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«Voyage sur l'île aux mille parfums»

Table des matières …………………………………………………………………..p.1

L'île de Chios à travers l'histoire …………………………………………………….p.2

Voyage à Chios, l'île paradisiaque du Levant au début du XIXe siècle……………..p.3

De Smyrne à Chios dans une croisière à travers la Méditerranée……..…………….p.8

Un portrait de l'île de Chios à la fin du XIXe siècle………………………………...p.12

A la découverte de l'île de Chios en compagnie de James Aristarchi, Sior Petro, Kemal


bey ……………………………………..…………………………………………..p.34

1
L’île de Chios à travers l’histoire…
• XIe siècle avant J.-C.: Création de comptoirs ioniens sur l'île de Chios. Avec Samos et des cités-Etats de
l'Asie Mineure, Chios participe à la fondation du Dodecapole des Ioniens.

• VIIe-VIe siècle avant J.-C.: Chios forge sa propre monnaie avec un sphinx comme symbole.
Avènement d'un régime démocratique à Chios, semblable à celui établi par Solon à Athènes.

• 546 avant J.-C.: L'île est conquise par les Perses achéménides.

• 479 avant J.-C.: A la fin des guerres médiques, Chios entre dans la ligue de Délos.

• 201 avant J.-C.: Chios est conquise par Philippe V de Macédoine. Pendant la période hellénistique, elle
est vassale de l'Egypte des Ptolémées, de l'empire séleucide et du royaume de Pergame.

• 88 avant J.-C.: Lors de la guerre opposant le roi du Pont, Mithridatis VI aux Romains, Chios se montre
favorable à la politique romaine. En guise de représailles, Mithridate occupe et pille l'île, en déportant
ses habitants et en la rebaptisant en Bérénice, du nom de sa troisième épouse, originaire de Chios.

• IVe siècle: Christianisée, Chios fait longuement partie de l'Empire romain d'Orient (Empire byzantin).

• 1042 : L'empereur byzantin, Constantin le Monomaque, décide la construction de la Néa Moni.

• 1346-1566: Conquise par la République de Gênes, l'île reste sous son contrôle pendant un peu plus de
deux siècles. La gestion est confiée à une sorte de société par actions, la mahone de Chios.

• 1566-1912: Période ottomane. En 1822, dans le cadre de l'insurrection d'une partie des sujets ottomans
de confession chrétienne, le sultan Mahmoud II envoie des troupes sur l'île. Le massacre perpétré vise à
un double objectif, intimider par son ampleur ses sujets insurgés, et servir de vengeance au massacre
d'Ottomans musulmans par les révoltés, lors de la prise de la ville de Tripolitsa.

• 1586: Naissance de Léon Allacci, devenu par la suite gardien de la Bibliothèque du Vatican.

• 1888: Namik Kemal, romancier, dramaturge et réformateur social ottoman, ayant largement influencé le
mouvement des Jeunes Turcs, meurt en exil à Chios.

• 1912: Rattachement de l'île de Chios à l'Etat grec à l'issue des Guerres balkaniques.

• 1922: Suite à la défaite de l'armée grecque lors de la guerre gréco-ottomane de 1919-1922, des réfugiés
d'Asie Mineure s'installent sur l'île, fondant de nouveaux quartiers, tels que celui de Varvasi.

• Deuxième Guerre mondiale: Lors de l'occupation de la Grèce par les forces de l'Axe, Chios est occupée
par la Wehrmacht qui répliquent à tout acte de résistance par des exécutions punitives.

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3
« Voyage à Chios, l'île paradisiaque du Levant au début du XIXe siècle »

4
Ses1naisons, construites pa.r les Génois et les
Vénitiens, ont une élégance et des agrémens
qu'on est étonné de rencontrer dans l'Archipel.
L'île est coupée par plusieurs chaînes de 1non-
tagnes fort arides; mais les vallées , arrosées
par un grand noinbre de ruisseaux, sont rem•
plies d'orangers, decitronniers, de grenadiers.
Par• tout ses ca1npagnes offrent les tableaux
les plus séduisans. Les vignes de Scio ont ton-
jours été célèbres; elles font encore la princi-
l)ale richesse de cette île; ses vins , si vantés
par les anciens, 1néritent toujours leur répu-
tation.
On fabrique à Scio beaucoup d'étoffes de
soie, d'or et d'argent. Le nombre <les métier
est cependant fort diminué depuis quelque"
années. Mais il est une autre branche <le
co1n111erce particulière à l'île de Scia , et qui,
quoique fort restreinte, ne laisse pas d'y faire
entrer une som1ne considérable; c'est la cul-
ture des lentisques (1 ), qui fournissent cette

(1) Le lentisque se plait singulièrement dans l'


Archipel, et sur-tout dans l'ile de Scio. C'est un arbre
toujours vert. Ceux qui croissent dans les pays
111éridionaux de la France, en Espagne et en Italie,
clonnent peu _de mastic. Le mastic de Scio est le plns
estimé; il se casse sous la clent, s'enflamme sur le
/,

5
gomme appelée mastic ., dont les dames h 1 turques
et grecques font 4ne grande consom- ap mation.
en
Elles en mâchent continuellement.
Cette drogue donne à leur haleine une odeur
aromatique, qu'on peut ne pas trouver désa-
gréable, mais qui nuit beaucoup à la beauté
de leurs dents.
On sait que l'île de Chio est une cle celles
qui se disputaient l'honneur d'avoir vu naître
le père de la poésie grecque. Ses habitans conservent
encore quelque souvenir de ce 1
grand homme, et prétendent qu'il venait don- ner
ses leçons sur un rocher qui se trouve à une
lieue au nord de la ville, sur le bord de la 111er
, et qui paraît s'être originairen1ent détaché de la
montagne. Il est inutile de re- lever le peu de
vraise1nblance de cette tradi-

charbon et s'amollit à la chaleur comme la cire. Pour


en préparer la récolte , on nétoie bien le pied <le l'arbre,
et l'on y fait, au milieu de l'été, unepre- n1ière
incision. La résine coule le long de l'arbre jusqu'à terre
; celle qui se fige sur l'écorce est la plus propre et
la meilleure. A la fin de l'été , on
:ramasse cette résine par un temps sec et serein ; puis. on
fait de nouvelles incisions à l'arbre pour obtenir nne
seconde récolte au commencement ùe l'automne. Les
jeunes arbres en donnent plus que les. vieux.

6
tion. La partie supérieure de ce rocher a été
aplanie et creusée; elle for1ne un bassin ovale,
entouré d'une banquette. Au milieu est une
espèce de siége, sur la base duquel on croit
distinguer de petites têtes de lion. On pense
que c'était un temple de Cybèle, dont la sta-
tue a été brisée, et dont les restes mutilés n'
ofirent plus que le siége sur lequel elle était
placée.
Ialgré le séjour d'un grand nombre de
Turcs dans la ville de Scio , les fen1mes y
jouissent de la plus grande liberté. Elles sont
gaies, vives et piquantes. A cet agrément elles
joindraient l'avantage réel de la bea té, si
elles ne se défiguraient par l'habillement le
plus déraisonnable et en mê1ne temps le plus
incommode. On est désolé de voir cet achar-
nement à perdre tous les avantages que leur
a donnés la nature, tandis que les Grecques
de S1nyrne et celles de quelques îles del'Ar-
chipel , plus éclairées sur leurs int rêts, sa-
vent encore ajouter à leurs attraits l'extérieur
le plus voluptueux. Les habitantes de Scio
sont comme toutes ces fem1ues auxquelles une
toilette étudiée sied moins que leur simple
négligé. Elles forinent un spectacle char-
1nan , Iorsqu'assises en foule sur les pertes de
t:

7
Source : Pierre Blanchard, Le voyageur de la jeunesse dans les quatre parties du monde, Paris,
1818

8
De Smyrne à Chios dans une croisière à travers la Méditerranée

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VOY AGES D'UNE FAMILLE

mais point d'habitations,en dehors de celles appartenant à la com-


pagnie, durant tout le trajet jusqu'à Ayasolook où l'on s'arrête
pour Éphèse. Un peu avant cette station, un choc nous a mis en
émoi et a amené l'arrêt du train : c'était une pauvre vache que
nous avio_ n scoupée en deux et dont les assistants se partagèrent
les rEstes.
En descendant de wagon, des chevaux nousont conduits au som-
met d'une colline d'où l'on a une vue générale des ruines. Ici des
restes de mosquées, là des fragments de tombeaux; au bas, le tem-
7,le de Diane découvert par Mr Wood à sept mètres au-dessous du sol
environnant. Ce monument était au nombre des Sept merveilles du
monde, et, bien que brûlé sept fois, contenait encore sufûsam- ment
d'objets d'art pour dédommager notre compatriote. La plu- part de
ces objets ont été transportés au Bntish llfuswm 1•
Sur unepetite éminence, on montre les ruines de l'église de
Saint-Jean; auprès, sa tombe et celle de la vierge Marie. Nous avons
pris des photographies et acheté à l'agent de i\fr \Vood quelques
morceaux de marbre jugés indignes du musée de Lon- dres; puis
nous avons été voir les aqueducs turcs qui tombent en ruine, mais
où l'on retrouve encore de beaux morceaux de sculp- ture grecque.
Les moindres collages, toutes les fontaines des environs portent des
traces de l'art grec, inscriplions ou sculptures. Partis d'Ayasalook à
cinq heures, nous étions à Smyrne à sept heures et à bord à sept
heures et demie.

Lundi, 23 novembre. - Nous devions reprendre la mer de bon


matin; mais, comme toujours, les incidents imprévus ont retardé
le départ. Le slewatd s'est fait attendre; la citerne 2 aussi; bref, il était
plus de dix heures quand nous avons mis en marche, sous une
pluie batlante et avec calme plat. Dans raprès-midi, le ciel s'est
dégagé et la brise s'est si bien faite, qu'à la hauteur de Chios (ou
Scio), nous filions douze nœuds. Malgré cette circonstance

1. Célèbre musée de Londres.


2. Bateau qui apporte !"eau douce aux nal'ires.

10
Source : J. Butler, Voyages d'une famille à travers la Méditerranée, Paris, 1890

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Affiche pour la semaine du mastic en août 1983

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Un portrait de l'île de Chios à la fin du XIXe siècle

13
STATISTIQUE DESCRIPTIVE
divisé administrativement en 6 cazas et 6 nahiés, comme suit :
Gaza, : Chio, Ipsara, Nicaria, Léros, Kalymnos, Cos
(lstankeuï).
Nahiés : Calomati, Oulia, Cardomila, Pathmos, Aslrapalia
(Astypalé ), Indjirli.

Population. - La population totale de l'lle de Chio est


actueJiemenl de 59,600 habitants, savoir :

Grecs orthodoxes . 56,500


Musulmans. t ,500
Catholiques t ,350
Israélites. 250
TOTAL, 59,600

Avant la guerre del' cc Indépendance» (1822), cette popula-


tion totale, suivant une statistique dres ée par M Platon, alors
archevêque de Chio, montait à 78,000 habitants.
Suivant une autre statistique dressée en t853, elle n'était plus,
à celle dernière date, que de 38,000 habitants. ·
Ainsi, la pop lation de l'tle de Chio, diminuée de plus de
moitié par suite de la guerre de l'indépendance, est remontée, en
soixante-huit ans seulement, aux trois quarts du chiffre de son
ancienne prospérilé. Il est vrai que cette période n'a pas été elle-
même exemple de désastres.

Religions. Nationalités. - Quoi qu'il en soit, en 1822


et en 1853 comme aujourd'hui, la grande majorité, ou, pour
mieux dire, la presque totalité des habitants sont Grecs orlho-
doxes. C'est à peine au quinzième du chiffre tolal de la popula-
tion que s'élève celui des autres habitants de l'tle. Ce quinzième
est composé pour lesdeux tiers de musulmans; lescinq sixièmes
du dernier tiers représentent le chiffre des catholiques, descen-
dants pour la plupart des Génois qui ont possédé l'tle de Chio

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. 408 VILAYET DE L'ARCHIPEL
au moyen âge, et le reste se compose d'israélites en nombre
infime.

Mœurs et usages. - Dans l'antiquité, les Chiotes, aussi


bien el mieux que tous les autres habitants de la voluptueuse
Ionie, connurent el pratiquèrent tous les raffinements de la civi-
lisation orientale. Leur gollt excessif pour les plaisirs ne faisait
aucun tort à leurs occupations commerciales, qui alimentaient
leur luxe proverbial. « Vivre à la façon des Chiotes », signifiait
s'abandonner aux plaisirs, el surtout à la gastronomie. Leurs
cuisiniers étaient très renommés et très recherchés. Le poète
Euphron a transmis à la postérité le nom de l'un d'eux, Nérée,
au nombre des sept fameux cuisiniers qu'il a comparés aux
sept sages de la Grèce.
Les Chioles élaien l grands amateurs des jeux de hasard aux-
quelsilsétaient habiles, car, au jeu des osselets, le mol « chiote »
signifiait un coup heureux. -Ilsse.faisaient couper les cheveux
et i\pilcr d'une façon particulière imitée par les rarfinés.
Dans les temps modernes, les mœurs des Chiotes ne changè-
rent pas : « A Chio, dit Pietro Della-Valle, on ne fait que
chanter, danser et converser avec les dames.» Choiseul-Gouffier
el lous les voyageurs s'accordent à rendre à celles-ci le témoi
gnage qu'elles ont conservé leur antique beauté. Elles sont d'un
caractère vif et gai, et jouissent de la plus grande liberté, dont
on affirme qu'elles n'abusent pas. Elles sont très aptes à tous l s
travaux domestiques et s'occupent avec sollicitude du bien-être
de leurs familles. Les Chioles ont toujours eu le renom d'être
polis et hospitaliers. Belon disait d'eux dans son vieux langage:
« Il n'est autre ville où les gens soient plus courtois qu'à Chio;
aussi est-ce le lieu de la meilleure demeure que nous sachions
à noiregré. » Ce témoignage est toujours vrai.
?tlais il faut des ombres à tout tableau. Aussi convient-il
d'ajouter que Chio est l'un des principaux sièges de la singu-
lière induslrie de la mendicité érigée en profession honorable.
Nombre de gens de la basse classe, possédant déjà un petit avoir
qui leur permettrait de vivre en travaillant, prélèrent venir à

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STATISTIQUE DESCRIPTIVE 409
Conslanliuovle aûn de grossir sans peine cet avoir au moyen
d'aumônes qui souvent les enrichissent. Les filles de celle même
classe de gens à demi-aisés sont aussi celles qui fournissent le
plus grand nombre des servantes des familles riches de Péra el
des rives du Bosphore, 011 l'on n'a du reste qu'à se louer en gé-
néral de leurs services.
Les Turcs de Chio sont pour la plupart des fonctionnaires ou
employés civils ou militaires du gouvernement.
Les catholiques sont presque tous d'origine ilalienne, appar-
tenant à la noblesse génoise qui garda l'tle en sa possession
et la gouverna de t 346 à t 566. date de sa prise par les Turcs et
de sa réunion à l'empire oltomau. Comme du temps de leur do-
mination, ces descendants des ltfahom ou J1annèses, dont on
voit encore les armoiries sur plusieurs maisons de la ville, ont
pour principale occupation le haut commerce el la banque.
Les juifs s'occupent en général de colportage et de divers
petits métiers.

Ecoles. - JI y a à Chio 3 écoles musulmanes dont 1 ruch-


dié, t de garçons et 1 de filles, el 2 médressés ou facultés de
théologie et de droit islamiques • . . , . • . . . . . 5
Les ulres établissementsd'fuslruclion vublique avpar-
tiennent aux chrétiens et consistent en f gymnase, t ly- cée,
t école de garçons et t école de filles el 4 écoles com-
munales pour les grecs orthodoxes. . . . . • . . . . 8
Les catholiques ont 3 écoles primaires . 3
Les israélites possèdent aussi une école. . . . . . . t
Chaque village a t école primaire . . . . . . .• .• 66
TOTAL des établissements scolaires ùe Chio . 83
=
Bibliothèque. - Chio possède aussi une riche biblio- thèque
d'environ 12,000 volumes grecs, latins, français, anglais et
allemands. Ces ouvrages ont été légués à Chio par deux illustres
savants grecs, Coray, mort à Paris en 1833, et Jean Shiotti, mort
dernièrement à Trieste.

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410 VILAYET DE L'ARCHIPEL
La principale école grecque de Chio avait été fondée en 1792.
Elleélaitdevenue célèbre en Orient avanlia guerre de l'Indéplln-
dance et complait alors 700 élèves, dont 500 Chiotes el 200
étrangllrs. On y enseignait la métaphysique, la logique, la
théologie, la rhétorique, l'histoire, les mathématiques, la phy-
sique et la chimie, le grec ancien, le français et le turc, le des-
sin et la musique.

Climat. - Chio est favorisée du plus heureux climat, qui


l'avait fait placer, dans l'antiquité, parmi les quatre tles dites
« bienheureuses ». Sa situation maritime la préserve des cha-
leurs excesssives qui règnent en été sous cette latitude, et les
froids de l'hiver y sont presque inconnus. Les vents du nord n'y
soufflent que comme une brise rafraichissante. La température,
également éloignée de la sécheresse et d'une trop grande humi-
dité, est très salutaire. Il est très rare que le thermomètre, en
hiver, descende au-dessous de zéro.
Topographie. - L'île de Chio, plus large au nord el au
sud qu'à sa partie centrale, forme, à cet endroit où elle se res-
serre, un golfe qui s'ouvre du côté de l'occident el se termine
au sud par le cap Masticos, el au nord par le cap Noir ou de
Saint-:Nicolas, en face de l'ile de Ipsara (Psara). C'est ce golfe
qu'Hérodole appelle Je.; creux {-tà: Y.oïÀ«) de Chio.
Au nord-est de l'tle s'élève, à 833 mètres environ d'altitude,
le mont Pélinéen, qu'on nomme aujourd'hui mont ]lias. Ses
ramifications parcourent l'tle tout entière, et s'abaissant en
pentes plus douces à mesure qu'elles s'avancenl vers le sud.

Cours d'eau. - Plusieurs cours d'eau arrosentles parties


basses : le plus considérable est le Partlténius, aqjourd'bui Po-
tamos (la rivière), qui coule de l'ouest à l'est, un peu au sud de
la ville de Chio, à travers les jardins d'orangers qui l'entourent.
Dans la saison des pluies, de fortes digues sont nécessaires pour
contenir celle rivière et l'empêcher d'inonder les jardins, mais
en été elle est souvenl à sec. Les autres petits cours d'eau des

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STATISTIQUE DESCRIPTIVE 411
vallons el des plaines sont, du moins quelques-uns, assez forls
pour actionner des moulins; mais, sur les hauteurs, on ne ren-
contre que des sources d'eau vive sortant de la montagne et qui
ne s'étendent pas au loin.

Productions naturelles. - D'après celle courte des-


cription, on voit que le sol de Chio, pays montagneux, est peu
propre à l'agriculture. Sa constitution pierreuse est rebelle au
labourage. Néanmoins l'épithète de« trèsgrasse>> qui est donnée
à Chio, dans l'hymne à Apollon attribué à Homère, n'est pas
une fiction. Il est vrai que l'Ue n'est pas fertile ea céréales;
mais plusieurs plaines d'une assez grande étendue, telles par
exemple que celle de Livadia, au nord de la ville de Chio, et
celle de Campo, située au midi, sont de véritables forêts. On y
voit ainsi d'immenses jardins d'orangers, de citronniers et de
toutes sortes d'arbres à fruits.
La production naturelle de l'tle de Chio, très abondante,
peul être divisée en trois régions principales: celle des vins, au
nord-ouest, sur le penchant du mont llias; celle des oranges,
citrons, olives, amandes. figues el autres fruits, à l'est, des
deux côtés nord et sud de la ville de Chio; enfin celle du mastic,
au sud-ouest. Une partialité qui semble digne d'être notée,
c'est que le céleri de Chio a été introduit en Europe par un jar-
dinier chiote qui en planta les premiers pieds à Rome, dans les
jardins potagers de la villa Albani.
Les trois principaux produits du sol de Chio méritent plus
qu'une simple mention. Ondoit ajouter, pour ce qui concerne
chacun d'eux, quelques détails qui sembleront sans doute inté-
ressants.

Vins. - Les vins de Chio, encore aujourd'hui très estimés


en Orient, avaient une réputation incontestée dans l'antiquité,
chez les Athéniens el chez les Romains. Horace les a chantés.
Le vin d' Arvisia, canton situé au nord-ouest de l'lle, en face
d'Ipsara, passait pour le plus délicat des vins grecs. Les méde-
cins anciens lui attribuaient, outre celle délicatesse, des pro-

18
,12 VILAYET DE L'ARCHIPEL
priélés médicales; il eutrail dans sa fabrication des pastilles
ophtalmiques dites pastilles de Chio. Pline dit qu'on or donnait
à Rome le vin de Chio contre les maladies de l'estomac. Horten-
sius, au moment de sa mort, en avait dix milles pièces dans ses
caves. C'était le vin de prédilection de César,

Orangers. - Près de Chio, entourant la ville, s'étend une


vaste forêt d'orangers el de citronniers qui, dans la saison des
fleurs, répandent une odeur suave que l'on sent en mer à une
grande distance de la côte. Ils rapportaient autrefois près de
cinq millions de francs tous les ans par la vente de leurs fruits.
Ces arbres sont cultivés dans des jardins adjacents, mais sépa-
rés par de hautes murailles. Chacun renferme une fontaine
dont l'eau est tirée au moyen d'une noria, et coule dans un
grand réservoir muré, d'où elle est distribuée par des canaux
autour des arbres.
Les maisons de campagne des Chiotes aisés sont situées dans
ces jardins qui, même après les dévastations diverses qu'ils onl
dô souffrir, témoignent encore assez de lenr ancienne prospé-
rité pour que Lamartine ait pu dire naguère : « Je ne connais rien
en Europe qui présente l'aspect d'une plus grande richesse que
Scio. » ·
Les jardinK d'orangers et de citronniers sont au nombre de
121t.

