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M A I S O N S E T G E N S

-"D E F L A N D R E
\
L u c , e E m l * l e B o u c h e * F l o r i n

B r u n o G i r a u l t

Architectes-urbanistes

Aquarelles et eaux-fortes
d e Michelle D e q u e k e r

Editions JAHER
Avant-propos

Loin d'être désespérément bas, opaque et nuageux, le ciel de Flandre laisse, à


qui séjourne au plat pays, une empreinte inoubliable. Sa lumière n'a d'égal que celle
de la Baltique. Elle transforme en symphonies délicates toutes les nuances des
intervalles colorés. Nulle part ailleurs, le ciel n'est plus mobile. Il changera d'aspect
vingt fois en une heure, et chaque fois pour produire un chef-d'œuvre « le plus dis-
crètement du monde et par touches insensibles ». Sa couleur est d'une telle flui-
dité qu'il en use à la façon d'un magicien. Des vapeurs multiplient les effets, de
l'aube au plein midi, du crépuscule au clair de lune. Cette générosité explique l'atti-
rance qu'ont eue peintres, sculpteurs et musiciens pour la terre de Flandre.
Ici, quoi qu'on en ait dit, nulle mélancolie. Les Flamands sont colorés et leur
habitat respire la joie de vivre. La nature a certes sa place mais, plus qu'ailleurs,
dans un pays aussi anciennement peuplé et mis en culture, la main de l'homme a
modelé le paysage. Depuis des siècles le Flamand use de son savoir pour apprivoi-
ser les éléments naturels.
Véritable jardin où chaque parcelle mise en valeur participe à la richesse collective,
merveille de propreté, d'ingéniosité et d'harmonie, preuve qu'il est possible d'allier ren-
tabilité et respect du cadre naturel, telle est la Flandre. Les cours d'eau et les canaux
quadrillent le pays d'une infinité de ramifications. L'eau est devenue une alliée.
A chaque nature de sol correspondent des couleurs et des matériaux particuliers
qui font de l'apparente unité de l'habitat une mosaïque de teintes à partir des briques,
des tuiles, des peintures et des enduits.
On retiendra de la Flandre wallonne des petits villages aux fermes recroquevillées
sur des cours carrées, dominées çà et là par une imposante cense seigneuriale, au
porche-colombier frappé aux armes des propriétaires médiévaux.
C'est une impression de pointillisme coloré qui domine en Flandre intérieure ; fer-
mes peintes, aux bâtiments éparpillés, bocage, vergers, lignes d'arbres, mares et pâtu-
res donnent à la région du Westhoek cet aspect d'ordonnance et de propreté qui est
devenu légendaire. Les chiffres qui préludent aux savants calculs des bâtisseurs sont
issus de la nature elle-même. Jamais, dans ce pays où l'intervention de l'homme est
omniprésente, le cadre naturel n'a eu à souffrir de maladresses
Dans la plaine côtière, ce sont les grandes fermes aux bâtiments disséminés sur
une aire entourée de canaux qui marquent le paysage ; granges-halles démesurées à
-t'image des surfaces cultivées imposantes, maisons-fortes à étage, témoins de la puis-
sance du paysan cultivateur. Le réseau des canaux quadrille des parcelles dont les
digues étaient autrefois surmontées de nombreux moulins.
L'observatoire que sont les monts de Flandre permet de comprendre le pays à
l'échelle d'un plan. Ici un moulin, dernier vestige de la puissante meunerie (quelques-
uns tournent encore), là-bas une ferme aux volets de couleur vive et au toit vernissé.
Les grands ormes protègent les vergers qui, au printemps, font de la campagne un
parterre de fleurs. Un peu plus loin, une péniche glisse au fil de l'eau. Voyageuse non-
chalante, elle emporte avec elle mille images fugitives volées au hasard des rencon-
tres : écluses, chaumières tassées que coiffent encore les pailles de seigle ou de blé,
pâtures où ruminent des vaches paresseuses. Toute la Flandre se mire dans l'eau de
ses canaux. A l'horizon, dans la lumière opalescente se dessinent des beffrois aux mul-
tiples clochetons, tandis que le vent sème alentour le message du carillon qui égrène
les heu res.
Le XIXe siècle industrieux a légué une autre Flandre, celle des cités tentaculaires
et tristes, témoins de la formidable force de l'industrie du Nord. L'équilibre entre cités
et campagnes, le respect infini qui avait présidé, jadis, à la prise de possession des ter-
res, tout cela fut détruit par la technique envahissante : la destruction du littoral, par la
folie du nouveau complexe portuaire est un exemple de cette démesure.
Pourtant la Flandre possède encore un patrimoine rural inestimable même si elle
ne le sait plus. Les nombreuses constructions anciennes sont encore là qui l'attestent ;
mais il est grand temps de prendre conscience de leur intérêt culturel pour affirmer
l'identité flamande. Puisse cet ouvrage nous faire prendre conscience que le départe-
ment du Nord est avant tout, la Flandre.
L E C A D R E

