Un Autre Monde pour Épées & Voleurs

Un Autre Monde pour Épées & Voleurs

Troisième cadre de jeu alternatif pour E&V, après Mars et Rome, Ys vous propose de découvrir la célèbre cité
légendaire bretonne – avant que les flots ne l’engloutissent à jamais… Ancré dans l’imaginaire magique celtique
et l’ambiance crépusculaire d’un empire romain finissant, ce nouveau décor de chronique ajoute bien sûr à ces
éléments la touche particulière E&V, invitant les joueurs à incarner des aventuriers venus chercher fortune dans
une cité orgueilleuse et décadente, dont la puissance défie à la fois le pouvoir de Rome, la foi chrétienne et la colère
des éléments. Si vous n’êtes pas familier de la légende d’Ys, un petit tour par Wikipédia pourrait vous en apprendre
davantage – et les MJ trouveront également en appendice divers ouvrages de références, à commencer par les deux
principales sources d’inspiration de notre vision d’Ys : l’extraordinaire Cycle du Roi d’Ys de Poul et Karen Anderson
et la magnifique bande dessinée Bran Ruz, de Claude Auclair et Alain Deschamps.

Un petit mot plus personnel : je désirais depuis déjà (très) longtemps écrire un jeu de rôle ou un sourcebook sur la
Cité d’Ys, dont la légende occupe une place particulière dans mon imaginaire. Ce mini-supplément pour E&V m’a
finalement permis de concrétiser ce souhait, par un chemin de traverse inattendu… Bienvenue à Ker-Ys !

La Ville-Légende 3

Aventuriers en Ys 4

Les Mystères d’Ys 5

Bestiaire Celtique 6

Un Monde d’Aventures 7

Au-Delà d’Ys 8

Appendice : Inspirations & Références 9

Un supplément écrit et réalisé par Olivier Legrand (2022)

Dédié à Stéphane Adamiak, compagnon en imaginaire et citoyen d’honneur d’Ys l’éternelle.

