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RÉSUMÉ
Cet article se propose de nuancer la thèse courante d’une réduction de la spatialité à la temporalité
dans Sein und Zeit (1927), en révélant trois omissions que commettent ses défenseurs : 1° ne
distinguer que deux concepts de temps, alors qu’il y en a quatre ; 2° ignorer l’architecture
systématique de l’ouvrage de 1927 ; 3° ne pas distinguer deux sens de la spatialité
(Räumlichkeit) : celle de l’étant intramondain d’une part, celle du Dasein d’autre part
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ENTRÉES D’INDEX
Mots-clés :
être, spatialité, temporalité, Dasein, monde
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PLAN
I. Introduction
II. Les quatre acceptions du concept de temps dans Sein und Zeit, et l’oubli du temps du
monde
III. Le lieu systématique des discussions de l’espace, du temps, et de la reconduction de l’un à
l’autre
IV. Conclusion
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TEXTE INTÉGRAL
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I. Introduction
▪ 1 Der Versuch in « Sein und Zeit » § 70, die Räumlichkeit des Daseins auf die Zeitlichkeit zurück (...)
▪ 4 Notons d’emblée que notre propos n’est pas de critiquer ou d’avaliser la lecture interrogative (...)
1Dans les pages qui suivent, nous tentons de reconsidérer les rapports de l’espace et du temps
dans l’architecture « systématique » de Sein und Zeit. Ce faisant, nous voudrions nuancer la thèse
couramment répandue selon laquelle Sein und Zeit ramènerait et réduirait l’espace au temps. Cette
thèse est d’autant plus répandue, et d’autant moins mise en question, qu’elle a été légitimée par
Heidegger lui-même. Dans la conférence Temps et être, le penseur nous dit en effet, après avoir
affirmé que le problème de l’espace devait – de la même façon que celui du temps – être pensé en
rapport à l’Ereignis : « La tentative, dans Sein und Zeit, § 70, de reconduire la spatialité
du Dasein à la temporalité, est intenable1. » Cette remarque laconique, la traduction
française2 nous précise qu’elle ne figurait pas dans le texte original publié dans le recueil
d’hommages à Jean Beaufret, L’endurance de la pensée3. Nous ne savons pas ce qui a poussé
Heidegger à ce tardif mea culpa. Un tel repentir au sujet de Sein und Zeit nous semble cependant,
dans son laconisme, profondément ambigu. Les quelques réflexions que nous livrons ici se
proposent simplement de prendre en vue cette ambiguïté4.
3Ce qui est encore supposé par la thèse courante, c’est qu’il y a deux façons de concevoir
l’espace : l’une « phénoménologique », qui fait de l’espace un ensemble de places organisé en
contrées ou en régions possédant elles-mêmes une certaine orientation en fonction
du Dasein préoccupé ; l’autre qui est « géométrique » ou scientifique, et qui pense l’espace comme
un ensemble parfaitement homogène de positions ne possédant aucun point saillant, aucune
orientation – accomplissant du même coup un nivellement total de l’espace « phénoménologique »
quotidiennement vécu.
4Enfin, ce que la thèse courante constate, c’est que le § 70 de Sein und Zeit ramène l’espace
« phénoménologique » au temps originaire, et qu’ainsi la spatialité du Dasein est fondée dans la
temporalité, qui se situe en quelque sorte « un cran plus haut ». C’est ce mouvement de réduction
de l’espace « phénoménologique » au temps originaire situé « un cran plus haut » qui est avant
tout entendu par le lecteur lorsqu’il lit l’expression « reconduire la spatialité du Dasein à la
temporalité » (die Räumlichkeit des Daseins auf die Zeitlichkeit zurückzuführen) dans la remarque
que Heidegger a ajoutée lors de la publication allemande de la conférence Temps et être.
5Même s’il ne l’accomplit pas pour les mêmes raisons, Heidegger reconduit donc en 1927 le primat
kantien du temps sur l’espace5, et il faudra attendre la pensée tardive de l’Ereignis pour que les
deux questions de l’espace et du temps soient rééquilibrées et posées sur un pied d’égalité. Cet
équilibre nouveau n’adviendra d’ailleurs pas en haussant l’espace au niveau du temps, mais plutôt
en secondarisant aussi le temps par rapport à l’Ereignis. Voilà grosso modo ce que dit la thèse
courante de la réduction de l’espace au temps dans Sein und Zeit.
6Après avoir présenté tout ce que la conception courante des rapports entre espace et temps
dans Sein und Zeit pense et présuppose, nous voudrions mettre en lumière une série d’éléments
qu’elle ne voit pas, et qu’elle ne prend pas en considération. Tout d’abord, ce que la thèse courante
ne voit pas, c’est que Sein und Zeit ne mobilise pas deux, mais quatre concepts de
temps : Temporalität (Temporalité), Zeitlichkeit (temporalité), Weltzeit (temps du monde), vulgäre
Zeitbegriff (concept vulgaire de temps). C’est en prenant en considération ces quatre concepts de
temps et leur articulation respective que doit être posé le problème de la « réduction » de l’espace
au temps dans Sein und Zeit. Ensuite, ce que la thèse courante ne considère pas, c’est
l’architecture systématique de l’ouvrage, le lieu systématique des discussions de l’espace, du
temps, et de la reconduction de l’un à l’autre. En troisième lieu, ce que la thèse courante ne prend
pas en considération, c’est l’ambiguïté possible du terme de Räumlichkeit, qui peut signifier à la
fois la spatialité de l’étant intramondain et celle du Dasein. Nous devons donc envisager ces
différents points les uns après les autres, et voir en quoi ils peuvent nous servir à corriger ou à
nuancer la thèse d’une « réduction » de l’espace au temps dans Sein und Zeit.
▪ 13 Dans son ouvrage d’introduction à la pensée du « premier » Heidegger (De l’existence ouverte au (...)
▪ 14 La description la plus complète et la plus claire de l’usage quotidien de l’horloge se trouve (...)
10Avec ce premier tour d’horizon sur la problématique de Sein und Zeit, nous avons rencontré trois
des quatre acceptions du concept de temps. La quatrième acception du concept de temps, le temps
comme temps du monde (Weltzeit)9, désigne ce temps dont nous faisons l’épreuve fondamentale
dans l’« avoir » ou le « ne pas avoir » du temps, le « perdre son temps », le « prendre son
temps », le « se donner le temps de »10, mais aussi dans le constat qu’« il est temps de » ou que
« ce n’est vraiment pas le moment de »11. Toutes ces expressions nomment le rapport que nous
avons au temps dans la vie quotidienne, avant toute expérience intime d’une durée « subjective »,
et avant toute détermination scientifique du cours d’un temps « objectif »12. Parce qu’il est
souvent méconnu, ou sous-estimé dans sa portée systématique13, nous nous attarderons un peu
plus longuement sur ce phénomène du temps du monde, en décrivant d’une façon
« heideggérienne » l’usage quotidien de l’horloge ou du calendrier14.
▪ 15 Sein und Zeit, § 80, p. 416. Cf. aussi (et sans prétendre à l’exhaustivité) Die Grundprobleme d (...)
