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Statut, Rôle, Fonction. Extrait d’un colloque à Tours. Jean Oury.

Source : http://cliniquedelaborde.pagesperso-orange.fr/Auteurs/OURY
%20jean/Textes/texte11.htm
Je dis depuis toujours que le premier exercice à faire le matin, c’est distinguer rôle, statut et
fonction.

Le statut, ce n'est pas tellement sur le plan symbolique, même si ça y touche, c'est : "Tu es
embauché en tant que, psychologue, infirmier ou cuisinier, c’est ton statut ». Allez voir la
feuille de paye et vous verrez le statut ! Mais cela reste quelque chose qui n’est pas vraiment
symbolique mais plutôt de l’ordre de la réalité, c’est à dire un mélange, un entrecroisement
entre le symbolique, le réel et l’imaginaire.

Par contre, le rôle, on peut le définir comme on veut. Il y a eu des thèses sur ce qu’est le
rôle, par exemple un livre de madame Rochoblave qui date d'une quarantaine d’années. Il y
a des questions qui se posent de façon exhaustive, mais comme c’est contradictoire, on peut
choisir ce qu'on veut, on peut même inventer un sens. Alors moi j’ai inventé pour moi un
sens du rôle : le rôle, souvent, c'est ce qu'on ignore soi-même, ce sont les autres qui vous le
donnent. Par exemple, je pense à un schizophrène qui était vu par une psychothérapeute,
médecin, de La Borde. Elle le voyait pendant quelques minutes, tous les trois ou quatre
jours. Elle le voyait dix minutes en moyenne. Un jour, peut-être qu'elle était pressée ou
fatiguée, elle l'a vu trois minutes. Le type s'est fâché on disant : «Vous savez, il me faut sept
minutes tous les trois jours, sans quoi les mots perdent leur sens et je ne peux pas être avec
les autres à table, je peux être très violent à ce moment-là I". Et en même temps, il lui a
dit : "Vous êtes mon analyste I"

Alors là, c'est extraordinaire : elle ne savait pas qu'elle était dans une position analytique.
C'est un rôle qu'il lui a donné, qui n'était pas purement imaginaire, qui avait quelque chose à
voir avec une rythmicité du temps. Parfois, on joue un rôle qu'on ignore. Il faut faire
attention justement à ce qui se passe : "Tu ne savais pas que tu avais ce rôle-là pour lui ?
Tu es un peu bigleux !"

Pour finir, la fonction. Alors là, la fonction, c'est grandiose. C'est la fonction médico-
psychothérapique. Et justement, par rapport à ce que je disais tout à l'heure, la fonction
psychothérapique, en ce qui concerne les schizophrènes, doit être partagée. Je cite souvent
ce mot de Pindare : "Partage est notre maître à tous". Ça fait bien de dire ça ; ça se partage.
Il n'y a pas le psychothérapeute et puis ceux qui sont là, sont là seulement pour soigner. Là,
je prends une distance vis-à-vis par exemple de Racamier -"Le psychanalyste sans divan» et
toute cette époque où on disait qu'il y avait le psychanalyste et puis les autres... Ce n'est pas
ça.

La fonction soignante doit être justement ventilée. Je le disais tout à l'heure : pour un
malade, une dizaine de personnes. Alors là, entre en jeu le problème de la fonction -1 et
toutes ses articulations, les groupes de contrôle... La fonction soignante doit être ventilée, et
on peut dire qu'elle ne peut pas être incarnée. Je dis souvent qu'un psychothérapeute qui se
croit le seul psychothérapeute de tel malade pris dans une collectivité, il est complètement
fou, il se prend pour un statut. Souvent dans les réunions -ça me fait bien voir, de dire ça -
ou le directeur est assis à côté de moi.

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