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Cette page présente notre version de la cité d’Ys, imaginée à
partir de sources légendaires et littéraires diverses.
La Cité de la Mer
La majestueuse cité d’Ys se situe face à la baie de Douarnenez,
dans le pays de Cornouaille. Les Bretons la nomment Ker-Is,
ce qui signifie « ville basse ». A marée haute, Ys se trouve en
effet sous le niveau de la mer, dont elle est protégée par une
impressionnante digue. Seule une monumentale porte de
bronze permet d’entrer ou de sortir du port lorsque la marée
est haute… Si la porte venait alors à s’ouvrir ou la digue à
céder, la cité se trouverait engloutie sous les eaux en quelques
minutes… Mais tant que la clé de la porte restera au cou du
roi Gradlon, Ys n’aura rien à craindre de l’océan…
Une Histoire Unique
Contrairement à ce que racontent certains Armoricains de
l’intérieur des terres, Ys n’a pas été bâtie en quelques jours
(voire en une nuit…) par magie mais fut fondée voici
plusieurs siècles, au temps où les Phéniciens de Carthage
commerçaient avec les Celtes maîtres des mines d’étain du sud
de l’île de Bretagne.
Dès les premiers temps, les Carthaginois ayant établi leur
comptoir maritime se mêlèrent à la population locale,
donnant bientôt naissance à un peuple unique, les Yssiens,
fruits d’un double-héritage celte et punique.
À la chute de Carthage (149 avant JC), la colonie d’Ys devint,
de fait, une cité-état indépendante, passant ensuite sous
l’autorité de Rome lorsque les légions s’emparèrent de
l’Armorique (57 avant JC). La culture yssienne s’enrichit alors
d’une troisième influence et Ys fut gouvernée pendant
plusieurs siècles par une succession de prêteurs romains
(praetor) et gallo-romains, au nom de l’Empire.
Puis, les légions partirent, alors que la vieille puissance de
Rome entrait dans un long crépuscule…
Au début du Vème siècle, les Armoricains se choisirent comme
roi un puissant chef de guerre venu de l’île de Bretagne avec
ses troupes pour soutenir la prise de pouvoir de l’éphémère
Maximus Magnus : c’est ainsi que le fameux Conan Mériadec
devint le premier roi de la terre d’Armor, unifiant les pays de
Cornouaille, du Léon et du Vannetais sous sa seule couronne.
Le roi Conan régna d’une main de fer. À sa mort, son héritier
désigné, Gradlon, déjà paré d’une réputation de guerrier
valeureux et honorable, monta sur le trône.
Le nouveau roi d’Armor épousa bientôt une princesse venue
du nord de l’île de Bretagne nommée Malgwen, que l’on disait
descendre d’une fée de l’Autre Monde. C’est la reine Malgwen
elle-même qui persuada son époux d’établir sa capitale dans
l’orgueilleuse cité d’Ys, dont la vision, à son arrivée, l’avait
fascinée, plutôt que dans les trop chrétiennes Quimper et
Vannes. Peu de temps après, Malgwen donna une fille à
Gradlon mais mourut en couches. Inconsolable, le roi reporta
toute son affection sur sa fille unique, Dahud, à qui il passe
tous ses caprices. Aujourd’hui âgée de douze ans, la petite
princesse promet de faire chavirer bien des cœurs d’ici
quelques années… Qui sait quelle destinée sera la sienne ?
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Ys la Païenne
Le triple héritage de la cité d’Ys, celtique, carthaginois et
romain, se reflète dans son architecture unique, à la fois
majestueuse et hétéroclite, mais aussi dans ses dieux – car Ys
est restée une cité païenne, que le christianisme, pourtant
religion officielle de l’empire romain, semble avoir à peine
effleurée. La foi paganiste d’Ys révère une triade composite de
divinités : Lir, le sombre et coléreux dieu celtique de la mer et
de ses abysses, Tanith, la déesse carthaginoise de la lune, et le
Belenos gaulois, dieu solaire assimilé à l’Apollon romain et au
Saint-Michel des chrétiens.
En plus de son somptueux palais, Ys possède trois grands
temples, voués aux dieux de sa triade, ainsi qu’une unique et
bien modeste église, le plus souvent déserte.
Deux saints-hommes tentent inlassablement de ramener le roi
Gradlon sur le chemin de la foi chrétienne : le vénérable
Corentin, évêque de Quimper, et Guénolé, disciple zélé du
célèbre Patrick d’Irlande, déterminé à évangéliser Ker-Is et ses
habitants impies, auxquels il promet, dans ses sermons
enflammés, un terrible châtiment divin : tôt ou tard, martèle-
t-il, Ys sera frappée par la colère de Dieu…
Le Port au Bout du Monde
Les navires de commerce d’Ys vont des rivages d’Irlande à
ceux de l’Hispanie, des côtes de l’île de Bretagne à celles de
l’Aquitaine… On y croise de riches marchands, des hétaïres
au visage peint, des bardes gaëls, des écumeurs des mers
saxons, des prêtresses de Tanith… et, bien sûr, des aventuriers
venus d’un peu partout.
Et comme beaucoup de vieilles cités cosmopolites, Ys a la
réputation d’être un lieu de débauche et de perdition… On y
trouve des tavernes mal famées, des bordels réputés, de l’or,
des esclaves, des marchandises en abondance et tout ce qu’une
Grande Cité peut offrir en matière de plaisirs et de dangers.
Les Peuples d’Ys
Ys est une mosaïque de cultures différentes. Ses habitants
peuvent être divisés en trois peuples principaux.
Les Yssiens sont issus d’un brassage unique mêlant les
héritages celtes, romains et carthaginois. Les familles les plus
anciennes s’enorgueillissent de leur sang phénicien.
Les Armoricains, venus de l’intérieur des terres, sont de
souche gauloise et de culture gallo-romaine, issus de tribus de
la péninsule comme les Osismes ou les Vénètes.
Les Bretons, récemment arrivés de l’Ile de Bretagne, le plus
souvent dans le sillage de Conan Mériadec, et qui désignent
déjà l’Armor sous le nom de Petite Bretagne.
À cela s’ajoutent les nombreux étrangers qui séjournent en
Ys : Gaëls venus d’Irlande, Saxons venus du sud de l’Ile de
Bretagne, gallo-romains d’Aquitaine…
La langue commune d’Ys est le latin – avec de nombreux
emprunts au gaélique et à la vieille langue phénicienne.
En Ys, beaucoup d’aventuriers viennent d’ailleurs, attirés par
la réputation de la cité et de ses fabuleuses richesses. Parmi
eux, les Bretons et les Armoricains sont sans doute les plus
nombreux mais le port d’Ys accueille aussi son lot de Saxons,
d’Irlandais et d’Aquitains. À cela s’ajoutent les aventuriers du
cru, les bas-quartiers de la cité ne manquant pas de voleurs…
En termes de jeu, les aventuriers en Ys seront créés selon les
règles habituelles d’E&V. Voici quelques profils typiques.
Ancien Légionnaire : L’aventurier est un vétéran (ou peut-