11Lire l’heure, c’est toujours dire (explicitement ou non) « maintenant » : « (maintenant) il est 15
heures ». Un tel dire-maintenant ne se perd pas dans une pure contemplation des aiguilles de
l’horloge, mais il jaillit toujours d’une certaine préoccupation15. Je regarde l’heure pour savoir
combien de temps il me reste avant le début du film ou le départ du train, pour savoir quand je
dois sortir les œufs de l’eau bouillante, etc. De la même façon, je jette un œil sur le calendrier pour
évaluer le temps qu’il me reste avant les vacances ou la soutenance, pour savoir combien de jours
me séparent d’un voyage ou du retour d’un être aimé. Ce temps que je lis sur la montre ou que
j’observe au calendrier ne m’est donc pas indifférent. Il me concerne, il m’affecte de manière
diverse (attente impatiente d’un événement, oppression anxieuse face à une échéance, ennui des
journées passées sans relief, etc.), bref il est toujours en rapport avec telle ou telle de mes
possibilités d’existence au sein du monde. En regardant l’heure sur l’horloge, je constate que j’ai le
temps de lire un peu, ou que ce n’est vraiment pas le moment de traîner. Le maintenant qui
apparaît dans un tel usage de l’horloge est toujours approprié ou inapproprié16.
13Le maintenant (ou le alors) qui s’exprime dans la façon que nous avons de compter
quotidiennement avec le temps et de nous orienter sur lui possède encore, comme troisième
caractère, la particularité d’être toujours lié à un état de choses, d’être toujours un maintenant
que… ceci ou cela arrive21 : « maintenant » (que la salle est vide), « maintenant » (que je suis
coincé dans les embouteillages), « alors » (que le vent soufflait), etc. C’est une telle relation entre
un maintenant (ou un alors) et un état de chose que nous retrouvons dans le phénomène de
la date, que celle-ci soit « privée » (j’ai rendez-vous le 12 chez le dentiste) ou « publique » (« le 14
juillet », « le 11 septembre »).
14Cette dernière remarque nous conduit au quatrième et dernier caractère du maintenant (ou du
alors) qui s’exprime quotidiennement : la possibilité qu’il a d’être partagé et de devenir ainsi public,
la possibilité que nous avons de dire ensemble « maintenant » (ou « alors »), même si le
maintenant (ou le alors) est différemment daté en fonction des différents locuteurs22.
▪ 23 Les quatre caractères sont résumés dans Sein und Zeit, § 80, p. 416.
▪ 24 Pour une approche plus détaillée du rapport entre Zeitlichkeit et Temporalität dans Sein und Ze (...)
15Après cette brève approche du temps du monde dans ce que Heidegger nomme son caractère
approprié, étendu, datable et public23, nous pouvons revenir à la distinction des quatre concepts
de temps dans Sein und Zeit. Ces quatre concepts ne subsistent pas isolément les uns à côtés des
autres, mais ils sont intimement liés. Nous avons vu précédemment le lien
unissant Temporalität et Zeitlichkeit : celle-ci (la Zeitlichkeit ou temporalité, comme
sens temporel de l’être de l’étant privilégié par le questionnement en quête du sens de l’être en
général) est le moyen d’atteindre à celle-là (la Temporalität ou Temporalité comme
sens temporal de l’être en général) et ainsi de parvenir au but recherché par l’ouvrage de 1927 : la
réponse à la question du sens de l’être en général24.
16Reste à préciser le lien unissant Zeitlichkeit (temporalité du Dasein), Weltzeit (temps du monde),
et vulgäre Zeitbegriff (concept vulgaire du temps). Ces trois concepts sont, selon Heidegger, dans
une relation telle qu’ils dérivent l’un de l’autre : la temporalité du Dasein donne naissance ou
produit, dans un mouvement d’auto-explicitation, le temps quotidien comme dimension du
monde25 ; ce temps du monde fournit quant à lui le sol sur lequel le concept vulgaire du temps,
comme représentation « théorique » de la suite infinie des maintenant, peut lui-même apparaître,
à la suite d’une explicitation qui vient recouvrir et niveler le phénomène du temps du monde26.
17Le fait que la conception courante des rapports de l’espace et du temps dans Sein und Zeit ne
retienne que deux des quatre acceptions du concept de temps est particulièrement funeste, parce
qu’il a pour double conséquence de priver l’entreprise philosophique inaugurée dans Sein und
Zeit de son orientation ontologique, et surtout de biaiser la considération des rapports de l’espace
et du temps. Nous envisagerons brièvement ces deux conséquences, en insistant davantage sur la
deuxième, qui concerne directement notre propos.
▪ 27 Dans la mesure où nous ne pouvons ici nous engager plus avant dans cette question, nous nous co (...)
19Le deuxième concept qui est oublié par la conception courante des rapports de l’espace et du
temps dans Sein und Zeit, c’est le concept de temps comme temps du monde (Weltzeit). Cette
omission du temps du monde est catastrophique du point de vue de la conception des rapports du
temps et de l’espace, car le temps du monde constitue, sur le plan temporel, l’exact équivalent de
l’espace « phénoménologique » au sein duquel nous vivons quotidiennement. En effet, de la même
façon qu’il y a un espace de la vie quotidienne qui ne se réduit pas à l’espace homogène de la
géométrie28, il y a un temps quotidien qui ne se confond pas avec le temps uniforme de la
physique mathématique.
▪ 30 Remarquons au passage que la préoccupation quotidienne fait constamment usage de mesures, même (...)
20Le temps du monde n’est pas l’objet d’une pure mesure scientifique ou d’un simple compter
(Rechnen), mais il est avant tout l’objet d’une préoccupation qui tient compte de lui (Rechnung
tragen)29 dans l’organisation et l’accomplissement des tâches quotidiennes30. Ce temps vécu
quotidiennement, ce temps où « chaque chose a son temps »31, l’entendement quotidien ne le
saisit pourtant pas comme tel. Dès qu’il y réfléchit, il rate le phénomène et tombe nez à nez avec le
temps « vulgaire » comme suite infinie et indifférente de maintenant32.
▪ 34 EXEMPLES :
a) Supposons que monsieur Smith, emporté par une velléité philosophique soudaine, s’ (...)
21Ce « ratage » du temps quotidien au profit du temps vulgaire n’est pourtant pas différent de
celui qui advient dans le cas de l’espace : ici aussi, l’entendement quotidien qui réfléchit sur
l’espace a immédiatement tendance à rater l’espace quotidien où « chaque chose a sa place »,
pour ne saisir qu’un espace géométrique homogène et indifférent33. Dans les deux cas,
l’entendement quotidien, dès qu’il adopte une attitude un tant soit peu réflexive ou théorique, a
tendance à manquer ce dont il est pourtant – dans chacun de ses faits et gestes – la preuve
vivante34.
22Cette brève présentation des multiples acceptions du concept de temps, mais aussi du concept
d’espace, dans Sein und Zeit, nous a permis d’obtenir un premier aperçu sur l’ambiguïté résidant
dans l’idée non clarifiée d’une « réduction de l’espace au temps ». Elle nous a également permis
d’exhiber un équivalent temporel pour chacun des concepts d’espace qui ont été rencontrés. Nous
tenterons de mettre à profit cette vue plus aiguë sur les phénomènes du temps (des temps) et de
l’espace (des espaces) en étudiant le deuxième des points manqués par la thèse courante d’une
réduction de l’espace au temps dans Sein und Zeit.