Mastic. -Les villages dits mastico-chori, c'est-à-dire ceux


de la contrée où se récolte le mastic, sont au nombre de O,
tous situés dans la partie sud-ouest de l'lle. La récolte du mastic
était jadis pour le gouvernement turc uu revenu considérable,
du temps que tous les lentisques lui appartenaient. Les habi-
tants, tous chrétiens, qui étaient chargés de prendre soin de
ces arbres, el de bien ballre, aplanir et balayer le terrain sous
chacun d'eux au moment de la récolte du mastic, jouissaient de
grands privilèges, tels que le droil de porter un turban blanc, de
sonner la cloche à leur église, de ne payer que la plus petite
taxe el d'être exempts de tous autres droits, imposilions et cor-

19
STATISTIQUE DESCRIPTIVE
vées. Ils recueillaient le mastic avec des pinces sur les arbres,
età terre avec la main, et le séparaient ensuite selon ses diffé-
rentes qualitt\s dont la première, montant à 60,000 livres pesant,
était envoyée au sérail.
La récolte tout entière, prise à ferme du sérail par un agha
particulier spécialement chargé de gouverner les villages à
mastic, pouvait monter, année commune, à 150,000 livres
pesant.
Les dames turques et grecques faisaieut et font encore une
grande consommation de mastic; celle drogue, que beaucoup
d'entre elles mâchent continuellement, donne à leur baleine une
odeur aromatique qu'elles trouvent agréable, mais nuit
beaucoup à la beauté de leurs dents.
On emploie, comme on le sait, le mastic en médecine et dans
les arts. Pour ce dernier usage, il convient mieux qu'un grand
nombre d'autres drogues similaires. ayant sur elles l'avantage
d'être soluble dans l'essence et dans l'esprit de vin. Cette pro-
priété le fait encore employer aujourd'hui pour la fabrication du
raki, mais dilîérenls produits chimiques l'ont remplacé avan-
tageusement dans les arts.

Faune. - L'tle de Chio, n'ayant qu'une très petite quantité de


terres labourées, manque de bélail. Les chevaux mêmes sont
un objet de g1·and luxe, mais les mulets el les ânes sont assez
communs, ce qui est bien naturel dans un pays monta- gneux.
Les renards et les lièvres sont en grand nombre dans les
endroits rocheux et non culliv6s. Aucun autre quadrupède
sauvage ne s'y rencontre, sans doute à cause du manque de forêts
proprement dites.
En revanche tous les oiseaux de passage, et surtout la bé-
casse, la caille, le merle, la grive, la tourterelle, y sont très
nombreux. On ne voit nulle part autant de perdrix qu'à Chio.
Autrefois même, au témoignage de Dapper, les habitants de
certains villages en 6levaient de grandes compagnies, comme
on élève ailleurs des troupes de poules, d'oies ou de pigeons. On
donnait à ces perdrix, dès le matin, la liberté de s'envoler dans

20
VILAYET DE L'ARCHIPEL
la campagne, suivies de leurs perdreaux, pour y chercher leur
nourriture. Le soir, on les rassemblait au son d'un sifflet, et
chaque compagnie, composée quelquefois de plus de trois cents
oiseaux, suivait son gardien au village, en se séparant de la
masse entière de perdrix, s'élevant souvent à six ou sept mille
têtes appartenant à plusieurs propriétaires différents.
On élève à Chio beaucoup deversà soie. C'était avanlia guerre
de l'indépendance, une des grandes occupations des Chiotes que
la s6riculture el la manufacture de la soie. On importait alors
une grânde quantité de soie de la Thrace et de la Syrie pour
satisfaire aux besoins des fabricants et du commerce.
Les abeilles sont aussi l'objet des soins des habitants de Chio,
et leur miel est comparé à celui du mont Hymette el d'Hybla.

Mines et minières. - A Kéramo, à Potamia et à Lefko-


poda se trouvent des mines d'antimoine, exploitées par M. Ap.
Lappo.
On trouve aussi le leucite à Kalamodhi et à l\lonila, au sud-
ouest de l'tle.

Carrières. - Mais les principales richesses minérales de


Chio consistent dans ses carrières de marbre, très nombreuses
dans les montagnes. Ces carrières renferment diverses sortes de
marbres tachetés de couleurs variées. On trouve aussi à Chio de
la terre savonneuse employée en Orient dans les bains, mêlée à
des feuilles de rose, comme dans l'antiquité.
Forêts. - Iln'ya point de forêts à Chio.

Ports et rades. - Les ports el rades de l'ile de Chio sont


assez nomhreux. La partie rentrante de celte terre, appelée par
Hérodote les creux et comprise entre les caps Amista et Saint-
Nicolas, à l'ouest, constitue au vaste et bon mouillage. A l'est, en
remontant la côte du sud au nord à partir du cap l\fastikos, on
rencontre d'abord la baiede Kalamodhi, bien abritée des-Yenls du
nord, de l'ouest et du sud-ouest, et garantie contre ceux du nord-
est par le cap Gredia. - Vient ensuite la baie de Mégalo,

21
STATISTIQUE DESCRIPTIVE 41.5
précisément en face du cap Aspro, point le plus avancé à l'ouest
de la presqu'ile de Tchesmé; c'est un abri non moins sûr. -
Plus haut, ver le nord, il peu près au milieu de la côte orien-
tale, se trouve le port de Kastro, qui est le port même de Chio,
el sur les rives duquel s'élève celle ville. Dans l'antiquité, il
pouvait contenir 80 vaisseaux. Du lemps de Choiseul-Gouffier et
d'après son témoignage, c'était un port d'un aspect lrès agréable,
ressemblant beaucoup à celui de Gènes. Deux fanaux avancés
indiquaient la route à suivre aux nombreux bAlimeolsqui le fré•
queotaienl en allant ou retournant d'Égypte à Constantinople.
Une jetée à fleur d'eau le fermail du côté du midi.
En remontant encore du côté du nord, on rencontre le port de
Kolokythia au port Dauphin, à peu de distance de la ville de
Chio. C'était là que se trouvait, dans l'antiquité, la ville el le porl
de Delphinium qui avait le renom d'une excellente rade. Le port
de Fano était aussi célèbre dans l'antiquité sous le nom de Cau-
casa,ville dontles ruines se reconnaissent encore près de !"église
Saint-Théodore.

Industrie. - Ce grand nomhre d'abris sûrs et spacieux, aussi


bien que la belle situation géographique de Chio et la mau- vaise
constitution du sol de cette tle montagneuse, pierreuse el
impropre au labourage, furent autant de causes réunies par suite
desquelles les habitants de Chio se livrèrent de foui temps, et
presque exclusivement, au commerce el à la marine. Toutefois,
ils ne furent pas sans avoir eu des industries florissantes, telles
que la production et les manufactures de soie et la fabricalion
d'ouvrages de poterie. L'ile produisait annuellement !5,000 ki-
logrammes de soie, et celle quanlilé était loin de suffire à l'acti-
vité de ses fabriques. Les vases d'argile de Chio étaient l'objet
d'une fabrication et d'un commerce très imporlout, surtout dans
l'antiquité.
Aujourd'hui, pa.r l'effet des événements successifs quiont ruiné
Chio, l'industrie locale a beaucoup baissé. Outre les branches
se rapporlant directement aux produits naturels, tels que les vins
el le mastic, ainsi que les oranges et autres fruits, on ne

22
416 VILAYET DE L'ARCHIPIIL
s'occupe plus que très peu à Chio de la fabrication de la soie qui
faisait prospérer t ,200 manufactures avant tsn; el la poterie
ne fait plus travailler que quelques fours, dans les villages dits à
mastic, où se trouve la terre argileuse propre à cette industrie.
On y trouve quelques moulins et usines à rabriquer la farine, des
pressoirs à huile et des tanneries.
Les méliersde maçon, de menuisier, de tailleur de pierre, de
maréchal-ferrant,fournissent encore beaucoup de bons ouvriers.
Les jardins sont cullivés avec beaucoup desoin el de go1U, et le
Chioles n'ont pas perdu leur ancienne réputalion d'habiles hor-
ticulteurs.

Exportation. - Le principal article d'exportation de Chio


est le mastic, dont 80,000 okes ou 100,000 kilogrammes sont
envoyés au dehors chaque année, et dirigés pour la plus grande
part sur Constantinople pour la fabrication du raki ou eau-de-
vie à ma. tic. Le reste va en Europe pour les besoins des arts.
Autrefois le mastic, selon sa qualité se vendait jusqu'à 4 mé-
djidiés I l'oke, ou t6 à t8 francs le kilogramme. Aujourd'hui, la
grande affluence de spiritueux divers importés eu Turquie et
dont l'usage a fait diminuer celui de l'eau-de-vie 1t. mastic, et,
d'aulre part, la découverte denombreux produits chimiques qui
ont avanlageusement remplacé le mastic dans les arts, ont réduit
le prix de celle résine à :! ou 3 médjidiés l'oke, soit environ
f 3 francs le kilogramme.
L'exporlation d'orange11et decitrons était aussi considérable:
Smyrne, Constantinople et la Russie consommaient chaque
année t50,000 caisses, chacune de f 50 oranges en moyenne, el
co0tant 2 medjidiés rendue franco à bord, ce qui met l'orange
à 10 paras, ou à peu près 6 centimes la pièce. Outre cela, les
caboteurs fréquentant les différenls ports de la Turquie n'y ven-
daient pas moins de trois millions d'oranges de Chio chaque
année. Mais, depuis huit ans,une maladie qui a sévi sur lesoran-

(i) Uo medjidi6 nul courammenl, fr. 60.

23
STATISTIQUE DESCRIPTIVE 417
gers et les citronniers menace de les détruire et d'anéantir cette
branche de commerce.
L'exportation des amandes à destination de la Russie, de la
Turquie el del'Égjple est de t 30,000 okes paran, out 6!,500 ki-
logrammes, à raison de 6 piastres el demi l'oke. L'huile, l'anis,
les fèves, el autres produits agricoles dont la récolte est très peu
importante, servent aux besoins des habitants.
Ces principaux articles d'exportation, en négligeant tous les
autres produits commerciaux, représentent à eux seuls un chiffre
supérieur à 65,000 livres turques ou environ un million et demi
de francs.

· Importation. - L'importation consiste en denrées colo-


niales, beurre, riz, caviar,·articles d'habillements et de luxe,
dont ]a valeur totale surpasse de 30,000 livres turques le chiffre
de l'exportation,ou environ 700,000 francs,
Celle différence, qui semble avoir toujours existé, se com-
pense par le produit de la navigation qui naguère donnait un
excédent qui contribuait à augmenter le bien• être du pays. Ce
produit ayant diminué en même temps que la production
du sol devenait moins florissante, la différence entre les chiffres
de l'exportation et ceux de l'importation augmente au détriment
de l'exportation, el l'étal du pays est languissant.

Navigation. - Mouvement maritime du port de Chio, du


1/13 mars 1889 au !8 février 1890 :

24
STATISTIQUE DESCRIPTIVE 4'.!i
plusieurs noms différents. Primitivement, de même que cer-
taines autres tles de la mer Karpalienne, on l'appelait Ophi-
nissa {lit1,) à cause de la multitude de serpents qui la remplis- .
sait. Elle pril ensuite le nom de Chio {X!o;}, selon les uns du
nom dela nymphe Chione, fille d'Œnopion, premier roi du pays
el femme d'Orion, qui purgea celle lie des serpents dont elle
était infestée. Selon d'autres auteurs, c'est à la grande quantité
de neige{ X!wv} qui tomba le jour de la naissance de l'enfant d
Chione el d'Orion qu'est d0 le nom de Chio. Isidore, enfin,
fait dériver ce même nom d'un mol syriaque qui signifie mastic.
Aujourd'hui, les Turcs appellent aussi Chio l' « tle au m11slic »
Sakyz-adassi). On l'a aussi nommée anciennement l'ile des /Jins,
(Pi l/usa), à cause des pins{1t( ,} qui couvraient alors ses mon-
tagnes; Macris, l'tle longue; el Œthalia (braise) à cause de la
chaleur de sa température.
Chio eut pour premiers habitants des Pélasges de la Thessa-
lie, tradition appuyée sur un fragment d'Éphore conservé par
Athénée, sur les témoignages d'Eusthate et de Strabon, et con-
firmée par le rapprochement des noms de Pelliné, ville antique
de Thessalie, el du mont Pellinéen, aujourd'hui mont ]lias.
Après celle première colonisation eut lieu celle d' Œnopion
qui vint s'établir à Chio avec une colonie crétoise accompagné
de ses cinq fils. OEnopion, qui passait pour être fils de Bacchus
et d'Ariane, enseigna aux Chioles la culture de la vigne el l'art
de faire le vin. Des colons venus de Carie el d'Eubée s'établirent
aussi dans l'tle à la même époque avec l'agrément d'OEnopion,
mais ils en furent chassés vers 1130 avanl Jésus-Christ, lorsque
les Ioniens, qui venaient d'arriver en Asie .Mineure, s'élablirenl
à leur tour à Chio, qui fut mise au nombre des douze villes dont
fui formée, à l'origine, la confédération ionienne.
Depuis celte époque jusqu'au v1• siècle avant Jésus-Christ,
aucun évenement politique remarquable ne se rencontre dans
l'histoire de Chio; mais toute cette période est empl_oyée par
les Chiotes à se créer une marine, à s'enrichir par un com- merce
actif, à asseoir leur prospérité sur des basses solides et durables,
à grandir leur influence en envoyant à leur tour des
:l9

25
422 VILAYET DE L'ARCHIPEL
colonies au loin, à fonder enfin une puissance maritime assez
imposante pour faire respecter son indépendance par le souve-
rain le plus redouté de l'Asie, Crésus, roi de Lydie.
Lorsque la domination persane engloutit la monarchie ly-
dienne, les Chiotes ne se préoccupèrent pas beaucoup, tout d'a-
bord, des dangers auxquels les rapides progrès des conquérants
nouveaux exposaient leur indépendance. Adonnés tout entiers
à leur commerce, ils crurent agir avec prudence en livrant aux
Persesle dépositaire dee trésors de Crésus qui avait fait soulever
les Lydiens c.ontre eux, et en refusaol aux Phocéens qui s'exi-
laient de leur ville pour éviter d'être réduits en esclavage par le
général de Cyrus, de leur vendre, pour s'y établir, les lies
Œnussea, aujourd'hui les. tles Spalmadores. Cependant, ils ne
purent éviter le sort commun à toutes les colonies grecques de
l'Asie .Mineure, et sous Darius l", tous les Étals de la conrédé-
ration ionienne étaient soumis au satrape qui gouvernait en tyran
les provinces conquiôes par le roi des Perses. Lors de la guerre
de ces derniers contre les Scythes, Strallis,tyran de Chio, adopta
avec tous les autres tyrans ioniens, le parti contraire de celui de
Miltiade d'Athènes; celui-ci voulait, suivant le conseil des
Scythes, qui en ce moment venaient dedisperser l'armée des
Perses, détruire, pour leur donner passage et rendre ainsi la
liberté à l'Ionie, un pont donl l.t garde avait été confiée aux
foniens.
Ne pouvant plussupporter celle double tyrannie des Perses et
de leurscréatures, les Ioniens se révoltèrent, et après dessuccès
et des revers alternatifs, pendant lesquels les Chioles se distin-
guèrent par des actions éclatantes, on les retrouve à la bataille
de Mycale combattant vaillamment parmi la flotte grecque.
Pausanias a vu leurs noms gravés sur le piédestal de la statue de
Jupiter à Olympie, à côté de ceux des autres alliés d'Athènes. Par
le traité de 449 avant Jésus-Christ, Chio fut mise à l'abri des
attaques des Perses dont les vaisseaux ne pouvaient plus, en vertu
d'un article de traité, navigue1· dam1 les eaux grecques, du
Pont-Euxin aux côtes de la Pamphylie.
Après avoir subi successi-vemeat l'influence d'Athènes, de

26
STATISTIQUE DESCRIPTIVE 423
Spartes et de Thèbes, Chio fut reconnue indépendante en 356.
Elle tomba ensuite sous la domination d'Alexandre le Grand el
de ses successeurg, puis sous celle des Romains, sous le litre
d'alliés de la République, dont les soldais et les magisll·ats la
pillèrent tour à tour. Ces odieuses exactions, citées par Cicéron
contre Verrès, jetèrent Chio dans le parti de Mithridate, mais
le roi du Pont ne sut pas la conserver dans son alliance, et conçut
contre elle, pour cela, une si violente colère que, sous un
prétexte rutile, il envoya son lieutenant Zeisobius qui surprit l'tle
pendant la nuit, rançonna les habitants et les enleva de force
pour les transporter sur les bords de la mer Noire, en 86. Sylla,
vainqueur de Mithridate, les délivra et les rétablit dans leur
pairie, en déclarant Chio ville libre et alliée du peuple romain.
Chio fut réunie à l'empire romain par Vespasien et comprise
dans la province des lies, où elle resta jusqu'à la nouvelle divi•
sion de l'empire sous Constantin. A partir de celle annexion, il
n'est plus fait mention de Chio dans l'histoire avant 449 de l'ère
chrétienne, époque où Tryphon, évêque de Chio, Georges et
Théophile, sont cilés dans les actes des sixième el septième
conciles œcuméniques.
En 1089, un Turc, nommé Zakhas, chef de pirates, déjà mattre
de Clazomène et de Phocée, fit la conquête de Chio par un coup
de main, sous Alexis Comnène qui l'en fit chasser en 1092 par
une flotle impériale commandée par l'amiral Delas- sène, sous
les ordres du généralissime Jean Ducas.
Le doge de Venise, Vital .Michieli, à la tête d'une flotte de
cent galères, prit Chio en t t 7%, mai il ne put la conserver
en sa possession. Trente-deux ans plus ta1·d, en t204, la
création de l'empire latin de Constantinoplll permit aux Véni•
liens de s'adjuger l'tle de Chio avec la plus grande partie de
l'Archipel. Elle fut reprise par Vatace avant la fin même do
l'empire latin; mais à peine les empereurs byzantins étaient-ils
remontés sur leur trône chancelant, que la puissance ottomane,
à·son aurore, vint lui disputer toutes ses possessions de terre et
de mer. Roger de Fior, chef d'une troupe de Catalans; a'Vait

27
424 VILAYET DE L'ARCHIPEL
réussi à arrêter la course victorieuse des Turcs et à sauver l'em-
pire d'une invasion. Ses exploits l'avaient fait élever au rang de
César. Cependant, quelques-uns de ses gens qui s'étaient char-
gés de défendre l'ile de Chio, se la laissèrent enlever par les
Turcs. Celle perte, considérée comme de la plus haute impor-
tance, souleva de Ioules parts des cris contre les Catalans, el le
jeune l\lichd, fils d'Andronic, qui venait d'être associé à l'em-
pire, profita da cette circonstance pour satisfaire sa jalousie
haineuse contre Roger de Flor, qui fut assassiné par son ordre
et en sa présence à Andrinople en t 307.
Chio, rentrée bientôt en la possession des empereurs byzan-
tins, leur fut encore enlevée, celle fois par un noble Génois,
Benoit Zacharie, dont le fils, .Martin, qui lui succéda, effaça des
murailles et des portes de la ville lesarmoiries impériales pour
y substituer les siennes. Andronic Ill vint en personne reprendre
l'tle au moment où Martin poussait avec activité la construction
d'une forte citadelle, et le réduisit à se rendre à sa discrétion.
li fut condamné à la prison; ses troupes furent enrôlées dans
l'armée impériale, el les Cbiotes déchargés de tous les impôts
dont il les avait accablés.
Son frère Benott tenta vainement d'emporter d'assaut la ville
de Chio, devant laquelle il se présenta avec tous les vaisseaux
de Galata qu'il avait pris à sa solde. Repoussé vigoureuse- ment
avec une perle de 300 hommes, il se retira plein de rage et
mourut sept jours plus tard d'une attaque d'épilepsie, en
t329.
Dix-sept ans plus tard, en 1346, Chio était de nouveau atta-
quée el prise par trente-deux nobles Génois, émigrés de Gênes
pour se soustraire aux persécutions du partidémocratique. Sous
leur gouvernement, de forme républicaine, Chio devint puis-
sante el riche. Les tentatives des Turcs, et les dommages qu'à
diverses reprises ils lui firent éprouver, la dévastation qu'elle
souffrit lorsque, en 1394, Sultan Bayaûd la fit ravager par une
flotte da i1oixante navires, ne purent porter aucune atteinte
grave à sa florissante prospérité. Après la prise de Constanti-
nople, les conquérants génois de Chio achetèrent la paii du

28
STATISTIQUE DF.SCRIPTIVE 425
sultan Mohammed Il moyennant un tribut annuel de f0,000 du-
cats.
.Mais en t 566, l'amiral turc Piali Pacha, ayant été contraint de
lever le siège de Malte par suite de secours envoyés de la ville
de Gênes aux Chevaliers, se vengea de son insuccès sur les Gé-
nois de Chio. Ilse présenta devant l'lle avec soixante galères. Les
nobles génois, pour l'apaiser, lui envoyèrent de riches présenl!I
qu'il accepta. Profitant de cette circonstance, il invita tous les
primats de l'lle àvenir le voir à son bord, et lorsqu'ils s'y furent
rendus sans défiance, il les fil charger de chatnes el transporter
à Caffa. Au bout de quatre ans de dure caplivité, ces malheu-
reux recouvrèrent leur liberté par l'intervention du pape Pie V
et de l'ambassadeur de France. La plupart rentrèrent en posses-
sion de leurs biens et de leurs dignités, et quoique réunie à
l'empire ottoman, Chio conserva des privilèges et une indépen-
dance assez étendus jusqu'en t595.
En cette année, Ferdinand J••, grand-duc de Toscane, fit atta-
quer Chio par une escadre commandée par Virgino Ursino, qui
s'empara du château, et, forcé par une tempête de s'éloigner,
laissa dans cette forteresse nne garnison de cinq cents hommes,
que dès le lendemain les Turcs passèrent tous au fil de l'épée;
leurs têtes furent plantées sur les créneaux, où Dapper les vil
un siècle plus lard. Depuis lors, les Turcs occupèrent militaire-
ment l'tle, et neconsentirent à laisser les Latins et les Grecs en
jouissance de leurs églises el de leurs couvents, que sur les plus
vives sollicitations de l'ambas adeur du roi de France Henri IV.
Les Vénitiens réussirent, en t 694, à s'emparer de la ville el
de l'lle entière ; mais en 1696, le Capoudan-Pacha, ancien cor-
saire africain, surnommé par les Italiens mezzo-morto, la reprit
à l'aide des habitants grecs orthodoxes, qui ne pouvaient sup-
porter la suprématie des Latins. Le gouvernement turc lesrécom-
pensa en leur attribuant celte suprématie dont ils élaientjaloux,
et bientôt on ne compta plus à Chio qu'un très petit nombre de
cRlholiques romains.
Pendant plus d'un siècle, la tranquillité régna, el Chio était
redevenue, en t 8 0. aussi riche, aussi prospère, aussi beureusf\

29
VILAYET DE L'ARCHIPEL

que dans les plus belles époques de l'antiquité. Le 8 mai t 821,


la flotle d'Hydra et de Psara, composée de viogt-cinq vaisseaux
commandés par Tombasis, parut devant l'île et pressa les habi-
tants de prendre part à la guerre de l'indépendance. Celle dé-
marche fut suivie un peu plus tard d'une occupation samienne
pendant laquelle la g11rnison turque, refoulée et attaquée daos la
citadelle, répondit en bombardant la ville. Le jeuài t I avril t SU,
tandis que les insurgés attendaient la flotte grecque, trois na-
vires de haut bord, vingt-six frégates et corvettes et un grand
nombre de vaisseaux de transport, se présentèrent. C'était une
escadre turque commandée par le Capoudan-Pacha Kara-Ali,
porteur des ordres les plus terribles, qui furent exécutés. L'tle
de Chio, ruinée, perdit en celle campagne plus de la moitié de
sa population et toutes ses richesses. Après soixante-huit ans
écoulés, les traees n'en sont pas encore effacées.
Un dernier désastre était encore réservé à ce malheureux pays
: un épouvantable tremblement de terre boulevers11, en t 881,
les trois quarts de l'tle, détruisit ses édifices, ses plan- tations,
ses cultures, el coûta la vie à un grand nombre d'habi- tants.
Redevenu florissant la veille encore, le pays se retrouvait de
nouveau réduit en un affreux désert, couvert de ruines amon-
celées, où déjà, pour comble de désolation, commençait à ré-
gner la famine. Heureusement pour les malheureux habitants,
on vit bientôt affluer de toutes les parties du monde civilisé, de
Constantinople el d'Athènes surtout, des secours de toutes
sortes. Chio, sur le point de périr, était une fois de plussauvée.