être un déserteur…) d’une des légions romaines ayant
finalement quitté la Gaule ou l’Ile de Bretagne. Quels que
soient ses origines ou son parcours, il possède une solide
expérience militaire, susceptible d’intéresser toutes sortes
d’employeurs. En termes de jeu, un tel personnage possèdera
forcément des valeurs élevées en Combat, en Vigilance et en
Vigueur. Son Talent pourra refléter un apprentissage de
jeunesse ou une forme de reconversion professionnelle…
Bandit Gaulois : L’aventurier est issu d’une bagaude, une de
ces bandes de proscrits, paysans chassés de leurs terres,
déserteurs et esclaves en fuite qui ravagèrent l’Armorique
lorsque le pouvoir de l’Empire commença à s’éroder. Rescapé
de quelque brutale campagne de rétorsion, le personnage est
venu en Ys chercher refuge et, peut-être, un nouveau
départ… En termes de jeu, un brigand aura généralement des
valeurs élevées en Agilité, Combat, Discrétion, Tir et
Vigilance, avec le Talent de Pisteur.
Barde Vagabond : L’aventurier est un barde celte, venu de
Galles ou d’Irlande… Autrefois, les bardes étaient des poètes
sacrés, attachés à la cour de puissants chefs de guerre, mais
avec le temps, leur prestige s’est quelque peu érodé et nombre
d’entre eux sont devenus de simples musiciens et conteurs
itinérants… doublés d’aventuriers ! Un tel personnage aura
généralement des valeurs élevées en Présence, Savoir et
Subterfuge. Son Talent de Barde regroupe le chant, la poésie,
l’art de la harpe et celui du conteur.
Bon Larron : L’aventurier est un voleur au grand cœur,
ayant grandi dans les bas-fonds de Ker-Is, qu’il connait
comme la paume de sa main. Habile, débrouillard et plein de
ressources, il est bien décidé à faire fortune – mais possède
néanmoins un certain code d’honneur, qui le distingue de la
plupart de ses congénères et fait de lui un Bon Larron. En
termes de jeu, un tel personnage aura généralement des
valeurs élevées en Agilité, en Discrétion et en Vigilance, avec
(bien évidemment) le Talent de Voleur.
Écumeur des Mers : Rompu aux pillages des côtes et aux
abordages de navires marchands, l’aventurier a fait ses
premières armes comme pirate, sans doute dans la mer de
Bretagne (séparant l’Ile du même nom du continent), auquel
cas il est sans doute d’origine saxonne, ou au large de
l’Irlande, auquel cas il sera plutôt un Gaël ou un Breton.
Quelle que soit son origine, un écumeur des mers possède
généralement des valeurs élevées en Agilité, Combat et
Vigueur, avec un Talent de Marin.
Espion à Louer : Un aventurier avec ce profil possède des
compétences susceptibles d’intéresser nombre d’employeurs
influents ou fortunés. Sans doute était-il au service de quelque
important personnage, avant de venir chercher fortune en
Ys… à moins qu’il n’ait été impliqué dans quelque sale affaire
de trahison ou de vendetta. Un tel personnage aura
généralement des valeurs élevées en Discrétion, en Subterfuge
et en Vigilance. Son Talent pourra être celui d’Assassin ou
représenter quelque métier de couverture.
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Guerrier Mercenaire : Qu’il soit Breton, Armoricain, Saxon
ou Irlandais, le personnage est un combattant aguerri ayant
décidé de louer son bras et son épée... Et quel meilleur endroit
qu’une cité comme Ys pour trouver un emploi de garde du
corps ou de gros bras ? Un tel personnage aura évidemment
des valeurs élevées en Combat et en Vigueur, avec un Talent
utile au métier des armes, comme Forgeron ou Pisteur.
Lète Barbare : Les lètes sont des barbares vaincus et soumis
par Rome et utilisés comme troupes auxiliaires, voire comme
forces de maintien de l’ordre dans les régions où l’autorité de
l’Empire était déclinante voire contestée. La plupart d’entre
eux sont des Germains mais le terme pouvait également
s’appliquer aux guerriers Sarmates. Pour un tel personnage,
une cité comme Ys représente la chance d’un nouveau
départ… Un lète aura des valeurs élevées en Combat et en
Vigueur, avec le plus souvent un Talent de Pisteur.
Marchand Ruiné : Pourquoi forcément ruiné ? Parce qu’un
marchand prospère n’aurait pas besoin de jouer les
aventuriers ! Jeté sur la paille suite à quelque désastre,
naufrage, infortune ou machination, le personnage est bien
décidé à se refaire coûte que coûte… et la cité d’Ys semble être
l’endroit idéal pour cela ! Un tel personnage aura
généralement une valeur élevée en Subterfuge. Si vous ne
considérez pas le métier de marchand comme un vrai Talent
(à vous de voir), un Talent comme Marin semble tout indiqué.
Marin Aventureux : Qu’il soit jeune matelot ou navigateur
chevronné, le personnage est un amoureux de la mer. Dans
une cité comme Ys, il y aura toujours du travail pour les gens
comme lui – mais cela ne suffit pas, car il se sent aussi une
âme de grand voyageur, prêt à explorer des îles mystérieuses
ou à découvrir de nouvelles terres, pour en ramener quelque
trésor fabuleux ou, à tout le moins, de bonnes histoires à
raconter… Le personnage aura des valeurs élevées en Agilité
et en Vigueur, avec le Talent de Marin.
Mauvais Larron : Un tel personnage est une franche
crapule, une canaille sans honneur prête à tout pour
s’enrichir sur le dos (voire sur la vie) de ses prochains. Il a
sans doute grandi dans les bas-fonds d’Ys, cette éducation
ayant fait de lui un individu aussi dégourdi que cynique, plein
de ressources mais sans principes… Un tel personnage aura
généralement des valeurs élevées en Discrétion, en Vigilance
et en Agilité, avec (le plus souvent) un Talent de Voleur pour
compléter son bagage de parfait malandrin.
Noble Déchu : Le personnage est issu de l’ordre équestre
romain, forme de petite aristocratie (souvent de souche
militaire) située entre la plèbe et les patriciens. Ruiné voire
déshonoré par quelque intrigue ou coup du sort, il est venu
en Ys dans l’espoir d’y trouver un refuge et, pourquoi pas, une
chance de refaire fortune. Le personnage aura généralement
une valeur élevée en Présence et des scores au moins corrects
en Savoir et en Combat. Son Talent pourra refléter un ancien
passe-temps ou une forme de reconversion.
Prêtre Dévoyé : Pourquoi forcément dévoyé ? Parce qu’un
prêtre en service a autre chose à faire que de courir l’aventure
(sans parler de principes moraux ou d’interdits religieux). Ce
profil peut convenir à d’anciens prêtres ou moines chrétiens,
mais aussi à d’ex-membres de la prêtrise yssienne : prêtres de
Lir ou de Belenos, prêtresses de Tanith… Un tel personnage