24Sein und Zeit est un livre inachevé, qui devait se composer d’une introduction suivie de deux
parties comportant chacune trois sections35.
25Le but de la première partie (intitulée « L’interprétation du Dasein par rapport à la temporalité
[Zeitlichkeit] et l’explication du temps [Zeit] comme horizon transcendantal de la question de
l’être ») était de mettre en évidence le sens temporal – ou la Temporalité (Temporalität) – de l’être
en général (troisième section), via une analyse phénoménologique de l’être du Dasein existant
comme être-au-monde ou comme souci (première section), et une mise au jour du sens de cet être
comme temporalité (Zeitlichkeit) ekstatique-horizontale (deuxième section)36.
27De ce grand ouvrage articulé en deux fois trois sections, seules les deux premières sections de la
première partie ont vu le jour. Ces deux premières sections constituent le livre que nous
connaissons sous le titre Être et temps.
28Si nous reprenons maintenant les quatre acceptions du concept de temps précédemment mises
en évidence, et que nous tentons de leur assigner un lieu systématique dans la première partie de
l’ouvrage, nous constatons que le concept de Temporalität (la Temporalité comme sens de l’être en
général) aurait dû – si le livre avait été achevé – trouver son lieu systématique dans la troisième
section, indiquée sous le titre « Temps et être » dans le plan de l’ouvrage38, mais jamais publiée.
Le concept de Zeitlichkeit (la temporalité comme sens de l’être du Dasein) devrait trouver son lieu
dans la deuxième section (« Dasein et temporalité ») de cette première partie. Quant au concept
de Weltzeit (le temps du monde, le temps comme dimension du monde, c’est-à-dire comme
caractère ontologique du Dasein, qui est en son fond être-au-monde), il devrait trouver son lieu
systématique dans la première section (« L’analyse fondamentale préparatoire du Dasein ») de la
première partie.
31Comparons maintenant cette assignation « idéale », effectuée a priori, des différents concepts à
leur lieu systématique, avec la « réalité » de l’ouvrage publié en 1927.
33C’est dans le chapitre consacré au monde (chapitre 3, §§ 22-24) qu’apparaît l’espace quotidien
dans son opposition à l’espace euclidien (division C du chapitre 3 : « L’ambiance du monde ambiant
et la spatialité du Dasein »), après une première analyse de la mondanéité du monde (division A :
« L’analyse de la mondanéité ambiante et de la mondanéité en général ») et une critique du
« ratage » cartésien du phénomène du monde (division B : « La dissociation de l’analyse de la
mondanéité par rapport à l’interprétation du monde chez Descartes »). Le concept
« phénoménologique » d’espace, en tant qu’il constitue une dimension du monde, se situe
donc effectivement au lieu systématique qui lui est propre.
34Nous sommes par contre surpris de ne pas trouver en ce même lieu une discussion du temps du
monde (Weltzeit), qui constitue lui aussi une dimension du monde. En parcourant cette première
section de Sein und Zeit qui traite de l’être quotidien du Dasein, nous ne trouvons en effet aucune
ligne consacrée expressément au phénomène du temps tel qu’il intervient dans la
« préoccupation » quotidienne. C’est comme si le temps n’existait pas dans la vie quotidienne,
comme si le Dasein quotidien n’avait absolument aucun rapport au temps. Etrange omission, qui
est pourtant rarement soulignée par les commentateurs de Heidegger.
35Pour voir surgir le phénomène du temps dans Sein und Zeit, le lecteur devra attendre le
troisième chapitre de la deuxième section de l’ouvrage (« Le pouvoir-être-tout proprement dit
du Dasein et la temporalité [Zeitlichkeit] en tant que sens ontologique du souci »), chapitre où la
temporalité (Zeitlichkeit) est mise en lumière comme sens de l’être du Dasein39.
36Il faut pourtant bien saisir qu’avec la temporalité (Zeitlichkeit), ce n’est pas le temps quotidien
(le temps du monde) qui nous est présenté, mais plutôt son sens ou sa condition de possibilité40.
Dans la présentation du phénomène de la temporalité (Zeitlichkeit) effectuée au § 65 de Sein und
Zeit, le lecteur non prévenu aura d’ailleurs bien du mal à reconnaître le temps dont il fait
quotidiennement l’épreuve. Pour voir ressurgir ce phénomène du temps quotidien – ou plutôt pour
le voir surgir, puisqu’il s’agit bel et bien de sa première apparition dans Sein und Zeit –, il faudra
attendre la fin de la deuxième section.
37Les deux derniers chapitres de cette deuxième section, consacrés à l’histoire (« Temporalité et
historicité », chapitre 5) et au temps quotidien dans son rapport au concept vulgaire de temps
(« Temporalité et intratemporalité en tant qu’origine du concept vulgaire de temps », chapitre 6),
parachèvent en quelque sorte un mouvement qui a été inauguré avec le quatrième chapitre
(« Temporalité et quotidienneté ») de la deuxième section.
▪ 41 Notons au passage que Heidegger n’envisage pas ici expressément le moment intermédiaire, celui (...)
38En effet, après avoir présenté, en son lieu systématique propre, le phénomène de la temporalité
(Zeitlichkeit) comme sens de l’être du Dasein, Heidegger s’applique à « reprendre » l’ensemble des
déterminations ontologiques qui ont été mises au jour dans la première section du livre, en les
« fondant » sur le phénomène de la temporalité (Zeitlichkeit) comme temps « originaire ». Il
parcourt ainsi à reculons le cœur même de la première partie, en partant de l’être-à (dont la
« reprise » à la lumière de la temporalité est effectuée au § 68, intitulé « La temporalité de
l’ouverture en général ») et en revenant vers le monde (dont la « reprise » à la lumière de la
temporalité est effectuée au § 69, intitulé « La temporalité de l’être-au-monde et le problème de la
transcendance du monde »)41. Notons enfin que Heidegger effectue également une « reprise » de
l’espace quotidien comme dimension du monde à la lumière du phénomène de la temporalité
(Zeitlichkeit) comme sens de l’être du Dasein, et qu’il situe – de façon tout à fait cohérente d’un
point de vue « systématique » – cette reprise au § 70 (« La temporalité de la spatialité
du Dasein »), c’est-à-dire immédiatement après la reprise « temporelle » du moment du monde.
39La particularité des deux derniers chapitres de la deuxième section (chapitre 5 et 6), c’est qu’ils
parachèvent en quelque sorte le mouvement – inauguré au quatrième chapitre de la deuxième
section – de reprise « temporelle » ( =effectuée à la lumière de la temporalité comme Zeitlichkeit)
des déterminations ontologiques du Dasein dégagées dans la première section, mais d’une façon
hautement paradoxale. Les deux derniers chapitres « reprennent » en effet des
phénomènes (histoire, temps quotidien) dont Heidegger affirme qu’il constituent intimement l’être
du Dasein quotidien, mais qui ont été complètement passés sous silence dans la première section,
à laquelle ils appartenaient pourtant de plein droit. En d’autres termes, le lieu où les phénomènes
de l’histoire et du temps quotidien font leur première apparition effective dans Sein und
Zeit coïncide avec le lieu de leur « reprise » à la lumière de la temporalité.