Phares. - Sur J'tle Pacha, appartenant au groupe des iles


OEnusses, aujourd'hui Spalmadores, dépendances du uahié de
Kardamila, s'élève un phare de quatrième ordre à reu tour-
nant. Sa hauteur au-dessus du niveau de la mer 8$1 de 75 mè-
tres, et sa portée de 15 milles.
Un autre phare,.à feu fixe, blanc, est situé au sommet de la
petite tle de Paspargos, entre le cap Aspro ella baie de l\fegalo;
sa hauteur au-dessus du niveau de la mer est de 45 mètres et sa
portée de 12 milles.

30
STATISTIQUE DESCR{PTIVE 427
Il y a encore deux autres phares sur la petite forteresse et à
droite de la pointe septentrionale du moulin, aux approches
du port de Chio. Ils sont à feu rouge; leur portée est de
4 milles, et leur hauteur au-dessu3 du niveau de la mer est de
18 mètres.

Flotte. - Chio possède une flotte composée de bâtiments à


voiles de tonnages différents, qui sont donné .à nolis par les
frêteurs, ou sur lesquels leurs propriétaires transportent eux-
. mêmes leurs propres marchandises, comme suit :
t• 50 barks (Mr.:ipxo ) de 350 à 600 tonneau:-t, dont t O pour
cent sont employés par fours propriétaires avec un capital dis-
ponible de 5,500 livres turques pour chacun.
La valeur approximative de ces 50 barks esl de 23,300 livres
turques.
Leurs équipages, y compris les capitaines, sont composés
d'un total de 600 marins.
2• 80 bricks (Mr.p!Y.a) de 200 à 300 tonneaux. La moitié tra-
vaillent pour le compte de leurs propriétaires, avec un capital
disponible de 3,000 livres turques pour chacun.
La valeur approximative de ces 80 bricks est de 22,100 livres
turques.
Leurs équipages, y compris les capitaines, sont en totalité de
700marins.
3° 80 goëlettes (yoÀlt«t) de tOO à 200 tonneaux, dontla moitié
sont employées par _leurs propriétaires avec un capital dispo-
nible de t, 200 livres turques pour chacune.
La valeur totale de ces 80 goëlettes est de 8,000 livres
turques.
Leurs équipages se composent, en totalité, de 650 marins. 4•
90 bombardes de 50 à 70 tonneaux, dont 60 travaillent
pour le compte de leurs propriétaires, avec un :capital dispo-
nible de 850 livres turques pour chacune.
Leur valeur totale est de 4,500 livres turques.
Le total des hommes de l'équipage est de 600 marins.
.
5° t40 thériks et Cùïks de tO à 30 tonneaux, travaillonl

31
428 VILAYET DB L'ARCHIPEL
presque tous pour le compt_e de leurs propriétaires, avec un
capital disponible de t 00 livres turques pour chacun.
Leur valeur totale est de'.!, t00 livres turques.
Le total des équipages se compose de 500 marins.

NOMBRE CAPITAL ROULANT


NOMBRE IOMBRE
-· IN Ll\'Rll '?UIIQUB8
moyen
Dl SA.Tl■B!'IT9 n• ■ARIICtl -
DK TONNAGB \"AUVR
OISP0:'1181.B

HO 63 950 60.000 260.500


. 3,050

TOTAL Ml CAPITAi. ROULA1'1', ..... 3 o.sro Lt•rea turques

Hommes illustres de Chio. - On ait que sept villes


se disputent l'honneur d'avoir donné naissance à Homère. Cette
question n'a pu être r6solue définitivement; mais Chio et
Smyrne possèdent les meilleurs litres à une telle revendication.
JI est tout à fait hors de doute que le père de la poésie a
longtemps habité Chio. Son propre témoignagne en fait foi :
Tu,Ào, «vf,p, oluî ai x(fJ) tVl 1t<ll1rOCÀosaq'!) (Hymme à Apollon, V, ta).
Il serait donc né à :chio, selon l'historien massaliole Euthy-
mène. Il est mort, selon l'historien chiote Hypermène, qui
cite la condamnation de l'esclave d'Homère à une amende de
t ,000 drachmes pour n'avoir pas br0lé le cadavre de son
mattre. Théocrite appelle Homère le chantre de Chio, et c'est
de celle lie que partirent les premiers rapsodes qui parcou- rurent
les villes de la Grèce en chantant des fragments de ses
poèmes. On montre encore aujourd'hui, à 4 kilomètres de la
ville de Chio, au bord de la mer, un reste de monument an-
tique qui porte, de temps immémorial, le nom d'Ecole d'Ho-
mère.
Quoi qu'il en soit, un assez grand nombre de Cbiotes illus-
trèrent leur pays dans l'antiquité : Ion, poète tragique, fut
contemporain de Sophocle; Aristippe el Ariston furent de célè-

32
source : Vital Cuinet, La Turquie d'Asie, Paris, 1892

33
Carte de l’île de Chios par Christoforo Buondelmonti, 1420

34
A la découverte de l'île de Chios en compagnie de James Aristarchi, Sior Petro, Kemal bey

35
. . '

teliet Ba:thy, Grece-race t sujet de S Maj.esté:·.


le su]tan.,-,.offre. a'lilX voyageurs. ·.des.,.lits ·fort:
· proprès; mais:: défen:dùs.-.contre .. le·s· moustique5:
· ·par:un-tel luxe de.moJsselines superposées qu:o·ri:
risqu·e. d/.y_étouffe_rCom:me-Bathy.-n'ignore .rien:
. des-· élégances.. èùrop.é. nnes, . i l -':présente. régu-:i:· .-
li..èremerit .à ses .hôtes, · avant.·chaque repas,, un.·_
_ katalogo_s.(d'autres disent plus_simplemeni>to p.syou
- ou hi<in - ),l )' où il a.:énum.ére,' non san-s.quel ·-
que efilph.ase, .tous les'.vins·plâtrés ..qu résinés·de
sa·cave et tous les-plats de son .office:: le ff )i-ro·
ya.pyko, le p.1t1. ·dxL--p.E- -r&:-;eç·, la costelétta à la
·milanéza, •pour ceux qui veulent se·nourrir à_la·
· franca, et.le pilaf, I .ia.ou1 t, .le lc bab p9ur. eut ·
·qui préfè ;ent la cui ine orientale..- fais è tri0mp_he·
,de Bat y, c'est ro:cr e1.x6ç (hnmar<J,). Les gamins du,
port·lu-iapportent, presque tous J.es .jours .une·
pêche-·ah.ondantei recueillie _dans leurs plong.eo.ns::
sous
ia table roches, des
les_d'hôte? cris-sont,
e-tGe d',un.,bout
.de joie._ à l'autre.de:
·etde convoitis·e- _
.':.-... B l,
. a'thy, as"tako'·..as,ta ,r o. . /_:. • ··.: , .
, .Il.:y. .avait.
.
là h ùcoup. de. -per onnes considé...-.
rabl_es.: des. négociants de Smyrne; V llU.$ .· àvec.·
·le'+rs fen1i:11es et leurs filles, pour rés;pirer, pen-daht
·1a . lebon vent··de 1ner q.ui -·g-uérit de·la ·
·canicule, ._
fièvre; de en1ployé du télégraphe.anglais, de -la:
égie·in1périale des. t.abacs,. de la ·.bairque, .o.tto-.·
ipâne_,·de .l .c. ompagnié-.dri Llo.yd autricl1ien; deux.
scribes_,de la Badoise; ,so iété· d'à surances. ari :

36
_ · tin s.,.éti..fin quelqüe fop tionn ites chrétien::sa·g;la·-:..
·. $uhlitn·é.J>o ·t.è, r èonn,ais·sa;bl $:à leur .f_ezô: fficiel.. .
-·Celadàisaîf une·pe ite.:B -b 1.. assèz·div.èrti s-àn:te.·
. Je_:·r·emarquai :toç.J .de_s. uite, .pa'rini • 1es.·pènsiiop-
. n.ait-es de·J3athy,_:u:n·je.11,ne·h lll,l:rie_·cle··heU .1ni è-, ,
:: -fo t hien fait, .bru_
n ,àyee ·dès:. y .. eux vifs. et une ..
·'·. ··Jfioustache·noire,. ef qui.s'en i:êtena t.è un fràb..,.
:\ _ aJs r marquahièfl!lèllt:ptir: ave·c :un.Ang)ai ..don-t...
·v GCeht et le propos ·étaient 'ég-alenient rül -cùles:·.
J é · d e mandài à.IChàralàrnhos.s-'il savait son-.:n.om. ·
_ · : ..-.-C.J.an1e
'e t Bey.. .. . ..-. :..:._. ; .
-- .Qu l Jatnès:--_.Bey? ·.,: . . · · · ·..'...·... . · ....·:·· .- .
-. - J: r,ne ,:.de -rillus.tre fàmîlle-.'d.es .A.ï -s,tarch.i",
· le p1;opi;e .f.Us dè.rantien··ptiitce:·d ·Sa_ni-0$ ·
_. · -·Cêrt.es, j ·coiu1aissais· le· non1 d\ .;ris:targhî.' Il:·
·. n.'en:e&t.:p·a:-s··d.<l.plus:pqp.ultdrè e ·t - de·ph ·s ré pêçté ..
·:_ dàn& to tes lé pt()vinèes ·greç,que --d-ë lâ :."ro.tquié: ·
·. ta·...f.a.1?).illé :Atistarch-ièst lilf-è.. de ces··clynas_ties·:
.-phan-arioté.-s·qui n'·qnt::·pas· voulu: quitt.t le·-:sol;
·:1ü:1,tal;·i qài mai·ntien.nent vivante.;·-à.:ijy.ia: ce,. la;
_..itç1.dltioil. de_ l'hellénisni.e, .-:qui· ont.d:G>- né-.::aux';·_
·. •. è -per. urs d,e C_9nstantinop!e·des -pto.tOSJ.Yél:thI1-ires-:
_·. -et d·es çl!ul tq:µe-s-, et dont-l s··-descen.dants ·ont ·été·;
i i ore.
.. QU· S:<: ) tr t- s_ous Ja-,. rninàtion, tutque·,. hog...,:..
· p.o:daFs, :voïvode_sg,:- ands logiüthètes,·..d·e l'Ëgli$e,>_
œcùn éniq-ue,- titul i:re$·. des'prin:cipàü:lés-va:ss.al s:· ,:
_ . Singùlie:r:·exè1nplé d-e.Jén;ç1,"è.ité:.p9litig_;U(},'·.qui èom.•.-;_
hht,eles·-concession:S p_:éG ssai,rés 4veè les i11c1'01hp;,.•\
tabie·s-espérancès•-èt ie0·U:V e -ir dès dro1ts lm-prés.-:,
. . . ' .,. ' .

37
··criptihl s;-rôle p·atri.otique . • san . doute, ..inais:"
quelque pèu-déconcertant, .que fârne·shnpl . dés. :
Occidèntaux·ne peut guère·co.ri1prendre,-màis qui·
est tout à.fait ·d'accord avec le génie rés1f,tant.et ..
fl,exib.led e cette race, dont là p'atienèe ingénieuse ·
·est capable de vaincre, par la P1:1issa:p.ce du temps.,
. et la longueur d'un regret inconsolé, tous les.
con:qµérant.s qu'ell · n'a pu .chas er.violemP1erit_:·
.
de son domaine héréditaire..
.1 '

· . J'eus vite fait d'entrer en conversation et en


rapports d estime mutuelle·avèc !an1es Aristarch:i .
. Il nous parut,·sans qu'il y eût dans ot:re c s UJ:l
e:xcès•de fatuité, que nous _représ ntio s dans.cett_e,
solitud·e la civilisation contemporain·e, et q_ùè, un:
·p.eu · perdus p·arn1i ces· insulaires,.. noµs·uoùs
deYious de_m . utuels secour:s. Jam.es, .qu.oi-qu il fût:
très-jeqne en.cbre, av.ait_beaucoup ·_app;ris et beau..;.
coup ret.enu, aù co1,n s d éa.vie très composite et.
très variée._Des images diverses apparai$s.aiertt
daµs_sa riiénioire et dap.s ses..patole , au hasard, d_e
nos entre iens.: Son enfance· s'était écoulée, ..
. . paisibl· et en,soleillée, au milieu d'un'décor d_e; ,.
vignes-èt de l uriers-roses·, dans le jqli -p lai de .,·'
p.ç,i.n.c_es de-Samo .-Longten:ips, il avait j.oué,:_aveè,.,
les.enfants 4es priJ;na_sde.l'ile, s.0:r ..le daXlage èn·
·cailiou,x de mer du konak princi r' -près des S I;l'-:-•..
tjnelles_déboù-naires.qui veillaient sur cette-;royautê.
faini)ière et un.. pe_u fantas ique,.-éga1 ée d·ans •uri
coineculé , ès Sporades. Ilyait.,.assis é a :

38
·.sç,,ola1·s d'Oxford;. puis . il ·s;était- fait admettre ·à..
. · l École poiytec).lnique de Zuriclî.:A ce moment;un
gTand 1n.alheur 1e frappa:, une·de ces catastrophés·
· fréqùentes ·.en ·Tqrql).ie; préparéès• ioriglernp_s à.
. l'àvari: e par des intrigues·e-tdés ràncunes, et qui ,
, · fondent tout à c.oup sµr une·faniille, pour la dis_,.
· perset à tous es vents·.·L prince de Sa1nos-.fut .
. disgracié; .là. princesse .et ses filles .furent·exilées,
sans, q_ue.l on onnût exaçtement les causes d_e
cettè rigueur·.James dut accepter la place que le
divan l u =i offr·ait: Comme il·av.ait .étudié·à l'Écoie.
·polyte·chniquë ·ae Zurich,.on le nomma ingénieur .
. en chef de l'Ar hipeL · . ·
. Ce brave garçon, en. qui jé retrouvais, à.vec/ia
finesse d .s patriciens de Byzance, un p'eu .de la
hon e hurneur·par laquelle les gens de Paris atté-..
nuent leurs déboires, s·e n1it à la besogn avèe,·une.
élégante tésignation; l fit·des. routes à Lesbos,:
à.Chio, .à Nikarià., à Rhod_ esS
. i lesinsulaires des-
Sporade_s peuvent mainten3:-nt apporter.leurs p o.-.
visions aù niarché· sans. s'écorchèr la :plant des,
pieds aux aspérités des rochers, c'est à-lù-iqù'ils-•.
le 4oivent. 1\ristarchi fut souvent 111.0ll guid_edans-
.· me visites·à la.haute·société de Chio', et.da smes··
excursions aux villàg-es épa_ r sdans- l'in-térièur de
. l'île. Quand il 'fa sai-t trôp chauq. pottr.sortir, no.us ·.
r stions dès heures à·causer_d.:an sa cha1nbr ,' l)a,rmi
les mille. souvenirs qu'il avait rapportés ,de sa
vie··.e1;rante.·Je ne··sàur is dire.combien· j_'ai.

39
Drachme de Chios, 420-350 avant notre ère

40
(…………………………………)

41
· .. p·d.µ- tèrtte 1 ·foi·tu]le:, ·tt v rs';1e·fuo de.:;IL ,' P:
<tfe\'ait 1Vt. ;Pê os'l{ond h1is_ :.MaJs çJa1ts•_.1 ·p,ato :
de. Chio;·. pl i.n de réniiniscences italiennes,: ori·
. ,Î?a.p-p lâ:i't :--fa.mUièr;eqient: s _ i . : Pe't'l -;·. Jé·.l'a:v;âi-s-·
of .
côiinu:_à..·Atb ne $ où.il·.av it pa sé·tout. u,n..hi':er,
· accii iU nt. royaleinent .se. ,: cô_.rri.p_ triotes:·.et.:·le .
· ·étràng'<fts dans:ses beaux sal@ns.:de .l _r uè-.q . pho:
-:cl .·è,._était·un.ho1niJJ•é tr.è-s,'bon..-ët trës cir.ôit,-:tuî
d.e..ce_i$,Grec l borieU:x et ind· trie.u , véritahtes·
·"·h'ieii.faJt·e·urs _publics.,.-san·s lesq.uels··.-," thèpes·::n.e
-s· e.i:ài ·qu'ûn_e boùrgad : comri_ïèB elg.tad;e ou.Sofia...
:Des -yeux brùns; très. éveillés.,,:brillàient dâns sa:
. · -.i:.·ar..gé f-a ·e·brunB; qu' enèadrait ..urié:paj-re 4e:,fà-vo;ri's.
.·- ourgeois -taiUés•. à)·aµ1.odè"des_·.L\ng-lais.d Egyp.t · .·
'

.. Ii · v it..par ois: ·d,es..ic ès. de_tristesse,.:t è . affecté


.:disait qri par lis.t quinei·ies.dés:flellèries,.·q.rii s'Ont.
·i/ort p·èù·afap ble$1: co.mme··.01l sai_t',p oùt·les·h té-:
'.·roêl!tlfrnies;-..et.tl·a a sé;.Œ'âutre: 11ar. t, pàr.le -;,°eiXl.7."
:·_gén·cès: i;i.e:.déptot.abJe·faniille.·qui le·.jàlo\isait-e _-
··1ùi: IDJlt'un:. ai.t,:s·ttns:sprit_i dé/re Olti\ Jes '1)i trés
· qu'il ·av: it'.f)éù:iplen1èr;i:(gag irées JI .av-àit i;tn-efill
. ·eu t ' te,·niècè-:q:1;1i,. dap.-s d s·genre différents, tla:-·
..lisaie.µfle":type .le·p u..s ·açl1ei de,la I:>·eaµté:Jevaii·:-
:tin;@•.: L'opulêntè Mèlpom;èné. -·., a:--ieé s·es: lèv-:res.
s vourëuses·, sè·s·lottrd:s::c11èveux :noirs;·ses ·yeux·
. ,_.·s.up rhes",.èt-·1?l c1des, spn. p·ort' 1naJestuè ::x.· et·.
J\1rtj·pI-éur v.rai nBï1t tjia:g,p.iflque.·cle··son.•èor·sagé.
. ::re semblait;··à.·éette_·.olympie he ..J' .n:oti·.··tlont.
. .·cêl hré;_:s·f.-.s'0uverrt. :le_·_.k.: yi ·agê d'.<f
-· l· t m:èt-: e.:
. . ":

42
... ' . ..
. '··
. ·/
'
.....
....
·; : ..
'
· ... ··.. - .. . ' .·. ·.. .·· :

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de Frë

43
génisse.». La:rieuse -Marika était; avec SêS gr.ace$
· adolesc ntès,·.c'e qu'<?n app.elle là-bas .uµ loulc9 -:
· 1naki 1 :· frêle, .:fi e-, sa·. jolie chevelur .·un·.peu
ébourifî.é·e aµ- ·essus .de :son·:fr.ont ét_roit ·de figu
_ rine tanagréena.e,. çette charn1an.te ·fillette- ay _it
de délicièux enfantillages,. et sa - g.oùveruan-te
sùi.sse la .tançait parce-_·que-;.après avoir fait sa
un
diétée,' elle g rdajt souvent·· ·peu. d'en.crè au ·
doigt.s·. · . · · ·· ··
Sior .Petro rions reçut sous un berceau . e·_ clô-·
matite-,ati milieu d'un.j.a-rdin fr is et profond. Il. é
ait en compagnie ·.d'.un de· ses frères, vi il <:i.r4
maussaàe· ctui ne daigna pas nous ·adr sse·r un ·
seul mot. Tandis qu'il n_ous condu sait 1 . long
des·.allées, nous montrant se fleurs rares, son·
jeu_d. e croquet· et une·grotte q.e rocaille·.q .u'il
venait de faire cqnstruire par un architecte vérii-
. tien,_ la ioche de la grille sonn viven1en_t;deux
robes claires apparui ent dans l'entrelacem nt·:des
· branches;· et des,fusées de riré.s firent partit. les -
oiseaux. C'étai q.t Melpon1èn.e et 1\1:ari a qui t n- ·
· traient de la promenade. Elles étaient.allées:faire
une·excursion en v·oiture dp,ns le Campos, ri'che
terre de.labour et de moissons qui s'étend à l'ouest
de I(liora.. Un jeune Grec.les.accompagnait, coiffé
d'une casquette blanche de lawn-:-tenrtis, raide èt

· _i. Diminutif des inoLs turcs rahat loulcQÙm, qui signifient'