aura généralement des valeurs assez élevées en Savoir et en
Présence, avec un Talent reflétant une forme de reconversion
(y compris malhonnête).
Au cas où son titre ne serait pas assez explicite, il va de soi que la lecture de cette page est strictement destinée aux meneurs de jeu
potentiels, tout comme, d’ailleurs les suivantes. Certaines des idées présentées ci-dessous doivent beaucoup aux sources d’inspiration
déjà évoquées en intro : la BD Bran Ruz d’Auclair et Deschamps et la tétralogie romanesque The King of Ys de Poul et Karen Anderson.
Le Futur d’Ys
Comme vous le savez certainement si vous êtes un peu
familier de la légende d’Ys, la cité est destinée à être engloutie
par la mer en furie – à cause de la princesse Dahud qui, selon
les versions, ouvrira elle-même la porte des digues ou en
livrera la clé à un de ses amants, que celui-ci soit le Diable
déguisé, un mystérieux Prince Rouge ou un étranger sans
nom… Quelle que soit la version pour laquelle vous opterez,
la submersion d’Ys sous les eaux est un événement inéluctable
et prédestiné – mais la princesse Dahud ayant actuellement
une douzaine d’années, cela vous laisse au moins six ans avant
que cet événement cataclysmique ne survienne.
En tant que MJ, vous avez trois grands choix possibles : soit
mettre en scène l’engloutissement d’Ys d’une façon aussi
spectaculaire et dramatique que possible, soit le faire advenir
alors que les aventuriers sont loin de la cité, soit, enfin, décider
que ce désastre se situe au-delà de la fin programmée de votre
chronique, dans un futur qui n’est pas destiné à être joué. Si
vous optez pour la première solution, l’engloutissement d’Ys
ne sera pas forcément fatal aux aventuriers eux-mêmes :
après tout, dans la légende, Gradlon lui-même en réchappe…
Il pourrait d’ailleurs être passionnant de jouer des aventures
situées après la submersion, alors que le roi rescapé tente de
rassembler les survivants et de réinstaurer son autorité. La
deuxième possibilité (l’engloutissement hors-champ, durant
une absence des aventuriers) vous permettra surtout de jouer
sur un effet de surprise – imaginez la tête des joueurs lorsque,
leurs personnages, revenant vers Ys après une périlleuse
aventure, découvriront la catastrophe… Quant à la troisième
possibilité (situer le désastre hors du champ chronologique
couvert par votre chronique), elle peut sembler une solution
de facilité mais est, dans un jeu d’aventure comme E&V, tout
à fait légitime : tout est une question d’échelle et de focus.
Le Roi Gradlon
Le MJ a toute latitude pour définir la personnalité du roi d’Ys,
différents récits brossant de lui différents portraits : souverain
fier et généreux, roi songeur et mélancolique, monarque
indécis et velléitaire… Dans la légende, Gradlon laissera le
souvenir d’un grand roi, mais dans un jeu comme E&V, les
légendes ne sont pas toujours fiables.
Il en va de même pour son lignage : si la tradition le présente
généralement comme le fils ainé de Conan Mériadec, d’autres
récits font de lui un simple parent ou compagnon d’armes de
son prédécesseur sur le trône d’Armor.
Ses relations avec Dahud peuvent, elles aussi, être envisagées
de différentes façons : est-il un homme aveuglé par l’amour
paternel, incapable de voir le mal chez sa fille, un père aimant
mais tout entier préoccupé par ses responsabilités de roi, ou
encore un homme tourmenté, troublé par de coupables désirs
envers sa propre fille, vivante image de sa défunte mère ?
Enfin, son rôle vis-à-vis des aventuriers peut aussi constituer
un critère important : le roi d’Ys est-il leur employeur, leur
maître, une figure lointaine et inaccessible ou bien l’autorité
dont il vaut mieux éviter d’attirer l’attention ?
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La Princesse Dahud
Même si, à l’époque choisie pour ce supplément, Dahud est
seulement âgée d’une douzaine d’années, rien n’empêche le
MJ d’avoir déjà une idée précise de l’adulte qu’elle est destinée
à devenir, avant de provoquer la submersion d’Ys.
Comme pour Gradlon, vous disposez d’une certaine marge de
manœuvre. D’un côté, la légende noire de Dahud la dépeint
comme une pécheresse débauchée faisant assassiner ses
amants d’un soir puis jeter leurs corps dans un gouffre ; de
l’autre, l’interprétation néo-paganiste du personnage fait
d’elle l’archétype de la jeune femme païenne fière et libre,
farouchement opposée au rigorisme moral de la nouvelle foi
chrétienne… On peut aussi la voir comme une princesse
troublée, à qui un père trop aimant n’a jamais su dire non et
qui cherche, par ses excès, à attirer sa colère et donc son
attention – à moins qu’elle ne soit, tout simplement, le jouet
de forces qui la dépassent. Une chose est sûre : dans un jeu
comme E&V, Dahud ne peut être qu’une sorcière, tenant sans
doute ses dons de sa mère Malgwen, la princesse du nord au
mystérieux lignage (voir la section sur les Morganed, p 6).
Ys et les Saints
Dans les différentes versions de la légende, les saints bretons
Corentin et Guénolé tiennent, de façon interchangeable, le
même rôle : celui du saint-homme qui met Gradlon en garde
contre les péchés de sa fille maudite et qui finira par pousser
le roi à laisser périr cette dernière, lors de la submersion d’Ys,
s’il veut sauver sa vie (et son âme). La superbe BD Bran Ruz
choisit de mettre en scène les deux religieux, avec Corentin
dans le rôle du saint-homme porteur d’une certaine sagesse et
Guénolé dans celui du prédicateur fanatique – un choix qu’il
nous semble judicieux de suivre ici.
Citons enfin Ronan, un troisième saint breton dont l’histoire
fait également référence à celle de Gradlon et qui, relève
quant à lui d’un troisième archétype : l’ermite aux pouvoirs
de thaumaturge, véritable druide christianisé.
Le Prince Rouge
Qui est donc le mystérieux amant de Dahud, ce Prince Rouge
(ou Roux ?) qui l’amènera à causer la destruction de la cité ?
Le folklore chrétien l’identifie évidemment au Diable… Dans
Bran Ruz, il devient un jeune Armoricain dont le peuple a été
asservi et bafoué par les Bretons ; dans The King of Ys de Poul
et Karen Anderson, il est un chef de clan irlandais ayant juré
d’anéantir Ys pour venger son fils tué lors d’un raid manqué
sur la cité… Dans un jeu comme E&V, il pourrait aussi être un
Démon imprudemment évoqué par Dahud ou un Morgan
(voir p 6) accomplissant quelque prophétie. Tout est possible !
La Cité sous les Vagues
Selon la légende, la cité d’Ys n’a pas entièrement disparu avec