40Parce que le phénomène du temps quotidien n’apparaît qu’au terme de l’ouvrage, au lieu d’être
martelé deux fois (une fois dans la première section, une fois dans la seconde), il semble qu’il
marque moins l’esprit du lecteur de Sein und Zeit, qui ne peut s’empêcher de
chercher le phénomène du « temps » dans la temporalité (Zeitlichkeit) originaire – phénomène
qu’il opposera unilatéralement au temps nivelé ou au concept vulgaire de temps (vulgäre
Zeitbegriff), sans voir l’importance phénoménologique et la position médiatrice du temps du monde
(Weltzeit), qui désigne le temps au sein duquel, et en fonction duquel, nous vivons et agissons
quotidiennement – un temps qui résulte de l’auto-explicitation de la temporalité originaire, et qui,
une fois nivelé et recouvert par l’entendement quotidien, peut lui-même donner naissance au
temps vulgaire.
41Du même coup, le lecteur de Sein und Zeit ne pourra s’empêcher de penser que l’espace
(entendons l’espace vécu quotidiennement) est secondaire et dérivé par rapport au « temps » (à la
temporalité originaire) – un « temps » qui n’a pourtant rien à voir avec le temps vécu
quotidiennement, mais qui constitue en quelque sorte la source et la condition de possibilité du
temps quotidien42. Ce que le lecteur ne voit donc pas, c’est que le seul temps qu’il est légitime
d’opposer à l’espace quotidien – à savoir le temps quotidien – est lui-même secondaire et dérivé
par rapport au phénomène du « temps » (de la temporalité) originaire.
42Si l’espace est reconduit à ce « temps » originaire, le temps ne l’est donc pas moins. C’est
uniquement à condition d’entendre par « temps » le phénomène de la temporalité originaire – dont
il faut bien voir qu’il ne désigne ni ce que nous entendons couramment par temps (le temps
vulgaire), ni ce dont nous faisons quotidiennement l’épreuve comme temps (le temps du monde) –,
qu’il est permis de parler d’un « primat » du « temps » sur l’espace – en précisant immédiatement
que ce « primat » s’accompagne toujours d’un primat du « temps » sur le temps.
▪ 43 Die Zeitlichkeit "ist" überhaupt kein Seiendes. Sie ist nicht, sondern zeitigt sich. […] Zeitli (...)
▪ 44 Il nous est impossible de développer ici en détail cette interprétation du temps originaire com (...)
43Si nous saisissons maintenant, comme Heidegger l’exige, que la temporalité (Zeitlichkeit)
comme « temps » originaire n’est pas le nom d’une chose, mais celui d’un procès ou d’un
mouvement de production immanente – ce pourquoi Heidegger affirme que la temporalité
(Zeitlichkeit) n’« est » pas, mais qu’elle produit (zeitigt), et même qu’elle se produit (zeitigt sich),
au sens où elle produit des modes possibles d’elle-même (mögliche Weisen ihrer selbst)43 –, nous
commençons du même coup à comprendre que la double reconduction de l’espace et du temps
quotidiens, comme dimensions du monde, au « temps » originaire comme production immanente
de l’ouverture de l’être en général, n’est peut-être rien d’autre qu’une réinsertion du produit
immanent dans le mouvement même de sa production44.
44Nous aurons l’occasion d’étayer cette thèse en examinant le troisième point qui est manqué par
la thèse courante d’une « réduction » de l’espace au temps dans Sein und Zeit. C’est sur ce
troisième point que nous conclurons notre étude.
453) L’ambiguïté possible du concept de Räumlichkeit, qui signifie à la fois spatialité de l’étant
intramondain et spatialité du Dasein.
46En étudiant cette ambiguïté, nous voudrions faire ressortir la distinction d’une spatialité déjà
constituée, et d’une spatialité en train de « se faire » ou de s’ouvrir. Nous ne pouvons pas ici nous
lancer dans un commentaire intégral des §§ 22 à 24 de Sein und Zeit, mais nous nous
contenterons d’en résumer le mouvement fondamental.
▪ 45 Rappelons brièvement que l’être à portée de la main (Zuhandenheit) désigne dans Sein und Zeit l (...)
47Le § 22 envisage la spatialité au sein de laquelle nous rencontrons l’étant à portée de la main
(zuhanden) à l’intérieur du monde45. Cette spatialité, Heidegger en dégage d’abord les caractères
fondamentaux, en la considérant comme un phénomène donné, dont il ne recherche pas encore
l’origine. C’est autour des deux concepts de « contrée » (Gegend) et de « place » (Platz) –
auxquels correspondent les concepts d’« orientation » (Orientierung) et de « proximité » (Nähe) –
que la description s’articule.
48L’étant à portée de la main (zuhanden), qui est rencontré « de prime abord » (zunächst), est
toujours dans une certaine proximité (in der Nähe). Cette proximité ne se détermine pas comme
un « être situé à une faible distance de… », mais comme une présence dans l’orbe de la
préoccupation quotidienne. Chaque étant à portée de la main possède une place appropriée (une
place pour…), et peut par conséquent être à sa place, ou « traîner » en n’étant pas à sa place. Le
fait que l’étant traîne en n’étant pas à sa place ne signifie pas une pure subsistance dans un point
indifférent de l’espace, mais constitue un mode déficient de l’être-à-sa-place46.
49Tout comme l’être de l’outil, la place ne se détermine jamais isolément, mais toujours à partir
d’une totalité de places, dont la structure est intimement liée à celle de la totalité d’outils dans son
caractère de « tournure » (Bewandtnis). La place est donc toujours le lieu d’une appartenance de
l’outil à la totalité d’outils47.
50L’organisation des différentes places n’est elle-même possible que parce qu’une certaine
dimension (Wohin) est préalablement ouverte, au sein de laquelle une totalité de places peut être
assignée à une totalité d’outils. Cette dimension préalablement ouverte dans le commerce
préoccupé, dimension qui confère à la spatialité de l’étant à portée de la main une certaine
orientation, Heidegger la nomme la contrée (die Gegend). C’est l’ouverture préalable d’une contrée
qui rend d’abord possible la découverte des places respectives des différents étants présents à
l’intérieur du monde sur le mode de l’être à portée de la main (Zuhandenheit)48.
51C’est aussi une telle orientation de la diversité des places de l’étant à portée de la main au sein
d’une contrée qui constitue le caractère ambiant (das Umhafte) de l’étant rencontré aux alentours
(Um-uns-herum) dans le monde ambiant (Umwelt)49.
52La contrée, comme lieu préalable de l’ensemble des places, possède encore le caractère de nous
être familière sans pourtant nous sauter aux yeux et se faire remarquer. Tout comme
l’appartenance de l’outil au monde ne s’annonce que dans un mode déficient de la préoccupation
(par exemple le fait que l’outil soit cassé ou indisponible)50, de la même façon c’est dans un mode
déficient de la découverte (par exemple le fait de ne pas trouver une chose à sa place) que
s’annonce la contrée au sein de laquelle s’organisent les places51.
53Enfin, une telle spatialité propre à l’étant à portée de la main dans son appartenance à un
monde n’est pas fondée par, ou installée dans le « pur espace » de la géométrie, mais c’est au
contraire seulement sur le fond de la spatialité mondaine que nous pouvons d’abord construire et
atteindre ce « pur espace »52.
