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9782402393553
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-"D E F L A N D R E
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L u c , e E m l * l e B o u c h e * F l o r i n
B r u n o G i r a u l t
Architectes-urbanistes
Aquarelles et eaux-fortes
d e Michelle D e q u e k e r
Editions JAHER
Avant-propos
F L A M A N D
Le p e u p l e
Le partage de l'empire entre les petits-fils son apogée. Des bouches de l'Escaut jusqu'à la
de Charlemagne, à Verdun, en 8 4 3 , inclut dans Marne s'étendaient les terres comtales. Folle-
le domaine royal français la plus grande partie de ment ambitieux, Philippe d'Alsace songeait à
la Flandre. Charles le Chauve, premier roi de exercer sur la France une sorte d'hégémonie par
France, délégua à un guerrier de renom, Baudoin l'intermédiaire du jeune Philippe Auguste dont il
Bras de Fer, la défense de la Flandre contre les fut le tuteur. Philippe Auguste devint vite un
terribles Normands venus du Danemark envahir puissant monarque et son tuteur fut la première
nos contrées. Baudoin fonda la première maison victime de cette ambition.
des Comtes de Flandre. Baudoin 11, son fils, pro- L'incendie de Lille, comploté par le roi de
fitant du vide administratif laissé par les Nor- France, provoqua la première alliance de la Flan-
mands, étendit le c o m t é : la principauté de Flan- dre et de l'Angleterre. La bataille de Bouvines
dre était née, quasiment autonome, rattachée à mit fin aux dissensions; le demi-siècle d'eupho-
l'autorité royale par la seule vassalité du comte rie pacifique qui suivit marqua le règne de Saint
(dépendance bien vague et bien fragile à cette Louis. Les hostilités reprirent avec Philippe le Bel
époque). La première maison princière de Flan- qui se heurta au c o m t e Guy de Dampierre : la
dre s'éteignit avec Baudoin VII dit Baudoin à « la Flandre fut envahie, le c o m t e emprisonné. Les
Hache » qui mourut en 1 1 1 9 , s a n s enfant, et Flamands se rebellèrent mais furent écrasés à la
désigna pour lui succéder un de ses cousins, bataille de Mons-en-Pévèle, en 1 3 0 4 . La paix
Charles, dit le Bon. Celui-ci, contesté dans son fut signée. Le roi s'attribua Lille, Douai, et
autorité, fut assassiné en 11 27. Il s'ensuivit une Béthune.
lutte complexe pour la succession, dans laquelle Durant la guerre de Cent Ans, la Flandre,
les villes flamandes finirent par imposer leur can- dont la puissante industrie lainière était dépen-
didat Thierry d'Alsace, contre Guillaume de Nor- dante de la matière première venant d'Angle-
mandie soutenu par le roi de France. Guillaume terre, s'allia avec son fournisseur. Sa diplomatie
trouva la mort au siège d'Alost. Le fils de Thierry lui permit de rester en dehors du conflit et con-
d'Alsace, le comte Philippe, amena le c o m t é à duisit m ê m e à un heureux mariage entre le duc
de Bourgogne, Philippe Il le Hardi, et l'héritière La seconde moitié du XVIIe siècle fut mar-
de Flandre, Marguerite III, en 1 3 6 9 . Charles V, quée par le démantèlement de la Flandre. Trois
roi de France et frère de Philippe 11, restitua à la puissances se partagèrent le comté : la Hollande
Flandre les châtellenies de Lille, Douai et annexa le nord (qui deviendra la Flandre des
Orchies, rétablissant ainsi les frontières du Etats) ; l'Espagne garda la plus grande partie du
XIIe siècle. La Flandre et la Bourgogne ne fai- territoire (la Flandre espagnole, qui deviendra
saient plus qu'une province. A cette époque, la plus tard la Flandre autrichienne) ; le sud devint
concurrence des Pays-Bas et de l'Italie ruina une français, annexé par Louis XIV (traité d'Aix-la-
partie de la draperie flamande. J e a n sans Peur, Chapelle en 1668). Avec le traité d'Utrecht en
Philippe le Bon et Charles le Téméraire illustrè- 1713, marquant la fin de la guerre de succes-
rent cette période. A la mort de Charles le Témé- sion d'Espagne, le sud de la Flandre devint pro-
raire, en 1 4 7 7 , la couronne fut transmise à son vince française, la frontière fixée fut à peu de
gendre, Maximilien de Habsbourg. chose près celle de la France actuelle.
