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TEXTE NOTES
TEXTE INTÉGRAL
• 1 Sur l’expansion viking en Atlantique Nord, voir J. Arneborg, « The
norse settlements of Greenland » (...)
Le peuplement humain :
économie, langue, culture et
société
• 3 J.H. Barrett, S. Boessenkool, C.J. Kneale et al., « Ecological
globalisation, serial depletion and (...)
11Le Livre des Islandais est remarquable pour trois raisons. Tout
d’abord, il nous procure des renseignements précieux auxquels
nous n’aurions autrement pas eu accès, lui seul les abritant. C’est
pourquoi il convient également de le manier avec précaution, car
il est de toute évidence écrit du point de vue d’une personne
appartenant à un groupe social et familial qui construit le passé
selon sa mémoire et – on peut le penser – ses intérêts. Il est
impossible, cependant, de ne pas être sensible à la volonté
manifeste de l’auteur de convaincre son lecteur de la véracité de
ses dires : il cite en effet ses informateurs et explique comment
ces derniers ont obtenu ces renseignements15. Le troisième
aspect important de ce texte est qu’il donne un cadre temporel à
l’histoire du peuplement de l’Islande. Ainsi, il offre à ses
contemporains et aux générations suivantes les moyens de
percevoir la profondeur du passé de leur société et des principales
institutions qui la gouvernent.
• 16 Livre de la colonisation de l’Islande, trad. de l’islandais ancien
annotée et commentée par R. Boye (...)
12À cet axe temporel propre au Livre des Islandais s’en ajoute un
autre, spatial cette fois. Le Landnámabók, littéralement « le livre
de la prise des terres », plus souvent appelé Livre de la
colonisation, notamment dans la traduction de Régis Boyer16,
énumère, région par région, les premiers colons et les terres sur
lesquelles ils se sont établis. Les versions conservées du livre
datent du XIIIe siècle, mais l’une d’entre elles fait référence à un
premier « livre de colonisation » composé par Ari Thorgilsson,
auteur du Livre des Islandais. Contrairement aux versions qui
nous sont parvenues et qui se caractérisent par un fort contenu
narratif, le manuscrit original du Livre de la colonisation était
probablement une simple liste des colons et des terres dont ils
avaient pris possession.
• 17 T.H. Tulinius, « Skrásetning og stjórnun lands og lýðs. Um
Landnámuritun og goðamenningu », in H. B (...)
• 23 T.H. Tulinius, The Enigma of Egill. The Saga, the Viking Poet, and
Snorri Sturluson, trad. de V. Cr (...)
27L’un des mérites de ces grandes fresques que sont les sagas
royales à leur apogée, c’est-à-dire durant la première moitié
du XIIIe siècle, réside dans la présence de personnages secondaires
qui, pour un temps, deviennent le personnage principal du récit,
avant que le roi ne retrouve la place centrale. On a longtemps cru
que ces épisodes avaient eu une existence indépendante, orale ou
écrite, avant d’être incorporés dans les sagas royales. Cette idée
est aujourd’hui fortement contestée par des chercheurs qui ont
montré que cet entrelacement de plusieurs fils narratifs relevait
d’une esthétique toute médiévale32. Toutefois, ce qui suscite ici
notre intérêt, c’est que l’objet de ces récits était souvent des
Islandais, dont parfois des scaldes qui composaient en l’honneur
du roi, mais qui pouvaient également se rendre auprès de lui pour
d’autres raisons.
Un système littéraire
• 33 T. Todorov, Mikhaïl Bakhtine. Le principe dialogique, Paris, Seuil,
1981.
· Sagas de saints
· Sagas de
· Sagas royales sur des rois du
chevaliers,
passé lointain
Passé lointain traduites et
· Sagas légendaires
autochtones
· L’Edda de Snorri Sturluson
· Sagas antiques
et bibliques
Période du peuplement et de · Sagas des premiers · Sagas royales sur des rois
la conversion Islandais historiques (Óláfr Tryggvason,
(du IXe au XIe siècle) · Íslendingabók (Livre des saint Olaf, Haraldr harðráði,
Islandais) etc.)
· Landnámabók (Livre de la · Sagas sur d’autres régions de
colonisation) la diaspora viking
(Jómsvíkinga
saga, Orkneyinga saga, Eiríks
saga)
39Ce n’est sans doute pas un hasard si les sagas des premiers
Islandais émergent au moment où la société, du moins dans ses
couches supérieures, subit des changements souvent douloureux
et quelquefois violents. Sous l’impulsion de la réforme
grégorienne, l’Église, jusqu’alors contrôlée par l’aristocratie
laïque, revendique son indépendance en même temps qu’elle
renforce son emprise sur les individus en affirmant son rôle
pastoral39. À partir des années 1220, la royauté affermit par
ailleurs son pouvoir en Norvège et s’efforce de l’étendre aux
communautés nordiques de l’Atlantique. Auparavant, on avait
assisté à une concentration des pouvoirs entre les mains de
quelques familles islandaises ; dès 1235, elles se livrent une
compétition acharnée pour la domination du pays soit en tant que
représentants du roi de Norvège, soit pour leur propre compte40.
• 41 Sturlunga saga, op. cit., t. II, p. 211 ; La Saga des
Sturlungar, op. cit., p. 319.
42Si le contexte historique dans lequel ont émergé les sagas des
premiers Islandais a été décrit, le contexte social et matériel de
leur apparition ne l’a pas encore été. Tout d’abord, au XIIe siècle,
l’aristocratie laïque islandaise savait déjà lire et
vraisemblablement écrire. D’autre part, ses membres les plus
puissants s’entouraient de clercs pour les aider tant à administrer
leurs biens qu’à gérer leurs écritures, mais aussi à accéder au
salut de leur âme. Le plus important, cependant, c’est que tout
porte à croire que les sagas avaient une fonction considérable
dans les fêtes que les seigneurs islandais donnaient. Ces festins,
organisés à l’occasion de mariages ou des fêtes de Noël, duraient
plusieurs jours. Les convives pouvaient être nombreux et il fallait
les divertir. Certains récits tirés de diverses sagas conduisent à
penser que ce fut une motivation majeure de leur composition et
de leur circulation, et que bien souvent les seigneurs en étaient
eux-mêmes les auteurs. Toutefois, ces récits ne mettant pas en
scène la lecture à voix haute de sagas des premiers Islandais, il
nous est seulement possible de dire que le divertissement était un
motif probable de leur composition. Elles possèdent en effet des
qualités artistiques réelles qui impliquent un effort et un talent
particuliers des auteurs, ainsi qu’un public exigeant qui savait
distinguer entre une saga bien ou mal composée42.
*
• 43 Egils saga, éd. B. Einarsson, Londres, Viking Society for Northern
Research, 2003.
23 T.H. Tulinius, The Enigma of Egill. The Saga, the Viking Poet, and
Snorri Sturluson, trad. de V. Cribb, Ithaca (NY), Cornell University
Library, 2014, en particulier les chap. IV et V.