54Après avoir ébauché les grands traits d’une spatialité qui est elle-même un caractère du monde,
et qui fait que tout étant intramondain (innerweltlich) est toujours et du même coup un étant
intraspatial (innerräumlich)53 – ce qui nous autoriserait à parler d’intraspatialité
(Innerräumlichkeit) pour décrire la spatialité de l’étant intramondain, de la même façon que
Heidegger parle d’intratemporalité (Innerzeitigkeit)54 pour décrire l’appartenance de l’étant
intramondain au temps du monde –, Heidegger envisage la spatialité de l’être-au-monde.
55Dans la mesure où le monde est lui-même un moment structurel de l’être-au-monde, les
déterminations précédentes de la spatialité comme Innerräumlichkeit et comme caractère du
monde devront se retrouver dans la caractérisation de la spatialité de l’être-au-monde effectuée au
§ 23.
56Et ce sont en effet les mêmes concepts fondamentaux de « contrée » et de « place », dans leur
rapport à l’« orientation » et à la « proximité », qui vont servir de fil conducteur à la description de
Heidegger. Cette description présentera systématiquement les déterminations précédentes de la
spatialité de l’étant intramondain comme le résultat d’un mouvement : la place et la proximité
comme résultats d’un mouvement d’Ent-fernung (éloignement) ; la contrée et le caractère orienté
comme produits du mouvement d’Ausrichtung (orientation).
▪ 58 Pour une telle conception de la naissance de l’horizon à la faveur de la courbure d’un mouvemen (...)
57A travers ces deux pôles (le mouvement d’ouverture, et son résultat ou son produit), on peut
déjà voir transparaître la double constitution ekstatique et horizontale de la temporalité
(Zeitlichkeit) originaire : ekstatique, au sens d’un mouvement originaire de « sortie » qui ouvre –
en le déployant – un Dehors plus ancien que l’opposition du « dedans » et du « dehors », ou de la
conscience et du monde55 ; horizontale, au sens d’une dimension ouverte dans et par ce
mouvement ekstatique originaire56 – dimension se déployant comme revers d’un mouvement
ekstatique qui, en raison de sa finitude essentielle, est en quelque sorte clos57 et recourbé sur lui-
même58.
58Heidegger nous dit en effet que si une spatialité doit être attribuée au Dasein, ce n’est pas à la
façon d’une subsistance en un lieu, ou de l’être à portée de la main d’une chose à sa place, mais
c’est sur le fond de l’être-à (In-sein), c’est-à-dire de la façon dont le Dasein est transitivement son
ouverture59, et la déploie dans le commerce préoccupé et familier avec l’étant qui fait encontre à
l’intérieur du monde60.
59La notion d’Entfernung (littéralement : éloignement), Heidegger ne la conçoit pas comme un fait
mais comme un mouvement, « dans une signification active et transitive61 ». L’Entfernung ainsi
comprise signifie : faire disparaître la distance ou l’éloignement, donc rapprocher ou laisser l’étant
faire encontre dans la proximité (Nähe) – proximité qui constitue le corrélat « horizontal » ou le
produit du mouvement « ekstatique » d’Ent-fernung.
▪ 64 Nous retrouvons le même paradoxe au niveau du temps du monde, où la même durée « objective » pe (...)
▪ 65 Sein und Zeit, § 23, pp. 106-107. – Une fois encore, nous retrouvons les mêmes paradoxes au niv (...)
62Heidegger réfléchit aussi à tous ces apparents paradoxes qui témoignent de la non-coïncidence
de l’espace comme dimension du monde et de l’espace objectivé scientifiquement : le fait que la
même distance « objective » puisse être tantôt courte, et tantôt très longue64, ou encore le fait
que ce qui nous est « objectivement » le plus proche soit pourtant plus loin de nous que quelque
chose d’« objectivement » éloigné – ainsi les lunettes sur le bout du nez, qui nous sont moins
proche que le tableau que nous contemplons, ou la personne connue apparaissant de l’autre côté
de la rue, qui nous est plus proche que le trottoir que nous foulons65.
▪ 66 Das umsichtige Ent-fernen der Alltäglichkeit des Daseins entdeckt das An-sich-sein der "wahren (...)
63Tous ces phénomènes liés à l’espace mondain ou quotidien, Heidegger ne les comprend pas
comme les déformations subjectives d’un espace « objectif » préexistant, mais au contraire comme
la révélation originaire de l’étant dans son être-en-soi : « L’éloigner circonspect de la quotidienneté
du Dasein découvre l’être en soi du "vrai monde", de l’étant auprès duquel le Dasein en tant
qu’existant est toujours déjà66. »
▪ 67 Comme le suggère Didier Franck (Heidegger et le problème de l’espace, p. 87), c’est sans doute (...)
▪ 68 Tout ce déni heideggérien du primat accordé au corps par la phénoménologie husserlienne, ne (...)
64Heidegger insiste lourdement sur le fait que la proximité produite dans l’é-loignement (Ent-
fernung) ne doit pas être comprise comme un être-rapproché du lieu occupé par le « corps »
du Dasein, mais que l’expression « dans la proximité » signifie toujours : dans le cercle de l’étant à
portée de la main pour la circonspection. L’« ici67 » du Dasein n’est donc jamais compris à partir
du lieu où se trouve son corps : au contraire, l’ici du Dasein est toujours compris à partir du là-bas
qui caractérise le monde ambiant68. Le Dasein n’est pas d’abord immédiatement « ici », et ensuite
médiatement « là-bas » : il est immédiatement « là-bas », et c’est dans le retour depuis un tel
« là-bas » qu’apparaît son « ici », c’est-à-dire le « ce auprès de quoi » (Wobei) de son être-
auprès69.
66Le § 24 réunit les deux approches de la spatialité (d’abord comme spatialité de l’étant
intramondain, c’est-à-dire comme dimension « horizontale » et « constituée » du monde ; ensuite
comme spatialité de l’être-au-monde, c’est-à-dire comme mouvement « ekstatique » de l’ouverture
du monde), en reprenant la question du rapport entre espace quotidien et espace « objectif »
homogène.
▪ 71 Sein und Zeit, § 24, p. 110. – Heidegger résume ici l’essentiel du § 18 de Sein und Zeit (« Tou (...)
67Le début du texte resserre le lien entre spatialité et mondanéité, tout en les réinsérant dans la
dynamique de l’ouverture. En tant qu’être-au-monde, le Dasein a toujours déjà découvert un
« monde ». Cette découverte a le sens d’un mouvement de libération de l’étant intramondain vers
une totalité de tournure (Bewandtnisganzheit), mouvement qui s’accomplit comme se renvoyer
(Sichverweisen) circonspect, lequel se fonde dans le comprendre préalable de la significativité
(Bedeutsamkeit)71.
▪ 72 Die Freigabe einer Bewandtnisganzheit ist gleichursprünglich ein ent-fernend-ausrichtendes Bewe (...)
▪ 74 In der Bedeutsamkeit, mit der das Dasein als besorgendes In-sein vertraut ist, liegt die wesenh (...)
69Selon Heidegger, c’est en effet dans la significativité, avec laquelle le Dasein comme être-à
(c’est-à-dire le Dasein en tant qu’il est son ouverture73) est familier, que réside l’ouverture
essentielle et co-originaire de l’espace74.