« délices .d-e la bouche ,;, et qui désignent.une pà'té parfumée
clon-L les Orientaux (ont-leur r_égal·. - ·· .:

44
: ·.goi.ù mé .cotr. .1:ne. les: commis ang·lais qu il· avait,.;·_,
. .. s·ans·.doute, .fréquentésAlexandrie.,. . . ..
; Après.de,;tigoureux sha e..hand,.très hi'ita:µni .·
quës,:.je lus convié -dîner.séance te·nante, et- dè.·
·st aimable façon que. j'_acceptai.c. .
· La.,:table, dressée·dan$ une salle.-à 111 ngèr o'Ù
de -:chromos· ré·présentaierit: des.l è.v:res ni.9rts. et_:
'des perdrèaux. faisan. dés·. à. point,.·était f. ort ·bien
garni ._.,: Un. n1aître d'hôtel en h bi noir nous
servait.: l'étai .-à·côté de. Marika, et la·gentille
·enfant-;en cro-quant des friandises.exotiques me
priait._sans·cess.e de lu1·par.ier de Paris.. ·.
·Après dtnet, nous:passâmes au salon. Un-..exem:--
plait•e: illustré· du.-J11aît'l·e d ·- forges occupait la·
place::d'honneur sur un guéridon:.,. aup.fès d'un .
··stéréoscope..Une vieille fille, maîtr sse de français,
. -vint. s àsseoir à côté· e n1oi, et ce e.sentiw.èntale .
Suissesse,·oubliant-qrie je l a- s·avais .Bernoise.,:.me·..
. ·. •parlait avec un=attendris·se1n·ent obstiné du. dési. r.
· ·qu elle éprouvait de:revoit·.<<notr ·.chère·pat ie·>> .
Qû nd j,e··rentrai à l'hôtel Bathy, par-.les rue&.
·désertes et·obs·cure·s o_ù .passaient; _par·bouffées, ·
'des:. sén.teu:rs: n1arirtes,· ·u!l:.refra:in obsédait!111-
mén1oire .: c'éta.it un -air·de ·la Mascotte,.détaillé··
avec toute sorte ·d'in·expériénces, d':hésitations et·
...de·. candeu.r.s. par- le,·fausset. grêle.: e_t mal assuré: .
'
de M110 Marika.
. . .
·-. .•-· JÙelques·_jc:rurs· après j.e reçµ-s une .nouvelle
· _îri.vitatio,1 de. si_or·Petr0.:ll:me_,priâit.de·p.reüdré

45
_p:a:·s:sag :.s-ui•·· n pe_ it·vape.ür:·q -'ü-..+ nai.t-·d loù-er _
pùil,r ltanspo'Î-ter :tine·tiOJ,T.thi·. ·se:· o:nt_pagui .:à.·_.la ··.
fête·.de·Cârd-a yl ,-_v,U.lag_ ; greèj.;situ.é_.a-_lp
t jèd d, s-
. orit gnes, pr,ès 4'un petit_'a1), tàs n,1, r -és ql:l'o.rr -i ·
···ç1;pp:elle·, je ne.s3: s poùrquqi,: rEcol ,d'lio è.r_ . ..
' Je:trouvai sur Je' p-ont, en ..fàqu tt'ês· eùv.és èt en···
·fraîches toiJettes,.tout rari to·cràti-c·grec·que, de_·
· . Cliio -;.La .iongue rédingote· de.·sior ',-.Petr9 _ailait. t .
. avec zèl ,-poür pla:c r conirn.odérii .nt tou.t
\renait,
·le monde et--pour cpi'il n·'yeù-t pas_de·frôisse 1euts·
. '1)- our.a:p opr ·-ni d·e-·q: uei•elt s-.:_de· préséaucè
·, :pariiü les·ii;i.vités: Ceùx-ci;. amen.és_.par.d ..nbt?,1-.

hre1:1x·eariots· 'les ombrelles roug.es. fè1nroes ·de
· ·htillaietit.au ·soleil _levé.nt,:.gi;i père:nt-sole eilè-'_.
· ip.ent·le·s ·degr.és·· dè_l'échelle Tous.,:.sàuf Ja:rn::es
-.' B'ey èt ·q·uelques.â-utrès,. là.Lssat-ën,t.t·rop·v_oir qù.'il$·
. ·croyaient··faire ·-hô'nneù-r:à _leµ ·- hôte eh·_veuan.t.·
·s.'installer .et .'n111-nger . ehèz_L. ui .Lés.·_Gtec·s·, ·mêr11e
· les:p1üà polis,e: débatra:ssé'I'lt ntalai ' i ent. d'une
·ceFtain1 (-1n·org-ue,:.q1,1'ils·.p en.nent volo:n..tiers pout
:ite'-Ia dignité..: • _.·. :·• ·. :.'..· · .- ,.•· . .':·.:_:: ·: :
:;
'
.Cette·courte travers.é.é' fut uneheu:iie d-e ravisse:..
• • • • • • • • ' • • • • + • • '\. •

. : ·me:nt.·.Le: oleil &PÎ?..ataissait .d-an-s·. le·.cieL im:P1a'-


_·.·.culé; au.,.d'essÔ.s ··de:.li .côte. d1'Asi.e. :.N·otre:.:p tit
_:. ·v pe r _courait= : è·n. s-e:.cahrant. sur la: vagu-,tout
. 'près des'étroite,s·ptai.riès.qui's'aplatisseht·'6 1n1ne
: , :u e· or.niche,.·au·: pied dès:·.· hàtrtes--falaises: 4u.
;·. 1n·on, ·. ltor·a:kari. · ·•.. ::·.. · :·· ·..·-· . :·.. = ... _. :. .. . :

,.. ·. ··L te ps·est Iitrrpf e/:et' cette-·-la't·té de·s .n,râtiu}


_-
• ' • # • • .._

46
· dtOrienl inet.-1è$'.·â.me·s- t:iès=.·Jèui <én:fêtè 1 es....
ray@n:S.·du·,&dleil.:vertigal n ·Jônt:lias. enc r fes:i·:\·
.plénd -ir1i :}eÙ·ô.es ,t i dur s:·:11 l'.écl t-·&ié.riJe,.,de .:,
1

.p±êrres·;Là1ti.ontagnèl rgeine;;i{éùilée·?·ta:IiJ.t6 ro :d , ·:
ét orrd:Üleus :,'_tanJôt;c ·eu&éé•.p-àt:d,:e J _ru µe· .ct,'r,/ •.:
.. y:àss·e.s·,emble·d:éJile.v·d.èvant fi·OU.·S-; .-av.e·<tse· grfk .:
s :e'r-o.ch.ers.co-ule.\iï; d· .p. lê t . \>,rnbre .de.-·se,s_..
dln,·d
.:pro.fondèürs::.hleae$·
. .
-.A 111.,esµ:r(?
. . .
le
, q, .u . s:ol H );).1;0n.t i./. ,
1

..on, ·voft pla·netteme1,1t -les ·n,1.û:ri rs·.et les;qlivi; }'S .··


·ie..la.cô:te, l s·hàm aux:·ë9ué :_ésa ux: pe_ntés'es:.
· ëollines,. etles çinie iiuès{sillonnées,d .tort lits..·
,ed
t esentiers. Ce.p ysàge··.d ..:ii.uan e- in:<JécisèS',
fait à-vec-d• u;x:. ou trois toüch s. trè_ss:irn.plés. :(jlé_··'
finè a,qttarell..et. do:nt·:je ·risquerais d'e. fç1,jçeV, i:l: ::.:
_.:nouir,..1 ·e··rrtira.g-:e. µ·èssa;yant. de_Je·.fix r avéc.d'e .·i.·.
nlois. rop p'rêci-&; m'a ·.d,o;npé ._ .des.distr cti.ô.ns to:u:t-_·
le long de la·rot.Ù · J'a,i à-.pein -re.rnar -é;q-ue le-:-
sign:or .$trozzafoJi,..·a:gent·.de la c.0,n1pagnie ritt.i-
chiép.-n ·clu 'Lloy .,-m. faisait' d s·pqHte.sses·p..ar i ·!::
· t qu .sa .fill fr::auces·è .laissait.errér •:_sur·<
culiè e-së
. les·choses.d.e'ux. ye1JXâlips'.eti sou. i Q.:t:s·.:d 11t J .
··lang•U;èur · ·vien.troi:s.· ·éta,·it aviv ,:. e .· d.é.J riifs•::
·.-éclairs,; par.·-Ufi··p.élillem ilf.d' 'i"détirs_.i al enn:. s,. :
:Et:--j-.n oi:etlle .-J;h;l;tt. nti-v ..)1::ÎJ:X- ..
. ···:pr.èt.ai··_·q;u'unè
)1ocièsi _sertàtions. de. 1.\1; Ni.c ph0te r.h :rttn:...·.
·d.oukli$, .vieux·,·sav&_- nh-tyz. utiti,·q_u:1..pr'épa, .ait .uit'
_glos air.e;dès·dia eç.te de:._Cjlio...-.. ; · ., ·; : ... - ··..: _.,
· Le village·grec.de _.Câr·dan1.:y1e é léb,raif la fêt-e:-··.
<l,.un.. ajn..trè$ _.oJ)sëQr.
. . .
.-d e:1a .,_lit\t g.i.e, ....orthodo: e .:
. .

47
·Lé port. 'était enco nbré...de· barqqes, ·_et des .sons
.étou és de müs qu-es lentes·vinrent au-dev nt.:de
nou's. à plus d'un:miU en:111er. Autour de l'abside·
et des' éoupoles ve tès de t église•;: dans·les.rues,. -
.sur là place, partout où il y avait un terrain v gue .
et u'·n espace lib1 e·, . des_-l1ommes 1 1oustachus,
coiffés de boP:nets rouges inclinés·sur l'01;eille par :
·.d·e gros glands bleus,,le torsé pris. da:ns ces vestes ..
trop··co .r es, q:ui rüssent presque.sous les bras
.. au=:.d'es·sus·d'une Hu ge ceinture de soie, dansaient,
lès mains entrelacées, une·fara-ndo1 grave, que le
ballottement•de-. lèuts· culottes bouffantes aiour-
..<lissait. L s femmès ·et les jeun.es filles.: vêtùès a·e
, ·couleurs trisles,--re·gard'aient leqrs i11:nocents·.éba:ts..
-Urie ·1nusiquè•ryth111ait lêurs·géstés·gou-rc).s·,:cette
·.musique ·d'Otient, toujoui·s la mên1:è, q·ue l'on
i·eh,;buve ·pa1 to t; sans notables différences, ..d:e
-Tanger. à l\iil.scaté, .e fan:Hne,·exaltée_et.langou- ·
· reùse, a:vec· ses : trois;.·instruments·: la. ·flûte ·.qui
chev·r?t ·d s trilles aig·us, ef sa1:1te; ..en de· sou..,.
daines: fàntai_sies·, d'une·:qctave à l'autre·;·1 lfre
: 'à trois cordes, dont 1es..notes·. s'é'g-rènent·_con11·ne ·
· ctes:go'u.t_tes d'eau:; le.tambourin, sur lequel"les·
··doigts.agiles· variènt. les 1nesures saccàdées, jus
qu'à:ce que la:paùn1e -d:e la 1nain termine la phrase·
par· un·grof·?c oup·sourd. ·Les da lseut's n1arqùent
· 1e-rytlune pa ·r 4 s battements·de pied·; parfois Jes ·
mµsiciens·,. ém1)01,;lés·par l' crith0usiasm·e., appuient·
·sur les peaux· p ssag·es, èn tiraùt;·d_eleur ·gosier .
-- .

48
des:r uiade$.déchü ante:s,:av:ec _unè' telle frénésie,.·
'. que)eurs yeu •Se·.fermen ;èt qué_le rs:vetn e
gonf1e t sur l urs fronts.cong.estl.onnés·. Dans·tou,t_.
, Je vill ge,-.du fond des ruelles, dè l'in é ietir·des·-
. maisons:,_des·_çafés où l_es··.garnins· en1pres.sé ·dise:
tribuaient • des· verres d'ea.u·· pure.:montait la ·
rqélopée · monotone..Deux · ou- trois gènd rmes .
h rcs, en·épq.,isse-tup.ique de dr p bleu, s rrée·par .
un ceintur n à p àque de·cuivre .·se promeuai nt
- tranqui1l meilt.parmi la 'foule, inutiles· et désœu.
vrés dans cette_fête très·.calme, où r n-qansait
-des .·chœurs·1noroses devant une assem))lée ·qui
·ne-parlait pr sque pas.
. >sior Petro, très._con1_1ù et très iµ.tluent !t, Card-a-
· bte1iu· que ·1e· 'scolarqu,e lui p·rêttt
..· myle,. av:ai-to
la' grande salle ..d.e l'-école ponr y recevoir f$eS
invités..On..àvait·eriievé les ha.ries .et là cha1re.; et
.ûne··bonne odèù.r d.e.festin.SOI'.ta_it déjà pa:r:'ia-po t
. uv rte·: Nous •étions tou-sconviés à. un spn1J>;-
tueux :banquet. L'instituteur. Diomèdé. Notara: ·
m'expliqua, en gré ,' que c'était .1;111 _1ttx,. tx. Ceu
_qui n'avaient pas·contribué de leur arg nt à c
repa$ éta1ent tenu. q s uittes, s'ils.·voulaient ,bien.- .
re_ndre tiles ·en quelqué façon. La·:gracieus_e
Marika' · un ' tab lier l). lanc noué autour de sa tail le
. . . .

fi)).e·,-par-dessus sa robe'.rose., pel it ingénument


· _de tomates-: 1'ielpo1nène··avaî . lé ses· g a Q_ . t s;
·grave ?Omme ·.une déesse, elle: agitiiit, .-avec u.n
·.c-oiller ·de hois,.·#né. c at1:dronnée.(l pilaf, et m

49
. -- p ià d(p lui ap1torter ·du·sel,.-dcipoivre ét·clé bdu-""·.
. lettés .d.'âgnea:i.L· J:ài;:1tesB'ey'-·:aiçlait,. - n.o·n
sàris
.· quelquè··apparen e de f!,_i, t,. la r-01n n. $'que ·F:rari. .·
. c Ca".Stt_o-z'ï .afo1 le · pti à. K i h r la1;n;b-c.- de.:D.0U.S
donner -:ùtt coup de-riiain,:·e.t il.se ·ianc:e1·-l s; mit
.,, vètres,··d'üi); ah•·._sèignéurial-\ ··-: ... : . ·... ·:.· : . '.·-.
·.·. Nous:·'étîo-n : -su.rre· q·ûar.âri.tairie:,de: convivës--'à
. : t ble.:.Siot l>etro- .prési it.·._'.ft;?ùtes·le$.u · tor-ités ·.·_
d·e la.:c6tn:mün:a:u_té··gr.eqqne·d:e-:-:C rdt=tn1yle _ é't ient_
vecy nô'ûs. ;Je·:ti"éta.i .jJas lofn.>de Jâfues-Bey;.·qJ
êausait en· fra:riçais,: .avec:_detri ·:fringantes ·voi;
. si nés·,·et'Je.. g-ô-6taüf as· ·ez .tra1:1-q1.tiil rfreµt lé.plaisii"
· de vivre; lorsque mà :.sérénit f\lt.troublée pâr·.tin
.. ÇQUp..t.rè$jmpré·v -L'instÜute r Diomède.No.taras..
Œéllianda lé' sileirèe··en: fai sa nt: ·àôn nè r::.son è&-Ù-
• + • • • ' • •

. teau·stir:sbn v.erre, e_Fse mit-à-.lti,e port-e _un_to s f_) .


avec ui:ie· fac·ou;dé ·désêspéréinèn:t :, COJ?Fééte-·,·.qti·e:
ri'enssen-f 1i_isd ésav·o.uée Thu ydidè-ét .Xérrophori . ·
Que :_fairt/?.,Nci· pas.:r{pon_d.r-e û{ té -ridicul-è;ur:-.
.tout chez .'de:s:gèns qu _n. e .totnpi· rin nr-p - qµ
Pon,·res-t · 2our:f.,· q.ùân:dê. m_:e ·-0·1;1: 'a:t'ien,:·à-;dirè'..
Répo.11:tlre·.en .frànçâ.is· ût é'tf à. peine ·èouxtois.., ,e.t
les, trois.:quar'ts:dè··J'àss{stan.· e n.e--m'auraieri·t·1Hl.S ·
n.tet.ùiu.•.·J:@.::.ra sérinblai. :n 'S·:: s·pr.its;·-'-queJq.ué: ·
· ph;iases <l'e·jou1 11au.x, qfr fques-latnhea:-u.x.dê :rhé-i-.
· tofique;:recuèi!liis daiis dès·;·cétém:onies•offië(ellès,
:vi.ar nt fo-rf ,.à _.propos,·.à.li •sècotü s;. d:e:. iri: ni él.o_
., ;(f.rié te .·Je ll)é')êyâi; ,-èt tàcha:i_:de: p.rènd,re..1.1,n. :e .
hè l ,.attitu.ae_:, m.e rap'pelant q,u.e. Dé os hèné à ·

50
. <lit.,<:fl; _ ûn:e;a-ction tien .réglée est,lâ.:"trN mière·q.ua -·._:
..·.lité:de·l; oratea1·::.L'exorde.· frlpo& ,{a:vot; bl.-e.p:ien-i -·
· l'esprit: - e l'-a'1dito re.·. L - tniliéu . _n'eu{·'d'aü-tre--
..:1Ïiétit-eque..<lë."fair _.·attend·rè.·è1uel-qriès.-.'fnstants: ·
·. "la tiéror.ajson.;i qùe terrrihiait .-ùne,.\1ointe, -à.' lp,:·.·
..: façon d'Isocrâte,..s·ÛI: les· G ulàisphjlhellênes:·èt lé...
·· ..J.lel(ènf!s gallophiles·. ·L$in.d.ulgen e dü .pùhHc ft(le:-.·.
j:-
e
·.-· .rëste· :·et fu·s .·applahdL..·Je goûtai, ·:c-ë·jo.ur-là:: .
· '. :chez'.le·-:peuple·qui :·p _s'sè· pôur lé·pJus difijçile ·de ,··
to·0:s.:.-en_:m.'atière-··:de.·disèou-r pùbliè·,.toute.s·.les
-ivresses .des-suècès.'.oratoirès-. : ·· ·. ··· ..
_: . ·P·a-i --'.p:arraghi ,--s'éct1a·-Kl ar l?- : 10s·, ij ·
:p-ai·le a ssi- bi({qfiu ·.T-ii.èoupis! . · .: ·
. . - . •,. .
, .
. . . ' .

.: .. .Il y avait; à.1'h6tei d;Anatolie,' 1i'n vi JIX. mon-- ·


..&ieur., ·.fort :po_l.i et:· de anière ·aff11bl s, ·q·iii me
. ·;.d\> _nait,le ho- Jo.u1 .tous lés ri1atins·f·er1me d-e au--._
: .d·ànt ·;av :-c:.inté.rêt; :.des no veile·s, d;e ma -santé·•·.
·C:étajt- un··G.rée··d:e:.Bessarabie,: qùi..·,-ayait:-exercé..
. :p,endan piusieui s: ,ç1,n_née:s;.,e:ri:ȵr;ope, Jes fonc .
·ttons..de-.èotisü-1 ·de Sa.Ma-jesté heUéniq:u.ê il.avait .·
. ;ün :vi$âg-e.:·ib.&ig,:e :êf _6.n,·. un
_eh-ai;b g.ris:ec_·_un.p_·û
·-r d;e,.ères..-rhrnn-àtisDl s.)tu'il :q,vait:pron1enés:un_·
· · ,p.e11p:-ar'tout; :ay.ee.1', spoir d.è les-1.aisser· fin- sv.:r·".
les··gra:nqe .:roti-te&;·et_cles-·•_-$éiitin1ént's ipRrti-èulier.s.:
. · su-t rne·de<Chio;...d.ont il, :aJrnait .inieti;x:I ·climàt:
-_-.q:Ue l.és J1a;hi-tarits..·-'1lenclemain de >rn:Q: prot9e.-
.· nàde-:,à.;Cà d -yle,:- ·;il- tne· dit,··.'en ·-sfrrtan,t.. de.
·!tahl ,:.: .·...·.·-.•.i : ·.:,
: ,. . . .: ·
• .
... .-_: .:: -: - •·..-.....
: ... ;
.-:··': •· ·· ····

51
'
-..:. Â.vez-VOU$ fait la conversation.àyec li. Lysàn-,.
·dre Kàïmacamis? .' ...... ·· • · · ··
: .ce_-nom ine ra:ppela-, en·effet,·un·h.én,i;ràe maigre
v.êtu ·:d.e .noit;.cravaté dé.blanc, '-fo'rt..t.oiTect · èt uri:
peù solennel, ·avec qui J'avais ·éclütrigé'· quel es
·propo affectueux.. . . . . .
- Èh bien,:reprit l'ancien co_nsul, 1\1:. Lysanclre · est
u,n èonda.mné à 1nott:. · · ·
• Jè reg;ardai mon•inte locuteu·r,:·.poui .voi_r s'il ne
parlait point par··1nétaphore :'Mài$ il p ur.::..
suivit, in1pitoyâhle., avec··un petit rire·;satanique.
qui découvrait·to.utes ses. dents et faisait luir ses.
yeux : .
Oui, un. éon.damné· à môrt;·:un vrai··con-
da:mné à mort!: Vous n .avez,·pour-vous·eii assurer;
qu'à . consulter·les .rôles de ia. cour d'assises
d'Athenes. .
Et il me.donna des no1ns,.'des dates, des indi-
cations très précises, tout le récit d'un dran1e fan-
ta·stiqu do'nl les actes successif,sse déroùlaient
dans· outes· les. parties. de· l'Orien:t;··C'était:·uile
· longue·et \riste histoire· Un j.our-; le· consul de ,..
Gree,e, à Alexandrie ·avait été assassiné C'était
justement l1anu d·e M.' Lysandre, et son con1p'agt1oir
habitue.dans·des ·cours·es·nèicturpes aux:1n;aiJsnns
· suspectes du quartier·-ara-be -L'assassin, porte- un
faix·nèg-re-,,fut à..,;rêtê, bavardà, déclara qu'il·-avait
t.é )?àyé. par ]\{.:Ly'san-drè·p.oür-faire·ie coup ;'·on-le
fit causer dava.ntage, et il .dionna toutes·.-s.ortê§ ·de

52
détàîls,.dans lesquels .ori·.entrevoyait lJ.Il d e- ces
. 'cas de: jalousie farouohe et dè·..sensualité :atro+
lante, qui, sur cette. terre hrQ. ée'Égypte·, sous
le· ciel éha_uffé à blànc, 'font perdre.le·.sens aù:X;
plus -raisonnables. L'autorité .consulaire voulu.t
mettre en-·pr son I. ·Lysandre.; mais ceiui-ci-, se
rappelant à propos qu'il .n'était pas. né sur le..sol
de .là Grèce libre, s'enfuit à Ch10 sur tin ·bateau
p-êcheur;·cria b i e n·-haut iqu'il étai·t sujet. tÙrc;. et
in1pfora l'appui.::des autorités ottoma,nes, les-·
quelles, trop 1eureuses de montrer leur puis-·
· sancé aux infidèles,, refusèrent 1'extl"adition-. ::Le
dossièr qe l' ffaire fut transn1is aux juges. athé- niens;
le pr'?cès·fut instruit; l'accusé cité à .corn ,
· pa:ràÜre deYant ·la è9ur ·d'assises d'Ath-ènes, p:rô
de
test.a son innocence, tout e.n: se ·gardant bien
.· de. v nir plaider sa cause, et ·une së.ntence ·.d,e
_·condamnation·· à_.·u10:r.t fut· rè.ndue· pfl.r. con u-·
mace-.
M· Lysandre·'.· en_ moque. Il ...achève· pa.:i ible--
ment s a· c-arrière . au milieu ·de .sa .famille et de
' • • • • +

.ses concitoyens; Il évite lès ab.ot.ds du :eonsulat


gré.&et nè sort. jamais de son îlê,.•Ses à.mis: r p.è
tent qu'il est inQ.oçent. U:a mên1e été honoré ·dè
plusieurs fonGtions élective_s, malgré l'oppositfon
·de s·es '·enne1ni$ politiques, qui ont, .il ·faut
l'avoner, u.nè assez belle ·«.plate-forme->>. Je ·1
re contrai·p u:sieurs fois :·ap.rès ces .r-évélatiQ1is..
de....l!ünplacà.ble .M.·. Manos.·. Il m'adres.sait toµ·-

53
jours.un an1ical·sourire,. mais jè. ne··pouvais me.
, défendre, en serrant s-a n1ajn. cordi.alè, d un petit-
frisson. . . . .' . -
. .. . ..

