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Leur brève incursion suscite l'épouvante jusqu'à la cour du roi des Francs, le futur
Charlemagne. Il est vrai qu'ils ne font pas les choses à moitié.
Peu nombreux, ils tombent sur leur proie par surprise puis pillent et tuent avec des
raffinements de cruauté. En mutilant horriblement leurs victimes, en incendiant tout sur
leur passage, ils entretiennent autour d'eux une réputation de violence qui enlève à
quiconque l'envie de leur résister autrement que par la fuite.
Terreur et guerre psychologique
Ces guerriers d'un genre nouveau sont désignés par leurs contemporains comme les
hommes du nord (Nortmanni ou Normands dans les langues germaniques de l'époque).
Eux-mêmes s'appellent Vikings, ce qui signifie « guerriers de la mer » dans leur langue,
le norrois (le radical vik signifiant port comme dans Reikjavik). Ils appartiennent à des
peuples apparentés aux Germains qui habitent la Scandinavie (aujourd'hui, Danemark,
Suède et Norvège).
C'est par un abus de langage que l'on désigne l'ensemble de ces peuples du nom que
ceux-ci donnaient à la minorité de mauvais garçons qui choisissaient l'aventure
maritime, le pillage et la guerre !
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces peuples ont atteint un haut degré de
civilisation. Ils pratiquent l'élevage et l'agriculture dans un réseau de villages paisibles.
Ils maîtrisent très bien la métallurgie du fer et sont de bons forgerons. Ils jouissent d'une
organisation sociale solide et cultivent la poésie épique en se racontant les mythes de
leurs dieux et de leurs héros.
Mythologie nordique
Les Vikings pratiquent une religion polythéiste (*) organisée autour de trois divinités
principales :
- Odin, dieu principal (équivalent de Zeus chez les Grecs et Jupiter chez les Romains),
- Thor, son fils, dieu du tonnerre (dont on retrouve le nom dans le mot anglais thursday,
le jour de Thor, ou jeudi),
- Freyr, le dieu de la fertilité et des récoltes (que l'on retrouve dans le mot anglais friday,
le jour de Freyr, ou vendredi).
À ces divinités bienfaisantes s'oppose le mauvais génie Loki, qui provoquera la fin du
monde.
Les Vikings croient en une vie après la mort. Les guerriers morts au combat sont
appelés à rejoindre le Walhalla (ou paradis), où les attendent de belles Walkyries. La
gravure ci-dessus représente l'arrivée d'un guerrier au Walhalla. Il est monté sur
Sleipnir, le cheval à 8 jambes du dieu Odin.
Les Vikings sont quelques poignées de mauvais garçons réfractaires à cette existence.
Ils se retrouvent dans les ports et là, bénéficiant d'un savoir-faire multiséculaire dans la
navigation, ils empruntent des bateaux et partent en quête d'aventures et de gloire.
Les bateaux des Vikings sont connus sous leur nom norrois de knörr (on écrit aussi
knarr). Ils ont une apparence fragile. Non pontés, à fond plat, dotés d'une grande voile
carrée, ils n'en sont pas moins capables d'affronter les océans et de remonter les fleuves.
Leur proue représente une figure d'animal (bélier, bison, grue....) qui donne son nom au
navire.
Les plus allongés de ces bateaux (une vingtaine de mètres de long sur cinq de large)
sont appelés Langskip. Ils transportent une vingtaine d'hommes et éventuellement des
chevaux.
Selon l'historien Régis Boyer, le mot drakkar par lequel les Français désignent les
bateaux vikings aurait été inventé à l'époque romantique, par allusion au dragon de la
proue et avec deux k pour faire plus exotique !!!
Malgré son succès, le raid des Vikings à Lindisfarne reste longtemps sans suite. C'est
seulement après la mort de l'empereur Charlemagne, en 814, que, profitant de la
division des Francs, les Vikings multiplient leurs incursions en Occident. Ils occupent
une moitié de l'Irlande et envahissent l'Angleterre en 865.
Sur le continent, des Vikings venus du Danemark occupent l'archipel de la Frise, au
nord des Pays-Bas actuels, à la fin du IXe siècle. Mais ils sont défaits par le roi de
Germanie Arnoul de Carinthie le 1er septembre 901 à Louvain.
