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CHRISTOPHER
LASCH
La culture
du narcissisme
Champs essais
CHRISTOPHER LASCH
La culture du narcissisme
La culture occidentale est en crise. Le Narcisse moderne,
terrifié par l’avenir, méprise la nostalgie et vit dans
le culte de l’instant ; dans son refus proclamé de toutes
les formes d’autorité, il se soumet à l’aliénation
consumériste et aux conseils infantilisants des experts
en tout genre.
Aujourd’hui plus que jamais, l’essai majeur
de Christopher Lasch frappe par son actualité.
Décortiquant la personnalité typique de l’individu
moderne, Lasch met en lumière ce paradoxe essentiel
qui veut que le culte narcissique du moi en vienne,
in fine, à détruire l’authentique individualité.
Christopher Lasch déroule le fil d’une analyse souvent
subtile, nourrie de psychanalyse et de sociologie ;
sa critique du mode de vie contemporain et d’une pensée
de gauche complice du capitalisme est radicale, mais
non sans espoir, car elle est pénétrée de la conviction
que la conscience de l’histoire peut redonner du sens
à un monde qui n’en a plus.
Christopher Lasch (1932-1994), historien et sociologue américain,
est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels La Révolte
des élites, Le Seul et Vrai Paradis, et Le Moi assiégé.
LA CULTURE
DU NARCISSISME
Champs essais
Titre original : The Culture of Narcissism,
American Life in An Age of Diminishing Expectations.
© 1979, Christopher Lasch.
© W.W. Norton & Company, Inc., New York, Londres, 1991.
© Éditions Climats, Castelnau-le-Lez, 2000.
© Éditions Flammarion, 2006.
© Flammarion, 2018, pour cette édition.
ISBN : 978-2-0814-2846-1
Pour en finir avec le XXIe siècle
par Jean-Claude Michéa
La sensibilité thérapeutique
Confession et anticonfession
Le vide intérieur
La personnalité narcissique
DE NOTRE TEMPS
Psychologie et sociologie
La résignation
La réussite sociale,
HIER ET AUJOURD’HUI :
DU TRAVAIL À LA SÉDUCTION
l’ambition était en réalité plus une vertu dans l’esprit d’Hamilton que
dans celui de Benjamin Franklin ou de Jefferson.
102 LA CULTURE DU NARCISSISME
* Inner-directed.
** Other-directed.
LA RÉUSSITE SOCIALE, HIER ET AUJOURD’HUI 113
Apothéose de l’individualisme
La banalité
DE LA PSEUDO-CONNAISSANCE DE SOI :
LE THÉÂTRALISME DE LA POLITIQUE
ET DE L’EXISTENCE QUOTIDIENNE
La propagande de la marchandise
Vérité et crédibilité
Publicité et propagande
Cul-de-sac
Sport et nationalisme
La critique du sport
La banalisation de l’athlétisme
Loyauté et compétition
Propagation de l’abrutissement
L’atrophie de la compétence
* Lorsque les aînés n’exigent rien des jeunes, il est très difficile à
ceux-ci de grandir. Un de mes anciens étudiants, indigné par les
conditions auxquelles il doit faire face comme professeur à Evergreen
State College, dans l’État de Washington, écrivit à ses collègues pour
critiquer les récents changements intervenus dans le programme :
« La trahison des jeunes à Evergreen commence avec la présomption
- partagée par de nombreux enseignants et administrateurs - que
l’étudiant de première année n’est intéressé qu’à se plonger dans sa
propre subjectivité et qu’il répugne à faire un travail intellectuel. »
Dans l’espoir d’attirer les étudiants, dont le nombre diminue, ensei
gnants et administrateurs ont, dit-il, transformé le programme de
première année en « un jardin d’enfants consacré à l’auto-explo
ration ».
228 LA CULTURE DU NARCISSISME
L’émergence de la « multiversité »
plus les fonds publics que les dons privés. Quant aux
étudiants, ils renâclent devant la ré-imposition de cours
obligatoires de culture générale : cela demande trop de
travail et n’aide guère à trouver un emploi lucratif.