70Ces quelques propos nous montrent que l’espace ne s’ajoute pas au monde, mais que le
mouvement d’ouverture du monde (le comprendre de la significativité75), est du même coup un
mouvement d’ouverture de la spatialité, parce que le caractère spatial est intimement lié à la
significativité du monde.
71Heidegger poursuit dans la même voie lorsqu’il ajoute qu’à la totalité de tournure
(Bewandtnisganzheit) qui constitue l’être de l’étant à portée de la main au sein du monde ambiant,
appartient la tournure spatiale sur le mode de la contrée (gegendhafte Raumbewandtnis). Le
mouvement de laisser l’étant intramondain faire encontre, un mouvement constitutif de l’être-au-
monde, ne s’accompagne donc pas accessoirement d’un mouvement d’ouverture de l’espace, mais
il est en lui-même un donner-espace (Raum-geben)76.
73C’est seulement parce que l’espace quotidien est ouvert – dans le mouvement même de
l’ouverture du monde – par cet amménager (Einräumen) existential, qu’apparaît la possibilité d’une
saisie théorique de l’espace « objectif » au sens de la géométrie78, lequel naît d’une neutralisation
des places et de l’orientation en contrées, et d’un processus de dé-mondanéisation (Entweltlichung)
qui permet le surgissement des pures dimensions et de la multiplicité indifférente des positions
(Stelle)79.
▪ 81 Sein und Zeit, § 24, p. 111 : Der Raum ist vielmehr "in" der Welt, sofern das für das Dasein ko (...)
▪ 82 Sein und Zeit, § 24, p. 110 : In der Bedeutsamkeit, mit der das Dasein als besorgendes In-sein (...)
74En guise de conclusion, Heidegger affirme que l’espace quotidien n’est pas situé « dans » le
sujet, mais que son ouverture coïncide en un certain sens avec le mouvement même de la
« subjectivité » ou du Dasein compris comme être-au-monde80. Il ajoute que le monde n’est pas
dans l’espace, mais que c’est l’espace qui est « dans » le monde, ou plutôt qu’espace quotidien et
monde s’ouvrent en même temps81, dans la mesure où, comme nous l’avons vu précédemment82,
l’espace quotidien co-constitue le phénomène du monde.
IV. Conclusion
▪ 83 Sein und Zeit, § 70, « La temporalité de la spatialité propre au Dasein ».
76En effet, c’est seulement une fois qu’une caractérisation « temporelle » du monde et de la
significativité a été mise au jour, qu’il devient possible d’envisager le phénomène de la spatialité –
lequel est lui-même intimement entrelacé au phénomène du monde –, dans sa double dimension
de spatialité du Dasein et de spatialité du monde.
78Ramener les structures d’être du Dasein à leur sens comme temporalité (Zeitlichkeit) originaire,
c’est en effet ramener ces structures à elles-mêmes (puisque le sens d’être du Dasein n’est rien
d’autre que celui-ci même se comprenant), c’est les réinsérer dans l’événement même de la
compréhension d’être, laquelle est toujours déploiement, reconfiguration, et appropriation d’elle-
même par elle-même86.
79Il ne peut ainsi y avoir, dans Sein und Zeit, de « primat » du « temps » (temporalité) originaire
ni sur l’espace quotidien, ni sur le monde, ni sur le temps quotidien, parce que le temps originaire
n’est pas une entité surplombant le monde, l’espace quotidien, ou le temps quotidien, mais n’est
rien d’autre que l’événement même de leur production immanente.
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NOTES
1 Der Versuch in « Sein und Zeit » § 70, die Räumlichkeit des Daseins auf die Zeitlichkeit
zurückzuführen, lässt sich nicht halten. (Zur Sache des Denkens, Max Niemeyer, Tübingen, 19883,
p. 24.)
4 Notons d’emblée que notre propos n’est pas de critiquer ou d’avaliser la lecture interrogative de Sein
und Zeit tentée par Didier Franck dans Heidegger et le problème de l’espace (Paris, Minuit, 1986). Le
présupposé fondamental de cette lecture (Heidegger et le problème de l’espace, pp. 13-14), qui est
avant tout une méditation sur l’inachèvement d’Être et temps, réside en effet dans l’idée – fondée sur le
seul passage de la conférence Temps et être que nous venons de citer – d’une rétractation tardive de
Heidegger quant au « primat » du temps sur l’espace dans son ouvrage de 1927. C’est uniquement le
sens et l’ambiguïté de ce « primat » que nous entendons discuter ici. Une telle discussion nous semble
constituer le préalable à une évaluation de la « rétractation » de Heidegger, mais aussi à l’étude des
rapports de l’espace et du temps dans l’œuvre ultérieure de Heidegger, et notamment dans les fameux
§§ 238-242 des Beiträge zur Philosophie (GA 65, Vittorio Klostermann, Frankfurt am Main, 19891,
pp. 371-388).
13 Dans son ouvrage d’introduction à la pensée du « premier » Heidegger (De l’existence ouverte au
monde fini. Heidegger 1925-1930, Paris, Vrin, 2005, pp. 97-100), Alexander Schnell a récemment insisté
sur l’importance de distinguer trois niveaux de temporalité (qu’il nomme respectivement : temps
originaire [=temporalité du Dasein], temps préoccupé [=temps du monde], temps « vulgaire ») là où les
lectures « classiques » (par exemple celle de Ricœur) n’en voient que deux (temporalité originaire et
temps « vulgaire »). – Si A. Schnell laisse de côté, dans sa présentation de l’analyse du temps dans Sein
und Zeit, la quatrième acception possible du concept de temps, à savoir le temps comme Temporalité de
l’être (Temporalität), c’est sans doute parce qu’il s’en tient aux analyses effectivement et expressément
développées par Heidegger dans la partie publiée de l’ouvrage de 1927.
14 La description la plus complète et la plus claire de l’usage quotidien de l’horloge se trouve dans le
cours du semestre d’été 1927, intitulé Die Grundprobleme der Phänomenologie, GA 24, Vittorio
Klostermann, Frankfurt am Main, 19751, §19b, α, pp. 363 et suivantes. (Traduction française par Jean-
François Courtine sous le titre Les problèmes fondamentaux de la phénoménologie, Paris, Gallimard,
1985, pp. 309 et suivantes).
15 Sein und Zeit, § 80, p. 416. Cf. aussi (et sans prétendre à l’exhaustivité) Die Grundprobleme der
Phänomenologie, GA 24, Vittorio Klostermann, Frankfurt am Main, 19751, p. 363 (Les problèmes
fondamentaux de la phénoménologie, Paris, Gallimard, 1985, pp. 309) ; Metaphysiche Anfangsgründe
der Logik, GA 26, Vittorio Klostermann, Frankfurt am Main, 19781, p. 257.
23 Les quatre caractères sont résumés dans Sein und Zeit, § 80, p. 416.
24 Pour une approche plus détaillée du rapport entre Zeitlichkeit et Temporalität dans Sein und Zeit,
nous renvoyons à l’ouvrage de Françoise Dastur, Heidegger et la question du temps, Paris, P. U.F.,
19993, pp. 28-38, « Le sens temporal de l’être ».