sa submersion, qui a fait d’elle une sorte d’Atlantis bretonne
au large de la Baie des Trépassés. Quant à Dahud, elle serait
devenue une sirène – ce qu’elle a peut-être toujours été…
A priori, les êtres fabuleux de la mythologie celtique peuvent
sembler un peu hors sujet dans un jeu comme E&V, ancré dans
le genre sword & sorcery, par opposition à une fantasy plus
merveilleuse. De fait, aucun des monstres présentés dans les
différents Bestiaires d’E&V ne semble vraiment être dans le ton
de l’univers d’Ys, à l’exception, sans doute, des Habitants des
Profondeurs (Bestiaire n°1, p 5). Mais rien n’empêche le MJ
d’imaginer d’autres créatures, en appliquant au légendaire
celtique un filtre sword & sorcery : dans un jeu comme E&V,
le folklore peut être une source d’inspiration mais ne devrait
jamais être adapté littéralement, comme si croyance et réalité
ne faisaient qu’une. C’est dans cet esprit qu’ont été élaborées
les créatures qui suivent, très librement inspirées des légendes
bretonnes, mais aussi d’autres sources, comme, dans le cas des
Korrigans, les récits d’Arthur Machen sur le Petit Peuple.
Korrigans
Dans les croyances populaires, les Korrigans sont le Petit
Peuple de la Bretagne armoricaine : parfois bienveillants,
parfois malfaisants et toujours malicieux. Habiles à tromper
et à ensorceler les mortels, ils sont associés, dans l’imaginaire
local, aux nombreux menhirs et dolmens qui parsèment le
paysage et pourraient être les portes enchantées menant vers
leur royaume caché… Voilà pour la légende.
En réalité, les êtres connus sous le nom de Korrigans sont les
descendants dégénérés d’une ancienne race semi-humaine
ayant jadis peuplé la péninsule, avant d’être repoussés sous
terre par les envahisseurs celtes. De fait, leurs ancêtres sont
bien ceux qui érigèrent cromlechs et autres pierres levées…
Physiquement, les Korrigans de l’époque d’Ys ont l’apparence
d’humains contrefaits de très petite taille (un peu plus d’un
mètre), au visage grossier et au teint terreux, à la démarche
voûtée mais étrangement agile. Ils possèdent d’ailleurs une
souplesse de serpent presque surnaturelle, comparable à celle
des meilleurs contorsionnistes.
Sur le plan de l’esprit, ils ne sont plus que l’ombre de leurs
ancêtres, dont ils toutefois conservé toute la haine envers ceux
de la surface, qu’ils détestent avec une sorte de passion
instinctive, ainsi qu’une partie de leurs antiques pouvoirs de
sorciers. Ils vivent dans de profondes galeries souterraines,
aux accès soigneusement cachés. Leurs mœurs épouvantables
incluent l’inceste, le viol et l’anthropophagie… gare à celui ou
à celle qui tombe entre leurs griffes ! Quant à leur langage, il
sonne aux oreilles humaines comme une série de sifflements
et de chuintements étrangement reptiliens…
Combat : Les Korrigans sont des adversaires Ordinaires mais
agissent le plus souvent en nombre, de préférence contre des
victimes isolées. Ils sont armés de couteaux, de haches et de
lances en silex (contre lesquelles n’importe quelle armure
peut offrir une protection efficace). Face à des ennemis plus
dangereux, ils useront de leurs pouvoirs sorciers.
Attributs : Alerte, Insaisissable, Nyctalope, Sinueux.
Pouvoirs : Les Korrigans sont une race-sorcière. Autrefois,
leurs ancêtres étaient des maîtres de l’Illusion, du Contrôle et
de la Magie Noire. Désormais, ces êtres ne peuvent utiliser ces
pouvoirs qu’à proximité de pierres levées, qui agissent comme
de puissants accumulateurs d’énergie psycho-magique et en
concentrant leurs volontés de façon groupée. Ils devront être
au moins trois pour avoir la même puissance qu’un apprenti,
au moins six pour avoir celle d’un adepte et au moins neuf
pour atteindre le degré de pouvoir d’un maître.
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Morganed
Mythe et Réalité
Dans les légendes bretonnes, les Morganes sont l’équivalent
des sirènes – des séductrices à la beauté ensorcelante, vivant
sous les flots, souvent dangereuses pour les marins… Leurs
mâles, les Morgans, semblent plus farouches et ombrageux, à
l’instar des tritons de la mythologie classique. Leur peuple est
appelé Morganed, que l’on peut traduire par ceux de la mer.
En Armor, on les rencontre surtout près de la côte nord du
Finistère et au large d’Ouessant, mais ces êtres sont clairement
de la même race que les Selkies des îles écossaises.
Dans notre version de la légende d’Ys, les Morganed sont en
réalité les descendants hybrides d’humains et d’Habitants des
Profondeurs (voir Bestiaire n°1, p 5). Le croisement remontant
à plusieurs générations, leur apparence physique est tout à fait
humaine – avec, peut-être, quelques traits ataviques, comme
un corps remarquablement souple, des lèvres charnues ou des
yeux légèrement globuleux… Même lorsqu’ils ignorent tout
de leur héritage, les Morganed font toujours montre d’une
attirance et une fascination particulière pour la mer. Les
femmes issues de ce lignage possèdent souvent une beauté de
sirène étrangement envoûtante – tel était le cas de la mère de
Dahud, Malgwen, originaire d’une de ces îles perdues dans les
brumes, au nord de la Calédonie…
Attributs et Pouvoirs
En termes de jeu, un membre de la race des Morganed possède
les mêmes traits qu’un humain – mais aussi, de façon latente,
les attributs Amphibie et Nyctalope. Lorsqu’une Morgane
ignore sa véritable origine, elle ignorera également posséder
ses attributs, jusqu’à ce qu’elle prenne conscience de son
héritage caché, le plus souvent après avoir rencontré d’autres
membres de sa race. Les Morganes font aussi d’excellentes
sorcières, avec une prédilection pour le Contrôle, l’Illusion et
la magie élémentaire de la mer et du vent. Certaines d’entre
elles auraient également le pouvoir de se transformer en
phoques, mais peut-être n’est-ce là qu’une légende…
Rôle et Destinée
Dans une chronique faisant la part belle aux mystères de la
mer, les Morganed pourraient former un peuple caché,
existant en marge des autres communautés de l’Armor et
possédant tout un réseau de grottes et de cavernes secrètes sur
les côtes et les îles environnantes. L’île d’Ouessant, connue des
Celtes sous le nom d’Ushant et des Romains sous celui d’Uxina,
pourrait être leur principal refuge et sanctuaire – notons, à ce
sujet, qu’elle ne fut pas évangélisée avant le 6 ème siècle. Les
légendes liées à cette île évoquent également des Korrigans
appelés danseurs de nuit… Pourrait-il exister quelque pacte
ancien entre les deux races cachées ? Leur connaissance des