Dans ces conditions, l’université demeure une institu
tion permissive, polymorphe et mal structurée. Ayant
absorbé les principaux courants du modernisme culturel,
elle les a réduits à l’état de mixture liquéfiée, à une idéo
logie décervelante de révolution culturelle, d’accomplis
sement personnel et d’aliénation créatrice. La parodie de
l’enseignement supérieur qu’a faite Donald Barthelme
dans Snow White – comme toute parodie dans un âge
absurde - ressemble tant à la réalité qu’on ne la voit plus
comme telle :
C’est à Beaver College qu’elle fit son éducation. Elle
étudia « La femme moderne, ses privilèges et ses responsabi
lités » : la nature et composition de la femme, sa significa
tion dans l’évolution et dans l’histoire, la tenue de la
maison, l’éducation, la préservation de la paix familiale, les
soins et la dévotion ; la manière dont ceux-ci contribuent à
une nouvelle humanisation du monde contemporain. Puis,
elle étudia « Guitare classique n° 1 », utilisant les méthodes
et techniques de Sor Tarrega, Segovia, etc. Puis, elle étudia
« Les poètes romantiques anglais n° 2 » : Shelley, Byron,
Keats. Puis, elle étudia « Les fondations théoriques de la
psychologie » : l’esprit, la conscience, l’inconscient, la per
sonnalité, le moi, les relations interpersonnelles, les normes
psycho-sexuelles, les jeux sociaux, le groupe, l’adaptation, le
conflit, l’autorité, l’individuation, l’intégration et l’équilibre
mental. Puis, elle étudia « Peinture à l’huile n° 1 » et, sui
vant les directives, apporta au cours du jaune cadmium
clair, du jaune cadmium moyen, du rouge cadmium clair,
de la pourpre alizarine, du bleu outremer, du bleu de cobalt,
du vert émeraude, du noir d’ivoire, de la terre d’ombre
naturelle, de l’ocre jaune, de la terre de Sienne brûlée et du
DÉCADENCE DU SYSTÈME ÉDUCATIF 245
L’enfant et le travailleur :
DE l’autorité traditionnelle
AU CONTRÔLE THÉRAPEUTIQUE
Le culte de l’authenticité
Répercussions psychologiques
du « transfert des fonctions »
La « révolution » sexuelle
Vivre ensemble
Stratégies d’adaptation
L’avenir condamné :
LA PEUR DE VIEILLIR
Hantise de la vieillesse
Narcissisme et vieillesse
aux autres pour les aider à élever leurs enfants. » L’« éco
nomie familiale » a disparu ; l’enfant représente un far
deau plutôt qu’un avantage financier ; l’école a pris en
charge les fonctions éducatives de la famille ; et, en ce
qui concerne les soins et la santé, la profession médicale
en assume la plus grande responsabilité. Selon Keniston,
ces modifications mettent les parents dans la situation
d’un « cadre de grande entreprise ayant pour mission
d’assurer une coopération harmonieuse entre les nom
breuses personnes et les divers processus qui doivent tra
vailler ensemble pour façonner le produit final ».
Ce genre d’analyse amène à conclure que le gouverne
ment fédéral devrait chercher à égaliser les relations entre
experts et parents – et non pas qu’il est temps, pour
ces derniers, d’affermir tous ensemble leur contrôle sur
l’éducation. Pourtant, le raisonnement même de Kenis
ton montre bien que la position des parents est plus
proche de celle du prolétaire que du cadre. Dans l’état
actuel des choses, dit-il, « les parents n’ont guère d’auto
rité sur les gens avec lesquels ils partagent la tâche
d’élever leurs enfants » ; « ils se trouvent, par rapport à
eux, dans une situation d’infériorité ou d’impuissance ».
La raison évidente en est que l’État, et non les parents,
paie pour les services de ces professionnels, directement
ou indirectement, bien qu’en fin de compte, ce soit tou
jours le citoyen, comme contribuable. Si les parents
s’organisaient et faisaient appel à leurs propres experts,
les choses pourraient aller différemment.
