement à l'autorité militaire. Ecoutez J'ai dit que Genève était le seul Etat cal-
Montesquieu « Une règle assez générale est viniste et démocratique à la fois. En effet,
que le gouvernement militaire ( il parle du ttoutes les autres démocraties de l'Europe sont
despotisme des empereurs romains ) est, à catholiques,
< ou toutes les aristocraties sont
certains égards, plus républicain que mo- réformées.
i Et remarquez la différence même
narchique. » Mais si le cal vinismeappelle •politique des deux religions. Les républi-
la démocratie, si la démocratie s'allie natu- (ques catholiques, italiennes ou suisses,
rellement au despotisme ou à l'autorité mi- sont< plus tranquilles que les républiques
litaire, le calvinisme s'alliera donc à l'auto- réformées
i de la Suisse ou des Provinces-
rité militaire absolue. La preuve en est sous Unies.
1 La religion catholique se prêté à la
nos ypux. Les Etats monarchiquesd'Europe démocratie
( de Zug, comme à l'aristocratie
où le calvinisme est dominant, soit parce 1bourgeoise de Lucerne, comme à l'arislo
qu'il est la religion du prince, soit parce cratie
( patricienne de Venise, comme h l'a-
qu'il est celle de l'Etat ou du plus grand ristocratie
i royale de Pologne, comme à la
nombre de ses membres, sont les Etats de la jmonarchie autrichienne ou espagnole. Il est
maison de Brandebourget ceux de lamaison même i vrai de dire que la religion catholi-
de Hesse. Or le gouvernement, dans ces que ( convient bien mieux qu'une autre à un
deux Etats, est plus militaire que dans tous gouvernement
$ démocratique. « Moins la re-
les autres Etats de l'empire germanique, ou ]ligion sera réprimante, dit Montesquieu,
»
même de l'Europe chrétienne; il aurait «< plus les lois civiles doivent réprimer.»Donc
même une forte tendance au gouvernement moins les lois civiles ou le gouvernement
militaire le plus absolu, sil'autorité du chef
t
sera
< réprimant, plus la religion doit l'être.
n'y était tempérée par les vertus du prince, Le j calvinisme, inquiet et turbulent en Hol-
L'histoire donne des preuves bien plus dé- ]lande, à Zurich, à Genève, comme en Angle.,
cisives de la tendance du calvinisme à s'al- terre,
t comme en France, ne peut donc s'ac-
lier au gouvernement despotique en Angle-; corder
< avec aucun gouvernement moins
terre, le calvinisme a abouti au despotisme encore
< avec celui auquel il ressemble par la
de Cromwell en France, il a fini par la ty- conformité
( de ses principes et si la société
rannie de Robespierre. civile,
< celle qui assure le mieux la conser-
(1) Cette ruje n'est pas nouvelle M05 est Cal- reine
) d'Ecosse.
vinianorum àccusare falso, reosque criminum (2) L'observation en a déjà été faite par Mallet
agere
gruvis&imorum Caiholicos, dit Benoît XIV, en par-» Pan, dans le Mercure de France.
"aiil u~ ~a.a~
de la condamnation à jaori de Marie Stuart,
<?tTt. a ,m~t 4 GC marte &niar),
tj f~ t
du
(
21
Qu'il serait à désirer que la réunion reti- points, parce qu'on ne peut pas tes finir au-
gieuse des anglicans et des Catholiques pût trement
1 ce n'est pas avec des interjections,
opposer un contre-poids suffisant à la secrète des déclamations, des exclamations, des in-
tendance du presbytéranisme vers le gou- vocations sentimentales à f'Jïtrë suprême,
vernement populaire, et que dans les rétro- ài l'Etre des êtres, au grand Etrè, qu'on
lutions, que tant de causes peuvent produire produit
i l'amour de Dieu dans là société
en Angleterre, et dont sa constitution sera comme
< ce n'est pas avec des habits bien
le principe, bien loin d'en être le remède, le noirs,
i des rabats bien empesés, des perru-
peuple anglais pût arriver à la constitution ques
( bien poudrées, la démarche bien grave,
< la voix bien mielleuse, qu'on le conserve.
naturelle des sociétés, sans traverser les ma- et
rais fétides et sanglants de la démocratie 1 Il 1 faut un sacrifice, il faut une victime, il
Mais cette réunion, que la nature et le temps faut
i des prêtres. Ce n'est pas en criant
amèneront, parce que la nature et le tempsSeigneur,
i Seigneur, nous dit le pouvoir
travaillent sans interruption à constituer la <conservateur de la société religieuse, qu'on
société religieuse comme la société politi- est t membre de ma société et sujet de mou
que, cette réunion ne peut être l'ouvrage des royaume,
r mais en faisant la volonté de mon
hommes. Les puritains, profonds dans leurs JPère. [Malth, vn, 21.)
vues, irtdifférents sur les moyens, ont, pour
la rendre impossible, enivré le peuple de CHAPITRE III.
leurs déclamations fougueuses contre le pa-
pisme (1) et l'inflexibilité nécessaire de la LOIS
J RELIGIEUSES DES SOCIÉTÉS RELIGIEUSES
RÉFORMÉES
religion catholique, que les philosophes
traitent d'intolérance, ne lui permet aucune On a vu dans le cours de cet ouvrage, que
variation dans ses dogmes, et ne souffre toute t société existe par une volonté géné-
d'autres changements à sa discipline que les rale,
r nn pouvoir général, agissant par une
développements nécessaires, qu'amènent force
f générale.
sans les hommes ou malgré les hommes, le On en a conclu, comme des rapports né-
temps et la nature des choses. cessaires
< et dérivés de la nature même de
Les législateurs modernes, qui ont aperçu la 1 société, 1° la nécessité dans la société
cette opposition secrète entre certaines reli- politique
1 d'un pouvoir général conservateur
gions et certains gouvernements, ou bien extérieur,
< ou d'un monarque 2° la néces-
entre une seule religion dominante et des re- sité
i de distinctions sociales héréditaires,
1j
ligions rivales, opt "cru y remédier en per- force générale conservatrice, ou d'un corps
mettant le libre exercice de tous les cultes. de noblesse et ces deux lois, conséquen-
Ils ont fait comme des législateurs qui, pour
ces nécéssaires des lois fondamentales, sont
faire cesser les factions dans un Etat, y devenues elles-mêmes de véritables lois
permettraient l'exercice de tous les gouver-fondamentales de la société politique.
nements. Ils n'ont pas vu que l'opposition On en a conclu, comme des rapports né-
était nécessaire entre la constitution néces- cessaires et dérivés de la nature même de la
saire de la société religieuse, et les institu- société, "I" la nécessité, dans la société re-
tions religieuses absurdes, immorales, non ligieuse, d'un pouvoir général conservateur
nécessaires de l'homme comme elle l'est extérieur ou de Dieu même,' rendu sensi-
entre la constitution nécessaire de la société ble dans le sacrifice perpétuel 2° la né-
politique et les institutions politiques non cessité de distinctions sociales permanentes
nécessaires ou absurdes de l'homme. Ils ou spirituellement héréditaires, force géné-
n'ont pas vu que l'indifférentisme du citoyen rale conservatrice, qui sont le sacerdoce
était une suite nécessaire de l'indifféren- et ces deux lois, conséquences nécessaires
tisme du gouvernement, et que l'athéisme des lois fondamentales, sont devenues elles-
social devait produire l'athéisme individuel. mêmes de véritables lois fondamentales de
Ils ont cru la société tranquille, lorsqu'elle la société religieuse.
était morte, et ils n'y ont pas vu d'agitation, On a vu, dans la société politique consti-
lorsqu'il n'y a plus eu de ressort. Ce n'est tuée, les autres lois politiques, celles qui
plus avec des cantiques et du pathos, avec déterminent les rapports extérieurs du pou-
des phrases qu'on n'achève qu'avec des voir et des sujets, ou la forme extérieure
(1 ) J'ignore si l'on conserve encore à Londres, les ans publiquement, l'effigie du Pape. C'est. un
'usage, indigne d'un peuple policé, de brûler tous moyen dps puritains.
&S PART. I. ECONOM. SOC-THEORIE
de gouvernement, conséquences plus
ou
moins immédiates, mais toujours nécessaires
des lois fondamentales, devenir fondamen-
iu
es
v
DU POUVOIR. PART.
-y
est une société inf^A,,™ et “• '
Il. POUV. RELIGIEUX. UV. VI. US
-vv umvluVA..LIP. iL V/kt)
sociétéintérieure ,“.
m extérieure, les
Catholiques concluent qu'il lui faut néces-
sairement, pour se conserver, un pouvoir
tales elles-mêmes; et la forme de î-
gouverne-e- général intérieur et extérieur, qui est Dieu
ment se confondre, dans la société politique même rendu sensible dans le sacrifice qu'il
ie
constituée, avec la constitution même de lala lui faut une force générale intérieure qui
Société, est
la grâce, extérieure qui est le sacerdoce. J'ai
On a vu, dans la société religieuse,
les prouvé que ces rapports étaient nécessaires
autres lois religieuses, celles qui déterminents
les rapports extérieurs de Dieu, it ou dérivés de la nature des êtres donc les
la société religieuse, avec l'homme social, dee calvinistes, qui, en admettant la divinité de
pouvoir
la forme du culte extérieur, oui Jésus-Christ, rejettent sa présence réelle
plus ou moins immédiates, mais toujourss dans le sacrifice perpétuel, et qui, en ad-
conséquences
nécessaires des lois fondamentales, devenir5 mettant la nécessité de la grâce, rejettent
fondamentales elles-mêmes et le culte ° celle de la consécration sacerdotale ou de
térieur se confondre, dans la société reli- ex-• la succession spirituelle des ministres du
4sacrifice, établissent des
gieuse constituée, avec la constitution rapports non né-
mê- [cessaires, ou contraires à la
me de la société. nature des êtres
(en société. Aussi, nous
On a vu dans les sociétés politiques verrons que la so-
non ciété calvinisie, sans pouvoir conservateur
constituées, où l'on rejette) les lois fonda- [
mentales du pouvoir général conservateur et E sans force conservatrice, ne saurait con-
les êtres qui la composent, ni
ou du monarque, de la force générale con- server s
conséquent
par
servatrice ou de la noblesse, les lois poli-. c se conserver elle-même.
tiques, ouvrage de l'homme, Le sacerdoce est la force publique conser-
et non de la vatrice v de la société religieuse l'emploi de
nature de la société politique, n'avoir
aucun lla force en suppose la direction la direction
rapport avec la nature de l'homme social, et
être toutes absurdes, immorales, injustes, suppose s une distinction entre ceux qui di-
rigent et ceux qui sont dirigés, qu'on appelle
attentatoires à la liberté de l'homme physi- r
hiérarchie.
h Les Catholiques en concluent,
que et l'on verrait de même dansles socié-
tés religieuses non constituées, ccomme des rapports nécessaires et dérirés
ou les sectes de d la nature des êtres, la nécessité de
qui ont rejeté les lois fondamentales du pou- primauté la
voir général conservateur de la présence p du Pape et du caractère épiscopal.
ou Les réformés, qui rejettent la primauté du
L
réelle de la Divinité dans le sacrifice
pétuel, et de la force générale per- cl chef de l'Eglise et toute hiérarchie reli-
conservatrice gieuse, g établissent des rapports non néces-
ou du sacerdoce on verrait, dis-je, toutes saires, c'est-à-dire absurdes. Mais l'homme
les lois religieuses, ouvrage de l'homme «
et ni peut pas établir impunément dans Ja
non de la nature de la société religieuse, ne
n'avoir aucun rapport nécessaire société un rapport non nécessaire, ou
se
la
avec na- loi lo absurde à la place deslois parfaites
une
ture de l'homme social, et être toutes ab- et des
surdes, immorales, attentatoires, à la perfec- ra rapports nécessaires que la nature de la so-
tion ou à la liberté de l'homme intelligent. ci ciété tend à établir. Les suites funestes de
l'abolition
1'; de la juridiction ecclésiastique
Le détail en serait infini j'en prendrai
hasard quelques exemples, au et de la primauté du Saint-Siège, se firent
en me bornant sentir dans Je temps même de la Réforme.
même aux sectes réformées qui dominent se
aujourd'hui en Europe. J aurais trop d'avan- Ecoutons E< Capiton, ministre à Strasbourg,
tage si je voulais appliquer ces principes à ples m des premiers et des plus savants disci-
un
pi des réformateurs. 11 écrivait confidem.
toutes celles qui se sont élevées depuis l'o-
à Farel, autre homme célèbre dans la
rigine du christianisme, à cette multitude ment m<
Réforme, et précurseur de Calvin à Genève.
IU
innombrable d'opinions religieuses qui
pris naissance dans le ont « On a beaucoup nui aux âmes par la préci-
cerveau creux de pitation pil avec laquelle on s'est séparé du
quelque visionnaire.
Pape. La multitude a secoué le joug. Ils ont
Pa
Une religion publique
ou sociale est une la hardiesse de vous dire: Je suis
société d'hommes intelligents et physiques, assez
instruit
in* de l'Evangile, je sais lire par moi-
unis intérieurement par le sentiment des me-
mê
même je n'ai pas besoin de vous. «Cette
mes vérités religieuses, et extérieurement par lettre let se trouve parmi celles de Calvin.
.e memeculte religieux. De ce
que la religion Mé Mélancbthon,
É le plus éclairé etle plus modéré
j _jfp t
647 '
des réformateurs écrivait
OEUVRES COMPLETES DE
i
-“: zi dans la
ferveur de la Réforme
,«“
i« première
^_«^>i?,«i-i
Plût à Dieu, plût
«
aru
M. DE BONALD.
f\n les
Or,
narchie du Pape servirait aussi beaucoup à nnes seront assemblées (convocati) en mon
conserver entre plusieurs nations l'unifor- nom, n je serai au milieu d'elles {Malth. xvm,
mité dans la doctrine. » Et il va jusqu'à 20), 2 dit Jésus-Christ. L'infaillibilité dedérivél'E-
dire « On s'accorderait facilement sur la glise g est donc un rapport nécessaire,
d la nature des êtres sociaux les
de réformés
supériorité du Pape. »
Le célèbre Grotius, un des hommes les qui q la combattent établissent donc un rap-
puis-
plus illustres du parti réformé, prétend port { non nécessaire, une absurdité
que l'évêque de Rome doit présider sur toute qu'ils c donnent à l'homme le droit de cor-
l'Eglise. L'expérience a, selon lui, confirmé riger r la société, et au membre le droit de
qu'un chef était nécessaire dans l'Eglise s'élever s contre le corps. Mais l'homme n'é-
lois absurdes à la
pour y conserver l'unité il assure que ttablit pas impunément ses
Mélanchthon et Jacques 1", roide la Grande- j place { des lois parfaites de la nature.: « Nos
Bretagne ont reconnu cette vérité. « Si on gens, | dit
Bèze, un des patriarches de la Ré-
avait fait attention à ce que nous venons de forme i (Epître 1"), « sont emportés par toutl
dire,»continue-t-il,«nousaurions une Eglise vent 1 de doctrine, tantôt d'un côté, tantôt
réformée unie. » II demande lui-même ce d'un < autre. Peut-être qu'on pourrait savoir
aujourd'hui, mais on
qu'il faut faire si le Pape abuse de son pou- quelle croyance ils ont
voir il répond qu'alors il ne faut pas lui ne saurait s'assurer
de celle qu'ils auront.
la religion ces
obéir. L'Eglise gallicane reconnaît la pri- demain. En quel, point de
mautédu Saint-Siège, sans croire que le Pape Eglises qui ont déclaré la guerre au Pape
ensemble (2)? Si vous
suit infaillible; et elle distingue l'obéis- s'accordent-elles
qui est due pouvoir général, se prenez la peine de parcourir tous les articles
sance au >
chrétienne subsiste, il s'est élevé un nom- ddes deux chambres du parlement signèrent
bre infini de sectes dans son sein, et toutes 1<la sentence de cassation du troisième ma-
ces branches séparées ont séché, et Farbre riager du roi avec Anne de Clèves, sentence
est demeuré toujours vert, et les orages évidemment
é inique, et rendue sous les pré-
n'ont fait que l'affermir, et les retranche- textes
ti tes plus frivoles. Sous Edouard VI,
ments que- le rendre plus vigoureux. Les successeur
s immédiat de Henri VIII, tous les
branches actuellement séparées sécheront à éévêques prostituèrent leur ministère à l'au-
leur tour, et sans qu'on les ait vues dispa- torité civile, et reçurent des commissions
t<
raître, le temps viendra où elles ne seront d roi qui leur donnait pouvoir d'ordonner
du
plus. Non-seulement l'Eglise catholique a des
d prêtres, de les déposer, en un mot, de
un principe de conservation, mais elle a un faire tous les devoirs de la charge pastorale.
fi
principe de perfectionnement. Malgré les I le clergé inférieur, sur seize mille ec-
Dans
désordres tant reprochés à ses ministres,, et clésiastiques
c dont le clergé d'Angleterre
si étrangement exagérés par la haine, j'ose éétait composé, les trois quarts, selots Bur-
avancer, et d'après des faits connus de net,
n renoncèrent au célibat et embrassèrent
toute l'Europe, que l'Eglise de France a 1< Réforme. Lorsque, sous Elisabeth, l'ancien
la
donné dans cette persécution, la plus dan- cuite
c rétabli par Marie eut été de nouveau
gereuse que la- retigion ait essuyée des aboli,
a et qu'on eut poussé les choses aux
exemples de foi, de courage et de patience dernières
d extrémités, les évêques, réduits à
qu'on ne retrouve, au même degré d'unani- qquatorze, témoignèrent plus de fermeté mais
mité, à aucune époque de l'histoire de L'E- iils ne furent secondés que par cinquante ou
glise. Et ce ne sont pas seulement les mi- soixante
s ecclésiastiques. La noblesse ne fut
nistres de- la religion, force publique con- f plus ferme que le clergé dans la foi de
pas
servatrice de la société religieuse, qui se s pères; elle se laissa prendre à l'appât de
ses
sont dévoués à sa défense, on a pu aperce- l'intérêt,
1 comme le clergé s'était laissé ga-
voir dans les autres ordres de l'Etat, et jus- ggner à l'attrait de la licence, ou intimider par
que dans le peuple, un attachement à la foi la
1 terreur. Henri VIII, pour engager la no-
catholique, dont il n'y a eu d'exemple en blesse
t dans ses sentiments, vendit aux gen-
aucun temps, ni dans aucun lieu. Sans re- ttilshommes de chaque province les terres
monter jusqu'au temps de l'arànisme, du des
c couvents qu'il avait supprimés, et les
manichéisme, etc., on n'a qu'à comparer Ileur donna à fort bas prix. Elisabeth, à
fi) Lettre de l'archevêque de.Nkée (l'abbé lé romain passa sous une domination monarchique,
Rlaury) à
lité.
M. a- ï; malgré sept siècles d'habitudes-
sur le serment de liberté et d'éga-
républicaines, car
Rome ne fut jamais purement monarchique, on
On croit que la république va s'affermir en peut juger s'il est possible de faire passer la France
France au moindre événement politique nu mili-- li^ sous un gouvernement républicain, malgré quatorze
t'lire qui contrarie les vœux des vrais Français. is siècles d'habitudes monarchiques,
ïtais qu'on me montre cette république, qui sub- b- (2) Tout le monde connaît Tallégorieingénieuse
que présente un des tableaux de la galerie
de Charn-
siste, diMrn, depuis trois ou six ans. Je ne vois jis
pour maîtres, que des scélérats par bêtise. devenus
us
usla (.5)
tilly.
furieux par désespoir, qui ne se remplacent à la Je crois, dit Pascal, des témoins qui se font
mais Pascal n'a voulu
tribune que pour se succéder à léehafaud; pour ur égorger. Rien de plus vrai; premiers disciples,
sujets, qu'un peuple imbécile qui ne comprend pas as parler que des apôtres ou des
pourquoi le gouvernement éprouve tant de résis- is- seuls martyrs de la religion chrétienne, qui soient
d'un fait- (la résur.ree-
tance, lorsque lui-même en oppose si peu à ce qu'on on morts pour attester la vérité
exige de lui. Affermir la république! mais les puis-is- tion) dont ils avaient été les témoins. Rien de sem-
iH- blable ne s'est vu dans la
religion idolâtre, ni dans
sances qui là reconnaissent, ou plutôt qui la nom- chrétienne et
ment, ne veulent pas raffermir; mais les puissances:es aucune secte de la religion juive ou
las l'on n'a jamais entendu
<iui s'abaisseraientà la garantir, ne pourraient pas
dire que personne soit mort
l'affermir; mais tous les hommes ensemble, mais ais pour attester qu'il avait vu les métamorphoses de
Dieu même, sans un miracle toujours subsistant, ni, Jupiter, les conversations de Mahomet avec Fange
diable.
es. Gabriel, ou les disputes
des êtres. de Luther avec le
>»e peuvent rien affermir contre la nature conclu que le raisonnement de
On cherche justifier ses craintes par "la durée de de Ainsi, ceux qui ont
la république romaine, seule société qu'on puisse sse Pascal ne valait rien, parce que toutes les sectes
faux eux-mêmes,
comparer à la France; mais saus parler de la pro- ro- ont eu des martyrs, ont raisonné
digieuse différence d'une société chrétienne à une me en ce qu'aucune secte n'afait eu des témoins.
société idolàtre, la république française a com- m- Un savant Anglais a un ouvrage sous ce
mencé par ou là république romaine a fini, par titre La religion chrétienne prouvée par un seul (ati
ule (]a résurrection)».
l'anarchie et par la facilité avec Jaquelle le peuple
dehors, et elle fait des conquêtes sur l'ido- les 1( jeux de son berceau; la France, l'Alle-
îâtrié, en même temps que la civilisation en magne,ir l'Angleterre, les Pays-Bas, la Suisse,.
fait sur l'état sauvage en sorte que, s'il la h Bohême, la Pologne, où elle s'était in-
était possible que la société catholique fût troduite,
tr furent en proie aux horreurs des
détruite, il n'y aurait plus pour les peuples discordes
d civiles; l'Espagne, l'Italie, le Por-
sauvages de moyens de parvenir au bienfait tugal, ti où elle n'avait pu pénétrer, furent
de la civilisation car les philosophes veu- tranquilles.
ti Ce sont des faits incontestables:
lent bien être les apôtres de leur doctrine, et e qu'on ne dise pas que les réformés ne
mais ce n'est que malgré eux qu'ils en sont furent fi pas toujours les agresseurs; car il-
quelquefois les martyrs. e évident que la secte qui s'élève est né-
est
J'ai dit que les sociétés religieuses non cessairement
c<
agressive, quoique ses fau-
constituées avaient un principe intérieur de teurs t< ne soient pas toujours et dans toutes
dépendance et de détérioration, qui les con- les h rencontres les premiers attaquants. La
duisait infailliblement à leur destruction:s Réforme
H a été la cause des troubles passés,
et j'ai remarqué ce même principe de dégé- puisqu'elle
p est la cause des troubles pré-
nération dans les sociétés politiques non sents si (2) et la guerre actuelle n'est, à le
constituées. «En effet, » ai-je dit, «les sociétés bien
b prendre, que J'effet du fanatisme des
politiques sont agitées jusqu'à ce que les opinionso qui ont pris naissance dans le sein
rapports contraires à la nature des êtres de d la Réforme, et qui suivent nécessairement:
soient détruits ou changés, et que l'invin- de d ses principes. Non-sëulement la Réforme
cible nature ait repris son empire. Ces so- a été et est encore cause de troublé, mais
ciétés seront donc faibles en elles-mêmes; elle e doit l'étre; elle le sera toujours néces-
donc elles seront dépendantes, et elles ne s,sairement, et malgré ses sectateurs eux-
pourront faire cesser l'agitation produite mêmes, n parce que l'on peut dire de la so-
par le conflit des volontés de la nature et ciété c religieuse, comme de la société poli-
des volontés de l'homme, que par une agi- tique ti « Si le
législateur, se trompant dans
tation plus forte ou un danger plus pres- son s objet, établit un principe différent de
sant, c'est-à-dire en portant sans cesse la celui c qui naît de la nature des chose*, la
guerre au dehors ou en la redoutant. Rome société s ne cessera d'être agitée, jusqu'à ce
ne put maintenir la tranquillité dans son que q le principe soit détruit ou changé, et
sain, qu'en portant la guerre dans tout l'u- que q l'invincible nature ait repris son em-
nivers; Athènes ne fut paisible que tant pire. p »
qu'elle eut à redouter ses voisins (1). » J'ai dit que la Réforme ne se soutenait,
Ces .principes sont exactement et entière- même n aujourd'hui, que par l'opposition,
ment applicables aux sociétés religieuses c'est-à-dire
c qu'elle ne pourrait subsister, si
non constituées ou aux sectes; nées dans la elle e n'avait une autre religion à attaquer, ou
guerre, elles ne se soutiennent que par l'op- si s elle ne craignait d'en être attaquée. Les
position. Le christianisme, qui ne prescri- sermons s des premiers prédicateurs de la
vai t. qu'humilité à l'esprit, désintéressement Réforme
1 et de toutes les réformes, leurs ou-
au cœur, mortification aux sens, n'excita au- vrages, les écrits et les discours de ceux qui
cun trouble dans l'empire, et. c'est une sont s venus après eux, lie sont que des dé-
louange que les païens eux-mêmes lui don- clamations
c virulentes contre l'Eglise ro-
naient. Il s'étendit par la seule force de son maine,
r les désordres réels ou supposés*
principe intérieur, semblable au grain de mais r toujours exagérés, de la cour de Rome,.
sénevé qui se développe, ou à la pâte qui fer- l'idolâtrie
1 et la superstition du culte catho-
mente (Malth. xm, 31, 33; Marc, iv, 31; lique. Encore aujourd'hui, les livres d'his-
Luc. xiii, 19, 21) mais la Réforme, qui per- ttoire, de morale, de littérature, et jusqu'aux
mettait l'orgueil à Vesprit, l'intérêt au cœur, almanachs
s qui grossissent, à l'insu du rester
les jouissances aux: sens, puisqu'elle àutori- de c l'Europe, le trésor de la littérature alle-
sait les inspirations particulières, le pillage mande,
i sont écrits dans le même esprit; et*
des propriétés religieuses et le divorce, mit parceJ que les réformés donnent le ton à,
d'abord l'Europe en feu. Des guerres de l'Allemagne1 savante, et y exercent comnifr
trente ans, des dévastations inouïes, furent ailleurs
( le despotisme littéraire le plus ah*
solu (1), tous ces ouvrages sont remplisï tous; et de là il a résulté différentes combi-
de fines plaisanteries, ou d'observations cri- naisons de républiques. De môme, dans la
tiques, sur le clergé séculier et régulier, ett société religieuse où l'on s'écartait du prin-
sur les pratiques de l'Eglise romaine. Ont cipe de l'autorité infaillible de l'Eglise en
voit même quelquefois, chez les ministres matière de foi et de discipline, il ne pou-
réformés, des caricatures de bon goût, oùl vait y avoir de raison pour borner le droit
les religieux des deux sexes sont représen-• de décider de ce qu'il fallait croire ou prati-
tés dans des attitudes grotesques, et ces quer, à quelques individus plutôt qu'à un
peintures réjouissantes et politiques sont, plus grand nombre, plutôt qu'à tous on
tout à la fois, un passe-temps pour l'homme l'étendit donc à tous, et de ce principe
et un moyen de la profession. naquirent et devaient naître en effet une
Dans les lieux où la protection accordée infinité de sectes différentes. Daillé, célèbre
au culte catholique impose aux ministres ministre calviniste convient naïvement,
réformés un silence rigoureuxsurlareligion dans l'exorde d'un de ses sermons, que
catholique, ses pratiques et ses ministres, jamais il n'y a eu de nouvelle religion
les sermons des pasteurs ne sont que des annoncée, qu'aussitôt il ne se soit trouvé
discours académiques où tout l'art de l'ora- plusieurs prophètes qui aient été sur le mar-
teur ne peut sauver la stérilité d'une reli- ché les uns des autres. Hénault cite ce pas-
gion qui ne porte que des sons aux oreilles, sage, en y ajoutant une réflexion un peu
et pas un sentiment au cœur. amère sur la Réforme.
Les sectes réformées ne paraissent tran- Ce serait un tableau intéressant que celui
quilles aujourd'hui, que parce que les opi- de la dégradation successive des vérités
nions auxquelles elles doivent leur nais- religieuses par les opinions de la Réforme
sance ne sont plus que le radotage de quel- on pourrait le regardercomme l'arbre généa-
ques anciens pasteurs ou de quelques vieilles logique de l'athéisme. Ainsi les Catholiques
femmes, et qu'elles ont dégénéré en d'autres croient àla présence réelle de l'Homme-Dieu,
opinions qui dans ce moment agitent l'Eu- pendant toute la durée des symboles qui le
rope, et qui suivent naturellement des opi- voilent; Luther l'admit au moment de la
nions qui ont fondé la Réforme. manducation; Calvin nia qu'il y eût aucune
présence réelle de Jésus-Christ Socin nia
CHAPITRE V. la divinité même du Fils de Dieu, et les
DEGENÉRATION DES OPINIONS DE LA RÉFORME. philosophes ont nié Dieu lui-même.
Les Catholiques croient sept sacrements;
Le principe que chacun est juge du sens Mélanchthon en admet quatre, Luther trois,
de la loi ou des saintes Ecritures, ou pour Calvin deux, les anabaptistes un et les
mieux dire, qu'il n'y a dans l'Eglise nulle philosophes ne veulent pas même de culte.
autorité extérieure et infaillible, qui ait le Les anglicans avaient conservé des céré-
droit de fixer le sens de la loi, devait ouvrir monies les puritaiens proscrivirent jusqu'à
la porte à une foule d'interprétations diffé- l'usage du surplis; et les philosophes ont
rentes. Il devait arriver dans la société reli- détruit jusqu'aux temples.
gieuse, ce qui arrive dans les sociétés poli- L'athéisme est une conséquence rigou-
tiques où l'on s'est écarté de la loi fonda- reuse du socinianisme, comme le socinia-
mentale du pouvoir général. Il n'y a pas de nisme est une application des principes de
raison pour que le dixième, le quart ou jle la Réforme. En effet, dès que chacun était
tiers des citoyens exercent leur pouvoir juge de sa foi et interprète du sens de l'E-
particulier, plutôt que la moitié, plutôt que criture, Socin, l'interprétant à sa guise, nia
(1) Le parti philosophiquedisposait, en France, vères dans le Palatinat, et on excusait aansCaiinat
de toutes les réputations. On donnait pour sujet de des expéditions aussi rigoureuses contre les Vau-
prix littéraires, l'éloge du chancelier de l'Hôpital, dois et les Barbets. Mais Turenne, qui avait refusé
accusé d'un secret penchant pour la Réforme; de de changer de religion pour être connétable, s'était
Fénelon pour l'opposer à Bossuet; de Catinat, converti ensuite sans intérêt et par conviction.
parce qu'on avait trouvé le moyen, je ne sais com-
ment, d'en faire un incrédule." D'Aguesseau, Bos-
Inde irœ Aussi l'on peut remarquer que Turenne,
le plus grand homme de la monarchie, est celui
piiet et Turenne ne pouvaient prétendre aux hon- sur lequel on a le moins écrit. Le tombeau même,
;neursdu panégyrique.) D'Aguesseau était un homme après plus d'un siècle, n'a pu le mettre à l'abri de
g ms caractère V a écrit sur l'bcriiure sainte, et la fureur philosophique, et son corps trouvé entier
il n'a jamais élé au spectacle); Bossuet, un fana-
dque; on reprochait à Turenne ses exécutions sé- a été l'objet de la haine et de l'outrage.
par les réformés, qui, en se séparant de ils ne conservent donc pas le sentiment de
l'Eglise romaine, s'étaient ôté le droit et les la Divinité dans le corps social; ils doivent
moyens de le combattre. <( Le temps, » dit donc tomber aussi dans l'athéisme social.
"'auteur du Dictionnaire des héré$ies,«.éteint Mais si les sociétés calvinistes n'ont
pas |le
sans cesse le principe du fanatisme dans les sentiment de la Divinité, elles n'ont donc
pays réformés il y a dans les Eglises sépa- pas le sentiment de l'intelligence, puisque
rées de l'Eglise catholique une force qui la Divinité est l'intelligence même; donc
pousse sourdement les esprits vers le soci- elles tombent dans le matérialisme.
nianisme. Le socinianisme, en retranchant Aussi les principes de la révolution fran-
du christianisme tout ce que la raison ne çaise, qu'on peut regarder comme la consti-
comprend pas, porte les esprits à regarder tution de l'athéisme et du matérialisme,
la raison comme la seule autorité à laquelle ont-ils été accueillis avec plus de faveur
on doive se soumettre. » Or ce principe est dans les pays calvinistes; et cet effet, qui
évidemment le même que celui de laRéforme tient aux principes mêmes de la secte, est
qui veut que chacun soit juge du sens de la absolument indépendant de l'opinion
loi. 11 est évidemment le même que celui du
per-
sonnelle des individus, parmi lesquels il
philosophe, qui en appelle à la raison de y
en a un grand nombre qui croient à l'exis-
tout ce qu'il ne peut comprendre, et qui, tence de Dieu et à l'immortalité de l'âme.
depuis longtemps lui érigeait dans son Mais le calvinisme n'ayant point depouvoir
cœur des autels, en attendant que la philo- conservateur, puisqu'il n'a pas d'amour de
sophie, disposant à son gré d'une grande Dieu, ne peut avoir de force conservatrice,
société, pût extérieurement lui dédier des et ne peut par conséquent pas se conserver;
temples. c'est-à-dire qu'il laisse anéantir les élémer.ts-
On se doutait, depuis longtemps, en Eu- de toute société religieuse, la croyance de
rope, de cette force secrète, qui pousse les la Divinité et de l'immortalité de l'âme; il
réformés vers le socinianisme. Les minis- prêche ces vérités à l'esprit, mais il ne les
tres de quelques Etats calvinistes en étaient place pas dans le cœur en sorte qu'il
en
hautement accusés, et le même auteur que fait une opinion et les expose à toute l'in-
je viens de citer pronostique que la secte certitude, à toutes les variations de l'opi-
réformée des arminiens absorbera vraisem- nion, au lieu d'en faire un sentiment, qui
blablement toutes les autres; et on sait que est le même dans tous les hommes, et le
les calvinistes accusaient les arminiens principe même de la conservation des êtres.
d'être tombés dans les erreurs de Socin. Il En effet, on ne peut jamais s'assurer que
n'était pas difficile de prévoir que le calvi- deux hommes pensent précisément de la
nisme se perdrait dans le socinianisme, même façon sur le même objet; mais
on
puisque le calvinisme et le socinianisme peut se convaincre, par les effets extérieurs,
partent du même principe et doivent aboutir qu'ils aiment tous le même objet de la même
au même résultat. En effet, Socin, en admet- manière.
tant l'existence de Dieu, et niant la divinité Cette dégénération de la Réforme, suite
de Jésus-Christ, niait que la Divinité eût nécessaire d'un premier pas au delà des
jamais été extérieurement présente au corps bornes marquées à la curiosité humaine,
social et les calvinistes, en admettant la n'échappait pas au plus sage et au plus sa-
divinité de Jésus-Christ et niant sa présence vant des réformateurs. « Bon Dieu 1 » s'écrie
réelle dans le sacrifice perpétuel nient que Mélanchthon accablé dedouleur,«quelles tra-
la Divinité soit aujourd'hui extérieurement gédies verra la postérité, si l'on vient un
présente dans le corps social. Socin, en niant jour à remuer les questions des mystères de
la divinité de Jésus-Christ, excluait tout la religion chrétienne 1 » « On commença,
culte c'est-à-dire tout acte de l'amour de son temps, » dit Bossuet, « à remuer
ces
général et mutuel de Dieu et des hommes; matières, mais il jugea que ce n'était qu'un
il ne conservait donc pas le ^sentiment de la faible commencement, car il voyait les es-
Divinité dans le corps social; il tombait prits s'enhardir insensiblement contre les
donc dans l'athéisme social et les calvi- doctrines établies et contre l'autorité des dé-
nistes, en niant la présence réelle de Jésus- cisions ecclésiastiques. Que serait-ce, s'il
Christ dans le corps social, excluent aussi avait vu les autres suites pernicieuses des
tout culte, c'est-à-dire, tout acte de l'amour doutes que la. Réforme avait excités?tout
l'ordre de la discipline renversé publique- aveca ceux sur lesquels j'ai établi la consti-
ment par les uns, et l'indépendance établie, tution
t des sociétés auxquelles l'homme in-
c'est-à-dire, sous un nom spécieux et qui telligent
t et physique appartient; et ce qui
flatte la liberté* l'anarchie avec tous ses achèvera,
a je crois, de porter la conviction
les esprits, sera la facilité avec laquelle
maux; là puissance spirituelle mise par Jes dansc
autres entre les mains des princes; la doc- ces c mêmes principes se prêteront, je ne dis
trine chrétienne combattue en tousses points; pas
f à la solution, mais à l'éclaircissement
des Chrétiens nier l'ouvrage de la création, des( questions les plus importantes que la
et celui de la rédemption du genre humain,véritable
ï philosophie puisse élever sur l'ac-
anéantir l'enfer, abolir l'immortalitéde l'âme, cord
( du libre arbitre de l'homme avec la
dépouiller le christianisme de tous ses mys- volonté de Dieu.
tères et ta changer en une secte de philoso- Tout être a une fin, qui est l'objet de sa
phie tout accommodée aux sens; de là naître volonté,
t s'il est intelligent, de sa tendance,
l'indifférence des religions, et ce qui suitt s'il
s est matériel.
naturellement, le fond même de la religiont Tout être a le moyen de parvenir à sa fin;
attaquée, l'Ecriture directement combattue, car < s'il n'avait pas le moyen de parvenir à
la voie ouverte au déisme, c'est-à-dire, à uni sa
i fin, il n'y parviendrait pas sa fin ne se-
athéisme déguisé; et les livres où seraientt rait1 pas sa fin, ce qui est absurde.
écrites ces doctrines prodigieuses sortir dui Dans l'être purement intelligent* le moyen
sein de la Réforme et des lieux où elle do- de la volonté est intelligent; il est la vo-
1lonté même.
mine? » (Hist. des var., liv. v, art. 32.)
J'ai fait remarquer la dégénération dess Dans l'être purement matériel, le moyen
sociétés non constituées, je ferai remarquerr de la tendance est matériel, il est la force.
la dégénération des peuples non constitués s (Voyez chapitre 1, partie i".)
eux-mêmes; mais je dois auparavant fixerr Dans l'être à la fois intelligent et maté-
l'attention du lecteur sur une question im- riel, le moyen tient à la fois à l'esprit et au
portante, et dont le développement indi- corps, à la volonté et à la force ce moyen
quera une des causes de cette dégénérafion. est l'amour, nœud de la volonté et de la
force, puisqu'il peut faire servir la force à
CHAPITRE VI. accomplir la volonté. L'amour est donc pou-
voir, lorsqu'il agit par la force ou par les
Ï>E LA LIBERTÉ DE L'HOMME, ETDE L'ACCORDD
VOLONTÉ
É sens (1).
DE SON LIBRE ARBITRE AVEC LA Dès que ['être a une fin, qui est l'objet de
DE DIEU.
sa volonté, la liberté de cet être. consUte à
J'ai dit, dans la première partie de cetst parvenir à sa fin, parce que la liberté d'un
ouvrage, qu'il n'existait de liberté pourr être consiste à accomplir sa volonté.
l'homme de la société politique, que danss Ainsi, l'on peut dire qu'une pierre est li-
]a société politique constituée, ou monar- bre lorsqu'elle obéit à sa force de pesan-
chie royale; et je dis qu'il n'existe de libertéé teur, et qu'elle n'éprouve aucun obstacle
pour l'homme de la société religieuse quee
qui l'empêche de parvenir au centre de la
dans la société religieuse constituée, ou laa terre.
religion chrétienne catholique. Ainsi, un animal est libre, lorsqu'il ac-
Pour mettre dans tout son jour une véritéè"complit, par l'action de ses sens ou sa force,
aussi importante, aussi décisive, aussi nou- la volonté ou la tendance qu'il a de vivre
i-
velle peut-être, il faut se faire une idéee avec les animaux de son espèce, dans l'in-
juste de ce qu'on doit entendre par ce mot dépendance de la société naturelle, ou de
it
de liberté. la société de production, seule société à la-
Je prie le lecteur de remarquer l'accordd quelle il appartienne.
pariait des principes que je vais développer
sr Ainsi, l'homme est libre, lorsqu'il accom-
(1) En France, comme dans toute société cons- tout te monde actuellement, sans distinction de
tituée, la loi appelle un sujet quelconque à occuper prolétaires ou de propriétaires, parvient aux em-
le trône, en cas d'extinction totale des mâles de la plois c'est précisément ce qui fait que la France
maison régnante. Donc il est vrai de dire que, dans est un gouvernement anarchique et non un 'gouver-
la société constituée, la loi permet à tout sujet de nement républicain. Une république ne peut sub-
prétendre et de parvenir à la royauté. Dans les ré- sister sans exclure par une loi une grande partie de,
publiques, même helvétiques, il faut être ce qu'on ses sujets des fonctionspubliques, ni les en exclure
appelle des familles privilégiées ou de VElat pour sans les constituer en esclavage politique r donc
parvenir aux emplois publics, ou du moins il faut elle place nécesiairemeni tous ses membres entre
avoir une certaine propriété. On dira qu'en France l'anarchie et l'esclavage.
la famille ou la société de production, 3 ~u~
ne la société de production, est l'amour de soi,
peut assurer la conservation des êtres, ett puisque l'amour de soi est le principe de
qu'ainsi l'on ne doit pas considérer la production des êtres.
so-
ciété naturelle hors de la société politique, Le principe des actions de l'homme social
puisqu'on ne peut pas sépafer la production dans la société politique constituée, ou la
des êtres de leur conservation. Donc l'hommei
i société de conservation, est l'amour des au-
social ne doit jamais être considéré seule-
ment dans la société naturelle ou de produc-
tres, puisque l'amour des autres est le prin-
cipe de conservation des êtres. (Voyez i" par-
tion, mais il doit être toujours considéré tie, chap. 1".)
dans la société politique ou de conservation i Or les actions de l'esclave en société phy-
donc on ne peut séparer, dans l'homme sique, c'est-à-dire, le travail de la propriété,
so-
cial, la liberté naturelle de la liberté politi-
ne sont pas dirigées par l'amour de soi, ni
que. par l'amour des autres, mais par la crainte
Les sauvages et les animaux vivent en de sa destruction et par la crainte des au-
so-
ciété naturelle physique ou de production
tres, c'est-à-dire, par la haine de ceux qui
ils produisent et ne conservent pas; ils
peuvent le détruire. Donc les actions phy-
jouissent de l'indépendance, mais
non pas de siques de l'esclave ne sont pas des actions
la liberté, parce que la liberté de
se détruire libres; donc il n'a pas la liberté physique.
n est pas une liberté et l'on peut dire d'eux C'est donc avec raison que j'ai dit, dans la
ils sont indépendants, donc ils ne sont première partie de cet ouvrage, que, dans
pas
libres. les 'gouvernements anciens, le peuple se
Je vais faire comprendre au lecteur, par croyait libre, parce qu'il voyait des escla-
une application sensible, qu'on ne peut pas ves car il est évident que l'esclave domes-
séparer la société de production de la so- tique, ou l'esclave sujet de la famille, n'est
ciété de conservation, c'est-à-dire, la famille
pas autrement esclave que l'esclave politi-
de la société politique.
que ou le sujet de la république puisque
Si, dans l'union d'un homme et d'une celui-ci sera puni physiquement, et même de
femme pour former une société naturelle, il mort, s'il ose manifester, par des actions
y a erreur de personne, ou défaut de volonté, extérieures, la volonté d'exercer son pou-
comme dans le mariage de Jacob et de Lia; voir; comme l'esclave domestique sera puni
s'il y a contrainte extérieure, ou défaut d'a- physiquement, et même de mort, pour s'être
mour, la société politique romp ces nœuds révolté contre l'autorité de son maître; et
formés sans volonté et sans amour la seule différence qu'il y ait entre eux, est
parce
qu'elle ne considère pas cette société natu- que l'esclave domestique obéit à un pouvoir
relle comme une véritable société, quoique particulier dans la société naturelle, et que
cependant cette société, formée sans volonté l'esclave politique obéit à plusieurs pouvoirs
et sans amour, puisse parvenir à sa fin qui particuliers dans la société politique en
est la productionde l'homme. La société po- sorte que le sujet de la république, exclu
litique sépare les membres de cette associa- des emplois par sa naissance ou la médio-
tion, comme n'ayant pas été libres dans leur crité de sa fortune, accomplit, par sa force,
union puisque leur force ou l'action de la volonté et le pouvoir particulier de
leurs sens, n'était pas dirigée par l'amour ses
isouverains, sans espoir d'exercer jamais le
vers l'accomplissement de la volonté. Elle sien
i et l'esclave domestique cultive, par sa
les sépare également, lorsqu'il foree, la propriété de son maître, sans es-
y a impuis- i
sance physique ou défaut de force; et on poir
] de pouvoir jamais la partager.
peut en tirerlaeonclusion immédiate et bien Ainsi, l'homme n'est pas esclave, parce
conséquente à mes principes, que la société
(que sa volonté est assujettie à la volonté d'un
en général ne peut exister que par la vo- autre homme
lonté, l'amour et la force d'exister. i car toutes les volontés hu-
maines
i sont égales, et la volonté générale
Après avoir expliqué en quoi consiste la de la société, ou la volonté de Dieu même,
c
liberté de l'homme, il peut paraître intéres- dirige
c et ne contraint pas la volonté particu-
sant d'appliquer ces principes à l'esclavage lière
1 de l'homme l'homme n'est pas es-
proprement dit ou à l'esclavage domesti- cclave, parce que sa force est assujettie à la
que. fforce d'un autre homme car la force d'un
Le principe des actions libres de l'homme hhomme peut détruire, mais
social dans la société naturelle constituée non assujettir la
ou force d'un autre homme; et il est impossible
fi
à un homme, quelle que soit la supériorité Je ne parle pas de l'esclavage domestique
de sa force, d'appliquer la force d'un autre (1) qui existe dans les colonies européen-
homme à un travail que celui-ci aura la vo- nes d'Amérique; il tient à des causes parti-
lonté de ne pas faire mais l'homme est es- culières, et cependant il ajouterait une nou-
clave, parce que l'emploi de sa force, ou son velle force à mes principes car les habi-
action, est dirigée par la crainte, au lien de tants des colonies. appartiennent bien plus à
l'être par Y amour; or l'amour dirigeant la 1la société naturelle ou de production qu'à
dn son
c.nn
sans qu'aucune crainte détermine son choix,
672
m..
frère
fnrlrn
et politique n'est libre qu'en obéissant aux et par un motif réglé de Dieu, de lui-même
lois ou rapports nécessaires dérivés de la et de son prochain, il choisit le bien ou la
jiature des êtres mais nous avons vu que liberté; puisqu'il obéit à une loi ou rapport
la volonté générale conservatrice de la so- nécessaire
i entre les êtres et la volonté gé-
ciété, la nature de;la société, ou, ce qui est nérale
i de la société, à la volonté de Dieu
la même chose, la volonté de Dieu même, même. S'il se souille d'un meurtre, il choi-
meut les lois ou rapports nécessaires dérivés sit le mal il tombe dans l'esclavage, puis-
de la nature des êtres, puisqu'en créant les qu'il obéit à des lois ou rapports non né-
:êtres, il a produit des rapports qui existent cessaires,
<
à sa volonté particulière ou dé-
entre eux; donc il est rigoureusement vrai pravée,
i à ses passions.
de dire que l'homme religieux et politique Ainsi, tant que l'homme a le choix entre
volonté de Dieu.
n'est libre qu'en conformant sa volonté à la le bien et le mal, qu'on appelle libre arbitra,
il n'a pas encore la liberté (actuelle), puis-
Donc l'homme vertueux est libre comme que la liberté ne peut exister qu'après avoir
£tre intelligent, et plus libre à mesure qu'il choisi. Ainsi, la liberté (actuelle) n'existe
-est plus vertueux; je veux dire à mesure qu'au moment où le libre arbitre cesse. Car
qu'il obéit à un plus grand nombre de lois 1la liberté ne peut exister qu'avec la volonté;
ou rapports nécessaires. et la délibération, que suppose l'exercice du
Cette vérité a été dans tous les temps une libre arbitre, n'admet pas encore la volonté.
'vérité d'instinct pour le genre humain. Les L'homme n'a besoinde vouloir agir, c'est-à-
anciens philosophes disaient que le sage dire de volonté et de force, que quand il a
était le seul roi, le vrai roi, l'homme vraiment choisi ce à quoi il veut appliquer l'une et
libre; et c'est cette idée morale que le su- J'autre.
Mime auteur de l'élémaque fait développer à Dieu jouit donc de la liberté la. plus par-
son héros dans l'assembfée des vieillards de faite mais il n'a pas le libre arbitre, qui est
4'île de Crète. le choix entre le bien et le mal puisque sa
Donc l'homme vicieux, ou celui qui s'é- volonté est essentiellement droite, qu'elle
carte des lois parfaites ou rapports nécessai- se manifeste par des lois ou rapports né-
res qui lient entre eux les êtres sociaux, cessaires, et qu'elle ne peut pas se manifester
n'est pas libre; et il est moins libre, à me- par des lois absurdes ou par des rapports
sure qu'il s'écarte davantage des lois ou non nécessaires entre les êtres.
rapports nécessaires. On peut, à l'aide des principes que ji»
Donc les sociétés non constituées ne sont viens d'établir, donner une idée assez dis-
pas dans les vues du Créateur; puisque, tincte de l'accord de la volonté de Dieu avec
étant fondées sur des rapports non nécessai- le libre arbitre de l'homme.
res ou contraires à la nature des êtres, elles En effet, Dieu auteur de toutes les lois
séparent les êtres, au lieu de les réunir, et parfaites ou rapports nécessaires qui exis-
qu'elles ne parviennent pas a la fin de toute tent entre les êtres sociaux, et qui doivent
société, qui est la conservation de l'hommeconduire à sa perfection l'homme social in-
intelligent et physique dans l'état de liberté térieur ou intelligent, comme l'homme so-
intérieure et extérieure, religieuse et politi- cial extérieur ou physique (perfection qui
que, pour lequel le Créateur l'a placé sur la ne peut exister pour l'être intelligent que
terre; liberté par laquelle il est capable et dans un état où il sera purement intelli-
digne de former société avec lui. gent), Dieu, dis-je, influe sur le choix qu'a
La liberté dans l'homme n'est donc pas le l'homme de se conformer à ces lois ou rap-
iibre arbitre car le libre arbitre de l'homme ports nécessaires pour parvenir à sa fin so-
est le choix entre le bien et le mal, entre la ciale, ou de s'en écarter à peu près comme
liberté et l'esclavage. un prince,qui, pour conduire les voyageurs
Ainsi l'homme qui délibère s'il plongera à sa ville capitale, fait percer des routes à
le poignard dans lé sein de son semblable, travers les forêts, construire des chaussées
est dans son libre arbitre, sinon quant à la sur les marais, etdes ponts sur les rivières,
pensée, qui est déjà un crime, au moins influe sur le choix qu'a le voyageur de pas-
quant à l'acte extérieur. 11 est entre le bien ser les fleuves à la nage, de s'enfoncer dans
et le mal, et il a le choix de l'un ou de l'au- les marais, ou de s'égarer dans les bois et
675 pakt.t. ECOHOM. SOC-THEORIE DU POUVOIR. PART. II. POCV.
quoique le prince puisse prévoir avec
RELIGIEUX LIV VI
"U.l.a.U~ MmM.hW ses
r. w.mr~ m
cer- l'homme,
l'homme. se préférant
uréférant à ses semblables, &*
titude l'usage que le voyageur, maître de blit sur eux sa domination, amour que j'ai
î
lui-même dans ses facultés morales et phy- appelé
pouvoir particulier, lorsqu'il s'exerce
siques, fera de son libre arbitre, on peutt
dire qu'il ne gêne sa volonté par la force ou l'action des corps. Or cet
en aucunei déréglé de soi, ou ce pouvoir parti-
manière, qu'il dirige le choix du voyageur amour eulier, existe nécessairement dans les s'ocié-
sans le contraindre, et qu'il le connaît sans tés non constituées» puisqu'iln'y
le prévenir. Cette comparaison a pas d'au-
est exacte. tres pouvoirs que des pouvoirs particuliers.
dans tous ses points; car, si le
voyageur, en II ne doit pas exister dans les sociétés cons
s'écartant de la route qui lui est tracée et tituées, où le
qu'il ne peut méconnaître, se noie dans le et mutuel despouvoir est l'amour général
hommes entre eux, ou l'a-
fleuve, -ou s'égare dans les sentiers et tombe
mour du prochain, qui s'exerce par la force
entre les mains des voleurs, la faute ne peut générale. Ia société politique constituée
en être imputée au prince, qui lui a ménagé la monarchie est donc dans les ou
tous les secours nécessaires pour le faire religion, qui vues de la
arriver heureusement au terme de son voya- préfère à son semblable, ne veut pas que l'homme se
c'est-à-dire établisse
ge, et qui ne pouvait sans tyrannie employer sur lui
la force pour le contraindre à suivre les monarchique son pouvoir particulier; la société
réprime donc les actes, en
routes les plus sûres. même temps qu« la religion réprime les vo»
On m'opposera sans doute que tout solli- lontés. La
monarchie est donc l'instrument
cite le voyageur à suivre les chemins les de la religion.
Au contraire, les sociétés po-
plus fréquentés et les plus sûrs, au lieu
que litiqùes non constituées ou les républiques,
l'homme est entraîné par ses passions hors
en permettant à l'homme d'établir son pou-
des voies de la vérité et de la vertu; mais je voir particulier, favorisent le dérèglement
répondrai que l'homme, membre des socié-
de son amour; elles ne sont donc pas dans
tes. constituées religieuse et politique, est, les i vues de la religion, elles lui sont donc
extérieurement du moins, libre aussi par- opposées. Des faits vont prouver la vérité
faitement que l'homme puisse l'être
sur la du principe; et l'on voir que les sociétés,
terre puisqu'il obéit aux lois les plus par- qui mettent l'amour va
(
( de soi, ou le pouvoir
faites ou rapports les plus nécessaires qui particulier, à la place du pouvoir général ou
1
puissent exister entre les êtres dans chaque de
( l'amour de Dieu et de l'amour des hommes,
société. Il est donc dans l'état social le plus ne
i peuvent conserver ni Dieu ni l'homme,
parfait, soit à l'égard de Dieu, soit à l'égard
de lui-même, soit à l'égard de ses sembla- -CHAPITRE Vif.
bles puisqu'il appartient aux sociétés reli-
gieuses et physiques, naturelles et publi- CARACTÈRE c pES PEUPLES DANS LES SOCIÉTÉS
ques, dont l'amour de Dieu, l'amour de soi, NON CONSTITUÉES. DÉGÉnÉRATÎON PB
l'amour de ses semblables, sont le principes «EURS HABITUDES MORAJJES,
t
véritables sociétés dans lesquelles toutes les C'est parce que la Réforme sèche et dédair-
lois sont des rapports nécessaires dérivés de
la nature des êtres cet homme est donc pouvoir gneuse,
g comme l'appelle Bossuet, n'a pas de
dans la disposition la plus favorable à aimer «de conservateur dans l'amour mutuel
d Dieu et des hommes, rendu extérieur,et
Dieu, lui-même etson prochain, d'un amour présent dans le
sacrifice, qu'elle inspire à
réglé, c'est-à-dire dans la disposition la plus p
sectateurs ce fanatisme ardent et sombre
favorable à accomplir, avec le secours de ses &
qui
• Dieu, toute justice. Or je ne crains pas de f< q a été remarqué à sa naissance, et qui
forme le caractère distinctif de cette secte.
dire que cet homme se ferait la même vio- Ecoutez j? Erasme. témoin non suspect des
îence pour attenter] à la conservation de la effets
d'une doctrine dont il a vu les com-
société religieuse et de la société politique, e
n
mencements:* « Je les voyais, dit-il, « sortir
en opprimant l'homme moral ou l'homme d, leur prêches avec un air farouche et des
de
physique, que le voyageur pour passer tes regards
fleuves à la nage, s'enfoncer dans les marais, ri menaçants, comme des gens qui ve-
ou s'égarer dans bois,
les
naient
ni d'ouïr des invectives sanglantes et
des discours séditieux aussi, voyait-on ce
est l'amour
fijélé,>, est
OEUVRES
Of7.IT
--––•• •
Eri'effet,:Ie principe de tous les crimes de pi
t'homme et de tous les malheurs de la so- le
VU CC /TiTM
COMPL.nr nr*
DE M.
*•*<
T»
j"
\li DE RONALD,
peuple évangélique toujours prêt à prendre
les
l'amour déréglé de soi/par lequel j«->^
armes,
disputer.
disputer. » Ce
di
}“
–
ci aussi
uiujto, et cuaiuaiuu qu'à
prupie àa combattre
aussi propre
Ce fanatisme s'est manifesté pas-
'G10
qu a
les scènes les plus sanglantes, dans les trou- ii- él par conséquent plus amour, était, de l'a-
ét
vi de toute l'Europe, le
peuple le plus ai-
bles des sociétés politiques chez lesquelles 3S veu
la Réforme s'est introduite, et ses fureurs a
rs mable et le peuple le plus aimant. Enfin, le
ont signalé les premières époques de la ré- é- lecteur
JeE se rappellera que le pouvoir conser-
vo'ution française. Il est contenu dans les 3S valeur
v; de la religion chrétienne reproche à
sociétés politiques où la force comprime les es si ses ennemis le même excès d'austérité exté-
passions; mais le physionomiste exercé peut ut rieure;
ri qu'il justifie ses disciples du repro-
différence frappante entre
te che
cl que les pharisiens leur faisaient de ne
remarquer une
p observer comme eux le jour du
sabbat;
l'habitude extérieure du peuple réformé as- s- pas
semblé dans ses temples, et celle du peuple le et e il leur défend expressément d'affecter,
catholique assistant aux pratiques de son m 1( lorsqu'ils jeûnent, une tristesse extérieure,
les hy-
culte. Il est aisé, au premier aspect, de dis- s- eet de décomposer leurs visages,comme
tinguer les disciples de la religion d'amour ur pocrites
p qui veulent paraître jeûner aux yeux
des hommes. {Matth. vi,16.)Jenédis rien qui
dont l'objet est sensible et présent, des sec- c- d
tateurs de la religion qui ne parle qu'à l'es- s- ne n soit public et connu; dans plusieurs pays
prit, et qui ne dit rien au cœur ni aux senss réformés,
r la parure du dimanche, pour les
èette différence est aussi sensible; et pour la femmes, fi est la couleur consacrée a exprimer
même raison; qu'elle l'est entre l'humeur et l'
l'affliction, et leurs temples mêmes, nus et sans
les habitudes d'un Français ou d'un Espa- la- ornements,
o ne présentent aux yeux que cette
gnol, et celles d'un Hollandais ou d'un Gé- é- couleur.
c C'est dans les cérémonies publiques
nevois. C'est parce que le catholicisme est ;st qu'il
q faut observer le caractère des peuples
le
le et des sociétés. La religion catholique pres--
amour et tout dans le cœur, que dans e
let crit, dans les funérailles, une pompe plutôt
pays où le mélange des religions permet c
d'en faire la comparaison, les voyageurs re- e- sérieuse
s que triste, des chants plutôt graves
marquent que le Catholique a l'humeur plus us que c lugubres, symboles d'une douleur que
enjouée, la société plus douce, les mœurs irs soulage
s l'espoir de l'immortalité aux funé-h
plus faciles que le réformé. Le baron de railles r des réformés, c'est la livrée de la
llisbeck en fait l'observation dans ses Lettres res mort,
r c'est le silence des tombeaux. A ces
l'Allemagne-: l'auteur du traité sur la regrets farouches, à cette douleur muette,
sur f.
dou-
Félicitépublique, qui a eu soin de se mettre tre iils semblent dire eux-mêmes que leur
à couvert du soupçon de prévention en fa- leur 1 est sans consolation, et leurs regrets
veur du catholicisme,reproche aux réformés les sans;
s espérance,
des Etats-Unis de passer les jours de diman- m- Cette différence dans le caractère général
ches dans un recueillement farouche, et la la du <
Catholique et du réformé a un principe,
)p. et il ne faut pas le
chercher ailleurs que
fuite des plaisirs les plus innocents; il op-
triste et pédantesque à la dans les dogmes des deux religions. La re-
pose cet usage tient toujours l'homme
gaîté, aux manières libres et enjouées du Jigion catholique
J'ai'remarqué ailleurs, dans entre l'amour et la crainte, et elle ne laissé
Catholique. que ins juste sans frayeur, ni le pécheur
là révolution d'Angleterre, les puritains aus- us- jamais le
tères faisaient un crime aux royalistes des jes sans consolation. Elle prévient, par là, le'
et le désespoir de l'au-
divertissements même les plus innocents, et relâchement de l'un,
ils proscrivaient jusqu'aux combats d'ours urs tre. Cette situation
est parfaitement con-
alors communs Londres, comme uné jouis- iis- forme à là nature de l'homme qui aime et"
trop voluptueuse. Hume observe que,
iue. qui craint, et à là nature des choses; parce
sance qu'il est, peut deve-
le caractère du peuple anglais est devenu >nu que l'homme, de juste
ses révolutions nir pécheur, ou dé pécheur peut devenir
inquietet sombre depuis re-
homme qui est dans une si-
ligieuses et politiques; ce qui veut dire que jUe juste. Or, un
lUjs tuation intérieure
conforme à sa nature et à
l'Anglais est devenu moins aimant, depuis
religion et gouvernement ont
sont, la nature des choses, à nécessairement un
que sa son, manifes-
moins amour. Dans la révolution française, ise, principe de satisfaction qui doit se
apercevoir la même teinte de ter au dehors, puisque le bonheur d'un
on a pu que
ion être consiste à être dans un état conforme
à
sévérité farouche se répandait sur la. nation
plus faciles nature. D'ailleurs il est sensible que la
la plus légère et de mœurs les es: sa
il essentiel d'observer que le Fran-
an- pratique de la confession doit rendre un
car est plus confiant, plus
çais, chez lequel la société politique, comme îme peuple généralement orgueilleux, puisque
la société religieuse, était plus constituée, lée, communicMif, moins
i'hjomme est obligé de s'accuser lui-même et les de l'Europe qui en offrent le plus
dej s'avouer coupable. Aussi, le caractère le d'exemples, Londres et Genève, sont situées
plijs marqué des sectes qui ont aboli
la pra- sous des climats différents. Il n'est pas l'ef-
tique de la confession a été un orgueil dé- fet du climat, puisqu'il n'était pas, je crois,
mejsuré et
une profonde dissimulation. La plus fréquent en Angleterre que dans tout
reljgion réformée, qui admet les dogmes
autre pays de l'Europe, avant le change-
absurdes de la grâce inamissible ou de la
ment de religion.
justice imputée, et qui suppose, avec Lu- L'effet de ces opinions désolantes, pour
ther, que l'homme est justifié dès qu'il la
me servir de l'expression de Rousseau, qui
cer|itude de l'être, quoi qu'il puisse êtrea de mènent infailliblement au matérialisme et à
sa contrition, et indépendamment même des l'athéisme, s'est fait remarquer dans le
borines œuvres, par la seule justice de ca-
Jésus- ractère particulier des révolutions dont el-
Christ; ou avec Calvin, que l'homme les ont été le principe, et qui toutes ont été
plus perdre la justice ne peut
une fois qu'il été spécialement dirigées contre le Dieu ot
justifié; cette religion qui, repoussantadans l'homme de la religion catholique, contre
le secret du cœur tout aveu du crime Jésus-Christ et ses ministres. On a
naisj, défend à l'homme le repentir,
eonv vu, dans
et le la révolution présente, 'comme dans celles
laisse seul avec le remords cette religion qui l'avaient précédée, l'athéisme, dans sa
ôtejà l'homme tout principe de véritable
sa- rage impuissante, s'acharner sur les objets
tisfaction, en lui ôtant tout motif raisonna- du culte les plus révérés, avec
ble ide sécurité, et une fureur
en le plaçant dans une qui semblait y chercher, y découvrir, y
situation forcée et contraire à poursuivre quelque chose de plus que ce
sa nature,
entre une opinion vague et sans motif qui qui paraissait aux sens; et le matérialisme,
lui !dit qu'il est juste, et qu'il doit être fer- épuisant sa férocité sur l'homme, même
merpent assuré de son salut, et conscience
sa après
< sa mort, attester, par sa barbarie
qui lui crie, avec sa voix puissante; qu'il est même,
pécheur, et que les vaines opinions d'un i que tout l'homme n'était pas dans ce
cadavre
« défiguré, et que le principe qui lui
réformateur ne doivent pas rassurer celui
ïsurvivait pouvait encore être sensible aux;
que, sa conscience condamne. Une religion outrages.
<
qui enseigne que Dieu a, de toute éternité, La religion réformée, qui ôte toute liberté
destiné une grande partie du genre humain àl l'homme religieux, tend donc nécessaire-
aux jflanirnes éternelles, puisqu'il les
y con- ment
r à établir la démocratie, qui ôte toute
duityparun enchaînement de causes înévita- 1liberté à l'homme politique;
bles devait jeter ses sectateurs dans Ta- et la religion
catholique,
c qui est lavraie liberté des enfants
théisme et'le matérialisme. En effet, il est é Dieu (Rom. VIII, 21), comme rappelle l'A-
de
plus] naturel de croire
que Dieu n'existe pôtre,
} s'allie naturellement avec la monar-
pas, que de se figurer un Dieu ennemi des chie,
c dans laquelle se trouve, comme on l'a
homïnes, et qui les conduit à leur perte vu, la vraie liberté politique. Aussi la reli-
éternelle; et il vaut mieux, v
pour un coupa- gion
g catholique permet au gouvernement
ble, !croire qu'il ne sera pas, que de croire d donner plus de liberté à l'homme exté-
de
qu'il; sera éternellement et nécessairement rieur,
malheureux et c'est aussi r: parce qu'elle veille de plus près sur
ce qui pouvait l'l'homme intérieur; elle est par excellence
arriver de plus heureux pour]a société; car lé loi qui fait les enfants, tandis que les
la
des matérialistes sans crainte de châtiment au-
sont; moins dangereux
tres
tt ne font que des esclaves, dont le gou-
pour elle que des vernement
v est obligé de gêner les actes les
Chrétiens sans espoir de pardon. plus indifférents, parce que la religion ne
p
C'est dans ces dogmes absurdes, qui ôtent réprime
r< pas efficacement les volontés les
à l'homme toute confiance raisonnable, plus
P criminelles. Je renvoie, à cet égard, à
pour
vouloir lui donner une certitude-absolue de e( que j'ai dit dans la première partie de cet
ce
son salut, dans ces dogmes également con- ouvrage.
Ol
trairas à la nature de l'homme, soit qu'ils Aussi le calvinisme ne convient-il pas à
lui inspirent une sécurité sans motif, ou des l'homme social, puisque, pour professer lo
l'j
terrejirs sans espoir, qu'il faut chercher la calvinisme,, l'homme n'a tout au plus besoin
ce
causé; du suicide si commun dans quelques
que de la Bible; au lieu que le catholi-
q<
pays^Ce crime n'est, pas l'effet du climat, cisme
ci est essentiellement la religion de la
comme on le prétend, puisque les deux vil-
société,
sc puisqu'on ne peut professer le ca-
Iholicisme qu'en société, et qu'il faut, pour l'homme intelligent et physique, consiste à
l'h
le sacrifice qui en forme l'essence, des mi- obéir aux lois ou rapports nécessaires déri-
ob
nistres et des assistants. J'en conclus que, vé de la nature des êtres. L'homme social
vés
sa amour de Dieu, sans amour
de ses sem-
dans la religion calviniste, tout est indivi- sans
duel ou intérieur, Dieu et l'homme il n'y blables, sans amour réglé de soi, sans liberté
bl.
a de Dieu que pour l'homme
intérieur; intérieure
in et extérieure, se détériorera dans
ses habitudes morales et même physiques,
l'homme intérieur est l'interprète de la loi
et le ministre de la religion au lieu que
se
loin de parvenir
lo la perfection intérieure
dans la religion catholique tout est général et extérieure à laquelle il doit tendre, parce
conforme à la na-
ou social, Dieu et l'homme; Dieu
présent qi la perfection est l'état
que
lecteur de
dans le sacrifice, l'homme ministre public ture tu de l'homme social. Je prie le
suspendre son jugement sur des assertions
ou social de la religion et c'est un nou- sr hardies en apparence, jusqu'à ce qu'il
trait de conformité qu'a le calvinisme aussiai
veau
la démocratie, où tout est individuel ei en ait vu le développement, et qu'il ait rap-
avec
particulier, le pouvoir, c'est-à-dire, l'a- proché
pi les preuves que je vais en donner
ou observations qu'il a pu faire lui-même
des
mour de soi, dirigeant la force de tous, et
d4
•
puisqu'il n'y a dans ces sociétés que des3 1l'existence de l'Etre suprême et si la crainte
pouvoirs particuliers, c'est-à-dire, l'amourr de {
déplaire au tyran, qui, dans son orgueil,
de soi, qui dirige la force de tous vers l'ob- voulait à toute force donner un Dieu à la
jet de la satisfaction personnelle dé quel- 1France, en attendant qu'il pût lui donner un
ques-uns, et non 1e pouvoir général ou lee maître, n'eût étouffé une discussion dont
monarque, c'est-à-dire, l'amour des autres, l'issue pouvait tromper ses projets, l'univers
de ]
qui dirige la force générale vers l'objet e aurait eu le scandale d'une assemblée de soi-
la conservation de tous. disant législateurs allant aux voix, par assis
11 n'y a donc dans ces sociétés aucun n et levé, sur l'existence de Dieu; et aux ap-
Dieu et!t plaudisséments que reçut, dans cette horde
amour, principe de conservation de
des hommes. Dieu et l'homme ne se conser- r- infâme, le vil scélérat qui se vanta d'être
veront donc pas; c'est-à-dire que la con- athée, il n'est que trop permis de présumer
naissance de Dieu s'effacera de l'esprit dele qu'il y eût été décrété qu'il n'existait pas
l'homme* et que l'amour de son semblable le de Dieu pour l'univers et l'on peut dire de
s'effacera de son cœur. L'homme mettra a ce jour à jamais funeste
donc l'amour de soi à la place de l'amour ir
Une éternelle nuit menaça l'univers.
de Dieu et de l'amour de ses semblables {Demlle, Géorg.)
l'amour de soi sera donc déréglé l'homme le
Montesquieu a remarqué dé son temps,
social n'obéira donc plus aux lois ou rap- )-
Catholiques étaient plus inviaci-
ports nécessaires qui dérivent de la nature
re « que les
dans lés sociétés
és blement attachés à leur religion que les pro-
des êtres il perdra donc,
religieuses non constituées, sa liberté inté- é- lestants, et plus zélés pour sa propagation »
morale, comme il perdra, dans
as et oh peut assurer, sur des observations
rieure et attention ou des aveux recueillis
sociétés constituées, sa liberté exté-
é- faites avec
les nôtre, la religion ré
rieure et physique puisque la liberté, pour ur avec soin, que dans le
Wnaée inspire fort peu d'attachement à
ses Dieu
1 avec la société humaine. Je sais aussi
sectateurs. Si l'on ne voit plus aujourd'hui qque la philosophie moderne, petite-fille de
de
disputes au sein de* la Réforme c'est I, Réforme, indulgente sur tout ce qu'elle
la
qu'ion n'y attache plus aucun intérêt aux aappelait nature faisait violemment soup-
questions qui lui ont donné naissance, et ççonner ses adeptes de porter dans leurs
que, depuis longtemps, tes opinions des ré- mœurs
n l'excessive tolérance de leurs opi-
formateurs ne sont plus les dogmes des ré- nions.
u Or, il ne faut jamais considérer les
forcés. La Réforme est la. maison bâtie sur commencements
c d'une secte, mais ses sui-
le iable, prête à céder au moindre effort des tes
i< comme il ne faut jamais en observer les
ver^ts ou des eaux. (Matth. vu, 26, 27.) Cette sectateurs, mais les dogmes.
s
vérjité deviendra tous les jours plus évi- Le même dérèglement dans l'amour
dente. principe de production des êtres, se remar-
};
2/" J'ai dit que, dans les sociétés politiques que,
q suivant Montesquieu, dans les pays
et religieuses non constituées, l'amour de soumis s à la religion musulmane, et, selon le
soi!, Cook, jusqu'à Otahiti, dans des as-
principe des sociétés de production ou célèbre c
des1 familles,
se dérègle et se détériore. En ssociations d'hommes et de femmes connues
effçt, c'est une observation digne de la plus ssous le nom d'Arreoy, dans lesquelles la li-
sérieuse considération, et qui me parait je- cence ç la plus effrénée autorise tous les excès
terjun grand jour sur la question que je et e ne punit qne la fécondité.
traite, que toutes les sectes qui se sont éle- Jusque dans les républiques qui professent
vées ont porté atteinte à la société naturelle la 1. religion catholiqne, on aperçoit quelque
oujau mariage, soit en profanant sa sainteté, chose c de cette détérioration de la faculté ai-
soit en niant sa nécessité, soit en détruisant manten dans l'homme. Montesquféu lui-même
sort indissolubilité, soit en outrant sa sévé- rremarque que la passion de l'amour, dans
rite. Les désordres infâmes, justifiés par les certaines
c sociétés, ne ressemble pas à cette
moeurs, autorisés même
par les lois dans les même
n passion dans d'autres sociétés, c'est-
républiques
institutions grecques, et transmis avec leurs à-dire à dans celles où l'homme social, obéis-
aux républiques italiennes du sisant à des rapports nécessaires, jouit de toute
moyen âge ces désordres, qui excluent le Si sa liberté. On voit assez fréquemment, dans
véritable amour, puisqu'ils sont contraires à certaines
c> parties de la Suisse, des amants
la fin de la société naturelle, la production vieillir
v sous le même toit sans passion
des êtres, se retrouvent dans le manichéisme, comme ci sans désir; on remarque entre les
verju en Occident de la Bulgarie, et continué jeunesj( gens des deux sexes une familiarité
en France par les albigeois, dont les réfor- ddont l'innocente simplicité n'a jamais été,
tnéà se font honneur de descendre. Les ma- même n au temps de l'âge d'or, dans la nature
nicjiéens comme les albigeois, cohdaM- de d l'homme. L'effet est louable, sans doute,
naient l'union des sexes; ils étaient univer- et e j'y applaudis; mais j'en approfondis la
seljement accusés de mœurs infâmes, et la .ci cause, et, bien loin d'admirer l'homme fort,
preuve irréfragable s'en conserve encore qqui lutte contre ses penchants, et qui las
daris la langue française. Les vaudois, que dompte, d je plains l'homme éteint qui n'a pas
tes ¡réformés confondent avec les albigeois, l'occasion
l' de combattre, parce qu'il n'a pas
et que Bossuet en distingue, n'avaient pas la \t force de sentir. L'amour, dans l'homme
sur le mariage des sentiments bien ortho- lilibre, se produit nécessairement par l'action
doxjes,et ils le détruisaient par une sévérité des d sens:la religion, qui ordonne à l'homme
outrée. Les réformés, je le sais, n'ont jamais de d réprimer ses passions, et qui lui interdit
été accusés de ces excès dans leurs mœurs jt
jusqu'aux désirs, suppose des passions et
mais il n'en est pas moins vrai que la Ré- des d désirs et en lui prescrivant la fuite des
forme a affaibli, par ses dogmes, le lien du occasions
d et l'empire sur ses sens, elle l'a-
mariage, en le rabaissant à une convention vertit yi assez que les occasions sont dange-
purement extérieure, dissoluble au gré des r< reuses et les sens rebelles à l'esprit.
parties, au lieu d'en faire, comme la religion 3° L'amour des hommes, principe de leur
catlioliquo
passions et de un lien indissoluble, frein des conservation,
c( ou, pour parler le langage de
la légèreté, en l'élevant à la la religion, l'amour du prochain, ne s'est
dighité de sacrement, et de grand sacrement, pas pi moins affaibli dans les sociétés non cons-
comme l'appelle l'Apôtre (Ephes. v, 32), tituées ti jamais vérité n'avait été démontrée
puisqu'il estle symbole de l'union dei'Homme- pi par une expérience plus décisive. La révo-
i.«
uuu
a,a lau manifestation
<•_ :““ a“ été
française
lution
ments, a paru tenir, en général, à leurs prin-i- 1tente d'arrêter les suites peuple ou de prévenir
A Amsterdam le pille aussi
cipes constitutifs, soit religieux, soit politi- l'excès.
1
'
ques; puisque les mêmes infortunes ontit 1les maisons de ceux qui lui ont dépiu dans
publique les
éprouvé te même accueil dans les républi- l'exercice de quelque fonction
ques catholiques et dans les monarchies ré- lois autorisent des établissements
infâmes
it où de malheureuses victimes de
l'inconti-
formées, c'est-à-dire dans les Etats qui avaient
publique et de la cupidité particulière
une constitution religieuse ou politique. Jee nencevouées, pour leur vie, à un genre
sais que des mesures de prudence, absolu- t- sont
n d'esclavage tel qu'il n'en a
jamais existé de
ment indispensables dans une révolution (2) et la
dirigée particulièrement contre les rois ca- t- semblable dans aucune société
tholiques, ont éloigné des résidences roya- i- police souffre que des brigands,
agents du
les, des malheureux parmi lesquels il pou- i- gouvernement, enlèvent par toutes sortes
vait se glisser des traîtres; mais je sais aussisi de moyens, des jeunes gens qui vont,expier
possessions malsaines de l'Inde,
que des Etats, qui ne pouvaient avoir le dans îes
même motif, leur ont refusé l'hospitalité Far une mort prématurée, le malheur
d'avoir
lit dans les
qu'ils ont craint ou feint decraindre d'irriter sr mis le pied dans Amsterdam. On
ennemi puissant comme s'ils ignoraient
nt voyageurs les plus accrédités ( 3) des traits
un gouvernement
qu'un peuple qui veut être libre, doit s'ar- r- de barbarie de la part du
s'il le faut, pour faire respecter ses
îs hotlandais, révoltants dans un peuple chré-
mer,
vertus, plutôt encore que pour faire res- s- tien, et qui veut être plus Chrétien que
réformé.
pecter ses frontières. Mais, si les gouverne- e- d'autres, puisqu'il est Chrétien,
ments et les religions ont mis, dans quel- 1- Tout ce que ce peuple a fait pour s'assurer
il) ut
Hôte en français, hospes en latin, signifient lés musico s'enrichissent dans peu de temps, etleur par
police
fois
celui qui reçoit et celui qui est reçu. C'est à la )is toutes sortes d'escroqueries; alors léger
la
prétexte, elle
cherche querelle, et sur le plus
une preuve et un symbole de l'union intime que
ue
V hospitalité doit établir entre les hommes; et c'est 'st leur impose une amende qui absorbe presque tout
nt
la raison potiv laquelle 'l'hospitalité à prix d'argent leur profit, et elle répare ainsi une infamie par une
ou le métier d'aubergiste était vil chez les anciens.
~s· injustice. is
Il est beaucoup plus considéré en Suisse et en Al-
U- JI1J(U3) Vpy. les Voyages de,le Vaillant au cap
lemagne qu'il ne l'est en France. Bonne-Espérunce.
( 9 Lesdirecteurs dfr ces établissements appe-
io-
.6-
la possession exclusive de certaines bran- On peut remarquer les mêmes injustices
ches de commerce, est d'une cruauté qui dans toutes les républiques. Là-où les prin-
n'fst croyable que pour ceux qui connais- cipes sont les mêmes, les effets ne peuvent
sejit. à quel point l'amour de la propriété être différents. Le landamman du canton
étouffe, dans le. coeur de l'homme, l'amour d'Appenzell est décapité pour avoir perdu
dejson semblable. Le coeur se serre, en lisant un petit procès, par le même principe que le
le code de lois, que, pour la sûreté de général de la république de Carthage était
l'Etat la république de Venise a porté mis en croix pour avoir perdu une grande
coptre les chefs eux-mêmes du
gouverne- bataille et puisqu'il faut le dire, que
ment terribles maîtres, mais qui se sont l'amiral Byng était exécuté à Londres pour
en|lacés de leurs propres chaînes Dans les n'avoir pas ,été heureux. La société doit
caillons démocratiques de la Suisse, la sévir contre la trahison prouvée; mais elle
Sûreté des personnes et le droit de propriété doit plaindre le talent malheureux, et s'im-
ne, sont pas à l'abri de l'oppression popu- puter à elle-même les fautes de l'inexpé-
lajre. Personne, en Suisse n'ignore la fin, rience présomptueuse. Quand le sénat
tragique de Joseph Snltev, landamman ou romain remerciait l'indocile Varron de
premier magistrat de la partie catholique du n'avoir, pas désespéré du salut de l'Etut,
canton d'Appenzell,décapité en 1784. Accusé Rome était monarchique, et c'est alors que
pa'r la clameur populaire, c'est-à-dire,
preuves, de s'être laissé corrompre dans la
sans son sénat était jraiment une assemblée de
rois (2)
pojursuite d'un procès qu'il soutenait
au Mais la société en "général est Dieu,
nojm du canton, il fut destitué banni, l'homme et la propriété et par conséquent
déipouillé de ses biens, attiré, neuf ans l'homme social ne peut aimer que Dieu,
après, dans sa patrie par une indigne super- l'homme, ou la propriété. S'il perd l'amour
ehjerie, illégalement arrêté, forcé par les de Dieu et de l'homme, il aura donc néces-
tourments de s'avouer coupable, condamné sairementl'amour de lapropriétéj parce que
enlfin
au dernier supplice, avec un oubli de l'homme ne peut exister sans amour, ni son
tous les principes un mépris de toute loi, amour sans objet,. L'amopr de la propriété
de| toute pudeur, de toute justice, qui méri- remplace donc, dans l'homme des sociétés
tenait à cet infortuné une place distinguée religieuses ou politiques non constituées,
parmi les illustres victimes de la fureur et l'amour de Dieu et l'amour des hommes, et
dejla déraison populaires, si, plus touchés l'or sera le dieu, sera le roi de ces sociétés.
de! la réalité des malheurs que de la celé- Ce n'est point ici une métaohore, et le lec-
brjté des noms,. nous accordions aux infor- teur instruit me dispense sans doute de la
tuiies d'un landapiman d'Appenzell, notre preuve d'une vérité plus évidente que les
contemporain,, l'intérêt que nous donnons à vérités géométriques les plus élémentaires.
celles d'un proconsul romain ou d'un géné- Si l'imperfection des institutions agit sur
rai athénien (1). l'homme et le déprave, la dégéuér.ation ds
(1) Ces. détails sont tirés d'un recueil de pièces et la religion même défend de regarder la mort
relatives à cette affaire, et dont on assure qu'on a comme un mal, mais on doit lui rendre et à sa
défendu la publication, En France, le procès de famille l'honneur qu'ils ne doivent jamais, perdre par
M.lde Lally a été revu, la mémoire de Calas a été une condamnation injuste. Le pouvoir génér?!
l'habilitée,sa familledédommagée, et ses malheurs doit donc redresser les erreurs malheureuses,
chantés en vers et en prose, avec une affectation quelquefois inévitables, des tribunaux; et c'est
qui dénotait visiblement l'esprit du parti. On sait pour cela que l'appel a été établi mais il ne doit
que Calas était réformé. Les glaces éternelles de ]pas souffrir qu'on les avilisse, qu'on les livre au
la Suisse seront fondues avant que la mémoire du mépris public, et qu'un bel esprit fonde sur leur
malheureuxSütter soit. réhabilitée. Un tribunal diffamationl'espoir
< de SA renommée. On pouvait,
peiit errer! mais un peuple! Il n'est pas hors de en
t France, avant révolution, se donner à peu de
la
propos d'observer que l'usage s'introduisait en 1frais une réputation de courage en attaquant la re-
France de relever'appel de tous les jugements cri- 1ligion, le gouvernement, les lois, les tribunaux, les
ini'nels devant les philosophes. Il faut se faire des mœurs,
i que personne ne défendait.
idées justes des choses.. La condamnation d'un in- ( 2) Les monarchies punissent plus sévèrement
nocent est un malheurparticulier, qu'un juge-doit (que les républiques les crimes qui détruisent la*
payer de sa tête, s'il l'a condamné par passion société
s naturelle, comme le vol, l'assassinat, parée
qu'il doit réparer de toute sa fortune et pleurer t
que la monarchie conserve plus la famille qui est,
?vecdes larmes de sang, s'il l'a condamné par une sson élément: la république punit plus sévèrement
erreur qu'il fût en son pouvoir de connaître l'a- que
c la monarchie les crimes de l'honiThe qui 'atten-
vilissement d'un tribunal est une calamité publique, tent
t à la société politique, parce que la: république,
puisque le tribunal est force publique, ou action périt
j tôt ou tard par un homme, ce qui ne peu!
du! pouvoir général. L'on
ne peut rendre la vie arriver
s dans la monarchie.
à individu, mais i! devait la perdre tôt ou tard,
ï'homïfiê réagit sur le gouvernement, et le gné les vraies causes du caractère de ce
éorrompt. L'or, chez quelques peuples, est peuple estimable. Sa paresse, son orgueil et
devenu l'unique mobile du gouvernement, sa bonne foi, ont un principe commun, l'a-
comme il est Tunique passion de l'homme. mour de l'homme et le mépris de la pro-
« La Suisse, dit la Politique des cabinets, priété il travaille peu, parce qu'il n'a pas
« sans désirs, ou du moins sans espoir de
d'attachement à la propriété; il est juste et
conquêtes sans éclat sans activité au fidèle, parce qu'il aime l'homme il est fier,
dehors, ne forme" de prétentions, de projets, parce qu'il s'estime lui-même et qu'il a le
que pour J'argent, et l'argent est devenu noble sentiment de l'empire que l'homme
l'unique but, le grand objet de sa politi- doit exercer sur tout ce qui n'est pas lui,
» dit te même
que. » « Les Chinois, au contraire,
Cette passion du gain est cupidité dans auteur, « ont une activité prodigieuse, et un
une nation forte, avarice dans une nation désir si excessif du gain, qu'aucune nation
faible; et l' Anglais attaque à main armée Je commerçante ne peut se fier à eux. Cha-
commerce de toutes les nations, par le même que marchand chinois a trois balances, une
principe qui fait qu'un Hollandais vit de forte pour acheter, une légère pour vendre,
pain et de fromage, pour pouvoir l'empor- et une juste pour ceux qui sont sur leurs
ter sur les autres peuples commerçants, pargardes. »
Je bas prix du transport; que le Genevois II ne faut pas sortir de l'Europe pour trou-
ée tourmente de spéculations, calcule les ver des peuples excessivement actifs, avi-
probabilités de la vie et de la mort, pour des de gain, et peu délicats sur les moyens
pouvoir placer son argent au plus haut in- qu'ils emploient pour étendre, leur com-
Sérêt et que le Juif prête à usure, achète merce et grossir leurs richesses. Qu'un mar-
des haillons et des bouquins, pour soute- chand de Pékin me trompe avec une ba-
nir sa misérable existence. lance dont je ne puis vérifier le défaut, qu'un
La religion, qui ordonne le mépris des commerçant européen avilisse le papier que
richesses, même alors qu'on en use, place j'ai dans les mains, par un agiotage dont je
donc l'homme dans son véritable état de ne puis connaître le secret, je n'y vois d'au-
force et d'empire, qui consiste à user en tre différence que celle qu'établit entre les
maître de tout ce qui n'est pas lui et quii peuples le degré de leurs connaissances. Ces
n'est fait que pour lui* peuples avides sont bas et rampants, s'ils
Un peuple constitué ou perfectionné doit sont faibles insolents s'ils sont forts; parce
donc avoir l'amour de Dieu dans la société que les uns attaquent la propriété d'autrui
religieuse, l'amour de l'homme dans la so-• avec la ruse, et les autres avec la force, et
ciété politique, et le mépris de la propriété. que l'amour de la propriété avilit ceux-ci,
Observons dans les peuples les effets de ces comme l'excès des richesses enorgueillit
sentiments, effets que les écrivains politi- ceux-là. L'Espagnol est donc paresseux
ques ont aperçus, sans en connaitre lai juste et fier; et le principe de ses défauts,
cause. comme de ses vertus, est dans une consti- {
L'auteur de l'Esprit des lois accuse les tution religieuse et politique, qui lui donne
Espagnols d'orgueil et de paresse; mais ilI l'amour de Dieu et de l'homme, et le mépris
tend justice à leur extrême bonne foi danss de la propriété. D'autres peuples sont actifs,
le commerce, reconnue de toutes les na- injustes, bas ou insolents et le principe de
tions- de FEtfrope.« Cettequalité admirable,») ces qualités bonnes ou mauvaises est dans
dit-il, Il jointe à leur paresse, forme un mé- des constitutions religieuses et politiques,
lange dont il résulte des effets qui leur sontt qui; affaiblissant l'amour de Dieu et de
pernicieux les peuples de l'Europe fontt l'homme, accroissent dans la même propor-
sous leurs yeux tout le commerce de leurf tion l'amour de la propriété.
monarchie. » Cet auteur attribue la paresse Les étrangers, au milieu desquels la par-
de l'Espagnol à son orgueil, et son désin- tie de la nation française la plus empreinte
téressement à son climat. Il ne peut pas yr du caractère national, parce qu'elle tient
avoir d'excès dans le désintéressement et laï de plus près à la constitution, a été jetée
bonne foi d'un peuple, mais il y en a tou- par la tempête révolutionnaire, ont généra-
jours dans son indolence à ce^ égard, l'Es- lement trouvé aux jeunes Français trop d'a-
pagnol n'est pas exempt de reproche maiss mour pour un sexe, ou du moins des maniè-
il s'en faut bien que Montesquieu ait assi- res qui l'annoncent plus souvent peut-être
yi vma. r:au a u. a vau w.u.
qu'elles'ne l'expriment. Ils ont trouvé aux ffortunes n'a pas été le plus malheureux effet
Français d'un autre âge des manières dou- ddu système et de la régence. Une adminis-
ces et affectueuses ils ont admiré dans tous ttration sage aurait pu
rétablir les affaires;
une extrême sobriété pour le manger, et mais r les mœurs une fois dépravées ne se
plus encore pour le boire; de la tranquillité, rétablissent
r plus que par la révolution d'un
delà gaîté même au milieu des revers les JEtat, et je les ai vues s'altérer sensiblement.
plus accablants un désintéressement qui Dans I le siècle précédent, la noblesse et le
allait jusqu'à l'insouciance, quelquefois jus- militaire
t n'étaient animés que par l'honneur;
qu'à la prodigalité, au milieu du dénûment le 1 magistrat cherchait la considération;
le plus absolu; c'est-à-dire qu'ils ont ré- 1l'homme de lettres, l'homme à talent ambi-
marqué chez le Français l'amour de l'honi- tionnaient
t la réputation; le commerçant se
me et le mépris de la propriété. C'est là, glorifiait
§ de sa fortune, parce qu'elle était
j'ose le dire, le caractère d'un grand peuple, tune preuve d'intelligence, de vigilance,
de
d'un peuple constitué et il ne manque plus travail t et d'ordre. Les ecclésiastiques qui
qu'à régler dans t'individu l'amour de n'étaient i pas vertueux, étaient du moins
l'homme, et à mettre des bornes au mépris forcés i de le paraître. Toutes les classes de
objet, c'est
de la propriété. C'est ce que fait la religion, 1l'Etat n'ont aujourd'hui qu'un
subordonnant l'amour de l'homme aux d'être
< riches, sans que qui que ce soit tixe
en
lois qu'elle porte ou qu'elle sanctionne, et les 1 bornes de la fortune où il prétend. Cette
nobiesse,quisacrifiaitsigaiment sa vie à son
le mépris de la propriété à l'obligation du ]
travail qu'elle prescrit. honneur,
1 immole, sans scrupule,son hon-
C'est aussi chez les Français que se trou- neuri à sa fortune. Nous verrons dans la
cupidité gagner la
vait le plus d'amour de Dieu, puisque c'é-• suite la gangrène de la
dévouée par état à
tait en France que se trouvaient les ordres classe de la société,
religieux les plus austères, ceux qui de- l'honneur (le militaire). Si la régence des est
dépravation
mandaient de l'homme l'acte le plus fort de» une des époques de la
plus
l'amour de Dieu, je veux dire, le sacrifice» mœurs, le système en est encore une
le plus entier de lui-même et de sa pro- marquée de l'avilissement-des âmes. » L'au-
priété (1). Amour de Dieu, amour deî teur termine ce tableau par des détails fait, sur
avait
l'homme, mépris de la propriété voilà lei la finance dont le gouvernement sociale
secret de la grandeur de la France et de l'a- en France, une profession presque im-
mabilité du Français voilà le moyen de lai et publique, un état mesure fausse et
grandeur de tout peuple, et de la perfectioni morale, qui tend à détourner sur l'argent Is
fonc-
à laquelle il peut parvenir. Le Suédois, dontt considération qui n'est due qu'aux
la religion est moins imparfaite, puisqu'elleî tions. Une profession ne peut pas être à la
lorsque le lucre
est épiseopale, et dont le gouvernement ai fois honorable et lucrative, Duclos re-
été une monarchie très-prononcée, mêlée3 en est l'objet principal. Aussi
l'inconsidération où a
de quelques intervalles d'aristocratie, a t( marque avec raison
selon Coxe, des habitudes bien supérieuress été la finance en France, tant qu'il y a eu
“
à celles de quelques autres peuples dui des mœurs publiques, et la
faveur qu'elle a
Nord. Ce caractère national s'était détérioréé prise à mesure que les mœurs se sont cor-
dont les financiers
en France il commença à s'altérer dans laa rompues corruption progrès
révolution des propriétés, que le duc d'Or- eux-mêmes ont hâté les par le spec-
léans régent tit avec le secours d'un étran-1. tacle d'une fortune que quelques-uns ont
ger il avait toujours été en s'altérant de- dissipée avec
autant de. scandale qu'ils l'a-
puis cette époque jusqu'à la révolution dess vaient amassée avec facilité.
hommes et des propriétés, qu'a faite le ducc Amour de Dieu, amour de l'homme, prin-
d'Orléans, arrière petit-fils du régent maiss jj cipe de la religion et de la monarchie mé-
il peut se rétablir par cette révolution mé- £ pris
de la propriété, effet de l'un et de l'au-
é
me. « Le système deLaw,»ditDuclos,«aété tre. Aussi remarquez
leur influence sur la
siècle
et a dû être encore pernicieux pour laa société: le siècle de Louis XIV, le
France; cependant le bouleversement dess j.j. de la religion et de la monarchie, le sièc.e
I-
( 1 ) Les religieux de la Trappe ont été accueil- qu'aux privations que leur position nécessite,
la
Ha
clianW
lis en corps dans le canton de Fribourg, où ces is joignent les retranchements que demande
saints anachorètes mènent une vie plus austère en- pour les malheureux.
core que celle qu'ils menaient 'eu France, parce';e-
691
de Condé et de Turenne, de Tourville et de
aa.
OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD.
uu ~VJ.J,.a"IJ.
692
l'amour, principe de conservation des ôtros
ôtros
ViI4
( 1 ) Dans le dernier siècle, on disait Cela est langue était couverte, disparaissaient dans la dété-
beau comme le Cid; aujourd'hui, en France, on di- rioration causée par la congélation, Montesquieu
rait d'un ruban II est divin, délicieux. Dans les en concluait que les hommes du Nord n'avaient
comédies de Molière on trouve des expressions point de sensibilité cette conclusion eût été sup-
qu'on a justement bannies de la conversation; mais portable, s'il n'eût aperçu au microscope, sur la
on a donné dans l'excès opposé, et on a poussé la langue, dans son état naturel, d'un mouton d'Ar-
crainte de l'équivoque à un point insupportable, changél, moins de Iwupes nerveuses que sur la langue
qui devient pédanterie et qui prouve moins la d'un mouton de Ségovie.
chasteté de la langue, que la corruption des esprits. ( 5 ) Les Allemands accusent les Français de
Cependant il est vrai de dire que, plus une langue légèreté le Français a été inconstant dans ses usa-
se perfectionne, plus elle exprime une seule chose ges tant qu'il les a perfectionnés; les peuples du
par un seul mot, moins il y a d'équivoques. Nord sont inconstants dans leurs opinions, parce
( 2 ) De ce que les houpes nerveuses dont cette qu'elles se détériorent.
.n.¡
nt c'est une
nier, et n",n des nn'h' ..1.
.-1. causes de la
avec laquelle se propagent les opinions re-
ligieuses.
r~
1. facilité
gion
gi<
"n_
.;a~ spirituelles, et"M"M~r.E
rieure,
rie
cependant il
':1 est
t
7.~d très-
;woJm.
(1) Il est assez commun de voir chez les peu- vient de faire une perte qui rouvre toutes ses plaies.
vien
ples réformés des personnes d'un rang distingué, Mad
Madame Louise, princesse de Condé, qui réunis-
faire élever leurs filles dans des religions différen- sait tout ce que le monde désire dans ses partisans
tes, de peur que la croyance ne soit un obstacle, tout ce que la religion prescrit à ses disciples,
à toi
ou afin qu'elle soit une facilité de plus pour leur vient de se retirer dans la maison des Capucines de
vien
établissement Les sociétés catholiques donnent Turi ordre dont la règle est d'une sévérité ef-
Turin,
d'autres exemples, et l'on y voit des personnes de frayante. Maison de Bourbon! combien de fois, et
fray:
la naissance la plus illustre, préférer les austérités avec quelle étendue, vous faites à la société poii-
avec
du cloître aux avantages de l'élévation. La Fiance tique et religieuse le sacrifice de l'homme!
iiiju<
vailler dans le Nord que dans le Midi de là que j'indique, puisque les pays protes-
q'
il conclut que la religion réformée, qui su p- tants sont en général moins fertiles, et
ta
prime toutes les fêtes, a trouvé plus de fa- que, si le protestant est plus intéressé, le
qi
cilité à s'introduire dans le Nord que dans Catholique
Ci est aussi laborieux, remarquez
le Midi. C'est expliquer un grand effet par aussi
ai que le pouvoir conservateur de la re-
une raison fausse et petite. L'homme au ligion ne connaît que l'or qui puisse lui
li,
contraire a beaucoup plus à travailler dans disputer l'empire dans le cœur de l'homme,
di
le Midi, parce que dans les pays du Midi se puisqu'il
pi nous avertit lui-même qu'on ne
trouvent toutes les productions qui demaa- peut servir à la fois Dieu et les richesses
pi
dent la culture à bras, comme la vigne, l'o- (i);
( et il nous prévient, pour que nous
livier, le mûrier, les arbres à fruits, etc., n'en soyons pas étonnés, que les-enfants du
n'
au lieu que l'homme dans le Nord n'a que siècle
si sont plus habiles que ses disciples
.ses troupeaux qui n'occupent pas l'homme, dans
d< l'art de faire fortune (jLmc.xvi, 8), parce
et ses champs qui n'occupent que les a ni- qque sa religion n'a été fondée que sur le
maux. Aussi les goûts des hommes désoeu- désintéressement et le détachement des
d<
vrés, celui du tabac à fumer et des boissons bbiens de la terre. C'est dans les principes
enivrantes, sont-ils plus répandus dans le créateurs
ci des diverses religions et des divers
Nord. gouvernements, et non dans quelques jours
gi
S'il fallait chercher à la propagation de la d plus ou de moins consacrés au travail,
de
réforme dans le Nord une autre cause que qu'il
q faut chercher la cause d'un effet géné-
celle que j'ai puisée dans la constitutiondes ral
n et très-sensible. Mais le commerce n'est
Etats qui l'ont adoptée, on la trouverait dans si fort en faveur dans les sociétés non cons-
J'affranchissement du joug de l'abstinence et tituées ou les républiques, que parce qu'il
ti
du jeûne, plutôt que dans la suppression de place
p l'homme à l'égard de son semblable,
quelques fêtes. dans l'état sauvage, tel qu'il peut exister au
d.
On a déjà remarqué que la religion protes- sein
s< des sociétés policées, et qu'il s'allie
tante est plus favorable au commerce, parce naturellement
n avec des gouvernements où
qu'elle permet à l'homme de se transporter le lois ne sont que les volontés particuliè-
les
où son commerce l'appelle, et qu'un réformé, nres de l'homme dépravé. Cette assertion pa-
au moins calviniste, zélé sectateur de sa raît
r< un paradoxe venons à la preuve. Quel
croyance, peut en remplir seul les devoirs, e: le caractère de l'état sauvage? C'est de
est
ce qu'un Catholique ne peut pas faire. Aussi placer
p les hommes, les uns à l'égard des
tous les pays protestants sont-ils Irès-com- autres,
a dans un état de guerre ou d'envahis-
merçants; mais ce n'est là qu'une raison sement
si de la propriété or le commerce
secondaire, et il y en a une beaucoup plus ( 2 ) tel qu'il se pratique presque partout
profonde. Si, comme le dit l'Esprit des lois, e Europe, est un envahissement réel de la
en
le mahométisme agit sur les hommes avec cet propriété
p d'autrui; et lorsqu'on voit le mar-
esprit destructeur qui l'a fondé, on peut dire chand
ci n'avoir aucun prix réglé pour ses
que la réforme agit sur ses sectateurs avec marchandises,
n le commerçant spéculer sans
cet esprit d'intérêt qui l'a fondée. L'intérêt pudeur
p sur le papier empreint du sceau fu-
a fondé ces sectes, et il en est encore le pou- nneste de l'expropriation la plus odieuse, le
floir. négociant,
n quelquefois le plus accrédité,
L'or est devenu la divinité extérieure et faire
fi arriver en poste de la maison. voisine
sensible des sociétés commerçantes et répu- d courriers haletants de sueur et de fati-
des
blicaines, qui sont aussi plus riches en gé- ggue, pour répandre une nouvelle politique
néral que les sociétés catholiques et il ne qui
q puisse hausser le prix des effets qu'il
peut y en avoir d'autre motif que celui veut
v vendre, ou faire baisser le prix de ceux
(1) Non polestis Deo servire, et mammonce. ses profits, ont paru aux tyrans de la France di-
s<
{Malin, vi, 24; Luc. xvr, 15.) ggnes, par leurs vertus, d'être associés aux persé-
(2) Je ne parle que du commerce en général, cutions
e honorables qu'ils faisaient essuyer aux
et bien plus encore du commerce chez quelques membres
ir des professions sociales, de périr avec la
peuples étrangers, que du commerce de France et noblesse,
n ou de souffrir avec elle, victimes de leur
je dois à celui-ci la justice de reconnaître qu'un fidélité
fi à la religion et à la monarchie, et qui, ren-
grand nombre de commerçants qui exerçaient trés
ir en France, méritent d'être appelés par la no-,
avec autant de probité que d'intelligence cette pro- bblesse elle-même, à partager ses devoirs dans la so-
Session, utile lorsque de sages institutions empê- ciété
c constituée, comme ils ont partagé ses mai-
ehent l'extension illimitée de ses spéculations, et heurs
Il dans la société en révolution.
mettent des bornes à l'accumulation immodérée de
qu'il veut acheter, on a sous les yeux., réel- ter, qui les confondit au.lieu de les dis-
lement et sans métaphore, le spectacle hi- tinguer les uns des autres; la religion ju-
deux d'une bande de sauvages qui se glis- daïque ne pouvait donc pas convenir à l'u-
sent dans l'obscurité, pour aller enlever la nivers.
chasse de leur ennemi, ou incendier son L'objet de la religion judaïque avait été
habitation. Je dis plus, et sans recourir à de conserver, chez un peuple, la foi de
ces abus malheureusement trop communs, l'unité de Dieu; cet objet était rempli.
je soutiens que le commerce, même le plus L'objet de la religion universelle devait être
honnête, place nécessairement les hommes, de conserver la connaissance de Dieu dans
les uns à l'égard des autres, dans un état l'homme intelligent, et de conserver ou per-
continuel de guerre et de ruse, dans lequel fectionner l'homme intelligent par la con-
ils ne sont occupés qu'à se dérober mutuel- naissance de Dieu; car, comme je l'ai observé
lement le secret de leurs spéculations, pour ailleurs, la perfection de l'être intelligent
s'en enlever.le profit, et élever leur com- consiste à avoir l'idée de la perfection ou de
merce sur la ruine ou la diminution de celui la vérité, qui est Dieu même. La religion
des autres; au lieu que l'agriculture, dans devait mettre dans son esprit la connaissantee
laquelle tous les procédés sont publics et de Dieu en en plaçant l'amour dans sot)
toutes les spéculations sont communes,réu- cœur, et le culte dans ses sens ou sa force,
nit les hommes extérieurs dans une com- et en produisant au dehors l'effet et les fruits
munauté de travaux et de jouissances, sans de cet amour, par la vertu pour laquelle
diviser les hommes intérieurs par la crainte Dieu lui donnait les secours nécessaires,
de la concurrence ou la jalousie du succès. soit par la répression de sa force, soit par la
Aussi l'agriculture doit-elle être le fonde» protection de sa faiblesse; et comme la
ment de la prospérité publique dans une société religieuse allait devenir plus nom-
société constituée, comme elle y est la plus breuse, puisqu'elle devait être composée de
honorable et la plus utile des professions toutes les nations, il fallait que la vérité fût
qui ne sont pas sociales et le commerce mieux connue, la vertu mieux pratiquée,
est, dans une société non constituée, tafon- les moyens de répression ou de protection
dement de la fortune publique, comme il plus efficaces c'est-à-dire qu'il fallait à
est, dans ces mêmes sociétés, la source de l'esprit une morale plus sévère, au cœur
toute considération personnelle. une religion plus sensible, aux sens des
châtiments ou des récompenses plus capa-
CHAPITRE X. bles d'effrayer le méchant ou d'encourager
l'homme vertueux.
effets DE LA RELIGION CHRÉTIENNE SUR Mais comment faire goûter une morale
l'homme ET SUR LA société, PARALLÈLE
sévère à des peuples faibles, une religion
DE LA RELIGION ET DE LA PHILOSOPHIE.
d'amour à dis nations opprimées par una
Lorsque les passions des hommes eurent religion de haine, des châtiments et des
corrompu le sentiment et défiguré l'idée de récompenses de l'autre vie à des paens
la Divinité, le corps social eut besoin d'une plongés dans les jouissance* de celle-ci?
éducation sévère et retirée, pour conserver C'est là le miracle public, extérieur et social
le grand principe de l'unité de Dieu; et le de la religion chrétienne miracle qui se
peuple juif, choisi pour être le dépositaire renouvelle tous les jours, et sur les peuples
de ce trésor du genre humain,fut séparé des qu'elle fait passer de l'idolâtrie à la connais-
autres peuples par des institutions particu- sance de Dieu, et sur l'homme qu'elle ramène
lières, qui si longtemps firent sa gloire, et du vice à la vertu. Les hommes à préjugés
qui font aujourd'hui son malheur. Mais tous demandent si la religion chrétienne a rendu
les peuples devaient un jour être appelés à les hommes meilleurs. L'homme isolé, con-
jouir du bienfait de la religion constituée, sidéré en lui-même et indépendamment de
ou de la religion de l'unité de Dieu; parce la société dont il fait partie, est, et a été,
.que la religion constituée, fondée sur des toujours et partout le même, sujet aux mê-
rapports nécessaires, un principe néces- mes besoins, livré aux mêmes passions,
saire de développement. doué des mêmes facultés; mais l'homms
Si tous les peuples devaient être appelés social est incontestablement devenu plus
à la même religion, il fallait donc une reli- parfait, et l'on ne doit considérer rhomtng
gion qui les réunit au lieu de les sépa- que dans la société.
Or, la religion a détruit tous les crimes La religion constituée, ou véritable, règle
sociaux ou publics, ceux qui attaquaient à la fois l'homme moral et l'homme physi-
l'homme de la société religieuse, comme le que, q' l'homme tout entier. Elle règle l'hom-
sacrifice barbare du sang humain ou le me m moral en réglant toutes ses facultés;
sacrifice infâme de la pudeur, le trafic im- elleel règle l'homme physique en réglant tous
posteur des oracles et l'apothéose de l'hom- ses se actes extérieurs.
me ceux qui attaquaient l'homme de la L'homme exprime son amour par l'action
société politique en exaltant sa force ou sa de di ses sens, et il acquiert des idées par ses
passion, comme l'atrocité des spectacles, la' sensations
SE il faut donc que l'amour ne se
férocité des guerres, la dépravation de manifestem que par des actes graves et reli-
l'amour physique, ou en opprimant sa fai- gieux, gi pour que les sens ne transmettent à
blesse, celle de l'âge par l'exposition publi- l'âme
H que des impressions pures et capables
'que, celle du sexé par le divorce, celle de de d< porter l'homme à la vertu motif de la
la condition par l'esclavage et je ne parle sainteté
sa du culte et de la majesté des céré-
que des crimes qu'elle a fait cesser, et non monies.
m L'homme a un cœur qui aime et
des vertus qu'elle a fait éclore, de l'amour quiql craint il faut donc proposer un grand
de Dieu, de l'amour des hommes, du mépris objet °t à ses craintes et à ses espérances.
de la propriété, qui ont fondé, qui ont enri- Elle
El propose les récompenses et les châti-
chi, qui ont peuplé tant d'établissementsments m éternels, la jouissance éternelle de
religieux destinés à soulager toutes les fai- Di Dieu même ou sa privation.
blesses de l'humanité établissements que L'homme a un esprit qui examine, qui
la philosophie a pu calomnier et détruire, admet^d et qui rejette et cet esprit doit être
mais qu'elle ne remplacera jamais. Depuis da dans tous également soumis parce que,
que la religion chrétienne était mieux con- da dans tous, il ne peut être également éclairé,
nue, la guerre s'était faite, au moins jusqu'à et que dans aucun il ne peut jamais être
nos jours, jusqu'aux jours de la philosophie, parfaitement
Pa éclairé. Je m'explique la reli-
avec plus d'humanité :.«11 y avait dans les gi gion est la société de Dieu et de l'homoie
gQuverRewents,»d\il' Esprit des lois, «un cer- or,
or une société est une réunion d'êtres sem-
tnn droit politique, et dans la guerre un bi\ blables, réunion dont la fin est leur conserva-
certain droit des gens que la nature humaine tic tion mutuelle.
ne saurait assez reconnaître. Mais si la Toute société a des lois. Les lois sont des
société n'a plus les mêmes vices, l'homme a rapports
ra nécessaires qui dérivent de la nature
les mêmes passions; et ceux qui voudraient de des êtres qui composent la société.
que la religion chrétienne, destinée à sauver Les lois de la société de Dieu avec l'hom-
tous les hommes, comme à perfectionner m< me seront donc des rapports nécessaires
toutes les sociétés, eût frappé l'univers et dérivés
déé de la nature de Dieu et de celle de
frappât chaque homme d'un éclat irrésisti- l'homme.
l'h
ble, oublient que, si l'homme avait une cer- Dieu n'a pu donner une religion à l'hom-
titude physique et par les sens, de J'exis- me m< ou former société avec lui, sans l'ins-
tence de Dieu, de l'immortalité de l'âme, truire tri des lois de cette société.
des peines ou des récompenses de l'autre Si ces lois sont dans sa nature, il ne peut
vie, il n'y aurait plus de combats, plus de apprendre
ap aux hommes la raison et le motif
vertus, parce qu'il n'y aurait plus de choix. de ses lois, sans lui faire connaître sa nature
A la hauteur des dogmes qui confondent divine. dr
l'esprit, à l'austérité de la morale qui gêne Mais l'homme n'a pas la capacité de con-
le cœur, à la sévérité des préceptes qui mor- naître
na la nature de Dieu, et Dieu lui-même
tifient les sens, je reconnais la divinité du ne peut pas lui donner cette capacité
car
fondateur de la religion chrétienne, qui si l'esprit de l'homme pouvait comprendre
donne pour lois aux êtres sociaux les rap- la nature d« Dieu, l'homme intelligent
ports nécessaires dérivés de leur nature serait
sei égal à Dieu car deux intelligences
comme aux moyens que l'homme emploie, qui qu peuvent se comprendre mutuellement
à l'intérêt, à la volupté, à la terreur, je et également sont égales. Les mystères, ou
reconnais l'homme qui veut m'imposer les les choses que l'homme ne peut pas com-
lois qu'il a faites, c'est-à-dire m'assujettir à prendre
pr< dans la religion, sont donc néces-
ses opinions particulières, rapports absur- sai saires dans une religion divine ils sont un
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des et contraires à la nature des êtres.
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des êtres; et une religion divine, ou consti- son bornée et la passion violente, connaît
tuée, a ses mystères pour tous les hommes, la véritable source des désordres de la so-
par la même raison que les hautes sciences ciété, et pourvoit à sa conservation.
ont leurs obscurités pour les gens bornés. On peut dire de la philosophie, ou des
Si l'on essaye de persuader à un nomma sectes, ce que Montesquieu, dit des républi-
ignorant et borné qu'on a mesuré la distance ques « Dans une république l'abus du pou-
qu'il y a de la lune au soleil, ou la quantité voir est plus grand, parce que les lois qui
d'eau qui passe sous un pont dans un temps ne l'ont pas prévu n'ont rien fait pour l'ar-
donné, il le croira, s'il ne peut élever rêter. »
aucun doute sur la véracité et les lumières Enfin, et je prie le lecteur de peser cette
de celui qui lui parie mais il n'aura jamais observation, la philosophie veut contenir
de cette vérité une conviction d'intelligence la passion par l'intérêt, c'est-à-dire, régler
semblable à celle qu'en a le géomètre. l'homme intérieur par l'homme intérieur, et
Si la raison de l'homme n'était jamais elle cherche un-équilibre impossible entre
préoccupée par les passions, elle obéirait l'intérêt et la passion au lieu que la reli-
toujours aux lois de la religion, dont elle gion prend hors de l'homme, et dans Dieu
n'aurait aucun intérêt à révoquer en doute même, le moyen de contenir l'homme.
la sagesse; mais la raison de l'homme n'est Ainsi la philosophie constitue la religion
jamais sans incertitudes, parce que l'homme de l'homme, comme elle veut constituer son
n'est jamais sans passions. De là suit la gouvernement politique, par l'équilibre
nécessité d'une autorité qui puisse la fixer. des pouvoirs intérieurs, c'est à dire, des
Elle peut être fixée de deux manières, ou amours-propres, des passions au lieu que
en éclairant ses incertitudes, ou en répri- la nature constitue la religion, comme elle
mant sa curiosité; mais l'esprit de tous les constitue le gouvernement, par le pouvoir
hommes ne peut pas être également éclairé, général et la force générale.
et l'esprit d'aucun homme ne peut être
entièrement éclairé; au lieu que la curio- CHAPITRE XI.
,sité de tous les hommes peut être parfaite-
CONSÉQUENCESDES PRINCIPES SUR LA CONSTITU-
ment et également réprimée. Donc la répres-
sion de la curiosilé et la soumission de la TION DES SOCIÉTÉS.
raison par la foi, est un moyen plus efficace Je rapproche tout ce que j'ai dit sur les
et plus général de fixer l'esprit des hommes sociétés constituées extérieure et intérieure,
et de tous les hommes;" donc il convient politique et religieuse je le présente sous
mieux à la société; donc il est nécessaire. un seul point de vue, et comme l'analyse de
C'est ici le champ de bataille de la philoso- la théorie des deux sociétés.
phie et de la religion. La religion, pour Dieu et l'homme, les esprits et les corps,
rendre l'homme vertueux veut soumettre éléments de toute société.
la raison de l'homme par la foi la philoso- Donc la
société est intérieure et exté-
phie veut l'éclairer par l'intérêt. rieure, intelligente et matérielle, religieuse
L'intérêt dans l'homme est l'amour de soi, et physique.
on la passion de dominer, et cette passion La société extérieure ou physique est le
dans l'homme dépravé est essentiellement rapprochement des hommes physiques intel-
injuste. La raison dans l'homme est une lu- ligents.
mière qui lui sert à distinguer le bien du mal; La société intérieure ou religieuse est la
et cette lumière, dans l'homme passionné réunion des hommes intelligents physiques.
ou intéressé, est essentiellement bornée. L'homme intelligent ou intérieur ne peut
C'est donc un aveugle mené par un guide pas être séparé de l'homme physique ou ex-
corrompu. Donela religion, qui réprime l'in- térieur.
térêt et soumet la raison, convient mieux Donc la société religieuse ou intelligente
à l'homme que la philosophie, qui donne
ne peut pas être séparée de la société exté-
la raison à conduire à l'intérêt. rieure et physique; c'est à-dire, que la so-
La philosophie, qui suppose la passion ciété intérieure est nécessairement exté-
calme et la raison éclairée, ne peut conser- rieure, et que la société extérieure est né-
ver la société, puisqu'elle commence par cessairement intérieure. Donc la société
méconnaître la source des désordres qui la physique considère l'homme extérieur et
détruisent. La religion, qui suppose la rai- intérieur, physique et intelligent donc la
société religieuse considère l'homme inté- obéir aux lois parfaites ou rapports néces-
à
rieur et extérieur, intelligent et physique saires dérivés de la nature des 'êtres donc
donc il ne peut exister de gouvernementt la perfection des esprits et des corps est leur
sans religion, ni de religion sans gouverne- liberté; donc leur conservation ou leur
ment. existence, dans l'état le plus conforme à leur
Donc la société religieuse sera l'âme, lat nature, n'est autre chose que leur liberté.
société politique sera le corps. La liberté peut exister pour l'homme in-
La société religieuse est naturelle, c'est- telligent, comme pour l'homme physique;
à-dire particulière, ou elle est générale. Lat la liberté est donc spirituelle ou physique.
société physique est aussi naturelle ou par- Donc la fin de la société physique .est la
ticulière et générale. conservation ou la liberté de l'homme phy-
La société religieuse particulière est la1 sique parce que l'homme, égal à l'homm. e,
religion naturelle la société religieuse gé- ne doit être assujetti, dans ses actes exté-
nérale est la religion publique. rieurs et physiques, qu'au pouvoir général
La société physique particulière ou natu- de la société physique, qui est le monar-
relle est la famille; la société physique gé- que.
1
nérale est le gouvernement, ou, dans le lan- Donc la fin de la société religieuse est la
gage usité, la société politique. conservation ou la liberté de l'homme intel-
La réunion de la religion publique et de ligent; car l'homme intelligent, semblable à
la société politique forme un être collectiff Dieu, ne peut être assujetti, dans ses facul-
ou général, appelé société civile, comme la tés intellectuelles ou ses pensées, qu'au
réunion de l'âme et du corps forme un être pouvoir général de la société religieuse, qui
composé appelé homme. est Dieu même. Vous êtes appelés à la véri-
Tout être particulier a une fin particulière table liberté, écrit l'Apôtre aux Chrétiens,
à laquelle il veut parvenir, et qui est l'objet (Galat. v, 13.)
de sa volonté particulière. Donc la fin de la société civile est la con-
Donc la société, être collectif ou général, servation de tout l'homme, eu la liberté de
a une fin générale à laquelle elle veut parve- l'homme intelligent et physique.
nir, et qui est l'objet de sa volonté géné- La fin de la société est l'objet de sa vo-
rale. lonté, parce que Ja société veut, comme tout
La fin de la société naturelle religieuse ett être, parvenir à sa fin.
physique est la production ou la connais- La volonté qu'a la société de parvenir à sa
sance des esprits, et la reproduction des fin s'accomplit par le pouvoir d'y parvenir;
corps. car la société, qui n'aurait pas le pouvoir de
La ûn de la société générale religieuse ett parvenir à sa fin, n'y parviendrait pas.
physique, appelée société civile, est la con- Le pouvoir est l'amour dirigeant la force
servation des esprits et la conservation des vers l'objet de la volonté.
corps. Donc l'amour dirigeant la force, ou autre-
Donc la société particulière ou naturelle) ment le pouvoir, est le moyen de la vo-
doit être l'élément de la société générale, lonté.
parce que la production est l'élément de iai Dans la société naturelie ou particulière>
conservation. la fin est particulière; la volonté, nécessai-
Donc la famille sera l'élément de la so- rement proportionnée à la fin, est particu-
ciété politique, et la religion naturelle l'élé- Hère; les moyens, nécessairement propor-
ment de la religion publique. tionnés à la volonté, sont particuliers.
La conservationd'un être est son existence Ainsi la volonté particulière qu'a l'homme
dans un état conforme à sa nature. de la société religieuse naturelle ou de la
L'état conforme à la nature des esprits ett religion naturelle, de produire dans sa pen-
à celle des corps est la perfection, c'est-à- sée ia connaissance de Dieu, s'accomplit
dire, l'obéissance aux lois parfaites ou rap- par un pouvoir ou par un amour de Dieu,
ports, nécessaires dérivés de la nature dess qui dirige la force particulière, c'est-à-dire,
êtres sociaux, des esprits et des corps. l'action des corps dans le culte extérieur
Mais nous avons vu que la liberté consistea que l'homme seul rend à Dieu (1).
( 15) Les expressions que la religion consacre s amour et farce. La religion offre le sacrifice sodaî
dans le culte qu'elle rend à Dieu, ou dans les de- par Jésus-Christ avec Jésus-Christ, dans Jésus-
voirs qu'elle prescrit à l'homme, offrent des preu- Christ; peripsum, et in ipso, et cum ipso; per d£-
ves sensibles que Dieu et l'homme sont volonté, signe le commandement, c'est la volonté; in expri-
711 OEUVRES COMPLETES
TES DE M. DE BONALD. 712~')~
Ainsi la volonté Darticillièrp
Ainsi particulière (m'a
qu'a l'hommel
l'Vinmmul
de la société physique naturelle, ou de la
e'
a
Mais la .>«^ni:^«
H,fo;s lo ,“ ,».i,,
perfection d'un être
venir à sa fin.
ai consiste à par-
famille, de produire son semblable, s'accom- Donc les sociétés qui parviennent à leur
i-
plit par un pouvoir ou par un amour de soi,i, fin, sont des sociétés parfaites ou consti-
qui dirige la force ou l'action des sens verss tuées.
l'objet de la volonté. Donc les sociétés qui ne parviennent pas
Ainsi la volonté générale ou sociale qu'aa à leur fin, sont des sociétés imparfaites ou
l'homme de la société physique politique
ouu non constituées.
générale, appelée gouvernement ou sociétéé
politique, de conserver ses semblables, s'ac- Mais les sociétés politiques sans monar-
complit par un pouvoir général qui est l'a-
'" que et sans noblesse, et les sociétés reli-
gieuses sans l'Homme-Dieu et sans sacer-
mour général des autres ou du prochain per-' doce, c'estrà-dire, les sociétés sans pouvoir
sonnifié dans le monarque, qui dirige la forcee
générale vers l'objet de la volonté. conservateur et sans force conservatrice,
Ainsi la volonté générale qu'a l'homme de, ne peuvent parvenir à leur fin, la conserva-
la société religieuse politique, appelée reli-
e> tion des êtres.
gion publique, de conserver la connaissance Donc les sociétés politiques sans monar-
e que et sans noblesse, et les sociétés reli-
de Dieu, s'accomplit par un pouvoir général,
c'est-à-dire, par J'amour général des hom- gieuses sans la présence réelle de l'Homme-
mes pour Dieu et de Dieu pour les hommes,
Dieuet sans sacerdoce, sont des sociétés
personnifiés par l'Homme-Dieu présent dans imparfaites ou non constituées.
le sacrifice, et qui dirige la force générale' Donc les sociétés politiques qui ont un
o.u extérieure, c'est-à-dire, l'action de ses monarque et une noblesse, et la société re-
ministres dans le culte extérieur. ligieuse qui admet la présente réelle de
Donc les pouvoirs conservateurs de la so- l'Homme-Dieu et le sacerdoce, sont des so-
ciété civile sont Jésus-Christ et les rois, qui ciétés parfaites ou constituées.
dirigent la force générale de la société ci- Donc la société civile constituée est celle
vile, c'est-à-dire, le sacerdoce et la qui admet la présence /réelle de l'Homroe-
no-
blesse, vers l'objet de la. volonté générale Dieu et le sacerdoce, un monarque et une
de la société, la conservation des êtres intel- noblesse.
ligents et physiques dont elle est composée. Oa a vu que la volonté générale s'accom-
Donc il n'y a pas de pouvoir conservateurr plit par le pouvoir général, et le pouvoir
dans les sociétés politiques où il n'y a pas général agit par la force générale.
de monarque, ni de force conservatrice dans> La force, pour être utile ou conservatrice,
-es sociétés politiques où il n'y a pas de no- doit être dirigée par le pouvoir conserva-
blesse. teur car une force qui n'est pas dirigée,
Donc il n'y a pas de pouvoir conservateurr est une force aveugle, une fureur.
dans les sociélés religieuses où il n'y a pas5 La direction suppose des règles, ces rè-
de présence réelle de l'Homme-Dieu, ni de gles sont des lois. Les lois doivent être des
î
force générale conservatrice dans les socié- rapports nécessaires dérivés de la nature des
tés religieuses où il n'y a pas de sacerdoce. êtres.
Or, des sociétés politiques et religieuses, Les lois sont écrites ou non écrites.
qui n'ont ni pouvoir conservateur, ni force Ainsi la sociétépolitique a des lois écrites
conservatrice, ne peuvent se conserver nii et des coutumes, et la société religieuse a
parvenir à leur fin. des lois écrites et la tradition.
Donc les sociétés qui ont Je pouvoir con- Les lois écrites, qui sont des rapports né-
servateur et la force conservatrice,:ont le cessaires dérivés de la nature des êtres, sont
pouvoir et la force de parvenir à leur fin, qui bonnes, c'est-à-dire, conservatrices de la
est la conservation des êtres qui les compo- société, puisque, étant des rapports iiécessai-
sent. >1
res, elles ne pourraient être autres qu'elles ne
me l'union, c'est l'amour; cum indique le secours,
test la force. me rend à Dieu l'espérance règle l'amour que
Les trois devoirs généraux l'homme a pour lui-même, en fixant au désir qu'il
la religion prescrit
a 1 homme comme le principeque de toutes ses actions a d'être heureux le but auquel il doit tendre; la
charité règle la force de l'homme ou ses actes exté-
envers Dieu, envers soi-même, envers son prochain, rieurs, en lui prescrivantde rendre. son prochain
c est-a dire, en société religieuse, naturelle
tique, sont la foi, l'espérance et la charité. etLapoli-
foi
tous les services qui dépendent de lui car l'es-
«aie 1 esprit ou la volonté dans le culte que l'hom- sence de la charité est d'agir.
t-uu ïum. FAiti. n. l'Ol) V. RELIGIEUX. LIV. Vî 714
sont,
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O/t*l /»Wrt
C ftiî £>/¥• la
choquer /Mïrt- nature
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ont commencé, vai.™»*toujours en
™ se i- deux
oQ populari-
r^wniari, nins puissantes
Hp.nx plus massantes républiques de I'Eu-
sant davantage, c'est-à-dire qu'une fois que le rope, et par conséquent établi sa vraisem-
te pouvoir particulier a pris la place du pou- i- blance à l'égard des sectes.
voir général, le pouvoir va en se divisant, t, La république de Hollande, victime de sa
jusqu'à ce que chaque membre de la société té propre anarchie, et jouet de l'anarchie de la
exerce son pouvoir particulier. J'en appelle le France, ne sortira de la tyrannie révolu-
à t'histoire des républiques anciennes et tionnaire à laquelle elle est assujettie, ,que
modernes. pour passer sous un gouvernement monar-
Une société politique constituée, une fois is chique, ou qui tendra fortement et prochai-
écartée de Ja constitution, ira donc en s'é- é- nement à le devenir; et la république de
loiguant davantage, jusqu'au dernier terme le Pologne, dévorée par une anarchie invété-
de Ça dépravation politique, qui est l'exer- r- rée, a passé, au moins pour un temps, sous
cice de tous les pouvoirs particuliers ou l'a-a- la domination monarchique de trois puis-
narchie. sances fait digne de la plus sérieuse con-
Une société religieuse, une fois écartée §e sidération, que la philosophie, en voulant
de la constitution,ira donc en s'en éloignant nt établir de nouvelles républiques, a hâté la
toujours davantage, jusqu'au dernier terme ie chute de celles qui existaient déjà preuve
de la dépravation religieuse, qui est la des- s. de la vanité des projets des hommes, instru-
truction, ou plutôt l'oubli du pouvoir géné- é_ ments aveugles des vo-lontés irrésistibles
rai, par le débordement de toutes les opi- ,{. qui émanent de la nature des êtres, et qui
nions ou l'athéisme. ne sont elles-mêmes que la volonté éternelle
La France, dans sa déconstitutionpolitique ae et immuable de l'Etre qui les a produits.
et rel'igieuse, a donc atteint le dernier terme
oe CONCLUSION.
de Ja dépravationou de la déconstitutionpo- °" DE LA THÉORIE DU POUVOIR RELIGIEUX.
litique et religieuse. J'ai traité dans cet ouvrage les questions
Mais la société est dans la nature de l'hom- les plus délicates de la politique et de la re-
me, et la constitution dans la nature de la ligion; et s'il est difficile que je n'aie pas
société. aperçu quelque vérité intéressante, il est
Donc une société religieuse ou politique, e'
le, possible que je sois tombé dans quelque er-
parvenue au dernier terme de sa déconstitu- u" reur involontaire.
tion, tendra à se reconstituer comme ta Animé du seul motif de chercher la vé-
pierre qu'une force étrangère a lancée dans ns rité, du seul désir de la répandre, je n'ai
les airs, et éloignée de sa tendance natu- l1" point porté dans la recherche de la vérité les
relle au centre de la terre, tend à y revenir,
'f' préventions d'un homme de parti, ni dans sa
lorsque la force qui l'en éloignait est épui-u" publication l'orgueil d'un réformateur. Je
sée, et qu'elle est au plus haut point de sonon reconnais en politique une autorité inconr-
éloignement du centre. testable, qui est celle de l'histoire, et dans
Et les hommes ne peuvent empêcher la les matières religieuses une autorité in-
marche éternelle et nécessaire des choses? e fail lible, qui est celle de l'Eglise et je sou.-
« car si le législateur politique et
religieux,
IX> mets à l'autorité de l'Eglise la partie de
se.trompant dans son objet, établit un prin- n" mon ouvrage qui traite de la religion com-
cipe différent de celui qui naît de la nature
ire me j'en soumets la partie politique à l'auto-
des choses, la société ne cessera d'être agi- > rite des faits et ma soumission à l'Enlise
` tée jusqu'à ce que le principe soit détruit ou
on est entière, parce qu'elle n'est pas aveugle.
changé, et que l'invincible nature ait reprisns Ce n'est qu'avec une extrême défiance de
son empire. » moi-rtfèrae que je publie cette seconde par-
Donc les républiques tendent à revenir à tie de mon ouvrage. J'ai voulu consulter
la constitution politique ou.à la monarchie, ie, l'autorité la plus respectable qu'il puisse y
et les sectes à revenir à la constitution reli-
li- avoir dans l'Eglise, des lettres écrites dans
gieuse ou au catholicisme; et elles sont, les es ce dessein ne sont pas parvenues il n'exis-
unes et les autres, d'autant plus près de re-e- tait aucun corps en France, ou, pour mieux
venir à leur constitution naturelle, qu'elles es dire, aucun corps de Français dont la déci-
de
sont les unes plus voisines l'anarchie, les les sion pût être pour moi un garant de l'opi-
autres plus près de l'athéisme. nion générale et me répondre que je ne
Déjà des événements récents et publics ics m'étais pas écarté des vrais principes et il
©ut prouvé la vérité du principe à l'égard des
!es m'a paru que l'opinion générale, ou la sa-
pouvait seule être juge compétent du car le sentiment dans l'homme est amour
nouveau rapport sous lequel je considère• ou crainte l'amour ou la crainte se mani-
l'ordre social. Mes erreurs, après tout, ne testent nécessairement dans l'homme par un
sauraient être dangereuses ce ne sont pas> acte extérieur et matériel, ou par l'action de
celles que l'ignorance propage, mais cellesî ses sens; et comme l'amour est principe de
que l'orgueil défend, qui font le malheur production et de conservation, la crainte
des soeiélés. principe de destruction, l'amour se manifes-
Les uns trouveront peut-être que je mets> tera par un acte qui produit ou qui conserve,
trop.de politique dans la religion, et les» et la crainte par un acte qui détruit.
autres trop de religion dans la politique Cet acte extérieur et matériel du senti-
je répondrai aux premiers par ces paroles5 ment, cet acte de l'amour et cet acte 'de la
du divin fondateur de la religion chré- crainte,, cet acte qui produit ou qui conser-
tienne Toute puissance m'a été donnée dans ve, et cet acte qui détruit,, je Les relrouv-e,.
le ciel et sur la terre [Mat th. xxyni, 18) s sous le nom de sacrifice, dans les deux so-
et dans celles que nous lui adressons nous- ciétés religieuses qui comprennent tous les
mêmes « Que votre volonté soit faite surr hommes,, tous les temps et tous les lieux,
la terre comme dans les, cieux (Matth. vi, 10). dans la société religieuse de l'unité de Dieu,
Je répondrai aux seconds par ces paroles dui ou le monothéisme; et dans la société reli-
coryphée de la philosophie « Jamais Etat ne3 gieuse de la pluralité des dieux, ou le poly-
fut fondé, que la religion ne lui servît de base.»» théisme. Je retrouve ce sacrifice non-seule-
J'ai voulu prouver qu'en supposant l'exis- ment dans les deux sociétés religieuses,
tence des êtres sociaux, Dieu et l'homme in- mais dans tous les âges et tous les états de.
telligent physique, tel qu'il a été et tel qu'il1 ces deux sociétés religieuses et je conclus
est, le gouvernement monarchique royal ett que la société humaine ne peut pas plus
la religion chrétienne catholique, étaient né- exister sans l'un ou sans l'autre de ces sa-
cessaires, c'est-à-dire tels qu'ilsnepourraient t crifices, qu'elle ae peut exister sans l'une
être autres qu'ils ne sont, sans choquer la na- ou sans l'autre de ces religions. Et en effei-
ture des êtres sociaux, c'est-à-dire la nature3 je vois en France l'idolâtrie remplaçant le
de Dieu et celle de l'homme en société. christianisme; je vois le sàcrifice du poly-
Or l'existence de l'homme n'est pas uni théisme, la prostitution et le meurtre, rempla-
problème; et, pour connaître ce qu'il est dans çantlesacrificedumonothéisme^ouledonpui
la société, ce ne sont pas les systèmes dess et sans tache de l'homme et de la propriété.
philosophes qu'il faut consulter, mais le té- Du jour où cesserait en Europe le sacrifice
moignage de l'histoire et celui de nos sens, de l'hommeparfait, commenceraitle sacrifice
c'est-à-dire qu'il faut juger l'homme de la so-• (]r l'homme coupable.
ciété par ses oeuvres publiques et sociales. Je conclus donc qu'il y a eu dans toutes
Quant à l'existence de Dieu, elle se prouve les sociétés humaines le sentiment de Dieu
à l'homme physique par les œuvres exté- puisque je vois, dans toutes les sociétés hu-
rieures de Dieu, je veux dire par la créa- maines, l'acte extérieur matériel de ce senti.
tion elle se prouve à l'homme, intelligent ment or les hommes ne peuvent avoir le
par Je raisonnement, dont cette partie de sentiment que de ce qui est Donc Dieu est.
mon ouvrage a été le développement, et que Si Dieu est, si l'homme existe, il y a société
je réduis ici à sa plus simple expression, entre eux car entre deux êtres semblables
pour ta satisfaction de celui qui voudra le et coexistants il y a nécessairement un rap-
méditer, et même pour la commodité de ce- port la société est la réunion d'êtres sem;-
lui qui voudra le combattre. blables donc il y aura réunion entre Dieu
Les hommes pensent à Dieu donc Dieu et les hommes; donc il y aura parole de
peut être, car les hommes ne peuvent penser Dieu aux hommes, puisque la parole. est le
qu'à ce qui peut être. seul moyen de réunion, qui nous soit connu,.
Les hommes ont le sentiment de Dieu avec des intelligences unies à des corps;
donc Dieu est car les hommes ne peuvent donc il y aura écriture, qui n'est que la pa-
avoir le sentiment que de ce qui est. role fixée, transmissible à tous les temps et
Les hommes pensent à Dieu, puisqu'ils transportable dans tous les lieux, parce que
ne peuvent même nier son existence, sans les intelligences vivent dans tous les temps
penser à lai.| et dans tous les lieux.
Les hommes ont le sentiment de Dieu; La société est la réunion d'êtres semblables,
réunion dont la fin est leur conservation mu- Toutes les révolutions religieuses et politi-
tuelle. Donc il y aura, dans la société, un ques ont eu le même principe, l'orgueil et la
pouvoir conservateur qui agira par une force faiblesse, et les mêmes crimes contre
conservatrice; et comme la société est un l'homme et contre la propriété ont signalé
être générai ou extérieur, le pouvoir serat leurs commencements et leurs progrès. S'ils
extérieur et la force sera extérieure. Le pou- ont été plus publics dans la révolution de
voir qui est Dieu même sera extérieur, France, comme dans celle d'Angleterre, c'est
comme la force ou les ministres de son culte que, la révolution y ayant été à la fois poli-
sont extérieurs. Ici je soumets une réflexion tique et religieuse, les crimes qui l'ont si-
importante à ceux qui croient à l'existence gnalée ont été commandés par l'autorité des
d'un Etre suprême,justice, bonté et sainteté. opinions et par celle de la force, c'est-à-dire
On conçoit pourquoi Dieu a laissé mar- par l'autorité religieuse et l'autorité politi-
cher dans leurs voies les nations idolâtres; que à la fois; au lieu que, dans les révolu-
pourquoi il a permis que la connaissance tions purement religieuses on les réformes,.
de s-as perfections s'effaçât du milieu de ces les mêmes crimes ont été moins publics,
sociétés qui ne conservaient pas l'homme, parce qu'ils n'ont été commandés que par
puisque, par l'apothéose,, elles en faisaient l'autorité des opinions. J'énoncerais sur ce
un Dieu, et que, par l'esclavage, la prosti- sujet une vérité plus sévère encore et plus
tution et l'assassinat religieux, la férocité importante, vérité dont la révolution de
des guerres, l'atrocité des spectacles, l'expo- France me fournirait une trop juste applica-
sition pùbiique, etc., elles le rabaissaient tion, si elle ne présentait pas un caractère
au-dessous de la condition des animaux mê- moins général que toutes celles dont j'ai fait
mes. Mais que la société chrétienne, qui a la base de mes principes.
commencé par toutes les vertus particuliè- Telle est en peu de mots la marche et l'a-
res et qui continue par toutes les vertus nalyse de mes preuves de la nécessité, ou ce
publiques, soit depuis dix-huit cents ans qui est la même chose, de la divinité de la
dans une erreur aussi grossière que celle religion chrétienne, et la nécessité, oserais-
de prostituer ses adorations à des signes je dire, de la divinité du gouvernement mo-
sans réalité, c'est ce qui me paraît bien plus narchique. Qu'on ne. m'accuse pas de m'en-
diflicile à accorder avec la bonté de Dieu, fermer dans un cercle vicieux, et de suppo-
qu'il ne peut l'être d'accorder la présence ser ce qui est en question. Je ne supposa
réelle avec sa puissance. Je ne conçois pas, rien que deux faits incontestables, l'exis-
il est vrai, comment Dieu même peut être tence de Dieu et l'existence de l'homme.
présent sous des signes extérieurs lors Btëv EST, L'HOMME existe toute l'économie
même que la méditation me montre comme de la société religieuse et de la société poli-
un rapport nécessaire dérivé de la nature tique tient à ces deux faits, et c'est avec rai-
des êtres sociaux, qu'il doit être extérieur son que j'ai dit, dans la préface de cet ou-
sûus des signes présents et sensibles mais vrage, qu'on ne pouvait attaquer mes prin-
je conçois comme une injustice envers laL cipes sur les sociétés religieuses etpolili-
société, c'est-à-direr comme un rapport con- ques, sans nïer Dieu, sans nier l'homme.
traire à la nature de Dieu juste,, qu'il per- Je ne m'érige ni en législateur de l'Etat,
mette à des sociétés qui conservent l'homme, ni en réformateur de l'Eglise et bien loin
de détruire Dieu. de penser que ce soit à la raison de l'homme
Onnemanquera pas de m'objecter l'exem- à constituer la société politique et la société
ple des sociétés réformées,- qui ne croient religieuse, je suis convaincu, et je crois l'a-
pas à la présence réelle, et l'on croira rétor- voir démontré, que c'est à la société politi-
quer contre moi l'argument dont je me suis que et à la société religieuse à constituer
servi. Je répondrai, l'histoire à la main, que l'homme intelligent et physique; et je ne
je conçois, comme un rapport nécessaire, regarde les législateurs les plus célèbres et
que des sociétés, qui ont commencé par le les réformateurs les plus vantés, que comme
crime, continuent par l'erreur. Ortouies ces des insensés qui ont osé mettre leurs volon-
sociétés ont commencé par la volupté, l'inté- tés particulières à la place des volontés éter-
rêt et la terreur elles se sont écartées des nelles de la nature, ou des corrupteurs qui,
lois ou rapports nécessaires qui dérivent de donnant à la société pour lois leurs propres
ifl nature des êtres, et dès lors elles ont cessé passions, ont légalisé, si je puis le dire, les
«Je conserver Dieu, de conserver l'homme. passions de la société.
SUPPLEMENT.
1
iUXDECX PrrîîMIÈUES PARTIES DE LA THÉORIE DU POUVOIR.
lotir nomme un tuteur; c'est le régent lorsque les perpétue la famille; dans les autres, on partage la
enfants sont en âge du se marier, dans le pays où propriété, la famille se dissout, les frères se sépa-
le droit d'aînesse est é.ablï, l'ainé ea se mariant rent et vont fonder ailleurs de nouvelles familles..
des de sens; mais il entend par sciences les des corps,
-A~nécessaire, 0::0
est pour cemprimer
sciences mathématiques,les sciences de cal- toutes les forces particulières; parce que
cul, auxquelles il ramène ou pense qu'an là où tous veulent dominer avec des volon-
pourra ramener un jour toutes les connais* tés égales et des forces inégales, il faut
sanees qui sont l'objet de l'entendement hu- qu'un seul domine, ou que tous se détrui-
main. sent. »
Cette proposition est fausse, sous quel- 2° Si les sciences naturelles n'ajoutent
que rapport qu'on la considère. rien à la vertu de l'homme, elles ajoutent
Comment les progrès de l'homme, dans peu à son bonheur; soit à'son bonheur ex-
les sciences naturelles, rendraient-ils la so- térieur, qui consiste dans la jouissance des
ciété plus parfaite, puisqu'ils ne rendent pas dons de la nature et de la fortune, soit à
î'homme meilleur (1) 2? son bonheur intérieur, qui ne peut être que
Si une éducation plus soignée, l'habitude la vertu, ou l'amour de Dieu, de soi-même
d'une vie sédentaire, le goût de la retraite, et des autres hommes. Quant à la société,
une constitution physique presque toujours on a soutenu et l'on peut soutenir que les
faible, ou usée par l'étude, éloignent le sa- sciences et les arts peuvent orner et embel.
vant des passions orageuses qui trouble- lir la société, mais qu'ils na la eonscrvmt
raient sa tranquillité, il n'en est que plus pas, puisque l'utilité la plus immédiate des
disposé aux passions calmes et froides, qui sciences (de calcul) et des arts est de favo-
se fortifient dans la solitude, et se nourris- riser l'extension du commerce et les progrès
sent de la contemplation de soi-même et du du luxe, qui, en corrompant l'homme, dé-
mépris des autres aux passions de l'esprit, truisent la société.
l'orgueil, source de tous les désordres de Une objection se présente naturellement
à
la société et de tous les malheurs de l'es- à l'esprit du lecteur le moins attentif. S'il
pèce humaine. faut être savant pour être heureux et bon,
Les hommes ne deviennent pas meilleurs, si le plus haut degré de la vertu et du
ni plus maîtres de leurs passions, en deve- bonheur coïncide avec le développement le
nant plus savants, par la même raison qu'ils plus étendu des connaissances humaines,
ne deviennent pas meilleurs, ni plus mai- combien d'hommes que la faiblesse de leur
tres de leurs passions, en devenant plus condition, celle de leur intelligence, con-
forts. Au contraire, la passion de dominer damnent au vice et au malheur L'auteur a
s'accroît avec les moyens de la satisfaire et soin de prévenir cette difficulté, en assurant
cette passion dans le savant et l'homme fort que les méthodes des sciences seront si
est la même dans son objet, et ne diffère abrégées,
«
les formules si simples les
que par les moyens. Les savants ont la pas- moyens
i d'instruction si généraux et si faci-
sion de dominer par leurs opinions ou par les, et ceux de subsistances si aisés, que,
l'esprit, comme les forts ont la passion de «< par le choix heureux des connaissances
dominer par le corps ou par la force et elles-mêmes
< et des méthodes de les ensei-
c'est parce qu'il y a quelques savants qui {gner, on pourra instruire la masse entière
veulent dominer, par la supériorité de leur d'un
( peuple de tout ce que chaque homme
esprit, sur la faiblesse morale des autres at besoin de savoir pour l'économie domes-
hommes, qu'une intelligence, un esprit gé- tique,
t pour l'administration de ses affaires,
néral, pouvoir de la société des intelligen- 1pour le libre développement de son indus-
ces, est nécessaire, pour dominer tous les ttrie et de ses facultés pour connaître ses
esprits particuliers comme c'est parce qu'il cdroits, les défendre et les exercer pour
y a quelques hommes forts qui veulent do- éêtre instruit de ses devoirs, pour pouvoir
miner, par la supériorité de leur force, sur les
1 bien remplir pour juger ses actions et
la faiblesse physique des autres hommes, celles
c des autres, d'après ses propres lu-
qu'un homme général, pouvoir de la société rmières, et n'être étranger à aucun des sen-
(1) Le sage dont j'analyse l'ouvrage a prouvé par
een comité de supplices comme elle se formait en
son exemple,et publiquement, que les sciences ne ren- comité
c de finances ou de législation, pour discuter
dent pas l'homme meilleur. Ce savant, l'un des plus froidement jusqu'à quel point et comment on peut
fi
universels et des plus distingués de l'Europe, Juin de faire souffrir un homme sans le faire mourir; et le
fi
défendre l'innocent, condamna contre sa cons-
cience, le malheureux Louis XVI à la peine la plus
malheureux
n monarque eût été livré à tous les tour-
ioite après la peine de mort. Si cr raflinement ments,
n à tous les outrages que la rage pouvait sug-
gérer
g à l'imagination atroce et féconde d'un conseil
philosophique eût été adopté par la majorité de la d bourreaux.
de
convention, on aurait vu celle assemblée se former
matière, la vertu comme l'étendue, le bon- constitutions
ce absurdes et impraticables, dont
in-
heur comme la quantité. Pour distinguer le une foule de savants a tourmenté notre
ui
bien du mal, on n'aura qu'à choisir entre un fortunée patrie, la plus absurde sans doute,
fo
à la
nombre presque infini de combinaisons possi- e1 la moins praticable, celle qui prouve
et
oies, où les principes généraux des droits na- fois
fc le pius de calculs et le moins de bon
turels seront respectés, celles qui assureront sens, est celle que Condorcet en personne
s(
davantage la conservation de ces mêmes droits; a donnée à la France.
et parce que la conscience ne sera plus L'auteur, en avançant que l'homme fait la
qu'une équation, la morale ne sera plus société, si a été obligé de soutenir que l'homme
qu'un problème. fait
f< tout ce qui sert à la conservation de la
On peut se rappeler que, dans les pre- société. s<
Il veut que dans les premiers temps
miers jours de la révolution, l'auteur dai- 1< les hommes aient inventé d'eux-mêmes
la langue, par laquelle ils se commu-
gna faire une application de sa théorie des jusqu'àji
probabilités au résultat des votes des assem- niquent
n réciproquement leurs pensées, jus-
blées primaires mais pour parler son lan- qu'à q l'écriture par laquelle ils les fixent;
gage, dans la réduction en équation de laques- mais,n par cela seul que l'homme ne peut
tion proposée, l'auteur avait oublié ou né- vivre v en société naturelle sans parler, ni les
gligé une inconnue, les passions des hommes; famillesf en société politique et policée sans
fa-
aussi il ne parvint qu'à une solution néga- f.écrire, la parole et l'écriture sont des
Hve, et les choix de ces assemblées furent cultés c nécessaires, et non des arts dont la
presque partout dictés par l'intrigue, com- découverte
< ait pu être contingente; car, ce
mandés par la terreur, ou quelquefois ache- qui c est contingent, peut être ou n'être pas.
faculté
tés de l'avarice. Or,
d on ne peut pas supposer qu'une
Le calcul sera donc le moyen unique de ? nécessaire
1
à la conservation de la société soit
la perfection à laquelle doivent tendre et• contingente,
< sans supposer que la société
parvenir l'homme et la société le calcul elle-même ( est contingente, et peut être ou
sera donc le régulateur universel de tous n'être i pas. Aussi, l'explication que donne
les devoirs de l'homme et de tous les l'auteur 1 de Y Esquisse, de la manière dont
développements de la société; et Molière les 1 premiers hommes ont pu composer une
avait l'instinct et peut-être la connaissance langue et inventer l'écriture (1) est-elle
de ce grand principe, lorsqu'il faisait dire inintelligible; et c'est se moquer de ses leo
au maître de musique de M. Jourdain, quei teurs que de prétendre lui-même, que les premiers
des ani-
tous les désordres de l'a société ne venaientt hommes distingués, dit-il
idées morales
que d'un défaut d'harmonie, et à son maî- maux, seulement par quelquescommencement
tve à danser que toutes les fautes des mi-
plus
J
étendues, et un faible
nistres n'étaient que des faux pas. d'ordre social, se sont élevés, par la seule
II semble que Condorcet lui même fûtt force de leur raison, jusqu'à la prodigieuse
destiné à prouver par son exemple les er- invention de l'art de parler et
d'écrire;
qui
reurs de sa théorie, à faire voir qu'en poli- lorsqu'on voit aujourd'hui les sauvages étendues et
tique toute théorie est fausse, si elle> ont aussi des idées morales assez
ébahis à la
néglige de calculer les passions des hommes, un commencement d'ordre social,
de
et qu'elle est absurde, si elle ose en calculer• vue de l'eau qui bout dans un vase, ou
la résistance incalculable car de toutes less quelques grains de verre enfilés dans un
(1) L'auteur de l'ouvrage que j'analyse veutt reproduire, c'est-à-dire, en famille, a pu acquérir
que la formation d'une langue soit i'ouvrage de lai les premiers perfectionnements dont le dernier ter-
société politique; et quelques lignes plus haut il a me est une langue articulée, » et il avoue que
dit que la formation d'une langue a dû précéder « l'idée d'exprimer
les objets par des signes con-
(es institutions sociales, sans lesquelles il ne peutt ventionnels paraît au-dessus de ce qu'était l'intel-
exister de société politique parmi les hommes, ett ligence humaine dans cet état de civilisation, et ce-
qui ne sont elles-mêmes que le résultat nécessaire pendant on a retrouvé partout l'usage d'une langée
de la réunion des hommes en société politique; ett articulée mais aussi l'on ignore le nom et la patrie
il n'explique pas comment les hommes ont pu se des hommes de génie, des bienfaiteurs de l'huma-
réunir en société politique avant d'avoir une langue nité, qui ont fait des découvertes si merveilleuses.>
formée et commune et il dit lui-même, que
observé
i
l'es-
le En général, il règne, dans les premiers chapitres
de cet ouvrage, un désordre qu'on peut appeler me-
premier état de civilisation l'on
où ait
thodique, et qui est un eiïet de l'art l'auteur se
•
pèce humaine, est celui d'une société peu nom-•
breuse, d'hommes subsistants de la chasse et de la renferme dans un cercle d'idées vagues, d'expres-
pêche, mais ayant déjà une langue pour se coin- sions générales, et il se tourmente à organiser la
muniquerleurs besoins et ailleurs'il il avance que
borné à l'association nécessaire pour se
société, sans parler de Dieu, et sans explique*-
l'homme.