secrets de l’ancienne sorcellerie pourrait-elle avoir une
origine commune ? Les ancêtres des Korrigans étaient-ils des
cousins terrestres des Habitants des Profondeurs ? Mystère…
Et puisque nous sommes partis à nous poser des questions…
L’existence des Morganed est-elle l’explication de la future
submersion d’Ys ? Le Prince Rouge qui séduira Dahud est-il
un Morgan, venu révéler son véritable héritage à la fille de
Gradlon, avant de lui faire offrir sa chère cité à l’océan ? Et si
cet acte était destiné à venger quelque carnage contre les
siens, survenu quelques années plus tôt, au cours des
aventures de nos héros ? Les réponses vous appartiennent !
Pressé de lancer votre propre chronique yssienne ? Voici quelques idées et amorces d’aventures typiques de la cité du roi Gradlon…
Le Trésor des Morganed
Des rumeurs persistantes font état d’un fabuleux trésor, caché
par le peuple de la mer dans les grottes d’une île proche de la
baie d’Ys, une île réputée maudite et protégée par de terribles
sortilèges – ce qui explique pourquoi les marins locaux sont
trop superstitieux pour oser s’y aventurer… Un mystérieux
commanditaire, agissant peut-être pour le compte du roi d’Ys,
recrute les aventuriers pour braver les périls de l’île des
Morganed et mettre la main sur le prodigieux trésor… Et si
cette expédition était le catalyseur de quelque désastre futur ?
Le Retour des Romains
L’Empire n’a pas dit son dernier mot ! Un centurion arrive en
Ys avec ses légionnaires pour y rétablir la loi de Rome. Il exige
que Gradlon se soumette officiellement à l’autorité impériale
s’il veut continuer à diriger sa cité en tant que praetor. Dans
les murs de Ker-Is, la révolte gronde… Le roi, quant à lui, n’a
aucune intention de brader sa souveraineté mais souhaite plus
que tout éviter un bain de sang. Avant de lancer sa riposte
armée, il engage les aventuriers pour espionner le campement
des légionnaires et recueillir un maximum de renseignements.
Les Naufrageurs
Depuis quelque temps, une redoutable bande de naufrageurs
armoricains s’attaque aux navires marchands voguant vers
Ys, qu’ils font s’échouer sur les rivages, la nuit, en allumant
des feux trompeurs, avant de massacrer les survivants et de
s’emparer des cargaisons… Déterminé à mettre fin à ces
exactions, le roi Gradlon recrute les aventuriers pour pister
les mystérieux naufrageurs et, si possible, mettre fin de façon
définitive à leurs sinistres agissements – mais comme ils vont
le découvrir, les pillards ont partie liée avec des Korrigans…
Le Peuple des Pierres
Les gens de l’intérieur des terres sont formels : les Korrigans
se manifestent de plus en plus, enlevant enfants et jeunes filles
pour les asservir, les sacrifier ou peut-être même les dévorer.
Le roi Gradlon charge les aventuriers d’enquêter plus avant
sur ces rumeurs et, si nécessaire, de tout mettre en œuvre pour
empêcher le Peuple des Pierres de s’en prendre à ses sujets.
Mais les maudits Korrigans vont se montrer des adversaires
aussi malfaisants que retors, obligeant nos héros à les traquer
jusque dans leurs sinistres repaires souterrains…
Le Raid des Gaëls
Un puissant chef de tribu irlandais a organisé une expédition
de grande ampleur contre la cité d’Ys, qu’il compte bien livrer
au pillage… À cette fin, il a envoyé trois espions en Ys, avec
pour mission d’étudier les accès et les défenses de la ville. L’un
d’entre eux, démasqué et capturé par la garde, a révélé ses
desseins au roi Gradlon, avant de succomber à ses blessures,
ainsi que la présence de deux autres espions en Ys. Il faut les
débusquer au plus vite, afin de les empêcher de faire leur
rapport et d’en apprendre le plus possible sur cette menace.
7
Les Feux de la Foi
Galvanisés et fanatisés par l’inflexible Guénolé, un groupe de
chrétiens d’Ys organise sur une des places de la ville un grand
bûcher des vanités, où chacun est invité à venir brûler ses
inutiles possessions matérielles, en signe de pénitence… De
leur côté, les prêtresses de Tanith redoutent que ce singulier
rituel ne dégénère en violences dirigées contre les adorateurs
et les adoratrices de leur déesse. Elles recrutent en secret les
aventuriers pour surveiller et infiltrer la bande de fanatiques
et éviter que l’autodafé ne tourne à la chasse aux sorcières…
Les Pirates des Brumes
Un mystérieux vaisseau-fantôme hante la baie d’Ys, nimbé de
brumes venues de l’Autre Monde… mais ce navire n’a rien
d’une simple apparition : il a en effet attaqué et pillé plusieurs
nefs marchandes, massacrant les équipages sans la moindre
pitié. Un survivant terrifié a parlé de morts-qui-marchent et
les rumeurs sur le Vaisseau des Trépassés commencent à se
répandre dans toute la cité… Les aventuriers sont recrutés par
le pouvoir royal pour traquer ces pirates-revenants, percer
leur mystère et les mettre hors d’état de nuire. Facile à dire…
Le Tueur des Bas-Fonds
Un assassin nocturne hante les bas-quartiers d’Ys, laissant
derrière lui les cadavres atrocement mutilés de prostituées. Les
travailleuses de la nuit de Ker-Is recrutent les aventuriers pour
donner la chasse à ce meurtrier insaisissable… Mais quelle est
sa véritable nature ? Certains accusent le fils perverti d’un
riche marchand, mais d’autres murmurent que le tueur des
bas-fonds est en réalité une créature infernale, qui se nourrit
de la chair, du sang et de l’âme de ses victimes. Mais s’il s’agit
bien d’un démon, qui l’a invoqué et dans quel but ?
La Marque de Carthage
Une sinistre société secrète conspire contre le roi Gradlon,
qu’elle cherche à assassiner… Leurs tueurs qui, à chaque fois,
ont été occis ou se sont eux-mêmes empoisonnés après avoir
échoué étaient visiblement des étrangers sans attaches en Ys…
mais tous portaient une étrange amulette, que les sages ont
identifié comme un antique objet carthaginois. Les soupçons
se dirigent alors vers les plus vieilles familles d’Ys et les plus
fervents adorateurs de Tanith, qui crient bien évidemment au
complot. Quel est le secret de la Marque de Carthage ?
La Colère de Lir
Au large d’Ys, la mer est de plus en plus déchainée, causant
plus d’un naufrage et paraissant à présent menacer les digues
qui protègent la cité… Les prêtres de Lir affirment que leur
dieu est en colère et que seul le sacrifice de plusieurs vierges
apaisera son courroux, ce que le Gradlon refuse absolument
d’envisager. Et si ces tempêtes n’avaient rien à voir avec le dieu
de l’océan mais étaient l’œuvre d’une sorcière morgane