27 Dans la mesure où nous ne pouvons ici nous engager plus avant dans cette question, nous nous
contenterons de rappeler la déclaration de Heidegger à la fin de son cours du semestre d’été 1927 :
« L’élaboration de la problématique ontologique en général est centrée sur la mise au jour de la
temporalité (Zeitlichkeit) du Dasein, envisagée dans sa fonction temporale (temporale). Il importe, en
toute sobriété, de noter clairement que la temporalité (Zeitlichkeit) n’est pas quelque chose qu’il s’agirait
d’apercevoir à travers je ne sais quelle mystérieuse intuition suprasensible, mais qu’elle ne se révèle
qu’au terme d’un travail conceptuel spécifique déterminé. Cependant, elle n’est pas non plus introduite
ici à titre d’hypothèse, sans que nous puissions jamais la prendre en vue elle-même. En réalité, nous
pouvons très bien étudier les traits fondamentaux de sa constitution, dévoiler les possibilités de sa
temporalisation (Zeitigung) et leurs modifications, mais à la seule condition de partir de l’essence
facticielle concrète de l’existence du Dasein, c’est-à-dire de s’orienter et de rester fixer sur l’étant qui est
dévoilé avec le Dasein lui-même et qui vient à sa rencontre. » (Les problèmes fondamentaux de la phé-
noménologie, Paris, Gallimard, 1985, pp. 391-392 [=GA 24, p. 465].)
34 EXEMPLES :
a) Supposons que monsieur Smith, emporté par une velléité philosophique soudaine, s’abîme dans la
contemplation de deux galets posés sur un guéridon, en s’interrogeant sur la nature de l’espace comme
partes extra partes. Après quelque temps d’intense réflexion, le voici pris d’une fringale. Il se lève, quitte
le salon, et se dirige vers la cuisine pour chercher dans le frigo quelque chose à grignoter. Par ce geste
même, qui peut tout à fait s’accompagner d’une poursuite de sa réflexion « théorique » sur l’espace,
monsieur Smith atteste la présence d’une autre modalité, plus originaire, de l’espace : un espace
quotidien, au sein duquel chaque chose possède sa place dans une région déterminée (ainsi monsieur
Smith affamé ne fouille-t-il pas toutes les pièces de la maison, mais il se dirige immédiatement vers la
cuisine, et sait qu’il est inutile de chercher dans la salle de bain), un espace qui sert de sol à la
représentation théorique de l’espace homogène comme ensemble de positions.
b) Supposons encore que, suite à une émouvante lecture de Lamartine, madame Martin entre en
méditation et que, perdue dans la contemplation du mouvement des aiguilles de l’horloge, elle
réfléchisse à la nature du temps, et à sa fuite inéluctable dans la succession infinie des maintenant.
Subitement, la pendule sonne sept heures, et madame Martin se rend compte que si elle ne se dépêche
pas, elle risque d’arriver en retard à son club de bridge. La voici qui s’habille en vitesse, jette un coup
d’œil anxieux à l’horloge pour voir si elle aura le temps de manger une tartine, et se précipite vers son
automobile – attestant par là l’existence d’une autre modalité, plus originaire, du temps : un temps
quotidien, dans lequel chaque chose a son temps (un temps pour rêvasser, un temps pour le bridge, et
pas le temps de manger !), un temps qui passe plus ou moins vite et qui sert de sol à la représentation
« théorique » du temps comme flux infini des maintenant.
41 Notons au passage que Heidegger n’envisage pas ici expressément le moment intermédiaire, celui du
« qui », développé au quatrième chapitre de la première section de Sein und Zeit (« L’être-au-monde
comme être-avec et être-soi-même. Le "On" »).
43 Die Zeitlichkeit "ist" überhaupt kein Seiendes. Sie ist nicht, sondern zeitigt sich. […] Zeitlichkeit
zeitigt und zwar mögliche Weisen ihrer selbst. (Sein und Zeit, § 65, p. 328.)
44 Il nous est impossible de développer ici en détail cette interprétation du temps originaire comme
production immanente. Nous avons exposé cette interprétation, en la fondant sur les textes du
« premier » Heidegger, dans la première section d’une thèse de doctorat intitulée Identité, différence,
production immanente. Prolégomènes à une lecture « systématique » de l’œuvre de Heidegger. Nous ne
pouvons ici que justifier d’une manière purement formelle, en nous fondant sur quelques unes des
« propositions » fondamentales de Sein und Zeit, l’idée de la temporalité originaire comme production
immanente de l’ouverture de l’Ouvert, ou de l’être en général.
1) Nous avons vu que la temporalité originaire heideggérienne est, comme l’imagination transcendantale
kantienne, essentiellement productive : « produire » est en effet le sens le plus courant du verbe
allemand zeitigen, et Heidegger n’hésitera pas à parler, dans le cours du semestre d’été 1928, d’une
« productivité immanente » (innere Produktivität) de la temporalité (cf. Metaphysiche Anfangsgründe der
Logik, GA 26, Vittorio Klostermann, Frankfurt am Main, 19781, p. 272).
2) Nous avons également appris que cette production ne produit pas quelque chose d’extérieur (ou de
transcendant) au producteur, mais que le producteur (ici la temporalité originaire) s’y produit en quelque
sorte lui-même (Sein und Zeit, § 65, p. 328), de sorte que le produit n’est pas véritablement distinct du
producteur – ce pourquoi la production dont il est ici question peut être qualifiée d’immanente.
3) Se produisant elle-même dans un mouvement de production immanente, la temporalité originaire
produit le sens de l’être du Dasein (Sein und Zeit, § 65, titre), un sens qui n’est lui-même rien d’autre
que « le Dasein même se comprenant » (Sein und Zeit, § 65, p. 325) – bref rien d’autre que le Dasein
dans le mouvement du comprendre entendu comme détermination fondamentale de son être (Sein und
Zeit, § 31).
4) Or qu’est-ce que le Dasein, et que comprend le comprendre ? Le Dasein n’est rien d’autre
qu’ouverture (Sein und Zeit, § 28, p. 133), et le comprendre, comme détermination ontologique
fondamentale du Dasein, comprend toujours l’être en général (Sein und Zeit, § 31, p. 147) – ce pourquoi
l’ouverture que le Dasein est, n’est rien d’autre qu’une ouverture de l’être en général (Sein und Zeit, §
31, p. 147).
En tant que production (1) immanente (2) d’elle-même comme sens de l’être du Dasein, c’est-à-dire
comme Dasein se comprenant (3) ou comme ouverture de l’être en général (4), la temporalité originaire
apparaît donc comme production immanente de l’ouverture de l’être en général.
45 Rappelons brièvement que l’être à portée de la main (Zuhandenheit) désigne dans Sein und Zeit le
mode d’être de l’« outil » (Zeug), au sens extrêmement large de l’étant tel que nous le rencontrons dans
la vie quotidienne (du stylo au soleil en passant par la table, le vent du sud ou la maison), avant toute
considération « théorique » qui ne l’envisage plus que sur le mode de la pure subsistance
(Vorhandenheit). La caractéristique ontologique principale de l’étant à portée de la main (zuhanden),
c’est qu’il ne subsiste jamais isolément, mais qu’il est toujours inséré au sein d’un ensemble de rapports
de renvoi, eux-mêmes enracinés dans une possibilité d’existence du Dasein (le stylo renvoie à la feuille
de papier, qui renvoie au bureau et à la rédaction d’un travail en vue d’un exposé ou d’une publication).