« l'homme
729 PART. 1. SOC. – THEORIE DU POUVOIR. PART. If. SUPPLEMENT.
ECONOM. 750
i»u ms\j 1^1 \j i v/'n. iai(i, j.1. OUI IlJlVUI^l.1 !• itJif
timents élevés
timents élevés ou
ou délicats qui honorent la vient, et c'est ce qui oui résulte
résnltn des
d«s proposé
nrrvnnsK
nature humaine, etc., etc. Les habitants duu tions abstraites et générales, de la hauteur
même pays ne seront plus distingués entre 'e desquelles il ne daigne jamais descendre.
eux par l'usage d'une langue plus grossière 'e « Si on passe maintenant, dit-il, à la
ou plus raffinée, et la différence des lumiè-
S- théorie qui doit diriger l'application de ces
res et des talents ne pourra plus élever unele principes et servir de base à l'artsocial ( 1 )
barrière entre des hommes à qui leurs sen- a- ne voit-on pas la nécessité d'atteindre à une
timents, leurs idées, leur langage, permet- précision dont ces vérités premières ne peu-
tent de s'entendre; dont les uns peuvent it vent être susceptibles, dans leur généralité
avoir le besoin d'être instruits par les au-
i- absolue ? Avons-nous fixé des règles préci-
tres, mais n'ont pas besoin d'être conduits ts ses pour choisir avec assurance entre le
par eux dont les uns peuvent vouloir con- nombre presque infini de combinaisons pos-
fier aux plus éclairés le soin de les gouver- v sibles, où les principes généraux de l'éga-
ner, mais non être forcés de le leur aban- lité et des droits naturels seraient respectés,
donner avec une aveugle confiance. e
croirais faire injure au lecteur raisonnable,
Je
i-
celles qui assurent davantage la conserva-
tion de ces droits, laissent à leur exercice, à
de penser qu'il puisse adopter ces visionss leur jouissance une plus grande étendue,
philosophiques l'auteur lui-même a soin n .assurent davantage le repos, le bien-être des
de les détruire, en supposant que les unss individus, la force, la paix, la prospérité
peuvent avoir le besoin d'être instruits parr des nations ?» »
de plus éclairés, et d'être gouvernés par dee Celui qui verrait dans ces phrases pom-
plus habiles. Il revient lui-même au prin- peuses autre chose que des mots, serait
cipe de toute société, à la distinction de laa bien loin de connaître les choses. Mais
force et de la faiblesse il revient au motif ,f continuons.
de toute société, la passion de dominer less « L'application du calcul des combinaisons
autres par la supériorité de son esprit ou dee et des probabilités à ces mômes sciences
sa force; et par conséquent je le ramènee promet des progrès d'autant plus importants,
lui-même à la nécessité d'un pouvoir géné- qu'elle est à la fois le seul moyen de don-
ral, qui comprime par une croyance com- ner àleur résultat une précision presque
mune toutes les opinions particulières dee mathématique, et d'en apprécier le degré de
ceux qui veulent instruire Jes autres, ett certitude et de vraisemblance. Les faits sur
d'un pouvoir général qui comprime par unee lesquels ces résultats sont appuyés peuvent
force générale toutes les forces particulièress bien, sans calcul, et d'après la seule obser-
de ceux qui veulent les gouverner. Il ne fautt vation, conduire quelquefois à des vérités
pas oublier de remarquer que le philosophe, générales, apprendre si l'effet produit par
en supposant que les uns qui auront besoini une telle cause a été favorable ou contraire
d'être instruits, ne se laisseront pas con- mais si ces faits n'ont pu être ni comptés, ni
duire, et que les autres, qui auront besoini pesés, si ces effets n'ont pu être soumis à
d'être gouvernés, ne s'abandonneront pas ài une mesure exacte, alors on ne pourra con-
leurs gouvernantsavec une aveugle confiance., naître celle du bien ou du mal qui résulte
établit en principe, dans la société, la ré- de cette cause et si l'un et l'autre se com-
volte contre l'autorité soit, religieuse, soitt pensent avec quelque égalité, si la différence
politique, le droit de juger ses maîtres, ett n'est pas très-grande, on ne pourra même
de désobéir à ses chefs et par là il consti- prononcer avec quelque certitude de quel
tue l'anarchie, soit dans les opinions, soitt côté penche la balance. Sans l'application du
dans les actions extérieures. calcul, souvent il serait impossible de choi-
L'auteur de l'Esquisse ne peut avancer que3 sir avec quelque sûreté entre deux combi-
les sciences mathématiques perfectionnentt naisons formées pour obtenir le même but. »
la société, et rendent l'homme meilleur, II viendra donc un temps où, selon Con-
qu'en supposant que tout ce qu'il importe à1 dorcet, tout, absolument tout ce qui a rap-
l'homme de savoir et de faire, pour être port aux facultés même intellectuelles de
heureux et bon, et perfectionner la société, l'homme, aux règles des mœurs et des <3e-
sera soumis au calcul et rigoureusementt voirs, aux principes de l'ordre social, sera
r aw aw. .1·rv uu.ua
démontré. C'est là aussi que l'auteur eni
j~V' mesuré,
pesé, a,uav~ calculé,
\.Ill1W
la
Il vérité
rcttcc comme
UJ. I!;J, ""Ull'.1li:r~
la ~Ci
( 1 ) Cette expression est remarquable la philosophie fait de la société un. an la nature en fait aa
être.
E DU POUVOIR. PART. il. SUPPLEMENT. 73J
cordon. L'auteur me fait bien comprendres l'homme doit être plus savant à mesure que
comment les hommes, dans les premierss la société est plus perfectionnée. Les faits
temps, purent représenter les substancess contredisent le système sous ce doub!e rap-
matérielles, les arbres, les animaux, etc., port; l'auteur avoue lui-même « qu'à la
par des traits grossiers qu'ils purent ensuitei Chine, chez ce peuple qui a précédé tous les
convertir en signes arbitraires et convenus; autres dans les sciences et dans les arts, les
mais jamais il n'expliquera comment ils pu- découvertes les plus importantes n'y ont pu
rent désigner, dans les verbes, l'action faite produire » aucun perfectionnement dans la
ou reçue, avec toutes les circonstances de> société; que l'invention de l'artillerie n'a
temps, de personne et de nombre qui la mo- rien ajouté à sa force, ni celle de l'impri-
difient; indiquer, dans le pronom, la subs-· merie même aux progrès de ses connais-
tance sans l'exprimer; séparer, dans l'ad- sances; et qu'enfin les honneurs, les digni-
jectif, l'accident du sujet, et dans l'ad- tés, exclusivement accordés aux savants,
verbe, l'action de toute circonstance acces- n'ont pu hâter le perfectionnement de
soire, etc., etc., c'est-à-dire, qu'il m'explique l'homme, ni le développementde la société.
comment les premiers hommes purent in- Tantôt l'auteur trouve l'homme le plus per-
venter Je dessin, mais non comment ils pu- fectionné dans la société la plus imparfaite,
rent former une langue (1) ni l'écrire. comme en France, « où la nation gémissait
Aujourd'hui, sans doute, nous pouvonss sous le despotisme religieux et politique, à
perfectionner une langue, et peut-être ent tel point, qu'excepté la France, la liberté de
inventer une nouvelle; mais nous avons lepenser existait pour tous les Chrétiens; »
moule, si j'ose le dire, et nous ne pouvons> tantôt il trouve l'homme le plus stupide dans
être qu'imitateurs. Aussi Condorcet est-il1 la société qui lui offre un mieux sensible
obligé de convenir que le nom et même lai «La religion de Mahomet, » dit-il,
patrie de ces hommes de génie, de ces bienfai- simple dans ses dogmes, la moins absurde
la
plus
teurs éternels de l'humanité, auxquels sontt dans ses pratiques, la plus tolérante dans ses
dues les inventions merveilleuses des lan- principes (voilà un perfectionnement), sem-
gues et de l'écriture, sont pour jamais ense- ble condamner à une incurable stupidité
velis dans l'oubli; et peu après, il reconnaîtt toute cette vaste portion de la terre où elle
lui-même que si l'invention de l'arc estt a étendu son empire; tandis que nous
l'ouvrage d'un homme de génie, la formationt voyons le génie des sciences et de la liberté
d'une langue fut l'ouvrage d'une société en- sous les superstitions les plus absurdes, et
tière. Il s'étonne, avec raison, que les au milieu de la plus barbare intolérance. »
hommes des sociétés primitives aient fait Tel est le sophisme dont l'ouvrage que
des découvertes si merveilleuses, et perfec- j'analyse est le long et adroitdéveloppement.
tionné à ce point la société, « et que quel- Ce sophisme, dans un homme qui a la cons-
ques peuples soient restés; depuis un temps cience de son savoir et une haute opinion
immémorial, dans la barbarie; que non-seu- de ses talents, est plutôt un calcul de t'amour-
lement ils ne se soient pas élevés d'eux- propre qu'une erreur de la prévention. En
mêmes à de nouveaux progrès, mais que les effet, si les sciences perfectionnent la so-
relations qu'ils ont eues avec des peuples> ciété, il est naturel que les savants la gou-
parvenus à un' très-haut degré de civilisa-· vernent le peuple, en Grèce, dit modeste-
tion, le commerce qu'ils ont avec eux, n'yr ment Condorcet, imposait un travail au phi-
aient pu produire cette révolution. » Com-· losophe (législateur) mais il ne lui confiait
ment les premiers hommes étaient-ils. si in- pas une autorité, et quoiqu'il obéît aux lois
ventifs avec si peu de secours, ou pourquoi1 qu'il avait reçues du sage, il exerçait seul et.
les hommes modernes sont-ils si stupides auL par lui-même ce que depuis nous avons ap-
milieu de tant de lumières? pelé le pouvoir législatif. Aussi, ce sophisme
Il veut que la société soit plus perfection- a-t-il fait une brillante fortune parmi la
née à mesure que l'homme est plus savant; foule des demi-savantsque les Dictionnaires,
donc, par une conséquence nécessaire, l'Encyclopédie, les journaux ont multipliés
(1 )J Les deux genres masculin et féminin, com- ter quelque chose à la preuve de la vérité du grand
muns à toutes les langues, et employés à distinguer principe de l'amour créateur et conservateicr des
des substances qui ne présentent à l'homme aucune êtres, principe que j'ai développé dans le premier
différence de sexes, sont, ce me semble, une preuve chapitre de la première partie, et particulièrement
que les langues ne sont pas de l'invention de dans la note 5, ci-dessus, que je prie le lecteur de
t'homme.; en" même temps qu'elles semblent ajou- relire.
en Europe ( 1 ) et qui, tous, se croient et il s'en faut bien qu'on puisse dire les
appelés à instruire les hommes et à gou- Grecs savaient plus de géométrie que les Ger-
verner les sociétés. mains, donc ils étaient plus humains envers
Le paralogisme, qui fait le fond de l'ou- leurs esclaves; ils étaient meilleurs astro-
vrage de Condorcet, est amené et présenté nomes, donc ils étaient plus hospitaliers;
avec beaucoup d'art. La méthode de cet au- ils dissertaient sur la morale, donc ils en
teur parait exacte et simple elle consiste à pratiquaient mieux les devoirs, donc ils
aller du connu à l'inconnu, et du vrai au étaient meilleurs époux, meilleurs pères,
vraisemblable; mais on ne s'aperçoit pas meilleurs voisins.
qu'il change perpétuellement d'objet, et qu'il L'homme intelligent n'est pas le seul qui
conclut sans cesse du physique au moral. 11 soit susceptible d'un progrès indéfini ;.l'hom-
étale avec complaisanceles grandes'et belles me physique lui-même participera à cette
découvertes.que l'homme a faites dans les brillante destinée, « et même, » dit l'auteur,
sciences naturelles et les arts, et il passe « comme les passions, les préjugés, les tra-
adroitement à des conjectures sur les pro- vaux pénibles, les excès en tout genre, ne
· grès qu'il fera dans la science des mœurs, seront plus connus parmi les hommes, serait-
dans les règles de ses devoirs, dans le per- il absurde de supposer que ce perfectionne
fectionnement de l'ordre soda) il entre- mentde l'espècehumaine doit être susceptible
mêle, il confond continuellement la certi- d'un progrès indéfini, qu'it doit arriver un
tude de ce qui est, et l'espérance de ce qui temps où la mort ire serait plus l'effet que
doit être. Il résulte de ce charlatanisme, d'accidents extraordinaires, ou de la des-
qu'un lecteur qui n'est pas sur ses gardes, truction de plus en plus lente des forces vi-
ne pouvant contester le vrai, n'ose pas révo- tales, et qu'enfin la durée de l'intervalle
quer en doute le vraisemblable; obligé d'ad- moyen entre la naissance et cette destruc-
mettre les faits, il glisse sur les conjectures; tion n'a elle-même aucun terme assignable.
et il reste de la lecture de l'ouvrage la sou- Sans doute, l'homme ne deviendra pas im-
venir vague d'un assentiment qu'on n'a mortel mais la distance entre le moment
donné qu'à quelques détails, et que la pré- où il commence à vivre, Pt l'époque com-
vention ou l'inattention peuvent étendre à mune où naturellement sans maladie, sans
l'ensemble. accident, il éprouve la difficulté d'être, ne
Cet ouvrage, réduit à sa plus simple ex- peut-elle pas s'accroître sans cesse? Ainsi
pression, présente les raisonnements sui- nous devons croire que la durée moyenne
vants. On a appliqué l'algèbre à la géomé- de la vie humaine doit croître sans cesse, si
trie, donc on l'appliquera à la politique; on des révolutions physiques ne s'y opposent
a calculé la résistance des fluides, donc on pas; mais nous ignorons quel est le tera*e
calculera la résistance des passions; on a qu'elle ne doit jamais passer, nous ignorons
déterminé, la figure de la terre, donc on dé- même si les lois générales de la nature esi
terminera avec précision l'organisation so- ont déterminé au delà duquel elle ne puisse
ciale on a trouvé le secret de déphlogisti- s'étendre. »
quer quelques substances, donc on trouvera Je ne sais si le lecteur partage ce senti-
le moyen de prévenir l'effervescence d'une ment mais il me semble que cette pers-
assemblée populaire; on fait de l'air pur et pective de vertu, de bonheur et d'immorta-
sans mélange de parties hétérogènes, donc lité, que la philosophie promet à la société,
on fera des sociétés sans passions et sans fait un contraste déchirant avec la corrup-
orages; on résout les équations du qua- tion, la misère et la mort qu'elle lui a don-
trième degré, donc on fera disparaître tous nées. Ah! que le sage se consule s'il veut,
les obstacles qui s'opposent au perfection- par ces chimériques espérances, des erreurs,
nement de l'homme social mais l'histoire des crimes, des injustices, dont la terre est
ne s'accorde pas avec cette brillante théorie, encore souillée, et même de celle dont il est
(1) Jadis, dans le siècle de la force, un preux et le Contrat social dans la tête,, s'imagine, dans
chevalier, monté sur son palefroi, l'armet en tête'et ses rêves philosophiques, qu'un peuple, gémissant
la lance à la main, se persuadait, dans ses rêves sous le despotisme, va, dans ses assemblées pri-
chevaleresques, qu'une belle princesse, enfermée maires, lui confier au moins le pouvoir législatif,
dans une tour, sous la garde d'un enchanteur, at- s'il parvient par ses écrits et ses discours à briser
lait lui offrir sa main et ses Etats, s'il pouvait par- ses fers. Ce sont les mêmes passions mais le che-
venir à la tirer de captivité. Aujourd'hui, dans le valier était un visionnaire généreux et brave; lettV-
siècle de l'esprit, un jeune littérateur, encore cou- térateur est un "fou enragé et dangereux.
vert de la poussière de l'école, la plume à la main
Ï37 PART. 1. ECONOM. SOC. THEORIE PART. H.
E DU POUVOIR. PART. 11. SUPPLEMENT. 7«
733
lui-méme la victime; mais qu'il s'abstienneî maineauraitnécessairementacquisun surcroît
de présenter ces consolations dérisoires ài de lumières, dont nous pouvons à peine nous
l'homme que ces funestes chimères ontt former une idée, qui oserait deviner ce que
plongé dans la misère et la douleur, et à lai l'art de convertir les éléments en substances
société que sa vanité et ses systèmes ontt propres à notre usage peut devenir un jour ?»
précipité dans l'abîme du malheur et de lai Effectivement le peuple de Paris, à dé-
corruption î faut de pain, s'est nourri d'aliments qui ne
Cependant quelques ombres viennent obs- valaient pas mieux que de la terré; et qui
curcir ce riant tableau. « II est possible, ») oserait répondre qu'il ne sera pas un jour
dit Condorcet, « que quelque nation sau- réduit à vivre d'air? Et si l'on ajoute à cette
vage des vastes contrées de l'Amérique sep- nourriture économique, qu'il ne peut boire
tentrionale, qui ne connaît de loi que lai que de l'eau, ne verra-t-on pas se réaliser là
force, et de métier que le brigandage, re- flatteuse promesse du philosophe, que les
poussera les douceurs de cette civilisationi éléments se convertiront un jour en substati~
perfectionnée mais réduits à un petit nom- ces propres à notre usage?
bre, repoussés eux-mêmes par les nationsi «2° Les progrès indéfinis de la population
civilisées, ces peuples finiront par dispa- et la masse même limitée des "substances ne
raître entièrement, ou se perdre dans leur• doivent avoir rien d'effrayant pour le bon-
sein. » II ne faut pas oublier le reproche heur de l'espèce humaine, ni pour sa për-
qu'a fait la philosophie aux nations euro- fectibilité indéfinie, si l'on suppose qu'a-
péennes, d'avoir réduit à un petit nombre, vant ce temps les progrès de la raison aient
repoussé et fait disparaître les naturels des marché de pair avec ceux des sciences et
pays qu'ils ont découverts dans le Nouveau- des arts, que les ridicules préjugés de la
Monde et j'oserai demander au philosophe) superstition aient cessé de répandre sur la
si la philosophie donne, plus que le clris- morale une austérité qui la corrompt et la
tianisme, le droit de réduire à un petit nom- dégrade, au lieu de l'épurer et de l'élever.
bre; et de faire disparaître les paisibles ha- Les hommes sauront alors que, s'ils ont des
bitants de ces terres éloignées. obligations à l'égard des êtres qui ne sont
Le sage résout d'une manière plus immo- pas encore, elles ne consistent pas à leur
rale la seconde difficulté, qui, selon lui, donner l'existence, mais le bonheur elles
-< naît de son système. Dans ce progrès indé- ont pour objet le bien-être général de Pes-
fini de l'industrie et dit bien-être; dans un pèce humaine, ou de la société dans laquelle
état de choses où tous les hommes serontL ils vivent, de la famille à laquelle ils sont
vertueux, toutes les femmes fécondes, tou- attachés, et non la puérile idée de charger
tes les familles riches, « chaque générationi la terre d'êtres inutiles et malheureux. »
est appelée à un accroissementdans le nom-· Le lecteur se méprendrait peut-être sur
bre des individus duquel il doit arriver que les intentions du philosophe, s'il ne savait
l'augmentation dans le nombre des hommess pas que, dans le même ouvrage, il déclame
surpassant celle de leurs moyens, il en ré- avec aigreur contre le célibat, et qu'ainsi,
• sulterait nécessairement, pour le bonheurr dans sa société philosophique, le mariage
de la société, une marche vraiment rétro- sera prescrit, et les progrès de la population
grade ou du moins une sorte d'oscillationi arrêtés. La philosophie nous ramène donc
entre le bien et le mal. » aux institutions des républiques anciennes
On a vu, dans la Théorie du pouvoir, que auxquelles le philosophe conseille de bor-
l'accroissement trop rapide de la populationi ner le nombre des enfants à naître, et le lé-
peut être à craindre pour la société que laï gislateur prescrit de borner, par l'exposi-
société politique y remédie par des colo- tion publique, le nombre de ceux qui sont
nies, la société religieuse par ses établisse- nés. Or, empêcher t'enfant de naître ou l'em-
ments que, si ces moyens sont négligés, lai pêcher de vivre est presque le même crime
nature même de la société supplée à leurr dans la société :naturelle dont la fin est la
défaut par des voies qu'il n'est pas donné ài production des êtres s'il y avait quelque
J.
l'homme de connaître ni de troubler. Mais5 différence entre ces deux forfaits, un philo-
le sage a des moyens inconnus au vulgaire, sophe nous prouverait qu'ils sont utiles l'un
et l'autre pour ne pas surcharger là terre
24
des moyens sûrs et directs de faire subsisterr
une population excessive, ou de la borner. d'êtres inutiles et malheureux. C'est donc
î î" Dans un temps, dit-il, « où l'espèce hu= avec raison que j'ai dit, dans la première
OEfJVBRs
OEUVRES rniupr M. nu
tïr M
COMPL. DE ttaivim Jt
DE BOiSALD, r 24
partie de cet ouvrage, que, lorsque l'enfant rapports nécessaires dont l'ensemble forme
n'est pas un être sacré aux yeux de la reli- la constitution, en voulant établir dans les
gion, il est bientôt un être vil et nuisible aux sociétés des rapports absurdes, ouvrage de
yeux de la politique. sa volonté destructive, et qu'il maintient par
Malgré la différence de mes principes sur une force déréglée, e'est-à-direque l'homme
les sociétés à ceux de l'auteur que je com- social se déprave et se déconstitue lui-même,
bats, on a.pu remarquer que nous nous ac- en voulant constituer la société, et que la
cordions sur un point important, sur la per- la société constitue l'homme ou le règle, en
fectibilité indéfinie de l'homme. Cette fa- se constituant elle-même.
culté, propre à l'homme et à l'homme seul, Le procès entre la philosophie et la so-
est, à mon' avis, une des plus fortes preuves ciété civile se trouve donc réduit à des ter-
que puisse offrir le raisonnement, de l'im- mes bien simples.
mortalité de l'homme intelligent. En effet, La société fait l'homme par sa constitu-
il est dans la nature d'un être essentielle- tion l'homme fait la société par ses décou-
ment et indéfiniment perfectible, de vouloir vertes telle est la question dont le juge-
essentiellement et indéfiniment perfection- ment est soumis au tribunal de l'opinion
ner or, vouloir, c'est exister. Mais Condor- publique éclairée par l'histoire des temps
cet veut que ce soit l'homme qui perfec- passés, par la connaissance des événements
tionne la société, et je soutiens au contraire présents, et par des conjectures probables
que ce n'est que la société qui perfectionne sur ceux qui en seront la suite, et dont l'ob-
l'homme intelligent et physique. L'histoire servateur attentif peut prévoir avec quelque
de l'homme et de la société s'accorde avec certitude la nature et la direction.
cette théorie; puisqu'on observe, dans tous Tout nous dit, pronostique l'auteur que
les temps et chez tous les peuples, la con- je combats, que nous touchons à l'époque
servation, c'est-à-dire la perfection de l'hom- d'une des grandes révolutions de V espèce hu-
me intelligent et physique, snivre 'les pro- maine. Je partage à cet égard l'opinion de
grès de la constitution de la société reli- Condorcet, mais je ne suis pas d'accord avec
gieuse et politique,, ou intelligente et phy- lui sur l'espèce et le caractère de cette ré-
sique, et la destruction, c'est-à-dire l'im- volution.
perfection de l'homme intelligent et phy- « L'état actuel des lumières,
»dit cet écri-
sique, suivre la déconstitution de la société vain, « nous promet qu'elle sera heureuse;
religieuse et politique; et qu'onobserve en- mais aussi n'est-ce pas à condition que nous
core que l'homme intelligent se perfectionne saurons nous servir de toutes nos forces?
davantage là où la société religieuse est plus C'est la pensée du sage qui prépare les ré-
constituée, et que l'homme physique se per- Volulions,» a dit ailleurs cet auteur,»et c'est
fectionne davantage là où la société politi- le bras du peuple qui les exécute. Nous
que est plus constituée. Je renvoie le lec- sommes à l'époque où l'influence des pro-
teur à ce que j'ai dit à cet égard dans les grès de la propagationdes lumières sur l'opi-
deux premières parties de cet ouvrage. nion, de l'opinion sur les nations et sur leurs
La raison de ce rapport entre la perfection chefs, cessant tout à coup d'être lente et in-
de l'homme et la constitution (Je la société sensible, a produit dans la masse entière
n'est pas difficile à apercevoir, si l'on fait de quelques peuples une révolution, gage
attention que la constitution étant l'en- certain de celle qui doit embrasser la géné-
semble des lois parfaites ou rapports néces- ralité de l'espèce humaine. Si nous jetons
saires qui existent entre les êtres, plus une un coup d'œil sur l'état actuel du globe,
société a de constitution, plus elle déve- nous verrons d'abord que, dans l'Europe,
loppe de rapportsnécessairesentre les êtres, les principesde la constitutionfrançaise sont
plus l'homme par conséquent peut aperce- déjàceux de tous les hommes éclairés. Nous
voir de rapports nécessaires; donc plus il les y verrons trop répandus et trop haute-
est intelligent, puisque l'intelligence n'est ment professés, pour que les efforts des ty-
que la faculté d'apercevoir des rapports jus- rans et des prêtres puissent les empêcher de
tes et nécessaires entre les objets. pénétrer peu à peu jusqu'aux cabanes de
Bien loin que l'homme perfectionne la so- leurs esclaves. Nous verrons dans chaque
ciété, il ne peut qu'empêcher que la sociétéi nation quels obstacles particuliers s'oppo-
se perfectionne, ou, pour mieux dire, il ne sent à cette révolution, ou quelles disposi-
peut que retarder le développement des tions la favorisent; nous distinguerons cet-
les elle doit être doucement amenée pài
où déjà aux chefs des vues ambitieuses; en
la sagesse, peut-être déjà tardive, de leurs Angleterre, des tribuns ont invoqué la force
gouvernements, et celles où, rendue plus du peuple, et des symptômes alarmants ont
violente par leur résistance, elle doit les en- dévoilé l'existence d'une disposition à la
trainer eux-mêmes dans ses mouvements démocratie qui amènerait, tôt ou tard, la
terribles et rapides. » chute de la constitution mixte de cette so-
La grande révolution à laquelle nous tou- ciété dans quelques Etats de la confédéra-
chons, selon Condorcet, est donc l'abolition tion helvétique, l'on a réclamé les Droits de
de la religion chrétienne (IJ.'et la conver- l'homme, et les gouvernements ont cédé; et
sion de toutes les monarchies en républi- cette condescendance, dans un Etat non
ques, c'est-à-dire J'athéisme et l'anarchie; constitué, est toujours un indice et un com-
et c'est ce que ce philosopheappelle le per- mencement de révolution; l'édifice de la
fectionnement de la société par le progrès confédération germanique chancelle sur ses
des lumières et des connaissances de l'hom- bases antiques; l'indépendance de la répu-
me. Pour moi, si je voulais faire des pro- blique de Gênes est fortement menacée.
phéties, fondé sur les principes développés Quelques petites républiques végéteront en-
dans cet ouvrage, sur l'histoire qui en est core à l'abri de leur faiblesse, entre la cor-
l'application, et sur les événements qui en ruption et la crainte; quelques sectes mé-
ont été et qui en seront la démonstration, prisées tralneront un reste d'existence dans
j'oserais hasarder des prédictions tout oppo- l'ignorance et l'obscurité les unes ne par-
sées, et annoncer le triomphe de la religion viendront peut-être à la constitution politi-
chrétienne et la destruction du gouverne- que qu'à travers le chaos de la démocratie;
ment républicain parce que, « si le légis- les autres passeront parle néant de l'athéis-
lateur, se trompant dans son objet, établit me avant de revivre à ia constitution reli-
un principe différent de celui qui naît delà gieuse mais, tôt ou tard, la nature des êtres
nature des choses, la société ne cessera d'ê- reprendra ses droits, dans la société politi-
tre agitée jusqu'à ce que le principe soit dé- que comme dans la société religieuse la
truit ou changé, et que l'invincible nature religion ramènera les vertus particulières
ait repris son empire. » En effet, il semble qui font le bonheur de l'homme; avec la
qu'on aperçoit dans toutes les républiques monarchie renaitront les vertus publiques
du'monde connu des signes non équivoques qui font la force des sociétés.
de destruction; je ne parle pas de la France, La grande question qui divise en Europe
qui n'a jamais été, qui ne sera jamais une les hommes et les sociétés, l'homme se fàit
république, et qui n'est qu'une monarchie lui-même et fait la société la société se fait
en révolution mais la république aristo- elle-même et fait l'homme, est donc réduite
cratique des Provinces-Unies n'est plus; la à des preuves de faits; et bientôt peut-être
Pologne a passé sous le gouvernement mo- les événements confirmeront les principes,
narchique dans les Etats-Unis, l'on suppose ou anéantiront les systèmes.
(1) Au milieu de tant d'erreurs, Condorcet peut plus espérer qu'Une agonie plus ou moins pro-
énonce une grande vérité: « Toute religion, » dit-, longée. » Avis aux gouvernants, qui veulent que les
il, qu'on se permet de défendre, comme une peuples aient de la religion, et qui ne veulent pas
croyance qu'il est utile de laisser au peuple, ne en avoir eux-mêmes.
EX DE L'ADMINISTRATION PUBLIQUE.
AVERTISSEMENT.
On ne doit pas s'attendre à trouver, dans5 eues, des plans, des systèmes sur l'éducatloa
tm<
ostte partie de la Théorie du pouvoir, dess sociale
sot ou l'administration publique. L'an»
743 ŒUVRES 'COMPLETES DE M. DE BON&LD.744
teur n'a garda de s'écarter des institutions raient pu se glisser', pres&he à son insu.,
glisser., presque insu*
anciennes, institutions nécessaires c'est-à- dans une matière plus susceptible qu&toûte
dire sociales, puisqu'elles étaient dans la autre des écarts de l'imagination et des illu-
nature de la société constituée 'et confor- sions de la vanité, l'auteur les abandonne à
mes à la volonté générale, qui a la conserva- la discussion 'la plus sévère. Ses opinions
tion des êtres pour objet. personnelles sont précisément celles aux-
L'auteur s'attachera à en développer l'es- quelles il tient le moins, et qu'il renonce
prit, à en expliquer les motifs, à en faire même formellement à défendre. Si elles
apercevoir la liaison !avec les principes de la sont utiles, ;elles seront approuvées de la
constitution. S'il en relève les avantages, il société; alors 'elles deviendront sociales, et
ne négligera pasde remarquer les abus que Ton ne doit défendre dans la société que les
'les passions avaient pu y introduire,et dont opinions générales, c'est-à-dire sociale».
il ne faut que les dégager pour les rappeler 'L'auteur, qui s'est élevé contre le pouvoir
à leur perfection naturelle. Quant au petit particulier, est bien éloigné de vouloir dans
'nombre d'idées neuves ou nouvelles qui au- aucim genre établir le sien.
LIVRE PREMIER.
,DE LtëDUCATJON DANS LA SOCIÉTÉ.
ifiine.
sance du caractère doit précéder le choix des
moyens propres à le diriger ainsi dans que
1veux
coupés,,une nourriture saine et réglée,
Trois sortes de personnes sont dans fa fort dur* voilà pour le physique..
xun lit
société plutôt que de la société la société Le cœur se développe après les sens, l'es-
doit les protéger mais elles ne sont pas prit » se développera après le cœur. L'homme
faites pour la'défendre; elles appartiennent à existe avant d'aimer, mais il aime avant de
e
la société naturelle plutôt qu'à la société po- raisonner.
t
litique, à leur.famille plutôt qu'à l'Etat* Ce La seconde partie de l'ouvrage élémen-
sont les enfants, les femmes et le peuple tair.&
t sur l'éducation domestique aurait donc
ou ceux qui exercent» une profession pure- ttrait à la partie morale de l'éducation puis-
ment mécanique c'est lafaiblesse-del'âge, cque l'enfant a un cœur,, il faut en diriger les
du sexe et de la condition. affections.
s Des sentiments plutôt que des
Je traiterai séparément de l'éducation des instructions,
i des habitudes plutôt que des
femmes, raisonnements,
r de bons exemples plutôt-? que
L'homme ai-je dit, est esprit, cœur et des c leçons, un grand respect pour les yeux
sens. Il faut en revenir sans cesse à ce prin- et
c les oreilles des enfants
cipe, toutes les fois qu'on veut traiter de Maxima dehetur puero reserentia;
l'homme ou naturel ou social. (Juven., Sal. XIV vers. IT:)
Ces trois facultés se développent succès- <; dit un poëte qui oublie souvent ceUe
sivement. Dans l'enfant très-jeune on n'a- maxime.
r
perçoit et l'on ne doit apercevoir que des Loin des pères et des mères, loin des en-
sens. Aussi les enfants qui dans un âge fants, f loin de la société, loin de l'espèce
très-tendre montrent un cour ou un es- ]humaine, les funestes principes de l'auteur,
prit, ne parviennent-ils presque jamais à (d'Emile, Si vous ne parlez aux hommes de
l'âge d'homme. j Divinité que lorsqu'ils pourront la com-
la
L'enfant doit manger, digérer, dormir, prendre,
{ vous ne leur en parlerez jamais;
marcher. Je ne traiterai pas de la partie phy- si
s vous ne leur parlez de leurs devoirs que
sique de l'éducation privée ou domestique. 1lorsque les passions leur auront parlé de
Un sujet aussi important mériterait que le 1leurs plaisirs, vos leçons seront perdues.
gouvernement répandit une instruction où L'éducation d'Emile, d'un homme faîbla
7^»
d'esprit et de 1
uiiU VUE.»
-1.J.
&iL~- froid,
lI~!a un être
corps, fait "E.n;W
tiUinri^riico
~IJ sot et exécutées
"< pour maintenir
ni" les mronnc du
Ine mœurs,
pédant; d'un homme fort d'esprit et de corps,1 vail pour maintenir l'aisance voilà ce qu'il
rlil tra-
frp~
I
que l'école était militaire, il y avait très peu
qM
contribuent à leur éducation ils supposent ^e
de subordination,
qu'un père n'a aucune profession sociale à
exercer, nï une mère aucun devoir de bien-
séance à remplir; ils supposent que les pa- m,
rents auront une fortune assez considérable
pour choisir les personnes qui entoureront pas
mœurs..
q^
La décence des mœurs ? Précisément parce
que l'école était militaire, il y avait peu de
Les mathématiques? On ne les apprend
pS dans une école militaire autrement que
îes enfants, payer ceux qui les instruiront, dans fa un collège,
*t fournirla dépense des divers objets re- La tactique ? On ne l'apprend que dans les
latifs aux connaissances humaines qui en- grandes gr manœuvres.
treht dans- 3e plan de l'éducation sociale, et La science de l'artillerie? On ne l'apprend
qu'on trouve dans les établissements pu- qu'aux q, écoles d'artillerie.
blics ils supposent enfin ce qui ne peut se Les fortifications? aux écoles du génie,
trouver que chez un petit nombre d'indivi- dans les places fortes.
dus, et ils proposent par conséquent ce qui L'art nautique? dans les écoles marines et
fie convient à personne. sur
si les vaisseaux.
L'éducation sociale doit-elle être une édu- Le maniement des armes et l'exercice?î
cation particulière pour chaque profession1 C'est çr, un art de huit jours, et ce n'est pas la
sociale? Non, il ne s'agit pas de former des p( peine d'élever à grands frais des écoles mi-
gens d'église, des militaires, des magistrats, jj litaires, pour y apprendre, en dix ans, ce
mais ,des hommes qui puissent devenir mi- Q1 qu'on peut apprendre ailleurs en huit jours,
litairesy magistrats, etc. Il n'y a qu'un seul1 et
el pour y apprendre mal ce qu'on peut ap-
enfant, dans la société, qui doive être élevé prendre beaucoup mieux ailleurs. Les faits
p]
dans sa profession, et pour sa profession, viennentyj à l'appui du raisonnement. Je ne
parce qu'il ne peut pas en exercer d'autre, crois
C] pas que la France ait eu de plus grands
et qu'aucun autre ne peut exercer pour lui. hommes hi de guerre depuis qu'elle avait des
C'est l'erifant-roi. écoles
él militaires. Je tranche le mot parce
Mais où l'homme recevra-t-il l'éducation1 c'étaient des^écoles militaires, parce que
q
que
propre à sa profession? q enfants y avaient des fusils et des épées,
les
le
Dans sa profession même. qu'ils y faisaient l'exercice, parce que
parce
j,
Ainsi l'éducation de l'hommed'église
dans le séminaire, ou dans sa paroisse.. seraa l'on y enseignait tout, on n'y apprenait
rien.
j
L'éducation de l'homme de guerre danss II faut donc des colléges tout simplement,
son régiment. des colléges-pensions.
L'éducation du magistrat, au barreau;5
comme l'éducation du négociant est à son1 CHAPITRE IV,
comptoir, et celle de l'agriculteurà sa terre.
Mais si îe jeune militaire doit recevoirr DES COLLÈGES.
l'éducation militaire dans son régiment, il w 1
faut donc que le régiment soit constitué dee Je distingue 1* le nombre des colléges; 2°
telle sorte qu'il puisse y recevoir cette édu- 1'l'emplacement des colléges, 3° les maîtres;
cation, et que l'éducation du régiment nee h" k les élèves; 5° l'entretien physique; 6°
soit que l'application de l'éducation socialee l'entretien
]' moral ou l'instruction.
à la profession militaire. On peut en dire au- Je ne pose que les bases; les détails trou-
tant de toutes les professions. Si mes con- veraientv leur place dans des mémoires par-
tieuliers. c'est le plan de l'édiflce; mais ce perpétuel,
p universel, uniforme quant au
n'en est,pas le devis. temps,
t< aux lieux et aux personnes.
1° Combien y aura-t-il de collèges? Au- Ce corps, seul chargé de l'éducation publi-
tant qu'il en faudra pour recevoir les enfants que,
q doit-'il être corps laïque ou corps
de toutes les familles qui devront ou qui religieux?
r
pourront faire élever leurs enfants; de ma- 1° Il n'existe point de corps laïque qui
nière qu'il n'y en ait pas moins de 300, ni soit
s perpétuel car tout corps qui peut se
plus de 500 dans chaque collège. Je ne tiens dissoudre
d la volonté de ceux qui le com-
pas à ces nombres plus qu'à d'autres. Les posent,
p n'est pas un corps perpétuel, et s'il
collèges ne doivent être ni trop, ni trop peu n'est
E pas perpétuel, il ne peut être universel.
nombreux; il faut exciter l'émulation des ni
K uniforme.
enfants, celle. des maîtres, et ne pas rendre 2° Ces laïques auront, ou pourront avoir
impossible la surveillance des derniers. une
x. famille, puisqu'ils ne seront pas enga-
2° Où seront placés ces colléges A la gés
g irrévocablement à la société. Ils appar-
-campagne, si le besoin des classes externes, ttiendront, par le fait, ou par le désir, beau-
pour les enfants des iamilles moins riches ccoup plus à leur famille qu'à la société; car
n'obligeait pas de les placer dans les villes. 1l'homme naturel veut toujours l'emporter
Où qu'ils soient placés., ils seront disposés, sur
s l'homme social, et la famille sur la
dans le royaume, relativement au nombre société.
s
des familles q.ui devront, ou qui pourront Il faut donc un corps religieux, un ordre,
faire élever leurs enfants. Dans une partie car
c il n'existe pas plus de corps sans vœux,
riche et peuplée, les collèges seront! plus qu'il
c n'existe de société civile sans religion
rapprochés .que dans une partie pauvre et publique..
j
peu peuplée. Cependant, et j'en dirai tout Ici la philosophie me demande si les
à l'heure la raison, je désirerais qu'aucune voeux
A sont dans la nature de l'homme.
famille ne fût pas, s'il était possible, à plus Oui ils sont dans la nature de l'homme
de deux journées de distance du collège de social, car il est dans la nature de l'homme
sa province, ou de son arrondissement. `
social d'employer toutes ses facultés à l'uti-
Les maisons publiques, qui .peuvent j 1
lité de la société; il ne peut donc pas être
être employées à former des colléges la nature de l'homme social de s'en-
contre
(
existent partout, et le gouvernement ne
peut être embarrassé que du choix. gager envers la société, à employer à son
usage,
l et pour toujours, toutes ses facultés,
CHAPITRE V. c'est-à-dire,
( son esprit, son cour et ses sens,
(ou autrement, sa volonté par le voeu d'obéis-
DES MAITRES. sance,
f ses affections par le vœu de pauvreté,
Elever tous les hommes sociaux, ou tous ses sens par le vœu de chasteté. Ce qui n'est
les hommes qui doivent former la société, autre chose que préférer la société civile à
1 société naturelle, et les autres à soi.
la
c'est élever la société même. Or la société
est un être perpétuel donc il faut un insti- Vous voulez donc, me dira-t-on, rallumer >
donner la même éducation dans tous les ni pour penser ni pour parler, d'un brevet
temps, dans tous les lieux et à toutes les signé d'Alembert ou Condorcet. La destruc-
personnes. tion
1 d'un corps célèbre, chargé de l'ensei-
Dose il faut un corps, car un corps chargé gnement public, a été le fruit d'une manœu-
de l'éducation publique est un instituteur “ “ vre ténébreuse, dont les fils déliés échap-
-^v. > .?
paient à la vue de ceux qu'ils faisaient commencements seront imparfaits, comme
mouvoir; un coup mor-tel porté à la consti-- tous les commencements mais les corps ont
tution religieuse et politique des Etats, le bientôt perfectionné les hommes et les cho-
premier acte de la révolution qui a anéanti ses. Il existait en France un corps, chargé
la France», qui menace l'Europe, et peut-être de l'enseignement publie des enfants du-
l'univers, de la granderévolution du christia- peuple, connu- sous le nom de Frères des-
îrisme à l'athéisiïie!Qu';on n'accuse pas l'au- Ecoles chrétiennes corps excellent, qui
teur de prévention; car outre qu'il n'a pas présentait dans ses principes, son objet et
pu,juger ce corps célèbre il a- peut-être eu ses formes, plus d'une ressemblance avec le
.à se défendre de préjugés contraires de corps dont j'ai parlé, et dont l'institut, que.
famille et d'éducation. 11 y avait- des abus à. peu de personnes connaissent est un chef-
réformer dans le régime de cet ordre fameux.; d'œuvre de sagesse et de connaissance des-
mais on sait assez que ce n'était pas aux hommes. Ce corps a été formé, dans ce siè-
abus qu'en en voulait. cle, par l'abbé de- la Salle, simple chanoine.
« La cour de- Rome, dit
le comte d'Àlboa de Remis, qui n'avait, pour une- aussi
sur cet événement, alarmée du glaive, s'a- grande entreprise, d'autre moyen que sa>
vance pour. consommer un, sacrifice qui volonté; mais qui, avec une -volonté de fer,
étonne l'univers. Sur un autel élevé par des a surmonté. des obstacles insurmontables.
mains ennemies, elle immole des victimes J-'ignore s'il est un saint aux yeux de la reli-
dont elle n'ignore pas le prix, et qui n'au- gion, mais il est un héros aux yeux de la»
raient jamais dû, tomber sous- ses coups. saine politique.
11 faut donc un corps, un corps religieux., Les corps dégénèrent,- dira-ton voyez
un corps unique, chargé dans tout le royau- les corps en France-au moment de la révo-
me de l'éducation sociale et publique, parce lution t.
que l'éducation estperfectionnement et Les corps dégénèrent» quand ils ne sont;
qu'un corps seul peut perfectionner. pas occupés; et je veux les occuper.
Il faut un corps, parce qu'il faut dans Les corps dégénèrent, quand le gouverne-
j'éducation publique perpétuité, universa- ment cesse de les protéger et de les surveil-^
lité, uniformité, même vêtement, même 1er; et je veux que le gouvernement les sur-
nourriture, même instruction, même distri-• veille et les protège.
bution dans les heures du travail et du repos, Les corps dégénèrent, quand le gouver-
mêmes maîtres, mêmes livres, mêmes exer- nement met-le désordre dans leur sein, en
cices, uniformité en tout et pour tout, dans s'immisçant dans leur administration inté-
tous les temps et dans tous les lieux, depuis rieure; quand il établit des commissions
Brest jusqu'à Strasbourg, et depuis Dunker- pour changer leurs règles, au lieu de main-
que jusqu'à Perpignan le ministre de l'édu- tenir l'ancienne discipline; et je veux que le
cation publique n'aura pas d'ordonnance à gouvernement maintienne tout, et ne change.
faire, ses fonctions se borneront à empêcher pien.
que d'autres n'en fassent, et à prévenir tou- Les corps dégénèrent, parce que les horn->
tes les innovations, même les plus indiffé- mes dégénèrent;, et je veux former des.
rentes en apparence, qui pourraient se glis- corps pour empêcher les hommes de dégé-
ser dans des établissements nombreux et nérer.
éloignés les uns des autres. Ce corps peut devenir redoutable. Cette
H faut répondre aux objections. Comment objection sera faite par des sots et par des-
former un corps en France dans l'état où gens d'esprit. Les premiers la feront sérieu-
sont les choses ?`? sement, et les autres la feront sans rire.
t° II faut. vouloir c'est, en tout, ce Quand ces corps lèveront des troupes et for-
qu'il y a de plus difficile; car le gouverne- tifieront les collèges, le gouvernement fera
ment, ainsi que l'homme, prend souvent marcher contre eux la force militaire; et je
ses désirs pour des volontés. ne doute pas qu'il ne dissipe cette armée
2' 11 faut prendre dans tous les ordres scolastique, comme le gouvernement espa-
religieux tous ceux qui se sentiront de l'at- gnol dIssipa des armées de missionnaires
trait et des dispositions pour embrasser ce dans le Paraguay.
nouvel état; plier ensuite tous les esprits, Vous voulez donc des moines? Je veux
tous les cœurs, tous les corps, sous un ins- des religieux. J'en veux pour l'éducation
titut approuvé de l'Eglise et de l'Etat. Les publique; j'en veux pour d'autres objets),
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qui ne peuvent être confiés qu'à des corps; Les différents travaux qu'exige la. conser-
je veux conserver quelques maisons de cet vation
va de la société, forment les différentes
ordre austère, banni de France et accueilli professions.
pr
dans les cantons suisses, comme on con- La société des hommes extérieurs ou
serve d'antiques armures, dont nos corps physiques est naturelle ou politique; les
pi
affaiblis ne peuvent plus supporter le poids.. professions
pr seront donc naturelles ou poli-
Il n'est pas à craindre que ces maisons de- tiques, selon qu'elles seront nécessaires à la
tic
viennent trop nombreuses mais cîiez une conservation
co de rune ou de l'autre société.
nation vive et sensible, il faut un asile hors La société politique comprend les sociétés
de l'ordre- commun, à des malheurs, à des
fautes,, à des âmes hors de l'ordre commun.
Combien, après notre fatale révolution, de
malheureux ou de coupables, repoussés ou
dégoûtés du monde, iront ensevelir dans
relles..
naturelles
ns
litique
lit
re
ou familles .-donc la société po-
comprendra tes professions natu-
2 ~zi;.vES..
xaES ÉLÈVES.
DES
des
ou la famille.
Les arts ou professions mécaniques sont
de professions naturelles, ou nécessaires à
Les enfants de toutes les familles qui de- la conservation de la société naturelle
vront ou qui pourront leur faire donner l'é- pi puisqu'on ne saurait concevoir la société
ducation sociale ou publique. Ce texte de- naturelle na ou la famille, sans des arts ou
mande un commentaire; et je prie le lec- professions pr qui la vêtissent, qui la logent,
teur de remarquer comment le système gé- même eu' qui la nourrissent car l'agriculture
néral de l'éducation sociale me ramène sans n'i n'est que la première et la plus utile des
cesse aux principes de la constitution des professions pr naturelles mais elle n'est pas
sociétés et comment les principes dè la une uf profession sociale ou politique, puis-
constitution me ramènent au système gêné- qu'elle ql a existé avant la société politique
ral d'éducation. L'art tout seul ne produirait qu'elle qc peut exister sans la société politique,
jamais une concordance si parfaite. et qu'ainsi elle n'a pas un rapport direct et
Toute société suppose de la part de ses itr: immédiat à la conservation de la société
membres une réunion d'efforts et de travaux po politique.
dirigés vers sa fin, vers l'objet de sa volonté Il y a des professions qui n'onjt pas de
générale, la conservation des êtres sociaux, rapport ra nécessaire et immédiat à la conser-
QU la conservation de la société. vation
va de la société naturelle, ni à celle de
(i) Vovez ses réflexions sur la révol. de France.
13. société politique, et qu'on peut regarder J dans l'origine,, des collèges; et; c'est même
comme des professions mixtes. Elles tien- une des raisons pour lesquelles ils nous ont
nent à la société naturelle qu'elles enri- conservé les richesses littéraires, de l'anti-
chissentou qu'elles amusent, ,.et,à la société quité nos rois eux-mêmesy étaient élevés;
politique qu'elles embellissent; mais on et Louis le Gros,'entre autres, fut élevé au
peut concevoir J'une de ces sociétés sans monastère de Saint-Denis avec les jeunes
des professions qui l'enrichissent ou; qui gens des familles sociales, c'est-à-dire ayjec
l'amusent, et l'autre sans des professions la jeune noblesse du royaume..
qui l'embellissent. Ces professions sont le Alors on ne confiait pas ^éducation dûr
commerce les arts agréables car on peut mestique à des laquais
ou à des femmes d«t
concevoir la société, naturelle et la société: chambre, ni l'éducation sociale à des indi-
politique sans commerce extérieur, sans vidus qui ne se livrent à cette profession,
=
poètes, sans peintres, sans musiciens, mê> que parce qnlils n'ont, pu, ou parce qu'ils
me sans avocats ces professions sont utiles, espèrent en exercer une autre, et qui ne
mais elles ne sont pas nécessaires.;c'est le: peuyajttt.par conséquent remplir leur, devoiç.
`
luxe de la société il ne faut pas le itannir, qu'avec dégoût ou avec impatience,.
mais il faut le régler;et n'oubliez, pas de
Venons aux objections,
remarquer comme une démonstration ri- Si l'Etat est obligé de faine élever les enr-,
goureuse de-mes principes sur les profes- fants des familles, sociales qui n'auront pas,
sions sociales, naturelles et mixtes, que ce,
les moyens de les faire élever, elles-mêmes,
sont ces dernières, celles qui ne sont pas il résultera
immédiatementnécessaires à la conservation en
1° Une dépense considérable pour l'Etat.
de la société naturelle, ni à celle de la so-
2° Des fraudes de la part des familles,
ciété politique, qui ont troublé en France
3° Une. inégalité choquante entré les.
les deux sociétés et fait la révolution qui
les désole en soulevant les professions na- membres de la société..
turelles contre les professions sociales. Réponse. Cette dépense, est dans la nature
Mais la société constituée classe les fa- de la société; car c'est à la. société et non.
milles dans les professions respectives; il y aux familles qu'il importe qu'elles remplis-.
a donc des familles sociales ou politiques, et s<Mit leurs engagements envers la société
desfamilles naturelles.Les professionspoliti- donc cette dépense est nécessaire, donc elle.
possible; je dis plus, l'éducation doit
ques ou sociales sont nécessairement dis- est
tinguées des professions naturelles il y a être le premier objet de dépense de la so-
donc des familles distinguées des autres fa- ciété, comme il doit être le premier objet de
milles, parce que des familles qui exercent dépense
( de la famille.
des professions immédiatement nécessaires Veut-on un aperçu pour ceux qui aiment
à la conservation de la société politique à fixer leurs idées? Vingt mille enfants aux
sont nécessairement distinguées de celles frais i de l'Etat ne feraient que 10 millions,
quiexercent des professions immédiatement parce | que, vu la diminution du signe, les
nécessaires à la conservation de la société pensions en France ne seront pas au-dessus
naturelle. de
( 500 livres. Or, pour calculer en politique,
Les familles qui exercent une 'profession il i faut mettre dans la recette ce qu'épargnera
sociale ne peuvent se soustraire à cet enga- en ( frais de justice criminelle et de maisons
gement; il est donc nécessaire qu'elles se (de force, une bonne éducation donnée à la
mettent en état de le remplir, en faisant don- jeunesse.
J
ner à leurs enfants J'éducation sociale et, si 2° C'est pour que les hommes ne trompent
elles n'en ont pas les moyens, il est dans la ]pas l'Etat, que je veux former les hommes.
nature de la société, que la société, pour 1Les fraudes en ce.genre sont plus aisées à
son intérêt propre, vienne à leur secours. prévenir
j qu'on ne pense, et ne nuisent ja-
Je ne fais que revenir au premier étal des mais r à la société. Il est bien moins préjudi-
choses. L'éducation sociale était un des (ciable à la société qu'elle fasse les frais de
principaux et peut-être le seul objet d'un l'éducation
1 de mille enfants pour lesquels
grand nombre de fondations pieuses faites |t|elle ne devrait pas payer, qu'il ne l'est pour
par la noblesse dans les premiers siècles de elle
t que dix enfants ne reçoivent pas l'édu-
la monarchie, fondations contre lesquelles cation
c qu'ils devraient recevoir. S'il y avait
on a tant déclamé. Les monastères étaient, eu une bonne éducation publique, la France
/V11t~1v.y .8,1'1 \.lJ.1 ,A7VW-aaiuv;uamvavamvu
n'aurait pas eu de révolution, parce qu'elle )se
pos< à l'homme et à tous les hommes? Le
n'aurait pas eu de révolutionnaires. avàil. L'homme qui travaille le plus et qui
trav
3" Il résulte, dira-t-on, de cette disposi- availle le mieux, remplit donc le mieux le
trav
tion une inégalité choquante entre les divers ivoir que la nature lui impose s'il remplit
dev<
membres de la société. La réponse à cette m devoir mieux que tous les autres, il mé-
son
objection demande une discussion plus te d'être distingué d'eux.
rite
'étendue, et qui va faire l'objet du chapitre Comment connaitre dans la société celui
Ci
suivant. u travaille le plus et le mieux, ou qui
qui
^™ mplit le mieux son devoir? Par un moyen
CHAPITRE VII.
lr, infaillible, public, à l'abri de toute con-
silr,
station; par l'état de sa fortune. Qu'on ne
SOTTE BU MÊME SIÏJET. – ADMISSION DES FA- *es''i
irle pas de bonheur, c'est toujours l'excuse
pari
MILLES DANS LES PROFESSIONS SOCIALES.
de! . paresse ou de l'ineptie. Bonheur est
s 1la
La société doit veiller ce qne les enfants ibileté. Celui qui s'enrichit est donc celui
habi
de toutes les familles sociales reçoivent V-é- quiti travaille le plus et qui travaille le mieux,
-ducation publique ou sociale; parce que la quili remplit plus parfaitement ses devoirs
'volonté générale de la société-, qui a sa con- iturels,qui présente la meilleure caution
nàti
servation pour unique objet, doit prendre dei sson aptitude à remplir les devoirs politi-
'tous les moyens d'assurer cette conservations les, qui mérite d'être distingué, et sa fa-
que:
mais par le même principe, elle doit néces- ille d'être «neblie.
mill
mirement encourager toutes les familles ou Nécessité de l'anoblissement par charges.
Ni
•tous les individus qui veulent embrasserdes Ain;nsi, l'homme qui anoblit sa famille par
professions sociales; parce qu'une fainBte acqvquisition
i de charges ne fait autre chose
'ou un individu qui embrasse une profession quete prouver à la société qu'il a mérité que
sociale, se dévoue à la conservation de la famille fût admise à remplir les devoirs
sa f8
'-société. Il faut distinguer ici l'individu de flitiques, par son application et son apti-
poli
la famille l'individu peut ne dévouer que de à remplir les devoirs naturels.
tude
<sa personne à la conservation de la société, On0 ne peut rien opposer de solide à cette
en embrassant la profession sacerdotale, démmonstration mais les esprits subtils font
militaire ou sénatoriale; il peut y dévouer dess objections. Vous récompensez, me dira
sa postérité 'ou sa famille, en l'élevant au m, les voies malhonnêtes de s'enrichir. Je
t-on.
rang de famille sociale, ce qu'on appelle ne veux
v pas qu'il existe des voies malhon-
anoblir. Une famille peut s'élever au rang nêtetes de s'enrichir dans une société consti-
de famille sociale, par des services éclatants, tuéeée et l'on ne doit ni spéculer sur du faux
dans quelque genre que ce soit, par conti. papi pier, ni jouer à la hausse ou à la baisse,
nuité de services militaires, pu par acquisi- ni envoyer
e. son voisin à l'échafaud, ou en
tion de charges sénatoriales. Les occasions paysys étranger, ou supposer qu'il y est, parce
de rendre des services éclatants à la société qu'ol'on l'a forcé de se cacher, pour acheter
sont rares, et les hommes qui peuvent les sonn bien de ceux qui n'ont pas le droit de le
-rendre sont plus rares encore que les occa- ven(ndre.
sions. L'admission dans des grades militai- Vous établissez, me dira-t-on, la distinc-
V<
res assez élevés pour justifier la faveur de tionm des richesses. Non, j'établis la distinc-
l'anoblissement, en justifiant du mérite mi- tion
m du travail.
litaire du sujet, suppose une carrière pro- Vous
y< inspirez le désir de s'enrichir. Non,
longée dans un état périlleux, ou un mérite maUlis l'ardeur louable de travailler; car il n'y
extraordinaire. Il faut, pour l'intérêt de la
«as pour une famille de moyen plus assuré
a p3f
société, que les familles puissent s'élever au de s'appauvrir
s' que de s'anoblir; et cela doit
rang de familles sociales par des voies moins être
'e ainsi, parce que tout autre désir que ce-
difficiles et plus accessibles au plus grand lui de l'honneur, tout autre attachement
nombre des hommes; car la société consti- qu'à
'à la société, doit être inconnu dans une
tuée ne doit pas compter, pour sa conserva- fami
nille sociale, et qu'il est moralement et
tion, sur les hommes ni sur les occasions polit
litiquement utile qu'il y ait dans une so-
extraordinaires la nature fera naître, s'il en ité quelque chose que l'homme estime
ciété
est besoin, les grands hommes et les grands is que l'argent, et qu'il y ait aussi un
plus
événements. )yen de prévenir, sans violence, l'accrois-
moyi
Quelle est l'obligation que la nature im- nent démesuré des fortunes, que produit
sem«
7G5 OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD.
h la longue dans la famille la profession hé-
réditaire du commerce. -1. 1QI
dans une société constituée, et pourquoi elle
ne l'est pas ou elle l'est moins dans une so-
On ne doit, dira-t-on, s'anoblir que par la ciété non constituée ou peu constituée, et
vertu, ou par des services distingués. Parla qui se rapproche par conséquent des socié-
vertu, non; car la vertu elle-mêmeest no- tés dans l'état sauvage. Il est dans la nature
blesse par des services distingués, d'ac- des choses que la profession qui détruit soit
cord mais alors il ne s'anoblira que deux x: moins odieuse dans une société qui ne con-
familles par siècle, et les besoins de la so- serve pas.
4 ciété
en exigent un peu plus. Toute famille C'est dans le même principe qu'il faut
n'exerçant pas une profession sociale, qui chercher la raison de la loi qui dans plu-
veut faire donner à ses enfants l'éducation sieurs Etats de l'Europe, soumet les juge-
sociale ou publique, annonce, par cela même ments à mort à la ratification du prince. Le
qu'elle a l'intention de rendre ses enfants motif est louable, mais l'effet est nul ou
utiles à la société, et peut-être de s'élever dangereux, et le principe faux. L'effet est
elle-même au rang de famille sociale ou nul, parce que le prince ni son conseil ne
distinguée. La société ne doit pas payer doivent ni ne peuvent être plus instruits
l'éducation de ces enfants, parce qu'elle que les tribunaux; l'effet est dangereux,
ignore s'ils voudront ou s'ils pourront em- parce que le prince, substituant son pouvoir
brasser une profession sociale, ou si cette particulier au pouvoir général, dont les tri-
famille aura les qualités nécessaires pour bunaux sont l'action, accordera le pardon des
s'élever elle-même au rang de famille so- crimes les plus graves, par la répugnance
ciale mais elle doit les admettre dans ses que l'homme social éprouve à contribuer à
établissements publics, et leur faciliter ainsi la mort de son semblable,lorsqu'il est maî-
les moyens de lui être utiles. tre de lui donner la vie. Le principe est
Ainsi la société admettra dans ses établisse- faux, parce que le prince, comme la Divini-
ments d'éducation publique tous les enfants té, ne doit agir que pour conserver. Dieu
sains de corps et d'esprit, dont les familles laissepérir, mais il ne détruit pas. Pierre 1"
auront l'intention et les moyens de leur faire exécutait lui-même à mort; et il est, pour
donner l'éducation sociale. un roi, à peu près égal d'en signer la sen-
La société admettra-t-elle les enfants des tence. La constitution de la société ne per-
Juifs ? Non car les Juifs sont hors de toute met pas au roi de signer un arrêt de mort,
société politique, parce qu'ils sont hors de même d'y assister, encore moins d'être pré-
toute société religieuse chrétienne. sent à l'exécution d'un criminel. Telles
Admettra-t-elle les enfants de l'exécuteur étaient les moeurs en France, c'est-à-dire la
des jugements publics, et n'exerce-t-il pas constitution et je crois même que, hors les
une profession sociale? On ne doit admettre, crimes dont le roi lui-même ne pouvait pas
dans les établissements publics d'éducation, accorder la grâce, la rencontre inopinée du
que les enfants nés dans les professions so- monarque dans le lieu où allait se faire une
ciales honorées et honorables, ou ceux qui exécution, aurait sauvé la vie au coupable.
se destinent à en exercer de pareilles. Une On voit quelquefois, chez les étrangers, des
profession sociale n'est honorable et ne doit malfaiteurs condamnés à la chaîne travailler
être honorée, que lorsque les devoirs qu'elle dans le palais et sous les yeux de leur sou-
prescrit se joignent à une idée de vertu verain. Nos moeurs défendaient au roi d'arrê-
c'est-à-dire de sacrifice et de danger or, ter ses regards sur le spectacle du malheur
dans la profession d'exécuteur des jugements et de la servitude ses yeux ne pouvaient
publics, il n'y a nul danger à craindre, et il rencontrer que le bonheur ou le produire.
n'y a d'autre sacrifice à faire que celui de la Et c'est contre la royauté, ce second bienfait
compassion naturelle à l'homme pour son de J'Etre suprême, que des furieux, qui, pour
semblable, sacrifice que l'homme ne peut fonder un gouvernement, ne savent que
faire sans crime ou sans infamie. haïr et juger, exhalentdes serments de haine!
aussi lui ont juré amour; et
Je prie mon lecteur de penser que je n'au- Mais d'autres
éternelle des êtres, l'amour
rais pas élevé une pareille question, si elle dans la nature l'être
n'eût été agitée dans l'Assemblée constituante, doit l'emporter sur la haine, comme
et s'il ne m'eût paru utile de lui faire ob- sur le néant.
server la raison pour laquelle la profession
d'«xécuteur des-jugements publics est infâme
CHAPITREVIII. yeux ae la nature et de la religion; les pro-
fessions seules sont distinguées.
SUITE pu MÊME SUJET. CONDITIONS DE
Raisons économiques 1° II y aura pour
L'ADMISSION DES ÉLÈVES. les parents ou la société moins de frais de
voyage et de retour.
Les enfants seront envoyés dans le collège 2° Le prix de la pension sera mieux pro-
de leur arrondissement ou de leur province, portionné aux fortunes dans chaque canton;
et cette condition sera absolue, de première car le prix des pensions et la quotité des
nécessité. fortunes sont, dans chaque partie du royau-
i" Il ne pe'ùt y avoir de motif au déplace- me, en proportion -égale et commune avec le
ment 2° ïl y a mille raisons contre ce dé- prix des denrées.
placement. 3° La proximité des parents peut permet-
Il n'y a nul motif au déplacement,puisque tre de laisser à leur compte certains objets,
la plus entière, la plus constante uniformi- comme gros entretien et renouvellement de
té doit régner, dans tous les colléges. J'ex- linge et de chaussure, objets peu dispen-
cepte le seul cas où il serait reconnu et dieux et faits avec soin dans une famille, tan-
constaté que la santé d'un enfant exige une dis qu'ils sont très-coiâteux et mal exécutés
température différente de celle du lieu où dans un établissement public.
est situé son collége naturel. Alors le minis- Raisons physiques 1° L'air natal est tou-
tre accorderait une dispense, parce que la jours plus analogue au tempérament d'un
société ne peut jamais demander à un enfant enfant.
le sacrifice de sa vie. 2° peut, en cas de maladie grave, être
11
Il y a mille raisons contre le déplacement soigné, hors du collége, par ses parents,t
raisons politiques raisons économiques e dont la société ne peut remplacer les soins,
raisons physiques, raisons morales. ou être renvoyé dans sa famille pour rétablir
Raisons politiques 1° Puisque les collé- sa santé.
ges sont placés dans le royaume relativement Raisons morales 1° La proximité des pa-
au nombre des sujets que chaque arrondisse- rents permet aux maîtres d'employer sur les
ment peut fournir, eu égard à sa richesse et enfants le motif d'encouragement ou de ré-
à sa population, c'est déranger cette propor- pression le pl*s naturel et le plus moral,
tion nécessaire que d'envoyer dans un col- la crainte de déplaire aux parents, ou le dé-
lège 'les enfants qui appartiennent à un sir de leur être agréable; motif sans force,t
autre. lorsque l'enfant ne peut voir ses parents, ni
2° L'Etat serait exposé à voir un collége le maître les faire venir, mais motif que l'é-
regorger de sujets, et un autre n'en avoir ducation sociale doit employer préférable-
pas assez; parce qu'il n'y a rien de plus ment à tout autre car il faut sans cesse
commun, dans les provinces; qu'un engoue- que la société reporte l'homme à sa fa-
ment sans raison pour un collége, ou une mille, et que sa famille le rende à la so-
prévention sans motif contre un autre. Les ciété.
2° On balancera moins à expulser un mau-
gens peu instruits jugent du mérite des
colléges par les talents des sujets qui en vais sujet d'un collège, lorsqu'on pourra le.
sortent comme si l'éducation pouvait don- renvoyer dans un ou deux jours chez ses
ner des talents à ceux à qui la nature les a parents, et l'on aura moins de sujets à chas-
refusés ou les ôter à ceux à qui la nature ser lorsqu'on pourra les renvoyer avec plus
les a donnés. de facilité d'ailleurs, les parents, instruits
3° L'éducation qui réunit les enfants d'une à temps et convaincus de la nécessité du
même ville, d'une même province, fortifie renvoi parle témoignage de leurs yeux, peu-
les liens puissants et précieux de parenté, vent le prévenir en retirant l'enfant, sous
d'amitié, de voisinage, de patrie commune; quelque prétexte.
elle dispose les familles à se lier par les 3° Des enfants élevés avec des camarades
sentiments, à s'entr'aider paries services, cde fortune à peu près égale» ne perdront pas
à s'unir par les alliances la société rap- de< vue leur famille, et ils ne rougiront pas
proche ainsi ceux que la nature a déjà rap- de
( la modestie de leurs parents, ou de la
proches; elle réunit les individus sans con- simplicité
i du toit paternel.
fondre les professions car les hommes sont Toutes ces raisons ne peuvent s'appli-
égaux aux yeux de la société comme aux quer
< avec la même justesse aux habitants de
la capitale, ou bien elles sont contre-balan- autres. Henri IV parlait gascon, et la cour à
cées à leur égard par des raisons supérieu- son exemple; mais comme il avait J'esprit
res. Il y a de grands inconvénients moraux droit, le cœur sensible et le corps robuste,
à faire élever à Paris lesenfants de province; il n'en gouvernait pas moins bien le royaume,
il y a des avantages moraux et physiques àl et même dans les circonstances les plus dif-
faire élever en province les enfants de Paris. ficiles. D'ailleurs on peut attendre des pro-
11 y a encore des considérations politiques. grès de l'éducation, que les accents particu-
1° Paris, par sa population et surtout par sai liers s'effaceront insensiblement. La fré-
'< richesse peut fournir un très-grand nom- quentation des maîtres étrangers à la pro-
bre de sujets qui alimenteront les collèges évince où ils seront placés, élevés dans la'ca-
de provinc.es permettront de les répandre pitale, peut hâter les progrès du bon langage;
un peu plus uniformément dans le royaume car si les enfants doivent être près de leur
et l'on ne sera pas obligé d'entasser vingtt famille, puisqu'ils lui appartiennent encore,
colléges dans une seule ville, tandis qu'il y et qu'ils lui seront rendus un jour, des reli-
en aurait à peine un dans deux provinces. gieux n'appartiennent plus qu'à leurs corps
2° 11 y a un avantage réel à lier ainsi et àt etàla société, et doiventêtre éloignés de leur
rapprocher les familles de la capitale de famille qui ne ferait que les distraire. Je
celles des provinces. vais plus Join, et je parle en politiqué et
3° Les personnes qui tiennent beaucoup ài non en académicien. On doit laisser chaque
la perfection du langage verront dans cette province sa langue particulière. C'est une
communicationentre les enfants de la capi- barrière que la sage nature met aux progrès
tale et ceux des provinces, un moyen de> des innovations et encore aujourd'hui
faire disparaître pen à peu l'accent et les lo- comme autrefois, la diversité des langues
cutions vicieuses des provinces. empêche que l'édifice de l'orgueil et de l'im-
Objections. La proximité des parents nei piété ne s'achève. C'est le moyen le plus effi-
permettra-t-elle pas des visites réciproquesï cace que la nature puisse employer pour la
ou des communications plus fréquentes que conservation de l'espèce humaine. La révo-
ce demanderait l'intérêt de l'éducation ?? lution a pénétré plus lentement et n'a jamais
Non; hors le cas de maladie grave, et l'avis> été bien affermie dans les provinces du midi
qui en sera donné par le supérieur aux pa- de la France, dans la Basse-Bretagne, dans
rents, ceux-ci ne pourront venir voir leurss le pays des Basques, dans l'Alsace, dans
enfants qu'un nombre de fois déterminé toutes les parties du royaume où l'on ne
dans l'année, à moins que, pour le bien de parlait pas la langue de la capitale. On dit
l'éducation, les maîtres ne jugent à proposs que l'empereur Joseph II voulait, dans une
de les faire venir extraordinairement. Toute5 partie de ses Etats, substituer la langue alle-
communication, hors des communicationss mande à la langue hongroise :une saine po-
ordinaires, tout envoi secret d'argent ou dei litique lui eût conseillé de laisser les diver-
comestibles seront sévèrement interdits sites' là où la nature les a placées. Dans mon
enfin les parents ne pourront jamais faireJ système d'éducation, je rie veux pas que les
venir l'enfant chez eux hors le cas de ma- enfants, même ceux des familles sociales,
ladie grave, reconnu et constaté, un enfantt oublient la langue du peuple avec lequel ils
ne sortira du collége que pour n'y plus ren- doivent traiter, que souvent ils doivent éclai-
trer. Le ministre lui-même ne pourra don- rer, et qui regarde comme une fierté dépla-
ner de dispenses de ces règlements, parcei cée qu'on ne lui parle pas sa langue natu-
que là où la nature des choses fait des lois, relle. La politique contraire est de la politi-
elle ne donne pas à l'homme le pouvoir d'en« que du bel esprit; ce n'est pas de la politique
faire de contraires. d'homme d'État.
Autre objection d'une grande force» Après ce que j'ai dit de l'uniformité ab-
Les enfants élevés dans leur province eni solue qui devait régner dans tous les collé-,
conserveront l'accent. C'est effectivementt ges, et pour tous les élèves, il est inutile
un défaut d'harmonie et d'ensemble dans lat d'ajouter que toute distinction dans l'éduca-
société, lorsque les uns prononcent l'e trop) tion pour un enfant, quel qu'il fût, serait
ouvert et les autres trop fermé; mais pour- sévèrement interdite, et qu'on en bannirait
vu qu'il n'y en ait pas d'autres, je penseî surtout le luxe des précepteurs particuliers,
que la société peut se maintenir, malgré lesî l'abus des domestiques.
gasconismes des uns et les normanismes-des5
1
CHAPITRE IX. Commençons par iw,^i
nnr les
1rs fannHiSo
facultés de
ria l'esprit.
cice..
ENTRETIEN PHYSÏQ.IJE DES EN*1 ANTS.
J'en distingue quatre la mémoire, le juge-
ment, l'imagination, le goût. îoutés les fa-
L'auteur s'est interdit les détails; ainsi, cultés, avons-nous dit, se forment patl'exer-
qui
sur tout ce a rapport à l'entretien phy-
sique des enfants et qui comprend le loge- Donc, pour former la mémoire, il faut ap-
ment, le vêtement, la nourriture, le soin dui prendre; car la mémoire est l'art de retenir
corps et de la santé, ies heures du travail ett (ce qu'on apprend.
du repos, les exercices du corps et les jeux, Pour former le jugement, il faut cômpa-
il renvoie au temps où l'on pourrait en avoir
f rer;
] car le jugement est comparaison.
besoin, à communiquer le résultat d'obser- Pour former l'imagination, il faut inven-
vations commencées de bonne heure et sui- ter
t ou composer; car l'imagination est in-
vies avec soin: on trouvera aussi dans Locke
€t dans J.-J. Rousseau d'excellentes choses
î vention.
i
Pour former le goût, il faut distinguer;
sur cet objet important et trop négligé.. tcar le goût est distinction.
Or je soutiens qu'il n'y a que l'étude
CHAPITRE X. d'une langue étrangère qui puisse àccoutu-
{
1° II n'y a pas de langue vivante dont l'u- C'est-à-dire que l'Europe religieuse et
tilité soit assez générale ni pour le lieu ni l'Europe l' savante ont une. langue commune,
pour les professions. e l'Europe politique des langues différentes,
et
Apprendra-t-on l'italien à Bayonne, ou et e cela doit être ainsi pour la
conservation
l'espagnol à Strasbourg? de
£ l'espèce, humaine; car il faut que las
Un enfant destiné à l'état ecclésiastique hommes 1 soient réunis par le lien de la reli-
apprendra-t-il l'anglais, et celui qui doit gion £ et des connaissances utiles et commu-
servir dans la marina apprendra-t-il l'aile- nes i à -tous, et queues sociétés soient sépa-
mand? rées par des gouvernements particuliers.
Apprendra-t-on toutes les langues? C'est 3° Aucune autre langue que la langue la-
le moyen d'oublier même la sienne. tine n'offre, dans tous les genres, des ouvra-
2° 11 n'y a pas de langue vivante qui soit ges | plus propres à développer, à faire éclore
d'un jeune homme, sans danger
entièrement fixée, parce qu'il n'y a pas de les talents
société parfaitement constituée; plus la so- peur ses moeurs.
ciété est constituée, plus la langue est fixée;
L'histoire du peuple célèbre qui l'a parlée,
beaux traits de courage,.de
plus elle est fixée, plus elle se répand, plus offre les plus de magnanimité, d'amour
elle approche d'être- universelle et nous désintéressement,
par cette raison, la langue française de la patrie; et.ces exemples, quoique pui-
voyons, sés dans l'histoire d'une république, seront
devenir la langue universelle de l'Europe.
n'y pas de langue vivante qu'un sans danger pour les sentiments politiques
3° 11 a d'un jeune homme, lorsqu'on aura soin de
jeune homme, dont la mémoire, lé jugement le principe de tout ce
lui faire
et l'imagination sont exercés, n'apprenne qu'on voitremarquer de beau, de grand, d'élevé, chez
fàcilement dans deux ans et cette étude
faire partie des études particulières de les Romains, dans la partie monarchique de
peut
la profession. leur constitution et le principe de tous les
Il faut donc apprendre une langue morte.
vices et de tous les désordres de leur gou-
sa partie démocratique.
Quelle langue morte doit-on apprendre ? vernement dans
1° La plus générale quant aux lieux et aux Les langues, particulièrement la langue
professions. française, ont des écrivains et des poètes,
2° Celle dans laquelleilyaleplusd'ouvra- entre autres,
comparables ou même supé-
ges capables de former le coeur et l'esprit: rieurs aux plus célèbres écrivains de l'anti-
quité; mais il faut observer qu'ils ne sau- naissance, il est le triste et chétif avorton de
raient convenir aussi bien que ceux-ci à l'é- l'éducation domestique.
ducation des enfants; parce que les anciens L'éducation publique dirige les affections
poêles qu'on peut mettre dans les mains des par la religion.
jeunes gens, chantent la gloire, l'émulation, On-peut instruire les enfants
la passion de dominer, passion de l'homme on ne peut les toucher qu'à l'Eglise
la
maison;
or
naturel, et la seule que le jeune homme c'est bien moins l'esprit des enfants qu'il
doive éprouver parce qu'il est encore homme faut éclairer, que leur cœur qu'il faut émou-
naturel, au lieu que les poëtes modernes voir. On ne peut entraîner que les hommes
peignent le sentiment de l'amour, qui ap- assemblés, parce qu'à cause de cette chaine
partient plus à l'homme social, et que Je II électrique et sympathique, qui lie entre eux
jeune homme ne doit pas connaître, parce des hommes réunis dans un même lieu, et
qu'il n'est pas encore homme social; en sorte qui les lie tous à l'homme qui leur parle, il
qu'on peut dire que les auteurs républicains suffit, pour les entraîner tous, d'en ébranler
conviennent, sous ce rapport, mieux que les quelques-uns; et l'on n'est pas capable de
monarchiques, à l'éducation publique, parce rapprocher deux idées, lorsqu'on ne sent
que les enfants au collége sont entre eux pas l'avantage étonnant qu'un homme élo-
dans un état républicain, puisque les dis- quent et sensible peut prendre
sur des en-
tinctions n'y sont pas permanentes, et qu'ils fants, pour leur inspirer le sentiment des
ne reconnaissent entre eux d'autre supério- grandes vérités de la religion, soit en inté-
rité que celle de l'esprit et du corps (1). ressant leur sensibilité, soit
en ébranlant
Et c'est précisément ce qui développe l'un leur imagination.
et l'autre. L'éducation publique n'est pas moins
L'homme, comme la société, commence propre à réprimer les saillies du caractère
donc par l'état sauvage. par la contradiction.
CHAPITRE XI Dans l'éducation domestique, même la
plus soignée, l'enfant voit tout le monde
SUITE DO MÊME SUJET. occupé de lui un précepteur pour le suivre,
L'éducation publique doit former le cœur des domestiques pour le servir, quelquefois
1" en excitant sa sensibilité par l'amitié; les enfants du voisin pour l'amuser, une
2° en dirigeanfrses affections par la religion maman pour le caresser, une tante pour ex-
3" en réprimant ses saillies par la contradic- cuser ses fautes; il aura éprouvé des résis-
lion. tances de la part de ses supérieurs, ou des
C'est le triomphe de l'éducation publique bassesses de la part de ses inférieurs, mais
et il ne dépend pas de l'habileté des maîtres, il n'aura pas essuyé de contradiction de la
comme les progrès de l'esprit; il est le ré- part de ses égaux; et parce qu'il ne J'aura
sultat nécessaire du rapprochement d'un pas essuyée, il ne pourra la souffrir.
grand nombre d'enfants. Cette contradiction si utile s'exerce par la
Dans la famille^ l'attachement est de de- collision
< des esprits, des caractères, et quel-
voir, et l'amitié est déplacée, parce qu'elle quefois
< des forces physiques. Elle abaisse
suppose exclusion, préférence mais dans le 1l'esprit le pius fier, assouplit le caractère le
collège, la conformité seule d'âge, d'humeur .plus
.1 roide, plie l'humeur la moins complai-
et de goûts, forme, dans ces âmes simples, sante.
f Et l'on sent à merveille que les graves
ces nœuds que l'intérêt n'a pas serrés, que reproches
î de M. l'abbé à un enfant qui a df;
l'intérêt ne peut briser, ces liaisons qu'on l'humeur,
1 les petites mines de la maman, et
entretient, ou qu'on renoue avec tant de les 1 sentences de la tante ne produisent pas,
plaisir dans un autre âge. Ce n'est pas dans ]pour l'en corriger, l'effet que produirait l'a-
l'éducation publique que l'égoïsme a pris charnement
( d'une demi-douzained'espiègles
(!) An collège tant que les enfants sont très- camarades,
( il faut, dans tous les âges, pour en être
jeunes et dans les classes inférieures, ils ne se aimé,
2 avoir un bon caractère. Voilà précisément la
considèrent entre eux que par les avantages du société
s dans son enfance elle n'estime que les ver-
corps, la force ou l'adresse, nécessaires à leur de- t
tus guerrières, par lesquelles elle s'étend au de--
veloppement physique à mesure qu'ils croissent hors.
1: A mesure qu'elle se civilise, elle honore da-
en âge et en connaissances,ils font plus de cas des vvantage les sciences, les arts utiles, les vertus pa-
qualités de l'esprit, nécessaires au perfectionne- ccifiques, par lesquelles elle se perfectionne au de-
ment de l'homme moral, et ils estiment davantage dans
d mais dans toutes ses périodes, le printipa
ceux nu'on appelle de bons écoliers. Mais si les dde sa conservation ne peut être que l'amour dea
plus forts ou les plus habiles sont admirés de leurs hhommes les uns pour les autres.
à contrarier le caractère bourru de' leur qa- Tl'éducation sociale n'a pas pour objet de
marade. rendre
r les jeunes gens savants; mais de les
Enfin, l'éducation publique exerce et dé- rendre
r bons et propres à recevoir l'éduca-
veloppe le physique des enfants; par l'em- tion
t; particulière de la profession à laquelle
ploi de la force; et à cet égard, en laissant i sont destinés, et qu'ils sont dans le col-
ils
au génie inventif des jeunes gens toute la lège,
1' bien moins pour s'instruire, que pour
latitude qui pourrait s'accorder avec les pré- s'occuper.
s
cautions que demandent la vivacité de leur Que saura donc le jeune homme en sor-
âge et la faiblesse de leur corps, il ne serait tant du collège? Rien, pas même ee qu'il y
i.
peut-être pas inutile d'établir des jeux où la aaura étudié, car on ne sait rien à dix-huit
force et l'adresse puissent obtenir des prix. àans. Mais il aura appris à retenir, appris à
Je veux donc qu'on apprenne le latin, comparer,
c appris à imaginer, appris à dis-
qu'on fasse tes classés, qu'un enfant fasse sa tinguer,
t appris à connaître l'amitié et à sa-
sixième, cinquième, quatrième, troisième, voit diriger ses affections naturelles et so-
humanités, rhétorique et philosophie, comme ciales,
c appris à réprimer son humeur, à
l'on faisait il y a cent ans. Je ne veux ce- modérer
r ses sailliés, appris à faire usage do
pendant pas qu'on se borné uniquement au ses
s forces, appris à occuper son esprit, son
latin; et de classe en classe, il y aura des ccsur et ses sens, appris à obéir surtout,
études analogues à l'âge et à la conception
<
appris
i ënfiti. tout apprendre.
des enfants, en petit nombre cependant, Le jtiune homme, élevé dans la maison,
pour ne pas surcharger leur esprit. Et comme sous
s
les yeux d'en instituteur vigilant et
l'éducation est sociale, et que les élèves sont ivertueux, comme on en trouve, et de pa-
destinés à exercer une profession sociale, rents
)
exemplaires, comme il'y en a tant,
ils n'apprendront Tien que de social; c'est- saura beaucoup plus il saura ce qu'on ne
à-dire qu'ils ne s'encombreront pas la mé* lui aura pas appris, et même ce qu'on n'aura
moire d'une foule de demi-connaissances pas voulu lui apprendre; il aura^eu toutes
auxquelles la philosophie moderne attachait sortes
j de maitres; il aura dans la tête beau-
un grand intérêt, parce que, disait-elle, elles, coup de jolis vers il saura déclamer quel-
rapprochaient l'homme de la nature, c'est- que
<
sçéne de Racine dont il comprendra
à-dire, de la nature brute et sauvage, et non YintettUon sans en sentir Ms beautés il aura
de la nature perfectionnéede la société con- collé des plantes et cloué dés papillons, et
naissances qui ne formaient ni l'esprit ni le se croira des connaissances de botanique et
cceur, connaissances qui peuvent trouver d'histoire naturel1e mais il n'aura ni juge-
leur place dans les études particulières aient ni imagination; il aura peut-être des
qu'exigent un art, une science, mais qui sont attaques d« nerfs, et n'aura pas de sensibi-
entièrement inutiles à celui qui se destine lité il aura des passions, et n'aura pas de
à exercer des fonctions sociales. sens.
Les enfants seront donc plusieurs années On ne manquera pas de me dire qu'il y a
dans les colléges, et je crains encore qu'ils des sujets qui ne réussissent pas dans l'é-
n'en sortent trop tôt. Je me méfie beaucoup ducàtion publique, et d'autres qui réussis-
de ces petits merveilleux, qui ont tout vu, sent dans l'éducation domestique. Qu'est-ce
tout appris, tout fini à quinze ans; qui en- que cela prouve?
trent dans la société avec une mémoire sans D'abord il faut savoir ce qu'on entend par
jugement, Une imagination sans goût, une réussir dans une éducation. Cô n'est pas y
sensibilité sans direction; et qui, mauvais devenir savant, car le plus habile écolier ne
sujets â seize ans, sont nuls à vingt. sait rien quand il sort du collège; c'est de-
Je voudrais, et pour cause, que l'édaea- venir capable de savoir; et j'oserai dire à
cet égard, qu'il n'est pas
impossible qu'un
tion se prolongeât jusqu'à la dix-septième
ou dix-huitième année, moins pour orner sujet ait été médiocre dans le cours de ses
l'esprit que pour forme.r le cœur et veiller études* et qu'il soit cependant très-capable
sur les sens, et que cette époque critique se d'apprendre, et qu'il parvienne même a ae-
passât dans la distraction, le mouvement et quérir les connaissances propres à son état.
la frugalité du collège, plutôt que dans l'oi- Il est, au moral comme au physique, des
siveté, les plaisirs et la bonne chère du êtres qui ne se dévéloppeat que fort tard* et
monde. seulement sur un objet particulier. Un jeune
Il faut que les parents se persuadent que homme a réussi dans son éducation lors-
777 PART. 1. ECONOM. JsUl:.– ÏHfcOHllï 1>U l'UUVOIU, PART. 111. EDUC. ET ADM1NIST.L. I. 778
qu!il y est devenu meilleur; s'il n'acquiertt de toutes mes forces ce ressort puissant, ir-
pas les connaissances qu'exige la professioni résistible, de l'émulation. Un héros vraiment
à laquelle il est appelé, il en aura les vertus; français, le maréchal de Villars, comparait
et les vertus sont; en tout genre, les premiè- le plaisir que lui avait causé le gain de la
res connaissances, comme les plusutiles. Si, première bataille, à celui qu'il avait éprouvé
sous ce dernier rapport, un sujet a réussidanss lorsqu'il avait remporté au collége le pre-
Féducalion<iomestique,jlauraitencpremieux i mier pris.
réussi dans l'édueation publique; s'il n'a pass Qu'on ne dise pas, avec un moraliste mo-
réussi dans l'éducation sociale, il aurait en- derne, qu'il faudrait étouffer dans l'homme
core plus mal tourné dans l'éducation particu- la passion de dominer, plutôt que de lui
lière. 11 en résulte qw'il y a des sujets pourr fournir un nouvel aliment, parce que cette
qui la nature a tout fait et que les hommess passion funeste est la cause de tous les mal-
ne peuvent détériorer, et d'autres pour quii heurs de l'humanité.
la nature n'a rien fait et que la société ne La volonté de dominer, ou l'amour déré-
peut rendre meilleurs il faut en conclure» glé de soi, naturel à l'homme, est indestruc-
qu'il y a des hommes que la nature destinei tible à l'éducation et à la religion même.
à être gouvernés, et d'autres qu'elle destine Quand cette volonté est satisfaite, qu'elle
s
à gouverner, si. ce n'est par l'autorité des n'a plus d'objets à son activité, l'homme est
places, au moins par celle de la raison et de> sans ressort, il est malheureux,et c'est la
l'exemple; ear la nature, pour l'intérêt de cause des ennuis et des peines,.que l'homme
la société, accorde toujours aux hommes éprouve aa faîte des grandeurs. C'est parce
instruits et vertueux l'autorité sur les autres, que je ne puis détruire cette passion, que je
que souvent le gouvernement leur refuse. cherche à la diriger celui qui ne veut pas
Au reste, il ne fout pas que l'administra- la diriger de peur d'en accroître la violence,
tion prenne des programmes de collège pour loin de l'éteindre, ne l'affaiblit môme pas;
ses listes de promotion. Ces réputations elle se cache seulement et se concentre, en
naissantes ont Jîesoin de l'épreuve de l'ex- attendant les occasions de paraître elle
périence et du temps. Ce sont des espé- éclate alors, et vous aurez peut-être des
rances et non des certitudes ce sont lee monstres, parce que vous n'aurez pas voulu
fleurs du- printemps qui promettent, mais faire des héros. Loin de l'éducation cette
qui ne dwnent pas toujours les fruits de idée fausse, que l'émulation et le désir de
l'automne. la gloire sont incompatibles avec la religion.
Ce penchant est dans l'homme, donc il est
CHAPITRE XII. compatible avec la religion il peut être
ÉDUCATION DE L'HÉRITIER DU POUVOIR utile à la société, donc la religion l'approuve
DE LA SOCIÉTÉ.
et le dirige.
La religion veut que J'homme social fasse
J'ai considéré jusqu'à présent l'éducation
son devoir dans le poste que la société lui
publique ou sociale,, relativement aux pro- assigne. Or, q,ùel le devoir de l'homme
fessions qui défendent la société |b vais la social? Le devoirest l'homme
de social, son
considérer sous un. point de vue plus so- devoir le plus simple*, le plus
indispensa-
cial encore, et relativement à la profession ble,
est d'employer, à l'utilité de la société,
qui gouverne la société* Je m'éloignerai des toutes Jes facultés
méthodes usitées,, mais je ne proposerai pas nées,: que la nature lui a don-
des méthodes impraticables; je développe- ducation,, que la société a développées par l'é-
et auxquelles elle fournit l'occa-
rai des idées nouvelles, plutôt que des idées sion de
se déployer par la profession dans
neuves ;et le projet aurait plus d'oppositions laquelle elle place l'homme. Si l'homme' so-
à essuyer que d'objections à,craindre. cial avait.une mesure fixe de devoir, il pour-
Dans tout le cours de l'éducation publi- rait s'enorgueillir lorsqu'il
outrepasserait
que, j'aurai de classe en. classe, et à mesure cette mesure; mais les facultés de l'homme
de l'âge et des progrès, tenu l'esprit, le sont la seule
mesure de ses devoirs envers
cœur et les sens de mes élèves dans une oc- ja société. Ainsi celui qui fait les actions les
cupation continuelle j'aurai excité le moral plus héroïques,
l'émulation ou se livre aux travaux les
par l'ardeur
et
-
de la gloire, et plus utiles, ne fait que son devoir, et
frappé- le physique par l'appareil des récom- pas plus ne fait
que son devoir, puisqu'il ne fait
penses et des distinctions-: j'aurai enfin tendu qu'employer à l'utilité de la société les fa-
IVij
cultés qu'il a reçues, et que la société a gueij, sans tout cet appareil qui forme ce
perfectionnées. L'homme n'a donc pas à qu'on appelle VéAueation des princes, l'en-
S'enorgueillir, puisqu'il ne fait que son de- fant de la société, l'espoir de la France, le
voir il peut donc être modeste au milieu rejeton de ses rois, l'héritier du pouvoir
de la gloire des plus grands succès, comme général de la société. Je n'ai pas besoin de
ii peut être pauvre au milieu des richesses, faire sentirles avantages d'une pareille édu-
et tempérant au milieu des plaisirs. Je re- cation il est en effet aisé de concevoir de
viens à mon sujet. quelle ressource serait entre les mains des
J'aurais donc préparé les esprits au der- maîtres profondément versés dans la con-
nier acte, à l'acte le plus solennel de l'édu- naissance du coeur humain, cette société de
cation sociale. Tous les ans, si le cours de jeunes gens sûrs et vertueux, pleins d'esprit
philosophie dure un an, tous les deux ans, et de connaissances, qui seraient réunis au-
si ce cours est de deux ans, on choisirait, tour de la personne du jeune prince quelles
on proclamerait dans chaque collège avec leçons
adroites et indirectes ils pourraient
J'appareille plus pompeux, en présence de lui donner, dans des conversations sans ap-
la société même, c'est-à-dire, de ceux qui prêt, dans des jeux sans dessein apparent;
représentent son pouvoir dans les fonctions quelles facilités pour lui inspirer le goût de
éminentes de l'autorité religieuse, civile et toutes les connaissancesqui doivent entrer
militaire qu'ils exercent dans la province, dans l'éducation d'un prince; quelles ins-
ingénieuses et touchantes il pour-
sous les yeux du concours le plus nom- tructions
breux, les deux sujets de la classe supé- rait recevoir dans des pièces composées par r
rieure, qui auraient montré dans le cours des gens d'esprit, représentées sur un théâ-
de leur éducation le plus de vertus et obte- tre, et dans lesquelles il jouerait lui-même
nu le plus de succès. Cet honneur serait la un
rôle; quelle assurance dans le maintien,
juste récompense des sacrifices qu'exige la quelle grâce extérieure y quelle facilité à
daris ta
vertu, et de l'application que supposent les s'énoncer en public, il acquerrait
succès ;scar tout sacrifice mérite récompense, société de ces jeunes gens à la place de-
tout succès mérite encouragement. Ce choix cette malheureuse timidité, si fu'ttester;dans.
serait impartial, parce qu'il serait l'expres- les princes, résultat nécessaire de;la solitude
sion de l'opinion infaillible, impartiale du de l'éducation particulière, où un enfant,
collège, formée par une expérience de dix toujours sous les yeux de ses instituteurs,
n'ose jamais se livrer aux saillies de son-
ans. Ces jeunes gens envoyés de toutes les
provinces seraient reçus, aux frais de l'Etat, imagination, et ne peut recevoir que des
dans une maison placée au centre du royau- leçons directes; timidité, habitude plus fu-
me, et ils y seraient remplacés,au bout d'un neste qu'on ne pense, et qui, même
dansun
hommages de
ou de deux ans, par un nombre égal de âge avancé, ne cède pas aux
sujets. Dans cet établissement, les jeunes tout ce qui vous entoure.
gens formeraient une société de gens ins- Cette éducation, d'un bon esprit, forme-
truits et qui veulent perfectionner leurs rait un esprit excellent; d'un esprit médio-
connaissances, plutôt qu'une réunion d'é- cre, formerait un bon esprit; d'un enfant né
lèves. Ils y trouveraient des maîtres habiles avec des vertus, elle ferait un grand homme;
dans tous les genres, et ils pourraient se d'un sujet né avec le penchant au vice, elle
livrer aux études particulières de la profes- pourrait faire un homme Vertueux. Elle
sion à laquelle ils seraient destinés, à l'étude aurait t'avantage inappréciable de n'offrir au
des arts agréables, à celle des langues, aux prince que des modèles, dans des jeunes
exercices du corps, etc. L'établissement se- gens plus âgés que lui, et avec lesquels il
rait magnifique, digne de l'objet auquel il ne pourrait rien apprendre que d'utile, rien
serait destiné. C'est au milieu de deux cents entendre que d'honnête, rien voir que de
jeunes gens d'un corps sain et d'un espritt décent. Craindrait-on le danger des amitiés
bien fait, distingués à dix-huit ans par dix ^particulières, des favoris? La succession
ans de vertus et de succès, l'élite de toute rapide déjeunes gens préviendrait les atta-
la jeunesse du royaume; c'est au centre det chements et puis, si un roi, comme un au-
l'empire, au milieu de son peuple, sous les tre homme, peut avoir des amis, il n'est pas
yeux des maîtres les plus habiles, loin des trop aisé de concevoir le danger qu'il y au-
tlatteries.de la cour et de la corruption du rait, même pour un roi, de former une liai.
Kiond.e, que serait éjevé sans faste, sans or-« son particulière avec un jeune homme qui
aurait fait à yingt ans preuve de dix ans par l'habitude de les voir tels qu'ils
vertus;et de talents.
1° Aurait-on pour la personne du prince
de-, mes,
sont, de tes comparer et de les juger.
Les princes apprennent mille choses, qu'il
des craintes imaginaires? Assurément il ne peut leur être agréable, mais qu'il leur est
pourrait: avoir de garde plus fidèle que deux presque inutile de savoir, parce que ne
cents- jeunes gens de dix-huit à vingt ans pouvant ni ne devant les cultiver, ils sont
d'une vertu éprouvée, et dans cet heureux nécessairement inférieurs à ceux qui les
âge qui, loin de connaître la trahison, ne la cultivent, et que le roi.ne doit être inférieur
soupçonne même pas. Des jeunes gens, nés à personne.
Français, seraient seuls admis dans l'établis- Ainsi en mathématiques, chimie, botani-
sement central, et toute. communicationau que, astronomie, etc., un roi ne doit pass
dehors, même avec les parents, serait in- avoir des connaissancestrès-étendues,parce
terdite^. qu'il ne pourrait faire un savant distingué,
:.
2°; Redouterait-on l'ambition des maîtres, sans être un roi médiocre; mais dans ta
et l'ascendant qu'ils pourraient prendre sur science de la profession royale qui com-
l'esprit de lenr auguste élève? 'iQut objet prend 1° l'histoire, ou la connaissance des
serait interdit à l'ambition, et les; sujets de hommes qui ont,yéeu, et des sociétés qu'ils
l'ordre employé à l'éducation publique ne ont gouvernées; 2° la politique, ou. la con-
pourraient occuper aucune place ecclésias- naissance du caractère des hommes qui vi-
tique ni civile, pas même celle de: confesseur vent actuellement, et des intérêts des socié-
des rois. Ils pourraient. les instruire dans la tés qu'ils gouvernent;; 3° la connaissance
chaire, mais non les diriger dans le secret. des lois religieuses et politiques, qui lient
3° Craindrait-on lafamiliarité qui pourrait les hommes entre eux, et qui les unissent
s'établir entre, le prince et les jeunes gens? tous à l'Etre suprême et au pouvoir de la
ah! qu'on s'en; fie au cœur humain pour société; k° la science de l'administration in-
éloigner ce danger, et qu'on s'attache à pré- térieure et extérieure, ou la con'naissa,nce
venir le danger plus réel et peut-être inévi- des moyens intérieurs et extérieurs qui as-
table d'une flatterie déguisée: sous la fran- surent laprôspérité d'un Etat au dedans, et
fehjse apparente delà jeunesse. qui font sa force au dehors; sur tous ces ob-
Un avantage de -cette éducation serait de jets, dis-je, le, roi doit être l'homme le plus
faire connaître aux rois )es familles des pro- instruit de son royaume, et il peut en être
vinces qu'ils ne connaissent aujourd'hui le politique le plus profond et l'administra-
que lorsqu'elles viennent intriguer à la cour,, teur le plus éclairé.
c'est-à-dire, lorsqu'elles se corrompent; car ,Le jeune prince pourrait se former aisé-
outre la connaissance que le roi en acquer- ment des habitudes militaires, absolument
rait par lui-même dans son éducation, il nécessaires pour un monarque, dans l'éta-
apprendrait à les connaître dans le travail blisse.mént proposé, auprès duquel on pour-
qu'il. ferait avec le ministre de l'éducation, rait faire camper quelques troupes pour son,
et qui aurait pour objet de s'instruire des instruction.
progrès de L'éducation publique. Je finirai par quelques observations parti-
Je n'ignore pas qu'il s'est formé de grands culières.
rois dans l'éducation particulière, parce que 1° Les jeunes gens nés dans les familles
des professions sociales seraient
ces mêmes rois se seraient élevés sans édu- exerçant
cation je ne parle pas d'u petit nombre des seuls admis dans rétablissement, central,
hommes que la nature forme toute seule, et parce qu'il est dans la nature de la société
encore le génie qui doit le plus à la nature, que l'enfant qui est appelé; à la gouverner,
peut-il- devoir beaucoup. à l'éducation; je soit élevé au milieu de aeus. qui sont desti-
défendre. Cette disposition nécessaire
ne considère ici que le grand nombre des nés à la
princes,; qui, comme la plupart des hommes, inspirerait aux familles une ardeur louable
Haïssent avec des dispositions que l'éduca- d'embrasser les professions sociales, ce qui
tion doit perfectionner, des défauts qu'elle serait d'un grand avantage pour la société.
doit corriger, des penchants qu'elle doit di- 2° Si l'on jugeait à propos d'admettre au
riger. En général, la partie la plus impor- concours, dans une certaine proportion, des
tante de l'éducation des princes est néces- jeunes :gens nés dans les familles qui ne se-
sairement manquée dans l'éducation domes- raient pas nobles, le jeune homme, par cela
tique je veux dire la connaissancedes hô-m-* seul qu'il serait élevé auprès de l'héritier du
trône, serait ennobli personnellement,c'est- que, si les parents étaient dignes et
capa-
îf-dire que ses parents contracteraient en- bles de remplir
ce devoir. En attendant ce
vers la société l'engagement de lui faire em^ moment encore éloigné, il faut des maisons
brasser une profession sociale politique. d'éducation, où un ordre et un seul ordre
3° Le seul héritier présomptif de la
cou- se voue à l'institution de cette portion de
ronne serait élevé dans cet établissement. l'espèce humaine, d'autant plus intéressante
L'exclusion de tout autre prince,. même de aux yeux de la société, qu'elle est
presque
ses frères, me paraît fondée sur des raisons exclusivement chargée de donner aux en-
politiques d'un grand poids. Il faut éviter fants la première éducation.
l'occasion des comparaisons et le partage des Les ordres de filles sont donc nécessaires,
affections. c'est-à-dire, dans la nature de la société
4' Je prie le lecteur de croire que je n'ai constituée religieuse et politique. Ils sont
proposé mes idées sur l'éducation de l'en- nécessaires au bonheur de l'individu, parce
fant royal, que parce que l'occasion de les que, dans
une société constituée il faut une
mettre à exécution ne peut pas se présenter place à tous les caractères, un secours à tou-
en France de bien longtemps, même en tes les faiblesses, un aliment à toutes les
supposant le retour prochain dé l'ordre les vertus. Il faut un asile au malheur, il faut
idées nouvelles doivent faire une rigoureuse un rempart à la faiblesse, il faut une soli-
quarantaine avant de s'introduire dans la so- tude à l'amour, il faut un abri à la misère/
ciété. La France doit la peste politique qui il faut un exercice à la charité, il faut une
la ravage à l'omission de cette mesure in- retraite au repentir, il en faut une au dégoû*
dispensable. du monde, aux infirmités de la nature etaux
5° Ce plan ést indépendant du système torts de la société. Les ordres religieux sont
général d'éducation publique; sur lequel je nécessaires à l'utilité de la société politique,
ne compose pas aussi aisément; parce que qui leur donne une destination sociale, en
je suis convaincu qu'il est nécessaire de les-faisant servir à l'éducation publique, au
former les hommes pour la soeiété, ou que soin des malades, au soulagement des pau-
bientôt il n'existera plus de société parmi
vres et la religion imprime à ces différents
les hommes. emplois ce caractère imposant de grandeur
6" II serait a propos de publier
tous les et, si j'ose le dire, de divinité qu'elle com-
ans le tableau général d'éducation publique, munique à tout ce dont elle est le principe.
à peu près comme on publiait un état mili- Uni seul ordre chargé de l'éducation, des
taire. Rien de plus utile pour inspirer aux maisons distribuées dans tout le royaume,
familles le désir de faire élever leurs
en- eu égard à la population de chaque arron-
fants dans les collèges de l'Etat, et aux jeu- dissement, une règle absolument uniforme,
nes gens l'émulation de s'y distinguer. On une nourriture saine et abondante, objet
a dit avec raison On en vaut mieux quand trop négligé dans les couvents, où les jeu^
on «st regardé. Ce tableau intéressant met- nes personnes contractent si fréquemment
trait tous les ans sous les yeux de la France des goûts particuliers pour des alimeats
Je Bulletin de l'éducation de l'héritier du pernicieux une piété aussi tendre, mais
trône, de cet enfant de toutes les familles. plus éclairée peut-être que celle qu'on ins-
Son portrait en ornerait le frontispice, et je pirait aux jeunes personnes dans plusieurs
pardonnerais au peintre de l'embellir. Le maisons religieuses, voilà ee qui doit être
roi doit se placer continuellement sous les commun à toutes les éducations publiques,
yeux et dans le cœur de ses sujets; et un ou particulier à l'éducation des personnes
peuple heureux rie manque jamais de re- du sexe.
trouver dans les traits de son souverain la J'ai obligé les familles sociales à faire
J>onté prévoyante et ferme qu'il bénit dans
donner aux jeunes gens l'éducatioB publi-
son administration.
que, parce que les hommes de ces familles
doivent tous exercer une profession sociale,
CHAPITRE XIII.
et qu'ils ne peuvent recevoir dans la f-amille
DE l'éducation DES FEMMES.
l'éducation qui convient à leurs fonctions
dans la société le même motif ne peut exis-
Les femmes appartiennent à la famille ter pour les personnes du sexe, ni par con-
plutôt qu'à la société politique leur éduca- séquent la même obligation pour leurs pa-
tion- pourrait donc être purement domesti- rents de leur faire donner l'éducation pu-
biique. C'est assez pour l'administration de ve vent adoucir, effacer, s"il se -peut» par l'af-
ics §r inviter par la modicité des pensions, fabilité,
fat la douceur de leurs manières, ce
Fa proximité des couvents, et surtout par le qu l'inégalité constitutionnelle des profes-
que
bon choix du système d'éducation. sions
si( peut mettre entre les hommes de dur
La femme a aussi l'amour déréglé de soi, et de choquant. I! me semble même que les
ou la passion, de dominer mais comme les femmesfei des conditions les plus inégales
moyens de la satisfaire, ou l'esprit et les mettent
m< entre elles plus d'égalité que ne font
sens, sont plus faibles dans la ,femme que tes ieï hommes.
dans l'homme, il résulte quelquefois de la On doit, dans l'éducation des jeunes per-
force de ta passion et de la faiblesse des so sonnes, parler beaucoup plus à leur cœur
moyens un effet assez ridicule qu'on ap- qu'à qu leur raison; parce que la raison chez
pelle vanité, effet également sensible dans lesles femmes est, pour ainsi dire, instinct, et
les hommes qui ont plus de passion de do- qu que la nature leur a donné en sentiment ce
miner, que de moyens de la satisfaire. qu'elle
qu a donné à l'homme en réflexion.
Dans l'homme, la passion de dominer, C'est C'< ce qui fait qu'elles ont le goût si déli-
baissée h elle-même, devient ruse, esprit cat, ci si juste, et les manières si .aimables.
Leurs sens doivent être exercés par des oc-
d'intrigue, ou violence, fierté, férocité même Le
cupations utiles car ij est égal de ne rien
selon que l'esprit ou les, sens domineat dans eu
l'individu dirigée vers un but utile, cette faifaire,
i ou de faire des riens. Je ne parle pas
passion devient désir de l'honneur, ardeiw des de cours publics de physique, d'histoire
pour la véritable gloire, qui n'est aubre naturelle,
na d'éloquence, de philosophie, de
choseque ta passion d'employer toutes ses J'artl'a de monter à cheval, etc,, qu'on faisait
facultés d'une manière utile pour la société, entrer,
en malgré la nature et la raison, dans
Dans la femme, la passion de dominer, l'éducation
l'é des femmes. On doit en bannir,
laissée à elle-même devient coquetterie ou comme
co dangereux ou ridicule, tout ce qui
galanterie, selon que l'esprit ou les sens peut pe en faire de beaux esprits, des savants,
dominent dans l'individu dirigée vers un ou^ ou des hommes.
but utile, cette passion devient désir de .L'éducation des femmes doit être unie,
plaire, qui H© doit être autre chose, dans modeste,
ni< simple, comme leur vie, leurs oc-
une femme, qne le désir de se rendre agréa- cupations
eu et leurs devoirs,
ble à sa'famille. Voyez la nature, et admirez comment elle
Dans la femme, chez laquelle la volonté di: distingue le sexe qu'elle appelle à exercer
de dominer ne peut être dirigée vers l'uti- des de fonctions publiques dans la société po-
lité de la société politique, il faut bien se lit
litique, de celui qu'elle destine aux soins
garder de l'exciter ainsi toutes les décora- do domestiques de la famille, Elle donne à l'un,
tions extérieures, toutes les distinctions par dès
dé l'âge le plus tendre, le goût des che-
lesquelles on cherche à faire naître l'ému- va vaux, des armes, des chapelles; elle donne
lation et le désir de la gloire parmi les jsu- à 1l'autre le goût des travaux domestiques,
nés gens, doivent être bannies de l'éduca- du ménage, des poupées.
tion des femmes. Toute distinction dans une Voilà les principes et le meilleur sys-
jeune personne, toute décoration gui ferait tèi tème d'éducation ne doit en être que l'ap-
parure, éveillerait la vanité, et dégénérerait pli
plication et le développement. Ainsi la na-
peut-être en fierté, vice contre nature dans tuiture inspire à l'enfant un goût qui deviendra
un être faible la fierté ou la hauteur est, un un devoir dans un âge plus avancé, comme
même dans les femmes, aussi opposée à elle el1 introduit chez un peuple naissant, une
J'intérêt de la société politique, qu'à l'in- coutume
co qui deviendra une loi de la société
îention de ta nature. Car les femmes doi- po politique.
LIVRE DEUXIÈME.
DE L'ADMINISTRATION PUBLIQUE.
ADMINISTRATIONGÉNÉRALE.
loin.
manière aussi visible;. leur sécurité m'ins- vérité envers tout ce qui l'entoure. La
pire de la confiance ailleurs, j'aperçois des royauté est un sanctuaire d'où rien d'impur
gibets, je rencontre des patrouilles; ces pré- ne doit approcher. L'indécence sous les
cautions m'inspirent de la crainte, et je ne yeux du monarque fait éclorele crime au
marche qu'avec circonspection. Là, je sen-
tais l'influence de l'administration, ici j'a- Le roi a la juridiction souveraine et sans
perçois son action, appel sur sa cour. Le public est l'accusateur,
L'autorité est iermeté, le conseil est sa- le roi est le témoin et le juge. Un regard, un
gesse, la fermeté et la sagesse sont vigi- mot, le silence, sont un arrêt sévère et qui
lance sagesse, vigilance, fermeté; les sou- a toujours son exécution jamais de raille-
verains devraient faire graver ces trois mots, rie, elle a toujours coûté cher aux rois; c'est
en lettres d'or, sur tous les lieux où leurs alors un juge qui descend de son tribunal
regards pourraient se porter. pour prêter le collet à l'accusé.
Le génie de César et celui de Charlema- Louis XIV, élevé par une reine espagnole
gne, le génie de Charles le Sage et celui de et par un prélat italien, prit de l'une cette
gravité qui sied aux rois, et qui manques France ] des camps de paix c'était un spec-
souvent à la légèreté française;: il prit deî tacle t plutôt qu'un moyen, d'instruction il
l'autre cette réserve dont les rois ne sau- vaut mieux alors laisser le mililaiceà sa
raient se passer, et qui ne se trouve pas garnison { et l'argent dans les coffres.
toujours avec notre franchise et notre loyau- Charles V, dit Mêzersti,. était très- retenu,
té. Aussi, il jouait la royauté, comme on mais très-constant dans ses affections. Cet
joue un rale il rapprenait' par cœur, et sal éloge ( renferme un grand sens. On voit dans
mémoire fidèle ne lui permettait pas une? la circonspection à aimer,, la
sagesse, de
faute. 11 était en scène toute la journée. l'esprit; 1 dans la constance de l'affection, la
Après lui, les rois ont voulu se délasser» sensibilité du cœur,
i 5
quitter le cothurne, pour se mêler aux spec-' La bonté, d'un roi est la justice. C'est ainsi
tateurs et venir causer dans les loges ils que c Dieu est bon. Les courtisans-, dit Mon-
ont tout perdu. t
tesquieu, jouissent des favnws du prince, et
Louis XIV, seit qu'il fât sérieux, soit qu'il ls j peuple de ses refus. Bodin observe que les
fût affable,, soit qu'il fût sévère, était tou- affaires
a de France ne commencèrent à se
jours roi; il mettait aux plus grandes cho- rétablir, r sous la fin du règne de François J*>
ses comme aux plus petites une dignité e&*
lative. Il y a eu de plus grands rois, il y a 1'on
que
q
{
e
lorsque prince devint si chagrin, que-
n'osait pas lui demander de grâces
eu de meilleurs rois, aucun souverain n'a aussi a indiscrètement que l'on faisait aupa-
jamais été plus roi. ravant,
r
Louis XI méprisait rétiquette et la di-
Urue chose qut embarrasse assez ordinal
gnité il dédaignait le respect,. lui qui com-
rement les cois; est leur religion, S'ils sont
mandait la crainte; peut- être même son
excessive popularité- entrait-elle dans ses
dévots,.
d leur cour sera hypocrite ;s'Ms ne
sont
s pas religieux, leu^cour ser-a athée. Ce-
moyens de pénétrer les hommes. la religion doit s'allier avec tous les
Henri IV paraissait oublier, l'étiquette et dpeqdiint
1
appeler la familiarité; mais d'un mot, et il devoirs et toutes ]ps professions, puisque la
n'en était pas avare, il se remettait à- sa- religion r
E n'est que l'accomplissement de tous
place, et repoussait bien loin l'indiscrétion. nos devoirs dans toutes les professions.
Un
Sa bonté était celle d'un homme ferme-, et sa
roi daitêtre religieuxparçe qu'il est-homme,
franchise celle d'un homme fin. Lorsque, plus
P religieux papee. q^'U est .roi la reli-
dans un discours au parlement, où {'abandon gion $ n'étouffe pas les passions dans l'hom-
était une adresse oratoire, ce grand homme me^mais n elle interdit au roi toute faiblesse,
et les faiblesses religieuses comme les au-
se mettait en tutelle; Ventre saint gris, di- e
sait-il lui-même, c'est avec mon épéem cUé» tres. 1 La religion est essentiellement gran<-
L'étiquette doit être conservée s elle est deur et farce, et rien n'est plus opposé à son;
fille de la prudence et même du respect. vvéritable
y esprit que les petitesses et la mN-
Un roi de France a un double écueil à nutie, n
éviter, celui d'être trop militaire et celui de Duclps remarque- que les désordres de
ne l'être pas assez, Louis
L XIV ne corrompirent pas les mœurs
Un roi personnellement trop militaire d de la natiop, et que ceux du régent les per--
courrait le risque de jeter tout d'un côté ddirent. On n'imitait pas l'homme qui était
une nation naturellement guerrière et d'al*p tc tout roi, on imita le prince qui était tout
térer ainsi l'esprit de la constitution, qui homme.
Henri 111 avait une dévotion fausse et su-
est l'accord de la justice et de la force mais
s'il ne l'est pas assez, il devient étranger à perstitieuse
P' il avait des mignons, et faisait
l'armée; le soldat ne le connaît plus que des d' processions la corde au cou.
par une paye modique et une discipline sé- Louis XIV avait, malgré ses désordres,,
vère; il peut en résulter, et il en a résulté u; une piété sincère, mais peu éclairée il lais-
en France, les plus grands malheurs. Depuis sait, se sur la fin de sa vie, diriger le roi par,
que nos rois n'ont plus de connétable, ils a ceux qui ne devaient diriger que l'homme..
doivent, comme disait Charles IX, porter Le plus parfait modèle d'un roi, car saint
leur épée eux-mêmes, voir souvent le mili- Louis L est un modèle inimitable, est Char-
taire, s'occuper de la profession, et connaî- le les V, ditLeSage. Jamais prince, dit Hé-
tre les individus (chose très importante nault, n< ne se plut tant à demander conseil, et
pour un roi).À On formait quelquefois en ne ni se laissa moins gouverner que lui. Eprouvé-
par l'adversité, il succéda au règne le plus que l'administration n'éprouve aucun chan-
désastreux, et eut a réparer des désordres gement, un chef a le temps de songer à en
qui semblaient irréparables. perfectionner toutes les parties, -et le subal-
Louis XVIII, malheureux comme lui et pi us terne trouve les moyens d'abréger son tra-
que lui) a bien d'autres obstacles à vaincre, vail. L'expédition devient plus facile, parce
d'autres malheurs à réparer. Une plus grande que l'homme,toujours occupé des mêmes dé-
gloire lui est réservée et la postérité, en tails, devient plus expéditif, et que le même
rapprochant les temps, comparera les rois, homme peut être chargé d'un grand nombre
La France, selon un homme d'esprit, n'é- d'objets.
tait ni une aristocratie, ni une démocratie* Un autre moyen, et le plus efficace, de
mais une bureaucratie. On peut en dire au- simplifier l'administration, est d'en écarter
tant de tous les Etats modernes. Cette manie l'arbitraire. Quand celui qui demande ne
bureaucratique s'est glissée jusque dans le sait pas jusqu'où il peut demander, ni ce-
militaire: des commandants de corps, des lui qui accorde, jusqu'où il doit accorder,
officiers supérieurs ne sont occupés qu'à il en résulte une multitude de tâtonnements»
faire ou à signer des états de situation. de négociations et d'arrangements, qui pren-
Cette fonction absorbe l'homme, rétrécit nent beaucoup de temps à l'administrateur,
l'esprit, et l'extrême attention sur les cho- et tournent toujours au détriment de ia
ses n'en permet presque plus sur les hom- chose publique.
11 èsi difficile de tracer des
règles fixes
mes. Le petit esprit et la manie des détails
avaient gagné, en France, au point qu'un pour le choix de ceux qui doivent remplir
jeune militaire pouvait, sur la fabrica- les premières places de l'administration la
tion du pain, la coupe des chemises, et règle générale est de choisir le moins pos-
l'économie d'un ordinaire, faire des lèçdns sible, et de choisir sur le plus grand nom-
à la maîtresse de maison la plus habile. La bre possible. Trop souvent en France on
bureaucratie tenait d'un côté à la corrup- faisait le contraire on multipliait, par des
tion des hommes, parce qu'on ne croyait déplacements' fréquents, les occasions de
pas pouvoir prendre assez de précaution choisir, on choisissait toujours autour de
contre leur improbité réelle ou présumée soi, lorsqu'il eût été avantageux de cher-
de l'autre, elle tenait au goût pour le plaisir cher plus loin. Le gouvernement ne doit pas
et au petit esprit, symptômes infaillibles de oublier que, dans une société constituée,
la dissolution d'un État. Les hommes de un ministre, même sans talents, fera plus de
plaisir aiment (e grand nombre de sous- bien ou moins de mal eh quinze ans d'admi-
ordres qui favorisent leur paresse, et les nistration, que n'en feront dix hommes su-
petits esprits aiment les divisions minutieu- périeurs qui se succédèrent au ministère,
ses qui soulagent leur faiblesse. II y a long- da-ns le' même espace de temps. Quant aux
temps qu'on a dit que la minutie était h su- hommes sans vertus, ils né sont bons à rien,
blime de la médiocrité; les gens très-soi- absolument à rien, qu'à hâter les révolu-
gneux, qui sont assez souvent des gens très- tions. On a remarqué que Louis XlV ne
médiocres, mettent tout chez eux par petits prenait pour ministres que des gens de
tiroirs. robe. Les affaires n'en allaient pas plus mal
Je ne suis pas éloigné de croire que la parce que l'homme de robe est plus appli-
perfection de l'administration et le (aient de qué, plus étranger aux personnes par sa
l'administrateur sont en raison inverse du profession, plus constant dans les choses
nombre des bureaux et des sous-ordres. par ses habitudes. Un homme de robe chargé
Il faut de l'ordre sans doute, et il en faut de détails militaires suit à la lettre les or-
plus à mesure qu'une administration est donnances, mais il n'en fait pas, parce qu'il
plus étendue mais l'ordre est plutôt la réu- n'est pas du métier.
nion d'objets semblables, que la séparation D'ailleurs il est plus conforme à l'esprit
d'objets différents. L'ordre est la table des de la constitution que les fonctions admi-
matières mais si la table des matières est nistratives ne soient pas entre les mains d«
aussi volumineuse que l'ouvrage, le lecteur la noblesse militaire
n'y gagne rien. Le cardinal de Richelieu dit quelque part
Ge qui simplifie extrêmement l'adminis- qu'il ne faut pas se servir, dans les affaires,
tration est l'invariabilité. Il faut un nouvel de gens de bas lieu ils sont trop austères et
ordre pour des objets nouveaux mais lors- trop difficiles. Montesauieu, qui suppose
apparemment que ce fameux ministre n'aa vertu ne devait être confiée qu'à des gens
tien dit que de sage, et n'a rien fait que d'u- sans morale et sans principes. Si cela est
fait, sur ce texte immoral, un commen-
taire qui ['est bien davantage, et où l'onn
L-
ainsi, il y a certains Etats, en Europe, qui
doivent être parvenus à un haut degré de
'retrouve ses préjugés politiques. « S'il see prospérité; car on a-vu quelquefois, à la
trouve, dit-il, quelque malheureux honnêlee tête de leurs affaires, des gens 'qu'on ne
homme, le cardinal de Richelieu, dans soni peut. pas accuser d'être trop austères et trop
Testament politique, insinue qu'un monar- difficiles.
que doit se garder de s'en servir. Tant il estt On peut obtenir des succès par le crime
vrai que la vertu n'est pas le ressort de cee mais la prospérité d'un Etat comme le
qouvernement~l » De là beaucoup de gens ontt bonheur.de l'individu, ne peut être le fruit
conclu que les affaires publiques ne pou- que de la vertu; et il ne faut pas plus con-
.vaiènt pas, sans danger, être entre les.mains j
fondre les succès d'un ministre avec la pros-
'.
3 i
d'un honnête homme, et que l'administra- périté
] d'un Etat, qu'il ne faut :confondre
tion d'un Etat, c'est-à-dire la fonction dei le
] bonheur d'un homme avec sa fortune.
conduire les' hommes au bonheur par lai
ADMINISTRATION PARTICULIÈRE.
.
a
élire leurs évêques lorsque les besoins de le dre
d une loi, puisqu'elle: ne peut périr que
la religion ne demandaient dans ses pre- par p1~ l'infraction des JoisI
miers ministres que la piété mais aujour- r--
d'hui là religion attaquée exige dans ses dé- § CHAPITRE III.
fenseurs la science jointe à la piété, il est st
dans la nature des choses que le pouvoir de CHOli
CHOIIÉ DES CUBÉS.It Éé.
'jj
e
l'Etat choisisse-* sur la présentation de ceuxx e JI faut, ayons-'nous dit, Pour garantir la
qui peuvent à la fois connaître la vertu duu bonté d'un choix, l'édueatfôri,- la présenta-
sujet et juger de sa science. tion, le choix, l'approbation. Toutes ces con-
li
A mérite égal, le foi doit choisir dans une e dditions s-e trouvent également remplies dans
famille sociale le
}( choix des seconds pasteurs.
i° Parce que le sujet a reçu nécessaire- " L'éducation ecclésiastique a fait dés pré-
ment l'édUGâtion sociale; tres
ti puisqu'ils sont prêtres, ils doivent
2° ParGê qu'il est da»s la nature qu'il se e être tous aptes à en remplir les fonctions
trouvé plus d'attachemeut à la société dans IS \( religion les présente ètt les consacrant le
la
une famille vouée spécialement sa défense prédécesseur
p choisit l'évêque approuve.
« 11 est, ditHénault, extrêmement important ll Le prédécesseur choisit 1° parce qu'il
pour la sûreté du royaume que les rois choi- connaît mieux que personne les besoins dee
Cl
sissent ceux dont la fidélité leur est connue, !>
Sj paroisse; â" parée qu'il peut mieux con-
sa
et dont les talents s'étendent non-seulement lt naître
n qu'un autre les qualités du sujet.
aux choses.de la religion, mais encore auu L'évêque approuve, parce qu'il doit con-
maintien de la pan et de l'ordre publie. » naître n ses coopéraleurs, et que les pasteurs
Dés que i'évêquë est nommé, il a des de- s- d second ordre ne peuvent tenir que du
du
voirs à remplir dans son diocèse; il n'a dee premier
p pasteur le droit d'exeréer leurs
devoirs à remplir que dans son diocèse, et }t fonctions.
fi
des devoirs qui ne peuvent être remplis quee Je maintiens donc la résignation ou la dé-
psfiui. mission
n en faveur d'un sujet désigné, comme
De là suit la nécessité de la résidence. Il11 Je li moyen le plus conforme à la Constitution
de l'Etat,, et par conséquent le plus propre à avilirait aux yeux des peuples les ministres
procurer de bons choix. En effet, ce moyen et la ministère.
assure, humainement parlant, la perpétuité Personne ne peut mieux connaître les be-
du rain-istère ecclésiastique, en faisant en soins de la paroisse que celui qui l'a longr
quelque sorte- des familles sacerdotales, temps gouvernée, ni les qualités du sujet
comme il y aune famille royale et des fa^- que celui qui lui a donné presque toujours
milles militaires et sénatoriales. la première éducation, et sous les yeux du-
Un bénéficier élève son neveu, son frère, quel il a souvent exercé ses premières fonc-
son parent dans l'état ecclésiastique; et la tions.
famille, à laquelle la religion ne défend pas Après tout, si un parent prévenu fait un
tous motifs temporels, voit avec plaisir un mauvais choix, la faute en est à l'évêque
enfant prendre un état qui lui assure la con- qui a fait le prêtre ou qui approuve le
sidération et la subsistance qu'on ne parle curé.
pas de vocation très-peu d'hommes nais- Si le curé doit choisir son successeur, à
sent avec une disposition particulière pour plus forte raison il doit choisir ses vi-
un état déterminé. caires.
ta plupart des hommes naissent indiffé- Il faut donc conserver ou établir la rési-
rents à tout ce que lasociété veut faire d'eux. gnation (l).
Les hommes à qui la nature a donné un bon Je dis établir; car, lorsque la collation est
esprit, un cœur sensible et un corps robuste, faite par des corps ou des individus ecclé-
sont capables de remplir, avec une égale dis- siastiques, pac des corps ou individus sécu-
tinction, les fonctions les plus opposées. liers, il y a nomination, mais il n'y a pas de
Peut-on croire que Bossuet eût été, dans la choix; parce que les premiers ne peuvent
carrière des armes, un homme médiocre, ou pas connaître les besoins de la paroisse, et
que Fénelon n'eût pas rempli avec succès que les seconds ne peuvent connaître ni les.
cella des négociations ? besoins de la paroisse, ni les qualités
Il se fait donc, dans les familles, des ha- qu'exige la profession.
bitudes de vocation ecclésiastique, qui ne On m'alléguera des droits j'opposerai
sont pas pour cela, dans l'individu, des vo- l'intérêt de la religion, celui de l'Etat, la
caHms d'habitude; et dans ces familles bour- constitution, la nature des choses et quel
geoises si respectable*, qui cultivent elles- est le laïque chrétien, qui puisse être jaloux
mêmes leur antique propriété dans la sim- du droit de conférer l'administration d'une
plicité de la vie chamoêtre, l'état ecclésias- paroisse?1
tique devient héréditaire comme les bonnes Si le prédécesseur n'a pu m voulu rési-
mœurs, l'économie, l'attachement à la reli- gner, alors les grands vicaires du diocèse
gion et au roi. se trouvent naturellement substitués à ses
Si l'on ne peut détruire dans l'homme, droits; ils choisissent, et l'éyêque ap-
même le plus modéré, le désir de dominer proute.
ou de s'élever au-dessus des autres, les dé- N'est-il pas dans la nature des choses que
marches faites dans cette vue, criminelles les paroissiens choisissent leur curé? Com-
peut-être aux yeux de Dieu, seront sans me il est dans la nature des choses que les
reproche aux yeux des hommes, lorsque enfants choisissent leur précepteur, les ae-
adressées à un oncle, à un frère, à un pa- cusés leur juge, et l'ennemi le général qui
rent, elles prendront l'apparence de la re- lui est opposé. Le curé ne peut être nommé
connaissance ou d'une affection naturelle ·. que par ses confrères ou par le peuple, par
au lieu que, si on laissait la présentation l'évêque ou par son prédécesseur. On vient
des curés aux cvirés de l'arrondissement, de voir l'inconvénient de la nomination par
comme j'ai laissé la présentation des évêques les curés, et l'absurdité de la nomination
à ceux de la province, il-serait à craindre faite par le peuple. Le choix fait par l'évo-
que le défaut d'éducation et de tact ne don- que n'aurait pas de moindres abus; et l'on
nât quelquefois à des démarches, peut-être verrait les mêmes intrigues pour obtenir les
désintéressées, un caractère de bassesse qui bénéfices à charge d'âmes, que celle qu'or.
{ 1 ) t La résignation, qui pouvait obvier à que.- aux progrès de leurs connaissances en administra-
ques amis, mais qui établissait pour un ministère tion. > (Législation primitioe. Traité Du minisl, pu-
fpirituel une succession un peu trop séculière, ne
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peut –*– *la
.-– convenir
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convenir
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voyait à !â cour pour obtenir des bénéfices dépouillée de ses propriétés, si elle n'oppo-
simples. Ces intrigues, plus aperçues dansi sait ses priviléges à l'activité .de l'intérêt
de petites villes, en seraient plus scandaleu- personnel.
ses. On peut voir dans les histoires les abusi 2° La régie: elle doit être laissée au clergé,
énormes des élections qui'se pratiquaientt parce qu'il est dans la nature que la régie
autrefois il ne reste donc que la nominationî soit mieux faite par le clergé que par tout
par résignation. autre. Le propriétaire est le plus intéressé
La résignation présentait des abus sont au succès de la régie donc il est le régis-
succès ne doit pas dépendre de l'activité5 seur le plus habile.
d'un banquier, ni de la diligence d'un cour- 3° La distribution: elle a quatre objets: 1*
rier. La nature de la société établit le prin- l'éducationecclésiastique; 2° subsistance des
cipe, l'homme y ajoute ses erreurs. ministres 3° frais et entretien du culte k°
Il y avait, ce semble, dans le gouverne- secours pour la faiblesse.
ment intérieur des diocèses, quelques abus 1° Il faut pour l'éducation ecclésiastique
qui venaient des hommes, et non des insti- un corps et un corps unique, comme pour
tutions. Par une disposition commune eni l'éducation sociale. Tout ce qui doit êtreper-
France à toutes les autorités, et dont je par- manent quant au temps, universel quant aux
lerai en son lieu, le supérieur cherchaitt lieux, uniforme quant aux personnes, ne
peut-être à abaisser l'inférieur, et celui-cii peut être confié qu'à un corps. Si l'éduca-
cherchait à se soustraire à son supérieur. Il1 tion ne peut être entièrement gratuite, elle
faut que le curé jouisse,chez son évêque de» doit être proportionnée aux facultés de la
la considération due à ses fonctions, et quej classe moyenne des citoyens.
l'évêque. jouisse, sur les ministres subor- 2° On s'occupait, en France, à augmenter
donnés, de l'autorité de son caractère et de3 la portion congrue des curés et vicaires.
sa place. Il ne faut pas qu'un curé soit un homme
L'éducation sociale et l'éducation ecclé- opulent mais il faut, bien moins, qu'il soit
siastique préviendront les abus. Il y a des au nombre des nécessiteux de sa paroisse.
tribunaux ecclésiastiques ou civils pour pu- Le respect pour soi-même et pour les bien-
nir les délits. séances de son état, la bienfaisance, l'hospi-
talité, tout ce qu'il y a de bon et d'utile
CHAPITREIV tient à une honnête aisance. On ne peut
rien fixer à cet égard les besoins varient
T)ES PROPRIÉTÉS RELIGIEUSES.
avec les paroisses, et le prix des denrées,
Je suppose qu'on rendra à la religion, eni avec les provinces. La portion congrue doit
France, ses propriétés et toutes ses proprié-i- être fixée en denrées, pour n'y plus revenir,
tés, et qu'on tie les usurpera pas dans lee et payée à la volonté du bénéficier en ar-
reste de l'Europe. gent ou en denrées. Au reste, quelque ma-
Il ne faut pas que la perpétuité de la re- nière que l'on adopte, il faut que.le minis-
ligion publique dépende, dans une société, tre chargé des intérêts spirituels de la
d'un arrêt du conseil, d'une insurrectioni paroisse ait le moins possible d'intérêts
populaire, ou de la générosité des particu- personnelset temporels à démêler avec ses
liers. C'est fait de la religion publique ena paroissiens. Il est surtout nécessaire d'assu-
Europe, si elle n'a plus de propriétés; c'est,t rer des pensions alimentaires aux ministres
fait do l'Europe, s'il n'y a plus de religioni <Sg£s ou infirmes car il ne faut pas réduire
publique. La religion publique est une so- à l'aumône le résignataire pour faire vivre
ciété constituée donc elle doit être indé- le résignant.
pendante, donc elle doit être propriétaire.i. 3° Un objet trop négligé, dans les cam-
Dans la propriété religieuse, je distinguee pagnes surtout, était l'entretien du culte.
trois choses la protection, la régie, l'em-i- Les yeux étaient révoltés de l'état de mi-
ploi 1° le pouvoir politique protége, et l'onn sère et de nudité d'un grand nombre d'égli-
aperçoit le motif des justes prérogatives ;s ses et il y avait au moins de J'inconve-
dont jouissent les propriétés ecclésiastiques;s nance qu'un décimateur opulent ne voulût
dans les affaires contentieuses. pas meubler,. avec décence, la maison de
Je sais, mieux que personne, que ces is Dieu, lorsqu'une paroisse pauvre faisait
priviléges sont onéreux au particulier; maisis construire, quelquefois avec luxe, la mai-
je sais aussi que la religion serait peu à peuu son du curé.
Simplicité pour le particulier, faste pour la plus atroce et aux tentations les plus sé-
le public; dans toutçe qui a rapport an culte duisantes.
religieux, on n'en fera jamais trop, parce 3° La religion protége la faiblesse de la
qu'on n'en fera jamais assez. condition elle, instruit le peuple, assiste
Le gouvernement doit surveiller eet objet l'indigent, soulage l'infirme, console ]e mal-
et
avec d'autant plus d'attention, qu'il ne lui heureux, et n'abandonne pas même le mal-
en coûte que de surveiller. fâiteur que la société politique rejette de
Pour une religion persécutée, une som- son sein. Elle va jusque chez les barbares
bre caverne est un tempie magnifique: la na- délivrer amener le sauvage au
ture renforce le sentiment à proportion des christianisme et par conséquent à la civili-
efforts que l'homme fait pour le détruire sation.
mais quand la religion est tranquille, la Tous ces emplois sont de l'essence de la
nature laisse aux choses leur cours ordi- religion, et l'objet de la donation des biens
naire, elle rend aux sens leur fonction na- qu'elle possède. Ces biens n'appartiennent
turelle, celle d'éveiller le sentiment. pas au clergé, bien moins encore à la nation;
1° Les biens de la religion sont destinés ils appartiennent à la religion, ils appartien-
à secourir la faiblesse. nent à la société civile, c'est-à-dire, à la
La faiblesse de l'homme est celle de l'âge, société religieuse et à la société politique
du sexe et de la condition. ensemble; c'est tout à la fois une profanation
1* La religion protége la faiblesse de l'en- sacrilège, et une interversion absurde, gue
fant, par l'éducation sociale et par consé- de les faire servir de gage à d'infâmes usu-
quent religieuse qu'elle lui donne. Je l'ai riers, ou d'hypothèque à d'avides capita-
déjà dit l'éducation publique a été, dans listes.
l'origine, le motif d'un grand nombre de Périssent tous les engagements de l'Etat,
fondations pieuses; et cette destination in- s'il faut, pour les maintenir, dépouiller la
téresse la religion comme l'Etat, puisqu'en religion 1 Préférer à l'intérêt de la religion
contribuant à l'éducation des enfants, la re- ce qu'on appelle le crédit de l'Etat, dans une
ligion se prépare des ministres. société qui ne devrait peut-être pas en con-
2° Elle protége la faiblesse du sexe, en naître le nom, est une spéculation de ban-
offrant des asiles aux jeunes personnes que quier, une combinaison d'athée, et non la
leur goût pour la retraite, la modicité de politique d'un homme d'Etat.
leur fortune, les torts de la nature et de la On ne manquera pas de me dire que tous
société, les fautes de conduite ou les défauts les ecclésiastiques ne faisaient pas de leurs
de caractère, éloignent du mariage. biens l'usage que la religion voulait qu'ils
La nature fait naître les deux
sexes en en fissent; et ceux qui le relèvent avec le
nombre égal; mais la société politique les plus d'amertume ne sont pas toujours ceux
consomme inégalement. Il faut donc pour le qui font de leur fortune l'usage le plus con-
bonheur et la perfection de la société civile forme à la morale, et le plus utile à la socié-
que la société religieuse rétablisse un équi- té. C'est un abus sans doute; mais si la re-
libre nécessaire aux mœurs, et qu'elle offre ligion ne peut pas réprimer, même dans ses
une retraite aux personnes du sexe qui ne ministres, toutes les volontés dépravées,
veulent pas du monde, ou dont le monde ne c'est à l'administration à en empêcher les
veut pas. Dans les pays où il n'y a point actes extérieurs, en faisant des biens ec-
d'asiles religieux pour les personnes du clésiastiques une distribution éclairée et
sexe, la loi, pour prévenir de plus grands surtout en en prévenant l'accumulation dans
désordres, consacre le libertinage en autori- les mêmes'mains.
sant le divorce ou là polygamie. Je n'ai point parlé des bénéfices simples,
Ces asiles deviennent utiles, sous d'autres
ou de ceux qui n'obligent celui qui en est
points de vue, à la société. Ils servent à pourvu à aucune fonction publique.
l'éducation des jeunes personnes, à la di- Je ne comprends donc pas, sous la dé-
rection des hôpitaux, au soulagement des nomination de bénéfices simples, les cano-
infirmes et des indigents il n'est point de
destination utile qu'on ne puisse donner à
nicats qui obligent à la prière publique.
1° La prière publique est de l'essence de
des corps qui font tout par esprit de religion, la religion chrétienne.
et dont la piété héroïque a résisté avec le 2° Les chanoines, conseil né de l'évêque,
rare courage de la patience à la persécution ajoutent, par leur présence et leurs fonc-
tions, à la majesté du culte dans les églises la femme adultère, réprouve le pharisien
épiscopales; et il est utile à la religion que superbe. L'histoire de la révolution deFranea
fournit de nouvelles preuves à une vérité
les cérémoniesreligieuses soient faites, avec
pompe, dans toutes les églises, et principa- dont la démonstration est fondée sur là con-
lement dans les anciennes basiliques, pre- naissance approfondiedu coeur humain. La
miers monuments de la piété de nos pères, religion a compté plus d'apostats parmi ceux.
preuves matérielles de leur croyance à l'exis- de ses ministres, qui, fiers d'une régularité
tence de Dieu et à l'immortalité de l'âme, et de mœurs peut-être peu pénible, se croyaient
près desquelles la jeunesse, qui se destine à d'une espèce supérieure aux autres, que
l'état ecclésiastique, est élevée sous les yeux parmi ceux qui, combattus, partagés entre
de son évoque. des penchants violents et des principes sé-
Les canonicats peuvent être des places de vères, joignaient, à la force que donne l'ha-
retraite pour les ecclésiastiques. D'ailleurs, bitude de combattre,la défiance de soi-même
tel prêtre éclairera l'Eglise par ses écrits, qui nait de l'expérience de sa faiblesse,
instruira les autres par ses discours, les édi- Les désordres particuliers pourraient être
fiera par ses exemples, les soulagera par corrigés par les conciles provinciaux, tou-
ses bienfaits, qui ne serait pas propre au jours demandés par les assemblées du cler-
gouvernement d'un diocèse ou d'une pa- gé, toujours éludés par le gouvernement,
roisse il faut, dans une société religieu- qui avait tort de les redouter; car tout ce
se, des ministres qui écrivent, qui prê- qui est utile à la religion est utile à l'Etat.
chent, qui s'adonnent au soulagement, des Au reste, qu'il soit utile ou non, après la
pauvres; je dis plus on ne peut pas sépa- révolution, d'assembler le clergé de France,
rer entièrement l'homme de toute affection le gouvernement ne saurait assez insister,
temporelle. Laissez un motif, quel qu'il soit, auprès des premiers pasteurs, sur ces deux
laissez un espoir vague et indéterminé à points fondamentaux du retour de l'ordre et
ceux qui se dévouent à une profession qui de la tranquillité. Discrétion dans le zèle,
commande tant de sacrifices. Dans de gran- uniformité dans la conduite qu'on suive la
des sociétés religieuses et politiques, dont maxime du grand Maître, de ne point briser
les besoins en tout genre sont très-multi- te roseau à demi casse, de ne point éteindre la
pliés, il faut, en quelque sorte, du superflu, mèche qui fume encore. Les esprits timides
si l'on veut ne manquer jamais du néces- laissent commencer les révolutions, les es-
saire (1). Les âmes faibles s'effrayent de prits extrêmes les empêchent de finir.
quelques désordres; il leur semble que la Le premier soin de l'administration de
religion va périr, parce qu'un bénéficier au- France doit être de rendre au Saint-Siége
ra fait de son temps ou de ses biens uni Avignon et le Comtat, et à l'ordre de Malte
usage peu conforme à son état 1 Ah! qu'ellesi ses propriétés. L'intérêt politique de la
se rassurent; la religion eût péri, dès sa nais- France s'accorde avec la justice.
sance, si les scandales eussent pu la détrui- La possession du Comtat, enclavé dans la
re. Un sentiment intérieur nous aceuse, France, fortifie les liens précieux qui unis-
lorsque les désordres de ceux que nous de- sent la France au Saint-Siège, ou facilite
Tons respecter semblentjustifier les nôtres. leur rapprochement en cas de division.Peut-
Maintenez les mœurs de la profession, ett être Avignon assure au Pape la tranquille
laissez les mœurs privées à celui qui voitt possession de Rome contre de vieilles pré-
les cœurs. Faut-il Je dire? Les sociétés reli- tentions. Quant aux propriétés de l'ordre de
gieuses ou politiques ont bien moins ài Malte, la France, d'accord avec l'ordre,
craindre les dérèglements du coeur que less pourrait venir au secours d'un, plus grand
égarements de l'esprit. Les vertus qui con- nombre d'individus de la noblesse pau-
servent la société tiennent de près aux fai- vre et militaire, sans qu'il en coûtât rien à
blesses du cœur les vices qui la détruisentt l'Etat.
sont enfants de l'orgueil; celui qui pardonneB
(1) Il n'en est pas des chapitres de France e nombre respectif des ordres, il y a beaucoup plus.
de
comme ceux d'Allemagne en France, il n'y a de chanoines du troisième ordre que du second.
que quatre chapitres nobles, y compris celui. de le Mais dans tous les chapitres, on est obligé à rési
Strasbourg dans tous les autres, les canonicats is denee, parce qu'on ne peut posséder qu'une pré-
sont possédés indifféremment par le second le
ou le bende, et qu'on ne peut être chanoine dans dcuS
troisième ordre, et par conséquent, à cause duu catlfédra-les à la fois.
SECTION II, ADMINISTRATION CIVILE.
(1) On appelle sénéchal dans le pays de la quelles le peuple ne pari© que la langue française,
tangue d'oc, ce qu'on appelle bailliage dans le pays' et dans l'aulre, la langue,particulière aux provinces
de la langue d'ogt on ôyoui. Cette division, ancienne méridionales de ce royaume
partage la France en deux parties, dans l'une des-
811 PES DE M. DE BONALD,
OEUVRES COMPLETES BONALD. 8ifc
CHAPITRE Il. t
pacité
F T'_1*-J«
àt remplir les devoirs ,l*V*rt»v»rrtA social,
_.«!«« d'homme cnninl
par son application et son aptitude à remplir
P
COMPOSITIONDES TRIBUNAUX. les devoirs d'homme naturel.
ïe suivrai, en traitant cette matière, l'or- Quand le roi a choisi, il renvoie l'élu à sa
dre naturel de la juridiction ascendante. compagnie,
c pour en être approuvé; et comme
Puisqu'il y a une place à remplir, il faut le roi n'a pas d'intérêt personnel à faire un
1<
élever, il faut présenter, il faut choisir, il faut mauvais
n choix la compagnie a un intérêt
approuver le sujet qui doit la remplir. particulier
p à la bonté du choix. Son devoir
Le sujet reçoit, dans les universités, l'é- e donc de le discuter et de faire au roi
est
ducation particulière de la profession à la- ddes représentations sur l'inconvenance d'un
quelle il se destine, et la profession présente cchoix fait par l'homme et non par le monar-
les gradués qu'elle a déclarés capables d'être que.
q Les chefs de ces tribunaux, nommés
promus aux fonctions de juge, après un également
é par le roi, sont soumis à l'appro-
cours d'études et une suite d'examens pré- bation
b des cours souveraines devant les-
paratoires. quelles
q ils prêtent serment.
A qui est-ce à choisir? Aux justiciables Les cours souveraines ou parlements
dit la philosophie; à ceux qui ne sont pas sont s composées sur les mêmes principes. La
justiciables dit le bon sens; car le juge professionr élève les sujets et les présente au
choisi par les justiciables dépendra d'eus pouvoir.
“ Le pouvoir nomme la compagnie
et dans les fonctions qui demandent l'im- approuve; a mais comme le choix est plus
partialité la plus sévère, il sera toujours important,
i puisque les cours souveraines re-
placé, au moins au dehors et dans l'opi- dressent les jugements de tous les tribunaux
nion, entre le ressentiment et la reconnais- inférieurs,
i qu'elles ont le plein .exercice de
sance. 1; juridiction criminelle, et qu'enfin elles
la
Quel est le seul individu du ressort qui sont sénat ou corps dépositaire des lois, et
s
ne soit pas justiciable du juge dans sa per- que, “ s\*us ce rapport, elles sont profession
sonne ni dans ses biens C'est le seigneur sociale;
s il est dans la nature des choses,
donc c'est au seigneur à choisir le juge car que “ celui qui aspire à exercer ces fonctions
le seigneur peut distinguer le mérite du su- augustes, fournisse au pouvoir de l'Etat
a
jet, et il n'a pas d'intérêt personnel au une x caution qu'il a rempli par son travail et
choix. Si l'on réunit les ressorts, comme je son s industrie le devoir imposé à l'homme
le propose, alors les seigneurs compris dans naturel,
r caution plus forte à proportion
l'arrondissement choisiront en commun un de d l'importance de la place. Cette somme,
juge; le devoir de chacun sera conservé, et comme c je l'ai dit ailleurs est en môme
le choix de tous sera plus éclairé. temps
t une propriété placée sur l'Etat, et au
A qui est-ce à approuver le choix? au tri- moyen
r de laquelle la profession sociale s'est
bunal qui reçoit l'appel, et qui a intérêt de élevée, suivant l'esprit de la constitution,
discuter le choix du juge, puisque sa fonc- au a rang de profession propriétaire, c'est-à-
tion est de redresser ses jugements. Aussi dire c indépendante.
les provisions de juge seigneurial sont enre- 11 faut observer ici, pour ne rien
laisser à
gistrées, et lui-même est reçu en la cour du dire c sur ce sujet important, que le roi est le
bailli ou du sénéchal. j
juge suprême, la source de toute justice,
Dans les bailliages ou sénéchaussées,le roi et E que c'est avec vérité que J.-J. Rousseau
choisit, puisqu'il est le seul individu du aa dit « Si le roi jugeait en personne, j'es-
ressort et de tous les ressorts (car le roi est timet qu'il aurait le droit de juger seul, en
l'homme universel), qui ne soit pas soumis, tout t état de cause son intérêt serait tou-
j
au moins dans sa personne, à la juridiction jours d'être juste. » Si le roi peut juger
des tribunaux. Puisque le roi choisit, il doit donc il peut choisir et déléguer ceux qui
j
(
connaître, il peut distinguer. Il connaît les jugent.
sujets, puisque la profession les lui pré- On peut remarquer, dans la composition
sente comme capables de remplir les fonc- des ( tribunaux, que la profession judiciaire
tions de juge par les études qu'ils ont faites qui c présente les sujets est la seule qui puisse
et les examens qu'ils ont subis il les dis- connaitre
( leur capacité, puisqu'elle leur a
tingue, puisqu'en offrant au roi d'acheter donné < l'éducation judiciaire qae le roi ou
une charge de judicature, le candidat fait 1le seigneur qui choisissent sont les seuls
l'rcuvo, comme je l'ai dit ailleurs, de sa ca- qui < soient dans l'état de non. intérêt et d'im-
partialité nécessaires pour garantir la bonté contraire, un rapport évident entre ceaur
d'un choix; que les compagnies qui agréent coup d'hommes simples, sans études et sans
ont un intérêt direct et particulier à discuter connaissance, et beaucoup d'ignorance, de
la bonté du choix, et que par conséquent le prévention et d'erreurs; entre l'identité des
mode de présentation de choix, d'approba- conditions, et la partialité de l'homme; entre
tion, est le plus parfait ou le plus dans la na- l'unanimité absolue que la loi exige pour la
ture de l'homme social, c'est-à-dire de la condamnation de l'accusé, et l'impossibilité
société. d'accorder beaucoup d'ignorance, d'erreurs
II me reste une observation à faire, et elle et de préventions c'est-à-dire que je vois
est décisive. La justice était mieux adminis- un rapport évident entre l'institution du jury
trée en France qu'en aucun autre pays de et l'impunité du criminel dans les temps or-
l'Europe. C'est un fait avoué par les étran- dinaires, et la condamnation de l'innocent
gers eux-mêmes. Or, cette perfection ne te- dans des temps de factions. Aussi cette ins-
nait pas aux hommes, car ils sont partout titution, conservée eu Angleterre, parce
les mêmes; elle ne tenait pas aux lois, puis- qu'elle y est ancienne, a été adoptée en
que l'Europe est régie presque partout par France,] parce qu'elle y est nouvelle; là, sa
les mêmes lois. Elle était donc l'effet de conservation est l'effet d'un respect louable
l'institution; donc elle était plus par- pour les anciennes habitudes; ici son intro-
faite, je veux dire plus dans la nature de duction provient de la manie funeste des in-
la société perfectionnée ou de la consti tu- novations. En Angleterre comme en France,
tion. elle n'a pu convenir que dans l'enfance de
Je ne puis me refusera à faire l'application la nation, et elle est l'ébauche informe et
des principes que j'ai posés, à l'institution grossière de la procédure criminelle. La na-
du jury; il est aisé de démontrer que, dans ture de la société perfectionnée la repousse;
cette institution sublime et bienfaisante, tout et depuis longtemps elle avertit l'Angleterre
est contre la nature de l'homme social, ou de la nécessité de la réformer, par le grand
contre la nature de la société. . nombre de malfaiteurs qu'elle soustrait au
Un accusé est prévenu d'assassinat, il faut supplice, comme elle a averti la France du
recueillir les preuves, peser les probabilités, danger de l'introduire par le grand nom-
entendre les témoins, discuter leur crédibi- bre d'innocents qu'elle a conduits à l'écha-
lité, confronter leurs dépositions, interroger faud.
i
l'accusé, former une opinion, juger enfin. Il La prévention de la nation anglaise pour
faut la connaissance des hommes, il faut ta toutes ses institutions, prévention qu'elle a
connaissance des lois, il faut surtout être eu l'adresse d'inspirer aux autres nations
sans intérêt. Toutes ces conditions sont réu- lui ferme les yeux sur les inconvénients de
nies dans un tribunal de juges. Leur ëduca- cette forme de procéder, qu'elle apprécie à
tion et leur choix garantissent à la société sa juste valeur lorsqu'elle la retrouve chez
la connaissance qu'ils ont des lois leurs ha- quelque
< autre peuple. «L'institutiondujun/
bitudes. garantissent la connaissance qu'ils en Suède, dit Coxe dans son Voyage de
ont des hommes leur état, leur nombre, Suède, n'est dans le fait qu'une pure forma-
leur fortune, garantissent l'impartialité de lité. Ces jurés sont si ignorants et si pau-
leurs jugements je vois ce rapport néces- vres, que la plupart suivent aveuglément
saire et dérivé de la nature des choses, entre l'avis du juge. D'ailleurs leur opinion n'est
des hommes choisis et des hommes éclai- comptée que quand ils sont unanimes, et ils
rés, entre des hommes occupés à juger les ne sont pas obligés de l'être comme en Angles-
hommes et des hommes qui les connaissent, terre leur négligence, leur nullité sont si
entre des hommes qui n'ont rien de com- notoires, i que c'est une comparaison usitée
mun avec l'accusé et des hommes sans pré- en i Suède que de dire Endormi comme un
vention. Mais s'il s'assemble un jury pourjure'. J »
prononcer sur le fait et l'intention de l'ac- Je reviens à la composition des tribunaux.
cusé, je me demande quel rapport il peut y On ( ne manquera pas de m'opposer que les
avoir entre des hommes souvent sans édu- étudiants
< en droit n'étudient pas, que les
cation et sans lettres, et la connaissance des <examinateurs n'examinent pas, que le roi
lois; des hommes simples et grossiers, et la et < les seigneurs nomment et ne choisissent
connaissance des hommes; des pairs de l'ac- pas
«usé, et l'impartialité du juge. Je vois, au ] que les compagnies agréent et ne dis-
jcutent pas; c'est la faute des hommes, dir
d'esprit ou de rang, de s'y soustraire. N'or-
rai-je, et non celle des institutions. Conser- dt
vez les institutions, redressez les hommes, donnez
do rien que de juste, mais aussi que
La révolution a fait en France le contraire, toi périsse pour que force demeure à justice.
tout
elle a corrompu les hommes et changé les La M est plus que l'homme, et la justice
institutions. plus que la société; car ia justice est Dieu
pli
Je n'ai pas parlé du conseil qui admet les mt
même.
requêtes en cassation d'arrêts des cours sou-
veraines. Le roi, chef suprême de Jaxj,us-
tiee, doit veiller à l'observation rigoureuse POLICE.
des lois et tout sujet doit pouvoir appeler
au juge suprême des fautes que ses dé- Je comprends sous ce titre 1° le régime
légués peuvent commettre contre le texte munipal
m' des communautés ou communes;
des lois. Mais si toutes les requêtes sont 2° le régime administratif des provinces
admises et tous les arrêts cassés, alors les 3° les mœurs r*° les lettres; 5° la bienfai-
corps se combattent, la justice s'avilit, les sance
sai publique.
affaires s'éternisent et la mauvaise foi
triomphe. CHAPITRE III.
On fait au roi un crime de ne pas faire de
RÉGIME MUNICIPAL DES COMMUNES.
meilleurs choix; mais à moins que la pro-
bité d'un homme ne soit déjà suspecte, ou Les officiers municipaux, ou administra-
ses talents connus, qui peut sonder l'abîme teurs
tel particuliers des communes, sont les
sans fond du eceut de l'homme, ou connaî- éléments
èh de l'administration, comme les fa-
tre la portée et la nature de son esprit?`r! milles
mi sont les éléments du corps social.