F L A M A N D
Le p e u p l e

campagnes. Vers 4 3 0 ap. J.-C. après l'abandon


Aperçu du territoire par Rome, les Francs Saliens furent
entièrement maîtres du pays. Les terres du Nord
historique devinrent le noyau du futur royaume franc que
Clovis étendit à toute la Gaule pour former la
Gaule franque en 5 1 0 . A l'époque mérovin-
Les plaines de l'Europe ont de tout t e m p s gienne, la Flandre subit une forte germanisation
été un des théâtres privilégiés du m o u v e m e n t due aux invasions saxonnes. Les Saxons, moins
des peuples. Les marques laissées par diverses perméables à la romanisation, furent responsa-
ethnies ont façonné cette terre gorgée d'eau bles de la mixité du langage des habitants de
qu'était la Flandre d'alors. Au Ve siècle avant cette région.
Jésus-Christ, les Celtes apportèrent avec la civi- Dès le Xe siècle, la distinction se fit entre la
lisation de l'âge du fer, les u s a g e s de sociétés partie à t e n d a n c e germanique (nord de l'Aa et
guerrières et aristocratiques développées. Ils de la Lys, de la côte à Armentières, avec une
dominèrent les paisibles populations d'agricul- incursion dans la plaine maritime calaisienne) et
teurs qui occupaient alors le territoire de la celle à t e n d a n c e romane (la région de Lille). Ce
future Flandre. Ce nouvel ordre social influença bipartisme restera jusqu'au XIXe siècle un des
fortement les nouveaux arrivants, d'origine ger- points fondamentaux de l'originalité flamande,
manique, qui, deux siècles avant Jules César, et aide actuellement à la compréhension des
s'installèrent sur la côte, en Flandre m ê m e et en richesses de ce pays.
Campine (Les Morins et les Ménapiens). Proté-
gés par les marécages et les forêts de leurs con-
trées, ces peuples rudes résistèrent longtemps
aux envahisseurs romains avant d'être dominés
sous l'empereur Auguste.
Dans son épopée nationale l'Eneïde, Virgile
décrit ces peuples du Nord c o m m e étant les
hommes du bout du monde. La « pax romana »
du premier siècle permit un essor de la popula-
tion, une certaine prospérité et la construction
de grandes voies terrestres. Pline le J e u n e , dans
ses Lettres, fait allusion au goût exquis des oies
que l'on amenait à pied, du pays des Morins
jusqu'à Rome !
La situation politique se détériora au
IIe siècle, et à la mort d'Aurélien ( 2 7 5 av. J.-C.),
les Francs et les Saxons déferlèrent du nord,
repoussés par les Huns dans les plaines flaman-
des marécageuses. A la suite de ces rivalités le
pays se dépeupla au point que les Romains
furent a m e n é s à y installer des groupes de
colons, essentiellement c o m p o s é s de prison-
niers Francs et Saxons, afin de repeupler ces
La ferveur traditionnelle du peuple flamand donne une trouvant là l'occasion de renouer des liens parfois
importance particulière aux lieux de culte, chapelles ou distendus par l'éloignement des fermes ou les difficultés
églises. Ils drainaient tous les dimanches, et drainent de déplacement.
encore souvent, l'ensemble de la communauté villageoise,

