Vous êtes sur la page 1sur 5

Review

Author(s): François Pouillon


Review by: François Pouillon
Source: Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 62 (Janvier-juin 1977), pp.
176-179
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40689791
Accessed: 31-07-2015 00:07 UTC

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/
info/about/policies/terms.jsp

JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content
in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship.
For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.

Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers Internationaux
de Sociologie.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 132.248.9.8 on Fri, 31 Jul 2015 00:07:45 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
COMPTES RENDUS

procitédes prestations, etc. - peut conduirele lecteurà taxerd'idéalisme


l'interprétation que Paul Veync a de l'histoire.En vérité,sa conception
épistémologique amènenécessairement à un type d'explicationqui donne
unepartconsidérable aux facteurs psychologiques et sociologiques.L'histoire
se situeà la confluence de deuxefforts : le recoursà la conceptualisation des
scienceshumainesd'unepartet d'autrepartle processusd'individualisation
qui inventorieet identifieles concrétions historiques.Double mouvement
qui se neutralise: le premier présentele risqued'hypostasier les abstractions
généralisantes,le secondoffre la tentation romantique de singulariserle passé
jusqu'à l'ineffable. Paul Veynene nie pas l'existenced'essences,de formes
fondamentales de relationshumaines; ainsi « l'hospitalitéet l'aumônesont
les deuxformes archaïquesde ce qu'onappelleraunjourévergétisme, charité,
assistance,entraidesociale,redistribution » ; de mêmefaut-ilprésupposer
l'idée de contrat,d'un pacte social originaire ; mais entre« les réactions
politiquesquotidienneset l'essence du politique,il nous faut admettre
l'existenced'un niveauintermédiaire que nous appelleronsle contratpoli-
tique ». L'histoireraconteces événements et ces institutionssituéset datés
qui ont des hommesen chair et en os pour acteurs: « L'histoireest un
romanvrai. »
Quel que soit le jugementque le philosophede l'histoirepuisseporter
sur l'explicationde Paul Veyne,il doit cependantreconnaître l'intérêtde
cette passionnanteétude sur l'évergétisme ; elle ne révèlepas seulement,
selonl'intentiondéclaréede la leçon inauguraledu Collègede France,une
de ces « espèces» historiques mal identifiées, maiselle constituetoutle long
de ses 800 pages une véritableméditationsur l'action humaine.
Louis Arenilla.
Melun.

Marshall Sahlins, Age de pierre, âge d'abondance. L'économie des sociétés


trad,de l'anglaispar Tina Jolas, préfacede PierreClastres,
primitives,
Paris, Gallimard,1976,411 p., « Bibliothèquede Scienceshumaines».
L'intérêtpublicdontl'ethnologie est l'objeta incitéles éditeursà publier
nombrede traductions d'ouvragesétrangers récents.On trouveaujourd'hui
sur le marché un échantillonnageconsistantde travaux d'ethnologues
anglo-saxonsd'après-guerre. L'audace n'a certespas présidéau choix de
ces travauxqui se portevers des œuvresmajeuresdont l'importanceest
établie auprès des spécialisteset dont l'intérêtest, par là même,un peu
émoussé.Pourtant,il ne semblepas qu'une telle consécration suffise
à les
imposerauprèsdu publicfrançais.Les longuespréfacesqui, inévitablement,
les accompagnent, semblentcommanditées pour leur apportercommeun
supplémentd'âme. Il paraît qu'Evans-Pritchard, Leach et, aujourd'hui,
Sahlins,ne peuvents'imposerque commepièces à convictiondans des
débatset règlements de comptesstrictement universitaires et français.Au
lieu de situerune œuvredans son contexteet son apportpropre(1), ces
préfacesserventau contraireà en rétrécirla portée. L'introductionde
P. Clastresau beau livrede Sahlinssurl'économiede l'âge de pierreconstitue
le dernieravatar de cettetendance.
Heureusement, le détournement de texte,la récupération à usageinterne
d'une« sommité» internationale exigeraient, pourêtreefficaces, plus d'habi-
leté. Il est tropévidentici que P. Clastresn'a rienvu chezSahlins,sinonce