Parce qu'on voit peu de grands talents on Aussi,
Ai en qualité d'éléments, les corps mu-
suppose qu'il y en a beaucoup de cachés, nicipaux
ni sont indestructibles, et ils ont sur-
Rien de plus rare qu'un vrai talent, c'est-à- vécu en France, à peu près soùs leur forme
vé
dire un bon esprit uni à un cœur sensible, ancienne,
an à la destruction etla recomposi-
un homme en qui le sentiment soit pensée, ti( de toutes les autorités. Us sont donc
tion
et la pensée soit sentiment. nécessaires,
né ils sont donc le dernier anneau
S'il y a quelques abus dans l'administra- de la chaîne dont ie souverain est le pre-
de
tion de la justice, ils tiennent à l'homme et mier.
m
non à l'institution. Une meilleure éducation, L'administration des communes doit-eHe
ou sociale, ou judiciaire, les fera dispa- être une ou collective?
et
raître. Mais un abus monstrueux parce Avant de répondre à cette question, il
qu'il serait contre la nature de la société, faut savoir ce que c'est qu'une commune.
fa
serait la loi souvent proposée, qui, fixant Ui commune est une grande famille, une
Une
au juge civil des honoraires, ferait payer petite
pt société, composée d'hommes de la
les frais de justice à celui qui a gagné le commune
ce et de propriétés de la commune.
procès que la mauvaise foi lui a intenté, et Donc les officiers municipaux sont les
même à celui qui ne plaide pas. La fonction pères de la famille, ou les pouvoirs de la
pÊ
de juge civil regarde l'individu, et ne doit société,
se chargés ji'en gouverner les hommes,
pas être payée par la société mais la fonc- d' administrer les propriétés.
d'en
tion déjuge criminel-est sociale, parce que Donc les officiers municipauxdoivent t~tre
tous les crimes sont destructifs de la so- à la fois autorité et conseil; autorité pour
ci été. Sous ce rapport, le juge peut et doit gouverner tes hommes, conseil pour admi-
g(
même recevoir des honoraires; et il me nistrer
ni les propriétés.
semble avoir aperçu que le défaut de rétri- Donc t'administration municipaledoit être
bution, quelquefois même de rembourse- à la fois une et collective; c'est-à-dire qu'il
ment pour frais avancés, jetait de la lenteur d,
doit y aYoir un chef et tles membres. Le chef
dans 1a poursuite des délits de la part des est autorité, les membres sont conseil c'est
es
justices'royales inférieures. el petit l'administration de l'Etat, avec cette
en
Quand la loi a parlé, elle doit être obéie; différence
di que le roi est pouvoir, c'est-à-
ce qui distingue essentiellement un peuple dire, la source de l'autorité. Le chef de la
di
vertueux, c'est-à-dire, libre, est le respect municipalité
m ne peut rien sans ses membres,
pour la loi. Trop souvent on regardait en les membres ne doivent rien faire sans le
le
France comme une preuve de supériorité chef,
cl et le chef doit être plus fort de sa con
side'ratiqn personnelle que de l'autorité de l
bitants riches et considérés de la commune.
sa plaee. car
c les propriétaires riches et considérés
À ces motifs, tirés de la nature de cette sont
s ceux qui ont le plus de moyens de con-
société, on peut en ajouter un autre, pris rnaître et le plus d'intérêt à choisir des pro-
dans la nature de l'homme. Si dans les priétaires
1 riches et considérés, pour admi-
communes l'autorité était entre les mains nistrer
i les hommes et les propriétés de la
d'un seul, elle serait trop dure, parce qu'elle commune.
c
serait trop sentie, à cause que le moteur se- On me demandera peut-être, pourquoi je
rait trop près du mobile; elle finirait par fais
f nommer les officiers municipaux par les
devenir insupportable. ihabitants, tandis que je,refuse aux justicia-
Je n'ai pas besoin d'avertir que le nombre bles
1 le droit de nommer leurs juges. La rai-
des officiers municipaux doit être dans oha- son
ï de cette différence n'est pas difficile à
que commune,en raison du nombre d'horn- apercevoir.
i
mes à gouverner, et de la quantité de pro- 1° Les offices municipaux sont une simple
priétés à administrer. commissio.n,
( c'est-à-dire, un devoir auquel
Le choix des administrateurs de la corn- 1l'homme n'est soumis que pour un temps;
mune ne peut jamais être indifférent. Il de- 1les fonctions de juge, qui demandent une
longue éducation et des études préparatoi-
tion..
vient extrêmement intéressant, lorsque la 1
société échappe aux horreurs d'une révolu- Jres, sont un office, c'est-à-dire un devoir au-
quel l'homme est soumis pour toute sa vie.
Les habitants de la commune élisaient au- <
2°
î Le juge prononce sur les plus grands in-
trefois leurs officiers municipaux. Les choix térêts
1 qui puissent occuper les hommes en
étaient généralement bons, parce que tous société les officiers municipaux ne pronon-
avaient intérêt de bien choisir, et que cha- cent
< que sur les intérêts les moins iinpor-
cun redoutait d'être choisi. Mais, lorsque tants. 3°-Personne n'est assuré qu'il ne sera
vers l'année 176. le gouvernement s'avisa ]pas traduit devant le juge comme partie ci-
de mettre les offices en vente, et que plus vile,
'< ou même comme accusé; mais tout
tard un sous-ordre choisit les officiers muni- honnête homme peut se répondre qu'il ne
cipaux, les honnêtes gens s'éloignèrent dès sera pas repris par l'officier de police comme
hôtels de ville, et ne voulurent pas ajouter délinquant.
aux peines sans nombre de la place, la sot- Ne craignez-vous pas, dira-t-on, la dureté
tise de l'acquisition ou le désagrément du du riche envers le pauvre? Non; car cette
.<
choix.. dureté est contraire à la nature de l'homme
Il faut revenir à la constitution, c'est-à- riche qui veut dominer par le bienfait
dire, à la nature des choses. mais je craindrais les. attentats du pauvre
Les fonctions d'officier municipal ne sont •< contre le riche, car ces attentats sont dans la
pas une profession, mais. une simple com- nature de l'homme pauvre, qui veut devenir
mission; il ne peut y avoir de familles mil- riche.
nicipales ni d'éducation municipale, comme Pour faire la nomination des ofliciersmu-
il y a des familles sénatoriales et une édu- nicipaux, il est de toute nécessité que les
cation judiciaire. habitants de la commune soient divisés en
Les officiers municipaux sont les pères de classes de gradués, bourgeois, marchands,.
]a «ommune, chargés d'en gouverner les artisans, comme ils l'étaient avant la révo-
hommes, d'en administrer les propriétés. Ils lution.
doivent donc être eux-mêmes habitants et Pour faire l'élection, 1° on prend sur le
propriétaires dans la commune, parce qu'il rôle des frais locaux de la commune les pre-
faut qu'ils en connaissent les hommes et les miers de toutes les classes pour électeurs
propriétés. 2° on peut prendre dans chacune des pre-
Ils doivent donc être choisis parmi les ha- mières classes un officier municipal. Au
bitants riches et considérés de la commune, moyen de cette disposition, personne n'flst
parce qu'une plus grande considération leur humilié; chaque élu est le premier de sa
donne plus d'autorité pour gouverner les classe; et ce n'est pas l'homme qui passe
hommes, une plus grande propriété leur après tel ou tel autre, mais la profession qui
donne plus d'intérêt et de moyens pour ad- passe après une autre profession.
ministrer les propriétés. Sans cette distribution de citoyens, abso-
Us doivent donc être choisis parmi les ha- lument néce&sairfi, les. électeurs ne pour-
819 OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD. 820
raient fixer leurs choix, ni assortir les con- parce que le religieux et le civil se réunis-
venances d'âge, de parenté, d'amitié; et ils sent dans le but.
seraient exposés à choquer à tout moment 2° Elles sont incompatibles avec toute
l'amour-propre si exigeant dans les petites fonction qui demande l'absence actuelle
villes, si actif chez les petits esprits. Or, hors de la commune.
l'art de satisfaire tous les amours-propres 3° Toute autre excuse est non recevable
doit être la première étude de l'administra car on n'a pas droit à jouir des avantages de
tion. la commune, lorsqu'on ne veut pas en par-
Enfin, sans cette disposition qui fixe à tager les charges. Aucune fonction, hors les
chaque individu sa place, en assignant à fonctions ecclésiastiques, n'est incompatible
chaque profession son rang, la société n'est avetrla faculté d'élire, et tout habitant de la
plus qu'un lieu de confusion, et les villes commune peut et doit être contraint de la
un théâtre de discorde. remplir.
La nomination des officiers municipaux J'ai dit que les officiers municipaux doi-
doit être approuvée par le conseil, sur le vent gouverner les hommes de leur com-
rapport de l'administrateur suprême de la imune. La commune est une famille, dont
province, parce que l'administrateur et le les
1 officiers municipaux sont les pères. Ils
conseil doivent connaître et agréer leurs su- doivent
< former les mœurs du peuple, diri-
bordonnés dans la hiérarchie de l'adminis- ger ses habitudes, réprimer ses passions;
S
tration. donner l'exemple de l'attachement à la reli-
<
Les officiers municipaux doivent être re- gion,
i et de la fidélité au pouvoir de l'Etat;
nouvelés au bout d'un temps assez court, de maintenir
i la paix dans les familles, l'union
deux ou trois ans 1° parce que l'amour de entre les parents, l'obéissance envers les
<
la domination, qui se glisse si aisément dans maîtres, les égards envers les inférieurs, la
le cœur de l'homme, peut rendre l'autorité 1bienveillance réciproque entre les citoyens;
:••.
une société, ce n'est qu'une fraction de so-
ciété. Je m'explique. une société, l'Etat est en révolution. Les prê-
Une famille est une société elle en. a te l'e tentions de quelques provinces de France de
caractère; elle a des hommes et des pro- former ufië société particulière ont été,
priétés, des hommes naturels et des pro- o- malgré elles-mêmes, le signal de la révohi-
priétés naturelles. Il y existe urr pouvoir %r -tiotr..
naturel, le pouvoir de l'homme, tin- conseil til On me citera ïes pays d'états.
Les états particuliers des provinces n'e- vent
a détruire. Tous les pays .datais, en
taient, dans l'origine, que les états généraux I
F.rance, sont ou des provinces maritimes, ou
des grands fiefs; car chaque partie, en se des
c provinces naturellement fertiles.
séparant du grand tout, lorsque les gouver- Dans le régime des administrations col-
neurs des provinces se rendirent héréditai- lectives,
1 les hommes valaient mieux que
res, en retint la constitution.
l'institution;
1 dans le régime d'administra-
tion
t unique, l'institution quelquefois valait
Ces états généraux des grands fiefs avaient,
mieux que l'homme.
comme ceux du royaume, la faculté d'accor-
der l'impôt; et depuis que les fiefs furent Si les états particuliers de quelques pro-
réunis à la couronne, ils joignirent à cette vinces sont, comme on n'en peut douter, les
faculté, aujourd'hui purement nominale, la iétats généraux d'un grand fief, pourquoi
réalité des fonctions administratives à peu ont-ils
c les fonctions administratives? S'ils
près comme si les états généraux de France, ine sont qu'assemblée administrative, pour-
les cortès d'Espagne et le parlement britan- quoi
c délibèrent-ils sur l'impôt?
nique s'érigeaient, contre la nature de leurs S'ils sont états généraux, pourquoi ont-ils
fonctions, en assemblées administratives de député
( aux états généraux du royaume?
leurs Etats respectifs, devenus par le sort Ces provinces, dit-on, conservent leur
des armes, des provinces d'un vaste empire, institution, c'est pour cela même que celle
J
Or, je dis que les états particuliers des du( royaume allait en s'affaiblissant; je le
provinces ont acquis les fonctions adminis- prouve.
{
tratives contre la nature de la constitu- Dans les vrais principes de la constitution,
tion. l'impôt
j pour les besoins fixes. une fois ac-
1" Le premier ordre doit défendre la so cordé,
( la demande n'en doit plus être renou-
ciété religieuse, et non administrer la so velée,
i à moins qu'après un temps considé-
ciété générale. rable,
i une diminution de valeur dans le
2° Le second ordre doit défendre la so- signe ne rende nécessaire une augmenta-
ciété politique, et non administrer la société 1tion dans la quantité. Non-seulement la
générale. demande
< n'en doit pas être renouvelée,
3° Le troisième ordre doit enrichir l'Etat mais] elle ne peut pas l'être, puisque l'impôt
et s'enrichir lui-même par son travail, et n'est fixe qu'autant qu'on n'en renouvelle
ni la demande ni l'octroi. Si les états parti-
non administrer la société générale.
culiers des provinces n'eussent eu que leurs
Tous les ordres ou toutes les professions fonctions
j naturelles, celles d'éiats généraux,
sont donc déplacés dans une administration
comme eux ils ne se seraient assemblés que
collective. Or, une institution qui déplace lorsque
1 les besoins extraordinaires de l'Etat
les professions sociales dans une société auraient
nécessité, leur convocation. Mais
constituée, commence une révolution, puis- '(
comme ils avaient encore les fonctions ad-
qu'une révolution, dans une société consti- '}ministratives,
ils s'assemblaient tous les ans,
tuée, ne peut s'opérer que par le déplace- et donnaient ainsi
ment des professions sociales. au gouvernement la faci-
lité de demander et d'obtenir tous les ans
Les faits viennent à l'appui du raisonne- un accroissement d'impôt.
ment; et la manie d'administrer, que depuis L'impôt n'avait plus rien de fixe, parce
quelques années on avait inspirée à tous les la facilité de le demander tous les ans
ordres de l'Etat, n'a pas peu contribué à que fournissait l'occasion de l'accroître tous les
altérer leur esprit particulier, et à amener
la révolution. ans. Or, de l'accroissement annuel de l'im-
pôt sont venus l'accroissementdes dépenses,
Les pays, d'états, dira-t-on, prospèrent le déficit, les états généraux, etc. etc, Ces
sous ce régime. Cette prospérité ne prouve provinces, dit-on, avaient conservé une om-
rien pour la bonté de l'institution. Elle fait bre de liberté. C'est une erreur si dans une
honneur, si l'on veut, à la sagesse person-société monarchique les états généraux
nelle des administrateurs elle en fait en- s'assemblent tous les ans, et à époques fixes,
core plus à la nature, à la fertilité et à la si- ils finiront par renverser la constitution en
tuation de la province. Dans le bien que les établissant leur pouvoir particulier. Mais
hommes croient faire, il ne faut voir sou- comme les états d'une seule province
ne
vent que le bien que les hommes ne peu- pouvaient pas renverser le pouvoir généra!
de la société, ils étaient nécessairement as- d'exécuter les ordres du pouvoir, et d'éclai-
servis par ce pouvoir. rer les décisions du conseil; il sera le lien,
J'oserai dire, puisque l'occasion s'en pré- l'intermédiaire entre la grande société royale
sente, que la convocation périodique des et les sociétés municipales; il ne sera ni le
états généraux, demandée par les cahiers, centre ni la circonférence, mais le rayon qui
est formellement contraire à la constitution, unit le centre à la circonférence.
et doit finir par la renverser. Ce n'est qu'en Les partisans des administrations collec-
laissant à la nature de la société le soin d'a- tives se rejettent sur l'égale répartition des
mener, lorsqu'il est nécessaire, l'assemblée impôts, sur l'encouragement à accorder au
“
générale de la nation, que le monarque peut commerce, aux manufactures, à l'agricultu-
continuer d'être le pouvoir général de l'Etat, re, sur l'ouverture des communications par
ou, ceiqui est la même chose, que la nation terre ou par eau ils prétendent qu'une ad-
peut conserver sa liberté. Dans une société ministration collective porte, sur tous ces
constituée, des états généraux assemblés à objets, une surveillance plus éclairée mais
époques fixes s'assembleront souvent sans 1° l'administration générale n'a rien à faire,
nécessité; s'ils s'assemblent sans nécessité, en fait d'impôt, qu'à en dépenser te produit
l'Etat sera en révolution, parce qu'il est de et à en rendre compte. Les états généraux
l'essence de ces corps de faire, et qu'ils doivent l'accorder; les tribunaux institués
défont là où il n'y a rien à faire. On ne par la nation en éclairer la perception, en
manquera pas d'alléguer que, dans mes prin- recevoir le compte la répartition doit s'en
cipes, la convocation des derniers états gé- faire sur le produit des terres, ou le mon-
néraux de France était nécessaire, puisque tant des consommations et elle doit se faire
l'impôt ordinaire ne pouvait plus suffire aux toute seule, sans rôle, sans cadastres, par la
besoins de l'Etat, et que cependant ils ont seule décimation des produits du sol ou de
mis le royaume en révolution; mais je ré- ceux de l'industrie. 2° Le gouvernement doit
pondrai 1° que dans la constitution la forme se mêler le moins possible de commerce,
est aussi nécessaire que le fond, puisque parce qu'il le dérange; de manufactures,
toutes les lois politiques sont des consé- parce qu'il s'y ruine; il ne doit encourager
quences nécessaires des lois fondamentales, l'agriculture qu'en laissant, dans l'intérieur,
et lois fondamentales elles-mêmes or, en un cours libre à ses produits, qu'en modé-
France, on a violé les formes constitutives rant, et plus encore en asseyant les impôts
des états généraux; 2° que la nature saura sur les terres d'une manière éclairée,
ramener à ses vues les hommes et les cho- qu'en surveillant les mœurs du peuple,
ses, et se servir des passions des uns et du et l'arrachant à des distractions dangereu-
désordre des autres, pour perfectionner, en ses il faut, sur le reste, laisser faire l'in-
France, la constitution politique et reli- térêt personnel bien plus clairvoyant et
gieuse. bien plustactif que l'administrationgénérale
La province ne forme donc pas société la plus clairvoyante et la plus active. Si l'é-
particulière, puisqu'elle n'a ni hommes par- tablissement d'une branche de commerce
ticuliers, ni propriétés particulières; il ne ou d'une manufacture est lucratif, si l'in-
faut donc pas une autorité particulière dans troduction d'un nouveau procédé d'agricul-
la province; il n'y faut donc pas un conseil ture est avantageuse,l'intérêt personnel éta-
particulier. Elle est une fraction de la grande blira l'un introduira l'autre, et trouvera
société; elle n'a que les hommes et les pro- dans les profits les véritables encourage-
orîétés de la grande société donc elle doit ments. Le gouvernement n'établit jamais
être gouvernée par \ë pouvoir de la grande qu'à force d'argent des manufactures qu'il
société, et administrée par son conseil; c'est- ne soutient qu'à force d'argent, et qui enri-
à-dire par le roi et par le conseil royal et chissent des fripons en ruinant l'Etat.
comme le roi ni son conseil ne peuvent pas Pour les communications générales, il
gouverner immédiatement les hommes ni doit exister et il existe en France une ad-
administrer immédiatement les propriétés, ministration centrale, qui embrasse, d'un
il faut un délégué du roi et du conseil, un
coup d'œil, l'ensemble des besoins et des
commissaire de l'un et de l'autre. relations de l'Etat, et dirige les communi-
Ce commissaire ne sera pas pouvoir, mais cations d'une manière conforme à l'intérôt
délégué du pouvoir; il ne sera pas conseil, général. C'est précisément la partie qu'il ne
dais délégué du conseil sa fonction sera faudrait pas laisser aux administrations,
qui, trop souvent, demandent et obtiennent médiocres
m ne valent pas un homme supé-
des chemins pour leur province, sans con- ri rieur, et.que cinquante hommes supérieurs,
sulter et sans connaître le véritable intérêt nécessairement
ne jaloux et discords, valent
des provinces voisines ou de l'Etat en gêné- encore moins un homme médiocre.
ei
rai. D'ailleurs toute décision, à cet égard, Mais la nature ne perd pas ses droits; M
confiée aux administrations collectives, y où
oi tous veulent dominer, il faut qu'un seul
est presque toujours une pomme de discorde domine; et malgré les hommes, elle con-
de
•
et un aliment aux passions et aux intérêts centre dans le plus petit nombre possible,
ce
personnels. c'est-à-dire dans un seul, toute l'autorité de
c'i
Le caractère particulier et le défaut des 'rassemblée,
Te qu'il exerce alors au nom de
administrations collectives est de se laisser tous et sans responsabilité personnelle.
to
aller au vent des nouveautés et des systè- C'est
C' là le grand danger des administrations
mes, et d'être le bureau d'adresse de tous collectives.
co Car, puisque l'administration
les faiseurs de projets. Dès que les hommes est
es u-ne commission chargée d'exécuter les
sont-éunis, ils éprouvent le besoin d'agir ordres
or du pouvoir qui gouverne les hom-
par le sentiment qu'ils ont de leurs forces, mes,
m elle peut outre-passer les ordres du
et le besoin d'agir, lorsqu'il n'y a rien à pouvoir,
pc et opprimer les hommes. Si l'hom-
ftiire, n'est que le besoin de détruire ce qui m est opprimé par un seul homme délégué
me
est fait. Or, l'administration ne consiste pas du pouvoir, il s'en plaint au pouvoir qui l'a
di:
à faire, mais à conserver. délégué;
dé et l'homme social peut en obtenir
Une administration collective est une ré- ju
justice, par ce motif secret qu'il est possible
publique où chacun veut exercer son pou- à l'homme naturel d'en tirer vengeance
voir. Les moins imparfaites de tontes, celles mais
mi quand l'homme social est opprimé par
où les administrateurs étaient nommés par un corps délégué du pouvoir, ou au nom de
ur
le roi, comme dans les dernières adminis- ce corps, il ne peut en obtenir justice, parce
trations provinciales, avaient un inconvé- qu'il
qu est physiquement impossible que
nient moral très-grave. Elles brisaient, dans l'homme naturel en tire vengeance. Cette
Vh
les provinces, les liens de parenté, d'amitié, raison,
ra tirée de la nature de l'homme natu-
de cité; elles mettaient la hauteur et les re, et qui, par conséquent, ne peut recevoir
rel,
tons ministériels à la place de la bonhomie, aucune application dans la société consti-
au
et la jalousie à la place de la cordialité. La tuée, est la démonstration la plus évidente
tu
province était divisée sur-le-champ, et par que le gouvernement républicain est non-
qu
la nature des choses, en deux partis, celui seulement contraire à la nature de l'homme
se
des administrants et celui des administrés. social,
so mais même à celle de l'homme na-
Or, il n'y a plus de liaison possible entre turel.
tus
des pouvoirs et des sujets, et cet objet est Mais le régime des intendants n'avait-il
d'une autre importance que l'établissement pas de grands abus? Il en avait sans doute,
pa
d'un haras, l'ouverture d'un chemin, ou et cela ne pouvait pas être autrement,
même l'institution d'un cours public d'ac- 1° parce que l'homme s'était perverti avant
couchement. que
qu l'institution se fût perfectionnée
Le gouvernement peut rappeler un com- 2° parce qu'il avait un impôt à répartir.con-
missaire qui ne fait pas son devoir; mais il tre l'esprit et la lettre de la constitution. Il
tre
ne peut renouer, une fois qu'ils sont rom- fautdonc,
fai
pus, des liens précieux qui font la douceur 1 Former l'homme; 2° perfectionner l'ins-
et le charme de la vie. titution 3° lui ôter toutes fonctions relati-
titi
Si l'on m'objectait que les cahiers de ves à l'impôt.
quelques ordres ont demandé les assem-
blées provinciales, je dirais qu'à cette épo- CHAPITRE V.
que cela devait être ainsi, et j'en appren-
drais la raison. REGIME
RE( DES INTENDANTS OU COMMISSAIRES.
L'administration des provinces n'est donc Comment
< perfectionner le régime des in-
qu'une commission. La- question se réduit tendants
ter ou commissaires?
donc à savoir si cinquante commissaires va- ]L'éducation sociale a formé l'homme so-
lent mieux qu'un. Or, il ne faut connaître cia l'administrateur, délégué du conseil,
cial
ni lès hommes ni les choses, pour ignorer, se formera en faisant l'apprentissage de ses
qu'en administration cinquante hommes fonctions près du conseil d'Etat et c'est
for
g3t OEUVRES COMPLETES DE M. DE DONALD. 832
Drecisément dans cette classe de magistrats
precisément particu-
jamais que consulter des intérêts part4cu-
employés près du conseil, appelés maîtres ^liers; ils tiraient au sort les provinces, et
des requêtes, que fes intendants étaient quelles provinces î Dans une société consti-
choisis. tuée, les choses doivent faire aller tes hom
L'intendant a donc reçu l'éducation par- mes une province qui a besoin d'wi tel
ticulière de ses fonctions il a été nommé homme pour administrateur, est bien, à
magistrat près du conseil, et ordinairement plaindre; un Etat qui a besoin d'un tel homme
reçu en une cour souveraine. Le roi le pour ministre, travaille à entrer en révolu-
nomme son commissaireet celui du conseil tion ou à en sortir. Les exemples né sont
ce choix est agréé par le conseil, et d'ail- pas loin de nous.
leurs il peut toujours être révoqué, puis- Si un administrateur peut espérer de
qu'il ne donne qu'une commission, et ne changer une fois de province, et pour nti
confère pas un office: véritable raison pour motif, tous les administrateurs changeront,
laquelle cette place n'a jamais obtenu une et même sans motif.
considération proportionnée à l'importance Si un intendant ne se regarde pas irrévo-
de ses fonctions. Les commissionsrépugnent cablement fixé dans sa province, il ne rem-
au principe de la monarchie, qui tend à plira ses fonctions qu'avec dégoût ou impa-
rendre tout héréditaire. C'est pour s'en rap- tience, parce qu'il s'attendra, parce qu'il
procherjj le plus possible, et perfectionner désirera de passer à une autre. Plus d'habi-
par conséquent l'institution, qu'il faut ,fixer tudes, plus d'à fïe citons réciproques entre
le commissaire dans sa province. l'administrateur et les a'dminislrés plus de
Ainsi un règlement absolument nécessaire- connaissance approfondi* des hommes ni
est qu'un intendant ou commissaire ne des propriétés, connaissance sans laquelle
puisse pas quitter la province à laquelle il on ne peut gouverner les uns, ni adminis-
aura été nommé, pour passer à une autre. trer les autres; plus de projets utiles, dont
le II ne peut y avoir de motif ail change- il faut laisser à un successeur l'exécution
ment, tiré de l'intérêt de l'Etat, parce que et le mérite. L'intendant n'est plus qu'un
toutes les provinces doivent être également inspecteur en tournée. 11 passe, il prend des
chères au pouvoir de l'Etat, et qu'aucune n'est notes,,il verra.
faite pour servir de sujet aux expériences Le roi, ni son conseil, ne peuvent pas
d'un ministre, ni de théâtre aux coups d'es- tout voir par eux-mêmes dans le royaume;
sai d'un apprenti parce que l'administra- ils nomment des commissaires pour voir à
tion de toutes les provinces doit rouler sur leur place mais lejroi, ni son conseil, ne
l'es mômes objets, et que l'administration doivent rien faire par eux-mêmes, et leur
d'une province plus étendue ne demande commissaire n'a donc rien à faire par lui-
pas plus de talents dans l'administrateur,
même. Il y a des officiers publics chargés,
mais plus de secrétaires dans ses bu- chacun dans leur partie, de faire sous les
reaux. ordres du roi et du conseil, transmis par le
2° II ne peut y avoir de motif au cnange- commissaire. Ainsi les intendants ou com-
ment, pris de l'intérêt de la province, parce missaires sont les yeux, le roi et son con-
qu'un intendant qui ne convient pas à une seil sont la pensée ou la volonté, les offi-
province ne peut convenir à aucune autre ciers publics, chargés d'une partie quelcon-
parce que chaque intendant doit se former que d'administration, sont les mains. Ainsi,
dans la province à l'administration de la- dans les affaires des communes, l'intendant
quelle il a été nommé, et s'il' n.e peut pas voit et rend compte, le conseil prononce, les
s'y former, il faut le rappeler. officiers municipaux exécutent.
3° Il ne peut y avoir de motif tiré de l'in- Dans ce qui a rapport à la sûreté publi-
térêt de l'intendant, parce que si ses inté- que, l'intendant voit, le conseil ordonne,
rêts l'appellent ailleurs, il est libre, il n'a les officiers de police civils et militaires
qu'une commission, il peut la rendre. Je exécutent.
n'exclus cependant pas tout congé extraor- Dans ce qui a rapport aux communica-
dinaire et limité à un temps très-court. tions et aux autres ouvrages publics, l'in-
Les Romains, dont le gouvernement était tendant doit voir et rendre compte, le con-
mauvaiset l'admi nistration paifaite, ne cher- seil prononcer, les ingénieurs exécuter. ït
chaient pas, comme nous, à assortir les ta- faut cependant excepter de cette règle géné-
lents aux urovinces, ce qui n'est presque rale deux circonstances extraordinaire X
lorsque la sûreté publique est menacée par sans être tenu à observer aucune pluralité
une sédition ou un complot, et les subsis- de suffrages. Ce moyen, qui n'exige aucune,
tances générales compromises. Alors le com- assemblée générale d'électeurs, mais sim-
missaire a nécessairement une autorité exé- plement une assemblée partielle dans cha-
cutive il voit, il ordonne, et rend compte que commune des plus forts propriétaires,
des ordres qu'il a donnés et c'est cê qui dé- aurait l'avantage de mettre de temps en
montre encore mieux le vice des adminis- temps sous les yeux de l'administration gé-
trations collectives, qui, dans des circons- nérale, des hommes capables dans les pro-
tances semblables, seraient obligées de s'é- vinces, et dont elle pourrait se servir au
carter de leur forme constitutive, qui ne besoin.
pourrait s'accorder avec le secret et la célé- Le correspondant ne sera qu'un commis-
rité nécessaires, et de créer dans leur sein saire révocable puisque l'intendant lui-
«ne sorte de dictature. même n'est pas autre chose.
Dans les grandes communes, où le choix Il doit avoir une fortune honnête, et obli-
des habitants appelle aux fonctions munici- gé à se déplacerfréquemment, il recevra des
pales des sujets éclairés, considérés et ri- appointements décents. La société ne de-
ches, les officiers municipaux doivent agir mande à aucun de ses membres des sacriri-
sous lasurveillance du commissaire et leur ces sans compensation.
propre responsabilité mais il n'en est pas La fonction de correspondant ou sufed-é-
-de même dans les campagnes, où l'un n-e légué sera, comme elle était anciennement
pourrait, sans inconvénient, confier certai- et pour les mêmes raisons, incompatible
nes fonctions à des hommes sans lumières avec celle de juge; mais si tescours souve-
<et sans fortunesuffisantes. raines doivent lever l'incompatibilité comme
Ce serait un autre abus de croire remédier elles le faisaient trop souvent, il vauUmieux
à cet inconvénient, -en réunissant les com- ne pas l'ordonner sur deux abus, c'est en
munes de campagne dans des arrondisse- épargner un.
ments, pour n'en former que de grandes Il ne faut pas que l'intendant soit un po-
communes car outre que dans certains pays tentat, qui ne puisse se mouvoir sans qu'on
on pourrait réunir plusieurs villages et de sonne toutes les cloches, et que toute la
grands territoires, sans trouver des hommes jeunesse d'un pays prenne les armes; ni son
qui eussent les qualités requises pour être correspondant, un important, qui ne puisse
administrateurs de ces grandes communes, aller dans un village, sans se faire arnoncer,
il y aurait un danger réel à laisser des vii- un mois à l'avance, au plus riche habitant
tages écartés sans officier de police et sans du lieu, qui, pour le recevoir, met en réqui-
moyen de répression. sition toutes les volailles de la paroisse et
Il faut donc conserver des correspondants tout le gibier du canton. L'intendant, comme
ou subdéléguôs pour surveiller l'adminis- son correspondant, doivent être des hom-
tration des communes de campagne. mes actifs, laborieux, allants, affables pour
Par qui seront présentés ces correspon- les administrés, inflexibles pour leurs sous-
dants ? par ceux qui lés connaissent. Par ordres, cherchant à connaître les hommes
qui seront-t-ils choisis? par celui qui peut et à voir par eux-mêmes les choses, dignes
les distinguer. Par qui seront-ils approuvés? de représenter l'autorité suprême par la dé-
par le conseil dont ils sont les délégués mé- cence de leurs mœurs, l'austérité de leurs
diats. principes, la dignité relative de leur repré-
Ainsi ils seront présentés parles habitants sentation, et surtout par l'intégrité de leur
de l'arrondissement, choisis par l'intendant, conduite.
et approuvés par lé conseil c'est-à-dire que, Ces correspondants n'auront en cette qua-
dans chaque commune de la subdélégation, lité aucune fonction, au moins publique,
les dix, quinze ou vingt plus forts proprié-
taires présenteront à l'intendant trois sujets
dans les villes : ou bien il faut renoncer à
avoir dans les villes, pour officiers munici-
de l'âge, état et fortune requis, en observant paux, des hommes riches et considérés.
de spécifier leur âge, leur état, leur fortune. Ce que j'ai dit des officiers municipaux
Après trois mois, l'intendant, qui aura eu le doit s'appliquer aux intendants. Ce qui les
temps de prendre les informations nécessai- rendait odieux était l'impôt, parce que c'é-
res,fera passer au conseil toutes ceslistesavec
son avis particulier, et le conseil nommera
llc?_
OEUVRES COMPL. DE a,rDE BONALD. L
M.
de l'impôt.
tait malgr.é la constitution qu'ils s'oceupaient
272
Comme une société peut périr par l'impôt, dde taille réelle, où elle est distinguée de
la nature a redoublé de précautions pour l'imposition
l' territoriale, et où elle porte
éloigner ce danger. Elle a séparé les fonc- directement
d et uniquement sur la per-
tions entre la société et son pouvoir. sonne.
si
Le roi doit demander, la société accorder, Si l'on veut perfectionner le régime des
par les états généraux. intendants, il n'est pas inutile de changer la
ii
Le roi doit percevoir, la société éclairer ddénomination de cette fonction. La dénomi-
la perception, par les Cours des aides. nation
n d'intendant rappelle des fonctions de
Le roi doit employer, la société recevoir ddomesticité peu considérées que celle qu'on
le compte, par lesChambres des comptes. hlui substituera soit modeste, car la considé-
Mais il s'était établi un impôt sans la so- ration
n n'est pas dans l'orgueil; qu'elle en-
ciété, je veux dire la capitation personnelle; noblisse
n les fonctions sans enfler la per-
et parce que cet impôt était contre la consti- sonne
s< qu'elle soit, s'il est possible, sans
tution ou contre la nature de la société, il épithète,
é\ parce que notre langue, et c'est
était, et je le ferai voir en traitant de l'impôt, uune de ses beautés, tend à abréger, et la
contre la nature de l'homme. Comme le 010- supprime.
si Le titre de commissaire départi
marque seul avait établi l'impôt, seul il le n'a
n jamais été employé que dans les arrêts
répariissait, le percevait, en surveillait la d conseil, ou le style des parlements. La
du
répartition, et la perception. dénomination de subdélégué doit également
d<
Il ne le faisait pas par lui-même, il le fai- être changée,. et sur les mêmes principes.
&
sait par ses délégués, ce qui les rendait
odieux à ceux même qui ne connaissaient CHAPITRE VI.
pas la constitution. Un autre abus, qui te- MOEURS.
nait à la même cause, était l'abus des modé-
rations, des dégrèvements sur la capitation, Les mœurs sont privées ou publiques, de
des dons accordés pour grêle., incendie, l'homme
V. naturel on de l'homme politique.
mortalité de bestiaux, etc. Un des plus pré- Les mœurs privées se forment par l'édu-
L
cieux avantages de l'impôt en nature est cation
c* domestique les mœurs publiques
d'être toujours en proportion exacte avec par
p< l'éducation publique et l'éducation par-
les bienfaits de la nature, ou avec ses ri- ticulière
ti de la profession les unes comme
gueurs.Je dis plus: c'est une proportion les autres se perfectionnent par les bons
le
que l'homme ne peut jamais trouver; et il y exemples,
e: ou se détériorent par les mau-
a de quoi rire de la 1 résomptueuse igno- vais.
v<
rance d'un expert, qui affirme, et par ser- Le gouvernement peut donc former les
ment, que la gelée ou la grêle a diminué la mœurs privées et les mœurs publiques,
m
récolte juste d'un tiers, ou d'un quart, dans puisqu'il
pi peut veiller sur l'éducation do-
toute l'étendue d'une paroisse. Un proprié- mestique
m et sociale, et sur celle de la pro-
taire souffrait une perte de bestiaux évaluée fession, et procurer de bons exemples, ou
fe
quinze cents livres il obtenait de l'inten- réprimer
r< les mauvais.
dant une modération de dix écus, ou, si l'on Il est inutile de prouver qu'une bonne
veut, un don extraordinaire de soixante H- éducation domestique ou sociale forme les
é(
vres mais pour un don, dérisoire à force mœurs
m privées et les mœurs publiques. Une
d'être insuffisant, combien de dons injuste- bonne
bi éducation domestique ou sociale est
ment appliqués,.combien d'impostures dans uune éducation religieuse or la religion
l'exposition, de faussetés dans le rapport, commande
c( toutes les vertus, et elle réprouve
de démarches, de bassesses, de corruption tous
te les vices.
quelquefois de la part des sous-ordres? En vain le philosophisme, qui n'a ni cœur
Quand on trouverait de trop grandes diffî- n sens, parce qu'il n'a jamais rien refusé à
ni
cultes à établir l'impôt en nature, je ne re- l'un
1' ni aux autres (ainsi que l'homme phy-
garderais pas moins comme une mesure es- sique n'aurait pas l'idée de la force, s'il n'a-
si
sentielle, en morale comme en administra- vait
vf celle de la résistance), en vain le phi-
tion, de supprimer tout don particulier. Que losophisme
le veut-il tout faire avec l'esprit;
l'impôt soit modéré, et il n'y aura aucune ei vain appelle-t-il la raison pour dompter
en
injustice à cette disposition. le passions, et Yintérêt pour produire la
les
Au reste il faut faire observer que je n'ai vertu
vi il suppose ce qui est en question
considéré la capitation que dans les pays ci la raison n'est que la passion domptée,
car
et la vertu n'est que V intérêt connu. I! ap- tiellement
t la conservation de la société,
pelle, pour dompter la passion, la raison,, puisque
i les bonnes ou mauvaises habitudes
qui n'existe que quand la passion est domp- des d hommes en société ne sont que l'habi-
tée; il appelle, pour produire la vertu, Vin- tude
t de faire ce qui est utile ou nuisible à là
térël qui n'est connu parfaitement que société. s
quand la vertu est pratiquée; ainsi il ne Donc les moeurs privées ont plus d'in-
peut exister de raison sans religion, puis- fluence
fl sur les mœurs publiques, à propor-
que la religion dompte les passions qui tion ti que la profession est plus importante
s'opposent au développement de la raison; au a maintien de la société.
et il n'existe pas de connaissance de nos Donc les mœurs privées du monarque
vrais intéréts sans vertu, puisque la vertu sonts essentiellement conservatrices ou cor-
n'est que la connaissance parfaite et prati- ruptrices
r des mœurs publiques donc pluy
que de nos vrais intérêts. u société sera constituée, plus les mœur»,
une
L'éducation propre à la profession forme privées
p du monarque influeront sur les
aussi les mœurs publiques, ou les habitudes mœursn de ses sujets, parce qu'à mesure
de la profession. qu'une
q société est plus constituée, le mo-
Ainsi, c'est dans l'éducation particulière narque
n est plus pouvoir conservateur de la
de la profession royale, que l'homme des- société.
si
tiné à régner contracte l'habitude de toutes Pourquoi la France, héritière de la consti-
les vertus, de toutes les bienséances, de tution tl des Germains, n'a-t-elle pas hérité
tout l'empire sur son esprit, sur son cœur, de d la sévérité de leurs mœurs? « Personne, »
sur ses sens, que demande cette profession dit cl Tacite, « n'y faitdu vice un sujetde plai-
auguste, où l'homme est pouvoir par son santerie,s; et l'on n'y traite pas de mœurs du
exemple, plus encore que par ses ordres, je jour la séduction ou la faiblesse. » » Nemo
et où son exemple est plus pouvoir à mesure illicH vitia ridet nec corrumpere aut corrum-
que la société est plus constituée. pi
p sœculum vocatur. Des hommes, dont les
Ainsi, c'est par l'éducation particuliè e de RRomains ne considéraient qu'avec étonne-
leurs professions respectives, que le jeune ment m la force prodigieuse, se faisaient un
ecclésiastique formera son esprit par Tins- p< point d'honneur de s'interdire, avant l'âge
truction, son cour par la charité, ses sens de d' vingt ans, tout ce qui pouvait l'énerver;
par le recueillement; que le jeune militaire et les habitants amollis de nos villes corrup-
trices osent, à quinze ans, parler de leurs
pliera son esprit à la subordination,.dirigera tr
son cœur par t'amour de son roi, dévelop- besoins
&< I
pera ses sens ou ses forces par les exercices Si les individus exerçant des professions
de son état que le jeune magistrat appren- sociales
se peuvent corrompre les moeurs pu-
bliques par leurs exemples, l'administration
dra à cultiver son esprit par J'application, à bl
former son cœur par l'amour de ses sembla- peut P< les corrompre par ses institutions. Re-
blés, à commander à ses sens par l'habitude venons
v< aux principes.
de la gravité et de la décence. Et observez La fin de la société civile est la conserva-
ti'
qu'on ne peut considérer, comme mœurs tion de l'homme moral et de l'homme phy-
privées, les mœurs des individus dans les si sique, parce que la société civile est la réu-
professions sociales, je veux dire royales, ni nion de la société religieuse et de la société
sacerdotaleset nobles parce que, dans l'in- politique.
p<
dividu revêtu d'une de ces professions, la La société religieuse conserve l'homme
profession est inséparable de l'homme, puis- moral
m en réprimant sa passion de dominer;
qu'elle tient à un caractère indélébile, de elleel le conserve en protégeant sa fai-
consécration ou de naissance. Ainsi leurs blesse.
bl
moeurs privées forment ou corrompent les Mais si le gouvernement laisse affaiblir la
mœurs publiques par leur bon ou mauvais religion,
re ou s'il en détruit le sentiment par
exempte. des institutions dépravées, il exaite la pas-
d(
L'on peut même en démontrer la raison, si sion de dominer au lieu de la réprimer, il
en observant que le principe de tout ce qui Donc
opprime la faiblesse au lieu de la protéger.
intéresse la conservation de la société se 1 il nuit à la conservation de l'homme
moral, donc il le détruit.
trouve nécessairement dans les professions m
essentiellement conservatrices de la société. Entrons dans le détail
Or, les mœurs publiques intéressent essen- A la honte des nations chrétiennes les
839
anciens avaient, pour
aîîoions
(JEU
le culte
nnnr If»
VUES
nilff» public,
nnhlif1.. un
u~
COMPLETES DE M, DE BOttALD.
Ta jeunesse
La vunf changer,
ipnnoecA veut
8i0
nim mi'nilo
phnniv'o' parce
~,E()
qu'elle
respect qui, même dans une religion essen- change elle-même la vieillesse résiste au
tiellement corruptrice, était utile, puisqu'il changement, parce qu'elle ne change plus;
entretenait les peuples dans la croyance de elle veut que tout reste en place autour
là Divinité. d'elle, parce qu'elle voudrait y rester elle-
A Rome, le gouvernement, au lieu de ré- même, et que les changementslui rappellent
primer la férocité naturelle de l'homme, une idée de destruction et de mort qu'elle
l'exaltait par ses institutions; sous ce point repousse. Cette inflexibilité de goûts et d'o-
de vue, les combats publics de gladiateurs, pinions, dans Je vieillard, qui le rend enne-
et les spectacles qu'on donnait au peuple, mi de toutes les innovations, est le plus
d'hommes dévorés par les animaux, étaient ferme rempart de la constitution des socié-
des institutions immorales. tés et jamais gouvernement n'a passé des
Dans la Grèce, la faiblesse du sexe ou de mains des vieillards dans celles des jeunes
fenfance était opprimée par la licence des gens, sans tomber dans la confusion et l'a-
institutions religieuses, institutions immo- narchie.
rales', puisqu'en corrompant la religion, J'ai dit que la licence opprimait la fai-
eJIes corrompaient les mœurs jusque dans blesse du sexe; et l'on me demandefapetit-
leur principe. être comment le sexe peut être opprimé lors-
Mais à Rome, ainsi que dans la Grèce, le qu'il jouit de la liberté la plus entière.
respect pour les vieillards était une institu- Tout être a une fin à laquelle il veut par-
tion morale, puisqu'elle protégeait la fai- venir. Sa liberté consiste dans sa faculté d'y
blesse de l'âge. parvenir, et sa perfection consiste à y par-
Chez les modernes, l'irréligion avait fait venir.
depuis un demi -siècle des progrès ef- Donc, tout ce qui détourne un être de sa
frayants et sans parler des ouvrages qui af- fin, lui ôte sa liberté, et s'oppose à sa per-
faiblissaient la croyance de la: religion dans fection donc il l'opprime.
l'esprit de ceux qui se croyaient éclairés, La fin naturelle et sociale de la femme est
de mauvais exemples en altéraient le senti- le mariage, ou l'accomplissement de ses de-
ment, dans le cœur de ceux pour qui les voirs, dans sa famille, envers son mari et
exemples sont des raisons, et qui doivent envers ses enfants.
avoir la; religion dans le cœur, parce que Or, la licence brise ou relâche les liens duIl
le défaut d'éducation et la nature de leurs mariage, et détourne la femme de ses de-
occupations ne leur permettent pas d'en ap- voirs envers safamille; donc la licence luii
profondir, les preuves. Ainsi c'était un usage ôte la faculté de parvenir à sa fin, donc elle
immopal, parce qu'il était très-irréligieux, lui ôte sa liberté naturelle et sociale, donc
que l'usageintroduit dansles.grande:s villes, elle l'opprime.
,de travailler publiquement les dimanches et Donc te divorce l'opprime, puisque le di-
les fêtes, sans nécessité, même sans motif, vorce rompt les liens du mariage, et empê-
aux travaux: les plus inutiles et c'était pré- che la femme de remplir ses devoirs envers
parer le peuple à voir sans regret abolir la son mari et envers ses enfants.
solennité du dimanche, que de faire cons- Donc les spectacles licencieux, les écrits
truire, sous ses yeux, une salle de specta- licencieux, les productions licencieuses de
cle, les jours particulièrement consacrés au l'imagination ou des arts oppriment la fem-
culte religieux. me, puisqu'ils détournent son esprit, son
C'était donc une institution immorale que cœur et ses sens, des devoirs que la nature
celle qui, dans le militaire, était à l'ancien- et la société lui imposent envers sa fa-
neté de service ses justes droits, ou l'ex- mille.
trême facilité avec laquelle on accordait des Il faut observer que, quoique l'homme soit
dispenses d'âge, parce que c'était affaiblir le destiné parla nature au mariage, il est aussi
respect dû à la vieillesse. Aussi les jeunes destiné par la nature à la conservation de la
gens gouvernaient la cour, donnaient le ton société civile ainsi la licence et le divorce
dans les cercles, dominaient dans les com- l'oppriment en ce qu'ils le détournent de su
pagnies de magistrature, parvenaient même tin naturelle; mais ils ne le détournent pas,
dans l'Eglise. De là venait l'instabilité de au moins directement, de sa fin civile an
nos modes, de nos mœurs,, de notrp aclmi- lieu que ta femme, n'ayant pas d'autre fia
nistration. même. naturelle et civile que le mariage, est oppri-
841 FAUT. 1. ECO:\ü:\I. S!JC.-TIŒORJE \)U pouvom. PART;
,“““.
III. EOUC.
m AB12i1V1ST~ G.Il 842
tnée par la licence et le divorce,
oaée divorce. dans
d»n« sa
«a fin
naturelle et civile l\ la fois. De là vient
3n- utilité
x tlllx. m. tuuL,. ET
i^inn
niii;i,<, pour les progrès–x- de h.
A1MHIJN1ST. L.II
•
j- l'art. Lev jeune
ne homme quittait une compagnie deuente
que
849-
les mêmes désordres sont plus criminels )ls pour la licence des coulisses le père de
dans la femme que dans l'homme. famille, au retour du spectacle, ne trouvait
Mais l'homme moral, qui n'a point de Je dans son ménage, que dégoût et ennui. Je
sexe, a une fin intellectuelle ou religieuse
se ne parle pas du choix des pièces. Elles
à laquelle il veut parvenir, et qui est supé-
é- étaient, depuis longtemps, toutes dirigées
rieure à sa En naturelle ou physique, com- n- vers un but unique, celui de faire une ré-
me ]'hoinme moral est supérieur à l'homme3e volution dans la religion et dans le gouver-
physique. Ainsi les institutions religieuses es nement, et de rendre odieuses ou ridicules
qui détournent librement l'homme ou la les professions sociales. Ce but paraît quel-
femme de leur fin naturelle ou sociale pour quefois à découvert
îr sous la morgue d'une
les amener à leur fin religieuse, protègent nt sentence plus souvent, il ne se montre
l'homme moral au lieu de t'opprimer. qu'à travers le transparent des allusions et
Si je donnais à ces vérités tous les déve-
)- comme s'il eût fallu des poisons pour tous
loppements dont elles sont susceptibles, je je les lieux et pour toutesles chsses de laso-
ferais un traité de religion ou de morale, et 3t ciété, des histrions munis de patentes par-
je ne fais qu'un traité d'administration.. couraient impunément les bourgs et les
Les mœurs publiques peuvent être cor- > campagnes, débitant à la fois, des drogues
rompues par le défaut d'instruction. C'est à nuisibles et des farces ordurières, et don-
la religion à instruire les peuples, et à l'au- naient
au villageois ébahi l'exemple de la
torité religieuse à veiller à ce que les peu-l- vie la plus licencieuse
pies soient instruits par les ministres de laa la et de l'escroquerie
] plus effrontée.
religion. Les mœurs publiques peuvent êtree 11 faut observer que les Romains ne met-
corrompues par de mauvais exemples; ainsi;i ttaient sur la scène comique
tout ce qui présente aux peuples une for- jpeuple qu'ils méprisaient, des marchands
que des Grecs,
tune faite par des voies injustes, une éléva- d'esclaves, des
t parasites, des courtisanes,
tion sans mérite, ou le mérite dans l'oubli, des £ esclaves, professions viles ou infâmes,
sans travail ou des servicess La
»
un salaire ] constitution des sociétés ne permet pas
sans récompense, la vertu opprimée, oui d'introduire
c dans la comédie les professions,
le vice triomphant, offre de mauvais exem- sociales,
s parce que l'homme ne. peut pas
pies et ne peut que corrompre les mœurss être ê séparé de la profession sociale dont il
publiques. e membre, et qu'ainsi, comme je l'ai déjà
est
«II y a, » dit Montesquieu, « de mauvais> dit, d les moeurs du roi, du prêtre, du noble,
exemples qui sont pires que des crimes; etL militairen ou sénateur, sont des moeurs pu-
plus d'Etats ont péri, parce qu'on a violéi bbliqnes, lesquelles
ne sont pas du ressort-
les mœurs, que parce qu'on a violé les de d la comédie, qui ne doit peindre
lois. » que les.
mœurs
n privées.
Assurément, l'exemple des succès de l'in- Les mœurs publiques appartiennent à la
trigue fait plus d'imitateurs que l'exemple (: tragédie; elle est l'école des professions
d'un assassin impuni. sociales. Elle honore dans Mithridate la
S(
Je dois le dire, parce que je ne veux rien profondeur
p des conseils; dans Auguste,
taire. La cause la plus féconde de l'extrême 1'l'empire de la clémence dans Achille, la
corruption des mœurs, en France, était hauteur h, du courage; dans Ulysse, l'ascen-
l'nistriomanie. Elle était devenue une mala- dant d, de la sagesse comme elle relève l'hé-
die épidémique, qui avait corrompu la ca- roïque
rc sainteté de Joad, la valeureuse fidélité
pitale, et infecté les provinces. Les petits d' d'Abner, la vertueuse fermeté de Burrhus,
spectacles de Paris étaient un établissement et le sublime attachement de Léontine
au
iuonstreux dans un Etat chrétien, et certai- sang se de ses rois; elle blâme la précipitation
nes pièces de théâtre un scandale dans une dansd; Thésée, l'orgueil dans Agamemnon,
société policée. La fureur avec laquelle on la vengeance dans Atrée, l'ambition dans
y courait aurait dû être, pour le gouverne- Agrippine
A comme elle flétrit la corruption
ment, la mesure de l'immoralité des spec- dans de Mathan, la flatterie dans OÉnone, et la
tateurs. Dans les provinces, des spectacles tr trahison dans Pharnace. Mais ce qui est re-
au-dessous du médiocre pervertissaient les m marquable, est qu'à mesure qu'une société
mœurs privées et publiques, sans aucune s'affermit s'< ense constituant,etqu'eltea moins
$ craindre des effets de l'ambition du sujet, CHAPITRE VIÏ.
ou du despotisme du monarque, la muse
tragique s'attache à décrire les funestes ef- DES GENS DE LETTRES.
fets de la volupté, seul danger qu'aient à Dans une société constituée, tout marcha
redouter les sociétés constituées; et soit àg sa perfection, parce que la constitution
qu'elle en montre les fureurs dans Oreste, n'est
}j que le développement de rapports
ou les faiblesses dans Titus, les impruden- nécessaires ou parfaits. Le progrès des let-
ces dans Britannicus, ou les indiscrétions tres
( est donc le résultat nécessaire de la
dans Bajazet, la honte dans Phèdre, ou les constitution; mais il est résultat, et non pas
1(
malheurs dans Ariane, elle cherche à prému- embellir
moyen. La culture des lettres peut
nir les rois contre cet écueil fatal à leur ta
j société,- mais elle ne peut la conserver;
gloire et au bonheur de leurs peuples. c'est-à-dire
( que les lettres en sont l'orne-
Dans ce siècle, par une suite de l'affai- 1ment,
le luxe; il faut donc en régler, ou,
blissement de la constitution dans toutes pré-
pour mieux dire, en diriger l'usage, en
ses parties, on avait donné des mœurs pri- venir l'abus.
vées aux professions publiques, pour pou- Les auteurs d'ouvrages de littérature, que
voir les introduire sur la scène* et l'on je distingue des gens de lettres, ne peuvent
représentait des hommes revêtus de pro-
former une profession, un corps
]
fessions sociales dans des attitudes naturel- 1° Parce que la société monarchique
tend
invinciblement à mettre les professions dans
les ou de famille. C'est ce qu'on appelle des
drames.. Le public applaudissait au talent les. familles, et qu'il ne peut y avoir des fa-
de l'auteur; il entrait dans la situation dumilles littéraires, comme il y a dés familles
personnage:- mais l'homme dégoût se re- militaires ou sénatoriales
prochait le. plaisir qu'il y prenait; un sen- 2° Parce qu'il ne peut y avoir
d'éducation
timent intérieur l'avertissait de l'inconve- particulière pour l'homme qui se destine ?t
nance du sujet, en le laissant jouir des beau-
la culture des lettres
tés de l'ouvrage. C'était la conscience de la 3° Parce qu'il faut être plusieurs ou corps
constitution qui s'élevait contre ces produc- militaires ou sé-
pour remplir les fonctions
tions bizarres, où l'on défigurait l'homme denatoriales, mais pour faire un ouvrage do
la société, pour nous peindre l'humme de littérature, il faut être seul. Une réunion
la famille. d'hommes de lettres ne peut faire en com-
Ce n'était pas assez, pour corrompre les compilations. En
mun que des recueils, des
mœurs, des spectacles publics, on y joignaitFrance, les beaux esprits réunis n'ont fait
la fureur des spectacles domestiques ( 1 ) de
que deux dictionnaires, et il y en a un
goût funeste, poison des moeurs privées, trop.
école de corruption et de persiflage, où l'on Les savants peuvent faire corps, parce que
apprend à être sans cesse un autre que soi, dans les sciences de calcul, un homme
à nouer des intrigues ou à avouer des pas- savoir
avec du sens et de l'application, peut
sions, à n'aimer que des amusements fu- su, et qu'ainsi tous
ce qu'un autre sait ou a
tiles, à n'estimer que des gens frivoles; oùpeuvent travailler avec les mêmes moyens
tous les âges, tous les sexes, toutes les pro-
et les mêmes données à perfectionner
tello
fessions viennent se confondre, oublier mémo
leurs devoirs, et changer la décence des ou telle partie d'une science. 11 est
nécessaire que les savants fassent corps
mœurs, la solidité des goûts, la dignité desparce qu'il n'y a que- les corps savants qui,
manières, contre l'afféterie et le jargon du puissent
théâtre. Ce sujet, sur lequel je me suis pour hâter les progrès des sciences,
(''
étendu, conduit tenter et suivre des entreprises qui surpas-
peut-être trop me na-
sent les moyens et la durée d'un individu,
tureHement parler des gens de lettres.
et que le gouvernement, pour en faciliter
(1) bans un Dialogue sur tes orateurs que dans un âge plus avancé, le goût des spectacles:
At nunc natus infans delegalur
Graculœ alicm un-
quelques critiques attribuent à Tacite, plutôt sur la» ciUw, cui adjungilur unns nul aller ex- omnibus ser-
pureté des principes qui y soin développes que surr Rorum fabulis -et erroribus teneri stalini et
aucune ressemblance du style, l'auteur, quel qu'il
ill vis
soit, met au nombre des causes de corruption deî rudes animi imbuunlur. Jam vero propria et pecu-
la jeunesse romaine, les leçons que lui donnaient t liaria hujus Vrbis vilia pêne in uter» m«lris conatr*
dans ses premières années des femmelettes grecquesi milii videntur, hhinanqïh favor, etc etc. (Cap. (as).}
W' fc* esclaves auxquels on en confiait le soin, et
le succès, peut foire en faveur d'un corps 1res, sans avoir fait ni histoire, ni discours,
des dépenses qu'il ne risquerait pas en ni pièce de théâtre, ni traduction, ni gram-
faveur d'un particulier. maire il suffisait d'avoir tu ce qu'ont fait les
Mais les beaux esprits ne peuvent faire autres, d'avoir retenu des anecdotes, des
corps; c'est à la fois contre la nature des traits; et si l'on joignait à ce mérite facile,
choses, et contre l'intérêt des lettres celui qui ne l'est guère moins, d'enrichir
1° Parce qu'il n'y a pas de raison pour l'Almanach des Muses de quelque épigramme
qu'il se trouve à toute époque de l'existen- bien précieuse, ou les journaux de quelque
ce d'une nation, un nombre déterminé de extrait bien philosophique, on pouvait har-
beaux esprits; il peut s'en trouver plus, il diment arborer l'enseigne du métier, et
peut s'en trouver moins, et la société est quelquefois sous le costume économique-
exposée à laisser le vrai talent sans récom- d'homme d'Eglise, plus souvent sous 1»,
pense, ou à honorer la médiocrité. dénomination insignifiante d'avocat, afficher-
2° Les lettres, lorsqu'elles font corps, sont 1l'indépendance de toute profession utile, le-
nécessairement asservies. Elles plieront sous mépris
] de toute autorité, et la haine de toute
Je parti dominant, parce
que le parti qui religion.
i Si les fonctions de ce nouvel état
domine sent l'avantage d'avoir pour soi les n'étaient
i pas pénibles, la morale n'en était
trompettes de la renommée, et qu'il s'attache pas
1 austère tout en frondant le gouverne-
à les séduire ou à les intimider. Des corps iment, on pouvait tendre la main pour en ob-
qui sont dans la nature de la société, et qui tenir
t une pension; en déclamant contre les
existent indépendamment des volontés du grands,
| on pouvait accepter leurs dîners; en-
gouvernement, peuvent braver ses menaces, iinsultant à la religion, on pouvait vivre de
ou mépriser ses caresses; mais une associa- ses
s biens,'et se parer de ses livrées.
tion qui existe malgré la nature des choses, Les bons ne font pas d'association particu-
et par la seule volonté du gouvernement, 1lière, et ils ne doivent pas en former, pare»
nne association qui veut exister, car tout ce qu'ilssont
c la société; mais les méchants, qui-
qui existe tend à perpétuer son existence, sont
s hors de la société, ne manquent pas de-
ne peut opposer aucune résistance,et appar- s réunir contre elle ce sont des gens sans
se
tient toujours, et tout entière, aux plus forts. aaveu, de divers pays,
que'le hasard a jetés-
Ainsi un corps littéraire louera, dans la s des côtes étrangères, et qui s'attroupent
sur
même administration, les mesures politiques
ppour en troubler les paisibles habitants. Les
les plus contradictoires; ainsi il sera dévot
ggens de lettres formaient donc'unecoalition;
dans un temps, et philosophe dans un autre 1, prétexte de leur réunion était le bonheur
le
Si l'Académie française eût subsisté sous des
d hommes; le but, la propagation du ré-
Robespierre, il eût fallu le louer ou périr; publicanisme et de l'athéisme les moyens.
p
et l'on peut appliquer à ce corps célèbre ces tous.
ti
belles paroles de Tacite, en parlant d'Agri- Les gens de lettres avaient usurpé un
cola « Heureux, » s'écrie-t-il, « et par l'éclat grand ascendant dans la société. Le gou-
g
de sa vie, et par l'à-propos de sa mort vernement, devenu plus timide à mesure-
v
(1).» » qu'il devenait plus faible, les redoutait par
q
J'ai distingué les auteurs d'ouvrages de instinct
ji du mal qu'ils pouvaient lui faire,
littérature, ou les beaux esprits, des gens de
ssans se mettre en devoir d'arrêter celui
lettres; et cette distinction n'est pas sans qu'ils
q lui faisaient. Ils avaient engoué les
^fondement. femmes en leur donnant de l'esprit, et les
j-(
1Le siècle de Louis XIV avu des historiens, hhommes en leur faisant des réputations;
des poëtes, des orateurs, des traducteurs,
pparce qu'ils s'étaient érigés en distributeurs
des critiques, des grammairiens, des hom- dde l'esprit et des réputations, et qu'ils dis-
mes distingués dans toutes les parties de la posaient
p exclusivement en leur faveur et
littérature notre siècle, qui a eu aussi, dans
e faveur de leurs amis, de je ne sais quello
en
tous.les genres, des écrivains célèbres, a opinion
0 publique dont ils étaient les souf-
produit une espèce d'hommes connus sous flfleurs et les échos. Cette société, tourmentée
le nom de gens de lettres. d la fureur des conquêtes et du besoin de
de
Ou pouvait, en France, être homme de let- s1
s'étendre, comme toutes les sociétés répu-
(1) lu verofelix. Agricola, non vitœ tantum claritate, sed eliani opportuniste mortis. (Tacit..
De mla Agric, cap. 43.)
blicaines (1 } avait fait de nombreux pro- à la société humaine ni constitution reli-
sélytes dans les classes les plus élevées, par gieuse, ni .constitution politique, et s'il a
ta licence de sa morale et la vanité du bel laissé aux passions le soin de faire des re-
esprit. C'étaient des intelligences qu' elle s'é- ligions, et au hasard le soin de faire des
tait ménagées dans le pays ennemi; et tout gouvernements les objets qui intéressent
était prêt pour un soulèvement général con- le plus sur la terre l'homme social, je veux
tre les principes conservateurs des sociétés, dire la religion et le gouvernement, ne sont
lorsque le tocsin des états généraux vint plus que des questions oiseuses et indiffé-
bâter l'explosion et donner le signal aux rentes, sur lesquelles la curiosité humaine
conjurés. Ce parti, vain et présomptueux, peut s'exercer à loisir semblables à ces
erut alors que son règne était arrivé; il s'a- systèmes sur le monde matériel, que Dieu,.
gita à la cour, intrigua à la ville, bouleversa comme dit le Sage, a livrés 4 nos vaines dis-
la composition des états généraux, confon- eussions. (Ecele. m, 11.)
dit l'antique et nécessaire- distinction des Mais s'il y a pour l'homme social une'
ordres, parvint à s'y introduire, et bientôt constitution religieuse et une constitution
à y dominer une fois maître du terrain, politique comme il y a dans l'homme natu-
tel qu'un usurpateur qui, en entrant dans rel une constitution intellectuelle et une
un pays dont il médite la conquête, rallie constitution physique, c'est-à-dire un es-
tous les mécontents, intimide les faibles, prit et un corps les actions qui tendent à
et séduit le peuple en lui accordant l'exemp-• détruire la constitution religieuse ou la cons-
tion de tous les impôts, le parti philosophe, titution politique de l'homme social, on de
précédé de la terreur, grossi par la foule la société, sont aussi criminelles que les
des ambitieux, souleva le peuple en luii actions qui tendent corrompre la constitu-1
accordant l'exemption de toute morale, ett tion intellectuelle de l'homme naturel, ou.
fit, dans la société civile, à la tête d'unes à détruire sa constitution physique.
armée de dupes et de scélérats, cette terri- Or il existe, pour Fhomme social, une et
ble et à jamais mémorable invasion dont lat une seule constitution religieuse,' une et
France la première a éprouvé les effets, ett une seule constitution politique je le ré-
dont l'Europe aveuglée a méconnu les sui- pète « Si je n'ai pas démontré cette vérité,
tes. d'autres la démontreront, parce que le temps
Les dogmes fondamentaux de cette sectei et les événements l'ont mûrie parce que
étaient la liberté indéfinie de la presse, lai son développement est nécessaire à la eon-
tolérance illimitée des opinions. C'étaientt servation de la société civile, et que l'agi-
ses armes offensives et défensives elle at- tation qu'on aperçoit dans la société n'est
taquait avec la liberté de la presse, elle ses autre chose que les efforts qu'elle fait pour
défendait avec la tolérance des opinions; enfanter cette vérité. »
principes de circonstance, et qu'elle a violéss Je permettrais donc la discussion ia plus.
sans pudeur, lorsqu'elle n'a plus eu rien à sérieuse et la plus solennelle de cette vérité,.
craindre que l'opinion, ni à immoler quee parce que je suis convaincu du triomphe de
la pensée 1 la religion chrétienne sur toutes les reli-
J'oserai émettre ici, sur la liberté de laa gions, et de la constitution monarchique sur
presse, une opinion qui ne satisfera peut- tous les gouvernements, comme je suis con-
être personne. C'est quelquefois le sort dess vaincu de l'égalité des diamètres d'un même
opinions modérées et raisonnables. cercle.
Si le- Créateur a mis dans le coeur dess Je dis la discussion la plus sérieuse et la
hommes le sentiment de son existence ettt plus solennelle, car si un écrivain se per-
celui de leur destination future, sans dai- mettait d'attaquer sourdement, de miner la
gner leur apprendre comment ils pourraientit religion et la constitution en paraissant pé-
conserver l'un et l'autre; si, les ayant faitss nétré de respect pour l'une et pour l'autre
pour vivre en société, il n'a pas daignéé je dirais Voilà un lâche à qui il ne manque
leur enseigner comment cette société pou- qu'un tyran pour être un esclave; il eût loué
vait subsister heureuse et indépendante, lors-s- la douceur de Marat et Y humanité de Robes-
-•
qu'il donne aux animaux mêmes qui for- pierre il n'ose ni attaquer l'erreur, ni dé-
ment société, des règles admirables qui en n fendre la vérité et je le punirais comme
assurent la durée; si Dieu enfin n'a donnéé un vil corrupteur de la morale publique.
W On dit avec raison, la république des lettves*
Si un écrivain se permettait d'attaquer la nature
n ne lui a pas encore appris, ou ré-
constitution religieuse et politique, par des véler
v à l'homme ce qu'elle n'a pas voulu
plaisanteries et par des sarcasmes; si dans lui
Il apprendre? C'est un écrivain irffârne qui
une discussion sérieuse il osait défigurer contrarie
c la nature en devançant ses leçons,
l'histoire, altérer les citations, tronquer les 0 qui l'outrage en dévoilant, ses mystères;
ou
passages, je dirais Voila un scélérat à qui e je le bannirais à jamais de la société.
et
il ne manque que du courage pour être un Ce que je dis des productions de l'esprit
assassin; il ne feint de vouloir éclairer le peut,
p avec bien plus de raison encore, s'ap-
peuple sur les abus de la religion et les pliquer
p aux productions des arts tous les
vices de la constitution, que pour lui inspi- esprits
e ne comprennent pas, mais tous les
rer le plus profond mépris pour toute re- yeux
y voient
ligion et pour tout gouvernement; il veut. Segn'ms irritant animos.
ôter tout frein aux passions il attaque la (HORAT. Ve arte poet., vers. 180.)
religion et la constitution par des raille- Gouvernements 1 voulez-vousaccroître la
ries et des impostures parce qu'il sait que f
force de l'homme? Gênez son cœur, contra-
ce n'est pas par des railleries et des impos- riez
r ses sens semblable à une eau qui se
tures qu'elles peuvent se défendre; il cher- perd
¡: dans le sable, si elle n'est arrêtée par
che à pervertir et non à corriger et j'ap- une
i digue, l'homme n'est fort qu'autant
pellerais sur sa tête toute la sévérité des qu'il
c est retenu.
lois. Si les lettres et les arts doivent corrompre
Si, pour avertir l'autorité des erreurs ou les
1 hommes et perdre la société, il faut anéan-
des fautes de ses délégués, un écrivain ex- t les lettres et les arts mais ils peuvent
tir
citait les peuples à la révolte; si au lieu porter
1 l'homme à la vertu, perfectionner ou
d'employer l'expression de la fidélité à l'E- embellir
E la société, il faut en encourager le
tat et de l'affection pour le monarque, il goût,
g en diriger l'emploi, en récpmpenser
embouchait la trompette il sonnait le toc- les
1 progrès, et ne pas oublier que la société
sin de la rébellion C'est un factieux, dirais- doit
c être sévère dans ses châtiments, mais
je; ce n'est pas le maintien de la constitu- magnifique
r dans ses récompenses, et qu'elle
tion mais sa subversion qu'il demande; il doit
c punir et récompenser en société,
ne veut pas avertir l'autorité, mais égarer J'ai dit ailleurs que l'art de l'imprimerie
le sujet; il est le vil fauteur .d'une faction était un développementnécessaire de la so-
désespérée, ou l'instrument mercenaire du ciété
c religieuse et politique; et ceux qui, à
jaloux étranger, et je le livrerais aux tribu- i vue des désordres qu'a produits dans la
la
naux. société,
s par la faute des administrations, l'a-
Je serais d'une extrême sévérité sur bus
1. de cet art précieux à l'humanité, regret-
les ouvrages qui offensent les mœurs. Un ttent le temps où l'on ignorait, dans les clas-
écrivain qui discute avec bonne foi et sans ses
s même les plus élevées, l'art de lire et
exagération, les principes de la religion et c d'écrire, semblent craindre qu'une discus-
que l'auteur soit coupable; et si le gouver- 1les hommes découvrissent, ne seront jamais
dues dans tout le royaume, pour mille rai- Je viens aux impôts.
sons politiques et principalement pour La société emploie à sa conservation les
rendre impossible, dans une guerre civile, hommes et les propriétés; puisque la fin de
ou une révolte partielle, l'envahissement de la société est la conservation des hommes et
toutes les propriétés royales à la fois. des propriétés, et que la société elle-mêtne
Il serait à désirer que le roi eût, dans ses n'est qu'hommes et propriétés.
domaines, peu de droits litigieux, afin qu'il L'homme doit être employé par le servie
eût le moins possible d'intérêts particuliers personnel la propriété doit être employée
à démêler avec les sujets. Le roi est tou- par l'impôt, parce que le service personnel
SG1 PART. 1. ECONO.U. SOC-THEORIE DU POUVOIR.
DU VOIR. PART.
PA1U. III. AUA1IMST.L. II.
KUU^. ET ADMINIST.L.
111. EDUC. H. 862
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*1 *1 I *V\ /\>-vl vis* «et l'impôt
11MA Ê. 1 -T -«.^ 4A comme
– ont fait j I i*
11 les Solons
1 modernes;
v puis-
dans la nature de la propriété. que c'est imposer Je malheur des circons-
L'homme et la propriété appartiennent à tances, le travers de l'esprit, les intirmités
la famille avant d'appartenir à la société du corps, les vices du caractère, qui ne sont
II suit de là 1° que la société doit em- pas des propriétés; puisque c'est dénaturer
ployer, plus ou moins, l'homme et la pro- l'idée de l'impôt, que de le faire regarder
priété, à mesure que l'homme et la pro- comme une peine, et que c'est consacrer le
priété sont plus ou moins nécessaires à la célibat que de l'imposer. En effet, un hom-
famille; me que la société impose, parce qu'il vit
2° Que les exemptions dont jouissent par- dans le célibat, achète de la société même,
tout, relativement au service militaire, les par l'impôt qu'il lui paye, le droit de rester
pères et les aînés de famille, sont dans la célibataire.
nature de la société; Un gouvernement réduit à faire de pa-
3° Qu'un emploi uniforme de la propriété, reilles lois pour encourager les mariages,
sous le nom d'impôt unique, est contre la est bien ignorant ou bien oppresseur.
nature de la société. Imposer une propriété, est en prendre une
Si l'homme ne doit être employé que par partie.
le service personnel, l'impôt sur l'homme Il y a des propriétés dont on peut prendre
connu dans le pays de taille réelle sous le une partie en nature, parce qu'elles ne font
nom de capitation, est contre la nature de pas un tout indivisible.
l'homme. -Ainsi l'on peut prendre une partie d'une
Si la propriété doit être moins employée quantité de blé ou d'une quantité de vin.
ou moins imposée, à mesure qu'elle est plus J'ai donné ailleurs la raison politique qui
nécessaire à la famille, le blé doit être im- doit faire préférer la perception en nature.
posé, à proportion, moins que l'amidon, II y a des propriétés dont on ne peut
Le vin moins que les liqueurs, prendre une partie en nature, soit parce
Le sel moins que le sucre, qu'elles font un tout indivisible, comme la
La viande moins que le café, plupart des productions des arts on ne peut
Les toiles moins que les mousselines, pas prendre un panneau d'une voiture, ni
Les draps moins que les velours, une pièce d'un service de porcelaine; soit
Les cuirs moins que 1 es cartes à jouer, etc.; parce qu'on ne pourrait conserver ou em-
c'est-à-dire, qu'il faut imposer beaucoup sur ployer la partie que l'on prendrait ainsi
le superflu, peu sur l'utile, rien sur le né- l'on ne pourrait prendre un morceau de
cessaire. viande, ni une aune de toile ou de drap sur
Tous les hommes, tous les animaux do- une pièce de toile, ou sur une pièce de drap.
mestiques sont destinés à travailler pour la Alors la société se sert de l'évaluation que
société, et l'homme doit tout son temps à la le commerce a faite, pour la facilité des
société. échanges, en un signe commun et convenu,
Donc celui qui occupe, pour le service et elle vend, sur-le-champ, au propriétaires
seul de sa personne, des hommes ou des la partie de sa propriété qu'elle a droit
animaux qui pourraient être employés à d'exiger, mais qu'elle ne peut percevoir en
l'utilité de la société, et celui qui emploie à nature sans se nuire à elle-même ou sans
ses plaisirs un temps qu'il doit à la société, nuire au propriétaire.
doivent un dédommagementà la société. Distinction nécessaire de l'impôt en. na-
Donc l'impôt sur les domestiques ou sur ture et de l'impôt en argent.
les chevaux de luxe, et celui sur les cartes Certaines propriétés sont imposables di-
à jouer, les dés, etc., sont dans la nature rectement et en elles-mêmes,soit en nature,
des choses et dans la nature de la société. soit en argent, comme le blé, le vin, le sel,
La société doit employer, pour sa conser- parce qu'elles peuvent être employées
vation, toutes les propriétés, parce qu'elle comme la nature les a faites; mais il y en
défend et qu'elle conserve toutes les
priétés.
pro- a d'autres qui ne sont imposables qu'indi-
rectement, et lorsque l'art leur a donné une
Ainsi toutes les productions du sol et
l'industrie sont imposables, parce qu'elles
de autre forme ou une nouvelle destination.
Ainsi le chanvre, les bêtes à laine, les vers
sont une propriété. à soie ne peuvent pas être imposés directe-
Mais on ne peut pas imposer le célibat, ment, parce que, pour faire servir le chan-
8C)5i ŒUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD. 864
ou la soie à l'usage de l'homme,
vre, là laine ou
Tre. ppays riches en blé et en vin n'ont ordinaire-
il faut des procédés et une industrie qui est nment que cette denrée, et par conséquent
elle-méme une nouvelle propriété, et qui, payent
p. tout à l'Etat en impôt direct, sans
l'impôt qu'ils payent à la nature par
en cette qualité, doit sa part de l'impôt. compter
ci
Ainsi, j'impose, à la fois, la matière du hla casualiié de ces productions.
chanvre, l'industrie du tisserand et celle du Le blé ne peut être soumis qu'à l'impôt
blanchisseur, en percevant un droit sur la direct,
d tant qu'il ne sert qu'à la subsistance
tMIe; la matière de la laine, celle de la soie, dde l'homme; mais si le luxe le dénature, et
et l'industrie des différents ouvriers qui les e fait de l'amidon, alors il doit être soumis
en
à un autre impôt, et ce n'est pas le.blé que
mettent en œuvre, en percevant un droit
je taxe, mais l'industrie et le gain de l'ami-
sur le drap et sur l'étoffe de soie. Les droits
j<
donnier.
d
sur la toile et sur le drap seront plus forts Certains vins reçoivent du luxe une va-
a mesure que l'industrie sera plus grande,
leur
J( très-disproportionnée à celle des autres
et l'ouvrage plus précieux car à mesure
vins il est donc juste qu'ils payent davan-
que l'industrie est plus grande et l'ouvrage v
plus précieux, le drap ou la toile sont moins tage, parce qu'ils forment une plus grande
U
nécessaires pour vêtir t'homme. propriété.
P Ainsi ils peuvent être soumis à
Distinction nécessaire de l'impôt direct l'impôt
1 en argent, quoiqu'ils aient payé
et de l'impôt indirect. l'impôt en nature.
C'est une grande question de savoir si le Les mêmes matières peuvent payer deux
blé et le vin doivent, dans l'imposition en fois
f< l'impôt indirect, lorsqu'elles sont deve-
nature, être décimés dans une proportion nues
n par les procédés de l'industrie une
relative aux avances qu'exigent la culture matière
n différente. Ainsi la toile a payé des
du sol et le produit qu'il donne. 11 semble ddroits, et le papier fait de morceaux de toile
d'abord que les plaines fertiles de la Beauce ddoit en payer aussi 'et ce n'est pas la ma-
peu près égale partout. Ainsi les pays où laa l'envie de le frauder, et il vaut toujours
dîme sur le blé serait onéreuse à raison dee mieux
] négliger un droit que créer la con-
la stérilité du sol, sont riches en pâturagess trebande.
t
qui ne payent qu'un impôt très-indirect ett Quoique les animaux aient payé sous un
peu sensible au propriétaire; tandis que less rapport leur dépouille ou leurs cuirs doi-
vent payer, parce qu'ils représentent l'in- étendue? Oui, car il y a clés maisons qui ne
dustrie du lanneur et du mégissier. servent qu'à loger la famille, et des maisons
D'ailleurs, il y a une raison plus forte qui servent à la loger et à la nourrir ainsi
pour faire payer aux différentes matières une hôtellerie, un magasin, une maison
extraites des animaux, comme cuirs, laines, baillée à loyer, des usines, doivent payer à
poil, graisses, un droit particulier; car outre la commune comme habitation, et peuvent
que ce droit est l'impôt sur la propriété payer à l'Etat comme propriété.
industrielle des différents ouvriers en cuirs, Comment les capitalistes seront-ils sou-
laines, suifs, etc., c'est la seule manière mis à l'impôt?
dont on puisse atteindre la partie considé- Tant que l'argent reste dans le coffre, il
rable de la propriété territoriale, qui sert ne doit pas d'impôt, car puisqu'il n'est pas
uniquement à la subsistance des bestiaux. propriété utile pour le maître, il nç peut
Les maisons doivent-elles payer un impôt? pas être propriété utile pour l'Etat; mais
Qui; mais à la commune seulement; elles dès qu'il en sort pour être placé à intérêt
doivent être la matière de la contribution et devenir ainsi propriété utile pour le maî-
pour les frais locaux, parce qu'elles sont, tre, il doit être propriété utile pour l'Etat 4
ainsi que la famille, l'occasion des frais donc il faut que l'Etat la connaisse, donc il
locaux. faut qu'un acte public en constate la quoti-
Les maisons sont les véritables propriétés té comment l'Etat pourrait-il imposer une
de la commune, car sans maisons ii n'y a propriété qu'il ne connaîtrait pas ? Donc la
point de communes; donc elles doivent loi ne doit à l'homme aucun moyen de dé-
payer les frais locaux, qui sont l'impôt de fendre ou de réclamer en justice une pro-
la commune. priété mobilière, qui n'aura rien payé à la
Les propriétés territoriales sont les pro- société; comment l'Etat pourrait-it protéger
priétés de. l'Etat, car sans terres il n'y a une propriété qui ne payerait pas le prix de
point d'Etat; donc elles doivent payer les la protection que l'Etat lui accorde.
contributions de l'Etat. Donc les droits de contrôle ou de timbre,
La famille et la maison sont l'occasion des les droits aux mutations de propriétés immo-
frais locaux car s'il n'y avait pas d'habi- bilières, mobilières, ou d'offices, sont fon-
tants, il rie faudrait ni églises, ni hôtels da dés en raison; parce que l'Etat, protecteur
ville, ni fontaines, ni lieux publics; s'il n'y de toutes les propriétés et de tous les hom-
avait pas de maisons, il ne faudrait ni ré- mes, doit connaître tout déplacement qui
verbères, ni pavés des rues, ni précautions survient dans'les hommes et dans les pro-
contre les incendies; donc les maisons doi- priétés.
vent être la matière et la base des contri- Mais la publicité des emprunts et des pla-
butions locales des communes. cements n'a-t-elle pas des inconvénients 9.
L'homme, chef de la famille, ne doit pas Aucun. Relativement à l'Etat, la publicité
de service personnel à la société, sauf les dés propriétés mobilières n'a pas plus d'in-
circonstances extraordinaires ou un enga- convénient que la publicitédespropriétésim-
gement particulier; car si la société emploie mobilïères ou territoriales, relativement au
le chef de la famille, la famille sera en dan- particulier; le mystèrenefavorise que la mau-
ger de périr, mais le chef de la famille doit vaise foi oula mauvaise économie. Si l'intérêt
un service particulier à la commune, lors- de quelques marcbands est que tout soit secret t
qu'il en est requis. Ainsi cette espèce de dansieursaffaires,l'intérêtdu commerce hon-
propriété qu'on appelle maison, ne doit pas nête et loyal est que toutsoit public; or FintértHt
de contribution à la société; mais elle en de la société n'est pas l'intérêt des marchands,
doit une particulière à la commune, parce mais l'intéretdu commerce. Quantaux capita-
que la commune ne considère que l'homme listes, ceuxquicherchaientàjeter un voile im-
et la propriété de la famille. Or, la maison pénétrable sur les affaires n'étaient presque
est la véritable propriété de la famille car jamais quedes gens peu délicats, qui voulaient
la famille peut subsister sans avoir aucune
rejeter sur les autres I e fardeau des charges pu-
propriété territoriale mais elle ne peut être bliques,ouléserdes légitimairesdans des par-
membre de la commune, si elle n'y a une
tages de familles.Aureste.ilneserait pasim-
habitation.
possible deconcilierle secretdes affaires avec
Les maisons doivent elles être taxées l'intérêt de la société.
*i«ns une proportion autre que celle de leur Les denrées exportées hors du royaume,t
OEUVRES COMPL. UG M. DE RftKllri I
les denrées importées dans lé royaume point
p de précision et de connaissance, que
doivent des droits, parce que le particulier l' estime à la seule vue et avec une grande
l'on
doit' un dédommagement à l'Etat pour les exactitude
ë combien un arbre donne de livres
dépenses en chemins, ports, vaisseaux, etc., pesant ile'feuilles.
portation.
que lui occasionnent l'exportation et l'im-
Les droits sur les denrées exportées et quelles
p
Au
sur
s
q
reste, quelque système que l'on adopte
l'impôt, il y a des bases générales des-
on ne doit jamais s'écarter.
importées sont les impôts que paye le com- fil- ne faut pas, dans un Etat agricole,
merce. que;
q l'impôt écrase et décourage l'agricul-
Quel principe doit-on suivre dans la taxe ture'ril
t ne faut pas oublier que l'habitant
des droits1 sur l'exportation ou sur l'impor- des d campagnes est pauvre, parce qu'il cul-
tatiôn? t mal, et qu'il cultive mal, parce qu'il est
tive
Là règle générale sur les droits à l'expor- pauvre.
p
talion des denrées est que les droits doivent1 2° 11 ne faut pas, dans un Etat commer-
être plus forts sur les denrées de première c çant, que l'impôt écrase et décourage le
nécessité pour les retenir dans le royaume,> c
et moins forts sur les objets de luxe pour les5
commerce.
3° 11 ne faut pas, dans une société opu-
en faire sortir. C'est absolument le con- ]lente, que l'impôt étouffe tout luxe relatif,
traire sur les droits à l'importation. Il faut1 c'est-à-dire,
( tout emploi décent du superflu
mettre des droits modiques aux objets de3 de { son opulence.
première nécessité, pour les attirer danss 4MI ne faut pas, dans une société civile,
le royaume, et des droits plus forts sur less c'est-à-dire
( religieuse et politique, que l'im-
objets du luxe pour les en éloigner. Au1 pôt 1 soit une occasion de corruption et de
reste, ce principe général est susceptible dee désordre.
(
modifications infinies, parce que la denrée9 Ainsi il est nécessaire d'abolir'ou de rec-
de première nécessité peut devenir objet dee tifier ( les lotéries, qui inspirent le goût de
inxe, si elle est trop abondante, et l'objett gagner sans travail, et par conséquent de
de luxe devenir, jusqu'à un certain point,'> dépenser sans utilité; les emprunts viagers
objet de première nécessité, s'il est tropP qui inspirent le dégoût de la propriété fon-
rare. Les matières brutes que demandent rt cière et l'insouciance de la postérité; les
les manufactures d'un pays peuvent êtree droits de contrôle, qui présentent des pièges
un objet de première nécessité, quoique less à la simplicité et des ressources à la mau-
productions décès manufacturés ne soient It vaise foi les droits excessifs et inégaux sur
que des objets de luxe. Une nation qui a des's les denrées de première nécessité, qui exci-
colonies peut encore modifier ce principe,5» tent la contrebande, et entretiennentdans le
qui ne peut être considéré comme général jl royaume une guerre intestine entre le pou-
que sOus ce rapport, qu'il faut que tout ce e voir et les sujets.
qui est nécessaire la société resté ou en- Si toutes les propriétés doivent payer un
tre dans le royaume et tout ce qui est inu- impôt, les propriétés de tous, ou les pro-
tile ou dangereux pour la société en sorte,5> priétés communes en doivent aussi leur
ou n'y entre que difficilement. part. Ainsi il est urgent de rétablir en France
Il me reste une réflexion à faire sur l'im-î- un impôt sur le sel, ressource précieuse, abusé. Le
pôt en nature. Je connais toutes les objec- c- mais dont l'administratiori avait
tions qu'on peut faire contre la perception )n sel doit payer, à son extraction seulement,
en nature, ruais il n'est aucune difficulté quini un droit uniforme, pour ne léser aucune
disparût l'habitude de percevoir et province, ni exciter la contrebande un droit
ne par denrée
lorsque certaines productions présenteraient nt modique, parce que le sel est une
lit nécessaire, et que l'administration ne
doit
une décimation trop difficile, il s'établirait
nécessairement et par la force Jes choses, en- n- ôter à personne ce que
la nature donne à
tre l'intérêt éclairé du fermier et l'intérêt du
lu tous.
propriétaire, une taxe en argent ou abonne- e- L'Etat peut se réserver la culture ou la fa-
ment de gré à gré, bien plus exact que tou- u- brication exclusive de
certaines productions
telles que le tabac,
tes les estimations des experts et que tou- a- du sol ou de l'industrie,
Mais 1° il ne faut pas
tes les évaluations des cadastres. Dans les es les cartes a jouer, etc. nécessi-
Cévennes, où la feuille de mûrier forme un m que ce soient des objets de premièrepremière
revenu considérable, on en est venu à ce té, parce que, pour les besoins
de
nécessité, l'homme. ne doit dépendre que de serve une somme destinée à faire face à des
lui-même. D'ailleurs l'administration s'ex- besoins urgents et extraordinaires, et qui la
poserait à des murmures continuels, et peut- dispense de recourir aux emprunts ou aux
être à use révolte générale, si la fourniture impôts elle doit étendre sa propriété non
des objets, dont elle se serait réservé la fa-par des acquisitions, mais par des amélio-
brication ou la culture exclusive, venait à rations, des constructions de chemins, de
manquer par la faute des éléments ou par canaux, de ports, etc., par des avances faites
celle des hommes. 2° II faut que l'Etat les à l'agriculture et à l'industrie elle doit
vende à peu près au môme prix que ferait l'embellir par des encouragements donnés
le commerce, et qu'il les fournisse d'une aux sciences, à la culture des lettres et des
meilleure qualité parce que l'Etat ne peut arts agréables elle peut, elle doit secourir
gêner en rien le particulier, ni borner l'es- un Etat voisin ou éloigné, que sa position
sor de son industrie, que pour rendre la rend un allié précieux, et à qui ses ressour-
condition du public meilleure. ces intérieures ne permettent pas d'être ob
Ce n'est pas assez que l'impôt soit modéré,allié utile.
réparti avec intelligence, perçu avec écono- L'homme sans conduite et sans raison veut
faire des dépenses au-dessus de son état et
mie il faut encore, il faut surtout, qu'il soit
sagement administré; et, loin de chercher de sa fortune; il emprunte pour intenter un
les règles d'une bonne administration dans procès injuste à son voisin, ou pour donner
les exemples ou les systèmes des financiers un repas à ses amis; les emprunts s'accu-
modernes, je les trouve dans le livre de rai- mulent il ne peut suffire aux dépenses in-
sage. r;
son d'un particulier aisé, intelligent et
• dispensables les intérêts le ruinent; il
tombe, pour vivre dans la dépendance de
Un particulier sage, intelligentet aisé se ceux qui lui prêtent. Ses revenus ne peu-
nourrit, se loge, se meuble, conformément vent suffire à ses engagements, ses capitaux
à sa fortune et à son état; il entretient sa sont aliénés, ses terres saisies, et sa fortune
famille avec décence; il fait élever ses en- anéantie.
fants avec soin; ses domestiques sont bien Telle est au naturel la position d'une so-
vêtus, ses chevaux bien nourris, ses métai- ciété mal administrée économie vicieuse,
ries bien entretenues; il a dans sa repré- profusions insensées, emprunts ruineux,
sentation la dignité que son état demande, dépenses frivoles, besoins sanscesse renais-
et que sa fortune comporte il défend, quand sants, emprunts .continuels elle tombe dans
il le faut, sa propriété contre un voisin in- la dépendance des capitalistes et des ban-
juste, il secourt un ami malheureux; il met quiers elle tombe dans la dépendance des
une somme en réserve, pour faire face à des peuples, en leur demandant sans mesure
besoins imprévus; il étend sa propriété par des subsides qu'elle prodigue sans utilité-;
des acquisitions et des améliorations; il elle est forcée de manqueraux engagements
l'orne, il l'embellit; et, moyennant un inté- les plus sacrés ;'et en consommant à l'avance
rêt légitime, il peut aider son voisin à ses revenus, elle se met dans l'impossibilité
améliorer ses biens et à se relever de ses de se livrer à aucun système général d'amé-
pertes. lioration au dedans, et de soutenir au-de-
II doit en être de même dans une société hors aucun système de politique.
bien administrée. Son pouvoir général doit Il faut donc que la recette surpasse la dé-
être représenté avec la dignité qui convient pense dans l'administration des finances
à ses fonctions, ses armées de terre et de d'un Etat, comme dans la conduite des af-
mer bien entretenues, ses arsenaux bien faires d'un particulier. Le crédit personnel
fournis, ses places fortes en bon état; elle d'un ministre des finances, et son habileté à
doit faire avec grandeur, avec magnificence, faire de l'argent, sont donc également inu-
toutes les dépenses qui ont pour objet l'é- tiles l'esprit d'ordre doit être son génie, et
ducation et l'instruction publiques, la com- la probité son talent.
modité, la santé, l'utilité, l'agrément même Quel royaume que la France, s'écrie le
du citoyen, la sûreté de l'Etat au dedans, sa président Hénault, en parlant du duc de
défense et sa considération au dehors; elle Sully, quand elle produit un ministre égal à
doitsouteniravec une inflexible fermeté des ses ressources 1 « Ce ministre appr-it aux
droits légitimes, permettre à son opulence Français que pour gouverner les finances, la
un faste convenable; elle doit mettre en ré- première qualité est un sens droit. 11 paya
deux cents millions de dettes en dix ans, amassa
a trente millions qui se trouvèrent à
sur trente-cinq millions de revenus, et le Bastille quand il partit. »
la
J'ai distingué deux corps militaires l'un vinssent héréditaires dans les familles, puis-
vi
héréditaire, défensif, constitutionnel, que que q l'obligation de servir la société y était
j'appelle noblesse l'autre amovible, acci- d< devenue héréditaire. La possession du fief
dentel, offensif, que j'appelle armée. caractérisa
e; donc le noble et le de, qui,
dans
d une grande partie de l'Europe, distin-
CHAPITRE PREMIER. ggue et désigne le noble, ne signifie autre
chose
c que le domicile dans le fief, un tel de
NOBLESSE. tf endroit. Plus tard, on ajouta au nom de
tel
de baptême, et l'on dit Ber-
Sous la première race de nos rois, la no-l t¡terre son nom Olivier de Clisson; après
blesse était ce qu'elle doit être dans une trand Du Guesclin,
des troupes réglées, on se
société constituée, ce qu'elle était chez les* 1l'établissement
grade, le capitaine Montluc,
Germains, profession sociale ou défensive ddistingua par son
maréchal de Trivulce.
de la société mais comme la société s'était le
Mais le seul titre qu'on retrouve dans les
agrandie, les diverses fonctions s'étaientt
établies et distinguées, et l'on voyait dess temps t' anciens, pour la noblesse qui ne
des possédait
f pas de fief en souveraineté, est
gouverneurs de provinces, ou duces, s
de villes, comites, des celui
c de baron ou d'homme libre, qui dési-
gouverneurs ou com-
la noblesse restée profession sociale et
mandants sur les frontières ou marches,l gnait 8
pouvoir. C'est, en effet, le
qu'on appelait marchiones. Ceux qui n'a- qui n'était pas
vaient pas des fonctionsparticulières étaient |t seul
s titre qu'ait porté jusqu'à ces derniers
désignés par lé nom de seigneur ou homme ttemps, et que porte encore l'ainé d'une des
e premières maisons du royaume, qui n'a
libre, expression qui, dans la langue germa-
jamais
J possédé de fief en souveraineté.
nique, signifie encore un noble sans fonc- u Quand nos rois se furent ressaisis de tous
tions particulières, et répond exactement au
titre de baron, dont elle est la traduction lit- 1
t les pouvoirs particuliers sur les familles qui
libre les
1 avaient usurpés,, ou en faveur desquels
térale. Ainsi, cette expression d'homme le
qu'on retrouve à tout moment dans les écrits Ls nos rois eux-mêmes les avaient rétablis,
de ceux qui ont traité de l'état des premiers ,s ¡
alors les titres reparurent ils ne désignè-
le rent plus, comme autrefois, des fonctions,
Francs, ne désignait qu'un noble, libre de ]
capacité de les remplir, ou ilsfurent
fonctions particulières, et tenu seulement mais la
généraux de profession, une présomptionqu'on descendait des famil-
des engagements sa n
qui étaient de défendre la société. les qui avaient autrefois exercé ces fonctions
pouvoirs. Quelquefois ils ne
Sous la seconde race, les duces ou dues, ,s ou usurpé des la fortune d'un
comites ou comtes, marchiones ou marquis,
prouvèrent que parvenu, ou
L'abus des
profitant de l'affaiblissement de l'autorité té l'effronterie d'un aventurier.
a. érections des terres en fallut titres honorifiques
royale, rendirent héréditaires dans leurs fa- décider, con-
milles le gouvernement des provinces et des es
fut poussé si loin, qu'il
des frontières formément à la constitution, que le roi pou-
villes, et le commandement es
titres, jusque-là viagers vait faire quelqu'un comte ou marquis sans
ou marches; les )u
ou
révocables comme les fonctions, devinrent le faire noble, décision qui prouve que la
,nt qu'elle
Voilà les noblesse n'est distinction que parce
héréditaires comme elles. ce que es
prévenus appellent la féodalité, et qui
lui est profession distinguée.
gens
en était l'abus et la corruption. L'usage de Dans ces derniers temps, les puînés de la
de
porter des noms de terre s'introduisità cette tte noblesse, au lieu de prendre des noms
époque parmi les nobles, parce qu'il était ait fief, adoptaient l'usage de se désigner par le
de famille;
dans la nature des choses, que les terres -es nom de baptême, joint au nom
possédées à charge de service militaire de- le- rien de moins conforme à la constitution.
1° Les princes du sang de France et l'héritier immémorial d'une profession distinguée.
même du trône ne sont désignés que par Si la noblesse doit être fonction, elle ne
des noms de fief. Cet usage n'a lieu que doit pas être pouvoir encore moins doit-
dans quelques cours étrangères, et par con- elle être métier donc elle ne doit pas com-
séquent ne nous convient pas. 1' 11 sépare mercer. Lp désir d'acquérir des richesses
la noblesse de la profession du fief, qui est est le désir d'en jouir; le désir de jouir est
le caractère distinctif de la noblesse. 3" La le désir de vivre; et le désir de vivre s'ac-
désignation par des noms de terre fait revi- corde mal avec une profession qui ordonne
vre les noms de familles qui ne sont plus; de compter la vie pour rien, et son devoir
et c'est un avantage pour la société, qui, pour tout. Des lois qui permettraient, en
consommant les individus, doit, autant qu'el- France, le commerce à la noblesse, dit Mon-
le peut, éterniser les familles en conservant tesquieu, y détruiraient la noblesse sans
les noms. Dans un temps éloigné, une fa- aucune utilité pour le commerce. Il est
mille entée sur le tronc d'une maison illus- contre l'esprit de la monarchie que la no-
tre anciennement éteinte se confond avec blesse y fasse le commerce. L'usage qui a
elle par la possession du même fief, et quel- permis, en Angleterre, le commerce à la
quefois par la pratique des mêmes vertus. noblesse, est une des choses qui ont le plus
UJ) nom qui rappelle de grandes actions peut contribué à y affaiblir le gouvernement
souvent en produire de nouvelles; le men- monarchique. » Le même auteur, après avoir
songe ne nuit à personne, et il a pour la remarqué l'esprit de désintéressement de
société le 'même effet que la réalité. Cette cette noblesse militaire, « qui sert toujours
immortalité de noms et de souvenirs est par- avec le capital de son bien; qui, quand elle
faitement dans l'esprit de la constitution. est ruinée* donne sa place à un autre, qui
4° Cette coutume populaire, de se dési- servira avec son capital encore; qui, quand
gner par des noms de baptême, tenait, je elle ne peut espérer les richesses, espère les
crois, à la pente que tout prenait, en France, honneurs, et lorsqu'elle ne les obtient pas,
vers les institutions de l'homme naturel. se console parce qu'elle a acquis de l'hon-
Je ne sais si l'usage des présentations à la- neur ), après avoir considéré « cet état de
cour est bien conforme à la constitution, à la robe qui, sans avoir le brillant de la
l'intérêt de la noblesse, à celui de la société noblesse guerrière, en tous les priviléges;
il se forme ainsi un ordre dans un ordre. cet état qui laisse les particuliers dans la
La noblesse de la cour se distingue de la médiocrité,tandis que le corps dépositaire des
noblesse de province; elle se divise, lors- lois est dans la gloire cet état encore dans
qu'il faut combattre en masse et à rangs lequel on n'a de moyen de se distinguer
serrés. Les présentations se multiplient, que par la suffisance et la vertu, profession
la faveur et l'intrigue s'en mêlent, et l'on honorable, mais qui en laisse toujours voir
est présenté malgré le généalogiste, et quel- une plus distinguée » après avoir observé
quefois malgré la généalogie. que la pratique du royaume de France est
La noblesse est une aux yeux de la cons- « très-sage en ce que les négociants n'y sont
titution dans les états généraux, le noble pas nobles, mais qu'ils peuvent le devenir, »
le plus récent a siégé à côté de chefs de nos ajoute ces paroles remarquables, et qui peu-
plus anciennes maisons. Mais c'est à l'opi- vent être regardées comme le texte démon
nion à distinguer les familles, et à l'admi- ouvrage « et si depuis plusieurs siècles, la
nistration à distinguer les services. La dis- France a augmenté sans cesse sa puissance,
tinction que l'opinion publique,c'est-à-dire il faut attribuer cela à la bonté de ses lois,
la société, met entre les familles à raison de nun pas à la fortune, qui n'a pas ces sortes
leur ancienneté, est autant dans la nature de constance. » (Esprit des lois, liv. xx,
des choses, que celle que l'administration ch. 21 et 22.)
met entre les individus, à raison de leurs On peut remarquer dans la contradiction
services peçsonn.els. Plus il y a de temps qui existait, en France, entre les lois et les
qu'une famille est consacrée ^à la défense moeurs, relativement à la noblesse commer-
de la société, plus elle doit être considé- çante, une preuve évidente de ce que j'ai
rée par la société; et lorsque la date de avancé dans la première partie de cet ouvra-
son admission dans la profession, sociale ge que c'est à la nature seule à faire des
n'est pas connue, elle doit jouir de la lois dans une société constituée, parce que.
considérationjustement attachée à l'exercice c'est elle seule qui établit des rapports né-
v
cessaires entre les êtres, et que, lorsque que de. voir la noblesse pauvre offrir ses
l'homme veut y substituer ses opinions, il services aux grands' envers et contre tous.
ne peut établir que des rapports contraires On lit dans les mémoires du temps que la
à la nature des êtres, des lois absurdes, que duc d'Epernon, brouillé avec le duc de
la nature repousse, ou en les laissant tomber Sully, n'osa pas 'sortir de son hôtel, parce
en désuétude, ou par les troubles qui en qu'il n'avait autour de lui que six cents
a compagnent Kexécution. Une loi permet- gentilshommes et que Sully en avait' huit
tait en France à la noblesse de faire le com- cents. La Fronde a fourni des exemples re-
merce en gros; les mœurs, c'est-à-dire, la marquables de ces dévouements des gen-
nature, plus sage que l'homme, ne le lui per- tilshommes à des causes particulières. Au-
mettait pas; en revanche, la nature avait jourd'hui la noblesse sent mieux sa dignité.
introduit la loi des substitutions,parce que La constitution qui perfectionne d'un côté,
la loi qui rendait héréditaires les moyens de quand l'homme altère d'un autre, l'a rendue
remplir une fonction héréditaire, était un plus indépendante des pouvoirs particuliers,
rapport nécessaire et dérivé «le la nature des et par conséquent plus dépendante du pou-
êtres l'homme avait restreint, c'est-à-dire, voir général.
avait abrogé cette loi et remarquez la diffé- « Henri VIII, » ditMontesquieu, « voulant
rence des lois nécessaires, c'est-à-dire, par- réformer l'Eglise d'Angleterre, détruisit les
faites, qu'introduit la nature, aux lois ab- moines, nation paresseuse par elle-même,
surdes, immorales que l'homme établit. La et qui entretenait la paresse des autres,
nature en prescrivant à la noblesse les subs- parce que, pratiquant l'hospitalité, une in-
titutions et lui défendant le commerce, lui finité de gens oisifs, gentilshommes et bour-
inspirait le soin de sa postérité et le mépris geois, passaient leur vie à courir de cou-
du luxe et des jouissances personnelles; venten couvent; il ôta encore leshôpitaux, où
elle mettait l'amour des autres à la place de le bas peuple trouvait sa subsistance, comme
l'amour de soi l'homme, en restreignantla les gentilshommes trouvaient la leur dans les
faculté de substituer et permettant le com- monastères: depuis ce temps l'esprit de com-
merce au noble, détâchait le noble de sa merce etd'industrie s'établit en Angleterre."
postérité, pourjui donner le goût de l'ar- On vient de voir tout à l'heure, que. le
gent et d'un genre de propriété plus dispo- même auteur a dit formellement « que la
nible pour le luxe et l'égoïsme, et il mettait loi qui avait permis en Angleterre le com-
ainsi l'amour de soi à la place de l'amour merce à la noblesse était une des choses qui
des autres. Il en devait résulter, il en a avaient le plus contribué à y affaiblir le gou-
résulté en effet une fureur universelle de vernement monarchique. » Par conséquent
changer ses terres contre des capitaux et les moiîïistères, qui, selon l'auteur lui-
l'on' a vu à la fois, quelques années avant la même, empêchaient l'esprit de commerce de
révolution, chez les notaires de Paris, jus- se répandre parmi la noblesse comme dans
qu'à neiif mille terres en vente. L'adminis- les autres classes, étaient une des choses qui
tration s'applaudissait, peut-être, de voir le maintenaient, en Angleterre, le gouverne-
fisc se grossir par des droits sur les muta- ment monarchique.
tions de propriété, elle aurait dû gémir de On ferait un gros livre sur le passage que
voir de nouvelles familles s'élever sur les je viens de, citer, dans lequel le philosophe
débris des anciennes familles, de nouvelles décide, bien légèrement des questions qui
propriétés inspirer le dégoût des anciennes pourraient embarrasser le politique. Qnpour-
propriétés, de nouveaux principes prendre rait demander à l'auteur ce qu'il appelle
la place des anciens principes. La mutation une occupation utile à.la société, et si des
fréquente des propriétés est une plaie mor- corps, qui, tout dégénérés qu'ils pouvaient
telle à la constitution; et c'est pour la ren- être de leur institution primitive, étaient
dre plus difficile que la nature même de comme des médailles antiques dans l'his-
là société a établi la loi des droits des toire de la religion. et de la société, et des
lods et ventes: La noblesse ne doit donc pas preuves matérielles et sensibles de la foi
commercer, encore moins agioter si elle des anciens temps à l'existence de Dieu et
doit périr, qu'elle se détruise sans s'avilir, à l'immortalitéde l'âme, n'étaient pas, même
puisqu'aussi bien elle ne pourrait s'avilir politiquement, aussi utiles à la société que
?ans se détruire. ces clubs littéraires où l'on prêche l'athéisme,
|Uen de plus commun autrefois en France et ces çlub.s politiques où l'on professe le v$-
publicanisme on demanderait si ces tran- tre avec fracas, que l'étranger pauvre n ose
quilles retraites n'offraient pas à l'homme aborder, où l'or trouve un accueil si gra-
une ressource plus consolante dans le mal- cieux, et l'homme une hospitalité si rui-
heur, un refuge plus religeux et par con- neuse, et quelquefois si insolente. Je con-
séquent plus social contre l'injustice de ses çois que la paresse est un crime dans celui
semblables ou de ses propres passions, que que sa profession et ses talents appellent
lé suicide; le sucide qui bientôt ne lais- à servir la société; mais combien d'hom-
sera plus à la justice humaine de scélérat à mes qui ne la serviraient utilement qu'en
punir, ni à la bonté divine de coupable à ensevelissant dans la paresse et le silence,
pardonner. L'Angleterre est plus. indus- du cloître leur funeste industrie et leur
trieuse et plus riche depuis qu'il n'y a plus dévorante activité 1 L'Europe serait heu-
de monastères; je le veux mais y a-t-il reuse et tranquille, si J.-J.. Rousseau s'était
plus de bonheur depuis qu'il y a plus de fait Chartreux et qui oserait. assurer que
richesses, plus de moeurs depuis qu'il y a les changements faits en France, il y a
plus de commerce, plus de vertus depuis quelques années, dans le régime des ordres
qu'il y a plus d'industrie ? Il y a plus d'ar- monastiques, n'aient pas rendu à la société
gent j'en conviens mais y a-t-il plus de une foule d'esprits inquiets et turbulents, qui
force ? S'il est question de force extérieure, n'ont d'activité que pour nuire, et de force
il y a moins de soldats dans un Etat, à me- que pour renverser? C'est depuis ce chan-
sure qu'il y a plus de commerce s'il est gement, dit Montesquieu, que l'esprit de
question de force intérieure, qui consiste commerce et d'industrie s'établit en Angle-
dans l'amour des sujets les uns pour les au- terre mais il ajoute aussi que c'est depuis
tres, et dans l'amour de tous pour le sou- ce changement que l'esprit d'athéisme, de
verain, il y a moins d'amour,de l'homme, à matérialisme, de républicanisme s'y est in-
mesure qu'il y a plus d'amour de la pro- troduit, et de l'Angleterre dans toute l'Eu-*
priété et 1 auri sacra fames, qui met tant rope. Je reviens à la noblesse.
d'activité et d'industrie dans la société, n'est Cette noblesse anglaise passait donc sa vie
pas plus, aux yeux du véritable homme, à courir de couvent en couvent, à vivre des
d'Etat, une vertu conservatrice de la société fondations de ses ancêtres qui avaientdonné
politique, qu'elle n'est, aux yeux du mo- à garder à la religion des biens qu'ils ne
raliste, une vertu conservatrice de la so- savaient pas garder eux-mêmes elle s'eni-
ciété religieuse. On pourrait demander à. vrait peut-être dans un réfectoire, au lieu
Montesquieu, s'il est vrai qu'il y ait moins de porter des toasts dans une taverne; elle
de pauvres depuis qu'il n'y a plus d'hôpi- allait peut-être à l'office, au lieu d'aller à
taux, et si, après tout, il ne vaut pas mieux l'opéra, et partageait la collation des bons
être importuné par un pauvre, que d'être religieux, au lieu de faire des petits sou-
dévalisé en plein jour, à Londres même, par pers avec des courtisanes. La société, les
un brigand. On demanderait si ces fonda- mœurs, la noblesse n'ont rien gagné au
tions pieuses, monuments de la piété et de changement. Il valait autant courir de cou-
la charité. publiques, où le pauvre trouve, vent en couvent, que de Suisse en Italie, de
une discipline et des instructions qui lui. France en Allemagne, pour finir loin de sa
sont plus nécessaires que la subsistance terre natale par la consomption ou le sui-
même, ne sont pas plus utiles aux yeux cide, après avoir traîné dans toute l'Europe
de la religion et de la politique, que ces le dégoût de son pays et le mépris pour les
secours obscurs et privés qui arrachent, si autres nations. C'était cependant de cette
l'on veut, l'indigent à la misère, mais qui noblesse paresseuse qu'étaient les Talbot,
le laissent à la corruption. On demanderait les Chandos, les Mauny; c'était de cette
si ces monastères où le riche trouvait, noblesse que descendaient le généreux Mont-
comme le pauvre, une asile gratuit, et s'as- rose, et ce brave et loyal Anglais, qui, en
seyait comme lui à la table d'une religion mourant pour son roi, disait à ses enfants
hospitalière, ne rappelaient pas cette anti- Mes enfants, tenez à la couronne, quand elle
que et loyale hospitalité, ce premier devoir pendrait d'un buisson.
de l'homme envers son semblable, cette C'était dans un temps voisin encore de
première vertu des sociétés naissantes, d'une celui où la noblesse courait de couvent en
manière plus touchante et plus vraie que couvent, que ces francs et généreux roya-
ces. hôteHeries fastueuses, où le riche en- listes, opprimés sans être abattus, mêlant au
util uuiidLjUt
l*j«* ljiu m. uu v
malheur de leur cause la gaieté d'une âme de la vanité, et elle a succombé sous le poids
pure, et quelquefois un got^t excessif pour? de leurs haines réunies.
le plaisir, répondaient à leurs sombres ad- Les progrès de la société ont dû nécessai-
versaires, les têtes rondes, les Jacobins de ce rement développer une autre profession so-
temps, les assassins de Charles I", qui leur ciale, agrégée à la noblesse, et noblesse elle-
reprochaient pieusement leur vie licen- même, puisqu'elle est défensive de la so-
cieuse Oui, nous avons les faiblésses des ciété dans son objet, indépendante dans son
hommes; mais vous,,voits avez les vices des existence, inamovible dans ses fonctions,
démons. (Hume.) C'étaient enfin les enfants propriétaire, et par conséquent héréditaire
de ces nobles, sans goût pour le commerce, dans son titre; je veux parler de la noblesse
sans industrie, qui, selon Montesquieu lui- sénatoriale. A mesure que la société se cons-
même, s'ensevelirent avec Charles I" sous les titue, la justice fait plus, et la force fait
débris' du trône; et pour juger jusqu'à quel moins, ou pour mieux dire, la justice de-
point l'institution de la noblesse s'est per- vient la force. C'était ainsi en France, où les
fectionnée en Angleterre par l'esprit de com- deux professions de la robe et de l'épée se
merce et d'industrie, il convient peut-être rapprochaient insensiblement. Leur point
d'ajourner jusqu'à la première révolution. de eontact était dans la royauté et dans la
En attendant, je ne crains pas d'avancer que, pairie, premier grade de la noblesse, offices
si la nation anglaise est devenue plus in- constitutionnelsqui rapprochent la noblesse
dus,trieuse depuis les réformes faites par de la royauté, puisque ceux qui en sont re-
Henri VIII, elle n'est pas devenue plus mi- vêtus en sont les pairs; magistrature mili-
litaire, quoiqu'elle n'ait pas cessé d'être taire, et appartenant même plus au sénat
aussi hraye que, sans parler de la guerre qu'à l'armée. En effet, les pairs laïques peu-
présente, qui ne ressemble à aucune autre, vent ne pas servir l'Etat dans la carrière des
les Anglais dans leurs combats contre les armes, mais ils ne peuvent pas n'être pas
Français n'ont pas conservé, sur terre, membres de la cour des pairs. Cependant la
l'égalité, la supériorité peut-être, qu'ils ont profession sénatoriale restera toujours dans
eue autrefois; et que, même dans les com- l'opinion un peu au-dessous de la profession
trnts de mer, les succès, à forces égales, ont actuelle des armes, parce qu'il est dans la
toujours été balancés; mais aussi, car il faut nature de l'homme qu'une profession qui
être juste, chez cette nation vraiment indus- demande à l'homme le sacrifice de sa vie,
trieuse, la politique est devenue beaucoup soit plus considérée que celle qui ne lui de-
plus savante, et ses moyens beaucoup plus mande que le sacrifice de son temps; mais
profonds, s'il existe entre elles cette différence dans
Ce temps où la noblesse courait les châ- les temps ordinaires, et lorsque l'Etat n'a h
teaux et les couvents était celui de l'an- craindre que les ennemis extérieurs, elle
cienne chevalerie institution sublime, dont disparaît, lorsque la société politique, en
le souvenir est venu jusqu'à nous à travers proie aux troubles intérieurs, appelle à son
les exagérations de l'enthousiasme, comme aide les professions conservatrices, vérita-
la noblesse de ce temps parviendra à la pos- ble force publique, défensive de la consti-
térité à travers les exagérations de la haine. tution alors toutes les professions sociales
La raison de cette différence est aisée à aper- sont également exposées; le dépositaire des
cevoir. lois, le défenseur du trône, tombent éale-
Quand la noblesse n'était opulente que ment sous le fer des scélérats. La noblesse
de vertus, avide que de périls, distinguée est une quand il faut périr.
que par des sacrifices, elle était un objet Dans la société politique, il n'y a de force
d'admiration plutôt que d'envie; on lui de conservation que dans la profession es-
laissait ses dangereux honneurs, ses péni- sentiellement conservatrice, c'est-à-dire la
bles distinctions qu'on n'était pas tenté de noblesse. L'histoire s'accorde avec cette
partager mais lorsqu'elle a voulu entrer théorie, puisqu'il n'y a que les sociétés re-
en concurrence de richesses avec le com- ligieuses ou politiques qui avaient un corps
merçant, de gloire littéraire avec le bel es- de noblesse héréditaire, religieuse ou poli-
prit, et réserver, en même temps, pour elle tique, qui se soient conservées, et aient
peule, l'honneur de servir l'Etat, et la juste laissé de grands monuments de leur exis-
considération qui en est la suite, il s'est tence religieuse ou politique comme ies
formé contre elle une ligue de la jalousie et Juifs, les Egyptiens et même les Romain.?,
001 nmi, ii ijuunuji. oui. – iUL'juuiLj î^u -x\j
Car j'ai prouvé, dans la seconde partie de CHAPITRE II
cet ouvrage que les lévites étaient un ARMÉE.
corps de noblesse religieuse, comme il est Comment se faisait-il qu'en France cha-
vrai de dire que dans la société monarc.hi-
que ministre de la guerre fît une ordon-
que, la noblesse est un sacerdoce militaire. nance militaire, et que chacun de ceux qui
Les républicains ne manqueront pas de étaient chargés de la faire exécuter y chan-
nfalléguer l'exemple de la France répu- geât quelque chose? Quand la nature amène
blique, qui a proscrit la noblesse, et dont des développements nécessaires dans les
les armées ont eu de si grands succès. usages politiques ou militaires d'une na-
Je n'examinerai point ici, si ces succès tion, elle a soin d'en indiquer le motif.
prodigieux sont dus uniquement à la valeur Ainsi, il était dans la nature des choses,
des troupes françaises; mais je répondrai qu'une troupe à cheval acquît, dans ses
qu'il ne faut pas confondre la force d'agres- évolutions, toute la rapidité dont le cheval
sion avec la force de conservation, et que
est susceptible que l'artilleur fût, dans cer-
ces mêmes armées, après avoir dévasté, sub- taines circonstances, mis à cheval, pour ar-
jugué les Etats voisins deviendraient river aussitôt que la pièce qu'il sert; que le
comme les armées romaines, le fléau de soldat fût habillé uniformément, d'une cou-
leur propre patrie. Il y aurait cette diffé- leur difficile à salir et aisée à nettoyer; que
rence entre la république romaine et la dé- son habit le défendît du froid sans l'embar-
mocratie française que Rome n'eut des
rasser dans sa marche; qu'il fût coiffé de
troupes réglées et assemblées en temps de manière à garantir sa tête des injures de
paix, que dans les derniers temps de la ré- l'air, chaussé de manière à préserver ses
publique au lieu que la France serait pieds de l'humidité, armé de la manière la
obligée, à cause du système présent de plus propre à tirer le meilleur parti de sa
l'Europe, d'avoir en tout temps une force force et de son adresse; mais ces objets une
imposante et qu'on a proposé dans fois remplis, l'homme et les saisons restent
les débats de la Convention, de porter, les mêmes. Pourquoi fatiguer le soldat et
dès aujourd'hui à cinq cent mille ruiner l'officier par des changements conti-
hommes. nuels dans le nombre des boutons, la cou-
J'ai remarqué au chap. 5 dû liv. iv de la leur des revers, la coupe de l'habit, la forme
première partie de cet ouvrage, que depuis du chapeau? Peut-on justifier ces change-
longtemps un changement progressif dans ments et mille autres aussi inutiles, par au-
nos mœurs, dans nos arts, dans notre lan- cun motif tiré de la nature des boutons, des
gue, dans notre littérature même, annonçait couleurs, des habits ou des chapeaux? La
la chute accélérée par laquelle la France manie de faire est essentiellement celle des
descendait de la constitution de la nature petits esprits, le goût de conserver est le
de la société, ou de l'homme perfectionné, caractère des.bons esprits. Jfc
aux institutions de l'homme sauvage; j'en L'homme n'aime de changements que j^H
citerai un nouvel exemple relatif à la no- ceux qu'il fait lui-même, parce qu'ils lui _^PI
blesse. L'usage s'introduisait de se servir, présentent une idée de création qui le flatte &
dans les combats singuliers, de l'arme la hors de là, il aime à contracter des habitudes,
plus destructive et qui suppose le courage et ces habitudes lui sont aussi chères que
passif qu'on retrouve au plus haut degré savie.
chez l'homme sauvage, plutôt que le cou- Ce qui est nécessaire en France, et dont
rage actif qui doit être celui de l'homme on pourrait justifier la nécessité par des
perfectionné, et qui avait toujours été celui motifs puisés dans la nature de la constitu-
du Français. Je n'entre pas dans le fond de tion monarchique, est
la question; mais je ne crains pas de dire 1" De rétablir les compagnies d'ordonnance
que ce changement prouvait, plus qu'on de la maison du roi, "où la noblesse puisse
ne pense, la détérioration de l'esprit de la1 faire un service qui lui tienne lieu d'éduca-
nation. Ce n'étaient plus des rivaux géné- tion militaire, au lieu de demander des bre-
reux, qui oublient un instant l'amitié qui vets à la suite, et de courir après des grades
les unit, pour ne s'occuper que de leur sans fonctions.
gloire, mais des ennemis implacables qui 2* De rétablir les grenadiers à cheval,
veulent se détruire. élite des troupes françaises et récompensa
pour le soldat brave et fidèle.
3" De rétablir la gendarmerie, corps plus raux. Louis XIV avait laissé ou forme des
important qu'on ne pense aux yeux de la corps à quatre bataillons. L'arméeautrichien-
constitution, parce qu'il était le point de ral- ne, l'armée prussienne, ont des régiments
liement militaire de la noblesse et de la beaucoupplus forts que les nôtres pourquoi
bourgeoisie, avantage qui compenserait les ce morcellement deTarméefrançaiseen petits
inconvénientsparticuliers à ce corps. Ces in- corps de deux bataillons? moins on a de
convénientsmême disparaîtraient en partie, corps, plus il est aisé d'entretenir entre eux
sitl'on ne plaçait que de vieux officiers à la une parfaite uniformité moins de régiments,
tête de ce corps, comme à la tête de tous les moins d'états-majors, moins de places, plus
corps composés de jeunes gens de famille. Il de sujets. Prenez garde que, pour bien gou-
est aisé d'en sentir les raisons verner les hommes, il faut beaucoup d'appe-
1° Ce n'est pas assez de l'autorité dugra- lés et peu d'élus; ne décourager personne,
de pour contenir cette jeunesse fougueuse, et ne pas satisfaire tout le monde, tenir
si l'on n'y joint celle de l'âge, qu'aucune l'émulation en haleine, et ne pas rassasier
institution humaine ne peut remplacer. l'ambition, c'est une coquetterie indispen-
'2° Le commandement de la part d'un supé- sable en administration: attachez les hommes
rieur, égal en tout à l'inférieur, révolte et par l'espoir, contenez les par la crainte,
l'affection et encore moins
prend le caractère de la force, à laquellë la comptez peu sur
la reconnaissance.
nature oppose toujours une secrète résistan- sur
11 faut rendre aux régiments les noms de
ce, plutôt que celui de l'autorité. L'homme
aime à trouver le motif de son obéissance dans province. Ces noms présentent une idée à
l'âge ou la naissance ae celui qui commande, l'esprit et un point d'appui à la mémoire. On
et non dans son grade seul, c'est-à-dire n'oubliera jamais les actions valeureuses
dans la nature ou la constitution, et non dans des régiments de Navarre et de Champagne
une préférence arbitraire et que chacun mais qui jamais se rappellera que le 35' ou
croit mériter. le 57e régiment se sont distingués, et quelle
idée fixera l'esprit, et l'empêchera de les
3° Il est dans la nature de I'homme, que
confondre avec le 34' ou le 58'?
les vieillards qui commandent, sympathisentt
avec les jeunes gens qui leur sont soumis, et Ce qui est nécessaire, et plus nécessaire
leur rendent l'obéissance plus douce, ou par que tout le reste, est de rétablir dans l'ar-
l'affection qu'ils ont pour eux, ou par le res- mée le respect pour la religion et les mœurs.
pect qu'ils leur inspirent. La famille offre l'enfant à la société mais la
4° Jamais le jeune homme qui obéit ne société ne peut-elle le former à son service
qu'il soit perdu pour la famille, ou que
manquera au vieillard qui commande, parce sans
qu'il est contre la nature de l'homme et les la famille soit perdue à cause de lui ?Que le
lois mêmes de l'honneur qu'il puisse lui en fruit de vingt ans de bons exemples donnés
donner raison. par la famille, et de dix ans d'éducation
donnée par la société ne soit pas perdu dans
Ce qui est nécessaire est de rétablir la con- trois mois d'éducation militaire, et que le
sidération;des grades et de tous les grades. jeune homme ne devienne pas l'opprobre de
Déjà en France on était honteux de n'être sa famille en devenant le fléau de lasociété.
que capitaine, et l'on aurait bientôt rougi Cette surveillance sur les
premiers pas d'un
de n'être que, colonel? Voulez-vous dimi- jeune homme dans la carrière des armes
nuer de moitié la valeur de votre mon- sera le résultat nécessaire du respect des jeu-
naie? augmentez-en du double la quantité nes militaires pour les anciens officiers, et
circulante; voulez-vous doubler en quel- de l'affection de ceux-ci pour les jeunes
que sorte la considération de vos grades. gens. Ces sentiments réciproques ne sau-
militaires? diminuez-en le nombre de moi- raient exister si le jeune homme aspire à
tié. Pourquoi doublerlesgrades dans le. mê- commander son ancien, ou si celui-ci peut
me corps, dans la même compagnie? Unité c,rai.ndre d'être commandé par le jeune hom-
en tout, unité. L'unité est indivisible, la me si un.corps n'est plus qu'un théâtre
division commence à 2. Quand il sera plus d'intrigue, d'ambition, de jalousie, d'artifi-
difficile-; d'être officier supérieur, ou officier ces, au lieu d'être une école de loyauté, de
générai, vous aurez de meilleurs officiers fraternité, de politesse et d'honneur.
supérieurs et de meilleurs ofliciers géné- Il est possible de concilier dejustes égards
pour 1 âge et les services, avec Teneourage- du du maréchal de Turenne, que ce grand nom
ment que l'on doit au zèle, et avec les me, à la veille d'attaquer les lignes d'Arias,
moyens de parvenir, qu'il faut laisser aux fit avertir f son armée de se préparer à une
talents. expédition
exp périlleuse. Le duc d'York rap-
D'ailleurs, si, danstous les temps, on peut porte Por! qu'on ne vit jamais dans l'armée autant
montrer de l'application à son devoir, on ne
"e de confessions ni de communions que les
jours qui précédèrent l'attaque. Quelques
peut en général montrer qu'à la guerre des JOU1 après,
talents militaires; et peut-être faudrait-il jours |OU1 les lignes furent forcées. On en-
réserver à s'écarter de l'ordre du tableau au tend tera des militaires dire que ces préparatifs
intimident
*ntl le soldat; les soldats de Turenne
moment où les occasions développent le ta- étaient étai donc plus fermes, ou. ce générai
lent, et où les succèsjustifient l'avancement.
moins prudent.
.
Rarementla discipline a péri dans un corps, mo_ Adolphe veillait avec le plus
les officiers étaient trop âgés Gustave
(;
parce que en grand soin sur la religion du soldat; et le
mais plus d'une fois le désordre s'y est mis, 8ra
ana
fameux Scanderberg avait une attention par-
parce qu'ils étaient trop jeunes. Qu'on n'ou- ticulière
blie pas surtout qu'une société telle que la
Xltyi sur ses: mœurs. :[",
On
C ne manquera pas de dire que les sol-
France ne peut périr que par elle-même, et
dat; de la république française se battent
qu'elle se défendra toujours moins, même dats
ave courage, quoiqu'il n'y:ait dans leur
au dehors, par la perfection de sa tactique, avec
.1.
la fidélité de guerriers et l'im- armée
arIÏ aucun signe extérieur de religion;
que par ses précisément ;ce qui
•>1Gf conviens, et c'est
j'en
mutabilité de ses principes.
fa 1t qu'ils sont les soldats de la république
fait
Non-seulement
N 1 il est nécessaire que l'es-
1,
française.
frai
prit de religion renaisse dans l'armée; mais, L'esprit de matérialisme matérialisait tout,
1
à moins que la France ne soit destinée à
semblable à ces eaux qui pétrifient tout ce
périr sans retour, il est impossible que la se" qu'elles touchent. Dans t'homme, on ne
religion ne s'y rétablisse pas parce que la 1U
religion est dans la nature de l'homme so- voyait v0^ plus qu'un corps, et dans le soldat
qu'une machine qu'on ne pouvait mouvoir
oial, ou de la société, et qu'il faut que la so- qu
ciété périsse ou que les principes conserva- que qui par des moyens physiques. On oubliait
?u< l'homme est intelligence, et même plus
que
teurs de la société renaissent. intelligence
inti à mesure que la société est plus
La religion renaîtra dans l'armée par le constituée. C'est une vérité que les factieux
cor
bon exemple des officiers, et c'est une rai- on( ont sentie et dont iis ont tiré un prodigieux
son puissante, pour mettre à la tête des ayJ
avantage. Les faiseurs, genre d'hommesqui
corps, des officiers moins jeunes elle y re- fourmille dans une société en dissolution,
Il
naîtra par un meilleur choix d'aumôniers, voyaient de bons soldats que chez quel-
ne
car il faut absolument un séminaire particu- ques nations dont le soldat ne fait pas de
lier pour cette profession. Que l'administra- chansons et ne dit pas de bons mots mais
tion ne perde pas de vue que ce qui est ils ne s'arrêtaient qu'à l'écorce ils ne
philosophie dans l'officier, devient scéléra- voyaient v0, de cause que la-canne du caporal, et
tesse dans le soldat; qu'il n'y a que des d'effet que l'immobilité du soldat. S'ils eus-
gens sans esprit et sans principes qui ne sent geI cherché à le voir ailleurs qu'à la pa-
puissent trouver un juste milieu entre la bi- rac
rade et à la manœuvre, ils auraient appris
gotterie et l'irréligion, et qui ne compren- qu'une qu
pa~ administration prudente ne néglige
nent pas que, sans faire de chaque soldat un pas le moral de l'homme,. et qu'une adminis-
homme religieux, on peut introduire dans tpg tration ferme commande, tout aux hommes,
l'armée un respect général pour la religion, et même la religion. L'exemple,, l'habitude,
et
comme il y a un respect général pour l'hon- le tempérament, peuvent rendre le soldat
neur, quoique tous les soldats ne soient pas brave la religion seule le rendra fidèle, et
des Césars. Aprèstout, la religion s'accorde les ]e^ gouvernements auront à l'avenir besoin
mieux, dans son principe, avec la profession de la fidélité du soldat plus encore que de
militaire qu'avec toute autre; puisque la re- sa valeur. Au reste, les principes religieux
ligion, comme la profession des armes, n'est tiennent à la première éducation, et ce n'est
qu'obéissance, combat et privations.. tie
pas au régiment qu'il faut pour la première
On lit dans les Mémoires du duc d'York fois foi en parler au soldat. Ce que j'ai dit de
( depuis Jacques 11 ), volontaire dans l'armée l'a l'armée de terre peut s'appliquer à l'armés
887
00i ui^uniu^o COMPLETES
OEUVRES uumriJiL lia»; DE M. DE BONALD. 888
navale. Même immutabilité dans les princi- bleau, suivi à la rigueur, peut empêcher les
pes, même
A p
respect pour les formes, amême
surveillance sur la jeunesse, mêmes égards
')talents de naître, et dans ce cas, on ne peut
regretter des talents qu'on ne connaît pas;
pour l'ancienneté, même soin d'inspirer à mais les choix de faveur étouffent les talents
l'officier comme au soldat du respect pour développés et connus. Il est dans fa nature
la religion et des mœurs décentes. des choses, que l'homme à talents conseille,
Dans le service de terre, on peut, dans gouverne l'homme médiocre que l'ancien-
tous les temps, montrer du zèle et de l'apti- neté place avant lui mais il est dans la na-
tude mais ce n'est proprement qu'à la guer- ture du cœur humain qu'il s'éloigne du sot
re qu'on peut.faire preuve de talents. Dans présomptueux que la faveur lui préfère et
le service de mer, dont la théorie est calcu- peut-être qu'il voie ses fautes avec un secret
lée, et la pratique journalière, on peut, dans plaisir; car l'homme à talents peut se sou-
l'une et dans l'autre, développer, même pen- mettre à être commandé par un homme mé-
dant la paix, des talents distingués que l'ad- diocre, mais il ne peut souffrir d'être bal-
ministration doit encourager. Ainsi elle doit lotté avec un sot.
avancer les élèves de la marine, suivant leur Il s'était fait, en France, plusieurs chan-
application et leurs connaissances, et sans gements dans l'organisation de la marine.
avoir égard à la date de leur admission; tan- J'ignore s'ils étaient nécessaires. Je lis dans
dis que, dans le service de terre, les cadets, le plus judirieux de nos historiens, Hénault,
à sagesse égale de conduite doivent être à l'année 1681 « Ordonnance de la marine,
avancés suivant leur rang d'ancienneté. que les Anglais ont regardée comme un
Dans l'armée de terre, on ne peut pas, dans chef-d'œuvre, et qu'ils ont copiée.» Il serait
l'officier en activité de service, séparer le intéressant de savoir quel est celui des âev$
grade des fonctions; dans l'armée navale, peuples qui y a fait le plus de changements,
on peut être capitaine de vaisseau sans avoir du Français pour qui elle a été faite, ou de
de v&isseau à commander. La raison de cette l'Anglais qui n'a fait que l'adopter. Il serait
différence est sensible. Dans le service de singulier, mais il serait possible, que ce fût
terre, un commandant de corps est subor- le Français qui s'en fût le plus écarté.
donné à des mouvements généraux qu'il est Au reste, je ne sais si le corps de la ma-
toujours forcé de suivre, parce qu'il ne peut rine avait quelque chose à gagner du côté
ignorer les ordres qui lui en transmettent de l'esprit particulier de sa profession,après
la direction, ni éprouver, pour s'y confor- la manière distinguée dont il a générale-
mer, que des obstacles prévus et possibles à ment servi pendant la dernière guerre mais
vaincre. du côté de l'esprit public, il est au-dessus
Mais le capitaine de vaisseau, moins dé- de tout éloge. Il est difficile de méconnaître,
pendant des hommes parce qu'il est plus dans la pureté de ses principes et l'unani-
dépendant des. éléments, n'a souvent de mité de sa conduite dans les circonstances
conseil à prendre que de lui-même, ni d'or^ présentes, l'influence de l'exemple qu'ont
dres à recevoir que de sa volonté. Or, un donné les anciens officiers et du respect
vaisseau est par lui-même et par les hom- qu'ils inspiraient à la jeunesse; et c'est un
mes et les choses qu'il contient, une pro- avertissement pour l'administration.
priété précieuse de l'Etat, que l'administra- Dans ce moment l'affreuse nouvelle des
tion ne doit confier qu'à des talents connus désastres de Quiberon parvient dans ma re-
dans la théorie et éprouvés dans la pratique. traite. La plume tombe des mains, l'ex-
Ainsi, si l'ancienneté donne les grades, le pression manque au sentiment et plus en-
mérite doit distribuer les commandements core à la pensée un seul jour voit périr l'é-
ruais si la faveur les distribue, comme il ar- lite de la marine française; six cents héros
rive trop souvent, alors l'administration est sont égorgés à la vue de leurs foyers, contre
responsable envers la société des fautes de la foi d'une capitulation que, dans leurs
ses protégés, et il vaudrait mieux alors sui- guerres furieuses, des sauvages eussent res-
vre, même pour les commandements, l'ordre pectée. Le ciel et'l'enfer semblent s'être
du tableau. Les choix seraient meilleurs réunis sur ce petit coin de terre pour éton-
car les gens de mérite parviendraient à leur ner l'univers par le spectacle de tous les
tour; l'administration, en cas d'insuccès, forfaits et de toutes les vertus. Clergé de
aurait une excuse, et la préférence ne dé- France, noblesse française, professions so-
couragerait pas le mérite. L'ordre du ta- ciaies,. conservatricesde ia société religieuse
889 PART. I. ECONOM. SOC– THEORIE DU POUVOIR. PART. III. KDDC. ET ADM1N1ST. L.Tl 890
politique, je vous reconnais voyait-il
et de la société politique vôyait-il généralement avec horreur? C'était
à la résignation héroïque du ministre de la la faute de l'administration.
religion, comme à l'intrépidité magnanime 1°h~uisque la milice était une fonction mili-
du guerrier Sans doute, des revers ordi- taire, il était contré la nature des choses de
daires n'étaient pas dignes de vous; et pour charger de sa levée des officiers civils elle
que l'Europe pût vous apprécier, i! vous eût infiniment moins révolté lajeunesse,na-
fallait des malheurs aussi grands que vos turellement guerrière, si elle eût été accom-
vertus î Mais quelle fatalité semble poursuis pagnée de formes plus militaires, et confiée
vre la marine française! Si les libérateurs de à des officiers respectables par leur âge, dis-
ia France s'emparent d'un de ses ports, il tingués par leur décoration, moins suscepti-
est détruit dans leurs mains; s'ils emnloient bles par leur état et leurs habitudes des re-
ses officiers de mer, ils périssent sous leurs proches que le peuple, toujoursinjuste, fai-
yeux; si la guerre civile s'allume en France, sait à ceux qui en étaient chargés.
son théâtre est précisément dans ces mêmes 2° L'administration, en faisant dépendre
provinces, d'où elle tirait ses meilleurs ma' la nécessité de servir l'Etat d'un billet noir,
telots; et, cette guerre remarquable, même semblait regarder les miliciens comme des
entre les guerres civiles par les cruautés coupables qu'il fallait décimer, et que le sort
dont elle est accompagnée consomme dans dévouait au supplice. Ce n'est point ainsi
ces malheureuses contrées jusqu'à l'espoir qu'on gouverne les hommes. C'est une in-
de la population et ces républicains si heu- signe maladresse à l'administration, de ren-
reux et si braves, leur courage et leur for- dre révoltante, par les formes, une chose
tune les abandonnent sur un élément sur honorable en elle-même, mais qui présente
lequel toutes les républiques se sont distin- des côlés fâcheux. Toutes les fois qu'on pré-
guées et victorieux sur terre de tous leurs sentera quelque chose aux hommes sous la
ennemis, sur mer ils ne peuvent même se forme de punition ou de contrainte, on est sûr,
défendre contre leurs rivaux 1 quoi que ce puisse être, de le leur rendre
I! me reste à parler des milices. On a vu odieux. Ce,n'est pas une peine, mais un hon-
que la société emploie moins l'homme à me- neur de servir sa patrie donc il ne faut pas
sure qu'il est plus nécessaire à sa famille; en faire un châtiment; donc il faut en faire
on doit enjconclure, 1° que les exemptions un honneur; donc il ne faut pas préférer les
demilice dont jouissaient en France les pères mauvais sujets pour en faire des miliciens,
et les aînés de famille étaient dans la nature comme on le faisait quelquefois. Les îiiau-
de la société vais sujets ne sont bons à rien, et ne sont
2° Que la levée de la milice, parmi les propres à aucun état c'est contre eux que
puînés des familles qui n'étaient pas enga- la société a établi des lois, des peines et
gées au service de la société ou sociales, une force publique. D'ailleurs un mauvais
était dans la nature de ia société car tous sujet milicien en est beaucoup plus mau-
les hommes, toutes les propriétés doivent vais sujet, parce qu'il se regarde comme in-
un service quelconque à la société; dépendant de sa famille et de toute police,
3° Que les prêtres, les nobles, les magis- et qu'il est plus insolent et plus dangereux.
trats, les jeunes gens qui se destinent à une Il est donc nécessaire que l'administration
profession sociale ou à l'étude des arts uti- change ses formes, si elle veut changer les
les, ne doivent pas être soumis à la milice; idées du peuple. La milice est regardé»
parce qu'on ne peut pas servir la société de comme une
peine, il faut en faire une ré-
deux manières à la fois, ou dans deux pro- compense elle est odieuse, elle deviendra
fessions honorable elle est occasion de violences et
4* Que les domestiques attachés au service de querelles, elle peut devenir moyen d'ins-
personnel ou de luxe doivent être exempts truction et de répression.
de service militaire, parce que leurs maî- 1° Il faut que le peuple soit bien convain-
tres payant pour eux un impôt, achètent cu qu'on n'admettra que de bons sujets
leur affranchissement, et qu'ils ne doivent dans la milice; et pour cela, tous ceux qui
rien à la société comme hommes, puisqu'elle seront admis à concourir seront assistés par
les emploie comme propriété par l'impôt leurs parents ou curateurs, qui attesteront
qu'elle en retire. les vertus domestiques du sujet, je veux
Mais si la levée de la milice était dans la dire son respect à leur égard.
nature de la société, pourquoi le peuple la 2° 11 serait porteur d'un certificat des ofli-
ciers municipaux, visé dans les campagnes Lorsque toutes, les conditions que j'ai
par le correspondant de l'intendant, qui at- exigées seraient remplies, on pourrait faire
testerait ses vertus publiques, je veux dire tirer au sort et ce serait moins des crimi-
son amour pour le travail et sa bonne con- nels qui mettent, en tremblant, la main
duite dans la commune. dans l'urne fatale, que des joueurs qui
3° 11 produirait un certificat du curé, qui attendent que la roue de fortune leur donne
attesterait uniquement ses vertus religieu-• un billet gagnant. Peut-être conviendrait-il
ses, c'est-à-dire qu'il a fait sa première com- que le milicien portât une marque distinc-
munion et qu'il est assidu aux Offices de tive pendant tout le temps de son service,
l'Eglise les dimanches et fêtes. Si vous vou- marque peu dispendieuse, dont l'Etat ferait
lez répandre partout unesprit de religion, il les frais peut-être encore serait-il possible
faut mettre la religion à tout. de combiner l'institution de la milice
Ces cerLificats de bonne conduite domes- en France avec celle qui est établie dans
tique, politique et religieuse dans la jeu- quelques Etats d'Allemagne pour la ca-
nesse, seraient nécessaires pour pouvoir• valerie, et d'avoir des régiments effectifs
occuper des fonctions publiques dans sat de cavalerie qui seraient fournis par les
commune le jeune homme les présenterait, communes, qui, au lieu de donner tous les
comme le soldat montre une bonne cartou- ans un milicien, fourniraient tous les huit
che et pour peu que l'administration y mîtt ans un cavalier équipé, avec son cheval,
de la suite et de l'adresse, celui qui ne pour- dont elles répondraient. Au bout de huitans,
rait pas présenter ces attestations trouveraitt ce cavalier serait fidèlement renvoyé à sa
difficilement à se marier. Si l'on demande commune,même lorsqu'il voudraitcontinuer
pour le tirage de la milice des conditions de servir mais rien n'empêcherait que la
morales, il faut supprimer toute autre qua- commune, par un nouveau choix, ne le ren-
lité physique qu'un corps sain. On peut exi- voyât au régiment.
ger une taille déterminée de celui qui s'en- Le service de la cavalerie est plus du
gage volontairement il ne remplit pas unt goût de la nation, parce qu'il est plus cons-
devoir, il embrasse la profession des armes titutionnel; il est plus. constitutionnel,
comme il aurait embrassé toute autre pro- parce qu'il est plus défensif qu'offensif.
cession mais le milicien remplit un devoir, Un État ne se défend contre l'invasion
et il est contre la nature des choses que3 qu'avec de la cavalerie, il ne fait des con-
l'homme, dont le devoir est de servir l'Etat, quêtes durables qu'avec de l'infanterie.
Aussi remarquez que, dans les: révolutions
en soit empêché, parce qu'il n'a pas cinqj
pieds deux pouces. La milice, si l'on veut, des -Etats monarchiques, la cavalerie est la
dernière séduite.
sera un peu moins élevée, mais l'institutioni
sera excellente, et il en résultera, à la lon- On a longtemps agité la question de
gue, dans la nation, un esprit général de dé- savoir si les compagnies de cavalerie devaient
vouement à l'Etat, d'estime pour la profes- ou non appartenir au capitaine en propriété.
sion militaire, de respect pour la religion ett Les faiseurs décident d'une manière, et la
les mœurs. constitution d'une autre. Ceux-là mettent
Je n'envisage cette institution que sous lee au-dessus de tout la tenue du cavalier et la
rapport du perfectionnement de l'hommee perfection de la manœuvre. Mais la consti-
moral. Ce n'est pas qu'il n'y ait pour unee tution estime l'homme plus que l'habit, et
administration habile et vigilante dess les sentiments plus que les évolutions. Or il
les cavaliers étaient mieux
moyens de perfectionner l'homme mêmea est certain que
physique ces moyens sont 1* la répression n choisis et plus surveillés, lorsque l'officier
du libertinage, que les petites villes com- avait intérêt à les choisir et à les surveiller.
merçantes et fabricantes répandent dans less On voyait alors dans la cavalerie des jeunes
d'une espèce qui y est beaucoup
campagnes; 2° la modicité des dots dess gens
femmes, qui fait qu'on s'attache plus aux x plus rare aujourd'hui et que les parents
oflicier voisin et connu.
avantages extérieurs; 3' le soin de la pre- avaient confiés à un
mière éducation physique des enfants; Des cavaliers ainsi choisis officiers. n'auraient ni
k° l'emploi des jeunes gens pour les travaux x trahi, ni livré, ni tué leurs Cette
champêtres, plutôt que pour les occupations5 formation était d'autant plus conforme à la
sédentaires. constitution, qu'elle rappelait le temps où
Je reviens à la levée de la milice. .la noblesse marchait au combat avec se»
vassaux. Elle n'avait en soi aucun inconvé- aujourd'hui, nuisait au bien du service, en
nient, mais l'administration ne la surveillait ce que le cavalier craignait toujours d'excé-
pas, et les abus s'y étaient glissés. Alors on der son cheval, et que l'officier craignait par
la détruisit car en France on ne savait que la même raison de l'envoyer trop souvent en
détruire, et l'on ne savait ni maintenir ni course. Il ne faut pas donner à forfait le
corriger. L'administration faisait comme un maintien de l'ordre public, ou bien il faut
homme qui rebâtirait sa maison, parce qu'il créer une chambre d'assurance contre les
y a des gouttières. La guerre se fait mieux, révolutions.
dit-on, lorsque les compagnies appartien- 3° Les cavaliers étaient trop jeunes. Us
nent à l'Etat. Ne. se désabusera-t-on jamais avaient quelquefois toutes les passions de
de regarder la France comme un Etat la jeunesse avec toute la fierté du métier, et
conquérant? La France est plus constituée ils pouvaient être cause ou occasion de
qu'aucune autre nation donc elle est plus désordre, eux qui étaient faits pour le ré-
qu'aucune autre nation dans les bornes que primer.
la nature lui a marquées donc elle a plus 4° Par cette même raison, ils
se mariaient
à conserver qu'à acquérir; donc ses insti- presque tous, et le mariage était plus con-
tutions militaires doivent ;être plus défensi- traire à leurs fonctions qu'à la profession
ves qu'offensives.Mais parce qu'elle a moins de soldat de ligne. Une fois mariés, on ne
à craindre du dehors, elle a plus à craindre pouvait, sans dureté, les éloigner de leiw
du dedans. Je l'ai déjà dit: une société cons- famille, ni éloigner leur famille, en dépla-
tituée ne peut périr que par elle-même çant son chef des lieux où étaient ses pa-
donc la France doit perfectionner son admi- rents, ses habitudes, quelquefois ses moyens
nistration intérieure; donc l'administration de subsistance. Le soin de sa famille dis-
doit diriger toute son attention vers le moral trayait le cavalier de son état, et faisait qu'il
de l'homme, parce que le moral de l'homme, cherchait à faire des épargnes aux dépens
surtout après une révolution, est à la fois de sa tenue, de sa nourriture et de celle de
l'ennemi le plus dangereux de 'la société son cheval, ou des profits aux dépens de
et le moyen le plus puissant de l'adminis- son devoir. Le cavalier marié contractait
tration. avec les habitants des liaisons de parenté et
Je dois, pour ne rien omettre, parler des d'amitié, nuisibles au besoin du service.
maréchaussées. Cette institution excellente, Il faudrait qu'un cavalier eût servi au
particulière à la France,,à ce que je crois moins seize ans, et qu'il fût âgé au moins
y maintenait l'ordre et la tranquillité. On de trente-cinq ans, parce que cette fonction
me dira peut-être qu'il n'en existe pas en demande à la fois de la force et de la pru-
Allemagne; mais on ne fait pas attention dence, et que, si le cavalier tire sa force de
que le grand nombre de souverainetés y ses armes et de ses habitudes, son âge seul
multiplie, d'une autre manière, la force pu- peut lui donner la prudence nécessaire.
blique. La paye du cavalier doit être avantageuse.
L'administration avait très-bien fait de parce que cette place doit être récompensée.
mettre cette troupe sur un pied militaire; On ne devrait recruter la maréchaussée que
car, puisqu'elle est force publique, elle doit dans les troupes à cheval. Le soin des che-
en avoir tous les caractères; et ce n'est que vaux, la nature du service le demande.
par la rigueur de la discipline militaire la D'ailleurs il me semble qu'on peut trouver
plus sévère, qu'on peut retenir dans l'es- plus aisément dans le cavalier les qualités
prit et lès habitudes de leur profession des physiques ou les talents acquis que deman-
soldats casaniers, dispersés dans les cam- dent des fonctions pour lesquelles il faut
pagnes par petites troupes et sans réunion savoir au moins lire et écrire.
habituelle. Mais, 1° parce qu'elle était sur On a proposé de créer une maréchaussée
un pied militaire, elle se croyait quelque- à pied, uniquement parce qu'il y en avait
fois dispensée d'obéir, ou n'obéissait qu'à une à cheval, et pour faire quelque chose.
regret aux réquisitions des officiers civils; L'institution serait détestable, parce qu'el-
et elle alléguait ou attendait des ordres tar- le ne serait point considérée aux yeux du11
difs de chefs souvent éloignés. peuple ces soldats de police à pied ne paraî-
2° L'arrangement par lequel le cavalier traient que des recors. Le paysan ôte son
était chargé du remplacement de son che- chapeau au cavalier il ne regarderait pas
val au moyen d'une somme trop modique l'autre.
895
II
ïi nV
OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD.
dp raison nrmr
na« de
n'y àn pas l'oraa-
iVhançrer l'orga-
pour changer
nisation de la maréchaussée mais il y en a
&
parce
p
v.lV
consacrer des forfaits par leur présence;
présence:
que, dans la république, elles n'ont
89G
officiers
o
L1i UVrICILV.
d'un même corps ce qu'ils sont danss
sement maintenue. le corps, ou de t'apprendre à leurs soldats
li
II faut observer qu'il ne doit jamais être officiers
o et soidats du même corps, tous doi-
permis à l'homme d'Eglise ni au magistrat vent v se connaître entre eux cette connais-
de quitter le costume de leur état, parce, sance s est même un des principaux devoirs
que ia religion et la justice doivent être de d l'officier. Dans toute administration, il
toujours présentes, et qu'il faut que le peu- est e plus important qu'on ne croit que le su-
pie contracte, en les ayant sans cesse sous périeur I puisse appeler l'inférieur pmr son
les yeux, l'habitude de les aimer mais il nom. r 11 acquiert dès lors sur lui un grand
n'est peut-être pas également nécessaire que ascendant,
s parce que tout homme est flatté
le militaire porte continuellement le sien, d'être c connu, surtout de ses supérieurs,
.parce que la force ne doit se montrer qu'au > dont c la connaissance semble lui répondre
besoin, et qu'en se familiarisant avec elle-, de ( l'intérêt qu'ils prennent à sa personne
le peuple peut cesser de la craindre. i( 1.
Le roi, dans les cérémonies publiques, Le but de cette distinction est-il de classer
porte un costume qui tient à la fois du mi- entre i eux des militaires inconnus tes uns
litaire et du magistrat, et pius du magistrat aux i autres, que le hasard assemble à u-neta^
que du militaire; parce que le pouvoir gé- ble 1 d'hôte, et d'établir entre eux des rangs
nérâl est, relativement au sujet, plus justice et < une préséance? Dans ce cas, il ne peut y
que. force: peut-être devrait-il porter cons- en < avoir d'autre que celle de l'âge et de la
tamment un habit qui rappelât cette double Jécoration qui l'exprime. C'est un grand in-
fonction. ^onvénient politique de ces distinctions mi-
Faut-il une marque particulière pour nutieuses, qu'elles ne laissent pas même
distinguer les différents grades dans la à 'l'ancienneté d'âge la ressource d'une mé-
même profession ? ,» orise.
Est-ce d'apprendre au soldat qu'il doit un
Cette distinction existe "en France dans le
tnilitaire, où des épaulettes ou autres mar- sutre respect et une autre obéissance au
ques caractérisent les différents grades avec lieutenant qu'au sdus-lieutenant, au capi-
une précision bien minutieuse et, je ne crains taine qu'au colonel, etc.? Mais s'il avait
pas de le dire, bien inutile, pour ne rien des nuances à marquer, aux yeux du soldat»
dire de plus. k
dans la subordination, la différence serait à
Dans les grades militaires, on doit distin-; l'avantage du supérieur immédiat; et dans
guer les classes et non les grades. Je m'ex-' la hiérarchie des grades, l'inférieur doit
plique:on distingue deux classes d'officiers reconnaître, avant tout, les ordres d'e celui
officiers particuliers d'un corps, officiers gé- qui les lui transmet sans intermédiaire.
néraux de l'af mée. &r. Est-ce enfin d'avertir les gens du monde
Il est dans la nature de l'organisation mi- de mesurer leurs égards sur les soies de
litaire de distinguer les officiers particuliers l'épaulette? L'âge, les décorations dont je
des corps, des officiers généraux de l'armée, parlerai tout à l'heure, l'éducation doivent
parce que le service et la constitution même marquer les nuances. On doit
souhaiter,
mettent entre eux cette différence, que les plus qu'on ne doit les craindre, les quipro-
officiers particuliers n'appartiennent qu'à un quo de ce genre. Il serait heureux qu'à l'ins-
à la sé-
corps, et les officiers généraux à toute l'ar- truction, à la décence des manières,
mée. vérité des principes, on se méprît sur les
Toute autre distinction me paraît fausse grades. Le jeune officier; qui s'aperçoit que
et puérile; elle ne peut avoir été imaginée son grade est peu considéré, ne le respecte
que parle petit esprit et parl'orgueil; et elle pas lui-même et trop souvent les gens du
est en effet une nouveauté dans le militaire monde, et particulièrement las femmes, se
français. Entrons dans le. détail. Quel est le permettaient de distinguer les épaul.e.ltes
but de cette distinction entre les officiers d'une manière peu obligeante. Tous les gra-
particuliers d'un même corps?2 des doivent être considérés par les gens du
Ce n'est uas sans doute d'apprendre aux monde, parce que tous les grades sont utiles
(1)} Le cardinal de Retz, terrassé dans une tout confus et 'en lui demandant pardon. C'est nn
«meule populaire, par un homme qu'il ne connais- des traits de la vie du coadjuteur, qui prouve le
sait pas, et au moment d'cn être poignardé, lui plus sa profonde connaissancedes hommes, et son
cria Ah! malheureux, si ton père te voyait! Cet extrême présence d'esprit.
homme crut être connu du cardinal, et se retira
à la société. Quant à la considération per- loir civiliser la religion, ce qui est bien loin
sonnelle, elle n'est pas attachée au grade, de ma pensée. Je l'ai dit ailleurs, la société
et le brevet du roi ne la donne pas. religieuse et la société politique doivent dif-
Dans la profession sénatoriale, les dis-. férer par les moyens, parce qu'eHes s'accor-
tinctions entre les offices ne sont marquées> dent dans le but. Au reste, la distinction de
qu'à l'audience. Il n'y en a de particulières l'anneau est connue dans les fonctions émi-
>
que pour le chef de la compagnie, ou pour nentes du ministère de la religion, et c'est
celui qui remplit les fonctions éminentes dut
une raison de plus au gouvernement civil
ministère public. pour l'adopter. Dans l'administration ecelé-
En même temps que l'on s'attachait ent siastique, tout ce que la nature de la société
France à distinguer les grades avec une pré- a établi est parfait. En Egypte, qui nous a
cision si scrupuleuse, le petit esprit s'exer- offert le type de la constitution politique des
çait à faire disparaître toute distinction ex-
térieure dans le costume entre l'officier et le
sociétés, « les prêtres et les soldats, dit
Bossuet, «avaient des marques d'honneur
soldat. Des idées étroites d'uniformité l'em- particulières. »
portaient sur des considérations moralesl
bien autrement importantes, sur la nécessité CHAPITRE IV.
de relever le supérieur aux yeux de l'infé- CHATIMENTS, RÉCOMPENSES.
rieur par tous les moyens qui peuvent parler La société emploie pour sa conservation
à l'esprit et frapper les sens. Frédéric don- les peines et les récompenses, et elles sont
nait à l'officier prussien le chapeau bordé et dans la nature de la société, parce qu'elles
l'écharpe tissue d'argent et en France, on sont dans la nature de l'homme.