· , . Le jour fixé .pour.1e déj.ëuner auquel: ru'.àvait


convié le· èomn1andeur Spadaro_étant arrivé, ce
digne homu1e eut la ·bonté ·de venir me prèndre, ·
en pe.rsonne, à l'hôtel "du,-Levant... En traversan:t,
avec lui;.la principale rue d là :vil e, et les.rucl ·es ·
resserrées qui séparent lès. bputiques:néuv-es ·du.
bazar.; je fus surpris_:de voir partout, autour -de
,n·ous; des·préparatifs-.de··fête. La place du .Vou...,
naki, ntre_ le konak, la citadelle·et la :nosquée,
était plu_s bruyante que de coùturri . Les soldats ·
attachaient à. des poteaux verts, devant la grande
porte de leur è.aser e, de·s1anternes vénitiennes
· et des· guirlandes·de· papie découpé. µe .lam-
pioQs avaient été disposés ,su:r les galèries_.des
minarets; on. ava t accroché aux 111urailles nues
du·konak des· trophées de drapeaux.. rouges au
_croissant d'arg nt, et des écu.ssons·verts au chiffre·
in1périal. Sur -des écriteau ; pendu$ • aux murs à.,
denü écroulé de la vieille .citadèlle,. on ayajt·
èalligraphié ces mots :·.« Padichahini·tchoc Iahia,
longue vie au Padichah ! >). · • .
-. C'est aujourd'hui la ·fête de·S :t\iàjesté ·1e
·s ltan, me dit I\L Spad·aro; si.vous le voul z:bien;
_nou$·1ronsdai1s l'après mfdifaiI·e urievisite offic èlle
à Son Excellence I{iéi:nal...B·ey,1noutessarif d Çhio.·.

54
·.;:_ Volo_ntièrs·, lui dis je, à c n-dition q.ue rious
n_"e.F nco·ntrerons pas S9n_-Eicellence Je .mu-fti. .·
... Le commandèUl" v ulut bien rit aux :éclats a. :
· cette.plaisànteri,i, et nous ari•ivâmes à sa 1naison,
an-dès:sus de :1aq:uelle flottait, au boùt_dhp·i mâ.t;
-. ·un·i1nrnens.e d':rapeaü -tricçrl-oi;e._· ·. . ::-·: . .. . · -
·· Uné sallé à' m.anger claire et·spacieu,se nous
. attendait..La- ((.- consù.l. èsse ))· et ses-. d e i l X a
. filles
'

avaient révêtu leurs· plus bélles toilettes, eh: nous ·


- - c·àusâmes·quelqùe :temps avant de nous-'niettye à
. table. Le èom111ànd iir m- ·dit qu il a v a iut t_refois
line '. maiso_n .bieu plus b.elle; mais ··q·u elie. avait
_ été ·entiè-remeut ,détruite-par. le· t emble.ment de.·
_terré. Cer t_rem.blement·de terre!- L agent, consli:.,.
la:ire en pàrlait-à-vec: èfFroï, et a uss ia: ye -q:uelque
îi rté. Çe désa.-stre avait été, tout à la fois-, ·le plu
er:dhle ·èt le_·plus"_be Ù morneD:t d ·sa vie! Les.
navires français de la· divisio.n navale: avaiérit
moujllé .en rade! t · col)sul·général de Smyrne
étç1.it ·venu <c-..pou se rendre·compte .de· la·situa-
_,. tion ·». Chàque-.j-our, d e-sèanots officiels. traver-:·
sa:iènt le port; a-llant. :ël.e l' a-genée. consulair'é· ux
cr.ois·eQ.rs. Et, · de· tous les _villàges, .Jes·inalheu'...
teüx pà:ysans .venaient invoquer lè com- andeu11
. Spada!O, pour qu'il voulût"bien·.signaler l_eu --,
misère à,l'aniir l· . _d s ·Français..lV[on·hôte·me
. ·racontai·ttout ;cela,.et appelajt parfois au se:cour·s
de ·sa .ri1érr1,oire '.:ses·. d:eu:x: filles_. qui,: éleViée·s:.1 <!.U ·
couvent .des refigieus·es
. .
de Tin.os, parlaient ·notre. ' ..

55
-larig·ue très·-cori- ctem_ent._P. uis·,:·il n;1.e .montrait la
phqtogTaphiè . du consul·. généra.l Pélissiei: ·. de
Reynaud, .en .g·:rand :-upiforme,;· et le portrait. du
. capitaine. de··frégate de lVlontesquio_u,con1man.,.
dantdu JJouve,t: : ·
. ----.- Pn des·cendant de.l'auleur des. Lettres 21e1J-.
sanes,..ajouta l'agent.consulà.Îre, d _un air entendu.
. Après .1e café,- qui fut servi ·dans. de· petites.
· tass s, à la: m nièr.e· ottomane·, le 111 ître dè_la
maison disparut. un.11101nent.. Q aµdil revint,. il
portait, au cou et sur la poitrihe, t.out un assor....
tin1ent. de.:décorations, qui bri:llaient lorsqu'un_
rayon, à travers les volets clos,. venait se p.oser·
sur les croix d'émail ·bleu; les :1nédaill s de ver-·
meil, et le cordons de soies niulticolor.es! Uo. peu
ébloui,. je rem.arquai qu:e Je .co1n1na:ndeui· t nait
à la nuiin une :casquette galonnée .d'arg·ent. · . ·
. C'est dà s cet équipage· qu'il me·conduîsit ri,
. konak_...J étais un peu ho.u.teu de. rn:on casque d .
lièg·e, et du. v ston peu décoratif. que 111'â.v.à.it
. vend-ule.taiUeur athénien Aïcl.o_nopQ: lo.. Les reprê....
sentants des.diverses ·p.uissances étaient ar ivés .
déjà devant la porte, :et échang·eaient fro.iden,ient
des_.:politesses·diplo:111atiques.. UQ.. gros· officier à:
épauleltes d'or se promenait, .s.ânglé et botté, dan
le vesLib.ule.. . . ·
. ., _
· n a s t o.ù1\ .cria yjgotrreuseme.nt un tchaoucb.
. Et deux: factionnaires,· dont un.. nègre_,nous·
·présentèrent. les ·a 'P.lest · En lllême temps, · un.

56
.otph.:e$lr·e>:c(;n '.pos:<f :_d'1,1,ne• p: a)l· .cie,.·chien.: tenaû.é..
:sù.t uif N_à}$é·,d.e terre/ ·d,;u,·e.uia.J)doliri-eet:-d),uie· .
•p tit f(ùte.p•,pelé_e, 11,·r1içi,·!att q-ti'a t).·nespèce_:d•è
· -d: sè de:.guerr..e; ,·,dit j:e. ree,onnûs·.'la:,:.Mar.séηlla.is.e :.
.'. Dalls: la petite· salle_-:a·es 'àudièilce&\,.·pauvr.è
.· êhambrë,m ·:. eu·hlée:.,-d:'-qti:·.tapis: vùlgait.e :·_èf - 'ün·
=.· sofa· ·r ·couv ri-.',d:e·toile_:bise,:·Kiém-al -ey,>·g·o'tJ.:.:.,'
-ve.rn tH du - sa_n.d}a :, de>.Chio ,- est ,assîs-;sur ·:iJ:ne-:•·
:· ch ise,..a· van.t-/Ü°:·.:petit·.,hu:r.ea:o: _,d'a'.c.aj ù- •.· S oÏi: '.
Jt .èellence.éto,\;llfé dans u-tï - rediÏng.ilte·-noire; pl s'+
.tt on .n:Je·:d'·or"ef tolite raide·de btodëri s :; L,m
• : • + : .. • •
e ou.
+ • •

_tessa;rif.n HJ.s-.-fàit' un .aimable a c·u·eil, et.n.ol.1:Sd: it


d-ans·-:1.e .f ·anç J :le·phis;oorr _ct :;.; : ·:·_ -''·.
. .· <Mess_iehrs;'jé suis:désôlé: Ce gens écorthènt •·
. vrairn.é"nV,pt),r'tüo.p -ot e chant naJiQnaLi · -' ; ,.· _. ·
_ :._Fi.gutè' •étrang ;.-èt { tU?j-eusë, (?;é.·KiémaV-Bey.:n : _.··
· ptesqtt--ep , as -lê:s°. êatàctètes"è: .ttériedrs·,·dé: ra raëe-i
Jamais._on·ne,pr.etidrait ·p.ou.Fûn,e-tê.te_d·e Twc-<ce, ·
._-vtsagè pûi$ ant,-- i,ayon.nJtn-td.;intélli-gtù: e-, ·ou-;·
t-01:1:n.é d'un large: ch v lut_ e;.,r.uJ:·.débo de;" éi;i
.
bouèles·.àbon;-dca:n}és·-;S O U :Sè-..-fez.offici:el,.;;c·e·préfet
tlirc.·e_.st-.·.en.:,,etfet-..·. Ùn ,ÀJba1iaJs·;::ét :.:. de ·p1u:s<. n.
poètwf c'"èst·,tnê-.cne·; at1: dire , de . oriën:ta.llst · ,.Je-·
s ül-vi:a:t·.p- ·ètè ·d n·t· J a -.. ci ilis ti iùi.·-otto- -a :e,_.
··pu.i-ss_-se _eno'r-gµeillir.·.-On:a:.dit paxfoi -q: e·le ·-Tutc5:·
·. sont des poètés qui n-'ont éç!it qu\tvee·--le.:sabrel"
- l{i,rnà:l.:a:io·-ulff écri -q;V C la-pl(i{rrÙ -.· llél s·:i-·-se .
··.·effq_rts n'ont gü ré _sérvi. qu à·d:onde·ii:au·fa.cét e·ux .-
, dipl_om: t·e Fu:<); --Paq i l'·o"0èa:si-on .- d:e: faire- ·.u_n,

57
calembqu·r n1édiocre: Un .de ses: h ag-é Îes .était
'intitulée Pat1tie; et comme.il n'y a. pas,·:dans'. la .
langue turque,'., d'équival nt a ce.·mot,,. l'aùteui.
dl!.t e p1 unter ,au persan :Îe vocable· vathan. ·· ·
-.- é mment voulez-vous qùe, IlOtlS restion·s:en
Europe? dit Fuad, ap.rès dînèr, chez··ramba:ssa-.
deur de Russie:. N:ous. n'.avoris.qu'un :mot.·pour
désignei notre,-pays; et ·ce· mot,:c'ést : Va..-t' n!
l{ién1al.a vécu à. Paris pendant d-elo:ugu-es
anné s. l.l écr vait alors des articie·s qui se hlètent.
suspects-·. u gouvernement impérial. C'est ce·qui ·
e plique 1 m. diocrité d-sa..carrtère ·. t la len.,. .
teur d.e son avanceinent..Avec·111oins d indépen-
. dane .èt d·e vivacité d esprit,:il aur it pu·devenir,
tout comme .un .. autre; am assadeùr, mini tre; g
md-vizir; Il gouverne le . ehiotes, hindis.que de
grosses têtes solennelles et•·vides, président ùx
délibér-ations du divan.·Et puis; sa)ittérat-ùrè
.a effa,rquché-·ses côn1pattiotes. Elle Pa rendu·
célèbre .et..re·do.uté,.•populaire·et :J gèrement .sus·""
.pcct d'hérésie-:·Quelqu s.' ulémas. 'raco ten ..-·av'ec
n1ystère qu'jl a: ét,ér épublicain ·aaàs s.a,jeunesse.
• Comm:e il n?y:·.à :pas·de>Bastille:.(Hi:·Turquie,. la.
Sublime Porte··aï.exilé':cefhomme.d.e.lettres dans
·. l'Aréhipel, et, d t-on, essaye·par· tous·lés.moyens
. de le réduire aù silenpe. Louis ·XIV pensionnait
les·écrivains,·èt'. abaissai sa· fnùrgt:.re toyale fus-
. qu'àlés prier d vouloii· 'liie1i se·d-6nnèr·la p·eîn.e
fécrire•.·Si ·j'en ··crois'·.i<?s mauvaîs.es- lang·ues,
. ....

58
.- .Ki-;oaal :$ y:-. 01tun:e·pen iq .po_u .·itlterr: 1np i 1
;·_.

··la r dàction .dé s9it llis.tf>i1.?rz..-è!x{·.t .mpù e·· ottoniàn·..;:·


- . Voilà:· ·orn.:lhe.nt· ies.. ministres,·de.·Sa...-Jiau.tès.se.· .
:ncouta gént.·rs'f:\or··des l.ettres,. 1 .- · .. ·,.
) • • • • •• + • •• • ' '

.. ··"·

·.. ·. L'i-O üpp-ortablédéfilé-de f net:içnua;irës, saJ.uaµ.f ..


· . g r:avemerît .en: p-ortar1:t leùr ..n1 i.n .-d:r6itê..à leù:J..· .
1

•.· ·piéds.;.à leur .lèvres t ·à le.ur: fro.nt1·.Ki.érrtàl-J3ey ..


· . .flê.·Copsolait..conàroe :il ppuv,ait; . n: i1ous··.parlant··..:
. · de: Sar-ah ·Ber11,lïàrdt et .nous ..dett1andan·t des èn
. noU:veU s ·. d.u1:·. ivésident::Ca{·npL,.:Dans.•.ün.·.·c·o.1L::._,
ridor, tout.p1 .è·sde:::ia•..s·a_lle _-pù.nous·_causio.ns,:on··:.
y.ait. disposn { . <...buffet-)):, :ô,ii un..111.c,1,ître d'l ◊tei
n: turban:avâ.it: élalé -dive:ries·.bois. ons, a.vèc·· n:·
·.· rare ..éèlè·c isin·e:. e-t u _re pect-.t _ès:: louable-·_d·es..;
·.·difféteh.tes, religions:. .·.Le -.fils.. d:u· Prophèt . tiou:;:·.
-vai nt _.là.un;e. gr.aii.d·e:::a:bondance,.d _eau·claire.; c. te-.·
·.-. . siro.ps, d'ora.ügeàde,: d·e:ottronh lê et ,d-esorbets.,
\ -Queiq,ùe.s bori.téille' d · char'tl·pag n .a:v.ai:en.tt. é,·
lJ.)i.&é . de.·.côté. poùr:1es tres, ha .t's; digp.jt ires ·._
c t.te )iqµeur.élà:P.t perrnise,· depù,is; q.u Te·-cheik-
:ul-:i.s1am.·à.déclaré,..q:u ell ;n,'étalt·pas.du- .<. vin >>.,.
!i:ri is·.un·<<.·prô4uit ph rma utiqu ·. > •.Op.. p;résent·..·.
. .tait_a1;1.t giao:urfi:·de 1 .-bière:,- du· r ki: t .d' utres .
. . h.oisso11s- ·fer,mèn.téès-.·Sc>:i1.Excellenèë voulut hien· .
. . nous:offri ;•·q:;elqu@ ·:bocl s:.. . .· ....................... ·.
. . . .....

. ·.·_·:. i}Orh uJ .t le _:p-à s·_de .· t 1 :·c raste ::Â1t..:,.


. ..
sottrr·du- '
koùâk .d'tlll
. ·: . .
.
..rriou::tessa:rif.hniiùne·
.. . ..
.
'de.let.-
. . .

59
60
_tres·, me voilà-, toujours en compag·nie de I'ag· nt
cons laire,·. transporté sans transitioni. dans un salon
.pre·sque parisien. Je ·n'ai fait qùe tr verser
la.place;·.je·lie vq.is plus ni zaptiehs, ni k]lodj-as;
. ni turbans.:bli,inCS; .ni·,fez rouges,'ni yataga:ns, -.ni
_ fusils iV[artini, et. je prends: du thé, assis· devant
deux·aimables·femn1es,·qui ont- ha;bità Paris-et le
connaissent . n1ieux. que moi. 1\1:_m·_e Foggia :_et·.sa
fille s'accom-rnodent avec résignation du ·séjorir:de
Chi,o, où lVL,·Foggia é.st _venu o.rgan.is_er une sù-c-
cursale de.·la Banque im_périale ottomane.; m- is
elles: sont ràvies:.:de- parler parisien;:et-s?en :ac-
quittent à merveille. Je 1ne ·surprends à prêfer
l'oreille, -po1,1r ntendre monter, de.la ru·e, le -rou-
leinent des fi.acres et ie fracas des omnibus. En
écoutant-ces voix•si.bien- timbrées·, ce:pur·acceht,_·
un pe.u alang·q.i de nonchalance levantine; r OQblîe
que ·nous s-ommes dans les États:-.du·_G. rand:-,Sei.:.
gneur. Les Foggia-ne·sont p-©Îùt Grecs. C'è t li-ne
de ces familles catholiques qrii, v;enue ave-c Vil .
lehardouin .et- ·Dandolo;:·sont restées en·Orient,·
après la:'<léhâcl · de l'empir:e,)atin, ·et q:ué ron
retrouye, agglqmérées en groupe·s ten, c s, à
Péra, à Smyrne,. et dans-çertaiues' îles des ·Cy..,
..-,clades, particulièremen.tà Naxos et à Sa:ntorin · .
··_ -:- Matntenant m _ed·i"t M_. Spadaro,.qui nie tient
èt qui ne me. lâche '.plus, 1iolis aUo_ns·voir le rèste,
de la « colonie,_» · - · · ..· -.. .
. · L'ag·eu·t consulaire.entend par - e 111ot non pas

61
. :1iine·pop· t Lfàr 'i deg. lons,·f: i . iiç is ,(ê'âr .1< ft·Ftan_ .·.
· ·c:aJsi )iélas·!·.ne voyag·ent gu-èr ),, m:aii.quelq e.s .
. :1 ntison$:catholiqüè ·; dont jl ·a·;:êri ,t tt-µd. è :Capi-::
tûlations-.,..la. tti-télle ··et Ja gàr.de..Pauvrff;co ·onii.;:
. ·Cp i-tlécr îtd e joùr:èP:. j.0ur, et ;que.. Ja:.politjq,ffé:·
. ita1ierinf3·n··o-us· disputé·aV:ec un avidilé: sournois. ;
·· :ef . 11·sou·rd.d·ésü .:·ç1e :ct1ié.é,: Les·.pr.o.té_g.é$··d. e:.la·:
··:aiptibliqùe: française à·Ch.io; ori.t'-auJ rg•è:-d·ans·:
--l ur p tite, ég l së.'..Au temps dè·PàulLqcas, ett ,
1

· •11-0;1:/ «_·ils·:-étai nt bie-n·h.üit. n_î.ille.·cç1.th,0Ji.ques·:'>>.- _·


Maintenant' ils _- ont.·à "peip_.e troi c_ents, m_e it .:
eh soupir nt.l'évêque·:ta:tin, Monseigue.tir ·Fidel :-.
· :Abhati;. :.· .
··. Cet_··- '7ê·què·e .t log_.éco 1illle un p uvre crtré. çle ·
. canipagn .1-e·st a:ssis,. pâlè· et .maÎg e .av e...sa,
·.belle·croi d. _0 sur la poi,trine,:d:an's uùe·saü:e··nué_
1

.-9:ùquelques eriluniinures t:J.Il-p u: yiolentes:tepré-,•


sep.tèn.·t.des ..:tn:ârtyrs ·flagellés_..t ,en
- :·. d _s sàin-t:s.-.-·
--·- xt.as :._Un:e s_eule chose. con-sol..cè pasteqr·.:èa_ri_s·_
. troup eau; c'e,st.li .ièle d s- xelig eus-es;_.f1 ,a (}aisés
: dè Saint..Jos·.ep.-h.qui: ont _eu:.··e _courage._th : fonder.=.
un école daos,.·c·ë.dtâcè e·a ·solé..-.Je n'aJ jamais··
.. visité :S hs.·éinotiOfl:• _.ces:.il)ais·on_·s r'eligié_U è.s,.·qui
· .s{ _nt,.poti-r :notre pays- ati.t8;Ii a.·e {oyers.d'iri.fl;(j. ncf
on·
•ex,tfr.ieui' . Qu.élqqè opîrii..on ·qµ 1' : pr.ofês$ê. elll..
. · tnatîère _a-4og_t e',. on·.n e ]?(3_u·st·'en1pêcher·d:,a-d..,.:
. · mirer ces-·niod st s .0.ùv.:rif;rS, q,ui:tra-vaillerit :silen. ..
. e1:eu en1e t, .. e·_t.· s·ans· d ma11der·.d . s a l a . i r. ·là.
e ,.à
·aiffirsior.·t de..notre laiigue:·
' .
et <l'e. 'n9tre .èiiv-Üî&atio.n-,..·
.