(1) Une exception: la préfacede M. Godelier au grand recueilde


» {Larousse,1975).
Polanyi et de sonéquipe« substantiste
- 176 -

This content downloaded from 132.248.9.8 on Fri, 31 Jul 2015 00:07:45 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
COMPTES RENDUS

qui allaitdansle sensde ses propresconceptions.Ainsi,pas de dépaysement


dansnotreLanderrieau anthropologique à 1entendredéclarerd'aprèsSahlins
que « les sociétésprimitives sontdes sociétésdu refusde l'économie» (p. 19) ;
qu' « il faut...accepterde reconnaître la radicalecoupurequi sépare... des
sociétéssans Etat et des sociétésà Etat » (p. 24) ; ou bienque « le marxisme
ne peutpenserla sociétéprimitive » sinonde façon« obscurantiste » (p. 29) ( 1) .
Au pointoù l'on en est, quel scrupulele saisit,au tournantde la page 29,
pour avouer que de « semblablesinterrogations » ne sont pas formulées
explicitement par Sahlins? Elles lui sont« suscitées» par une « lectureatten-
tivedu livre». C'est le moinsqu'on puissedire.
A l'entendrevitupéreravec tant de véhémence,il est surprenant de ne
pouvoirenfindiscerner contrequi il en a : les défricheurs- aussi contestés
qu'Herskovits- de l'anthropologie économique? les « formalistes » améri-
cains des années60 ? les marxistesfrançais? Tous à la foiscertainement,
maisle procèsà instruire dans chaque cas n'est certespas le même.On sait
par exemplequ'entrechercheurs marxistesles discussionssont vives. S'il
s'en informait, le philosophede la chefferie indienneseraitpeut-êtreétonné
d'y retrouver quelquesidéespleinesde bonsensdontil prétendêtrele cham-
pionsolitaire.
Le « devoird'objectivité» dont se réclameClastres(p. 12) ne va pas
jusqu'à le détournerde certainsamalgamesface à ceux qui chercheraient
avant tout à « préserverleurs conceptionsphilosophiqueset politiques»
auxquellesils adapteraient« la réalitésocialeprimitive» (sic, p. 12). On se
garderaévidemment d'un tel amalgamefaceà ceux qui, commeP. ¿lastres,
cherchent à assaisonnerleurs« sauvages» à la modede chez nous. D'autant
que la critiquede l'ethnocentrisme tournesournoisement à l'exotismeet que
le dépaysement exquis que procurel'ethnologiedu bon sauvage est l'objet
d'un engouement bienparisienqui ne sauraitêtrequ'ambigusinonsuspect.

• ♦

Ce livrerassembledes textesthéoriquesrédigéset, en partie,publiés


entre1965 et 1972. L'hétérogénéité certainequi en résulten'est en rien
dommageable à l'ouvragene serait-ceque parcequ'elle interdit
de l'envisager
commeun traitéd'économieprimitive. Au contraire,on seratentéd'y suivre
l'évolutiondes préoccupations de Sahlinsqui le conduitde l'analysedes faits
de circulation(chap. 5 et 6 sur l'échangeprimitif)à celle des procèsde
production(chap. 2 et 3 surle modede productiondomestique).Entreces
deux pôles, une époque charnière,la période « parisienne» de l'auteur
(chap. 1 et 4, publiés en 1968) marquéepar la lecturede la philosophie
politiquedu xvine et,n'endéplaiseà P. Clastres,parla découvertede Marx.
Mais ce seraitune erreurde fairele bilan du « marxisme» de Sahlins.
Sa puissance d'innovationréside, au contraire,dans le caractère non
systématiqued'une démarchequi fait flechede tous bois. Généralisations
à partirde faits empiriques(d'ailleurssans illusions,cf. p. 117-118)et
emprunts conceptuelsmultiples(cf. p. 126-127)sontles ressortsde la mise
en lumièred'une multitudede corrélationsfineset audacieuses. Il nous
apporteainsimieuxqu'une théorie: une foisond'hypothèses à la foisrigou-
reuseset stimulantes. Sans préjugerde la féconditéde telleshypothèses,elles

(1) Que penserde « l'obscurantisme » qui inspirela démarchede Sahlins,


notammentp. 119-120ou 127-128où il se situe délibérément dans cette
perspective marxiste? Signalons(p. 119)que l'expression relations
ofproduc-
tion(p. 77 de l'édition¿rianglais)donne,en français,sans ambiguïtépossible
celle de rapportsde production(ce qui est rétabli,p. 126, pour la même
expression, p. 82 de l'éditionen anglais).
- 177 -

This content downloaded from 132.248.9.8 on Fri, 31 Jul 2015 00:07:45 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
COMPTES RENDUS

définissent bien le talentproprede Sahlinscommethéoricien pragmatiste.