Jeurôtait le jabot et les manchettes. Il faut L'homme a des affections il faut donc so
quelque chose de solide et de riche qui re- servir de ses affections pour le gouverner. Il
lève celui que son physique ne relève pas s'aime lui-même donc il veut sa conaervâ-
toujours. Le soldat estimera plus l'officier tion ou ce qui lui est utile; donc il craint
qui lui paraîtra opulent, et cette estime pour sa destruction, ou ce qui peut lui nuire;
la richessen'est pas immorale en elle-même, donc il faut le porter au bien par J'espoir de
puisqu'elle est dans la nature de la société. la récompense, et le détourner du mal par
L'homme plus propriétaire est en quelque la crainte du châtiment.
sorte plus social. Il ne faut pas alléguer des Quelles sont les actions que la société doit
motifs d'économie; il n'y a de cher que ce punir, quelles sont celles qu'elle doit ré-
qui est inutile. compenser'"
Il y a d'autres distinctions, qui ne doivent 11 faut revenir à la distinction de famille
être.qu'accidentelles ce sont celles des of- et de société, d'homme naturel et d'homme,
ficiers de police ou municipaux. Une com- politique ou social (1).
mune est une grande famille; l'autorité, Un principe vrai est toujours un principe
toujours représentée et extérieure, y devien- fécond.
drait insupportable, si les yeux ne s'y ac- La société politique ne peut punir ou ré-
coutumaient pas; ou vaine et sans effet, s'ils compenser que l'homme qui lui appartient,
s'y accoutumaient trop. Les officiers muni- l'homme politique ou social c'est-à-dire
cipaux ne sont que conseil dans l'exercice qu'elle ne peut punir ou récompenserque
ordinaire de leurs fonctions ils ne devien- les actions qui viennent à sa connaissance,
nent autorité que lorsqu'ils ont besoin d'exi-
ou par la plainte 'd'une partie intéressée,
ger l'obéissance alors le signe extérieur du ou par la dénonciation d'un tiers, ou parce
pouvoir est efficace, parce qu'il annonce la que l'action s'est passée dans un lieu public.
présence de la force. La fourberie, l'avarice, l'orgueil sont des
J'aurais proposé, comme très-convenable, vices mais tant que ces vices ne sortent
de donner l'anneau d'or aux fonctions reli- pas de l'intérieur de la famille
ou de l'hom-
gieuses qui donnent charge d'âmes, si je me naturel, la société les ignore, elle n'a
n'eusse craint qu'on ne m'accusât de vou- aucune peine à décerner; mais si la four-
(i) Je me sers indifféremment de l'expression L'homme de la société naturelle est homme social
d'homme social ou politique, en parlant de l'homme
de la sociélé politique par opposition à l'homme comme l'homme de la société politique; et pour
parler très-correctement,il faudrait dire l'homme
naturel ou à l'homme -de la famille ou société na- social naturel, l'homme social politique, l'homme
turelle; parce que, dans le langage ordinaire, on social religieux.
B'iiiiienil par le mot sociélé que ta société politique.
._•
JVV
berie .,““
*n. m»(/5n;oi
se manifeste par un faux
matériel,
l'avarice par le vol l'orgueil par l'on-
trage, alors ces vices devenus sociaux, si je
l'ose dire, ou publics, ne peuvent plus être
enfant
onfani
er nni nourrit son
qui son père, mais elle ré-
compense un homme qui expose sa vie pour
ce
sauver
sa celle de son semblable. La société
ne punit pas les vices de l'homme
ne
ré»
dans sa fa-
ignorés de la société, qui les punit suivant mille,
m parce qu'elle ne les connaît pas mais
la gravité du délit. elle ne récompense pas les vertus domesti-
el
Un homme est brutal et violent, des en- ques q; ou de famille, même lorsqu'elle pour-
r; les connaître parce que
l'homme vi-
fants sont peu respectueux envers leurs pa- rait
rents-; tant que ces actions se passent dans cieux ci est ce qu'il ne doit pas être: il
le sein de la famille, la société les ignore, s'écarte s' de la règle et il doit en être punii
elle ne peut les punir. Mais si une femme mais n l'homme vertueux dans sa famille est
vient se plaindre des déportements de son ce c> qu'il
doit être sa conduite est conforme
lieu à récompense
mari, ou un père de mauvais traitements de à l'ordre; il n'y a pas
la part de ses enfants si un voisin dénonce de d la part de la société.
à la police les «xcès qui se commettent
dans C'est à la religion à punir ou à récompen-
maison, ou si un mari maltraite sa ser s les vices ou les vertus domestiques,
une seule peut connaître les uns,
femme, ou des enfants leur père dans un lieu jparce qu'elle
motif des autres.
public; ces étions deviennent extérieures «ou apprécier le
publiques, îa société les connaît, elle doit Ainsi les institutions connues sous le nom
et multipliées de nos jours si
les punir. c rosières, si
de
Si la société attendait que les actions cri- vantées ï par nos beaux esprits qui récom-
connaissance par la pensaient la vertu domestique dans là fem-
minelles vinssent, à sa 1
d'une partie intéiessée, la déuon- me, c'est-à-dire dans un sexe qui n'appar-
plainte r
IL ADMINISTRATION EXTÉRIEURE,.
appelons monnaie, pouvait, quelle qu'en fût déréesdi comme des propriétaires employèrent
la matière, suffire aux besoins des hommes une u partie de leurs productions pour leur
qui étaient convenus de s'en servir ou qui consommation,
c< et elles en échangèrent une
étaient obligés d'en faire usage, en vertu de autre
ai partie contre d'autres productions uti-
leur soumission à l'autorité qui l'avait éta- les le que leur sol ou leur industrie leur refu-
b|i; mais il était sans valeur représentative sait.si Elles exportèrent les unes au dehors,
à l'égard des hommes qui ne reconnaissaient elles el importèrent les autres du dehors cette
pas la même autorité ou qui n'avaient pas importation
if et cette exportation s'appelèrent
£ait la même convention. «
commerce, comme les échanges entre parti-
II fallait, un signe qui pût servir h tous les culiers
ci dans la même société s'appelaient
hommes et à toutes les sociétés, indépendant trafic.
tr Elles échangèrent contre des métaux
des caprices de l'autorité et des variations de le superflu de leurs productions territoriales
l'opinion il fallait donc un signe qui eût et-industrielles;
el et comme elles avaient tous
le ans, à peu près, les mêmes produits et
«ne valeur propre, réelle, intrinsèque la les
nature offritles métaux. le mêmes besoins, elles eurent tous les ans,
les
Les métaux réunissaient toutes les condi- à peu près, le même excédant par consé-
tions qui pouvaient en faire le signe social, quent,
qi la quantité de leurs métaux s'accrut
c'est-à-dire universel et représentatif des tous to les ans, et la circulation du numéraire
valeurs de toutes les propriétés du sol ou devint di plus rapide, parce que le numéraire
de l'industrie, l'intermédiaire de tous les devintdi plus abondant.
échanges entre tous les hommes et entre Une nation qui, par la faute de son admi-
toutes les sociétés. Ils avaient une valeur ri; riistration ou le malheur des circonstances,
Une nation pauvre peut créer un papier- si le numéraire reparaissait en France tel
'monnaie pour suppléer à la disette du signe qu'il
< existait avant la révolution, les assi-
-métallique; mais ce papier, uniquement gnais
{ seraient inutiles.
•établi pour les besoins du commerce inté- L'argent est donc utile, tant qu'il n'est
rieur, doit être en fractions semblables à (que signe représentatif de
la valeur des den-
celle de la monnaie métallique. Dès lors il rées il est funeste lorsqu'il devient denrée
est aussi embarrassant que le métal lui- lui-même, dont la valeur est représentée par
même, beaucoup plus périssable et, comme ]un signe. Cette
différence est le vrai motif
il est la ressource de la pauvreté et un signal de la sévérité des lois de la religion chré-
de détresse, il n'obtient jamais qu'un cours tienne sur l'usure et le prêt à jour, ou sans
forcé et une confiance équivoque. aliénation du capital. Plus attentive, à la
conservation de la société qu'à l'intérêt mer-
Une nation riche établit un papier de cantile de l'individu, elle a condamné l'u-
banque, pour réduire, sous un signe por-
tatif, un métal devenu chez elle trop abon-
sure en généra! parce qu'elle a toujours
répugné à considérer l'argent comme une
dant dès lors il n'y a d'autre terme à la va- denrée, et qu'elle a cherché à prévenir les
leur numérique du billet que la volonté de effets destructeurs d'une circulation trop
l'administration. Ce papier a la même va- facile.
>
leur que l'argent lui-même, et il est beau- A mesure que le numéraire augmente
coup plus transportable et, comme il est le chez une nation, et qu'il en faut une plus
résultat et le signe d'une excessive opu- grande quantité pour représenter la valeur
lence il obtient partout le même cours et des choses nécessaires à la vie et se les pro-
la même faveur. On a peine à se procurer
curer, le désir d'avoir de ce signe ou la
dans les Etats-Unis un mauvais dîner avec cupidité devient plus active. L'on remarque
le papier-monnaie de l'Etat; vingt mille
en effet bien plus d'avidité pour l'argent
francs en assignats peuvent à peine aujour- dans les pays où il y a le plus de numéraire,
d'hui payer, à Paris, une place au parterre et dans les conditions qui en gagnent le
de la comédie. Avec le papier de banque de plus. Du désir d'en acquérir, naît la crainte
Londres, d'Amsterdam, et les assignats de de le dépenser et l'on remarque aussi, en
France (pendant les premières années de la général, des vertus moins généreuses dans
révolution) on a pu payer un forfait dans certains pays et dans certaines conditions,
tout l'univers. que dans d'autres pays et dans d'autres
Les variations qu'ont éprouvées dans leur conditions. Ce désir du gain est plus actif
valeur les assignats viennent à l'appui de dans certains gouvernements ou poar
mon principe, ils ont été reçus à peu près mieux dire; avec certaines opinions reli-
au pair de leur valeur numérique, tant qu'ils gieuses et j'ai expliqué dans la seconde
ont été papier de banque et qu'ils ont été le partie de cet ouvrage le phénomène que
signe d'une grande abondance de numé- l'on remarque en plusieurs lieux de l'Eu-
raire ils ont baissé à mesure que le numé- rope, du travail sans passion à côté de l'in-
raire s'écoulait, et sont venus à rien, lors- dustrie la plus ardente, de l'insouciante et
que, par la disparition des espèces, ils n'ont tranquille médiocrité à côté de la richesse
fait l'ofrice que de papier-monnaie. Et qu'on insatiable et de la cupidité la plus inquiète.
ne dise pas que leur baisse progressive est La cause de l'accroissement simultané de
produite par les événements car il serait la cupidité et de la richesse métallique est
aisé de prouver qu'à juger les probabilités dans fa nature physique de l'homme dont
des événements, les assignats devaient, à les sens s'enflamment à la vue des objets
leur création, perdre ce qu'ils perdent au- qui peuvent satisfaire leurs appétits; et dans
jourd'hui. Les efforts que l'on fait en France la nature morale de l'homme, qui, à la vue de
pour les faire remonter sont donc inutiles l'augmentation rapide et successive du prix,
en laissant à part le vice de leur naissance des choses utiles ou agréables, craint de ne
et le peu de solidité de leur hypothèque, il nas pouvoir suivre une progression dont il
ne peut apercevoir le terme. La cupidité tre en œuvre. Voilà du travail, c'est-à-dire
erifante les crimes au défaut de moyens des moyens de subsistance. Les hommes se
légitimes d'acquérir, on emploie les moyens mu!tiplient;«arpartout les hommes se mul-
criminels; les mœurs se corrompent, tes tiplient en raison des subsistances.
passions achètent tout au poids de l'or; Si l'on suppose que les communications
l'homme leur vend sa force, la femme sa soient tout à coup interceptées, ou qu'elles
faiblesse; et le commerce, effet et cause deviennent très -difficiles par l'effet d'une
de la cupidité, perd l'homme et bientôt la
guerre ou d'une. épidémie générale» il se
société. trouve, dans le pays des matières premières,
Une cause qui contre-balance dans la so- une population extraordinaire qui manqué
ciété l'effet inévitabledel'accroissementdunu- de subsistances, et dans le pays de l'indus-
méraire, est l'emploi qui se fait des mé- trie et des arts, une population extraordi-
taux. précieux, comme matière; et, sous ce naire qui n'a plus de travail. L'inquiétudé
rapport, la religion, qui en emploie beau- se manifeste; les uns s'en prennent à leur
coup pour ses usages, vient en cela même gouvernement de la disette de subsistances,
au secours de la société. les autres s'en prennent à leur administra-
Si le commerce ne se faisait qu'avec les tion du défaut de travail.
produits du sol ou de l'industrie nécessaires Alors, si dans cette société il se trouve
à l'homme, il ne serait qu'utile à la société, des philosophesqui veuillent faire une const-
parce qu'il ne pourrait jamais s'étendre au- titution religieuse, pour y faire entrer leurs
delà de la somme des productions naturelles, opinions, et des ambitieux qui veuillent
ou de la quantité des besoins réels. Mais le faire une constitution politique, pour y éta-
commerce s'est étendu bien au delà des blir leur pouvoir particulier, il se fera une
bornes que la nature lui avait prescrites révolution. Mais une révolution ne peut oc-
il a fait naître à l'homme des besoins qu'il cuper, encore moins nourrir une population
ne connaissait pas, dans les fragiles ou- extraordinaire; on fait donc la guerre, parce
vrages d'une industrie recherchée et dans que la guerre est nécessaire pour occuper
ies productions étrangères que la nature les uns et pour donner des subsistancesaux
peut-être ne destinait pas à être un aliment autres, en les réduisant au nombre que leur
usuel pour l'homme, parce qu'elles ne crois- pays peut nourrir. Ces désordres ne sont
sent qu'à force d'hommes. pas l'intérêt du commerce; mais ils sont
L'homme se croit plus heureux, parce l'intérêt des commerçants. Avides de chan-
qu'il satisfait des besoins qu'il n'éprouvait ces et de hasards, qui offrent aux désirs cet
pas comme il se croit plus riche parce qu'il espoir indéterminé qui forme, pour ainsi
a p! us d'or pourla même quanti té de denrées; dire, le fond de l'homme, parce qu'il est
et le commerce abuse l'homme sur son bon- dans sa nature immortelle, les commerçants
heur comme il le trompe sur ses besoins. fournissent à grands frais, parce qu'ils four-
Cependant l'habitude rend ce bonheur né- nissent à gros risques des armes et des
cessaire; ces besoins factices, elle les rend subsistances. Dix s'y ruinent, un seul s'en-
réels. Le commerce s'empresse de prolonger richit et l'aveugle cupidité, fille de l'espoir
l'un de satisfaire les autres. Il apporte à et de la crainte, s'accroît également des
l'homme les denrées dont il ne peut plus se malheurs des uns et du succès de l'autre.
passer; il apporte à l'industrie la matière Tout intérêt de patrie, tous devoirs envers
première de ses ouvrages. S'il faut une plus le souverain disparaissent devant l'intérêt
grande quantité de ces denrées, il faut plus des commerçants.
d'hommes pour les faire naître s'il faut plus Dans une guerre entre la France et l'An-
de ces matières premières, il faut plus gleterre, on assure, à Londres, les vaisseaux
d'hommes pour les extraire ou leur donner français. Dans cette guerre, les armées fran-
la première façon. Là où il faut plus d'hom- çaises avaient des fournisseurs dans les
mes, il faut plus de subsistances; le com- pays mêmes dont elles méditaient la con-
merce les apporte; c'est une récolte annuelle quête elles y ont trouvé des entrepreneurs
sur laquelle l'homme compte, et il se multi- après les avoir conquis. Quelquefoisl'admi-
plie en conséquence. D'un autre côté, l'im- nistration ferme les yeux, parce qu'elle cal-
portation des matières premières des ou- cule que les armées trouveront toujours des
vrages de l'industrie et des arts suppose une fournisseurs, et qu'il vaut mieux que son
quantité considérable de bras pour les met- pays en gagne le bénéfice; mais l'homme
qui sait ce que vaut l'or et ce que valent les son véritable état de force et de prospérité
vertus, gémit de douleur de voir une admi- parce qu'alors l'argent, conformément à l'in-
nistration aveugle se trahir elle-même, et tention de la nature, y est signe représen-
tolérer, dans un sujet, le scandaleux exem- tatif et moyen d'échange et non valeur re-
ple d'une intelligence avec l'ennemi de son présentée et objet lui-même d'échange et
pays.- que cette société est comme ces familles
Ce n'est qu'en général qu'on doit considé- propriétaires qui ont avec abondance le né-
rer l'effet dangereux pour la société qui peut cesssaire, l'utile et l'agréable, mais qui n'ont
résulter de la multiplication forcée des hom- pas le superflu, aliment des passions et écueil
mes produite par le déplacement des sub- de la vertu.
sistances, ou l'effet à la longue aussi dange- II n'y a pas une seule société qui ne puisse
reux de certaines habitudes que le com- trouver, dans le superflu de ses produits
merce, et non la nature, a données aux na- territoriaux ou industriels, de quoi se pro-
tions. Il -est rare qu'on puisse en faire une
application particulière à telle ou telle con- curer le nécessaire car la société qui ne,
pourrait pas se procurer ce qui est néces-
trée l'effet est sensible dans toutes, sans saire à sa conservation, ne pourrait pas se
être entièrement développé dans aucune en conserver. Mais à la fin du xv'siècle, je veux
particulier. Cependant on peut juger que, si dire lors de la découverte de l'Amérique, la
quelque événement, qui est dans l'ordre des soif de l'or s'alluma au sein des sociétés,
possibles, rendait extrêmement rares en Eu- dans le même temps qu'un événement non
rope le café et le tabac, la tranquillité des moins remarquable en altérait la constitu-
.petipkss du Nord -en serait peut-être altérée;
tion politique et la constitution religieuse
que si le .goût des marchandises de l'Inde en introduisant dans la société politique les
venait à,passer,il s'écoulerait du temps avant principes démocratiques, et dans la société
que le commerce de l'Angleterre prît une religieuse les dogmes de la réforme; c'est-
autre direction par la même raison qu'une à-dire que les passions des sociétés se dé-
grande partie du peuple de Genève ne sau- chaînèrent par l'affaiblissement du double
rait comment subsister, s'il était possible frein qui les réprimait. Alors les sociétés fu-
qu'on pût se passer dé montres. rent tourmentées de la fureur d'avoir un ex-
Je.ne puis me résoudre à quitter cette ma- cédent de superflu, d'avoir, pour ainsi dire,
nière intéressante, sans avoir fait remarquer le superflu du superflu même; et de cette
à mes lecteurs quelques autres effets du cupidité universelle naquit un nouveau su-
commerce sur la société. jet de guerre entre les sociétés, pour la pos-
fee commeree exporte d'une société agri-
session exclusive de ces contrées, qui four-
cole le blé, la laine, le vin, l'huile, le sel nissaient à leurs heureux propriétaires une
qu'elle a de trop; il y importe des métaux,
matière d'exportation d'autant pi tii S' pré-
des cuirs, des chanvres,des résines, des bois cieuse, qu'elle renfermait une grande râleur
de construction qui lui manquent. Quelque-
fois, il est vrai, il exporte du blé d'un côté, sous un petit volume.
et il en importe de l'autre; mais cette ex- Examinons ce qui se passait en France à
portation et cette importation se détruisent cet égard. La France soldait les denrées de
mutuellement et se réduisent à zéro pour la ses colonies avec les produits de son sol et
société; il en résulte seulement un bénéfice de son industrie, et elle achetait des autres
pour le particulier. nations ce qui lui manquait, avec le double
Une société exporte donc ce qu'elle a ae superflu de ses productions colouiales et de
trop, elle importe donc ce qui lui manque ses productions territoriales et industrielles.
c'est-à-dire qu'avec son superflu, elle achète Ses commerçants faisaient de gros bénéfices
le nécessaire. Aucune société ne peut se sur ces exportations et sur ces importations;
passer entièrement des autres toutes les et tandis que le luxe augmentait le besoin
sociétés doivent donc tendre à avoir un su- des importations, le commerce augmentait le
perflu dans leurs produits territoriaux ou superflu exportable des productions indus-
industriels pour se procurer les produits trielles et même des productions territoria-
nécessaires d'un autre sol et d'une autre in- les. Ceci a besoin d'explication.
dustrie. Je crois qu'une société dans la- Je l'ai déjà dit en multipliant le travail,
quelle il n'y a de superflu que ce qu'il en on multiplie les moyens de subsistance, on
faut pour se procurer le nécessaire, est dans multiplie les hommes; les hom-mes à leur
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muitinlient le travail, et le
tour multiplient travail mul-
le-travail mal- rovaurae
royaume
r mais l'argent n'est pas
nas ou ne doit
tiplie lés moyens de subsister. pas
} être richesse, il n'en est que le signe,
Les grandes villes sont les grands atelierss cet la nation la plus riche et la plus indépen-
de cette industrie manufacturière, plus utile3 dantesera
< toujours celle qui aura le plus de
aux commerçants qui veulent accroître !ai productions
ï territoriales. Le joueur qui a le
somme des produits exportables,qu'à la so- plus
I de jetons devant lui n'est pas pour cela
1le plus riche; tant
ciété qui veut conserver l'homme physiques que le jeu dure, ces je-
et l'homme moral. ttons appartiennent au jeu et non au joueur;
Les manufactures entassent, dans les vil- il ne sait ce qu'il gagne que lorsque la par-
les, une population immense d'ouvriers, t finit, et entre les nations le jeu ne finit
tie
dépourvus des vertus qu'inspirent le goût ett pas. Si vous considérez le propriétaire, est-
la culture des propriétés champêtres, livréss i plus riche lorsqu'il véïidra son blé le dou-
il
1ble de ce qu'il le vendait, si le renchérisse-
à tous les vices qu'enfante la corruption dess
cités qui offrent des jouissances à la dé- rment des étoffes lui fait payer le drap lé
bauche et des ressources à la fainéantise. double
c de ce qu'il le payait, et que les pro-
La moindre diminution dans leur travail, la grès du luxe l'obligent de faire deux habits
• moindre variation dans le goût des objetss au lieu d'un?2
&
qu'il produit, livrent à la faim et au déses- Le particulier est plus riche s'il a plus de
poir cette multitude imprévoyante, qui tra- vin, de laine, de blé et l'Etat devient pins
vaille peu pour consommer beaucoup; ett riche, parce qu'il a aussi plus de denrées à
ees alternatives fréquentes. d'aisance et 3
misère, ce passage subit de l'intempérance 3
de 3
r
imposer.
la
1
C'est donc, dans un Etat agricole,
grande manufacture qu'il faut encoura-
à l'afaim, la rend, suivant que l'Etat estt ger,
i la fabrique des productions territo-
tranquille ou agité, cause de désordre ouj riales,
1 le grand atelier de la nature qui
instrument de révolution. Nos villes fabri- laisse l'homme à la terre et la famille à la
cantes et manufacturières ont donné auxt propriété.
I Or tandis que les villes fabrican-
ttes regorgeaient d'ouvriers, ies charrues
campagnes le signal de la révolte; et mômeB
aujourd'hui que leurs crimes ont été expiéss manquaient
I de bras; et les filatures de co-
par des crimes plus grands elles ne leurr tton, multipliées outre mesure, faisaient
donnent pas encore l'exemple d'un franc ett vaquer des fabriques de lainage.
sincère repentir. On dit sans cesse qu'unee II y a des manufactures dont la nature a
nation industrieuse rend les autres nationss donné,
c pour ainsi dire, le privilége ex-
tributaires de son industrie mais on ne voitt clusif
c à certains lieux, par quelques pro-
pas que lorsque cette industrie s'exerce surr priétés
} particulières de l'air ou des eaux,
des objets de luxe, la nation industrieusee ou
( par l'abondance de certaines matières
est elle-même tributaire des nations con- qui
c ne peuvent pas être fabriquées ailleurs.
sommatrices. La fortune, l'existence mêmea 'jTelles sont les manufactures d'armes df>
de Lyon tenait à des goûts dont un souve- Saint-Etienne en Forez, celles de mégisse-
S
rain peut, quand il veut, proscrire l'usage rie
i ou de draps près de quelques rivières
pourvu qu'il ne les défende pas; ce goûtef- dont
i les eaux sont propres à l'apprêt des
fréné pour les modes était un mal mêmei peaux,
J au lavage des laines ou à la teinture
politique il accoutumait la nation à une3 des
c draps telles sont encore les fabriques
instabilité perpétuelle; il corrompait less de
( fromages dans certaines caves ou dans
deux sexes, qu'il rendait vains et frivoles; quelques
c terroirs; et l'on peut ranger dans
il dérangeait lcs fortunes, divisait les époux, cette
c classe les eaux minérales, les mines,
indisposait les pères, perdait les enfants; il1 les
1 pêcheries, les salines, etc., etc. La nature,
était les moyens de subvenir à des dépenses5 comme
c on le voit, n'établit des fabriques
plus utiles, ou de fournir à des plaisirs quii que
c pour des objets de première nécessite,
sont le lien des hommes et des familles et
e elle en rend l'établissement indépen-
plaisirs que le luxe rendait plus rares en eni dant
c des hommes et des événements. Il faut,
augmentant l'apprêt et la dépense; il étalaitt rpour les détruire, une révolution générale
beaucoup trop aux yeux du peuple le spec- cdans la société; encore reparaîtront-elles
tacle d'une opulence qui prodigué à des fri- aaprès la crise. Il n'en est pas ainsi des ma-
volités un argent dont l'indigent fait tacite- nufactures
r que j'homme établit malgré la
ment un autre emploi. Mais, dit-on, cette in- rnature ou sans la nature; je veux di^e,
dustrie faisait entrer de l'argent dans lej sais
s aucune raison prise de la nature des
choses, qui en fixe l'établissement dans un exemptions ou des taxes sur les célibataires
lieu plutôt que dans un autre, ou quelque- qu'on encourage les mariages. C'est là que
fois malgré des raisons naturelles qui en l'administration doit influer plutôt qu'agir.
combattent l'établissement. Ces fabriques Les progrès de l'agriculture et de la popu-
peuvent se soutenir quelque temps; elles lation doivent être résultat et non effet.
rendront une 'ville florissante pendant un Pour pouvoir décerner avec justice et con-
siècle, si l'on veut cette ville se peuplera, naissance de cause un prix au meilleur
eest-à-dire, que les campagnes voisines se cultivateur d'un canton, il faudrait 1° que
dépeupleront chaque maison qu'on y toutes les terres exigeassent les mêmes
bâtira en fera déserter deux dans un village. avances et rendissent les mêmes produits;
Mais, s'il survient quelque révolution dans 2" que tous les cultivateurs fussent égale-
l'Etat ou seulement dans le commerce, si ment riches car personne n'ignore qu'à
une industrie nouvelle, plus heureuse et égalité de travail et d'intelligence dans
plus activi1, forme ailleurs un établissement la culture, celui qui donne le plus à la
du même genre, la manufacture tombe, les terre en retire le plus. Les véritables encou-
ouvriers s'éloignent, la ville reste avec des ragements de l'agriculture sont l'exemple
maisons sans habitants, et les campagnes des grands propriétaires qui exploitent leurs
voisines avec des terres sans cultivateurs. biens avecdnlelligence, le respect pour la
Rien de plus commun, en Europe, que des religion qui commande le travailles bon-
villes jadis florissantes par un commerce res moeurs qui en éloignent les distractions
d'industrie, et qui de leur antique prospé- dangereuses, la nature des impôts sur les
rité n'ont conservé qu'une vaste enceinte et terres, plutôt encore que leur modicité.
des places solitaires. Les produits exportables de l'agriculture
L'administration doit donc consulter la peuvent augmenter de deux manières; ou
nature dans les privilèges, les encourage- en perfectionnant 1'agji.cijlture, ce qui veut
ments, les secours qu'elle accorde à des dire, en obtenant un plus grand produit
établissements d'industrie. Si elle peut éta- avec une mise moins forte; ou en conver-
blir malgré la nature, elle ne saurait main- tissant en culture de produits exportables
tenir sans elle; et tous ses efforts n'aboutis- des terrains destinés à des produits qui ne
sent, tôt ou tard, qu'à des déplacements sans le sont pas, ou qui le sont moins.
objet et à des dépenses sans utilité. On voit La première manière est utile, car tout
donc que toutes les fabriques d'objets de doit tendre sa perfection; la seconde est
luxe sont des établissements qui doivent funeste. On me permettra quelques ré-
tout à l'homme, et rien à la nature; car flexions sur un abus devenu très-commun.
quelle raison, prise dans la nature, tixe dans Dans la disposition des terres pour les
un lieu plutôt que dans un autre une fabri- besoins de l'homme, les unes sont des-
que de gaze ou une manufacture de velours?i tinées à produire les fruits nécessaires à
Un genre de fabriques extrêmement utiles, sa subsistance, les autres le bois néces-
et que l'administration doit soigneusement saire pour le chauffer, apprêter ses ali-
encourager, sont ces petites fabriques do- ments, construire son habitation, servir à
mestiques de grosses toiles, de gros draps, ° la culture de ses terres ou au transport
de bas de laine, de fit, de soie, qui ne dépla- de ses denrées la troisième partie est des-
cent pas l'homme, et qui occupent toute la tinée à la nourriture des animaux qui
famille dans les saisons mortes. Elles s'ac- aident l'homme dans son travail, le vêtis-
cordent avec l'agriculture, dont elles manu- sent de leur dépouille, fournissent un ali-
facturent les premiers et les plus utiles ment à son corps et des engrais à ses terres;
produits elles s'accordent avec les moeurs car un peuple agricole est nécessairement
et la santé; elles n'obligent pas les jeunes un peuple pasteur.
tilles d'aller compter avec un maître fabri- Cette dernière destination a toujours paru
cant elles n'obligent pas l'homme de se de la plus haute importance
aux hommes
moisir dans des caves, ou de se morfondre d'Etat
comme aux agriculteurs. Sully mettait
dans des galetas. la conservation des pâturages au nombre
Je revrensà l'agriculture, des moyens les plus puissants de prospérité
Ce n'est pas avec des médailles, ni des nationale; et il est bon d'apprendre à des
mentions honorables, qu'on peut encourager législateurs qui croient, peut-être, qu'il n'y
l'agriculture
agriculture comme ce nn'estest pas avec des a deue raison en Europe que depuis
depuis qu'it
qu'il yy s
OEjjvp.es compl. DE M. de Bosald. 1. 30
nn.
«tes académies, et des vues politiques que partage les terres entre les enfants, chaque
depuis qu'il y a des gazettes, que dans le xn'` partie sera trop petite pour pouvoir nourrir
et le xin" siècle, presque toutes les transac- des bestiaux, parce qu'il faut pour les trou-
tions entre les seigneurs et les hommes de peaux de grands espaces; mais si elle est
leurs terres, toutes les lois prohibitives, trop petite pour nourrir les bestiaux, elle
proposées par ceux-là, acceptées par ceux-ci, est assez grande pour occuper un homme.
avaient pour objet la conservation des bois> Elle sera donc défrichée, et l'homme qui a
et des pâturages. une petite propriété veut devenir aussi chef
Le cultivateur, pressé de jouir, ne consi- d'une famille. Cependant la partie qui pou-
• d ère, dans sa courte existence; que les pro- vait occuper et nourrir un homme ne peut
duits qui lui sont immédiatementet prochai- pas occuper et nourrir une famille on force
nement utiles, et pour accroître ses jouis- la culture; la terre s'épuise, elle est aban-
sances personnelles, il n'est que trop porté5 donnée (1) et la famille, forcée de traîner
à changer à un usage présent les terres des- ailleurs sa misère, contracte bientôt tous les
tinées à des produits d'un usage plus éloi- vices qui naissent du vagabondage. Le phi-
gné, .surtout lorsque cette disposition seî losophe vous prouvera, par de doctes rai-
trouve augmentée en lui et par le haut prix sonnements, qu'il faut que tous les enfants
que le commerce met au blé et au vin, den- partagent également le bien de la famille;
rées que l'homme peut faire croître annuel- la nature vous prouvera, par de grands mal-
lement et avec le seul travail de ses bras, ett heurs, qu'il faut, pour que le corps soeial
par l'imprudence de l'administration, qui, subsiste, conserver les familles et consom-
en augmentant les impôts outre mesure, mer les individus. L'économiste tressaillira
oblige le propriétaire à forcer sa culture3 d'allégresse, lorsqu'il verra beaucoup d'hom-
pour pouvoir, à la fois, nourrir sa familleî mes, et il attendra son produit net; l'homme
et s'acquitter envers l'Etat. d'Etat tremblera, parce qu'il verra beaucoup
H peut donc arriver qu'une grande partieî de passions; et il prévoira des révolutions.
des terres destinées aux bois et aux pâ- Je reviens à l'Amérique. La nature l'avait
turages, dans les pays où les propriétés donnée à l'Europe pour y verser l'excédant
sont divisées, se défricheront et se change- de sa population, plutôt que pour y verser
ront en champs et en vignes. Ces défriche-, la population de l'Afrique; et peut-être
ments immodérés' ont des conséquences bien se sert-elle aujourd'hui des passions des
funestes, dans les pays montueux où le bois3 hommes pour ramener à ses vues les hommes
et les herbes croissent très-lentement, parce5 et les institutions. C'était surtout la France
que les orages emportent les terres- récem- qui avait plus besoin de colonies à hommes,
ment remuées. C'est peut-être un des dé- si je puis m'exprimer ainsi, que de colonies
sordres politiques les plus graves qui puis- à sucre. 11 fallait à une nation comme la
sent résulter en France de la suppression i France, à un peuple comme, le Français,
des corps ecclésiastiques ou séculiers, dui pour son repos, et surtout pour le repos de
partage des terres, de la division des com- l'Europe, les vastes forêts de la Louisiane ou
munaux, opération désastreuse et depuis' 5' du Canada, des terrains sans bornes pour la
longtemps sollicitée par la philosophie. Il1 vue comme pour l'espoir, où pussent se
n'y avait en France, du moins dans sa partie3 déporter eux-mêmes ceux que le besoin de
méridionale, de forêts et de grands pâtu- changer de place, si impérieux à un âge, le
rages que dans les domaines du roi de3 désir de faire fortune, si pressant à un au-
l'Eglise et des communes. Les corps seulss tre, l'inquiétude naturelle à tous les âges,
s'occupent de l'avenir, parce que les corpss quelquefois des écarts de caractère entraî-
ne meurent point, et que ce n'est que chez1 nent loin de-leur patrie.
eux que s'introduit cet esprit de propriété§ Car c'est par des émigrations volontaires,
perpétuelle qui inspire le goût de la conser- et non par des déportements forcés de mal-
vation et de l'amélioration. Une famille estt faiteurs et d'assassins, qu'il convient à une
un petit corps qui souge aussi à l'avenir, ett nation puissante de former des établisse-
qui a sa part de cet esprit de propriété per- ments; et c'est ainsi qu'en ont formé jadis
pétuelle ou de conservation. Mais si la fa- les peuples les plus célèbres. Lorsqu'une
mille finit à chaque génération, et qu'elle3 nation a fondé au loin des colonies et qu'elles
(t) On trouve fréquemment dans les ivres fer- que les ruines; une famille y a vécu, et aujour-
riers des noms de hameaux dont* n'existe pluss d'hui il ne peut y croître un arbre.
sont devenues florissantes et populeuses, les 1 vingt millions d'excédant de son expor-
les liens de leur dépendance de la mère- tation t ne seront pas soldés en denrées, puis-
patrie se relâchent peu à peu. C'est un en- que ( tous ses besoins de fer, de cuivre et de
fant qui grandit il n'a déjà plus la docilité bois
1 de construction sont satisfaits ils ne
du premier âge, et bientôt il pourra se pas- pourront
1 donc être soldés que par vingt mil-
ser de ses parents. Un jour, il quittera la lions1 de numéraire. Ces vingt millions de
maison paternelle, et ira fonder une nouvelle numéraire
i n'auront pas été signe et'moyen
famille; mais il conservera avec la sienne d'échange
( entre des productions ou des den-
des relations de respect et d'amitié, pourvu réesi différentes; mais ils auront été eux-
que leur séparation n'ait pas été accompa- mêmes i production et denrée, puisqu'ils au-
gnée de discussions fâcheuses. Ainsi, une ront i été échangés directement contre des
colonie éloignée, devenue puissante, se dé- denrées
( et des productions. C'est cet excé-
tache de la métropole et cette séparation dant < à solder en numéraire, qui est la ma-
est dans la nature de la société, comme elle tière
t et l'objet de commerce de banque. En
est dans la nature de l'homme. Cette coloniesupposant
i que la société ait pendant long-
indépendante n'en est pas moins utile à la 1temps les mêmes produits et les mêmes be-
mère-patrie; elle fournit un aliment à son soins,i cet excédant s'accumule; la quantité
commerce maritime elle attire également de « numéraire en circulation augmente; il en
le superflu de sa population l'homme que ifaut une plus grande quantité pour repré-
son goût et les circonstancesentraînent dans senter la même valeur; et cet effet nécessaire,
ces climats éloignés, y retrouve sa patrie en imperceptible d'une année à l'autre, devient
en retrouvant la langue, la religion et les très-sensible au bout d'un nombre quelcon-•
moeurs. Ce sont des vérités que la France et que d'années. Lorsque la valeur des den-
l'Angleterre ont méconnues. L'une aurait rées a augmenté considérablement dans une
évité de précipiter, ou n'aurait pas cherché nation, il ne faut pas toujours en conclure
à empêcher une scission devenue nécessaire; que cette nation soit plus riche, c'est-à-dire
l'autre, consultant à la fois ses intérêts et la qu'elle ait plus de denrées mais elle est
justice, aurait laissé à elles-mêmes les colo- plus pécunieuse et il n'est personne qui
nies anglaises. L'Angleterre se serait épuisée ignore qu'une famille n'est pas aujourd'hui
sans les soumettre, ou les aurait épuisées plus riche, en France, avec 12,000 livres de
pour les soumettre; et elles lui devenaient rentes, qu'elle ne l'était avec 8,000, il y a
à charge, soit qu'il fallût les contenir ou les quinze à vingt ans. Mais si la société, ainsi
rétablir une colonie lointaine, révoltée que le particulier, n'en est pas plus riche
contre la métropole, ne se réconcilie jamais pour avoir plus de numéraire, ce numéraire
sincèrement avec elle, et de nouveaux trou- lui est donc inutile; s'il est inutile, il est
bles naissent des mesures mêmes qu'on est dangereux, car rien ne peut être indifférent
forcé de prendre pour les prévenir. La dans la société. Il faut donc du numéraire
France, pendant cette lutte, aurait réparé dans une société, pour que les échanges de
ses forces, et, si elle avait eu une guerre, denrées superflues contre des productions
elle n'aurait pas eu de révolution. nécessaires puissent se faire avec facilité
Je reviens encore sur la cause et les effets dans l'intérieur entre particuliers. Le nu-
de l'accroissement du numéraire dans une méraire fait alors l'office de jetons entre des
société. joueurs, qui seraient obligés de quitter la
Si, dans une société, les exportations an- partie, s'ils ne pouvaient pas représenter les
nuelles s'élèvent à cent millions, et les iiu-- fractions idéales des espèces d'or ou d'ar-
portations à quatre-vingts, il y aura un ex- gent mais, dès que le numéraire a rempli
cédant d'exportation de vingt millions ou cette fonction, si sa quantité s'accroît par
d'un cinquième c'est ce qu'on appelle la l'excédant des exportations, il devient valeur,
balance du commerce. Cet excédant ne -peut denrée; et, sous ce nouveau rapport, il
être soldé qu'en métaux, puisque les quatre- est instrument de forfaits et agent de dé-
vingts millions d'exportations ont rempli sordre.
tous les besoins de productions étrangères Heureusement pour l'Europe, tous les
que la société pouvait avoir. En effet, sup- métaux qui y entrent n'y restent pas. En
posons que cette société n'ait à exporter que même temps que les Européens décou-
du blé et du vin, et qu'elle n'ait besoin que vraient lo pays de l'or, la nature leur mon:
de fer, de cuivre et de bois de construction, trait un chemin plus court pour arriver dans
te pays où for devait s'engloutir sans re- pourvu qu'elle ne gêne pas la circulation et
tour. L'Europe tire lror de l'Amérique, et y qu'elle laisse assez de jetons au jeu. Mais
porte les produits de son sol et de. son in- une société qui n'a pas de guerre à crain-
dustrie mais elle porte l'or aux Indes pour dre, et dont le numéraire s'accroit annuel-
e» tirer tes produits du sol indien et de l'in- lement, prête son argent à une autre nation;
dustrie de. ses habitants. L'Indien n'a pas et tombe, par conséauent, dans sa dépen-
besoin de nos blés, de nos vins, de nos dance, comme Gênes, la Suisse, et même ta
draps, eb nous ne pouvons nous passer de Hollande à l'égard de la France et de l'An-
ses perles, de ses pierreries, de ses cotons, gleterre. Si elle laisse l'argent dans ses cof-
tte ses mousselines, ete. Nous n'avons d'au- fres, il peut tenter la cupidité et devenir
tre valeur à lui offrir que de l'or; et. comme une cause de révolution et un instrument
la religion en> Europe le met en dépôt dans tout prêt pour l'ambition, surtout dans des
ses temptes, pour la rendre un jour à la so- sociétés qui, par la nature de leur gouver-
ciété dansses extrêmes.besoins,lefanatisme nement sans pouvoir général, sont toujours
rux Indes, le jette dans les eaux du Gange, à la veille ou. au lendemain d'une révolu-
ou le despotisme t'enfouit dans tes souter- tion. Ainsi,un riche capitaliste place son ar-
rairis de Dtelhi. L'or entré en Europe par gent sur les autres particuliers ou sur l'E-
{'Espagne, qui possède presque exclusive- tat, et devient dépendant de la bonne foi des
ment ies pays qui le produisent, en sort par uns, ou de la solvabilité de l'autre ou s'it
l'Angleterre qui commerce presque exclusi- le garde dans son coffre, il finit par être la
vement. avec les pays qui l'engloutissent. Ce proie d'un domestique infidèle ou d'un en-
n'est donc proprement qu'en Espagne et en fant dissipateur.
Angleterre que l'argent peut être denrée, L'administration ne doit pas confondre
puisque la première, pour le répandre en l'intérêt du commerce et l'intérêt des com-
Europe, est obligée de le changer contre merçants. Le véritable, intérêt, l'intérêt
des denrées qui lui manquent, et que la se- éclairé du commerce s'accorde avec l'intérêt
eonde le porte aux Indes où elle l'échange de la société, puisque son objet unique esi
contre des denrées du soi ou des produc- de procurer à la société les denrées néces-
tions.de l'industrie qu'elle répand ensuite saires que son sol ou son industrie lui refu-
en Europe. Mais l'argent ne peut s'aceumu- sent, en les échangeant contre le superflu
ler en Espagne, qui peut en borner l'extrac- des productions de: son sol et de son indus-
tion et la mesurer sur ses besoins, et qui trie. L'intérêt des commerçants, souvent op-
d'ailleurs est pressée de l'échanger contre posé aux vrais intérêts du commerce, aux
des denrées de première nécessité. Au fond intérêts de la société, à l'intention de la na-
/'Espagne n'est pas la seule puissance qui ture, est d'accroître, sans- mesure, les ex-
fournisse les métaux précieux, au lieu que portations et les importations, en multi-
("'Angleterre sera bientôt la seule puissance pliant, dans les objets de luxe, la matière-
qui commerce dans l'Iade e» sorte que l'or des unes et des autres, et enfin de considé-
et l'argent entrés en Europe par plusieurs rer l'argent lui-même comme denr*ée, pour
portes, n'en sortent que par une, à laquelle en faire, par l'agiotage, un vaste et nouvel
ils s'accumulent avant de s'écouler. C'est objet de ses avides spéculations.
î'extrôme abondance de, ce moyen si actif et L'Europe a sous les yeux une preuve évi-
en même temps si secret de nuire aux au- dente que Tinlérêides commerçantsest sou-
tres sociétés, qui rendrait l'Angleterre ex- vent opposé à l'intérêt du commerce et à
trêmement dangereuse pour le repos de celui de la société. L'intérêt de la société en
l'Europe,.si la modération de son cabinet et général, l'intérêt du commerce, l'intérêt de
les vertus de ses ministres ne devaient la l'Europe était de repousser les assignats
rassurer contre un emploi si funeste deses comme le fruit et le gage d'un vol manifeste,
trésors, et si cette même1 abondance exces- du. renversement de tous les principes sur
sive de numéraire n'était, pour elle, une lesquels repose. la société. Car l'intérêt du
cause prochaine de révolution. commerce ne peut pas être opposé à l'inté-
Dans une société indépendante, qui peut, rêt de la société. L'intérêt des commerçants
qui doit combattre pour maintenir son indé- a été de les accueillir, de les répandre, do
pendance, le gouvernement doit mettre en spéculer 'sur les différentes variations de
réserve une partie quelconque de nucaé- leur valeur, et même sur la probabilité dt.
raire et cette mesure est extrêmementutile, leur contrefaçon. Le plus grand nombre l'a
fait sans remords, comme sans pudeur, et dérivé de la- nature des choseset par con-
tandis qu'on égorgeait les malheureux pro- séquent le système politique de la société
priétaires des biens qui servaient d'hypo- tend invinciblement à prédominer Je sys-
thèque à cet infâme papier, ils s'associaient tème politique de ses administrateurs.
«ux-mêmes à leurs bourreaux, et ils asso- C'est ce qui rend les traités entre les sou-
ciaient toute l'Europe au partage honteux de verains -et les alliances entre les peuples des
«es sanglantes dépouilles. nœuds si fragiles et des conventions si in-
certaines. Quand la nature n'a pas doiiné
CHAPITRE II.
ses pouvoirs aux négociateurs, elle ne rati-
SYSTÈME POLITIQUE. fie pas les traités.
Appliquons ces principes à la France.
Je me contenterai d'établir des principes; La France et l'Espagne sotit séparées par
les circonstances interdisent les détails. des bornes immuables, au delà desquelles
Le système politique d'une société ne doit chaque nation trouve un autre peuple. Cons-
<Ure que la connaissance parfaite de ses in- tituées toutes les deux, elles ont à pea près
térêls extérieurs, appliquée à ses relations Je
l même principe' de conservation: leur
avec les autres sociétés. système politique habituel est la paix, lôrs
Une société n'a qu'un intérêt intérieur et même
j que le système momentanéde leurs
extérieur, celui de sa conservation. iadministrations serait la guerre. C'est un
Donc l'intérêt d'une société est dans la irapport fondé sur la nature des choses it
constitution monarchique, puisqu'on a vu est < indépendant de la parenté des souverains,
que la constitution monarchique est un et
< ce rapport peut-être, autant que les 'trai-
principe de conservation. tés,
t mit la couronne d'Espagne sur k télé-
Donc plus un Etat est constitué, plus son de
< Philippe V.
système de politique est fixe et invariable II y a donc une alliance naturelle et né-
parce que plus il a de constitution, plus il a cessaire
< entre la France (monarchie) et 'l'Es-
de principe de conservation.
Donc un Etat naissant ne peut avoir
système politique fixe et déterminé, parce
de jpagne. Mais il faut que dans cette alliance
nécessairement
l défensive, chaque allié se
mette
t on état de fournir son .contingent.
que l'intérêt d'un Etat naissant est de s'a- C'est
( un principe que l'Espagne a trop per-
grandirplutôt que de se conserver. On aper- du
c de vue. La France monarchie lui dirait
çoit le motif de la politique versatile de cer- depuis
( longtemps de perfectionner son ad-
taines cours :de l'Europe. Ce sont des Etats ministration,
i en mettant en œuvre les nom-
qui croissent, semblables à un enfant en qui 1breux moyens do force et de prospérité
que
l'on n'aperçoit que des développementsphy- peuvent
1 lui fournir son sol, sa position, ses
siques et cette action de force expansive possessions,
1 sa constitution, et surtout leca-
dont la nature lui fait un besoin. ractère
i national la France république le lui a
Donc les républiques n'ont pas de système dit
( encore mieux; que son gouvernement y
politique, puisqu'elles n'ont pas de principe 1prenne garde. Quand la nature estlasse d'ins-
de conservation. Une république, à quelque truire
t une société par des revers, elle la corri-
degré de puissance qu'elle soit parvenue, ge
$ par des révolutions.Perfectionner l'admi-
a'est jamais qu'un Etat naissant. Rome n'eut nistration
i d'une société constituée n'est autre
qu'un système politique, celui de s'agran- (chose que de laisser la nature développer les
dir; et elle cessa de conserver, dès l'instant rapports
i nécessaires qu'elle tend sans cesse h
qu'elle cessa de s'agrandir. substituer
s aux rapports imparfaits que l'hom-
Une société a presque toujours deux sys- me
i établit. Ce n'est pas détruire les choses
tèmes politiques, celui de ses administra- mais
i améliorer les hommes. 11 ne faut pas
leurs, et le sien propre, Ou celui de la na- un
i bel esprit pour ce grand ouvrage,
ture. mais
i un homme qui pense juste et qui
Le système politique de ses administra- sente
ï vivement. Ce n'est pas la philoso-
teurs se compose trop souvent de leurs er- phie,
j c'est la religion qu'il faut consulter
reurs et de leurs passions. mais
i une religion grande et éclairée, qui
Le système 'politique de la société est le contient
c l'homme par l'amour de Dieu, plu-
résultat de sa constitution et de sa position, t que par la crainte de l'inquisition; qui,
tôt
combinées avec la constitution et la position 1pour former de bonnes moeurs, ordonne aux
de ses voisins. C'est un rapport nécessaire peuples
1 le travail plutôt que les pèlerina-
ges, et 'aux rois, de bons exemples plutôt leine les forces respectives. Peut-être est-il
que des ordonnances. Que le gouvernement vrai de dire que la France, pour son intérêt,
espagnol maintienne surtout le caractère doit tendre sans cesse à reculer ses limites
national, je veux dire, qu'il empêcbeqme les et n'y parvenir jamais.
opinions ne prennent chez ce peuple la place Cette même tendance l'entrainait au delà
des sentiments. L'exemple des maax qu'ont de la limite artificielle que Louis XIV avait
causés à la France les nouvelles opinions, et posée lui-même à ses Etats du côté des
de la force que, malgré ses malheurs, elle Pays-Bas, par une triple enceinte de places
puise dans ses anciens sentiments,doit être fortes. La maison d'Autriche, obéissant ou
une grande leçon pour tous les peuples. feignant d'obéir à d'autres intérêts que les
La France et les Etats de la maison de Sa- siens, cherchait à se maintenir dans ces bel-
voie sont séparés aussi par des bornes na- les provinces il en résultait encore, en-
tvreHes. Ainsi la France constituée cherche tre ces deux Etats, un système politique
à se conserver de ce côté, et non à s'étendre. d'opposition réciproque, qui concourait à
;Mais la Savoie et le Piémont sont un Etat fortifier le système politique de protection
naissant, et qui tend à s'agrandir c'est un et de garantie, qui existait entre la France
ruisseau descendu des Alpes, qui dirige et la confédération germanique, système
vers le Midi et l'Orient ses progrès imper- dont le traité de Westphalie est la base et le
ceptibles, mais continus. Le Piémont ne régulateur. Ces anciens rapports entre la
peut s'agrandir sur la France, mais il peut France et la maison d'Autriche, entre la
s'agrandir par la France; soit que la France France et l'empire, ont fait place à de nou-
soit le moyen ou l'occasion de son agrandis- veaux rapports. La France, obéissant à sa
sement. Il n'a donc pas de système .politique tendance naturelle, favorisée par des com-
déterminé à l'égard de la France, et la binaisons politiques, a envahi les Pays-Bas;
France par conséquent ne peut en avoir à et la maison d'Autriche, lasse de s'épuiser
son égard. d'hommes et d'argent pour des peuples dont
La France, séparée de la Suisse par des les institutions enchaînaient les bras et les
limites naturelles, ne peut avoir d'autre moyens, certaine de l'intérêt qu'a son allié
système politique à. son égard qa un sys- de la remettre en possession de ces provin-
tème de protection et d'amitié. La Suisse ces, les a abandonnées à la France. On pense
république ne peut être considérée, et moins communémentque ces possessions éloignées
encore aujourd'hui, comme un Etat indé- ne peuvent qu'affaiblir la maison d'Autri-
pendant. Elle était protégée par la Franco che, comme elles ont autrefois affaibli l'Es-
monarchique, elle est opprimée parla France pagne. Mais si elles lui sont onéreuses ou
république l'une avait pour elle les égards du moins inutiles sous le rapport de sa puis-
qu'on doit à un ami l'autre lui a prodigué sance patrimoniale, elles lui sont utiles, et
les outrages qu'on épargne même à un es- j'oserai dire nécessaires, sous le rapport de
clave. Désormais humble satellite, la Suisse chef de la confédération germanique, parce
suivra les mouvements irréguliers de cette qu'elles l'établissent à l'extrémité occiden-
planète, ou sera absorbée dans son tour- tale de l'empire d'Allemagne, comme elle
billon. l'est déjà à son extrémité orientale par la
Dans la partie de ses frontières, qui s'é- possession du Brisgau et de l'Autriche an-
tend depuis l'extrémité de la Suisse jusqu'ài térieure, et que, l'obligeant ainsi d'entrete-
l'Océan, la France n'a pour voisins que nir des troupes sur ces deux points, elles la
l'empire germanique et la maison d'Autri- mettent en mesure de se porter sur telle
che sa tendance naturelle est d'aller jus- partie des frontières de l'empire qui serait
qu'au Rhin, borne que la nature semble attaquée par la France. Or il n'est pas dou-
avoir posée entre la Gaule et la Germanie teux que le chef constant et quasi hérédi-
et l'on peut remarquer en effet que les peu- taire de la confédération germanique sera
ples allemands, qui sont en deçà du Rhin à la puissance qui sera le plus à portée d'en
l'égard de la France, deviennent tous less défendre le territoire. Aussi' je crois qu'on
jours plus Français d'inclination, de langageî pourrait, sans trop de témérité, conjecturer
et de mœurs. Les Etats limitrophes de laî que la séparation des Pays-Bas des Etats pa-
France tendent aussi à se maintenir, et cette3 trimoniaux de la maison d'Autriche serait,
tendanee opposée est utile à la France et à si elle avait lieu, liée à un changement
l'empire germanique, dont elle tient en ha- dans la constitution germanique, change-
ment que de puissantes Faisons, que j'ai comme reniant ne voit, dans son aipnacet,
indiquées dans la seconde partie de cet ou- que des lettres sans liaison entre elles }, mais
vrage, rendent nécessaire et peut-être peu l'observateur qui rapproche les événements
éloigné, et auquel l'Allemagne ne peut que et les temps, na manquera pas de remar-
gagner en force réelle, c'est-à-dire en force quer que la Hollande, ce berceau de la phi-
de constitution. losophie, périt par l'effet d'une révolution
D'un autre côté, l'Angleterre a le plus faite par la philosophie que les patriotes
grand intérêt que les provinces beigiques, bataves détruisent, avec le secours de la
véritable pomme de discorde, n'appartien- France, cette puissance que le patriotisme
nent pas à la France dont elles accroîtraient batave a fondée avec le secours de la Fran-
ies forces maritimes. Elle redouterait égale- ce qu'un stathouder de Hollande a débar-
ment de les voir, réunies à la Hollande, qué en fugitif sur cette même. Ile,, où, cent
former avec elle une souveraineté particu- ans auparavant, un stathouder débarqua en
lière, parce que la puissance maritime qui conquérant; et peut-être aussi remarquera-
résulterait de cette union et des richesses t-on un jour que la France, à la protection
de la Hollande serait nécessairement, et par secrète ou déclarée de laquelle toutes les
la nature des choses, alliée .de la France. républiques ont dû leur existence, n'aura
L'intérêt et les vues de l'Angleterre sont elle-même existé un instant en république
donc que les Pavs-Bas reviennent à la mai- que pour les entraîner toutes dans sa chute.
son d'Autriche, dont la concurrence sur mer Continuons le tour de la France. L'An-
n'est pas à redouter, et qui est assez puis- gleterre, monarchie comme société politi-
sante pour s'y maintenir contre la France. que, république comme société eommer-
L'intérêt de la Hollande est que la maison çante, a, sous ce dernier rapport, un principe
d'Autriche ne les reprenne qu'avec les en- d'agression et une tendance à entreprendre
traves que les traités ont mises à la libre sur le commerce des autres nations ten-
navigation de l'Escaut. Or la maison d'Au-• dance qui forme le fond de son système po-
triche tend à ôter ces entraves au commerce litique à leur égard, et particulièrement à
de ses sujets, comme la nature, plus puis- l'égard de la France, son ancienne rivale.
sante que les conventions humaines, tend à1 Deux puissances territoriales ne se battent
faire jouir les pays qu'elle a placés au bord
que sur l'espace étroit de leurs frontières;
des mers des avantages commerciaux que5 mais deux puissances maritimes se batterU
cette position leur présente. dans tout, l'univers; l'Océan n'est plus,
Ainsi la Hollande, qui a déjà des concur- grâce aux progrès de la navigation, qu'une
rents redoutables dans son commerce du1 vaste plaine sur laquelle la France et l'An-
nord, et qui vient de perdre ses possessions3 gleterre se prolongent et se combattent. La
dans les Indes orientales, est à la veille d'à-, politique essayerait en vain de poser entre
voir, à ses portes, dans les Belges, des ri- elles des bornes que les vents et les eaux
vaux non moins à craindre. déplacent toujours. La position actuelle de
La Hollande est donc menacée de retom- l'Angleterre et de la France, l'une à l'égard
ber dans sa nullité primitive et de fournirr de l'autre, est telle qu'il n'en a jamais existé
à l'univers une nouvelle preuve du peu de3 de semblable entre deux puissances; et sans
solidité d'une puissance que l'industrie hu- doute il n'appartient qu'à la nature de dé-
maine élève malgré la nature des sociétéss
nouer le nœud formé par tant d'intérêts et de
religieuse et politique, sur la base fragilee passions (1).
des opinions religieuses et des propriétéss La France avait un système politique pat>
mobilières, et non sur le fondement iné- ticulier à l'égard de plusieurs autres puis-
branlable des sentiments religieux et des pro-
sances éloignées de ses frontières et ce
priétés foncières. système, à la conservation duquel elle a.vait
L'homme qui ne fait qu'épeler dans lee quelquefois dépensé trop d'argent et pas as-
livre des sociétés, n'y voit que des événe- sez d'hommes, était plus avantageux pour
ments indépendants les uns des autres ces puissances que pour elle-même,. dont le
(1) L'Europeserait bien plus fondée à craindre
e qu'une république qui puisse établir le despotisme
aujourd'hui la monarchie universelle de l'Angle- universel; V- parce que l'empire universel de la
terre, qu'elle ne l'était dans le siècle dernier à terre est impossible; mais. l'empire universel de la
craindre la monarchie universelle de la France très-prochain;
mer est très-possible, très-probable, ùe
î° parce que la monarchie universelle n'est que lec or, quicsimaine
qui est maltrc ùe
de ta nuàire du la lel'œ,
la mer, est uwîJ.re terre.
despotisme universel et i'ai prouvé qu'il n'y a.
premier allié devait être une bonne admi- décélaient la corruption profonde de son
nistration. Au reste, je ne crains pas de dire cœur t
que la France a souvent méconnu ses forces, Une nation, parvenue au point de n'avoir
et qu'égarée par des craintes indignes d'elle, plus
j de guerre à redouter, au moins de ta
elle a trop souvent cherché, dans des al- part
] d'une puissance son égale en forcés,
liances onéreuses bu inutiles, des secours doit
< veiller avec le plus grand soin à ne pas
qu'elle ne devait attendre que de ses res- laisser engourdir sa force militaire, et à la
sources mises en oeuvre par une adminis- tenir
1 en haleine par tous les moyens que la
tration sage et prévoyante. Pour maintenir paix peut permettre et que le génie peut
eflicacement l'équilibre en Europe, les gran- imaginer.
i Si elle est puissance maritime, et
des puissances doivent s'isoler les unes des qu'elle
< n'ait que peu ou point à craindre
autres, d'une main tenir la balance, et de du
< côté de la terre, elle doit changer
l'autre, mettre leur épée du côté le plus alors
i son système militaire, et tourner ses
léger. vues
i du côté de la mer. Cette réflexion est
Je n'ai considéré le système politique que particulièrement
] applicable à l'Espagne.
de Ja France monarchique ou constituée la D'ailleurs
J la puissance qui peut le plus se
France république ou non Constituée ne reposer
i sur le système pacifique des so-
peut enavoird'autrequeceluidelarépublique ciétés
< voisines, ne doit pas s'endormir sur
romaine,etde toute république puissante; I système de leur administration:système,
le
détruire ses voisins pour ne pas se détruire (comme je l'ai dit, qui n'est pas toujours ce-
elle*môme. Le principe d'agression naturel lui
1 de la nature et quand enSn elle n'au-
à ce gouvernement, serait prodigieusement rait
i rien à appréhender du dehors, elle
actif en France, et proportionné à sa popu- doit
c craindre sans cesse l'explosion dés pas-
lation, à sa position et à Ses moyens. Ce sions
s intérieures, qui sont toujours et par-
principe d'agression se déploierait plus tôt tout
t les mêmes, et qui ne sont jamais plus
contre les nations qui sont en opposition dangereuses
< que lorsque, débarrassée de
naturelle avec la France, plus tard contre toute
t crainte au dehors, une administration
les autres; mais il se déploierait tôt ou tard imprévoyante
i a laissé détendre le ressort de
contre toute l'Europe une république puis- 1la force publique.
sante ne peut avoir autour d'elle que des Ii y a six ans (1) que l'Espagne ne parais-
ennemis ou des Sujets. sait
£ pas avoir plus à craindre une guerre de
Déjà l'on aperçoit que ce principe d'agres- 1 part de la France, que laFrance elle-même
la
sion se dirigerait principalementcontrè l'An- nei semblait avoir à redouter une révolution;
gleterre. Cette puissance a lutté avec succès ett cependant la France a- essuyé une ré-
contreiaFrance monarchie;elle se défendraitvolution qui l'a anéantie, et TEspagne.a es-
à peine contre la France république, qui suyé s de la part de la France une guerre qui
serait tourmentée comme elle, et plus qu'elle 1l'a réduite aux abois.
du besoin de s'étendre et de la fureur de Un homme peut faire le sacrifice de ses
commercer. Quels que soient aujourd'hui ressentiments
r une nation ne doit jamais
l'épuisement de l'une et la supériorité mari- faire celui de sa dignité. La propriété d'une
time de l'autre, et quoique à l'avenir la po- nation
r est son indépendance et sa considé-
litique du cabinet dé Saint-James, ou plu- ration.
J Si elle vient à les perdre, elle peut
tôt du parlement d'Angleterre, soit d'-em- iêtre encore un peuple, mais elle n'est plus
pêcher, par des guerres fréquentes, la ma- une l puissance. Elle doit consulter, pour
rine française de sortir de l'état de faiblesse rrepousser une injure, moins ses forces que
auquel les circonstances l'ont réduite, la son s honneur, et ne pas oublier que, pour
nature déjoue quelquefois ces combinaisons; une l nation, c'est combattre avec succès que
et le moment peut arriver où l'Angleterre ( combattre avec gloire. Venise ne serait
de
occupée chez elle laissera respirer ses plus [ depuis longtemps au rang des puis-
voisins. Les vertueux républicains français ssances, si elle n'eût lutté avec le courage
connaissent aussi l'art de semer la division de d la justice et les ressources du génie1, ja-
et l'esprit de révolte chez leurs voisins art dis
à contre les premières puissances de l'Eu-
funeste, dont les progrès honoreraient la rope, r et tout récemment contre toute la
profondeur de l'esprit de l'homme, s'ils ne puissance
1 ottomane. Une société doit faire
L'effet inévitable des grands événements dans son enfance, 1 nomme sociai monu-
et des malheurs extraordinaires est d'exal- mentimpérissablede la puissanceetdu génie
ter les idées et d'émousser les sentiments. H de ce peuple célèbre gage immortel de sa
faut des pensées plus vastes à des esprits vénération pour ses rois; demeures éternelles
agrandis par l'importance-et la majesté des des morts (Discourssur l'hisl. univ., par
événements; il faut des impressions plus BOSSUET, m' part., ch.3), dont l'indestructible
fortes à des cœurs endurcis par l'excès et solidité devait transmettre à tous les âges la
la continuité des ma'heurs. Cette disposition preuve que le sentiment consolateur de t'im-
est commune à tous mes lecteurs et il n'en mortalité de l'âme a existé dans tous les
est aucun qui soit étranger aux grands évé- temps.
nements dont l'Europe est le théâtre, aucun Je vois dans la première société religieuse
que ses propres malheurs ou la compassion ` de l'univers, chez le peuple hébreu, ce tem-
pour les maKieurs des autres n'ait associé ple célèbre, le plus magnifique que le soleil
aux calamités inouïes qui accablent la pre- ait éclairé, seul asile que les dieux des sens
mière nation de l'univers. Cette disposition eussent laissé sur la terre au Dieu de l'in-
est plus particulièrement celle des Français, telligence et du cœur, retranchement où l'u-
acteurs dans ces scènesmémorables,victimes nité de Dieu s'était retirée, et d'où elle devait
de ces déplorables infortunes. C'est aux Fran- un jour reconquérir l'univers sur l'idolâtrie.
çais que je m'adresse, à ceux du moins dont Les pyramides de Memphis étaient le monu-
l'esprit peut me comprendre et dont le ment de la royauté, le temple de Jérusalem
cœur peut me répondre. Quand la corde était le monument de la Divinité: dansl'un,
d'un instrument est tendue, c'est le moment la puissance des rois se rendait sensible.
d'en tirer des sons. dans l'autre, lamajestéde Dieuse rendait visi-
J'observe avec attention tous les peuples blé.Un jugement sévère a détruit le templeet
qui ont paru avec éclat sur la scène du monde; dispersé les adorateurs; et des extrémités de
et je remarque que ceux qui ne sont pas la terre où il est errant, le Juif dans sa misère
morts tout entiers, et qui ont laissé des traces jette an regard de douleur vers ce lieu sa-
ineffaçables de leur existence politique ou cré il jure par son temple qui n'est plus; et,
religieuse, avaient attaché, si j'ose le dire, contre toute espérance, il ose encore espé-
leur durée à quelque grand monument à la rer d'en voir relever les ruines.
fois religieux et politique. ° Jusque dans cette société célèbre soumise
Je vois dans la première société politique à tous les pouvoirs, hors au pouvoir géné-
de l'univers, chez l'antique Egyptien, ces ral, à tous les dieux, hors au Dieu véritable,
vastes pyramides, contemporaines de la so- chez te Romain, dont l'empire réunit un
ciété élevées comme une limite sur les con- instant tout l'univers, lorsque l'univers ido-
fins' de l'état social et de l'état sauvage lâtre dut devenir chrétien, et qui se divisa
destinées à montrer ce que peut, même bientôt, lorsque t'univers chrétien dut deve-
051 OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD.
gg2
nir monarchique; je vois cet édifice impo- malheurs moins
moins éclatants.
éclatants, mais que
nu» la gran-
<rr»n.
sant, dont le nom seul annonçait les desti- deur de votre courage a associés par cette
nées, ce Capitole fondé sous les meilleursf fin honorable aux défenseurs de la société
auspices, éternel comme Rome, sacré comme vous tous enfin, parents, amis, concitoyens,
son fondateur(Grandeuret décadence des Ro- martyrs de votre foi en votre Dieu, de votre
mains), ce Capitole, la demeure des dieuxJ fidélité à votre roi 1
protecteurs de l'empire, et le gage éternel de Ce temple serait l'objet des vœux et des
sa durée. (CORN. Tacit., Hist.) hommages de la nation tout Français ac-
Chez tous ces peuples, ces monuments, courrait des extrémités du
royaume pour
que la philosophie traite de superstitieux et( adorer le Dieu de la France, et s'en retour-
de frivoles, mais dont si peu de gens sentent? nerait meilleur et plus heureux.
la force et l'effet, réunirent tous les citoyens Sous les portiques de ce temple auguste
en un corps indissoluble, les attachèrent lesr s'assemblerait la nation en états généraux
uns aux autres, et tous àleur sol. (J.-J. Rous- et le Dieu qui punit les parjures recevrait
seau, Gouv. de Pologne.) des serments qui ne seraient pas violés.
Le Français est un peuple aussi, et il est
Sous ces voûtes sacrées, le roi serait dé-
un grand peuple; il est grand par son intel- voué
ligence, par ses sentiments, par ses actions. par l'onction sainte à la défense de la
Hélas il est grand. jusque par ses crimes. société religieuse et au gouvernement de la
société politique. II jurerait protection et
Au centre de la France, et dans la posi- à la religion, justice et force à la
tion la plus embellie par les vastes décora- respect
société; la religion promettrait de le défen-
tions do la nature, j'élèverais aussi un dre,
la société de lui obéir Jes échos du
monument qui réunirait aux proportions temple répéteraient
imposantes des pyramides égyptiennes la ces serments solennels,
et Dieu qui les entendrait en serait le garant
majesté sainte et sublime du temple de l'an-
et le vengeur,
tique Sion, l'intérêt national du Capitole
romain. Sous ses parvis majestueux, la dépouille
Je lé consacrerais au Dieu de l'univers, au mortelle du monarque recevrait Us der-
Dieu de la France- A la Providence; à niers honneurs que la religion rend ce
qui fut homme, et que la société doit à ce
ce Dieu de tous les hommes, môme de ceux qui fut roi;
qui le nient; de toutes les nations, même et dans les premiers états géné-
de celles qui l'outragent; de toutes les raux qui suivraient l'intervalle d'un siècle,
religions, même de celles qui le défigurent lorsque l'amour et la haine, le ressentiment
à ce Dieu qui si longtemps a protégé la et la reconnaissanceseraient descendus dans
France, et qui la punit parce qu'il la protège le tombeau, l'impartiale postérité dicterait
à la nation
encore; à ce Dieu qui ne l'a livrée un ins- niserait assemblée,l'inscription qui éter-
tant à la fureur de l'athéisme, que pour la sa mémoire, ou la condamnerait à
préserver du malheur affreux de devenir un éternel oubli.
athée; à ce Dieu qui a versé tant de consola- Dans le péristyle du temple seraient
tions au sein de tant de douleurs, tant do placées les statues,seraient inscritsles noms
secours au sein de tant de misères, tant d'es- de ceux qui auraient employé leurs talents
poir au sein de tant de malheurs; à ce Dieu à défendre la société on à l'embellir. Là le
qui a fait briller tant de foi au milieu de prélat serait à côté du guerrier, le savant à
tant d'impiété, tant de force au milieu de côté du magistrat, l'écrivain ingénieux et dé-
tant de faiblesse, tant de vertus au milieu de cent à côté de l'homme d'Etat éclairé et
tant de crimes à ce Dieu qui a permis tant de vertueux.
forfaits, et qui exerce tant de vengeances C'est au milieu de ces grands objets que
à ce Dieu, qui au moment où il livrait vos Je jeune roi serait élevé ( 1 )
comme Joas
corps à la rage des bourreaux, vous recevàit a l'omhre du sanctuaire il ne verrait dès
ses
dans son sein, Ô mes rois! ô mes maîtres! ô plus jeunes années que des objets capables
vous ministres de la religion et de la so- d'élever son esprit, d'ennoblir son cœur, de
ciété 1 prêtres fidèles, militaires intrépides, perfectionnermême ses sens, de diriger toutes
magistrats vertueux et vous que la faiblesse ses pensées, toutes ses affections, toutes
ses
de votre sexe ou de votre âge et l'obscu- actions, vers les notions sublimes, le
rité de votre condition réservaient à des sentiment profond, le culte respectueux do
(1.
il rr.
Voy Z*.
i*r_ i:
part., liv. i De
r\ t* u » • dans
l'éducation j 1 ch.
la société, L 12.
cette Providence éternelle qui punit les discordes civiles, à effacer par un spectacle
peuples et qui juge les rois. auguste et religieux, l'impression qu'ont
Qu'il serait imposant et religieux, j'allais faite sur les sens tant de spectacles licen-
dire, qu'il serait politique, le vœu solennel cieux et barbares 1
que feraient la France, son roi, la société Français, qui que vous soyez, malheureux
entière, d'élever, dans les jours de l'ordre ou coupables, parce que des opinions,
et de la paix, un temple -A LA Providence!l mensongères ont pris la place de sentiments
qu'il recevrait d'intérêt des circonstances 1 vrais et profonds, que ce vœu retentisse au
qu'il emprunterait de grandeur de son objet fond de vos cœurs, qu'il soit répété par
et d'utilité de.ses effets 1 qu'il serait propre chacun de vous, et il sera exaucé! et Dieu
à raffermir dans les espnïs la foi de la Divinité sera rendu à la société. et le roi à la
ébranlée pard'aflïeux désordres, à bannir des France, et la paix à l'univers.
cœurs ces haines furieuses allumées par les
ESSAI ANALYTIQUE
SUR LES LOIS NATURELLES DE L'ORDRE SOCIAL
ou
DU POUVOIR, DU MINISTRE ET DU SUJET DANS LA SOCIÉTÉ.
DISCOURS PRELIMINAIRE.
(1). Necesse est ul ventant scandala. (Mallh. nous jugerons que les idées générales ou simples
nf
xvm, 7.) qu'on
qu peut appeler sociales, parce qu'elles sont les
(2) Les métaphysiciens modernes qui, dans éléments de toute société, raison, justice, bonté,
éli
l'univers moral, -ne voient d'autre être intelligent beauté, etc., etc., se voient en Dieu, puisqu'elles
be
que l'homme, ont mis toute la métaphysique ilans sont l'idée de Dieu même, considéré sous ces di-
so
la science de ses idées, qui n'en est qu un chapitre vers attributs, et que les idées collectives et com-
ve
assez court, et l'ont nommée idéologie; science des posées,
po que j'appelle individuelles, parce qu'elles
idées plus bornée qu'on ne pense, et sur laquelle so image, ou naissent, dans chacun, de ses sen-
sont
nous saurons tout ce qu'on peut savoir, lorsque sations,
sa viennent à notre imagination parles sens
réunissant les deux systèmes extrêmes de Male- et cependant que nos idées même simples doivent
branche et de Locke élèndu par Condillac, de l'un beaucoup aux sens, puisqu'elles leur doivent le
be
qui veut que nous voyions en Dieu toutes nos idées, signe qui les exprime et les réveille, le signe ou
sij
des autres qui veulent que nous les recevions toutes mot, sans lequel nous ne pourrions en entretenir
m*
par le canal de la matière ou des sens; et ôiant à lei autres, ni même nous en entretenir avec nous-
les
chacun ce qu'il a d'exclusif et de trop absolu, mêmes
m et que les idées ies plus composées dYii-
Ht'! Y:ltir.
pendant, je dirai au philosophe chrétien,l,
'\J,'bresCUUni AimUl
J. ~LOiJ:°i111f. ~VJ~. ll^IULK
leurs vertus' autant que
par put' l'éten-
–
que la religion qu'il professe est le plus vastee due de leurs connaissances et la profortdeiïr
système de métaphysique, puisque le fon- de leur esprit, qui d'âge en âge ont soulenù
dement eh est Fa croyance d'une cause uni- i- l'existence d'une cause première, rimmor*
verselle, et quelle métaphysique plus haute e talité de notre être, et la nécessité de la
que celle de ses premiers interprètes, saintit société de Dieu pour fonder la société de
Jean et saint Paul? Je dirai au philosophe e l'homme, seront estimés comme lës seuls et
qui rejette le christianisme pour ne suivree les vrais sages et l'on s'apercevra enfin qu6
que sa raison particulière que tous less les vers passionnés de Zaïre et la prose
hommes à conceptions, depuis Platon jus- brillante iïlle'loïst; ont fait auprès des ima-
qu'à Ch. Bonnet, ont aimé et cultivé la mé- ginations faibles et crédules tout le succès
taphysique. Or ce sont les hommes à con- des sarcasmes irréligieux et des discussions
ceptions qui ont éclairé le monde, et ce sontit sophistiques de leurs auteurs.
les hommes à imagination qui l'égarent et't J'ai traité à la fois de la société religieuse
le troublent. Au fond, il y a de la- métaphy- et de la société politique* parce que i je crois
sique dans tous les ouvrages d'esprit, depuiss leur union aussi nécessaire pour constituer
les méditations de Bescartes jusqu'aux poé- le corps civil ou social, que la simultanéité
sies de Dorât, comme il y a .de la mécanique e de la volonté et dé l'action -eïl nécessaire
dans tous les ouvrages d'art, depuis les an- pour constituer le moi humain. Jusqu'à
cres de vaisseaux jusqu'aux mailles imper- présent on a considéré la religion sous un
ceptibles des chaînes de montres. Mais si laa point de vue particulier, et relativement à
métaphysique ne doit pas. se montrer danss l'individu dont elle doit régler les mœurs;
les ouvrages d'îtnaginatio% doit-on pourr a^ l'avenir, on la considérera encore sous un
cela trouver inutile ou dangereux le travail1 point de vue plus étendu, et relativement à
de ceux qui, rappelant la société à ses élé- la société, dont elle doit régler et sanction-
ments, lorsqu'ils sont oubliés ou méconnus, ner les lois, en donnant ce qu'on ne petit
remontent jusqu'au principe de son exis- trouver ailleurs une raison au pouvoir de
tence, et indiquent les moyens de sa conser- commander, et un motif au devoir d'obéir.
vation ? Notre malheur est d'avoir voului Et non-seulement la religion (je parle de
constituer la. société avec de la métaphysi-
-t
la religion chrétienne ) afférmit la constitua
que des hommes à imagination, de Bayle» tion des Etats, mais elle facilité l'administra-
de Voltaire, de Jean-Jacques, d'Helvétius,. tion des peuples, parce que présentant à
de Diderot, etc., etc., au, lieu d'en cliercherr tous de grandes craintes, et de grandes espé*
les bases dans celle de Descartes, de Male- rances, et réunissant, par les liens d'une
branche, de LeibtiHz, de Bossuet, de f'éne- charité fraternelle, des hommes que sépa-
lon, etc. semblables en; cela à un proprié- rent des inégalités personnelles et des dis-
taire qui appellerait son vernisseur pour.r. tinctions sociales, elle rend le commande-
construire la charpente d'un édifiée* ment plus débonnaire et la dépendance
J'ai supposé l'existence d'une cause pre- moins chagrine semblable à ces matières
mière et intelligente contre l'athéisme, opH-< onctueuses qui dans les machines compli*-
nion absurde, mais surtout opinion déso- quées produisent la force sans effort, le
Imute., qui ne naît jamais que chez t'homme mouvement sans bruit» et diminuent les.
î
enivré par la prospérité,et ne se répand quesï résistances en adoucissant les frottements'.
chez les peuples abrutis par l'oppression.. C'est là l'incontestable avantage de la reli-
J'ai défendu la néeessité de la religion, ett gion sur laphilogophie, pour régler r.homRïe.
cependant je connais la défaveuc attachées et gouverner la société, et le véritable oao-
à cette noble causé, et .les- efforts que faitt tif de l'insuffisance de l'une et de ta néces-
depuis longtemps la démocratie de la mé- &ité de l'autre, La philosophie, voisin offi-
diocrité pour éteânler le trône de la raison,. cieux, qui sans autorité vient s'immiscer
si glorieusement occupé par le génie. En- dans les affaires de la famille, n'a que des
core un peu de temps, et ces hommes célè-, conseils à donner, et se retire s'ils. ne sont.
d'appui
vent aussi beaucoup au par intellect, puisqu'il les5 et peut-être est-il impossible à l'esprit de .s'espli-
reçoit et combine leur rapport avec les niées quer lui-même, tout 'seul. et sans recourir un
simples. Là, j'ose le dire, est toute l'idéologie; tout•t anlpe être que lui, comme- il l'est à notre corps de
le resie sur le développement des idées et des opé- s'enlever lui-même sans prendre au dehors unpo-int
rations de J'eiitendeineiU humain si longuementt
Irailé par Condillac,
traité est sans
Coitdillac, est sans intérêt, sans utilité
utilité;
OKcvbes
OEUVRES r.ninpi
COMPL. DE iik M,
M. tir Roaiait» TL
DE BONALD. 31
pas suivis. La religion, comme un père vertu est un comhat et le vice une lâcheté
sévère, souveraine dans la maison, y dicte elle place donc hors de nous et dans un
des lois, parce qu'à elle appartient la sanc- ordre de choses définitif et inaccessible a
tion de toutes les lois, le pouvoir de punir nos passions, le prix du vainqueur et la.
et de récompenser. La philosophie, qui sent peine du vaincu; idées analogues à nos
l'insuffisance de ses préceptes avide de jugements ordinaires, puisqu'elles sont la
domination, met, comme les gens faibles, règle de notre conduite habituelle envers
J'exagération à la place de l'autorité, et nous nos enfants nos élèves nos domestiques,
crie que la vertu porte avec elle sa récom- nos subordonnés, dont nous punissons les
pense et le crime son châtiment elle fait fautes, dont nous récompensons le zèle et la
ainsi de la vertu un plaisir, et du vice une fidélité; idées raisonnables, donc utiles,
fatigue, un malaise, rêves subtils du stoï- donc vraies, et vraies d'une vérité néces-
cien, dont s'accommode si bien l'heureux saire, indépendante des faux raisonnements
méchant, et q-ui ne sont qu'une dérision que nous suggère un fol orgueil; idées
cruetle pour l'homme juste qu'il opprime. générales, qui sont le fondement de la mo-
La religion, qui n'outre rien, parce qu'elle rale universelle et dont les conséquences
peut tout, nous apprend ce que nous ne plus ou moins développées, et trop souvent.
sentons que trop en nous-mêmes, que la altérées, font la religion de tous les peuples.
ET DE LEURS MINISTRES.
lui.
pouvoir, par cela seul qu'il est pensant et n'est ni sensible, ni locale, ni successive;
on
agissant. Ainsi, l'homme est toujours et idée (2) la cause, on imagine l'effet, c'est-
partout pouvoir sur lui-même et pour sa à-dire, qu'il fait image dans notre esprit, ou
propre conservation, même lorsqu'il n'est qu'il excite
en nous une sensation car
pas pouvoir sur des êtres semblables à imaginer
j ne veut dire qu'imager. Les Ihéis-
|tes considèrent autour d'eux, et ils perçoi-
Ce pouvoir sur soi-même, le premier et le vent
i par tous les sens un nombre immense
plus rare de tous, qui place l'homme, seul d'effets sensibles, imaginables
< par consé-
(1) Condillac donne aux animaux des idées par- s affaires* Son frère, autre esprit faux, a rempli
ses
Ûcuhères et des idées abstraites, à la vérité en petit d'envius
nombre. 11 ne peut pas refuser à plusieurs d'entre
d sa Politique hypothétique.
(2) Le mot idéer nous manquait. Nous le de-
eux la fa culte d'articuler. Je demande ce que vvons in célèbre sourd-muet et professeur de sourds-
l'homme a reçu de plus. Ce sophiste, sans imagi- muets
u Massieu, ou plutôt à son illustre maître.
nation comme sans génie, ne sait embellir ni la vé- Les physiologistes modernes nous disent « La
• rite ni l'erreur sec et triste, parce que sa doc- j jjustesse de nos opinions dépend de l'état de noué
trine conduit à l'athéisme, et qu'il confond sous la (cerveau. Donc le cerveau est la raison de la pen-
dénomination commune d'idées abstraites. les idées Ce
sée,
5 raisonnementest de la même force que
générales, comme celles d'ordre, de sagesse, etc., celui-ci
t t La justesse du tir d'une arme à feu dé-
et lès idées collectives de blancheur, d'acidité. C'est pend
j de la rectitude du canon. Donc le canon est
la le venin de sa métaphysique, digne du succès 1 raison de l'explosion. » Le cerveau est le moyen
la
qu'elle obtient dans les écoles modernes. H a de la actuel de la pensée, comme le canon le moyen <1«
s
clarté et de la-méthode dans les idées, par la même 1 poutlre.
la
raison qu'un homme sans fortune a de l'ordre dans
quent, locaux, successifs, ordonnés aussi b;bien) Pascal, « qui font les entendus ce sont
vers une fin de production et de reproduc- ceux-là qui troublent le monde, » parce que
tion. Ils aperçoivent donc tous les carac- J«
ci
la vérité n'est pas dans le milieu comme la ..J
,que la raison n'est que la perception du me n ces monnaies étrangères qu'on ne prend
rapport des causes aux effets et des effets queq pour la matière, ils ne vaudraient que
.aux causes, et qu'elle est bon sen*ou génie, par
P le son, si les hommes qui se les trans-
selon que les rapports qu'elle perçoit sont mettent
n habituellement n'y attachaient une
vastes, importants et nouveaux. idée;
i< et si ces mots éternité, immense, infi-
Cet être, volonté universelle, cause pre-nité, cause première et leurs semblables ne
iDière, a été connu de tous les peuples, et signifiaient
s pas ce qu'ils doivent signifier,
exprimé chez presque tous par un signe il n'y aurait aucune différence à les pro-
monosyllabique, signe le plus simple de noncern devantdes hommes sensés, ou à dire
3'idée la plus générale, c'est-à-dire la plus comme
c le Médecin malgré lui, quand il
simple. veut
v parler latin, ossabundus, potarinuni,
Les athées reçoivent aussi par tous les quipsa
g milus. Mais les hommes ont-ils
sens l'action des objets extérieurs; mais toutes
t< les idées, ou plutôt l'idée de tous les
ils ne la supposent point fait ou effet, ne attributs
a de l'infini, de l'éternel etc. I?f
savent même pas si elle n'est pas cause, et Non,
I* sans doute; comme le paysan qui
n'y croient point de volonté ils ne pensent, sait
s; ce qu'est un cercle aussi bien qu'un
pour ainsi dire, que négativement, ce qui géomètre,
g et qui en connaît même quelques
appauvrit leurs facultés intellectuelles, au propriétés,
p n'en connaît pas, comme le sa-
point que jamais découverte utile à la vant, v toutes les propriétés; comme les
société ou vaste conception n'est sortie du géomètres
g eux-mêmes connaissaient le tri-
cerveau d'un athée; ils croient concevoir angle
a et ne connaissaient pas tout Je trianT
une action universelle sans volonté qui la gleg avant que l'on eût trouvé la propriété du
détermine, parce que, dans le vague de la rectangle
ri connue sous le nom du carré de
l'
rêverie, ils imaginent un mouvement indé- l'hypolhénuse.
fini sans impulsion qui le commence; mais On voit encore qu'on pourrait classer les
comme. la raison humaine, toujours raison, athées
ai et les théistes, en hommes à imagi-
ou conséquente jusque dans ses erreurs, nationn qui ne veulent admettre que ce dont
il peuvent avoir la sensation ou l'image, et
ne saurait se fier à une opinion qui contre- ils
dit le principe fondamental de toute raison, en
e: hommes à conceptions qui admettent tout
l'éternelle et nécessaire correspondance de ceci dqnt ils peuvent idéer la. raison.
l'effet et de la cause, de l'action et de la Les athées prétendent donc que l'homme
volonlé? les athées, non pas ceux qui affi- a inventé Dieu comme un épouvantai! pour
chent leur athéisme, mais ceux qui le rai- asservir
a: les peuples. On leur a répondu par
sonnent, tombent inévitablement dans le des d preuves tirées de la nécessité de l'être,
pyrrhonisme, nient l'effet après avoir nié la qui
q ne sont pas à la portée de tous les es-
cause, nient l'action après avoir nié la prits,
p ou par la considération de l'univers
volonté, nient l'univers, nient Dieu, se dont d les philosophes ne veulent pas se con-
nient eux-mêmes. Là finit la raison hu- |u tenter. On pourrait, ce me semble, aller plrçs
niai ne. loin
It et prouver, 1° que l'homme n'a pas pu
Les athées tiennent donc l'opinion moyen- inventer
il la Divinité, parce que l'esprit de
ne entre les théistes qui admettent effet et )'l'homme ne peut combiner que des rapports
cause, et Jes pyrrhoniens qui nient l'un et entre
ei des êtres déjà connus, comme son in-
l'autre, ou plutôt qui doutent s'ils nient; ddustrie se borne à varier les formes d'une
et l'on peut remarquer dans plus d'un matière ne déjà existante qu'inventer un être
genre que les opinions moyennes, qu'op serait s< le créer, et qu'ainsi que l'artiste le
décore quelquefois du nom de modérées, plus p habile ne diffère plus du mal3droit
germent naturellement dans les esprits qu'en q ce qu'il donne à la matière des formes
pioyens < Esprits denlre-d'eux, » dit très- plus
p heureuses, le philosophe le plus pro-
!"3
:>'<> TAIV1. I.
PART. fcLULWM. SOC–
I. ECONOM. SUt. ESSAI ANALYTIQUE. 97{
fond ne diffère
ÏOIKi tif r!f» l'homme
ni HP TA de l'l'n-»n'»mo le plus
la ni ne borné pue hautes
hÀrn^ ces IiquIak f..Xn.Iniin«r-.
spéculations Bonnet,
ïi^ ^» Hugues
qu'en ce que l'un saisit des rapports justes. Blair, et Sicard, conviennent « que les phi-
tt._
entre les êtres, et que l'autre les ignore. Et losophes n'ont fait encore que balbutier sur
de là vient qu'on a trouvé à la fois chez les l'objet important de la formation du lan-
sauvages les plus abrutis la connaissancede gage, » et pensent, ou que le Créateur a
quelque être bon ou méchant supérieur à communiqué à l'homme les éléments du
l'homme, et l'ignorance des rapports de langage, laissant à la société le soin de les
l'homme avec la Divinité. développer, ou, ce qui revient au même,
2° Qu'un homme ne peut pas parler aux que le Créateur fait l'homme parlant (2)
a
hommes d'un être qui ne peut pas être, et: Je reviens à la société. Les théistes la con-
être entendu d'eux de manière à régler leurs sidèrent aussi comme une grande action,
volontés et leurs actions car on ne peut puisqu'elle est sensible, locale, successive,
parler aux hommes que de ce qu'ils con- ordonnée, suivant certaines lois, vers une
naissent l'homme qui instruit développeles fin qui est la conservation des êtres. Tou-
rapports et ne donne pas des idées, et l'on jours conséquents, ils voient une volonté
ne peut pas plus faire idéer l'impossible, que sociale qui dirige cette action sociale, une
faire imaginer l'inexistant (.1). cause qui produit cet effet.
3° Une autre preuve de l'existence d'un Cette cause, nous l'avons appelée pouvoir
être intelligent supérieurà t'homme, preuve suprême ou souveraineté et. ici naît le dog-
plus sensible et dont le développement, of- me de la souveraineté de Dieu, selon les
frirait un grand intérêt, est tirée du langage uns, potestas ex Deo est, et celui de la sou-
des hommes. La métaphysique moderne a veraineté de l'homme on du peuple, selon
fait un grand pas en prouvant que l'homme les autres opinions célèbres, exclusives
a besoin de signes ou mots pour penser l'une de l'autre, puisque la raison dit qu'on
comme pour parler; c'est-à-dire, que l'hom- ne peut pas supposer une cause première
me pense sa. parole avant de parler sa pen- sans lui attribuer un pouvoir souverain, et
sée, et c'est ce qui fait qu'il s'énonce avec que les faits prouvent que l'opinion de la
peine toutes les fois qu'il veut rendre dans souveraineté du peuple a toujours suivi ou
une langue étrangère ce qu'il pense dans sa précédé, dans un Etat, Ia propagation de l'a-
langue maternelle. 11 en résulte que l'hom- théisme..
me n'a pas pu inventer les signes, puisqu'il S'il y a des athées qui rejettent la souve-
lie peut inventer sans penser, ni penser sans raineté du peuple, et des théistes qui l'ad-
signes. Ici l'expérience confirme le raison- mettent, c'est que les hommes, rarement
nement, puisque nous voyons constamment conséquents, sont presque toujoursmeilleurs
la faculté de parler sans exercice, lorsque la ou pires que leurs opinions.
faculté d'ouïr est sans activité. I! faut donc Les théistes qui ne placent pas la souve-
recourir à un autre être que l'homme, pour raineté dans Dieu, sont les déistes, qui ont
expliquer, non la faculté d'articuler, dont un
nom commun avec les théistes, et des
les animaux mêmes ne. sont pas totalement principes communs avec les athées; sembla-
privés, mais l'art de parler sa pensée, parti- bles à ces petits princes qui, placés entre
culier à l'homme seul et commun à tous les des puissances belligérantes sont tantôt
hommes; cette vérité sera tôt ou tard mise pour l'une, tantôt pour l'autre, et périssent
dans le jour qui lui convient. Depuis long- par toutes deux. Les déistes admettent le
temps Jean-JacquesRousseau y a été conduit Dieu créateur, et rejettent le Dieu conser-
en discutant le roman absurde de Condillac. vateur et législateur. C'est encore là une
« La parole,».dit-il, «me paraît avoir été fort opinion moyenne.
nécessaire pour inventer la parole; » et de Les théistes, ou plutôt le théisme, place
-meilleursesprits, plus exercés que le sien à donc le pouvoir suprême sur tes hommes
( 1 ) S'il n'y
a en nous aucune vérité antérieure soient individuelles ou collectives, car le collectif
aux leçons de nos maîtres, pourquoi ne puis-je pas n'est pas le général.
<iire à un enfant que la ligne droite est la plus lon- (2) L'institution des sourds-muets consiste à
gue entre deux points, et bâtir sur cet axiome une leur l'aire entrer par les yeux les signes que nous
géométrie inverse et négatiuë? L'expérience redres- recevons par les oreilles: jusque-là les sourds-
sera l'enfant, dira-t-on. Vous admettez donc l'idée muets ne pensent que par images c'est ce qui fait
générale d'un ordre immuabte; car cette idée est le qu'on les instruit perpétuellement par le dessin.
sou fondement de la certitude générale que nous
tirons d'expériences particulières soit qu'elles
d tous, ils se refusent àce sacrifice, relien-
de
en 6ociété hors des hommes dont il doit it
régler la volonté et diriger les actions tel ï\ nent,
n chacun à part soi, cette. mise com-
semblables à des associés infidèles,
que ce célèbre mathématicien qui, pour ir mune,
v
soulever la terre, demandait un point d'ap- )- profitent,
p pour se nuire les uns aux autres,
pui placé hors de la terre et l'athéisme place
;e ddes affaires qui les rapprochent, et s'oppri-
le pouvoir suprême sur les hommes dans is ment
n réciproquement partout où ils ne por-
les hommes mômes qu'il doit contenir, et tent
t< dans la, communauté que ce qu'ilsont
veut ainsi que la digue naisse du torrent. chacun
c de raison et de bonté.
Le germe de cette dernière opinion est st Ces deux systèmes sur la souveraineté
dans une idée fausse sur la société idée, e, dans
d la société correspondent parfaitementà
ou reste, qui devait naître dans un siècle le deux
d systèmes sur la souveraineté de
d'agio, et chez des esprits que la cupidité a l'
l'homme sur lui-même ou sur sa raison
dirigés tous vers les spéculations mercan- i- h uns ne donnent d'autres règles à sa rai-
les
tiles. On ajoué sur les mots, et comparé la
la sson que sa raison môme; les autres lui don-
société politique, société nécessaire, à une
ie nent,
n dans une loi divine, une règle supé-
société de commerce, qui n'est qu'une asso-o- fuieure à sa raison.
ciation contingente et volontaire et l'on a De là suivent, pour l'homme et pour la
prétendu que les hommes avaient mis en 'n société, deux effets entièrement semblables
commun leurs intérêts sorÀauXy comme ils y y j $
l'impossibilité
1 de redresser la raison hu-
mettent leurs intérêts pécuniaires, leur être
re maine
n si elle s'égare, et le peuple souverain
eomme leur avoir. Mais ces politiques de ie s'il
s abuse de son pouvoir et parce que tout
comptoir, qui abondent en Europe, n'ont nt i irréformableest nécessairementinfailli-
être
pas fait attention que, dans une association
>n ble,
£ puisqtfaucun être ne peut lui faire ùper-
commerçante, les hommes mettent en com- 3' cevoir
c qu'il a failli les mêmes philosophes
mun de la cupidité, pour la satisfaire, et de
le ont
c été entraînés à soutenir là rectitude
l'argent, pour en gagner,, au lieu que dansus naturelle
r de la raison humaine, et l'infailli-
é,
la société, ils mettent chacun leur cupidité, bililé
1 du peuple, et en sont venus jusqu'à
leur orgueil, leur ambition leurs passionsas ces
c deux principes, l'un religieux, l'autre
enfin, et qu'il doit en résulter un désinté-
&- politique,
y
textuellement avancés et haute-
ressèment général, une obéissance générale, e, ment
r soutenus par les réformateurs reli-
une modération générale, une raison gêné- é- gieux
g du xv' siècle et par les législa-
rale enfin qui comprime toutes les passions; :£' teurs
t révolutionnaires du nôtre; ces deux
et les passions, de tous. principes
j semblables dans le sens et même
Et qu'ion ne dise pas que si les hommes es dans
c les termes, et dont je prie le lecteur de
portent dans la société leurs passions, ils y Jméditer le parallélisme l'un,
portent aussi leur raison et leur bonté car ar Que la raison des hommes n'a pas besoin
s'ils avaient seulement autant de raison que Je d'autorité
t visible pour 'régler sa croyance
dé passion, c'est-à-iiire autant de force qu'ils
ils religieuse,
7
ont de faiblesse, ils n'auraient besoin d'au- a~ Principe de la révolution religieuse de
cun culte, d'aucun gouvernement, d'aueun\nj Luther
1 et de Calvin, qui abolit l'autorité
état publie de société. Mais la société publi- visible de l'Eglise, et consacre le sens privé
que est le moyen nécessaire de la conserva- t l'inspiration particulière;, l'autre
et
tion du genre humain, puisqu'en elle est le
Que l'autorité des hommes Va pas besoin
pouvoir qui réprime les passions destructi- ti-
d'avoir
l raison pour valider leurs actes poli-
ves des hommes. La société est donc réglée aq
ltiques,
et ordonnée par la raison de l'Etre suprême, e
qui est dans la société, ou plutôt en qui est>st Principe de la révolution politique ..avancé
la société, comme dans le créateur des êtres es jpar Jurieu contre Bossuet, et répété dans
1les mêmes termes à l'assemblée constituante
et l'auteur des moyens nécessaires de leur ur
conservation et, bien.loin que les hommes es par
1 des orateurs qui ont péri victimes de
livrés à eux-mêmes eussent consenti à se ses
£ conséquences.
placer dans un état qui exige le sacrifice de Les théistes croient au contraire que l'in-
leurs passions personnelles,, placés forcé- é- ttelligence souveraine donne des préceptes
ment dans cet ordre social, toujours anté- ;é- ài la raison humaine, et la redresse si elle
rieur à l'existence de chacun, puisqu'il 'il s'en écarte; qu'elle donne des lois aux
rdsulte nécessairement de la multiplication an sociétés,
i et les y ramène, si elles les vio-
lent, par les malheurs mêmes qui naissent sont aussi ses volontés, et il n'y aurait plus
do leur désobéissance. de société possible entre Dieu et l'homme,
si Dieu agissait par des lois étrangères à laa
CHAPITRE III. nature de l'homme, et à son état présent ou
APPELÉ PROPRE-
.futur. Dieu fera donc parler ou écrire des
DU POUVOIR SCBORDONKÉ hommes pour instruire les hommes, et de
MENT POUVOIR.
quels autres moyens, en effet, proportionnés's
Quoi qu'il en soit des deux systèmes que à la nature humaine, l'Etre suprême pour-
nous venons d'exposer sur le pouvoir sou- rait-il se servir? Car qu'on y prenne garde,
verain de vouloir et faire pour la conserva- l'homme ne peut pas imaginer le moyen du
tion de la société, il est vrai, et dans toutes l'action de la suprême puissance, parce que
les opinions, que les hommes ne connaissent les sens corporels qui lui transmettent des
une volonté que par le signe qui l'exprime, images et des sensations, n'ont rien de com-
et que les sens transmettent à leur esprit, mun avec l'être simple. Mais la raison de
et qu'ils ne reçoivent une actiun que par l'homme peut concevoir la raison des volon-
ses effets sur leurs sens. tés de la suprême sagesse, parce que la rai-
Ce sont là les conditions ou lois générales sou humaine, qui n'est que la perception de
de l'union des deux substances, êtres ou la raison des êtres, est non égale, mais sem-
facultés qui constituent l'homme, la, pensée blable à la suprême raison, et faite d sa
et le mouvement, la volonté et l'action, ressemblance. Dieu ne pourrait donc ins-
l'âme et le corps; et si cet ordre était dé- truire les hommes par lui-même, et sans la
.rangé, tous les rapports entre les hommes médiation d'êtres semblables à l'homme.,
seraient renversés, toutes les lois illusoires qu'en parlant lui-même à toute la société;
et toute société impossible. ou en éclairant chaque individu par une
En effet, Dieu exécute sa volonté; il agit inspiration particulière. 1° Mais Dieu ne
donc par leslois.générales qui sont l'expres- pourrait se faire entendre lui-même et im-
sion de sa volonté, comme étant le résultatt médiatement de tout un peuple à la fois,
des rapports entre les êtres créés; et tant sans changer les lois ordinaires des sensa-
.que cette volonté subsiste, il ne peut rien tions humaines, détruire tout libre arbitre
contre ces lois, parce qu'il ne peut rien par cette action humaine, puisqu'elle s'exer-
contre sa volonté. Il y a des lois générales cerait sensiblement sur. des hommes, et
qui gouvernent le monde sensible, ou des surhumaine tout à la fois, puisqu'elle serait
corps,' et des lois générales qui gouvernent constamment contre le système de l'homme;
le monde social, le monde des intelligences. car, comme un peuple s'éteint et se renou-
Ces lois ne peuvent pas être opposées les velle continuellement,, il faudrait supposer,
unes aux autres, car alors Dieu se contredi- à tout instant et en tout lieu, cette instruc-
rait lui-même; il n'y aurait plus ni ordre tion immédiate perpétuellement subsistante
'matériel, ni ordre social; il n'y aurait plus dans la société pour l'instruction successive
rien car tes êtres ne sont que dans un cer- de toutes les générations; supposition évi-
tain ordre, et en vertu de certaines lois. demment inadmissible, qui, contrariant
C'est une loi générale de l'ordre social ou également la nature de l'homme physique
moral, que l'homme tel que nous le con- et l'ordre constant des communications
naissons (et nous ne pouvons pas connaître sociales, place l'homme hors de la société
un homme autre que nous, ni raisonner ou la société hors du temps.
dans cette hypothèse), que l'homme, dis-je, « Cette intervention extraordinaire, dit
connaisse la pensée par la parole qui l'ex- Ch. Bonnet, «ne serait-elle pas un miracle
prime et c'est une loi générale de l'ordre perpétuel ? et un miracle perpétuel serait-il
physique et du monde des corps, que cette bien un miracle? et une pareille invention
parole soit manifestée par des signes que le serait-elle bien dans l'ordre de la sagesse?»
son transmet à l'ouïe, ou que des figures 2° La supposition que Dieu fasse con-
tracées présentent aux yeux, et que cette naître ses volontés sociales ou générales à
parole soit parlée ou écrite par des êtres chaque individu par une inspiration parti-
semblables à l'homme qui parle ou qui culière, laisse la société sans garantie contre
écrit. l'enthousiasme qui raconte des visions ou
Dieu, pour faire connaître à l'homme ses la fourberie qui en invente et ce moyen
volontés, ne peut donc renverser les lois qui individuel et privé ne peut, sans contradic-
tion, être proposé pour règle à la société. sion publique de la volonté du souverain,
C'est ce qui a perdu les sectes protestantes, manifestée à la société.
qui, à la place d'une autorité visible par- Celte théorie des lois générales de l'ordre
tante et écrivante qu'elles ont rejetée, ont moral de l'univers sur lequel je me suis
érigé le sens privé et l'inspiration particu- •étendu à dessein est la considération la
lière en loi générale et constante de la so- plus vaste que la méditation puisse offrir
ciété fanatisme insensé qui peut consacrer aux pensées de l'homme. Le sentiment de
toutes les visions et légaliser tous les for- la constante régularité de cet ordre général
faits!1 est le fondement de tout ordre particulier
dont l'homme ici-bas est l'instrument,quand
Les deux moyens de communication im- il n'en est pas le ministre, et qui fait que
médiate de Dieu aux hommes que nous l'homme domestique travaille avec la certi-
venons d'exposer, ou d'une pensée sans pa- tude de recueillir le fruit de son labeur, et
i\)le et par inspiration à chaque homme, ou que l'homme public agit avec la certitude
d'une parole de l'être incorporel, entendue qu'il résultera du bien de son action. Je sais
immédiatement par des êtres corporels, sont que des Chrétiens plus pieux qu'éclairés
donc également contraires aux lois géné- craignent d'ôter quelque chose à ,1a puis-
rales de l'ordre présent et dans lequel nous sance divine, s'ils ne lui accordent que d'ê-
vivons. Ils ne sont donc pas; et c'est pro- tre souverainement absolue, et qu'ils vou-
prement du fanatisme que de supposer entre draient encore qu'elle fût perpétuellement
les êtres, comme le fait Jean-JacquesRous- arbitraire ils s'indignent dans l'amertume
seau, des moyens de communication hors de de leur zèle ou dans l'impatience de leur
l'ordre naturel et constant. « Ce que Dieu humeur, de voir luire le soleil sur les mé-
veut qu'un homme fasse, dit-il, il ne le lui chnnts comme sur les bons ils voudraient
fait pas dire par un autre, il le lui dit lui- faire descendre le feu. du ciel sur les villes
même et l'écrit au fond de son cœur » II coupables, et qu'une catastrophe générale
y a dans ce passage autant d'erreurs que de punît des désordres particuliers; mais le
mots. Où sera donc la règle publique et so- vrai philosophe franchit par la pensée le
ciale des actions humaines ? Chaque homme court espace des lieux et des temps il voit
sera donc juge.de ce qui est écrit au fond de l'ordre éternel, universel, nécessaire, domi-
son cœur, puisque seul il y peut lire. Et sur nant tout ce qui est temporaire et local, et
quelle loi la société pourra-t-el!e juger celui l'homme rebelle à ces lois constantes, ra-
à qui Dieu a parlé lui-même, on condamner
mené à l'ordre par le châtiment, s'il n'y est
des actions dont l'homme assurera avoir lu
l'ordre écrit au fond de son cœur? Comment pas parvenu par le repentir.
Les sophistes qui abusent de tout ont dit
dans un Etat; les tribunaux jugeraient-ils
les coupables, si le prince n'eût intimé à et sous toutes les formes, que la prière que
l'homme adressait à la Divinité était inutile
ses sujets les lois qu'en parlant à l'oreille
• de chacun d'eux ? ou même absurde, puisqu'elle ne pouvait
changer les lois générales de l'univers. Sans
Les sophistes, comme Toussaint et Hèl- doute, l'homme religieux ne demande pas à
vétius, qui ont nié lé pouvoir du père et les
l'Etre suprême de suspendre la marche des
devoirs des enfants,etJean-Jacqueslui-même lois générales, mais d'arrêter les effets db
qui a étouffé les sentiments paternels, n'a- ses passions et de celles des autres qui
vaient donc sur ce premier objet des affec- l'empêchent d'être en harmonie avec ces
tions de l'homme et de ses obligations, rien mêmes lois générales qui vont à. la vérité,é
d'écrit au fond de leur cœur? Cette écriture sans lui, mais hors desquelles il ne peut vi-
peut faire image dans une déclamation et ar- vre bon et heureux. Or cette demande est
rondir une phrase mais on ne fonde pas la raisonnable parce que les passions humai-
société sur une métaphore, et le christia- nes peuvent être changées ou comprimées,
nisme, qui entend bien mieux les intérêts puisqu'elles ne sont réglées par aucune loi,
de ia société et l'ordre des relations des et qu'elles agissent même contre toutes lés
êtres entre eux, loin de nous livrer chacun lois. Dieu, dira-t-on, connaît nos besoins.
à. notre sens privé et à nos inspirations per- Sans doute, mais il veut que nous les con-
sonnelles, nous défend d'écouter les révéla- naissions nous-mêmes,puisque c'est la pië-
tions même d'un ange, si elles étaient con- mière condition nécessaire pour être sou-
traires à la parole ou à l'écriture, expres- lagé il veut surtout, que nous implorions
son secours et ce rapport du sujet au pou-
~a~ .a"&
dans l'ordre des communications établies,
voir est lui-même une loi générale de l'or- qu'un homme parle pour que tous enten-
dre -social, comme 'le rapport du pouvoir au dent, qu'un homme commande pour que
sujet. Au reste, il est conséquent que ceux tous obéissent; et il est naturel encore et
qui nient que Dieu ait parlé aux hommes, conforme aux perceptions de notre raison,
iip veuillent pas que l'homme parle à la Di- que cet homme envoyé de Dieu pour ins-
vinité, et qu'ils ne connaissent plus de truire ses semblables, accréditeauprès d'eux
devoir, là où ils ne voient pas de pouvoir. sa mission divine, et que toujours confor-
Dieu emploie donc des moyens dans l'or- mément à la nécessité de la correspondance
dre de la nature humaine, pour intimer aux entre la volonté et l'action, il paraisse le
sociétés humaines ses volontés suprêmes; ministre d'une action divine, puisqu'ils'an-
il se sert d'un être humain pour parler aux nonce comme l'organe des volontés divi-
hommes, parce qu'il est naturel, c'est-à-dire nés .(]).
(I) La question particulière de l'action divine vent ici une succession d'hommes et de choses,
ou des niiracles, signe auquel on contredit, ne peut bien loin d'y idéer un rapport avec l'effet produit,
pas en être une entre les théistes et les alliées, toutes mes idées se confondent; je ne vois plus
puisqu'elle rentre dans la question générale des même des rapports, et je me perds dans le vague
'existence de Dieu. Elle est donc uniquement agi- des probabilités, lorsque j'observe que les mêmes
tée entre les théistes; mais elle serait aujourd'huii hommes et les mêmes choses produisent, dans des
.[lus éelaircie, peut-être, si l'on eût proportionné» cas quime paraissent semblables, des effets opposés
Sa défense à l'attaque, si l'on eût senti que rien entre eux, comme la vie et la mort, et que les ma-
n'était plus propre à établir la vérité des faiis de> lades meurent plus souvent qu'ils ne guérissent, effet
ce genre que d'en prouver la nécessité, je veux dire> dont l'un est aussi inexplicable que l'autre. Que le
la conformité aux rapports naturels des êtres eni médecin guérisse seul à l'instant et d'un mot, ou
société, et aux lois générales de Tordre qui lesi avec une ordonnance, et le secours du temps, des
régit et qu'en même temps que les uns soutenaientt hommes et des drogues, la raison humaine n'idée
par l'histoire
armes de la
que
critique,
les autres attaquaient avec les
ils eussent aussi défendu par
rien, absolument rien du rapport ou raison parti-
culière du moyen qu'il emploie; et toutes choses éga-
des raisons métaphysiques ce que l'on combattaitt les sous cet aspect, elle a de plus pour croire ce lait
par des arguties de dialectique. surhumain,dans la circonstance donnée, une rauon
Cette discussion eût prouvé qu'il y a une raisont générule qu'elle ne peut avoir pour le fait humain,
plus générale, plus de raison par conséquent, pourr parce qu'il est évident que le législateur dé la so-
croire, dans une hypothèse donnée, un fait-surliu- ciété a, pour opérer la guérison d'un matade, une
main, que pour croire un fait purement humain; raison surhumaine et bien autrement importante
et c'est uniquement et précisément ce qui lait que» que celle du médecin pour traiter ses pratiques.
les mêmes hommes, des hommes sages, qui ontt Le témoignage de mes sens ou des sensd'autrui,
versé leur sang pour la croyance de l'un, n'au- qui peuvent avec certaines conditions, remplacer les
raient mis assurément aucun intérêt à soutenir miens (et la société et la vie entière roulent sur
l'autre. cette compensation), me rapportent donc des mys-
lui effet, étant donnée la raison la plus générale> tères d'un côté ou d'autre, même des prodiges,
possible, la raison de l'établissement de la société» c'est-à-dire des effets dont le rapport est inconnu
religieuse universelle (et elle existe sous nos yeux), avec le moyen qui les opère et s'il y à miracle
je conçois la raison d'une guérison instantanéeque d'une part, c'est-à-dire action faite pour une cause
le législateur donne en preuve de la vérité de sai divine, générale, sociale, action où l'Etre éternel
doctrine, et j'idée un rapport juste et naturel entre> agit sans succession de temps, l'Etre simple sans
action forte et volonté sage. A la vérité je ne vois composition de parties, l'Etre infini sans disposition
rien, pas même de succession de temps, entre lai de lieu, il y a, pour croire ce fait hors de l'ordre
volonté et l'action, entre le commandement du mé- commun des faits, mais non contre l'ordre général
decin et la guérison du malade; là ou je conçois des possibilités, une raison hors de l'ordre commun
par ma raison une raison générale, et là plus géné- des motifs contingents et particuliers, mais non
rale possible à Cette volonté, je n'imagine pas, parr contre l'ordre des idées générales et nécessaires, et
aucune entremise de mes sens, le moyen particulier r la raison stiflisante de croire s'y trouve abondam-
tie cette action. ment, car il y a plus de raison pour croire le géné-
Dans la guérison successive de la même maladie rai que -le particulier, le nécessaire quelecontin-
parles voies ordinaires,je conçois une raison, celle gent, l'être de Dieu que J'existence de l'homme.
<Je rétablir un homme d'une infirmité physique, rai- Au reste, il est singulier que les détracteurs les
son individuelle et particulière, si je la conpare à plus acharnés des mystères et des miracles soient
civile du rétablissement de l'humanité même de l'état tes médecins, de tous les hommes ceux qui propo-
d'ignorance et d'erreur. Je vois, il est vrai, entre la sent à notre simplicité le plus de mystères, et qui,
volonté et l'action, le médecin et le patient, uni à la lettre, opèrent sous nos yeux le plus de prodi-
milieu ou moyen ce sont des paroles, des opérations, ges, puisqu'ils ôtent et donnentla vie par les mêmes
des remèdes, du temps enfin pour tout cela; mais moyens en apparence, et sans qu'ils puissent plus
ce serait une grande erreur de croire que j'en con- que nous connaître le rapport du moyen employé à
çoive davantage la raison de tant de parlage, d'ins- l'effet produit; et c'est ce qui a lait leur réputation
truments «l de matières c'est-à-dire leur rapport de sorcellerie dans un temps, et de science dans
avec l'effet produit, et Ja cessation plus ou moins un autre.
prompte de cet état de mon corps appelé fièvre, inac- La résurrection d'un mort appartient à un autre
cessible même aux conjectures ni que les chimistes ordre de possibilités, et au système des lois généra-
et les botanistes aient au fond une autre raison à les de l'ordre iïuur, état qui n'est pas étranger à
donner que celle de Molière de la question Pourquoi l'homme, puisque tous les peuples en ont eu l'idée,
'l'opium (ait dormir? Et quoique mes sens perçoi- et qui n'est p'it être pas impénétrable à la raison
Ainsi nécessité (on sait que ce terme ne l'action-
1 souveraine, s'appellent proprement
signifie en philosophie que la conformité pouvoir,
3 puisqu'ils ont le vouloir et le faire
aux rapports -naturels des êtres) <nécessité; ï la société et l'on dit effectivement le
sur
1" que le souverain donne la mission; 2° pouvoir
3 en parlant des chefs visibles de toute
que lie pouvoir parle en son nom ;3° que les société pouvoir paternel ecclésiastique,
sujets enftmctaw ses ordres trois lois géné^• politique,
] etc, mais ce pouvoir est subor-
raies, résultat des rapports de là nature donné
r au pouvoir suprême du souverain,
physique et morale des êtres donc trois JDieu ou peuple, puisqu'il ne fait, après tout,
vérités nécessaires, relatives l'une à l'autre, •< que manifester sa volonté suprême, et exé-
et absolument inséparables, que lie plus pro- i«uter en son nom son action suprême.
fond interprète de la science de la sociétéî Or je vais plus loin, et j'avertis ici le
renferme toutes sous cette conclusioncourtei Jlecteur de chicaner opiniâtrement le prin-
et pressante La croyance vient de* Tpuïe <cipe, de peur d'être forcé d'admettre la con-
comment entendront-ils, si on ne leur parle ?f séquence'.
tomment leur parlera-t-on, si l'on n'est en- Le pouvoir existe donc, sous un nom ou
voyé?(Jo«m.x, 17, 14,- 15.) sous un autre, dans toute société; màis j'a-
;•
Le peuple aussi, quand il exerce sa pré- vance comme un fait Que l'unité même phy-
tendue souveraineté, envoie des hommes3 sique de pouvoir existe toujours dans toute
qui.se prétendent organes de ses volontéss société, c'est-à-dire, qu'il n'y a jamais qu'un
et ministres de son action, des hommes ài seul homme à la fois qui, énonce une volonté,
qui il permet de vouloir, et surtout de fairé. et commande une action. dans la société.
l»ieu, à cause de l'incorporai et de la sim- Ainsi le fait prouve l'unlié physique, comme
plicité de son être, n'agit pas immédiatementt la raison démontre ]a nécessité de l'unité
et sans médiateur, sur l'homme sensible le3 morale; car elle dit, que s'il y avait à là fois
peuple» par la raison contraire et à cause de3 dans la société deux volontés et deux ac-
sa (multiplicité même, ne peut être entendu1 tions, il y aurait bientôt deux sociétés.
quand il parle, ni faire quand il se meut; Je n'ignore pas que les apparences et le
et si les Hébreux persuadés de la dispropor- langage usuel sont contraires à cette asser-
tioh de l'action immédiate de la Divinité à tion mais il faut dans les sciences morales,
la faiblessedes organes humains, craignaient, comme dans les sciences physiques, corriger
nous dit leur historien, que Dieu leur par- le témoignagedes sens, expliquer les appa-
lât, lui-même de peur qu'ils ne mourussent t ronces» et remonter aux éléments du lan-
{Exod. xx, 19), nous savons» par une expé- gs. L'homme sage, dit le prophète, ne ju-
'.rience récente, que la volonté du peuplee gera pas toujours sur le rapport de ses yeux
souverain prononcée aussi du haut de laa ou de ses oreilles (§),
montagneyavec le bruit du tonnerre et lee 1" A commencer par la société domestique
fracas de 1'ôfage, donne infailliblement laa ou la famille, il est évident qu'un homme
mort à la société où elle se fait entendre. unique est pouvoir, et qu'il ne peut y en
Les livres révérés des Chrétiens confir- avoir deux. Les lois de là nature physique
ment par leurs récils, et le paganisme parr établissent la nécessité de cette unité phy-
ses fables, cette croyance de l'univers, quee sique, et les lois de la nature sociale qu'on
la Divinité incorporelle manifeste sa pré- appelle les lois politiques et civiles, surtout
les lois romaines, la confirment et l'éten-
sence à la société des êtres corporels, parr
l'entremise d'êtres semblables à eux, et lee dent. Quelques sophistes ont méconnu le
raisonnement en établit la nécessité (1),|, pouvoir domestique et paternel, et des lois
je veux dire la conformité à l'ordre cons- rédigées sur leurs systèmes ont porté at-
tant et aux lois générales de notre nature. teinte à ce pouvoir, le premier dans l'ordre
Ces êtres humains, organes des volontéss du temps, de tous les pouvoirs humains, et
souveraines dans la société, et ministres dee supposant égaux entre eux des êtres qui ne
laiis lequel un homme d'esprit disait Le chef- rale, même lorsque l'erreur est commune. La reli-
d'œuvre du gouvernement représentatif est </ue le gion chrétienne n'en est pas moins la religini
pvnvair y est abstrait. Ce pouvoir abstrait a retenu générale ou universelle, même s'il était possiltlc
<:el écrivain en prison réelle pendant deux ans. qu'il n'y eût pas de chrétiens. Ainsi tes vérités
(4 ) Général ou universel ne veut pas dire coin- malliéMiâtiqncs étaient des vérités générales, mémo
mun, mais nécessaire ou conforme aux rapports na- avant qu'elles fussent connues des géomètres.
turels des êtres. Ainsi la vérité est toujours géné-
S8!) PAIIT. 1, ECON(JM. SOC. ESSAI ANALYTIQUE.
tnrl'Is. on
turels, ou 11à JI}'
la r¡¡i~"n
raison des êtres, dont
clac A)nc.t. 1--& la
1-
:y
!ffl\¡
perception claire ou obscure, bornée ce que nous avons Il dït de l'origine du pou-
oul voir, organe des volontés du souverain, et
infinie, forme, ou plutôt est la raison hu- ministre de
maine et même la raison divine. • son action, puisque l'Homme-
Dieu, que les Chrétiens révèrent comme le
Il y a donc (je ne parle encore que de ia législateur
société religieuse) un pouvoir divin et des et le pouvoir de leur société, dit
en mille endroits, en parlant de lui-même,
pouvoirs humains, comme il y a une souve- qu'il n'enseigne
raineté de Dieu et une souveraineté de rien que ce qu'il a appris de
l'homme. son Père (Joan. vm, 28) qu'il ne fait pas sa
volonté', mais la volonté de celui qui l'a en-
La société soumise au pouvoir divin sera voyé (Joan.
forte et durable: celle soumise au pouvoir v, 30; vi, 38); et ailleurs, que.
tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur
de l'homme sera faible et variable là, selon la
les Chrétiens, est la raison de l'impertur- miers terre (Matth. xxvm, 18) et que les pre-
bable fixité de la religion chrétienne, de doctrine, et les plus savants interprètes de sa
ministres de son pouvoir, disent
son insurmontable et tranquille résistance de lui en mille manières que toute pater-
à toutes lés persécutions et à la plus destruc- (
nité (c'est ainsi qu'ils appellent le pouvoir)
tive de toutes, celle du temps, du dévelop- 9tire
pement successif des vertus qu'elle ensei- la terre;
t son nom et son titre de lui au ciel et sur
c'est-à-dire qu'il est la source et
gne, et du perfectionnement de tous les le 1 type de tout pouvoir divin et humain.
peuples qu'elle éclaire, et la raison des Ici se présente d'elle-même une ré-
éternelles variations des sectes et de leur flexion f d'une haute importance.
disparition insensible. En effet, la société La raison ne peut pas admettre le système
doit être impérissable là où le pouvoir est des d Chrétiens, et supposer au milieu de la
immortel, et elle doit être changeante et société
des êtres
périssable là où le pouvoir peut finir et n'est pareil à celui d'un pensants, un pouvoir
s
p Homme-Dieu parlant et
que celui des hommes. Celle-ci est à peine agissant
dans la société au nom de Dieu
formée, qu'elle est en proie à la rivalité des a: même, sans observer des effets généraux,
hommes qui aspirent au pouvoir, et qui, n
pproportionnés à fa grandeur et à la perfec-
avec un droit égal à vouloir et à faire, se ti tion d'une aussi générale. Si ce pou-
croient tous des talents supérieurs pour voir n'a cause
vouloir et pour faire, et ne reconnaissent àv< la société, pas toujours été réellement présent
aucun arbitre public de leurs droits, aucun gné se manifester
son influence,depuis qu'il a dai-
gi aux hommes, a dû être sen-
juge légal de leurs talents, aucun régula- si sible sur le perfectionnement de la société
teur certain de leurs opinions, puisque le et le sort de l'humanité même. La question
sens privé et l'inspiration particulière sont ai ainsi posée se réduit à des faits sociaux ou
des dogmes fondamentaux de leur société. e( généraux, c'est-à-dire, extérieurs et visi-
Ces secrets peuvent se prolonger, mais elles bl bles. Or, on peut avancer comme un fait
ne sauraient s'affermir l'imperfection de é\ évident de nos jours, après la longue expé-
ces pouvoirs humains entraîne nécessaire- rience
ment vers le néant la société qu'ils ontfon- m
rj, que l'univers a faite du christianis-
dée. Avec le temps, on juge le législateur; me, démonstration comme un fait dont la certitude est
historique de la vérité de
l'enthousiasme se refroidit, l'illusion se dis- une ur
la religion chrétienne, qu'à considérer les
sipe, l'homme seul reste et paraît, et com-
temps
tej anciens et modernes, il y a oppression
me fait dire Voltaire au plus célèbre de ces de l'humanité dans toute société politique, et
fondateurs de religions humaines religieuse où il n'y a pas connaissance, ado-
re,
Mon empire est détruit si l'homme est reconnu. ration
ra et culte de l'Homme-Dieu.
Qu'on y prenne garde je dis l'humanité,
Or, ce sont des faits; et déjà l'Europe et
non pas l'homme; c'est-à-dire, que l'op-
voit la religion chrétienne renaître, pour pression est dans les lois, même lorsqu'elle
pr,
ainsi dire, de ses cendres, et les sectes ri- n'est
n't pas dans les mœurs; qu'elle est dans
vales descendre lentement au tombeau. L'in- l'état
]'é public (religieux ou politique) de la
dirTéreniisme introduit par la philosophie société, même lorsqu'elle n'est
soi pas dans sou
ne tuera que l'erreur. état domestique ou dans la famille ce qui
étc
IL nous reste quelques réflexions à faire
ve dire que l'oppression de toutes les fai-
veut
surle système social des Chrétiens. bit
blesses de l'humanité, de la faiblesse du
Ce système s'accorde parfaitement avec
sexe par le divorce, la polygamie, la prosti-
se?
LJ vu m. 1J1~ LVL\L1LV.
.J
tntion religieuse; de la faiblesse de l'âge régie r par les lois, doit protéger, défendre et
par l'exposition publique ou le meurtre des conserver
c l'état domestique ou la société
enfants, les-amoùrs infâmes, etc. de la fai- régie r par les mœurs; et si tes moeurs ne
blesse de la condition, par l'esclavage, les ssont pas meilleures dans les Etats chrétiens,
jeux sanglants de l'arène, la mutilation, les c'est é uniquement la faute des hommes dépo-
sacrifices de sang humain, l'antropophagie; sitairess des lois, règle inflexible des mœurs;
l'oppression morale, par lés absurdités de eet les révolutions sont, à la fois, le résultat
l'idolâtrie, du mahométisme, de la divina- nécessaire
ri et le châtiment exemplaire do
tion, des sortilèges (car les peuples toujours leur l< négligence. Ainsi, l'enfant chrétien ne
deviennent crédules en cessant d'être naît r pas avec plus de lumières que l'enfant
croyants); que toutes ces oppressions, dis- ïidolâtre l'homme chrétien ne vit pas avec
je, ont pesé légalement et sans réclamation,' rmoins de passion que l'homme païen ou rna-
qu'un plus grand
et pèsent encore sur l'humanité, toutes à' la1i: thométan. Peut-être même
fois ou seulement quelques-unes, dans tou- développement
c de son intelligence et un
tes les nations qui n'ont pas été ou qui ne frein f plus présent et plus sévère à ses ac-
sont pas chrétiennes, et même se re.trouvent lions, t rendent ses passions plus ind'ustrîeu-
augmentent ainsi la'
et s'aperçoivent encore aujourd'hui, quoique sses et plus irritées, et
sotis des formes pltts adoucies chez tous les force f de son âme en ajoutant à l'activité de
peuples qu'une fausse philosophie a écartés sses désirs; mais la société chrétienne est
de ta pureté et de la perfection du cltristia- meilleure
ï que la société qui ne !'est pas,
iiisme. et l'enfant naît, et l'homme vit au milieu
Les ignorants qui vont sans cesse exagé- d'un ( état de choses où il trouve lé pouvoir,
rant les désordres des Chrétiens et tes ver- c'est-à-dire
< la volonté qui fait vouloir lu
ius des sages du, paganisme, ne s'aperçoiventt bien,1 et la force qui lefait accomplir. S'il y a
pas qu'ils ne remarquent des vices chez less des ( désordres dans les mariages entre Ctïrè-
Chrétiens, que parce que la société chré- tiens, 1 il n'y a pas d'adultère légal ou dé di-
Henné est essentiellement vertueuse, comme i vorce
1 s'il y a dés enfants abandonnés, on
ils ne remarquent des vertus ailleurs, que> même i
victimes inconnues de l'incontinence,
d'exposition' publique et d'fn-
parce que les autres sociétés sont essentiel- iil n'y a plus
lement vicieuses. En effet, chez les Chré- fanticide légal (1). S'il y a des hommes
tiens, si le désordre est dans les mœurs, For- opprimés par la violence, il n'y a plus d'es-
dre est dans la loi sur laquelle l'autoritéé claves par la loi (2) s'il y a des rivalité»
peut et doit toujours redresser les mœurs entre les peuples, il n'y plus, comme Tob-
au lieu que chez les peuples idolâtres i serve ou Montesquieu de droit barbare de
passions violen-
non chrétiens, lors même que les mœurss guerre enfin, s'il y a des
sont réglées, le dérèglement est dans la loii tes sur la terre, il n'y a plus dans les
Etats
,a laquelle les mœurs finissent toujours parr chrétiens de lois injustes et oppressives,
où les doctrines pMFosO|rhi-
se conformer car ta loi corrompt, par cee hors dans ceux
qu'elle ne défend pas, comme par ce qu'elle- & ques les ont' introduites, malgré la religion
ordonne. C'est ce qui fait que chez les Ro- chréEienne.
mains ta lot qui permettait le divorce, triom- Je me résume la souveraineté sur ta so-
pha enfin des moeurs qui le repoussaient,ir ciété est dans Dieu selon les uns, dans ie
Les anciens disaient Quid leges- sine mari- peuple selon lesautres. Le
pouvoir religieux
bus vanœ projîciunt ? parce que dans leurr ou politique sur la société est dans un être
état imparfait de société, de mœurs de- humain, organe de la volonté du souverain,
vaient corriger tes lois vaines, puisqu'elles s et ministre de son action. Ici, Jean-Jacques
étaie»! corruptrices; et nous devons dire Rousseau est tombé dans une contradiction
Quid mores sine legibus.? parce que danss manifeste. « Pour que le gouvernementsoit
notre état parfait de- société, des lois sagess- légitime, dit-il, il ne faut pas que îe go&~
sont et doivent être la règle de mœurs cor-•- vernement (c'est-à-dire le pouvoir) se •eon-
souverain, mais qu'il en soit
rompues, puisque l'étal; public, ou îa sociétéé fonde avec le
{ l ) On a vu récemment une atteinte portée à laa IJ) Les maîtres en Amérique n'ont point droit
loi qui punit de mort ce crime invisible e
presque do vie et de mort sur leurs esclaves, différence <jhî
toujours- à l'œil de la justice: car ce n'est que laa ne permet pas de comparaisen avec l'esclavage
religion du baptême qui a fait, cesser dans les Etats
s ancien.
cette horrible coutume.
le ministre. Alors la monarchie elle-même la dépendance. Les sujets doivent au pou-
est république. » Rien de plus vrai. Mais voir, mais le, pouvoir doit au souverain
cet écrivain, en faisant du peuple ou des pour l'intérêt des sujets. La raison des de-
hommes le souverain, et encore de l'homme voirs ne se trouve que dans le pouvoir; et
le pouvoir ou le gouvernement, confond vi- c'est parce que les pères ne doivent di-
siblement le pouvoir et le souverain, et dé- rectement rien à leurs enfants, que les en-
truit ainsi la légitimité du gouvernementt fants
i ne peuvent directement rien sur leurs
qu'il veut établir, au lieu que ceux qui re- pères, et que Dieu s'est réservé la punition
gardent Dieu comme le souverain, et un être des pouvoirs; et je l'exercerai, dit-il lui-
humain comme le pouvoir, mettent évidem- même. Même dans un contrat entre parties
ment entre le souverain et le pouvoir cette égales, les hommes ne se doivent les uns
distinction qui constitue, selon Rousseau et' aux autres que parce qu'ils doivent tous
la raison, la légitimité de la société. également au pouvoir qui a reçu leurs en-
Ici se présenté une haute question Le gagements et ôtez Dieu de ce monde, il
pouvoir est-il institué par les sujets, et y, n'y a plus d'autre raison au devoir que
a-t-il entre les sujets et le pouvoir un pacte ,?Ja,J violence, parce qu'il n'y a plus d'autre
ou contrat social ? Non. 1" 11 n'y a pas de titre
1 au pouvoir.
pacte social dans la famille entre le père et Enfin, si l'on prétend que le peuple peut
les enfants qui ne naissent pas volontaire- choisir un homme pour le revêtir du pou-
ment de tel homme plutôt que de tel voir, il est aisé de répondre que jamais
autre. peuple n'a choisi sans une raison qui est
2° 11 n'y a pas de contrat social dans la elle-même une loi, et presque toujours la
société religieuse, ni dans la religion chré- plus impérieuse de toutes, là loi des évé-
tienne où le pouvoir Homme-ïHeu est d'une nements. Mais, même dans 'ce cas, ou le
nature supérieure aux hommes, ni dans les peuple propose des lois conformes à la
autres religions où l'acquiescement aux opi- nature de la société, et alors ce sont les
nions d'un hommeest involontaire puisqu'il volontés de l'Etre suprême qu'il exprime
est l'effet d'une conviction quelconque, cou* ou il propose des lois contre la nature des
pable sans doute, lorsqu'elle est le fruit sociétés, des lois qui sont sa volonté pro-
d'une ignorance volontaire dans les uns, pre, comme le serait celle de faire passer
ou d'une indocilité présomptueuse dans les le pouvoir aux femmes, ou d'en revêtir une
autres. partie des sujets, et alors la nature ne ra-
31* II n'y a pas de contrat social dans la tifierait pas le contrat, et les troubles qui
société politique. 1" II n'y a pas lieu au naîtraient de ces lois mêmes viendraient,
contrat avant l'institution du pouvoir car tôt ou tard, punir le peuple qui les aurait
il faudrait pour cela que l'institution du proposées,i et le pouvoir qui les aurait
pouvoir fut arbitraire. Or le pouvoir est acceptées.
k
nécessaire il ne dépend pas de la société Le pouvoir est donc préexistant à toute
de l'admettre ou de le rejeter, puisqu'une société, puisque le pouvoir constitue la
j
société ne peut exister sans pouvoir. Bien société, et qu'une société sans aucunpou-
plus, une loi, ne fût-ce que celle qui régle- voir, sans aucune loi, ne pourrait jamais
rait les formes à suivre pour faire la loi se constituer. 11 est donc vrai de dire que
un homme, ne fut-ce que celui qui l'aurait ]le pouvoir est primitivement de Dieu
proposée, aurait toujours précédé cette pré- potestas ex Deo est, qui en a mis la né-
tendue institution du pouvoir, et le peuple cessité dans la nature des êtres, et la rè-
aurait obéi avant de se donner un maître.. gle ou la loi dans leurs rapports. Mais
Bien loin, dit Bossuet, que.le peuple en cet comme il y a une souveraineté de Dieu et
état (sans loi et sans pouvoir) pût faire une souveraineté de l'homme, il y a un
un souverain, il n'y aurait pas même de exercice divin ou légitime du pouvoir, et
peuple. un exercice humain, vicieux et purement
'¥'
2° II n'y a pas lieu au contrat après Jlégal, selon que les lois que le pouvoir
l'institution du pouvoir, puisqu'il. n'y a porte comme la volonté du souverain, et
plus alors entre les parties cette égalité qui dirigent l'action sociale, sont justes ou
nécessaire pour la validité du contrat 9 iinjustes, conformes ou non à l'ordre et aux
et qu'il n'y a plus entre le pouvoir et le rapports naturels des êtres dans la société;
sujet d'autre rapport naturel que celui de car une société sans aucune loi serait une
L 32
39
J)E M. DE BtSNALD.
OEUVRES COMPL. DE 1
contradiction aans les-.termes, parce qu'il y entre ces êtres, ni par conséquent de so-
aurait impossibilité dans l'idée. ciété
Nous traiterons donc des lois dans le Ces rapports sont donc parfaits,puisqu'ils
chapitre suivant. sont ce qu'ils doivent être pour assurer la
reproduction des êtres physiques et l'ordre
CHAPITRE IV. entre les êtres moraux.
Ces rapports naturels, nécessaires, par-
DES LOIS.
faits, sont l'ouvrage de la volonté de Dieu
( Legem bonam a mala nulla alia nisi naturali même, qui en créant librement les êtres a
norma dividere uossumus. (Cic. De leg.) produit les rapports nécessaires ( 1 ) qui
La loi est l'expression de la volonté du existent entre eux. Ainsi, le potier ne peut
souverain, promulguée par le pouvoir, pour former un vase sans lui donner une figure
être la règle du sujet. et un poids quelconque; et en le plaçant
Elle est donc la volonté de Dieu selon les dans son atelier, il le met en rapport néces-
uns, la volonté des hommes ou du peuple saire de distance avec tout ce qui l'entoure.
selon les autres, et tous ont raison, en quel- Cette réflexion sert à concilier en Dieu la
que sorte, puisqu'elle est (j'entends la loi" volonté indépendante qui crée, avec l'action
juste) la volonté de Dieu parlée par l'hom- nécessaire qui conserve tant que la volonté
me, pour être entendue des hommes mais la a résolu de conserver.
loi a des éléments ou sa raison, et c'est ce Les rapports entre les êtres sont en eux-
qu'il faut considérer. mêmes et indépendamment de la connais-
Il existe des rapports entre les êtres phy- saace que nous en avons, mais ils n'exis-
siques, et des rapports entre les êtres mo- tent pour nous que lorsqu'ils sont exprimés
raux ou sociaux, et ces rapports résultent de et connus. Alors ils s'appellent lois. Et,
leur similitude et de leur coexistence. comme il y a des rapports entre les êtres
Entre les êtres physiques, il existe des physiques, et des rapports entre les êtres
rapports de distance, d'étendue, de mouve- moraux, il y a des lois pour les uns comme
ments dont l'ensemble forme le système gé- pour les autres et l'on dit, les lois du mou-
néral du monde physique, assure sa conser- vement, comme l'on dit, les lois de la société.
vation, et s'appelle aussi la nature des êtres Nous ne parlerons ici que de ces dernières;
physiques. mais il y a peut-être de grandes analogies
Entre les êtres moraux, il existe des rap- entre les unes et les autres.
ports d'amour, de volonté et d'action, dont S'il y a une vérité générale universelle-
l'ensemble forme le système général du ment convenue entre les hommes, une vérité
monde moral et social, et maintient l'ordre qui fasse établissement, comme dit Leibnitz,
qui doit régner entre les êtres qui le com- c'est que les lois sont le résultat des rap-
posent « Cet ordre,»dit Malebranche, « qui ports naturels entre les êtres. Lex est ratio
est la loi inviolable des esprits, » et qui pro fecta a natura rerum, ditCicéron.
s'appelle la nature des êtres moraux; « l'or- « Les lois sent des rapports nécessaires
dre de la nature, » dit Ch. Bonnet, « est le ré- qui dérivent de la nature des êtres, » dit
sultat général des rapports que j'aperçois Montesquieu. « Les rapports naturels et les
entre les êtres. » lois doivent tomber toujours de concert sur
Ces rapports sont naturels, puisqu'ils sont les mêmes points, » dit J. J. Rousseau.
par cela seul que les êtres sont ils sont né- « Les lois de la nature résultent essentiel-
cessaires, puisque les êtres ne peuvent sans lement des rapports qui sont entre les
eux être conservés dans l'état propre à leur êtres, » dit Ch. Bonnet. Tous les publicistes,
nature physique et morale. absolument tous, tiennent le même langage;
Ainsi, sans le mouvement qui vivifie, ani- et cette uniformité est un signe certain de
me et féconde toutes les parties de l'univers la vérité. La loi n'est donc pas uniquement
matériel, il n'y aurait plus bientôt ni végé- le rapport, mais le résultat et la manifesta-
tation, ni reproduction, ni vie et sans les tion des rapports. Ainsi c'est un rapport na-
rapports d'amour, qui unissent entre eux les turel que le fils hérite' de son père, et il de-
êtres intelligents, il n'y aurait plus d'ordre vient loi, lorsqu'il résulte, qu'il sort au de-
(1) Il est très-différent de dire qu Dieu a pro- sairement, adverbe, veut dire forcément, inévitable-
duit nécessairement les rapports, ou de dire que ment et nécessaire, adjectif, n'est, dans la langue
Dieu a produit des rapports nécessaires; car néces- métaphysique, que le superlatif de naturel.
997 PART. I. ECONOM. SOC – ESSAI ANALYTIQUE. S93
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tous les 1 t
*i les.
tous
un testament. De là vient que l'homme n'est >st temps et tous les hommes.
pas coupable uniquement pour manquer à « 11 doit donc y avoir, continue le théiste,
un rapport naturel, mais qu'il faut encorere une parole divine pour l'instruction de
qu'il ait eu connaissance de la loi qui ma-
a- l'homme, fixée par une Ecriture divine qui
nifeste ce rapport. In lege cognitio peccati.
tï. puisse conserver et transmettre cette parole
(Rom. III, 20.) pour l'instruction des sociétés. Et comme la
Donc les lois sont, selon les théistes, l'ex-
x- raison me démontre la nécessité de cette
pression de la volonté de Dieu, auteur des es parole et de cette écriture, les faits m'en
rapports qui sont entre les êtres comme le apprennent l'existence. »
créateur des êtres eux-mêmes. Effectivement les théistes conservent avec
L'état de société est celui où les rapports ts une grande vénération un livre où ilscroient
entre les êtres sont manifestés dans les lois,s, lire la parole divine, ce qu'ils appellent
expression de la volonté du souverain. l'Ecriture par excellence, parce qu'ils y
« Si les lois sont le résultat des rapports ts trouvent écrites, à ce qu'ils croient, les lois,
parfaits entre les êtres, et l'expression de la]a résultat des rapports les plus naturels, et
volonté de l'être infiniment parfait; l'être qui, outre sa prodigieuse antiquité, à la-
imparfait et fini, l'homme, quand même re il quelle aucune écriture humaine ne peut at-
pourrait dans son imperfection découvrir ce ;e teindre, présente des caractères frappants
rapport, n'a point en lui la raison de son ex- c-
d'une intelligence sublime, et d'une con-
pression ou de la loi, c'est-à-dire qu'il n'y a naissance profonde des devoirs de l'homme
pas de raison pour qu'il donne sa volonté lé et des fois de la société.
pour loi à des êtres égaux à lui, » dit le vrai ji Tel le a été, dans tous les temps et chez
théiste, qui, toujours conséquent à lui- j. tous les peuples, la foi de l'univers aux
même, voit le législateur suprême dansée [e communications divines faites à l'homme
souverain pouvoir, comme il a vu le souve- par la parole, parlée ou écrite, que tous les
rain pouvoir dans la cause première. « 11 est 5t anciens législateurs ont assuré que la Divi-
donc nécessaire que Dieu daigne révéler à nité leur avait parlé pour les instruire de
l'homme la connaissance de ces rapports enn ses volontés, et que, dans tous'les temps,
les manifestant par des lois, expression de les peuples les plus célèbres ont révéré des
e
sa volonté. Mais, entre des êtres intelligents,;> livres ou des écritures, comme dépositaires
il existe un rapport naturel qu'une expé-
rience journalière et constante nous décou-
l de la parole divine.
Certes, elles avaient de nobles senti ment.s
vre c'est que l'Homme, s'il a des idées, nee de la dignité de t'homme, ces nations qui
les connaît, n'en a la conscience que par less voulaient et croyaient n'obéir qu'à Dieu; et
signes qui les revêtent, et que les sens quii ils en ont une idée bien abjecte, ces hommes
les reçoivent transmettent à son esprit, et!t qui veulent absolument n'obéir qu'à l'hom-
principalement par la parole, signe exclusif
des idées générales du sociales et le Créa-
f me, et qui s'appellent libres, quand ils re-
çoivent les lois de leur égal, et égaux, quand
teur lui-même, législateur suprême de laa ils lui en imposent; comme si l'homme et
société, ne déroge pas aux lois dont il a miss tous les hommes ensemble avaient sur
la nécessité dans la'nature physique et mo- l'homme un pouvoir dont la raison fût
rale de l'homme, et qu'il a posées comme le3 en
eux-mêmes, et non dans la Divinité souve-
fondement de toute société. raine de tous les hommes, et que l'homme
« Dieu fera donc entendre une parole ài eût une raison d'obéir à un pouvoir qu'il
l'homme (1) ;.et comme cette parole en- ne regarde, ni comme l'organe, ni comme
tendue d'un homme ou d'une famille, danss le ministre, pas même comme l'instrument
un lieu et dans un temps déterminé, doitt du souverain universel. C'est en vain
être, sans altération, entendue de tous lesi que
ces hommes si dociles nous disent qu'ils ne
hommes, dans tous les lieux et tous less se soumettent à une loi, que parce qu'ils
temps, puisque cette parole leur enseigne cei ]l'approuvent; car outre qu'ils obéissent
qu'il leur importe le plus à tous de savoir, souvent à des lois qui ont été portées sans
leurs rapports avec les êtres semblables, eux, ou même contre leur volonté exprimée,
<
Dieu rendra cette parole fixe, universelle et ils
i ne font pas attention que l'adhésion à
perpétuelle par l'Ecriture, qui n'est qu'une iune loi est toujours forcée. En effet, que
(1) Voy.chap. 5.
i00°
m ŒUVRES COMPLETESJ DEL/lil H.
DE BONALD.•
cette adhésion
11 /• :i
ou les lumières, un
ait pour principe l'ignorance
esprit convaincu est,
lfl« U1U UVI/W»Ji*f
i>!Mn,.nM aa renfermé
rpnfprmA dans un
les
1 combinaisons
oetii nombre de signes
petit
infinies de la voix humai-
suivant la force même de l'expression, un ne r Ex hacne tibi terrena mortalique natura
is videtur qui sonos vocis, qui in-
esprit soumis, vaincu, asservi. Or, ce joug concretus
n'a lui-même
c
imposé à l'homme pensant, indifférent dans finiti videbantur, paucis
les sciences physiques lit'rées à nos vaines minàvit Z
Puisque
(1)? »
les rapports
1
littcrarum notis ter-
naturels entre les
disputes, l'homme en aucune
dans les êtres
i sociaux sont manifestés aux hommes
raison de le reeevoir de l'homme divines, et
sciences morales d'où dépend le règlement par I une parole et une écriture s'appelle loi,
actions que le résultat de ces rapports
des volontés et .la direction des so- <
qu'en qualité d'homme, il il
i y a donc deux modes de loi; lois parlées
ciales, parce sa
n'a pas une volonté inférieure à celle d'un ou <
traditionnelles, lois écrites ou publiques
homme, et il n'en trouve pas davantage et de là suivent deux états de société.
autre fait extérieur, visible
la raison dans l'homme de qui il fait la vo- La société est un
naît d'autres be- par certains caractères qui la constituent
lonté, et qui ne pas avec effectivement dans l'uni-
soins, et ne vit pas avec d'autres passions. société; et je vois
nouvelles vers deux espèces de société, et daos cha-
On voit la raison pour laquelle les
morale excitent, entre les que espèce, deux états successifs de société
doctrines en correspondants Fun à l'autre
hommes, bien d'autres débats que les non- parfaitement
chaque espèce.
veaux systèmes en physique et, comme l'a dans 1° une société entrel hom-
dit un philosophe, les hommes disputeraient Je vois partout,
géométriques les plus évidentes me et l'homme, c'est-à-dire entre des êtres
des vérités
de leur démonstration il naissait des de- semblables, mais non égaux société rendue
si
voirs dans la société. sensible par une action soumise à certaines
A la nétBSsité des communicationsfaites lois, résultat de
certains rapports entre les
parole divine, parlée êtres, et dirigée vers une fin, qui est la pro-
aux hommes par une et la conservation d'êtres semblables;
et tente, est inséparablement liée la néces- duction
sité que l'homme ait reçude la Divinité l'art et je retrouve danscaractéristiques cette société les trois
de toute
de parler, et même l'art aussi prodigieux de personnes sociales le sujet.
l'écriture, non de l'écriture des images, ap- société, le pouvoir, le ministre et seconde,
pelée hiéroglyphique, symbolique, etc., 2» Une société de l'homme, cause
l'Etre suprême, cause
etc., qui n'est que le dessin des objets, et être subordonné, avec conséquent semblables,
qui a été connue de tous les peuples-en- première êtres par
société rendue sensible
fants mais J'écriture des idées, l'écriture mais non égaux;
à certaines lois, ré-
phénicienne ou plutôt hébraïque, et qui est par une action soumise
peuples civilisés écriture qui fixe sultat de certains rapports entre les êtres, et
celle des
le son, qui parle aux yeux et donne uncorps dirigée vers une
fin, qui est de produireet
fini laconnaissance
à la pensée; « art divin, » s'écrie Gicéron,qui de conserver dans l'être
(1) II serait aisé de prouver, 1» que l'art de réflexion à croire que les peuples à leur enfance
faire voir l'idée par l'écriture est aussi incompré- aient inventé d'eux-mêmescet art prodigieux, qu en-
core les peuples-enfants, Chinois et autres, peuples
hensible en lui-même que l'art de la faire ouïr par
la parole. Je dis l'idée, car il faut bien distinguer' àà sensations, qui tous écrivent leurs images, n in-
cette écriture de l'écriture hiéroglyphique ou des ventent pas, même aujourd'hui .et après nous, et
images, avec laquelle, comme l'observe très-bien Condorcet en a fait ta remarque. Je me contenterai
Duclos, elle n'a aucun rapport. %• Que l'origine de de rapporter une observation bien naïve de Duclos
sur ce sujet, t L'écriture, progression lente
» dit-il, « n est pas née
cette écriture a été attribuée par les anciens aux et
peuples de la Palestine, qu'ils appelaient générale- comme le langage, par une
elle a été bien des siècles avant que de
ment Phéniciens, et qui sont les Hébreux. Phœmees insensible; elle née tout à coup et comme la
primum, etc. 5° Que les fables débitées sous mille naître, mais est tonne
formes, par les Grecs, sur le Mercure Trismégiste, lumiëre une fois conçu, cet art dut être
des Egyptiens, Thuut, Thau, etc., presque en même temps. » Ce passage, qui fait de
sur l'Hermès sur Fart d'écrire un prodige plus éton-
prétendu ministre d'un roi d'Egypte, l'un ou autre, l'invention de l'invention même de l'art de parler, est
selon les Grecs, inventeurs de l'art d'écrire, ne nant que de l'opinion de ceux qui attribuentcette
sont évidemment que la tradition défigurée de 1 in- décisif contre condamné par sa perfectibi-
tervention de la divinité dans l'invention des arts découverte à l'homme,lentement dans la route de la
nécessaires à la société; car Mercure, Hernies, lité même à avancer même temps que 1 éenture,
Thaut, Theuiatès desGaulois, et Gott des Germains, perfection. 11 prouve société
en
publique, a du naître posté-
ne sont que le nom de Dieu Ainsi, on
retrouve le moyen de la
à la parole, moyen de la
peuple de Dieu à la tête de toutes les sociétés, de rieurement de beaucoup
toutes les traditions, de toutes les histoires, même société domestique; les faits sont ici d*accord_ avee
chaque
de touies les fables, dp toutes les instructions né- le raisonnement,parole et la société, ainsi que
avant d'avoir l'écriture.
cessaires, à la tête de tout. Certes il y a peu de homme, a eu la
de l'être infini et je retrouve encore dans l'Homme-Dieus'est rendu extérieur, et rend
cette société le caractère distinctif de toute encore sa présence réelle sous des signes ou
société le pouvoir, le ministre, le sujet; so- espèces sensibles. Les ministres sont des
ciété divine, société humaine, deux espèces hommes distingués des autres par une pro-
société.
de
Chacune de ces deux espèces présente
fession publique; les sujets fidèles ou féaux,
sont le corps même de la nation.
deux états parfaitement correspondants dans Or, aussi haut que l'on remonte, à l'aide
chaque espèce, l'état domestique et l'état de l'histoire, dans les temps passés, ou aussi
public de religion ou société divine, l'état loin que conduisent les voyages chez les
domestique et l'état public de société hu- peuples modernes, on retrouve un culte do-
maine. mestique dans la famille, un culte extérieur
Dans l'un, état naissant, primitif, originel, dans l'Etat. « Jamais Etat ne fut fondé que
élémentaire, la société divine ou humaine la religion ne lui servît de base, » dit Jean-
est purement domestique, et s'appelle fa- Jacques-Rousseau.
mille et' religion naturelle, et mieux, peut- C'est ici qu'il faut remarquer l'influence
être, native ou patriarcale. Dans cet état des'roots sur les idées. De ce que la religion
de société, la loi, volonté du souverain, se domestique est exclusivement appelée natu-
transmettait par une tradition domestique; relle, on en a conclu que la religion révélée
l'action sociale (appelée culte dans la reli- n'était pas naturelle; et de ce que la religion
gion) était domestique, ou renfermée dans chrétienne s'appelle exclusivement te reli-
i'intérieur de la famille; les personnes so- gion révélée, on en a conclu que la religion
ciales étaient inférieures Ou domestiques. domestique n'était pas révélée. Toutes les
Dieu même, pouvoir de cette société, ne deux religions, ou plutôt ces deux états de
permettait aucune représentation extérieure religion, sont naturels, l'un à l'état de fa-
de son Être divin, comme on peut le remar- mille isolée, l'autre à l'état public ou poli-
quer dans les livres saints. Le ministre ou tique, et tous les deux sont révélés, l'un par
le prêtre était le père de famille; les sujets, la parole, l'autre par l'écriture.
les personnes dé la maison. La religion naturelle, ou domestique,pro-
On voit la raison pour laquelle, dans les duit au dehors la connaissance qu'a l'homme
premiers âges de la société, et lorsqu'une de la Divinité, en faisant de son culte une
nation n'était encore qu'une famille nom- action extérieure et sensible. La famille pro-
breuse, le sacerdoce était toujours uni à la duit l'homme, et lui donne l'existence. Ce
royauté usagé qui se retrouvait même à sont des sociétés de production. La religion
Rome, où un membre du collége des pon- révélée maintient et étend la' connaissance
tifes portait le titre de roi, pour pouvoir of- de Dieu; l'état politique conserve la famille,
frir un sacrifice national, usage qui s'aper- et perfectionne tout ce qui a rapport à
çoit encore dans les Etats les mieux consti- l'homme. Ce sont des sociétés de conserva-
tués, et que je crois la secrète raison de la tion.
cérémonie du sacre des rois. « Car tout ce Aussi nulle part on ne voit des familles
qui est, » dit un auteur, « tient toujours de ce subsister rapprochées sans former, d'abord
qui a été. » momentanément, et bientôt d'une manière
Dans l'autre, état subséquent, développé, permanente, un état public, comme on ne
accompli, la société divine ou humaine est voit encore la religion naturelle se conser-
publique, et s'appelle religion révélée, ou ver dans aucune société que dans la société
manifestée, et état politique ou gouverne- publique du christianisme.
ment. Dans cet état de société, la loi, voloaté Donc Fétat domestique est l'état faible,
du souverain, est presque toujours exté- puisqu'il a besoin d'être Conservé, et l'état
rieure ou écrite; car dans toute société pu- public est l'état fort, puisqu'il conserve.
blique, le pouvoir finit par écrire la tradi- L'un est l'état natif, originel; l'autre, l'état
tion et rédiger les coutumes. L'action so- accompli, naturel; car la force, l'a bouté, la
ciale (appelée culte dans la société religieuse) perfection sont la vraie nature de l'être per-
est extérieure, les personnes publiques sen- fectible.
sibles même dans la religion; et l'on peut Ce sont là des faits qui prouvent des rai-
remarquer que dans la société judaïque, sonnements, et des raisonnements qui ex-
Dieu rendait sa présence sensible dans le pliquent des foits mais l'art des sophistes
tabernacle; et que, dans ia sociétéchrétienne, consiste à combattre des vues générales par
des faits isolés et obscurs, ft des faits gêné- port
{ de la religion, de la politique, de la
raux et publics par de petites raisons. littérature
1 même, et fait voir, par exemple,
La religion naturelle ou primitive est donc pourquoi
p les anciens réussissaient mieux
à la famille considérée hors de tout gouver- que
q les modernes dans le genre familier,
nement, et antérieurement à tout établisse- dont
d ils transportaient les détails naï fs ( 2}
ment public de société, ce que la religion même
n dans les genres les plus relevés, et
révélée ou publique est à l'état politique. La pourquoi
j: les modernes réussissent mieux
raison saisit avec une irrésistible évidence dans
d le genre public ou noble, dont ils
le rapport de cette proportion sociale, et ont
c porté la dignité jusque dans les sujets
c'est ce qui lui démontre le contre-sens des 1les plus familiers; et c'est ce qui fait qu'on
réformateurs religieux calvinistes, théophi- trouvet des détails si ignobles dans YJliade,
Janthropes, philosophes, qui, aujourd'hui eet tant de dignité et d'élévation dans certai-
que la famille ne peut plus être considé- i;nes fables de la Fontaine.
rée hors de l'état politique, puisque, à quel- Il y a donc eu, selon les théistes et la rai-
que époque qu'elle remonte, elle trouve son, s une parole de Die^u aux hommes, fixée,
toujours cet état antérieur à elle, veulent confirmée,
c développée peut-être par l'Ecri-
rétablir la religion naturelle (car on sait que ture.
t Cette parole doit convenir à tous les
les calvinistes mettent le sacerdoce dans le hommes[ et à toutes les sociétés, à tous les
père de famille) comme si une religion do- besoins l des uns, à tous les états des autres
mestique était naturelle à un état public de eet de même que l'état domestique et primi-
société discordance impossible, comme il tif t de société est le germe de l'état public,
le serait à une famille isolée dans une île 1les lois simples et primitivesseront le germe
déserte d'offrir sans ministres le sacrifice de <jdes lois subséquentes et développées de la
la religion chrétienne, et d'en exercer toute société perfectionnée.
s
geule le culte public.