Il va sans dire qu’une solution de ce type n’est pas
vue d’un bon œil par les membres des corps constitués
responsables de la politique sociale. Cela ressemble trop
au populisme, au régionalisme, et aux dernières résis
tances au progrès centralisé. Il faut dire qu’une telle
orientation soulève une double objection que même les
358 LA CULTURE DU NARCISSISME
Préface
1. David DONALD, New York Times, 8 septembre 1977.
2. A.E. PARR, « Problems of Reason, Feelings and Habitat »,
Architectural Association Quarterly 1, n° 3, 1969.
3. Ivan ILLICH, Toward a History of Needs, New York, Pantheon,
1978, p. 31.
1. Erich FROMM, The Heart of Man : Its Genius for Good and
Evil, New York, Harper and Row, 1964, chapitre IV.
2. Sigmund FREUD, Group Psychology and the Analysis of the Ego
(1921) dans The Standard Edition of the Complete Psychological Works
of Sigmund Freud, James STRACHEY (éd.), Londres, Hogarth Press,
394 NOTES DU CHAPITRE 2
4. La banalité de la pseudo-connaissance
DE SOI : LE THÉÂTRALISME DE LA POLITIQUE
ET DE L’EXISTENCE QUOTIDIENNE
1. Cité par Malcolm Cowley, Exile’s Return : A Literary Odyssey of
the 1920’s, New York, Penguin, 1976 [1934], p. 261 (La mort de la
conscience n’est pas la mort de la conscience de soi).
2. Sur l’apologie de l’efficacité et de la gestion scientifique,
consulter :
– Raymond E. CALLAHAN, Education and the Cult of Efficiency,
Chicago, University of Chicago Press, 1962.
– Samuel HABER, Efficiency and Uplift : Scientific Management in
the Progressive Era, Chicago, University of Chicago Press, 1964.
– David F. NOBLE, America by Design : Science, Technology, and
the Rise of Corporate Capitalism, New York, Knopf, 1977.
– Harry BRAVERMAN, Labor and Monopoly Capital, New York,
Monthly Review Press, 1974, partie 1.
– CALLAHAN, Education and the Cult of Efficiency, op. cit., p. 40
(citation de Taylor).
– Stuart EWEN, Captains of Consciousness : Advertising and the
Social Roots of the Consumer Culture, New York, McGraw-Hill, 1976,
p. 54-55 (déclaration de Filence).
– Roger BURLINGAME, Henry Ford, New York, New American
Library, 1956, p. 64-65 (sur les expériences de Ford en « sociologie »).
3. Cité par EWEN, Captains of Consciousness, op. cit., p. 37 (sur
Coolidge).
4. Guy DEBORD, La Société du spectacle, Paris, Gallimard, 1996.
5. Paul H. NYSTROM, Economics of Fashion, New York, Ronald
Press, 1928, p. 67-68.
NOTES DU CHAPITRE 4 401
– Paul HOCH, Rip Off the Big Game : The Exploitation of Sports
by the Power Elite, New York, Doubleday, 1972.
– Jack SCOTT, The Athletic Revolution, New York, Free Press,
1971.
5. Cité par Michael NOVAK, The Joy of Sports, New York, Basic
Books, 1976, p. 176 (Podhoretz).
6. SCOTT, The Athletic Revolution, op. cit., p. 97-98.
7. « Games Big People Play », Mother Jones, septembre-octobre
1976, p. 43. Voir aussi : Terry ORLYCK, The Cooperative Sports and
Games Books : Challenge without Competition, New York, Pantheon,
1978.
8. John HUIZINGA, Homo Ludens, op. cit., p. 48.
9. Robert W. MALCOLMSON, Popular Recreations in English
Society, 1750-1850, Cambridge University Press, 1973, p. 70.
10. Lee BENSON, The Concept of Jacksonian Democracy, New
York, Atheneum, 1964, p. 201.