Le bricolageéblouissantet bourréd'astucequ'il nousproposelui permetde
déjouerles impassesmonumentales où échoue,à terme,toute entreprise
systématique. Ferrailleur polémiquede ce que l'anthropologie charriecomme
évidences« sérieuses», un humourpétillanttraverseson texte.
Le chapitre4 sur « L'espritdu don » nousfournit un bon échantillonde
la démarchetrès personnellede Sahlins.Contreune anthropologie qui se
prétend,fortindûment,scientifique, il puise sans scrupulesexcessifschez
les Philosophesdu xvinesiècle.Ce sontHobbeset Rousseauqui lui inspirent
unerelecturede VEssai surle donde Mauss,envisagéici comme« un Contrat
socialà l'usage des primitifs » (p. 221). Sahlinsse situeainsi dans la grande
traditionde l'anthropologiephilosophiqueà laquelle il redonnecours.
Analyserla productionet l'échangeprimitifs c'est, pour lui, interrogerles
fondements - sinonles origines - de l'étatsocialet,parlà, le sensde l'évo-
lutionhumaine.Cela seul donneun sens au titre(qui renvoieà 1' « âge de
pierre») d'un ouvrageoù l'on ne confondpas les « primitifs » observéspar
l'ethnologie et ceux de l'aurorede l'humanité.Critiqueet politique,unetelle
attitudeévite prudemment de reconstruire une philosophiede l'histoire
unilinéaire, maisne se privepas d'y jeterquelquesclinsd'œil.
Maisl'originalité de Sahlinsconsisteà mélanger la métaphysique d'ethno-
logie et l'ethnologiede métaphysique. Avec une vigueurréjouissanteil se
plongedans les faitsethnographiques, il les vivifiepar une analyseaiguë
qui les éclairede façonsurprenante. Le voilà qui rouvrele dossierdu hau
maori,clé de voûtede VEssaisurle don: il remonteau textede l'informateur
de Beri (1909) et, à partird'une analysesémantiquepoussée,il critiquela
traductionqui en est donnéepour en proposerune interprétation nouvelle
qui éclaire un texte autrementobscur; le hau ne serait pas une force
« magique» qui contraindrait (?) les Maorià ne pas laisserun don sans réci-
proque; le hau c'est tout simplement l'excédent,le « profit» que l'on tire
des procèsnaturelset sociaux. Dénouerainsi les filsembrouillés d'un pro-
blème ethnographique, restituerun texte commeune totalitélogique et
conclureque le bon sensest la chosedu mondela mieuxpartagée...c'est la
plus belle fidélitéque l'on puissemanifester à l'égardde Mauss,spécialiste
de ce genrede coup.
On retrouvepartoutdans le textecettedoubledimension- métaphy-
sique et « ethnographique » - pourle meilleuret pourle pire.Le meilleur
n'est certespas dans le chapitreIer qui envisageles sociétésde chasseurs-
collecteurs(et, par extension,celles du Paléolithique)commedes « sociétés
d'abondance». On connaîtla thèsede cette étude dont la publicationen
françaisfitdate : les chasseurs« faméliques» parviennentà assurerleur
subsistanceen ne travaillantque troisou quatreheurespar jour ; « ils ont
un emploidu tempsde banquiers» (p. 76). L'avènementde l'agriculture,
et ultérieurement de la sociétéindustrielle, constituedonc,de ce pointde
vue, une régression (1). « Si les habitantsde la Terred'Arnhemn'ont pas
réussià « fabriquerla culture», ce n'est pas fautede temps.C'est fautede
s'y êtreappliqués» (p. 59).
Il y a quelque provocation- qui n'est pas tout à faitinnocente- à
présenter l'économiede chassecommeun choixde société,celui d'un mode
de vie « libreet insouciant». Si l'on ne veutpas s'en teniraux préoccupations
trèsactuellesde notreOccidentcapitaliste,une telleformulation des choses
ne peut êtrepriseà la lettre.Si les chasseursne s'éreintentpas à la tâche,
c'est que cela ne leurserviraità rien: le nomadismeque leurimposece type

