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L’île de Chypre
Itinéraire photographique
du XIXe au XXe siècle
Lucie Bonato Haris Yiakoumis Kadir Kaba
L’île de Chypre
Itinéraire photographique
du XIXe au XXe siècle
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Le voyage en Chypre
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Les maisons du front de mer à Scala, le port de Larnaca.
Photographie anonyme, 1878.
Scala - Larnaca
Kiti
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Trois femmes près de la fontaine située à l’angle nord de la cour du monastère d’Ayia Napa.
Photographie : William Hurrell Mallock, 1887-1888.
Ayia Napa
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Panorama de Famagouste.
Photographie : John P. Foscolo, vers 1890.
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Famagouste connut un essor sans précédent après la chute de Saint-Jean d’Acre en
1291. Elle devint le principal port du Levant. En 1489, les Vénitiens en firent leur
capitale. Leur premier souci était alors de repenser les fortifications afin de les rendre
plus efficaces contre la menace turque qui se faisait de plus en plus précise.
Pourtant, avec la gracieuse silhouette de ses clochers qui se reflètent dans la mer, la ville
paraît vivante ; et l’œil s’amuse du contraste imprévu qui, dans ce paysage ardemment
coloré qui rappelle l’Égypte, a disposé ce décor emprunté au Moyen Âge féodal et
gothique d’Occident. Mais descendez à terre, franchissez les portes : c’est une indicible
désolation. Dans cette enceinte énorme, où trente à quarante mille personnes vivraient
à l’aise, il n’y a pas une maison debout, sauf quelques misérables masures où gîtent de
pauvres familles turques.
Charles Diehl, 1897.
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À vingt-cinq miles de Larnaca, la route gravit une légère pente.
Lorsqu’on arrive au sommet, les yeux se posent sur un groupe de maisons
et de minarets jetés pêle-mêle derrière des lignes fortifiées, ainsi que sur
une grande masse noire gothique qui domine les maisons et les remparts.
Autour, s’étend une plaine vaste et terne. Au nord, une chaîne dentelée
de montagnes escarpées soulève ses plus hauts sommets à 3 000 pieds
au-dessus de la plaine. Dans le lointain, au sud-ouest, se dresse une
montagne plus haute encore, bleue et distante. Les maisons, les remparts
et les minarets, c’est Nicosie ; et l’édifice gothique, encore noble parmi les
humbles, encore grandiose parmi les petits, c’est un rocher solitaire de la
foi des croisés s’élevant au-dessus des vagues de la ruine.
William Francis Butler, 1878-1879.
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L’arrivée à Nicosie.
Photographie : John P. Foscolo, vers 1885.
Nicosie est située au centre de l’île dans la partie supérieure de la plaine de la Méssaorée, sur
le fleuve Pedhieos. La chaîne de Kérynia la contourne au nord et à l’est. Les Byzantins en firent
la capitale de l’île. Les tertres qui la dominent à une distance d’un kilomètre et demi au sud et
au nord-ouest étaient compris dans l’enceinte médiévale qui était très étendue. Les Vénitiens
pensèrent la rendre plus facile à défendre en en diminuant l’étendue et ils élevèrent, à partir
de 1567, de nouvelles fortifications avec les matériaux des édifices situés hors des murs. Ils
détruisirent ainsi de nombreux monastères, églises et palais.
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… Nous sommes passés entre une vieille
maison et un minaret et nous nous sommes
retrouvés soudain dans une large rue,
bordée d’entrepôts aux voûtes basses dont
les portes cintrées étaient toutes largement
ouvertes et montraient à l’intérieur une
rangée de cavernes insondables – Au milieu
de la chaussée, des ânes trottinaient de long
en large ; et nous avons presque heurté un
rétameur ambulant aux jambes nues qui
était en train d’installer son échoppe au
pied d’un mur vide. De l’autre côté, devant
les portes des entrepôts, le sol était jonché
de simples balles de marchandises ; et au
milieu, chargés ou non, des groupes de
chameaux, coiffés de chapeaux et turbans
rouges, se tenaient debout patiemment dans
la lumière du soleil, remuaient et regardaient
autour d’eux.
William Hurrell Mallock, 1887-1888.
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Un khan situé près de la cathédrale Sainte-Sophie.
Photographie : Camille Enlart, 1898 et photographie anonyme, vers 1905 (à gauche).
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L’église de l’abbaye vue depuis le toit du cloître.
Photographie : Fougères & Merle, 1902.
Dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, la maison royale des Lusignan aurait entrepris la
construction de l’abbaye. Cependant, la plupart des bâtiments monastiques ont dû être édifiés plus
tardivement, sous le règne de Hugues IV (1324-1359). Après une période de rayonnement spirituel
et de prospérité, l’abbaye tomba, à la fin du XVe siècle, dans une grande décadence morale, on cessa
même d’entretenir les bâtiments. Après 1571, les Turcs laissèrent le papas grec s’installer dans
l’église et les pierres de l’abbaye servirent pour la construction des maisons du village.
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Les murs nord et est de l’abbaye avec leurs contreforts puissants.
Photographie : Foscolo - Papazian, vers 1885.
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Abritant une population de 1 300 habitants, Kyrinia n’est point une ville triste :
elle est seulement calme. Sa situation au bord de la mer, son petit port nouvellement
terminé, de beaux restes d’une ancienne forteresse et ses jardins la font bien supérieure
aux autres villes de l’île, y compris ses aînées moins élégantes, moins propres, d’aspect
moins riant. […]
Contournant, à droite, une pointe rocheuse au-dessus de laquelle on voit une église
élevée sur l’emplacement d’un ancien fort, nous arrivons au port, bordé de quais, qui
peut bien renfermer, à l’aise, une quarantaine de voiliers. À l’ouest, il est défendu par
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Vue panoramique du port et de la ville de Kérynia.
Photographie : John P. Foscolo, vers 1890.
Kérynia était la capitale d’un des royaumes chypriotes dans l’Antiquité. C’est aujourd’hui
un pittoresque petit bourg dont le port est dominé par une imposante forteresse.
une jetée assez haute munie d’un parapet ; à l’est, par une autre jetée de biais faite avec
des blocs naturels superposés. Au milieu, s’élève une ruine circulaire qui paraît avoir
été le pied d’une tour de vigie et qui repose sur un sol de blocs apportés. Autour du
quai, des maisons de bonne apparence, des cafés, et, au milieu de quelques pierres
antiques, un petit requin desséché qui a été abandonné là, après sa capture. À droite,
les hautes murailles jaunes de la forteresse. Comme note moderne, un pêcheur attentif
aux moindres mouvements de sa ligne.
Émile Deschamps, 1892-94.
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Sur les routes du Troodhos.
Photographie John P. Foscolo, vers 1895.
Après de vastes taillis de caroubiers et d’oliviers sauvages, on trouve dans la
partie moyenne du Troodhos chênes-lièges, platanes, sycomores et cyprès. Au
fur et à mesure que l’on s’élève, apparaissent d’immenses forêts de pins d’Alep.
À mesure qu’on s’élève, la végétation perd son caractère semi-tropical ; les caroubiers
et les palmiers disparaissent pour faire place à une grande variété d’espèces de chênes,
depuis l’yeuse géante, dont les feuilles sont grandes comme la main et les glands gros
comme des noix, jusqu’à une charmante variété naine qui pousse dans les haies et
rappelle beaucoup notre houx ; mais l’arbre le plus remarquable et le plus élégant de
ces régions montagneuses était sans contredit une espèce d’aune à très petites feuilles,
d’une taille gigantesque et d’un port superbe, qui abritait invariablement les nombreux
moulins de la vallée.
Sosthène Grasset d’Orcet, 1856-1865.
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Un campement d’été dans le Troodhos.
Photographie anonyme, 1900.
Les résidents anglais prenaient souvent leurs quartiers d’été dans le Troodhos pour échapper
aux chaleurs étouffantes. L’armée britannique y avait un camp situé près du village de
Troodhos, non loin du mont Olympe. En 1885, il comptait vingt-cinq bâtiments.
Chypre est sous bien des aspects un endroit délicieux, et il est étonnant qu’il n’y ait
pas plus d’Anglais qui y séjournent, du moins pendant la saison hivernale. Pour tous,
sauf pour ceux qui sont aguerris aux chaleurs, la résidence dans l’île comprend un
séjour de trois mois en été sous la toile ou dans des huttes en altitude dans la montagne
du Troodhos où les fonctionnaires se rendent tous les ans depuis Nicosie. C’est un
séjour qui doit devenir monotone malgré l’air délicieux et les paysages de forêts de
pins, puisque les parties de tennis et les pique-niques, où les invités sont toujours les
mêmes, perdent de leur charme sauf pour les plus jeunes et les plus passionnés. Pour
les autres neuf mois de l’année, ou presque, le climat est agréable et sain.
H. Rider Haggard, 1900.
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Vue générale de Ktima.
Photographie anonyme, vers 1925.