62
au nrainlie1f de notre ·bonne.renorrin1é -- 11 s·er it
décott-rageant de p.enser q.ue. l'esprit laïque et·
l'indépèndan e·intellectu lle sont .de m,aùvai ses
condHions pour entreprendre de granq.es œuv:r.es.
Pourtànt, il faut·bien constater les faits.·Peu- ·dé
. l ïques conse:q.terit à s'expatrier pour é_tablir loin de
leut patrie·de pareils·ce tres 'cl_e pr"opagan'de., Au
contra.ii·e, les i:noînes:et le r'eligieuses sont
pa. , rtout. Ii' y a>des laz istes à'Sfi?yrne,
. . . jésuitès
des
à Cé aréé de Cappadoce, à f étsi,,an-j·à Bagdad. Les,·
sœurs de Sàint-Joseph ·ont un hôpilal à_Smyrne,
. des· écoles· à..Athènes·, à ·Tinos, ·à Naxos-, aux
Dardanelles,. à Aïdin, dans_bien d'autres. villes·
, qu'il s·erait trop lorig· d'én mér.er: Ces missions
permanentes ravaillerit assu:rément po_tir la·reli...
gion cathoJique,. qui est·leur raison d'être. Mais elles
trav.aillen.t aussi pour la France..Cela doit nous
suffire-..Leµi9n1ent ·serait mal .ch9isi pour porter
h. ors·d'0·nos frontjères·not.re.fureur de laïcisation
. ·Je pensais à tout cela tandis que la sœur Gon •
zag'ue, glissant avec ses sa dales discrètes sur,
le parquet bien ciré, nous montrait le parloh\,tout
blan .de rideaux·,empesés qui ressemblaient à.des
nappes d autel, les ·salles· de-clàss·e, où les· alpha.:.
hets étalaî nt degrandes :qiajusc'rtl s-1 la phàrm-acie;
où. une vieille .sœur gasconne·préparait ·des on-
guents., des,potions et d'innocetltes con ·sedes.
. : J regardai•un: cahièr sur un des p pitres, et.
j'y lus ce·norn .: Alimed...Beaucoap··,de·petits,'fu,.rcs.
• • 1 ,•

63
,
et •de petites.·Turques app.renaientî'A.:B C ·aux
.écoles • enfa1:tti-nes d s • sœurs· de Saint'.':"J oseph
'Hélas!s · -ce queee'.tayon..de :tu:n1ière;..si'. faible;
mettra un peu âe clarté et à.e·.vié dans les.torpeurs
du harem?· . . . .

.Quand.la p·orte du· couvept'e. refer1na d:errièr·-


nous; déjà..l,),OUS étions·assourdis, aveuglés par le..s
,réJouis$a.neës: populaires ..! 'ntus que·s-.endiablées·
·q.ui .j-ouaienb·,d,e·s cantilène·s·-.d Anatolie- lampions
..rouges et·verts, qui brillaient; sous· les feux de
'la nuif puré·,..au··front des monun1ents·.:officiels, ·
torcl es ·d·e résine.quiJlamb_a ènt dans·,dè grands_
fo:urnèaux d -fer, et:q:ui faisaient -saiH ·r viven1ent
.dàns· l'ombre, des cercles d·e visages.·durement:
éclà.frés.- Lé.s..nizan1s: de:la garnison .avaient paré,'
·avec la meilleùre volonté du :1uonde>1a façade·de.
le11r case rn.e.·Un encadrement de ve.rdur e.montah
. , ' .

ie ·.lqng- qes· pilier,s, ae rentré : Au dessus dè la


po-:rte, :un tropllée_de fusils.et d.è·sabres rayonnait
n ..étoile.autour d'une .image: d.ë papier p-eint·,qui ·
représentait le·padichah. Dans ce décor .de feuil-
lages : et:de..lanternes, parmi. le va-èt.,vient dès·
-srJl'd_ats,.eu tunique illileue, .deux personiià-ges con-·
sidérahles. trônaient :et buvaient du. cafe e n- céré-
monie : l''un. avait un.·turban:,: des culottes. ho -f--
_fàntes, ·et un caftan de. drap zinzoµ ; l'autre,
<"Pallure plq.s, dég·a:gée et d?âspect·1nilitai e,:pqrtait
i.ine.veste de toile·blanche-·et un.fez écarlate. ·

64
-. · Danf$. l. ·-fo'ule; ·<);ut .son -.d'.un · tam.bo.u:çin· et
;d:un tJ_ût13·_,q' uelque . hc,-m,ine.s .d·a.os -eµt: · . ·:Ch. ' .
Jl()t:r ,-le·m.ot, de·dans ·éyeflle l'idé. 4'1.1µ..).no.11:y,e.· .···
t jô.yeu el-assez iolent, d'uii.. x.ercice·allègf· Qù
Yoir saute,.·011.1'on tfépigne, -P:Ù.· l'on:galf?p -;
oü_1'on tourne, O\i l'on ·se d nièrte,· o.ù l'oil se
.don- e,e·au oùp de rna.l _-et._'"h tic_o p··de plçtisi .
Là-d·a s- :'4es-Tür.cs,:_è'(>nJnte·ceHe-dès GI'.e:cs (c, st·
·1a.même Ghose, et l'on n ,,s it-le.quel-'d &·,:d-éµ
-p.eupl s l inyentée),. n st,gu.è_re q\l Un ·.11;1ar be·
èn
1 ythméè.,.-1Ù1·è_.sé ie de:.·pa. ·,11 e_s r s:;'.. . ,;_-ônd°?.-
acço.mpagµés-d:e cla.queme de doigts et·d?un -
eontorsion 1ent --du torse .. et dès hanche&. E·n ·
· J'urq: •ie_,·-I s fe nies···ne. d n:seri·.t p s; p blique""
.rnen:t-; .pour:itnagfaier leur.-beauté_indolerite; le·urs
y ux bat u . d'autour, _leU:r . s01,1rire.; le.urs :bras.
pârüés• ·ae lâss tuâe et _ l aéadènce dè le rs.mott-vé
1neuts,_•qù:-e,: uit-' l e- clîqu_etis d· s. s.equ,.ins, nous ·.
somme ·-.obligés... recourir-aux rêves .des Mîlle
··èt une.n-u.its, et_aux·fantai ies _.pittorésqiies pal!·oii·
!"on a: s ay,é' (l :nou.s:dépej;n i1·e·le •-ivre1?ses ·d1,1·
·sé i1.... En tou:t cas, le,spect 0le hnptovis. ·devn;n.·t
la ca. sèrn.e des·J;üzams·ne donnait auèu.ne:idé. :de
·ce·s délic·es:De gailla :d·s enturp.annés.-essayaient
d re_µiplace:r;l s hou.ris absentes para_da-ient.-_da11s..
des 1;ohes. rn l agr-af e$; fl µries de de sins naïfs·,
·-.où,·.la l.ueür· v:a, Hlante des·torches· semait • de
_ro9biles écl ii·s..1is:agita'.i nt 'des ·_éC éif.p·e - t' ta ·
. hai'-ent, p v û:ae gy -na i(irie laborieusè,-de-1.to.us

65
·:rëg ésënter_là fàmèus: :« ·dàn:sè d1:1·,,èntr •>'>: 'J.VÎ&is:/
·idéèi<lérti. n-t;.ces ·almées- Ji ri.10ustaëpes.iiia,,aidnt.
·p sa :s îi::èJJl ch: rine e·t.d.oùè.eùi< J'lÎirnaürrri:iétix
· :t\ girdër l s ·ge'ris aütour.d.è:·mo'.ie; ·P. pUl tietn.è4t
.: cl'e è et ·s·q i s'allumait ·da s·1 large·flamp<iè es ...
. · itôtù s résineüx, e·face 'brot1iëe •·de Jeürte soldat
qur·>r ss·ottait•..eri pléin.e,lum ère, .."a-v··é c· ,un vigqu-:-
·teÙ·x:reli f, là haut'e tàturé·a'un-téiia;ouch,:c9lo s·é
âut .. mains·lârge.s; 'au.x n1,anches-·-galonné·ês .d'é
roùge, t.oritês.- c·e ·:,'Physlon-t>"mie ' tùtal;e ,.··m:ai ·
forte· , venuê·s de loîri? êvoq à::t{t,des·sortveritrs d:è·
··g êrres terri.pies . de .è nquêtès:sa g.lant ?. d .
fqlles·ga -0jiadeà qui se· sont qéch'ainées à travers"
· le lin0IÜté ef·qui oht..enttaJ. é l'ês adton .d.:ébrid:é;
jüsqu'_i(.c.e.·<pî ,..-d vànt:·l'OcciŒë t niasse:èommê
tih•itjffanchissable· 'o·bstacle, le. : totirbillo:n ·::·des::
avaliei?$···d'Asi s'àJ:-.rêtât ourt. · . · · · :·
· _.V:ers lè µiiliéû·de.. la :pla.ée,:loin·d·tt-Ia luâiièr-·e·,:
:·dë s fotn:i:es. hlan·ches·, éftà.rses..stl·i· I · sql, s ag. i
iaiént; cô)lfu-s· ilTe'*l;. avéé·-u.p murmu.re \(âgüê-.d .
Cs
·voix ·g io tl1antes·... fa-p:t◊fnes p:âle.s ·-:·uêh gués.
à l'écart; dan un floÜement' d·e voÜ·es et d€.ivêù
.ni nh·, atnplésj ù'étaj·ënt. dés feilimês ·turqtïe ·, .::
.,quï'Fon·ava:i p rcn.i:iide·prendre patt/de·trèiJoin ·.
··à.Jà:fète:. dtt' glorie·sulta. e...s."hon1n1ê impot.:.,
tànts.._ ë.t {è t .r'éut:ti·s ..dans;:·li !)etite··i; :oti:-4P.·
général ·'.Ne1lgih-P·aèlra;.\1tes·âe.la:por e''dé lâ ciùt::..
delle .géiiinise• : cadte d·es fénê.tres. Ïais iait ·v-0ir
• dës ·c0h1 ':d·e·.tablë llx.où.J'àijërcevaii.:.ié.:profil.

66
· h1 sqûé .' d_ug
· énéral, et,. tout_autour de .lui, une
- . assemblée d:é t_urbans blancs, qui -ressemblait .à .
un consell .fantastique de patriar·ches. ·
Le konak était éclairé de. bougies, et Kié1nal-
Bey', ayant _quitté ses dot es, réce-vait ses invit s
eri sin1ple stambouline. Un petit cabar t grec, 3:Ü
mili'eu de. la place, était rempii d·e g·en's qui bu-
vaient e·n plein air·des verres de sitqp de cerise, de
la limonade· et des tasses dè café tù:r;c. Les
_chapeaux_.ronds et les. paletots eur.opéens circQ.-
_laief!.t parmi le accoutreniènts..des insulaires
Quelques famill s;, se tenant.par. la inàin, étaie.nt
venues prendre le frais dans le qua.rtier·musulman·;
' près le repas du soi·rn·es j'eunes filles grecques,
en cheveux., riaient et habillaient. Je. nf ocpupa,i
- .analyser les sentiments divers d c t\e fot;ile
• • • , 1 •

composite. Etrange fête·nationale, qui est célébrée


seulement.par une ri1inorité.a.rrnée, et qu, le reste
dé la population regarde avec.h1différençe, m l
· veîUance ou, simple curiosité!. Ce mêine soir, ]
-.Bosphore était en feu ou.illuminait à And-rin9ple, à
Sivas, à Erzeroum,. à Jér salerri,. à·.Tx:ipolj de
Syrie. Mais cette fête n'était plus qu'un éclata .t
làn1bea11: de g-loire, un. ressouvenir des victoires
éclips.ées;·et je voyais diminuer· ce t e· féerii;·. à
.-mesnre. que jè.m.'enfon.çaii dan· .les. ru s obséures,
étein es, hostile du quartier .grec. . . · : · ·.·. -

67
Adamantios Koraïs (Smyrne 1748 - Paris, 1833)

68
1
CHAPITRE:III·
i
f,
• •• , ,> : l : '· ; • • , •• • : i • • •' • . .
Souvenirs. de Brzance. - Une cori.qu te par actions. - Las
J·ustfoian,f, mard1ànd"s de. d-enréès coloniales et·princes:souvë-.
,:-.ain:s.:--:'"J;., s· Gr- cs: les L_atin . les, Turcs.----;. Le_général Nedgib-
Pacha. _: Le p a y_sd u. mastic.·. ·
r
. .. . - .
·..
f:
t
Les GFecs d -Chio,·afin-d
mieux affirmer·léur _. l'.
:ancien.rie possessi-011 du>soJ;·ont;organisé,:près d·<r ·:
·_leur··gymna.se.d'euseignem·ent secondaire'; un_petit
· mü-sée:-d1antiqùités.-·Les:souscriptioris·necèssàire$
. à·cet étà\bHssement n'on :pàs été-difficiles -à: réÛnh·.
·Il a., -süffi. qu'Auibtdsios, ·évê.qu-<f,:·rappelât·à•se-s
ouaillés:le but' libéral et:pa_triotique de cette fon-
·dation1:•. cè n1u,sé-, i.l'on eXGepté les inscriptions
.trouvéès èn 187-8 p r:M. Ber:àardB!aussoullier'
. - . . .
,_pe. . '

..
. A
-:i.,'E
_• 'lt1 't<J>
- (Pt) ,c,p.O\JO-
1 •
Y. .t Ç?t ) ,
\O'ltCXTptot ., . Y . I X,C
û"/.O'lt<:> -.:.O\JT'flf>:
• > !-'?..
.-t.
"&v -c-Épw.Ôtû,&6op.ëV o·potc;, 1tixpo:Z:,IXÀOÏ:fp.cv Oµ;·ac; IX tOTtµot èruµ.noÀL"'

l
, · f a: t , . ,v ' ha),&6"1-ra -r- v·'cppo·v -rtôci:. ·-r11 ,.ci:-cixyp1Xër,!ïig cr'\JvôpotJ- ·1 )- .w v;;.
* · . . . ) ,. . . . . . . ..
2. Voyez le Bulletin. de··correspondance hellrrniqi(e, t. li, p. 10,
105, 322; t. VI, p. 1.51., 1ij5. - Un jeune savant .{l-utrichien,
M. Studniczka, a-fait une courte exploration·de Chio et en a· '
rendu compté longuement dans les Mélanges de l'École· all -.
'!'•
l
'!
\
!

69
.cop.tient pa, beaucoup.de 1;non11me:r;itsportants·.
· Apremièr.e vuë, l'antiquité e-mbleb s .nte de Chio.·
.Point de·colonues éparse , d frag·ments..d'a:rcl+.i
tecture,. de déb ·is de marbres. Les tén1ples:ao..qiens .
-0nt été si bien détruits et·s·i soigneusep.1ent ràs.és,
qu'il n'en· r·este pas pierre sur pierre. D'ahord..,
.on songe malgré soi-au moyen àg byzantin. La
vieille forteresse·,bâtie sans doute par l s G-énois
sous l'empereur 1\iichel P_aléologùe .domine_.tout,
avec ses gros·murs, ·ses.to rs n1assiv s, :ses·_rein-.
})arts effrités et.. dorés. :Les lourds canons de
bronze.?Ut disparu-de.l'em.brasure de. réneaux.,
et la Sérénissin1e_Républiqu ne 1net plus, dans.
les cb.e1 h1s de ronde, ses routiers, l pertuisane
au col. . N'in1porte, ç,e vieu donjon ra9.on - une
histoire qramatique; il faut. écouter c qu'il dit,
et noter.les_:visions qu il éyoqt;ie . ·
. Justenien,t,' la ommu11auté gr cqu installé,
près·d son églij,e·, de·son musée·et de so_ngy
n.as_e, -µne_ gr nde et bell hibliothèque, qui a·.
• hé-rité e . p es.que tous les livres _e.t manuscrits.

_du savant Adarnantios < Koraïs, docteur de ..la


.fac:ulté de iontpellie , _ illustre . p4ilolog·ue · et
.pédagogue, do.nt les . Chiotes sont très·. fiers.
râce à l'ohlige n e du proèdre_ Zolôtâs··, de·.

•mande ci!Athènes, .t .. xnr,:p 1.60.:-. Le travaux le plus


_réc nLs sur les antiquités de Chio.sçmt énuméré et très clai-
Tement résu'més ·dans les· Ch1·oniques ·d'Oi'iènt de M. Salomon
Reinach.. Pari , i..8.91.; Fi r. p.Jin-D. .ido. 't. .·.._.. . .
. . .· .
. . ..
.

70
.. t ép o-rél1.F:fornstein·ëf_aé l'épi-inélètè'âlirriop&kis,·.·
-·f'ai•p :_.p:rôfiterd_e · ous:·cès trésors- _Pendant lés
·ch, udès·Jôurn ·ès _dé la·:saison ·clà r ,'j'ai p'àssé
là ·de_.·-1ongue 1s i'eurés-·èi1·:tête· à t t . àvec'·Ies·
ylè -,'c rorii·que·urs/ Ann_e·Comnène, Nie pl,àre ..
Grégotâs, _ Nicétas.Choriiate,:George· Paëh31mè1;.e,
.·Micp.êr-D u:èa:à, _.sah_ compte =-l'es 'e:x.cellents·vt,ya"".
.. _. geû-rs ·Bëlori, Stôékhove; Tournefort, Paul Lucas.,
:·Galland/ Oliviet, ·ét'. l'admirable· J1ê'l7ioîie:_·d·e
Fùstel de··e_o_ùlangés ::.· :_. · ··· · ·
A-niesure- q:uë·-Je lisais-;·toute l'histoîre-lo'cale,
· si profon1démen{ mêlé.e aux grands événernents
de·l Orieiit et de-- l'Occident!: se lev it·;du fond--
du p ssé;. én in1ages. n tte :s·et coforé_es l'apet-
cevaî:s ·là déérépftude: d·e :Byzance· à la -nn: dù.
'_'xi -sièéle·;·sous··a.es:empereurs;indôlènts- (Jri-
. voles, la race affai?Ïiè êt: êpuis ·e, ayant pe:gdû - .
jttsqtl'à;·ses qu'alités'1 s'·plùs vivaces: l-'ésprifd'en--
trëprise etlè don 4e trafiqùèr; les -Italiens .fempa:-.
-- ran:t:·peu··a péu•ide_: tout:le;négoêe; Ie•sîles··· a n. s·
. défëiise;-·abahdt>nnées·:, proie facile pourlès:"-aven:....
turi'ers -: aùdâ:bi ux ·Je··sohg'èa.is .- à _ l'.àrri:vé:e d:es
· Génois ën 1346,--e·ta C(fcléhatqùeinent, qûÎ- fu:t
. une·;·co quêtè''pat·.aêtio ·s,·'\1nè.ëntr_ priie' cèf --·
.- ·mandité:e ·_par:iru:·syhdic t de capitalistes, à··'pe
·pr s comme- celles que nous tèntons aujourd'hui
· vêts le .lac·Tchâd :et' l' Adamaoua:·. Les 'galères.-de .
.Simon Vig_ii_ô&Ô: âvai n.t.ét. _-fr.étées··_·gr_à.cê. aux ·
àvancès de trénte-dèu. i p·articuliers .: q-ûi,·après.·

71
_le suécès de la campagnex,:igèrëtit._leur rein+
hoursement. La.République·leq·r montra ses··èof.,.
fr.es: vides,. et leur·dèm.attda un. d•élai d e· vingt
année_s...Ce sursis écoulé, le:·doge·ne·se trouva
pa plus riche, -et dut, .'pour·payér ses dettes_;
abandonner l'île à ses créanciers. ;-Ainsi
..
l'île de
Chio. d?vint non pas une çolonie de·G-ên.e ,.mais
une sorte d ·capital,' un-terrain_·:d''exploitation
. !lne propriété de· ·rapport. Peu a
peu, les.-Jt1sti...
nianï parvinrent. à posséder. la· çr:é:apce. enti'è.r.e,
et à constituer à.eux seuls.la compagnie privilé- giée,
la 11iaho1Îe,.inveslie du droit ei:clusif de fixer .
et e pe ·cev oir l'impôt. L·a suzeraineté nominal.e de
la·B..ép-ublique ne se .marquait::qu-e-.par.,renvoi
l)ériodique d'un pàdestàt. Ce magistrat ne tard pas
à êlre choisi âans le sein même de la niahone, et une
fà111ille de:·marchands enrichis• devint insi
par- le fait; ·s_inon par le titre,:u,p.e .dynasHe· de
princes souverains.· .
. Le caractère essentièllem.ent mercantile. de.cett. e
-·do1ni11:ation n était pas fait·pour ·rendre·populaire-
la famil\e <l'es J ustiniani. Leur oiigine étra gèr_e
s ffisait déjà à rendre leur·.prés nce,odieuse..Des
sujets qui, à la rigueur, consentent.à._pàyer rimpôt
quand ils le vo.ient contribuer,- soùs leurs. yeux,
àl'intérêt général, se·soumettent avec répugnan e
_.à une·taxe qui.est le.revenu ,p r-et simple.d'1..1..n
seig·neur et m-aîtrè·. D·ans ce as;·.1 · sujétion e-st
trop ·voisi_n dÙ s·e;rvage.; -la sou1nission. politiqu:.e

72
-.r ssemble trop à üne. série de prestiùions arhi-
traü e .- Enfin, les Ju tinian:i étaient catholiques., .
··vassaux:.du :pape, p1 êts, en toute 9ccas on,.à. sou,.
·t nir les intérêts de1'Églîse latine;·nouvelle.raison
pou •mériter la haine p rséy rante _ et._a_ctiye. de
·-leut S adminis.tr.és. . :
On peut définir en qqelqu s mots l'histoire·_ge ·.·
, Ch o pendant toute.la.durée'.du, moyen âg : des_t·
.·u:n:e .lutte entr _le culte latin et le culte gi'ec. ·Le ·
·premières.rencôntres des Latins et des Grecs lie.
fur nt point_cordîales.. Lorsque l'ëmpereur A_lex1s .
-e-ut appélé à son·seéours les·chevaliers d'Occident,
- il_fut effrayé de ce qu'il . v it fait <<'. Dès la pre-
.mière entrevue, dit Fustel de Coulang es, les deux
·races se-jugè.rent ; chaéune détesta les ·défauts t
enc9re · plus '}es qualîté·s de l'aÙtre .La haine·fut
égale entre elles_; s_èule_ment eile fùt·mêlée.p,ou1
-l'çn de mépris·, .t pour:l'àqtre de:craint . (?est
. à- partir qe ce jour qùe s_'e t .é.tablie,,èhez les.
Latins, cette opj.nion que Je Grec n'est-q1:1e m,en-
so·nge et fou1·b rïe; de ce: jour arissi le Grec a
reg.ardé le tatin con11,Ue son hrut&,l ennemi! La
. religion, qui devait apaise.r l s-.haines, lés a
- ; • I ' •
e nv eru m·ees, » ·
. . . .
:. Le sultan .Abd-ul-J-1.amid 11-' oblig·e pas -l s taïas
à fair(;}·1a·priète m.1;1suli-nane.en. e to.urn:ant. vèrs
· la Me que... Les· Génois, ·aü . ontr.aJre, ::së soùt
a1nusés,. pat piété, à•hur:nilier l'a1no.ur·patriotique
..de .Grecs pouf·leur reUgion
, . .. .
nationale. L'Ue . fut

73
_pe'uplée de: CQ.rés· e de capqcins·. Q atre ·fois·
r n,- au-xfêtes de Pàqùes, d'es saints Apôtres,
p_aa
de N·oël et de _laCîrco'ncüüon-, le podestat,, avec
un goût tout itàlien:pou,t·la n1is13 en scène,' ordon.:.
nait que les· aisons fussent fleuries.d'or·angers_
. et dè 111yrtes· et. décorées de Japi!:?,.Les pappas
g1·ecs, rang·és en ordre par 4es huissiers·armés
-de hag·vettes, s'assemb àient··sur la grande plac_ ;
. dev nt le palais. U:n crieur public montait sur·un
tréteau, et les •Génois, du·haut-·de leurs terrasses_
pavoisées, a-ssistaient à une.petite-c9,,nédîe sol n--
nelle dont voici le :scénario : •.. -
. · Le crieu1·.- - Au nom de Noti·e-Seigneur
·;Jésus-Christ et de la Sainté-Trinit (roulen1ent d
tan1hours), et de 'la- très glor:i µse Vierge·.:M:arié
(roulement de tarriboùrs),_el dù saint martyr Jean
Bàptiste (sonnerie de clairons}, prioils pour la longue
vie, la g·l6ire· et l'honneur de n0tre .saint
père le Pape_! , ,·
Les papJias. tongues années t·.
. Le .crieU,'J?. ----,- . Pri?ns.- pour. -not ·e invin.cih\e.·
emperèut !·· .
Le pappas. - Longues années·l
Le c1·ù1u1•..-· Prions poµr la Sérénisshne Répu..·;
hlique de Gênes!
Les JJetppas. - L·on·gues.ann· es!
Le c rieu1•.' -· Prions pour la très illustre et la
1

tr s no'ble fan1ille·dés Justiniani. Que Dieüla prch


. tège t la consèr,,e·!· .