(1) Ainsi,le titrefrançaisqui se veutparadoxalet,parlà, accrocheur,


est
toutsimplement absurde.Mais peut-êtrea-t-onvoulu donnerun titreà la
préface...
- 178 -

This content downloaded from 132.248.9.8 on Fri, 31 Jul 2015 00:07:45 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
COMPTES RENDUS

de production leurinterdittoutstockageconsistantdes ressourcesalimen-


taires. En outre,cette « abondance» suppose une restriction sévère des
besoins,et un malthusianisme actif- suppression de vieillards,pratiquede
l'infanticide, abstinencesexuelle(cf.p. 75). Enfin,et quoi qu'on pensede la
signification de cetteévolution,il resteà expliquerle passageà l'agriculture
accompliparunefraction dominante(à tousles sensdu terme)de l'humanité.
Pourêtreinintentionnelle, la « révolution» néolithiquedoittrouversa source
dansles contradictions de l'économiecynégétique.
L'approchede la communautédomestique(chap. 2 et 3) apparaîtplus
sereineet corrige les abus de langageoù Sahlinss'est laisséemporter à propos
des chasseurs.Une technologieélémentaire,facile à maîtriser,une sous-
exploitation desressources limitéeaux seulsbesoinsde subsistance, unefaible
divisiondu travail,telle est la base économiquedu « Mode de production
domestique». Sahlinsinsiste,cettefois,surla fragilité d'un systèmeoù tout
concourtà l'atomisation- dispersionet fermeture - des unitésqui le
composent.L'image des primitifsque nous donnaientles Philosophes
- « la vie de l'homme,solitaire,démuni,misérable,frusteet brève »
(Hobbes) - ne seraitdoncpas sans fondement économique.
On pourrareprocher ici à l'auteurune conceptiontropétroitede l'éco-
nomique,celle du substantivisme dontil se réclame,qui le conduità mettre
entreparenthèsestout ce qui relie entreelles ces unitésdomestiquesde
production,la conditionsociale de leur reproduction, c'est-à-direde leur
existencemême.Sahlinsrestreint la détermination par l'économiqueà ses
effets directset immédiats.Par là l'intensification de la production ne saurait
venirque de l'extérieur, d'en haut (donc,en l'air ?) par l'imposition d'orga-
nismespolitiques(big men,cheíTeries..., Etat) qui refoulent et cantonnent,
sans l'éliminer, le développement de l'entropiedomestique.On renverraici
aux:analysesde C. Meillassouxqui montrent que les conditionséconomiques
du contrôledes chosesdoiventêtretrouvéesdans le contrôledes hommes
- c'est-à-diredes femmes!
On a dit que l'on ne devaitpas prendrece textecommeun toutet, par
conséquent,les critiquesqu'on peut lui adresserne touchentqu'au détail
d'une analyse foisonnante. Cependant,sur un point majeur au moins,la
perspectived'ensemblenous paraît à récuser.Cettefaçonde jongleravec
les sociétéset les périodeshistoriques, commeavec les concepts,produitdes
mélangessurprenants, détonantsmême,maisdétourned'uneapprochehisto-
rique des sociétéshumaines.Le travailethnologiquecontinueralongtemps
à se nourrirde l'anthropologie philosophique.Mais on sait aujourd'huique
son objetproprec'est l'histoiredes formations sociales.Sahlinsest peut-être
le dernierphilosophedes sociétésprimitives. On ne sauraitlui reprocher de
n'êtreque cela. Encoreen sait-illes limiteset, face aux fanfaronnades de
nosscienceshumaines, sonhumouret sa modestieforcent le respect.Laissons-
lui le motde la fin: « Une théorieprimitive de la valeurd'échangeest néces-
saire; et elle est peut-être possible...maisde là à ce qu'elle existe! » (p. 337).
FrançoisPouillon.
EHESS.

Claude Meillassoux, Femmes,grenierset capitaux,Paris, Maspero,1975.

Femmes,greniers et capitaux: un beau titre,un livreriche,stimulant,


qui éveilleà chaque page la réflexion,
la discussion,la critique.C. M... y
entreprend l'analysemarxistede la communautédomestique(1) (situations

nomméepar Sahlins« sociététribale».


(1) Improprement
- 179 -

This content downloaded from 132.248.9.8 on Fri, 31 Jul 2015 00:07:45 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Vous aimerez peut-être aussi