Le bourg de Ktima est situé sur un plateau escarpé au-dessus de Nea-Paphos. Il
faut sans doute faire remonter son origine au Moyen Âge. La population cherchait
à échapper à l’air malsain du bord de mer. Le village prit une grande importance à
l’époque ottomane. Aujourd’hui Ktima et Nea-Paphos forment la ville de Paphos.
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Jusqu’à Ktima, chef-lieu du district, nous traversons une plaine basse au milieu de
laquelle les villages semblent des oasis. Ktima n’a point mauvais aspect, avec ses 2 800
habitants, y compris la ville basse, ses maisons neuves, ses jardins, étendue sur un large
plateau surélevé du côté de la mer. Bien entendu, c’est au couvent que je me rends, car
il n’y a pas d’hôtel à la métropole grecque, où sont reçus tous les étrangers de passage.
Il est nuit, je n’ai qu’à attendre le frugal repas qui m’est servi une heure après par un
moine et… le lendemain.
Émile Deschamps, 1892-1894.
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Le port de Limassol dominé par l’église d’Ayia Napa dont la construction fut achevée en 1903.
Photographie anonyme, vers 1930.
Limassol fut détruite, par les Génois (1373) puis par les Sarrasins (1426) et subit plusieurs
tremblements de terre. Il n’est donc pas étonnant que la ville d’aujourd’hui n’ait pour seul
monument ancien que le fort construit probablement au début du XIVe siècle, qui se trouvait alors au
bord de la mer.
Limassol semble une ville tout à fait moderne. Sa nouvelle église grecque est très
grande et plutôt impressionnante. Le bureau du Commissaire, la Poste, les cours de
justice et la Banque ottomane sont tous des bâtiments plutôt ordinaires. Le marché,
couvert d’une voûte joliment arrondie, est un endroit pittoresque. La rue Saint-André
est parallèle au front de mer, et c’est là que l’on trouve la plupart des magasins. À l’une
de ses extrémités est implanté le bazar turc d’où les minarets de la mosquée s’élèvent
au-dessus des petites rues bruyantes. On a un coup d’œil tout à fait charmant sur les
sommets de la montagne au bout de la plupart des rues, c’est une chose dont on doit
se souvenir à tout jamais.
Gladys Peto, 1926.
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Dans l’Antiquité, l’île de
Chypre vit fleurir l’art du potier ;
ses tombeaux renferment un
grand nombre de figurines en terre
cuite de la forme la plus bizarre ;
à côté de vases d’un galbe très
pur, on rencontre des cocasseries
à défier toute imagination, des
vases qui ont une tête et une
bouche, d’autres qui ressemblent
vaguement à un animal dont la
queue sert de goulot ; ailleurs,
c’est un bec d’oiseau accouplé
à une tête de taureau qui fait
les gros yeux, ou un rhinocéros
fantastique. Aujourd’hui encore,
Chypre expédie des poteries sur
toute la côte de Syrie et d’Asie
Mineure, et le goût des artistes
modernes semble encore se
complaire dans les extravagances,
si j’en juge par les produits étalés
dans un magasin où j’ai la curiosité
d’entrer. Voilà, par exemple,
un vase en terre grossière qui
représente une bonne femme dont
les bras s’arrondissent en forme
d’anses ; la main droite se relève
le long du col pour venir esquisser
un pied de nez ou le salut militaire,
tandis que la main gauche s’appuie
sur la panse, comme pour indiquer
que la digestion ne se fait pas ;
sur les épaules sont plantés des
embryons d’oreilles de lapin. C’est
d’un comique achevé.
Théophile Calas, 1897.
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Un atelier de poteries.
Photographie anonyme, vers 1900.
Depuis près de 8000 ans, les potiers de Chypre ont travaillé la terre de leurs mains habiles.
Ils continuent à fabriquer les formes traditionnelles qui étaient jadis exportées vers le
Levant. Les cruches, les gargoulettes blanches en argile pure, étaient la spécialité des
potiers de Famagouste puis de Varosha (faubourg), ville créée à l’extérieur des murs de la
cité médiévale par ses habitants que les Turcs avaient chassés après le siège de 1571.
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Un groupe d’élèves chypriotes grecques à Limassol pendant la fête des fleurs.
Photographie anonyme, vers 1928.
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Une institutrice chypriote turque et ses élèves.
Photographie : Fevzi Akarsu, 1930.
Une première loi, promulguée en 1895, laissait l’éducation élémentaire entre les mains
des communautés grecques et turques, comme par le passé. Les comités des villes et des
villages, outre la construction et l’entretien des écoles, eurent le pouvoir d’engager les
instituteurs. Le gouvernement repris le contrôle total de l’éducation élémentaire en 1933.
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