A l'avènement des Habsbourg, une formi- La paix revint sur la Flandre française pen-
dable puissance était aux frontières du royaume dant deux générations. L'agriculture était floris-
de France. Il s'ensuivit des conflits atteignant sante; dans la région de Lille, les abbayes très
toute la région. La Flandre dut renoncer à son puissantes possédaient le tiers des terres, la Flan-
autonomie et donna en la personne de Charles dre maritime et les moëres furent à nouveau drai-
Quint (né à Gand) un maître à l'Europe. Il soutint nées. L'industrie moderne démarra. Le lin régna
contre François 1er une longue lutte qui engen- en Flandre maritime, les grands centres textiles
dra des modifications de frontière. A la crois- de Flandre wallonne : Lille, Roubaix, Tourcoing
sance économique du règne de Charles Quint restèrent attachés à la laine, en attendant que,
succéda, avec son fils Philippe 11, une période vers 1 800, Lille se lance dans l'aventure coton-
plus morne. Puis ce fut un demi-siècle de domi- nière. Les premières mines de charbon furent
nation des archiducs espagnols : cinquante ans exploitées au sud du département. Durant la
de grande prospérité, « l'âge d'or de la période 1 783-1 789 les campagnes et les villes
Flandre », dominé par la grande figure de la fille furent touchées par une crise politique qui débou-
du roi d'Espagne Philippe 11, la c o m t e s s e Isabelle cha sur la Terreur et les guerres avec l'Autriche et
qui dota le pays de multiples constructions civi- l'Angleterre. Le nord de la France fut très atteint.
les, militaires et religieuses. A la vente des biens nationaux, les prix furent tels
que seuls les bourgeois des villes, puis des cam-
pagnes, purent les acquérir. Après le vide laissé
par la Révolution, la période consulaire, puis
l'Empire marquent un modeste renouveau, mais
les guerres épuisent le pays. La Flandre est occu-
pée de 1 81 5 à 1 81 8 par les vainqueurs de Napo-
léon (Russes, Anglais et Saxons).
En 1818, s'ouvre une ère de paix pour la
région, à peine troublée par les révolutions de
1830 et 1848. Cette paix permet l'éclosion
d'une autre révolution, économique celle-ci : la
révolution industrielle. Pour beaucoup d'observa-
teurs la richesse agricole de la Flandre paraît alors
fabuleuse ; l'industrie en tire un grand bénéfice.
C'est l'alliance des négociants et des fermiers qui
la soutient. On assiste à un développement
extraordinaire de l'industrie textile, des charbon-
nages, des banques, des grandes voies de com-
munication (chemin de fer, canaux, routes). La
bourgeoisie s'enrichit, les propriétaires paysans
sont dans l'aisance, mais la Flandre détient le
triste privilège de posséder le plus fort pourcen-
tage d'indigents, de marginaux et de chômeurs :
c'est le phénomème du paupérisme. Le second
Empire consacre le développement industriel :
c'est l'euphorie de la croissance urbaine. En
Entourée d e s e s remparts, la petite ville de Bergues, j o y a u 1 870, le désastre de Sedan amène la Troisième
de l'architecture flamande, jouissait e t jouit encore d u rôle République. Le changement de régime se fait
de petite capitale régionale. Vue de la tour d u marché. sans heurt en Flandre ; cependant les républi-
Pays durement éprouvé par les diverses invasions, la certains endroits, ce n 'étaient plus que trous de bombes,
Flandre a subi pendant la Grande Guerre les plus et il fut souvent difficile après la guerre de retrouver
importantes destructions de son histoire : villes l'ancien emplacement des bâtiments.
entièrement rasées, campagnes totalement dévastées. En
cains mettent dix ans à conquérir le cœur des de toutes sortes, subordination totale des élé-
habitants, très légitimistes. La crise économique ments vitaux, mais également un sentiment
de 1 8 8 2 remet en cause les résultats acquis et national très fort qui se concrétise par une résis-
les conservateurs reviennent sur le devant de la tance efficace, surtout dans la classe ouvrière.
scène avec l'aide des boulangistes. A la Libération, la Flandre se trouve confron-
Après 1 8 9 0 , la redistribution des forces tée à de graves problèmes. Son identité et sa
politiques s'opère : d'un côté les catholiques se fierté ont été ensevelies par l'industrialisation qui
rallient à la république et créent la nouvelle droite, laisse un paysage dégradé, ruiné par l'urbanisa-
de l'autre c'est la spectaculaire montée du socia- tion anarchique des agglomérations industrielles
lisme. Puis c'est la première guerre mondiale, qui et par la prolifération de logements médiocres.
frappe terriblement le département du Nord. De Une réputation de triste laideur s'ensuivit, qui
1 9 1 4 à 1 91 9 il se voit déchiré par la ligne de feu. nécessite aujourd'hui une longue réhabilitation,
Des villes complètes sont rasées. L'industrie est tant du paysage que de l'identité flamande. au
quasiment démantelée. La portion de la Flandre sein de la culture française.
occupée peut garder la tête haute grâce au sou-
tien des Hollandais (soutien matériel : chaîne ali-
mentaire et soutien moral, par les informations).