11. Thorstein VEBLEN, The Theory ofthe Leisure Class, New York,
Modern Library, 1934 [1899], p. 256. Traduction française : Théorie
de la classe de loisir, Gallimard, 1970, p. 168.
12. Philip GOODHART et Christopher CHATAWAY, War Without
Weapons, op. cit., p. 28-29, 45.
13. Eking E. MORISON (éd.), The Letters of Theodore Roosevelt,
Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1951, 2 : 1444,
3 : 615.
14. Donald MEYER, Early Football, essai non publié.
15. Cité par Jack SCOTT, Athletic Revolution, op. cit., p. 21.
16. Ibid., p. 17-21 ; Paul HOCH, Rip Off the Big Game, op. cit.,
p. 2-4.
17. On trouvera dans le livre de Paul HOCH une riche collection
de clichés radicaux exprimés dans le plus pur jargon révolutionnaire.
Voir Rip Off the Big Game, p. 77, 18, 20, 122, 154, 138, 162-166,
177.
18. Harry EDWARDS, Sociology of Sports, op. cit., p. 334. Voir
aussi Jerry RUBIN, Growing (Up) at Thirty-Seven, New York,
M. Evans, 1976, p. 180 : « L’éthique de la compétition, de la réussite
et de la domination est le noyau du système américain. »
19. Thorstein VEBLEN, The Theory ofthe Leisure Class, New York,
Modern Library, 1934 [1899], p. 256. Traduction française : Théorie
de la classe de loisir, Gallimard, 1970, p. 168.
NOTES DU CHAPITRE 6 405
7. L’enfant et le travailleur :
DE l’autorité traditionnelle
AU CONTRÔLE THÉRAPEUTIQUE
1. Abraham FLEXNER et Frank P. BACHMAN, The Gary Schools :
A General Account, New York, General Education Board, 1918, p. 17.
2. Ellen H. RICHARDS, Euthenics : The Science of Controllable
Environment, Boston, Whitcomb and Barrows, 1910, p. 133.
3. James H.S. BOSSARD, Problems ofSocial Well-Being, New York,
Harper and Brothers, 1927, p. 577-578.
4. Jessie TAFT, « The Relation of the School to the Mental Health
of the Average Child », Mental Hygiene, n° 7, 1923, p. 687.
5. Sophonisba P. BRECKINRIDGE et Edith ABBOTT, The
Delinquent Child and the Home, New York, Charities Publication
Comittee, 1912, p. 173-174.
6. Miriam VAN WATERS, Parents on Probation, New York, New
Republic, 1927, p. 80.
7. Edwin L. EARP, The Social Engineer, New York, Eaton and
Mains, 1911, p. 40-41, 246.
8. Ellen H. RICHARDS, Euthenics, op. cit., p. 78-79.
9. Sur le développement des tribunaux pour enfants, consulter :
– Anthony PLATT, The Child Savers : The Invention of Delin
quency, Chicago, University of Chicago Press, 1969, p. 63 (R.R.
REEDER, 1905, sur la maison de redressement comme un « bon
foyer »).
– Robert M. MENNEL, Thorns and Thistles : Delinquents in the
United States, 1925-1940, Hanover, University of New Hampshire
Press, 1973, p. 149 (citations de Herbert LON, «Juvenile Courts in
the United States », p. 156).
– Jane ADDAMS, My Friend, Julia Lathrop, New York, Macmillan,
1935, p. 137.
10. Sur l’influence des tribunaux pour enfants sur la cellule fami
liale, voir :
– Anthony PLATT, The Child Savers, op. cit., p. 143.
– Miriam VAN WATERS, Parents on Probation, op. cit., p. 35, 61,
95,
– Robert MENNEL, Thorns and Thistles, op. cit., p. 142-143.
– Joseph M. HAWES, Children in Urban Society : Juvenile Delin
quency in Nineteenth Century America, New York, Oxford University
Press, 1971, p. 188.
NOTES DU CHAPITRE 7 409
<pixellence>
N° d’édition : L.01EHQN001019.A002
Dépôt légal : mars 2018
Imprimé en Espagne par Novoprint (Barcelone)