pouvant commander aux éléments ? Une chose est sûre : il est
urgent de percer le mystère pourmettre fin à la colère de Lir…
Et si la cité d’Ys n’était qu’un point de départ, une porte ouverte sur un vaste monde où Légende et Histoire s’entremêlent ?
Les Brumes de l’Histoire
Comme vous l’aurez sans doute remarqué, ce supplément
présente une toile de fond pseudo-historique sans jamais
toutefois mentionner de dates précises. Il s’agit d’un choix
délibéré, le monde d’Ys appartenant avant tout à la légende,
mais le MJ est bien évidemment libre d’ancrer davantage sa
chronique dans l’Histoire.
Selon la plupart des sources, Conan Mériadec aurait régné
jusqu’en 392 ou 393 et Gradlon, son successeur, jusqu’en
405, soit un règne d’une douzaine d’années à peine, ce qui
semble être un peu court, par rapport à l’âge supposé de sa
fille Dahud lors de la submersion d’Ys – événement auquel,
rappelons-le, Gradlon est destiné à survivre. D’après ces
mêmes sources, le successeur de Gradlon serait son fils (?)
Salomon (ou Salaun), dont certains chroniqueurs font par
ailleurs le successeur direct de Conan Mériadec, comme si le
roi d’Ys n’avait jamais existé, étendant par ailleurs le règne du
roi Conan jusqu’en l’an 421…
Plutôt que d’essayer vainement de résoudre ces divergences et
ces contradictions, le MJ ne devra pas hésiter à fixer ses
propres dates, à partir de la base suivante : Conan Mériadec
règne jusqu’à la fin du IVème siècle ou au début du Vème et
Gradlon prend sa succession pour un nombre d’années
indéterminé – sachant que, si l’on tient compte du fait que
Dahud est devenue une jeune femme lorsque la cité est
engloutie sous les flots, Gradlon aura donc régné au moins
une vingtaine d’années avant la submersion d’Ys…
Une fois ces repères chronologiques fixés, le MJ pourra
ensuite les entremêler à des événements à l’historicité plus
fermement établie, comme le départ des légions romaines de
Britannia (vers 410), ou ancrés dans d’autres traditions
légendaires, comme le règne d’un certain roi Arthur…
L’Ère des Usurpateurs
A la fin du IVème siècle, l’empire romain a déjà commencé sa
lente décomposition, qui mènera à son effondrement officiel
en 476. L’époque qui nous intéresse ici est marquée par
l’avènement de plusieurs empereurs contestés, usurpateurs au
règne souvent aussi chaotique qu’éphémère.
Citons notamment Magnus Maximus (alias Macsen Wledig
pour les chroniques galloises), commandant-en-chef des
forces romaines de l’île de Bretagne, proclamé empereur par
ses légions en 383 et qui aurait chargé son allié Conan
Mériadec de prendre le contrôle de l’Armorique avant son
passage en Gaule (il sera exécuté en 388, au terme d’une
sanglante guerre civile) ou encore ce général Constantin, lui
aussi basé en Britannia, qui usurpe le pouvoir impérial entre
407 et 411, alors que l’empire est toujours officiellement
dirigé par Flavius Honorius.
Comme on le voit, c’est dans un contexte troublé, à la fois
violent et crépusculaire que la légende d’Ys et de Gradlon peut
se mêler à l’Histoire – et cette époque constitue une période
idéale pour le MJ imaginatif, puisqu’elle est à la fois des plus
évocatrices et quelque peu brumeuse…
8
L’Intérieur des Terres
Si le royaume de Gradlon s’étend sur les pays de Cornouaille,
du Léon et du Vannetais, tous les habitants de la péninsule
armoricaine ne lui sont pas inféodés… ou favorables ! Dans
les régions qui ne sont pas en son pouvoir, le roi d’Ys est
souvent vu avec défiance, voire avec hostilité – spécialement
par les chrétiens les plus dévots, qui considèrent Ys comme
une cité pécheresse, soumise au stupre et au lucre. Les
profondeurs de l’Argoat (la Bretagne armoricaine boisée, par
opposition à l’Armor, la Bretagne armoricaine maritime),
dans lesquelles les fameuses bagaudes trouveront refuge,
pourraient même abriter des forces opposées à Gradlon et
bien décidées à faire tomber Ys l’orgueilleuse…
La Menace Barbare
Au début du Vème siècle, les barbares Francs et Alamans ont
déjà commencé à grignoter les frontières nord et est de la
Gaule romaine, pillant et faisant main basse sur les terres,
lorsqu’ils ne sont pas employés comme lètes (laeti) par les
tenants officiels du pouvoir impérial, qui leur abandonnent
ainsi de fait certains territoires… Bientôt, ces barbares
ambitieux seront une menace pour les marches de la Bretagne
armoricaine : là encore, le MJ pourra mêler librement
Histoire, légende et imagination. Un ancêtre de Clovis (le
mythique Mérovée ?) constituerait un antagoniste de choix
pour Gradlon, et ses guerriers de redoutables adversaires pour
les combattants d’Armor. Sans parler, bien sûr, des Saxons
installés au sud de l’île de Bretagne et qui, selon certaines
sources, auraient tenté de consolider leur pouvoir maritime
en s’établissant sur les côtes de la future Normandie…
La Bretagne et l’Irlande
Et puisque nous parlons de l’île de Bretagne… Ce début du
Vème siècle correspond aussi, pour certains spécialistes, à
l’époque du possible modèle historique du roi Arthur, qui
aurait mené la résistance des Bretons contre les envahisseurs
Saxons (au sud) et les barbares Pictes (au nord).
Dans le contexte qui est le nôtre, « Arthur » (alias Artorius)
n’est pas roi mais dux bellorum (grand chef de guerre) de
Britannia et bras droit d’Ambrosius Aurelianus, dit le dernier
Romain », qui tente avec lui de préserver une Britannia laissée
sans défense après le départ des légions, combattant à la tête
de redoutables cataphractes, cavaliers lourds qui entreront un
jour dans la légende sous le nom de chevaliers. Il va sans dire
qu’Ambrosius et Artorius auraient grand besoin d’un allié tel
que Gradlon sur le continent, au cas où leurs forces seraient
amenées à livrer bataille aux marches de la Gaule ou pour
sécuriser la mer séparant la Petite Bretagne de la Grande…
Il existe enfin un dernier lieu susceptible de jouer un rôle
unique dans une chronique basée en Ys : l’Irlande, terre
celtique n’ayant jamais été conquise par les Romains et qui, à
cette époque, abrite des personnages historico-légendaires de
première importance, comme le futur saint Patrick ou le haut
roi païen Niall aux Neuf Otages… The King of Ys de Poul et
Karen Anderson accorde d’ailleurs une place de choix à ce
dernier, entremêlant ces deux matières légendaires avec brio.
Il est évidemment impossible de recenser ici tous les livres consacrés à (ou inspirés par) la cité mythique d’Ys. J’ai donc opéré une
sélection drastique, en me focalisant sur trois types d’œuvres…