Le pays à peine relevé de ses cendres doit
subir la crise économique de 1 930-1 9 3 5 dont il L e s o r i g i n e s
se remet rapidement ; s a n s rien perdre de son ori-
ginalité à l'intérieur de l'ensemble français, la
d u p e u p l e f l a m a n d
région du Nord abandonne les traditions qui lui
conféraient une réelle force, mais confirme celles
qui lui interdisent l'ouverture d'un authentique L'extrême variété des types sociaux qui
r e n o u v e a u . (L. T r e n a r d ) . La g u e r r e d e occupent la Flandre atteste de la complexité des
1 9 3 9 - 1 9 4 5 apporte, avec l'occupation alle- origines de ce peuple dont le territoire avait
mande de nouvelles souffrances : m e n a c e s l'inconvénient d'être ouvert à toutes les inva-
d'annexion, exode des populations, destructions sions. Nous retrouverons ces types sociaux
La ferme flamande n e p e u t s ' a p p r é h e n d e r q u e d a n s le ►
cadre d ' u n e n v i r o n n e m e n t incluant c h a m p s , pâtures,
potager, haies et mares. La modification ou la destruction
d'un de ces é l é m e n t s p o r t e g r a v e m e n t atteinte à l'équilibre
général et altère le p a y s a g e de l'habitat.
Vue du profil de la ville forte de Douai au XVIIIe siècle. des principales forteresses du comté de Flandre. Gravure
Située sur la Scarpe, elle était réputée comme étant une faite par A veline.
Vers le XIe siècle, la romanisation avait saxonne se fit sentir davantage dans la Flandre
atteint la vallée de l'Aa, Saint-Omer, et à l'est, la argileuse. Ce peuple avait acquis des techniques
région de Lille. Dès cette époque et jusqu'au agricoles assez évoluées. Il était de caractère
milieu du XIXe siècle cette frontière linguistique individualiste et peu communicatif, et son orga-
ne bougea pratiquement plus. On distingue alors nisation sociale resta fruste.
les Flamands flamingants, restés plus germani- La troisième influence importante, celle du
sés, et les Flamands wallons d'influence romane peuple franc, eut pour région de prédilection la
plus marquée. Flandre wallonne. En effet, lors des invasions, la
Malgré la confusion qui existe entre les dif- portion du pays c o m p o s é e du Houtland et de la
férentes invasions venues du nord et les influen- plaine maritime, à la pénétration difficile, fut
ces venues du sud, nous pouvons dégager un épargnée et resta sous l'influence frisonne et
certain nombre de données sur lesquelles il con- saxonne. De t e m p é r a m e n t plus belliqueux et
vient néanmoins de rester très prudent. De usant d'un ordre social centralisé, les Francs se
l'étude des nombreux mouvements d'idées et mêlèrent plus volontiers aux gens du pays. Ils
de populations, nous distinguons trois types furent romanisés plus rapidement tandis que les
d'influence : frisonne, saxonne et franque. anciens peuples gardaient plus longtemps leurs
La race frisonne a vu le jour dans l'archipel coutumes et leur langue.
qui porte son nom et qui se continuait le long Les différences fondamentales entre Fri-
des côtes de la Hollande actuelle à la Flandre et sons, Saxons et Francs se sont perpétuées à tra-
au-delà jusqu'à Calais. Après avoir pris posses- vers les siècles : elles étaient encore évidentes
sion du « littus saxonicum », les Frisons s'aven- au XIXe siècle dans la parité flamande-wallonne
turèrent dans les polders dont le niveau se situe et l'on en retrouve encore des traces de nos
au-dessus des basses mers : les wateringues jours. L'organisation tripartite de la Flandre fran-
qui étaient plus faciles à assécher. Cette ethnie çaise en bord de mer, ou Bloutland, Houtland et
constitue la base ancestrale des Flamands de la région lilloise porte encore la marque des
région maritime. R. Blanchard précise que dans influences ethniques dont nous venons de parler
les wateringues le droit ancien dérive des coutu- et, bien que cette théorie doive être employée
mes frisonnes : c'est le partage égal opposé à la avec réserve, on peut distinguer dans les diffé-
transmission intégrale des Saxons. Les Frisons rentes sortes d'habitat qui se retrouvent en Flan-
étaient à la fois pêcheurs et cultivateurs; les dre, des types d'organisation qui révèlent la per-
Saxons seulement cultivateurs. L'influence sistance de ces influences.
Le p a y s a g e flamand émaillé de n o m b r e u s e s prairies, bordant les nombreux fossés d'irrigation. Les volailles en
trouve s a principale originalité d a n s son horizon d é g a g é liberté animent bien souvent les étendues verdoyantes.
q u e r y t h m e n t les alignements successifs de saules
Le m i l i e u n a t u r e l
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