Plus au sud, ils remontent la Seine et la Loire. Ils attaquent Paris en 845 avec leur
violence coutumière. Quelques rares seigneurs francs sont en état de leur résister. Parmi
eux Robert le Fort, ancêtre des futurs rois de France. En 886, les Vikings tentent une
nouvelle fois de piller Paris mais ils sont repoussés après un long siège grâce à l'énergie
du comte Eudes, fils de Robert le Fort, et de Gauzlin (ou Josselin), abbé de Saint-
Germain des Prés et évêque de la ville (son succès vaudra à Eudes d'être couronné roi
par ses pairs, les seigneurs de Francie occidentale).
Leurs épouvantables bateaux (knörr) atteignent même les rivages italiens après avoir
franchi le détroit de Gibraltar.
Un des chefs varègues, Riourik (ou Riurik), fonde en 860 la principauté de Novgorod,
entre les villes actuelles de Saint-Pétersbourg et Moscou. Son fils Oleg le Sage fonde en
879 une nouvelle principauté à Kiev, plus au sud (aujourd'hui capitale de l'Ukraine).
Cette principauté sera à l'origine de l'État russe et c'est de la descendance de Riourik et
Oleg que sortiront les premiers tsars !
Descendant les fleuves russes, certains Varègues en viennent à mettre le siège devant
Constantinople, la prestigieuse capitale de l'empire byzantin !
Ce n'est pas tout. Au cours du même siècle, des Vikings de Norvège atteignent l'Islande
(un nom qui signifie « île de glace »). Ils entament la colonisation de l'île en 874 et
mettent en place ce qui serait le premier Parlement du monde, à savoir une assemblée
annuelle, le Althing, où chaque homme libre pouvait réclamer justice et faire valoir ses
droits. Leurs 200.000 descendants constituent aujourd'hui l'une des nations les plus
prospères et les plus pacifiques du monde.
En 982, le chef viking Éric (ou Erik) le Rouge est contraint de s'enfuir d'Islande à la
suite d'un meurtre commis par son père. Il navigue vers l'ouest. Bénéficiant d'une mer
dégagée, sans glaces flottantes du fait de l'« optimum médiéval », il accède à une grande
île chargée de glace avec quelques maigres prairies sur les littoraux. Il la baptise
Groenland, un nom qui signifie « terre verte », histoire d'y attirer des colons !
Le fils d'Éric le Rouge, Leif Ericsson, introduit le christianisme dans la petite colonie du
Groenland et part à son tour à l'aventure vers l'ouest avec un petit équipage de 35
hommes. Cela lui vaut d'atteindre une nouvelle terre en l'an 1000 qu'il baptise selon
l'endroit Helluland (« pays des pierres plates »), Markland (« pays des forêts ») ou
Vinland (« pays de la vigne »). Cette terre, qu'il n'arrivera pas à coloniser durablement,
ne serait rien d'autre que le Labrador actuel, une grande presqu'île au nord du fleuve
Saint-Laurent. Leif Ericsson serait ainsi le premier Européen à avoir atteint l'Amérique !
L'Europe viking
En Europe, pendant ce temps, les farouches Vikings se sont assagis mais n'ont rien
perdu de leurs qualités ni de leur courage. En 911, d'après la chronique, le roi
carolingien Charles le Simple négocie à Saint-Clair-sur-Epte, à l'ouest de Paris, un traité
avec un chef viking connu sous le nom de Rollon (plus facile à prononcer que la version
danoise, Hrolfr).
Un siècle et demi plus tard, son lointain descendant, le duc de Normandie Guillaume le
Bâtard, part à la conquête de l'Angleterre. De lui descendent tous les rois d'Angleterre
jusqu'à nos jours.
Entre-temps, dans les années 1030, les fils de Tancrède de Hauteville, un descendant
des farouches Vikings de Rollon, se rendent en pèlerinage à Jérusalem... Sur le chemin
du retour, ils débarquent en Italie du sud. La région est alors sous la domination
théorique des Byzantins et en proie à des dissensions entre seigneurs ! Avec leurs
hommes, les Normands chassent les Byzantins de la péninsule et y établissent leur
propre domination.
Bibliographie
Gallimard Jeunesse a publié un intéressant livre destiné aux adolescents (et à leurs
parents) : Sur les traces des Vikings, par Yves Cohat et Estelle Girard (octobre 2003,
128 pages, 10 euros).