Tu adoreras ton Dieu, et tu le serviras lui
La religion judaïque, passage nécessaire seul. (Matth. iv, 10.)
de la religion patriarcale à la religion révé- S
lée, ne convient pas davantage à l'état pré- Loi fondamentale de la souveraineté de
sent de la société. Les habitudes imparfai- Dieu I sur les hommes, et qui exprime les
généraux de la créature intelligente
tes de l'adolescence ne s'accommodent plus rapportsr
et corporelle avec son Créateur, rapports
avec la dignité et les lumières de l'âge viril. egénéraux qui consistent à l'adorer par son
Ce culte grossier et, local a fait place au culte
et universel; et sectateurs dispersés esprit,
{ à le servir par ses sens, à l'aimer par
pur ses
conséquent; car l'amour est le principe de
ne retrouveront plus ses ministres, et ne
relèveront jamais ses autels (1). l volontés et de nos actionssociales.
nos
Telle est la simplicité des voies de l'au- L'amour est donc le principe, du pouvoir,
teur de la nature, législateur de toute so- ou < plutôt il est le pouvoir lui-même, puis-
ciété, et la fécondité de son plan, que la qu'il i donne à l'esprit et au corps le vouloir
société domestique ou de production est le et t le faire; et comme
l'amour de soi est le
germe et l'état primitif de la société publi- principe
g j du pouvoir dans la société de soi ou
domestique, l'amour des êtres sem-
que ou de conservation, et la société de con- société
s
servation, le développement, l'accomplisse- 1blables à soi est le principe dupouvoir dans la
ment, 'a perfection de la société de produc- sociétéi des êtres semblables à soi, ou la so-
tion.Ainsi, la famille partouta précédé le gou- ciété
( publique. Cette proposition fondamen-
vernement politique, et dans la religion, ce tale t de la science de la société renferme des
qu'on appelle l'état de grâce a suivi, accom- conséquences
<
très-étendues, et elle contre-
pli, perfectionné l'état de nature. dit
< directement le principe de la philosophie
Cette distinction d'état domestique ou fa- moderne, qui fait de l'intérêt privé, ou de
milier et d'état public, explique le monde l'amour de soi, la base de la société des au-
ancien et le monde moderne, sous le rap- tres, 1 et qui veut ainsi unir les hommes en-
(i) II y a Je quoi s'étonner de l'acharnement mais il n'est pas de foi que le fait rapporté par
j
ridic.ulfs que Voltaire a mis à engager quelques Ammien Marcellin se répétât toutes les fois qu'il
puissa:iîesà faive rebâtir le Leinple de Jérusalem, plairait à un prince d'essayer, à Jérusalem, de
comme si la religion judaïque, figurée par son remettre une pierre sur une autre.
peuple, pouvait être rétablie aussi facilement qu'un (2 ) Naïf n'est que le mot natif contracte, et
édifice peut être reconstruit. La for et la raison cette observation n'est pas indifférente au sujet que
attestent que le culte mosaïque ne renaîtra pas, je traite,
™os
tre eux, précisément par
PART.
ce qui
parce
intarissable de leurs divisions.
1. ECONOM.
(1) Tous nos efforts pour changer les habitudes la civilisation, et que la constitution seule en est
politiques et militaires des Turcs ont été inutiles, le moyen. Il n'y a jamais eu chez les peuples an-
et cela devait être. C'était s'obstinera soutenir un ciens
<:i que les Macédoniens, les Romains et les Spar-
édifice sans fondements, où l'on ne voulait pas voir tiales
ti qui aient su l'art de la guerre, parce qu'ils,
que les connaissances (soi laies) sont le résultat de étaient
éi plus constitués que les autres.
J'absurdité de son théisme, qu'on ait la qu'elles n'étaient ni sages, ni fondamentales,
bonne foi d'attribuer la force et les progrès et que loin de les faire vivre longtemps sur
des nations chrétiennes à la perfection de la terre, elles ne pouvaient que hâter leur
leur religion, de cette religion élevée qui, dégénération et consommer leur ruine.
éclairant immédiatement l'intelligence bu- C'est ici que paraît avec la dernière évi-
maine sur les rapports les plus vastes et les dence la vérité de ce que nous avons avancé,
plus importants, ceux de l'homme avec l'être que l'homme imparfait et borné ne se serait
inlini, y produit un foyer de lumière qui jamais élevé de lui-même à la connaissance
J'éclaire sur ses rapports secondaires avec des rapports fondamentaux, des rapports
les autres êtres (1). Et qu'on n'allègue pas parfaits qui existent entre les êtres, et sur
les connaissancesrelevées de quelques sages -lesquels repose la société, et que, moins en-
du paganisme; car outre qu'ils ne savaient core il aurait pu les faire passer en lois, et
rien, puisqu'au fond ils doutaient de tout, y assujettir les autres hommes, puisqu'il
je demanderais quelle influence leurs sys- n'en a pas même su tirer des conséquences
tèmes ou leurs doctrines ont eue sur le bon- justes et naturelles lorsqu'ils lui ont été ré-
heur du peuple et l'état de la société? vélés, et qu'il a détruit les lois générales
Si l'on m'opposait la prodigieuse durée par ses lois particulières.
1
de l'empire de la Chine, je répondrais que Ainsi de cette loi fondamentale, dont
la Chine n'est encore qu'une société nais- une tradition ineffaçable avait conservé le
sante, puisque toutes les faiblesses de l'hu- souvenir, tu adoreras ton Dieu, et tu le ser-
manité y sont opprimées; ce qui fait que cet viras lui seul, tous les peuples anciens', hors
empire, malgré son énorme population, est un seul, et même des peuples modernes,
le plus faible des Etats, sans cesse ravagé ont tiré la conséquence qu'il fallait adorer
par les révolutions, ou asservi par la con- et servir une multitude de dieux, ou servir
quête. La vie d'une société est sa civilisa- Dieu en opprimant l'homme; et de là J'ido*-
tion et non sa durée. lâtrie avec ses extravagances, et lemahomé-
Je vais plus loin, et à comparer entre elles tisme avec sa barbarie; et même sous nos
les sociétés chrétiennes, je remarque plus yeux, des hommes se croyant éclairés, en
de force, et une existence plus longue et tirent la conséquence, les uns, qu'il y a un
plus glorieuse sur la terre dans la nation où Dieu, mais qu'indifférent à nos actions et
le pouvoir public et religieux était le plus aux événements de ce monde, il demande
honoré, je veux dire la France, où la consti- de nous une adoration purement spirituelle,
tution politique était plus naturelle que sans culte extérieur et commun; les autres,
partout ailleurs, et la religion mieux en- qu'il n'y a point de Dieu, et que toute ado-
tendue et plus sévère; et Condorcet lui- ration est un préjugé, et tout culte une su-
même s'en plaint; et je vois les sectes ré- perstition.
formées et les Etats populaires, ces sociétés Ainsi de cette loi, tu honoreras ton père et
qui cessent d'honorer le pouvoir public, ta mère, certains peuples sauvages en ont
puisqu'elles ne le connaissent plus que de conclu qu'il fallait tuer et manger leurs pa-
nom, et que gouvernées par des pouvoirs rents parvenus à une grande vieillesse, pour
particuliers, elles substituent ainsi le pou- les délivrer des misères de la caducité; et
voir de l'homme à celui de la nature et de même au milieu des peuples policés, des
son auteur, je les vois, dis-je, livrés en nais- philosophes plus sauvages encore ont avancé
sant à l'esprit de contention et de révolte, que l'enfant ne devait plus rien à son père
vivre ou plutôt végéter dans la haine et la et à sa mère une fois qu'il était parvenu à
guerre, pour finir-bientôt dans l'anarchie et l'âge de raison et de force, précisément à
dans l'athéisme, et annoncer par là que les l'âge où il peut les honorer et les secourir;
lois récentes qu'elles avaient reçues n'é- tandis que dans ia société politique d'autres
taient pas des rejetons des lois naturelles, insensés, raisonnant sur les mêmes princi-
(1) La religion dit aux hommes » Il existe tes mais n'allez pas plus loin il n'existe aucune
des effets, vous pouvez en user; mais il existe une cause, et s'il en existe «ne, vous ne la trouverez
cause première, et vous devez la connaître voilà pas. «Je le demande, quelle tst, de la religion ou
les données dont il faut partir pour la chercher, et de la philosophie celle qui s'oppose le plus aux
la route que vous devez suivre; ne vous détournez progrès de l'esprit humain? Aujourd'hui dans les
ni à droite ni à gauche, vous vous égareriez infail- écoles on défend de parler de Dieu, d'âme, d'esprit,
liblement. ) La philosophie moderne leur dit < II et les hypocrites accusaient la religion de nous in-
existe des effets, jouissez-en, manipulez, décompo- terdire les recherches, lorsqu'elle ne faisait que les
sez, combinez, soyez chimistes, géomètres, artis- guider.
pes, concluaient qu'une nation parvenue à religieuse, nous donne comme le signe au-
sa maturité ne doit plus honorer d'autre lé- quel nous reconnaîtrons la société qu'il a
gislateur qu'elle-même, et faisaient de tou- fondée; cette société de laquelle il dit lui-
tes ces erreurs la base de leur législation re- même que les portes de l'enfer ne prévaudront
ligieuse et politique, domestique et pu- jamais contre elle, parce qu'il est avec elle
blique. tous les jours jusqu'àla consommation(Matth.
Ainsi, lorsqu'il était dit aux hommes, tu xvih, 20); cette société qu'il compare à l'édi-
ne tueras point, de3 peuples entiers, et des fice bâti sur le rocher que les vents impétueux
plus célèbres, obéissaient, obéissent encore des nouveautés humaines, les efforts des pas^
à la loi du meurtre légal des enfants, ou de sions, et la rage môme de l'orgueil ne sau-
l'exposition publique. Ceux-ci établissent raient renverser. Cette subsistance, au mi-
le divorce pour enlever à leur prochain la lieu des combats, malgré la variation conti-
femme qu'il n'est pas même permis de dési- nuelle des choses humaines, cette vie de
rer ceux-là entin qui n'ont pas ignoré cette force, plus encore que de durée (car le ma-
loi fondamentale, tu ne déroberas à ton pro- hbméfisme dure et ne vit pas), ne pouvait
chain rien qui soit à lui, ont porté des lois pas être un signe pour les contemporains
pour le dérober lui-même, et réduire sous de la naissance même de la société. Il est
le plus dur esclavage des familles, des na- de nécessité absolue qu'ils en aient vu d'au-
tions entières. tres et, au défaut même de l'histoire, la
C'est donc en tirant des conséquencesjus- raison nous dirait que l'être, dépositaire des
tes des lois primitives et fondamentales, que volontés divines, devait participer à l'action
l'être humain, pouvoir dans toute société, divine, et faire ce que les hommes ne pou-
porte des lois sages et fondamentales elles- vaient pas faire pour accréditer auprès d'eux
mémes, des lois rejetons des lois naturelles, des vérités hautes et sévères qu'ils ne vou-
et qui font vivre longtemps l'homme sur la laient pas croire, et que si la religion chré-
terre; des lois enfin qui sont l'expression tienne a perfectionné la société, et résisté
de la volonté générale du souverain législa- aux hommes et au temps, elle est divine;
tour de l'univers. « Ces lois, » dit Charles si elle est divine, son souverain est Dieu
Bonnet, « sont en quelque sorte le langage même son pouvoir est de Dieu, et que cela
de l'auteur de la nature, et l'expression posé, la raison aperçoit la nécessité des œu-
physique de sa volonté. » vres extraordinaires du fondateur, même
Ici, le croirait-on? je me trouve d'accord avant que l'histoire en établisse la certitude.
avec la fameuse déclaration des droits. « La Mais si les œuvres merveilleuses du fonda-
loi, » dit-elle, c( est l'expression libre et so- teur de la religion chrétienne font moins
lennelle de la volonté générale. » d'impression sur nous par l'habitude d'en
Mais les auteurs de cette mémorable dé- entendre parler ou par la distance des
claration entendaient par la volonté géné- temps qui, à cause de l'imperfection de no-
rale la volonté collective de plusieurs indi- tre esprit, affaiblit, non la certitude, mais
vidus, ou la volonté populaire, imparfaite la croyance des faits comme l'éloignement
comme l'homme, et plus imparfaite quand des lieus, à cause de la faiblesse de nos or-
elle sort du choc des intérêts et des passions ganes, rend plus obscure, non la lumière,
entre plusieurs hommes; et j'entends par mais la vision de la lumière, l'âge du monde
volonté générale la volonté de l'être le plus où nous vivons, et l'expérience bientôt de
général pour la conservation de la généralité deux mille ans, nous donne des motifs de
des êtres, volonté parfaite, seule capable de crédibilité plus forts encore, parce qu'ils
régler des volontés imparfaites (1). sont plus généraux, des motifs qui, par un
La.force vitale d'une société, qu'on me effet contraire, deviennent tous les jours
permette cette expression, est donc le carac- plus convaincants, et que la révolution qui
tère auquel nous pouvons reconnaître la sa- s'est faite en France, et qui se prépare en
gesse de ses lois et la constitution naturelle Europe, portera à un degré d'évidence irr4-
de son pouvoir; et c'est aussi ce caractère sistible; en sorte que si les contemporains
que l'Homme-Dieu, pouvoir de la société de l'homme avaient, pour croire, les œuvres
U) La grande erreur politique de J.-J. Rous- les idées générales et simples, et les idées collectilll's
seau est d'avoir confondu la volonté générale et la on composées sous le nom d'idées abstraites mé-
volonté collective ou popinaire, et la grande erreur prise qui conduit à l'athéisme, comme celte <&
idéologique de Coiidillac est aussi d'avoir confondu Jean Jacques conduit à l'anarchie.
surhumaines du législateur, les sujets du adorer le souverain et honorer le pouvoii
pouvoir ont, pour croire, les effets divins de et qui empêchent d'attenter à l'homme dans
la législation. sa personne et dans sa propriété, c'est-à-
C'est donc l'Homme-Dieu, selon les Chré- dire, pour réduire les lois à leurs principes,
tiens, qui est venu promulguer par une et la société à ses éléments, lois qui répri-
nouvelle parole, fixée dans une nouvelle ment l'action des passions, destructives de
écriture, une nouvelle loi, l'amour de Dieu la connaissance de Dieu et de l'existence de
et du prochain; loi fondamentale d'une l'homme car ce ne sont pas des lois, mais
nouvelle société divine et humaine; loi, des règlements passagers et toujours provi-
développement. naturel de la loi primitive, soires, des arrangements locaux et de cir-
puisqu'il dit lui-même qu'il n'est pas venu constances, que toutes ces lois de fiscalité
la détruire, mais l'accomplir ( MatEh. v, 17) et de commerce qui encombrent le code des
loi primitive à laquelle il remonte directe- Etats et la tête des administrateurs, et qui,
ment, lorsque changeant d'autres lois, con- trop souvent opposés aux vrais intérêts de
séquences peu naturelles ou imparfaites la société, ne sont qu'un compromis entre
données passagèrement à un peuple enfant la cupidité du prince et la cupidité des
et qui ne conviennent plus au peuple d'hom- sujets.,
mes qu'il veut former, il dit a été dit à Le pouvoir doit donc attendre, pour porter
vos pères Vous ne tuerez pas, et moi, je la loi, que la nature ou l'ensemble des rap-
vous dis Vous aimerez jusqu'à vos enne- ports naturels entre les. êtres qui, môme à
mis, etc. (Ibid., 43, kk. ) l'insu de l'homme, dirigent les événements
Ces rapports, si Dieu les pouvait entre- lui en indique la nécessité. La nature, qui,
voir, aucun autre législateur que Dieu ne dans ce sens n'est autre chose que la
pouvait leur donner force de loi. La légis- volonté du Créateur des êtres, auteur de
lation des nations chrétiennes n'en est que tous les rapports qui existent entre eux,
t'application plus ou moins développée; la prend donc, pour ainsi parler,' l'initiative
société politique n'existe que pour les faire des lois nécessaires, comme l'homme prend
observer, et telle est l'influence du christia- l'initiative des lois qui ne le sont pas.
nisme sur la législation des Etats et le sort Àinsij.les mœurs, ou lois naturelles à l'état
de l'humanité, .que dans toutes les sociétés, domestique de société, insensiblement déve-
même politiques, à commencer par celle des loppées, deviennent naturellement les lois
Juifs, il a resté, et il reste encore jusqu'au politiques naturelles à l'état public, telles
parfait établissement du christianisme, des que sont l'unité et la masculinité du pouvoir,
lois imparfaites,conséquencesfausses, quel- le droit de primogéniture et l'inaliénabilité
quefois absurdes, des lois fondamentales; des domaines, lois fondamentales de ['Etat,
et ce fait au-dessus de toute contradiction comme elles le sont de la famille; lois dont
est la preuve de l'assertion que j'ai présen- les autres lois, moins importantes, ou plus
tée comme un axiome de la science de la tard importantes, sont les conséquences
société, que l'humanité a été opprimée dans plus ou moins éloignées. Ainsi, à partir des
tout état public de société où l'Homme-Dieu Germains, dont les mecurs ont été si bien
(représentant la société tout entière) n'a décrites par Tacite, et qui offrent les pre-
pas été reconnu. miers pas d'une société hors de l'état domes-
L'homme chef de l'Etat politique, minis- tique, et pour ainsi dire, son entrée dans le
tre de la Divinité pour faire le bien et punir monde civilisé, on peut, en venant jusqu'à
le mal, minister Dei in bonum, si autemt nous, suivre les progrès de la société et le
malum feceris, time, mais pouvoir visible à développement de nos lois politiques. Mais,
l'égard des hommes sensibles, tant qu'il ne lorsque l'homme a porté quelque loi qui
contredit pas formellement le pouvoir (1) n'est pas le résultat d'un rapport naturel,
supérieur dont il est le ministre, ne doit la société tombe dans un état de langueur
donc promulguer de lois que celles qui sont et de trouble qui avertit naturéllement le
les conséquences naturelles de rapports pouvoir de la nécessité de retirer une loi
naturels qui existent entre les personnes qui introduit dans l'Etat un usage vicieux
sociales constitutives de toute société, pou- et si le pouvoir, averti par ces symptômes
voir, ministre, sujet, des lois qui fassent fâcheux de l'état de souffrance du corps
(1) Nec possumus, nec debemus, disait au roi le à une toi majeure relative à l'état public de la
parlement de Paris, refusant son enregistrement religion.
1U;Wi ran 1 i. 1. ^uunufli. ow. –
social, néglige d'y porter remède, la nature Ainsi, plusieurs lois portées en France sui
Je ramène à son devoir par des révolutions, l'ordre
l' des ministres du pouvoir, depuis la
comme elle punit par les maladies, ou même loi 1, qui leur permit, il y a plusieurs siècles,
par la mort, l'homme physique à qui elle d'aliéner
d leurs terres, jusqu'à celle qui, de
annonçait depuis longtemps, par le déran- nos r, jours, en bornant les degrés de substi-
gement de ses fonctions, la présence de tution,t leur a défendu de perpétuer les
quelque levain vicieux, parce que l'homme bienst dans leurs familles, et par là a défendu
et la société, écartés des voies de la nature, aux
a familles elles-mêmes de se perpétuer,
« ne cessent d'être agités jusqu'à ce que t
toutes ces lois, dis-je, n'étaient ni nécessai-
,l'invincible nature ait repris son empire. » res,
r ni naturelles elles ont été portées
La nature est donc le premier et devrait être contre
c les ministres, et par conséquent contre
l'unique législateur dès sociétés. Delà vient le
1 pouvoir, contre la société.
que prësqu'aucune des lois politiques cons- Mais si le pouvoir ne doit porter que des
titutives de l'Europe monarchique, et parti- lois
1 dont la nature elle-même indique la
culièrement de la France, n'a de date cer- nécessité,
r que penser- de la profonde igno-
taine ni (t). d'auteur connu, et que l'his- rance
r ou de la téméraire présomption de ces
toire ne nous montre de législateur que hommes 1 qui disent Assemblons-nous, et in-
dans les Etats populaires, dont les lois ou ventons
t une société; comme des ouvriers
ce qu'ils appellent ainsi, portent souvent, diraient
c Défrichons ce terrain inculte, ou
comme à Rome, le nom de leur auteur construisonsc un édi fice et qui, faisant des
Lex f alerta, Opimia, etc. C'est l'instinct de lois
1 par cela seul qu'ils sont assemblés pour
cette vérité qui faisait dire à Mably « Je en t faire, font des lois sur tout, font des lois
crois avoir remarqué que les Etats qui se contre( tous, et les font nécessairement dé-
sont formés avec le plus de lenteur ont acquis sastreuses
s par cela seul qu'elles n'étaient
plus de consistance alors chaque établisse- pas 1 nécessaires ?
ment trouve tous les esprits disposés à le Après les détails dans lesquels nous ve-
recevoir, » parce que chaque loi a été précé- nons
î d'entrer, il en coûte à l'homme qui a
dée par quelque chose qui l'a rendue néces- quelque
( justesse dans les idées, de discuter
saire, et qui en faisait prévoir et désirer la l'opinion
1 de la souveraineté du peuple,
promulgation; et malheur à la société où il néant,
1 c'est-à-dire abstraction sans réalité,
se fait des lois inattendues 1 système
i où Dieu n'est pas, où l'homme seul
On voit la raison du peu de consistance est < tout, et même les extrêmes, pouvoir et
qu'ont pris en Europe certains Etats qui se sujet
j
faux puisqu'il est impraticable de
sont formés rapidement, comme ces fruits l'aveu même de ses défenseurs, et où l'on
mûris à force de chaleur artificielle, qui est < toujours placé entre une inconséquence
n'ont ni couleur ni saveur; et sans parler de et un blasphème. En effet, si l'on fait crain-
la France démocratique, qui a eu une crois- dre aux apologistes de cette souveraineté
sance si rapide et une mort si subite voyez que l'ignorance et les passions humaines
la Hollande, formée en peu d'armées et n'égarent la faculté législative de l'homme
détruite en peu d'instants!1 ou du peuple, ils vous répondent, tantôt
Le pouvoir qui promulgue une loi néces- avec Jurieu Que le peuple est la seule auto-
saire, résultat d'un rapport naturel entre les rité qui n'ait pas besoin d'avoir raison pour
êtres, comme par exemple celui de la suc- valider ses actes, tantôt que le peuple est
cession maseul i ne, expri me donc une volontéjuste et bon et qu'il ne saurait faillir) et par
du souverain, conservatrice des êtres qu'il cela seul ils reconnaissent urre justice et une
a créés; et celui qui promulgue une loi non bonté au-dessus du peuple, puisqu'il y con-
naturelle, une loi destructive de la société, forme ses pensées, et une règle antérieure
comme serait la loi qui appelle les femmesau peuple, dont il ne peut s'écarter dans ses
au pouvoir, cause interminable de troubles actions et ils sont ainsi ramenés à la sou-
civils et de guerres étrangères, désobéit à veraineté de Dieu, justice, vérité, bonté es-
l'auteur de la nature, ou plutôt obéit à un sentielles, auteur nécessaire de tout ordre.
autre souverain, à l'homme et à ses D'autres, plus conséquents, soutiennent
caprices, <
qu'il n'y à de juste que ce que le peuple per-
(1) L'histoire d'un état populaire est l'histoire laquelle nous avons de bonnes histoires des Grecs et
de l'homme et de ses actions bonnes ou mauvaises. des Romains, et que nous n'avons pas une bonne
L'histoire d'un l'Etat un est celle de la nature et histoire de France.
tie ses insensibles développements; raison pour
met, d'injuste que ce qu'il défend et comme laires, soit pour porter des lois, soit pour,
Jaas un pareil système il faut tout accorder élire des hommes.
ou tout rejeter, ils sont, malgré eux-mêmes, Mais l'être infini, général, ou Dieu, et l'ê-
poussés jusqu'à soutenir que la loi de Sparte, tre collectif appelé peuple, se servent d'un
qui permettait au jeune citoyen, comme un être intermédiaire pour faire entendre leur
exercice l'assassinat de son esclave, est volonté à l'être fini, particulier, individu,
aussi juste que celle qui prescrit à un père et lui appliquer leur action, et faire ainsi
de donner des aliments à ses enfants et s'il de cette volonté et de cette action générales
objectait qu'il y a dans l'homme un senti- ou collectives, une volonté et une action
ment naturel qui l'avertit de la barbarie de spéciales et déterminées.
cette loi, on lui répondrait que les Spartia- Le pouvoir subordonné, appelé dans les
tes n'éprouvaient pas sans doute ce senti- deux systèmes, chef, autorité, et dans cet
ment naturel, lorsqu'ils la recevaient de ouvrage, le pouvoir, est cet être intermé-
leur législateur, et la mettaient à exécution; diaire entre Dieu et les hommes, ou entr^
ou que s'ils l'éprouvaient, il y a donc un cer- le peuple et l'individu, c'est-à-dire entre
tain ordre naturel, différent de la volonté l'être général et infini et l'être particulier
de l'homme, puisqu'il est antérieur à ses et fini, ou bien dans le système populaire,
actions, indépendant de l'homme par con- entre les hommes collectifs et l'individu et
séquent, et dont un sentiment intime lui il est l'organe de la volonté du souverain,
révèle l'existence, ce qui ramènerait encore et le ministre de son action envers-le svjet.
la souveraineté de l'Etre suprême on lui La volonté, acte de l'être simple sur des
répondrait par l'opinion qu'ont eue sur la êtres simples ou intelligents, est indivisi-
souveraineté du peuple, quand il en exerce ble, et l'on ne peut distinguer, dans la vo-
les actes, les philosophes anciens, Cicéron lonté, de commencement, de milieu ni de
surtout (i), et même les modernes, tels fin. La volonté n'est bornée ni par la dis-
que J.-J. Rousseau et Mahly, lorsqu'ils dai- tance des lieux, ni par l'éloignement des
gnent descendre des régions éthérées de temps ni par le nombre des hommes.
leur théorie sociale on lui répondrait en- L'homme veut partout, et même là où il
core mieux par l'exemple de l'Angleterre et n'est pas; toujours, et même après lui sur
de la France, où les lois les plus oppressi- tous, et.le même acte de ma volonté qui fait
ves ont été portées, au nom du peuple, con- mouvoir mon bras, fait agir une armée. La
tre Dieu et contre l'homme, par ceux qui se volonté embrasse donc la généralité dans
disaient ses mandataires; leçon terrible, sa simplicité, et à cause de sa simplicité
événement à jamais mémorable, où l'on a même, elle comprend le présent et l'avenir,
vu, dans les deux siècles qui viennent de l'objet prochain et l'objet éloigné, le tout et
s'écouler, deux puissantes nations ravagées la partie; et la volonté qui fit sortir du néant
par leurs propres lois comme une tempête, et exister au dehors l'univers sensible, n'est
résister à leurs ennemis, et succomber sous pas plus composée que la volonté qui tire
leurs législateurs. mon corps du repos et le transporte dans un
CHAPITRE V. autre lieu.
L'action exercée sur les corps, sur l'être
DES MINISTRES ET DE LEURS FONCTIONS. composé, est par cela même composée et
divisible. Elle commence, elle continue, elle
JI faut ici rappeler les principes pour en finit; elle est circonscrite à une portion de
suivre l'enchaînement. Le pouvoir suprême, la durée, exercée sur une portion de la ma-
infini ou général dans Dieu, collectifdans tière une action se fait dans un certain lieu,
les hommes, appelé, dans l'un ou l'autre pendant un certain temps, sur un certain
système, le souverain, veut et agit d'une ma- sujet et l'action de lancer une pierre, de-
nière générale ou collective relative à la gé- mande bien moins de lieux, de temps et de
néralité des êtres, ou à une collection quel- matière que celle de construire un édifice.
conque d'êtres. De la simplicité et de l'indivisibilité de la
Ainsi, les hommes, là où le peuple se dit volonté, il suit qu'elle est incommunicable
souverain, veulent et agissent d'une ma- l'homme pensant ne charge jamais quelqu'un
nière t-u^cvni'c uaus leurs
u.vic collectivedans icuis assemblées
ttsaeiuujee*popu-
yupu- ae vouloir
de puisqu il peut toujours
vouloir pour lui, puisqu'il
lisau!lé-iTuseiîc!iSlUll0 S/mUm est '"Ud existimare omnia justa esse
tis aut legibus. (Cic., De leg. 1uœ scita sint in-populorum instilu-
1021 PART. 1. ECONOM.
vouloir lui-même. C'est la pensée de J.-J.
Rousseau, « la volonté ne peut jamais être
représentée. »
-––
SOC. – ESSAI ANALYTIQUE.
rieur de l'Etat, et le combattent mr
1a r.nmhn.itP.nt. par
de la loi, ou repoussent par les armes l'en-
nemi étranger.
«^
nnz
\» glaive
le <,u\™
De ce que l'action est divisible et Les ministres sont donc nécessaires dans
compo-
sée, il suit que l'homme agissant peut char- toute société,
comme un rapport naturel en-
ger quelqu'un de faire pour lui, parce qu'ill tre le pouvoir et le sujet. Aussi ils ont existé
ne peut pas toujours faire lui-même. sous une forme au sous une autre, sous un
Ainsi, l'on ne donne jamais de procura- nom
ou sous un autre, dans toutes les so-
tion à quelqu'un pour vouloir, mais
pour• ciétés religieuses et politiques. Ainsi, les
faire puisqu'on veut d'avance ce qu'il tyrans ont des satellites
fera. pour contraindre
leurs esclaves, comme le pouvoir a des mi-
Ainsi, la volonté peut avoir des conseil- nistres
lers qui l'éclairent, mais l'action doit avoir Moloch avait pour gouverner ses sujets. Ainsi
ses prêtres qui lui immolaient
des ministres ou serviteurs qui l'accomplis- physiquement des victimes humaines,
com-
sent. me le Dieu des Chrétiens a son sacerdoce
Nous avons vu que l'action publique du qui lui immole d'une manière mystique
pouvoir s'appelait gouvernement dans l'état victime humaine, seule digne de lui etune
i
les
politique, culte dans l'état religieux. sectateurs purs de la religion naturelle, qui
Cette action, parce qu'elle est publique, traitent de scélérat l'homme qui
excède l'action ou les forces d'un homme poser entre l'homme et la Divinité, ose s'inter-
n'ont-ils
seul, et ne peut être exécutée que par plu- pas eux-mêmes, dans le culte théophilanthro*
sieurs hommes publics, comme le pouvoir pique, des hommes distingués des
autres
dont ils sont les ministres. hommes par leur costume, leur place, leurs
Ces ministres exercent donc par les ordres fonctions et leur solde; des hommes
inter-
du pouvoir public la fonction de faire pour prètes des volontés de leur dieu-nature
accomplir la volonté publique exprimée par les hommes, puisqu'ils les instruisent dans sur
la loi. la connaissance d'une loi qui doit éclairer
Deux choses sont nécessaires pour l'exé- leurs volontés et régler leurs actions,
et mi-
cution de la loi 1" la connaissance de ce nistres du culte des hommes leur Di-
qu'elle prescrit, et que j'appelle jugement; vinité, puisqu'ils lui offrent, envers des
2° la destruction des obstacles qui s'oppo- sistants,
au nom as-
avec l'hommage des cœurs, les pré-
sent à l'exécution de la loi connue, et que mices des fleurs et des fruits; car le sacrifice
j'appelle combat. de l'homme intérieur et extérieur, et l'of-
Ainsi, juger et COMBATTRE parle com- frande de propriété, sont l'action sociale
sa et
mandement du pouvoir, sont la fonction es- nécessaire de toute religion, l'hommage
sentielle de ses ministres. que
l'homme fait de lui-même et de ses biens au
Cette division comprend, comme on voit, Créateur de l'homme et de l'univers,
et qui,
les deux branches principales de tout gou- raisonnable ou non, mais rendu partout où
vernement, l'état judiciaire et l'état mili- il y a des hommes et des nations, prouve à
taire. La fonction de combattre doit être la fois l'ancienneté de la tradition, et l'uni-
précédée et réglée par celle de juger, comme versalité de la croyance.
le corps doit être gouverné par l'esprit, et Le pouvoir domestique lui-même a ses
c'est ce que signifie cet axiome de jurispru- ministres, soit dans la mère, ministre de l'ac-
dence, que force doit demeurer à justice. tion productive, soit dans les serviteurs ou
Ainsi, les ministres de la religion jugent domestiques, ministresde l'action
dans leurs décisions l'homme qui répand trice de la famille, qui travaillentconserva-
fausse pour la
une doctrine, et le combattent par nourrir; car le travail est aussi effort et corn-
leurs censures et même à l'égard de cha- bat In sudore vultus tui comedes
panem
que homme fidèle ou sujet du pouvoir reli- tuum. (Gen. m, 19.)
gieux, le prêtre juge le coupable dans le tri- Pouvoir, ministre, sujet, trois personnes
bunal secret, et le combat ou le punit par la constitutives de
( toute société, même domes-
peine qu'il lui impose. tique,
t et essentiellement distinguées l'une
Les ministres politiques, appelés juges, de ( l'autre; mais ces trois personnes ne
guerriers, magistrats, fonctionnairespublics, tituent cons-
t qu'un corps social, proposition dans
jadis noblesse, etc., et considérés dans leurs laquelle
1
un lecteur attentif apercevra une
fonctions publiques, jugent l'ennemi inté- des ( grandes analogies qui lient le système
or OEUVRES COMPLETES DE M.
:S 1~l!~ »E
1\1. 1Il\,
SONALD. 1024
UU1-.I\LoIJ.
.1
général des effets à la nature infinie de la Europe
Eu ~t~mfmfMlicri<n-!f<t)f<nnn-
contre le pouvoir religieux et le pou-
voir politique.
vo:
cause. Ainsi, les abus qui s'étaient introduits
C'est parce que les ministres sont une per- clergé, et qui depuis longtemps de-
qu'autrefois les dans
dai le
sonne et les sujets une autre, mandaient une réforme dans le chef et dans
états généraux ont voté par ordre, et qu'on mi
membres, suivant l'expression des con-
n'imaginait pas de compter plusieurs têtes là les
ciles,
cil furent la première cause des progrès
où il n'y a qu'une personne. de Wiclef, de Jean Huss de
qu'on de la révolte
C'est ici le lieu d'observer que ce
les états généraux Luther et de Calvin, père de la philosophie
appelait en France com-
posés de trois ordres, n'était que la réunion moderne; o>< et dans l'ordre politique, les jouis-
religieuse politique et sances
sa domestiques préférées aux fonctions
des trois sociétés plutôt recherchées unique-
domestique, dont se compose l'état civil de publiques,
pu ou
nation. ment
m dans les fonctions publiques, et la va-
toute souvent avant
C'est parce que le ministère social est la nité ni de la naissance, mise trop
de combat- les
le: devoirs de la noblesse, ont été une des
fonction perpétuelle de juger et
appelé ordre or- causes
ca de la révolution, et peut-être la plus
tre, qu'il est ou personnes
prochaine, excitant la jalousie des sujets
données, disposées pour une fonction qui pr en
les vo- contre les ministres car les hommes n'en-
demande de la subordination dans cc
jouissances, et jamais les de-
ordonnance dispo- vient
vi que les
lùntés, et une certaine ou
sition dans les actions. Il s'appelleaussi mi- voirs. vc
dévouées, de me lito, je Le ministre n'est donc plus élevé que
lice, ou personnes mieux aperçu, et il doit également
dévoue d'où l'on a fait milito, je com- pour
P< être
me défendre l'Etat son action politique et
seul changement d'e dl par
bats, je sers, par
i ordinaire dans toutes
le
les langues. Onsait en
édifier (1) la famille par son exemple per-
qu'en France les hautes charges de la magis- sonnel. se
doit donc rappeler le minis-
de miles cheva- Le pouvoir
trature donnaient le titre gravité de ses fonctions, s'il veut
lier, et qu'encore les fonctions militaires tre
tr à la
s'appellent service. maintenir le sujet dans l'obéissance, comme
qui fait l'artiste
1 perfectionne ses instruments quand
Ce dévouement dans les ordres,
serviteurs il vent perfectionner son ouvrage.Un peuple
de leurs membres autant de ou r de-
corrige que par
ministres de la société, donne le mot de l'é- ne n se déprave ou ne se
nigme que Rousseau se propose et l
qu'il l'exemple
l' de ses chefs c'est une colonne
change de route lorsque la tête
n'ose résoudre. « Quoi donc la liberté (de dd'armée qui
tous) ne se maintient qu'à l'appui '-de la ser- change c' de direction, et jamais la société ne
quelques-uns ), peut-être. Si le périt
p que par la faute du pouvoir chargé de
vitude (de
ministère public est nécessaire dans toute 1;la conserver.
société, le respect des peuples pour ceuxz De là viennent les noms de nobles, nota'
qui l'exercent n'est donc pas un préjugé sanss btes, b noblesse, mobilité, notabilité, de notare,
raison, puisqu'il est le sentiment naturel de mto, î n qui doivent se faire remarquer gen-
gentis hommes, gentlemen, hom-
la nécessité du ministère; et dans les révo- tilshommes,
t
société, qui sont qu'un dé- mes de la nation, parce qu'ils sont spécia-
lutions de la ne e
sociales sa haine3 lement dévoués à son service, qu'ils doi-
placement de personnes 1
qu'il faut attribuer les progrès' ef- sion et certes, il pourrait se prolonger,
cause n mais saurait s'affermir, le gouvernè-
frayants de l'esprit de révolte répandu en î
il ne
édifier, l'édifice social. Cette belle doctrine est adririrabte-
(1) L'acception morale donnée au mot r,
édification, offre un sens profond et signifie que tout
ut ment développéedans saint Paul.
la consommation de
le
ce qui est vrai et bon avance
m%
W nnt qui
ment
PART. I. ECONOM. SOC.
m.,Snn~Ct.a la nécessité
rtni méconnaîtrait r_ _6" 1 1Lûoai
ESSAI ANALYTIQUE.
AHAiil ll^UEi.
de mi- lorsqu'il est constitué ou établi sur [es lois
nistres dévoués corps et biens, au soutien naturelles;
i026
luit»
.
l'homme, comme la société divine
on reli- type constant, et comme le cachet dont la
gieuse elle est donc dans la volonté de nature
l'Auteur de toute la nature, et marque tous ses ouvrages.
par consé- Dans la société, «où le peuple en corps,» »
quent il y a en Dieu des volontés politiques, dit Montesquieu, « ou seulement partie
une
comme il y a des volontés religieuses
et du peuple, a la souveraine puissance, » il
même des volontés physiques,
parce qu'il y n'y a nulle fixité dans la volonté de ce sou-
a entre l'homme et l'homme des rapports verain, « puisqu'un peuple, » dit J.-J. Rous-
politiques, comme il y a entre Dieu et seau, peut toujours changer ses lois, même
«
l'homme des rapports religieux,
comme il y les meilleures car s'il lui plaît de se faire
a entre les êtres matériels des rapports phy- mal à lui-même, qu'est-ce qui a le droit de
siques. J
l'en empêcher? »
Laissons cependant l'épithète de divin Et comment y aurait-il de la fixité dans
exclusivement au pouvoir de la société
re- la volonté du souverain, puisqu'il n'y en a
ligieuse, puisqu'il est réellement, c'est-à-dire
srnsiblèment Djeil même ( car le pas dans le souverain lui-même, puisqu'un
sensible, peuple, même souverain, peut être conquis
comme dit Malebranche, n'est pas le solide),
ou asservi, et que cette souveraineté, sem-
..w. .w.rr"
«it appelons le pouvoir politique,
-].#,naturel,
..w.,V".
blable à une ombre vaine, lui échappe tou-
~N."
GEUVBES COMPL. DE M.
OEUVRES Rnviin
BoiVALD, 11. 33
HE
DE
jours au moment qu'il croit la saisir? ministère
n ou les fonctions publiques sont
Si le souverain n'est pas fixe, le pouvoir amovibles
a comme le pouvoir, et nême plus
ne l'est pas davantage, et passe avec rapi- variables
v à mesure que le pouvoir passe
dite d'un homme et d'un parti à un autre plus
p rapidement d'un homme ou d'une
homme et à un autre parti si la volonté f
faction, à un autre homme et à- une autre
ou la loi n'est pas fixe, l'action n'est pas plus faction.
fi
fixe que la volonté, les ministres ne sont Lorsque le pouvoir se profonde sur une
pas plus fixes que l'action nulle fixité i
même tête, et qu'il devient viager, il cons-
dans les choses, nulle hérédité dans les titue une espèce de monarchie viagère,
t;
personnes, nulle perpétuité. Il y a des fa- vvulgairement appelée despotisme expres-
milles sujettes, mais il n'y a que des indi- sion
s qui ne désigne pas par elle-même un
vidus pouvoir ou ministres, discordance vice
v d'administration, mais une forme de
dans lés éléments mêmes de la société dont gouvernement;
g et Titus, Trajan et Marc-
elle ne tarde pas à ressentir les funestes Aurèle n'étaient que des despotes. Alors,
effets. les
1' fonctions publiques se prolongent dans
La fixité est une, et si elle n'était pas lles mêmes mains, et même elle eviennent
toujours ce qu'elle est une fois, elle ne viagères,
« comme le pouvoir.
serait pas fixité la variation est infinie: la Lorsque le pouvoir devient fixî par l'hé-
fixité est donc force, stabilité', conservation: rédité,
r les professions sociales u les mi-
la variation est faiblesse, mutabilité, des- nistres
r deviennent aussi hérédita xes, c'est-
truction. Ainsi, il y aura plus de force dans àà-dire, que les ministres se const tuent avec
une société, j'entends de force de stabilité, j pouvoir; et dans cet état ils 'appellent
le
à mesure qu'elle s'approchera plus de l'état noblesse, et forment ordre ou milice éta-
fixe, naturel, ou du système des familles; blissement
i public, propriété de l'Etat, qui
et il y aura moins de force de conserva- fcorrespond parfaitement à l'ordre du sacer-
tion, à mesure qu'elle s'éloignera de cette doce,
c ministère du pouvoir rel gieux fixe
fixité, et que l'état variable ou le système e perpétuel par la
et consécration, comme la
des individus y sera dans un mouvement noblesse
r l'est par l'hérédité.
plus rapide. On voit à présent la raison pour laquelle
Ces principes expliquent la force pro- les fonctions de juger et de co.nballre, et
gressive de certains Etats, la faiblesse ei la ]les propriétés ou bénéfices qui y étaient at-
détérioration progressive de quelques au- ttachés, étaient simplement via ères sous
tres; et sans sortir du même peuple et du 1les deux premières races des rois de France,
même territoire, on y voit également la {et pourquoi elles sont devenues
héréditai-
raison de la prépondérance de la monarchie Ires sous le nom de noblesse, ainsi que
les
française, et la raison de l'extravagance et bénéfices
j sous le nom de fief: au com-
de la faiblesse de la démocratie. de Danton Imencement de la troisième, par qu'alors
et de Marat. seulement
< le pouvoir électif dans une fa-
Ces mêmes principes peuvent s'appliquer mille
i devient fixément héréditaire dans
S la force de la religion catholique, dont on l'aîné
] des mâles.
trouve la raison dans la fixité du pouvoir et Dans les premiers temps d'un nation, et
,dans la perpétuité du ministère, et à la ]lorsqu'elle travaille à étendre soi territoire
faiblesse des sectes qui s'en sont séparées, plutôt qu'à se constituer en société, le pou-
dont on aperçoit le motif dans les varia- voir n'est presque jamais héréditaire, ou ne
tions de leur doctrine, et l'amovibilité de l'est qu'entre les individus d'une même
leur ministère. race, sans distinction d'âge, de degré, quel-
Les principes que nous venons d'expo- quefois de sexe. La raison en est simple. Un
ser expliquent plusieurs accidents de la Etat naissant a besoin de talent et le ré-,
société. gime variable ou le système de individus
Nous avons dit, par exemple, que les est plus favorable à leur développement,
ministres devaient participer de la nature comme nous le verrons bientôt. D'ailleurs
du pouvoir; et parce que ce rapport est l'incapacité d'un chef ou sa minorité étouf-
naturel, on le retrouve dans le plus grand ferait cette société encore au berceau va&is
nombre des sociétés. dès qu'une nation est étendue, tablie, for-
Lorsque le pouvoir est amovible ou va- mée enfin, et qu'elle est assez forte pour
riable, comme dans les Etats populaires, le supporter la constitution, alors elle se cons-
titue, devient société, et la fixité l'héré- w
jusqu'à sa destruction tf=H1
1
ou réelle opérée de nus
dité s'établit partout, parce que l'Etat be- jours,
a et qui duré encore; et cette malheu-
soin de vertus, et que le régime ou le
sys- reuse société, récemment élective au milieu
tème des familles est plus favorable d'antiques Etats héréditaires, n'a fait.
auxt que
vertus publiques qui se transmettent par l'é- languir, et a péri enfin comme un jeune
ducation et par l'exemple. Alors l'Etat, bre planté dans une vieille forêt. ar-
gou-
verné par des lois fixes et fondamentales, Quoique la nature du ministère participe
résiste aux troubles d'une minorité, et à la ordinairement de celle du pouvoir, et
t que
longueur d'un règne faible; et cela même doive naturellement
pourvu que3 se trouver
cette faiblesse dans l'autorité ne soit ainsi, cependant il arrive quelquefois
que que
passive, et qu'elle ne veuille pas faire, la l'un des deux est fixe, et non pas l'autre,
t
cour sera agitée par des intrigues, mais> soit que cette discordance soit le produit
l'Elatne sera pas renversé par des révolu- d'une révolution, comme en Pologne, ou
tions. l'effet de l'habitude chez un peuple à demi-
C'est par la même raison naturelle que le constitué, comme en Turquie. Alors l'Etat
).
pouvoir, variable jusqu'à un certain point, souffre, parce qu'il n'y a point de fixité, ni
et électif dans les deux premières races des
rois de France, ne devint fixe et héréditaire par conséquent de force réelle dans un gou-
vernement dont l'action est dirigée par un
que sous la troisième qu'en Russie, pouvoir variable, comme en Pologne, ou
Pierre I", par instinct do génie, ou plutôt exécutée par des ministres variables, comme
par la nécessité des choses, abolit, en 1722, chez les Turcs et c'est ce qui produit cette
la succession héréditaire, dont les chances action déréglée qui écrase le sujet, et ne
auraient pu arrêter les développements de
peut défendre l'Etat. Ainsi, en Pologne, le
cette société naissante la civilisation, et pouvoir est trop faible contre des ministres
que Paul I" la trouvant formée, s'est hâté qui ne sont que de vils esclaves et ces
de la constituer en rétablissant, par
une loi deux effets, si opposés en apparence, au-
.récemment promulguée, la succession héré- raient dans l'une et l'autre, à la fois, les
ditaire, retour à l'ordre naturel, qui a mêmes effets, l'oppression de l'homme et la
accru
dans cette société la force de stabilité, dissolution de l'Etat si l'oppression de
en
ôtant à sa force d'expansion, et sans le-! l'homme n'était tempérée en Pologne
quel ce vaste empire serait, au premier re- par
l'influence de la religion chrétienne, et la
vers, tombé peut-être dans une effroyable
dissolution.. dissolution de l'Etat, retardée en Turquie
par l'influence de la religion mahométane
La Pologne a suivi une marche inverse,
elle car Je culte même le moins raisonnable, par
et a dû déchoir à proportion que la Rus- cela seul qu'il consacre dans la société
sie s'est élevée. La succession au pouvoir idée quelconque une
de souveraineté divine,
avait été dès l'origine élective en Pologne donne toujours
de la force pouvoir poli-
comme dans les autres Etats de l'Europe; et tique, selon la judicieuse au
par la même raison. Elle y était ensuite de- suet, en parlant du paganisme. remarque de Bos-
venue héréditaire, et sous cette forme, la Le ministère politique héréditaire s'ap-
Pologne marchait à la civilisation à
peu près pelle patriciat, lorsqu'au lieu d'être unique-
du même pas que les autres nations catholi-
ment ministère du pouvoir, ou fonction pu-
ques, et surtout plus vite que la Russie. blique, il est pouvoir
Mais à l'extinction de la dernière au paternilé (car pa-
race de triciat et paternité ont la" même racine), et
ses rois, cette société retomba dans l'enfance qu'il participe à la législation,
et revint au système électif, non par aucune les Romains, comme chez
raison naturelle, mais par des raisons encore en Angleterre en
pure- Suède, en Pologné, à Venise, dans le corps
ment humaines, l'ambition de ses grands et germanique,
la jalousie de ses voisins. Alors commença etc. Ces sociétés ne sont pas
constituées ou naturelles, parce que les trois
pour la Pologne une série de malheurs-qui personnes sociales n'y sont pas entre elles'
ont toujours été croissant depuis les nou- dans leurs
veautés religieuses qui s'y introduisirent à rapports naturels, et que les mê-
la faveur de la déconstitution de mes personnes y sont à la fois pouvoir et
son pouvoir, fonction du pouvoir ouministres (1). Aussi
(i) On voit par cet exemple les expres-
sions générales pouvoir, ministre, que
# ralilé même, plus propres à résoudre lesproblè-
à des expressions algébriques, sujet, semblables mes semblables que présente Télat de la société.
sont par leur gént On a dit La souveraineté réside dans kveuvle; ni
ces Etats, qui tous ont eu plus ou moins.de t
e tituer, et à constituer ses ministres, ce qui
i-
force d'agression, n'ont montré presque au- vent dire que la société tend d'elle-même à
cune force de résistance. s fixer. J.-J. Rousseau avoue cette vérité,
se
et
La variation du pouvoir, restreinte à unn e la marche progressive du pouvoir vers la
petit nombre de familles, s'appelle propre- i- fixité,
f lorsqu'il dit Le gouvernementpasse
ment aristocratie; étendue à un plus grand d -dec la démocratie à' l'aristocratie, de l'aristo-
..nombre d'individus, elle forme la démo- »- -cratie
.c à la royauté; c'est là son inclinaison
cratie. naturelle,
? Je progrès inverse est impossi-
J. -J.Rousseau prétend que. la démocra-i- ble
.
1 » et ilja méconnaît, lorsqu'il s'étonne
res-
tie peut embrasser, tout un peuple ou se s- « du-pencbant qu'ont toujours eu les Polo-
serrer jusqu'à la, moitié.», On ne sait trop ip nais
t à faire passer la' couronne du père au
pourquoi, ;à moins que ce ne soit pour évi- i- fils,
f ou au plus proche parent. »
ter l'absurdité-qu'il y -auraitcompter dans )s 11 est intéressant d'observerchez1 les deux
un Etat populaire plus de pouvoirs et de mi-
i- peuples
] anciens les plus célèbres, les effets
nistres que de sujets. • -(i opposés des deux
systèmes opposés de so-
•*
Il est reconnu aujourd'hui que çes gou- i- .ciété.
.< •
L'effet le plus constant et le plus sensi-
vernements de plusieurs ou populaires, ?,
sont l'état le plus fâcheux de. société, et ble; ] est que toutes les sociétés qui ont
même qu'une, société ne peut subsister dansis connu quelque fixité, où dans le pouvoir,
cet, état.. Les gouvernements populaires ou >u. •<ou dans les ministres, ont, laissé
des monu-
polyçratiquesrque, l'on voyait de, nos jours,s, .]tnénts immortels de -leur existence, et que
étaient des municipalités de l'Europe monar-. r- les autres n'ontfait que passer et n'ont laissé
chique, plutôt que des sociétés indépendan- n- <d'elles que des souvenirs, c'est-à-dire que
tes. La. Suisse, et même la Hollande, avaient nt celles-là ont eu de la force, et que lés autres
en France et erb Allemagne le pouvoir qui ui n'ont eu que des passions.
l'es conservait, et, la «hute de ces gouverne-
e- Chez les Grecs démocratiques, il n'y eut
ments a entraîné leur dissolution. Mais tellele de fixité ni dans le pouvoir, ni dans les mi-
est différenced'une société. constituée ou
îu nistres aussi ces peuples-enfants,habites
.naturelle à .celle, qui ne l'est pas, que la imitateurs de la nature physique dans leurs
<
gouvernement précédent. •
.plus fixds de. société» donc le plus durable,
donc le plus fort, le plus naturel, le plus
3n arts (1); mais violateurs de la nature so-
France ne peut s,&, rétablir. de sa révolution
no ciale parleurs moeurs infâmes et par leurs
qu'en, ramenant le pouvoir, à l'unité, et que
la Suisse et la Hollande ne peuvent renaître
qu'en s'écàrtant du système variable de leur
re lois atroces, vécurent avec bruit plutôt qu'à-
ur vec honneur, succombèrent sans gloire, et
périrent tout entiers et cé qui prouve ce
La fixité dans le pouvoir est donc l'état le que j'ai avancé sur les effets de la fixité du
le, pouvoir, est que parmi tant de peuples la
us raison ne compte que deux nations, les Ma-
.conforme,par. conséquent à la volonté de cédonieris et les Spartiates, sociétés mieux
moitié
l'Etre créateur et conservateur des êtres et constituées, dont l'une subjugua la
comme par les lois immuables, nécessaires 'es du monde, et domina la Grèce elle-même
de la conservation des êtres, expression de par la fqrce qu'elle tirait,de ses
lois poli ti-
la- ques, et dont l'autre en fut J'hontieur et le
la volonté' divine, les êtres tendent à se pla-
par la gravité de ses mœurs,
cer dans Kétat le plus naturel, l'état qui les modèle
fait être, c'est-à-dire qui les conserve, ettaà A Romé, la jouissance du pouvoir, bornée
accomplir ainsi la volonté de leur auteur, le à quelques familles, ne tarda pas à s'étendre
pouvoir de la- société tend nécessairement, nt, à toutes, et cela devait arriver ainsi. Mais à
établissement
et indépendamment des hommes, à se cons- is- Rome, il y eutconstamment un
cela doit
tette proposition a excité de vifs débats. Si elleelle cial et l'imitation de l'homme physique, et
eût être. L'exposition publique de l'hommeétat purement
eût été traduite ainsi Le sujet est pouvoir, elle eût etaKte
de nu-
paru absurde, même à un enfant. De là vient que sauvage, c'est-à-dire
dcmeOMMe ou sauvage,
lue domestique
c'est-à-dire en
dans les idées qui pro-
tes dite, est une contradiction actions.
dans la démocratie française on a remplacé toutes Le moyen, dit
»x- duit un désordre dans
les qualifications sociales par ceUe de citoyen, ex- les
Dupaty, d'avoir des mœurs et des statues! L école
pression vague et indéterminée qui, devant conve-
ve- Té-
nir comme epitlièle à tous les membres de la so- de peinture flamande ou allemande, 1 école defran-
niers, exprime l'homme domestique; l'école
ciété, ne désigne précisément aucune personne so- exprime i'homine puWic
ciale. çaise, l'école de le Brun, l
(1 ) L'histoire nous montre un rapport de l'école actuelle, renouvelée des Grecs, peint homme
•f mps et de lieux entre l'oppression de l'homme so- sauvage.
Î05Î PAHT. I, ECONOM. SOC. ESSAI ANALYTIQUE. j^ix\£<j x^
ou héréditaire, tantôt pouvoir, tantôt mi-
fixe oii mi- tique,
tiaue. aa connu l'hérédité des professions so-
connu l'hérédité
nistre du pouvoir,dans l'ordre des patricienss ciales; car les familles lévitiques, diffétentes j
i
et dans, celui des chevaliers; et même il y eut des familles sacerdotales, étaient chargées
de temps en temps, et dans les besoins extrê- du ministère public, et exerçaient la double
vrai ans
(fans sessentiments que les sophistes Illes efforts héroïques de courage et les succès
succès
dans leurs opinions, juge bien différemment d'une d éloquence populaire que l'on remar-
q dans l'histoire de tous les Etats démo-
de cette prétendue égalité. Il fait à l'artisan que
un mérite d'avoir fait élever son fils dans cratiques.
c Les vertus guerrières, » dit Mon-
les arts de la paix et dans ceux de la guerre, tesquieu
ti parlant de Rome, « restèrent après
et il mépriserait le magistrat ou le guerrier qu'on
q eut perdu toutes les autres. »
qui aurait fait de son fils un artisan. Telle est Mais ces mêmes talents perdent l'Etat
la force de cette disposition naturelle aux qu'ils
q ont créé,- parce qu'ils en font une
hommes, moyen le plus puissant des pro- arène
a sanglante ouverte à tous les combat-
grès de la société, que la famille sujette tend tants, qui, en s'arrachant mutuellement le
t,
naturellement à sortir de l'état purement pouvoir,
p l'empêchent de parvenir à cette
domestique pour passer dans l'état public de fixité
f sans laquelle il n'est pas de repos pour
société (1). Dans une société constituée, 1 société publique, ni même d'existence
la
une famille une fois parvenue à ce but s'y aassurée pour la famille.
fixe, parce qu'elle trouve dans l'inamovibi- Heureusement pour l'espèce humaine, au
Zité du pouvoir un obstacle insurmontable système
s variable, au système de l'homme
à toute ambition ultérieure. L'on voit en qui
c crée par les talents, succède inévitable-
effet dans les Etats constitués, des familles ment
i le système fixe, le système de la na-
s'élever l'une après l'autre jusqu'au minis- ture
t qui conserve par les vertus, système
tèrepublicde la société, et très-peu retomber quic s'établit naturellement et par la dispo-
dans l'état privé ou domestique. Elles péris- sition
s naturelle de tout homme à laisser à
sent plutôt qu'elles ne descendent. Tous les ses s enfants les avantages qu'il a acquis, et à
raisonnements des niveleurs ou des esprits les 1 mettre sur la voie d'en acquérir de nou-
chagrins ne prévaudront jamais contre cette iveaux, et par la tendance nécessaire de la
raison naturelle et supérieurequi dit à l'hom-société
s vers sa constitution naturelle, l'ina-
me, qu'il est plus digne de lui, plus ïon- movibilité
t du pouvoir, et la fixité de scn
forme à sa destination d'agir sur l'homme action.< Or, ce système est, comme nous l'a-
pour le service de la société publique, que vons •> dit, plus propre à produire la vertu
de travailler sur la matière pour le service dans< les hommes sociaux, pouvoir, minis-
de la société domestique et c'est la raison itres, sujets.
pour laquelle les hommes en état de domes- La vertu, prise dans le sens le plus étendu,
ticité ne jouissent nulle part de tous les Ti'esti que la fidélité aux lois de la société do-
droits des autres citoyens. mestique
i ou publique, politique ou reli-
Le lecteur n'a pas oublié, sans doute,
proposition que nous n'avons fait qu'énon- et
une
gieuse. Il y a donc des vertus domestiques
des vertus publiques; et toutes les vertus
i
souve-
cer et qui demande des développements, sont divines, parce que Dieu est le
C'est que le système amovible ou variable rain 1 législateur de toutes les sociétés cons-
de société est plus favorable aux talents qui tituées. Mais pour ne nous occuper ici que
créent les empires, et le système fixe plus des sociétés des hommes entre eux, la fa-
propre à produire les vertus qui les conser- mille et l'Etat, les vertus domestiques sont
v ent et c'est ce qui fait que l'un convient très-distinguées des vertus
publiques. Ainsi,
du guerrier
aux Etats naissants, et l'autre aux Etats l'intégrité du juge et le courage
formés, puisque .même l'Etat ne se forme qui conservent l'Etat, ne sont pas les vertus
qu'à mesure que la constitution se fixe. propres d'une femme; et la chasteté qui
'Cette explosion de talents militaires ou conserve la famille n'est pas la vertu pro-
oratoires, les seuls dont il s'agisse ici, est pre du guerrier ou du magistrat, et c'est
l'effet naturel de l'amour de soi, et de la même ce qui fait que dans certaines condi-
passion de dominer, dont aucun obstacle ne tions on se dispense trop aisément de cer-
comprime l'essor dans une société sans tains devoirs. Dans les sociétés politiques
constitution fixe de pouvoir, puisque le pou- ou religieuses, qui n'ont laissé de pouvoir
voir pouvant être exercé par chacun, y est fixe ou constitué que là où elles n'ont pu le
comme un prix offert à tous. De là viennent détruire entièrement,que dans la
famille, et
et morgue ae vieux militaires qui venaient dépo- zélés partisans de ses principes, élevés par la ré-
ser leur croix de Saint-Louis.On appelait cela de volution, font donner à leurs enfants une éduca-
l'égalité tion libérala, et se gardent bien d'en faire des char-
(1) Malgré les exemples de tant d'illustres re- pentiers.
vers, et les conseils de l'auteur & Emile, les plus
qui, ramenant le monde ses éléments, comme Le pouvoir fixé ou constitué, va tout seul,
nous l'avons dit ailleurs, ne nous parlent dit Bossuet, et avec la nature. Comme il est
que de religion naturelle ou domestique, et transmis sans effort, il s'exerce sans vio-
de l'homme domestique ou même sauvage, lence car le pouvoir qui doit toujours être
on ne parle aussi que de mœurs, de moralité, fort, est dans t'Etat comme dans la famille,
ou de vertus domestiques, et il règne en quelquefois violent dans le premier âge de
général un grand étalage, pour ne rien dire là société, et lorsque le sujet encore enfant
de plus, de tendresse conjugale, paternelle, refuse de se soumettre au joug de l'obéis-
filiale, de sensibilité pour ses amis et ses sance. Jamais, avec le pouvoir constitué, de
amies, de bienfaisance envers les malheu- ces interrègnes qui remettent périodique-
reux. C'est encore par le même principe que ment la société en problème elle n'a pas à
dans les mêmes sociétés on compense les redouter ces furieux accès d'ambition et de
fonctions publiques par des jouissances do- vengeance qui détruisent les familles en
mestiques, et que le sujet est plus nourpi et troublant la paix des Etats: heureuse si elle
surtout plus amusé, dans les gouvernements pouvait se défendre des attraits delà volupté,
qui lui interdisent toute participation aux de cette philosophie faible et sensuelle, de
fonctions du pouvoir. Dans plusieurs de ces cette morale d'ope'ra qui lui présente le
sociétés politiques,et religieuses, non-seu- plaisir sous toutes les formes, et fait entrer
lement on recommande presque exclusive- par toutes les portes ce dangereux ennemi
ment la pratique des vertus domestiques, qui sape sans bruit les fondements même de
mais on la pousse jusqu'au rigorisme le plus la société, et endort les sentinelles, pouvoirs
dur, et souvent le plus risible (1) dans le et ministres, pour les livrersans défense aux
même temps que l'on détruit toute vertu passions des sujets.
publique en consacrant l'oppression par les La fidélité dans les ministres est encore
lois. Ainsi, les dévots puritains interdisaient une suite nécessaire de la perpétuité du
toutes sortes d'amusements le dimanche, et pouvoir, parce que la fixité de l'attachement
défendaient, comme des vanités païennes, les dépend de la fixité de son objet. En effet, si
petits pâtés qui se mangeaient à Noël ils l'on remarque dans les ministres des Etats
fatiguaient dé leur morale farouche et de populaires plus de ces qualités brillantes
leurs éternelles prédications la jeunesse fa- qui produisent de grands événements, on
cile de Charles II, dans le même temps qu'ils trouve dans les ministres héréditaires des
légalisaient l'oppression du sexe faible par pouvoirs constitués, plus de cette fidélité
la faculté du divorce, et qu'ils exhalaient con- inébranlable qui résiste aux révolutions. On
tre des hommes, leurs compatriotes, cet hor- peut en trouver la raison dans la nature
rible covenant, « composé, » dit Hume, « des même de la société. La vertu n'est que l'ha-
plus furieuses et des plus virulentes invec- bitude du bien, et l'habitude se forme par
tives que jamais les êtres humains aient em- les mœurs ou les'coutumes qui, transmises
ployées pour enflammer leurs cœurs d'une d'âge en âge, perpétuent dans la famille la
haine sans relâche contre des créatures de tradition des leçons et le souvenir des
leur espèce. » La France révolutionnaire n'a exemples; car les mœurs ne sont que les
pas été exempte de ces atroces et ridicules lois domestiques conservées parla tradition.
inconséquences, et elles nous ramènent in- Les vertus publiques deviennent donc ainsi
volontairementaux usages de ces républi- des vertus domestiques, surtout lorsqu'elles
ques anciennes où l'homme, respectant son sont fortifiées par le respect pour le corps
egal, et opprimant son semblable, autorisait, ou l'ordre auquel la famille appartient; ce
par ses lois, le meurtre de l'enfant, du gla- qui produit la double force de l'esprit de fa-
diateur, de l'esclave, punissait d'un sup- mille et de l'esprit de corps, pour retenir
plice affreux la faiblesse d'une vestale, lors l'homme dans le devoir; esprit de corps,
même que pour de grands crimes, il n'infli- ressort puissant, mais ressort terrible, qui
geait qu'à regret une légère peine au ci- réagit infailliblement contre la main faible,
toyen (2). inhabile à le diriger.
(1) Telle est l'inconséquencede l'homme, que (2) Je recommande à l'attention du lecteur
dans des sociétés mieux constituées, il tombe quel- celte distinction entre les hommes égaux et les
quefois* dans l'excès opposé, et qu'il ne remplit hommes' semblables. Les lois des Etats païens ten-
avec la plus scrupuleuse fidélité ses devoirs publics daient à protéger les hommes égaux et les lois des
que pour s'affranchir plus impunément des devoirs étatsclirétieustendent toutes à protéger les hommes
domestiques. Mais ici c'est la faute de l'homme, là semblables ou le prochain or entre les êtres il n'y
c'èst le crime de ta toi. a point d'égalité, il n'y a que des similitudes.
Enfin la fixité dans le pouvoir et dans les dont les vertus employéescomme les talents
ministres produit une fidélité, une affection à soutenir un mode de choses essentielle-
générale envers le gouvernement dans tou- ment vicieux, n'ont servi qu'à ordonner le
tes les classes sujettes, et particulièrement désordre, faire mépriser, les talents, et ca-
dans celles qu'une antique hérédité d'occu- lomnier jusqu'à la vertu 1
pations honorables ou utiles, et une fortune Un des grands avantages des ordres et des
légitimement et lentement acquise, rappro- corporations est de donner au pouvoir de
ohent de l'ordre politique, et qu'elles dis- grandes facilités pour régler les familles en
posent à y entrer à leur tour, lorsqu'il vient réglant le corps auquel elles appartiennent,
h perdre de ses membres parles professions et de régler l'individu en réglant la famille
mêmes auxquelles ils sont dévoués. dont il est membre. Le pouvoir n'a, lorsqu'il
Mais un effet très -remarquable de l'héré- faut régler, de prise que sur les corps et
dité des professions publiques, est de ren- voilà pourquoi l'on voit des corps parfaite-
dre aussi héréditaires les professions domes- ment disciplinés composés d'individus qui
tiques ou arts mécaniques, et de mettre ain- ne le sont guère.
si les familles qui exercent le même métier Le pouvoirdoit donc donner aux corps, et
dans un corps ou corporation, comme la na- surtout aux corps chargés du ministère pu-
ture elle-même continue le même métier blic, des constitutions particulières, des
dans la même famille; institution parfaite constitutions, qui règlent les devoirs des
connue dans la monarchie égyptienne ( 1 ), corps envers l'Etat, ceux de la famille en-.
et adoptée sous le nom de maîtrises ou ju- vers le corps, ceux de l'individu envers la.
randes dans tous les Etats chrétiens. Cette famille le pouvoir doit régler les corps,
:oi est le moyen le plus efficace que l'admi- surtout celui du ministère public, parce qu'il
nistration puisse employer pour surveiller doit tout régler dans, des hommes qui. doivent
jt contenir par le pouvoir un peu dur des être la règle de tous. Le pouvoir le peut,
maîtres, une jeunesse agreste et grossière, parce qu'il ne serait pas pouvoir, s'il ne, pou-1-
que la nécessité d'apprendre un métier vait pas tout ce que demande la conservation
soustrait de bonne heure au pouvoir pater- et là perfection de la société (2).
nel. On peut regarder la suppression des Il a existé en Europe une constitutionpar-
maîtrises comme un coup mortel porté à la ticulière, de l'ordre politique, connue sous
société par ce philosophisme ignorant et le nom de chevalerie, qui n'a cessé qu'à l'é-
perfide qui, depuis longtemps, en voulait à tablissement-des troupes soldées, et de la
toute fixité pour pouvoir plus aisément dé- magistrature acquise à prix d'argent; insti-
truire toute perpétuité, tout ordre. tutions récentes qui ont séparé deux fonc-
C'est donc avec raison que Montesquieu, tions naturellement inséparables et jadis
disant plus vrai qu'il ne pensait, a donné réunies, et qui ont soldé aux dépens du fisc
l'honneur pour mobile au gouvernement ce qui était, et qui doit être attaché à la pro-
constitué. L'honneur bien entendu n'est en priété de la glèbe. Les princes ont vaine-
effet que la fidélité à ses devoirs publics où ment tenté, dans? toute l'Europe, de rem-
privés et l'on dit également l'honneur placer cette institution sublime à laquelle la
d'une femme, l'honneur d'un magistrat ou France doit la considération dont elle a
d'un guerrier, et l'honneur même d'un ar- joui depuis, par une chevalerie de cour,
tisan. C'est, donc très-mal à propos qu'il a sorte de confréries politico-religieuses, qui
distingué l'honneur de la vertu, unique mo- n'obligent qu'à porter des marques distinc-
bile, selon cet auteur, du gouvernement po- tives, et à paraître à des cérémonies publi-
pulaire. Cette erreur, relevée par Mably et ques, motifs dont la convenance ne com-
J.-J. Rousseau, qui remarque avec raison pense peut-être pas le danger politique qu'il
que la vertu doit avoir lieu dans tout Etat, a y a à diviser un ordre essentiellement indi-
eu des suites graves, et a égaré, dans notre visible, et à affaiblir ainsi la force de l'Etat
révolution, bien des hommes vertueux, et l'action de son pouvoir. Car, là où la dis-
(1) Le patriarche Joseph, dit un ancien au- (2) Cet ouvrage devait traiter de l'antique M
faible naturelle constitution du ministère public, mais
leur cité par Eusèbe, défendit
fort, c'est-à-dire qu'il constitua la
le
Cet contre le
car cette seconde partie, avec nos mœurs et nos lois,
la constitution n'est pas autre chose. Cet auteur • paraîtrait un roman austère, et le public n'en veut
entre ensuite dans quelques détails sur Jes lois que de licencieux ou d'effroyables l'auteur l'a sup
«ju'il donna à t'Egypte, et qui sont les lois politi- primée. ]
ques
ijites de nos Etats
tiais constitués.
consumes.
Il auestion ici de la Théorie du pouvoir
II est question vouvoir que
VEmoire. et surtout du second livre de la uie partie.
l'autel avait été forcé de supprimer pendant le Directoire et
aue l'auteur
tinction n'est pas rigoureusement nécessaire fréquemment des dispenses d,'âge, coutume
fr
la divisio n est inévitable. immorale
i* qui fait à la longue plus de mal à
Mais, si le système fixe, ou celui des fa- l'Etat en affa.iblissantle respect dû à l'an-
Y.
milles, doit être le système de la constitu- cienneté d'âge, que le sujet dispensé ne
ci
tion qui se maintient par les vertus, le sys- peut,
p quel qu'il soit, lui être utile par ses
tème variable, ou le système des individus, talents.
ta
doit être celui de l'administration, qui, avec La perpétuité d'emplois importants, dans
des vertus, demande encore des talents. Je U mêmes familles, a encore l'inconvénient
les
m'explique le ministère déjuger et de corn- d diviser l'ordre du ministère; public en
de
battre pour la conservation de la société est d
deux classes nécessairement opposées, l'une
la fonction générale de l'ordre. qui y est dé- ddes familles qui obtiennent toujours, et
voué, et la destination naturelle de chacun l'autre
l' des familles qui méritent quelque-
-des membresqui le composent. Cette desti- fois. L'ordre du ministère publie se change
f;
nation, qu'ils tiennent de leur naissance, W ainsi
a en une véritable oligarchie, et il n'y a
où cette hérédité est une loi de l'Etat, forme qu'un
q pas à faire pour que l'Etat entier
leur caractère politique, et uti noble naît' ti tombe dans la démocratie, dont les oligar-
dans ces sociétés avec le caractère de dévoué qques les
plus favorisés deviennent assez
au service de l'Etat, par la seule et même souvent
s les plus ardents instigateurs. Tout
raison que dans une famille où une maîtrise c qui divise, détruit c'est
ce l'oracle du fon-
d'architecte serait substituée à perpétuité,w dateur
<j de toute société et si la devise de
l'enfant naîtrait avec le caractère de maître l'Etat
1 populaire est diviser pour. régner, la
architecte. devise
c de la société constituée est régner
Ce caractère ou, devoir de servir l'Etat îpour réunir.
dans la fonction de juger, et de combattre, ne L'ordre dévoué au ministère public est
demande pour les rangs inférieurs de cette,i^ donc,
c là où il est dans sa nature, un corps
milice, que des vertus, celle de l'obéissance ( familles chargées des fonctions
de publiques
surtout, la première et la plus facile de tou-, ( juger et de combattre, et un
de séminaire
tes, puisqu'elle s'accommode à tous les ca- d'hommes
< propres à remplir les grades émi-
ractères, comme à tous les tempéraments j^ents
J de ces fonctions, d'hommes qui doi-
mais les-, grades supérieurs demandent des5 vent
i trouver dans leurs familles des leçons
talents, et ne doivent pas plus être hérédi- de
< fidélité à l'Etat, dans leurs corps des
taires que ne le sont les talents. Un Etat po- exemples
< d'honneur, et dont l'éducation et
pulaire ne connaît aucune fixité,, pas mêmeî les habitudes doivent développer les talents
et fortifier les vertus. Je ne dis pas que cela
..
dans le devoir; et comme il a fait un légis-
lateur d'un maître à danser, il renvoie i
général au métier de comédien ou à celui dei
un soit toujours ainsi; mais je dis que cela
doit être, que cela peut être, que cela même
brasseur de bière; mais l'Etat monarchique3 a été, et qu'il n'est pas impossible que cela
donne souvent dans l'excès opposé et rend,ï soit encore. Je ne répéterai jamais assez
héréditaires des grades de fonctions qui nee que je m'occupe de la société et du général,
doivent être que viagers. Cet abus s'intro- et point du tout de l'homme et du particu-
duisait en France, non dans les lois qui,» fipr-
même pour une place inférieure de la fonc- Ici se présente une réflexion importante.
tion de juger, voulaient que le fils qui suc- L'état populaire appelle au pouvoir tous les
cédait à son père, reçût l'approbation de laa individus, et il l'expose, comme un prix, a
compagnie, et dé nouvelles provisions duu là vue de toutes les ambitions. L'Etat cons-
gouvernement, mais dans les usages, et à titué appelle aux fonctions du pouvoir toutes
dater de la vieillesse de Louis XIV, il sem- les familles, et il les propose comme un
ble qu'il s'établissait peu à peu une succes-i-
devoir à celles qui demandent à être.admi-
sion presque régulière à des places impor- ses dans l'ordre chargé du ministère public;
tantes de l'administration de l'Eglise ou dee De cette 'différence, prise dans les principes
l'Etat, qui auraient fini par devenirpatrimo- mêmes de deux systèmes le système des
niales, et entrer, comme autrefois, dans de&s: individus et le système des familles il
partages de famille; et comme on neconsul-- [• résulte naturellement qu'il y a plus d'agita-
tait pas toujours les intérêts de la sociétéé tion dans l'Etat populaire, et un mouvement
dans cette hérédité, on ne respectait pass de progression plus lent, mais plus uniforme
mieux les lois do la nature, et l'on accordait
it et plus réglé, dans un Etat constitué, et que
dans celui-ci il arrive moins: fréquemmentt
que dans l'autre que l'individu s'élève dess
derniers rangs de la société aux premièress
places du gouvernement. Il faut, dans unri
Etat constitué, que la famille, après avoirr
acquis, dans l'état domestique, assez de for-
.v. ~1V-t~
dait une famille politique qui prenait l'es-
prit de l'ordre à la première génération, et
les manières à la seconde. « C'est, » dit Mon-
tesquieu,«unepolitique très-sage en France,
que les négociants n'y soient pas nobles,
mais qu'ils puissent le devenir. » S'il y avait
tune pour n'y plus songer dans l'état public, un abus, c'est que la famille-sujette deve-
entre dans l'ordre chargé du ministère pu- nait souvent famille-ministre avant d'avoir
blic, et qu'elle y fasse, pour ainsi dire, soni fait une fortune assez considérable, je ne
séminaire et ses exercices avant que quel- dirai pas pour soutenir son rang, mais pour
qu'nn de ses membres mérite d'occuper less en remplir efficacement les devoirs. Car,
premiers grades de la milice institution dans une société opulente, telle que le sera
naturelle assurément, et qui, pour former le3 toujours notre France, il n'y a pas de condi-
vrai citoyen, réunit les vertus que donnee tion plus dure et plus douloureuse, que
l'esprit de famille et de corps aux talentss celle d'un noble indigent, sur qui pèsent
que l'homme tient de la nature. C'est préci- toutes les charges de l'état public de société,
sément ce qui fait que si l'on remarque dess sans qu'il puisse jouir des facilités que pré-
qualités plus brillantes dans les héros dess sente pour s'enrichir la vie domestique et
Etats populaires, on trouve plus de fidélité, privée.
de désintéressement et de modération danss On a déclamé contre l'usage des ennoblis-
les grands hommes des sociétés constituées; sements prix. d'argent; mais on n'a pas
car les vertus rendent les talents plus utiless fait attention qu'il est raisonnable et natu-
en les rendant plus modestes. L'Etat doitt rel de faire preuve de fortune pour être
donc favoriser cette tendance qu'ont .toutess admis dans un corps où tout moyen de faire
les familles à passer de l'état purement do-· fortune, où le désir même de la fortune
mestique à l'état publie, tendance louable» doit être interdit, et que l'homme en société
en elle-même, puisque l'état domestique de étant essentiellement propriétaire, toute
société n'est que la société de soi, et que3 profession nécessaire à la société doit sup-
l'état public est la société des autres, et quii poser la fortune ou la donner.
ne cesse pas d'être louable, même quand1 Ce qui prouve combien se sont trompés
les motifs personnels de l'homme seraientt et ont trompé les autres ceux qui ne voyaient
vicieux. L'ennoblissement a un autre effett en France ni liberté, ni égalité, et qui ne'
plus général, plus moral, et par conséquentt voyaient que liberté et qu'égalité dans les
plus politique; carie politique et le morall Etats populaires, est que c'était précisément
sont une même chose il empêche l'accu-• dans les Etats où le pouvoir n'est pas consti-
mulation excessive des richesses dans les> tué en Suisse particulièrement, que les fa-
mêmes familles et établissant un autrei milles sujettes, fixées dans la dépendance, ne
moyen de considération que l'argent, il pouvaient parvenir à être familles de l'Etat,
donne aux sentiments, aux opinions, à l'es- c'est-à-dire, à y gouverner à leur tour. Cette
prit public enfin, une direction plus noble, servitude, il est vrai, était compensée, dans
plus digne de l'homme, et par là même plus ces petites démocraties, avec de l'aisance et
utile à la société. .des jouissances domestiques; comme elle
Or, assurément on ne pouvait se plaindre l'était dans les démocraties anciennes avec
en France que de l'excessive facilité de du pain et des spectacles; et ces peuples'
l'ennoblissement; et tandis qu'un meunier s'en contentaient Ainsi, tandis qu'il eût
hollandais, ou un aubergiste suisse sans fallu faire une révolution dans la constitu-
activité, comme sans désirs, bornés à servir tiori de Zurich, pour qu'un riche proprié-
l'homme pour de l'argent, ne voyaient dans taire de la campagne pût devenir bourgeois
l'avenir, pour eux et leur postérité, que le et membre du sénat, en France où la dignité
moulin et l'enseigne de leurs aïeux, un de l'homme était connue et respectée bien
négociantfrançais, riche de deux cent mille avant qu'on en eût proclamé les droits, les
écus, entrait au service de l'Etat, achetait lois politiques favorisaient la juste émula-
une charge et une terre, plaçait un fils dans tion qui portait les familles à s'élever de
la robe et un autre dans l'épée, voyait déjà l'état purement domestique de société jus-
en perspective la place de président à mor- qu'à l'état public ou au ministère politique.
tier et celle de maréchal de France, et fon- Une fois qu'elles y étaient parvenues, la
carrière était ouverte'à leurs désirs, et tou- encore mille ans après lui; grand pour les
contemporains,témoinsde ses exploits, mais
tes les places étaient dues à leurs services.
La première -de toutes les décorations, qu'on bien plus grand pour les âges suivants, qui
appelait les ordres du roi, ne demandait que recueillent le fruit de ses vastes pensées
cent ans d'admission dans le ministère pu- telles que ces tours antiques dont l'œil ne
blic et bien loin qu'aucune loi exclût même peut qu'en s'éloignant embrasser les pro.
du rang suprême un individu, une famille portions et mesurer la hauteur.
ou'une classe dé Français, la constitution Les succès prodigieux des guerriers fran-
les y appelait tous, sans aucune distinction, çais rendront à l'ordre politique des mem-
bres que la révolution lui a enlevés; car
en cas d'extinction de la famille qui l'occu- c'est ainsi que finissent toutes les révolu-
pait, et déclarait le pouvoir lui-même une
substitution à laquelle tout Français était tions. Alors les haines étant éteintes, et
appelé. On dira peut-être que les occasions peut-être les préventions dissipées, on ren-
de s'élever du rang obscur au faîte des hon- dra à chacun selon ses œuvres, et l'on re-
neurs sont extrêmement rares dans les marquera que la noblesse française, consi-
Etats constitués; et je répondrai sans balan- dérée en ordre et dans ses fonctions publi-
cer que les hommes dignes de cette éléva- ques, ou individuellement et dans sa con-
tion sont toujours plus rares que les occa- duite privée, a retenu le caractère distinctif
sions. de sa profession, la fidélité au pouvoir cons-
titué, soit qu'elle en ait défendu l'unité' aux
états généraux, ou que, laissée à elle-même,
Ce que nous avons dit de la nécessité de elle ait montré pour les principes démocra-
ne pas rendre héréditaires dans les familles tiques un éloignement trop prouvé par ses
les places éminentes de l'administration à longs et irréparables malheurs; tandis que
cause des talents qu'elles exigent, ne saurait le militaire français s'opposait, avec des ef-
être appliqué à la plus éminente de toutes, forts surhumains de courage, de discipline
au pouvoir, qui, dans un Etat formé, ne et de talent, au démembrement de l'Etat, et
demande que la vertu, ou le respect pour la1 même en reculait les bornes par ses con-
constitution et les lois domestiques politi- quêtes. Les nations voisines observeront,
ques et religieuses. Les grands talents sans comme un trait caractéristique de l'esprit
une extrême sagesse qui en dirige l'usage, national qui régnait en France, et qui n'a pu
y sont même plutôt dangereux qu'utiles; y être étouffé même sous les ruines révolu-
car les talents veulent faire, et dans un Etatt tionnaires, que les uns aient vu avec un se-
formé et constitué, il ne faut que mainte- cret orgueil les succès de la France, lors
nir, et faire est synonyme de révolutionner. même qu'ils semblaient leur fermer à eux-
mêmes le retour dans leur patrie, et que les
Le pouvoir constitué est dans la société5 autres aient détesté la tyrannie, alors qu'en-
comme la clef de la voûte contre laquelle3 traînés par la force irrésistible dés circons-
toutes les parties viennent s'appuyer, ett tances, ils obéissaient aux tyrans également
qui soutient leur effort, et les maintient en1 braves contre l'étranger, et généreux lorsqu'il
place par sa position seule. En général, il1 leur était permis de l'être, envers d'infortu-
suffit d'un grand homme qui donne la pre- nés compatriotes que la tourmente révolu-
mière impulsion à la machine de l'Etat, ett tionnaire jetait entre leurs mains; et rétablie
ses successeurs ont toujours assez de talentss enfin de cette crise violente, passage néces-
lorsqu'ils savent en régler et entretenir lee saire peut-être de l'adolescence de l'homme
•aouvement. social à sa virilité, la France, telle que le
père de famille, réunira tous ses enfants et
Ainsi, Charlemagne a donné à l'Europee sous les yeux de la religion, invitée à cet
chrétienne l'impulsion qu'elle conserve en- auguste banquet, elle distribuera entre tous
core, et chacune des sociétés qui la compo- les consolations et l'indulgence; elle ordon-
sent a fait d'autant plus de progrès vers laa nera d'oublier les fautes; elle fera plus, elle
perfection sociale, qu'elle a été plus fidèlee fera pardonner les vertus; mais non con-
à la direction reçue de ce puissant moteur;» tente d'effacer au dedans les traces du dé-
génie étonnant, qui connut ces lois fonda- sordre, elle en réparera au dehors Je scan-
mentales de la société, que nous cherchonss dale; et devenue le modèle des nations, et
1047 «DJW COMPLETES i,BONAUX
u– DE M. DE
la pierre angulaire de la société,
société, après
après en
en
iiunaijUi iM
1048
avoir été le fléau, elle poursuivra à route de i, civilisation,
d« la ri^,»»,,M forte de sesh- ancien-
travers nes vertus, plus forte peut-être par ses der-
tes siècles,' sa marche majestueuse dans la
niers égarements.
LÉGISLATION PRIMITIVE
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
effets. choses
c choisirent ce qu'il y avait de plus
Les Chaldéens virent leurs dieux dans les ssage ou de moins déraisonnable dans la phi-
astres, et servirent là milice du ciel; 1< les
losophié des Grecs, comme ils avaient rete-
Egyptiens sur la terre dans les plantes et nu n ce qu'il y avait de plus grave dans leur
les animaux les Grecs, dans les hommes, et culte;
c et de toutes les sectes de philosophie,
surtout dans leurs passions. Toutes les eau- liles plus considérées à Rome furent celle des
ses secondes l'air, le feu, l'eau, la terre et stoïciens,qui
s parlaient de la vertu, et celle de
ses atomes, leur parurent tour à tour la cause 1'l'Académie, qui cherchait de tous côtés, ne se
"première dé l'univers. Dans leurs vaines fifixait que dans son incertitude, et n'affirmait
Imaginations ces philosophes corpuscu- ppas de vérité, de peur de soutenir une erreur.
laires voulurent peindre aux sens ce qui ne Les opinionsd'un homme forment sa philo-
doit être exprimé qu'à la pensée ils ne sophie, s mais la philosophie d'un peuple est
s législation raison pour laquelle les hom-
virent dans l'univers que des images de corps, sa
au lieu d'y voir, comme lés Hébreux, des fi- nmes avides de domination imposent au peu-
gures de vérités. Lès philosophes hébreux, p ple,
FI comme des lois, leurs propres opinions,
s'appelaient avéc raison les voyants.' Les et e veulent faire une doctrine générale de
philosophes grecs se décorèrent du nom de Lleurs sentiments particuliers. Chez les Hé-
sages (i) mais ils cherchèrent la sagesse breux,fc une doctrine intellectuelle avait pro-
hors des voies de là vérité et ils ne rencon- duit
d une législation raisonnable, ou plutôt
(2). " aujourd'hui,
trèrent que la corruption et le mensonge s'étaits confondue avec elle; mais chez les
païens,
F une philosophie sensuelle enfanta
11y eut alors, comme deux des législations absurdes: funeste exemple,
d
philosophies ou deux doctrines: une philo- e depuis trop souvent répété 1
et
sophie divine, qui se confondit avec la reli- L'univers périssait sous ces opinions in-
gion et une philosophie humaine, que sensées
s et ces législations corrompues. La
l'homme associa à la morale car les philo- ddoctrine mystérieuse et toute en expectative
losophes grecs dissertaient beaucoup sur des
d Hébreux ne pouvait pas plus convenir à
l'homme, sur sa nature et sur sa fin. l'homme,
1 devenu en grandissant avide de
Cependant la doctrine des Hébreux se ré- connaître
c la vérité et d'en jouir, que leur
pandait avec leurs livres dans les parties 1législation, purementlocale, ne pouvait con-
d'Asie et d'Europe voisines de la Palestine. venir à la société étendue sous l'empire ro-
Elle ne fut pas inconnue aux Grecs. et donna main.
i Ce fut alors qu'il parut chez les Juifs,
sans douté à la philosophie de Platon ce ca- e qu'il sortit en quelque sorte de leurs doc-
et
ractèrë- d'élévation et de vérité qui la dis- trines
t et de leur législation une doctrineplus
tingne des autres doctrines de ses compa- développée
c et une législation plus générale.
trïôtès. Platon fit de la philosophie avec sa La
1 doctrine des Hébreux avait révélé la
raison, ou du moins avec son intelligence cause,
c la philosophie des païens s'était arrê-
les autres en tirent avec leurs passions les tée
t aux effets; le christianisme vint révéler
stoïciens; avec l'orgueil ;les épicuriens, avec aau monde la connaissance du moyen univer-
là volupté le sceptique douta, les pyrrho- sel,
s medius, ou médiateur, de l'être qui unit,
niens nièrent, les éclectiques cherchèrent; lacause
1 universelle à l'universalité des effets,
les uns dirent à l'homme jouis; les autres ou
c
àl'univers, et qui forme le rapport eh-,
lui crièrent: Abstiens-toi; ceux-ci lui ap- ttre le Créateur et la créature.
dans t'ordre des êtres, tels que notre raison n sance des plus hautes vérités du christia-
les perçoit car, ou la raison humaine n'est >t nisme. A mesure qu'il s'étendait, ennemi
qu'une tueur vaine et trompeuse ou tout,t, de toutes les erreurs, il était combattu
êtres et rapports, existants et même pos- par
tous les esprits. Les Grecs, disputeurs sub-
sibles, est compris dans cette catégorie gé-i- tils comme tous les esprits faibles, commen-
nérale, et la plus générale possible, cause cèrent ces controverses épineuses qui durent
moyen, éffet ( 1 ). Et comme le moyen est;t1t encore, où l'on met l'adresse de la dialectique
en rapport à la fois et avec la cause de la- à la place de la force des raisons et la reli-
quelle il est, et avec l'effet pour lequel il est, gion permit à ses défenseurs ces armes fra- y
la philosophie des Chrétiens, ou la connais- giles, mais acérées, avec lesquelles l'erreur
sance du moyen universel du médiateur, adroite et composée ne manque presque
par qui tout a été fait ou réparé dans J'ordre3 jamais de surprendre la vérité simple et
moral, fit connaître la cause et l'effet, DieuLi con-
fiante. De la dialectique des Grecs, unie
et l'homme, autant qu'ifs peuvent être con- aux
idées chrétiennes, naquit la scolastique du
nus ici-bas par la raison humaine. Cettei moyen âge, qui, pour traduire les idées
doctrine, scandale fiénr les Hébreux, qui se3 justes et précises du christianisme dans les
croyaient les seuls voyants folie pour les5 langues fausses ou transpositivesdes païens,
Grecs, qui se croyaient les seuls sages, con- donna au langage des Romains une cons-
vainquit d'insuffisance la doctrine des uns, truction naturelle ou analogue contraire à
et d'absurdité !a philosophie des autres ett son génie. De là ce latin moderne, connu
parla rectitude qu'elle mit dans les pensées, sous le nom de latin de l'école, qui subsis-
el-le prépara les hommes à la perfection des tait encore à peu près sous la même forme
i
moeurs et des lois, et même au progrès desi dans nos études de théologie, de philoso-
lumières dans tous les arts de l'intelligence. phie, de jurisprudence car il est des langues
La doctrine des Hébreux faisait connaître dans lesquelles on ne peut penser juste
sans
,a puissance de Dieu et ses desseins sur parier mal.
l'homme; la doctrine du christianisme fit Avec la dialectique des Grecs, on étudia
connaître les rapports ou là société de Dieu leur philosophie de mots, leur politique da
et de l'homme, et des hommes entre eux, crimes,
< leur physique de préjugés et tout,
totalement ignorés des païens dans la spécu- dans
< le moyen âge, fut admiré de ce peuple
tion et horriblement défigurés dans la prati- enfant,
< hors la seule partie dans laquelle il
que. La grande énigmede l'univers fut réso- eût
< excellé, la poétique et la rhétorique,
lue. Il n'y eut plus rien à révéler à l'homme, (trop fortes pour nos langues encore inciiltes
rien à prescrire à la société, hors de cette ( pour des esprits encore peu exercés.
et
doctrine et de ses lois; et le fondateur de Ce fut ainsi que l'Europe parvint
cette sublime doctrine, mourant pour la au xv°
siècle.
î Vers cette époque, un débordement
propager, put dire, sous l'expression la plus de
( Grecs dans notre Occident, de sublibilités
simple, cette vérité profonde Tout est côn- dignes
c des Grecs dans l'examen de nos dog-
sommé. (Joan. xxi, 30.) mes,
ï d'idées renouvelées des Grecs dans nos
La philosophie des Chrétiens leur aurait £gouvernements, de modèles grecs dans
suffi sans doute, et le plus savant de nos
arts,
« produisit cette philosophie d'abord re-
leurs docteurs ne voulait. pas en connaître 1ligieuse
ou plutôt théologique, depuis si
d'autre mais, forcés dè combattreles païens, irréligieuse,
i amie des arts des-Grècs; admi-
les premiers défenseurs du christianisme ratrice
r de leurs fêtes, de leurs institutions
étudièrent la philosophie des Grecs, dont politiques,
p même de leur culte théâtral et
une nombreuse partie de l'Église chrétienne voluptueux,
v et que l'Europe a signalée aux
parlait la langue, et dont les écoles avaient siècles
s à venir sous le nom de philosophie
fourni à la religion plusieurs de ses plus moderne,
n nom de réprobation et d'Injures,
savants interprètes. car,
c en morale, toute doctrine moderne, et
Platon. avec sa doctrine intellectuelle et q n'est pas aussi ancienne que l'homme,
qui
ses nobles conceptions, devait plaire aux pre- est
e une erreur
miers docteurs chrétiens, qui y retrouvèrent Cependant cette philosophie n'est pas
( t) te rapport de cette proposition purement
r,““
philosophique, mais fondamentale, de la philoso-
,l,«i,, “““ luuuauiMiwit, uc M puiiuftu-
OEUVRES compl. i>k M. ni? Rn»iin t
phie,
p
nisme,
a.vec les dogmes fondamentaux du christia-
nnisme, devieudra
ueviendra évident.
5i
51h
aussi moderne qu'on le îpense. Déisme ou .que la volonté 'du peuple peut dissoudre;
athéisme, on la retrouve chez les Grecs, où semblab!e à la tente que le berger dresse
de beaux esprits avaient nié la Providence, pour une nuit, et qu'il enlève au point du
et nié la Divinité mais au moins les païens jour.
ne méconnaissaient la Divinité qu'après Ainsi la philosophie moderne confond,
•'avoir défigurée, et en avoir fait des hom- dans l'homme, l'espritavec les organes dans
nes impurs ou des animaux sans raison; au la société, le souverain avec les sujets dans
lieu que nos sages, éclairés par une doctrine l'univers, Dieu môme avec la nature, par-
qui leur montre en Dieu une intelligence tout la cause avec ses effets, et elle détruit
infinie, un amour immense, une action tout ordre général et particulier, en ôtant
toute-puissante, sans aucun mélange d'im- tout pouvoir réel à l'homme sur lui-même,
perfections, le méconnaissent même dans sa aux chefs des Etats sur le peuple, à Dieu
beauté. Chose étonnante 1 des hommes à même sur l'univers.
qui leurs progrès dans l'art de décomposer Cependant il s'était élevé vers le milieu
les corps, de les classer, de calculer les lois de l'autre siècle, non une autre philosophie
de leurs mouvements, ont ouvert le labora- que celle des Chrétiens, mais une autre mé-
toire de la Divinité, s'obstinent à la mécon- thode de philosopher que celle des anciens,
naître ( 1 ) pareils à des enfants introduits c'est-à-dire de procéder à la recherche de la
dans un cabinet, qui n'en considèrent que vérité aussi l'ouvrage de philosophie le
les raretés et ne saluent pas le maître, leur plus célèbre qui parut alors, fait d'après
doctrine corpusculaire s'arrête aux causes cette nouvelle méthode, fut intitulé avec
fécondes, jie voit que des éléments et des raison De la Recherche de la vérité.
germes, et elle prend les moyens de la con- Au milieu de cet asservissement général
servation pour les agents ue la création. des esprits à la méthode d'Aristote, l'esprit
Comme celle des Grecs, elle est vaine dans indépendant de Descartes osa discuter tes
ses pensées et superbe dans ses discours. titres de ce sage à la domination tyran nique
Elle a pris des stoïciens l'orgueil, et des épi- qu'il s'était arrogée sur l'enseignement pu-
'curiens la licence. Elle a ses sceptiques, ses blic. Les écoles le combattirent, et elles
pyrrhoniens, ses éclectiques, et la seule doc- doivent toujours sonner l'alarme.. Les délais'
trine qu'elle n'ait pas embrassée est celle des qu'apporte leur résistanceau triomphe de la
privations. vérité, sont un ubstacleaux progrès de l'er-
Cette philosophie moderne ignore Dieu reur, ou une protestation tôt ou tard efficace
plus que celle des païens, et ne connaît pas contre ses succès c'est la quarantaine que
mieux l'homme; encore moins connaît-elle l'on fait subir aux marchandises qui arrivent
la société. L'homme, cette intelligence servie des pays suspects. La doctrine de Descartes
par des organes, est pour nos sophistes, l'emporta (2). « Le raisonnement humain,
comme pour le sophiste grec, un coq à deux en matière littéraire, a dit Terràsson, n'est,
pieds, sans plumes, un animal débruti, une pour. ainsi dire, sorti de l'enfance que de-
masse organisée, dit un écrivain encore vi- puis Descartes, et la philosophie n'est autre
vant, qui reçoit l'esprit de tout ce qui l'envi- chose que l'esprit de ce grand homme. a
ronne et deses besoins doctrine abjecte et Et ailleurs « Le système de Descartes est un
funeste, aujourd'hui paisiblement et univer- système philosophique; le système de New-
sellement enseignée dans les écoles, où l'on ton est un système géométrique ou physi-
s'occupebien moins de prolonger la vie de que aussi l'éloquence anglaise ne s'est pas
l'homme physique, que d'étouffer toute con- perfectionnéedepuis Newton, comme l'élo-
naissance de l'homme moral.La société n'est, quence française s'est perfectionnée depuis'
pour les sages modernes, qu'un lien de con- Descartes. »
vention, que la volonté du peuple a formé* Cependant il y a deux principes dans la,
{ 1) Les anciens jugeaient la présence des dieux déjà elle commence à pàlir; Descartes n'a point
au désordre de la nature, et pour eux chaque évé- joui de la sienne, mais elle s'est accrue après lui,
nement remarquable était annoncé par une mons- parce que les grands génies, pareils aux édilices
truosité physique les modernes à force de voir élevés, veulent être vus à une juste distance. Tous
l'.immutabilité de l'ordre physique, en méconnais- les deux ont été accueillis par des rois qui aimaient
sent l'auteur. C'est la même disposition. la vérité, ou ce qu'ils prenaient pour elle. Aujoiir-;
( 2) Descartes, j'entends le moraliste, et non le d'hui, les rois, honteux d'avoir été trompés par nos
physicien, a fait une révolution dans les pensées. charlatans, n'accueillerontplus que des artistes; et
Voltaire a excité une révolte dans la société; Vol- le munde même, détrompé de ses erreurs,, n'aura
taire a joui, de son vivant, de toute sa gloire, et plus de goût pour la vérité.
*0W PART. i. ÉCONOM. SOC,
philosophie de Dèseartes
Descartes qui ont besoin de
LBGlSCiTlOS PfillilT.
ua:a~7lJ --7~"
le si si toutefois
DISC fK&fjtM. t0~
maw. PREUM
,,m..1,
touf^k il yv a» quelque
m'
,«
vérité dans ce
développement, et qui, présentés
sans res-
triction peuvent être, et même ont été sujet s- monde d'images qui passent, livré à
et disputes comme une énigme nos
ou occasion, d'erreur je veux parler du que J'on pro-
fu pose à un cercle de
doute et des idées innées. Les réflexions gens oisifs. Mais pour
aux-x- les sciences morales
quelles ces deux principes vont donner lieu, naissance ou sociales, et la con-
utiles en elles-mêmes compléteront l'his- u, du pouvoir et des devoirs, par cela
toire des opinions philosophiques. s- seul qu'on est né et qu'on vit au milieu
d'une société quelconque, on obéit à quel-
Le doute réel ou feint, par lequel Descar-Il
tes a commencé, et qu'il conseille comme le r- que ordre d'actions qui suppose invincible-
le ment quelque vérité dans les
plus sûr moyen de parvenir à. la connais- l'erreur opinions; car
i- et le désordre sont inséparables
sance de la vérité, doit être} pour un esprit it L idolâtrie elle-même, la plus absurde
sage, autre dans les sciences physiques que des
dans les sciences morales. Dans les sciences croyances donne quelque connaissance du
ift
is poitvoir dé la Divinité et des devoirs de
purementphysiques, on peut rejeter comme ie 1 homme, et cette connaissance, toute con-
taux ce qui est même le plus généralement it fuse qu'elle est a maintenu
adopté, et chercher ensuite la vérité; dans ou maintient
is encore chez les païens quelque ordre de so-
les sciences morales, au contraire, qui trai- i- ciété, selon la remarque de Bossuet,
tent du pouvoir et des devoirs il faut parce
res-i- qu'une notion même imparfaite de l'auteur
pecter ce que l'on trouve généralement éta- de tout ordra
bli, pour ne pas recommencer tous les jours hommes lie peut se trouver parmi les
ja société, sauf à examiner ensuite s'il n'y s sans y produire de l'ordre. On
a ne
a peut donc pas rejeter, sous prétexte d'erreur,
point d'erreur. La raison de cette différencee toute
est sensible et Descartes n'a eu garde dee pas croyance morale (car l'athéisme n'est
s'y tromper, lui qui distingue si nettementtcroyance), une croyance, mais l'absence de toute
ce qu'il faut commencer par croire, de a dans l'homme sans faire cesser en même temps
qu'on peut commencer par révoquer ce1motifou la et dans la société ( 1 ) Jo
doute. Que la théorie des lois de l'ordre en, pratique des actions morales; et
physique soit ou ne soit î alors il est à craindre que les passions
pas connue, less fois déchaînées ne veuillent plus reprendre une
lois physiques n'en sont pas moins obser- le joug,
vées dans ce qu'elles ont de général c'est- chemin et ne conduisent l'homme par le
facile du doute à l'abîme
à-dire de nécessaire et l'homme, qui sans fond
peutt du pyrrhonisme absolu. L'homme qui
découvrir, et qui même a découvert tant de mencerait com-
choses utiles en physique, ne peut déranger F'jsiques sont par supposer que ses. théories
rien de nécessaire. Les mouvements plané-• pour Jes vraies n'aurait aucun motif
examiner de près car la société
taires et le cours régulier des saisons ne
ont va ni mieux ni plus mal avec des opinions
précédé les calculs de Kepler et de Newton.. vraies
Quelles que soient la nature des fluides ou fausses sur la physique mais
et l'homme
] qui commence par supposer
la constitution de leurs parties élémentaires, doctrine que sa
< en morale est bonne, a toujours
ils ne tendent pas moins à
se mettre en raison. J suffisante pqjir en approfondir la une vé-
équilibre. On saignait avant de connaître la, rité
i parce qu'on ne la connaît jamais
circulation du sang, et les as-
pompes ont été sez, s et qu'il y a désordre dans la société,
en usage bien avant les expériences sur la tant t qu'on n'a pas la connaissance pleine
pesanteur de l'air. On peut donc supposer entière la vérité. et
E de En un mot, et pour. me
sans danger qu'il y a erreur dans l'explica- résumer,
lion de ces phénomènes, on doit même le r on peut préjuger en physique des
erreurs
e particulières on doit préjuger
en
supposer; car, si on les suppose connus, on nmorale des vérités générales
me trouvera plus de raison suffisante d'y et c'est pour
re- a avoir fait le contraire, pour avoir préjugé la
chercher l'erreur, s'il y en a, et les sciences
vérité en physique, que le genre humain
physiques resteront dans une éternelle en- v
lance. Après tout, il importe a cru si longtemps aux absurdités de la phy-
peu de se sique si ancienne, comme c'est pour avoir
-romper en physique, et d'abandonner, jugé h l'erreur dans la morale générale pré- des
même par préjugé et avant tout nations,
examen, n que plusieurs ont, de jours,
une doctrine, fût-elle vraie en elle-même, fait ? naufrage sur les. côtes arides etnosdésertes
( i ) Ainsi les actions d'humanité
ont cessé chez bée lu dans l'erreur, et que les institutionspublimies
Jeaucoup de Français, lorsque la société est tom- d" de cjianie ont été abolies en France.
.1
1O63
i)- .–- ~a.
de l'athéisme, d'où, comme les sirènes, ils
attirent, par la facilité de leur doctrine lir
cenoieuse., les malheureux navigateurs qui
parcourent les mers orageuses de la science.
:1~
y.
OEUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD.
vaient
.f~onf
i
dogme
t
tion
t
n'min rla
garde rejeter l'opinion
de t-fttftfr
iinnées, qui s'accordent si bien- avec leur
favori du sens pfrtWet de YiHumirui-
particulière; v\ les théologtens catholi-
1064
(~E9- idées
Îf~1I11'111011 des i(.EB
• (1) Leibnitz croit que les idées sont en nous is faut ôter ce qu'il y a de trop, et que, pour faire
comme une statue est dans le bloc de marbre d'où
ù un homme raisonnable d'un homme. ignorant i»
elle doit être tirée. Cependant il y a cette différence, faut lui donner ce qui lui manque.
que, pour faire un Apollon d'uu bloc de marbre, il
pu parler, interrogés sur leur premier état,
.m.mu..m.
bien, même à aider à celui qu'on
·vvv
veut lui
n'avaient pu, à la grande humiliation des faire; et les philosophes modernes voient la
théologiens et à*la satisfaction de leurs ad- véritable nature de l'homme social dans
versaires* Tien apprendre, sur leurs idées l'état faible, misérable, ignorant, barbare,
innées de Dieu de l'âme d'une autre vie, de la vie sauvage. Je reviens à l'origine des
etc. Cependant il était aussi ridicule de leur idées.. Malebranche, par excès de christià-
demander ce qu'ils pensaient avant d'avoir nisme, si je puis le dire, dépassa la solution
aucune expression de leur pensée qu'il le du problème, et fut la chercher dans des
serait de demander à un enfant ce qu'il gen- communications directes avec l'éternelle
sait dans le sein de sa mère, ou'd'interroger raison; opinion excessive et peu dévelop-
un homme qui ne se serait jamais vu au mi- pée, qui supprimé trop d'idées intermé-
roir, sur les traits de son visage. ou la cou- diaires. Condillac pécha par le défaut op-
leurde ses yeux. Un système aus^i incomplet posé, et resta en arrière de la solution, dont
ne pouvait se soutenir; attaqué avec avan- ses recherches sur les signes des pensées
tage, il était défendu d'une manière faible et l'approchent sans cesse, au point qu'il semble
embarrassée. On cherchait la solution du quelquefois y toucher, mais dont ses pré-
problème des idées dans les hauteurs inac- jugés déistes l'éloignent toujours. Il ne leur
cessibles du pur intellect et la religion la manqua à l'un et à l'autre que de faire à
mettait, pour ainsi dire, sous la main de l'homme intellectuel une application réelle
tout le monde et dans la bouche des enfants. et positive d'un dogme fondamental de la
On voulait une explication philosophique société intellectuelle ou religieuse, de con-
et naturelle et comment se persuader que clure de Dieu à l'homme, son image et sa
la religion fût une philosophie, c'est-à-dire, ressemblance, et de dire Qu'ainsi que Dieu,
une connaissance de la vérité, et encore intelligence suprême, n'est connu que par
qu'elle fût naturelle. et la plus naturelle de son Verbe, expression et image de sa subs-
toutes les doctrines, lorsque les éléments tance de même l'homme, intelligence finie,
de notre croyance nous enseignent qu'elle n'est connu que par sa parole, expression de
,est surnaturelle? Ici revenait l'équivoque son esprit, ce qui veut dire que l'être pen*-
de ce mot nature et naturel, qui a produit de sant s'explique par l'être parlant. Alors le
si grandes erreurs, et, par une suite inévi- mystère de nos idées leur eût été dévoilé
table, de si grands désordres. La religion, ils auraient vu que la connaissance des vé-
sans doute, est,surnaturelle, si l'on appelle rités morales, qui sont nos idées, est inne'e,
la nature de l'homme son ignorance et sa non dans l'homme, mais dans la société;
corruption natives, dont ii ne1 peut se tirer dans ce sens qu'elle peut ne pas se trouver
par ses seules forces et; dans ce sens, toute dans tous les hommes, et qu'au contraire
connaissance de vérité morale lui est surna- elle ne peut pas ne pas se trouver plus ou
turelle mais la religion est ce qu'il y a de moins dans toutes les sociétés, puisqu'il ne
plus naturel à l'homme pour former sa rai- peut même y avoir aucune forme de société
son et régler ses actions, si l'on voit la na- sans connaissance de quelque vérité morale.
ture de l'être là où elle est, c'est-à-dire dans Ainsi l'homme entrant dans la société, y
la plénitude de l'être, dans l'état de l'être trouve cette connaissance comme une subs-
accompli et parfait; état de virilité de titution toujours ouverte à son profit, sous
l'homme physique, opposé à l'état d'enfance; la seule condition de l'acquisition de la pa-
état de lumière pour l'homme moral, opposé role, perpétuellement subsistante dans la
à l'état d'ignorance; état de civilisation, op- société. De là vient qu'on trouve dans toutes
posé à l'état de barbarie. Là religion est ce qu'il les sociétés, avec une langue articulée', une
y a de plus naturel, parce qu'elle est ce qu'il connaissance plus ou moins distincte de
y a de plus parfait, et même on peut dire divinité, d'esprits, d'un état futur, etc., qu'on
qu'elle n'est surnaturelle à l'hommeignorant peut ne pas la trouver chez tous les hom-
et corrompu, que parce qu'elle est naturelle mes, et qu'on ne l'a même jamais trouvée
à l'homme éclairé et perfectionné. Ici je chez ceux que des accidents avaient séques«
prie le lecteur de faire un rapprochement très de tout commerce avec les hommes, et
important. Un parti de théologiens, qui privés de la révélation de la parole.
date de l'autre siècle, ne voit dans l'homme Il faut donc apprendre aux hommes ces
que sa nature corrompue, dégradée, origi- vérités, si l'on veut qu'ils les connaissent,
nelle, inerte, selon eux, impuissante à tout et leur parler la parole de Dieu, pour qu'ils
aient la pensée à Dieu; il faut même less mais mt pour en avoir soi-même la connais*
instruire dès les premiers jours de leurr sanee sai intime, ce qu'on appelle avoir la côm-r
existence, former leur raison avant leurss ciènee cié de ses pensées. Ainsi, l'image que
sens, parce que ce qui est destiné à corn- m'offrem' le miroir m'est indispensablement
mander doit, sous peine de désordre, pré- nécessaire
né pour connaître la couleur de mes
céder dans ses développements ce qui estt yeux ye et les traits de mon visage ainsi la
destiné à obéir, et réserver les études phy- lumière
lui m'est nécessaire pour voir mon
siques, qui amusent l'esprit et occupent le3 propre
prl corps.
corps, pour l'âge où les passions font irrup- La pensée se manifeste donc à l'homme ou
tion dans le cœur de l'homme, et mettent, se révèle avec l'expression et par l'expres-
pour ainsi dire, à leur-disposition toutes sess sion,
sic comme le soleil se montre à nous par
facultés physiques et morales. Grâces à l'au- la lumière et avec la lumière. Mais si je ne
teur d'Emile, on suit, dans l'éducation ac- puis pu connaître ma pensée sans une expres-
tuelle, une méthode absolument inverse; sion sic qui la rende sensible, je ne puis en-
nous avons des naturalistes de huit ans, ett tendre
des athées de vingt on donne aux sens a à revêtir
raison à former, comme dans la société on n'a
ter
la
r
i
une expression qu'autant qu'elle sert
une pensée, et une expression qui
n'« pas de sens ou de pensée est un son, un
br aux oreilles (1). La solution du pro-
attribue au peuple le droit de faire son sou- bruit
verain, et nous savons tout de la nature, blème bl< de l'intelligence peut donc être pré^
hors par qui elle a été faite et ce que nouss sentée
sei sous cette formule « II est nécessaire
devons y faire. On dira peut-être que dess que qu l'homme pense sa parole avant de parler
hommes élevés sans connaissance de la Di- sa pensée. » Ce qui veut dire qu'i: est néces-
vinité formeront une société où cette con- saire sai que l'homme sache la parole avant de
naissance ne se trouvera pas; mais une so- parler; pa proposition évidente, et qui exclut
ciété sans connaissance de Dieu, si elle étaitt toute
toi idée d'invention de la parole par
possihle, serait un rapprochement sans réu- l'homme.
l'h Cette impossibilité physique et
nion, un ordre sans règle indépendante; il1 ro< morale que l'homme ait inventé sa parole,
y aurait des forces, et point d'autorité; dess peutpe être rigoureusement démontrée par la
volontés, et point de raison plante dessé- considération
*o: des opérations de notre esprit,
«liée dans son germe qui ne saurait se re- combinée
co avec le jeu de nos organes (2)
produire; et la question de Bayle sur la pos- et le mystère même de cette parole inté-
sibilité d'une société d'athées est plus ineptee rieure,
TU dont la parole extérieure n'est que
encore en philosophie,qu'elle n'est scanda- la répétition, et, pour ainsi dire, l'écho,
leuse en morale. certain
ce; aux yeux de la raison, se montre
Gette proposition rationnelle « La pensée e dadans la doctrine religieuse, et l'on y lit ces
ne peut être connue que par son expression a paroles
Pa qui le prouvent Si orem lingua,
e spiritus
ou ia parole, ), renferme donc toute la science sp meus orat « Mon esprit parle quand
de l'homme, comme la maxime chrétienne, ma mi langue prononce. » (/ Cor. xiv, 14.)
« Dieu n'est connu que par son Verbe, »
II faut donc des paroles pour penser ses
renferme toute la science de Dieu, et par laa id< idées, comme il faut des idées pour parler
même raison. et être entendu (3). La faculté de penser
La-parole est l'expression naturelle de laa est esl native en nous puisqu'elle est nous-
pensée; nécessaire non-seulement pour ena mêmes mi et qu'on ne peut concevoir un
communiquer aux autres la connaissance, homme n0 sans faculté de penser; mais l'art de:
( 1 ) Un enfant qui a l'esprit plutôt développé é ganes relativement à l'âme. Ainsi, dans la science
gai
que l'organe vocal, ce qui se voit fréquemment, de la société, les uns ont traité de la religion, les
de
entend le sens des paroles qu'il ne peut répéter, , autres
aui de la politique il faut, pour bien faire, trai-
et donne des signes non équivoques d'intelligence. ter de la politique dans la religion, et de la religion
Le perroquet, en qui l'organe vocal est développé et:t dans la politique.
da)
qui n'a pas d'intelligence, répète des paroles dont ( 5) Les muets parlent par gestes, parce qu'ils
il n'entend pas le sens, et rie donne aucune marque
>t
e pensent
pei par images, et le geste est l'expression de
qu'il les comprenne l'enfant a la parole intérieure e l'image, tomme la parole l'est de l'idée. Justice est
l'ii
ou l'inlelligence; la bruie a la parole extérieure ou
u une idée; arbre est une image. Cette distinction
uni
l'aniculaiion; l'un rend des pensées, l'autre rendd fondamentale sera expliquée. Au reste, les sourds-
for
des sons qui expriment nos pensées èt non pas less muets
mu peuvent recevoir la parole par l'écriture; ils
siennes. la voient et ne l'ouïssent pas, et c'est là l'objet djs
( 2) Les uns ont traiié de l'âme, les autres desg l'éducation qu'on leur donne. Cette note a paru né-
l'é<
Organes; il nous manque des ouvrages où l'on[i cessaire
ces pour éclaircir l'objection tirée des sourds?
traite de t'âmo relativement aux organes, et des or- muets,
nu qui aurait pu arrêter le lecteur.
Wo 1.~1V1.J.juv~v~u. VVV. L.7VWUCa
parler est acquis, et nous vient des autres, corde avec la doctrine des Hébreux, qui
puisqu'on voit des hommes qui ne parlent nous montre l'Etre suprême conversant avec'f
pas, parce qu'ils n'entendent pas parler, et ile premier homme, et donnant des lois écri-!
qu'on voit parler tous les hommes qui en- tes 1 au premier peuple, parole qui se retrouve
tendent parler les autres. L'un et l'autre sont avec
f mille modifications différentes dans les
inséparables dans leur opération mutuelle, familles
i les plus barbares; lois qui, à tra-
et s'exercent simultanément. On ne peut
ivers mille altérations, s'aperçoivent
donc penser sans se parler à soi-même, au 3les peuples les plus sauvages; et la mytho-
chez
moins pour les idées dont l'objet ne peut logie 1 païenne nous montre aussi les dieux
être figuré par le dessin de là cette expres- conversant
< avec les mortels, et les législa-
sion de l'Ec-iture, en parlant de la sagesse teurs
t païens font aussi venir du ciel les lois
«Dites-moi son nom, si vous le savez;» qu'ils < donnent à la terre.
car l'esprit ne cherchejamais que des noms: Les théologiens, partisans des idées innées,
de là ces passages de J.-J. Rousseau « L'es- entendues
t dans le sens absolu, insistaient
prit ne marche qu'à l'aide du discours. sur s le fait historiquement certain de la révé-
et la parole me paraît avoir été fort néces- 1lation écrite de la doctrine; mais ils ne con-
saire pour inventer la parole. Preuve de rnurent pas le fait physiquement nécessaire
l'opinion où était cet écrivain, que la parole de à la révélation parlée qui avait précédé. La
est venue à l'homme par transmission, et vérité historique peut toujours être com-
que les langues sont un don. De là enfin ce 1battue, parce que, quoique certaine pour
mot de Condillac lui-même, qui de temps en ttous les hommes, tous les temps et tous les
temps tombe dans la vérité, comme un 1:lieux, elle n'est évidente que pour le lieu qui
homme qui va à tâtons trouve quelquefois en e a été le théâtre, le temps qui en a été
une porte pour sortir « Une méthode de Yl'époque, les hommes qui en ont été les
science n'est qu'une langue bien faite. » Ce Vtémoins, et même cette certitude paraît s'af-
qui veut dire qu'on a toutes les pensées fifaiblir à ,mesure que les faits s'enfoncent
d'une science quand on en a tous les mots. davantage
d dans la nuit des âges, et dans ces
L'hommej à quelque instant qu'on sup- titemps où l'Histoire est contemporaine de la
pose de la durée a donc reçu la parole, et Fable; ï mais la nécessité physique est vraie»
n'a pu l'inventer, comme il la reçoit aujour- eest évidente toujours, partout et pour tous
d'hui, et ne J'invente pas ( 1 ). Et admirez si s l'homme aujourd'hui ne peut recevoir la
la fécondité, et, pour ainsi parler, le bon parolep que par transmission,, il n'a. jamais
sens nature) de ce principe. Soit que l'Être
ppu l'acquérir par invention; parce que, si
suprême ait créé l'homme parlant, soit que, l'on, l' peut supposer un. affaiblissement dans
par des moyens qui nous sont inconnus, et ses S' forces, on ne peut supposer une révolu-
qu'il nous est inutile de connaître, il lui ait tition dans sa nature.
donné la parole après J'avoir créé ( 2 ) il Ainsi la preuve de l'existence d'un être
est certain, c'est-à-dire, conforme à toutes supérieur
si à l'homme, et d'une loi antérieure
les notions de la raison, que cet être infini- à sa raison, est toujours également forte, si
ment sage, puisqu'il est infiniment puissant, l'onl' démontre que, posé les opérations de
n'a pu mettre dans les organes de l'homme i'l'intelligence humaine, et le concours n4ces-
que des paroles de raison, comme il n'a mis saire si de ses organes, il est impossible à
dans son intelligence que des idées de vérité. ]'l'homme de découvrir la parole et d'en faire
Il lui a donc donné avec la parole des maxi- un u langage-, et que, loin d'avoir inventé la
mes de croyance et des règles de conduite, parole,p l'homme n'aurait pu, sans la parole,
des lois pour ses pensées et des lois pour avoir a la pensée même de l'invention ( 3).
ses actions; et sur ce point, la raison s'ac- La distinction de religion naturelle et de
(1) Un, enfant sourd ne reçoit pas la parole et ( 3 ) Tous ceux qui supposent que l'homme a
ne.l'invente pas; mais un enfaut doué de l'organe inventé la parole font mouvoir à leur gré leurs
ii
de l'ouïe, devant lequel, s'il était possible, on di- personnages,
p et leur prêtent leurs propres opéra-
rait toujours des paroles forgées, sans, liaison et tions.
ti Ces enfants (supposés nés et élevés dans les
sans aucun sens, n'inventerait pas plus que le bbois, et. hors de tout commerce avec les hommes),
sourd à parler raisonnablement et de manière a être disent-ils,
d pensèrent. réfléchirent. comprirent.
entendu. jugèrent.
ji ils se dirent à eux mêmes. et tout cela
( 2) La version des Septante,chap. xxxviu, f U, a
avant la parole, moyen de pensée, de réflexion, de
porte Est-ce uo«s, dit Dieu à Job, qui avez pris de compréhension,
c< <le jugement, expression du dis-
la terre d'argile, et qui. en ayant formé rêtre animé, cours
c, même intérieur. Cependant on ne voit pas
tui avez donné la parole, et l'avez mis sur la terre?' autre
a chose dans Condiliae et ses disciples, et ils
4071 OEUVRES COMPLETE
t
religion révélée ne contribuait pas peu à éloi- blés. Sans doute l'intelligence absolument
gner les esprits de ces recherches. On re- incorporelle
i peut avoir des idées de cette
gardait la religion naturelle comme une reli- ssorte; mais l'intelligence organisée n'a un
gion innée, et cette opinion se liait à celle .esprit
x qu'à la charge de se servi" d'un corps,:
des idées innées; car ce n'est pas pour laisser si s die est pensée, ellft fin a ou, en
acquiert
son Emilc dans l'ignorance de toute religion, l'expression,
1 et Dieu» soumis luirmêoie., et
mais afin qu'il ne suive que la religion na- plus 1 que l'hofflme, aux (ois générales, qu'il
rellet que J.-J, Rousseau ne veut pas qu'on ai établies, a donné Ja phases à condition, de
l'instruise dans la religion, parce qu'il sup- la 1 parole, comme il p donné, la vision 4 cou-
pose que l'enfant peut connaître sans in- dition ( de la vue, et l'audUion à condition de
strnction la religion naturelle. Mais la reli- l'ouïe
1 (1).
gion même naturelle, la connaissance de Les sophistes, plus; éclairés sur leurs inté-
Dieu, de notre âme et de ses rapports avec rêts, s'emparèrent du poste
que leur laissait
Dieu, veut être apprise ou révélée, comme la
la religion appelée révélée, fides ex auditu
1
j
I négligence de leurs adversaires, et pour
ruiner la certitude de la révélation écrite, il&
et la religion révélée est aussi naturelle que cherchèrent à établir l'inutilité de la révé-
(
Ja religion dite naturelle; mais l'une a été lation orale,
en supposant possible que
révélée par la parole; et elle est naturelle aux l'homme
1 eût inventé la parole. Ils commen-
hommes en société de famille primitive, cèrent par séparer J'une de l'autre, et relé-
l(
isolée de tout autre société et l'autre est guer chacune aux deux pôles du monde mo-
révélée par l'Écriture, et elle est naturelleral la révélation et la raison; comme si la
aux hommes réunis en corps de nation. révélation 5 ne devait pas être raisonnable, ou
Sans doute la religion naturelle est un rayon que la raison ne fût pas acquise par une ins-
(
que Dieu fait luire dans nos âmes; mais la truction, qui n'est autre chose qu'une révé-
parole est la lumière distincte du soleil, et ]lation divine ou humaine. Ils furent aidés
sans laquelle il ne pourrait frapper mes re- en cela par beaucoup de chrétiens, qui, à
-gards. La parole est la lumière qui éclaire toutforce
1 de vouloir déprimer 'l'orgueil de la
homme venant en ce monde, et qui luit dans raison pour relever le bienfait de la révéla-
le lieu obscur de notre intelligence, pour tion, faisaient presque douter si l'homme
1
j
nous y faire voir nos propres pensées, fait à l'image de Dieu avait une raison sufll-
comme la lumière physique, pénétrant dans sante pour recevoir la révélation; et qui,
un lieu obscur, me fait voir même mon d'un autre côté, faibles théologiens, pour
propre corps. Les chrétiens disaient, comme parter avec Bossuet, croyaient, ce semble, la
Cicéron en parlant de la loi naturelle, nata raison assez pénétrante pour ruiner par ses
lex quam non didicimus, cette loi innée que recherches, ou du moins affaiblir la certi-
nous n'avons pas apprise; et comme Lucain, tude de la révélation, et qui ignoraiert que
ils disaient de la Divinité la foi n'est jamais plus simple que lorsque
Née vocihus ullis la raison est plus éclairée.
Numen eget. “
IPkars., lib. ix, 575-761.)
Quoiqu'il en soit, les sophistes, débarras-
sés de la révélation, et quelquefois avee des
La Divinité n'emploie aucun langage pour protestations de respect, comme déjeunes li-
instruire l'homme. Il semble qu'on crut plus bertins se débarrassent de la présence d'un
digne de la grandeur de Dieu, de supposer vieillard incommode, et. restés seuls avec
qu'il nous donne des pensées immédiate- leur raison qu'ils appelaient, naturelle,, cher-
ment, et sans l'intermédiaire d'aucun moyen chèrent au'plus étonnant de. tous lesi'phéno-'
ou milieu qui les réalise et les rende sen5;- mènes, celui de la paroje.» une explication
jfontraisonner l'homme sans voix articulée, et par on peut articuler sans rien dire, ouïr
sans enten-
conséquent au dernier état de brutalité, précisément dre, voir sans regarder, comme on regarde- sans
voir, on entend ouïr, s,'expsim& même. sans
comme raisonnait en lui-même Leibnitz, qui, avec sans on
les connaissances de toutes les langues de l'Europe parler, sans gesticuler. et même par le silence. Rien
ancienne et moderne, cherchait à inventer une lan- ne prouve mieux la distinction de l'esprit et dont des
gue universelle. organes et ce qu'on appelle la pltysiwwmie,
(1) Parole, vision, audition, sont l'aciion de les yeux dans la ligure humaine sont le trait te plus
l'âme; articulation, vue, ouïe, sont le jeu des or- marqué, n'est autre chose que ce regard: de l'âme et
ganes. Ainsi l'âme entend, quand l'oreille ouït; elle cette expression générale. de nos sentiments habi-
regardé ce que l'œil voit; elle dit ce que la langue tuels, qui se manifeste même dans le repos de nos
arsicule. Si orem tîngua, sviritus meus oral. Ainsi organes.
naturelle, et voici ce qu'ils trouvèrent de dire « Pour moi, convaincu de l'impossibi-
pi as naturel. ` lité,
1 presque démontrée, que les langues aient
<
Les un§> sans être retenus par m respect pu naître et se'former par des moyens pure-
-qu'un écrivain doit toujours conserver pour ment
i humains,je laisse à qui voudra l'entré-
ses lecteurs, doutèrent si l'homme n'avait prendre
| la discussion de ce difficile pro-
pas pu naître sans père fli mère -de son es- 1blème. »
pèee, ou sans l'intervention d'un être supé- Et remarquez quelles cotséquences im-
rieur à lui, et parla seule énergie de la ma- ]portantes et opposées naissent en
foule de
tière. Les autres se contentèrent de supposer .<ces opinions contradictoires. Si le genre
hu-
qu'il avait été, dès sa naissance, séparé de main a primitivement reçu la parole, comme
ses parents, et que cet être faible, indéfendu anous l'avons dit plus haut, il est de toute
par la nature, avait pu, seul et sans art, se nécessité qu'il ait reçu, avec la parole, la
défendre contre les accidents extérieurs et
contre ses propres besoins. Cette dernière
i
connaissance
(
uneloi
y
de la vérité morale. 11
primitive,fondamentale, souveraine,
a donc
i
hypothèse, tout aussi impossible que l'autre, une
i loi-principe, lex-princeps, comme l'ap-
mais un peu moins absurde, fut celle sur la- pelle
] Cicéron, une loi que l'homme n'a pas
quelle Condillac éleva, à grands frais d'ima- ifaite, et qu'il ne 'peut abroger. 11 y a donc
fgina!ion, l'édifice de son roman sur l'inven- une
i société nécessaire, un ordre nécessaire
tion de la parole. 11 avait supposé l'homme xde vérités et de devoirs. Mais si l'homme,
«ne statue, pour nous apprendre comment iau contraire, a fait lui-même sa parole, il a
il pensait; il en fit une brute, pour nous ap- fait
i sa loi, il a fait la société,, il a tout fait,
prendre comment il avait inventé l'art de par- i peut tout détruire, et c'est avec raison
.il
(que, dans le môme parti qui soutient que
îer. Pour mieux prouver que des enfants aban- la
donnés avaient pu inventer la parole, il s'ap- parole
1 est d'institution humaine, on regarde
puya très, à propos de l'exemple de quelques 1la société comme une convention arbitraire.
?êires à figure humaine, trouvés dans les bois, et
< qu'on a dit: «Un peuple a toujours le
;mêmedeuxensemble,dontaucun ne faisait en- droit
t de changer ses lois, même les meil-
rendre un mot, un seul mot articulé, et dont 1leures car, s'il veut se faire mal à lui-
quelques-uns poussaient des cris semblables même, qui est-ce qui a le droit de l'en em-
a ceux des animaux au milieu desquels ils
i
1pêcher? et que Jurieu, allant plus loin
vivaient nouvelle preuve que l'homme ap- encore, et déchirant le voile officieux qui
<
prend plutôt l'accent de la brute, qu'il ne couvre ( la souveraineté du peuple, a osé
peut se faire lui-wême sa parole. dire:
( «Le peuple est la seule autorité qui
Jamais plus de rêves extravagants, de sup- ,n'ait
,ir pas besoin, d'avoir raison. » Et effecli-
.positions gratuites, de prodiges en un mot, vèment
i la raison et l'autorité populaire ne
ou plutôt de monstruosités pour donner une s trouvent que bien rarement ensemble.
se
explication naturelle, et jamais on ne s'éleva Si le langago est d'institution humaine,
avec plus d'impudence contre l'expérience, comme
( l'imprimerie et la boussole, la pa-
aussi ancienne et aussi universelle que le role
r n'est pas nécessaire à l'homme en so-
genre, humain, de la transmission nécessaire ciété
t ( 1 ) car rien de ce que l'homme in-
de la parole, que l'homme reçoit, si elle lui vente
a n'est nécessaire à la société, puisque
est transmise ignore, si elle ne l'est pas ou 1 société existait avant l'invention. La so-
la
ue peut, pas, l'êtrei reçoit telle qu'on la lui ciété,
c même domestique, n'est plus néces-
transmet, modifiée dans ses lois suivant les saire
s à l'homme; car l'accord libre du père
nations^dans sesaccents suivant les contrées, e de la mère pour la conservation de l'en-
et
.souvent dans ses habitudes suivant les fa- f
fant, suppose volonté, pensée, expression
milles.. Aussi J.-J. Rousseau, frappé de la [par conséquent, et si l'homme a inventé la
contradiction qu'il y a à supposer que les parole,
1 l'homme a inventé, je ne dis pas fa
h,oo).m.es soient convenus, sans se parler, de rmariage, mais la famille. Et quand je dis la
tel ou, tel langage, et de ses règles gêné- parole,
i il faut entendre l'expression de la
raies, partout; les mêmes, après avoir dis- pensée,
p même par gestes, parole de ceux
cuté cet amas de rêves incohérents, finit par qui
q n'en ont pas d'autre, des sourds et
(f) On veut (j«e l'hotome sans parole sait un n'est
in point un pur animal, même' sous le rapport
animât. Il n'est rien, jurée que l'autmal muet est d
de ta reproductio»,c'est que l'animât est pins ai*
dans sa nature, et que l'homme sans expression dent
d à mesure qu'H est plus sauvage, et l'homme
n'est plus dans la sienne, ei. qu'un être qui est hors plus
p froid à mesure qu'il est moins civilisé.
ée sa liàture n?est pas. Ce qui prouve que t'homme
muets, mais parole transmise, comme l'au- cl usions ont été tirées par les sophistes mo-
tre, par le commerce des hommes car les dernes, parce qu'à cause de la liaison né-
animaux n'ont point de gestes, quoiqu'ils cessaire de nos idées, l'esprit de l'homme
aient des mouvements, et des aveugles n'ont est conséquent dans l'erreur comme dans la
point de gestes, quoiqu'ils aient la parole. vérité. La même école qui a soutenu l'in-
Des enfants abandonnés hors de toute com- vention arbitraire de la parole, a ruiné le
munication avec des hommes parlants, ne fondement de toutes les vérités morales et
feraient point de gestes imitatifs, quoiqu'ils historiques, et n'a fait grâce qu'aux vérités
eussent des mouvements animaux, et qu'ils physiques et géométriques, «vaine pâture
donnassent des signes involontaires de plai- des esprits curieux et faibles, » dit Bossuet,
sir, de douleur ou de besoin. Mais pour parce qu'eUes nourrissent l'orgueil à peu de
faire des gestes imitatifs délibérés et frais pour l'esprit, et qu'elles ne demandent
avec intention; il faut avoir vu des actions aux passions aucun sacrifice.
à imiter, avoir observé que tel geste corres- Qu'on cesse donc de s'étonner si nous
pond à telle action, et avoir vécu par con- avons mis une si haute importance à la
séquent en société avec des êtres qui pensent question de la révélation de la parole. Toute
et qui s'expriment. la dispute entre les deux partis qui divisent
Si la parole est d'invention humaine, il l'Europe savante, les théistes et les athées,
n y a plus de vérités nécessaires puisque les chrétiens et les sophistes, se réduit à ce
toutes les vérités nécessaires ou générales fait, à ce seul fait là est la preuve de l'exis-
'ne nous sont connues que par la parole, et tence de Dieu, le motif des devoirs de l'hom-
que nos sensations ne nous transmettent me, la nécessité des lois et de la société; là
que des vérités relatives et particulières. est la raison du pouvoir religieux, du pou-
Il n'y a plus de vérités géométriques, car voir civil, du pouvoir domestique, en un
comment sais-je autrement que par la parole mot la raison du monde moral ou social,
e,t le raisonnement qu'il y a des lignes ab- que l'art de la parole a tiré du néant de
solument et nécessairement droites, des cer- l'ignorance et du chaos de l'erreur. Je le dis
cles absolumenjt ronds, des triangles absolu- aux amis et aux ennemis cette question
ment rectangles, lorsque mes sens ne me rap- est, dans le grand combat de la vérité mo-
portent jamais que des lignes relativement rale contre l'erreur, comme ces postes im-
droites, et des cercles relativementronds, etc. portants dont la possession ;décide le suc-
11 n'y a plus de véritésarithmétiques, car mes cès d'une campagne, et que deux armées se
sens ne voientqu'un, un, un, etc'est ma parole disputent avec opiniâtreté. Les esprits ob-
qui compte trois,;quatre, cent, mille, etc., et servateurs qui voient poindre le jour de la
qui combine des valeurs qui ne sont jamais vérité dans les dernières ombres de l'er-
tombées et quine tomberontjamais sous mes reur, peuvent déjà s'apercevoir que l'idéolo-
sens. Il n'y a plus de vérités morales, car gie moderne, occupée depuis longtemps des
toutes ces vérités ne nous sont connues que signes et de leur influence sur la pensée, pro-
par des formes de langage que l'inventeur, voque elle-méme, sans le vouloir, la déci-
libre dans ses inventions, a pu', ne pas in- sion de la question du langage inventé ou
venter, ou inventer toutes différentes de ce reçu, et, sous ce rapport, on peut assurer
qu'elles sont aujourd'hui, ou différentes en- que l'idéologie tuera la philosophie moderne.
cure chez les différents peuples car pour- Avant de traiter de l'idéologie, qui a rem-
quoi n'y aurait-il eu qu'un inventeur? 11 n'y placé dans le langage et dans les études la
a plus de vérités historiques, et l'homme métaphysique, parce que la philosophie mo-
ne sait que ce qu'il voit et ce qu'il touche, derne ne voit dans l'univers d'autres "idées
et encore, s'il saisit les êtres, ne peuUil que celle de l'homme, nous nous arrêterons
combiner leurs rapports, puisqu'il' ne les un moment pour faire remarquer au lecteur
combine qu'à l'aide de la pensée exprimée uno conséquence bien vaste des principes
par la parole (1). que nous venons d'exposer. Nous sommes
Et remarquez que presque toutes ces con- au haut d'une montagne d'où l'on peut dé-
(l) L'uniformité des langages, dans le sens temps et les hommes; comme un même maître à
qu'ils se traduisent tous les uns les autres, et font écrire donne à.cent élèves une écriture différente,
entendre la même pensée chez les divers peuples, selon la construction de l'organe et la vivacité de
dépose contre l'invention attribuée à l'homme. Il y l'esprit, et comme cent idiomes différents rendent
a un instituteur général qui a donné une langue une même pensée, cent écritures différentes rendent
générale, oui s'est modifiée suivant les lieux, les une même parole.
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1077
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PART. I. ECONOM. SOC. ^LEGISLATION PillMIT.
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anciens
anciens se rapprenaient
rapproenaient
1078
1 U7'8
roles sont l'expression naturelle nos pa- beaucoup plus que les philosophes moder-
de nos nes des traditions hébraïques sur l'origine
pensées une révolution dans le langage du langage. Leur mythologie attribuait à
sera ou fera une révolution dans les pen- .des dieux descendus
sées et remarquez aussi que l'Ecriture, au milieu des hommes,
livre où tout se trouve, assigne la confusion ce et conversant avec eux, l'invention des arts
même mécaniques. Ciceron dit que J'écriture
des langues pour date et pour à la n'a pu être inventée par un simple mortel,
révolution que produisit dans lacause doctrine et effectivement Mercure- Trismégiste
morale la dispersion des peuples, d'où sui- Hermès, ou
à qui les Egyptiens en faisaient hon-
vit l'oubli des traditions primitives. Le plus
des noms de divinités. 11 semble
profond de nos grammairiens l'abbé Gi- neur, sont
même que les anciens connussent cette vé-
rard, pense, et, je crois, avec raison,
révolution qui s'opéra dans le langage, que la rité, que toufes nos pensées sont dans nos
et paroles, lorsqu'ils comprenaient presque
que rien n'oblige à croire instantanée, pas toutes les sciences
plus que la création, fut la division sous le nom de gram-
en lan- maire, qui est proprement l'art de parler, et
gage analogue, ou conforme à l'ordre naturel lorsque les Grecs
dss Êtres, langage vrai, conservé, dans l'an- logos la parole et appelaient du même nom
tiquité, chez le peuple où la pensée.
se conserva le dé-
pôt de toutes les vérités ( 1 ) et Nous terminerons l'histoire de la philo-
en langage sophie par quelaues
transpositif, ou contraire à l'ordre naturel observations sur Y idéo-
des êtres; langage faux, et logie.
par cela plus
propre aux passions, comme le remarque Chez le peuple le plus éclairé de l'Europe
Diderot, et que l'on retrouve chez toutes les dans ses pensées, le plus naturel dans
son
nations païennes. On peut faire langage, et le mieux ordonné dans ses lois
vation semblable sur les peuples une obser-
chrétiens religieuses, politiques et civiles, Descartes
en général, beaucoup plus vrais ou plus ana- Malebranche et leurs nombreux disciples
logues dans leur langage que les Grecs les avaient spiritualisé la question de l'origine
et
Latins, mais plus ou moins analogues
entre des idées, au point (Malebranche surtout) de
eux dans leur idiome particulier, selon qu'ils n'y faire entrer que le pur intellect, pres-
obéissent à des lois plus ou moins naturelles que sans mélange de sensations. Locke,
(le société politique; et
pour en citer un sous l'influence d'une autre religion, d'un
seul exemple, Leibnitz remarque
langue allemande, la plus transpositive que la autre gouvernement, d'une autre langue,
des chez un peuple exclusivement livré aux
langues modernes, a suivi toutes les phases soins terrestres; Locke, esprit patient et
de la constitution germanique, la plus irré- subtil, propre à suivre une route tracée ( 2 ),
gulière des constitutions chrétiennes, mal- voulut s'en frayer une nouvelle, et matéria-
gré le laborieux arrangement de ses parties; lisa la question des idées, dont il vit l'ori-
et l'on peut assurer que, dans ce moment gine uniquement dans 'nos sensatiops, re-
où il se prépare des changements importants gardant même comme incertain si l'on
ne
à cette constitution, les beaux esprits du pouvait pas l'attribuera la pure matière (3).
nord essaient d'introduire dans leur langue ° Condillac,
qui a été à Locke ce que Maie-
une construction plus naturelle. Ces consi- branche fut à Descartes, enchérit sur la doc-
dérations, vraies en général, demanderaient
trine de son maître, porta à l'excès la ma-
un traité particulier qui paraîtra peut-être nière aride et glacée qui caractérise
l'école
un jour il suffit aujourd'hui à l'objet qui de métaphysique matérialiste, fit
de l'homme
nous occupe, de les avoir indiqués à la sa- tantôt une statue, tantôt
gacité du lecteur. un animal sauvage,
ôta à l'être infini les idées générales comme
( I ) Les deux langues les plus vraies les plus conditionnelou du contrat entre le souverain et les
analogues du monde sont l'hébraïque, etoula fran- sujets.
çaise, ce qui rend peut-être cetle-ii extrêmement ( 3)
K
Bayle demande si république d'athées
propre à traduire l'autre, et qui fait que les plus peut subsister Locke, si laune matière est suscepti-
beaux morceaux de notre poésie sont traduits ble de la faculté de penser? Les hommes superti-
imites de l'hébreu. Si la France n'avait ou
pas eu Eu- ciels prennent ces questions pour un doute savant;
rope le dépôt des vérités, il semble qu'elle en eut la elles ne sont (lue l'irrésolution de l'ignorance;
gardu puisse-t-elle ne pas perdre cette noble pré- Descartes Leibnitz
rogative 1 et ne font pas des questions
pareilles qui ruinent par leurs fondements I'Iioib-
(2) H a donné aussi Oans l'erreur du pouvoir mc- et la société.
ïndignes'de lui, et les attribùa à; la brute; à Malebranche tiû crime, ott peu s'en iaut,
toute forme humaine, tout esprit de vie, dl parler un langage conforme à de hautes
de
tout caractère d'intelligence disparu rent sous pensées,
pi et de donner à la vérité une expres-
le scalpel de cette dissection idéologique, et si dîgnë <ie sa beauté^ il semblait qu'on
sion
résumant en deux mets son triste système', ni pût enchanter le lecteur par lé
ne style saris
Condillac appela nos pensées des sensations faire illusion à son esprit. Fohtenëllè, es-
fa
transformées. pi brillant, mais sans chaleur, qtai
prit écrivait
Ce sytème a prévalu dans les éeôles mo- avec
â1 grâce des dissertations mathématiques,
dernes, où l'on s'est imaginé 1« comprendre et avec froideur des pastorales Fonténèlle
e1
on y jure par Çondillac, comme on jurait décida d< qu'il y avait beaucoup d'imagination
jadis par Aristote et sa doctrine des sensa- dans & là philosophie de Màlebfànché parce
tions y est si bien établi*, que dans le der- qu'il q trouvait beaucoup d'images dans son
nier ouvrage sorti de cette école qui ait paruL style,
si et il fit sur cette imagination dont
sur ces matières, intitulé ï Des signes, et de Malebranche
1 se servait en se cachant d'elle,
leur influence sur l'art de penser { 1 ) Van- cette a jolie phrase que tout le monde connaît.
teur, membre de l'Institut ne craint pâs de Le I. plus sévère méditatif quMl y ait. jamais
dire :« Je pars ici du principe recônnu au- eeu, qui ne met d'images que dans son style,
jourd'hui par tous les philosophes, que Vu- qui q pense le plus rationnellement, et s'élève
rigine de toutes nos connaissances est dans1 ppar la seule intelligence aux vérités les plus
nos sensations, et c'est par l'analyse de la générales*
g passa pour un homme à imagi-
seiiSâtrofl que je commence. » Gette opinion nation,n tandis que Locke et Condillac, qui,
cependant a été combattue par les plus ddans un style continuellement abstrait et
grands philosophes des siècles passés. Pla- sans s; figures, ne pensent qu'images dé corps,
ton, saint Augustin, Descartes, Màlebr anche, 0organes dans t'homme, sensations et sens
Fénêlon et Leibnitz, et elle est encore for- dans d ses pensées, passèrent pour des hàin-
nieilement combattue par fiant, le philoso- mes n à conceptions. La vérité est précisé-
phe le plus accrédité de notre temps, ument dans les assertions contraires. Dëscar-
Le crôifait^oti ? c'est une malheureuse tes t( et Malebranche sont des hommes à
équivoque qui a, plus qu'on né pense, con- conceptions,
c Locke et Condillac des hotnùles
tribué à dêcréaitér" lé génie éminent des àa imaginations, parce que l'imagination est
•philosophes de l'autre siècle et entre au- en e nous la faculté qui image ou imaginé, et
très de Maiebfâttehe. L'école dé Port-Royal, que q l'on ne peut imaginer que des choses
supérieure eu littérature, outrée en morale,le solides;
s des corps, des sens, dés organes, et
aigre et orgueilleuse dans là dispute, com- de d là vient que l'imagination domine chez
mença le combat (car" alors on mettait à lai les 1 artistes occupés de l'imitation des choses
vérité ésset d'intérêt pouf la combattre parr physiques.
1 Au contraire, Descartes et Male-
lorsqu'ils
le raisonnement) contre la philosophie deB 1branche ne se sont trompés que
Malebranche contraire à ces opinions étrari- (ont voulu imaginer, l'un ses
tourbillons,
gères» séduisantes d'austérité, qui se sontt 1l'autre son étendue intelligible encore cette
naturalisées parmi nous, et y ont fait tantt dernière
< opinion, qui met en Dieu le type
dé bruit et tant de taâl. Elle opposa sa mo- des < vérités générales de l'ordre physique,
“ raie chagrine et son style froidementcorrect, i, manque-t-elle
i plus de développement que
_à cette doctrine vivifiante et généreuse, quiii de < vérité. Si l'on voulait comparer ces qua-
s'énonce ou plutôt qui se colore dans unn 1tre esprits; oh pourrait dire que Descartes et
style animé, plein de force et de grâces,i, Malebranche
] avaient le génie qui généralise,
comme une lumière brillante à travers unn et qui souvent Se trompe dans les particula-
cristal. rités, et que Locke et Condillac avaient l'es-
Dans un siècle qui sortait à peine des ,s prit qui particularise, et qui se trompe tou-
vaines et barbares arguties d'Aristote, on fitit jours quand il veut généraliser; et l'on peut
(1) Les ministres luthériens lui reprochaient lence, parce qu'il n'y a ni bien ni mal dans les sys-
un défaut d'assiduité à leurs prédications; et rimant tèmes physiques, et qu'un siècle détruit trop souvent
îvec son nom Lëibnitz, ils disaient en allemand les opinions d'un autre siècle. La société marche
Er glaub nichts, il ne croit rien. On sait qu'il a avec les tourbillons de Descartes, comme avec Tal-
voulu reunir les luiliériens aux catholiques, et qu'il traction de son rival. Mais en morale, et dans la
y a travaillé avec Bossuet. science de la société, là où cesse la vérité nait Ja
(( *J.) i entends dansles sciences morales, car ce
2) J'entends
n'est proprement que là qu'est la vérité par exccU
désordre.