C’est l’ensemble de ces rapports de renvoi dans leur lien aux possibilités d’existence du Dasein qui
constitue le phénomène du monde (Welt). Comprendre l’étant à portée de la main dans son être, c’est
comprendre son insertion dans l’ensemble des rapports de renvoi – insertion qui fait de cet étant une
« chose pour… » (etwas, um zu…) (par exemple le stylo est pour écrire, ou le loquet pour ouvrir la
porte) –, ou encore comprendre qu’avec cet étant, il retourne de ceci ou de cela (Es hat mit ihm bei
etwas sein Bewenden) – ce pourquoi Heidegger nomme « tournure » (Bewandtnis) l’être de l’étant à
portée de la main, et « totalité de tournure » (Bewandtnisganzheit) l’ensemble des rapports de renvois
constituant le phénomène du monde dans sa structure de significativité (Bedeutsamkeit). (Pour tout ceci,
cf. Sein und Zeit, §§ 15-18.)
58 Pour une telle conception de la naissance de l’horizon à la faveur de la courbure d’un mouvement
ekstatique fini qui « s’enclôt lui-même », on se reportera au § 12 du cours du semestre d’été 1928, et à
la représentation figurée que Heidegger y donne du rapport unissant horizon et mouvement ekstatique
(Metaphysiche Anfangsgründe der Logik, GA 26, Vittorio Klostermann, Frankfurt am Main, 19781, § 12
pp. 266 et 269). Si le schéma heideggérien de 1928 peut tout d’abord apparaître « décevant » (c’est
ainsi qu’en juge Jean Greisch, qui reproduit ce schéma à la page 324 de son ouvrage Ontologie et
temporalité, Paris, P. U.F., 1994), il nous semble pourtant figurer à merveille le lien entre finitude ou
clôture du mouvement ekstatique (figuré par le tracé d’une courbe qui revient sur elle-même) et
ouverture de l’horizon (figuré par le point d’interrogation placé au point de rebroussement de la courbe).
– Nous ne pouvons, dans le cadre de cet article, nous engager plus avant dans l’étude de la double
constitution ekstatique et horizontale de la temporalité originaire. Nous renvoyons sur ce point à la
présentation concise et profonde qu’en a fournie Françoise Dastur dans son ouvrage Heidegger et la
question du temps (Paris, P. U.F., 19993, pp. 97-108, « Le développement de l’ontologie temporale
comme science transcendantale de 1927 à 1929 ») à partir de l’étude des cours et opuscules de
Heidegger faisant immédiatement suite à Sein und Zeit.
64 Nous retrouvons le même paradoxe au niveau du temps du monde, où la même durée « objective »
peut passer très vite ou très lentement, être un instant ou une éternité.
65 Sein und Zeit, § 23, pp. 106-107. – Une fois encore, nous retrouvons les mêmes paradoxes au
niveau du temps de la vie quotidienne : ainsi l’individu plongé dans ses souvenirs ou accablé par un deuil
est plus proche du « passé » que du présent qu’il traverse à la façon d’un somnambule. Dans la
perspective phénoménologique qui est celle de Heidegger, il ne s’agit pas ici d’une déformation
subjective ou d’une simple « représentation » : à travers le souvenir ou le deuil, c’est le passé en soi qui
vit en nous.
66 Das umsichtige Ent-fernen der Alltäglichkeit des Daseins entdeckt das An-sich-sein der "wahren
Welt", des Seienden, bei dem Dasein als existierendes je schon ist. (Sein und Zeit, § 23, p. 106, souligné
par Heidegger.)
67 Comme le suggère Didier Franck (Heidegger et le problème de l’espace, p. 87), c’est sans doute avec
la phénoménologie husserlienne des Ideen II que Heidegger est en dialogue dans son examen de
l’ « ici ».
68 Tout ce déni heideggérien du primat accordé au corps par la phénoménologie husserlienne, ne signifie
pas que le Dasein serait un pur esprit désincarné, ou que Heidegger aurait manqué le phénomène du
« corps propre ». Ce que Heidegger tente de nous montrer, c’est que le Dasein est certes son corps,
mais qu’il est bien plus que cela : le Dasein est d’abord, et avant tout, son monde ou son ouverture, et il
« est » aussi l’ensemble de l’étant rencontré à l’intérieur de cette ouverture. Pour concevoir l’idée d’un
rapport privilégié de l’homme à son propre corps, il faut déjà adopter une attitude aussi artificielle que
celle qui nous donne accès à un sujet pensant clos sur lui-même et détaché de l’élément de l’étendue.
Pour me sentir « moi-même » indépendamment du « monde », je dois en quelque sorte fermer les yeux
– au sens propre et au sens figuré – sur le monde et me concentrer artificiellement sur ce « corps » qui
est mien, et qui est censé constituer la limite de ce qui est proprement « mien ». Une telle attitude est
pourtant un geste « fondé ». La donnée immédiate phénoménologiquement, c’est que je « me » sens –
au sens restreint d’une épreuve de mon propre corps – aussi immédiatement que je sens le monde
environnant. Même la maladie, qui rend plus aiguës les sensations de mon corps, est toujours, et tout
aussi immédiatement, un sentir du monde environnant, de l’heure et de la saison. C’est cette conception
d’une portée immédiatement « cosmique » – et non plus seulement « somatique » – du sentir, qui
constitue l’enjeu et la radicalité de l’analyse heideggérienne de la disposition (Befindlichkeit) et des
tonalités affectives (Stimmungen) au § 29 de Sein und Zeit.
71 Sein und Zeit, § 24, p. 110. – Heidegger résume ici l’essentiel du § 18 de Sein und Zeit (« Tournure
et significativité ; la mondanéité du monde »).
74 In der Bedeutsamkeit, mit der das Dasein als besorgendes In-sein vertraut ist, liegt die wesenhafte
Miterschlossenheit des Raumes. (Sein und Zeit, § 24, p. 110.)
81 Sein und Zeit, § 24, p. 111 : Der Raum ist vielmehr "in" der Welt, sofern das für das Dasein
konstitutive In-der-Welt-sein Raum erschlossen hat. (« L’espace est plutôt "dans" le monde, dans la
mesure où l’être-au-monde qui est constitutif du Dasein a [déjà] ouvert de l’espace »).
82 Sein und Zeit, § 24, p. 110 : In der Bedeutsamkeit, mit der das Dasein als besorgendes In-sein
vertraut ist, liegt die wesenhafte Miterschlossenheit des Raumes. (« Dans la significativité, avec laquelle
le Dasein comme être-à préoccupé est familier, réside l’ouverture essentielle et co-originaire de
l’espace. »)
Référence papier
Julien Pieron, « Quelques réflexions sur le problème de la « réduction » de l’espace au temps dans Sein
und Zeit », Philosophique, 9 | 2006, 39-61.
Référence électronique
Julien Pieron, « Quelques réflexions sur le problème de la « réduction » de l’espace au temps dans Sein
und Zeit », Philosophique [En ligne], 9 | 2006, mis en ligne le 06 avril 2012, consulté le 06 mars
2023. URL : http://journals.openedition.org/philosophique/105 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/philosophique.105
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AUTEUR
Julien Pieron