Le partage de l'empire entre les petits-fils son apogée. Des bouches de l'Escaut jusqu'à la
de Charlemagne, à Verdun, en 8 4 3 , inclut dans Marne s'étendaient les terres comtales. Folle-
le domaine royal français la plus grande partie de ment ambitieux, Philippe d'Alsace songeait à
la Flandre. Charles le Chauve, premier roi de exercer sur la France une sorte d'hégémonie par
France, délégua à un guerrier de renom, Baudoin l'intermédiaire du jeune Philippe Auguste dont il
Bras de Fer, la défense de la Flandre contre les fut le tuteur. Philippe Auguste devint vite un
terribles Normands venus du Danemark envahir puissant monarque et son tuteur fut la première
nos contrées. Baudoin fonda la première maison victime de cette ambition.
des Comtes de Flandre. Baudoin 11, son fils, pro- L'incendie de Lille, comploté par le roi de
fitant du vide administratif laissé par les Nor- France, provoqua la première alliance de la Flan-
mands, étendit le c o m t é : la principauté de Flan- dre et de l'Angleterre. La bataille de Bouvines
dre était née, quasiment autonome, rattachée à mit fin aux dissensions; le demi-siècle d'eupho-
l'autorité royale par la seule vassalité du comte rie pacifique qui suivit marqua le règne de Saint
(dépendance bien vague et bien fragile à cette Louis. Les hostilités reprirent avec Philippe le Bel
époque). La première maison princière de Flan- qui se heurta au c o m t e Guy de Dampierre : la
dre s'éteignit avec Baudoin VII dit Baudoin à « la Flandre fut envahie, le c o m t e emprisonné. Les
Hache » qui mourut en 1 1 1 9 , s a n s enfant, et Flamands se rebellèrent mais furent écrasés à la
désigna pour lui succéder un de ses cousins, bataille de Mons-en-Pévèle, en 1 3 0 4 . La paix
Charles, dit le Bon. Celui-ci, contesté dans son fut signée. Le roi s'attribua Lille, Douai, et
autorité, fut assassiné en 11 27. Il s'ensuivit une Béthune.
lutte complexe pour la succession, dans laquelle Durant la guerre de Cent Ans, la Flandre,
les villes flamandes finirent par imposer leur can- dont la puissante industrie lainière était dépen-
didat Thierry d'Alsace, contre Guillaume de Nor- dante de la matière première venant d'Angle-
mandie soutenu par le roi de France. Guillaume terre, s'allia avec son fournisseur. Sa diplomatie
trouva la mort au siège d'Alost. Le fils de Thierry lui permit de rester en dehors du conflit et con-
d'Alsace, le comte Philippe, amena le c o m t é à duisit m ê m e à un heureux mariage entre le duc
de Bourgogne, Philippe Il le Hardi, et l'héritière La seconde moitié du XVIIe siècle fut mar-
de Flandre, Marguerite III, en 1 3 6 9 . Charles V, quée par le démantèlement de la Flandre. Trois
roi de France et frère de Philippe 11, restitua à la puissances se partagèrent le comté : la Hollande
Flandre les châtellenies de Lille, Douai et annexa le nord (qui deviendra la Flandre des
Orchies, rétablissant ainsi les frontières du Etats) ; l'Espagne garda la plus grande partie du
XIIe siècle. La Flandre et la Bourgogne ne fai- territoire (la Flandre espagnole, qui deviendra
saient plus qu'une province. A cette époque, la plus tard la Flandre autrichienne) ; le sud devint
concurrence des Pays-Bas et de l'Italie ruina une français, annexé par Louis XIV (traité d'Aix-la-
partie de la draperie flamande. J e a n sans Peur, Chapelle en 1668). Avec le traité d'Utrecht en
Philippe le Bon et Charles le Téméraire illustrè- 1713, marquant la fin de la guerre de succes-
rent cette période. A la mort de Charles le Témé- sion d'Espagne, le sud de la Flandre devint pro-
raire, en 1 4 7 7 , la couronne fut transmise à son vince française, la frontière fixée fut à peu de
gendre, Maximilien de Habsbourg. chose près celle de la France actuelle.
A l'avènement des Habsbourg, une formi- La paix revint sur la Flandre française pen-
dable puissance était aux frontières du royaume dant deux générations. L'agriculture était floris-
de France. Il s'ensuivit des conflits atteignant sante; dans la région de Lille, les abbayes très
toute la région. La Flandre dut renoncer à son puissantes possédaient le tiers des terres, la Flan-
autonomie et donna en la personne de Charles dre maritime et les moëres furent à nouveau drai-
Quint (né à Gand) un maître à l'Europe. Il soutint nées. L'industrie moderne démarra. Le lin régna
contre François 1er une longue lutte qui engen- en Flandre maritime, les grands centres textiles
dra des modifications de frontière. A la crois- de Flandre wallonne : Lille, Roubaix, Tourcoing
sance économique du règne de Charles Quint restèrent attachés à la laine, en attendant que,
succéda, avec son fils Philippe 11, une période vers 1 800, Lille se lance dans l'aventure coton-
plus morne. Puis ce fut un demi-siècle de domi- nière. Les premières mines de charbon furent
nation des archiducs espagnols : cinquante ans exploitées au sud du département. Durant la
de grande prospérité, « l'âge d'or de la période 1 783-1 789 les campagnes et les villes
Flandre », dominé par la grande figure de la fille furent touchées par une crise politique qui débou-
du roi d'Espagne Philippe 11, la c o m t e s s e Isabelle cha sur la Terreur et les guerres avec l'Autriche et
qui dota le pays de multiples constructions civi- l'Angleterre. Le nord de la France fut très atteint.
les, militaires et religieuses. A la vente des biens nationaux, les prix furent tels
que seuls les bourgeois des villes, puis des cam-
pagnes, purent les acquérir. Après le vide laissé
par la Révolution, la période consulaire, puis
l'Empire marquent un modeste renouveau, mais
les guerres épuisent le pays. La Flandre est occu-
pée de 1 81 5 à 1 81 8 par les vainqueurs de Napo-
léon (Russes, Anglais et Saxons).
En 1818, s'ouvre une ère de paix pour la
région, à peine troublée par les révolutions de
1830 et 1848. Cette paix permet l'éclosion
d'une autre révolution, économique celle-ci : la
révolution industrielle. Pour beaucoup d'observa-
teurs la richesse agricole de la Flandre paraît alors
fabuleuse ; l'industrie en tire un grand bénéfice.
C'est l'alliance des négociants et des fermiers qui
la soutient. On assiste à un développement
extraordinaire de l'industrie textile, des charbon-
nages, des banques, des grandes voies de com-
munication (chemin de fer, canaux, routes). La
bourgeoisie s'enrichit, les propriétaires paysans
sont dans l'aisance, mais la Flandre détient le
triste privilège de posséder le plus fort pourcen-
tage d'indigents, de marginaux et de chômeurs :
c'est le phénomème du paupérisme. Le second
Empire consacre le développement industriel :
c'est l'euphorie de la croissance urbaine. En
Entourée d e s e s remparts, la petite ville de Bergues, j o y a u 1 870, le désastre de Sedan amène la Troisième
de l'architecture flamande, jouissait e t jouit encore d u rôle République. Le changement de régime se fait
de petite capitale régionale. Vue de la tour d u marché. sans heurt en Flandre ; cependant les républi-
Pays durement éprouvé par les diverses invasions, la certains endroits, ce n 'étaient plus que trous de bombes,
Flandre a subi pendant la Grande Guerre les plus et il fut souvent difficile après la guerre de retrouver
importantes destructions de son histoire : villes l'ancien emplacement des bâtiments.
entièrement rasées, campagnes totalement dévastées. En