{\17rl'1''In. ~T f
.a LL:m: uL. bvW tm.u. 1~
bonté native dé l'homme, et un prétendu sophes
s de collège ou de comptoir; et comme
état humain de pure nature (1) antérieur h écoles tiennent toujours quelque chose
les
à la société, et meilleur que la société. d tour d'esprit du caractère de leurs fonda-
du
dit J.-J. Rousseau, teurs,
t les adeptes de J.-J. Rousseau, tran-
« L'hooin?e est né bon,
et la société le déprave. Tout ce qui n'est chants
c comme leur maître, attaquèrent à
pas dans la nature a des inconvénients, et fforce ouverte les principes de l'ordre social,
la société civileplus que tout 1er este. »– '< Dans que
c les partisans de Montesquieu ne défen-
l'état de pure nature, dit Montesquieu, les dirent
c qu'avec la faiblesse et l'irrésolution
hommes ne chercheraient pas à s'attaquer, que
c donnent une doctrine équivoque et un
et la paix serait leur première loi natu- maître
i timide et indécis. Il
relie ( 2 ). » Montesquieu, partisan de l'u- C'était assez, c'était même trop de théo-
nité de pouvoir par état et par préjugé, et du ries
] il était temps que l'Europe fît un
gouvernement populaire par affection phi- cours
( pratique de gouvernement populaire,
losophique favorable aux sociétés unitaires et la France, destinée à êtreunexemple pour
par ses aveux, et aux sociétés opposées par les
1 autres nations quand elle renonce à en
ses principes, sans plan et sans système, être le modèle, fut choisie pour cette terri-
<
(1) C'est le paradis terrestre des philosophes. teurs, des jouets qu'il faut laisser à des enfants. »il
(2) La paix est un -état et non une toi. oie même l'homme sa bonté native que J.-J; Kous-
( 5 ) Les événements ont éclairé même les philo- seau lui attribue, et il avance que l'homme, anté-
sophes, sur le vice des théories populaires; et dans rieurement à la sociélé, serait sans lois, sans obli-
l'ouvrage de M. Bentham, que nous avons cité tout gutions, sans délits, sans droits, etc. L'auteur va
à l'heure, la doctrine du pouvoir conventionnel et plus loin encore il nie tout autre loi natUrelle que
conditionnel de llobbes et de Locke et le Contrat so- celte du plaisir et de la douleur, et en général il est
cialde J.-J. Rousseau, sont appelés de apures fictious moins heureux à édifier qu'à à détruire.
qui n'existent que dans l'imagination de teurs au-
passer de l'absence de tout culte au respect, vie par des organes pour agir sur uii objet
et bientôt à la pratique de son ancienne re- intelligence, organes objet qui ont entre
ligion, tous les accidents de la société sont eux les mêmes rapports que pouvoir, mi-
connus, le tour du monde social est fait; nistre et sujet dans la -société, que cause,
nous avons voyagé sous les deux pôles: il moyen effet dans l'univers.
ne reste plus de terre à découvrir, et le mo- Ces,trois personnes sont séparables l'une
ment est venu d'offrir à l'homme la carte de de l'autre, c'est-à-dire amovibles, ou elles
l'univers moral et la théorie de la société. sont fixes et indissolubles elles sont amo-
Mais qu'est-ce que la société? La société, vibles dans la famille par la faculté du di-
dans un sens général ou métaphysique, est vorce, amovibles dans la religion par le
la réunion des êtres semblables pour la fin de presbytérianisme, qui n'imprime aucun ca-
leur reproduction et de leur conservation ractère de consécration à ses ministres
et cette définition, qui ne paraît d'abord amovibles dans l'Etat par les institutions
convenir qu'à la société des corps, s'appli- populaires, qui font du pouvoir et du minis-
que également à la société morale ou des es- tère des fonctions perpétuellement révoca-
prits, parce que leur production est l'ins- bles et éligibles. Elles sont, au contraire,
truction, et î£ur conservation la connais- fixes et inamoviblesdans la famille par l'in-
sance de la vérité ou la raison. Mais la so- dissolubilité du lien conjugal dans la reli-
ciété dans un sens plus restreint et mieux gion par la consécration qui lie irrévoca-
agproprié au sujet particulier que nous trai- blement le ministre à la Divinité et au fi-
tons, est le rapport des personnes sociales dèle, et par conséquent les lie entre eux;
entre elles, c'est-à-dire le rapport du pou- dans l'Etat, par la fixité ou l'hérédité du
voir et du ministre pour le bien et l'avan- ministère politique. Là seulement est la
tage des sujets. raison de tous les phénomènes que présen-
Cette définition est vraie de la société do- tent les sociétés anciennes et modernes. Plus
mestique, où l'union du père .et de la. mère il y a d'amovibilité dans les rapports des
se rapporte à la reproduction et à la conser- personnes entre elles, plus il ya d'instabilité,
vation des enfants. Cette définition est vraie de désordre, de faiblesse dans la société;
de la société religieuse, où les rapports de plus il y a de fixité dans les rapports, plus
la Divinité et de .ses ministres ont pour ob- il y a de force, de raison et de durée. Ainsi,
jei la perfection et le salut des hommes. les sociétés les plus fortes de l'antiquité ont
Cette définition est vraie de la société poli- été la-société égyptienne la société hébraï-
tique, où le service public que les officiers que et la société romaine, où le ministère
civils et militaires doivent au chef de l'Etat politique, patriciat chez les Romains, mi-
a pour unique objet l'ordre public, fonde- nistère lévitique chez les Juifs, guerrier
ment du bonheur des peuples et de lapros-' chez les Egyptiens, était fixe héréditaire et
petite des empires. propriétaire. Ainsi, les sociétés les plus fai-
Il y a donc trois personnes dans toute so- bles, les plus désordonnées de l'antiquité,
ciété le chef ou le pouvoir, les officiers ou le ont été les empires despotiques de l'Asie,
ministère, et les sujets ou le peuple la réu- et les Etats populaires de la Grèce où il ré-
nion de ces trois personnes s'appelle la so- gnait une perpétuelle mobilité dans le pou-
ciété et ces personnes sont domestiques voir et ses fonctions; et
remarquez qu'il n'y
ou publiques religieuses ou politiques a eu en Grèce dé force réelle que chez les
comme la société. Le lecteur qui lira avec at- Spartiates et les Macédoniens, où il y avait
tention la première partie de cet ouvrage, plus de fixité dans les fonctions, et même
remarquera que ces trois modes d'existence quelque hérédité dans lus personnes.
des êtres dans la société se lient, d'un côté Ainsi, les sociétés les plus fortes des temps
à l'ordre le plus général de l'univers, où modernes sont celles où se trouve la fixité
nous retrouvons tous les êtres et leurs rap- des personnes, comme dans les monarchies
ports compris sous ces trois idées générales, chrétiennes et chez le Tartare, société à son
et les plus générales possibles, de cause de second âge, et qui a son Khan et ses Mir-
moyens d'effet, qui ont entre elles les mê- zas, comme le Germain de Tacite, auquel il
mes relations que pouvoir, ministre, et su- ressemble, avait, sous d'autres noms, ses
jet; et de l'autre, qu'ils se lient au système chefs et leurs compagnons. Ainsi, les socié-
particulier, intellectuel et corporel de l'hom- tés les plus faibles des temps madernes sont
me, qui est une intelligence ou nolonté ser- celles où l'on retrouve l'amovibilité dans les
109S
i^Tk^i
personnes, la
ŒUVRES COMPLETESa DE
« i Turquie,
Pologne, la
am
« nn ~–*i lai nChine,
/^liiHA
u~w.
M. DE BONALD.
et les Etats populaires de Suisse et de Hol- lubies Dar le divorce, se retrouvent généra-
lande, etc. lement chez les mêmes peuples et quel-
Rien ne prouve la vérité de ces principes, quefois malgré des apparences contraires;
comme de voir la Pologne, où le pouvoir comme le lien indissoluble, ou l'inamovibilité
était électif et le ministère héréditaire, et la des personnes dans l'Etat, dans la religion,
Turquie, où, comme à la Chine, le pouvoir dans la famille, s'aperçoit généralementdans
est héréditaire, et le ministère électif, tom- les mêmes sociétés.
bées l'une et l'autre dans les mêmes faibles- Mais les effets de ces lois générales des
ses et les mêmes désordres, par une cause Sociétés ne peuvent être aperçus que dans
en apparence opposée, et malgré la prodi- les Etats dont aucune force extérieure ne
gieuse différence de leurs institutions do- comprime l'action intérieure, qui ont en
mestiques, civiles et religieuses. eux-mêmesle principe de leur indépendance,
Lorsque le ministère ou la magistrature et qui ne demandent pas à leurs voisins la
s'empare du pouvoir et l'exerce en corps, garantie de leurs propres lois. Ainsi, l'on ne
comme en Pologne, a Berne, en Suède à peut apercevoir l'effet des lois morales que
Venise ce ministère ne sert pas, il gou- chez un homme qui a son franc arbitre.»
verne il n'est plus ministère, il est pouvoir; Ce serait une autre erreur de vouloir assi-
*t sous cette forme, il se nomme patriciat, gner avec la précision d'un chronologiste un
et l'Etat, toujours populaire, reçoit diffé- commencement è certaines lois même fon-
rents noms, selon les différentes formes du damentales, que l'on voit en usage dans la
pouvoir aristocratique, si les patriciens société. Les mauvaises lois commencent;
sont héréditaires, et oligarchique, s'ils sont mais les bonnes, émanées du bien suprême,
en petit nombre; démocratique, si les patri- sont éternelles comme lui. A quelque ins-
ciens sont électifs, et démagogique, si. tous tant que les hommes les écrivent, elles
ou la plus grande partie des citoyens sont viennent toujours de plus loin, et comme
appelés au pouvoir; car môme dans la dé- l'homme lui-même, elles étaient avant de
mocratie la plus illimitée, il y a des condi- naître.
tions d'âge, de sexe, d'état et de propriété, Ainsi en France, le ministère, d'abord
qui restreignent la capacité du pouvoir. électif, ou amovible comme le pouvoir,
Ainsi le patriciatexiste partout où plusieurs sous la première race, ou même la seconde,
citoyens, quels que soient leur nombre, est devenu héréditaire et propriétaire sous
leur naissance, leur fortune, leur professioni la dernière race et avec le pouvoir lui-même.
habituelle, ont, par les institutions politi- Mais cette observation n'est vraie que géné-
ques, le pouvoir le plus éminentde tous, le> ralement et les exceptions qu'on peut y
pouvoir par excellence,celui de faire la loi, trouver, et que certains esprits saisissent
soit qu'ils l'exercent temporairement,via- toujours beaucoup mieux que les vérités
gèrement ou héréditairement. C'est ce quei générales ne sauraient en affaiblir la force.
J.-J. Rousseau fait observer avec beaucoup) II est vrai que généralement le pouvoir n'a
de sagacité. « 11 est certain qu'ôtant l'extrê- été définitivement héréditaire, et le minis-
me disparité des deux républiques, la bour-• tère généralement fixe et propriétaire, que
geoisie de Genève représente exactement le3 depuis la fin de la seconde race quoique
patriciat vénitien abstraction faite de lai avant cette époque, il y eût des familles
grandeur, son gouvernement n'est pas pluss distinguées par leurs richesses et la con-
aristocratique que le nôtre. » II y a doncî sidération dont elles jouissaient et des
aujourd'hui en France un véritable patriciatt princes qui avaient succédé à leurs pères.
électif; mais il n'y a pas de noblesse, parcei C'est ici le lieu d'appliquer ce passage re-
qu'à la place d'une classe destinée exclusi- marquable du président Hénault « On
vement à servir, il y a une classe exclusive- veut, » dit-il « que l'on vous dise que telle
ment destinée à régir ou à faire des lois. année, à tel jour, il y eut un édit pour ren-
Comme les sociétés sont semblables danss dre, par exemple, vénales les charges qui
leur constitution, elles sont semblables danss étaient électives. Or il n'en va pas ainsi de
leurs accidents; et l'on peut regarder commee tous les changements qui sont arrivés par
un axiome de la science de la société, axio- rapport aux mœurs, aux usages, à la disci-
me dont l'histoire offre une continuelle ap- pline; des circonstancesont précédé, les faits
plication, que les Etats populaires, les reli- particuliers se sont multipliés, et ont donné,
par succession de temps naissance à ïa loi oi à l'entrée de l'Italie, et qu'on appelait alors
générale sous laquelle on a vécu.» le roi de Sardaigne. L'auteur, en '1794. osait
Mais la nature ou l'ensemble des lois gé- é- ne pas désespérer de la France; il découvrait
nérales de la reproduction et de la conser- r- dans son antique constitution un principe
vation des êtres, tend nécessairement à les es de restauration, et dans les circonstances de
placer dans l'Etat le plus fort, c'est-à-dire le sa position une raison d'accroissement mê-
plus fixe et le plus durable celui où les es me dans le nouveau continent, etdéjàil aété
êtres'font effort pour arriver ou pour reve- 3- question de lui rendre la Louisiane. Ces
nir. L'état d'amovibilité ou d'instabilité est st mêmes principes, appliqués aux sociétés
donc pour les êtres un état de passage. Il religieuses, donnaient lieu à des conjectu-
est par conséquent un état de faiblesse, s res semblables sur la force indestructible des
d'inquiétude et de trouble c'est pour la so- )- croyances religieuses qu'on a voulu détruire
ciété, pour l'homme, l'enfance qui prépare 'e et la faiblesse des opinions soi-disant reli-
et conduit à la virilité. Les sociétés où il n'y
'y gieuses qu'on a voulu établir. Cet ouvrage,
aura que peu ou point de fixité dans les ïs qui traite non-seulement de la constitution
personnes seront donc dans un état de fai- i- des sociétés, mais de l'administration des
blesse tant qu'elles ne seront pas encore par- Etals, obtint des suffrageshonorables, mal-
>
venues à l'état fixe ou dans un état de dés- gré ses nombreuses imperfections; mais il
ordre si elles s'en sont écartées et qu'elles ;s fut proscrit par l'inquisition directoriale, et
ît
travaillent à y revenir. De là la faiblesse et très-peu d'exemplaires échappèrent à
le désordre de certains gouvernements et de recherches. ses
e
certaines religions anciennes ou modernes; Ces mêmes principes ont été reproduits
de là la force toujours croissante et la durée sous une forme abrégée
e et trop abrégée peut-
indestructible de quelques autres; de là en- être, et dégagés de toute application histori-
fin des principes surs pour juger l'état passéé que dans
un Essai analytique sur les lois natu-
et présent des sociétés, et conjecturer leurr relles de l'ordre social, et plus récemment en-
état futur. core, quoique plus brièvement, dans l'appli-
Ce fut avec ces principes et avec ces don- cation
que l'auteur en a faite à la question la
nées, que.l'auteur de cet écrit entreprit de3 .plus fondamentale de la société la question
traiter de la théorie du pouvoir politique ett du divorce, dans l'ouvrage qui
religieux dans la société civile. Cet ouvrage5 Le divorce considéré a pour titre
au xixe siècle relative^
se ressentit moins peut-être des tâtonnementss ment à l'état domestique et à l'état public de
inséparables de toute théorie nouvelle,
que> société.
des circonstancespénibles au milieu desquel- Après avoir fait la '.Théorie du pouvoir, il
les il fut composé.Les événementspolitiquesi était dans l'ordre des idées
et des vérités de
ne tardèrent pas à justifier les conjectures de traiter des lois et du ministère public consi-
i
l'auteur, lly annonçait(dès 17%) les malheurs dérés général, et c'est l'objet
en
dont la politique évasive de quelques can- première et de la seconde partie de
spécial de la
tons ne garantirait pas la Suisse, et la fai- vrage la troisième
cet ou-
a un rapport immé-
blesse réélledeceltesociété,raalgré la réputa- diat
aux deux premières, et la quatrième est
tion;de force que quelques antiques faits d'ar- relative à toutes les autres.
mes et les philosophes modernes lui avaient Le pouvoir est l'être qui veut et qui agit
faite; le peu de fonds que les Provinces-
pour la conservation de la société. Sa volonté
Unies devaient faire sur leur puissance, même s'appelle loi,
et son action gouvernement. Il
fédérative; l'inconsidération où Venise était veut
par lui-méme, il agit par ses ministres,
tombée, et te danger qui pouvait la suivre qui servent (ministrant) à éclairer la volonté
les changements prochains et inévitables du pouvoir, à exécuter
dans la constitution germanique; lès embar- sujet son action envers le
pour l'avantage général, qui doit être le
ras intérieurs de l'Angleterre, que la paix ne terme de la volonté du pouvoir, et du ser-
fera peut-être qu'accroitre; la chute dont la vice du ministère.
Turquie est menacée le principe de dis- Ainsi le ministère, dans la société est le
corde que les Etats-Unis portent dans leur <coopérateur subordonné mais
naturel et
sein, et dont les symptômes se sont déjà nécessaire i du pouvoir, et c'est dans l'état
manifestés; la séparation des Pays-Bas de la politique] dont il est ici question plus parti-
maison d'Autriche, et jusqu'à l'accroisse- culièrement,
< ce qu'on a appelé de nos jours
ment probable de la puissance qui se trouve fonctionnairespublics, civils
ou militaires,
lU!)9
» 1
OEUVRES COMPLETES
1 il
:.IV
.
tous
rité de ses généraux, le délire surnaturel de dé qui ne seront jamais surpassés.
dèles
ses administrateurs. Comme la France n'a- Aujourd'hui que la France cherche à ren-
vait reçu la force que pour sa conservation, trc dans le sentier étroit de la sagesse, et
trer
elle fit toujours la guerre près de ses fron- qu'après
qu avoir dicté des lois à l'Europe, elle
tières, non avec plus de gloire, mais avec veut s'en donner à elle-même, le moment
ve
plus de fruit que la guerre au loin, et elle est venu d'offrir à sa raison incertaine ces
esl
est la seule de tous les Etats populaires, an- principes qui jadis firent sa force, et hors
pri
ciens et modernes, qui ait fait avec un désa- desquels
de: elle chercherait en vain Je bon-
vantage constantia guerre maritime toujours heur. C'est la tâche que j'ai entreprise. An-
he
offensive de la part d'une puissance conti- ciee habitant de cette contrée dévastée, j'in-
cien
nentale différence totale entre la républi- dique à ceux qui sont nés après les jours
dic
que française et la république romaine, de désolation les .antiques limités de notre
qu'on veut toujours comparer ensemble. Car commun
coi héritage,
les Romains faisaient la guerre. au loin ]Déjà des codes de lois civiles et criminel-
beaucoup plus heureusement qu'à leurs les médités par dès hommes versés dans
les,
portés, et, quoique sans expérience de la l'étude
l'él dé la jurisprudence, ont été ou se-
marine, ils triomphèrent de la puissance roi bientôt l'objet d'une discussion solen-
ront
navale de Cartilage comme des armées de nelle devant nos nombreux législateurs
ne]
Pyrrhus, de Persée et de Mithridate. L'intention de ceux qui gouvernent, de s'en-
L'i
Cependant ceux qui avaient fàit des lois tourer
tôt de toutes les observations, et de ne
de la société et des leçons de l'histoire l'ob- repousser
rel aucunes lumières permet à tous
jet de leurs méditations, jugeaient l'impor- les citoyens, impose même à quelques-uns
tance de la cause par la gravité des effets et le devoir d'offrir à leur patrie le tribut de
calculaient la durée de la maladie sur la leurs connaissances, au hasard qu'il n'eu soit
lei
violence des accès ils cherchaient estimer pai favorablement accueilli.
pas
jusqu'à quel point un siècle entier d'erreur L'auteur de ces principes de législation a
dans les leçons et de licence dans les exem- déjà fait entendre sa réclamation sur la plus
dé;
pies, depuis la régence jusqu'à nos jours, à fondamentale
for de toutes les questions civiles,
ne pas remonter plus haut, avait affaibli la sùi la question du divorce et de l'indissolu-
sur
croyance des vérités fondamentales de l'or- bii du lien conjugale sa. voix, favorable-
bilité
dre social et accru la fougue des passions uit écoutée du public, partie dans ce grand
ment
et ce que dix siècles d'instruction et de dis- procès,
pn n'a pas encore pu fléchir l'opinion
cipline, dépuis Chârlemagne jusqu'à Bos- des juges et, jusqu'à présent, des motifs du
dei
suet, pouvaientavoir mis de force dans la rai- moment
m( l'ont emporté. sur.des raisons d'é-
son et de solidité dans les vertus. Dès lors ternelle
ter vérité. Cependant tous seront-ils
ils purent tout craindre des Français, et ils malheureux,
ms parce que quelques-uns sont
durent tout en espérer et il fut raisonnable corrompus
coi tous seront-ils dépravés parce
que quelques-uns ont été coupables? et la reht, de maximes indéterminées (2) placées
France, riche autrefois de tant de lois de en têle de la constitution, comme dans Vir-
raison et de vertu, recevra-t-elle, au quinziè- gile les ombres vaines et les songes légers à
me siècle de son âge, une loi faible et fausse l'entrée des enfers propositions vagues, où
qu'elle a rejetée dans son enfance? la logique des passions trouve seule un sens
11 est vrai que, dans la discussion sur Je dair et précis, et que les gens simples pri-
mode de divorcer, la raison s'est vengée du rent pour les principes de la science, uni»
mépris que les novateurs avaient fait d'elle quement parce qu'elles étaient le commen-
dans la déclaration du principe. On voit dans cement du livre préambule digne de cette
les discussions sur le divorce qui ont eu lieu capitulation entre les opinions, de cette
aux diverses époques, les opinants, pénible- composition entre toutes les passions et tous
ment occupés à régler le désordre, chercher les intérêts, qu'on décora du nom de consti-
une route entre deux écueils d'un côté, tution de 89 et dont les auteurs en finis-
craindre que le divorce soit trop facile, si sant, recommandèrent le maintien aux pères,
l'on divorce sans motifs jugés; de l'autre, aux mères,; aux instituteurs, aux sujets enfin,
craindre qu'il soit trop public, si l'on divorce parce qu'ils sentaient trop bien qu'ils avaientt
avec des motifs jugés; e't comme dit l'Evangile, ôté au pouvoir public tous les moyens de la
rejetant le moucheron lorsqu'ils avalent le çha- maintenir.
meau(Matfh. 5.xm, 24), se décider pour une lé- A peiné ces oracles à double sens, comme
gislation hypocrite qui redoute le scandale, ceux des sibylles, et comme eux proférés au
et non pas le désordre, comme si dans la so- milieu des convulsions et des frayeurs, eu-
ciété il pouvait y avoir un plus grand scan- rent été entendus, que la France entière se
dale que celui du désordre permis par la réveilla comme d'un long sommeil éblouie
loi. par le jour nouveau qui luisait sur elle. Ge
Quoi qu'il en soit, ce n'est'plus sur un fut à cette lueur trompeuse que tous exami-
article isolé du code civil, mais sur le code nèrent leur position dans la société, et que
civil lui-même et tout entier, que l'auteur chacun fut mécontent de soi ou des autres.
de cet essai vient proposer quelques ré- L'homme en place fut honteux d'avoir usur-
flexions, non assurément pour en nier l'uti- pé l'autorité, et l'inférieur d'avoir prostitué
lité, ou même en contester la sagesse, mais son obéissance. La richesse parut un tort,
pour en faire sentir l'insuffisance, et établir même au propriétaire la pauvreté une in-
la nécessité de faire précéder le code des fa- justice, même à l'homme oisif ou dissipa-
cultés par te code des devoirs, et les règle- teur. Il n'y eut pas jusqu'à la médiocrité qui
ments variables d'une discipline humaine, ne méconnût son bonheur, et les deux par-
par les lois immuables de l'éternelle raison. .ties de la société, et de toute société, les
Je dois, pour expliquer toute ma pensée, forts et les faibles, ou plutôt les aînés et les
jeter un coup d'oeil général sur notre légis- plus jeunes, qui avaient marché jusque-là
lation depuis 1789. entre la religion et le gouvernement, sur la
La législation que la France reçut à cette ligne commune où les plaçaient des services
époque mémorable commença par là Décla- réciproques (car les premiers servaient, et
ration solennelle des droits de 'l'homme (1)). étaient même faits pour servir), se séparè-
et du citoyen. C'est une série, non de maxi- rent avec éclat, firent front l'un à l'autre
mes générales], mais, ce qui est bien diffé- comme deux armées en présence, et com-
(1 ) Non fundaturdominiumnisï in imagine Dêi.i. Si l'images'efface, le pouvoir cesse, est une propo-
Faciamus hominem ad imaginem noslrâm, el do- sition vraie dans ce sens que le pouvoir ne do^tpas
rninelur. Verissimum et plane divinum aptaorismum être obéi, quand il commande des choses mani-
hic habemus charlam donationisomnisdomïiiit. Ima- festement contraires aux lois divines; mais on sait
ginem si deleas, jus una cessai. Unde Osea propheta l'extension erronée que Wicief a donnée à cette
Jpsi regnaverunti, et non ex me; principes maxime, qu'il a entendue dans un sens absolu.
consn-
liierunt, et non cognôvi. (De bello sacro.)
1 1&
de l'homme cette maxime sous-entendue dans législation civile, il faut leur incu.quer les
tous les codes qu'on nous a donnés depuis principes éternels, naturels, nécessaires, de
« Tout ce qui n'est pas défendu par la
loi toute législation sociale; il faut leur tracer
ne peut être empêché, et nul ne peut être lés règles de ce qu'ils se doivent les uns aux
contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. » autres, avant de leur donner la mesure de ce
Maxime d'esclaves, qui soustrait l'homme qu'ils peuvent les uns contre les autres.
aux liens de sa conscience pour le jeter dans Et qu'on ne dise pas que les anciennes
les chaînes des lois pénales; qui dispense ordonnances civiles n'étaient, en France, et
l'homme des vertus héroïques, ou oblige le ne sont encore, chez les autres peuples, que
législateur à régler jusqu'aux actions indivi- desordonnancesde formes, et ne prescrivent
duelles. Ainsi j'apprends dans ce code que rien de plus que les nouvelles sur lès rap-
je peux briser les nœuds les plus sacrés, me ports des hommes entre eux et sur leurs de-
soustraire aux devoirs les plus respectables, voirs dans la société; car il y a une extrême
me permettre envers mes semblables les différence dans les temps et dans les hom-
procédés les plus fâcheux, sans avoir appris mes. La législation civile reposait autrefois
de la même loi que je dois respecter ces tout entière sur le fondement inébranlable
nœuds, pratiquer ces devoirs, aimer et ser- (on le croyait du moins) des lois morales, de
vir mes semblables. Que dis-je? lorsque j'ai la loi naturelle, de la !oi divine, car ces ex-
appris dans les écrits les plus artificieux et pressions sont synonymes; et le Décalogue
par les exemples les plus accrédités que je se trouvait à la première page de tous. les
ne dois aimer ni servir que moi-même, ou codes civils et criminels des peuples chré-
ne servir les autres que par rapport à moi tiens, comme il formait la première instruc-
et sans aucun motif pris hors de moi et tion de tous les hommes.
supérieur à moi, à mes motifs comme à ma L'empereur Justinien dont les lois se
raison, pour me former aux bonnes actions, ressentent encore des erreurs du paganisme
le législateur me place entre deux codes, (1 ) définit cependant la jurisprudence la
le code civil et le code criminel, dont l'uni connaissance des choses divines et humaines;
m'apprend ce qu'il faut que je fasse pourr et son code commence, au nom de la sainte
n'être pas trompé, et l'autre, ce qu'il fautt Trinité et de la foi chrétienne, par la décla-
que j'évite pour n'être pas puni. ration la plus solennelle et la plus expresse
Le code civil est donc un code de facultés, de la souveraineté de la religion, de la pri-
souvent tristes et fâcheuses, et non un code« mauté de l'Eglise romaine, et par une invi-
de devoirs sacrés et indispensables. Il peutt tation à tous ses sujets d'embrasser la doc-
former des juges, des avocats et des plai- trine du christianisme et de prendre le nom
deurs, servir aux époux mécontents, aux de Chrétiens, cunctos populos, etc. Pour aller
fils rebelles, aux voisins inquiets; mais il nei du premier législateur politique de l'ère
saurait faire des hommes vertueux et dess chrétienne à nos jurisconsultes modernes,
citoyens estimables. Il donne les règles dut le célèbre Domat, qui est à nos philosophes
combat entre les hommes et non less récents les plus vantés ce que la raison est à
moyens de la paix; et le législateur quii l'esprit, dans l'introduction de son immortel
le ',promulgue comme l'unique règle de ouvrage sur les lois civiles, s'énonce ainsi
l'homme, et sans parler d'aucune autre, res- « La religion
chrétienne nous découvre
semble à un médecin qui, consulté sur les quels sont les premiers principes que Dieu
régime propre à conserver la santé, au lieui a établis pour le fondement de l'ordre de la
de donner les grands préceptes de la tempé- société des hommes, et qui sont les sources
rance, de la sobriété, du travail, prescriraitt de toutes les règles de la justice et de l'é-
des remèdes propres à arrêter la fièvre ou àk quité. » Et plus loin « Ainsi, la première
apaiser les douleurs. loi de l'homme, qui lui commande l'amour
Ces lois, ou plutôt ces ordonnances, sontt et la recherche du souverain bien (de Dieu,
malheureusementnécessaires; mais elles neb comme il l'a dit plus haut), est le fondement
le sont que subsidiairement, et à défautt et le principe de toutes les autres lois. »
d'autres qu'elles supposent. Avant d'appren-i- Je vais plus loin. Les lois civiles qu'on pro-
dre aux hommes les formes arbitraires de laa pose aujourd'hui à tous les citoyens cm'on
( i ) Le droit naturel, dit-il, est celui que taa évidemment la loi physique pour la loi naturelle
nature enseigne à tous les animaux. » (Titre n.).) cette erreur nous vient des païens, et elle s'est per-
dustinien avance !à une erreur grossière, et prer.dd pétuée dans nos-opinions.
discute devant tous les citoyens, sur iesquel- aavec un prophète de nouveaux cieux et une
les on consulte tous lescitoyens devenus tous nouvelle
« terré. (Isa. lxv, 17.) Et c'est lors-
juges les uns des autres, au civil et même que
q tant d'erreurs, de crimes et de folies's
ail- criminel, ces lois n'étaient alors con- oont fait perdre à une nation toute idée de
nues que de ceux qui se dévouaient par de droit;
d de raison, de nature, d'immutabilité
longues études à une pratique de toute la dans
d les principes, d'universalité dans là
vie, et qni regardaient la fonction de juger morale,
n de spiritualité même dans l'homme,
lés autres comme une profession pénible à d'existence
d enfin de toute autre chose que de
laquelle quelques-uns étaient condamnés matière
n et de formes, et que ce bouleverse-
pour l'utilité de tous et non comme une ment
n total a été fait au nom de la loi et par
jouissance que tous fussent appelés à parta- l'l'autorité publique. c'est alors que l'au-
ger. Alors la loi humaine ne rendait ses torité
b publique s'éhonçantdans une loi nou-
oracles que dans les tribunaux mais Ja loi velle,
v pour rendre au peuple quelque recti-
morale ou divine, promulguée et interpré- tude dans les idées, donner un frein à ses
ti
tée par la religion, faisait partout entendre passions,
p une règle ses vertus, un motif à
sa voix sévère, au foyer domestique et ses
s> devoirs, lui apprend qu'il existe un droit
sur les places publiques, dans les cités ett iiimmuable, source de toutes les lois, une raison
dans les campagnes dans les temples j,
même dans les camps. Chacun que'les
et naturelle qui gouverne tous les hommes. Hé-
las! comment croira-t-il à un droit immua-
que fût sa profession, trouvait la sagesse ble,
b source des lois, ce peuple qui a vu passer
assise à sa porte; elle se montrait à l'homme dans
d quelques années, el comme ces-repré-
dans toutessesvoies (Sap. yi, 15, 17), etsi par- sentations
si fugitives dont on amuse l'enfance,
tout elle n'était pas écoutée, nulle part elle cinq
c à six constitutions toutes fondamenta-
n'était contredite. L'édifice social reposait les,
1< e't quarante mille lois toutes d'urgence?
alors sur ses fondements éternels; une Quelle
Q idée se fera-t-il de cette raison natu-
secte insensée n'avait pas fait de la société, relle
r qui gouverne les hommes lui qui a
avec ses vains systèmes de pouvoir qui se été
é gouverné, si longtemps par un délire
combattent, de forces qui se pondèrent, de ppresque surnaturel, source de tant de maux ?
devoirs qui se discutent, un ballon aérosta- O lui donne le Traité des obligations, et il
On
tique balancé dans les airs, porté sur lefe^u, a perdu toute connaissance positive de. ses
poussé par le vent, où les peuples sont ap- ddevoirs; on prescrit avec la dernière exac-
pendus et flottants dans la région des brouil- titude les clauses du contrât de mariage, et
ti
lards et des tempêtes et une horde accou- o lui permet d'attenter à l'indissolubilité
on
rue des confins les plus reculés de l'espèce d lien conjugal; il a besoin enfin du code
du
humaine n'avait pas fait irruption dans le d la morale oublié et foulé aux pieds, et
de
domaine de la justice, de la morale et de la o lui donne le code des hypothèques! Que
on
raison. C'est à nos jours qu'il était réservé ddis-je? on semble craindre qu'il n'ait trop de
de voir la religion de l'athéisme et le règne respect
r1 pour les lois, ce peuple qui, à force
de la terreur, la justice dans des tribunaux d lois et de législateurs, en est venu au
de
révolutionnaires la force publique dans des point
p de voir tout passer, législateurs et
armées révolutionnaires l'administration lois,
le avec une égale indifférence, et qu'une
dans des comités révolutionnaires, l'Etat tout nouveauté
n au théâtre intéresse bien pius
entier sous un gouvernement révolutionnaire, qu'un
q code nouveau. A un peuple qui fait
et jusque dans les.lieux les plus ignorés, des venir
Vi à grands frais des bouffonsdes contrées
institutions publiques pour nier tout ce qui lointaines, il fant plus que jamais une légis-
Ic
est vrai, pour profaner tout ce qui est saint, lation qui vienne du ciel, et l'on s'applau-
le
pour proscrire tout ce qui est juste pour ddit comme d'un succès d'avoir pu enfin sé-
dépouiller jusqu'à l'indigence pour acca- culariser la législation (1), c'est-à-dire
c1
bler jusqu'à la faiblesse; d'autres dieux, séparer
s< les lois civiles des lois religieuses
d'autres hommes, une autre société, d'au- l'ordre particulier de l'ordre général
F.
tres mœurs d'autres lois, d'autres cri- l'homme enfin de la Divinité 1 Les doctrines
]'
mes, enfin d'autres vertus et, pour parler ppopulaires menacent encore l'Europe de leur
(1) Expression employée dans un rapport fait s'est faite et a dû se faire; car la sanction divine
.1"=.,v
s'<
au Corps législatif. Les lois religieuses ne sont pas m pouvait pas être employée à consacrer l'imper-
ne
les lois ecclésiastiques. Ce n'est que depuis qu'il se fection
fe des lois qui n'avaient rien que d'humain.
fait eu Europe des lois fausses que cette séparation -°-- ~-`" 7>li
OEijVees cqhpjl.
ft~t'trn~c. .r1n.nF DE M,
T1.T1' 1\ DE Bunalo.
n.)"-1 AT" I.
1
pernicieuse influence le vent soufflera a communication avec un autre être intelli-
longtemps de la région des tempêtes, et auu gent, sont des lois nécessaires, comme les
lien d'élever des digues insurmontables au-i- lois de la digestion et du sommeil, que l'hom-
tour de ce sol naguère couvert par les eaux, me connaît sans instruction, et qu'il ne
et de' creuser, jusqu'au rocher pour en as-i- peut enfreindre parce qu'il ne peut les
seoir les fondements, nous nous contentons s ignorer ce sont des lois innées; et remar-
d'amonceler du sable sur les bords du fleu- quez que les partisans des lois innées sontt
ve, et tels que de malheureux naufragés, les plus grands adversaires des idées innées,
nous nous construisons à la hâte de frêles s comme si les lois n'étaient pas des idées.
abris, comme si nous n'avions pris terre quee Mais les lois mêmes de notre organisation
pour quelques instants. physique ne sont pas nécessaires absolu-
Mais, dit-on, ces lois fondamentales dee ment, et indépendamment de toute volonté
toute société par lesquelles vous voudriez z de notre part, comme chez les brutes. Il
commencer tout code particulier de lois ci- n'est pas jusqu'à la circulation de notre sang
viles, sont gravées par la nature au fond duu et à la digestion de nos aliments, les plus
cœur de tous les hommes, et c'est les affai- i- involontaires de nos fonctions vitales, qui
blir que de les promulguer. « Ce que Dieuu ne supposent la volonté de manger et même
veut que l'homme fasse, dit J.-J. Rousseauu de respirer. La mort est sans doute uéces-
(1), il ne le lui fait pas dire par un autree saire pour l'homme, mais la vie ne dure
homme, il le lui dit lui-même, et l'écrit auu qu'autant qu'il le veut; et ce n'est pas la
fond de son cœur (2). » Si ce sophiste avait it faculté de vivre et de jouir qui le distingue
dit « Ce que Dieu veut que la brute fasse de la brute, mais le pouvoir de s'abstenir de
il ne le lui fait pas dire, mais il le lui dit lui-
i- tout avec volonté, et même de la vie; car si
même, et l'écrit au fond de sa nature, » je je l'homme sensuel, l'homme physique trouve
le croirais et je lirais dans ces paroles ia ia du plaisir à vivre, et se plaint de la néces-
raison de l'instinct invariable de la brute et ?t sité de mourir, l'homme moral, l'homme
de l'aveugle nécessité do ses mouvements. dont la raison est éclairée gémit de la né-
Mais les hommes 1 les lois gravées au fond d cessité de vivre, et souvent reconnaît le de-
de leur cœur sans qu'il soit besoin qu'onn voir de mourir pouvoir de vie et de mort
les leur fasse lire, eux dont les volontés Ss sur soi-même, jus supremum vilœ et necis,
sont si variées et les actions si diverses, Je le dont l'homme abuse sans doute comme de
vois des pères tendres et des pères dénatu- i- toutes ses facultés, mais qui n'en est pas
rés, des enfants soumis et des enfants rebel-I- moins Je titre primitif à la domination uni-
les, des époux unis et des époux divisés, des es verselle qu'il exerce, même sur ses sembla-
bienfaiteurs de leurs semblables et des as- s- bles, et le caractère essentiel de sa dignité.
sassins de leurs frères; laquelle de ces lois is Si les lois fondamentales, qu'on appelle na-
est gravée au fond de leur coeur? ou les uns is turelles, sont gravées dans le cœur de tous les
ont-ils des lois gravées et non pas les au- i- hommes, pourquoi pas les lois civiles, qui
tres ? Je vois ce même homme vertueux au- i- sont tout aussi naturelles et même tout
jourd'hui jusqu'à l'héroïsme demain vi- i- aussi nécessaires ? car la société humaine ne
îieux jusqu'à la bassesse a-t-il des lois is peut pas plus subsister sans lois civiles
diverses tour à tour gravées au fond de son >n que le genre humain sans lois fondamenta-
cœur? car enfin, des lois gravées au fond du. u. les. L'ordre particulier de la société est aussi
cœur, que l'homme connaît sans aucune te naturel, aussi nécessaire que l'ordre général
(1) Lorsque les Chrétiens défendaient leur ur un principe semblable, avec cette différence que les
croyance par l'autorité, les philosophes leur oppo-o- purs déistes, comme Jean Jacques, pensent qu'il n'a
saient sans cesse la raison aujourd'hui que les es jamais existé de révélation extérieure de Dieu à la
Chrétiens, devenus plus forts, môme par le combat, it, société humaine, et que l'homme trouve toutes les
et plus instruits, non sur leurs devoirs, mais sur ur lois au fond de son coeur, au lieu que Luther admet
les principes de l'ordre, cherchent dans la raison 3n l'existence d'une révélation primitive mais il pense
éclairée par leur croyance, la raison même de leur ni' que l'homme trouve dans sa raison les lumières né-
croyance, les philosophes leur opposent sans cesse se cessaires pour l'expliquer; c'est-à-dire que les uns
l'autorité de quelques écrivains, et ils ciletH J.-J.
J. veulent que l'homme soit sa loi à lui-même, et les
Rousseau, Yoliaire, Helvélius, comme nous citions lis autres veulent que l'homme soit à lui-mêiiie son
l'autorité de la société religieuse; car il faut bien
su magistral. La doctrine de K:uit. née au sein de
prendre garde que saint Augustin, saint Léon, i) l'école luthérienne, ne me paraît pas être autre
Bossuet, l'évangile même, n'ont sur les Ghréliens us chose, autant qu'on peut juger la pensée à travers
que l'autorité qua leur donne l'Eglise. le voile mvstérieux de l'expression,
(2) La doeuine du luthéranisme est fondée sur ur
de l'univers, et les conséquences aussi na- ment de notre existence, en forme de pro-
turelles, aussi nécessaires que les principes. positions distinctes et, actuellement présen-
Laissons donc cette expression lois natu- tes à l'entendement mais elle est connue de
relles ( 1 ) gravées au fond des cœurs, dans chacun naturellement ou, comme s'expri-
ce sens qu'il ne soit besoin d'aucune auto- ment les écrivains sacrés, gravée dans les
rité visible pour nous les faire connaître (2) cœurs des hommes en tant qu'elle peut être
et nous les faire observer, ces lois que l'on découverte par les seules lumières de sa
croit gravées au fond des cœurs parce raison. » 11 n'est pas vrai que l'homme ait
qu'on ne peut se rendre compte du moment pu découvrir la loi naturelle par la seule
où l'instruction des leçons et des exemples lumière de sa raison, puisque les plus beaux
en a développé l'idée, et qu'on croit avoir génies et les philosophes de l'antiquité
toujours sues, parce qu'on ne se rappelle pas païenne, les plus appliqués à la recherche
les avoir jamais apprises. Ces lois expriment des devoirs de l'homme et du pouvoir de la
ce que Dieu veut que l'homme fasse, mais Divinité, n'ont eu sur ces grands objets que
Dieu a voulu que l'être intelligent les reçût des notions très-imparfaites, et qu'elles
d'un autre être semblable à lui, par une n'ont été sûres et distinctes, ces, notions des
transmission orale ou écrite en sorte que lois naturelles, que chez le peuple qni en a
ces lois sont un fonds commun, et comme le conservé le texte écrit dans ses livres sacrés.
patrimoine de la société, que son auteur, A bien le prendre, Pufendorff parle comme
père des hommes, a substitué à ses enfants J.-J. Rousseau, quoiqu'il paraisse combattre
de génération en génération, et que le pou- son opinion; aussi il se corrige lui-même,
voir domestique dans la société domestique, en ajoutant à ce que nous venons de lire
le pouvoir public dans là société publique, « D'ailleurs, les maximes les plus générales
font valoir, et doivent même accroître au et les plus importantes de cette loi sont si
profit de leurs subordonnés. claires et si manifestes, que ceux à qui on
Ainsi, loin de dire avec les déistes « Ce les propose les approuvent aussitôt, et que,
que Dieu veut que l'homme fasse, il ne lui quand on .les a une fois connues, elles ne
fait pas dire, par un autre homme, il le lui sauraient plus être effacées de nos esprits ;»
dit lui-même et l'écrit au fond de son où l'on voit deux choses, l'une, que nous
cœur, » il faut dire avec la raison et l'expé- ne connaissons ces lois qu'autant qu'on
rience « Ce que Dieu veut que l'homme nous les propose l'autre que leur natu-
fasse, il le lui fait dire par un autre homme, ralité, pour ainsi parler, consiste dans leur
et il lui parle ainsi lui-même par le moyen correspondance avec la nature de notre
de la parole qu'il lui fait entendre, ou de raison.
l'écriture qu'il lui fait lire. » Ainsi la parole Ici, l'on me permettra une digression sur
et l'écriture, ou plutôt la pensée exprimée le mot nature et naturel, et sur l'abus "qu'on
par des signes sensibles à l'oreille ou aux en a fait (3).
yeux, sont le moyen unique de communica- Nature vient de naître, natura, de nascî.•
tion entre les intelligences et par consé- un être naît pour une fin, et avec les moyens
quent d'instruction. d'y parvenir; cette fin et ces moyens com-
Ici Pufendorff réfute l'erreur de J.-J. posent sa nature. La nature suppose donc
Rousseau, et tombe lui-même dans une au- l'être créé, et elle est la condition et non la
tre erreur. cause de son existence.
« On dit ordinairement, » dit cet écrivain, Un être qui n'aurait point les moyens de
au traité des Devoirs de l'homme et du ci- parvenir à sa fin serait hors de sa nature, et
toyen, liv. i, ch. 3; « que cette loi (naturelle) un être qui ne se servirait pas de ses moyens
est naturellement connue à tout le monde pour parvenir à sa fin, serait encore hors de sa
ce qui ne doit pas s'entendre comme si elle nature.
était née, pour ainsi dire, avec nous, et im- Ceque nous venons de dire convient à
primée dans nos esprits dès le premier mo- la société comme à l'homme, à l'être social
(1)Je ne doute pas que cette erreur snr les lois natu- truction précédente, nous aurions tous un langage
relles n'ait pris naissance dans l'article 1", déjà cité, uniforme et inné pour les exprimer, et ce qui prouve
des lnsthutes de Justinien Jus nalurale est quod na- que nous ne les connaissons que par transmission,
lura omnia animalia docuit « Le droit naturel est c'est que nous les expliquons chacun dans la langue
celui que la nature enseigne à tous les animaux. que nous avons apprise.
»
<
(2) Si les lois naturelles étaient gravées au fond (5) Voyez OEuvres philosophiques, Dissertation
des cœurs, et que nous les connussions sans ins- sur L'état natif, etc.
J.l"J
comme àV l'être
l*Sl_^ Ju J!î J.«.i puisque
individuel, 1 – iZ r* lalrtsociété
r* n rtrtï A.
Ai société,
Ci,\rt\ Ai ou
si nil'fl l'homme
/Ml que
A
1 l"l f\tV\ YV\ pût
A 11
A t HOît PO et
naître vivre
toi UJUTB
commence, et qu el le a une fin et des moyens sans s< famille, on opposa l'état de pure nature
d'y parvenir. à tout état de société.
L'homme vécut d'abord en société dômes- < C'est là la grande erreur de J.-J. Rousseau,
tique ou de famille; il dut donc arrêter ses et e même de l'Esprit des lois et l'on est
premiers regards sur la nature domestique, affligé ai de voir Montesquieu rêveraussiun état'
puisqu'il n'en connaissait pas d'autre aussi de d pure nature antérieur à la société où
il appela exclusivement société naturelle la la h paix serait la première toi naturelle et,
société de la famille, religion naturelle la re- comme ci Jean-Jacques, attribuer les désordres
ligion de la famille, lois naturelles les lois de d l'homme à la société qui en est le frein et
de l'une et de l'autre société. If remède, etsans laquelle même il n'y aurait
le
La société grandit; elle sorti t de la société, bientôt
b plus d'homme.
domestique, mais sans passer encore à la Cependant l'état naturel de l'homme et de
société publique: je veux dire qu'il n'y eut la k société n'était plus depuis longtemps l'é-
de constitution véritablementparfaite et na- titat domestique. Un état où l'être ne peut pas
turelle que dans la famille, car les Etats an- demeurer d n'est pas sa fin, son état naturel,
ciens, tous despotiques ou démagogiques, eet la société ne pouvait pas plus stationner
n'avaient point de constitution politique, et ddans l'état domestique que l'homme ne peut
Montesquieu en convient. Ainsi la qualité rester ri enfant.
exclusive da naturel resta à la famille, et à Aussi nulle part les familles n'avaient pu
tout ce qui semblait lui appartenir et parce- subsister si sans se donner un gouvernement
que les brutes: sont entre elles, à quelques public, p la religion naturelle seconserversans
égards, en rapports: domestiques, Justinien s'appuyer s; sur la religion révélée, ni la loi na-
lui-même commença ses Institutes par cette turelle ti se maintenir sans des lois subséquen-
définition impie, si elle était autre chose t<tes et positives.
qu'une ignorance grossière « Le droit na- La véritable nature de la société est donc
turel est celui que la nature enseigne à tous l.< le dernier état de société ou la société pu-
les animaux. » blique,
b comme la vraie nature de l'homme
Le droit, naturel, la loi naturelle, la so- et e son état nécessaire est la société en gé-
ciété. naturelle, la religion naturelle, furent néral.
n
donc le droit, la loi, la société, la religion de Ainsi la société publique est la perfection
l'Etat naissant, domestique, familier de d la société domestique, et la société en gé-
de.
l'homme, et ce langage devenu faux, parce néral
n la perfection de l'homme.
qu'il était exclusif, se perpétua dans les éco- Ainsi. comme. dans les premiers temps l'é-
les, dans le discours, et produisit des juge- t. naissant était l'état-naturel ou plutôt l'é-
tat
ments erronés, et par une suite nécessaire, ti natif, dans les derniers temps l'état natu-
tat
des actions perverses. r est l'état fini accompli.
rel
Les philosophes partant de cette idée C'est faute d'avoir fait cette observation,
très-juste, que la nature d'un être est sa qu'on
q a jeté de l'odieux sur les lois et les
perfection, puisqu'elle est l'être fini, accom- institutions
il les plus nécessaires, parce que,
pli, attribuèrent toute perfection à cet état ddisait-on., elles; n'étaient pas naturelles, et
naissant, natif, originel, de l'homme et de la que
q l'on a présenté à la croyance des hom-
société qu'ils appelaient l'état naturel. nmes les opinions les plus absurdes et quel-
Ainsi ils mirent l'état domestique bien au- quefois
q les plus funestes, sous, prétexte
dessus de L'état public de société, et dès lors qu'elles
q étaient nature!les.
le sauvage au-dessus de l'homme civilisé. Ainsi le célibat religieux, a, été attaqué
Les classes inféri.eures de la. société, plus ccomme une institution contraire à la nature,
voisines de l'état domestique, furent plus e une violation manifeste de ses lois les plus
et
estimables que les classes supérieures, et nécessaires,
e et l'on a oublié de distinguer
les enfants furent plus naturels que les hom- eentre la nature de l'homme domestique,
dont
mes faits. la fin est sa production dans un autre soi-
Ainsi il n'y eut rien de parfait en: législa- même,
e et la nature de l'homme public, dont
1. fin est le service des autres,, auquel le cé-
la
tion que la loi naturelle, en religion que la
religion naturelle, en droit que le droit na- libat
1: rend l'homme plus propre, en le déga-
turel,, en société que la société naturelle geant
g de tous les liens personnels, et c'est ce
et même, comme si la famille n'était pas une qui
q fait que le célibat s'introduit (au le fait
.(111V1a aaalaaa. Yar.m.
dans le militaire comme dans le sacerdoce. Il de
est vrai que la profession militaire a été recevoir
r
sav.
c la première éducation, que l'homme doit
la connaissance des lois primitives,
comprise dans l'anathème philosophique, et ffondamentales-de toute morale et de toute
traitée aussi d'institution contraire à la na- société, et non en aucune manière du pou-
ture, comme s'il y avait quelque chose de s
voir public. Mais où en est la société, si,
instruire les enfants, elle compte sur
plus naturel au monde, que de se consa- 1pour
rôle de Dieu, première pensée de l'homme, qui q (par ses peines et ses récompenses) a
inséparable avec la Providence
éternel entretien de la société, et qui seront uune liaison
l'avenir l'inébranlable fondement de l'édi- divine,
d et se contenter d'un plus bas,degréd@
à
frontispice auguste du temple de droit
d naturel, qui peut avoir lieu même
fice, et le
la législation. Des gouvernements insensés par p rapport à un athée, comme je l'ai fait
ont dit à l'homme « La loi que nous te voir v ailleurs, c'est priver la science dit droit
« sa plus belle partie, et détruire en même
donnons sera ta seule morale, » et des gou- de
lui diront La morale temps
t plusieurs devoirs de la vie. La phi-
vernements sages «
Dieu t'a donnée sera ta seule loi. losophie
1 païenne est ici plus sage, plus sé-
que »
sublime que celle de Pufendorff.r
Une vaine philosophie a cru, depuis qua- vère, plus malgré toutes les lumiè-
E je m'étonne que,
rante ans, révéler à ses adeptes une vérité et
leur disant dans le Contrat res
i de notre siècle, cet homme célèbre ait
inconnue, en
social « Si le législateur, se trompant dans pu 1 laisser échapper des paradoxes aussi ab-
objet, établit un principe différent de surdes.
s Les platoniciens, les stoïciens, les
son mêmes enseignent qu'il faut imiter
celui qui naît de la nature des choses, l'Etat poëtes 1
(1) Je suppose l'histoire sacrée familière à mes milieu de Jérusalem des actions extraordinaires,
dit
lecteurs. « Il est impossible, Leibnilz, «de con- étaient pour les Juifs une figure vivante des événe-
vaincre de la vérité de la religion des hommes à qui ments qui devaient leur arriver. Il y a des allégories
notre llistoire sacrée et profane n'est pas assez de mots ou des apologues, et des allégories d'action,
connue. > ou des figures. Tarquin^en abattant des têtes de
(2) Le peuple juif était la figure vivante des pavol pour ap prendre à son tils ce qu'il devait l'aire,,
autres peuples, comme Isaïe et Ezéchicl, faisant au faisait une figure, ou une allégorie d'acùotf.
lti5
envers l'étranger et le voyageur, étrangère
.m.
ŒUVRES COMPLETES DE M. DE BONALD.
~mn. liU
i
sang des révolutions et des guerres civiles
sang des des civiles
i·r:~
s guerres
elle-même et voyageuse sur la terre qu'elle ou
c étrangères? Et n'est-ce pas encore des
parcourt, et vous reconnaîtrez encore au- hommes t hrûlant de zèle, pleins de science
jourd'hni à ces traits la famille du Tartafe, et e de courage, qui tous les jours, vont à
errante dans ses vastes pâturages, avec ses travers
t les mers instruire les peuples bar-
femmes, ses enfants et ses troupeaux. Les bares l qui se mettent en,marche sous leur
familles se multiplient et deviennent un conduite,
c laissant derrière eux l'ignorance
peuple; elles tombent sous la dépendance et e les erreurs de leur premier état, quittent
d'une nation voisine, et sont condamnées la l maison de servitude, et avancent vers la
aux durs travaux de la servitude, à ces tra- terre
t de lumière et de raison promise à tous
vaux qu'attestent encore, selon l'opinion de les 1 peuples? C'est dans cette terre que tout
quelques savants, les monuments gigan- se s perfectionne, même les arts, et surtout le
tesques épars dans la haute Egypte. Ouvrez premier
f de tous, l'agriculture, et jusqu'aux
l'histoire, et voyez tout un peuple devenu productions
p de la nature (2) c'est là pour
nombreux tomber sous la domination de ses un i peuple l'ère du passage, du passage de
voisins, tant qu'il s'obstine à rester dans 1l'état barbare à l'état civilisé; ère la plus
l'état domestique, et qu'il ne se constitue remarquable
r de l'histoire de toutes les na-
pas un gouvernement public qui soit à lui tions,
t comme le passage du vice à la vertu
et voyez le joug s'aggraver, si trop diffé- est e l'époque la plus heureuse de la vie de
rent de moeurs et de religion, il ne peut se 1l'homme. Mais un peuple échappé à la bar-
confondre avec ses maîtres par des alliances, barie,
fc aux fléaux sans nombre qu'elle pro-
et vous reconnaîtrez à ces traits ces peuples dduit, et aux obstacles qu'elle oppose, erre
de Grèce esclaves d'autres peuples, Ilotes, longtemps
1' dans le désert, dans cet état in-
Periéciens, Pénestes; vous y retrouverez les ccertain et inquiet d'une raison faible et
Gabaonites chez les Hébreux, les Nègres naissante,
r. qui succède à une longue enfance,
dans nos colonies, les Indiens au Mexique, et e aux désordres produits par une ignorance
les Grecs chez les Turcs, les Juifs modernes invùtérée.
i 11 avance cependant,toujours plus
partout. Poursuivez, et dans ces malheureux voisin
v de la licence que de la liberté, terrible
Hébreux, qui fatiguent leurs oppresseurs de àà ses chefs, incommode à lui-même, indo-
leur population toujours croissante, et qui cilec au frein, sans force contre les revers et,
sont condamnés à exposer leurs enfants, vous dans
C les travaux de la civilisation, regrettant
retrouvez l'horrible dégénération à laquelle les1 jouissances de l'esclavage il s'élève, il
sont condamnés eux-mêmes tous les peuples se s forme sous la tente, où « commencent ou
païens, anciens et modernes, qui ont permis recommencent
r toutes les nations, et même
l'infanticide comme un remède à un accrois- celles
c qui ont fini dans les boudoirs et sur
sement excessif (1). C'est le dernier degré les 1 théâtres; » toujours armé et toujours
de l'oppression, et une société ne sauraitt combattant,
< marchant entre ses nouvelles
descendre plus bas. Mais elle ne peut s'y 1lumières et les ténèbres de son ancienne
fixer. Le mal n'est pour la société comme iignorance, subsistant d'une manière pré-
pour l'homme, qu'un état depassage, où un caire, < et comme nourri de la manne qui
peuple tout entier, toujours ceint et toujours tombe
t 3), sans aucun de ces moyens ou
debout, n'attend que le signal pour avancer. de ( ces ressources qu'emploie la sagesse
I! le reçoit d'un homme sauvé lui-même de d'une ( administration éclairée pour prévenir
l'oppression et de l'ignorance qui pèse sur ou t satisfaire les besoins d'un grand peuple.
sa nation, instruit dans la science de Dieu et Mais à l'état d'une nation qui commence
dans celle des rois, dans l'art de la religion £sous les ordres de l'homme qui la conduit,
et du gouvernement, et revêtu de l'auguste doit c succéder l'état légal, celui où une na-
ministère de former une société. Et n'est-ce tiont se constitue, et où tous, chefs et sujets,
pas des hommes d'un grand caractèrede po- reconnaissent
i des lois. Le peuple est établi
litique et de religion, qui, dans tous les sur t le territoire qu'il a conquis; il a posé les
temps, ont arraché les peuples à l'ignorance, iarmes, les maux de la guerre se sont éloi-
à l'erreur, à l'oppression, à travers la mer de gnés
{ mais les maux de la paix commencent,
( I ) Les Chinois noient leurs entants et les sa- sol,
f que les Hébreux envoyés par Josué rapportèrent
cniïenl, selon lord Macartney, à l'esprit du fleuve. < la Terre promise.
de
Ce sont à la lettre des victimes immolées à la Di- (5) De là. les famines si fréquentes dans les
viniié. premiers
I âges des nations.
(2) On se rappelle ces belles productions du
/g culte des faux dieux, des dieux de ]a vo- que, et fastueux, le suit; et avec lui corn--
lupté et de la cupidité, de ces dieux que fait laa mencent les dépenses immodérées, les
corruption de l'esprit et du cœur. Ce peuple, impôts excessifs, l'empire des femmes, le
miraculeusement échappé à l'état le pluss .culte des dieux étrangers, peut-être l'abus
malheureux, a déjà oublié ce qu'il a vu ett des sciences humaines. Roboam, le roi qui
ce qu'il à souffert. Livré à la mollesse, eni lâche le peuple, le roi faible, lui succède. 11
attendant des lois sévères, il s'asseoit pour,r, recueille l'héritage de l'adultère et de l'im-
manger et pour boire, et se lève pour jouerr piété, et il est puni des fautes de son père
(Exod. xxxn, 6) (1). Et même, lorsque le3 et de celles de son aïeul. Des conseillers
législateur descend de la montagne saintei sans expérience égarent sa jeunesse, le
avec les tables de la loi, il entend retentirr peuple se révolle, les dix dernières tribus se
dans le camp les chants de la débauche, ett séparent des deux premières; la révolution
il voit tout un peuple prosterné devant le? est consommée L'Hébreu sera mené en
veau d'or. Ici les applications se présententt captivité. Ainsi tout peuple divisé déchoit
en foule; mais continuons. La religion se> de l'indépendance, asservi par ses voisins
constitue comme le gouvernement néei ou dominé par des tyrans. L'Hébreu cepen-
aussitôt que l'homme, elle avait voyagé avec dant revient d'esclavage, et relève, malgré
la. famille' au milieu de ses enfants et de ses les ennemis de son culte, le temple du vrai
troupeaux, et séjourné, comme elle, dans Dieu sur ses antiques fondements. Ici le
la cabane du pasteur; elle avait erré dans le rideau se tire, les rois et les peuples en
désert avec la nation, et comme elle habité savent assez sur leurs destinées. Le peuple
sous la tente du combat. Elle se pose avec hébreu rentre dans l'ordre général des so-
l'Etat; les personnes publiques, chefs, mi- ciétés, et son histoire cesse d'être; extraordi-
nistres, sujets, les propriétés publiques de naire, à l'instant qu'elle cesse d'être prophé-
l'une et de l'autre société se distinguent et tique.
s'établissent; le pouvoir religieux s'unit Que sont, j'ose le demander, auprès de
inséparablement au pouvoir politique, et ces mémorables leçons, de ces sublimes con-
Moïse est frère d'Aaron. Les arts empruntés sidérations, qui vivifient la pensée comme
d'Egypte, parce qu'un peuple barbare! dans l'imagination que sont ces tristes objections
ses lois peut être poli dans ses arts, sont contre la révélation mosaïque, ces difficultés
consacrés à la religion. Des chefs sous divers que l'on croit sérieuses parce qu'elles sont
noms, et même du sexe le plus faible, pré- étranges, et savantes, parce qu'elles forment
cèdent l'hérédité du pouvoir, dont les chances de gros livres; ces objections que les uns
quelquefois fâcheuses conviennent moins à vont chercher dans les entrailles de la terre,
une société naissante et encore mal affermie. les autres dans la région des étoiles ? Que
L'hérédité vient à son tour, dernier état, sont tous ces calculs astronomiques dont on
état le plus fixe de toute nation. Alors la nous menace, faits à Paris et importés d'E-
religion s'asseoit dans un temple, et la gypte (4)? N'avons-nous pas vu les anti-
royauté dans un palais. C'est là l'histoire de quités chinoises réduites de quelques mil'le
tous les peuples qui se civilisent mais ad- ¡ans, et ce, peuple rentrer dans la chronologie
mirez ce dernier trait, et voyez dans l'his- de tous les peuples? Ignorons-nous donc ee
<
toire des trois premiers règnes de la pre- que
< les géologues peuvent faire avec leurs
mière race des rois hébreux (2), l'histoire couches de terre, les chronologistes avec
c
entière des races les plus longues des rois 1leurs dynasties, les astronomes
avec leurs
de tous les peuples. David (!3), le roi digne périodes? Et n'y a-t-il pas des géologues,
j
d'être aimé, le roi religieux, éloquent et va- des historiens et des astronomes qui tirent
(
leureux, commence; Salomon, le roi pacifi- des
c mêmes observations des inductions tout
(1) Besoins et plaisirs, c'est le panem et cir- rmon, pacifique, Roboam, qui lâchele peuple. On sait
cetises des républiques païennes, et le seul soin de qque Salomon était très-instruit dans les sciences
tout peuple qui n'a pas encore de lois. humaines,
1 et son nom, comme celui d'iiiram, son
(2) Saül (en hébreu, qui est demandé), mort sans aami, joue encore un grand rôle dans les sciences
postérité, n'appartient à aucune race. Le gouver- cabalistiques
c et les sociétés oceulles.
nement des Hébreux a toujours été monarchique, (&) On a vu aujourd'hui à quoi se sont réduites
s'il n'a pas toujours été royal ou héréditaire. C'est
c menaces. L'arrivée du fameux zodiaque de ben-
ces
ce qui fait qu'il est dit à la fin du Livre des Juges, dderah à Paris a dérangé tous les petits calculs de
pour exprimer le désordre En ce temps-là, il n'y l'incrédulité, et la Genèse a triomphé de toutes les
il
avait point de chef en Israël, et chacun faisait ce espérances fondées sur les prétendues antiquités
e;
qui lui semblait bon. (Jiulic. xxu, 24.) égyptiennes.
£,
( S) David, en hébreu, veut dire aimable; Salo-
H/,77 OEUVRES COMPLETES
ni.» DE
uSj M. ijSj BONALD.
ai. DE uwiaLtF. t*U8
>•*>!
opposées (1) ? Les philosophes ne veulent naturelles
n sont les plus
des lois générales, sont
Dieu ait parlé
mm T>inii
i>nsque
pas narlrî aux. hnmm«. afin de
aux hommes, H«i fortes
fortfis rlflS
ft Cette force de conser-
des sociétés, de cette COnser-
leur parler eux-mêmes, on le sait mais nej vation
v ou de restauration qui tire une so-
leur ont-ils pas assez parlé? et, après tout cej ciété
c même des plus extrêmes malheurs
que nous avons vu et entendu, leur reste-t-ilI li seulement est la raison de l'incontes-
là
encore quelque chose à nous apprendre? Le table
ti supériorité de certaines sociétés reli-
livre des Ruines doit-il être l'unique fonde- gieuses
g et politiques sur toutes les autres
ment de toutes nos connaissancesmorales?> e sorte que la société la plus
en éclairée, et
le roman de J.-J. Rousseau, ou le poëme de conséquemment
c la plus forte, sera, toutes
Voltaire la seule règle de nos mœurs? N'est- choses
c égales, celle dont la législation parti-
on pas las de combattre une religion quii culière
c sera le plus et le mieux en harmo-
renaît même de la révolution française, deî n avec la législation générale, comme
nie
frapper une enclume qui a usé tant de mar- l'
l'homme le plus vertueux est celui dont les
teaux, et même ceux du temps et du bel actions
a individuelles sont les plus confor-
esprit? Revenons aux lois générales, dontt mes
n aux principes de l'ordre général, com-
cette digression nous a écartés (2). n le savant le plus instruit en
me géométrie
Mais ces lois générales, axiomes de lat eest celui qui a porté le plus loin les consé-
science de la législation, ont besoin d'être qquences des premiers principes de cette
développées dans les lois .particulières qui[ science.
s
en sont les conséquences. Les sociétésjui- Ces conséquences sont prochaines ou éloi-
ves et chrétiennes qui ont le mieux connut
gnées,
g morales ou physiques, comme les
toutes les lois générales, sont les plus fortesu personnes et leurs rapports. Les hommes
P
des sociétés du monde; mais, parmi, les so- ssont dans la société père ou fils, époux ou
ciétés chrétiennes, celles chez qui les lois éépouse, chef, ministre, sujet: ce sont là les
particulières sont les conséquences les plus £personnes sociales ou morales, avec
leurs
chants, comme ils sont poëtes ou peintres, C'est cet essai de législation morale que
maçons ou tailleurs, etc. et comme chacuni je présente au public, non comme un mo-
de ces arts a ses règles spéciales, chacunea dèle à suivre et un plan achevé, mais comme
de ces professions ou de ces états a ses rè- une esquisse de ce grand ouvrage,.et des ja-
gles particulières, que l'on appelle ordon- lons sur une route que d'autres parcourront
nances. De là les ordonnances judiciaires ett avec plus de talent, de connaissances et de
militaires, civiles et criminelles, municipa- bonheur. Ce sont moins les connaissances
les et coloniales, rurales et commercia- qui nous manquent, que le courage d'en
les, etc. faire usage. Depuis si longtemps, nous sorn-
Si tous les citoyens sont père ou fils, mes accoutumés à ne penser qu'en foule, à
époux ou épouse, ministres ou sujets, c'est- ne parler qu'en public, à ne rédiger des lois
à-dire si tous les citoyens sont entre euxt qu'en comité, à ne les discuter qu'à la tri-
dans des rapports moraux, ils doivent donc bune, à ne les porter qu'à la pluralité des
tous connaître les lois morales qui fixent less voix; que les hommes qui ont le plus de
rapports des hommes entre eux commeî talent et de connaissances ont peur dès
membres de la famille, des familles entrej qu'ils sont seuls, et n'osent faire un pas sans
elles comme membres des Etats, des Etats > je ne sais quel bruit souvent imaginaire,
entre eux comme membres de la société uni- qu'ils appellent l'opinion publique, comme
verselle du christianisme, qui comprend le s'il pouvait y avoir une autre opinion pu-
genre hnmain; car toutes les nations appar- blique que la vérité, seule opinion pu-
tiennent actuellement ou éventuellement au blique, puisqu'elle seule embrasse tous les
christianisme. Mais chaque citoyen exerce temps et tous les lieux, et qu'elle doit régler
une profession particulière il doit donc ap-• tous les hommes.
prendre encore les ordonnancesparticulières Qu'on ne s'étonne pas si j'ai parlé dans
à sa profession et il en sera alors de la lé- ce projet, des pères, des mères, des enfants,
gislation comme il en est du langage qui a des domestiques des compagnons, etc.
des règles générales communes à la syn- Ceux qui ont détruit en France les mœurs,
j
taxe de tous les peuples, et des "règles spécia- par le motif qu'elle n'avait pas de lois écri-
les, particulières à la grammaire de chaque tes, nous ont imposé la nécessité de tout
peuple; et il y a aussi dans chaque société écrire, et même les mœurs. Dans les com-
une langue courante commune à tous les mencements de la société, les lois de la fa-
citoyens et une langue technique particu- mille forment, en se développant, les lois
lière à chaque profession car la langue du de l'Etat qui sort de la famille comme un
peintre n'est pas celle du matelot, et la arbre du germe qui le recèle sur la fin de
langue du jurisconsulte n'est pas celle du la société, l'Etat doit former par ses lois
guerrier. les
1 mœurs ou les lois de la famille, parce
G'est, j'ose le dire, sous cet aspect général (que les familles ne peuvent plus
se conser-
qu'il faut considérer la législation d'un grand -ver sans l'Etat ni hors de l'Etat. Ainsi le
peuple. Ces lois générales, développées dans gland
g produit le chêne, et ie chêne à son
leur application,doivent être le livre de tous ttour produit des glands.
les citoyens, le premier entretien de la L'Europe a cessé de nous combattre, et
raison de l'homme, et le complément de son elle E va nous juger. Jusqu'à présent, occupée
éducation. C'est à la France à en offrir à de c ses propres revers, elle a à peine arrêté ses
l'Europe le modèle, puisqu'elle est la seule regards r sur le prodige d'une nation où une
qui trouve dans des circonstances, inouïes partie p nombreuse des citoyens est constam-
jusqu'à nos jours, la nécessité de se créer tment assemblée depuis tant d'années
entier pour
un système de lois, et les moyens de donner
d des lois à l'autre partie, où ces lé-
le perfectionner. Nous avons vu toutes les gislateurs
g se remplaçant les uns les autres
erreurs de législation, et nous en connaissons p par des renouvellements périodiques, ou
tous les principes. Nous avons vu la législa- se s déplaçant par des secousses irrégulières,
tion de Dieu et la législation de l'homme, la entretiennent
e sans interruption cette légia-
lation permanente, comme ces machines exposent
e leurs guerriers à la mort sans au-
destinées à élever de l'eau pour les besoins cune
c arme défensive qui les en sépare, et
de nos cités. L'Europe admirera comment même
Il sans qu'ils puissent se défendre» far
après tant der temps, de législateurs et de leur
1 valeur, de J'effet terrible de ces ma-
lois, la nation la plus avancée dans les arts chines
c que le génie a inventées. On ne par-
de l'esprit, une nation de trente mil- ddonne plus à un historien ces détails de com-
lions d'hommes et de Français, renouvelés tbats si intéressants pour les acteurs, et dans
comme les hommes de Deucalion et de les
1 journaux contemporains on aime mieux
Gadmus, comment, après douze ans, cette rencontrer
r un acte d'humanité au milieu des
nation a pu attendre encore un code civil, combats,
( et les sentiments de la paix ne
un code criminel, un code même religieux, plaisent
1 jamais plus à nos cœurs que Jors-
n'avoir des peines capitales que provisoire- cque nous
les trouvons au sein des fureurs
ment, ignorer encore si le bien même de de
c la guerre.
la famille sera respecté; moins avancée dans Non, ce ne sera pas avec des victoires,
sa législation, au xive siècle de son âge, et mais
i avec des vertus, que la France répon-
après tant de législatures, qu'une peuplade dra
( à la postérité, lorsque, citée.à ce tribu-
qui sort de ses forêts, et qui a des usages nal
i dont aucune considération ne fait chan-
fixes et des coutumes qu'il ne faut que ré- celer
< l'équité, elle rendra compte, comme
diger. l'aînée
1 de la grande famille de tout ce
N'en doutons pas, les peuples étrangers, qu'elle
<
avait reçu pour la prospérité com-
qui ne connaissent encore que l'histoire mune,
i et de l'usage qu'elle a fait de tant de
de nos expéditions militaires, reliront dans talents
I naturels, de tant d'instruction et de
le loisir de la paix, et sans doute avec lu tant de gloire.
malignité de la haine, l'histoire de nos ex- Contrainte d'avouer tant de forfaits divers,
péditions législatives, et le mépris que nos Et des crimes peut-être inconnus aux enfers.
folies passées leur inspireront, les payera • (Racne, Phèdre.)
de ce qu'il leur en a coûté d'admiration pourr
la France devra offrir des journées de sa-
nos succès. Nous opposerons en vain à leur
juste censure ces faits d'armes brillants, ces gesse plutôt que des journées de gloire, en
prodiges de valeur et d'habileté qui ont fait expiation de quelques journées d'inexpiables
leur désespoir et notre gloire. Soit que la horreurs; et si ces crimes inouïs n'ont pu
être effacés par le supplice de leurs auteurs,
guerre ne paraisse qu'une vivacité de jeu-
nesse aux nations parvenues à la virilité, que peuvent-ils avoir de commun avec la
et qu'elle semble les rapprocher un peu trop mort honorable de nos guerriers?
Ce serait en vain que nous voudrions jeter
des hordes conquérantes avant d'être civili-
le voile brillant des arts et des sciences phy-
sées soit que, regardée par les peuples rai-
sonnables comme une triste nécessité, elle siques sur les plaies épouvantables que
soit mise par eux au rang des malheurs nous avons faites à l'humanité. La France
qu'on- évite de rappeler soit enfin que, (et elle n'en était pas moins la première des
dans l'art de la guerre comme dans tous les
nations), la France a été égalée ou surpas-
sée par les autres peuples dans l'invention
autres, les hommes fassent plus de cas du des arts physiques, comme elle les a sur-
génie, à cette époque de la société où l'hom-
passés tous dans les arts de la pensée.
tne ne l'étudié pas dans les livres, alors
qu'il est une illumination soudaine, comme Newton et Képler, Linnée et Bergmann,
l'appelle Bossuet, ou que le génie guerrier Boerhaave et Galilée, Winslow et Haller,
ait perdu quelque chose de son éclat depuis étaient étrangers à la France. Nos peintres
qu'on en a fait une profession, un corps, et le cèdent à ceux des écoles étrangères, et nos
sculpteurs désespèrent d'égaler les statuai-
que la guerre est devenue un art qui s'exerce même les arts
avec des ingénieurs et des machines
ingé- res de la Grèce antique
niettses, il est certain qu'à mesure que la d'imitation se ressentent aujourd'hui de la
raison générale fera des progrès, la gloire dégénération de nos pensées, et d'une révu-
des armes ne brillera qu'au second rang lution qui nous a ramenés à l'enfance, car les
chez les peuples chrétiens quoique cepen- arts n'imitent que ce qu ils ontsous les yeux.
dant ils soient, de tous les peuples anciens Nos grands peintres du dernier siècle hono-
et modernes, ceux qui font la guerre avec raient leur art par les imitations des scènes
plus d'art et même de courage, puisqu'ils mémorables, et des personnages célèbres
"53 PART. I. KCONOM. SOC. LEGISLATIONPRIMIT. DISC. PRELIM.
de la société politique et religieuse les
de
tistes de nos jours présentent surtout à
nn» imitation
ar- une ja puérilités
imUatinn de
t
lm
n,,&^iuiAa > et i«la iragédio
une représentation gigantesque
notre admiration les scènes voluptueuses d'extravagances. Quelquefois ou un tissu
.“
elle est une
uu puériles de l'homme privé et de la vie machine où l'on supplée
domestique; ils cherchent moins à imiter d'optique; les prestiges par des illusions
les vertus que les passions, l'homme moral des décorations, ou
même le jeu des animaux:, à là stérilité du
moins que l'homme physique, ou les effets poëte ou à l'épuisement de son art. La satires
de la nature matérielle leurs expositions n'est plus qu'un libelle diffamatoire} l'é-
n'offrent presque jamais qu'animaux, fleurs, glôgue, la fable l'idylle sont renvoyées à
individus, hommes,femmes, enfants,souvent l'enfance et peut-être dans notre situation
inconnus, même quand ils seraient présente, ne pouvons-nous plus prétendre
nom-
més. Nous revenons aux imitations de la vie qu'au funeste honneur de fournir à poëte,
sauvage et à la nudité des sexes, qui est le un
dans quelques siècles, le sujet d'une épopée
caractère de l'extrême barbarie (1). Hélas! et où il chanterait la société menacée de retom-
les arts de la pensée eux-mêmes, ces arts
que ber dans la barbarie, luttant avec des efforts
nous avons portés à une si haute perfec- surnaturels contre cette épouvantable révo-
tion, semblent tendre à leur fin; en serait-il lution, comme Milton a chanté le combat des
de ces plaisirs de l'esprit dans
une société bons et des mauvais anges, et le Tasse, la
qui avance, comme de ces amusements de lutte sanglante des Chrétiens contre les in-
î'enfance, ou même de ces illusions plus fidèles.
douces de la jeunesse que l'homme laisse
Les législateurs de collège qui nous ont
derrière lui dans le voyage de la vie et qui régentés ont voulu en vain
ne lui paraissent plus dignes de la gravité de nous ramener
aux dieux, aux jeux, aux fêtes du paganisme,
l'âge viril ? l'art dramatique périt
sous la comme ils en avaient ramené parmi nous les
multitude de nouveautés, comme la considé-
ration usurpée un moment par les comé- mœurs et les lois. C'est surtout ce ridicule
qui a flétri la révolution française, et la rai-
diens a péri sous la hauteur de leurs préten-
son y a eu plus de part que la force. Le
tioas. Quand toutes les règles de l'art sont temps est venu où nous jugerons les héros
connues, toutes les combinaisons de la lan- du paganisme, comme nous jugeons
gue -employées, et peut-être l'imitation de dieux. Nous apprécierons dans ses
toutes les scènes de la vie publique et do- ces sociétés
trop vantées ces vertus privées qu'on
mestique épuisées alors sans doute la car- nous
rière de J'art est parcourue, Les pièces de oppose sans cesse, et ces crimes publics dont
on n'a garde de nous parler nous y retrou-
Jodelle et celles de Racine en sont les deux verons là tempérance dans la pauvreté, et le
extrêmes; il n'est plus donné à aucun écri- luxe le plus effréné dans la richesse; des lois
vain de descendre aussi bas, ni de s'élever faites par le père contre l'enfant,
plus haut, et même avec des succès égaux par le mari
contrel'épouse, par le maître contre J'esclave,
on ne peut plus prétendre à la mémé gloire. par le créancier contré le débiteur, par le ci-
A la naissance de J'art, il fallait, toyen contre J'homme un amour
pour se pour la
distinguer, en atteindre les limites il faut ]patrie qui n'était que la haine des
à son déolin les dépasser pour être remar- autres
peuples,
1 l'assemblage de !a volupté et de la
qué. Les anciens ont atteint le sublimé du barbarie,
1 et un peuple tout entier passant
naïf, et les modernes le sublimé du grand des jeux obscènes de Flore aux jeux sanglants
(
on vent aller plus loin et l'on outre le naïf des
t gladiateurs. Et au milieu de ces em-
jusqu'au puéril, et le grand jusqu'au mons- pires qui ont brillé un moment sur la scène
1
trueux. Ainsi un homme veut toujours pa- du
( monde, et qui sont tombés, dit Bossuet,
raître jeune, et finit par être ridicule. Alors les
1 uns sur les autres avec un fracas effroyable,
ia comédie devient une farce licencieuse ou et
E tombés d'une chute éternelle, deux
peu-
LEGISLATION PRIMITIVE
CONSIDÉltÉE PAR LA RAISON.
PREMIÈRE PARTIE.
LIVRE I.
DES ÊTRES ET DE LEURS RAPPORTS.
(1) Le premier de ces deux principes est plus dont l'une fait connaître Dieu, l'autre fait connaître
convenu que le second, et bien des gens s'imaginent l'homme.
CDiwaîire leur pensée en elle-même et sans le se-
Ci) De là vient que les enfants appellent tous
cours d'aucune expression. La pensée n'est connue les dessins des images; ils pensent et parlent eu
n'est cela parfaitement vrai.
que par la, parole Dieu, intelligence suprême,
semblables
connu que var son Verbe. Propositions
1157 PART. I. ECONOM. SOC.
eh est l'écriture. Les muets manquent
en
-N.
mannuont de
l'expression de la parole et ont éminem-
Haa
LEGISL.
hw
"ujui
i ,-u».
'»"• PR1MIT I.-LIV.
“:“
I.
j..
i. DES ETRES.
in-m» signes de mes sensations
les larmes,
plaisir
p
d
ou de peine ne produisent pas sur
MS8
*1S8
de
ment celle du geste les aveugles manquentt ceux qui en sont témoins la même peine ou
c<
tout à fait.de t'expression du geste, et parlentt ïeE même plaisir que j'éprouve mais
beaucoup (i).. mon
geste
& ou ma parole, expression de ma pen-
Vi.
VI.
sée,
SE éveillent en eux la même pensée qui
m'occupe
m ils n'ont pas senti ma joie ou
Tantôt l'image emprunte l'expression douleur, ma
ae d< mais ils pensent ma pensée. Si je
l'idée ou la parole, et je dis ou j'écris arbre, conviens
ce avec quelqu'un que je lui ferai
,animal, au lieu de les figurer par le geste signe
«! que j'ai rencontré telle personne, en
le dessin; tantôt l'idée revêt l'expression oude
l
portant
P< la main à mon chapeau,
l'image, et au lieu de dire ou d'écrire justice, ce mouve-
ment
m est un signe de ma pensée, qui sup-
je la figure sous la forme d'une femme voilée pose une parole qui a précédé et se confond
Pc
qui tient un glaive et des balances. J'assi- av elle; c'est une sorte d'écriture
avec chif-
mile l'être intellectuel au matériel;
ou l'être fri dont celuiqui je parle la clef.en
fres
matériel à l'intellectuel, et je dis: Une pen- a En un
mot,
m je désigne mes affections, j'exprime mes
sée prompte comme l'éclair, pensées; et telle est la différence des signes
un éclair rapide Pe
comme la pensée. On voit la raison de toute de affections aux expressions des
des
métaphore, comparaison, parabo!e, hiéro- pensées,
qu'une
qu expression juste ne peut rendre
glyphe, symboles, et la source qu'une
qu pensée, au lieu qu'un signe dénote
commune des
figures dans le style, des allégories dans le de affections quelquefois opposées,
des
discours, des emblèmes dans les arts qui les larmes, signe de douleur qui comme
les
consistent généralement à spiritualiser les désignent
aussi
au l'excès de la joie.
images des corps ou â matérialiser les idées Cette distinction entre les expressions
d'êtres intellectuels, c'est-à-dire à figurer les les signes n'a pas été et
idées, et à idéer les figures. assez observe par l'i-
dé
déologie moderne.
VII. IX.
Les images et les mots sont donc plus f l'homme ne connaît les êtres
Si
tes signes de nos pensées; ils que que par
en sont l'ex- ses pensées, s'il ne connaît ses pensées
pression, et de là vient que les mots s'ap- que
par leur expression, il ne connaît donc les
pellent des expressions, et que l'on dit, êtr' matériels que par les images qui les
êtres
raison, d'un homme qui parle avec
s'exprime figurent à son esprit, comme il
bien ou mal.
11
ne les fait
connaître
con aux autres que par les images sous
lesquels
les( il les lui figure; il
VIII. ne connaît les
êtres intellectuels que par les paroles:qui
êtrE
L'homme a deux expressions de les nomment à sa propre pensée, et il
ses pen- ne les
sées, parce qu'il a deux pensées principales fait
faitt connaître aux autres
auxquelles toutes ses pensées se rapportent, que par les paro-
les qu'il leur dit; et si
pensée aux corps pensée aux esprits. une image rend pré-
sent ou représente un objet matériel,
senl
L'homme a deux signes de
ses sensations, parole rend présent aussi ou représenteune
parc
joie ou tristesse parce qu'il n'a être intellectuel. un
que deux
sensations principales auxquelles toutes
ses
sensations se rapportent, sensation de plaisir, X.
sensation de peine, et deux sentiments Donc
aux- Di tout être matériel qui ne peut pasêtre
quels tous ses sentiments se rapportent, figuré ne peut pas être
figm
amour et haine. Ici la différence est sensible dans connu il n'est
dan; les pensées de l'homme, il n'est pas
entre les signes et les expressions. Le rire et donc
donc tout être intellectuel qui pas •
ne peut pas
(1) Les deux facultés d'idéer
très-distinctes l'une de l'autre. Laet d'imaginer sont des hommes
1 à imagination. Leur pensée
voit
source de beau- qu?i*
qu'images ou figures, et cependant leur stylene
coup d'erreurs est de les confondre et de vouloir triste sec et
triste en est totalement dépourvu. L'intellecluei
qu~
'ens~'e~
tmaymer là où l'on ne peut qu'idéer, r lie
ou idéer peut s'imaginer que lorsqu'il prend un corps qu'il'
1u'on. ne peut Je connais ou j'idée ce
la
Deu
réalise, qu'il se rend présent à nos sens,
se ré~
sagesse je ne l'imagine pas; j'imagine le méca- en UII
usine de mon propre je ne le conçois pas. mot,qu'il
mot,
On ..nagu.e le solide corps,le et solide car, comme dit très-bien Malebranchc,
pas s<
sans
l iutellecluet sans l'imaginer. concevoir, onctnâtt ?
Les matérialistes sont
le l
( le sensible Il'est pas le solide.
k
CËUVRE5
Stro nommé n'est pas dans les
i'homme, il n'est pa9, Il faut nier ce prin-
cipe* Ou se résoudre à admettre une longue
série de conséquences. “
COMPLETES
pensées 1de
1 ~o Ur,
met de
ments
m.
M M. DE BONALU.
Il-l'i.&
-9 1-~et If'Iol"
magination
de l'intelligence,
1
les faux
';hÔ"(\n1"nt~
I*iià,n"lente
4'0 II. Y jugements
HGO
impossible qu'elle
pas mais il n'est pas
pas
.*•' existe,
exi puisque je ne la figurerais pas, si
Donc tout être matériel qui est ou peut elle elle était impossible, et que je conçois dis-
être figuré, existe ou peut exister. Donc totit tinctement tim que la même puissance qui a fait
poissons, peut faire un être
Être intellectuel qui est ou peut être nommé, les femmes et les
peut être, et l'on peut défier tous less qui
qui soit l'un et l'autre à la fois (1), Au lieu
est ou
philosophes de l'univers de figurer ou dei qu'une qu' força préférable à la sagesse ne pi.- ut
un être impossible; car comment cei pas
pas être, puisqu'elle cesse d'être force à l'ins*
nommer
qui n'est ni ne peut être pourrait-il êlre re- tant tan qu'elle se préfère à la sagesse» et parce
présenté ou rendu présent par la nom eu- par que r qu cette force; préférable .&
la sagesse ne
ia figure?
Xll.
»o'fic (cuites les pensées de l'homme sontt la
' peut
P?1
comme
co'
de mot
pas être, je ne puis pas la nommer,
j'ai nommé sirène; je ne connais pas
qui exprime une force préférable àè
représentatives de l'êli'e. sagesse, et pour en faire mieux sentir
tfâiôè ou l'impossibilité, on n'a qu'à traduire sagesse
XIÏI. l'il
par ce qui doit
pa ce qui doit diriger, et foret estimpossible
par
Mais avec des pehséeâ vraies, l'hommee être êti dirigé, et l'on verra qu'il
des jugements faux, et suppose entre e ou contradictoire que ce qui doit obéir soit
porte
u oréférable à ce qui doit commander.
les êtres des relations qui ne sont pas ou or
qui ne peuvent pas être; et comme il
8 deux x XVII.
sôf tes de pensées, il tombe dans deux sortes un faux jugémè&t d'imagination
XVIII
gine une femme-poissoft qui habité des eS
Ainsi les hommes n'inventent pas les
s
écueils.où elle attire )es navigateurs par ses êtres, ils les déplacent» et supposent entre
chants ? je forme un jugement d'imagination eS
311
des rapports. Ils peuvent se tromper
sirène eux
e
qui est faux, parce que cet être a ppelé nnC
dans leurs jugements, mats leurs pensées ne-
n'existe past ce jugement s'appelle fiction. les
.v- ï •
préfé-
If trompent pas.
XIX.
J'ai l'idée, de sagesse, de force, de
II faut revenir sur une assertion à laquelle
rence ces pensées sont vraies ou représen-
n
le lecteur peut-être n'a pas donné toute
l'at-
tatives de ce qui est. J'en forme un juge- est tenlion qu'elle mérité. Non-seulement la Iï-
tl
ment, et je pense ou jâ dis que la force est gure et la parole sont l'expression aécessaire
préférable àla sagesse ce jugement estfaux, ix fj
dde nos pensées 5 l'égard de ceux à qui nous
1X>
parce qu'une force qui l'emporte sur la sa- voulons les communiquer mais elles ph sont
gesse n'est plus force, mais faiblesse; ce ju-
U
u- l'expression
1 nécessaire pour nous entretenir
gement s'appelle une erreur.
avec nôus'mirnes ou pour penser. Ainsi
XVI. rnous ne pouvons tracer au dehors
la figure
Il y a cette différence entre lès faux juge-
je- d'un
c corps par le geste ou le dessin, sans en
(1) Que cherche notre esprit quand il cherche banque, qui, pour traduire la monnaie étrangère
nue pensée? Le mot qui l'exprime, et pas aulrç en monnaie nationale, observa les différences ,èt eu
chose. Je veux représenter une certaine disposition
de t'esprit dans la recherche de la vérité; habileté,
tient compte.
Je reviens à la supposition i@ ms sophistes. La
curiosité, pénétration, finesse, se présentenj à nioj; nature fait naître l'homme en société et ses vices
la pensée qu'ils exprinient n'est pas celle que je l'isolent. Nos philosophes, au contraire, commen-
cherche, parce qu'elle ne s'accorde pas avec ce qui cent par isoler l'homme, et lui font inventer la
précède et avec ce qui doit suivre je les rejette. SPciétéi II faudrait s.'ex$|jquernetiemenj ^lur c<sll$
Sagacité s'nffre mop esprit; ma pensée est trouvée, question. Çroif-on que dans aucun temps rhommç
elle n'attendait que son expression. 146 et 2S7 me ait pu naître de lii seule énergie de la matière en
présentent deux idées du nombre très-distinctes, fermentation,et qu'il en ait reçu l'admirable méeaT
j'en veux former une seule idée, ou. une idée col- nisme de l'organisation de son corps et le prpdige
lective. Que fais-je pour la trouver, et pourquoi ne de son intelligence? Si les partisans de Condilla.c
l'ai-je pas aussitôt que je le veux? C'est que son repoussent cette hypothèse, pourquoi en font-ils la
expression me manque; je la cherche, je la trouve, base de leur système? S'ils adrouitent un ,l}je,u
et j'ai l'idée «lemaiidée £53. Tous les exemples cjéateiir, pourquoi refuser rte reconnaît un Diçu
peuvent être réduits '.à ceux-là, et je fais alors législateur ou ''conservateur?
comme un peintre qui, voulant représenter la figure Pourquoi recourir à des absurdités pouf expli-
d'un ami absent, retouche son dessin jusqu'à ce quer l'exercice nécessaire de. facultés néçessaji-e^
qu'il ait trouvé l'expression du visage qu'il recon- à l'homme? Peut-on admettre qu'une intelligence
naît aussitôt. Cette vérité que la parole n'est pas irih'nie ait créé l'homme, et supposer que, telle
d'invention humaine, et que les langues sont un don, qu'une marâtre crueile, elle ait abandonne son exis-
est la dernière peut-être qui reste à prouver pour la tence socialc au hasard de ses inventions, en sorte
connaissance des êtres et raffermissementde la so- que si un homme ji'eût pas eu assez d'esprit pour
ciété. Gondillaç et autres supposent 1'homme seul inventer la parole, le genre humain tout entier se-
ilans les forêts, et l'homme ne peut naître, et de rait aujourd'hui dans un état bien au-dessous de
longtemps vivre qu'en nombre trois. Or entre trois celui des plus vils animaux? Le sauvage <le TAvejN
êtres formant une famille, il y a par toute la terre ron a certainement la faculté de penser et d'arti-
un langage articulé et même un langage complet, culer, Depuis deux ans on l'instruit avec zèle et
semblable dans ses parties (l'oraison et dans leurs intelligence, et il n?a pas même de gestes imitatifs
modes essentiels^ diffèrent seulement dans le voca- d'aucune pensée, quoiqu'il montre du doig.l quel-
bulaire et le nombre des mots. ques objets présents relatifs à ses besoins.
Or cette unité dans le langage, puisque toutes Sans doute, le moyen de la première transmissioii-
les langues ne sont qu'une expression de li même de la parole faite à l'homme nous est inconnu, et
pensée,' et qu'elles se traduisent toutes réciproque- l'imagination n'en fournit aucune image mais la
ment, prouve un instituteur un, une institution raison conçoit et peut démontrer qu'if est iuipos-
unique, et même une famille une; car les langues sible, c'est-à-dire contre la constitution physique et
ne se transmettent que par la famille et passé les morale de l'homme, qu'il puisse inventer l'expres-
premières années, où les organes sont lèà-flexibles, sion de ses pensées, car ce serait inventer sou pr(v
il serait presque impossible d'apprendre à parler. pre être intellectuel. Cette démonstraiion purement
Les plus âgés transmettent le langage aux plus rationnelle est suffisante, puisque l'homme ne reçoit
jeunes, comme ils leur ont transmis la vie, et ils de certitude infaillible que de sa raison et non de
leur donnent, en quelque sorte, de leur intelligence, ses sens, et que l'imagination elle-même ne méi'itu
çpmme ils leur ont donné de leur corps. L'enfant aucune créance sans l'attestation et le i~isa de la
expr ime par le geste et. même par le dessin les objets raison. Et prenez garde que dans la question qui
qu'il a vus, comme il exprime par la parole les nous occupe, si la raison parle l'imagination se
idées qu'ii a entendues mais il ne parle pas plus tait il n'y a pas entre elles contlit de juridiction
sans avoir entendu qu'il ne figure sans avoir vu. et l'imagination ne fournit pas d'images contraires
La parole est la monnaie du commerce des intelli- aux perceptions de ma raison au lieu que dans la
gences entre elles, représentative de toutes les-idées, démonstration des asymptotes, que personne ne ré-
comme la monnaie est représentative de toutes les voque en doute, la raison et l'imagination sont en
valeurs, Un inconnu dans un pays est une
monnaie qui n'a pas de cours, et qui n'est pas mar-
opposition formelle car la raison se démontre à
èlie-mème par le calcul que deux lignes prolongées
quée au coin du prince. L'interprétation des langues à l'infini et s'approchanttoujours lie peuvent jamais
étrangères, est une opération semblable à celle de la se rencontrer. L'imagination, au. contraire, se figure
ravv
.1.e
d'inventer' sans une parole qui ex-•
prime cette pensée. Donc les ris et les lar-
abbé
..1.1..L.d.l~G~d~, na .an1'&QnfA quelque
de J'Epée, qui ne représente ffllPÎltllP
chose, il n'est aussi aucune chose, quelque
mes, par lesquels nous manifestons nos af- indépendante qu'elle soit de nos sens, qui
fections, vraies ou feintes, de plaisir ou deî ne puisse être expliquée clairement par une
peine, sont des signes natifs (1) au lieuî analyse composée de mots simples, et qui,
que la parole et même le geste sont des ex- en dernier ressort, n'ait besoin d'aucune
pressions acquises, adventitiœ. Donc elless explication. w
sont naturelles, c'est-à-dire conformes à lat XXIII.
nature de l'être car il n'y a rien de pluss
naturel à l'être qui doit acquérir que l'étatt L'expression de nos pensées nous est
acquis, et la perfection est l'état le plus na- transmise par les sens de la vue ou de l'ouïe
turel de l'être perfectible (2). mais la pensée elle-même est distincte de
son expression et la précède c'est la con-
XXII. ception qui précédera naissance. L'homme
Ainsi l'homme connaît les êtres par sesi a la pensée en lui-même, puisqu'elle se ré-
pensées, et ses propres pensées par leur ex- veille à l'occasion de la parole orale ou
pression. Ainsi, au lieu d'étudier la penséej écrite qu'il entend car si l'oreille ouït, si les
de l'hommedans le sanctuaire impénétrable yeux lisent, c'est l'esprit qui entend. La
du pur intellect, comme on le fait aujour- pensée est native, la parole est acquise; mais
d'hui, il faut l'étudier, pour ainsi dire, danss la pensée n'est pas visible sans une expres-
le vestibule de la parole, et expliquer l'être) sion qui la réalise, et l'expression n'est pas
pensant par l'être parlant, comme on connaîtt intelligible sans une pensée qui l'anime.
l'homme conçu dans le sein de sa mère, par• Une expression sans pensée est un son une
l'homme produit au monde. pensée sans expression n'est rien Nihil sine
La pensée de l'homme est la représentationt voce est (I Cor. xiv, 10) a dit saint Paul.
des êtres, fondement de "ontologie, ou de lat Là est le moyen de conciliation entre les par-
science des êtres la pvrole de l'homme estt tisans des idées spirituelles et les partisans
la représentation de ses pensées, fondementt des sensations transformées, entre les disci-
de l'idéologie, ou de la science des idées. ples de Descartes et de Malebranche, et
« Comme il n'est aucun mot, dit le célèbre» ceux de Locke et de Condillac (3). •
nettement que deux lignes, s'approchant continuel- geste ne petit être d'aucune manière l'élément d'un
lement, doivent finir par se rencontrer en un point, son, et il y a entre eux l'infini. C'est, au contraire,
et la raison elle-même murmure contre le calcul1 parce que les hommes s'entendent par le moyen du
qui la subjugue, et trouve malgré elle de la con- geste, que jamais ils n'auraient songé à inventer la
tradiction à admettre deux lignes infinies qui s'ap- parole, si la parole pouvait être une invention car
prochent toujours et s'évitent sans cesse. là où il y aurait un moyen suffisant de s'exprimer,
il faut faire ici une observation importante sur lai il n'y aurait jamais de motif nécessaire ou de rai-
rectitude de nos jugements. La rectitude des juge- son suffisanted'en inventer un autre.
ments sur les objets purement physiques tient à lat (1) L'homme seul peut rire, parce que le rire
force de nos passions un homme intempérant juge naît d'un contraste ou rapport que l'homme seul
en général tres-bien des jouissancesphysiques, ett peut saisir par la pensée, et voilà pourquoi l'intelli-
un homme intéressé, de la bonté d'un marché mais gence se peint principalement dans le sourire.
la rectitude du jugement en morale tient à la ré- (2) Les hommes ont des images avant d'avoir
pression de nos passions, et voilà pourquoi l'habi- des idées; ils voient-les corps avant de connaître
leté dans certaines affaires va rarement avec l'ha- les esprits. De là vient que les enfants et les peu-
bitude de certains devoirs. Les enfants du siècle, ples naissants gesticulent beaucoup, et même dessi-
dit le grand Maître sont plus prudents en affaires nent volontiers. 11 est évident que le dessin est un
queles enfants de lumière. (Luc xvt, 8.) geste fixé, car le geste significatifd'une chose n'en
Quand nous disons que la parole est nécessaire exprime que les contours, et les premiers dessins
pour penser, il faut entendre la parole des images des peuples et des enfants ne sont aussi que des
comme celle des sons. Les sourds-muets pensentt contours et des linéaments sans ombres et sans re-
par images et parlent par gestes. Les mots qu'on lief. Le premier progrès est de colorer les objets, le
leur transmet arrivent à leur esprit par les yeux, dernier d'y mettre les ombres, et l'on peut dire qu'il
1
comme aux nôtres par les oreilles, et sont pour faut être fort éclairé pour apercevoir les effets de la
eux une image, et pour nous un son. Et pour nous- lumière sur les corps. Les hiéroglyphesétaient une
mêmes, quand nous ne faisons que penser, les motsi écriture de contours, un dessin des objets. Aussi les
ne sont pas un son, ils ne sont qu'une image. Le hommes ou les peuples qui pensent beaucoup par
mot cause réveille dans un homme instruit l'idée de images, s'expriment beaucoup par gestes, et aiment
cause, et il porte avec lui sa signification je crois les arts d'imitation.
que, pour un sourd-muet, il ne marche jamais sans (5) Le lecteur le moins attentif remarquera
l'image de l'effet qu'on lui a donné pour exemple, et combien ces locutions-familières, la parole, expres-
ils sont comme des enfants qu'on instruit perpé- sion de notre intelligence, et son image fille de la
tuellement avec des tableaux et des comparaisons peusée, et par laquelle la pensée se produit; ne fai-
sensibles. Les partisans de l'invention du langage sant qu'un avec la pensée, et cependant en étant dis-
veulent que le geste ait conduit à la parole. Le tinguée; née de la pensée et son égale, etc., etc.;
CHAPITRE Il. d'être
«
moi et d'être lui. Non seulement
l'homme dit Je suis, mais il dit J'ai été,
DES ÊTRES ET DES MANIÈRES D'ÊTRE. je
J serai, j'aime ou je suis aimant, je suis
I.
aimé, et dans les diverses modifications du
verbe, il exprime l'idée de la distinction des
L'homme même le plus borné dit Je suis, personnes, de la différence des temps, des
de l'action reçue,
lu es, il est, nous sommes, ils sont, et chezi progrès de l'action faite etsont les racines du
les peuples les plus abrutis on retrouve3 de l'actif et du passif. La
l'expression de ces pensées. En parlan t ainsi, langage, et la raison pour laquelle verbe et
les hommes s'entendent eux-mêmes et sont
t parole sont synonymes. En effet, le verbe
t
entendus de leurs semblables ils agissent est la parole par excellence, parce qu'il est
les uns envers les autres à l'occasion dee l'expression exacte de l'être intelligent, et
cette intelligencemutuelle de leurs pensées de toutes ses manières d'être, de pensée, de
donc ces paroles sont des expressions dea sentiment et d'action, et que nul autre que
pensées; donc l'homme partout a des idéess l'être intelligent ne peut dire Je veux,
d'être, d'être singulier et d'être pluriel, j'aime, j'agis,je suis (1).
combien, dis-je, toutes ces locutions, qui dévelop- i- des verbes avec leurs temps et leurs modes, des
le mystère de l'homme,s'accordent avec celles noms de nombre, des noms appellatifs, des substan-
pent ;s
que la religion emploie pour mettre à notre portéee tifs et des adjectifs, des langues qui nomment le
le mystère de la nature divine, en qui elle nous s ciel, la terre, le grand esprit, chez des peuples qui
montre aussi une parole éternelle ou verbe, exprès* n'ont pas la première notion de nos arts et des
sion de l 'intelligence suprême et image de sa sub- i- choses les plus nécessaires à la vie, pas même quel-
stance Fils de Dieu, et cependant égal à son Père, quefois l'art de faire du feu. Explique qui voudra
par lequel il se produit et se manifeste, etc., etc., etc.3. comment toutes les combinaisons merveilleuses de
Je laisse ici le lecteur à ses réflexions mais qu'il il la parole ont été inventées chez des peuples qui
s'effraye de rapprochement. Ce n'est pas les plus simples de
ne connaissent pas les moyenscouvrir,
ne
une vaine
pas
parole, que
ce
l'homme a été fait à l'image
is
ettt rendre la vie commode, de se
mais vérité,
de préparer
j'admire
à la ressemblance de la Divinité; et Bossuet lui- i- leurs aliments, etc. en
difficiles les
com-
de la.
même, traitant ces hauts sujets, dit « Et nous- i- ment des hommes si sur preuves
mêmes, n'avons-nous pas en nous une intelligence ce vérité, admettent sans preuves cette étrange as-
dont notre parole est le fruit? » sertion.
Ces deux propositions l'intelligence divine n'est H Les langues ont un rapport évident à l'état des
connue que par son verbe, l'intelligence humaine le peuples dont elles sont l'expression, transpositives,
n'est connue que par sa parole, peuvent servir à bruyantes, hardies, dérégléeschez les peuples à pas-
instruire le Chrétien dans la science de l'homme, î, sions, les peuples païens: plus analogues, mieux
et celui qui croirait n'être que philosophe dans la la réglées et d'une harmonie plus douce et plus (a)
science de Dieu. En effet, le Chrétien, persuadé lé vraie chez les peuples chrétit ns. C'est parce que les
par la foi de la première; proposition, se prouverait it langues transpositives confondent la place des êtres,
à lui-même par la raison la vérité de- la seconde,ï, que l'on a été forcé, pour se. reconnaître, d'inventer
et irait ainsi de Dieu à l'homme: te philosophe, les déclinaisons, qui ne sont que le signe du rang
après s'être prouvé à lui-même par la raison la que le mot devrait naturellement occuper dans la
vérité de la seconde proposition, pourrait en con- i- phrase. Ainsi une langue analogue dit « Dieu com-
clu ie la première, et verrait en nous-mêmes la rai- i- mande aux. princes de conduire leurs sujets à la
son des locutions !es plus étonnantes de religion, la i, vertu. > Et dans cette phrase Dieu souverain, les
et irait ainsi de l'homme à Dieu car, encore une ie princes ses ministres, les peuples qui sont les su-
fois, on peut démontrer à ta raison que notre pen- 1- jels, le verbe commander qui exprime la relation du
see n'est exprimée à l'esprit des autres, n'est con-
1- pouvoir au ministre, le verbe conduire qui exprime
nue à notre propre esprit que par la parole. la relation du ministre au sujet, la vertu enfin, lin
(1) Les mots n'ont par eux-mêmes aucune vertu, i, de toute volonté de Dieu et de toute action de
quoiqu'il soit vrai de dire qu'ils lie sont pas purement litt l'homme, sont placés dans la phrase comme ils le
arbitraires; mais la parole a la vertu d'exprimer la sont en eux-mêmes et dans la pensée. Les Grecs et
(lensée. Ici les partisansde l'invention du langage tom- n- les Latins tourmenteraient cette phrase de mille
lienl dans une grande absurdité; il faut qu'ils sou- i- manières, toutes à pen près dans le génie de leur
tiennent que t'invention la pins merveilleuse, et qui
ni langue, hors la manière naturelle,
ne peulêtrele produild'un événement fortuit, comme lie Quant à l'invention du langage, l'auteur du Monde
ie sont toutes les découvertes des arts, mais ii
qui primitif, pense que le langage est de Dieu, qui a
aurait été le fruit des plus profondes combinaisons, i, donné les signes radicaux, que l'homme a étendus
si elle avait été combinée; une invention qui n'est
st par dérivation, ou qui se sont modifiés par sueces-
pas nécessaire à f homme au premier âge de la so- >- sion de temps et variétés dans les organes. Leih-
ciété, puisqu'alors, selon eux, uniquement occupé >é nilz écrivait « 11 ne faut pas s'imaginer que les
d'actions physiques, il peut agir sans parler; que Lie langues soient d'une institution arbitraire, et se
celle invention, dis-je, remonte au temps d un
ii soient formées par des conventions réfléchie».
]«uple le moins fertile en inventions, puisqu'on >n C'est une chose digne de remarque dans une grande
voit des langues avec toutes leurs combinaisons, s, partie de notre continent, les langues modernes
(a) On pourrait soutenir que notre langue est plus har- r- lange de sons forts et de sons faibles, de bruits, si j'ose le
monieuse, quoique moins éclatante que la langue laline, e, dire, masculins et féminins, caractère distinctifde la lait»
parce que la langue latine n'a que des sons pleins et forts,
s, gue française.
et qu'il n'y a pas d'harmonie dans la nature sans un mé- é-
II. VI.
Les êtres sont, et ils sont tous d'une cer- La perfection de la volonté s'appelle la
taine manière propre à chacun car, s'il n'y raison, la perfection de l'action est la vertu,
avflit qu'une manière d'être, on ne distin- virtus, action forte car la vertu est force
guerait aucun être il n'y aurait qu'un être. même avec la faiblesse physique, virtus in
Je ne distinguerais pas mon esprit de mon infirmitate perficitur, comme le crime est
corps, mon esprit d'un autre esprit, mon faiblesse même avec la force physique, im-
corps d'un autre corps, je ne distinguerais potentia, et c'est ce qui fait dire à Hobbes
rien (1). que le méchant est un enfant robuste.
IH. La vertu est donc une action commandée
L'homme EST une intelligence capable de par une volonté raisonnable (2).
pensée, et il a un corps ou des organes ca- Vil.
pables dé mouvements; organes qui trans-
Ainsi, intelligence, pensée, volonté, consti-
mettent à l'esprit l'expression de ses pen-
sées, et en reçoivent la détermination de ses tuent l'être intellectuel.
Organes, mouvements, action, constituent
mouvements. La manière d'être propre de l'être organisé.
l'hommeest doncd'être une intelligence servie
Intelligence et organes, constituent î'hom-
par des organes. ine.
IV. Volonté et action, constituent l'homme
La pensée qui détermine le mouvement fait.
s'appelle volonté, le mouvement qui est dé- Raison et vertu constituent l'homme par-
terminé par la pensée s'appelle action. fait, l'hommemoral ou social (3).
V. VIII.
La pensée a un objet de ses déterminations, L'homme passe par deux états très-dis-
un terme, et la mot même de détermination tincts. Dans le premier? il a une intelligence
indique un terme. Ce terme est l'objet de la sans connaissance de ses pensées, sans vo-
` volonté, le sujet de l'action, qui conduit à la lonté, et des mouvements sans action. C'est
fin que l'être se propose. Cette fin est d'être; l'état nati f de l'homme, état originel, état
le bien-être, ou plutôt le mieux-être, la per- imparfait, et dont il fait effort pour se tirer.
fection ou la plénitude de l'être car quelle Au sortir de cet état, trop souvent il tombe
autre fin que d'être, J'être libre de vouloir dans un-état vicieux et dégénéré, celui où sa
et d'agir, pourrait-il se proposer dans sa vo- volonté est sans raison et son action sans
lonté et dans son action?'1 force ou sans vertu; ou bien il passe à l'état
nous fournissent la trace d'une langue ancienne de l'Epée tout ce qu'il faut écrire de mots pour
extrêmement répandue. d'une langue commune, faire comprendre aux sourds-muets ce mot croire
et cette conclusion s'accorde mieux avec les saintes avec ses modificalions personnelles, temporelles et
Ecritures. » M. Hugues Blair, encore vivant, cé- successives. Disons donc que le verbe a été du com-
lèbre professeur à Edimbourg, dans son Cours de mencement, et qu'il est le moyen de toute instruc-
rhétorique, énonce le même sentiment sur l'instruc- tion car le substantifprésent peut être montré par
tion du langage. M. Sicard pense que le Créateur le geste, et absent il peut être figuré par le des-
a fait l'homme parlant, J.-J. Rousseau combat le sin (a).
système de l'invention humaine, en sorte que l'on (1) L'égalité absolue est confusion, au physique
peut regarder cette opinion comme dominante: et comme au moral.
M. de Gérando, qui a préféré le sentiment de Con- (2) Dans ce siècle, on a défini la vertu une dis-
dillac, convient lui-même qu'elle est fort commune. position à {aire du bien. La vertu, chez les païens,
La difficulté est du plus au moins des mots donnés; pouvait être une disposition; chez les Chrétiens,
mais l'on peut croire que le mot principal, le verbe, elle est une action, parce que !'amour, qui en est
dont le geste ne saurait figurer les modifications in- le principe, veut agir. Âmor ubi est, operatur; ubi
tellectuelles, est un signe radical, mais qui n'a eu non est amor, non operatur, dit un Père de l'Eglise.
dans le principe (et l'on en juge par l'hébreu) que (3) Ainsi l'esprit répond à organe, pensée à
les temps et les modes nécessaires. Sans doute, on mouvement, volonté à action, raison à vertu. Ce
peut figurer par le geste l'action de manger; mais sont là des relations, et l'attention à les observer
comment en figurer les temps et les modes? Com- toutes dans le discours est la première condition
ment figurer le croire, dans ses modifications di- d'un bon style, d'un style vrai, expression d'une
verses, aux yeux de celui qui n'en aurait pas eu pensée iuste.
l'idée dans l'esprit? Il n'y a qu'à voir dans M. l'abbé
(à) Il n'est pas inutile de remarquer que l'éducation ac- truction qu'elles donnent est sur les rapports qui les unis-
tuelle ne met dans la tête des enfants que des nomencla- sent. Les sciences physiques exercent la mémoire, les
tur,es de substantifs.La religion, comme la métaphysique, antres forment la raison.
ne nomme que deux êtres, Dieu et l'homme, et toute l'ins-
perfectionné, celui où sa volonté est éclairée
1. Y. '11 lU
e écrire, d'une charrue pour labourer. Dans
par la raison, et son action forte et ver- ces différentes opérations il y a trois choses
tueuse c'est l'état naturel de. l'homme,r- tnés-distirtçtes 1° La pensée qui détermine
état bon, état accompli, état de la fin de les organes 2° les organes qui sont détermi-
l'être, bien différent de cet état natif pu im-:e nés $> le sujet de la détermination, sur le-
parfait qui est l'état M commencement, et ouù1- quel les organes s'exercent, ou autrement la
J.-J. Rousseau et ceux de son école ontlt volonté, l'action, l'objet,
placé l'état naturel de l'homme, erreurfon-
damentale qui infecte leurs écrits, et qui, XIII.
1
malgré les couleurs brillantes de leur style, Ces manières d'être sont relatives l'une à
les rendra inutiles, même alors qu'ils aurontit l'autre la volonté sans action n'est pas une
cessé, d'être dangereux (1). volonté, mais un désir action sans volonté
IX. n'est pas une action, mais un mouvement c
un effet sans action et sans volonté. serait un
Nous avons vu, § I" de ça chapitre, hasard, et le hasard n'est pas. Le hasard, dit
l'homme fsf une intelligence, et qu'il
quee
a Leibnitz, n'est que « l'ignorance des lois na-
des organes, l'avoir, est donc une manière turellfis.»
e
de l'être, eMa plus générale possible, puis*
qu'elle comprend toutes les autres. Etre est XIV.
absolu, Têtre est ou n'est pas. Avoir est re- Ces manières d'être relatives l'une à l'au-
latif, et susceptible d'augmentation ou de dir
i- tre s'appellent des rapports. L'ensemble des
minution et, comme tes organes peuvent ,t rapports ordonnés pour la fin de l'être, c'est-
être plus ou moins disposés à servir la pen- à-dire pour son bien-être ou sa perfection,
sée, les connaissances dont ils transmettent(; s'appelle l'ordre.
l'expression sont plus ou moins étendues.
Et même tout ce que l'homme peut acquérir, XV.
il peut le perdre, et cesser d'avoir sans ces- Dans le système de l'homme, les organes
ser d'être. sont le moyen, le milieu, medius (car moyen
vient de medius), de la volonté, comme
X.
cause, pour obtenir un effet. Ils sont donc
Ainsi avoir est accessoire d'être être estt interposés entre la volonté et son objet.
substance avoir est accident, modification, C'est ce qui fait qu'on appelle milieu certai-
manière d'être. Etre est invariable; manière? nés substances interposées en une chose et
d'être ou avoir est variable. On ne peut pass une autre, comme l'air et l'eau. La volonté
être plus ou moins, mais on peut avoir plus détermine les organes à agir, comme les or-
ou moins ganes déterminent par leur action l'effet
XI. à naître ainsi l'homme voulant et agissant
Nous avons considéré l'intelligence et ses est tout entier exprimé dans celte proportion
organes; il est temps de considérer la vo- continue.
lonté et l'action c'est ici que s'éclaircit Je « La volonté est à l'action des organes
mystère de l'être.. comme l'action est à l'effet qui en résulte. »
L'extrême fécondité de ce principe se déve-
XII.
loppera peu à peu.
L'homme, capable de, pensée et de mou-
vement, veut (2) parler, écrire, labourer XVI.
ses organes obéissent; il agit, soit immédia- Ainsi, en métaphysique comme en géo-
tement par lui-même et ses seuls organes, métrie, îes proportions sont formées do
ou médiatement en ajoutant à ses organes la rapports, et.dans l'une et dans l'autre science
force auxiliaire d'instruments', comme d'un
ces rapports s'appeUentaussîrason.C'estdans
porte-voix pour parler, d'une plume pour est, ratio pro-
ce sens que Çicéron a dit Le$
11), Nous retrouvons les mêmes états dans la tion, à sa raison, et au bon usage de ses facultés,
société, l'état sauvage ou natif, l'état idolâtre ou prises dans leur point de maturité ut de perfection. »
corrompu l'état chrétien ou civilisé, état naturel (Voy. part. III, Dissert. sur L'état natif et iêtat na-
de la société. Dans le premier, ignorance et fai- tiw.el-)
blesse; dans le second, et violence dans le (ï?) C'est l'amour de soi ou des êtres semblables
dernier, raison et force. erreur
« L'état naturel de l'homme, qui détermine la pensée à être une volonté, et le
dit très-bien Burlamaqui, est, à parler général, mouvement à être une notion.
celui qui est conforme à sa nature, a saenconstiiu-
n"
11*71 ŒUVRES
1 mu y itr~a COMPLETES X.~ DE
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1172
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fecta a natura rerum; c( la loi est un rapport due, due.
d de mouvement, objet obiet des sciences phy-
t>bv-
qui dérive de la nature des choses;» et. siques si ou ces êtres sont intelligents et or-
Leibnitz, avec une si noble énergie « Dieu g? ganisés, et leurs rapports sont des rap-
est la suprême raison des choses » parce ports P( de volonté et d'action, de pouvoir et de
qu'en Dieu est le rapport général de tous devoir, objets des sciences morales nous ne
les êtres c'est-à-dire celui auquel tous les parlons
pl que des derniers rapports.
êtres se rapportent, comme tous les points
de la circonférence au centre, et qu'il est la IV.
raison générale de leur existence. Si la connaissance de la vérité forme la
raison
re de l'homme, l'homme n'a donc pas
XVII. d< raison avant de connaître la vérité; il ne
de
découvre donc pas la vérité par sa raison
La volonté est donc active par elle-même,
Il reçoit donc de la raison d'un autre être la
il
elle se détermine; l'effet ou sujet est passif,
connaissance de la première vérité, ou la
il est déterminé les organes sont passifs et cc
première connaissancede la vérité qui for-
actifs à la fois, passifs à l'égard de la volonté pl
qui détermine leur action, actifs à l'égard du se me les premières lueurs de sa raison, et qui
développe avec elle. Ainsi loin que
sujet ou objet sur lequel ils exécutent leur se l'homme découvre la vérité par la seule
action. fo
force de sa raison, il n'a de la raison que
XVIII. lorqu'il
lo a connu la vérité. D'ailleurs, l'hom-
Etre et avoir, idées fondamentales de i ê~
me ne connaît ses propres pensées que par
m
leur
le expression or il a reçu ses premières
tre actif et passif, rapports fondamentaux expressions, donc il
es a reçu la première con-
des êtres; être et avoir, actif et passif, fon- naissance de
ses pensées.
dements de toutes les langues qui sont l'ex- C
pression des êtres et de leurs rapports (1). V.
CHAPITRE III. Cette raison qui éclaire l'esprit de l'hom-
me est la raison de celui qui lui a donné ses
m
DE LA VÉRITÉ ET DE LA RAISON (2). premières
pr expressions et par conséquent la
connaissance
co de ses premières pensées, et
1. qui
ql est à son égard une autorité, puisqu'il
La vérité est la connaissance des êtres et est es J'auteur de la raison ( 3 ) qui dirige et
de leurs rapports; la raison est la connais- ordonne
or ses actions. Cet enseignement né-
sance de la vérité, elle est J'esorit éclairé par cessaire
ce de la vérité s'appelle révélation,
la vérité. manifestation
m faite par l'être qui sait à l'être
<.JI ignore; et quoique cette expression ne
qui
II' S
s'applique qu'à la connaissance des vérités
La raison est donc active ou adventive, ad- primitives
pi donnée par Dieu même aux pre-
ventitia. L'homme naît esprit, et il apprend miersm hommes, il est vrai de dire que l'hom-
à raisonner; il est intelligence, il a de la me, m même aujourd'hui, ne reçoit ses pre-
raison. mières connaissances que par révélation,
m
c'est-à-dire par la transmission que ses ins-
c'<
III. tituteurs lui font de l'art de la parole, moyen
ti.
Ou les êtres sont corporeiS, et leurs rap- de dE toute connaissance de la vérité; parole
ports sont des rapports de nombre, d'éten- qu'il qt ignore, si on ne la lui transmet pas,
(5) L'âme pense par le moyen du surprise de la nouveauté fait qu'ils admirent aisé-
parle par le mi.yen de la voix, comme elle cerveau, et ment, et qu'ils sont fort curieux. Il est vrai aussi
regarde que cette mollesse et cette humidité du cerveau,
par les yeux, écoute par les oreilles, agit par les jointes à une très-grande chaleur, leur donnent
mains il ne faut pas dire qu'elle digère un
par l'esto- mouvement facile et continuel. »
mac, parce qu'elle n'est pas maîtresse de cette fonc- Dans ce passage, il faut distinguer l'idée générale
tion, ou du moins elle ne l'est pas immédiatement
Ce sont là les lois de l'union de l'âme et.du du ministère du cerveau dans l'opération de la pensée,
corps,
matière importante, et qui n'a pas été traitée comme de l'explication particulière qu'imagine Fénelon,
elle peut et doit l'être. L'inaction de d'après !a mauvaise physiologie de Descartes. On
nos organes
enchaîne l'activité de notre âme, plus active peut bien imaginer, mais on ne conçoit certaine-
que le
corps n'est agissant, et c'ett ce qui faisait désirer ment pas le rapport qu'il y a entre la mollesse
l'humidité
et
du cerveau, et l'ignorance, la curiosité, <
à saint Paul la dissolution de ses organes,
pour
jouir à découvert de l'éternelle vérité. Cupio dissolvi la légèreté de l'enfance; et puis que veulent dire
et esse cum Chrisio. (Philip. 1, 25.) Les matéria- ces impressions faites sur notre cerveau ? Y a-t-il
listes confondent la pensée et le cerveau, la cause rien d'empreint sur le cerveau de l'homme le plus
et savant, et aperçoit-on à cet égard, même au micro»-
(a) C'est l'opinion du célèbre Kant.
~t3 UI~j m. 1~~ üV11t11LV. ~q lü
CHAPITRE IV, parlent
pi un langage articulé, on -doit donc
t)E L'ÊTRE général
ET suprême DE
l être lrtrouver la connaissance de quelque être su-
PARTICULIER ET SUBORDONNÉ, OU DE DIEU périeur
P1 à l'homme, le nom do cet être, objet
ET DE L'HOMME. di l'amour ou de la crainte de l'homme, et
de
le actions extérieures qui sont l'expression
les
î d~ cet amour et de cette crainte (1).
de
Si l'homme ne peut inventer la parole, le
III.
genre humain son origine a reçu d'un être
supérieur à l'homme la parole, par le moyen Or partout où les hommes ont rencontré
de laquelle il connaît ses propres pensées. dl leurs semblahles, ils ont trouvé un lan-
de
Donc la première connaissance de l'homme gage articulé, et ta parole qui exprime l'être
gê
pensant a été la connaissance d'un être su- supérieur
si à l'ho"mme., objet «lé sonanjôùrou
périeur à l'homme. De cette connaissance de sa crainte ils ont trouvé soVs des formes
dl
ont dû suivre nécessairement des sentiments d
différentes la connaissance, l'adoration et la
d'amour pour le bienfait, de crainte de lé culte
et de quelque divinité: croyance de tous
puissance, la volonté de lés témoigner, l'ac- le peuples, que Ciçéron appelle « la voix
les
tion qui les témoigne; l'adoration a été la de la nature et la preuve de la vérité, » vox
dl
première pensée, et la première parole a été nalurœ
n< et argumentùm peritatis.
un culte. -iv.:
H. Cet être, les hommes l'appellent Dieu, ou
L'homme, cause seconde de tous les effets, de tout autre mot correspondant (presque
di
a transmis la parole, comme il transmet la toujours
te monosyllabique universellement
vie, et avec la parole la connaissance de ses entendu
el de tous les hommes qui pariaient
pensées. Partout où il existe des hommes qui la même langue (2).
la
cope, ,a plus légère différence entre le cerveau de car cï il n'attache à ce mot aucune signification. Or
l'homme instruit et celui d'un imbécile? Et comment je le demande, qu'on suppose, avec Côiidillac, une
un si petit espace peut-il recevoir l'empreinte du troupe tr d'êtres pareils, et qu'on les mette ensénïble
passé., du présent, de l'avenir, de l'eyislantel même pourpi inventer un verbe et les autres parties d'oraison,
du possible ? La vérité générale est connue par une et el en faire des phrases. La parole, venue par le
expérience générale, et par ces locutions communes commerce
c< des êtres parlants, se conserve par le
à toutes les langues, qui toutes prennent le cerveau même ni moyen, et on lit dans l'Histoire des voyages
ou la tête pour l'esprit même avoir de la tête, q]que Selkirck, Ecossais, avait oublié sa langue et
une bonne tète, une tète sans cervelle, etc., et qui même ra perdu la faculté de parler, pour avoir passé
nomment ainsi le ministre pour le pouvoir; mais cinq c ans tout seul dans l'île de Juan Fernandès.
quand on veut en expliquer le comment, on tombe AI. M Pinel, médecin de l'hospice de Bicêtre, daiis-uii
dans le particularisme de l'imagination, qui ne pré- ui ouvrage sur l'aliénation mentale, rempli d'obser-
sente que sous de vaines figures les relations cer- vations
v: profondes et de vues utiles, a remarquéque
taines entre des qualités physiques et des opérations l'idiotisme
l'i ôte à l'homme la parole, et le conduit
ai mutisme et une preuve frappante de la corres-
Intellectuelles.. Dans tous les'cas pareils, la réponse au
la plus sage est celle du docteur dans Molière :Quare pondance
p< nécessaire de la pensée et de la parole,
c que l'homme, qui n'a reçu aucune parole ni
opium facit il.orrzziré? Quia halret virtut~tzi doxnüti- c'est
vam. Toutes nos connaissances sur la manière dont orale o\ ni de -geste,' soit un idiot, et que lorsqu'il est
la pensée et l'organe agissent l'un sur l'autre ne ic idiot, il perde la parole qu'il avait reçue; également
é
vont pas plus loin, et nous, qui nous croyons si ha- .dégradé de l'humanité, soit qu'il ignore l'art de
J)iles en physique, nous ne savons réelfement.que parler,p soit que la faculté de penser lui manque.
les généralités, et ce que nous connaissons le mieux (1) II n'est pas d'absurdités que lés philosophes
est |a métaphysique. modernes
n n'aient dévorées, plutôt que de supposer
Je finirai, par une dernière observation sur l'or- l'homme
1' sorti primitivement des mains du Crcaieur,
gane vocal. La lésion <le l'oeil empêche,de voir, la f<formé dans, son corps terre, d'éléments terrestres, puis
lésion de l'organe, vocal de parler, la lésion de t'or- son
S' corps se résout en animé d'un esprit non
gane olfactif A'oUorçr, etc.; mais la lésion de l'ouïe égal,
é mais semblable à l'esprit divin, puisque son
empêche de parler: on est muet dès qu'on naît esprit e pense l'esprit diviu. Mais comment et par
sourd, quoiqu'on puisse être muet sans être sourd. quels q moyens celle création s'est-elle opérée, de-
Cet effet, particulier ces deux organes, prouve nmande l'imagination? Là s'arrête la pensée, car
mieux que de longs raisonnements que la parole ne l'homme1' a plus d'idées que d'images, puisque l'idée
peut venir que par transmission. Le sauvage de est c générale, et que les images sont locales et par-
l'Aveyron, actuellement à Paris, n'est ni imbécile, titiculières. Ainsi l'idée conçoit généralement le temps
ni sourd, ni muet mais telle est l'extrême diiiicuiié ei£ l'espace; l'imagination compte une à une l'heure,
de parler, quand on n'a pas appris à le faire dès et e mesure le corps.
ses premières années, que cet enfant, âgé de qua- ( 2 ) Dieu, venu du latin Deus, du grec Tlieôs, se
torze à quinze ans, entouré depuis deux ans de rretrouve dans le Thaul égyptien et le Theutalès
leçons continuelles, et sans cesse avec des hommes gaulois,
g comme le Jéhova hébreu se trouve dans le
qui lui parlent, ne peut faire entendre de parole, Jou J grec, dont on 'a fait ioupater ou Jupiter, qui
quoiqu'il entende celle des autres, et que lui-même fifait aux cas suivants Jovis, Jovi, Jovetn. La re-
articule lait, mais par exclamation seulement et en marque
n est de Leibnitz, car il faut rendre à chacun
signe de joie, à la vue du mets qu'il aime le plus c qui lui appartient. Ce grand homme attache
ce bc;iu-
v. VII.
Mais par cela seul que 's
hommes s en- La connaissancede la Divinitédonnée aux
tendaient en parlant de Dieu* ils avaient peuples en état natif ou naissant, conservée
tous une même idée de Dieu* et de ce qu'é- chez les peuples en état naturel ou perfec-
tait Dieu à leuf égard. En effet, comme tionné, s'altéra donc chez les peuples en état
l'homme n'a dé connaissance des êtres que corrompu, et les Grecs, peuple dégénéré et
par ses pensées, il s'ensuit que l'homme cause première de la dégénéralion des peu-
voit Ses pensées, et par conséquent se voit ples, peuple mauvais, accusé par toute l'an-
lai-même dans tous les êtres. Ainsi l'hom- tiquité d'avoir altéré les traditions primiti-
me conçut avec facilité la pensée d'une vo- ves, parce qu'amoureux de fables et d'allé-
lonté qui a produit la généralité des êtres, gories, il mit la vérité en vaines images,
et du pouvoir qui les conserve, comme il les Grecs défigurèrent l'idée de la Divinité,
concevait en lui-même la pensée de sa au point que leurs sages, ne la reconnais-
propre volonté qui reproduit les êtres parti- sant plus, préférèrent d'en nier l'existence.
caliers, et de sou pouvoir particulier sur les
êtres subordonnés. Là aurait dû s'arrêter la Primum Graius homo mortales tollere contra
-'
Mais l'imagination voulut aller plus loin. CHAPITRE V.
L'homme avait l'idée claire et distincte de
la volonté Ae Dieu il voulut se faire l'image DES RAPPORTS DE DIEU ET DE L'HOMME.
de {'action de Dieu dans la production des
créatures, et comme il
voyait ses propres V
1.
organes être l'instrument dé son action par-
ticulière, il attribua des organes la
Divini- Tous les peuples ont donc connu la cause
té, pour expliquer son action, et il s'en fit la plus universelle ou Dieu, l'effet le plus
des images taillées. En lui attribuant ses universel ou l'homme universel puisqu'il
sens, il lui attribua ses sexes, ses passions, renferme en soi l'esprit et la matière, hors
ses faiblesses; de là les absurdités de l'ido- desquels il. n'y a rien dans l'univers uni-
iâtrie, et les abominations de son culte, qui versel encore, parce que tout se rapporte à
commença par faire un homme de Dieu, et lui, comme objet de ses pensées ou sujet de
qui finit par faire ses dieux des hommes. son action.
coup d'importance à ces antiques étymologieSt et à la nécessité de l'ordre particulier. Le plus simple
les regarde comme les dépositaires des premières bon sens s'accorde parfaitement.dansces conclu-
vérités. • -i sions avec le génie ce sont les deux extrêmes de
Eternel serait-il l'adjectif formé dn mot être, l'homme, et ils- se touchent. Ils sont tous les deux
comme temporel l'est de temps, annuel d'an, etc. ? de la famille de la raison mais te bon sens. plus
Car être, étymologiquement si différent de l'esse modeste dans ses goûts, s'occupe d'alï'aii es domes-
latin, semble présenter dans sa dernière syllabe ire, tiques le génie, pliis entreprenant^ se laoce dans
qui est là même chose que ter, l'expression des la carrière publi(jue. « Un homme est plus grand
trois temps de la durée qui composent l'éternité génie, dit Terrasson,à mesure qu'il est plus homme
teiniefàus bit tèiéhïui. d'Etat, et qu'il- voit -mieux ce qui va au bien de la
« Dieu est possible, dit Descartes donc il est; car sociélé civile. » Le bon sens conçoit que le Tout-
s'il n'était pas, il ne serait pas possible qu'il fût,n Puissant a pu tout faire, et le génie démontre la né-
puisque nul autre être ne pourrait réaliser cette cessité de cet être tout-puissaiH niais combieiï
possibilité, et le faire êtïe. H faut, .pour ruiner cette d'iinagiiiatioli ne: faut41 pas pour se ligùfef on monde*
preuve, soulenir que Dieu est impossible, et c'est ce <|ui se ftiit tout seul avec des atomes ronds et cro»
q.u'on n'a pas essayé. Condillacn'a pas eompris cette chus, à force de mouvements sans impulsion, d'ordre-
preuve de Desearîes. Ma preuve est plus simple saiïs loi, d'effets sans cause, l'homme né d'un pois-
« Les hermines nomment 'Dieu donc il est; » car, son et de la chaleur du soleil! Quand ma raison
s'il n'était pas, if ne serait pas nommé. Donc Dieu me dit qu'il existe un être nécessaire, que cet être
est cause universelle, moteur suprême, pouvoir sou- est nécessairement tout-puissant, que le Tout-Puis-
verain, attributs conséquents à l'idée de Dieu, et sant a tout fait, qu'ai-je besoin d'iHiagimei1 coniment
dont aucun n'implique contradiction, comme 'rond- ila fait ta moindre chose? car la difficulté est h
carré, p.Êuple-souverain, ftls-père, sùjet'pouvoir;; même pour le plus petit ge.ruve qui renferme un
dans le même Etat. Aussi Condillac a attaqué le monde de germes, comme pour le monde qui ren-
principe de la côtitradiotioi), qui est l'épreuve de la fermé tous les germes,, it m'est aussi difficile d&
fausseté de nos jugements. concevoir pourquoi l'homine, avec toute la ïnaiière
(1) Partout où la raison de l'homme ne sera pas à sa disposition et son étonnante industrie, ne peut
égarée par l'imagination, l'homme tirera sans effort pas faire une graine, lui qui fait des navires et dès
".es conséquences si naturelles, conclura de l'ordre palais, que d'imaginer comment Dieu a fait les*
particulier à 1'ordre général, et de l'ordre général germes sans une matière picexisianie.
..uv
n. employées en parlant de Dieu et de l'hom-
Mais ces deux termes extrêmes de tout le me, et de leurs rapports, mais elles sont
usitées et dans quel ouvrage sur ces ma-
système des ê:res, la cause et J'effet, partout tières ne trouve-t-on pas ces locutions
pensés, partout nommés, ces deux termes
« Dieu a proportionné sa grandeur à la fai-
en rapport nécessaire, puisque le mot d'ef- blesse de sa créature, les rapports de Dieu
fet exprime par lui-même un rapport à la à l'homme, et de l'homme à Dieu.? » Et
cause, et le mot de cause un rapport à l'effet; la religion chrétienne tout entière, qu'est-
ces deux termes, dis-je, ne donnaient pas elte autre chose que la connaissance du
aux hommes des lumières sur la nature de rapport entre l'extrême puissance de Dieu
leurs rapports avec Dieu. Quel était le moyen et l'extrême infirmité de l'homme et du
de leurs relations avec l'Etre suprême, ou
moyen de leurs relations? et n'est-ce pas
plutôt, par le moyen de quel être la grandeur dans cette connaissance qu'est la raison de
de Dieu, être général, se proportionnait-elle toute société?
à la faiblesse de l'homme, être particulier et
local, et l'infirmité de l'effet à la perfection V.
de la cause ? C'était là la grande énigme de Mais ces mêmes expressions, proportions,
l'univers, dont la solution a été un scandale rapports ou raison, extrêmes, moyen, etc., se
aux Juifs et une folie aux gentils. (I Cor. t, retrouvent dans la science des êtres physi-
23.) Ici, l'importance des objets, et, j'ose ques, et de leurs rapports de nombre et d'é-
dire, la nouveauté des raisons, sollicitent tendue ces expressions sont donc commu-
l'attention des esprits, même les plus préve- nes à l'ordre moral et à l'ordre physique.
nus, contre le fond des croyances religieu- Elles sont donc générales ou mathématiques,
ses, ou contre toute nouvelle forme de les car mathématique veut dire doctrine en gé-
présenter car, si les uns ne lisent pas, parce néral, la science par excellence, et sous cette
qu'ils ne veulent pas apprendre, les autres acception étendue, elle peut embrasser les
condamnent, parce qu'ils croient ne rien sciences morales comme les sciences physi-
ignorer, et qu'ils ne peuvent pas se persua- ques.
der cette vérité fondamentale, que pour l'in- VI.
térêt de la société, la vérité se développe à
mesure que l'erreur s'aggrave et s'étend, Or, ou le langage humain n'est qu'un vain
et qu'il n'est aucune vérité, absolument au- bruit,
1 ou l'identité des expressionsdésigne la
cune, qui soit positivement interdite à l'in- similitude des pensées, et l'unité des véri-
telligence humaine. tés car si la pensée ne nous est connue que
par la parole, comment les mômes paroles
III. exprimeraient-elles des pensées différentes't
L'homme avait donc, dès son origine, une Il faut contester ce principe, ou en admettre
connaissance des deux termes extrêmes de toutes les conséquences.
l'univers, Dieu et l'homme, la causeet l'effet. VII.
Mais pour établir entre eux une proportion
qui fût le fondement de l'ordre général et Ici les faits s'accordent avec le raisonne-
particulier, il fallait un terme moyen, rap- ment, et nous montront un être moyen ou
port ou raison entre les deux autres, un médiateur,
¡ connu des nations du monde les
être medius ou médiateur car il n'y a, en plus
1 éclairées dans la science des choses
général, de rapports connus, et de propor- morales, comme le rapport nécessaire et le
moyen d'union entre Dieu et l'homme nous
.1\
tion déterminée, que lorsque les trois ter-
1 voyons dans les livres hébreux promis
le
mes de toute proportion extrêmes et moyen, au
sont connus (1). 1genre humain, et cette promesse toujours
subsistante
1 dans la société où Dieu et l'hom-
IV.
me étaient le mieux connus, former le dog-
Proportion,rapports ou raison, êtres ou ter- me
i fondamental et constitutif de ce peuple
mes extrêmes de la société, être moyen, ou mé- qui
( attendait le médiateur sous le nom de
diateur (car ces mots sont synonymes), toutes Messie
i ou d'envoyé, et qui l'attend encore
ces expressions, non-seulement peuvent être après
l qu'il est venu.
(1) Ici je suppose au lecteur quelque connaissance des proportions, une des plus belles et des
premières parties des mathématiques.
VIII. voirs
} de l'homme, moins d'absurdité, de dé-
sordre,
S d'atrocité, de féracité, de peur de
L'être moyen ou médiateur est donc l'être jDieu, de haine de l'homme, de barbarie, en
qui unit l'homme à Dieu, et qui est le rap- tun mot, chez les mahométans, qui ont une
port entre eux. Mais les êtres ne nous sont connaissance
t confuse du médiateur. Ainsi
pas connus en eux-mêmes, et ne le sont ili y a eu connaissance de la nature de Dieu
que par leurs rapports. La connaissancedu et e des besoins de l'homme, raison dans le
médiateur entre Dieu et l'homme fait donc ddogme, sagesse dans le eulte, bonté dans les
connaître Dieu et l'homme. Ainsi il y aura lois, 1 vertus dans les mœurs, amour de Dieu
connaissance de Dieu et de l'homme partout eet de l'homme, ordre enfin ou civilisation
où le médiateur sera connu, et ignorance de commencée
c chez les Juifs qui ont une con-
Dieu et de l'homme partout où le média- naissance r certaine du médiateur promis
teur sera ignoré. Là où il y a connaissance et e il y a toute connaissance de la nature
de Dieu, de t'homme et de leurs rapports de d Dieu et des besoins de l'homme, du pou-
naturels, il y a nécessairement des lois par- voir t de l'un et des devoirs de l'autre, toute
faites qui sont l'expression des rapports na- raison,
r toute sagesse, toute bonté, toute
turels; il y a civilisation, qui est la perfec- vertu,
y amour parfait de Dieu et de l'hom-
tion des lois religieuses et politiques, divi- nme, ordre parfait ou civilisation consommée
nes et humaines et là où il y a ignorance de ddans la société chrétienne, qui a une con-
Dieu, de l'homme et de leurs rapports na- naissanceE pleine et entière du médiateur
turels, il y a des lois fausses qui sont l'ex- venu (1).
pression des rapports contre nature il y IX.
a barbarie, qui est la dépravation des lois.
Ainsi, il y a eu oubli de Dieu et oppres-
La civilisation suivra donc de la connais-
sion
f de l'homme, partout où il y a eu igno-
sance du médiateur, et la barbarie de Pigno-
rance
r du médiateur entre l'homme et Dieu.
rance du médiateur; et il y aura plus de
civilisation là où il y aura une connaissance X
plus développée du 'médiateur, et plus de Pour résumer en peu de mots la série des
barbarie là où il y aura plus d'ignorance. propositions
[ énoncées dans les chapitres
La question est donc réduite à des faits. Or précédents,
i qu'on peut regarder comme une
il y a eu ignorance profonde de la nature de introduction
i à toute science morale
Dieu et des besoins de l'homme, absurdité 1" La raison est une pensée conforme à la
dans le dogme, abomination dans le culte, vérité; la vertu est une action conforme à
atrocité dans les lois, férocité dans les 1la raison.
mœurs, peur de Dieu, haine de l'homme, 2° La vérité est la science des êtres et de
barbarie enfin chez les idolâtres qui ont leurs 1 rapports.
ignoré le médiateur et il y a plus de con- 3° La généralité des êtres est comprise
naissance de la nature de Dieu et des de- ssous ces expressions abstraites (2) cause,
même.
l'ails, et l'athéisme nié la cause; ce qui revient au
Le déisme, qui est la doctrine des pliis sages es
lu tes. Jl exprime ses pensées par le moyen ou le mi-
fii.aèi-e (a) de la parole et il accomplit sa volonté
car le moyen ou le ministère de son action. Il
des anciens et des moins sages des modernes, ne le étend et multiplie son action physique par le moyen
connaît qae la cause et les,effets, et nie le moyen
In d'instruments; il apprend par le moyen d'un maî-
ou médiateur, xb <5v, dit Platon, tb ysv6y.svov Ce le tre; il enseigne par le moyen d'une méthodei Les
qui est, ce qui est fait. La philosophie chrétienne lie sciences et lés arts ne sont que des moyens. La
connaît seule la cause, le moyen et l'elfet; seule le médecine est le moyen de guérir, là jurisprudence
«Ile connaît Dieu, l'homme, leur nature et leur rap-i- le moyen de concilier les différends, l'architecture
port. C'est avec raison que saint Paul dit qu'il ne te est le moyen de construire une arme est uu moyen
veut connaître d'autre science que celle du médiateur,
r, d'aiiaque ou de défense; la charrue est un moyen
puisque toute science en morale est renfermée e entre l'homme ëtf là ferre qu'il cultive. L'intelligence
dans la connaissance de l'être par qui tout a été ,é humaine consiste à connaître la nécessiié de moyens,
lait ou réparé dans l'ordre moral, et il semblerait it sa curiosité à les chercher, sa sagacité à les dé-
même, dans l'ordre matériel. En effet, on voit dans is couvrir, son industrie à les mettre en œuvre. Cette
les livres qui contiennent ces hautes vérités, la sa-
i- intelligence est refusée à la brute, qui n'emploie
gesse de Dieu, que la religion chrétienne regarde
le guère d'autres moyens extérieurs que ses aliments
comme la personne du Verbe ou du médiateur,
•, et son nid, moyens dont l'invariable uniformité
« assistant la cause suprême de l'univers, lors- dans chaque individu dé la Même espèce annonce
qu'elle étendait les cieux, creusait les aW.mes, ren-
i- qu'une intelligence autre que celle; des brutes tes a
(d) Ce qui prouve l'identité de ces deux expressions,
s, moyen d'un ministre, la cause agit par le minUlère dit
est qu'on peut dire également Le prince juge pur lee moyen.
IL comme cause, moyen, effet, comprennent
Cet ordre général se subdivise et se parti- tous les êtres de l'univers.
cularise en deux ordres moins généraux, ap- VI.
pelés aussi mondes le monde physique et lee
Ainsi les rapports des êtres en société
monde social.
sont tous compris sous cette proportion Le
III. pouvoir est au ministre ce que le ministre
Dans chacun de ces ordres particuliers (re- est au sujet, comme les rapports des êtres
lativement à l'ordre général) les expres- qui composent l'univers sont tous compris
sions, cause, moyen, effet, prennent des sous cette proportion La cause est au
noms particuliers, et par la même raison la moyen ce que le moyen est à l'effet et
proportion, de générale qu'elle était de- l'homme lui-même constitué comme la so-
vient particulière. ciété et comme l'univers, l'homme considéré
dans le système particulier de ses facultés
IV. morales et physiques, est tout compris sous
La cause conservatrice du monae physi- cette proportion: La volonté agit sur les
que s'appelle premier moteur le moyen gé- organes, et les organes agissent sur unn
nérât de conservation est le Mouvement les objet.
effets sont les corps. Cet ordre du monde
physique se subdivise encore en systèmes VII.
particuliers, où le moyen ou même l'effet, Le ministre est le moyen terme, je moyen
dans un système supérieur, devient cause proportionnel entre le pouvoir et le sujet.
dans un système inférieur; ce qui a fait Cette proposition nous ramènera à l'ordre
donner au moyen et à l'effet le nom de cau- dela société, lorsque nous aurons considéré
le moyen universel, médiateur, ministre uni-
ses secondes. Ainsi le soleil qui est un effet
de la création et le moyen général de repro- versel, pontife Sanctorum minister, media-
duction, devierit cause seconde de féconda- tor, mediator unius non est, dit saint Paui
tion lorsqu'on considère les vapeurs qu'il (Galat. III, 20), pontifex, etc. car les Livres
élève, et qui se résolvent en pluie comme saints lui donnent tous ces noms.
un moyen de fécondité. L'homme physique,
qui est effet du mouvement général, devient CHAPITRE VII.
moteur ou cause, et emploie des moyens ou
DU MOYEN UNIVERSEL, ET DU MÉDIATEUR.
instruments par lesquels il applique le
mouvement général à un système particu- I.
lier car tous les arts mécaniques ne sont Le langage universellemententendunom-
que le mouvement 0/îi^rarappliqué à une me le moyen la raison en conçoit la néces-
fin particulière (1),
V. •
Dans le, monde social ou moral, le senl
sité, les faits en- prouvent l'existence.
IL -•
Quel est ce moyen universel placé entre
dont il soit question ici et qui est l'ordre la cause universelle et l'effet universel? ou
des êtres intelligents et organisés, des êtres plutôt comment se nomme ce moyen en-
qui veulent et qui agissent, qu'on appelle tre la cause nommée Dieu et l'effet nommé
société, la cause prend le nom particulier de homme? Les hautes considérations dans les-
pouvoir, le moyen celui de ministre, l'effet quelles nous allons entrer sont une consé-
celui de sujet; pouvoir, ministre, sujet, qui quence naturelle de ces principes déjà énon-
comprennent tous les êtres de la société, cés, que là où il a identité d'expressions,
-a.
renfermées dans les limites de l'étroit nécessaire pensée à ses muscles, ou celle de ses organes h sa
1
qu'elles n'ont jamais tenté de dépasser. Le seul art pensée?
1 car les nerfs sont le moyen de transmission
de faire du feu par te moyen de l'air et de matières àj la pensée et les muscles le moyen d'exécution de
combustibles, met entre l'homme le plus stupide et ] volonté. La vue, l'ouïe, le tact, qui comprend le
la
la brute la plus intelligente l'intervalle de l'être au goût et l'odorat, transmettent à la pensée la pré-
iiéant. sence et les qualités des corps, les organes de la
( 1) L'homme ne peut imaginer ou se figurer, locomotion
} exécutent les volontés qui naissent à
sous aucune image particulière, la première im- 1l'occasion de ces transmissions; mais les relations
et
pulsion, mais il en conçoit la nécessité générale, et
œla suffit; et lui-même, lorsqu'il donne le mouve-
ment à son bras, imagine-t-il comment sa volonté
ecute, et peut-il
s'exécute, i-ilpeu celte relation de sa
se figurer cette
se
OEUVRKS CO51PL. DE M. DE BOSALD. I.
u
de
( la pensée aux organes comme moyen de trans-
mission,
1
iJUV"~II
et celles de la volonté aux organes comme
d'exécution,
moyen u UAUUULIVIM, IWUa sont
nous
cav'l:uLlvW,livub bulit également inconnues.
redjuilic.st
:UlJ.t'1~dJr.:HJCIIt, siluviii.u~,
III\;UlIllU~'
i! y a similitude de pensées et unité dans parce qu'elle est une vérité générale. Ainsi
les vérités; que s'il y a rapport de Dieu ài la raison nous dit que l'être qui doit être
l'homme, il y a entre eux proportion possi- moyen ou médiateur entre le fini et l'infini,
ble à déterminer, puisqu'une proportion [
il'intellectuel et le physique, Dieu et l'hom-
h'est qu'un ensemble de rapports; que si no-• me, doit être lui-même nécessairement in-
tre esprit connaît des proportions entre desï fini sous un rapport, et fini sous un autre
êtres différents,il ne connaît pas deux gen- intelligence et corps, Dieu et l'homme.
res différents de proportions et déjà nous V.
avons remarqué dans les locutions les plus
familières de l'a langue, les rapports géné- Mais si nous cherchons à nous rendre une
raux ou les harmonies de l'intellectuel et du1 raison plus générale encore de la justesse de
physique (1). ces pensées sur la nature du moyen et que
III. nous rappelions les expressions générales
Nous nommons Dieu et l'homme, termesi de proportion et de rapport que nous
extrêmes entre • lesquels nous cherchons àt avons employées, nous trouverons dans les
connaître, c'est-à-dire à nommer un rapportt lois générales de la formation des propor-
qui les unisse, et par le moyen ou ministère tions, lois générales dont nous faisons une
de qui Dieu et l'homme, la perfection et lai application particulière à la science de
IV-
faiblesse, puissent se proportionner l'un àl tendue linéaire et numérique, nous trouve-
•l'autre et se rapprocher. rons, dis-je, des manières générales aussi
de résoudre le problème cherché, et de
IV. trouver le nom du moyen, puisque nous
Mais avant de tirer de ces expressions connaissons le nom'des extrêmes.
-rapport ou proportion, les démonstrations VI.
qu'elles peuvent nous fournir, il faut re-
marquer que notre raison consent à cette3 Or rien ne s'oppose à ce que nous con-
*vérité: qu'un être par le moyen ou minis- sultions ces lois générales, des proportions
tère de qui deux êtres s'unissent, doit être,3. et des rapports, même pour l'ordre moral,
nécessairement d'une nature commune à puisque l'dentité d'expression nous est un
J'un et à l'autre, sans quoi il ne pourraitt sûr garant de l'unité des vérités. Et d'ailleurs
être moyen proportionnel ou d'union entrea le raisonnement que nous allons faire sera
eux. Ainsi il doit être corps entre deuxt soumisà l'expérience du langage universel,
corps, ligne entre deux lignes, nombre entree et l'être que nous cherchons par cette voie
deux nombres esprit même entre deux es- ne sera pas, s'il n'est pas déja nommé ou
prits. Cette vérité est de tous les systèmes, connu par son nom (2).
(1) Vo#. la note de la col. 1481auchap. S; qu'il estit développées sur ces objets importants, et sa doc-
utile de relire ici. trine petite et erronée. Malebranche dit t Ainsi
(2) Je ne peux m'empêcher de revenir encoree que l'Auteur de la nature est la cause universelle.
sur la vérité de ces expressions générales, rapport't de tous les mouvements qui se trouvent dans la
et proportion, moyen, etc., propres à l'ordre géné-i- matière, c'est aussi lui qui est la cause de toutes
rai, et sur le transport, pour ainsi dire, que j'en aini les inclinations naturelles qui se trouvent dans les
fait à l'ordre de la société. Vertu superficielle, es- esprits, et de même que tous les mouvements se
prit étendu, caractère solide, sont les expressionss foiït en ligne droite, s'ils ne trouvent quelques cau-
usuelles, et partout entendues, de pensées vraies.i. ses étrangères et particulièresqui les déterminent
Pourquoi cela? Parce que ces mots solide, superfi- et les changent en dignes courbes par leur opposi-
ciel, étendu, et d'uu autre côté, caractère, vertu, es-
>- tion, ainsi toutes les inclinations que nous recevons
prit, sont tous des expressions abstraites des pen-i- de Dieu sont droites, et elles ne pourraient avoir
sées générales de l'ordre physique et de l'ordre ino- d'autre fin que la possession du bien et de la vé-
ral, et qu'il y a accord parfait entre toutes les pen-i- rité, s'il n'y avait une cause étrangère qui détermi-
sées qui sont générales, et leurs expressions qui Ii nât l'impression de la nature vers de mauvaises
sont abstraites. Mais si je dis vertu carrée, esprit
il fins. a Qu'auraitfait Matebranche, s'écrie Coudillac,
long, ou bien carré vertueux, surface ingénieuse, elc. si cette expression, inclinationsdroites, -n'eût pas été
;je ne suis pas entendu, quoique je me serve de mots ;s française? Sur cette exclamation seule, un homme
usités. Il y a ridicule dans l'expression, parce qu'il il instruit pourrait fermer le livre, assuré qu'il«peut
.y a fausseté dans les pensées, défaut d'accord et
ît être de n'y trouver qu'erreur dans les principes,
d'harmonie et que j'unis des pensées de l'ordre e puisque c'est là le principe de toute erreur car en
général ou moral, esprit, vertu, etc., à des pensées is métaphysique comme en géométrie, tout est vrai
de l'ordre particulier ou physique, long, carré ces :s ou tout est faux dans les principes je ne dis pas
deux mots n'expriment rien, parce qu'ils n'expri- i- d'un même livre, mais d'un même ordre car un
ment pas d'idée une. Je cirerai ici un exemple re- livre contient toujours des vérités de plusieurs or-
marquable de cette correspondance de généralités is dres. Comment Condiliac n'a-t-il pas vu que l'ex-
de mots et de pensées méconnue par Condillac à pression, inclinations droites, n'est pas permise,
ttn point qui prouve combien peu ses idées étaient It parce qu'elle est dans la langue; mais ou'elle est
!iS9 PART. I. ECONOM. SOC. LEGISLATION PRIMIT. I.
i. – L1V. II. DES ETRES.
LI'.1'IIJ yyu lvlSA7..