Pour Découvrir la Légende

Il existe de très nombreuses versions et réécritures de la légende de la cité d’Ys. L’ouvrage de Charles Guyot (La Légende d’Ys ou, tout
simplement, Légende d’Ys, selon les éditions) constitue à la fois une des plus accessibles et des plus faciles à trouver.

Ys, la Cité Perdue de Jean-Yves André (Éditions Alternatives) présente une version très courte mais très agréablement présentée de la
légende, avec une mise en page remplie de motifs et d’entrelacs celtiques…

Deux Chefs d’Œuvre

Les deux ouvrages suivants ont vraiment enflammé mon imagination et constituent les deux principales sources d’inspiration de ce
modeste supplément de 6 pages pour Épées & Voleurs…

L’extraordinaire bande dessinée Bran Ruz d’Alain Deschamps et Claude Auclair (Casterman) – un pavé de 200 pages présentant une
réinterprétation magistrale de la légende d’Ys (entremêlée, pour l’occasion avec d’autres mythes celtiques, comme par exemple celui
du saumon de la sagesse), avec en prime une réflexion passionnante sur la question de l’identité et de la langue bretonnes (plusieurs
pages sont d’ailleurs présentées en version bilingue). Initialement parue de 1978 à 1981 dans le magazine À suivre, à une époque où
l’on ne parlait pas encore de roman graphique, cette fresque poétique et poignante est un des chefs d’œuvres de la BD française.

Le magnifique cycle de romans The King of Ys, écrits dans les années 80 par le grand auteur de fantasy et de SF Poul Anderson et son
épouse Karen. Les lecteurs ne connaissant pas les autres romans de fantasy d’Anderson pouvaient craindre le pire à l’idée de voir un
écrivain américain s’emparer d’une légende bretonne mais cette tétralogie formidablement documentée (la lecture des notes incluses
à la fin de chaque tome est, à elle seule, absolument passionnante), solidement ancrée dans l’imaginaire lié aux âges sombres, constitue
sans doute un des meilleurs cycles de fantasy historique jamais écrits – et ferait, incidemment, une extraordinaire série télé... Un des
tours de force des auteurs est de n’avoir négligé aucun des aspects de la légende originelle, tout en en présentant une réinterprétation
très inventive, avec notamment un Gradlon ré-imaginé en centurion romain venu de Britannia et adorateur de Mithra, et le rôle
décisif attribué au roi irlandais Niall aux Neuf Otages… Malheureusement, il semble que Le Roi d’Ys ne trouva pas son public en
France car seuls les deux premiers tomes ( Roma Mater et Les Neuf Sorcières) furent publiés en V.F. Si vous avez l’habitude de lire des
romans en Anglais, jetez-vous sur les quatre tomes en V.O. : Roma Mater, Gallicenae, Dahud et The Dog and the Wolf.

Ys en Jeu de Rôle ?
Pour finir, un rapide tour d’horizon des suppléments de jeux de rôle évoquant la cité d’Ys, avec des visions souvent très différentes :

La V.F. de Pendragon (Chaosium) jadis publiée par Oriflam proposait, avec son écran de jeu, un scénario de conception française
mettant en scène le roi Gradlon et sa cité.

Le jeu de rôle Keltia (Septième Cercle) propose une vision résolument pagano-celtique de Ker-Is dans son supplément Avalon.

Le Souffle du Dragon, campagne épique pour Nephilim (récemment rééditée chez Mnemos), contient un scénario lié à la cité d’Ys,
ré-imaginée, bien sûr, à travers le filtre magico-ésotérique du jeu. L’antique supplément Monde des Ténèbres : France (Ludis) contient
aussi une vision d’Ys dans son chapitre consacré à Changelin : le Songe. On est, dans ces deux derniers cas, évidemment très loin de
l’univers d’Épées & Voleurs ou de la fantasy à la sauce âges sombres, preuve que la légende d’Ys a décidément de multiples visages…

En Anglais, le récent sourcebook consacré au cycle de Lyonesse de Jack Vance pour le système Mythras (The Design Mechanism)
inclut une section sur la cité d’Ys (ré-imaginée à la Vance…) ; tel était aussi le cas du vénérable JDR Lyonesse en VF de Men In Cheese.