74
:·,J.'11$ 1Javpas. t lepeu7JlfJ -.Nous·:prion_s.. Evviv !.
·Ev•viva!. :_ · . · ·
. . o·n.j.ug·e aisément 4uelles. emences de h ine
l • . • •

-·ces .1nanifestaJion· commandées· devaient fair


g r1:h.er·dans 1 s cœurs . S.ou,vent cett rancll.ne
éèlata 'en con1plots .avo:rtés; enius rrections vite
étouffée ,- dont. l'histoire_ne se. souvient_ J1.l•ême
pas . Une fois,..H s,èn ·fa1 ut de peu qu'une cons_.
piratjon; long etùent :pr_épar e·dq.i1S le plus grand·
.
ecret, n'aboutît ·au·.m u,rti'e .des tyrans. 'a veil,e
du jour fixé pour·ré écülion, une jeu Grécque.,
.qui aimai_t u n, ustb.1iani, révé_latou.t ... Et c.e fut,
pendant plus d'une semaine.,. une suit< d'épou-
: aJ?.tablesu:pplices,. un carnage Qu_eÜ s échi
1"antes tragédies,... quels rom.ans d'aniour ·_et·de
larr_nes ont dû, pendant ées siècles obscurs, ensan-
glanter cè coin reculé .de l'Archipel !_ . · ·. ·._·.

On cr it d'ordinaire.que les Turcs .ont ét pa1<


tùut.mal. reçu-1?, lorsqu'ils s'installèreµt °'
con..-··
quérants dans la masure · délabr_ée df l' en1pii·e
byz.antin.. C'est une: erre r. Lès Vél).i ien,s et les
Génois avaieI?.-t tou't fait; dans leurs p_oss ssio1ts
1
d ouire-n1er, po1:1r inspiret' à leurs·. µj fs le··dési.r
. d'un. aûtrè· ënvahisseur,. q-ciel qti'il fûJ C ont
les ◊hrétiens. d'Occiden.ti;l'faut le dire a:vec fràn
chise, qùi-.ont ,préparé 1 nai_ssance de. la dornii;ia-
.t on ?ttomâne. On a la._sensation· pre$.que. phy""
sique d.e. ·cette vérité, lorsqu'·on s'arrêt . loisir·
dans"_ les villes·et d ns les vil ages. dti_Levant,

75
lorsqu'on cause •:avèc les petites gens ·et··que l'ou
saisit, dans leurs paroles, l'hérédité des ressen.---
de
_tünerits.ancie'rl:S ·Fuste{ Coulanges a très juste-
ment remar.qué cecî : ·« Les· habitants il Chio n'ont
Jamais -aimé_ le Turc;_n1ais.· co.m1ne il&
·détestaient davantage.les Latins.; le Tur prit pour
de l'affection Ge·q-ui'était. qu'une··_nuance dà11s·
.la hairie. »•Et l'illustre historien expHqüe à mer:...
veille, avec sa lucidité· pénétrante; ·ce poin,t de
psycholog_iehistorique·: « Entr_e deu?L·religions,.
-la distanc_e· est ti op g-raride pour que-·1es . anÏ-:·
· n1osités· soie11t bien . vives ·. Mais deux sectes··si
i'approchées se t0i1chent pa11 trop de points; la
comparaison· est trop facile,. la 'discuss on trop
inévitable, les prétentions tr.op.· ardentes, pour·.
qu'une . implacable haine rie_ remplisse pas lés.
cœurs. »
Les Lati s. ont accusé" les Gr.ecs d'avoir pi·o- .
. V<?qué, par· de sournoises intrigues, l'e pédition
·. de_1566,·dans laquelle Pialy Pacha, par ordre•dù
sultan.·Soliman, p1 it possession de l'île. Ce fut une
joie, dans _toutes Ies églises et dans: to1_1s le&
couvents·orthodoxes,' lors·qu'on apprit q e le der -
nier des Jtistiniani ava:it·été euunèn · é_n esclà--
vage et relégué à Caffa t. Les Grecs de·Chi._o ne·
• •
-- +
. • •

L U fut m·is·en- li-berté grâce à l'intervention de l'ambassa:...


- eur"'de France,: comme en témoigne le do·cum·ent suivan_t,.
tju'0n, ·no1,1 . saura gré de reproduir.e ·: «. Nous Guülae.me· de:
·Granterie, sieur de l\'fontceaux et de Granchamp, éonseiller du
Roy, gentilhomme·d·e sa chambre et amba;ssadeur·p0ur Sa.

76
négligèrènu t cu.ne:o_ceasion-de dénoncer.la::popù
lat on Jranque·"ri rànii:;nosité· -d1;1s. ultan;.·Ce: fuf
·U;-Ile·véritable campagne. a .délations .rp.eil.ée pàr
l'évêque ·ôrthod()ie Jg.;nac · Neochoris:et par·Jin
·prêtré . grec, :si dévoué. aux· turcs, qu'qn rap:
pelaif:dans·l'île le ·« pâpp.as lioustapha ))· · . ·
:· .La .papauté; inquiète,·crut qt1:e, pou_rirainëi· --
. es Grecs, îl fallait à tout lé moins·des.jésuites
·Les· pères·,dé_.'-la Compag ié.:de·Jésus envoyèrent ·
· iles ··missionnair.es à Cl io. Upe diplo1:natie insi-
. . "

·1\i j_esté près le. Gra.nd-S ign·eur, certifions à tous quïl appar-:.
tie dra, çomme· N.-J9s ph Jüstinia_na es é et est un des gr ndi;;
·séigt;teur·s d_l'isle de Chio, qui, en Pan t566, au mois d'aYril,
. fut prise par P aU.y-Pacha;'.pour lors capitaine gé1_1éral d
J'arjnée de l'empereur qes 'l'urcs, et que·1es pri_ncipaux sei- ·
·:gneurs :e. n .Ture·n:t chassé·set: privés de·r.evenus et.profits, qui
Jéur appartenoie.nt _sur le dqrnaine de ladile. isle; d.ont plu-:
sieurs ftjrent menez à· co1ist ntiriople, et là detènus -prisonniers·
plusieurs mois et p 1is exilés ep Carra,·bourg d'e 'I'ai:tarie_;
<lesq9els estoit ledJt N. ioseph, qu} a esté·délenu deux ans
·av C sa· femme et sa fa.m-i_lle sans espoir d,'aide ny secours,
. eorn.me la Iongu'èur de leur déli-v.rance le tëmoigne, mais. pài'.'
l'stid . d'è Dieu tout· ·puissant, et grâce·de s0n Saint-E$prit;
.nostre roy tr èhr stien nous·.a commandé par ses I #res ·
-que·ilous dèmandassions 4e·sa p rt audit Grand-Seigneùr.·la
'liberté desdits s igneurs de:Chio; leq_uel, eri considération.d
Sa Majesté trè$. chr.étienn_e, me l'a accordée·;· et' sont depuis
rèlO\lfDéS.•tcJ à Constantinople ceux qui sont deineu1\éz en vie;
d'oû, on sans'grançl'peine, .sous la .faveur de nostre Ro'y. :tr s
·cbrestie'9-,' ie;; uns.so.n r fourn s à Chio, et. lès àütres à
'Gennés, -pais:natal de·four.s an.céstres, desquels est ledit Joseph,
â. la prière duquel nous avons fait· ia présente attestation,
.faicte..soùs nostrè.scel e signée de nostr propre majn. · ·.
.. <c:-Donné à Péra,-le deu·xfo$me _jour du.--wois dejuiUet 1570.
((.Signé: DE; GnA,NTEnrn, à:mhassaçleur de 'fra:pcc en Le:v:ant;
·et: SILLÉ, êt; à·cosi , CounTAY, secrétair.e de·Monseigneur
:l'a bassad qr. >>

77
nuailte ea t lig·:p.e négocia Uilé esp·èce de 'réconci.:.
-liation. . Des archin:1andrite. s se· ·co.nfessè. renf. aux·
curés. On pu.t··croire. à un ·acco1 d possible· e.n;tb
l;Église romaine .·et le .. chisme ·-de Photius-;.. un.
jour, J'êvêquè lalln officia.au mon.as ère de Néa.:.. .
Moni·, et les.·caloyers grecs·lùi servir.ent la messe .
L s comptes r ndus des Jlfissions des.îles, pourJès
anné_es 1619·,'16.35,'1636, 1637;·-ïnsistent àpl isir
:sur cette trêye;·La catholiéité dut' à·ce ·pefsévêrarit
travai de pro.pagande quelq·ll:es ·année:s d·e répit et
comme une r nàissance de sa supr matie da-ns Je
LevanL A Chio ·seulement, elle fonda ou ocçupa,
pend nt cette. période , . 'plus de . quatre vingts
·égli e·s. ·· · · ·· ··
.. Cette .apparence de concorde. n_'êtàit, pour lés·
-Grecs, qu'un jeu et ·qri'.un rôle. Il ·ménageaient
un:
à leurs rivaux .. tour de Jeur: façon·: et s,e .n1011:..
.trèrent supérièurs· aux jésuitè·s par leùr. habileté
:à se débar1·asser de leurs:-ennemis. Ils trouvèrent
le moyen, da11s là mê111è•occasion,de p yer leurs
. ·dette. ·:.Voici comment. La coµim1:i- auté .g1 ecque
· ·de Chio·devait quelque argent à·plusieurs fonc,..
•tion·nair·es .de..·la:Porte..Èlle fit ·croire· à· cès·.puis-
.'sants
.
s·eigneurs
.
.qu'
,
èlle les. paierait sur rheure, si
'

les.rève us de l'E-g1ise latine lui étaient livr s.'.. JI


fut alors. décid par le ·.diyan :·que)a·.juridiction ·
-de.l\ v- q.ue latin .pa.sserait au n1aïns.-de revêque
.grec; q.u'aucune consé ration: d'église; a-uturie
.Ol;dination de pTêtres, 8:UCUll mariage .n'au1 aient

78
Heu .qu'ave·c·Taulori_$ation de. l'évêque grec.; .;
. <flié l s églis•es des· Latins seraient, C@Illr_
ri.n
e· ous
d.i&ons .aujourd'hui, · « désaffectée's » ;· -.·.· ·que
l'êvêque làtin rendraît con1ptè à' l'évêque grée des ·
-revenus -èt. 4e-s. dép nses d·e· son a lmini .tratiop,
et qu',Q,près ies r stitutions exig·ées,.il · ortiraîf de
-l'île. ·. . .
·.·Ce·n'e$t pas-.torit.. Il arriva, :en: 1694 ;··.que
l'amiral .vénitien .Antonio :Zeno parut dans les .
eaux 'de Chio :avec une. escàdrè, et débarqüa ses
:matelots. qui prii ent la vil. l e.sans peine. Les
familles italiennes de l'ile,_ les.Gi·in1aldi, les For- ·
netti et ce. quf r·esta.it des Justini.aili, • écrivirent
'··.une lettre ·de félicitatiOI)S à l'amiral de la Sérép,isM .
. siine République. Cette lettre tomba, on ·ue sait
com ent;· entre , le·s mains ·des·.Grecs., gui la
nrent voi.r aux. Tu.rcs. L e sultan Ah. 1ned fut. saisi
'

-d'üne colère terrible·. Il avait alors .à son service


. l).n renégat, .écumeur de mer, dont on i;i.e·sà.it pas-
le véritable no1n.èt qui était, cràint, da.ns tout _le
Levant, sous le·sobriquet.de l\iezzon1orto. Il lâcht;i.
-ce·corsair·ë sur les Véil_itiens et sUr les Latins d·e
Chio. Antonio Zeno rencop.tra les Turcs·à la hau:..
,teu · des Spalmadore·s, se ba tit quelq. e te ps et
ut, quitter la partie. C'est par _une série d'aven-
tures, a.in.si préparées par la··suhtilité des Grecs,
que l'îlè de Chio c.essa· .a.'appartenir à la dominâ- .

tion piritùelle:_de ·l'Eglise romaine.· Si le ·culte


catholique ne·:disp· ut. pa's -t?talemen_tde.· Pîle,.

79
<{est, que l'ambassadeur de ·.france· interv1n.t e
faveur_d.e.s Latins poursuivis -.etfugitifs,. et: que le.
consul' français. fit aménager poµr· e11x, dan&: sa
maison, unè petite chapelle. Dès. l'année i 701,
l'exercjce· public de leur.:i;eligion était interdît.
: Beaucoup de fidèles, persé.cutés tout à la. fois. par
. ]ès Grecs et par les Turcs, s'ét;àient arivéS. ·dans
··1es iles·voisines.. « On me ·fit.vo1r,. dit Pa1,1.l Lucas,
plus de trente églises l tines.,: que· les.. Greès
·avaient .détruite!?·ion usurpées., . ou n;iênte:fait
convertir en mosquées. Les plu·s. considérables
étaient la cathédra e, l'église et le collège: des
· révérends }?.ères jésuÜes, celle de& révérends pères
.. capucins. et d e p· s. ocolans. De ces··cinq ég}is.es,.1
c. athédrale.et celle dés dom inicains ont été. con
\

verties· en n1osquées; les autres, dont - ils


' '
.ne. se
sont point en1pàrés., ont été abattues; et ls
.ruine·s. seules:; où il ne rest .que les quatre
murailles., font connaître la··beauté dont lles
étaient"et. tirent presque les larmes des.yeux. Par
toutes cès violences,. les Grée$ . avaient. en vQ.e
d'éteindre chez eux le rit latin; mais ils n ont
point r.éussi dal)s leurs entreprises;·et,. selon ·
toutes les apparences, ils·n'y réussiront pas; les•·
npuveaux catholiques romajn s·ont plus fer.mes
guejama1s; et -OU les voit tous dans-la résolution
de mourir plutôt·que d'abando ner.leur relig on.
Le r_s enfants reproëhent tous les jours à le.urs
adversaires que le r_it grec st le rit des ·esclave ·

80
ët d'es·-g·ëus·de.!ien;.au.·lieu q e le rit.latin··est-lé
rit·des princés et des p1us grands· ro!s·._·»Ains_i,
·. c'est gr ce à la conquête turqüe.que·Chio s·t redè.,
veiiue grecqùe. Il ne.-fatit pàs s'étonner si le voya- .
gèur êuropéèn qui.s·'aventùr,e par1ni Tes·J?,aisous·.
de bo'i_s dè ·Tatavla, faubourg ·grec de _Co'o.stariti:..
nople, est ap·pelé·, p·ar les·mégères dü quarti r,·
··skylo franco (chiei1 de Franc), et ·si les oùvriers· :
· taliél)S du. Làuriu111; rusent en parlant des·H l
lè;res qui. travaillen"t aveè eux da;ns la mine _.:
Questi g,;ecaccli·î, c ie·· racaglia 1 J · .· .
1
_'
.De toutes: )es contrées·.de· ranciep. empiré
byzan fn., l'He·.·de Chio,·qui devait,.e 1822, 'êfre
.ravagée par le. plus·. horrible ·massacre, est pe.ut :
être. èelle qui, pen·dant' plusï urs siècles, s'est· 1.è
mieux, accom.nJ.odée du régime turc.- Le- Cliiote
est paisible, po.tie_ni·, u.0; peu poltron n1êmê et point.
1 . • .

patriote,·s'il·faut en·croire lès P?-likares ·ù·11·éd n


· tistes du :M agne, de l'Attique, de Samos. Il n:a
guère- qù'µne passion : celle de·s'enricliir C'est
la seule besogne où il apporte' de la hardiesse··et
.. • 4 • • •••

_ i Les rapports d'e·s provéditet;trs vénitien:s sont.curieux à.


consulter. sur·ce point. on·y retrouve sans cesse des'formules
:ipoins violentes, mais aussi sévères que ceHes que l'on vient
:de citer. -D'autre. part, les sentim.erits des Grées envè.rs les
nations ·occii:lentales n'étaient -guère p\us.cordiaux' D an_su n ·
. çcumènt · de 12·34, émané du· patriarcat, l'expédÙioii d .s
C oisé est ésign e par les mots ÈmÔpO(J, 'Cù>V 8éwv Acc lvwv..
On. se servait-de la rnêmé exp ession .pour les Turcs : 1Cpo -ri)c;
T(i?V &8éwv 'A yèt:pYJVWV ÈmÔp.oµ-Ji . - . E_dmond About_, a:.é t , sa.us
f?'en d·Quter peut: tr. , l'héritier de cette tradition de défian-ce
' inut elle entre l'Or.ient et l'Occid nt·. · · ·· ·

81
de'raud:ace. Il esfmalaisénient horhÎile e guerre_,;·
·Il d·evienttrès vite un. : excel.len:.t .h omtne d'affair.es..
' . .

Qu nd. il s'.agit. d'amàss r de l'argent; les: plus..


dures·fatigues-•et les plus périlleux, voyages.·ne
·· l'effraient p'as.·J'ai conn un. garçon·de vingt;
Ginq ans qui .. ayait suivi au' Soudan.. l'armée
·anglaise, achetant atn:. Arabes des troupeaux qu'il
rev nda.it.en·d:étail aux offièiers·du •général·\Vol""'
seley.· Il·.y des g. ns de· Chio d'ans t.ous les.·
comp oirs où..l'on trafique et où. l'on gagne 'ile
en-\;OÎe• .des colonies de commerçants à·:Ale:ian-"-
drie, Odessa, lVlarseille, .Trieste,.. ?\fan.chester;
. Bon1bay, Calcutt!l. Ces cqlons ont une préfére1,1ce ·
· mai:q.uée poqr l'Anglete·rre et pour.le&pos_sessions
nglaise.s.. IJ.e:fai.J, leur flegme·pratiqué et raison-
nable est proche parent du calme·britannique.,Us
9 - cornme· ies .Anglais: l'aptitude au calcul,· Je .
don des . co binaisons.· c_Qinµierciales, r mou,r·
d'un c 17taiµ.Gonfortahle pratique, la·.capacité de
s.'associer et e _s'organiser e.n. groupes:.sociaux,
selon de& règlef? t de$ coutun1 , qui ressemhle:11t
ssez,:malgré la présence.d'un maître étrauger, à
.une.so.r_te. de self govèrnn ei t. .
Cet exil volontaire et ces lointaines· absences·
n'a;ffaibliss rit point leur' an1ou· dtl sol natal, et·
.leur <l.ésir d'y_ garder, à .4éfaut. d'un bon g-îte, ·une
·bonile re.J?- m.méè.. Il y ·-, dans . çe p triotis1ne
:. tenace, à la f.ois u réel. attachem.ept au .-:sol et.
uh·e grande e vie d'é'tatér,.·aux yeux d."es co npa
. ! .