cains mettent dix ans à conquérir le cœur des de toutes sortes, subordination totale des élé-
habitants, très légitimistes. La crise économique ments vitaux, mais également un sentiment
de 1 8 8 2 remet en cause les résultats acquis et national très fort qui se concrétise par une résis-
les conservateurs reviennent sur le devant de la tance efficace, surtout dans la classe ouvrière.
scène avec l'aide des boulangistes. A la Libération, la Flandre se trouve confron-
Après 1 8 9 0 , la redistribution des forces tée à de graves problèmes. Son identité et sa
politiques s'opère : d'un côté les catholiques se fierté ont été ensevelies par l'industrialisation qui
rallient à la république et créent la nouvelle droite, laisse un paysage dégradé, ruiné par l'urbanisa-
de l'autre c'est la spectaculaire montée du socia- tion anarchique des agglomérations industrielles
lisme. Puis c'est la première guerre mondiale, qui et par la prolifération de logements médiocres.
frappe terriblement le département du Nord. De Une réputation de triste laideur s'ensuivit, qui
1 9 1 4 à 1 91 9 il se voit déchiré par la ligne de feu. nécessite aujourd'hui une longue réhabilitation,
Des villes complètes sont rasées. L'industrie est tant du paysage que de l'identité flamande. au
quasiment démantelée. La portion de la Flandre sein de la culture française.
occupée peut garder la tête haute grâce au sou-
tien des Hollandais (soutien matériel : chaîne ali-
mentaire et soutien moral, par les informations).
Le pays à peine relevé de ses cendres doit
subir la crise économique de 1 930-1 9 3 5 dont il L e s o r i g i n e s
se remet rapidement ; s a n s rien perdre de son ori-
ginalité à l'intérieur de l'ensemble français, la
d u p e u p l e f l a m a n d
région du Nord abandonne les traditions qui lui
conféraient une réelle force, mais confirme celles
qui lui interdisent l'ouverture d'un authentique L'extrême variété des types sociaux qui
r e n o u v e a u . (L. T r e n a r d ) . La g u e r r e d e occupent la Flandre atteste de la complexité des
1 9 3 9 - 1 9 4 5 apporte, avec l'occupation alle- origines de ce peuple dont le territoire avait
mande de nouvelles souffrances : m e n a c e s l'inconvénient d'être ouvert à toutes les inva-
d'annexion, exode des populations, destructions sions. Nous retrouverons ces types sociaux
La ferme flamande n e p e u t s ' a p p r é h e n d e r q u e d a n s le ►
cadre d ' u n e n v i r o n n e m e n t incluant c h a m p s , pâtures,
potager, haies et mares. La modification ou la destruction
d'un de ces é l é m e n t s p o r t e g r a v e m e n t atteinte à l'équilibre
général et altère le p a y s a g e de l'habitat.