HOO
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T711
VII. Yt_.Al~
t _c "1
Epitres de
W W
..1- saint Paul, se réduit
_I 1 àv cette pro-
Ainsi en consultant la règle générale, ett portion
P développée sous mille formes et
la plus générale des proportions le moyen traduite
tt de mille manières dans la langue
égal aux extrêmes, et construisant ainsi la particulière
P du christianisme ( 1). ) a
proportion générale ou métaphysique Dieu
IX.
est au moyen cherché ce que ce moyen est
à l'homme, ou bien en renversant la propor- Ainsi, depuis dix-huit siècles, la religion
tion commençant par l'homme et finissant chrétienne
cl
CI entretient avec simplicité les
par Dieu, nous trouverons toujours le nom, plus P' petits de ses enfants de ces vérités
et par conséquent l'être Dieu-Homme ou que 91 la méditation la plus sévère du philoso-
Homme-Dieu comme moyen ou médiateur phe P' lassé de contradictions n'aborde qu'en
entre Dieu et l'homme. Cet être prodigieux, tremblant
tr et comme ces terres inconnues
s'il existe, aura un nom, et ce nom ne sera où °' le navigateur est jeté après une longue
pas inconnu aux hommes: je le demande te tempête. Ainsi il se trouve même dans la
aux peuples modernes civilisés, et même les philosophie
P1 ce médiateur ineffable entre
seuls civilisés qu'il y ait et ils me répon- DieuD et l'homme ce ministre universel du
dent qu'il est parmi eux depuis dix-huit pouvoir P' de Dieu sur les hommes, moyen
P* qui tout a été fait et réparé, et la raison
siècles, un signe de contradiction, sujet à la par
lois d'adoration et de scandale je le de- montre m la nécessité de l'être dont la religion
mande au seul peuple de l'antiquité qui ait enseigne
ei l'existence. Qui n'admirerait cette
été civilisé, au peuple le plus ancien dès dt doctrine sublime quihumanise Dieu, qui di-
peuples, au Juif, et il me répond qu'il le vi vinise l'homme qui fait connaître comme
connaît dès les premiers jours du monde D Dieu qui rend présent réellement comme
sous le nom de Messie qu'il l'a attendu et homme (2) cet être auguste fils de Dieu
qu'il l'attend encore dans les derniers temps. et
et fils de l'homme, envoyé par l'un
venu
jx l'autre faisant, dit-il lui-même, la vo-
pour
.VIII. lonté de celui qui l'a envoyé (Joan.
lo
vi, 38) et
Si l'Hômme-Dieu est le moyen ou média- à qui tout pouvoir a été donné
sur le monde
teur cherché entre Dieu et l'homme, on dE des esprits et sur le monde des corps [Matth.
peut donc dire « Dieu est au Dieu-Homme xxnii, xi 18) réunissant dans sa seule
person-
ce que Je Dieu-Homme est à l'homme, » ou ne DE la nature divine et la nature humaine,
bien, l'homme est à l'Homme-Dieu ce que toutes to les grandeurs de la divinité, et toute
l'Homme-Dieu est à Dieu; » comme on dit t l'infirmité
l'i corporelle de l'humanité? Mais
« La cause est au moyen ce que le moyen l'admiration
l'a n'est-elle pas à son comble, lors-
est à l'effet, » ou, « l'effet est au moyen ce qu'on
qi voit cette substance des forts mise
en
que le moyen est à la cause. » Non-seule- lait la; pour nourrir les faibles, et la religion
ment on peut le dire, mais on le dit, quoi- chrétienne
ch déduire de-ces hautes vérités les
qu'en d'autres termes. Tout l'enseignement conséquences
co usuelles les plus utiles au
du christianisme, principalement dans les bonheur
bc de l'homme, à la prospérité des
dans la langue, et permise à ceux qui la parlent, cipes. Elle est générale comme le sont les vérités
cit
parce qu'elle est juste et qu'elle est l'expression géométriques, qui ne cesseraient pas d'être des vé-
gé<
d'une idée vraie? Il croit que le mot a produit l'i- rit générales, même quand il n'y aurait pas un
rités
dée, au lieu de sentir qu'il ne fait que l'exprimer, géomètre au monde, et la religion mahométane,
g&
et l'on dirait qu'il pense qu'il n'eût dépendu que des fût
fût-eile répandue dans tout l'univers, ne serait
inventeurs du langage de dire toat autrement, pour qu'une religion particulière, une opinion de. particu-
qu
que lès hommes dussent penser le contraire de la lier,
lie appelée en grec hérésie.
vérité profonde que Malebranche développe dans ( 1 ) Tout ce qu'il y a de plus mystique, de plus
le passage que nous venons de citer. Je ne cesserai ascétique dans l'enseignement du christianisme,
as(
de répéter combien les expressions, bien ou mal comme tout ce qu'il y a de plus familier dans ses
coi
entendues, influent sur nos jugements. En voici un pratiques, n'est que la traduction en différentes
pr:
autre exemple. Aujourd'hui tous nos sages veulent langues, pour ainsi dire, de cette proportion
lati
être de la religion naturelle, et aucun de la religion L'I
L'homme est à l'Homme-Dieu ce que l'Homme-
catholique. Si. l'on traduisait cette expression de Dieu
Di( est à Dieu.
naturelle par primitive, et l'expression grecque de ( 2 ) i Le sensible, » dit très-bien Maieoranche,
catholique par l'expression française de générale,
qui lui correspond, personne ne pourrait se refuser t« n'est
u pas le solide. «La parole est sensible et n'est
pas solide. L'âme est sensible et n'est pas solide.
pas
sans absurdité à être de la religion générale,ni s'obs- Assurément, dans des moments de passions fortes,
As!
t'iner aujourd'hui à être de la religion du premier quand l'âme parle, et, pour ainsi dire, sort tout
âge. Or la religion chrétienne catholique veut dire qu;
entière
ent par les yeux, et quelquefoismême par toute
la religion générale, non pas à cause de l'universa- l'habitude
l'h; du corps, l'âme est sensible et n'est pas
lité des lieux, mais à cause de la nécessité des pria- solide.
sol
ES Ut, M. Ufi UW«illjU. 11SJ
familles, à là puissance des Etats, les plus êtres semblables de volonté et d'action, mais
êtr
propres à porteries hommes à la vertu à non égaux de volonté et d'action, sont tous,
noi
les détourner du vice, à leur inspirer la mo- pai le fait seul de cette similitude et de cette
par
dération dans la bonne fortune la patience inégalité, dans un système ou ordre néces-
iné
dans l'adversité, la fermeté dans le malheur, sai de volontés et d'actions, appelésociété;
saire
à leur enseigner les devoirs domestiques et carsi l'on supposeégalité de volonté et d'action
car
les devoirs publics, l'amour de Dieu et dans tes êtres, il n'y aura plus de société, tout
dat
l'amour de leurs frères ? Et cependant on ser fort ou tout sera faible et la société n'est
sera
voit des hommes livrés à l'étude de quelques que le rapport de la force à la faiblesse.
qui
sciences particulières, et qui se disent amis IL
de la sagesse, nier hardiment ces vérités sur
lesquelles ils n'ont arrêté que le regard du La société est religieuse ou politique et
mépris et de la haine, et blasphémer ce qu'ils chacune d'elles, peut être considérée en état
c"!
ignorent, détournés, comme dit Bacon, par domestique
doi ou en état public.
un peu de science du but et de l'objet de III
toute philosophie La
1 société est religieuse lorsqu'elle em-
Certes, lorsqu'on méconnaît d'un bout de brasse les rapports de Dieu et de l'homme
l'Europe à l'autre ces vérités nécessaires et elle est politique lorsqu'elle embrasse les
fondamentales de tout ordre social, lorsqu'il des hommes entre eux sous la souve-
rapports
ral
n'y a plus de foi sur la terre, c'est-à-dire de rai
raineté de Dieu. L'état purement domestique
foi extérieure dans les sociétés, dont le plus de la société religieuse s'appelle reîigionna-
grand nombre des gouvernements font de la turelle, et l'état public de cette société est
religion leur moyen, au lieu de ,se regarder chez nous la religion révélée l'état pure-
eux-mêmes comme ses ministres serait-il ment domestique de la société politique s'ap-
rnt
fn(
besoin de se justifier devant des esprits ti- pellefamille,l'état public de la société politi-
mides et des âmes timorées, d'oser soulever pe
qu s'appelle Etat ou gouvernement.
que
un coin du voile qui dérobe ces vérités aux
regards inattentifs? Et y aurait-il des Chré- IV.
tiens d'une foi assez faible pour penser Ainsi la religion naturelle a été la religion
qu'elles seront moins respectées à mesure de la famille primitive considérée avant
.qu'elles seront plus connues (1). tout gouvernement, et la religion révélée
toi
CHAPITRE VIII. est la religion de l'Etat (2).
esi
ûe)
V.
tÇE LA SOCIÉTÉ ET DE SES PROGRÈS.
La connaissance de Dieu venue primiti-
vement
ve par la parole de Dieu même à l'hom-
Dieu«t l'homme, les hommes entre eux, rk et transmise par l'homme à ses descen-
me,
( 1 Il y aurait une égale faiblesse d'esprit à Les
Le e preuves historiques s'affaiblissent, en s'éloi-
rejeter ces démonstrations générales, et à vouloir gnant
gn: des époques qu'elles racontent, comme l'ob-
•les particulariser. Je le répète, ces vérités sont in- jet diminue, à mesure qu'il s'éloigne de notre oeil;
contestables dans la généralité, mais lorsqu'on veut mais les preuves rationnelles augmentent de force,
ma
particulariser, en passant du système moral au sys- parce que la raison s'éclaire davantage, même par
pai
tème physique, la langue manque, et on ne peut plus les erreurs. Ainsi le graiu destiné à la nourriture de
exprimer ce qu'on ne peut pas penser. rh.
l'homme se mûrit également par les glaces de l'hi-
Os considérations sur la religion ne parlent pas vei et par les chaleurs de l'été; ainsi la vérité, pre-
ver
au cœur, me diront les âmes tendres, je le sais mi aliment de- l'homme moral, est, comme les
mier
mais qu'on y prenne garde, il faut commencer par aliments qui servent à la nourriture de son corps,
ali
le coeur l'instruction des enfants, du peuple, des toujours
tôt proportionnée à son âge, lanlôt lait et
sociétés naissantes, où il y a plus d'affection que tantôt
tan pain ainsi les bornes de l'horizon moral, sem-
de raison; mais il faut continuer et achever par blables à celles de l'horizon physique, reculent
bla
la raison l'instruction des hommes éclairés dans les sai cesse devant nos pas.
sans
sociétés avancées, parce qu'à mesure que l'homme Les personnes qui aiment les preuves de senti-
et la société avancent en âge, la raison devient plus ment en trouveront en abondance, ornées de toute;
me
forte et les affections moins vives. Aussi remar- la pompe et de toutes les grâces du style, dans le
quez que saint Paul, en parlant des progrès futurs Génie
(lé. du christianisme. La vérité daus les ouvrages
de l'homme, ne parle que de ceux de l'intelligence, de raisonnement, est un roi à la tête de son armée
lorsqu'il dit que nous verrons la vérité face à face, au jour du combat dans les ouvrages d'imagina-
et que nous connaîtrons, comme nous serons nous- tion, elle est comme une reine au jour de son cou-
lio
mêmes connus. (1 Cor. xui, 12.) Les preuves de sen- ronnement,
roi au milieu de la pompe des fêtes, de
timent s'émoussent chez presque tous les hommes, l'éclat de sa cour, des acclamations des peuples,
l"é<
à mesure qu'ils ont plus vécu, et les désordres des décorations et des parfums, entourée de tout ce
particuliers, fruits de leurs passions, les éloignent qu' y a de magnifique et de gracieux.
qu'il
peut-être de croire à l'auteur de l'ordre général. (( 2 ) Voyez ce que j'ai dit sur le mot nature dans
dants parla parole et avec la parole, produisit le paganisme, religion de plusieursaieux on
dans les premières familles un culte ou ac- plutôt des dieux de plusieurs familles
tion domestique d'adoration de la Divinité qu'elles adorèrent en commun, et la religion1
appelée religion, de religare, ou lien univer-
sel des êtres intelligents. La religion est en-
jjudaïque, religion publique ou plutôt natio-
nale, religion du vrai Dieu, du Dieu un, uni-
core domestique dans les peuplades qui vi- formément
i adoré dans toutes les familles de
vent en familles, et c'est ce qui a été cause cette nation, que l'oppression de maîtres
que quelques voyàgeurs, n'apercevant pas idolâtres et la foi inébranlable aux mêmes
chez elles de culte public, ont conclu qu'elles promesses préservèrent dans un temps de
n'avaient aucune religion. Mais les familles l'idolâtrie, malgré les nombreux exemples
se multiplièrent, se dispersèrent se divisé- qu'elle en avait sous les yeux, et que l'écri-
rent. La connaissance de Dieu, comme nous ture
1 du dogme, moyen merveilleux particu-
l'avons vu, se chargea de vaines imagina- lier au peuple hébreu, en préserva dans la
tions le culte de pratiques bizarres ou suite,
' malgré sa pente prodigieuse à adorer
cruelles, et ces pratiques varièrent dans les 1plusieurs dieux (1).
familles, selon le bonheur ou le malheur des
événements, la reconnaissance ou la crainte VL
des hommes. Cependant les familles qui ha-
bitaient un même territoire ayant des si lareligion patriarcale, si ia.religion
besoins communs à satisfaire ou des dan- jjudaïque
Mais
sont des religions vérité, comme
de
gers communs à éviter, se réunirent en corps soutiennent les
le
1 Chrétiens la vérité fon-
d'Etat pour se défendre ou même pour atta- damentale
( de toute religion véritable, la
quer tout devint public dans ces familles vérité
1 nécessaire à la connaissance de Dieu,
devenues publiques, les fonctions, les évé- de
c l'homme et de leurs rapports, je veux
nements, et les sentiments qu'ils faisaient dire
c le dogme du moyen ou médiateur doit
naître. Alors la religion passa des familles 3y avoir été connu. Or nous voyons dans les
entre lesquelles elle était sujet de division 1livres qui contiennent l'histoire des premiè-
( 1 )
Toutes les expressions de l'Evangile présen- mille
i renonçait à exercer des professions domesti-
lent ce sens partout c'est la loi primitive que le tques, arts ou métiers, pour se dévouer exclusive-
grand législateur vient, non détruire, mais accomplir ment
i à ta profession publique de juger et de com-
(Matth. v, 17); partout c'est Dieu, c'est son fils, battre.
t
c'est sa religion qui doivent être glorifiés, manifes- ( 5 ) Je parle ici des divers états de société pu-
tés, rendus public, annoncés sur les toits, etc. blique,
t tels qu'ils ont existé ou qu'ils existent en-
Pater, clarifica Filium luum,ut Filius clarijicet core
< dans l'univers. Les familles patriarcales étaient
te; manifestavi nomen tuum hominibus (Joan. xvh, en
c état purement domestique, et professaient la re-
i 6), etc.; partout la doctrine de l'Evangile est pré- 1ligion naturelle dans toute sa pureté. Ce passage
sentée sous des idées d'universalité. de généralité, necessaire
i de l'état domestique de société à l'état
et non de localité et de temporalité. Bientôt, dit public
1 est marqué chez tous les peuples par l'agi-
Jésus-Christ, on n'adorera plus ni sur cette montagne ttation et le désordre. La société n'est plus dans
ni à Jérusalem. (Joan. iv, Zl.) Allez par tout l'uni- la
1 famille, et l'état n'est pas encore formé. C'est
vers, dit-il à ses apôtres. enseignez toutes les nations la
1 fièvre des passions qui consume l'homme dans
(Marc, xvi, 15.) La religion chrétienne doit avoir 1 dangereux passage de l'enfance à la virilité. Cette
le
pour lieu l'espace, pour temps la durée, pour dis- époque,
{ que les Hébreux passèrent dans le désert
ciplt'.s la société. ssous la conduite de
Moïse, fut-remplie par des mur-
( i ) Dans la liturgie de la religion chrétienne, imures, des révoltes et un penchant extrême à l'ido-
le sacrifice qui fait la base du culte est appelé ac- lâtrie.
1 Dieu lui-même leur en fait des reproches
tfon par excellence, actio. Quarante
| ans, dit-il, j'ai marché dans le désert avec
(5) Voyez sur la littérature des anciens et des cette génération indocile là où leurs pères m'ont tenté,
modernes, part. V, nn article intitulé Du mérite
<
t j'ai dit Leur cœur s'égare sans cesse.
et i Quadra-
de la littérature. andenne et moderne. tginta annis proximus fui generationi huic, et drxi
(A) Ce qu'on appelait jadis en France Yenno- iSempet lii errant corde, in deserto, ubi tenlàvemtit
bassement n'était pour une famille que le passage me
i vatres vestri. t(Psul. xm, 9, 40.)
de là condition privée à l'état public, puisque la ta-
volonté, de vertu dans son action la société
se civilise et parvient à son état naturel, à
• XV.
Ainsi toute société qui tomne ou reste
l'état de sagesse dans ses lois, de farce et de dans des erreurs graves, déchoit de la civi-
vertu dans ses institutions état de la fin et lisation ou ne peut y parvenir; et telle est
de l'accomplissement, état bon, qui a cons- la correspondance nécessaire de la volonté
titué au moins juqu'à nos jours' la société et des actions qu'il y a de grands désor-
des peuples chrétiens, dres partout où il y a de grandes erreurs, et
XII. de grandes erreurs partout où i I y a de grands
Le progrès de la civilisation et celui de la désordres (2).
raison de l'homme ne sont donc que le dé- XVI.
veloppement de la vérité morale, comme la La connaissance de la vérité dans la so-
politesse dans un peuple est le développe- ciété est proportionnée à l'état de la société,
ment des véritésphysiques. Ainsi une société
comme la connaissance de la vérité dans
peut être policée sans être civilisée, comme l'homme est relative à son âge. Ainsi la re-
l'homme peut être très-habile dans les arts ligion naturelle a dû être connue avant la
sens en être plus raisonnable (1). religion révélée ainsi le pouvoir domesti-
XIII. que a été connu avant le pouvoir public, et
Ainsi ce n'est pas le progrès de la civili- le devoir d'obéir a été prescrit aux enfants
sation qui développe la connaissance de la avant de l'être aux sujets.
vérité mais c'est la connaissance de la vé- XVII.
rité qui hâte le progrès de la civilisation.
Ainsi tout peuple chez lequel le pouvoir
XIV. domestique est plus développé que le pou-
L'absence de toute vérité constitue l'igno- voir public, est un peuple encore dans l'état
rance de l'homme et la barbarie de la so- d'enfance ou voisin de cet état; et par la.
ciété. Le défaut de développement de la vé- raison contraire, on doit regarder comme e
rité produit l'erreur dans l'homme et le très-avancé, et peut-être trop avancé dans
désordre dans la société. la vie sociale, tout peuple chez lequel le
(1 ) L'histoire de toutes les sciences n'est que Esprit n'avait marquéquecelle-là,etilscnsonl rendu
l'histoire de leurs progrès. Le christianisme,, qui a des raisons lelk&qu'ils rontpuen leur temps.* {Hitf.
donné la pleine et parfaite connaissance des per- des variât.)
sonnes sociales et de leurs rapports, n'est lui- ^2) Cette réflexion est applicable à l'état pré-
m'ême, depuis la publication du livre qui contient sent de l'Europe. Les désordres effroyables qu'il y
le germe de toutes les vérités morales ou sociales., a eu. en France, produit inévitable des erreurs
jusqu'aux actes de ses dernières assemblées, et aux monstrueusesde la philosophie moderne, sont à la
écrits de ses derniers docteurs, qu'un long déve- porte de tous les Etats. L'Europe, avec ses prin-
loppement de la vérité, semblable, dit son fonda- cipes sur la souveraine:é, son goût exclusif pour le
teur, au grain qui mûrit on à la pâte qui fermente. commerce et l'argent, la prééminence donnée aux
( Luc. xui, 19, 2t.) C'est là l'écueil où l'orgueil et sciences physiques sur les sciences morales, et aux
l'ignorance des novateursont fait un triste naufrage. plaisirs sur les devoirs, et surtout la haine qui se
Faute d'avoir connu ce développement nécessaire, manifeste de tous côtés contre la religion chré-
ils ont taxé d'inventions modernes des institutions tienne que l'on bannit, ou peu s'en faut, de l'édu-
moins aperçues dans les premiers temps, et plus cation; l'Europe, pour un observateur attentif, est
publiques dans le nôtre. Ainsi les athées ont re- dans un état contre nature, où elle ne saurait res-
gardé comme d'antiques inventions les dogmes de ter. Elle en sortira, et s'il le faut, par des mal-
l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'âme, des heurs. Leibnitz, après avoir annoncé, au commen-
peines et des récompenses de l'autre vie, parce cement du siècle dernier, la révolution qui en me-
qu'ils ne les voient pas aussi distinctement mar- naçait la fin, dit « Tout à la fin doit tourner pour
qués dans les livres saints au temps de la religion le mieux. » Pensée profondément vraie, parce que
patriarcale, que sous le christianismeet dans les le bien est la fin des êtres. Voltaire a ridiculisé cet
ouvrages de saint Augustin et de Leibnitz. Ces vé- optimisme qu'il [n'a pas compris, parce qu'il a ap-
rités fondamentales, publiées depuis sur les toits, pliqué à l'homme ce qu'il ne faut. entendre que de
étaient, sous le règne de la religion patriarcale, la société. Cette doctrine se trouve tout entière dans
conservées dans la famille même sous le christia- ces paroles de l'Evangile: H est nécessaire que le
nisme, Ja vérité a eu ses progrès et son développe- scandale arrive [Mailh. xviii, 7) ce qui veut dire
ment. Ses premiers docteurs connaissaient toutes que lés révolutions, qui sont les grands scandales
les vérités que nous connaissons mais ils ne con- de la société, ramènent au bien, car il n'y a que le
naissaient de ces vérités que ce qui était nécessaire bien de nécessaire. Dans une révolution, les hom-
au temps où ils vivaient, et nous connaissons de mes, fatigués de marcher, voudraient s'arrêter au
p'us ce qui est devenu nécessaire au nôtre. Les moins mal qu'ils prennent pour le bien, et qu'ils
vérités dogmatiques sont plus et non pas mieux ex- regardent comme un lieu de repos; marche, leur
pliquées oans le concile de Trente que dans les crie la nature, qui ne tient pas compte de leurs fa-
premiers conciles, et Bossuet lui-même dit en par- tigues, et qui n'a placé le repos qu'au terme, à la
tant des premiers Pères de l'Eglise « Ils se sont perfection.
élonnés pourquoi parmi tant d'hérésies, le Sainte
pouvoir public s'est développé aux dépens t mencement, toujours nouvelledans ses dé-
i
du pouvoir domestique (1).. veloppements
•*
successifs.
'XV1H. XX.
L'autorité dans l'homme forme la raison,
en éclairant l'esprit par la connaissance de
– Ainsi toute opinion qui se lie à une vérité
la vérité; l'autorité a mis dans la société le antérieurement
1 connue, peut être une er-
germe de la civilisation, en fixant et rendant reur
r ou une vérité mal ou peu développée
publique la connaissance de la vérité vérité mais une opinion qui ne se lie à aucune vé-
révélée à la première famille, et transmise rité] est un monstre, n'est rien. L'idolâtrie
au commencement par la parole de généra- doration
est
f une fausse application du dogme de l'a-
tion en génération; vérité fixée plus tard et ( due à la Divinité, et se lie ainsi à
transmise par l'écriture, lorsque les familles une
] vérité fondamentale de la société mais
lie l'opinion de
ont passé à l'état public, et se sont formées à` quelle vérité antérieure se
1l'athéisme, ou celle qu'il ne faut point par-
en corps de nation. En effet, l'analogie est
sensible ici entre le moyen et son effet. L'é- 1ler de religion à un enfant avant quinze ou
criture est le moyen public de transmission, dix-huit
( ans, qu'il faut séparer avec soin
dans un Etat, le religieux^ du civil, ou enfin
comme la parole est le moyen domestique, (
les enfants ne doivent plus rien à leurs
parce que la parole n'est entendue que d'un (que
petit nombre d'hommes présents, parmi les- parents, dès qu'ils peuvent se passer de leurs
quels e.le s'altère aisément lorsqu'elle est soins
* (4)?.
confiée à la tradition, au lieu que l'écriture XXI.
fixe la parole pour tous les hommes absents Si le temps amène le développement de la
ou présents, pour tous les temps et pour vérité, i l'homme qui la développe aujour-
tous les lieux, et- fait même converser les d'hui< n'a pas plus d'intelligence que celui
vivants avec les morts ( 2 ). C'est parce que qui( l'a développée hier; mais il a l'intelli-
les lois ont une origine commune, et que gence { de plus de vérités, parce que venu
les hommes en ont altéré la tradition plus
j tard, il trouve plus de vérités connues,
qu'on retrouve partout des principes con- et <
même on pourrait penser qu'à mesure que
formes et des applications différentes (3). la
1 société avance et que la vérité se déve-
XIX. 1loppe, il faut à l'homme moins d'intelligence
Ainsi la vérité est, comme l'homme et pour 1 faire faire à la vérité de nouveaux pro-
comme la société, un germe qui se déve- grès, S parce qu'on y voit mieux pour avancer
loppe par la succession des temps et des 1lorsqu'on est éclairé par plus de lumière.
hommes, toujours ancienne dans son com-
Ainsi la vitesse des corps tombants est accé-
(1) On peut remarquer un grand étalage d'af- L'homme ne peut s'instruire lui-même; je veux
fections domestiques dans toutes les sectes et chez dire< inventer ses pensées et les paroles qui les ex-
tous les peuples qui veulent ramener la religion 1 priment donc il a été instruit et a reçu la parole
domestique dans la société publique, et en même <d'un être plus sage que lui.
temps une grande indifférence pour les devoirs pu- Or, cetêtre puissant n'a pu le créer que pour le
blics. Chez ces peuples, la profession du commerce <conserver, cet être sage n'a pu l'instruire que pour
est plus honorée que celle des armes, et même le 1 perfectionner; donc il lui a appris des .paroles
que celle du magistrat. de
< vérité et de raison, etc. Voilà la révélation et sa
(2) Lorsque Jésus-Christ, dans l'Evangile, veut nécessité.
] Elle roule sur un fait que la raison dé-
rappeler les hommes à quelque devoir important, montre, et que l'expérience confirme, savoir, qu<î
il ne leur dit pas II est juste, il est naturel, etc., 1l'homme est toujours passif dans son instruction
mais II est écrit, scriptum est. première
] comme il l'a été dans la production de son
(3) Il n'y a tout à la fois rien de plus aisé à1 corps,
<
qu'il est enseigné et produit. Ainsi, comme
établir par le raisonnement, que la nécessité de la l'homme le plus foit et le plus adroit est celui
révélation, rien de plus impossible à se figurer qui développe le mieux les organes qu'il a reçus
pour l'imagination, que les moyens de la révéla- avec la vie, le plus grand génie est celui qui tire le
tion car comment imaginer, ou se figurer les plus de conséquences des premières instructions
moyens de la première transmission de la parole, qu'il a reçues. Quant au fait de la transmission
lorsque nous ne pouvons nous mêmes rien com- nécessaire- de la parole, moyen de toute instruction,,
prendre aux moyens par lesquels notre parole, il peut être physiquement ou plutôt physiologique-
transmise à l'enfant, réveille ou fait naître dans ment démontré que l'homme a besoin de parole,
son esprit des pensées correspondantesà nos peu- même pour penser; ce qui exclut même la possibi-
sées? Et cette faculté prodigieuse de la mémoire, lité de l'invention de la parole.
ce dépôt immense de mots et de faits, est-il plus (4-) Hérésie veut dire opinion particulière et
aisé à comprendre pour ceux qui ne veulent croire locale; vérité, une opinion générale ou naturelle.
que ce qu'ils comprennent? Quant à la nécessité de Gicérôn les distingue très-bien, lorsqu'il dit Opi-
la révélation, elle est évidente pour la raison. nionum commenta delet dûs, nalurœ judicia confir~
L'homme ne peut se faire lui-même, donc il a été mat « Le temps fait disparaître les vaines erreurs
fait, donc il a reçu l'être d'un être plus puissant des opinions humaines, et confirme les jugement*
que lui. de la nature, t
léréeen raison croissante de la durée de 1° Cette proportion générale, traduite dans
leur chute (1). la langue particulière de la société religieu-
XXII. se, devient celle-ci « Dieu a envoyé son
Si la perfection est la fin des êtres l'hom- Fils, nomme son Fils envoie ses ministres: »
me tend invinciblement à la raison et la Sicut me misit Pater, et ego mitto vos. (Joan
société à la civilisation. L'inquiétude 'dans xx, 21) et cette autre qui en est le complé-
l'homme, le trouble dans la société, sont les ment « Jésus-Christ est à ses ministres ce
symptômes infaillibles de cette tendance né- que ses ministres sont aux fidèles » pro-
cessaire vers leur fin naturelle. L'homme portion que l'on retrouve aussi dans ces pa-
est malheureux par ses passions qui l'écar- roles de l'Evangile Enseignez aux homrres
tent de la saine raison; la société esttrou- ce que vous avez appris de moi et donnez
blée par les erreurs et les désordres qui comme. vous avez reçu. et ailleurs Nous
l'éloignent de la parfaite civilisation « Car remplissons à votre égard le ministère de
si le législateur, se trompant dans son objet, » Jésus-Christ « Pro Christo legatione fungi-
dit très-bien J.-J. Rousseau, « établit un mur. » (Il Cor. v, 20.) Ces deux propor-
principe différent de celui qui naît de la tions constituent les personnes de la société
nature des choses, l'Etat ne cessera d'être religieuse, et l'ordre de leurs rapports.
agité jusqu'à ce qu'il soit détruit ou changé, 2° La proportion générale, « le pouvoir est
et que l'invincible nature ait repris son em- au ministre ce que le ministre est au su- h
pire. » Mais tous les principes naturels s'é- jet,
j » traduite dans la langue particulière
tablissent, parce que toutes les vérités se dé- de la société domestique devient celle-ci
couvrent; « car les vérités morales, » dit Ch. « Le père est à la mère ce que la mère est à
Bonnet,«sonttoutesenveloppéeslesunes dans l'enfant; » proportionqui constitue les per-
les autres et la méditation parvient tôt ou sonnes
1 domestiques et l'ordre de leurs
tard à les en extraire. » jrapports (2),
Enfin la proportion de la société en gé-
3°
CHAPITRE IX.
néral, « le pouvoir est au ministre, » etc.,
DES DIVERS ÉTATS DE SOCIÉTÉ. traduite
( dans la langue particulière do la
I. société
s politique, devient celle-ci « Le chef,
prince, empereur, roi, kan etc., est à ses
La société en général c'est-à-dire l'ordre magistrats
général des êtres sociaux et de leurs rapports, j ou officiers ce que ceux-ci sont
aux
a sujets; » proportion qui constitue les
est exprimé dans cette proportion générale publiques-politiques, et l'ordre
Le pouvoirest au ministre comme le ministre personnes
1
de leurs rapports ( 3 ). Dans ces trois pro-
estau sujet; proportion qui n'est, comme nous Eportions particulières, qui ne sont chacune
l'avons vu, que la traduction, en langage. 1
la traduction différente de la proportion
particulier à la société, de cette autre pro- que E
générale du pouvoir, traduite elle-même de
portion générale exprimée dans le langage le t[ proportion universelle
la de la cause, est toutt
plus abstrait ou le plus analytique La cause
l'ordre
1 des êtres en société.
est au moyen ce que le moyen est à l'effet.
~he- pouvoir, le ministre, le sujet s'appellent, III.“
les personnes de la société. Ainsi cette proportion générale, « la cause
estau
( moyen ce que le moyeu est à l'effet »
II. peut
1 être considérée comme une expression
Cette proportion, qui exprime l'ordre gé- algébrique,
s a b B c dont on fait l'ap-
néral, se traduiten un langage particulieraux plicalion
} à toutes sortes de valeurs particu-
divers états ou ordres de la société. lières.
1
UVRE IL
DE LA LOI GÉNÉRALE ET DE SON APPLICATION AUX ÉTATS PARTICULIERS
DE LA SOCIÉTÉ.
( 1 ) Il a été, de tout temps, si généralement re- mis quelques souvenirs confus de ce qu'ils appel-
connu que le caractère essentiel de l'homme, celui lent l'invention de l'écriture des sons, qu'il faut
qui le distingue des animaux, est la parole, expres- bien distinguer de l'écriture des hiéroglyphes, qui
sion de son intelligence, que l'enfant n'est désigné est un dessin.de contours. Deux écritures, dont
que par la privation de la parole, infans, d'in, pri- l'une dessine les formes, l'autre exprime les sons,
vatif, et de fart, parler. Les anciens disaient muta sont séparées l'une de l'autre par l'infini, et l'une
animalia, les animaux muets, pour dire des ani- par conséquent n'a jamais pu naître de l'autre; çar
maux sans raison. Deus, ille princeps parensque on ne peut pas plus faire ouïr une figure que figu-
reruni, nulla mugis liominem distinxit a cœleris rer un >-on, et la musique elle-même ne figure pas
animalibus quant dicendi facultate. i La faculté de les sans, mais ne fait que noter les tons, ou l'in-
parler est la différence essentielle par laquelle le tervalle entre les sons.
Créateur et li Souverain des êtres a distingué Thaut, Hermès., Mercure Trismégiste, à qui les
l'homme des autres êtres, dit Quintilien. Grecs faisaient honneur de l'invention de l'écriture,
( 2) Cette comparaison est parfaitement exacte, ne sont que des noms de la Divinité, et les Phéni-
et la parole, entrant dans notre esprit, y distingue ciens, les premiers chez qui cet art a été répandu,
toutes nos pensées, et nous les rend présentes à ne sont que les Hébreux. L'art de l'écriture, pour
nous-mêmes, cqmme la lumière, en entrant dans qui le médite, est plus merveilleux que l'art de la
un lieu obscur, y colore tous les corps, et nous parole, puisqu'il a une merveille de plus. Aussi, dit
les représente tous, et même notre propre corps. Duclos, t l'écriture n'est pas née comme le langa-
De là viennent ces locutions communes à toutes ge, par une progression lente et insensible, elle a
les langues, être éclairé, avoir des lumières, esprit été bien des siècles avant que de naître mais elle
lumineux, et ..colle,comparaison perpétuelle de l'es- est est née tout à coup, et comme ta lumière. Une
prit à la lumière. Voy. part. III, OEuv. phil. visser- fois conçu, cet art dut être formé en même temps. »
tation intitulée Sur la vensée de l'homme. Le philosophe a raison, et cela même prouve que
( 3 ) La parote est le moyen familier ou domes- l'homme, condamné à inventer lentement, n'a pas
tique de communication des pensées, puisqu'il plus inventé l'écriture que la parole. En un mot,
suppose des hommes en petit nombre, et habituel- deux arts, l'art rie parler et l'art d'écrire, sans les-
lement rapprochés. L'écriture est le moyen public quels la société ne saurait naître et se perfection-
qui transmet les pensées à la généralité des hom- ner, ne peuvent pas avoir été laissés à l'invention
mes, et qui fait même parier ceux qui ne sont plus contingente de l'homme; car, si l'homme les a in-
pour l'instruction de ceux qui ne sont pas encore. ventés de lui-même, il pouvait ne pas les inventer;
La parole avait dit au meurtrier domestique, à la société pouvait donc ne pas exister or la so-
l'assassin de son frère Qu'as-tu fait? Tu seras er- ciété est nécessaire donc, etc. Ce raisonnement
rant et vagabond (Gen. tv, 10, 12), avant que l'é- peut s'appliquer au petit nombre des arts nécessai-
criture eût fixé et rendu publique la loi Tu ne tueras res, à prendre ce mot dans une acception rigou-
pas.(Exod: xx, 13.)C'eslune vérité fondamentale que reuse. Aussi les anciens attribuaient-ils aux dieux
la révélation de la loi a d'aburdété orale dans la fa l'invention de l'art de l'agriculture, et celui qu'elle
mille, plus tard écrite pour les nations,et encore sous suppose nécessairement, l'art de fondre les métaux;
nos yeux, t'homme n'est-it pas instruit par la pa- car, quoiqu'un peuple naissant puisse vivre de
role avant de l'être par l'écriture? chasse et de pêche, un peuple avancé ne saurait
( & ) Comme l'écriture est plus récente dans le subsister sans agriculture de même un peuple ne
monde que la parole, les anciens nous ont trans- saurait à la longue se passer dé lois écrites, qtioi-
autres sociétés au monde n'ont retenu toute chrétienne, qui s'étend partout, et règne
la loi orale, que celles qui ont connu la loi sur toutes les autres sociétés par la force de
écrite (1). son industrie, de ses lumières, de sa raison,
VI. de ses armes, de sa religion et de sa politi-
Cette loi, transmise à l'homme au moyen que, sont les sociétés où nous devons trou-
de la parole, fixée au moyen de l'écriture, ver la révélation de la loi écrite, ou autre-
de par l'autorité de l'Etre tout-puissant et ment l'écriture de la loi générale, dont tous
les autres peuples nous offrent dans leurs
tout sage souverain de la société, cette loi lois locales une connaissance imparfaite.
est vraie, naturelle, parfaite comme son au-
teur. Or, la perfection étant la fin des êtres, IX.
l'état auquel ils tendent invinciblement, et le
Effectivement les Juifs et les Chrétiens
seul par conséquent où ils puissent trouver
le repos et la stabilité, nous devons trouver nous montrent un livre, le plus ancien qui
soit connu, sublime dans les pensées, dans
la connaissance entière et I'écriture de cette
les sentiments, dans le style, qui nous fait
.'
loi (s'il existe une loi semblable) dans les
sociétés les plus stables et les plus fortes.
connaître Dieu et l'homme et qui nous
instruit dans un petit nombre d'axiomes des
vu. rapports naturels et généraux des personnes
La question se réduit donc à des preuves sociales entre elles, et de ces lois fondamen-
de fait, et pour trouver la vérité (et la vérité tales, dont nous retrouvons des vestiges plus
existe dans le monde, puisque le mot vérité ou moins altérés jusque dans les sociétés les
existe dans la langue), pour trouver la vérité, plus ignorantes et les plus corrompues.
il faut chercher la force. Je dis la force et x
non la violence, car là violence se trouve
Ainsi c'est un fait que le Pentateuque est
avec la faiblesse; mais la force n'existe le livre
qu'avec la raison. le plus ancien qui nous soit connu,
celui où J'on trouve le plus de hautes pensées
VIII. exprimées dans le style le plus simple, et les
Or la société judaïc]ue,«quecinq mille ans,» plus grandes images rendues dans le style
dit J.-J. Rousseau, « n'ont pu détruire ni le plus magnifique. C'est un fait qu'il n'existe
roêïnealtérer, et qui est à l'épreuve du temps, que chez les Juifs et chez les Chrétiens; c'est
de la fortune et des conquérants. dont les un fait qu'il contient dix lois énonciatives
lois et les mœurs (c'est-à-dire, les lois de des rapports fondamentaux de la société,
famille et d'état) subsistent encore, et dure- lois dont on aperçoit des traces chez tous les
ront autant que le monde, et
la société peuples de la terre c'est un fait qu'il n'y a
qu'il ait vécu dans son enfance avec des lois orales nations, assises dans l'ombre de la mort, ne peu-
ou des coutumes. L'imprimerie est devenue néces- vent plus marcher. qu'à sa lumière. (Luc. i, 79.) Et
saire à l'état des hommes et aux progrès de la so- remarquez l'étonnante justesse de ces expressions
ciété on peut en dire autant de la boussole; mais des livres saints les nations barbares sont assises,
l'une et l'autre ne sont que des conséquences aisées et les nations civilisées marchent. La paresse et
à déduire, l'une de l'art d'écrire, l'autre de la pro- l'indolence sont le caractère dominant des peuples
priété connue de l'aimant. sauvages, l'activité soutenue celui des peuples ci-
( 1) Les peuple les plus célèbres de 1' .(iniquité, vilisés. Résumons-nous la révélation de la loi est
et les hommes les plus savants chez les païens, ont naturelle à l'homme qui ne peut connaître la vérité
vécu dans une ignorance déplorable, non de l'exi que par la parole, et elle est nécessaire à la société
tence d'une loi, mais des dispositions,de la loi na- qui ne peut se civiliser que par la connaissance de
turelle, dont une tradition obscure avait conservé la loi.
parmi eux un souvenir défiguré par des applications ,Les Juifs ont eu des lois dures, des Etats chré-
vicieuses. Ainsi ils avaient retenu le dogme de tiens ont eu des lois imparfaites mais ni les uns
l'existence de l.i Divinité, et ils en avaient fait l'i- ui les autres n'ont eu de lois contre nature, im-
dolâtrie le dogme du s crifice, et ils en avaient pies, atroces, abominables comme les Grecs et les
fait l'homicide; le dogme du pouvoir paternel, et Romains, et encore comme les Chinois et les Japo-
ils en avaient fait le despotisme, et le droit sur la nais. L'esclavage toléré dans les colonies chrétien-
vie même de ses enf.mls; le dogme du pouvoir po- nes ne ressemble que de nom à l'esclavage pratiqué
litique, et ils en avaient fait l'esclavage la défense chez les païens. Là, l'esclave était hors de la loi
de l'adultère, et il en avaient t'ait le divorce, etc., commune à tous les citoyens, hors de la société
etc. Or, cette expérience est décisive, parée qu'elle par conséquent, et il ne trouvait pas dans le pou-
a été faite sur les peuples les plus éclairés de l'anti- voir public d'asile contre l'oppression du pouvoir
quité païenne, et qu'elle ne peut plus être répétée, domestique auquel il était soumis. Ici, l'esclave
aujourd'hui que la religion chrétienne ayant éclairé fait moins que chez les anciens partie de la famille;
de proche en proche tous les peuples, toute con- mais il est beaucoup plus sujet de l'Etat,-puisqu'il
naissance pleine et entière de la loi primitive ne est protégé dans sa personne et dans ses propriétés
peut désormais venir que d'elle. et que- toutes les par les mêmes lois qui protègent les citoyens
jamais eu de civilisation au monde, c'est-à- taillée,
ta ni aucune figure de choses qui sont
dire de raison ( 1 ) dans les lois, et de force so le ciel, sur la terre et dans les eaux,
sous
dans les institutions, que dans les sociétés pc les adorer et pour les servir (3).
pour
juive et chrétienne, les senles de toutes gui 2° Tu ne prendras point le nom du Sei-
n'aient pas eu de lois fausses, absurdes, gneur
gn ton Dieu en vain le Seigneur ne tien-
atroces, contraires à la nature des êtres et de dr pas pour innocent celui qui aura pris
dra
leurs rapports, et tous ces faits, si l'on y en vain le nom du Seigneur son Dieu.
en
prend garde, et si l'on a bien suivi la chaîne 3° Souviens-toi de sanctifier le jour du
des raisonnements, tiennent au fait, au seul sabbat;
sa tu travailleras et feras tous tes ouvra-
fait de la nécessité physique de la transmis- ge pendant six jours. Le septième est le
ges
sion ou de la révélation de la parole, et de jour
jo du repos du Seigneur. Tu ne feras au-
l'impossibilité de son invention. cune œuvre en ce jour, ni toi, ni ton fils, ni
cv
ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni
xi
)(1 te .,bestiaux, ni. l'étranger qui est parmi
tes
Voici cette loi primitive et générale, cette vous (4).
vc
loi naturelle, parfaite, divine (tous mots 4° Honore ton père et ta mère, afin que tu
synonymes), telle qu'elle se trouve au livre vi
vives longtemps sur la terre que le Seigneur
des révélations divines, conservé chez les ton Dieu t'a donnée.
to
Juifs et chez les: Chrétiens avec une re- 5° Tu ne tueras pas.
ligieuse fidélité, quoique dans des vues 6° Tu ne commettras point d'adultère.
différentes et même opposées, et porté par 7° Tune déroberas pas.
les uns et par les autres dans tout l'uni- 8° Tu ne porteras point faux témoignage
vers (2). contre
c( ton prochain.
1° Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai 9" Tu. ne désireras point la femme de ton
tiré de la maison de servitude et de la terre p,
prochain.
£ Egypte. Tu n'auras point d'autre Dieu de- 10° Tu ne désireraspoint sa maison, m son
vant ma face tu ne te feras point, d'image servitetcr,
st ni sa servante, ni son bœuf, ni son
\l) Je dis raison des lois, et non pas esprit des les le adorer et de les servir, et que le christianisme
lois car y y a de l'esprit, même aux lois les plus fait fa la même défense. La loi des Juifs multipliait les
contraires à loute raison. fr
freins pour retenir un peuple-enfant entouré d'idô-
( 2 ) L'existence des Juifs a quelque chose de si lâtres,
la et toujours enclin à demander qu'on lui fit
extraordinaire, qu'elle ne peut être expliquée que des
dl dieux qui marchassentdevant lui. Le législateur
par la nécessité d'attester à tous les peuples de prenait pi des précautions contre la contagion de l'i-
l'univers, et dans tous les temps de sa durée, Tau- dolâtrie,
di comme On en prend, dans nos gouverne-
llienlicité d'une toi écrite pour tous les peuples et ments m modernes, contre la contagion de la peste.
pour tous les temps. C'est, la branche aînée de la (4) La religion chrétienne, loi de grâce et de
grande famille, et elle a le dépôt des titres origi- liberté,
li! développe d'une manière moins servile l'o-
naux. Cela a été dit cent fois et toujours avec raison bligation
bl du repos hebdomadaire. Elle défend de
mais, comme l'observe un homme d'esprit, les travailler
tr pour soi, ou le travail domestique; mais
pensées -vieillissent par t'usage, et les mots par le elle el ordonne ou permet l'action pour le général ou
non-'usagc.» le service public (car l'homme travaille pour la fa-
[ 3 ) Je. suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai tiré de mille m et agit pour l'Etat), dans les fonctions reli-
la maison de servitude. Lps Hébreux avaient été gieuses, g! et même, s'il le faut, dans les fonctions po-
tirés de la servitude sous laquelle ils vivaient litiques
li de juger et de combattre. Cependant elle
en Egypte; mais tout peuple qui se civilise est permet
p. tout travail domestique nécessaire à la
aussi tiré de la maison de servitude, c'est-à-dire subsistance
si de l'homme, et quelquefois même à la
de l'état domestique, état faible et précaire conservation ci de ses biens. La religion juive faisait
des sociétés naissantes, pour passer à la liberté, à vaquer
y, les mains, la religion chrétienne veut occu-
la dignité, à la force, à l'état public et fixe d'un per p le cœur. Les Juifs, retombés dans la servitude
peuple civilisé. Ainsi tout peuple qui déchoit de la religieuse
ri et politique, ont ajouté le ridicule rigo-
civilisation en perdant la connaissance des lois. de risme ri des observances pharisaïques à la rigueur de
t'ordre naturel des sociétés religieuses ou politi- la U loi; mais nos administrations soi-disant chré-
ques, retombe dans la servitude de ses passions, et tiennes ti s'en écartent trop souvent sans nécessité.
quelquefois sous la domination de ses voisins. Ainsi 11 11 vaut mieux, disent quelques hommes peu éclai-
la Pologne déchue de la fixité du pouvoir, loi ton- rés ri que t'homme travaille que de s'enivrer, à peu
damentale de la société, a vécu dans le trouble, et près p comme on dit en Angleterre, pour excuser
fini, comme l'empire romain, par le démembrement. l'imperfection
1' des lois contre le vol, qu'il vaut
Ainsi les sociétés religieuses écartées de la loi fou- mieux n que l'on vole que d'assassiner. L'adminis-
damentale de l'unité, après avoir vécu dans la dis- tration ti n'existe que pour empêcher tous les désor-
pute et la guerre; se partagent en diverses opinions, dres, d et les plus grands et ceux qui le sont moins.
et finissent par disparaître.. 0
On ue s'enivre pas en Espagne, et après tout, s'il
11 y a aujourd'hui si peu d'instruction religieuse, faut
f: choisir, Un peuple d'ivrognes vaut mieux qu'un
qu'il doit être permis de remarquer que la religion peuple p d'athées. Des administrations faibles, inha-
chrétienne ne contredit pas la loi mosaïque, quoi- biles b à gouvernerles hommes, veulent les distraire,
qu'eue permette des représentations matérielles de et e ne font que les corrompre.
la Divinité, parée que la loi mosaïque défendait de "'
âne. ni aucune autre chose qui lui appartienne
( 1 ). [Exod. xx, 2 seqq.)
ï de la société. Declaratio sermonum tuorum
/'' •' XII.
iltuminat, et intèlléctum dat parvulis. (Psal,
cxvnr, 130.) Et comme l'écriture donne ufï
corps la parole, en la mettant sous les sens,
Ces paroles, déclaration écrite des per- on peut,
sonnes sociales et de leurs rapports naturels,
avec Ch. Bonnet, appeler la loi
écrite « l'expression même physique de la
sont la promulgation de la vérité, l'institu- volonté de Dieu, » de
la volonté du plus
tion de la raison humaine et le fondement général des êtres (2). On
peut donc définir
(1) L'existence d'urse loi primitive, donnée par qui régnent encore chez quelques peuples. Certes.
Dieu même, n'a pas élé inconnue aux philosophes
même païens. Les familles, en se séparant, avaient ce sont là des voies naturelles, puisqu'elles sontt
encore les seuls moyens qui nous soient connus,
emporté leur part de l'héritage paternel, donjt elles par lesquels les hommes se transmettent les
ont, retenu quelque chose dans l'état du peuple. aux autres leurs connaissances, et assurémentuns
ést,: dit Cicéron dans il
'< 11
ce heaù passage que est naturel de penser que l'être qui a formé l'hom-
Lactancè nous a conservé du Traité sur les lois,
me n'a pas laissé les moyens de le conserver au ha-
< il est une loi véritable qui est le rapport vrai des sard de ses inventions. Et comment
êtres, loi conforme à la nature, partout répandue main eût-il été jusqu'à la le genre hu-
et partout la même, éternelle, immuable, qui nous première n'eût seconde génération, si la
eu tous les moyens nécessaires de
porte au bien parses injonctions, qui nous détourne conservation, entre lesquels l'art de la
du mat par ses prohibitions. Il n'est permis ni de donne la connaissance de la parole, qui
règle, est le premier?
la changer pour une meilleure, ni de t'abroger l
en Car homme, dit la souveraine raison, ne vit pas
entier, ni même d'y déroger en la moindre chose. seulement de pain, mais de
Ni le sénat, ni le peuple n'ont le pouvoir de toute parole qui vient de
nous Dieu. (Matih. iv, 4.) Ce qui veut dire
délier des obligations qu'elle nous impose. L'au- sont aussi nécessaires que les lois
que les aliments pour per-
teur, le promulgateur, l'interprète de cette loi est pétuer le genre humain» Or, la raison
Dieu même, maître. universel et souverain du toute connaissance repousse
humain. i: Est quidem vera lex, ratio genre de la loi qui serait innée, comme
congtuens, diffusa in omnes, conslans,recta, naturœ l'est le besoin de manger et de boire; car si la con-
sempitema, naissance de la loi était ainsi innée gravée
quœ vocet ad officium jubendo, veiando a fraude de- yy fond des cœurs, nous saurions on au
terreal. Huic legi nec abrogari fus est, neque dero- nous savons manger et boire; tousloin la loi, comme
gari ex hac aliquidlicet neque Iota abrogari potest. nous faire violence et qu'il fallût
Née' veto aul per senalum aul pour l'observer, ce ne serait
per populum solvi hac qu'avec de grands efforts sur nous-mêmes que nous
lege possumus. Unusque est communis quasi ma- pourrions l'enfreindre,
gisier et imperator omnium Deus Me, legis hujus faisant comme ce n'est qu'en nous
violence que nous nous abstenons de toute
inventor, disceptator, lalor, etc. nourriture. Une autre preuve que la connaissance
Mais Gicérpn, qui a des idées si relevées delà loi de la loi est acquise comme toute autre, est
<
divine, n'en avait pas vu le texte; il la croyait, que
inous l'exprimons chacun dans la langue qui
comme nos 'philosophes, écrite seulement au fond inous a été enseignée. Des philosophes qui,
des coeurs, et ne soupçonnait pas que ce qu'il en rie, en théo-
savait n'était venu jusqu'à lui que par cette tradi- i ne nient pas la Divinité, ne croient pas néces-
ssaire son intervention dans la société, et attribuent
tion oralequi a précédé l'écriture chez tous les peu- la
1 souveraineté à l'homme pris collectivement,
pies, et qui défigurée à la longue par la négligence ou
aau peuple. Mais ont-ils réfléchi aux conséquences
des hommes, le malheur des temps, les variations de
du langage, la dispersion des familles, a produit les
d ces principes? Si le peuple est souverain légi-
time,
t toutes les lois faites par le peuple ou au nom
lois absurdes des Grecs et des, Romains, comme d peuple sont bonnes, et la loi de l'infanticide,
du
celle de la Chine et du Japon; car il faut une loi à pporte ou que souffre un peuple pour borner l'excès:
que
l'homme, puisqu'il lui faut une société. Là où la d sa population, est aussi bonne que celle qu'il
de
loi vraie sera oubliée, il naîtra nécessairement des porte
lois fausses et contre nature. Ainsi, si la loi reli- p pour encourager les mariages. Si l'on dit
qu'il
q y y a une loi naturelle à laquelle le peuple doit
gieuse et politique qui consacre l'enfant à Dieu par conformer
c ses.lois, ce- souverain reçoit des lois, et
le baplême. venait à être abolie, on verrait naître, nnous remontons à la Divinité, souveraine du peuple
même en Europe, l'horrible coutume de l'iiiCantici- souverain.
s Si l'on soutient que cette loi naturelle
de, et déjà nous avons vu port atteinte à la loi qui est gravée, dans le cœur de lous les hommes
e>
le punit, comme utihomicide, et des juges ont dis- on se
Cingué l'énfuit de l'homme dans la protection
n dans l'impossibilité d'expliquer pourquoi les
met
que hommes
h lisent cette loi sous des versions si diffé-
la lui doit à tous. Qu'on y prenne garde, tes lois hu- rentes,
mainés sont faites pour les hommes égaux, les lois
r< que ce qui est permis ou ordonné par les
uuns est regardé avec horreur par les autres, et que
chrétiennes pour les hommes semblables, et elles les
le coutumes abominables, pratiquées
protégent la lemme, l'eufant, l'indigent, le simple, diction chez les peuples païens anciens et
di
sans contra-
modernes,
partout le faible contre le fort. nous paraissent des crimes attentatoires à la loi
ni
(2) La souveraineté est en Dieu, ou elle est suprême
st de la conservation. Il n'y a, j'ose le dire,
dans l'homme, poiin de milieu. Les croyances des qu'une issue
Juifs et des Chrétiens placent la souveraineté en qi pour sortir de ce labyrinthe, et Ju-
ri l'a trouvée c'est de séparer
neu la loi populaire de
Dieu et parce que l'homme ne sait rien en morale la raison générale, et de soutenir que le peuple est
qu'il ne t'ait entendu, par les oreilles ou par les yeux, la seule autorité qui n'ait pas besoin d'avoir raison;
c est-à-dire qu'il ne l'ait appris par la parole orale proposition
pr répétée dans les mêmes termes à l'As-
ou écrite, elles lui montrent cette loi divine reçue semblée
se constiluanle,et qui sera éternellement re-
avec ta parole, alors comme aujourd'hui conservée produite
pr par tous les raisonneurs conséquents qui
de génération en génération par une tradition orale, admettront
ad comme un dogme la souveraineté popu-
que les pères transmettaientet qu'ils transmettent laire
lai proposition que Cicéron lui-même n'eût pu
encore aux enfants, et plus tard fixée par l'écriture, ni sans inconséquence, s'il eût entendu dans un
nier
lorsqu'elle commençait à s'effacer parmi les nom- se absolu ces paroles d'un de ses discours Po
sens
mesies et àa être remplacée par les erreurs grossiè; es pulus
pu Romanus
pulus Romanus penes
QEllVRES
OEUVRES milPI
penes quemm est potestas omnium r*
ol?,Iiiujl?. rfr
re-
COMPL. DEnir M.
M DE R^w.t» J.r
na BONALD. 39
OEUVRES COMPLETES DE M. DE DONALD. 1220
im j.i^M»> «a,a.
l'expression d'une volonté générale, et
ot naturelle
na médiatement dans les lois parti-
mérîiatement
la loi
culières, secondaires, locales, qu'on appelle
la déclaration des rapports [dérivés de l'état eu
naturel des êtres définition philosophique, quelquefois
qu lois positives, et qu'on pourrait
donnée par tous les publicistes, absolument appeler
ap lois conséquences parce qu'elles
doivent être la conséquence naturelle des
tous, depuis, Cicéron qui appelle là loi « unn do
loi fondamentales. C'est ce que veut dire
lois
rapport, dérivé de la nature des choses, »
Mably.: « Les lois sont bonnes si elles sont
ratio profecla a natura rerum jusqu'à Mi
J.-J. Rousseau qui appelle la loi « l'exprès- le rejeton des lois naturelles » et J.-J. Rous-
seau « Les lois politiques sont
fondamen-
sion de la volonté générale, » et qu'il con- se
fond avec la volonté populaire; définition ta elles-mêmes, si elles sont sages. »
tales
enfin qui, traduite du langage philosophique III.
en langage familier, veut
dire que la loi est La loi est une volonté; elle est donc la
la volonté de Dieu, et la règle de l'homme. pensée de l'être qui veut, du pouvoir. L'ex-
XIII. pression
Pl de cette pensée, la déclaration de
cette volonté est donc la parole du pouvoir
Cette loi paraît, dans son énoncé, plutôt ainsi
ai la loi générale est la parole du pouvoir
relative à l'état domestique qu'à l'état public
un souverain, de Dieu même, et la loi locale
de société, parce' qu'elle à été donnée à est la parole de l'homme, pouvoir subor-
peuple naissant, et qui sortait de l'état do- donné
R à Dieu dans le lieu et dans le temps
mestique. En elle est le germe de toutes les Homme-Diéu dans la religion, homme-prince
lois subséquentes, parce que le germe de dans l'Etat, homme-père dans la famille; et
,
tout état ultérieur de société est dans la de là vient que la langue hébraïque donne
famille, et c'est de cette fécondité de la loi àb, père et roi, pour racine d'aba, je
primitive que parle le Psalmiste, quand il
veux (1).
v'
dit à Dieu Latum mandatum luum nimis, IV.
{Psal. cxvm,,96.)
Les lois sont la règle de l'homme, soit
CHAPITRE II. qu'elles
q prescrivent, soit qu'elles prohibent.
.•.
ORS LOIS
PARTICULIÈRES
I.
ET SUBSEQUENTES. L loi générale est la règle de la généralité,
La
e les lois particulières sont
et la règle de la
klocalité. Les lois religieuses sont la règle de
dans ses rapports avec la Divinité,
La loi est donc la volonté de Dieu et la l'homme
l'
règle de l'homme
règle de l'homme. e les lois politiques sont la
et
ddans ses rapports avec les hommes. Les lois
II. dde la morale sont les règles de ses volontés,
( 2 ) sont la règle de
La loi est la volonté de Dieu, immédiate- et e les lois de la police
dans la loi primitive, générale, fonda- ses
s actions. Les lois civiles sont la règle qui
ment
mentale primitive quant au temps, générale conduit
c l'homme à l'ordre; les lois crimi-
quant aux êtres, fondamentale quant à la minellesn sont la règle qui le ramène à l'or-
société; loi-principe, lex-princeps, dit Cicé- dre
d les lois domestiques sont la règle de la
f les lois publiques la règle de l'Etat,
ron, et que l'on appelle communément la loi famille,
le peuple romain qui a le pouvoir
sur toutes supplée
s toutes les lois civiles, de même que la loi
rum, d l'amour de Dieu renferme tous nos devoirs en-
clioses j assertion insensée, contre laquelle s'élève de
fac quod vis. Dans nos sociétés
Bossuet avec son énergie foudroyante et c Dieu vvers Dieu. Ama, et
les lois civiles tiennent de l'esprit des
lui-même, si l'on peut le dire, a besoin d'avoir rai- politiques,
p
faire contre la raison. )> hlois judaïques, et se contentent de défendre et de
son, puisqu'il ne peut rien punir le mal; mais les institutions politiques dans
fl) Les lois subséquentes ou locales, pour être p
des hommes se dévouent au service des
bonnes, doivent être, jusqu'aux moins importan- l
lesquelles
moins prochaines, autres, tiennent de l'esprit du christianisme. L'E-
tes, des conséquences plus ou lois fondamentales.
a
vangile dislingue d'une manière admirable l'obéis-
mais toujours naturelles, des
Ce principe se lie à celui que nous avons énoncé sance
s due aux lois principales et aux lois secondai-
ailleurs, qu'aucune vérité ne commence dans la so- res.
r Il faut, dit-il, observer les unes, et ne pas né.
ciélé, qu'elle se développeet ne s'invente pas. Ainsi, gliger
{ les autres.
de conséquence en conséquence, on descendrait de (2) J'entends par police toute règle des actions
Ihumames. C'est dans ce sens que les Grecs
le pre-
la loi qui défend de tuer à la plus petite loi de po- Ils tiraient le mot police du mot polis, ville,
lice qui défend d'incommoder ses voisins. La reli- naieut.
i
gion chrétienne va plus loin elle ordonne de le parce que la cité chez ces petits peuples était toute
servir, et porte une loi plus générale encore que 1la société. De là vient que chez nous la police est
ceHe duDécalogue(parce que la religion chre- la loi politique de la ville, et la loi politique est là
tionne est elle-même plus générale ique la religion police de l'Etat.
judaïque), la loi de l'amour du prochain, la loi qui
.
tions, etc, (î),
.
les lois du droit des gens )a règle des
• y-
na-
L
LA
'
IX. d'action.
d Le pouvoir veut avec le conseil des
Il est temps de passer à l'application dui ministres
t le ministère agit sous la direc-
Décalogue aux divers états de société, et de3 tion
t du pouvoir. La volonté et l'action ont
suivre le développement de la loi généralei pourp terme le bien du sujet.
par les lois locales et subséquentes,
puisquel
IV-
le germe de toutes les lois particulières se
trouve dans le Décalogue, et qu'il renferme, De là deux espèces de lois ou de déclara-
tions de rapports.
selon Bossuet, « les premiers principes dui t
1° Lois constitutives qui fixent la manière
culte de Dieu et de la société humaine. » Ce3
des personnes ou leur état 2° lois, ad-
n'est pas sans raison que ce grand homme, d'êtred
ministratives ou /-élémentaires, quirèglent^
profond dans la science de la société, réunitt i
1 manière d'agir des
personnes ou leur ac-
ici le culte de Dieu et la société des hommes; la
le raturel. Un enfantt l'état légitime,
lles lois naturelles des sociétés, sontserait
ou de plus légitime que' tUne société parfaitement civilisée celle, ou
né de personnes libres, quoique non mariées, estt Ile légitime se confondra)t avec le légal, c'esUà-dire,
naturel sous le rapport domestique, puisque le pèree
où locales seraient des conséquences
à s'unir; c toutes }es lois,
et la mère n'ont point d'empêchement naturelles des loi générales. Ainsi l'homme panai-
mais il .n'est pas naturel sous rapport public,
le r
vertueux serait celui dont la volonté parti-
puisque la loi publique n'a pas élevé ce commerce
purement physique à la dignité de lien
fantnéd'un commerce entre personnes, libres
moral.
et toutes naturelles,
toutes les autres personnes) t'administra-
inistra- Là il n'y aurait plus de lois porter, et il
tion est la rftgle des devoirs (1). suffirait de les maintenir, par l'action conti-
Ainsi la question si un enfant est légitime
Sgitime nuelle de l'administration contre l'action
est une question d'état; car s'il ne l'est
ist pas,
pas, continuelle du temps et des hommes, qui
le père et la mère n'étaient;pas époux, et il n'j tendent à les détruire. Ainsi dans cette so-
stiln'y
ni
a pouvoir, ni ministre, ni sujet, ni société;
ociété oiété le pouvoir législatif devrait être tou-^
la question si un enfant a manqué ou1 non non à jours en repos, et les fonctions exécutives
la révérence filiale, intéresse l'administra-
nistra- toujours en action.
tion de la famille et a rapport aux devoirs.
oirs.
V.
"II.
VIL
La société est mieux ordonnée à mesure
La constitution est l'ordre intrinsèque et
ue que la constitution y est plus en harmonie
comme l'âme de la société; l'administration
tration avec t'administration, et le pouvoir législa-
en est l'ordre extrinsèque et. peut en
iii être tif avec la fonction exécutrice ainsi l'homme
regardée comme le corps. est plus vertueux à mesure qu'il y a plus
Quelquefois', on prend gouvernement t pour d'accord et d'harmonie entre sa raison et
constitution souvent pour administration, •ation, actions (2). ses
presque toujours pour les deux ensemble. smble.
VI.
"III.
VIII.
Il y a constitutionet administration, ordre
Une société, pour être parfaitement
cons-. intérieur, ordre extérieur, lois, en un mot, et
-S^- Les lois de l'unité de pouvoir,
sibihte au '.MC
de la sucees-
pouvoir, de la fixité du pouvoir, iW
lorsqu'il ne fallait vanter que la sagesse de leur ad-
manation du pouvoir aux ministres, de la dépen-
Jn
de l'é- ministration (telle que la Hollande et la Suisse,
dance ou les ministres doivent être du pouvoir fontes(luieu croyait éternelles), trop faibles que
de grands événements, ressemblent à pour
de 1 indépendance où ils doivent être des voir sujets
sujets,
et ces hommes
qui se portent bien tant qu'ils ne sortent
sont des lois constitutives ou constitutionnelles ues de pas de chez
toute société les lois de discipline ecclésiastique, eux, ou qu'ils ne vont ni trop loin ni trop vite, ou
> ique,
militaires, judiciaires, civiles, rurales, municipa- mieux
encore elles ressemblent à ces honnêtes gens
les, sont les lois administratives 21"
ou rédemenlaires
maires
dont la vertu,
sans Principes fixes, a fait naufrage
dans les orages de la révolution.
le la religion, de TËtat, dé la famille. CesJ deux
deux La perfection de la société est la force de la constî-
sortes de lois étaient parfaitement distincts es en lutioir unie à la sagesse de l'administration, comme
France, ou elles étaient appelées iois et ordonnan-
ces. La constitution; est le tempérament de tl'Eut,
1 administration en est le régime, effectivement
et
on dit indifféremment, en parlant de l'homme
constitution et tempérament- L'homme est dd'une
vu'f!]'
Mat,
sment,
'ïwlune
tempérament sain et fort, conservé
tempérant. ,'•»
la perfection de l'homme physique consisté dans
par un a
Là où les sujets confèrent périodiquement
le pouvoir, comme dans lés démocraties; là où les
un
régime
constitution forte, et il use d'un mauvais ré»ime- ministres le coiifèrent à toutes les vacances,
oime
ou bien il est d'une constitution faible, et il usee d'un en Pot?^»e là où ils en jouissent en commun, comme
r-égime sage de même Etat peut être fortement
constitue, et avoir uneunadministration vicieuse •emeni comme a Venise, les rapports des
fondent, et il n'y a, à piopreméntpersonnes se con-
ou être dune constitution vicieuse, et avoirreuse une
parler, ni pou-
voir, m ministres, ni sujets distiruts. La loi poli-
administration sage; car la constitution est e- l'être7
de la société, et l'adihiuisiration tique qui déclare inaliénables les domaines du chef
son avoir. Ainsi
nsi la de 1 Liât lorsqu'il: est perpétuel, est
France, la plus fortement constituée loi d'admis
l'Europe, a été trop souvent administrée
des sociétés
-tes de uistration en harmonie parfaite avecune la loi consli-
avec mot-
esse et imprévoyance.Ainsi la Suisse, l'Allemagne, mol- tulive du pouvoir. La loi qui ordonne
lagne, au père de
la Hollande, même l'Angleterre,faibles de partager par égale part entre tous ses enfants ses
cmistiiu-
non, ont été administrées presque toujoursistilu- biens immeubles, est une loi d'administration des-
tructive de la constitution de la famille agricole.
sagesse. C'était la force de la France au: milieu avec
fautes de son administration, qui faisait dire ,u des Montesquieu a méconnu la vérité fondamentale de
uenoit \IV que « la France était gouvernée !ire laà l'union
] intime et nécessaire du pouvoir législatif et
par
)ar de la fonction exécutrice', et il a même consacré,
Providence. Ce sont en effet les hommes robus-
obus-
<
comme
< un dogme, l'erreur opposée, la division et
tes qui se permettent des excès, et les faibles
aimes l'équilibre
gens ï des pouvoirs. C'est pour cette raison
qui vivent de régime. Une société se préserve de fait de la fonction exécutrice qu il
troubles intérieurs avec une administration ve f
un pouvoir à part, le
sage;
mais elle ne peut se tirer d'une révolution, et resis- tpouvoir exécutif. J.-J. Rousseau, au contraire, au-
résis- quel il n'a a manqué, pour être le premier publiciste
ter à des* crises violentes que par la force de <
de
constitution. La Suisse aurait vécu tranquilleavec sa c son temps, que de n'avoir pas l'esprit fausse par
avec les
1 principes religieux et politiques qu'il avait sucés
son administration économe et vigilante; mais aissasa avec
s lai,î«, a aperçu la védlé que j'énonce ici.
constitution faible et factice ne pouvait résister
l orage, et elle y a péri. La France, au contraire,
tombée en révolution par des désordres d'adminis-
ster à
raire,
«< Pour quel-Etat soit légitime,> dit-il,
cque le gouvernement se confonde
«
ne faut pas
avec souverain
le
iinis-, mais
r qu'il en soit le ministre. Alors
tration, s en relèvera par la force de sa constitution, la monarchie
Ainsi un homme sage éloigne les maladies, moi». mais
eelle-même est république, Cet écrivain, qui
ne re-
cconnaît d'autre souverain que l'homme, appelle
uh homme robuste supporte de grands travaux Ces souverain
sjcietes sans constitution, dont ou vantait la force, s ce que nous avons appelé pouvoir et gou-
orce, vernement
v ce que nous avons appelé ministre. II a
• i r reli-
1
j.J vcn m: uu
point le
A.JI'VJ.Ln"
i 7 nom du Et ailleurs:
Seigneur
Caiavi lui _rt*l vain.
en A4S1 ^*» T7 1 OlMoilPG*
exécution des lois dans toute société i“ J.
:
ordonnée
C
CONSTITUTION ET ADMINISTRATION DE LA l'application la plus naturelle et la plus
sont
S
RELIGION CHRÉTIENNE.
étendue
E de la loi générale, c'est-à-dire celle
L où
< Dieu est le mieux adoré, et le jour.de
La constitution de la religion s'appelle le repos
i le plus sanctifié.
dogme, son administration s'appelle culte et V.
discipline.
Ces caractères conviennent éminemment
n. seule religion des
à la religion chrétienne
premier
Les lois dogmatiquesde la religion, et de peuples civilisés, puisqu'elle est le
unique-
toute religion, ne sont que l'applicationvraie moyen de toute civilisation et c'est
ou fausse de cet article de la loi générale Je ment à sa perfection, qui est vérité dans ses
suis le Seigneur ton Dieu: tu n'auras point dogmes et sainteté dans son culte, qu'il faut
d'autre Dieu devant ma face tu ne te feras attribuer la raison de sa force c'est-à-dire
point d'image ni de figure taillée pour les «Je la durée de ses croyances et des progrès
adorer et pour- les servir; tu ne prendras de son culte (2).
professé la même doctrine dans le gouvernement (le l'homme reparaître en France en 1 793, à l'instant
Pologne où il veut que le pouvoir exécutif soit tou- que le sacrifice mystique du christianisme a été
jours aux ordres du pouvoir législatif, quil en soit aboli? et n'étaient-ce pas de véritables iamolatians
le ministre, et il s'applaudit de celte idée. 1I en était à la déesse de la liberté que ces sanglantes exécu-
ainsi en France, où le législateur était éclairé par tions qui se faisaient journellement au pied de sa
les remontrances des magistrats, et où les magis- statue? Le mahométisme, pur déisme,, ne sacrifie
trats jugeaient et les guerriers combattaient an nom pas l'homme sur les autels; mais il le détruit par
et sous la direction du législateur. Ainsi dans la re- la mutilation, par la polygamie, par la barbarie dont
ligion le pouvoir dit à ses ministres Allez, ensei- cette religion est la cause, car elle opprime l'homme
gnez baptisez, et je suis tous les jours avec vous plus encore qu'elle ne déshonore Dieu. Si.le maho-
jusqu'à la fin des temps. métisme ne sacrifie pas l'homme sur les autels, la
({) L'idolâtrie est l'application fausse, et contre haine religieuse qu'il inspire à ses sectateurscontre
la nature des "êtres, du dogme de l'existence de la les Chrétiens les idolâtres les Juifs, n'est-elle
Divinité, comme l'immolatioudes victimes humaines- pas une disposition constante à les sacrifier,
pratiquée chez tous les peuples, le juif excepté, était qui très-souventa été jusqu'aux plus cruelles exé-
de la cutions ?
une application fausse de la loi du culte ou (2) Le mahométisme a de la durée sans pro-
sanctification. L'auteur a fait voir, dans sa Théorie
du pouvoir, que le sacrifiée sanglant ou mystique, grès les sectes séparées du christianisme ont eu
intérieur ou extérieur de l'homme coupable ou de des progrès sans durée. Le mahomélisaie cependantt
l'homme parfait, est le caractère essentiel de toute fait des progrès sur l'idolâtrie, plus fausse que le
religion vraie ou fausse, parce que le don de soi est mahométisme, en ce qu'elle n'a pas conservé,
la condition nécessaire de toute société. 1I est cer- comme lui, le dogme de l'unité de Dieu, et qu'elle
tain que le sacrifice de l'homme a été connu dans n'a aucune connaissance du- médiateur; mais il
toutes les religions, ou réel comme chez les païens n'en fait pas sur le christianisme, malgré la dure"
et les Chrétiens, ou figuré comme chez les Juifs, à condition où se trouvent les Chrétiens soumis à sa
qui il était ordonné de racheter le sang de l'homme domination. Les Grecs restent fidèles au christia-
nisme, quoique séparés de la chrétienté. Si • les
par le sang de l'animal. cessé Turcs étaient soumis à la domination d'une puis-
Le sacrifice figuratif a dans l'univers, et il
se retrouvé tout au plus dans la religion maliomé- sance chrétienne, les missionnaires les gagneraient
tane, imitation grossière de la religion judaïque, et aisément au christianisme. La force de la religion
qui immole aussi annuellement l'animal à la Divi- chrétienne est de triompher de l'erreur orgueilleuse
liité. Mais le sacrifice réel de l'homme est pratiqué comme de l'ignorance stupide, du glaive des tyrans
partout ailleurs, mystique chef les Chrétiens, réel et des sophismes des faux sages, du mépris et de la
à Chine, pauvreté comme des honneurs et des richesses, de
ou sanglant dans les sociétés idolâtres, la la corruption de ses enfants et même de celle de
au Japon, aux Indes, à Olaïli, et chez tout peuple
en société politique dont le culte est public ou poli- ses ministres, des hommes enfin, et même du temps;
îtque. INVt-on pas vu le sacrifice même sanglant de et parce qu'elle honore le père et la mère, le pouvoir
VI.
constituée,
un pouvoir envoyé par le souverain qui est
Dieu, des ministres envoyés par le pouvoir,
des fidèles ou sujets qui doivent être un avec
les ministres et même avec le pouvoir.
te
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-
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sert
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P
41
b,
(ministrat) au pouvoir dont il accom-
l'action dans le sacrifice, sert aux hona-
mes, en leur rendant propre et fructueuse
n
l'action
1'
double
du pouvoir, et exerçant sur eux la
fonction de juger l'erreur et de corn-
VII .•
battre le vice, soit dans l'homme par la cen-
sure secrète, soit dans les sociétés par les
SI
fa) Ou voit la raison de l'importance que tous les peu- ses poêles. Trois est le nombre nécessaire de toute pro-
ples ont attachée au nombre trois, et dont on trouve la portion entre les êtres, et ia société n'est qu'un enseiiK
preuve dans. les philosophes de l'antiquité comme dans ble de proportions et de rapports.
V
. VIII.
'foutes les croyances propres au christia-
nisme, et toutes les pratiques de son culte,
-II.
Cette société, qu'on Appelle politique, pour
] distinguer de la soeiété religieuse, est plus
la
..
dérivant de la connaissance du médiateur, (ou moins étendue; elle est domestique ou
étaient implicitement contenues dans la re- publique, famille ou Etat.
tendu..
j
ligion patriarcale, où le médiateur était an- m.
noncé, et elles étaient figurées dans la reli-
Ces deux états, domestique ou public de
gion judaïque, où le médiateur était at-
société,
J ont une constitution semblable, for-
• imée de trois personnes domestiques ou pu-
bliques
|t d'un pouvoir émané de la souve-
CHAPITRE V. raineté de Dieu; d'une autorité subordon-
;
née, outi'un ministère par le moyen de qui
DE LA SOCIÉTÉ POLITIQUE EN GÉNURAL. le pouvoir, dans la famille, reproduit et'con-
L serve l'individu, et dans l'Etat, conserve et
même
]
multiplie et fait prospérer les famil-
La société de Dieu et des hommes, ou la les; enfin d'un sujet qui, dans la famille et
religion, est universelle; elle peut et doit"[
comprendre les hommes de tous les tempsS5
et de tous les lieux, parce que des rapportss
]
"iv;
dans l'Etat, est conservé par le pouvoir (2).
vil. OC DU MARIAGE
V.
CHAPITRE Vil. Le père de famille sera honoré, c'est-à-dire
aimé et respecté, et ses volontés obéies com-
CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ DOMESTIQUE.
me celles de Dieu, dont son pouvoir émane,
I. lorsqu'elles' ne sont pas évidemment contrai-
res à des lois d'un ordre supérieur à l'ordre
La société domestique est formée néces- domestique.
sairement de trois personnes domestiques
VI.
présentes ou supposées, actuelles ou éven-
tuelles, rapprochées par les manières d'être) La mère de famille participe du pouvoir
physiques et individuelles de père, de mère, domestique, dont elle est l'agent nécessaire
d'enfants, unis par les rapports sociaux out ou le moyen naturel. Son autorité est non
généraux de pouvoir, de ministre et de sujet, égale, mais semblable à celle de son époux,
qui sont les mêmes que les relations uni- et lui est subordonnée elle est inamovible,
verselles ou rationnelles de cause, de moyeni parce que le lien conjugal est indissoluble.
et d'effet. La séparation de corps et de biens, qui sus-
(1) On trouvera dans l'ouvrage du même au- presque partout les prérogatives de la primogéniture.
teur, le Divorce considéré au xm' siècle, tout ce qu'oni Autrefois en France, la mère, à la mort du père,
aurait pu ajouter à ce chapitre de notes explicatives. allait saluer Faîne et lui présenter les clefs, et les
(2) Cocceciji, rédacteur du code Frédéric, fonde» enfants alors étaient plus soumis à leurs mères.
sur trois raisons le droit d'un père sur ses enfants Encore aujourd'hui, dans les provinces soumises à
1° les enfants sont procréés dans une maison dontt la loi romaine, l'aîné avait une part plus forte dans
le père est le maître 2° ils naissent dans une fa- le patrimoine, et même dans le respect des frères.
mille dont il est le chef; 5° ils sont une partie dee Cette loi et celle des substitutions étaient pratiquées
son corps. Bentham prouve que ces trois raisons s dans les familles nobles, et étaient la raison de leur
sont fausses ou insuffisantes, et que le droit du pèree perpétuité. Sans inégalité de partage, point de fa-
est une expression qui manque de justesse. mett Il milles agricoles. Le gouvernement a rendu hom-
à la place Je principe de l'utilité générale. Il a raison, mage à ce principe méconnu aux jours de délire et
s'il l'entend de la conservation des êtres; mais,il il1 de déraison.
s'arrête tà, et ne sent pas qu'il y a une raison néces- Dans l'état de famille qui précède l'état public,
saire de cette conservation, autre que notre plaisirr à la mort du père et de la mère, lorsque les enfants
ou notre peine, et que toutes les nécessités ne see étaient en bas âge, le pouvoir revenait à la parenté
trouvent que dans l'être nécessaire auteur de laa qui nommait un tuteur ou régent;. dans l'état pu-
création et par conséquent législateur de la con- blic de société, à la mort du père et de la mère, te
servation. pouvoir domestique remonte au pouvoir public qui
Les peuples les plus fortement constitués ontt nomme le tuteur sur la présentation des parents,
donné à l'aîné des mâles la survivance el l'expecta- car celui qui confirme nomme, et même le pouvoir
tive du pouvoir domestique. ile là la consécrationii public seul nomme d'office, s'il n'y a point de pa-
leligicuse de l'aîné des mâles chez les Hébreux, ett rente.
IKS DE..JJI. UE BUISALU. 12*0
pend l'exercice de son autorité, ne peut lui toute paternité et dépendance, bien plus que
en ôter le- caractère fraternité &l égalité..
VIL' ' '- :,:. XIIL
'
••
La mère de famille sera honorée comme îe Les hommes, quels qu'ils soient, ayant
père, et ses ordres respectés comme ceux tous la même origine et la même fin, quel-
"
de son époux. ques-uns dans la même famille, plusieurs
'
viir. ;< dans Je mèrrié Etat, tous dans la religion, pè-
Les enfants n'ont dans là famille que des res et frères les uns des au très, et sujets aux
devoirs' à remplir, et ils' sont toujours' mi~ mêmes besoins, sont, les uns à 'l'égard des
neurs ou sujets dans la famille, même alors autres, dans un état de société mutuelle qui
qu'ils sont majeurs dans l'Etat (2). met entre eux tous des rapports de service,
d'affection, dé dépendance unique raison,
I3L. non-seulement de Tassisfaiice féciprôque
Les devoirs des. enfants s'ont tfhonoret mais même d es1 signes extérieursd'honnê-
leurs parents ou ceux qui les' représentent, teté et de bienyeiifàftce que les hommes se
et de leur obéir en tout ce qui n'est pas évi- doivent les uns atit autres dans le commerce
demment contraire à des lois d'un ordre
supérieur.
de la vie (3). J
•i
Les
..= i.i-
patents
; :X. CHAPITRE VIII.
ascendants, à raison de leur ADMIMSTBATIOM DE ,LA SOCIÉTÉ DOMESTIQUE.
proximité du père et de la mère, participent
du pouvoir domestique, et les enfants leur
.-•. I.-
Au pouvoir domestique du père et' de la
doivent à tous dans la même droportion, mère appartient exclusivement l'administra-
honneur et déférence. tion domestiqué, qu'ifs exercent conjointe-
,4', .Xi. ment dans la proportion de leurs facultés,
Les vieillards; participent de la- paternité t'ordre de leurs rapports, et selon la nature
à raison de teur âge, et les plus jeunes leur des objets à régir (4).
doivent, en cette qualité, de la déférence et R
du respect.
Lès enfants doivent obéir au. père et a la
III.
XII.
pour la direction de leurs personnes,
Lés hommes faibles d'esprit ou de corps, mère
et l'administration des biens communs.
deséxé, d'âge, de condition ou de conduite,
participent tous des i infirmités de l'enfance, m.
et .ont besoin dé protection. Les hommes La fàïniïle peut avoir besoin dit service
pliJsjfbrls de moyens nâtûfe'Is" ou acquis dbi- extraordinaire de personnes à g^ages, servi-
venV être pour eiix comme des pères de fa- teurs, apprentis, compagnons dé métier,
mille, ministres de la Providence pour leur personnes domestiques, mais accidentelles-,
faire du bien Unicuique Deus mandavit de et dont les rapports avec la famille sont pu-
prozimo Suo. (Eccïi. xvn, 12.) La société est rement temporaires.
(1) /Les familles trouvent dans l'Etat la force ciélé, puisqu'il ne trouve que dans la. société la lu-
ci
qui empêche leurs dissensions t'homme trouve mière qui éclaire son ignorance, et la règle qui re-
-•--
ni
dans la religion la force qui comprime ses passions, dresse ses penchants. Ils veulent que la société soit
di
et que Ton appelle la grâce: volontaire
yt et le proiiuu d'un, contrat, et la société
Ce chapitre est presque entièrement opposé aux est
e1
obligée, et le résultat, d'une force, soit de la
opinions philosophiques de ce siècle, opinions qui force de la persuasion^ soit de la force des armes
fc
ne sont que des conséquences de principes posés c: Orphée était un conquérant comme Alexandre,
car
dans des siècles antérieurs. lis veulent que le pouvoir ait reçu la loi du peuple,
II
Nos philosophes veulent que l'homme naisse bon et il n'existe pas même de peuplé avant un pouvoir,
fil
et que la société se forme par intérêt et pour ac- et des hommes qui délibèrent sur une proposition
et
croître la somme de ses jouissances; et f homme
nait avec des penchants mauvais, et la société se
0ont déjà reconnu le pouvoir au moins d'un orateur,
et en ont reçu la loi. Ils veulent que le pouvoir soit
forme par nécessité et pour, empêcher la destruc- conditionnel, et le pouvoir n'est conditionnel qu'à
ce
tion de l'homme: De là suit, pour le dire en pas- l'égard de Dieu dont il ënjàiié^ car, s'il était condi-
l'i
sant, que la fin de tout gouvernement doit être tionnel à l'égard des hommes, il ne serait plus leur
il
plutôt d'empêcher le désordre que de hâter la po- pouvoir,
pc mais leur sujet, ou tout au plus lent mi-
pulation, et que c'est moins d'hommes en général nistre,
ni leur instrument. Ils veulent que les hommes
que d'hommes bons et heureux qu'il faut peupler aient
ai cédé une portion fié leur liberté, de teur pou-
Ja société. La philosophie moderne professe le prin- voir,
v( etc., et les hommes n'ont rien cédé que la fa-
cipe contraire, et les gouvernements modernes le culté de se détruire, qui n'est pas une liberté, et la
ci
pratiquent; et quand ils ont forcé la population, ils puissance de se nuire, q.ui.iï,'esi pas un pouvoir. La
pi
cherchent comment ils, pourront la faire subsister, liberté est même njieuï assurée, parce qu'elle est
lil
ét la mettent à la soupe économique. Les publicistes mieux réglée, et le pouvoir. pLH&àbs.0lUn pa'"ce qti'ii
in
modernes veulent que la société déprave l'homme, est moins arbitraire.
es
et rbomme ne trouve sa perfection que dans la so*
4.
J243
.; iv.iir
c~u~nr.aCOMPLETES
CEUVRES 4vmrLme DE M. DE BONALD.
v,
lui-même, être du sexe fort, être uns, c'est-
,
port de la communauté de territoire, unn à-dire former un corps perpétuel et pro-
loiS.
•Etat sous le rapport de la communauté dee
CIIAPITRE X.
-W;
priétaire.
-• yl
Leurs fonctions se réduisent à deux, à la
fonction de juger les infractions faites aux
CONSTITUTIONDE LA SOCIÉTÉ PUBLIQUE.
lois, et à la fonction de combattre ou punir
L les infracteurs. (Voy. Ja constitution de laso-
a un pouvoir public, il y a dess
Puisqu'il, y y
sujets publics et des ministres publics il yy
a une société publique, parce que les ma-
nières d'être sent essentiellement relatives,
.m '=:
ciété religieuse.)
¡,
•
vent être aussi l'expression de là volonté' gé- rexerciceappartient.au pouvoir public, et
nérale, c'est-à-dire qu'elles doivent être dess
conséquencesplus ou moins éloignées, maiss aux ministres sous ses ordres et par sa di-
rection.
toujours naturelles, des lois fondamentales,
t
qui sont la volonté de l'Etre suprême, dont
le pouvoir est l'organe et le ministre immé- Le pouvoir public, nécessaire pour con-
diat, et qui assurent la conservation de l'or- server les familles, et constitué à cette fin,
dre public comme de l'ord-redomestique.' remplit cette destination en les défendant au
(1) Dans les démocraties, la personne domes- des idées justes sur des objets qu'ils ne peuvent
tique, devenue momentanément homme public. re- ignorer sans lïônte, et sur lesquels ils ne peuvent
vient à la société domestique l'artisan devient juge, se tromper sans danger. Qu'on ne s'exagère pas la
et le juge redevient artisan. L'homme n'y a jamaiss difficulté de la méthode analytique que j'ai suivie;
Ifesprit ni de li famille ni de l'État; le peuple y elle ne pénètre diflicilemeut que dans des esprits
aime là domination, et le magistrat la vie privée. obstrués d'erreurs, ou qui ont accoutumé leur es-
(2) Je ne fais qu'indiquer les principaux objetss prit à ne saisir la vérité que dans un certain ordre
dont le dévèloppenient serait un traité complet dee et d'une certaine manière. Mais les jeunes gens,
tous les rapports et de toutes lès lois. Je ne pré- dont l'esprit s'ouvre a ta vérité, orit plus de facilité
sente que le plan d'un édifice, ou, si l'on veut, unee qu'on ne pense à la saisir telle qu'elle leur est pré-
table des matières. Mon seul but a élé de donnerr sentée, et même sous des formes qui rebutent
aux jeunes gens, non des notions complètes, maiss quelquefois des esprits plus exercés..
dedans contre les passions de leurs mem- VII. ;V.
bres, et y maintenant l'exercice du pouvoir Les voies de fait dirigées contre ra fa-
et l'observation des devoirs et en les dé- mille
r peuvent attaquer les hommes ou les
fendant au dehors de toute violence de la propriétés
j de la famille. Elles peuvent être
part des autres familles, et réglant entre elles portées
{ contre les propriétés jusqu'à leur
leurs 'intérêts respectifs. soustraction
s parie vol, ou leur destruction
UI- Ipar bris, par incendie, etc. Les voies de fait
peuvent être portées contre l'homme jus-
Les lois par lesquelles le pouvoir public qu'à c l'homicide, contre l'époux jusqu'à l'a-
assure la constitution des familles, en dultère, c contre le père jusqu'au rapt ou à
maintient le gouvernement, et y règle les JJa séduction de ses enfants, contre la fem-
intérêts, sont les: lois sur les personnes et me r jusqu'au. viol contre l'enfant jusqu'à
sur les biens, sur la possession etlatransr l'abandon,
1 etc. (2).
mission des propriétés ordonnances civiles, VIII.
commerciales, rurales, municipales, etc.,
dont il fait l'application par ses ministres. Les voies de fait contre les hommes et les
. IV.
1propriétés de la famille s'appellent des cri-
mes
r, ou des délits; les voies de fait contre les
Si le pouvoir public n'a pu prévenir la 1hommes et les
propriétés de l'Etat sont des
les familles, il leur permet le crimes d'Etat, tels que la rébellion, la tra-
guerre entre
combat devant ses tribunaux, et il en fixe
hison,
1 le faux monnayage, etc
les règles dans les ordonnances sur la plai- IX.
doirie car un procès est un débat légal et Les voies de fait contre les hommes ou
de fait (1).
--V. ..
judiciaire, où les parties belligérantes
'
E
HELATIVEMENT AUX CHOSES, vail et la subsistance. »;;
•'V' " '••• m '"'t.1:
L'adminisiration rapport
a non-seule-
e_
L'Etat, remplissant à l'égard çjes pérson-
ment, à la direction des personnes publi-ji_ nes faibles et délaissées les devoirs d'un
j. père, les
•
en acquiert sur elles le pouvoir, et
.ques, mais,encore au soin des choses pu-
bliques (1).
>. :ù.
Toute ehose
•: :• H.
,i..'
.;.
abandonnée, tout homme ie
, peut faire servir à ses besoins, suivant
leur force et leur capacité (2).
.
:: ::V.
qui n'appartient pas une famille, délaissé,
'» L'Etat permettra, facilitera^1 même dans
sans propriétés, sans moyens ou sans vo- a- tous les sujets le développementde l'indus^
lonté d'en acquérir au moins par un travail iil trie honnête, propre à chaquësexéj et Fem-
légitime, appartient à toutes les familles, ou
>uploi de tous' les moyenS'flaturelS' et acquis
à l'Etat, qui doit prendre soin des hommes, s,par lesquels tout homme puisse- i s'occuper
et jouir des choses pbur l'avantagé com- a-et toute famille acquérir quelque propriété.
mun. L'Elat, à cet effet, fondera des établisse-
m. ments publics d'éducation, de police, d'arts,
Ainsi, les enfants exposés, les mendiants,
s, de communication par terre et .par eau; il
les vagabonds et gens sans aveu etc. et veillera à la sûreté des personnes, h la salu^
généralement tous ceux qui n'ont aucune ie -brité des lieux, à, l'abondance des subsistan-
famille, .ou qui troublent celle des autres,
's, ces; et, pour renfermer ses. devoirs en peu
appartiennentjà ]a;grande fainille de l'État,
tt, -de: mots,: >i\- fera peu pour les plaisirs des
et doivent être reçus temporairement ou >u
le
viagèrement dans Jes maisons publiques de
jamais être troublé. Cette compensation ne peut
hommes, assez pour leurs besoins, tout
pour leurs vertus (3].. '
ut jugé par ses pairs, parcequ'il était question d'un fait
•se faire qu'avec l'àme immortelle de l'homme, et que des pairs seuls pouvaient connaître. Mais les
par tes peines de l'autre vie, auxquelles elle peut ut pairs d'un voleur, d'ùh assassin!
être condamnée par le juge souverain, devant le- e- (i) Dans les Etats modernes, l'adininistration
quel le pouvoir humain renvoie le coupable. Mais la des choses s'est perfectioniiée aux dépens de celle
peine de mort est le moyen qu'emploie la société ilé des hommes, et l'on s'occupe en général,beaucoup
pour empêcher un homme, convaincu par ses ac-
tions de vouloir troubler l'ordre, de persister dans
c- plus du matériel que du moral. Il y peu de gou-
ris vernements qui mettent à faire fleurir la religion
ses tentatives criminelles. Or, comme la société est îst et la morale l'attention qu'ils portent à faire pros-
un être nécessaire, elle, ne peut employer pour se pérer le commerce; ouvrir des. communications,
conserver que des moyens-infaillibles. surveiller la comptabilité, procurer au peuple des
Il n'y a pas aujourd'hui en Europe d'homme ne plaisirs, etc. On s'attache surtout beaucoupin-
éclairé qui ne regarde l'institution du jury en ma- a- venter des machines, et l'on ne prend. p^s gardé que
tière criminelle comme une institution de l'enfance ce plus il y a dans un Etat de machines pour soulager
de là société, et qui necçnvient pas plus auxpi-Of- Of- l'industrie de l'homme, plus il y a d'hommes qui ne
grès de la corruption de l'homme qu'aux; progrès es sont que des machines, et, à cet égard, la diffé-
de sa raison. Quand le crime est devenu un art, la rence est sensible entre l'intelligence o'uu monta-
fonction de le juger est mie élude' qui 'suppose se gnard; qui fait tout lui-méme dans sa maison, et
l'instruction de plusieurs. années, et la pratique de de celle d'un actisani de ville qui tourne toute la vie
toute la vie, et qui demande des hommes retirés es une manivelle, ou fait courir une navette, Smith,
comme dans un sanctuaire, loin dé l'influence es lui. même en convient. Son ouvrage est la bifile de
des
intérêts et de la séduction des passions. L'esprit rit cette doctrine matérielle et matérialiste.
de l'ancienne jurisprudence était de venger la so- o- (2) Les gouvernements modernes veulent bfiau-
ciété l'esprit de la nouvelle est de sauver l'accusé. é.coup de commerce, dé fabriques, de luxé, de plai-
Le jury, sorte de machine intermédiaire entre le juge ge sirsj de population surtout, et' ils cherchent à ban-
et le coupable, et qu'il faut taire jouer, ne peut que ie nir la mendicité. Ils veulent la cause, et rejettent
condamner sur des faits consommés, ou absoudre re 'l'effèt. Le pays de l'Europe où il a le plus de for-
sur des intentions présumées. Le juge, instriilhëiit ut tunes colossales, est celui où il y a le plus de pau-
de la loi et non pas son ministre; s'attachë'servile- e- vrés. Qu'on prenne garde qu'au milieu de noire- ri-
ment à une lettre qui lueou qui absout, il n'y a que ue chesse, de notre luxe de table surtout," de notre moi-
des évidences1 physiques et point de motifs moraux. x. lesse, de l'abondance de nos cfenrées, :et de la per-
Selon les matérialistes, le coupable est une ma- a- fection de notre agriculture, l'Europe à dressé des
chine, et le jury, le juge, l'instrument' même du lu autels à l'homme qui a enseigné au peuplé à se cori-
supplice, ne sont aussi que des machines dont le tenter, d'une soupe -maigre à un sou, et qu'on pro-
coupable ne peut, quoi qu'il fasse^ être atteint, tt, pose de lui faire manger des-os bouillis. On ne fe-
pourvu qu'il ne se meuve pas dans leur direction.
n. rait pas mieux après un siége de trois ans. On n y
Nous connaissions en France le jugement, par jury, y, pense pas la société en Europe est dans i<n état
lorsqu'il fallait prononcer sur laj façon et sur le violent;
prix d'un ouvrage ou travail mécanique. Alors les es (3) Jadis en France, chez cette nation si fri-
juges appelaient des experts jurés, et l'ouvrierétait lit vole, on pensait que les plaisirs publics ne con-
vi. ception et l'emploi de l'impôt, sont l'objet
Pans une société constituée, toutes les de règlements ou d'ordonnances militaires
familles, en travaillant à accroître leur for- et fiscales, etc.
tune par des voies légitimes, doivent se CHAPITRE XIII.
proposer, pour terme à leur industrie, de
sortir de l'état purement privé, pour se DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DES NATIONS CIVI-
LISÉES, OU DE LA CHRÉTIENTÉ.
consacrer au service de l'Etat dans l'exer-
cice des fonctions publiques; et l'État doit y I.
admettre toutes les familles qu'une fortune
suffisante et une conduite irréprochable Le genre humain peut être considéré tout
rendent dignes de cette honorable promo- entier comme réuni en une société univer-
tion. C'étaient l'esprit et le motif de ce selle, sous le pouvoir suprême de Dieu et
qu'on appelait autrefois en France l'ano- les lois générales de l'humanité: mais les
blissement. nations chrétiennes ou civilisées forment
VIt. une société spéciale sous lès lois particuliè-
res du christianisme, appliquées aux rela-
Le pouvoir public conserve l'Etat comme tions
ou rapports des nations entre elles.
il conserve les familles; il y empêche les
dissensions intestines en suspendant l'action II.
des forces privées, etille défend contrel'inva- Les relations que l'humanité en général,
sion étrangère en rendant une et régulière
et la religion chrétienne en particulier, éta-
l'action de la force publique. blissent entre les nations, sont exprimées
VIII. dans les lois appelées lots du droit des gens,
Ainsi, l'Etat se réserve les voies de fait, et jus gentium (2).
laisse les voies de droit à la famille; et par III.
cette disposition, les familles peuvent vider
leurs débats sans que J'JEtat en soit agité, et Ainsi, les rapports entre les nations sont
les nations se combattre sans que les familles l'objet du droit des gens, comme les rap-
ports entre les familles sont l'objet du droit
en soient troublées (1). civil.
ix: IV.
Le pouvoir public emploie à la défense de
l'Etat une partie seulement des hommes et La société générale des nations chrétien-
des propriétés de la famille. nes, régie par les lois du droit des gens,
s'appelle la chrétienté, ou la république,
X. chrétienne.
Quelquefois il y dévoue des familles V.
entières, dont H forme un ordre particulier
Les nations, comme les familles, sont en-
soumis à des lois spéciales; mais partout il a
tre elles dans des rapports de guerre ou des
recours à un service extraordinaire d'hom- rapports de paix. Il
choses, dont y a donc les lois de la
mes et de la levée gratuite ou guerre et les lois de la paix (3).
exigée s'appelle conscription ou engagement
pour les hommes, don gratuit, contribution, CHAPITRE XIV.
subvention, impôt pour les choses.
DE L'ÉTAT DE GUERRE.
XI. I.
La levée et le service des hommes, la per- Tout ce qui a été dit de l'indépendance
viennent qu'aux hommes privés, et que les hom- Bacon, «dépenser qu'il n'y a entre leS nations d'autre
mes publics doivent se contenter de plaisirs domes- lien que celui d'un même gouvernement ou d'un
tiques. Les magistrats et les gens d'église n'al- territoire commun. Il y a entre elles une confédé-
laient pas au spectacle. ration implicite et tacite, qui dérive dé 1 état de
( i ) Au contraire chez tous les peuples non société. (De ~e//OMcro.)
civilisés du peu civilisés, les guerres d'Etat à Etat (3) Le droit de guerre ou de paix entre les fa-
entraînent la désolation de la famille, et il suffit de milles formait le droit des petites nations ou des
la querelle de deux familles puissantes pour trou- familles, jus minorum genlium. Le droit de guerre
bler l'Eiat. On peut remarquer que les voies de fait ou de paix entre les nations- forme le droit des
sont aux deux extrêmes de la société, dans l'état pu- grandes familles on des gens, jus majorum genthc.n
rement de famille et l'état de nation, celles qui ou jus genlium. (Voyez Filakghieri De la légis-
n'ont l'une et l'autre que Dieu pour juge d'appel. lation.)
(2) i C'est une erreur blâmable,» dit le célèbre 1.{'1
~X3t1
réciproque et des rapports
vr.u ;7
W vvnaruuai~,n
des familles entre légitime,
1 s'il est nécessaire pour maintenir
elles peut s'appliquer à l'indépendance et 1l'ordre .général de la société; légal, s'il est
La famille, par conséquent, ne doit pas, la guerre a fait tomber entre ses mains. De
sous des peines graves établies dans le droit là enfin ces procédés en pleine guerre, et
public et l'usage des nations chrétiennes, même
m au milieu des combats, qui n'ont été
prendre part à la guerre que se font entre connus
co que des peuples chrétiens, et où la
elles des armées campées sur son territoire, &
générosité va souvent plus loin que les lois
ni directement, ni indirectement, par l'es- mêmes
m de l'humanité (2).
pioniiage, l'embauchage, etc. XIII.
La loi d'empêcher les maux inutiles et ex-
X- cessifs
ce ne permet pas de pousser l'opiniâ-
La course sur mer contre les bâtiments de treté de la défense plus loin que la probabi-
tri
commerce n'est point une violation du droit lit du salut, à moins que le plus grand
lité
des gens, parce que le commerce, quel que bi de la société ne rende nécessaire et exi-
bien
soit son objet, public autant que domesti- gible
gi le sacrifice de quelques hommes, et
que, ajoute aux moyens que l'Etat a de con- ce don de soi, que tout homme doit à !a
tinuer la guerre, et peut être regardé comme société.
so
une propriété nationale (1). XI V.
XI. La puissance belligérante qui se permet
Le vainqueur étranger peut exiger, des de manquer -la première aux lois de la
peuples qu'il a soumis, des contributions guerre autorise de justes représailles que
et même des serments de fidélité à son gou- l'humanité
* permet, et quelquefois prescrit,
vernement comme le prix de la protection pour
Pc empêcher la continuation ou le retour
qu'il accorde aux personnes et aux biens des mêmes excès.
de
protection que le vaincu accepte par cela CHAPITRE XV.
seul qu'il en jouit; domination de la force,
DE L'ÉTAT DE PAIX.
que le traité subséquent peut convertir «H 1.
pouvoir légal. La guerre ne pouvant avoir d'autre terme
XII qu la paix, l'humanité commande de l'accé-
que
Les lois de la guerre, qui ne sont que les lérer,
léi et il doit être permis, même au fort de
lois naturelles de l'humanité appliquées à la guerre, à tous envoyés ou messagers de
cet état particulier des nations, interdisent paix
pa de passer et repasser librement à tra-
de faire aucun mal aux hommes dont il ne ve les pays occupés par les armées
vers et
puisse pas résulter un plus grand avantage toute cessation d'hostilités par armistice,
to
pour la nation que le droit de la guerre au- trêve ou capitulation, cartel d'échange, con-
tn
torise à le faire elles défendent d'aggra- vention préliminaire ou définitive, doit être
ve
ver lès maux de la nature, et de détruire religieusement
re exécutée.
l'homme lorsqu'on l'a mis hors d'état de II.
nuire. Ainsi elles défendent de faire mourir La cessation de la guerre entre deux na-
le prisonnier de guerre, de se servir d'ar- tions les fait rentrer dans l'ordre général des
tic
mes inusitées et cruelles, d'empoisonner les relations
re pacifiques, qui avait été suspendu
sources, de bombarder une ville affligée de par les hostilités réciproques, et quelquefois
pa
la peste, de tirer en mer sur un vaisseau qui dans un ordre particulier d'alliance offensive
da
brûle, ou de refuser des secours à un navire et défensive.
en péril. De là l'obligation à toute puis- III.
sance en état de guerre de nourrir les pri- Les ambassadeurs et envoyés des puis-
sonniers, de faire panser les blessés et in- sa
sances étrangères doivent, en se conformant
auteur dit qu'il y a des pays en Europe qui ne sont que le citoyen dans la sienne, la prison sera l'asile
qui
pas remis des ravages des Romains, et l'on peut de la fainéantise et de la mauvaise foi. Il n'y a pas de
voir, dans les provinces qui confinent à l'empire ter
terme à la vérité, il y en a un à la vertu.
turc, des traces de dévastation irréparable. (2) Les guerriers d'Homère se prodiguentl'in-
( 1 ) Si le commerce ne perdait
pas à la guerre, sulte
sut avant le combat, et l'injure après la victoire.
il y gagnerait. Si les commerçants y gagnaient, la Les Romains faisaient passer au fil de l'épée des
Le
guerre serait interminable, et l'humanité peut-être villes et des armées entières. Le christianisme a
vil]
demande que, dans une guerre entre deux nations, fait disparaître toutes ces horreurs de l'état de
faii
la course sur mer soit autorisée. Rien de plus hu- guerre,
gui car ce ne sont pas des guerriers qui ont dé-
main que de bien traiter les prévenus de crimes truit
tru à la Nouvelle-Espagne les malheureux Indiens,
détenus en prison; mais si les prisonniers sont ce sont des marchands.
aussi commodément dans la maison de détention
eux lois, jouir auprès de la nation où ils ré- reste
r auprès des parents qui lui ont donné
sident, des honneurs attachés au caractère 1(le jour, et sur le sol qui l'a vu naître, que la
public dont ils sont revêtus, et auquel môme qualité
q d'étranger est regardée chez tous les
la guerre ne peut porter atteinte (1). peuples,
P ou comme une présomption de
IV. ffuite qui autorise un gouvernement à. de-
Ce caractère, étant essentiellement pacifi- mander
n à l'étranger des preuves légales de
hbonne conduite, ou comme un malheur
que, leur interdit, comme une violation du mérite de sa part une protection parti-
droit des gens toute démarche hostile contre qui q
la nation qui les reçoit, et toute infraction à culière
c (3).
ses lois. Il
CHAPITRE XVI. De là à la fois lé droit d'hospitalité sacré
DES TRAITÉS ENTRE LES NATIONS. chez
c tous les peuples, et les violences exer-
I. cées
c autrefois ou la surveillance exercée
Cette partie de la législation du droit des aujourd'hui,
a non-seulement envers l'homme
éétranger à la nation chez la quelle il voyage,
gens, soumise à l'influence de circonstances
particulières, ne peut être réglée par des mais
v même, dans certains cas, envers le
considérations générales. Elle est toute com- citoyen
c étranger à la commune où il se
prise dans les traités eux-mêmes, véritables trouve.t
lois entre les nations jusqu'à révocation ex- III.
presse lois passagères et variables, si elles
ont été imposées par la violence contre l'or- Lorsque le gouvernement s est assuré dé
dre naturel, politique et religieux de socié- la 1 probité d'un étranger, il doit lui accorder
CHAPITRE XVII. V.
SURVEILLANCE ET BIENVEILLANCE ENVERS LES
ÉTRANGERS.
L'étranger qui a rendu ou qui peut ren-
dre
( à l'Etat des services distingués, par une
1.
industrie productive, ou dans des fonctions
Tel est le vœu de la nature, que l'hommepubliques,
1 partage les devoirs de citoyen, et
(2) Les Turcs seuls, en Europe, renferment pouvaient s'affermir, rien s'affermit
jusqu'à la paix les envoyés des puissances avec les- i parce que ne
quelles ils soin en guerre. L'usage, qui s'est intro- contre
< la nature.
(3). Chez les anciens, étranger était synonyme
duit un peu tard dans leur politique, d'envoyer des d'ennemi. Hoslis apud .majores nostros is dicebuiur
ambassadeurs résider dans les cours étrangères, doit
mettre fin à cette coutume barbare; au reste les quem nunc peregrinus dicimus, dit Cicéron. II faut
puissances chrétiennes n'usaient jamais de repré- remarquer que, cbe« les anciens, la famille était
sailles. hospitalière et TEtat inhospitalier. C'est tout le
contraire chez les peuples modernes. L'hospitalité
( ) On
1 peut voir, dans l'écrit déjà cité sur la ancienne de la famille s'est partagée entre les hôpi-
paix de Westphalie, (Voy. part..11, tome h) taux et les hôtelleries, et l'on peut assurer en géné-
que ce traité célèbre renfermait le germe des guer ral
i que là où les auberges sont les meilleures, et 1;
res qui depuis ont désolé l'Europe, parce qu'il y métier
i d'aubergiste plus considéfé, l'homme est
fondait la démocratie politique et religieuse, qui moins hospitalier envers l'étranger.
sont contre l'ordre naturel des sociétés, et qui ne
U"'JI™ rmivni. k –Liv. Il. DE LA LOI GEN. AT6S
l'Etat doit
doit lui accorder faculté par
en les facultés n»r ttv, ““
-i» Un
1" codej domestique ou code 1 des famil-
des lettres de naturalisation (1). les qui compose le corps de droit civil
VI. ou
privé, et qui comprend les lois domestiques
L'étranger prévenu d'un délit dans q.ui fixent le rapport des personnes domes-
pays, et reclamé par son gouvernement, son
son
îent, tiques dans la famille, et les lois civiles qui
doit lui être rendu, mais seulement dans des fixent i les rapports des familles entre elles
s
cas spécifiés d'avance, et pour des faits ma- dans ( l'Etat. La connaissance de ces lois est
nifestement attentatoires aux lois fonda- nda- 1l'objet de la jurisprudence.
mentales des sociétés, et punis chez tous 2° Un code public ou des nations, qui
les peuples civilisés de peines capitales: les compose
( le corps de droit public, et qui
l'extradition ne doit pas être accordée com-
pour
)our prend
l les lois politiques ou publiques qui
des délits locaux et politiques, et si le droit
Iroit fixent
f les rapports des personnes publiques
d'asile n'est pas attaché aux temples, l'uni-
uni- dans à l'Etat et les lois du droit des gens qui
vers entier est un temple pour l'homme itl. in- règlent
r les rapports des nations entre elles
fortuné. dans
d la chrétienté. La connaissance de
lois ces
VII. J< est l'objet de la science du publiciste.
oute introduction d'étrangers qui, par 3° Un code religieux, appelé
leur constitution morale ou physique, peu- corps du droit
,-eu.clcanonique (2) qui comprend les vérités
vent détériorer les moeurs d'une nation, ddogmatiques, loi ou règle de la
ou pensée de
même en altérer la race, doit être LI
r
l'homme dans ce qu'il peut connaître de
rée dans d'étroites limites, si elle
ier.
resser-
peut
ne eut Dieu et des personnes divines les vérités
être entièrement empêchée. De là venaient de
ent d' culte et dé discipline, règle des rapports
les difficultés que les- gouvernements des
d( hommes entre eux à
appor-
l0r. cause de Dieu. La
taient à l'admission des races d'une couleur cc connaissance de ces lois est l'objet de la
différente de la couleur européenne eur science se du théologien.
de religions ennemies de la religion chré- ou
ré- IL
tienne. On voit, en comparant
ces diverses lois,
que
qt les lois dogmatiques, les lois domesti-
CHAPITRE XVIII. tiques,lesloispolitiquesfixeutlaconstitution
tic
DES CODES DES LOIS OU CORPS DE du
du pouvoir, et que les lois de discipline,
DROIT. les
lois
Io: civiles et les lois du droit
des gens rè-
1. glent
§l<
1514 J'exercice des devoirs (3).
II résulte de tout ce qu'on vient de dire,
que toute la législation est renfermée dans
re» III.
ins Ainsi les lois du droit des
aux trois états de société.
trois codes de lois, ou corps de droit, relatifs
anciens
en avons
£r.maild?r: et qui eût été beaucoup mieux jubere,
!h rendu
ne connaissaient
par excellence à la religion. it quedes conzrraandemencs ou des volontés
que
arbitrai-
res de 1 homme. Les modernes ne doivent connai-
IV.
TV des gens, lois de la religion et de la morale;
ae!
morale
la paix lois
loi criminelles dans la famille, dans l'Etat,
Les lois civiles sont les règles de d«
dans la religion, forment la société en géné-
les hommes; les
que la société met entre la rai ou l'ordre moral de l'univers.
ral,
lois criminelles sont les règles de guerre
le pouvoir déclare aux ennemis de l'or-
que
dre social. CHAPITRE XIX.
V. l'ÉTAT,
ACCORD DE LA RELIGION ET DE
Les lois criminelles sont domestiques I.
politiques, religieuses, comme la société;
elles ont un effet passager ou irrévocable, La religion est la raison de toute société,
le délit. puisque
pu hors d'elle on ne peut trouver la
comme d'aucuns devoirs.
VI. raison
ra d'aucun pouvoir, ni
in- La
Le religion est donc la constitution fonda-
Les châtiments que le père de
famille
légères, mentale
m de tout état de société,
flige à ses enfants pour des fautes
do- II.
sont les peines passagères de la société de
mestique l'exhérédation, et autrefois la La société civile est donc composée
malédiction en sont les peines irrévoca- religion re et d'Etat, comme l'homme raison-
bles (1). nable
n« est composé d'intelligence et d'or-
VII ganes.
&
inflige suivant la III.
La société politique
gravité et l'espèce des délits, des peines pas- L'homme est une intelligence qui doit
sagères, afflictives ou pécuniaires, telles que fa faire servir ses organes à la fin de son bon-
prison, l'exil l'exposition l'amende et heur h, et de sa perfection. La société civilisée
la
des peines irrévocables, afflictives et pécu- n'est n autre chose que la religion qui fait ser-
perfection et au
niaires telles que la peine de mort et la vir T la société politique à la
confiscation. bbonheur du genre humain.
VIII. IV.
Il y a dans la société religieuse, suivant Si la constitution du pouvoir politique a
la gravité et l'espèce des délits, des peines sa s raison dans la religion,
qui nous la re-
passagères, appelées satisfactions, péniten- flprésentep comme le ministre de la Divinité,
irrévocables, qui[ minister Dei in bonum, l'administration po-
ces, censures, et des peines
sont les peines de l'autre vie, connues chez'• rlitique a sa règle dans la morale.
tous les peuples (2). V.
IX. Ainsi la société la plus parfaite est celle
Ainsi rapports des individus entre euxc où £ la constitution est la plus religieuse, et
dans la famille, des familles entre elles dans3 1l'administration la plus morale.
la nation, des nations entre elles dans le VI.
monde, des hommes, des familles, des na-
tions entre elles, du genre humain tout en- La religion doit donc constituer l'Etat, et
la nature des choses que l'Etat
tier avec Dieu dans la religion lois domes- il est contrereligion
la
tiques et civiles, lois publiques et du droitt constitue
(3).
hau
r?»<?« Leibnitz,
Enfin,
E
nais
T rt-îK^-îtr» dans ce.
rlono passage d'une
i>O Ï1flçfi?ï£rp
que et nécessaire de toutes ses connaissan- tion de tous les esprits constitue la citéde
ces morales, elles sont fixées par l'Ecriture Bie\ et le monde moral dans le monde phy-
Dieu,
pour les nations, et elles deviennent ainsi siqi Rien dans les œuvres de Dieu de plus
sique.
une règle universelle, publique, invariable, sublime
sub et de plus divin C'est la monar-
extérieure une loi qu'en aucun temps et en chit vraiment universelle, et l'Etat le plus
chie
aucun lieu personne ne peut ignorer, ou- par sous le plus parfait des monarques. »
parfait
blier, dissimuler, altérer; et pour me ser- Nous sommes parvenus au terme.de notre
fi
vir des expressions de Bossuet et de Leib- carrière.
car) Nous avons considéré, par les
législation
nitz, deux des plus beaux génies qui aient seu lumières de la raison, la
seules
honoré l'intelligence humaine, différents de générale de l'ordre social nous en avons
gén
nations, divisées peut-être (1) de croyance fait l'application aux lois particulières des
sur certains points, mais se réunissant à sociétés
soc: nous en avons trouvé la raison
proclamer, à défendre les vérités fondamen- dans l'homme et le principe dans Dieu; car
dan
laies de l'ordre social « Pans cette parole de la société, si l'on s'obstine à n'y voir que
Dieu (le Décalogue), » dit Bossuet, « sont les l'homme, n'est qu'un long supplice, un lieu
l'bc
premiers principes du culte de Dieu et de la de confusion et d'horreur; et, certes, ils
société humaine; » et dans sa Politique sacrée, sont conséquents à eux-mêmes les publi-
son
expliquant ces paroles, il fonde sur cinq mo- cistes
cist modernes qui, ne voulant pas ad-
tifs tous les devoirs de la société. « 1° Les mettre
mel Dieu dans la société humaine, la re-
hommes n'ont tous qu'une même fin qui est gardent
gar comme un état contraire à la nature
Dieu: Tu aimeras le Seigneur de tout ton de l'homme, -et celui où il est le plus mal-
cœur, de toute ton âme, etc. 2° Cet amour de heureux
hel et le plus dépravé.
Dieu oblige tous les hommes à s'aimer les Nous
1 ne pouvions parler de Dieu
et de
uns les autres. Dieu est notre père commun, l'homme, sans considérer leurs rapports,
l'h(
et son unité est notre lien. Il est ^naturel dont l'ensemble et l'ordre s'appellent la so-
doi
que celui qui aime Dieu, aime aussi, pour ciél religieuse, rapports qui sont la règle
ciété
l'amour de lui, tout ce qui est fait à son 1 mesure de ceux des hommes entre eux
et la
image. 3° Tous les hommes sont frères en- dai la société politique car les hommes,
dans
fants d'un môme Dieu. Ils naissent tous d'un s'il n'existe pas de Dieu, ne peuvent légiti-
même homme, qui est le père commun, et mement rien les uns sur les. autres, ne se
me
qui porte en lui-même l'image de la paternité doivent rigoureusement rien les uns aux
doi
de Dieu. 4° Chaque homme doit avoir soin autres, et tout devoir cesse entre les êtres,
aut
des. autres hommes; car si nous sommes là où cesse le pouvoir sur tous les êtres.
reli-
tous faits à l'image de Dieu, et également Mais
I en considérant la société, même
ses enfants; si nous sommes tous une même gieuse, semblable en tout à la société poli-
gie
race et un même sang nous devons prendre tique,
tiq et composée de personnes semblables
soin les uns des autres Unicuigue Deus dai leur nombre et dans leurs rapports,
dans
yéri-
mandavit deproximo suo. (Eccli. -xvii, 12.) nous avons dû considérer l'accord des
no
5° Les hommes oht.besoinles uns des autres. tés fondamentales que la religion propose à
Dieu veut que chacun trouve son bien dans> notre
no foi, avec les conceptions les plus gé-
la société c'est pourquoi il a donné aux né
nérales de la raison, cparçe que le temps
hommes divers talents, par cette diversité dei est venu de considérer ainsi la vérité, que
que nos-lu-
dons, le fort a besoin du faible, le grand dut nos erreurs le demandent, et
no
petit, chacun de celui qui paraît te.plus éloi- mières le permettent.» Ici nous avons à
mi
gné de lui, parce que le besoin rapprochei craindre
cm que les mêmes hommes qui ont
tout et rend tout nécessaire. Jésus-Christ, jusqu'à,
jus présent accusé la foi des Chrétiens
en formant son Eglise, en établit les principes? d'être
d'é trop simple et trop crédule, ne l'accu-
sur ce fondement et nous montre quels sontf sent aujourd'hui d'être trop |baute et trop
sei
les principes de la société humaine. » raisonnée. Cette inconséquence ne devraitt
rai
(1) Je dis peut-être, car Leibnitz fait à tout moment les aveux et avance les assertionsles plus
favorables à la doctrine de l'Eglise romaine.
pas surprendre. On nous a contesté la rai- Les hommes exercés à la méditation me
son, lorsque nous n'opposions que la foi pardonneront
] la forme dialectique que j'ai
on nous contestera peut-être la foi, lorsque .suivie
i dans quelques endroits de la pre-
nous opposerons la raison, parce qu'on ne mière i partie. C'est sous cette forme que la
sait pas que pour toute connaissance, même vérité, ou ce que j'ai pris pour elle, s'est
profane, LA FOI précède LA RAISON POUR LA développée
( dans mon esprit, et je l'ai expri-
FORMER, ET QUE LA RAISON SUIT LA FOI POUR mée 1 dans le même ordre, pour la faire
L'AFFERMIR. Il serait temps cependant de mieux i entrer dans l'esprit des autres. Peut-
fa re cesser cette guerre civile, et même iêtre aussi que, me défiant de moi-même,
domestique, entre la foi et la raison, où <car l'homme ne doit jamais accorder à se3
tout pérît, raison et foi, et ce combat opi- jjugements une confiance sans réserve, j'ai
niâtre entre les esprits, qui ne laisse sur le laissé
1 au raisonnement cette forme rigou-
champ de bataille que des morts. ireuse, comme un appui nécessaire à la rai-
C'est parce que la foi commence la raison, £son, ainsi qu'un architecte qui a construit
et que la raison achève la foi, qu'il a paru lune voûte d'un trait hardi, laisse les cintres
de siècle en siècle des écrits solides et lu- pour
I s'assurer contre les accidents. Il me
mineux, dans lesquels les motifs de la foi sserait possible, sans doute, d'écrire d'une
ont été prouvés par la raison de l'autorité, manière
r plus oratoire; mais j'ai toujours
et qu'il en paraîtra à l'avenir où ces motifs pensé
l qu'il ne faut chercher à entraîner le
seront prouvés par l'autorité de la raison et lecteur que lorsque la conviction a aplani
il n_e faut pas regarder cette expression op- 1les voies dans lesquelles on veut le faire
posée en apparence, raison de l'autorité, marcher,l parce qu'alors on l'entraîne à bien
autorité de la raison, comme une vaine an- moins B de frais, et qu'il se précipite de lui-
tithèse, car il est vrai de dire que la seule même
E là où vous voulez le mener. A la vé-
autorité qui ait pouvoir sur l'être raison- rité, r il est beaucoup] d'hommes qui se pi-
nable, est la raison. Ces discussions, il est qquent de raison, et même d'instruction sur
vrai, n'éclairent la raison que des hommes d'autres
d objets, qui ne veulent être ni con-
instruits mais cela suffit pour le bon ordre vaincus
v de certaines vérités, ni entraînée
de la société, parce que l'exempte des gens ddans de certaines voies, et qui prennent le
instruits est la seule raison de ceux qui ne parti
P très-peu raisonnable de nier ce qu'ils
peuvent pas l'être. n'osent
n pas approfondir. Ces personnes ont
Que les analogies que j'ai cru apercevoir Ppu se donner le titre d'esprits forts dans un
entre les idées générales de la raison, et les t(temps où ceux qui voulaient se délivrer
dogmes fondamentaux de la religion, et qu'il d'une règle fâcheuse à l'amour-propre, et
serait aisé de porter plus loin, soient ou ne incommode
ll aux passions, se contentaient de
soient pas justes, toujours est-il certain qu'il qquelque chose qui ressemble à des raison-
y a dans ce genre des vérités à. découvrir, nements
n mais aujourd'hui que ces matières.
parce qu'il y a des erreurs à combattre, et sont S( plus approfondies, et rendues sensibles
qu'il y a des explications à donner, tant Ppar des expériences, le titre de philosophes
qu'il y a des obscurités à dissiper. Que si SI sera à plus haut prix on ne t'obtiendra pas.
les explications que j'ai données ne sont pas en ei répétant les sophismes de J.-J. Rousseau,,
les extravagances d'Helvétius, les logogry-
suffisantes, d'autres iront plus loin, mais, si le
je ne me trompe, en suivant la même route, pl phes du baron d'Holbach, ou les sarcasmes.
et profiterontmême des erreurs de" ceux qui de Voltaire (1). Et les Chrétiens aussi ont.
les auront précédés car rien n'est perdu ét étudié l'homme et son esprit, la société et
pour les progrès de la vérité, et dans la son sc contrat, la nature et son système, et ils.
science des rapports moraux comme dans sa savent sur. quelles voies se trouve la lumière^
celle des rapports numériques, on parvient et et quel est le lieu où habitent les ténèbres. (Job
à des résultats vrais, même par de fausses x: xxxyiii, 19.)
positions.
d
I 11 J.-J.
(1) Rousseau, auteur
J_-J- Rnl1~~('I~tI ~l1t'\I!~ du <<
r~·~r soda1, RI
~lu Contrat
lluibach, auteur du Sys:ème de la nature.
Helvétius, auteur du livre do l'Esprit; le Laron
LÉGISLATION PRIMITIVE.
DEUXIÈME PARTIE.
AVERTISSEMENT.
Nous avons considéré, dans la première dant une révolution qui occupé trop forte-
partie de cet ouvrage, par les seules lumiè- ment le cœur et l'esprit aux intérêts privés,
res de la raison, la législation fondamentale pour qu'il y reste quelque place aux affec-
de la société, qu'on peut regarder comme la tions publiques; mais si la semence ne reste
cause de son existence. Nous allons traiter pas aux lieux où elle est jetée, elle ne tombe
historiquement, dans cette seconde partie, pas en vain, et va féconder d'autres con-
du moyen nécessaire et naturel de sa conser- trées. Il est vrai cependant que jamais la
vation, ou du ministère pmblie que l'on vérité ne rencontra autant et de si puissants
appelle sacerdocedans l'Eglise, et service ci- obstacles. L'erreur, toujours en sentinelle,
vil et militaire dans l'Etat. fait une garde sévère autour du poste qu'elle
Nous le considérerons en France seule- a surpris. Les gouvernements, occupés ex-
ment, parce que l'histoire en est plus fami- clusiment de connaissances physiques, et
lière à nos lecteurs, et aussi parce que les qui voient plutôt dans les hommes des ma-
ordres ou classes de citoyens dévoués au chines à multiplier que des êtres moraux à
service public avaient retenu en France plus former, traitent certaines vérités avec déri-
que partout ailleurs l'esprit et les devoirs sion, et les renvoient aux peuples couvertes
de leur profession. Mais il ne peut être de leurs mépris. Honteux d'avoir été trom-
question ici que de la France ancienne, pés par des charlatans qu'ils ont accueillis
et l'auteur n'est que l'historien des temps avec tant de faveur, et d'avoir payé des so-
passés, ou, si l'on veut, l'antiquaire qui étu- phistes pour ruiner leur autorité, ils se con-
die les ruines des monuments anciens. tentent aujourd'hui de demeurer neutres
Lorsqu'on traite de la société, du pouvoir entre les ennemis de l'ordre et ses défen-
et de ses fonctions d'une manière aussi gé- seurs, et ils ne savent pas que, s'il est né-
nérale, aussi abstractive des hommes et desi cessaire que le scandale arrive, comme l'a dit
circonstances que je l'ai fait dans mes écrits la suprême raison (et quel plus grand scan-
politiques, on ne peut, sans une extrême dale que les révolutions l), ce ne peut être
injustice, être taxé d'intentions et d'allu- que parce que les grands désordres dans la
sions. Sans doute, il faut dire la vérité; société mettent à découvert les erreurs qui
mais il n'est nécessaire de publier que les la travaillent, et bâtent le développement de
vérités nécessaires ou générales, celles quii la vérité qui l'affermit; car la vérité, tou-
donnent la connaissance des êtres et de leurs> jours ancienne et toujours nouvelle, semée
rapports. Les vérités sur les individus, tou- au commencementdes temps, se développe
jours mêlées d'erreur et de précipitation, et se mûrit tous les jours.
toujours suspectes d'affection, de haine ou Un homme a rempli la première et la plus
d'intérêt, peuvent amuser la malignité dul noble destination de l'être intelligent et rai-
cœur humain; mais les vérités générales, sonnable, lorsqu'il a appliqué son esprit à
certaines et pures comme Dieu même dont connaître la vérité et à la faire connaîtreaux
elles émanent, instruisent les hommes, et autres; c'est aussi une fonction publique, et
redressent leurs actions en éclairant leur une sorte de ministère qu'il ne paye pas trop
volonté. Je n'ignore pas que c'est semer cher de sa fortune, de son repos, et même
avec le vent que de oublier la vérité pen- de sa vie.
TRAITÉ DU MINISTERE PUBLIC.
( 1 ) Julien l'Apostat fut le dernier persécuteur idolâtre car Valens, qui persécuta après tut les
Catholiques, était arien.
tes qui veulent toujours ramener le chris- rent dans les Gaules, où la religion chré-
tianisme à son berceau, parce qu'elles n'ontt tienne les avait précédés. Leurs moeurs du-
pas la force d'en suivre les progrès, que soni res s'accommodèrent de sa doctrine sévère,
fondateur et ses premiers disciples n'avaientt comme leurs lois monarchiques s'accordè-
pas de propriétés, comme si un être vivantt rent avec sa constitution. Les Francs se fi-
pouvait subsister sans être propriétaire. Ils3 xèrent au milieu des Gaulois et des Romains.
étaient propriétaires de ce qu'on leur don- La religion, qui fait habiter ensemble les lions
.nait pour vivre, comme leurs successeursî et les agneaux (Isa. xi, 6), de trois (1) peuples
sont propriétaires,de ce qu'on leur a donnés ne forma qu'une société. L'Eglise et l'Etat
pour subsister. La seule différence est que< distincts, parce que l'une règle les volontés
les uns avaient une portion dans les fruits, de l'homme et que -l'autre règle ses actions,
et que les autres ont une portion dans le mais semblables, parce qu'ils sont tous deux
fonds. Ainsi Je christianisme à son origine société.seréunirent dans uneconstitutionho-
ressembla à toute société naissante qui quête mogène. L'Eglise avait son chef ou son pou-
une subsistance précaire par la chasse ou la voir, ses ministres, ses fidèles; l'Etat eut
pêche, avant de passer à l'état fixe et assuré ses chefs, ses ministres, ses féaulx ou su-
d'un peuple agricole. jets c'est-à-dire que l'Eglise et l'Etat eurent
Dès que la religion fut établissement pu- chaeun leurs
personnes publiques et leurs
blic, il n'est plus question dans ses annales propriétés publiques, qui formèrent dans
des petites Eglises d'Ephèse, de Tessaloni- l'une et dans l'autre société l'institution du
que ou de Corinthe, mais des grandes Egli- ministère public.
ses des Gaules, de la Germanie, d'Espagne,
de l'Eglise d'Orient et de l'Eglise d'Occident, ^CHAPITRE II.
etc.; et c'est aussi la marche de la politique,
qui ne connaît dans son dernier âge que les CONSTITUTION SEMBLABLEDU MINISTÈRE RELI-
grands Etats, et cette réflexion est applica- GIEUX ET DU MINISTÈRE POLITIQUE.
ble au temps présent. Division de juridiction, hiérarchie dans
La monarchie des Francs avait commencé les fonctions, nature des propriétés,
tout,
dans les forêts de la Germanie; et, comme jusqu'aux dénominations, devint
peu à peu
dans toute société, son chef constitué pour semblable dans le ministère religieux et le
juger et pour combattre, avait des ministres ministère politique.
nécessaires de cette double fonction conser- « Tout, » dit M. de La Curne de Sainte-
vatrice de la société; et Tacite le remarque Palaye, dans ses excellents Mémoires
sur la
expressément. chevalerie, auxquels je renvoie le lecteur,
Ces ministres, qu'il appelle nobiles, comi- « tout confirme l'idée que nos anciens
au-
tés, notables, nobles, compagnons, et plus teurs ont eue de faire un parallèle assez exact
tard convives du prince, n'eurent pas non entre le sacerdoce et la chevalerie. Pres-
plus, tant que la société nefut pas fixée, des que tous les auteurs se réunissent à
recon-
propriétés immobilières affectées à leur pro- naître, dans l'investiture de la chevalerie,
fession. Ils subsistaient aussi de présents les rapports sensibles avec les cérémonies
qu'ils recevaient de leur chef, comme leur employées par l'Eglise dans l'administra-
chef lui-même subsistait de. ceux qu'ils lui tion des sacrements. Les plus anciens pané-
faisaient. C'est encore la même chose dans gyristes de la chevalerie parlent de ses
les peuplades sauvages mais le en-
sauvage, gagements, comme de ceux dé l'ordre mo-
peuple a son premier âge, n'a d'autres ri-,m nastique et du sacerdoce. Le privilège atta-
chesses que les prod actions du sol et les ché à l'habillement ecclésiastique était éga-
Germains, plus avancés d'un- degré dans la lement affecté à l'habillement du cheva-
civilisation, et qui connaissaient déjà les arts, lier, et pour qu'il ne manquât rien au paral-
et après eux les Francs, même sous la se- lèle entre les deux états de clergie et de che-
conde race de nus rois, donnaient et rece- valerie, nos anciens auteurs voulaient éten-
vaient des productions de l'industrie, des dre sur les chevaliers l'obligation du céli-
armes, des chevaux, des vases précieux.
Ce fut avec ces lois, ou plutôt avec ces
bat. » •
L'Eglise était divisée en métropoles, en
coutumes politiques, que les Francs entrè- diocèses, en paroisses l'Etat en gouverne-
(I) Les évoques étaient des Romains, et les officiers politiques furent des Francs
ments ou duchés, districts ou comtés (de- 3- les dépenses militaires aient cessé d'être ac-
puis bailliages ou sénéchaussées), en fiefs.
s. quittées par cette énorme quantité de fiefs
L'une avait ses ministres gouvernés par un in fondés en France, en faveur d'un corps na-
chef, vicaire de Jésus-Christ, pouvoir su- la- tional militaire qui n'existe plus. On ne me
prême de la religion; l'autre, ses nobles es fera jamais accroire que cette manière d'as-
commandés par un chef appelé maire du pa- a- surer LES DEUX GRANDS services pdblics de
lais, grand sénéchal, enfin connétable, lieu-
i- la société fût plus onéreuse au peuple que
tenant né du pouvoir suprême pour la force, e, l'impôt dont il est presque partout accablé. »
comme le référendaire ou le chancelier le Ce passage extrêmement remarquable est
fut ensuite pour la justice. La religion avait
it textuellement extrait des Observations soin-
ses ordres religieux et politiques, engagés
5s maires sur les biens ecclésiastiques, publiées
par des vœux, chargés, même alors, de l'é- S- en 1789.
ducation publique et du dépôt des connais- s- Les contributions pour la subsistance des
sances sociales; • la politique avait fait ses
;s ministres de la religion et de ceux de l'Etat
ordres militaires et religieux, engagés aussi,i, sont naturelles, sont nécessaires, ce qui fait
et par les mêmes vœux, à défendre la reli- i- qu'elles ont été connues dans toute société
gion contre les infidèles tous les deux ix et à toute époque de la société, et qu'on ne
avaient leurs tribunaux spéciaux et leurs >s peut pas même concevoir une société sans
assemblées générales, conciles, cours plé- ministres, ni des ministres sans moyens as-
nières, parlements, états généraux. Les deuxx sures de subsistance. Ainsi, quelle qu'eût
ministères s'appelaient ordres ou personnes s été l'origine des biens de l'ordre ecclésias--
ordonnées pour une fonction qui demande e tique et de ceux de l'ordre politique, origine
subordinationdans les volontés et hiérarchiee sur laquelle des écrivains prétendus phi-
dans les grades. Ils s'appelaient tous less losophes, ont débité tant d'inepties
ou tant
deux milice ou personnes dévouées, de mee d'impostures, ces biens donnés ou acquis
lito, je me dévoue, qui, par le changement It mais non usurpés, avaient été réglés par
d'e en i, commun à toutes les'langues, mêmee l'autorité publique à mesure
que la société
vivantes, a fait milito, je combats (1). s'était constituée, et ils étaient devenus éta-
t
La nature des propriétés était absolument blissement public, nécessaire pour perpé-
la mêmé, et elles portaient le même nom. tuer le corps ecclésiastique ou les familles
Le ministère de la religion possédait dess nobles. Les progrès de la civilisation com-
dîmes et des fonds de terre; le ministèree mencèrent en Europe avec l'état fixe et
pro-
politique possédait des fonds de terre et dess priétaire du ministère public, et les désor-
champarts(campipars), dîme ou las que (2), dres de l'état sauvage y ont recommencé
rentes ou censives, etc., c'est-à-dire unes lorsque le ministère public y est devenu
contribution en nature de denrées. Les3 amovible et salarié.
propriétés1 de l'un et' de l'autre s'appelaient
également bénéfices ou biens employés à
ti dans
Tout était
la
parfaitement
donc
destination et dans
sociale
semblable (3)
la consti-
faire le bien de la société. Les propriétés de tution extérieure des deux ordres, dont l'un
3
l'ordre ecclésiastique ont retenu le nom de devait juger la doctrine et combattre les vi-
bénéfices, celles de la noblesse ou de l'ordre ces, et l'autre juger les actions et punir les
s
politique ont pris le nom de fiefs. Ecoutons crimes. Et si la raison et l'histoire ne nous
Sieyes « Plus je réfléchis à cette alternative> disaient pas qu'ils sont parfaitement sem-
(de doter le clergé en propriétés, blables entre eux, leurs malheurs communs
ou de le
salarier en argent), et moins je peux trouver et la haine désespérée dont ils ont été à la
mauvais que le service ecclésiastique ait fois l'objet suffiraient pour nous l'apprendre.
continué d'être à la charge des terres cédées Ainsi selon la remarque de l'auteur des
au clergé, et même j'oserai regretter
que Etudes de la nature, l'Etat partout s'élevait
».M vp»ii.«.
l'Eglise, Hnninn à côté du clocher, le
le donjon
1A
droit
d de subsistance sur le fonds double
avec attribut du ministère public; car il ne faut
seigneur ou le magistrat à côté du prêtre, et a
étaient tous, dans
dans cette double institution, qui réglait les p oublier que les nobles
pas
leur institution naturelle et particulière-
volontés et les actions religieuses et fidèles, li
guerriers
les volontés et les actions civiles du féal ou ment
n en France, magistrats et
(2). On interdisait aux nobles coupables
du sujet, était le moyen de tout ordre public
(i
d quelque crime les fonctions
de judiciaires
et de toute perfection sociale, qui consiste militaire neque in palatio
dans ces deux mots Gloire à Dieu et paix ccomme le service
licen-
bon- militiam, neque agendarum causarum
aux hommes dont les volontés sont r,
tiam habeant. « Les premiers siècles de la
nes (Luc. n, Ht)
c'est-à-dire qui prennent t
monarchie virent les grands seigneurs les
l'ordre général pour unique règle de leurs r
destinés à défendre également
volontés particulières. courtisans,
(
par
1 les armes le droit de la nation, et
CHAPITRE M. jpar
1 leur éloquence le droit des particuliers
(3).
( »
ALTERATION DANS LES ORDRES CHARGES DU MI- La vie commune convenait aux fonctions
NISTÈRE PUBLIC. religieuses
j
des ministres de la religion, car
des soins
A côté de la nature, qui édifie avec ses en rejetant sur le corps l'embarras
domestiques elle laissait à l'individu plus
lois, l'homme, agent libre d'un ordre néces-
de liberté d'esprit et de corps pour remplir
saire. détruit ou plutôt contrarie avec ses
passions. les devoirs publics. Elle mettait dans un ac-
cord parfait les leçons de la religion et les
Les ministres de la religion vivaient en
exemples de ses ministres, et elle montrait
France, dans les premiers temps beaucoup des hommes personriellement détachés de
plus que de nos jours, en communautés sé-
culières ou régulières, véritables familles toute propriété à des hommes en qui il fal-
religieuses, dont l'évêque ou tout autre su-
lait, pour l'intérêt de la société, modérer
l'excessif attachement aux richesses, source
périeur était le. père et là même où il ne féconde d'injustices et de forfaits.
pouvait y avoir-communauté de résidence
dans* tout un D'un autre côté, la vie isolée et champé-
pour les personnes comme tre convenait aux fonctions du ministre po-
diocèse, il y avait administration commune litique, qu'elle plaçait au milieu de ceux
de biens ecclésiastiques comme l'observe dont il devait être le juge, le défenseur et
l'abbé Fleury. La vie commune existe en- le modèle. Elle exerçait, ses forces par le
core dans les monastères et les
lieux régu-
goût de la chasse et la pratique de l'agricul-
liers les cloîtres ou chapitres, antiques de-
ture. Elle fortifiait son âme par l'habitude
meures des chanoines, dont on retrouve d'une vie simple et uniforme, qui amortit
dans toute l'Europe le nom et les vestiges spectacle
cathédrales, les- passions en en éloignant le
autour de toutes les anciennes contagieux, et dispose l'homme à remplir
attestent la vie jadis commune des prêtres,i ses devoirs en-
même séculiers; et l'on peut remarquer à avec courage et dévouement
Paris, auprès de plusieurs paroisses, uni vers la société.
Mais dans la lutte éternelle de l'homme
quartier appelé. la rue des Prdtres, preuvee privé et personnel contre l'homme public
d'une ancienne communauté d'habitation.
Pendant longtemps, les nobles (sauf ceuxs de l'homme de soi contre l'homme des au-
retenaientit tres, des passions enfin contre la raison, la
que des fonctions particulièresexerçaient dess fureur des jouissances, quand l'autorité ne
dans les villes, où les Francs
emplois civils et ecclésiastiques) (1 ), vé- sait plus la contenir, ne tarde pas à l'em-
curent à la campagne et sur leurs terres. IlII porter sur le sentiment des devoirs.
re- La vie commune parut au ministre de la
y avait peu de villages, dans ces temps religion austère et gênante, comme plus
culés, qui ne fussent la résidence d'un sei-
public ayant
lt tard la vie champêtreparut aux nobles triste
gneur, c'est-à-dire d'un. homme et ennuyeuse car j'observe ici la
marche
devoir de juridiction sur les personnes, et ;t
cités..
(i) Francs, dit Agatnias, voit kapenl magislratus is
urbibm l'on par les plus an- Charlemagne, par M. Bonnaire de Pronville. mi-
et sacerdotes, et primé à Brunswick, 1800, et les Mémoires sur lu
in ri-
ciennes lois que le comte présidait les échevins ou
,u
allemand), conseil-
1- Chevalerie, déjà
rachiiiibourgs (rath im bttrg en (3) Mémoires sitr l'ancienne Chevalerie,
lers de la ville.
des passions plus que je ne consulte la date naturel de tous les établissements religieux
des événements. Les grands changements et politiques, consentit à ces arrangements,
qui arrivent, en bien comme en mal dans ou même les favorisa il s'occupa du bien-
les institutions sociales, n'ont jamais de être de chacun, plutôt que de l'intérêt de
date certaine ils existent déjà quand les tous. 11 ne vit pas qu'en fait de devoirs, il
hommes les déclarent, et même les hommes n'y a jamais de motif pour épargner de la
ne les déclarent et ne les sanctionnent par peine à l'homme, et qu'il y en a toujours
leurs lois que parce qu'ils existent depuis
pour lui en donner, parce que l'accomplis-
longtemps. C'est une vérité importante, sement de tous les devoirs, ou la vertu
aperçue par le président Hénaut dans ses n'est qu'un continuel combat. Les
Observations générales sur l'Histoire de gouver-
nements cherchèrent même à tirer parti de
France.
ces innovations pour accroître leur crédit
Il s'était formé des bourgs et des villes personnel, en conférant les bénéfices comme
autour des monastères et des chapitres. A une faveur à des ecclésiastiques de leur
mesure que la population augmentait, et choix, et quelquefois même à des laïques
qu'il s'élevait de nouvelles habitations on qui les possédèrent comme un patrimoine,
construisait de nouvelles églises pour la et en trafiquèrent comme d'un héritage.
commodité des habitants. Les prêtres des Ce fut une insensible, mais véritable ré-
monastères voisins allaient, les jours consa- volution. Jusque-là le prêtre avait eu sa part
crés au culte religieux, desservir ces cha- de la considération dont jouissait le
pelles éloignées (1) ou bien sans cesser corps
auquel il appartenait, et qui se compose de
d'appartenir à leur communauté, ils y fai- toutes les idées d'antiquité, de perpétuité
saient momentanément leur résidence. Il en de propriété de discipline même et de ré-
était de nos jours à peu près de même en gularité, qui rendent un corps puissant et
Suisse en Allemagne, et partout où les cu- respectable car il ne peut exister de règle
res sont entre les mains des réguliers la que pour les corps, parce que l'autorité qui
nécessitéles y conduisait, le goût les y fixa, l'établit n'a de prise que sur les masses, et de
loin de la surveillance du, supérieur et de là vient qu'on voit des corps politiques si bien
la gène de la vie claustrale. Les supérieurs réglés, composés d'individus qui ne le sont
]
n'aperçurent pas, ou dissimulèrent les in-
3guère. Le prêtre réduit à sa personne, quel-
convénients de ces changements qui les quefois peu digne de considération; à sa
délivraient du soin de surveiller et adou-
cissaient pour eux-mêmes l'austérité de la
j <
1fortune, toujours modique oisif et trop sou-
vent
i intéressé, fit tort au ministère et le
règle toujours plus relâchée dans les mai- ministère
i à la religion qui, abaissée jus-
sons moins nombreuses. Quelquefois même qu'au
( peuple, plutôt que rapprochée de lui,
la maison y,, gagna sous le rapport de l'ad-
jpauvre dans son culte et sans dignité, fut
ministration doses biens puisqu'elle ac- moins publique que populaire, et ne pré-
quit pour de modiqueshonoraires un homme senta plus au peuple ces formes augustes
<
d'affaires résidant sur les lieux, et intéressé
E impusantes qui conviennent à la divinité
et
à la fortune de la communauté, et ce motif de la religion, et soutiennent la faiblesse de
(
fut quelquefois la seule raison de l'établis- jl'homme. Ce fut là une des
causes et un des
sement des cures. Il arriva encore que des effets
« de la dépopulation, et par conséquent
décimateurs, las de la campagne et de leurs
( ladestruction des monastères,«principaux
de
fonctions, payèrent un desservant, en se
imoyens, dit l'abbé Fleury, dont la Provi-
réservant la dime, et donnèrent naissance dence s'est servie pour conserver la reli-
c
aux bénéfices simples. Souvent aussi il se gion
c dans les temps les plus misérables.
forma des paroisses, beaucoup tcup éloi- j Mais
]
»
à cette cause de dégénération, tirée de
gnées des monastères, où le desser-vant ne 1 vie indépendante et isolée de l'homme, il
la
put plus faire sa résidence habituelle et s'en
s joignit une plus puissante, tirée d'un
ainsi, soit nécessité, soit dégoût de la vie 1bouleversement dans les propriétés.
claustrale, les prêtres isolés dans les cam- Le concours de plusieurs causes, dont les
pagnes cessèrent d'appartenir à une maison plus
l actives furent les donations multipliées,
commune. la
1 faiblesse de l'administration, les change-
Le gouvernement, défenseur et gardien ments de la race régnante, les invasions des
r
daisîe SetSteieTinjuSù.teTpf les PrécaUti°"S
mutions aue
que le desservant était nhiîms nwmin
Ha prendre
obligé de
dans le trajet contre les iujllres du, temps.
Normands, les croisades, les guerres des le second canon condamne les laïques qui
prennent les dîmes à leur profit.
rois contre leurs vassaux, avaient fait pas- pi
grand nom- La proportion des richesses, et par con-
ser dans les mains duclergé un exclusive séquent de force qui devait exister entre les
se
bre de fiefs, propriété naturelle et
de l'ordre politique et dans les mains des deux ordres chargés du ministère public sur
d<
ailleurs, qui n'eussent 'des fiefs dans leur bout d'un intervalle dé temps souvent con-
t
dotation; et dû moins en France il y avait sidérable, et que pour une nation en so-
mouvement,
peu de dîmes inféodées dans les provinces3 ciélé, comme pour un corps en
encore, même
du Midi. Cette interversion de propriétés ett l'impulsion donnée subsiste
changée.
de devoirs existait encore en France mais3 après que la direction est dernière évidence
l'abus était senti c'est ce qui faisait que lei Ce qui prouve avec la
innovations faites
clergé vendait de préférence Tes fiefs, lors- les funestes effets des I'époque^ont
qu'il lui était permis d'aliéner de ses pro- d'ans l'Etat et dans TÉgUse, àépoque même*
i
priétés, ou qu'iil y était forcé j comme lors du nous parlons,
est qu'à cette
avec beaucoup de raîso'a
rachat de François F% et qde les tribunauxs « La France, » dit
été le pays où la
civils ne maintenaient les laïques dans laa M. de Saint-Lamberti « a
jouissance des dîmes ecclésiastiques, qu'au- justice a été le mieux
administrée, et dans
le plus l'es-
tant que leur possession remontait à unee lequel les magistrats ont euqu'ils devaient
époque reculée, et qui était, je crois, cellee prit, le caractère,.les mœurs il “
du second concile de Latran, en 1139, dontit avoir. Leur pouvoir n'offensait personne;
la sécurité de tous; il donnait lai
ajoutait à la en soit,
soit, les. Papes favorisèrent l'établisse-
l'Ai«hli«-.
force de situation. Les nobles jouissaientt
meait des religieux mendiants (2), Mais
comme propriétaires protégés par les lois tro.|i" frappés peut-être des abus qu'entral-
leurs droits, et non leur puissance, assu- naient les richesses de l'ancien clergé, ils
raient leur tranquillité. La nation prenaitt ne firent pas assez d'attention aux suites
toutes ces habitudes qui, dans une monar- probables de la pauvreté laquelle le
chie, deviennent des vertus. Dans ces mo- nou-.
veau se condamnait, et en voulant réprimer
ments, les mœurs des Français ont été peut- le luxe, ils ouvrirent la porte à l'avarice,
être comparables aux plus belles mœurs des> qui se nourrit de désirs bien plus que de
nations les plus illustres de l'antiquité5 jouissances. La réforme dans le chef et dans
(beaucoup meilleures-). La religion, tellet ses membres, appelée par tant de conciles,
qu'elle était peu près en France, était eni selon Bossuet, et après laquelle l'Eglise
général soumise aux rois, soumise aux ma- soupirait depuis longtemps, cette réforme,
gistrats (1) et favorable à l'ordre et aux à laquelle la réforme prétendue de Luther
moeurs. Les troubles religieux qui s'élevè-• et de Calvin apporta le plus grand obstacle,
rent forcèrent le gouvernement à suspendres ne pouvait être que la correction des hom-
l'exécution de ses desseins utiles, et à s'op- mes, J'amélioration des institutions, et non
poser aux opinions nouvelles. Ces opinionss l'altération des principes; et des
prirent naissance dans ce siècle où plusieurs corps qui
ne devaient subsister que de dons volon-
Papes eurent des vertus. On ne souffrait pas taires comme dans l'état naissant de société,
beaucoup alors des excès de la papauté, établis tout à coup au milieu d'une société
mais on en craignait le retour; Les maux âgée, où tout, et la religion elle-même, était
étaient diminues, et l'impatience était aug- assis sur la propriété, devaient y produire
mentée. Luther n'était pas un homme de de ta discordance dans les formes, et don-
génie, et il changea le monde. Le livre de ner aux idées une direction nouvelle, et
Calvin parut, et le chrétien de Calvin est peut-être même opposée aux anciennes
nécessairement démocrate. Tous les sec- idées. Aussi lorsqu'on réfléchit aux progrès
taires plus ou moins tendaient à l'indépen- des opinions, et à l'inïluënce lente, mais ir-
dance. ), Je reviens à mon sujet. résistible, qu'elles exercent sur les actions
« Le concile de Latran,» dit F.leu.ry, «avaii humaines, on n'oserait peut-être pas soute-
très-sagement défendu d'instituer de nou- nir que ces maximes de détachement uni-
veaux corps religieux. » Mais la cour de versel de toute propriété, de pauvreté apos-
Rome crut que les maux de l'Eglise et Jes tolique, de perfection évangélique, prêchées,
besoins de la religion demandaient des se- et même pratiquées par les ordres men-
cours extrord inaires, et peut-être aussi que diants à leur naissance que l'indépendance
quelques Papes, irrités des obstaeles que le qu'ils affectèrent plus tard des évêques, et
clergé et les universités avaient opposes à des même la facilité que quelques-uns introdui-
prétentions qui n'avaient jamais été parfai- sirent dans la morale, n'aient pas disposé les
tement éclaircies regardaient comme né- peuples à voir peu apres, avec moins d'é-
cessaire l'institution d'une milice plus dis- tonnement, les prétendus réformateurs, al-
ponible en quelque sorte pour les fonctions liant aussi le rigorisme des formes au relâ-
ecclésiastiques, et plus dévouée à leurs vo- chement des principes, déclamer çontre les
lontés. « 11 eût, ce semble, été plus utile,» richesses ecclésiastiques, le luxe et la mol-
reprend Fleury, «que les évèques etles Pa- lesse du clergé, abolir même l'autorité des
pes se fussènt appliqués sérieusement à ré- évêqueset celle des prêtres, renverser de
former le clergé séculier, sans appeler au j fond
J en comble toute la doctrine de l'Eglise
secours ces troupes étrangères. » Quoi qu'il sur les satisfactions et les indulgences, et se
ranisme très-équivoque ne'doit pas rendre depuis l'introduction des mendiants, » cette
mendiants n'â-
suspect, même dans cette matière, « que milice, dont les religieux
l'ébauche et comme la pre-
tous tes bons écrivains disparurent, les re- vaie.nt été que devenu néces-
ligieux mendiants tirant tout à eux; en mière épreuve; ce renfort
où l'Eglise, attaquée avec
sorte que le droit civil et canonique et toutesî saire à l'instant esprits et des
les subtilités de l'école devinrent presque i fureur au dedans par de beaux
l'unique objet de toutes les études. » savants, au dehors par des princes, obligée
Ces nouveaux corps ne furent pas noni de se
défendre contre ses propres enfants,
monde récemment dé-
plus assez en harmonie avec les principess avait, dans un autre combattre,
monarchiques de la religion et de l'Etat, couvert, de nouveaux ennemis à
à conquérir. On voit
à cause des éléments démocratiques dontt de nouveaux Etats
l'ordre des Jé-
leurs élections perpétuelles et leurs autori- assez que je veux parler de
tés triennales, objet éternel d'ambition et dee suites, institution la
plus parfaite qu'ait pro-
christianisme, née pour le
brigues, présentaient les formes et recélaientt duite l'esprit du
produisit dans l'ordre des Frères mineurs la quest:on
deiaproprieié..