82
.tri,otes qui 'sont'te tés .c h è z U
, X·, laprestige' des
. ichèsses.acquises. Lotsqu'ils ne.peuvent :ue'.veiiü
.ciutouif·:du clocher; ils env.oient' de· loin de. ·
sommes crargent _p'ou i'entretien.:de·s .é oles,:.la
construction des ég lîses,.1a fondation des établis:..
sè1nents d e- b.ienf sanèe. G.
râce à_.ces coritribri- '

tion , spon.tanées·, la caisse de la comm-µ.nauté


grecque de Chio·a pu .ha.tir et conserver en pays.
. .êonquis·, à deqx p·as ·de. la cas'erne des nizams;
malg-ré'tous les .fléaùx et' tous_.les 'tneurtres .une
espèce de viile libre; rattachée à .la Port Otto-
. nia. e .pàr_.roblig-àti9n de
p·ay r .certaines ·t xes,
'n1a1s.g:ardltnt se& insti.futions, ses cèutu1nes, ses
métiers, v ritable, Hot de,riches.se.;· de.,éult re
intelle.ctilelle ét . d'industri_ed , a:ns le délabrement
èt ia pa1;esse d<l _l'empir turc. Soix&ntè a:n avant
·· 1a; révolution-grecque, il y avait déjà dans·rne:un
hôpital qui 1)ouvai:t contenir deu·x cents 111al des;
un.-}azaret·, -U.Jie école publique où l'on enseignait.
le .gr.eè.·anci n et la langµe française,..une hiblio.:.
thèque, u e. irp.prinierie·•. Le soies, les· taffetas.
·et.les. :.v:elours, . . d-e·.Chio
. . , faisaient coricurrence
.. aùx·
. pr duits. d,'Alep., de.D mas, ·de·Broùsse., n1êine
. de.Lyon·1-•:.Choiseul-Gou fiet disait ·-:<, s•cio e·st la
. .
. '

· · . .:Cl;lio, n' st pas, la. seill_ecomm 1nauté qui ait·, donn4 ce ·


exemple.. Il y·aurait une très intéressante monographie ..à
faire de..la ville·d'Ambélàkiâ, en Thessali_ e,qui a trouvé, eue·
au.ssi, le moy n de vivre.et dè prospérer en pleine l;>ar1:)ari >
jusqu'au Jour où les industries occidentales ont tué son .com.:
tner.èe.· ., · : ·' ··················································· '

83
v 1 ll-edu- Levant la mieux ·bâtie. Les mais·ons,
· èonstrüitès par·Jes· Gé:o.ois et' les Vénitien.$, ont
. u.ne élégance et. dè·sà· g•rép.1ents. qu'on·.est.étonné
de rencontr r· ·dans· l'arc ipel... -L'_aspecf de_· s_on
port est très agréable.» Un autrd voyageur, moins
hnu,·le citoyen Olivier, qui fut <invoyé en mis- sion
· scientifique dans l e _ L. é-vant p r· · le cons.eil
_exécutif provisoire de 1792 .et'·q i·rie _rapporta-
. guèr de·son _v.oyag·e que l'liorre,ùr · e la tytannié-
et de la superstition,·décrit·ainsi 1'état·politique
de l'île.: <t .Le -législateur qui :v:oudr'a obs. rver-
J>influèn.ee des. institutidri.S.et. des lois sur les
mœurs; le caractère·e't l'-industi;ie· de l'homn1e,
doit principa}ement tourner ses . regards vers· un'
.peuple qui, vivant sous :le:-1nême ciel, .sur le
1nême sol,.·professant la mên1e:religion; diffère·
cependant de lui-même··au p_oint q.u'il parait
inéconnaissable. Après avoir franchi un petit bras
de 111 r; Je 1ne suis cru tran'spotté dan·s une autre
:1t·égion; sous·un autre clirnat; j'avais YJ.1 le Grec
courbé $Ons le Joug du plus· affreù.t despotis111e :·,
il était .fourbe, grossier, tiniide, igrior.ant,.supers-
titieux et pauvre;· îl jouit ici d'une o•rrib.1 1 e-·d e
liberté; il est probe,. ci- til, hardi, ndustriéux,
spiritue_li; nstruit et riche Je ne retrouve plus ici ce
1nélarig-e d,e fierté et de.bas-ses.se; qui caraètérise
_les Grecs· d·e· Constantinople et· d'une . grande
partie du Levant,_ ette·timidité,·.cette poltron.:.
nerie, qui oc.casiopnent .Ul).e .craiµte. perpétuelle,
• + • ·-

84
, cette· b_ig:ot rie qui n'- 1npêche.:aucun :Crime.,.G..e
qui distingue ·_les habitêints· de· Scio· des ?-l;ltres ·
Grec·s,.c,e&t un penchant décidé v rs_le comnierce;
·· n'goût vif pour les àrts, u;n 9ésir d.' nteeprendre·;
c' s·t un esprit enj ué, plaisa.nt, .épigramm.atique;
c'ést quelqu fois u-n i,orte de gaieté foH. : t hur...
. Iesque, qu a donné li u- au proyer su-ivru;ii : Il be
· est ..·aU,ssi·,rarè de ·t1 ouv.e1 .un. chevq,l. JJert. qu'u/ii
. Sciote .sage•.QlJelque.-vrfil: que so_it.le sens outr.é-
·. d ce.proverbe à.téga:rd d.e.qu lques habitantse -
S'cjo, il en est.un·plus grand nombre qui.$aye_nt
. alli_er .la prudence la plus •circonspecte.à l'enjoue-
ment le phis vif .'e.t,.le·plus aimable. Null ê\Utr ·
yill_e., .dans.le Levant,. ne. présente un .·si grande
m.a se. d'instructiou; · ntille a:utre ne
-renferme.
aut nt cl'homn: e_s e;ernpts -de pr'éjugé , plein$ de
bon sens et de·r&,ison, doués d'une tête- mie
or-g isée 1• » .-· · ·
.Le·_bon sans-culotte Olivier, dans la foug-ti de
·$.oit. enth_0u·siasme, ·s'est fait péut-êtrè que]què
illusions. sv.r l'esprit d.'ind p.endance. qui,.à l'en .,
· te:o.dr , ài;iJm.ai les -habitants de Chio. En.réidité,
ç.'est for.ce d-es· ouplesse politique et de flatterie·
• en.:vers· les puj.ssç1.nts,. que les Chi9tes assurèren·
. le ...lllaiQtien.. d·e leurs. frauèhises'. 11s :a:vaier-i.t,
.pre que. _.toujours. , a:ui·. abord de la Sublhnè-.
.' .
.. . . . ..
. .1.: G.-A,.. OÜvier,.Voyage dan,s _l'emp_ire·o tomçz_nl,'ÉgypÙ et la
· Ptwse, fait par· 01•d1·e rtu gouve1!nement, pendant les si:ipre111.iéres
années. de la r publiqùe,. t-. - ,.p. 1.03. P _ris, an lX. -:.,. . . . . ·

85
Porte' un protecteur'puissç1.nt; quelqu.'U:n des
leurs, arrive p·ar l'adresse et l'intrigue-, et ca-pable
de leu servir_de mînistre ·plénipotentiair·e.a,uprès
du divan. Tèl · fut,. au xvne siècle, Panayotis
Nicosis,' d=rogn1an· de·l'amhassàde r d'Auti iy.h?,
espion du suliàn:auprès 4u n1ême amhassadeur,
t plus. t r.d secrétaire intin1e dtf g;ta!]d-vizir
Ahn1e . Kupruli. Tel ft,1.t .·enc re ·. le ·médecin
Alexaii'dre 1\1:avr_ocordato, natif de Chio, homme
fort savant-qui, au dire de·_ses biographès, pa1·lait le
s a.v.e l'italièn, le français, ie :turc, lè persa1:1, et
l'ar.a.be;· c'ét it-_plus q·ti'il n'en fallait. pour
réussir àùprès des·Ùsn1anlis, g·ens soigneux de
. leur santé-et peu·polyglottes. E·n··Turquie, les
médecins et les interprètes sont en passe d'arriver à
tout, parce qu'on les e1nploie à. toute.s sortes de
p.eLites·con1r.nissions. ,Alexàndre Ma.vrocordato
devint··un -ho we -si indispensable, qu'.on le·sur.-
n mma le Confident des sec1 ets, Ô lE tl.ïtbpp·f,-rwy.
1
D intèrmédiaire officieux., il devint ambassadeur
et pléüipotentiairè ottomali ?-li congrès de..Carlo.,
i1itz-Lès. méchantes laug·ues ·pré.tendent .que,.
dans.·cette.·èêlèbre réunion .·de' diplomates, i1=
servît d son mieux les intérêts :autri-0hiens. En
to1,It cas, dévoué, conùne tou ses:con1patriot s,. aux
pr-ogrès de sa religion èt de sa race, il pro- fita de
son crédit- pour .assurer aux··Grecs la pos- se_ssio.n
du Saint-Sépulcre, et po.ur·établir . par"".
tout_oµ il le pouvait, d·es. coles helléniques.

86
Spute·nue et prése vée p r ces influence_s très
effieace , · la cité de Cqio, administréé p l' ses
;
démogérontes, fut pendant.très·longté1i1ps, malgré.
,- • • • • +

la prés nce des Tu:rcs· plus heureuse et.plus pros-


·père qu'elle ne. l'avait· é_ téa
· u temps de· fempire
• by"zantin.. Aujourd'hui, un péril ince·ssant.èt de
perpétuelles inq:uiétu.des ont.obligé les· Turcs à ·
resserrer les_liens . autrefois•·trè.s lâches, de Jel)r
·régie.admini$trative. Le n1.ou.tessa1·if·et les troi.s
·niou irs·de l'ile $·ont ... un peu plus tracassiers
qu'autrefois·. Bîen que l'id 1•é.(ce qµe µous·appel-
· 1erions le consei-lde préf ctµre) ·s·e cornpos de..
rarchevêque, dti"mufti, de deux: m mbres musul-:
mans et de deu. 1nènibres chrétiens, n
-réa.lité.
Flslam, par 1 p.olice du hiin-hachi et le tr_ihunal
· du:ca:d.i; tient e:q. main toute& les affaires ..dè l'He.:.:
· Les attributions de · dérnogérontes ··s(?nt . à·peu·
près réduites à..la perception des.impôts 1\1: is,.en
._·1850: malgré·1e sinistre .souvenir d.u ré è1;1t m.as
·sacre, Fustèi·d :C9ulanges pouvait dire·eric9re·;
.< IL f ut qu'à l'exemple des Chiotes·eux-n.iên1es,
. no.us·.considérions les Turcs comme·. n'existant
pas·dans l'Uè. C4io est un État grec;·ay 11:t t111·
gouvernement, d.es·lois., des finances,. 'une pPli-:: ·
iqu,e.- » ·· · ' ·

Il était·_néce sai.re . d'évoquer çe_:lo.ng passé


·confus, pour ·cqinp 'endre· rin tallation .précair.
el com·me provisnire ·d s oonquérants <l8:,ns les:.

87
(……………………………………….)

88
) . .
Lorsqu.'on -so1 t du_ch_ef-lieu de Chio, on che_-/
mine pendant. assez . longtemps. par d.es. r elle$-.
étroites et tortueuses ,:'.'ih,:o.r.çlées·de murs très .hauts·..·
· Les'Chiote·s-,gens;>Ji?i:¼t.tq1,1es, so t très wéna-.:
gers· le leur terrairi\1ts.':prennent. le .plus d'es .
pace 'possible pour leur-s jardiD:s et pour leurs..-.
cour .: Il y a beaucoup de .villas dans:les.ver .-:
dures_du .Cartipos. te_ s unes sont habitées toute··:
. ·l'année; les q;U;tres.·servent de résjdences· d'été_, à_
de·riches n1.archand$ d' Alexandi. ie, _ d'Odessa_:: et. 4e
Smyrne. T9ut t, sont bien·tenues. L e. -sp o·.,·_:_
priétaires ont re1nédié la ·sécheresse·qui:leur.:· f
it_souvent be _ucoup de mal, en recûeillà.Iit .· clans
. de va_stes citernes l'e u des Jllùies, · des:.
sources .et. des. torrents;- une machinppelée:_
·no1"ia,·roue 1n:µnie. d'une sé ie de seaux en cha-.:.
pelet,_qui_s erriplis nt au fond du. réservoir, et .
:v-iennenf Sé- v.id:er à l'ettér.ieu-1;, leur permet de-
fe1; iliser' '-leurs terres pat un système .. d!irrigation;.
l eè t très ing·éo.ieax.:.1\1:ais les··C 1otes.·::
. très s i m p_
sont .1:noins fiers·de leur.$ ·choux.e.t de -leurs.lai -·
. lues que de. ieur n1astic_.. ..
. Le « pays·du .1nas:tic. » ,; 'lliast.i!cho kh6ra, s' étenl·
.au $ud·de-la _.région.alpestre de Chio. Jej_'ai par-.::.
. ç,ourµ en :tous-·sens, à chéval,- soit.:se.ül, sôit: en;·_·
compagnie de. Jàmes Aristarchî. ·'.Autrefois, on/

89
. tait oblig·é..de.·grimper fort p niblèn1ent, .à dos
de piulet,. le long:.des. côtes .raid s, par de ·..se!).-
' .
.tiers ravinés,, véritables ·ruisse x de· pierres·. .

Mq.1ntenant on··pel,lt chevaucher sur les chaussé·es.


- éçemm.ent api n{e· ;·il est .vrai ._qu'elles a-ho!l
. tissèn·t parfoi à·aes précipices taillés ."à pic· ,et
. obligent le voyageur trop confiant .à retourri t .
su1:·se pas. Charmante mésaventure,. dont;·dri;_·.
se rèjouit.in.t.érieurement, parce. qu'elle a tor.i ..
. la flânerie èt permet aux·yeùx de se reposer sU:1<:
_ les parties. dtruces et caressante_s clù déc9r...Au
pr inje:r.-a'spect, ce -pàysage·s·emble trop sec, tr_op,
hrùlé de soleil.. ·. La,·. poussière· du chefil!ù, les:
· pierres des murs, les flancs argéntés et nus de&
mon-tag·;ues donnent soit Les collines sont pelées.·
. co:piq1e des dos d'ânes, sen:1ées, par places, de:
. 1n ig-res huissons·qt;ii se crarnpo:tinent aux l'O.ches.
· cal ir s. On .a h_anriî du pays·du inastic.toute$-
. les futaies qui pourraient attirer.à ellês 1 s.ève.
de la.terr....A·peine, çà et là,' quelques.caroubiers
et quelquês.cyprè -. Tout a été a andonné au.-
petit lentisq:ue nain_qui tord .ses branches parnii,
. les c il'loux, et qui. est 1 - richesse ·et ta glo1re de:
. l'îJe.. Le·cavalier,.plu.'s haut. que les arbi•es, ch_e ,·.
mine à ciel. ouvert,.:ans ombre.. 1\1:ai::; ce.tte ari--
dité donne _au pays: un ch r1:o.e· particulier, ·une·
.·col.oration chaud , légèr mënt attélluée par des;
verdures pâles Un p.e a:v.ant d'arriver au:village
d'Aghios-0-epr_gio.s, près d'une tour g·énoise dont
. ....

90
l -masse soutient -µn-··aqu duc ancien,·1a::_vue - st'
très -- tertdtie·. et très hellé.·Au loin, ·te.-·canipok'.
éhtie, comme une oasis, ses _b uqùets d'orang ts,-
d;'an,1andie1:s,_.de··citronn.ier.s et d'oliviers.·Lè
·..tiiangle du 1non·t Korakari est g1 is perle, nioÙ-
. '}ih_eté _dè' pètites plaque-svertes; ·par .les ·brous;
··.- ailles·clairseméès, --1narhré d'o.mbtes mo.biles pàr·
:1ës·nüages qui passent. Vers l'Orient; la·nter luit,;
· in.éa:1).descen-te; ·-étarné-.d'éclairs qûi éhlôüissent :
··et plissée ·-de repious qui : chatoient.- Les·.caps:
. sombres s'allongent· sur. razut.. L'île de Psarài
· ébauche·sa· silhouétle hle-u tre à l'ho:dzori•. Des:
haie$_et des ; nses,-où:dorment des·harq1:1es·a ar--
rées,, creuseri.t leurs lignes-cour.bes .dans les terres,_:
aù pied des falaises-. Au large, des caïques·1oin;..:.
tains·ouvrent leurs voiles, qui_s'étendent con1me·,
de grandés aile hlànches et semblent fr-is o111iêf
. d'ai_sé-au souffle des brises qui·attiédissent-l'ar '
_ détjr;.du jou-r. . ·
:· Les soirs_·sont- très doux dans .. cettë- saùyag -
.. contrée. Le ·_soleil disparaît-derrière_lès cqlli_nes;·
ri1ais_., a:ti:..dessu-s d s -eaux·:violettes,.l.e ciel d'o_r
· est semblable·à·un._ imn1ense vitrail, tandis qüe.
la pretnière étoile,,s·'allùme dans des. : pâleurs·
nà.crées-, col1;)1n·e une-paillet_t d'argen_t. · .
On _rencontre; dàns· les chemins qui-courent'.
entre e-s lep.tisqués, .des paysans en tarhouch-
éc.arlate et'e-ncuîottes à :Ja.,zouave; ils pous ent'
· devant" eux·, .ave -:un petit -b toi:i.:pointu .qùi ·sert

91
piquer les cr up s réL{yes,. de grands tnulets
·oharg_ é sde foin t. de paille. De.· :robustes filles
passent, as.sises sur des baudets, par1-µi des pani rs
et desruches.·Parfois, on crotse un solide gail;,:.
lard; te.n.ant. en main la_bride· d'une jolie :_mu
q.g:i port_e; s'ur -un cacolet roug·e- onstellé de èloùs
d.'or, üJi pâquet. de yoiles 1nulticolores·, ·pro,,.;.
tégés par ·une large on1brelle : c'est une femme
ri.che, une 1nadan a, qui va·,ri$iler s· - terres. On·
-çhange un .joyeux bonjour avec Îes pa sants :
Iiora • J(ali.:. 1(atevodio, • formules :-naï-v s, q.ui
écartent dè la ·rout-eles mauv.ais présage$ et les
aventures .f chèuses. ·un G-rec devant qui YOUS è
prononceriez.pa cet exorèisme seratt triste pour
. toute l journée, et. s'attëndr'âit; pour le .1noins,.
rece oir • sùt la tête, èo1nJDe. le poète E ch T.le.,
. qne éc ille de tortq . ·
. On tràverse. souvent, avant d'arriYer dans- le
riche « pays_du mastic·», des dé.comhrès aban-
donnés. Les frêles èases·,·de·coll:slru:ction récente,
S(·j sont écroulées comme :des châteal}.x. de cartes

pendant le ti emhlement de tetre de ..18.81. Au


contr.aire, les bâtisses.conte1nporaines d s.Justî-
niani sont ncore solidès, à, peine léz.ardées.par
les·terrib es secousses. ·Les. villages du pays du
mas U_cs· o nt . tous bâtis sqr le.
m,ê1ne . pl -, et
-jè·
1fen sais pa·sdont l'aspect soit phis.in1prévu.e.s c
efs de.Ja mahone avaien-t·eu l'idée d'è_mpri;...
soriner .leurs. sujets,·ou· plutôt le ssBrfs qui tr!...

92
vaillai n.-fpour - 1 s, er.i ricb1.r, '<l'a.ES· de ::sé·v res·:
1

·.· astillès·-dont_l'es ·q-uatr,r po.rte·s:,·ét ient 'ferriléeS/·


J:e,soir;
. . .
p'ili des barrière$.d'è f r·. P·artout-,·-à Aghios.;:
,
. . ' ..
. .
. Georgi 0·s·; Elataj-à M: s.ta, .a·-:Olympi; ·-Py1?g_hi/
ce,t_ apl_)àr.eil d:éf ns-if· es·t h rµêniè.·.· Les-lt b.ita :t.s·.
soµ:t >cern s:·ilaq. un·.:ëarré. de .n1a.isons··contiguë_s;·
·. qûi tou1:nèfit le··c·lôs.à là éa 1-pagrie,. .t dont lé: u.r:
. ·.èxtérieu.r,· perce de quélqués:·fenêtres·.étt-oitês - t·
._'closes, a t"ah ·d:'_üi ten1part·· veugle et.fàrouclîe-.,.
Dè aù.LI es "l@g;is··s·onf ra semblés-. l'întérieur,
ciom e u-n·troupea_µ·se:tir_é. Rien nè · débt>!de·.a\t
. d_elà,:des··'1i:mites·::m.arquées d'avào;c·e Po -nt ··de·ç,es
h n1e: rux ég r s, disper-sés a1,1 ha$ard,..ç1,yant..;·co -.
reurs ·.ou-:ar iè gàrde·.·çJ_e nos:-yill:es :··ét -de ·116s.
hourgs-. ·:Y'acctn i1·:d -cesî·U : ages:.:éfrang s 'dqnue·
.un:e: i:rnpression.. -in:Quhliablè, lorscftf on- .arriv'e,:
parmi Iè·s ·èhamps <le _sésame,.-de..eotoii; et d.,anis_,
. déyant là:.-haüte, ntùraiU-eg
, ris-è_et-.·fermé .-'·Forte,;..
· réss ?.pr spn? cènivëp.tt on.,ie sait aµ juste ·<?Q.m:..-
. mènt-d: :6nir l'asp ct d .c.es··enèl0s·9ù. d: s h·otrü_n:et
· et ·d:es:"fe'intnes _s(i t.: p:arq-ués·.èoriùne ür,. ibétaif;.
· . ·tës cases·,·avec 1 urs·petites. p0rtes.cintrée_s·-et,
hà'Sflès,: rè·ssemhlen.t à ..def{. cellules;t:·-les 'tu:ellèif
éiicµ vêt é $ ·s.on-i d:'.étrolts· corridôts_. J'':ai ·p· ss:é:
. )lè. làng :e:s:·-héut.e:sans cc bizarres·-qéeors,;:.q: 1
·s<ùnb lÎt sorti,r:,_à:p·eîne toùc_hés··pa.i:l s.siècles-;:
. t!hÙ t'·. .ry .Ii .:_âge it lieit. J.e, rn/arrêtais 4ttn :lei
rù lle.$·. montantes: d'.Âghios;.Gèorg-ios-:, . caris.an\
v ièill rd's· q. -ui,as.pir.a.ient,:à longu,'ë hoüf.)
avee· e_$
. - ' .
. . .

93
Source : Gaston Deschamps, Sur les routes d'Asie, Paris, 1894

94
LET
J

MEMORABILI
DELL' ABBATE •

·M1CH BLE GIVSTINIANI,


PATRITIO GENOVESE,
De'Signori di Scio,

R D'ALTRI.
Parte Prima.

, IN ROMA,
Per Nicolo Angelo Tinafsi.
MDCLXVII.
-Con licenz..a de' Supc-rio11 •
,
'
'.

95

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