(1) On connait les célèbres divisions que
combat, et cependant propre à la paix, cons- tentions indiscrètes
de la cour de Rome;
tituée pour tous les temps, tous- les lieux et
car, » dit Fleury, « ce furent les Frères
teus les emplois corps puissant et riche, où «mendiants qui poussèrent aux plus grands
le particulier était pauvre et soumis, consi- excès les
prétentions de l'autorité des Papes
déré des grands et respecté des peuples, ( 1 ). De même les
réunissant à un égal degré l'esprit et la pendantes » troupes soldées, dé-
de ceux qui payaient, avaient mis
piété, la politesse et l'austérité, la dignité et
un principe démocratique dans l'Etat; prêtes
la modestie, la science, de Dieu et celle des à servir,
suivant le temps et les occurrences,
hommes. Je passe au ministère politique. les faiblesses du peuple et les abus du pou-
Les guerres intestines et les expéditions voir. Une armée de soldats
d'outre-mer avaient porté un coup mortel à armé, véritable démocratie est un peuple
l'ordre politique. Les families qui avaient militaire, ob-
serve Montesquieu, en parlant de l'empire
survécu s'étaient enrichies de l'héritage des romain, l'empereur n'était qu'un premier
ou
familles éteintes; d'autres s'étaient appau- magistrat toujours amovible.
vries par le pillage et la dévastation de leurs dit Robertson dans « Charles VII, »
biens. L'égalité entre les familles du même toire de Charles-Quint, son Introduction à i'Jïw-
ordre en fut altérée, ou les inégalités s'ac- mière armée-sur pied qu'on en établissant la pre-
eût connue en
crurent. Les plus pauvres vendirent leurs Europe, prépara une révolution importante
fiefs, comme plus anciennement elles les dans les affaires
et la politique des peuples
avaient donnés au clergé, et l'ordre poli- divers. Il ôta
aux nobles la direction de la
tique s'affaiblit par l'extinction des famille?, force militaire de l'Etat.
»
et plus encore par l'aliénation ou l'aggloiné^ Je n'ai pas besoin d'avertir que je ne parle
ration des fiefs. ici que des corps en général, et non du par-
Cet affaiblissementde l'ordre politique, la ticulier. Les troupes soldées
ont produit de
nécessité de repousser les Anglais, qui, les grands capitaines, et les religieux mendiants
premiers en Europe, avaient placé la force des hommes distingués leur science et
de leurs armées dans les troupes soldées; leurs vertus. Les pieuxpar fondateurs de ces
Ja fureur des conquêtes en Italie, qui saisit ordres convenaient
même par leur simpli-
nos rois à cette époque déterminèrent cité aux siècles où ils parurent, et, comme
Charles VU à faire un établissement fixe de l'observe Machiavel, l'exemple do leurs
ver-
ce qui n'avait été jusqu'à lui qu'une levée tus ranima la dévotion et la foi languis-
accidentelle et passagère. Les troupes sol- santes. Ils étendirent l'Eglise des mis-
dées n'avaient été jusqu'alors que la partie sions, et les troupes soldéespar agrandi
ont
la moins nombreuse et la moins estimée des l'Etat
par des conquêtes. Mais ces institu-
armées françaises; elles en devinrent la tions, trop dépendantes du peuple qui donne
force et la partie principale différence im- et du peuple qui
paye, ue sont pas assez
portante, qui, dans une nation monarchique, liées à la constitution d'une société, où tout
place la force de l'Etat dans l'infanterie qui doit reposer
sur la base immuable de la
a toujours fait la force des Etats populaires propriété foncière; et c'est tout ce que j'exa-
ou despotiques; armé j plussoumise que fi- mine ici. Aussi depuis longtemps des symp-
dèle, plus propre à l'agression qu'à Ja dé- tômes non équivoques indiquaient
un prin-
fense (et c'est aussi l'esprit de la démocra- cipe de maladie dans cette partie du
corps
tie), et qui, plus.portée au mécontentement social. Il s'était élevé même dans l'Eglise
que la cavalerie, par la nature de sa compo- des plaintes contre l'excessive multiplication
sition, ou parce que l'homme y est moins des ordres religieux, et plus récemment des
occupé, a partout été, et même en France, écrivains politiques avaient fait sentir le
le premier et le plus puissant instrument danger de l'accroissement démesuré des
de révolutions. Les religieux mendiants, dé- troupes soldées danger extrême, toujours
pendant de ceux qui donnaient, avaient mis imminent dans les Etats idolâtres, maho-
un principe démocratique dans l'Eglise, et naétans et philosophiques, et dont quelques
condescendu trop souvent aux faiblesses autres Etats ne sont préservés,
que par la
des fidèles, ou quelquefois appuyé les pré- force de la religion chrétienne, et les prin-
(1) Le Pape a une autorité ordinaire pour les temps ordinaires, c'est-à-dire une autorité inutile,
temps ordinaires, une autorité extraordinaire pour et dont l'Eglise n'a pas actuellement besoin; de mê-
les temps extraordinaires.Et la doctrine des parti- me que les partisans fougueux des maximes galli-
sans outrés des maximes italiennes consiste à lui canes laissent à peine au Pape une autorité ordi-
attribuer une autorité extraordinaire pour les naire même pour les temps extraordinaires.
cipes de fidélité dont elle fait un devoir. CHAPITRE V
Les-ordres religieux non -propriétaires ont RÉVOLUTION DANS LE MINISTÈRE POLITIQUE
rendu de grands services à la chrétienté, en
arrêtant dans quelques contrée* les progrès Les causes de dégénération avaient agi sur
du luthéranisme; mais aujourd'hui qu'un l'ordre politique avec beaucoup plus d'in-
ennemi plus dangereux, la philosophie mo- tensité que sur l'ordre ecclésiastique, et cela
devait être, parce que l'ordre laïque ou po-
derne, attaque les principes conservateurs
litique vivait beaucoup plus au milieu des
des sociétés,, il faut à l'Europe une milice
plus régulière et des défenseurs mieux ar- hommes et des événements.
La noblesse devait suivre les variations
més. Certains ordres religieux subiront
du pouvoir, et participer de sa nature, com-
donc une réforme, soit que la force des cho-
me les moyens participent de la nature de
ses l'amène peu à peu et sans désordre à la cause, et se modifient comme elle et
mesure du besoin, et en remplaçant des
étais vieillis par des appuis nouveaux, soit avec elle. Lorsque les derniers rois des deux
premières races, ces rois que l'histoire a
que l'homme, rival imprudent de la nature, flétris du nom de fainéants, juvenis qui ni-
dans son opération violente, intempestive,
Ml fecit, livrés à la mollesse et aux plaisirs,
détruise avec fracas, et servant, sans le vou-
.oir, les desseins des impies, et peut-être eurent abandonné les rênes du gouverne-
ment, la noblesse, plus près du trône, s'en
.es projets de voisins ambitieux, ébranle sàisit,-comme en 1789 le peuple s'en est
la foi des peuples, altère leur fidélité, leur saisi à défaut de la noblesse; et alors s'éle-
rende les abus plus chers, et le bien même
vèrent de toutes parts des souverains sous
odieux. Les gouvernements d'Europe réfor-
le titre de ducs et de comtes, comme il s'en
ment tout chez eux hors eux-mêmes;
il faut beaucoup de religion, et de reli- est élevé dans là révolution sous celui de
députés et de commissaires. C'est un axiome
gion très-éclairée, dans les princes, pour
de la science sociale, que là où le pouvoir
entreprendre des réformes dans la reli-
général s'affaiblit ou périt, chacun veut éta-
gion.
blir son pouvoir particulier car il faut que
Les grands Etats, placés par l'effet de la le pouvoir soit toujours en quelques mains.
guerre présente dans des limites plus na- Les usurpateurs guerroyèrent les uns con-
turelles, et par là plus fixes, tous d'une
force à peu près semblable, furent à l'ave- tre les autres, et tous contre l'autorité roya-
le, dont ils avaient, heureusement pour la
nir beaucoup moins de cette inquiétude qui France, conservé le fantôme.
leur mettait sans cesse les armes à la main,
Les nobles qui n'étaient que nobles, et
£t qui n'est presque jamais qu'un indice de qui n'étaient point souverains, partagés en-
la fausse position dans laquelle un Etat est
placé et la prépondérance décidée des pre-
tre ces puissances belligérantes, furent en-
richis ou dépouillés, suivant la fortune de
mières puissances empêchera les puissances leur parti. Ces petites guerres produisirent
du second ordre de troubler la paix géné- de grands désordres, et, par un retour na-
rale. Cet effet, sans doute, ne sera pas sen- turel à l'homme, qui alors était plus em-
sible peut-être de longues années après
porté que corrompu, amenèrent de grandes
une grande guerre, comme après un grand expiations. Des nobles rendirent à la reli-
procès, il reste beaucoup d'incidents à ré- gion les biens qu'ils avaient usurpés sur
gler mais l'Europe prendra une tendance
elle, ou même ils donnèrent au -clergé des
générale au repos, et l'on peut assurer qu'il
propriétés d'où dépendait la perpétuité des
y aura moins de grandes guerres, lorsqu'il fonctions politiques qu'ils exerçaient, et ils
y aura moins de-petits Etats. Les grandes ruinèrent l'institution pour expier les fautes
puissances pourront donc un jour diminuer
leurs troupes soldées, pour augmenter la de l'homme.
force publique que l'on ne solde point, Les croisades, qui eurent de si grands ré-
cette force qui, liée intimement à la cons- sultats pour la civilisation, et qui sauvè-
titution, peut seule la défendre des révo- rent l'Europe de la barbarie ottomane, fu-
lutions, plus à craindre désormais que la rent, comme je l'ai déjà observé, une nou-
conquête, et contre lesquelles un Etat se velle cause d'affaiblissement pour l'ordre
défend avec la fidélité de ses ministres, plu- chargé des fonctions politiques. Les nobles
tôt qu'avec la bravoure de ses soldats. croisées vendirent léurs fiefs. D'autres no-
bles, des ecclésiastiques, les rois eux-mé-
mes les achetèrent, les confisquèrent les !S l'Eglise concourut, et dans le même temps,
usurpèrent quelquefois pendant l'absencee avec ces innovations dans l'Etat. Les simples
des propriétaires, ou en héritèrent par leur citoyens avaient pris la placé
r des magistrats
mort. L'ordre ne perdait qu'un de ses mem- constitués dans les fonctions politiques les
bres, lorsqu'un noble réunissait à son fiefif simples fidèles usurpèrent
Sur les prêtres
celui d'une autre famille; mais il perdait;t les fonctions religieuses. Luther
de plus, et sans retour, une partie de
attenta au
sa do-i- sacerdoce public; Calvin le replaça dans la
tation, lorsqu'un fief allait accroître les pro- famille. Le popularisme
entra dans l'Etat,
priétés de l'ordre du clergé ou le domaines et le presbytérianisme dans l'Eglise
le
royal. ministère public passa au simple peuple,
Les rois, irrités de l'esprit indocile et re- en attendant qu'il s'arrogeât le
souverain
muant des nobles puissants, quelquefoiss pouvoir, et alors furent proclamés les deux
jaloux de leurs services, virent avec trop> dogmes parallèles
et correspondants de la
d'indifférence l'appauvrissement d'un ordrei démocratie religieuse
et de la démocratie
détruire,
t
qu'il fallait constituer, mais qu'il ne fallait politique l'un,
que J'autorité religieuse
pas puisqu'il était l'action réglée est dans le corps des fidèles; l'autre,
et ordonnée du pouvoir sur les sujets, et la souveraineté politique que
est dans l'assem-
que sans lui il n'eût alors existé en France, blée des citoyens.
comme chez les peuples d'Orient, qu'un Dès que le pouvoir eut mis en
despote et des esclaves. Souvent même la offices suprêmes de judicature, vente lès
la noblesse
cour accrut les inégalités de fortune entre dédaigna les fonctions de
judicature infé-
les familles par des profusions indiscrètes rieure, dont elle donna où vendit les offices
nouvelle source de désordres; car il faut à des clercs; mais
elle ignora les véritables
observer que l'Etat penche vers l'aristoora- intérêts et le point
essentiel de
tie nobiliaire partout où quelques nobles comme le lui reproche dans sa grandeur
Mémoires
ont d'immenses propriétés territoriales, Je maréchal de Montluc. Elleses
ne fit pas ré-
comme en Pologne, en Hongrie, en Russie, flexion que rendre la justice était remplir
etc., et que là où le sujet a d'immenses ri- une des fonctions essentielles de l'antique
chesses en capitaux, l'Etat penche vers l'a- chevalerie, et
ristocratie populaire ou la démocratie, que les magistrats combat-
com- taient sans cesse les plus dangereux enne-
me en Hollande, en Angleterre. Et l'on doit mis de l'Etat (1). » Et parce qu'elle était
remarquer ici que la noblesse française, la trop pauvre
moins opulente de l'Europe, était celle qui tion à ses enfants, pour faire donner une éduca-
et qu'ils ne pouvaient
avait le mieux retenu l'esprit de sa profes- plus la recevoir,
sion. comme autrefois, à la cour
des grands vassaux qui n'existaient plus,,
La force militaire, sous Charles VII, avait elle devint ignorante lorsque
l'Europe s'é-
passé au peuple armé, ou aux troupes sol- clairait, et elle
se jeta exclusivement dans.
dées. La force judiciaire, sous François
peuple lettré,
!• le métier des armes. Nos rois eux-mêmes,
passa au par la vénalité des entrainés par le torrent des innovations, al-
offices de judicature, et par les innovations térèrent l'antique
et vénérable esprit de la
que la diminution de l'ordre et l'appauvris- constitution française, qui fait dans les
prin-
sement des familles rendirent peut-être iné- cipes et dans les formes dominer la justice
vitables. A cette époque, le devoir (officium) sur la force caractère
essentiel qui la dis-
déjuger et de combattre, imposé à la pos- tingue des constitutions moins
avancées.
session des fiefs, devint la propriété du (2j., La avait été jusque-là le sanc-
ca- cour
pitaliste, ou l'engagement du prolétaire. tuaire du pouvoir; elle devint
Nous verrons cependant que la nature, qui la licence et la frivolité, lesun camp pour
rétablit d'un côté quand ['homme détruit de et mœurs gra-
ves et austères du roi firent place aux mœurs
l'autre, tendait à rattacher les devoirs
pu- dissolues du soldat. La force intérieure de
blics à la propriété foncière, seule propriété ]l'Etat
en fut affaiblie sans que la force exté-
véritablement sociale. La réformation dans rieure gagnât,
i y car nos rois, depuis cette
(1) Mémoires sur l'ancienne Chevalerie.
(2) En France, l'épée était dans les cercles chait
( une nation vive et guerrière de retomber
plus cdans la constitution purement militaire, constitu-
considérée que la robe; mais dans la constitution, tion de l'enfance, et avec laquell'e une société ne
les corps de magistrature pesaient plus t
awe que l'ar-
admirable disposition de choses, qui saurait
s avancer.
eropè-
^™ wnrvmn moins gner-
*«in»nt beaucoup
époque, devinrent ciété qui compte des ordres de personnes,
ener- ci<!
non des têtes d'individus; erreur funeste
riers qu'ils ne l'avaient été précédemment, et mal-
excepté Henri IV, qui fit la guerre par qui
qu fut la cause immédiate de nos
et
nécessité, ils ne la firent plus que par goût, heurs. he
François I" appela le premier tous les plai- CHAPITRE VI.
sirs au centre de tous les devoirs, et quel-
ques années après Charles IX le premier CHANGEMENTS e DANS LES MOEBKS PUBLIQUES.
consé-
cessa de signer ses dépêches, et par Dès que les propriétaires des fiefs ne fu-
quent de les lire.
Ce fut au siècle de François I", à ce rè- rent re plus retenus dans leurs terres ou em-
des des jeux, des favoris, ployés
pi dans les fonctions politiques, ils son-
gne brillant arts, jouissances personnelles, et ils
des gèrent
g* à des
des maîtresses, des fautes et revers que
la distinction de ntfblesse d'épée quittèrent
qi leurs manoirs champêtres pour se
commença réunir dans les villes, comme, à d'autres
et de noblesse de robe; distinction inconnue rÉ
contraire à la époques,
SI et quelquefois par le même motif,
jadis, et essentiellement na-
et à combat- les prêtres avaient quitté leurs monastères
ture d'un ordre destin-é à juger '«
s'isoler dans les campagnes.
tre mais distinction néanmoins plus raison- pour p
la fureur du jeu et des plaisirs
nable à son origine, parce qu'elle n'était Le luxe,
chose la distinction des proprié- sédentaires,
si le goût des arts frivoles,toutes
autre que
taires et des capitalistes. Aussi tendait-elle,, les 1< passions qui s'emflamment par le con-
s'effacer, aujourd'hui que la tact, s'allumèrent au sein de ces réunions.
et fortement, à U
noblesse de robe était devenue propriétaire Les I villes s'embellirent par le séjour des
propriétaires, et à mesure qu'elles
de fonds comme nous le verrons tout à grands g
plus agréables, les habitations
'l'heure. devenaient
d
Depuis Charles VII et François I" jusqu'à champêtres c perdaient leurs charmes. La
l'infortuné Louis XVI, les atteintes portées philosophie, i qui peu à peu s'introduisait en
à l'ordre du ministère politique, ou dans Europe, I eut beaucoup de part à ce change-
Jes personnes, ou dans les propriétés» nous ment.. r La religion retient l'homme dans les
conduisent, de règpe en règne, jusqu'à l'a- campagnes, ( en lui inspirante goût de la re-
bolition du pouvoir lui-même, et dans la traite, t l'habitude de mœurs simples, de d.é-
et dans la dignité. Ainsi Henri inL sirs bornés, d'une vie sobre et laborieuse
personne, s
d'un fief même de dignité n'ennoblirait tassent t 1 les hommes dans les villes, en leur
démangeaisonde jouir, de savoir
plus; Louis XIII ôta à l'ordre son chef im- inspirant la nobles acquirent de l'ur-
t
médiat, en ôtant à la royauté un lieutenant et. de parler. Les
abolit charge de conné- banité ( 2 ). aux dépens de la franchise et
nécessaire, et il la.
s
table. Louis XIV soumit la personne des du bon sens. Un
peuple de citadins rem-
nation agricole. Les
nobles et leurs biens à des impôts, qu'ils ne3 plaça en France une
devaient acquitter, et qu'ils t
n'acquittaient arts y gagnèrent mais la famille, l'Etat, la
t
autrefois que par le service personnel et religion, la société
enfin y perdit.
c'est ce qui fait dire à Montesquieu que « less En même temps que de nouvelles lois
du ministère doivent avoir des privi- remplaçaient les lois antiques de la monar-
terres de nouvelles mœurs rem-
lèges comme les personnes. » Louis XV, enn chie française
anciennes de la famille.
ilimitant les substitutions, ordonna aux fa- plaçaient les mœurs t Charles VII et Fran-
:milles de s'éteindre, et Louis XVI enfin n Chose remarquable
l'ordre, et à tous les ordres, de e çois I", du règne desquels date communé-
commanda à
s'anéantir, lorsqu'il les invita à voter par vr ment la révolution politique dont nous
innovation contre la nature de la so-)- avons parlé, firent aussi une révolution do-
tête
(2) Urbanité, de urbs, signifie une qualité qu'on
(1)' Henri IV s'appelait volontiers le premier er en grec, si-
dans le même temps
os
prend à la ville. Astuce, de astu, ville,l'urbanité
gentilhomme de son royaume, mine la même chose effectivement et
disait qu'un gentilhom-n!
que le calviniste Montbrun cul la selle
He l'astuce ne sont pas incompatibles, et leur eombi-
poing
me qui avait l'épée a» nouvelleset le sur naison forme l'intrigue. Les Romains, qui tous
était égal au roi. Les doctrines avaientnt grand bruit de celte
trône, et étaient dans une ville, faisaient
introduit des idées d'égalité jusque sur le le minis- urbanité.
des idées d'indépendance même chez s-
tre.
mestique, et ils furent les premiers rois dé nation,
nal et de petites intrigues ( 1) sur les
!a troisième race qui entretinrent publique- affaires
aff; publiques. La domination des jeunes
ment une maîtresse du vivant de la légitime ger sur qui les femmes se reposent volon-
gens,
épouse: exemple funeste, trop fidèlement tiers
tiêi du soin de l'empire commença
imité depuis, et qui a eu une si grande in- en
France
Fr« à la même époque» Alors les femmes
fluence sur nos malheurs. Le désordre, de- distribuèrent
dis des brevets au lieu d'inspirer
puis cette époque, a toujours été croissant; des vertus; les jeunes gens aspirèrent à leur
les mœurs se sont dépravées en même temps plaire plutôt qu'à mériter de l'Etat, et trop
pla
et à mesure que les lois se sont altérées et souvent les caprices d'une maîtresse déci-
sou
sans doute l'explosion s'est faite, et la ré- dèrent
dèr de leur fidélité politique. Alors le
volution générale a éclalé, lorsque la dépra- go
gouvernement,
t~ qui doit récompenser et pu-
vation des moeurs a été aussi loin que nir instrument de petites passions, ne sut
nir,
Faltération des lois; moment terrible où la plus que prodiguer des faveurs ou exercer
plu
nature donne le signal des révolutions, et des vengeances. Mais l'effet Je plus funeste
que l'homme ne connaît qu-e lorsqu'il ne de cette domination féminine fut de donner
peut plus le prévenir. aux ennemis de l'Etat de grandes facultés
La cour avait été galante sous Anne de pour influer sur ses conseils déplorable
pou
Bretagne; elle fut dissolue sous la Médicis. ascendant
asci de l'étranger, qui depuis long-
Cette reine, de famille marchande et d'un temps
tem n'a cessé de tourmenter, d'avilir, de-
pays démocratique, porta en France le goût déchirer la France (2).
déc
de l'argent, des plaisirs et de l'intrigue, in- 1 pouvoirpublicdoit surtout s'abstenirde
Le
connus jusqu'alors à la loyauté et à la sim- mel l'autorité publique en contradiction
mettre
plicité françaises. Elle fit révolution dans ave l'autorité domestique de ['âge etdu sexe,
avec
l'esprit religieux de la France, parce qu'u- en conférant à des jeunes gens l'autorité des
uiquement occupée à maintenir son autorité grades,
grai ou laissant usurper aux femmes
faible et précaire, elle était au fond assez cell de l'influence et du crédit. H- résulte de
celle
indifférente à ce qu'on priât Dieu en fran- cett infraction aux lois de la nature un
cette
çais, et qu'elle s'appuyait, au besoin, même double désordre, qui existait en France
dou
des chefs du parti réformé. Elle fit révolu- depuis longtemps, et qui a été un des pre-
dep
lution dans les habitudes des nobles, en ti- miers motifs et des plus puissants véhi-
mie
rant leurs femmes de la famille, où elles cules
cule de notre révolution. Les jeunes
gens
avaient vécu jusqu'alors livrées aux soins et les
li femmes s'enorgueillissent de l'auto-
domestiques, pour les attirer àla cour, leur rité,
rite parce qu'on ne s'enorgueillit jamais que
inspirer le goût des plaisirs et des affaires, d'uii pouvoir usurpé ils veulent revêtir
d'un
et en faire des instruments de politique et la gravité
g et la dignité, et ils tombent dans
des moyens de séduction. « On fixe ordinai- la ffatuité ou l'impertinence et l'indigna-
rement, » dit le savant P. Griffet, « l'époque tion,
tion ou même la haine qu'ils inspirent
(de cette irruption des femmes dans l'Etat) aux subordonnés, passe toujours de la per-
au règne de François 1"; mais on peut dire sonne à la place. L'obéissance est si fâ-
son)
que la reine Catherine de Médicis, par poli- cheuse
chei à l'amour-propre, elle est même si
tique, ou par goût pour la représentation, ou contraire
conl aux secrets penchants de l'hom-
pour les plaisirs, et peut-être par tous ces me, que ce n'est pas trop de tous les genres
motifs ensemble, rendit le nombre des da- d'autorité
d'au à la fois pour vaincre les répu-
mes de la cou? beaucoup plus grand qu'il gnances de notre cœur, et triompher de son
gnai
ne l'avait été jusqu'alors. » C'est précisé- opposition.
oppi C'est dans les chefs des nations
ment du règne de Catherine de Médicis et une grande erreur d'ôter au pouvoir qu'ils
de l'existence politique que les femmes pri- confèrent l'appui de l'autorité la plus res-
coni
rent à la cour, que date l'influence que les pectable, celle que la nature donne à l'âge
pect
mœurs de la cour prirent sur celles de la avar et au sexe fort. Il n'y a que le pour-
avancé
(1) Le cardinal Ma/;arin redoutait le pouvoir ments que la nature ne les appelle pas à diriger les
ment
des femmes en France il disait à don Louis de Haro, affaires publiques. Il y a de quoi s'étonner de l'u-
affair
ministre d'Espagne « Vous ne connaissez guère sage de nos voisins, qui en tout, au rebours de la
nos femmes. Les vôtres s'occupent d'amour; mais natui renvoient les femmes au dessert, ekles-pla-
nature,
en France elles osent et peuvent tout. s cent sur le trône. En France, les femmes d'un cer-
(2) Les femmes en général entendent mieux tain rang voulaient nommer des généraux,, des mi-
que les hommes la. conduite des affaires domesti- nistre des évêques, et dédaignaient d'être épouses
nistres,
ques; ce qui prouve mieux que de longs raisonne- et mères.
mè
voir plaeé dans la famille qui puisse être gistratures
g intermédiaires entre le noble juge
d fief et le roi juge du royaume, portaient
du
aux mains de la jeunesse sans être un objet
de haine ou de mépris, parce qu'un pou- différents
d noms. Ainsi, division de ressorts
voir héréditaire ne meurt pas, et qu'il est e hiérarchie de fonetions, voilà le principe,
et
toujours âgé, même sur la tête de l'enfant. parce
p qu'il est dans la nature et la raison;
Jamais vérité politique ne fut mieux établie ddivisions intermédiairesplus ou moins éten-
par la raison et l'histoire que le danger ddues, selon que l'autorité royale avait plus
de la promotion des jeunes gens aux grades o moins de latitude; dignités plus ou
ou
supérieurs du ministère publie, hors d'une moins
n éminentes à raison de l'étendue
nécessité extraordinaire dans l'Etat et le d ressorts différences dans les dénomina-
des
gouvernement doit tenir pour maxime gé- tions, quelquefois peut-être incertitude dans
ti
nérale que les dispenses d'&ge accordées h compétence (2)
la voilà les modifications
aux supérieurs sont pour les inférieurs une variables
v parce qu'elles tiennent aux hom-
il
dispense de respect. 1
Les mœurs devinrent féroces en devenant
nmes et aux circonstances. Ainsi, comme y
avait
a des comtes noB&més par le roi pour
licencieuses, et la fureur des combats sin- rendre
r la justice dans les villes, il y eut des
guliers (1) bien différents des combats commissaires
c envoyés annueltemeat ou ex-
judiciaires ^d'autrefois, commença avec la traordinairement
t dans les provinces,. miss*
débauche, l'intrigue, le jeu, l'amour de l'ar- dominici,
c pour y rendre la justice du roi,
gent, et l'affaiblissement du frein religieux. ou des ducs résidents et remplissant l'office
€
C'est sous les Valois qu'ont commencé ( gouverneurs. Lorsque ces premiers, offi,-
de
toutes les infractions à la constitution do- ciers
( eurent rendu leurs commissions hé-
mestique et politique de la France, l'excès réditaires,
r devenus 'rois en quelque sorte,,
des impôts,, l'aliénation des domaines de la i constituèrent leur petit Etat comme le
ils
couronne, les changements dans la constitu- royaume,
i et se nommèrent un lieutenant,
tion du ministère public, le déplacement de, appelé
t sénéchal ou bailli, comme les rois
la justice et de la force, l'introduction des avaient
{ eux-mêmes un grand sénéchal, de-
femmes à la cour, la finance, etc. « Choses, » puis
] remplacé par le connétable, dans l'im-
dit le judicieux Mézerai,, « dont il faut lais- portante
] fonction de commander les armées.
ser aux sages le jugement, si elles sont plus Plus
] tard (tels sont les progrès du mal et la
dommageables qu'utiles. ». dégénération des institutions) le sénéchal se
nomma,un lieutenant, qui porta :et qui por-
CHAPITRE VIT. tait
1 encore le titre de lieutenant général du
bailli, comme le connétable avait lui-même-
CHANGEMENTSDANS fcES FONCTIONS PUBLIQUES^ des lieutenants" généraux dans les armées..
Mais le sénéchal en voulant abandonner la
Comme le ministère politique n'était que fonction déjuger^ ne retint plus même celle
la fonction de juger et de combattre, le ter- de combattre, et ne conserva plus qu'un titre
ritoire était aussi divisé en ressorts ou ju- sans autres onctions que celle de présider les
ridictions, et l'ordre en grades. Le ressort assemblées de noblesse élémentaires des
inférieur était le fief ou la ville royale (fief états-généraux de la nation. Ainsi toutes les.
du roi, gouverné par un comte), et le juge disputes qui se sont élevées sur les attribu-
inférieur était le Seigneur. Le ressort su-, tions et le titre même de nos plus anciens,
prême était le royaume. et le juge suprême officiers et magistrats, sur la composition des
était le roi. Entre ces deux points fixes, et tribunaux et les formes de l'administration
convenus de tous.les historiens, était pla- de la justice, se réduisent toutes à ce point,
cée une juridiction d'appel ou intermédiaire qu'il y avait trois degrés de juridiction as-
qui changeait de dénomination suivant les cendante 1° Celle du fief ou du comté;
pays; et par conséquent, les offices ou ma- 2°celle du duché (3)> bailliage ou sénéchaus-
(1) On croyait alors que la justice du roi pou- devinrent pifemiers magistrats de provinces, et il y
vait permettre ou ordonner le combat entre deux eut des comtés aussi étendus et plus même que des
particuliers, comme elle l'ordonne entre deux na- duchés, comme les comtés de Toulouse, de Cham-
tions. Le clergé lui-même partageait cette opinion, pagne et de Flandre.
puisqu'il consacrait le duel par des cérémonies re- (3) Placuit nobis cuncti ut duces, comités,
ligieuses. sive arti quicunetis prseesse debent, in noslram
comtes, qui dans l'origine
(2)Paréxemple,lès "praesentiam conveniant. ( Capilul. Carol.)
étaient les premiers magistrats des villes royales,
sée 3" celle du
royaume enfin, gouverné, autres officiers civils ou militaires, dans la
disent nos anciens jurisconsultes, comme un circonstance où tous les ordres de l'Etat
grand fief; en sorte que chaque partie étant jouissaient de la plénitude de leur existence
semblable au tout le tout semblable à cha- politique, je veux dire aux états-généraux,
que partie, il en résultait cette homogénéité dont les sénéchaux et les baillis prési-
parfaite qui a fait de la France ce corps com- daient par eux-mêmes ou leurs lieutenants
pacte et indivisible, enraciné par les siècles, généraux les assemblées élémentaires. Ils y
endurci par les événements, et dont aucune présidaient même les ducs et pairs actuels,
force humaine n'a pu retarder ni empocher qui n'y étaient que de simples seigneurs de
l'achèvement. fiefs et même en cette qualité les princes
Le noble, dans son fief ou dans sa.ville, du sang qui y ont assisté. Môme 'avant la
était assisté en jugement et en combat par révolution, dans la marche ordinaire de l'ad-
les hommes de son ressort, ses pairs, puis- ministration, la justice se rendait, dans les
qu'ils jugeaient et combattaient avec lui le fiefs, au nom du seigneur; dans la province,
duc, dans sa province, et à sa place son séné- au nom du sénéchal ou du bailli dans le
chal (1), ou bailli, était assisté en jugement et royaume au nom du roi. 11 n'y avait rien
en combat par les nobles de son ressort, vice- de changé à cet égard mais telle était la
domirtt ou vidâmes, vice-comités ou vicomtes, dégénération des vrais et anciens principes,
juniores castaldii ou châtelains, xncarii, etc., que l'office de sénéchal le seul qui fût re-
ses pairs, c'est-à-dire ses semblables et non connu par la constitution, était tombé en dé-
ses égaux puisqu'ils jugeaient et combat- suétude, et qu'il était à peine connu de cette
taient avec lui, comme lui et sous lui; le roi opinion prétendue publique qu'une admi-
enfin, dans ses plaids ou parlements, était nistration inattentive avait laissé germer dans
assisté en jugement, comme il l'était en com- la nation.
bat, par les premiers magistrats ducs, séné- J'ai dit que les magistrats, chefs du juge-
chaux, -baillis, ses barons, son baronnage, ment et du combat dans les différents res'
seniores, seigneurs, ses pairs ou ses sem- sorts des provinces, étaient dans l'origine
blables, puisqu'ils jugeaient et combattaient les pairs du roi, chef de la justice et de la
sous lui, comme lui et avec lui, et qu'ils force dans l'Etat; et ce qui le prouve, c'est
exerçaient, dans une partie considérable du 1° que postérieurement, et lorsque les ma-
royaume, la fonction suprême de juger et gistrats eurent rendu leurs commissions.
d-e combattre, qu'il exerçait et dirigeait dans héréditaires, et qu'ils en eurent fait de
toute sa plénitude dans le royaume entier. grands fiefs, ils continuèrent sous leur nou- •*
Là, et non ailleurs, est la véritable et antique velle forme d'être les pairs du roi, à l'exclu-
origine de la pairie et certes, il est temps sion même des princes ou seignéurs du sang;
enfin d'en chercher la nature, plutôt dans la qui n'étaient pas feudataires :et même on
constitution de la société que dans les opi- vit des femmes héritières de grands fiefs,
nions des hommes. Je puis citer, sur ce que assister en jugementle roi comme ses pairsj.
j'ai dit des baillis ou sénéchaux, le célèbre 2" que les baillis, ou chefs de la noblesse
Du Cange (2) et mieux encore, les faits dans les provinces, étaient à cet ordre pré~
et ces formes antiques qui s'étaient conser- ciséinent ce que les évêques étaient à l'ordre.
vées dans nos anciens usages. Les chefs du du clergé; et que le roi n'avait, même au-
jugement et du combat, dans les provinces, jourd'hui, de pairs ecclésiastiques que parmi
les sénéchaux ou baillis, comme représen- les évêques raison d'analogie qui est ex-
tant les anciens ducs ou comtes et dont ils trêmement forte quand on traite des anti-
étaient les lieutenants, tenaient encore au- ques usages de la monarchie française; où
jourd'hui lieu de ces officiers, puisqu'ils l'on voit dans toutes les assemblées politi-
étaient même aujourd'hui de tous les ma- ques siéger à la fois les grands ou officiers
gistrats les seuls qui fussent distingués des du clergé, et les grands ou officiers de la
(1) On appelait sénéchal dans la langue d'oc,
mates qui placitis etjudicïis regiis inlererant acces-
ce qu'on appelait bàilli dans le pays d'eh-deçà la senmr senescalli. Senescallus idem dicit
Loire, ou langue d'oui. L'ofiicier du "bailliage, qu'on ini-
nister doinini vicarins; senescaili munus in acrébus
appelait -lieutenant-général, s'appelait juge-mage bellicis piiecipuum fuit. Senescalloruin denique
(judex-major) dans la sénéchaussée. A Paris, la
sénéchaussée ou bailliage s'appelait Châleiet; le erat jus reddere principis subdilis eo quo nomine
bailli ou sénéchal, prévôt ae Paris, et ses lieutenants- c«terjs judiciis pracerat. Senescaili appellantur in iis
généraux, le lieutenant chil et criminel. provinciisquœaiilequamcoronœ Franeiœ unirentur
pnneipibus suis paruerant, cum ballivos habere
(2) Sub prima regum stirpe inter regni opti- solius régis est.
i.
noblesse. «Les plus anciens auteurs, dit châtelain, usage conservé encore en France
M. de La Curne-Sainte-Palaye, « semblent pour les grandes places, et en Allemagne
vouloir mettre la chevalerie au niveau de la pour toutes les places. Avant que la noblesse
prélature. » Ce sont ces derniers pairs, se décorât ainsi de titres sans fonctions, les
grands feudataires, qui, de nos jours, à la rois lui en avaient conféré qui n'étaient
cérémonie du sacre de nos rois, et à celle de guère plus réels. Dès que les grands magis-
leurs obsèques, étaient représentés par les trats des provinces, pairs antiques de la
princes du sang, sous les titres de ducs de royauté, furent devenus les rivaux de l'au-
Bourgogne, de Normandie (1) d'Aquitaine, torité royale, en rendant héréditaires des
de comte de Flandre, etc. commissions temporaires ou viagères, prin-
Ainsi, et c'est la conclusion à laquelle je ces eux-mêmes, sous le titre modeste de
voulais en venir, tout concourt à établir que vassaux, et quelquefois du sang des rois, ils
dans les premiers temps il n'y avait que des continuèrent à être les pairs du roi les
fonctions publiques, et point de titres pure- princes du sang, pairs du roi comme grands
ment personnels; et la raison dit en effet feudataires, continuèrent à l'être même après
que, si les titres amusent l'amour-propre de que, par la réunion des grands fiefs à la
l'homme, les fonctions seules importent au couronne, ils ne furent plus que sujets dans
maintien de la société. leurs personnes, ministres par commission,
Mais aussitôt que des jugeurs et des sol- rois par expectative. Mais après que Char-
dats eurent pris en France la place, des/ma- les VII et François L" eurent fait descendre
gistrats et des guerriers, et que les rois Tordre politique des fonctions que la consti-
eurent mis les institutions vénales et soldées tution lui attribuait, Henri II, fils de Fran-
du pouvoir arbitraire à la place des établis- çois Ier, chercha à en relever les membres
sements propriétaires et fixes du pouvoir les plus apparents, en leur conférant le titre
absolu, l'ordre perdit de son existence po- de duc et pair (3) qu'il plaça sur un
litique, et alors l'individu chercha à relever simple fief. Ces pairs de fief n'étaient ni les
sa considération personnelle par des titres anciens magistratssuprêmes, ducs ou comtes
de duc, de marquis, de comte, etc. (2) des provinces, présidant le jugement et le
qui rappelaient des fonctions qu'ils n'a- combat, ni les grands feudataires qui succé-
vaient plus, ou l'usurpation de ces petites dèrent à ces premiers magistrats, lorsqu'ils
souverainetés, formées en France des débris rendirent leurs dignités héréditaires, ni les
de l'autorité royale, et, qui, loin d'être, sénéchaux dont les offices, les seuls consti-
comme on l'a dit, la féodalité ou la fidélité, tutionnels, représentaient les anciens magis-
en avaient relâché les liens, et même rompu trats, et remplaçaient les grands feudataires.
les nœuds. Ces titres étaient inconnus aux Ces pairs ne tenaient à l'antique constitution
sires de Joinville, Duguesclin,- Clisson,. que par un titre antique,, et loin de jouir de
Bayard, etc., qui ne se distinguaient entre la prérogative même des derniers pairs
eux dans la vie privée que par la dénomina- grands feudalaires,. de précéder au parle-
tion religieuse reçue au baptême, usage ment les princes du sang non feudataires,
pieux auquel on revient depuis quelque ils furent présidés aux assemblées de no-
temps, quoique sans une intention pieuse; blesse, comme les autres seigneurs de fiefs,
et dans la vie publique, par la dénomination par les sénéchaux ou baillis, ou leurs lieu-
politique de connétable, de sénéchal, de tenants-généraux.
(1) La fameuse table ronde des douze pairs (2) Le titre de baron était anciennement col-
de Charlemagne, sur laquelle on a fait tant de lectif plutôt qu'individuel. On appelait la réunion
romans, ne désignait donc qu'un conseil d'Etat où des premiers magistrats formant la table ronde, ou
le roi présidait ses premiers officiers. Une des le conseil du roi H barons, li baronage. Baron et
grandes erreurs de nos historiens est de s'être obs- baronie sont, dans l'acception que nous leur don-
tinés à ne voir que des guerriers là où il fallait sur- nons, d'institution plus récente. Baron est un mot
tout voir des magistrats et toutes ces disputes sur celtique venu du grec, qui s'ignifie grave, fort c'est-
la pairie, inépuisable aliment de tant d'ennuyeuses à-dire ce que doit être un homme public. Baromè-
dissertations, viennent de ce qu'on n'a pas songé tre en vient, et en allemand bar signilie pesant.
que les pairs naturels du grand juge et du grand (5) La première pairie fut érigée en 1551, mai&
guerrier de la nation ne pouvaient être dans l'orgi- la première enregistrée est de 1572. (Voy. le P.
ne que les premiers juges et les premiersguerriers, Griffet.) Le titre de duc et pair prouve évidem-
et que le corps des ministres du pouvoir, dans les ment que les anciens pairs étaient magistrats
premiers grades, comme dans les inférieurs, servait suprêmes des provinces, appelés ducs presque
à la fois à la justice et à la force. (Voy. dit Pouvoir partout, remplacés depuis par les sénéchaux ou
législatif suus Chartemagne.) baillis.
Les nouveaux ducs et pairs eurent, il est mais
m ils ne savaient qu'élever et tirerde pair
vrai. quelques fonctions judiciaires mais quelques
qi individus, et ne faisaient par là
seulement comme membres d'une compa- que s'éloigner davantage de la constitution
qi
gnie et non comme chefs du jugement, puis- et rendre plus difficile le rétablissement de
el
qu'ils n'avaient chacun que leur voix re- l'ordre
1'1 lui-même. La noblesse, qui conserve
quise seulement dans les jugements des l'
l'Etat, se changeait peu à peu en une aris-
pairs que, loin de rendre justice dans une tocratie
te qui le détruit, et l'ordre s'éclipsait
province, ils ne la rendaient pas même dâns di plus en plus, à mesure que quelques-
de
leur pairie, où, comme les autres seigneurs, uuns de ses membres attiraient sur eux seuls
ils avaient un juge; et qu'enfin même au tous les regards et toute la considération.
tc
parlement, au lieu de présider, ils étaient Les rois se rappelaient l'éclat prodigieux
présidés eux-mêmes par les présidents or- qu'avait
q jeté dans le monde politique la
dinaires, qui n'étaient jamais ducs et pairs. chevalerie,
c. à laquelle la France a dû la su-
Bientôt après s'introduisirent les titres de périorité
p morale dont elle a joui en Europe;
duc à brevet, duc héréditaire, homme de e comme si la chevalerie, constitution na-
et
qualité (1) qui formèrent plusieurs or- turelle de la noblesse, et qui imposait aux
tt
dres dans un ordre essentiellement un et nrois eux-mêmes, eût été l'ouvrage de l'art,
indivisible et partagèrent en deux grandes il créèrent des ordres de chevalerie qui
ils
époques l'histoire du ministère politique n'étaient
n pas plus le ministère politique,
l'époque des fonctions et celle des titres. qu'uue
q confrérie pieuse n'est le ministère
L'ordre perdait en fonctions et en force, à sacerdotal
s. il fallait un lien à cet engage-
mesure que l'homme gagnait en titres ho- ment-,
n on le chercha dans la religion, lien
norifiques, et la même époque séculaire vit universel
u de toutes les personnes de la so-
la pairie conférée à quelques membres de ciété,
c et,garantie de tous leurs rapports. Le
la noblesse et l'office de connétable' ôté ddevoir naturel et essentiel de l'ordre entier,
à l'ordre. d défendre la religion et l'Etat, devint donc
de
Il n'est pas hors de propos de remarquer l'l'engagement spécial et volontaire de quel-
que le même prince qui supprima l'office de qques individus; et la naissance, qui n'est
connétable, abolit l'ancien usage d'envoyer aautre chose que l'engagement héréditaire de
des hérauts d'armes pour déclarer la guerre h famille a remplir des devoirs publics, fut
la
noble et digne hommage rendu aux droits exclusivement
e favorisée, et plus considérés
de l'humanité. Ainsi la loi de la nation était que
q le devoir même.
violée en même temps que les lois des na- Quand la personne fut distinguée à l'o-
tions et la. France prenait les formes agres- reille
r par un titre pompeux, elle voulut être
sives en même temps qu'elle affaiblissait sa àdistinguée aux yeux par des marques exté-
milice défensive en lui ôtant son chef immé- rieures
r non par des costumes propres aux
diat. On doit remarquer aussi que les rois ffonctions publiques qui commandent le res-
chrétiens ont été moins à la guerre de leurs pect,
f parce qu'ils annoncent un devoir, mais
personnes, depuis qu'ils n'ont plus eu nulle par des croix et des cordons, pure dééora-
F
part de lieutenant chargé par son office d'y ttion de la personne, qui blessent l'amour-
commander sous eux et à leur place. Peut- 1propre, parce qu'ils n'ont rapport à aucune
être, en effet, que les minorités auxquelles ffonction, et altèrent ainsi l'égajité native
des hommes sans un motif assez social. A
un roi guerrier expose la nation sont de- c
venues plus dangereuses lorsqu'il n'y a plus lmesure que le goût de ces symboles exté-
rieurs de la faveur et du crédit gagnait, le
eu d'homme toujours majeur qui survécût i
mépris pour les costumes propres aux fonc-
sans contestation au roi lui-même, pour as-
tions
t publiques s'introduisait; chacun vou-
surer ses dernières volontés sur la régence
et commander la force publique. lait être décoré d'un cordon, et il était in-
Cependant, depuis Charles VII et Fran- décent
c de porter, hors du service, son habit
çois 1", les rois sentaient la nécessité de ré- militaire.
l Enfin le gouvernement s'était, à
tablir l'ordre chargé du ministère public; cet
( égard, écarté de la constitution à tel
(1) L'acception du mot homme de qualité est bout de leur dessein, ils font une partie (un parti)
récente. Le duc de Rohan qui se connaissait en dans
c. la ville, à laquelle ils attirent quelques jeunes
titres de personnes et en acception de mots, dit étourdis,
c même de qualité, comme le (ils de Clerc,
dans ses Mémoires i AMontauban, trois soldais avocat,
s et de Larose, conseiller. >
conspirent contre le gouvernement, et pour venir à
point, que le roi pouvait faire même un duc:c tout un signe de l'affaiblissement dans les
et ua chevalier de ses ordres, d'un individuu âmes, et d'altération dans les lois. On peut
sans propriété dans le sol, et que d'un autree même avancer, comme un principe qui ré-
côté il pouvait titrer la propriété, sans même
e sulte de l'histoire des temps modernes, que
ennoblir la personne. dans toute société constituée, menacée de
L'abus des titres purement honorifiques s révolution, ja défection commencera par ia
fut porté à l'excès dans toute l'Europe, parr partie de ses ministres à qui des institutions “
l'indiscrète multiplication des chevaleriesdee étrangères à leurs fonctions sociales ont
cour, dont la plus récente faisait toujourss donné une existence placée en quelque sorte
passer de mode celle qui l'avait précédée; hors de la constitution. Ainsi dans la mai-
et l'histoire de ces institutions ne présentee son, le bruit et le désordre viennent com-
que des décorations honorables à leur nais- jnunément des enfants gâtés.
sance, et dont cent ans après un noble se3 En effet, dans une société constituéecomme
serait cru déshonoré. l'était la France, tout ce qui n'avait pas dans
Bientôt les titres et les cordons ne suffi- la constitution des motifs naturels était fu-
rent plus à la fureur universelle des distinc- neste en administration, et destructif de la
tions. Dans les temps anciens, les membress constitution même. Ces institutions factices
de l'ordre politique mangeaient avec le roi, et purement humaines affaiblirent l'homme,
et ils étaient appelés conviva regis, parcei en offrant des hochets à sa vanité, lorsqu'il
que l'hospitalité de la table a été chez touss fallait ne proposer des motifs qu'à sa cons-
les peuples naissants, et dans toutes les re- cience. Elles hâtèrent la ruine du ministère
ligions, un symbole sacré d'union commu- public, qui est un ordre composé, dit Hinc-
ne, ou de communion. Dans ce siècle fertilei mar, contemporain de Charlemagne, d'an-
en inventions, on imagina, pour se distin- ciens pour juger, et de jeunes pour combat-
guer, de monter dans un des carrosses dut ire Senior es ad consilium ordinandum, et
roi, mais sans le roi; et cet honneur, extrê- minores ad idem consilium suscipiendum
mement multiplié de nos jours, fut attachéi un ordre où les familles sont vouées à une
à une date fixe d'ancienneté. destination générale, et les individus seule-
Ces institutions, toutes en dehors de la ment soumis à des fonctions spéciales, et
constitution française et de la nature des qui, par ces nouvellesinstitutions, se trouva..
sociétés, n'étaient pas reconnues dans la divisé en plusieurs classes, de grands, de
convocation générale de tous ies ordres de gens de qualité, les uns titrés, les autres
l'Etat. Là régnait l'égalité du vote entre les présentés ceux-ci décorés, ceux-là gentils-
ordres, et dans chaque ordre l'égalité du hommes, distingués en noblesse de cour,
vote entre les membres qui Je composent noblesse dé province, noblesse d'épée, no-
véritable égalité constitutionnelle et légale, blesse de robe. Heureuse la société, si ceux
compatible avec les inégalités natives entre que l'autorité distinguait ainsi des autres
les individus, et avec les distinctions so- eussent toujours autant respecté le public
ciales dans les grades. Là, le noble le plus qu'ils en 'exigeaient de respect pour eux-
récemment agrégé à l'ordre siégeait à côté mêmes 1 Quant aux décorations extérieures,
du chef de la plus ancienne famille, et s'y un peu plus tôt, un peu plus tard prodiguées
montrait plus noble que lui, s'il s'y mon- à tous, et pour toutes sortes de motifs, elles
trait plus féal. Là, toute distinction de cour ne distinguent plus rien, pas même la nais-
et d'armée, même celle de duc et pair, était sance semblables à ces monnaies de papier
éclipsée par la qualité de simple noble, ou indiscrètement émises, qui ne représentent
membre du ministère politique. Là enfin plus aucune valeur.
on pouvait juger, par une grande expérien- Le clergé s'était mieux défendu de cet es-
ce, si les décorations sont l'exacte mesure prit innovateur. Les chefs de l'ordre, politi-
de la fidélité, et si les engagements de l'or- que, autrefois ducs, comtes, depuis séné-
dre même du Saint-Esprit avaient, pour dé- chaux ou baillis; n'étaient plus de
nos jours
fendre la société, la force des devoirs de dans leurs ressorts,
ce qu'ils avaient été et
l'ordre de la noblesse. ce qu'ils devaient être mais les évolues,
On a remarqué que la multiplication des chefs de l'ordre ecclésiastique, avaient au-
titres d'honneur précéda la chute de l'em- jourd'hui dans leurs diocèses l'autorité qu'ils
pire grec. Ce même abus a annoncé et hâté y avaient toujours exercée. Cependant l'or-
la chute de l'empire français, et il est par- dre ecclésiastiquelui-même avait ses titres
honorifiques assez récents, et des titres saris
sans trop souvent l'instrument. Dans les troubles
fonctions, qui donnaient des salaires sans suscités par la Réforme, les gentilshommes
travail c'étaient les bénéfices simpless et protestants s'attachèrent aux princes rebel-
les abbayes en commande et même, depuis puis les ou à l'amiral de Coligny, et même au
quelque temps, il y avait dans le corps épis-
îpis- temps de la ligue, les gentilshommes catho.
copal lui-même une trop forte disposition 3ii à liques servirent moins Henri III que les
mêler l'administration civile aux fonctionstons, Guises. On lit dans les mémoires du temps
ecclésiastiques. Les administrations provin-
vin- que, sous Henri IV, lé duc d'Epernon,
ciales, qui avaient introduit ce changementlent brouillé avec Sully, n'osa point sortir de son
dans le régime politique et religieux, ont hôtel, parce qu'il n'avait que six cents gen-
été un des moyens les plus puissants qu'on l'on tilshommes autour de lui, et que Sully en
ait pu employer, quoique peut-être sanss in-
in- avait huit cents. Lors de la fronde, on les
tention perfide, pour affaiblir la constitution
tion vit offrir leurs services au prince de Condé,
de l'Eglise et de l'Etat. au parlement, à Mazarin, même au coadju-
A la suite de la vanité venait le luxe, non teur. Ces dévouements étaient publics et
le luxe de la profession, les chevaux, les
connus même sous Louis XIV, et l'on en
armes, les fondations religieuses ou civi- ivi- trouve un exemple remarquable dans le
ies, l'hospitalité grande et généreuse des journal de son règne, que le P. Daniel a in-
premiers temps, mais le luxe de la- per- >er- séréàlasuite de son Histoire, « M. le prince,»
sonne, les meubles, le jeu, les bijoux, les dit le journal, « ayant fait demander justice
parures, les théâtres et les femmes entre- tre- au
1 roi par M. Le Tellier contre Je comte de
tenùes. Coligny, qu'il accusait de dire partout qu'il
Le pouvoir déclinait avec le ministère, *re, |tuerait M. le prince, le roi répondit qu'avant
comme il s'était élevé avec lui et par lui. de
( prendre un parti, il fallait entendre ce
Les officiers domestiques des princes deve- ve- (que Coligny avait à dire pour se justifier;
naient plus nombreux que les officiers po- qu'il avait appris que Coligny disait partout
(
litiques. Des secrétaires du cabinet avaient
ent cque M. le prince ne le haïssait après l'avoir
pris la place des grands officiers, et danss le itant aimé, et avoir dit tant de bien de lui,
même temps qu'on érigeait en titre d'office fice cque parce qu'il s'était attaché uniquement au
inamovible le métier de valet de chambre, Ire, service du roi et que si ce propos avait
s
ou même les emplois domestiques les plus lus quelque
c fondement, il (le roi) se croirai
bas, l'office inamovible ou la dignité de déshonoré, s'il abandonnait Coligny à la co-
a
chancelier se changeait insensiblement eni la la [ère
|, de M. le prince. » La noblesse aujour-
commission de garde des sceaux. Dans l'E- 'E- d'hui
d ne servait plus que l'Etat, et si uno
glise comme dans l'Etat, les commissions ms fois,
f, alarmée des dangers que courait la
que l'homme distribue prenaient la place
ace ppersonne royale, elle a manqué, pour sauver
des offices ou devoirs qu'impose la constitu-
tu- |< roi, à la loi fondamentalede la constitution,
le
tion; et, pour en donner un exemple, less qui
q lui ordonnait de rester distinguée, ou
dignités d'archidiacres, vicaires-nés de l'é-'é- plutôt distincte des deux autres ordres, en
p
piscopat, étaient remplacés par des grands lds s, rappelant les temps et les lieux, qui ose-
se
vicaires nommés par des lettres de J'évê- pê- rait
r; lui en faire un crime?
que, comme des généraux par commission on
avaient remplacé dans le commandement int CHAPITRE VIII
des armées le connétable, commandant-né né
des forces de l'Etat, et lieutenant naturel def} ci
CHANGEMENTSSURVENUS DANS LES PROPRIÉTÉS.
C! É
la royauté. C'était là une véritable révolu- lu- J'ai, remarqué ailleurs que partout où il y
tion, et elle annonçait que la dignité su- u- a une société, un pouvoir, des ministres, il
prême, et de laquelle émanent toutes les es faut des propriétés en fruits ou en fonds,
fa
autres dignités, allait elle-même tomber en en pour la subsistance des uns et des autres.
p(
commission, et devenir amovible (1). Dans
D. une société naissante ou sauvage, le
Dès que la noblesse ne fut pas le minis- s- et fait et reçoit des présents en comesti-
chef
tère public et l'action conservatrice du pou-u- bles.
bl Chez les Germains, plus avancés, le
voir général, il s'éleva dans l'Etat des pou-u- chef
ch recevait de ses ministres, et leur faisait
voirs particuliers, dont les nobles furent nt à son tour des présents en chevaux, en ar-
(1) JusqueJà la France s'était agrandie par des
es et les commissions amovibles y sont plus propres.
réunions elle allait s'agrandir par des conquêtes,
!S,
1508
'«""
iS07 OEUVRES COMPLETES
précaire comme la société. Chez les Ger- se plaint de ce que les hommes
négligent
mains, elle était fondée sur des propriétés leurs bénéfices, pour ne s'occuper que de
mobilières, parce que leur société, naguère leurs propriétés personnelles ou alleux
nomade, était encore dans un état de mobi- Auditum habemus quod aliqui homines illo-
lité mais lorsqu'elle fut parvenue, par son rum bénéficia habentdeserta, et allodes eorum
établissementdans les Gaules, à son dernier restauratos. Ce fut donc un développement
état, à l'état fixe et propriétaire, le pouvoir nécessaire que celui qui confondit la pro-
priété-domestique et la propriété publique,
et ses ministres acquirent des propriétés
foncières et fixes, aussi possédées en nature et imposa à la famille la loi de vivre pour
de fonds, ou représentées par la propriété perpétuer le ministère.
des fruits, appelée dîme ou champart. Tel Cette dotation du ministère public en fonds
était le dernier état, en sorte que le grand appelés plus anciennement terres saliques,
et'en fruits, s'était conservée plus ou moins
principe de toute société avait été consacré
ledans toute la France. Elle se retrouve en-
en France: savoir, que pour constituer n'est
corps social, les pouvoirs des trois sociétés, core dans tous les Etats chrétiens, et
domestique, religieuse et politique, proprié- pas même inconnue en Turquie, qui a ses
taires indivis du sol et de ses fruits, passent timars ou fiefs à vie pour l'entretien des spa-
his, corps de cavalerie propriétaire. Elle
entre eux tous un contrat tacite, mais véri- existait dans chaque fief comme elle existait
tablement social, par lequel la famille s'en-
dans le royaume, qui se gouvernait comme
gage à servir l'Eglise et l'Etat de ses per-
sonnes et de ses propriétés et l'Eglise et un grand fief, où le roi avait des domaines
l'Etat, formant la société publique, s'enga- personnels, et percevait, pour le service pu-
gent à la protéger de toute la force publi- blic, l'impôt représentatif des fruits sur les
domaines des sujets. Et dans la famille royale'
que dans ses personnes et dans ses pro- propriété
priétés contrat sacré, qui lie entre eux, noni comme dans les familles nobles, la
des hommes, mais des pouvoirs et des so- personnelle était confondue avec la propriété
ciétés contrat indissoluble, puisque la fa-
publique, au point que le roi ne pouvait
mille, l'Eglise et l'Etat ne se perpétuent que rien acquérir ou rien posséder, qui ne fut
réuni au domaine royal après dix ans de
sur la fox et par l'effet de cet engagement; possession.
plus sacré encore et plus indissoluble, si iai
famille s'est engagée à l'Etat d'une manière3 Dans les parties montagneuses de la
spéciale, et si elle a rempli cet engagementt France, la noblesse possédait moins de
autant que l'Etat l'a voulu et le lui a permis.•fonds et plus de dîmes ou de rentes, qui en
Si la famille ne peut rompre le contrat, parceb tiennent lieu, et par conséquent le peuple
qu'elle est faible, l'Etat doit encore moins yY était plus propriétaire que dans les provin-
manquer, parce qu'il est fort. La famille op- ces fertiles, où il n'est que fermier ou loca-
primée par l'Etat en appelle à la religion, taire amovible. Delà vient que les droits
et l'oppression de la famille est une causee personnels étaient plus communs, et même
perpétuelle de troubles et de malheurs danss plus bizarres dans je nord de la Franco que
'Etat. dans le midi parce que là où le seigneur
imposer des droits
Le ministère politique, divisé par famil- retint le sol, il ne put
les le ministère religieux, divisé par com- que sur
les personnes; et il est à remarquer
munautés, possédaient donc des propriétés :s que les propriétaires des fiefs les plus oial-
nouvelles lois portant sup-
à ia fois domestiques et personnelles, né- traités par les
féodaux, ont été ceux
cessaires à la subsistance de l'homme et dee pression des droits
la famille, et des propriétés religieuses et
3t dont les ancêtres ou eux-mêmes avaient dis-
politiques, solde des devoirs auxquels le le tribué au peuple plus de propriétés.
la I.a famille même de tout ordre était, dans
corps était tenu envers l'Etat. Tant que
la
ie le midi de la France,
plus constituée que
propriété politiqué fut révocable, ou même
viagère, l'homme ou la famille ne pouvaientIt dans le nord, non-seulement parce que les
ut nobles y avaientplus de propriétés seigneu-
s'attacher à une propriété qu'ils cultivaient
d'autres, et qu'ils ne pouvaient mêmeie riales, et que le peuple y avait plus de pro-
pour
améliorer sans exciter dans leurs voisins is priétés privées on de fonds de terre, et que
1539 PART. I. ECONOM. SOC.-LEGISLATION PR1MIT. II. DU MINISTERE PUBLIC. 1510
par cette disposition la famille de celui-ci h véritable Ini
li agraire, nn*
loi affrair*. ,.uwha
était mieux défendue de la misère et du que l'on
l'nn cherche
vainement dans toute autre combinaison so-
vagabondage, et que la famille de l'autre ciale, et la seule qui s'accorde avec les lois
était moins retenue à la glèbe, et plus dis- de la religion et le repos de la société. Toute
ponible pour le service de l'Etat mais autre manière d'appeler le peuple à la
aussi parce qu'elles étaient soumises l'une propriété est fausse et coupable. Le gouver-
et l'autre à la loi romaine, qui constitue nement français, je m'enorgueillis de le
plus fortement là société domestique efle
penser, sera plus sage que le gouvernement
pouvoir du père de famille. anglais, qui, faute d'avoir pris de sages me-
C'est dans ces principes constitutifs de sures pour réparer les effets funestes des
l'esprit d'une nation qu'il faut chercher la grands déplacements de propriétés en Ir-
véritable raison de l'attachement que les lande, voit encore après un siècle et demi,
provinces du midi de la France ont montré et verra toujours le territoire de l'Irlande
dans tous les temps pour ta constitution déprécié d'un tiers de sa valeur, et l'Ir-
monarchique de l'Eglise et de l'Etat (1), landais lui-même dans un état de haine et
et dont il y a eu, même dès le temps de1 presque sauvage, qui distingue ce peuple
Raoul, un exempte remarquable, rapporté estimable des peuples policés. Au nom de
dans le P. Daniel (2). la patrie commune, et de l'honneur'qu'il
Nous avons vu que les ministres avaient y avait à être Français, qu'on permette aux
usurpé le pouvoir pendant le sommeil de Français de s'aimer, et Dienlôt ils oublie-
ceux qui l'exerçaient. Ils en usèrent quel- ront qu'ils se sont haïs.
quefois avec violence et déraison, et ils
établirent sur les biens du sujet, ou même CHAPITRE IX.
sur sa personne, des droits au fond plus
ridicules qu'oppressifs, et qui tenaient à RETOUR VERS L'ÉTAT NATUREL DU MINISTÈRE
la féodalité comme des tumeurs tiennent PUBLIC.
au corps humain. Nous avons vu que l'établissement des
Ces droits, depuis longtemps tombés en troupes soldées, et l'introduction de la vé-
désuétude, étaient enterrés dans des char-, nalité dans les offices de judicature, avaient
tres poudreuses, d'où la haine les a exhu- affaibli la constitution du ministère public,
niées "pour rendre odieux les propriétaires
en plaçant sur une propriété mobilière et
les plus bienfaisants, et détruire les
[iriétés les plus nécessaires au bon ordre
pro- artificielle un devoir établi jadis sur une
propriété
] foncière et riaturelle. L'Etat faisait
de la société.
comme
( un particulier qui change ses terres
Je ferai quelquesréflexions sur le bail à fief. contre des rentes sur le grand livre. Cette
<
Le bail temporaire, bail à ferme ou lo- jinnovation venait peut-être des changements
cation le bail héréditaire, bail à fief ou
que l'accroissement prodigieux du numé-
<
emphytbéose, sont deux contrats de même raire, depuis la découverte récente du Nou-
i
nature au fond, puisque la propriété n'est veau-Monde, avait produits en Europe dans
aliénée ni dans l'un ni dans l'autre, et que 1les idées, dans les valeurs et dans les
même dans le bail à fief, le propriétaire rap-
ports.
j
primitif pouvait rentrer dans le fonds par Mais si ce changement altéra la constitu-
le retrait, en cas de vente, et devait en tion,
t il ne put la détruire l'ordre politique
empêcher la détérioration. Ces deux con- continua
( à servir dans les armées, et même
trats se retrouvent partout où il y a des comme
( propriétaire; car, outre qu'il était,
hommes et des propriétés, mais avec cette encore de nos jours, propriétaire de compa-
t
différence que dans les pays infertiles le gnies et de régiments, les appointements de
bail héréditaire est bien plus favorable à ttous les grades étaient insuffisants, et il fal-
la bonne exploitation des terres, et par lait
1 suppléer à leur modicité par une fortune
conséquent à la prospérité de la famille et de patrimoniale
r même les pensions de retraite
l'Etat. L'inféodation et les communaux sont
cque l'Etat accordait aux militaires, après un
dueation des enfants., les missions étrange- tavec précision et désormais on ne verrait
plus les autorités civiles mises sous l'inter-
Tes, le rachat des captifs (si les princes chré- I
( i ) On peut dire Plus de Dieu, plus de pou- sujelsjet l'Europe ne peut pas cesser d'être chré-
gi
vnirs des nations; plus de ministère religieux, plus tienne sans cesser d'être un corps politique.
de ministère politique; plus de fidèles, plus 'le
.lUVV v.v.
reux, et cause lui-même du malheur des t93, la volonté suprême du peupie, Q un maî-
temps, voulaient avoir la faculté de vendre t à danser faisait un législateur principe
tre
leurs fiefs aux autres citoyens mais peut- £assuré de
corruption et de désordre, qui
être que, par une inconséquence remarqua- allume
t toutes les passions, et ne laisse dor-
ble, ils n'auraient pas voulu leur transmet- mir
i aucun talent qui déplace tous les hom-
tre la nobilité personnelle. Le fisc profitait mes
i et réalise toutes les chimères, et qui
de cette disposition, et soumettait au franc- dans
t l'homme comme dans la société, met
fief ( 1 ) les nouveaux acquéreurs. Les no- une
i agitation dévorante que suivent l'abat-
bles, alors nombreux, ne sentaient pas assez ttement et la langueur, à la place du mouve-
qu'il était de toute nécessité politique que ment
ï régulier, principe de la vie>ie l'homme
l'ordre du ministère public eût un moyen < de la force de
et la société.
régulier, ordinaire et continu de se recru- C'est pour cette raison que, dans les gou-
ter; que le choix arbitraire du prince ne vernements
1
réguliers et bien constitués, le
pouvait être qu'un moyen extraordinaire, pouvoir
]
s'interdit à lui-même la facilité de
dès lors insuffisant, et que la possession dui placer
i et de déplacer les hommes, sans règle
fief était au fond le plus naturel. Aussi lai et sans motif, et qu'il suit, pour les promo-
nécessité des choses, plus forte que les vo-• tions militaires et civiles un ordre de ta-
lontés humaines, recrutait la noblesse avec bleau, d'ancienneté d'âge ou de grades.
les possesseurs de fiefs, égaux devant la loii Cette coutume est extrêmement sage mais
aux nobles les plus anciens, inégaux s dans
il est sage aussi de pouvoir y déroger lors-
l'opinion qui accorde aux vieillards une que de grands intérêts et des services émi-
plus grande considération. Lorsque ie fieff nents en amènent la nécessité.
cessa d'ennoblir l'homme s'ennoblit parr Tous les désordres qui naissent du choix
l'acquisition d'une charge; moyen moins5 arbitraire de la part du chef, comme moyen
utile politiquement que l'acquisition du fief, unique et régulier d'élévation, se retrouvent
mais qui offrait une meilleure garantie per- dans le choix arbitraire de la part du peuple
sonnelle, parce que l'homme qui demandaitt souverain; mais ils y sont plus graves, par-
à être admis dans un corps respectable de3 ce que ce souverain lui-même se compose
magistrature, était soumis, du moins pourr d'une multitude de volontés souvent oppo-
la forme, à un examen qui n'appelait pass sées, et qu'il exerce sa souveraineté élisante
les talents (parce que les talents, sans les- dans un grand nombre de lieux à la fois. Je
quels une société ne saurait se former, nee ne crains pas d'assurer que les élections po-
sont pas également nécessaires à une sociétéé pulaires, comme moyen régulier et légal de
toute formée), mais qui excluait les vicess promotion, sont le plus puissant véhicule de
connus et les irrégularités publiques de con-i- corruption publique et privée. Une nation
duite. qui est une réunion de familles indépen-
J'ai dit qu'on ne pouvait faire du choixx dantes les unes des autres, mais liées entre
arbitraire de la part du chef un moyen ré- elles par les mêmes devoirs religieux et
gulier de promotion des familles au minis- politiques, devient, grâce aux élections, un
tère politique, parce que l'élévation desis vaste marché où l'ambition achète ce que
familles, qui, hors les temps et les hommes!S l'intrigue vend, où l'homme, tour à tourflat-
extraordinaires, doit être lente et succes- teur et insolent, s'humilie et se fait recher-
sive, comme toutes les opérations de la na-i- cher; où l'éloge effronté de soi, la détraction
ture, n'a alors d'autre règle que des capri-i- contre les autres, et souvent la calomnie, la
ces, d'autre motif que la faveur, souvent it vénalité, la captation', etc., sont des voies
d'autre durée que celle de l'homme, sem- i- ordinaires de fortune, toutes choses incom-
i,
blable à ces plantes qui fleurissent au matin, patibles avec l'honneur, la vertu, la religion,
et .que le soir voit sécher. Ces métamorpho-)- l'humanité, et subversives de tout ordre so-
ses subites, qui font passer un homme des 3S niai. C'est là cependant qu'on en est en An-
derniers rangs de la société aux premiers rs gleterre. Les désordres des élections y vont
emplois, et par la seule volonté du chef, f, toujours croissant l'argent, devenu plus
forment le caractère spécial du despotisme je commun, les places plus honorables ou plus
d'un ou de tous. Ainsi en Turquie, la vo- )- lucratives, l'intrigue plus raffinée, y produi-
lonté suprême du sultan fait un ministre re sent, dans quelques semaines, des violences
d'Etat d'un jardinier, et dans la France de le et des folies inconnues à une nation sau-
( 1 ) C'était une taxe que payait un citoyen non noble pour acquérir ou posséder un fief.
pie.
vage ( 1 ) et dont la vie la plus longue d'une
société civilisée ne doit pas fournir d'exem-
(1) Des hommes qui, en 1780, ne voyaient en doctrines sur nos malheurs. Cette opinion fait plus
France que de bons citoyens et de bonnes inten- d'honneur à leurs vertus qu'à leurs lumières,
tions, nient aujourd'hui l'influence de toutes ces
Enfin l'expérience vient montrer la possi- dence mais ils n'ont pas fait assez d'atten-
bilité de ces institutions dont le génie pré- tion qu'en laissant à part les événements
voit, dont le raisonnement établit la néces- politiques qui en ont précipité la ruine, et
sité. dont nous avons fait connaître les plus re-
En effet, l'institution du ministère politi- marquables, la chevalerie car il faut la
que dans les Etats chrétiens n'est pas nommer, a péri, parce qu'elle était unique-
comme la République de Platon, ou l'Utopie nient dans les mœurs, et qu'elle n'était pas
de Thomas Morus, un rêve que l'imagina- constituée par les lois. La force des choses
tion enfante, et que la raison n'a jamais réa- lui avait donné naissance l'Etat n'en avait
lisé. Cette institution a existé en Europe, pas assuré la durée et les progrès car si
même dans une haute. perfection (.1) et c'est aux mœurs à inspirer les lois, c'est
dans des temps qu'on peut regarder comme aux lois à fixer et à maintenir les mœurs.
voisins du nôtre, la chrétienté a vu un or- C'était encore un principe de désordre, et
dre entier d'hommes dévoués, corps et biens, par conséquent de ruine, que le défaut ab-
à la d'éfense, et même à l'ornement de la so- solu de connaissances administratives ou
ciété. L'Europe a admiré ce mélange singu- même économiques, dans ces temps où l'art
lier de vertus publiques et privées, reli- d'écrire et celui de l'imprimerie, moyens
gieuses et politiques, de hauteur dans les indispensables de tout ordre parmi les hom-
sentiments et de simplicité dans les maniè- mes, et de toute administration des choses,
res, de courage contre J'ennemi et de res- étaient ignorés ou peu connus même dans
pect pour ia faiblesse. Que dis-je? non- les conditions les plus élevées que nos
seulement l'Europe a vu cette institution, mal heureuses guerres saus les Valois avaient
mais elle a vécu jusqu'à présent sur le exclusivement jetées dans le métier des ar-
fonds de vertu, de décence, de loyauté mes, contre l'esprit et jes habitudes primi-
qu'elle en avait reçu feu sacré dont les tives de leur institution. Un corps de ci-
faibles étincelles, conservées sous les rui- toyens destinés à des fonctions publiques
nes du temps et des passions, se seraient les doit remplir, non-seulement avec fidé-
ral'umées parmi nous, si un souffle puis- lité, mais avec ordre et intelligence et faute
sant avait su les ranimer. d'une sage discipline dans les hommes, et
Je sais que les hommes, qui concourent d une administration attentive des choses, il
tout par leur action, qui altèrent tout par peut arriver qu'il périsse malgré les vertus,
leurs vices, mêlèrent trop souvent leurs même de ses membres, et qu'il succombe à
passions à la perfection de cette institution, des vices intérieurs au moment qu'il jette au
et se firent des vertus qui n'étaient pas tou- dehors Jé plus grand éclat. La chevalerie se
jours des devoirs mais quand même on distinguait par sa valeur dans les combats,
pourrait ne pas ajouter une foi entière à mais elle laissait échapper la victoire par
tout ce que les historiens contemporains son indiscipline, comme elle rendait dans
nous ont transmis de cette antique constitu- les tribunaux des jugements iniques avec
tion des ministres politiques, dont on exa- une probité scrupuleuse il lui manquait
gérait alors les vertus, comme de nos jours une règle à laquelle on ne savait pas la
on en a exagéré les vices, il ne serait pas plier, et des connaissances qu'on ne savait
meins étonnant qu'on eût dès lors des no- pas lui donner, car on obtient des hommes
tions si justes, si élevées sur les devoirs de tout ce qu'on sait leur demander ou leur
l'homme public, sur les besoins de la so- commander.
ciété, sur la perfection, en un mot, à la- Les moyens mécaniques d'ordre public et
quelle l'homme peut être élevé par le moyen d'administration ont été portés dans les Etats
des institutions, et la société par le minis- modernes au plus haut point de perfection.
tère de l'homme. Il ne leur manque plus que d'y joindre les
Les écrivains ont rechérché l'origine de moyens moraux, sans lesquels les autres ne
cet établissement et les causes de sa déca- sont rien, c'est-à-dire qu'il leur manque
ti) La chevalerie a existé en France, en Espa- des engagements particuliersau-dessus des devoirs
gne, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, dans publics souvent elle employa trop de force à ren-
tous les Etats chrétiens et monarchiques le Nord dre la justice, et ses idées exagérées, même sur la
était encore idolâtre, et la Grèce soumise à des vertu, donnèrent, comme toute exagération, prise
despotes dont la succession rapide, ouvrage de la au ridicule. Un homme de génie le saisit, et de là
violence, ne pouvait compatir avec une institution ce roman de Don Quichotte, le premier de tous les
dont le caractère était la féodalité ou la fidélité. La romans, et qui partage avec un petit nombre de
chevalerie eut ses abus elle mit presoue toujours livres l'honneur d'avoir fait révolution.
des hommes formés à la perfection sociale sortit une puissance qui eut toujours les
pour perfectionner la société elle-même, en armes à la main, et qui, devenue le boule-
y portant les vertus au même degré que les vard de la chrétienté,' lorsqu'il n'y en avait
connaissances. pas d'autre, a vu trois fois toutes les forces
Cependant on aurait tort de croire qu'il ottomanes se briser contre ]erocher qui for-
soit laissé uniquement à la volonté et aul mait son territoire, et a donné le temps à la
choix de l'homme d'établir ou de relever de> maison d'Autriche de s'étendre, et à l'empire
si hautes institutions. L'homme peut en[ russe dé se former.
concevoir la pensée, ou même en imaginerr Il y a trois siècles qu'à l'époque de l'inva-
l'organisation; mais l'exécution dépend[ sion du luthéranisme et de la découverte du
d'une disposition secrète dans les esprits, ett Nouveau-Monde, quatre ou cinq étudiants
d'un arrangement de circonstances exté- de l'université de Paris s'engagèrent dans
rieures qui ne peuvent se trouver qu'après l'église de Montmartre à changer l'univers,
de grands événements, et trop souvent, hé- c'est-à-dire à instruire le monde chrétien,
las 1 après de grands malheurs. Ce sont des et à convertir le monde idolâtre; et vingt
remèdes qui ne naissent jamais que de l'ex-“ ans après, ils occupaient le monde entier,
cès des maux; ce sont des troupes qu'oni catéchisaient les enfants en Europe, et bap-
lève pour la guerre, et qui ne se formentt tisaient les rois dans les Indes.
qu'au milieu des combats; et pareils auxc Quoi qu'il en soit, l'homme qui s'est fait
ouvriers du second temple, leurs fondateurs une juste idée de la beauté de l'ordre et de
ont le marteau d'une main pour bâtir, ett sa nécessité, doit hâter par ses vœux, et,
l'épée de l'autre pour combattre. C'est là s'il le faut, par ses démarches, l'élablisse-
surtout ce qui distingue les institutions na- ment d'une classe d'hommes fondée par la
turelles et nécessaires de la société des ins- religion, et ordonnée par la politique pour
titutions arbitraires et factices que l'homme> la défense de la société religieuse et poli-
fonde même avec les intentions les plus tique, comme le seul et le plus puissant
Jouables, mais sans aucune nécessité. moyen de la conservation de l'ordre parmi
Ji y a trois siècles à peu près que danss les hommes, et à qui toute autre occupation
toutes les cours de l'Europe les princes soit interdite que celle de servir la société
créent de nouveaux ordres de chevalerie» sous les ordres de son pouvoir, dans les
pour les hommes, et quelquefois même pourr fonctions de juger et de combattre, qui coin-
les femmes, dans les vues politiques, ett prennent tout le service que l'homme peut
même religieuses les plus innocentes. Ces rendre à la société par son esprit ou par son
ordres sont à leur naissance l'objet de la1 corps. Ces fonctions sublimes rendent ceux
faveur la plus déclarée et de l'ambition laj qui y sont consacrés, les hommes, non de la
plus active, enrichis, décorés par les princes famille, mais de la nation (gentis homines),
qui s'honorent d'en porter les marques, ett et elles les donnent en spectacle aux autres
cependant leur existence, ou du moins leur pour en être remarqués par leurs vertus
considération est de courte durée. Il n'est t [nobiles, qui vient de notare, remarquer).
pas même possible d'assigner aucun bieni Ils doivent donc se rendre capables, par une
véritablement public et durable qui en soitt éducation particulière et un genre de vie
résulté, et il est au contraire aisé d'aperce- convenable, de cet important ministère. Ces
voir la révolution qu'ont dû produire dans3 hommes, ou plutôt ces familles, sont les
les idées et dans les mœurs des institutions ministres, c'est-à-dire les serviteurs de la
qui mettent, chez les uns la vanité à la place société, distingués par conséquent de ceux
de la conscience, et chez les autres, la ja- qui sont servis, et de là vient que le mot de
lousie à la place du respect, parce qu'elless service est affecté dans toutes les langues
distinguent l'homme par des marques exté- chrétiennes aux fonctions militaires et judi-
rieures, sans l'obliger à des devoirs plus ciaires, et le mot d'officier, ab officio, à la
rigoureux. Voilà les institutions humaines, personne qui les remplit.
voici celles de la nature. Il y a huit siècles qu'ài « Esclaves de ce maître dur et injuste »
l'époque du développement de la puissanceî (du public), est-il dit dans la Théorie du
mahométane,et du danger imminent dont elle3 Pouvoir, « obligés de souffrir ses caprices,
menaçait l'Europe, quelques pèlerins de lat souvent d'éprouver son ingratitude, quel-
terre sainte disposèrent sous des tentes uni quefois d'essuyer ses fureurs, ils, assurent sa
hospice pour les malades, et de cet hospice liberté aux dépens de la leur, et ils payent
leur distinction de leur servitude. C'est la familles nobles, et la clause de la réversion
solution du problème que J.-J. Rousseau se des fiefs titrés à la couronne., faute d'hoirs
propose, et qu'il ne sait comment résoudre, ë, mâles, élaientdes traces de ces usagesanciens.
Quoi 1 dit-il, la liberté (de tous) ne se main-
n-
tient qu'à l'appui de la servitude (de quel- CHAPITRE XIII.
ques-uns) Peut-être. »
L'imagination,je le sais, ne voit qu'éclat CONSTITUTION DOMESTIQUE DU MINISTÈRE PU-
at
et honneurs là où la raison et la religion ne, BUC DANS LES PREMIERS TEMPS.
lie,
voient que devoirs. Elle se récrie sur cette te Il est sans doute intéressant de connaître
prétendue servitude et sur ces fonctions is par quels moyens l'institution singulière du
brillantes qu'il est si doux de remplir. Elle le(j ministère public, connue sous le nom de
juge ce qui devrait être par ce qui était trop >P chevalerie, s'était formée en Europe mais
souvent; et cependant tels sont les devoirs rs il faut se rappeler, ce que nous avons déjà
auxquels la société, pour ses besoins, de- observé, que cette institution était dans les
vrait soumettre les familles consacrées auu mœurs plutôt que dans les lois; que tout y
ministère public, que le dévouement de- était en traditions, et rien en lois écrites;
viendrait pour les autres un sujet de frayeur ir qu'elle n'était dans plusieurs points, même
plutôt qu'un objet d'envie. Si l'on veut it essentiels, qu'indiquée, et non développée
même détourner les yeux de cette opulence e en un mot, que cette institution si perfec-
que quelques familles nobles partagent enn tionnée quant aux sentiments, et même aux
Europe avec un nombre bien plus grand deo vertus qu'elle a produites, n'était encore que
familles commerçantes, et qui n'était pluss dans l'enfance sous le rapport des règle-
remarquée que parce qu'elles en faisaient it ments de disciplina qui pouvaiert la per-
un, emploi plus généreux, quelle condition n pétuer.
plus dure que celle d'une multitude de fa- Comme il est de l'essence du ministère
milles que l'opihion de leur dignité retenaitt politique d'être propriétaire de terres, c'était
dans une pauvreté héréditaire, que cepen- une nécessité aux familles nobles d'habiter
dant elles devaient faire honorer, et qui, nee les campagnes, et leur séjour y était* utile
pouvant exercer aucun genre d'industriee pour elles et pour le peuple, par mille rai-
lucrative, étaient obligées, pour sortir dee sons domestiques et politiques. S'il est une
l'indigence, de produire un cardinal ou un1 vérité d'administration généralement re-
maréchal de France? Quant à la dépendance, connue, c'est que les campagnes ont tout
le ministère dans l'Etat est plus sujet que3 perdu par l'éloignement des grands proprié-
les sujets eux-mêmes,puisque ses membres, tai res, et. l'on peut, sans entrer dans d'autres
sujets comme les simples citoyens à toutess détails, regarder comme un axiome de ia
les lois religieuses, domestiques et politi- science de l'économie publique, que tout ce
ques, sont de plus soumis aux lois particu- qu'il y a de bon, de nécessaire à apprendre
lières à leur profession. « L'infériorité, »ditt ou à inspirer au peuple en agriculture, en
Terrasson, « semble plus marquée dans le3 habitudes domestiques, même en morale
second rang que dans le dernier, » et il estt pratique, tient à la constitution domestique
vrai de dire que le pouvoir a sur ses mi- des familles vouées au ministère public, à
nistres une autorité particulière et presquee leur résidence habituelle sur leurs proprié-
arbitraire qu'il n'a pas sur les sujets. Danss tés. « Les bois et les champs, » dit un ancien
les premiers temps, les familles vouées aui auteur, « forment plus la noblesse. que les
ministère politique dépendaient du pouvoirr villes ( 1 ). » On ne manquera pas de m'op-
de l'Etat, au point qu'elles ne pouvaientt poser les désordres de la féodalité, et toutes
marier leurs filles sans sa permission. Il1 les déclamations que des esprits chagrins ou
avait la tutelle de leurs enfants, souvent lai prévenus se sont permises contre cette ins-
jouissance des biens pendant les minorités, titution plus naturelle qu'on ne pense, puis-
et même quelquefois il héritait de leur mo- que, selon Condorcet, « on la retrouve à la
bilier. Les familles nobles lui donnaientt même époque chez tous les peuples.» La
leurs enfants comme otages de leur fidélité. féodalité signifie la fidélité, et si les abus en
La coutume chez les princes do faire élever étaient devenus odieux, l'origine assurément
auprès d'eux, comme pages, des enfants des> en était respectable, et la nature essentielle-
le
1
(r D).
APlus rura et
droit public au
_6
xv siècle.
-f~
nemus conferunt ad
-,t consequendam
_1 nobUitatem quam urbes, dit Pogge, qui écrivait sur
ment bonne. Les abus de la féodalité te- sinage des villes, les autres se sont appau-
naient moins à la disposition des hommes, vries
i et dépeuplées.
toujours et partout les mêmes, qu'au mal- Il faut le dire, puisque la force de la vé-
heur des temps et à la faiblesse de l'autoritéé rité
i en -arrache l'aveu à l'inconséquent écri-
publique. Les vices de la politesse ont suc- vain que nous venons de citer, le régime
cédé aux désordres de la violence mais, si,i féodal
i a peuplé les campagnes Je régime
l'on prenait le tableau des jugements crimi- fiscal
1 commercial, philosophique, a agrandi
nels pour mesure de la bonté d'une nation à les villes l'un appelle Je peuple à la pro-
ses diverses époques, je crois qu'on trouve- priété par des démembrements et des inféo-
rait aujourd'hui des forfaits plus odieux ett dations de terres; l'autre le fait subsister
plus fréquents qu'ils ne l'étaient dans cess par des fabriques, en attendant de t'enrichir
temps décriés, et du moins on remarqueraitit par des pillages. Celui-ci procure à l'homme
que les grandes expiations et les sentimentss une subsistance précaire et variable, comme
de repentir sont beaucoup plus rares de noss les chances du commerce, et, qu'il reçoit
jours, parce que l'homme alors était empor- tous les jours, sous la forme d'une aumône,
té, et qu'aujourd'hui il est corrompu. Mais, du fabricant qui l'occupe celui-là donne à
en laissant à part ces récriminations, et lee la famille un établissement indépendant de
parallèle qu'on pourrait établir entre less l'homme et fixe comme la nature l'un, en
siècles de la religion et les siècles de laa un mot, donne des citoyens à l'Etat, l'autre
philosophie, entre les temps de la féodalité é élève des prolétaires pour les révolutions
et ceux de la fiscalité, nous nous contenté- et quelle que soit la manie de la déclama-
rons de citer un passage extrêmement re- tion, comme il faut toujours en revenir aux
marquable du plus grand ennemi de la féo- »- faits, il est à remarquer que l'établissement
dalité, et de tout ce qui s'y rapporte. « Lee des manoirs champêtresdate presquetoujours
gouvernement féodal, » dit Mably, « étaitit des temps de la féodalité, et que la destruc-
sans doute ce que la licence a imaginé dee tion des nombreux hameaux dont on re-
plus contraire à la fin que les hommes see trouve les vestiges dans les campagnes et le
sont proposée en se réunissant en société. >. nom dans les chartes, a concouru avec les
Cependant, malgré ses pillages, son anar- progrès du commerce et l'accroissement des
chie, ses violences et ses guerres privées, cités.
nos campagnes n'étaient pas dévastées com- i- II paraît que,.dans _les premiers âges des
me elles Je sont aujourd'hui. L'espèce dee monarchies de l'Europe, il régnait plus d'é-
point d'honneur qu'on se faisait de compter !«" galité dans la fortune des diverses familles
beaucoup de vassaux dans sa terre servait it de l'ordre politique, puisque chaque terre
de contre-poids à la tyrannie des fiefs. Loinn avait son seigneur particulier, et que l'éten-
de dévorer tout ce qui l'entourait, le sei- due respective des fiefs était moins inégale
gueur principal faisait des démembrements ;s qu'elle ne l'est devenue depuis par leur ag-
de ses terres pour se faire des vassaux, et't glomération, surtout depuis leur érection en
les familles se multipliaient sous sa pro- titres d'honneur. Alors peut-être, si chaque
tection. » famille n'avait pas une fortune considérable,
Je le demande à tout homme sensé et im- i- toutes avaient une fortune suffisante, et cela
partial, si le régime qui multiplie les hom- devait être ainsi car l'indigence et l'ex-
mes, protège les familles, les appelle à laa trême opulence aboutissent également à la
propriété et préserve les campagnes de laa corruption.
dévastation, est contraire à lu fin de la so- Le moyen par lequel cette égalité s'était
ciété, quelle est donc la fin de la société ? et;t introduite avait été lent, mais sûr, comme
quel est le régime qui lui convient? Si c'est ;t tous les moyens que la nature emploie pour
]à de l'anarchie ou de la tyrannie, quel nom n former et pour maintenir son ouvrage. Il
donnerons-nous à l'anarchie et à la tyranniee consistait dans des substitutions en faveur
dont nous avons été les témoins et les vic- des aînés, et par conséquent dans l'innlié-
times ? A des seigneurs guerroyants ont suc- nabilité perpétuelle des propriétés féodales.
cédé des gens d'affaires avides, des procèss Cette loi existait encore en France et plus
ruineux à des incursions passagères, et dess ou moins dans toute l'Europe, quoique très-
impôts excessifs à des redevances ridicules. affaiblie pardes administrationsimprudentes
Les campagnes n'y ont pas gagné, et à part ,t qui se réjouissaient de voir grossir le fisc
celles que vivifie, en les corrompant, le voi- par la fréquence des mutations de propriété,
lorsqu'elles auraient dû gémir sur les causes veiller à l'éducation de tous, et non à l'édu-
de ce déplacement.Sans doute, si les moyens cation de quelques-uns; et il était assuré-
d'administration eussent été aussi connus ment contraire aux intérêts de l'Etat de pro-
dans ces temps reculés qu'ils le sont de nos curer aux enfants des familles nobles tom-
au
jours, les formes de la comptabilité aussi per-
fectionnées, et les hommes même aussi as-
souplis joug des lois politiques,
l'ordre politique aurait établi, comme celui
du clergé, une administration centrale de
bées dans l'indigence, une éducation reli-
gieuse et politique, et de laisser les enfants
des familles les plus opulentes recevoir une
éducation philosophique.
Mais ce qui, surtout, maintenait, dans les
contributions communes pour fournir à l'é- temps anciens, les fortunes des familles du
ducation des enfants, à l'acquit des charges ministère politique dans un équilibre plus
communes, à l'amélioration même des biens. voisin de l'égalité, et qui prévenait, dans
C'eût été un moyen puissant et le plus puis- quelques familles, un accroissementexcessif
sant de tous,.de rapprocher les fortunes par- de richesses, qui n'arrive jamais sans que
ticulières de l'égalité, de vivifier les cam- d'autres familles ne tombent dans l'indi-
pagnes, de perfectionner l'agriculture par gence, était la modicité ou même la nullité
des prêts faits à tout propriétaire de fonds des dots des femmes; coutume antique et
ruraux indistinctement, sous caution mais respectable, que les Francs avaient,apportée
sans intérêt et uniquement pour des tra- avec leur constitution des forêts de Germa-
vaux d'amélioration; enfin d'offrir à l'Etat, nie. Cette loi si éloignée de nos mœurs peut
dans ses extrêmes nécessilés, des ressources être regardée comme le moyen le plus effi-
immenses et "pareilles à celles qu'il trouvait cace, et le garant le plus assuré de tout
au besoin dans les richesses de la religion. bonheur dans la famille et de toute force
L'Etat aujourd'hui n'a partout qu'un fisc, dans l'Etat, de tout bien domestique et po-
aliment de prodigalités et de luxe, et tou- litique, physique et moral mais, comme
jours vide au moment du besoin; il auraitt toutes les bonnes lois marchent ensemble,
eu alors dans les richesses des deux ordres ainsi que tous les abus, cette loi peut-être
chargés du ministère public, deux trésors en nécessiteraitd'autres sur le consentement
uniquement disponibles pour les extrêmes du père au mariage de ses enfants, et de-
dangers car il n'y a pas d'Etat plus malaisé vrait rendre beaucoup moins facile la voie
à défendre que celui où il n'y a de riche des sommations respectueuses. Les nobles,
que des individus, comme en Hollande et en en Allemagne, perdent certains avantages
Suisse, parce qu'alors il faut tout faire avec en s'alliant hors de leur ordre; en France,
des impôts tôt ou tard onéreux, et qu'on ne les mésalliances n'étaient pas connues de la
peut défendre le territoire sans ruiner ou loi, parce que les femmes n'avaient pas
indisposer les habitants. d'existence politique toute femme prenait
Cette administration intérieure de biens de droit, dans la société, le rang de son
communs n'était pas totalement ignorée en mari, comme elle en prenait le nom, et elle
France dans les temps anciens; il paraît transmettait l'un et l'autre à ses enfants. On
même par les fondations de monastères ne sait pas assez combien en France toutes
qu'ont faites, à ces époques reculées, des les idées étaient justes, et toutes les lois na-
souverains ou des membres de l'ordre, pour turelles.
l'éducation des enfants des nobles, ou l'éta- Au reste, j'ai moins besoin de m'étendre
blissement de leurs ûlles, qu'il y avait dès sur les effets salutaires de la coutume an-
lors des idées de communauté d'intérêts; et cienne de ne point doter les femmes, que de
même, de nos jours, la noblesse de Bretagne justifier ma témérité à en rappeler le sou-
avait fondé un établissement où les enfants venir au milieu d'une nation possédée de
des deux sexes des familles les plus paiï- l'auri sacra fames, et où marchent du même
'rres recevaient une éducation gratuite. Je pas la soif inextinguible de s'enrichir par
'le parle pas des maisons que les rois avaient toute sorte de voies, et la fureur prodigieuse
fondées dans les mêmes vues puisque l'au- de consommer par toute sorte de- folies. Je ·
torité s'occupait d'éducation, elle aurait dû n'ai qu'un mot à dire; telle loi est chimé-
( 1 ) L'homme alors était plus docile aux lois de sa docilité religieuse, et, moins soumis à Dieu,
religieuses qu'aux lois politiques; aujourd'hui il a il est plus dépendant de l'homme.
perdu de sa fierté politique. à mesure qu'il a-perdu
-J~.I.a.A.I.a. a..v.u.mv.v. < ML'il:1
'l'lU1\IlT. Il. DU
rique dans un système, qui devient naturelle raux était réservée aux ministres de
ri
MU.. 1"1J15LIt., 1£14;
la so-
dans un autre. Il est impossible de fixer en cciété. »
l'air, à trois cents pieds de terre, un globe Dans toute société naissante, et qui tra-
de vingt pieds de diamètre mais si l'on en vaille
v à s'étendre, comme pour l'homme en-
fait le couronnement d'un .édifice, ce globe fant,
fi le corps domine l'esprit, et les exerci-
se trouve placé naturellement à la hauteur ces
c de l'un sont plus estimés que les con-
donnée. C'est ainsi que les lois somptuaires, naissances
n de l'autre dans la société per-
impraticables pour l'individu, sont partout fectionnée, ainsi que datas l'homme fait,
f<
pratiquées sur les corps, même militaires, l'esprit
l' doit prendre le pas sur le corps, et
qu'on soumet à la plus rigoureuse unifor- l'instruction
l' régler la force et la guider.
mité de tenue et de vêtements. Au reste, Cependant,
C dans ces derniers temps, on
dans tout ce qui me reste à dire, le lecteur négligeait
n peut-être trop les exercices du
ne doit jamais perdre de vue que je fais un corps
c pour les arts frivoles et sédentaires.
rêve politique, sans allusion, sans intention Les études qui conviennent à des hommes
pour le temps présent. On souffre tant de publics
p devraient être sévères comme leurs
romans de frivolité ou même de licence, fonctions, et graves comme leurs devoirs;
fi
qu'on peut bien pardonner un roman de t devrait s'y rapporter au bien de la
tout
perfection; cette fiction n'est pas dange- société,
s peu à la satisfaction personnelle de
reuse. l'individu.
1 Il faut laisser à l'homme la
qui enfle c'est assez pour le mi-
•"
science
s
CHAPITRE XIV. nistre de celle qui édifie. Ainsi l'homme
r
dévoué
c au ministère politique devrait être
CONSTITUTION POLITIQUE DU MINISTERE DANS instruit dans l'art de l'agriculture, le pre-
1
LES PREMIERS TEMPS, CONSIDÉRÉ RELATI- mier
( et le plus noble des arts domestiques,
VEMENT AUX PERSONNES. dans la science de la guerre et dans celle de
G
_•'
LEGISLATION PRIMIT. Il. DU M1N1STEUE PUBLIC. 154g
neté, et voulant en
neté.
en imiter les
pn
formes,
r«m»ii'v
remplir i»
les fonctions
f^«/i»;^«« “
ou
Du
établit dans ses Etats une
rigueurs que nécessite l'exercice de la jus-
~c.I.¡.a
ne tice.
cour suprême, devenue depuis un parle- le- C'était autrefois une belle et salutaire
ment particulier. C'est là l'origine des cours institution que celle qui réglait la hiérar.
de Normandie, de Dauphiné, de Bretagne, irs de chie politique fonctions publiques sur
Toulouse; etc., que l'étendue de la France la hiérarchie des
força depuis de conserver, et même de mul- ce domestique de. l'âge. Seniores,
il- dit Hincmar, ad consilium ordinandum, mino'
tiplier, et qui n'étaient que la justice publi- li- res ad idem consilium suscipiendurrï;les plus
que rendue en divers lieux. C'est pour ur anciens jugent, les plus jeunes exécutent ou.
mettre de l'uniformité dans des jugements its combattent. De là vient que les expressions,
rendus par des tribunaux et sans communi- i- majores natu, proceres, principes, duces,
cation entre eux, qu'avait été établi le ma-
n- gnates, primores, leudes, fidèles, seniores, dont
con-
seil ou le tribunal de cassation des jugements ts nous avons fait monseigneur, et par abrévia-
rendus contre les formes de la loi. La
du roi dans les temps anciens,
ir tion, monsieur, sont synonymes,|et expriment
cour
ne tenait, t, à la fois, dans les capitulaires et les anciennes
ses assises que dans une certaine saison de le chartes, la supériorité de l'âge et celle de l«
l'année, et elle était ambulante dignité, comme les expressions de junio-
comme les es
rois eux-mêmes mais les grands
vassauxix res, minores, vicarii vice comites, vice do-
dans leurs petits Etats, ou même,
nos rois
is mini castaldii (châtelains) ministeriales
réduits à la Picardie et à l'île de France,
ie (ministres), aussi synonymes entre elles,
ne
pouvaient voyager comme Charlemagne désignent à la fois l'autorité
dans son vaste empire. Peu à peu le de l'Age et celle
on s'ac-
> du grade.
coutuma à assembler les cours suprêmes dee
justice dans le même lieu, et pendant plus Non-seulemement l'ordre chargé du mi-
un ^s nistère public combattait l'ennemi inté-
long temps, et elles devinrent sédentaires.
Avec les tribunaux sédentaires commença rieur par le glaive de la loi, mais il était
'•
la profession de la plaidoirie, qui
a encore le bouclier de l'Etat contre l'ennemi
ne devrait
it
être qu'un accident, et comme une maladie étranger, et il s'était dans tous les temps
e
du corps social. Nos anciens jurisconsultes acquitté avec zèle et fidélité de cette hono»
attribuent l'introduction de la chicane ens rable et périlleuse fonction. Le service mi-
n litaire qui lui convenait le mieux était le
France au séjourdes étrangers à Avignon. Un
Q service à cheval parcé qu'il est plus dé-
autre abus naquit de la résidence des tribu-
naux dans les mêmes lieux; la présencee nécessaire
fensif qu'offensif, et qu'il. est toujours plus
continuelle de ces grands corps qui réunirentt pour une société de conserver ce
à perpétuité dans un même lieu qu'elle a acquis que de l'étendre. Les Ro-
un grand mains,
nombre de citoyens aisés, et qui en dépla- avec leur infanterie invincible, en-
cère.nt annuellement beaucoup d'autres, vahirent toutes les nations qui n'eurent à
attirés par leurs affaires, produisit la plu-» leur opposer que de l'infanterie, et ils
part de nos grandes villes, et une grande, .trouvèrent uns bmière insurmontable £
ville est un grand désordre. leurs progrès dans la nombreuse cavalerie
des Parthes, Cette vérité historique acquiert
11 ne faut pas croire
que l'institution des un nouveau degré de certitude lorsqu'on J'ap*
la justice fût défectueuse, précisément
plique à une nation qui,, comme la France
qu'elle était ambulante. La société, parcei
l'homme, voyage sans cesse
comme i actuelle, placée dans des limites naturelles,
si elle s'y repose, ce doit être
sur la terre fini son accroissement continental, et ne
la
sous tente; peut s'occuper, moins pour elle, que de
et si la justice n'est pas toujours en mar- défensive. C'est au
]
che, elle doit être toujours debout. La jus- <Rousseau pour cette raison que J.-J.
tice est comme ambulante en Angleterre,
1 conseille à la Pologne d'entrete-
et nir i une cavalerie nombreuse, si elle veut
i! se tient annuellement, dans les divers empêcher l'envahissement de son territoire
comtés, des assises pour le criminel. Mais < les
1par armées russes. Notre langue offre,
cette action suprême de la justice, qui de- dans
vrait être entourée de recueillement et do de c ses nombreuses locutions, la preuve
c la considération dont le service de la
respect, comme le sacrifice de la religion ca-
valerie
v jouissait autrefois en France et
auquel elle ressemble, est une occasion de même
plaisirs et de fêtes, qui font n de nos jours, la propriété des coai-"
un contraste pagnies
™UI
fâcheux nour tes
GEPVBES COMPL
mœUPS publiques
'Pb mœurs Publiaues avec les ou
OEPVBESCOMPL. DEM. DE BoîUtD. J,
nu M nu ,,“
p
c cranté
de cavalerie, supprimée il y a trente
quarante ans, conservait quelque chpjg
R™ t 43
de l'ancien usage où était le ministère poli- les
1 autres changeassent de place ou quittas-
tique d'aller au combat avec les hommes de sent
s la plume qu'ils avaient à la main.
(Cette armée était telle, qu'il
n'est pas au
ses terres. On peut même assurer que le
seul moyen d'avoir en France beaucoup de pouvoir
1 de tous les rois du monde d'en com-
chevaux, et de beaux chevaux, première ri- poser
1 une semblable, parce que le temps et
chesse mobilière d'une nation militaire, la
1 discipline l'avaient formée et qu'ils
appris, sous le grand Gustave, à
comme les bestiaux sont la première ri- avaient
<
chesse mobilière d'une nation agricole, est commander et à obéir. Si l'autorité des chefs
la résidence des uropriétaires sur leurs ter- était absolue dans l'armée, celle des minis-
res, et leur service à cheval,
aujourd'hui tres de la religion ne l'était pas moins n'é-
surtout ,,qu'on a mis à cheval jusqu'à l'ar- taient des censeurs sévèresqui ne souffraient
tillerie (1). ni le blasphème ni le scandale, en sorte que
et de la
Ces institutions s'accommodent à tous les le continuel exercice de la guerre
temps comme à tous les lieux, parce qu'elles discipline
rendait cette armée invincible. »
sont naturelles. Cette pospolite (on appelle Qu'on ne s'étonne pas de la préférence
la force proprié-
ainsi en Pologne la cavalerie propriétaire) que nos pères donnaient à
auraient trem-
n'était que brave dans un temps, elle serait taire sur la force soldée. Ils dé-
disciplinée dans un autre. On obtient tout blé de voir la société opposer pour sa ils
peuple indigent;
dés hommes, lorsqu'au lieu de leur répéter fense le peuple armé au
la loi doit plier sa force à distinguaient avec trop de soin les person-
sans cesse que publiques, et
leur faiblesse, on leur dit que leur faiblesse nes sociales et les fonctions simplicité, ils auraient
doit être soutenue par la force de la loi et sans doute, dans leur
qu'un gouvernement
leurs déréglements redressés par sa recti- eu peine à concevoir
tude lorsqu'au lieu de leur parler sans pût être tranquille, lorsque sa sûreté,solde son
de plaisirs et de jouissances qui font existence même, pouvaientteniraune
cesse quelques semaines, ou à
aimer la vie, on ne les entretient que de arriérée pendant quelques sous.
devoirs et de sacrifices qui la font suppor- une subsistance trop chère de autrefois
ter lorsqu'on leur dit enfin que la per- Le ministère public avait un
le de con-
fection étant la vraie nature de l'homme, et chef immédiat, connu sous nom
penchants sa nature corrompue, les lois nétable. Cette dignité, qui a sauvé l'Etat
ses l'Eglise sous Anne de
les plus contraires à ses penchants sont les sous du Guesclin, et
plus naturelles à sa raison. Montmorency, appartenait exclusivement à
été dangereuse, lors-
On trouve dans le journal de Louis XIV la noblesse, et elle a
de peut la force de la qu'elle a été confiée à des mains plus puis-
une preuve ce que t
discipline sur les hommes, preuveà laquelle santes. Les rois, en France, n'ont pas assez
officier était né-
rien ne peut être comparé dans l'histoire senti combien ce premier était le vicaire,
ancienne ou moderne, et qui offre de gran- cessairê au pouvoir dont il
des leçons aux chefs, et de grands exem- et tropalarmés sur
les trames ambitieuses de
fermé les yeux
ples aux subalternes. « Les Suédois, com- quelques hommes, ils ont
populaires à la
mandés par Gustave-Adolphe, avaient en Al- sur le danger des révoltes commis-
lemagne l'armée la mieux disciplinée quii place des dignités, ils ont créé des
courtisans,
ait jamais été. Tous les enfants qu'ils avaientt sions le prince a été entouré de
serviteurs.
eus depuis l'entrée de Gustave en Alle- et l'Etat n'a plus eu de
magne étaient 'accoutumés aux mousque- Ce premier officier du pouvoir existait
nobilitate, du-
tades. Quoique l'armée ne soit pas un lieui chez les Germains Reges ex
chez
fort propre pour élever la jeunesse, néan- ces ex virtute sumunt; il existait même
constituaient en
moins on prenait un soin très-exact de leurr les Romains, lorsqu'ils se
éducation, leur faisant apprendre à lire ett monarchie, et le maître de la cavalerie,
lieu-
à écrire dans de petites écoles portatives,i, tenant du dictateur, véritable monarque,
mêmes fonctions et presque le mé-
que l'on tenait dans le quartier ou dans lee avait les
camp. Les ennemis étaient quelquefoiss me titrepréposé que le connétable, cornes stabuli,
campés si proche, que le canon portait sur Ir comte à la cavalerie. Une dignité,
la petite école, où l'on a vu trois ou quatree qui était en quelque sorte le bras du pou-
enfants emportés d'un seul coup, sans quee voir, et qui soutenait un roi faible sans alar-
(1) Les Anglais richeshabitent beaucoup la aussi les chevaux sont-ils extrêmement multipliés en
campagne, et servent dans leur mitice achevai;
I; Angleterre.
i.wr. imam.– n. du jmiMsriiKE PUBLIC. 1350
fïrer un roi fort,
fort. a toujours evîcts on France
trminnr<s existé ».,“«“
je femmes fnmmnr des »“ de
/i/>r rois i>r..1..
j. l'Inde
jusqu'à Leuis X1I1, sous un nom en le bûcher de
qui périssent sur
leurs époux, la noblesse fran-
ou sous in
autre. Je dis jusqu'à Louis XIII, car il estun àà çaise a cessé d'exister lorsque le trône a été
remarquer que cet office, conservé, agrandi ji renversé. Elle n'est plus, mais la postérité
parlesTois les plus forts, a élé aboli parle roi
n dira peut-être que si elle n'a pas fait trem-
le plus faible. Ce fut saint Louis qui donna bler l'Europe, elle a défendu la France,
connétable les attributions militaires de la au
u et
la associé son nom et ses services à tous les
charge de grand sénéchal, devenue hérédi- événements
i- mémorables qui ont illustré la
taire dans la maison d'Anjou, et entrée
les autres biens de cette maison dans celle c monarchie; que si elle n'a jamais fait des
avec
lois, elle les a défendues avec
e
d'Angleterre. Les offices ne peuvent être vant les rois, courage de-
et interprétées avec intégrité
dangereux que lorsqu'ils deviennent héré-e
en faveur des peuples; que si elle n'a pu se
ditaires contre la nature des offices, qui doi- préserver
d'un siècle entier de faux savoir
vent être électifs, duces ex virtute. Les sur- et de licence, elle répandu
vivances pour les grandes places étaient n puis dix a en Europe, de-
siècles,
des grands abus des derniers temps. On un désintéressement, un esprit d'honneur, de
trouvait encore quelque vestige de la juri- re- de loyauté et de dévoue-
diction personnelle de connétable dans le
corps de la connétablie,
la ment, qui tempérait le pouvoir, ennoblissait
dépendance, et formait encore en Europe,
et même de la di- la défense et l'ornement de la société. Sans
gnité elle-même dans le tribunal des maré- doute, quelques
familles ont vécu trop d'une
chaux de France, présidé par le plus ancien j génération,
d'entre eux. Les maréchaux de Francei jour; mais et j c'est
quelques hommes trop d'un
étaient autrefois les lieutenants du conné- dérer la société en général qu'il faut consi-
table, qui avait en eux ses lieutenants gêné-• et j'ai et tout ce qui s'y rapporte,
< voulu justifier les institutions, et
raux pour l'ordre militaire, comme il y en i
avait dans l'ordre judiciaire. Mais les lieu- la
non faire l'apologie des hommes passés,
1 satire des hommes présents.
ou
tenants généraux étant devenus, sous le ti- titutions Dans les ins-
t qui sont l'ouvrage des hommes, les
tre de maréchaux de France, les premiers .1 hommes sont
officiers militaires, il s'éleva à leur place luis souvent meilleurs que leurs
1 mais dans les institutions qui sont l'ou-
d'autres lieutenants généraux des armées,
vrage de la nature, les lois sont toujours
qui existaient encore de nos jours,
comme plus p parfaites que les hommes (1). Nos
dans les bailliages, le lieutenant général
nneveux diront la part que les deux ordres
ayant conservé seul l'exercice de ses fonc- cchargés des fonctions publiques
lions, eut au-dessous de lui des lieutenants la ont eue à
h conservation de la société civilisée,
particuliers civils et criminels. en
faisant connaître dans toute l'Europe, par le
f;
La valeur guerrière, les talents politiques, scandale de la
s persécution dont ils ont été
l'industrie honnête et heureuse, rendront l'objet, l' les terribles et inévitables effets des
au ministère politique les membres que la ddoctrines populaires,
révolution lui a enlevés c'est ainsi du France, ou en entretenant en
F par leur exemple, une opposition
moins qu'ont fini jusqu'à présent toutes les salutaire à
Si ces maximes désastreuses, de-
révolutions, et ceux qui seront venus sur ppuis si solennellement désavouées
la fin de la journée, iecevront.la même ré- marqueront ils re-
n que si deux ordres de citoyens
compense que ceux qui ont supporté le poids n'ont n pas contribué de leurs personnes à
du jour et de la chaleur. Les souvenirs s'ef- 1'l'agrandissement de l'Etat,
toujours destinés
facent, les passions se calment, les hommes à !e servir, même involontairement,
ils y
disparaissent, et la société survit aux hom- ont oi contribué de leurs biens, devenus à la
mes et aux événements, plus éclairée par foisfc pour le. fisc, par l'invention prodigieuse
ses erreurs, plus sage denses fautes, et quel- des di assignats, dont ils supportaient l'hypo-
quefois plus forte même de ses revers. thèque, la matière, l'instrument et le prix
tfc
Le voile sombre de avenir couvre les de dl leur propre vente (2)
destinées de la société; mais telle que ces plus et peut-être la
pi malheureuse de ces deux classes, parce
(J) C'est ce qu'on ne doit jamais perdre de sont tantôt meilleurs que leur doctrine, et tantôt
so
vue, quand on compare certaines institutions reli- pins mauvais.
pli
gieuses ou politiques avec d'autres institutions, C2) L'intention première de l'Assemblée cons-
.certains hommes avec d'autres hommes, et qu'on tit
tituante fut d'abolir sans rachat Jes droits féodaux
cjiarche à s expliquer pourquoi tes hommes sont honorifiques,
m uremeul d'attord surieurs principes, ou
ou et avec rachat les droits fonciers.
et qu'ils ou utiles. Celte distinction ét.alt conséquente a«
qu'elle est composée, non d'individus, mais rilleuse
rill< fonction de défendre le pouvoir des
de familles, en se rappelant ce qu'elle a fait che contre la souveraineté des peuples
chefs
pour son pays, et le prix qu'elle en a reçu, Disce. virtutem ex me verumque laborein,
pourrait-elle adresser ces paroles à ceux Fortunam exaliis. (298).
qui, à l'avenir, lui succéderont dans la pé- (Virgil., Eneid., lib. xu, vers. 455, 430.)
projet de détruire le nohle et de respecter le pro- qu'en le chargeant des délits de ses enfants, ou les
qu'e
priétaire, parce que tes droits seigneuriaux, ou enfants qu'en leur imputant les délits du père;
enfî
simplement féodaux, représentaient on étaient, si fais
faisant entrer la nation dans toutes les familles,
Ton veut, la propriété polUique'du noble, et que les tant comme père, tantôt comme fils, là comme
tantôt
rentes foncières étaient évidemment la propriété époux, ici comme débiteur; et lorsque la nature,
épo
qui ne veut pas que le fils dépouille le
qui père vivant,
domestique de la famille, et formaient pour cette
raison, dans les pays à inféodation, une partie con- s'opposait
s'o[ à ces partages, faisant anticiper la loi surr
sidérahle du patrimoine des familles riches de tou- la nature,
n établissant la présuccession, et donnant à
tes les conditions; car le paysan avait quelquefois des malheureux la confiscation en avancement
dans une terre plus de rentes foncières que le d'hoirie. Nulle part les proscriptions n'ont offert
a'A.
de
seigneur. La cupidité trouva cette distinction trop un ordre semblable et tant de règles avec tant
subtile, et s'étonna que le mêmepouvoir qui abolis- violence.
vio
(298) 11 ne faut pas cesser de le répéter, il n'y y
sait sans rachat des droits simplement honorili- ('
familles,
lucratifs, avait point d'inégalité en France entre les
.jues, ou purement éventuels, s'ils étaient qui
ava
pui
puisque toutes pouvaient parvenir à la propriété,
l'abolit qu'après rachat des rentes annuelles,
paient bien autrement onéreuses. Le principe était et passer ensuite dans l'ordre du ministère politi-
que Ainsi, dit très-bien
M. Garnier, membre de
posé de secrètes instigations, des déclamations que.
l'Institut,
l'In dans les notes judicieuses et savantes de
publiques, la haine et l'avarice, tirèrent les consé- ainsi cette égalité qui
.lùencés, les droits du seigneur furent abolis, et les sa traduction d'Adam Smith, «quand
Jroils du propriétaire cessèrent d'être payés, et ne paraît
pai si fortement violée, on se borne a
lurent pas rachetés. Bientôt les événements politi- considérer
coi l'âge contemporain, se retrouve parfai-
tement maintenue, si l'on embrasse dans ses obser-
.lues amenèrent d'autres développements, et alors ten
vations les divers âges de la vie des nations, et la
commença le code sur .les biens d'émigrés, inouï en
terrible,
vat
suite
sui des générations dont elle se compose. » Ce
morale comme en politique. Ce fut un
.nais un singulier spectacle que celui du long com- serait
ser à l'avenir qu'il y aurait de l'inégalité, si cer-
tai
taines familles de propriétairesindépendants,comme
oat qu'il y eut en France entre les principes d'or-
ire, de justice, de respect pour les lois, profondé- les appelle M. Garnier, étaient privés du droit de
dans la puissance publique, c'est-à-dire
.nent enracinés dans l'esprit de la nation, et les
.louveaux principes de morale et de politique où les apartager
pa\
d'entrer
« dans le ministère politique, seule voie
légitime de partager la puissance publique, qui ne
événementsentraînaient les hommes; de voir les les
action, qui est
•fforts que faisaient les législateurs pour conserver pe1 être partagée que dans son qui
peut
multiple, et jamais dans sa volonté, est simple
les formes légales dans ce bouleversement de la nu
égislation ordinaire, n'osant dépouiller le père et indivisible
TROISIÈME PARTIE.
DE L'ÉDUCATION DANS LA
SOCIÉTÉ.
soins.
puisqu'ils sont au service de la famille, et
qu'ils vivent de leur travail et de ses be-
de ceux qui pourraient regarder toute mo- L'éducation doit donc être religieuse,
dération comme une faiblesse, puisqu'ils re- comme
< elle est domestique et politique,
garderaient toute vertu comme une conven- parce
i que la religion, lien universel des
tion? iêtres intelligents, consacre à la fois la famille
et elle commence avec la vie. pour les enfants. Des vêtements légers, la
pc
L'homme a un esprit, un corps, des affec- tête découverte, un lit dur, sobriété et exer-
te
tions, trois facultés dépendantes l'une de cice,
ci, des privations plutôt que des jouissan-
l'autre, en vertu des lois de leur union. Ces ces,
ce en un mot, presque toujours ce qui
trois facultésdoiventse développer enseaa- coûte
cc le moins est en tout ce qui convient le
ble, et l'on remarque que les enfants chez mieux,
m et la nature n'emploie ni tant de
qui le développement des connaissances ou frais,
fr, ni tant de soins pour élever ce frêle
même des affections précède de trop loin édifice
é( qui ne doit durer que quelques ins-
l'accroissement physique, qui montrent de tants, et qu'un souffle peut renverser.
ta
trop bonne heure, ou un esprit extrême- Comme l'auteur des êtres a placé l'homme
ment cultivé, ou un cœur extrêmement sen- ai
dans tout l'univers, tel qu'un propriétaire
sible, ne parviennent presque jamais à l'âge dans son domaine la nature le fait naître
di
d'homme, et en général aussi ceux dont les croître
cr et vivre sous les latitudes les-plus
développements physiques sont trop rapi- différentes,et dans les climats même les plus
di
des s'élèvent rarement à un haut degré d'ins- opposés
o| seulement on remarque que les
truction et de connaissances, peuples
pi civilisés sont plus nombreux, vivent
L'éducation de l'homme, à quelque Age plus
p longtemps que les peuples sauvages, et
qu'il soit, doit être à la fois celle de son es- qque les hommes tempérants, toutes choses
prit et celle de son corps mais comme il ne égales,
é| conservent leurs facultés plus long-
faut pas surcharger son esprit de trop de le- temps
tE que les autres hommes; ce qui prouve
il
$ons, ne faut pas accabler son corps de deux vérités contestées, ou du moins affai-
d
trop de soins. bblies par nos sophistes l'une que la civi-
Les sophistes, qui ont tout dénaturé en lisation est dans la nature de la société l'au-
li
parlant sans cesse de nature, J.-J. Rousseau tre, que la tempérance est dans la nature de
t[
surtout, n'ont vu dans l'enfant que des sens, l'homme.
l'
«t comme dans leurs systèmes métaphysi- J.-J. Rousseau, le romancier de l'état sau-
ques ils ne trouvaient l'origine de toutes vage,
v le détracteur de l'état civilisé, à force
nos connaissances que dans les sens con- dd'exalter la vigueur du corps la perfection
séquents à leurs idées ils ne se sont occu- des
d s<*ns et même les vertus de l'homme
pés qu'à perfectionner dans l'enfant les or- ssauvage, mit l'étal sauvage à la mode et
ganes de l'action, sans songer du tout à diri- aussitôt
a les femmes, que leur faiblesse dis-
ge.r sa raison vers des objets plus capables pose
y à prêter l'oreille aux nouveautés, et
•d'étendre et d'ennoblir l'intelligence. Mais leur
1 vanité à les répandre, élevèrent leurs
même pour les soins physiques qui con- enfants
t comme de petits Esquimaux, ne s'oc-
viennent au premier âge, ces sophistes se ccupèrent que du développement de leurs
«ont écartés de la nature de l'homme civi- organes, et point du tout de celui de leur
<
Usé* ixmr se jeter dans la nature brute de intelligence.
i
Mais le sophiste génevois, qui regrette la quent, d'expressions de leurs idées, ils de-
vue perçante, la course rapide, la force mus- viennent plus capables de les lier entre
culaire des Iroquois, comme il en exalte les elles, et de recevoir les éléments d'un sys-
prétendues vertus, ne voit pas que ces hom- tème quelconqué de connaissances,qui n'est
mes si forts sont les plus faibles des peu- autre chose qu'un ensemble d'idées sur un
ples, que ces pères si tendres sont les plus même objet. Alors doit commencer l'instruc-
féroces des guerriers, que ces hommes si tion de la religion publique, car dans son
hospitaliers pour les voyageurs sont impi- premier âge et avant l'âge de raison l'en-
toyables pour leurs ennemis, et que la so- fant n'est chrétien en quelque sorte que par
ciété civilisée, au contraire, composée d'hom- la foi de ses parents; mais lorsqu'il a acquis
mes si égoïstes, fonde des établissements une force suffisante de raison, il passe au
où toutes les misères de l'humanité sont nombre des fidèles ou des croyants, et avant
soulagées, et que la guerre même y respecte d'être initié aux mystères du christianisme,
l'ennemi désarmé, comme la famille sans il reçoit l'instruction publique des ministres
armes. 11 ne voit pas que cette société, for- de la religion.
mée d'hommes si faibles et si amollis Il y avait en France une institution excel-
chasse devant elle la société sauvage, comme lente, connue sous le nom de Frères des
le vent chasse la poussière, et repousse aux écoles chrétiennes; il faut les rétablir, s'il
extrémités du globe ces peuplades livrées est possible et se pénétrer de cette vérité
aux passions les plus violentes, et qui se dé- qu'une éducation commune pour les enfants
truisent par leurs guerres impitoyables et n'est pas possible sans une institution com-
leur intempérance effrénée. mune de maîtres.
Comme le premier instrument de nos con- On a souvent agité la question s'il con-
naissances est le langage, la nature donne vient de donner au peuple les éléments des
aux enfants, et à tous les enfants, une sin- connaissances qu'il ne peut pas perfection-
gulière aptitude à apprendre et à retenir les ner, et dans cette question, comme dans
mots, expressions des idées, et qui, en en- toutes celles qui tiennent à de grands inté-
trant dans la pensée, donnent à l'esprit la rêts et à des vérités importantes, on ses!
conscience ou la perception de lui-même et jeté dans les extrêmes. Les uns ont vouluu
de ses propres idées, comme la lumière, pé- faire de tous les hommes des philosophes
nétrant dans un lieu obscur, donne à nos conduits par la pure raison; les autres en
yeux la vue de notre propre corps et des ont voulu faire des machines qui ne vont
corps environnants (1). qu'avec des poids et des ressorts, ou des
L'enfant profite, pour s'instruire, à peu animaux qu'on ne gouverne que par le bâ-
près également de ce qu'on dit et fait de- ton. Ces deux excès d'opinions prennent
vant lui, comme de ce qu'on dit et fait pour leur source dans des erreurs opposées. Les.
lui. Il faut donc un grand respect pour les philosophes qui ont beaucoup lu et peu
yeux et les oreilles des enfants observé, croient volontiers à l'existence des
Maxima debetur puero reverentia. esprits, et au grand nombre de talents en-
(JcvEN.,siit. xiv, vers. 47.) fouis ils pensent qu'il suflit d'éveiller par
La première instruction de l'enfant, cette l'instruction la raison du peuple pour faire
instruction dont il n'est pas donné à l'homme éclore de toutes parts et même dans la
d'apprécier l'étendue ni d'évaluer l'in- classe la plus obscure des Descartes et des
fluence, consiste donc en habitudes plutôt Bossuet. Les hommes supérieurs aux autres
qu'en raisonnements, en exemples bien plus en connaissances ne peuvent être que des
qu'en leçons directes, c'est-à-dire dans ce hommes souverainement utiles, et ils sont
qu'il entend plutôt que dans ce qu'il écoute; rares, parce qu'ils sont plus rarement qu'on
et il est également funeste pour l'éducation ne pense nécessaires à la société, et qu'elle
des enfants de ne pas s'observer devant eux, vit habituellement sur un fonds héréditaire
et de leur laisser apercevoir qu'on craint d'anciennes vérités, qui ne reçoivent de
trop d'être observé. nouveaux développements que successive-
A mesure que les enfants font, pour ainsi ment et à mesure que de nouveaux besoins
dire, leur provision de mots, et, par consé- les rendent nécessaires; car les hommes
(1) Le lecteur trouvera peut-être quelque répé- préjugés si enracinés, qu'on me permettra d'insister
tition des mêmes idées mais j'ai à combattre des sur ces mêmes vérités.
n'inventent pas les vérités, ils ne font que religion chrétienne, qu'on accuse de perpé'
tirer des conséquences et trouver les rap- tuer l'ignorance, a été cause que Tari de lire
ports des vérités connues. Les hommes vé- s'est répandu dans le peuple, qu'elle invite
ritablement supérieurs aux autres hommes à s'unir aux prières publiques et au chant
s'élèvent d'eux-mêmes, quand il le faut, for- des ministres de la religion; et sous ce rap-
cent tous les obstacles, et tirent d'une édu- port les petites écoles sont convenables;.
cation commune à tous des connaissances Les gouvernements, si attentifs à propa-
particulières à eux seuls car s ils avaient, ger la connaissance de nouveaux procédés
autant que les autres hommes besoin pour d'agriculture, ou les découvertes des arts,
s'élever de la faveur des circonstances ou l'étaient beaucoup moins ? répandre des ou-
des secours d'une instruction particulière, vrages propres à l'instruction familière des
ils ne leur seraient pas supérieurs. Mais enfants du peuple. La philosophie s'était
comme la société ne peut les connaître, ni chargée de ce soin, et elle y travaillait avec
prévoir le moment de leur apparition elle ardeur et persévérance, tandis que les mi-
donne à tous, autant qu'elle le peut, les pre- nistres de la religion ne sentaient pas assez,
miers éléments des connaissances humai- ou du moins assez généralement, que la
nes, dont le plus grand nombre ne tire au- sèche répétition d'un catéchisme extrême-
cun profit, mais qui ouvrent aux génies su- ment abrégé ne suffisait peat-être plus à la
périeurs la carrière qu'il leur est donné de vivacité, à la pénétration même de la nation
parcourir. française. Lorsque les vérités sociales, fon-
Ceux, au contraire, qui, sur de fausses damentales de pouvoir et de devoir, étaient
apparences, pensent que les révolutions hautement attaquées avec tout l'art du so-
naissent du progrès des lumières, confon- phisme, il était nécessaire de fournir aux
dent les lueurs du mensongeavecla lumière fidèles des moyens de défense et des motifs
de la vérité. La vérité ne peut pas être de crédibilité et cette instruction, toute re-
nuisible aux hommes, puisqu'elle n'est vérité levée qu'elle paraît être, est d'autant plus à
la portée de tous les hommes, qu'elle est
que parce qu'elle leur est utile les hommes
mêmes ne sont malheureux que faute, de la plus naturelle à leur esprit, et qu'ils en
connaître, d'une connaissance aussi dis- trouvent la raison dans leurs propres rela-
tincte que le sentiment de leurs passions tions domestiques, où tout, comme dans la
est vif et pressant. Les grands désordres des société religieuse, comme dans la société
sociétés ne sont jamais- venus que de l'igno- politique, n'est que pouvoir et devoir.
rance des hommes et de la faute des gou- Au reste, qu'on ne pense pas qu'il soit
vernements, qui ne connaissaient pas plus absolument nécessaire au bonheur et au bien-
leur pouvoir que les sujets ne connaissaient être du peuple qu'il sache lire et écrire;
leurs devoirs; et en particulier, la révolu- cette connaissance n'est pas même néces-
tion présente de l'Europe ne peut être at- saire à ses intérêts, et la société lui doitt
tribuée qu'à la crédulité des gouvernements une garantie plus efficace contre la mauvaise
dans toute l'Europe, à la doctrine des droits foi de ceux avec qui il a à traiter. De bon-
de l'homme, et au dogme impie et insensé nes lois, et un gouvernement ferme et vi-
de la souveraineté du peuple. gilant, voilà ce qu'il faut à tous les hommes,
leur donné comme par
Mais, et c'est une vérité sur laquelle on et tout reste vi, est
le
surcroît. (Matth. 33.)
ne saurait assez insister, tout est relatif
dans la société, puisque la société elle- Les enfants, en s'élevant au sein de la fa-
même n'est qu'un ensemble de relations et mille, se forment insensiblement à l'esprit
de rapports. Si les gouvernements établis- et à la pratique de la profession paternelle,
sent des écoles où les enfants du peuple pour laquelle ils prennent ce goût si puis-
puissent apprendre à lire, et devenir ainsi sant qui nait des premiers objets, des pre-
susceptibles de recevoir les erreurs les plus miers exemples, des premières habitudes.
funestes comme les vérités les plus utiles, Cette vérité, si féconde en administration,
ils doivent ne permettre que la circulation s'applique également à la famille livrée aux
de bons livres, qui sont, toujours en petit travaux domestiques, et même à la famille
nombre sur chaque sujet, et se pénétrer de occupée des soins plus nobles du ministère
ce principe, qu'il faut peu de livres à des public. C'est dans cette disposition natu-
peuples qui lisent beaucoup. relle à l'homme à contracter dans son en-
Il n'est pas inutile de remarquer que la fance des habitudes qu'il conserve toute la
.t -1- mt.ac..tdes
1. raison de l'hérédité
vie, qu'est la
LAHUIM F1UMI1.
a__ pro-
fessions, sans laquelle une société ne peut
subsister longtemps, et qui assure la perpé-
)-
ut
é-
tuité des métiers les plus vils et les plus pé-
é-
progrès1J-
III.
des arts,
IMi.
-~&nt
lV&UUt>ATIUi.V
1--t la
et dont "'Mn.)" loi
t., première,
était d'assister ses frères, et d'assommei
les autres. Lorsque les gouvernements se
pénétreront de cette vérité, qu'ils ne sont
iôï*
1.
ril.leux, comme celle des fonctions les plus is investis delà force publique que pour em-
honorables. Cette hérédité était connue des 3S pêcher l'action des forces particulières, que
peuples qui ont laissé après eux le plus de le leur bonté ne doit pas être de la sensibilité,
monuments de leur passage sur la terre, e, mais un sentiment profond de justice, qui,
des Hébreux, des Egyptiens et des Ra- )- tel que la bonté de Dieu, ne s'apaise qu'a-
mains de ces Romains dont nous avons tout nt près la punition lorsqu'ils voudront enfin,
pris, hors ce qu'il y avait de sévère dans is car il est rare qu'ils aient une volonté, de
leurs mœurs et de sage dans leurs lois. concert avec l'autorité de la- religion, plus
Comme la nature classe les hommes par iv efficace que l'autorité politique contre les
familles, la société doit classer les familles
3S institutions occultes (et il y en a de bien
par corps ou corporations, et l'on ne saurait it plus dangereuses), ils feront rentrer dans la
croire avec quelle force les familles des 3s bienveillance générale ces affections parti-
mêmes professions tendent à faire corps. s. culières et désordonnées. Avec la fermeté
Cet esprit de corps s'aperçoit même dans is et le temps, le temps qu'on peut appeler le
les métiers les plus vils. De là les corpora-i- premier ministre de toute autorité légitime
tions de professions mécaniques, connues îs et l'irrésistible moyen de toute institution
sous le nom dejurandes ou maîtrises, reçues 3S utile, les gouvernements feraient des prodi-
dans tous les Etats chrétiens, et dont la ges. « Si nous étions assez heureux, » dit
philosophie, ce dissolvant universel, n'avait it Leibnitz, « pour qu'un grand monarque
cessé de poursuivre la destruction, sous de le voulût un jour prendre à cœur les moyens
vains prétextes d'une concurrence qui n'a 'a d'augmenter en nous la connaissance du
tourné au profit, ni du commerçant honnête, e, bien, et la lumière naturelle de la Divinité,
ni des arts, ni des acheteurs. Ces corpora- i- on avancerait plus en dix ans, pour le bon-
tions, où la religion fortifiait par ses prati-i- heur du genre humain, qu'on ne fera au-
ques les règlements de l'autorité civile, trement en plusieurs siècles. »
avaient, entre autres avantages, celui de 'e Les corporations ont encore cet avantage
contenir, par le pouvoir un peu dur des as de réunir ies hommes que leur fortune et
maîtres, une jeunesse grossière, que le be- leur état condamnent a l'obscurité, et de
soin de vivre soustrait de bonne heure au u leur donner, par leur réunion, de la consi-
pouvoir paternel, et que son obscurité dé- dération et de l'importance. Je crois
robe au pouvoir politique. Un enfant dugrands seigneurs, que les
en Flandre, s'honoraient
peuple qui parcourait la France pour s'ins- '" de se faire recevoir chacun dans une cor-
truire de son métier, muni d'un certificat dee poration de marchands ou d'artisans, et je
son maître, trouvait partout du travail, et
et
ne sais s'il n'y avait pas, pour les patrons
ce qui est plus précieux, la surveillance)
\'>
comme pour les clients, de grands avantages
et je le dis avec connaissance de cause, i' il à cette coutume. Ce
que nous avons dit des
n'existe pas une institution politique dont ?' corporations civiles peut s'appliquer aux
une administration attentive puisse se servir ir corporations religieuses ou aux confréries,
avec plus d'avantage pour former les mœurs rs qu'on peut maintenir quand elles ont un
du peuple, et ajouter même à son aisance. objet utile, mais qu'il faut assujettir à des
L'homme ennemi, qui sème toujoursl'ivraie ie règles sages, de peur qu'elles ne s'en don-
sur le bon grain, avait opposé les unes aux tx nent à elles-mêmes qui ne le soient pas.
autres ces corporations,quelquefoismême les :s Le gouvernement doit regarder le compa-
ouvriers les uns aux autres dans la même cor- r- gnonnage commel'éducationdomestique des
poration,où deux associations maçonniquesî, enfants du peuple il faut donc, pour lin-
connues sous le nom de gaveaux et de compa- a- térêt même des jeunes gens, donner une
gnons du devoir, formaient comme deux peu- î- grande autorité aux maîtres, pour qu'ils eu
plades continuellement en guerre, et plus is abusent moins, ou plutôt il faut faire exécu-
ennemies l'une de l'autre que les Hurons et ter les lois portées en France, et qui étaient
les Algonquins. L'administration, qui se ré- 5- parfaites sur ce point, comme sur tous les
veillait quelquefois, avait fait de vains efforts
ts autres. Mais si la force était dans les lois,
pour extirper ces associations, inutiles auxx la faiblesse était dans les hommes. La reli-
gion tonnait en vain aux oreilles des rois; d'utile
d et qu'on ne lui donne pas des leçons
en vain, pour exciter leur vigilance, elle di matérialisme pour des cours de méde-
de
leur montrait l'homme porté, en naissant, cine,
ci et des leçons de volupté avec des mo-
au désordre et à la révolte. Une philoso- dèles
di de peinture.
phie molle et sans vigueur les invitait au
sommeil, en leur répétant sans cesse que CHAPITRE V.
les hommes sont naturellement bons: et ce-
DE L ÉDUCATION COMMUNE ET POBUQUB.
pendant ces hommes si bons n'estiment l'au-
torité qu'autant qu'elle se fait craindre, et le Ce n'est pas, comme on l'a dit, un droit à
mépris du peuple pour les autorités subor- tous
tc les hommes d'avoir part au pouvoir,
données, qu'il voyait bien plus occupées à mais
tr c'est un devoir au moins politique à
répartir des taxes, à ordonner des travaux toutes les familles de se mettre en état, par
te
publics, qu'à prévenir ou corriger les dé- le résultat naturel d'une industrie honnête,
le
sordres, amenait insensiblement J'avilis- d passer de l'état purement domestique de
de
sement et la chute des autorités les plus émi- société,
s< celui où l'on ne s'occupe que de
nentes. si et de ses propres intérêts, à
soi l'état public
Un abus intolérable est le vagabondage d société, celui où J'on s'occupe du service
de
des enfants, véritable école de corruption des
d autres, et où, débarrassé du soin d'ac-
et de brigandage. Des mendiants de pro- quérir,
q l'homme, ou plutôt la famille, n'a
fession, et presque toujours des aveugles, plus
p qu'à vaquer à la profession honorable
pour exciter la commisération publique, ddu ministère public. De là venait en France,
traînent de ville en ville des enfants des plus
p constituée que toute autre société
deux sexes, qui s'élèvent ainsi sans frein, chrétienne, cette tendance de toutes les fa-
ci
sans instruction, n'ayant sous les yeux que milles
n à s'anoblir, c'est-à-dire à passer à
l'exemple de la fainéantise, dans le cœur l'état public de société, à cet état qui inter-
1'
que les appétits du besoin, dans la bouche ddisait aux individus tout métier lucratif, et
que les supplications de la bassesse, et sou- consacrait
c< tes familles elles-mêmes au ser»
vent les ruses de l'imposture. Le premier vice
v de la société.
devoir du gouvernement est d'empêcher ce La nature, qui ordonne tout avec sagesse,
désordre par tous les moyens de secours, nne voulait pas qu'un homme passât de plain-
et, s'il le faut, de vigueur dont il dispose, pied,
p pour ainsi dire, et sans préparation,
il doit une protection plus vigilante à la fa- d derniers emplois de la société domesti-
des
mille la plus pauvre, et s'il ne peut empé- que aux plus nobles fonctions de l'Etat, et
q
cherque les vieillards et les estropiés ne de- qu'il
q courût juger en venant de bêcher la
mandent, il ne doit permettre le vagabon- terre. Il y a même peu d'hommes dont la
ti
dage à personne. Le vagabondage est dans raison
r puisse, sans en être ébranlée, sup-
l'Etatcomme ces humeurs errantes dans le pporter une élévation aussi subite, et de là
corps humain, qui jettent le trouble tians sont
s venues toutes les extravagances du rè-
toutes ses fonctions, et qu'il faut fixer dans gne
g de la terreur. Tout ce qui doit durer
une partie, lorsqu'on ne peut s'en délivrer est
e lent à croître, et la constitution en
entièrement. Si le gouvernement doit inter- France, d'accord avec la nature, faisait pas-
F
dire le vagabondage aux enfants, même sser la famille successivement par des profes*
lorsqu'ils demandent pour leurs parents, sions
s plus relevées, qui occupaient l'esprit
encore moins doit-il permettre que des pa- plus
p que le corps, tels que le commerce et
rents avides fassent servir les difformités L pratique des affaires, et elle la disposait
la
de leurs enfants d'objet à la curiosité pu- ainsi
a à l'anoblissement, qui était Jepremier
blique. L'humanité, les mœurs, les égards grade
g de l'ordre du ministère public, et le
dus aux imaginations faibles et aux femmes caractère
c qu'il fallait recevoir, pour être ca-
enceintes, tout réclame contre cet usage in- pable
p d'en exercer toutes les fonctions et
digne de peuples chrétiens et t'administra- cd'en posséder tous les grades car c'est dans
tion doit veiller à ce qu'il ne s'établisse ja- ses
s principes, et non dans ses abus, qu'il
mais de spéculation lucrative sur le malheur, ffaut considérer cette institution.
Je n'ai pas parlé de l'éducation propre à Le gouvernement, revenu de ces théories
certains arts, que les élèves reçoivent dans insensées,
i renouvelées des Grecs, qui fai-
des cours publics. L'autorité doit veiller à saient
s de la boutique le vestibule du palais
#e que la jeunesse n'y apprenne rien que de
<
justice, reconnaît enfin la nécessitéd'une
éducation spéciale qui dispose l'homme aux il arrive souvent, l'instituteur ne peut em-
fonctions publiques, différente de celle qui ployer le ressort de l'émulation. S'ils sont
le prépare aux travaux domestiques. plusieurs enfants, il est forcé de le briser;
Ainsi il faut une éducation pour l'homme car l'émulation entre frères dégénérerait en
public, permise à tous ceux qui aspirent à rivalité, produirait des divisions, et affaibli-
remplir un jour des fonctions publiques, rait le respect que les plus jeunes doivent
religieuses ou politiques, et même obligée porter à l'aîné d'ailleurs il ne peut y avoir
pour les enfants dés familles qui y sont par- de concurrence, ni par conséquent d'ému-
venues, dans les gouvernements où il y a lation entre frères, toujours inégaux en âge,
des familles revêtues du périlleux honneur et par là plus ou moins avancés dans leurs
d'une destination spéciale au service de la études.
société. Un gouvernement sage, qui veut L'éducation particulière rétrécit l'esprit,
élever l'instructionpublique au rang qu'elle parce qu'elle élève un enfant au milieu des
mérite d'occuper entre les objetsd'adminis- soins domestiques et des affaires personnel-
tration, et donner aux établissements pu- les elle concentre les affections, parce que
blics d'éducation une direction uniforme et l'enfant ne voit que sa famille et ses parents;
parfaitement appropriée à leur but, doit, elle n'exerce pas assez le corps, parce que
avant tout, faire un ministère de l'instruc- l'enfant, toujours seul, se promène plus
tion publique, séparé de tout autre détail, qu'il ne se sert de ses forces.
et auquel ressortiront naturellementles pro- Non-seulement l'éducation particulière est
ductions de l'esprit et de l'imagination. insuffisante pour former l'homme public,
Honneur au gouvernement qui, le premier, mais elle est dangereuse, parce que les pa-
en Europe, donnera à l'éducation dé l'hom- rents exigeants, s'ils sont éclairés, admira-
me des soins aussi actifs, aussi constants que teurs aveugles, s'ils ne le sont pas, voient
ceux que donnent toutes les administrations trop, ou ne voient pas assez les imperfec-
modernes à l'élève des bestiaux, au perfec- tions de leurs enfants, et contractent ainsi,
tionnement de leur race, de leurs lai- pour toute la vie, des préventions injustes,
nes, etc. 1 ou une mollesse déplorable.
Si l'éducation domestique commence avec Elle est dangereuse, parce que les enfants
la vie, l'éducation publique doit commen- y apprennent ou y devinent tout ce qu'ils
cer avecla raison, c'est-à-dire que lafamille doivent ignorer, parce qu'elle place un en-
doit commencer l'homme, et que la société fant au milieu de petits intérêts et de peti-
publique doit l'achever. L'éducation privée tes passions que s'il apprend à saluer avec
doit donc finir, et l'éducation publique grâce, à manger proprement, on le forme
commencer à peu près entre huit et onze trop souvent à la vanité, à la curiosité, à
ans. l'humeur on fait entrer dans les moyens
La société veut former l'homme pour son d'éducation des observations critiques sur
service, et tout l'homme, c'est-à-dire sa fa- les personnes qu'il a accoutumé de voir, et
culté pensante, sa faculté aimante, sa faculté on lui donne ainsi le goût de la médisance
agissante. « L'Egypte, » dit Bossuet, « n'ou- et du persiffiage, toutes choses qui rétrécis-
bliait rien de ce qui peut polir l'esprit, en- sent le moral, ou même le dépravent à un
noblir le cœur, et fortifier le corps. » point qu'on ne saurait dire.
Mais l'hommen'a pas seulement des facul- L'éducation particulière serait insuffisante
tés, il a des passions, ou plutôt une passion, et dangereuse, même quand on commence-
la source de toutes les autres c'est la pas- rait par faire l'éducation de toute la maison,
sion de dominer et selon que l'homme est maîtres et valets. Aussi ceux qui ont écrit
fort d'esprit ou de corps, il cherche à domi- sur l'éducation particulière veulent qu'on
ner les autres par l'ascendant de son esprit élève les enfants loin des villes, et exigent
ou par celui de ses forces. la perfection dans tous ceux qui les entou-
Cette passion est un ressort puissant, que rent et qui sont employés à leur instruction.
l'éducation doit mettre en jeu, pour rendre Mais en conseillant aux parents de vaquer
l'homme capable de grands devoirs, en at- eux-mêmes à l'éducation de leurs enfants,
tendant que la religion puisse proposer un ils supposent que les pères n'ont aucune
motif plus désintéressé à ses vertus. fonction publique à exercer, et ils ne sen-
Ici parait toute l'insuffisance de l'éduca- tent pas que, si cette méthode était univer-
tion domestiaue.Si l'enfant est seul, comme sellement répandue, enianis seraient
ies enfants
repanaue, les
OEUVRES rniviDr
OK.TTvnirc DE M.
COMPL. tmt M DE Br\v»r L
t»t7 BONALD. 1 44
toujours eieves, et la société ne serait jamais moeurs préservées de la contagion des villes,
servie ils supposent encore que les parents instruction défendue contre les distractions
auront une fortune assez considérable pour des visites, habitude des objets champêtres,
payer à grands frais d'habiles instituteurs, si précieuses à conserver, sont des avanta-
et fournir à la dépense des divers objets re- ges qu'on ne trouve qu'à la campagne, et
latifs aux connaissances humaines, qui en- qu'aucun autre particulier aux villes ne
trent dans le plan de l'éducation publique, peut compenser.
et qu'on ne trouve que dans les grands éta- Les anciens monastères, spacieux, isolés,
blissements ils supposent enfin ce qui ne sont très-propres à former des colléges ils
peut convenir qu'au particulier opulent, et existent partout dans les campagnes, et la
ils proposent par conséquent ce qui ne peut société, première propriétaire de tout ce qui
être pratiqué que par un très-petit nombre lui est nécessaire, peut rembourser aux
de personnes. possesseurs actuels le prix de l'acquisi-
Il faut donc une éducation publique pour tion. L'administration arrêterait un plan de
disposer les hommes aux fonctions publi- distribution intérieure et extérieure le
ques, c'est-à-dire qu'il faut des lieux pu- même pour tous les édifices, plan auquel
blics, des maîtres publics, et une instruction chaque maison serait tenue de se conformer
publique, pour instituer des hommes pu- à mesure qu'elle serait rebâtie. L'uniformité
blics. Essayons de présenter quelques vues des distributions suit naturellement de l'u-
générales sur ces différents objets. niformité dès exercices. De là vient que dans
certains ordres religieux, comme les Capu-
CHAPITRE VI. cins, les maisons étaient parfaitement sem-
blables dans les divers pays. Rien n'est à
négliger lorsqu'il est question d'établir l'u-
DES LIEUX PROPRES A DONNER L'ÉDUCATION
nité, et c'est ce qui fait qu'un corps militaire,
PUBLIQUE.
modèle le. plus parfait de la société, comme
Les lieux publics destinés à l'éducation il en est le plus puissant agent, est soumis à
commune des enfants doivent être en nom- une uniformité rigoureuse de vêtements,
x bre proportionné aux besoins de la société d'habitudes, de mouvements, et qu'on y rè-
publique; il est moins difficile qu'on ne gle des hommes faits mieux qu'on ne peùt
pense de déterminer la quantité des besoins, régler des enfants.
lorsque l'étendue déterminée du territoire, Les colléges doivent être répartis à peu
dans une sociétéqui a fini son accroissement, près également dans les diverses provinces
permet de fixer à peu près la proportion du ou divisions de l'Etat, et peut-être la capitale
ministère publie à la population totale. est de tous les endroits celui où il faudrait
Quel q-ie soit le nombre total des mai- le moins réunir les établissements de pre-
sons d'éducation publique ou des colléges, mière éducation.
chaque collège contiendra de quatre à cinq Lors de la fondation des anciens colléges,
cents enfants. Je ne tiens pas à ces nombres J'Etat, pauvre et affairé, laissait à la libéra-
plutôt qu'à d'autres mais les grands éta- lité des particuliers cette partie importante
blissements sont toujours le mieux réglés, de l'ordre public; des princes, des cardi-
parce que la règle y est plus nécessaire, et naux, des évêques, des maisons puissantes,
que l'expérience a appris qu'il n'y a pas de des particuliers riches, léguaient des colléges
petite confusion dans un grand ensemble. à l'Etat, et les fondaient presque toujours à
Les collèges doivent, je crois, être placés Paris, lieu de leur séjour. Aujourd'hui que
à la campagne, parce qu'il faut supprimer les l'Etat veut tout faire, et tout faire seul, et
classes externes, et que tous les colléges qu'en s'appropriant tous les dons, il s'est
soient pensions. Il y a trop de corruption chargé de toutes les intentions, il doit dis-
dans les villes, pour qu'on puisse permettre tribuer partout et à peu près uniformément
la fréquentation des élèves du dehors et des les établissementspublics, parce que la pre-
pensionnaires; les externes reçoivent l'ins- mière intention des fondateurs a été de faire
truction, mais les seuls pensionnaires re- du bien, que le bien public demande cette
çoivent l'éducation, et ce n'est pas assez distribution égale, et que l'exacte division
d'instruire des enfants, il faut surtout for- du territoire la rend possible.
mer des hommes.
Salubrité assurée par l'air des champs,
ment à l'intérêt personnel et qui lui a an
CHAPITRE VII. Renonce-toi toi-même.
n
DES MAÎTRES. Si les instituteurs publics sont céliba-
taires,
té quoique séculiers, ils ne pourront
Le ministère public, qui accomplit, ou
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faire corps entre eux leur agrégation for-
plutôt qui est lui-même l'action légitime et't tuite
tl ne sera qu'une succession continuelle
légale du pouvoir dans les fonctions publi- d'individus,
d entrés pour vivre et sortis pour
ques déjuger et de combattre, doit être per- s'établir et quel père de famille osera con-
s>
pétuel, général, uniforme car s'il y avait ib fier ses enfants à des célibataires dont une
g
interruptionde ministère pendant un temps, 3> discipline religieuse ne garantira pas les
défaut de ministère dans un lieu, variation n mœurs?
n S'ils sont mariés, comment l'Etat
de ministère dans l'action, il yaurait désor- r- pourrait-il
p assurer à des hommes chargés
dre dans la société, c'est-à-dire cessation de le d'une
<$ famille animés d'une juste ambition
société. dde fortune, et plus capables que d'autres de
Ainsi l'on peut dire que l'homme public ic s livrer avec succès, un établissement
s'y qui
est un homme perpétuel, général, uniforme, e> puisse les détourner d'une spéculation plus
et de là vient cette maxime, que le roi ne 2e lucrative? Si par des vues d'économie on
meurt pas, reçue autrefois en France, pour ir les
1 réunit sous le même toit avec leurs fem-
Jbomme éminemment public, directeur et mes t et leurs enfants, la concorde est impos-
conservatèur de tout l'ordre social. sible
£ si on leur permet de vivre séparément,
II faut donc une éducation perpétuelle, e» les
1 frais sont incalculables. Des hommes ins-
universelle, uniforme, et par conséquent uninj truits
t ne voudront pas soumettre leur esprit
instituteur perpétuel universel, uniforme35 à des règlements devenus routiniers, à des
il faut donc un corps, car hors d'un corps, s. méthodes
j d'enseignement qui leur paraîtront
il ne peut y avoir ni perpétuité, ni généra- a~ défectueuses;
(
des hommes avides et accablés
ïitê, ni uniformité. de
< besoins voudront s'enrichir, des pères de
Ce corps, car il n'en faut qu'un, chargé de famille
i oublieront les soins publics pour
l'éducation publique, ne peut pas être un in les affections domestiques. L'Etat peut être
dans les établisse-
corps purement séculier car où serait le assuré de ne conserver qui ne
Sien qui en assurerait la perpétuité et par iar ments d'éducation que les hommes
conséquent l'uniformité ? Serait-ce l'intérêt •et seront propres à aucune autre profession
personnel ? Mais des séculiers auront ou de mauvais sujets; et l'on peut se convaincre
pourront avoir une famille. Ils appartien- n- aisément que les instruments les plus actifs
dront donc à leur famille plus qu'à l'Etat, àà de nos désordres ont été, à Paris, cette classe
colléges,
leurs enfants plus qu'aux enfants des autres, js, d'instituteurs laïques attachés aux
>u- qni dans
à leur intérêt personnel plus qu'à l'intérêt pu- leurs idées classiques ont vu Je
blic car l'amour de soi, dont on veut faire ire forum de Rome à l'assemblée de leurs sec-
chargés
le lien universel des hommes, est et sera îra tions et se sont crus des orateurslorsqu'ils
toujours le mortel ennemi de l'amour des les des destinées de la république,
bouffis d'or-
autres. Nous avons vu en France, dès le n'étaient que des brouillons
commencement de la révolution, les autori- ri_ gueil et impatients de sortir de leur état. Il
tés, même les moins religieuses, persuadées Ses faut donc un corps qui ne puisse se
dissou-
nts dre, un corps où des hommes fassent, à une
que les seuls motifs humains sont insuffisants
le sacrifice de leurs opi-
pour former un seul corps de plusieurs in- règle commune, personnelles; à une richesse com-
dividus, au point qu'elles exigeaient sans ans nions
cesse des serments pour garantie de la fidé- ié- mune, le sacrifice de leurs cupidités per-
me sonnelles à
lité des citoyens. Or, le serment n'est qu'une la famille commune de l'Etat,
nté le sacrifice de leurs familles personnelles.
vaine formule, s'il n'est pas fait à la Divinité
Mais quelle autre force que celle de la reli-
que les hommes appellent à leurs engage- re_
ments, pour en assurer par sa présence la]a gion, quels autres engagements que ceux
lier des hommes
res qu'elle consacre, peuvent
stabilité et loin de s'offrir les uns aux autres
leur intérêt personnel comme une garantie ,tie à des devoirs aussi austères .et leur com-
suffisante de la solidité de leurs promesseses, mander des sacrifices aussi pénibles ?2
f
ils n'accordent une confiance réciproque lue Les philosophes pourraient-ils trouver ex-
qu'en leur foi mutuelle en celui qui a mis nis traordinaire que l'Etat confiât l'éducation pu-
te perfection de l'homme dans le renonce- ce- blique à des corps de célibataires, lorsque
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1583
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OEUVRES
unuvwi» UUMFLETES
COMPLETES DE M. DE BONALD
tout homme sensé, pour faire donner à
enfants l'éducation privée, préfère
tuteur libre de soins domestiques ?
Il faut donc un corps religieux-,
un
ses
insti-
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sans raison que l'Etat a fait àk quelques-uns
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un devoir de combattre sans passion, et il y
aurait bien plus de guerres, s'il n'y avait
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1384