Vue des ailes du moulin de Wormhoudt, la plaine flamande


s'étale à l'infini, dans un cadre paisible moucheté de
petites fermes, de borderies ou d'hofstèdes.
v
A
C'est au prix de transformations exemplaires que la
Flandre fut mise en valeur. // fallut défricher et reprendre à
la mer les terrains qu'elle ravissait périodiquement, pour
permettre à la terre de nourrir une population nombreuse
et industrieuse. La rotation des cultures et l'utilisation
d'engrais étaient déjà de pratique courante
bien avant l'invasion romaine.

Les marais de Saint-Omer sont drainés par un important ►


réseau de canaux, isolant les fermes les unes des autres.
Les maraîchers qui les habitent se déplacent
exclusivement en barque ou «bélandre» dans une
ambiance très particulière qu'on ne peut découvrir qu'en
empruntant le même moyen de déplacement. Les petites
maisons qui ponctuent les marais gardent les mêmes
proportions que celles des autres régions flamandes.
d a n s la classification d e l ' h a b i t a t e t d é c r i r o n s les oies c o m p t a i e n t parmi les s p é c i a l i t é s d e c e s
alors leurs liaisons a v e c les b â t i m e n t s qui c o n s t i - p e u p l a d e s et étaient très a p p r é c i é s du m o n d e
t u e n t leur e n v i r o n n e m e n t . Ceci n o u s a m è n e à romain.
p o s e r la q u e s t i o n d e s origines d u p e u p l e fla- Les M é n a p i e n s , n o u s dit e n c o r e Pline, s e
m a n d . Il c o n v i e n t p o u r cela d e r e t r a c e r les diffé- n o u r r i s s a i e n t d e pain b l a n c , d e v i a n d e s , d e
rentes invasions et influences directes que con- v e n a i s o n s , d e lait, d e f r o m a g e s e t d e fruits s a u -
n u t la Flandre d e p u i s les t e m p s p r é h i s t o r i q u e s v a g e s . Les M o r i n s e t les M é n a p i e n s a v a i e n t , e n
j u s q u ' a u XIe siècle, é p o q u e à laquelle u n e cer- d e h o r s d e l'agriculture, un n i v e a u d e civilisation
t a i n e stabilisation s ' e s t o p é r é e . a s s e z f r u s t e : du fait d e leur c a r a c t è r e i n d é p e n -
En 3 5 0 0 a v a n t J é s u s - C h r i s t les v a l l é e s d a n t , leurs relations, entre. e u x et a v e c les p e u -
m a r é c a g e u s e s e t les s o m m e t s d e s collines ples v o i s i n s é t a i e n t limitées. Ils i n t e r d i s a i e n t
é t a i e n t h a b i t é s par d e s p o p u l a t i o n s n é o l i t h i q u e s . t o u t e p é n é t r a t i o n d e leurs territoires e n p r o v e -
Celles-ci c o n n a i s s a i e n t déjà l'agriculture : elles n a n c e du s u d . T o u s c e s p e u p l e s i g n o r a i e n t le
cultivaient d e s p l a n t e s a l i m e n t a i r e s ( l ' é p e a u t r e ) p h é n o m è n e u r b a i n : ils p o s s é d a i e n t b i e n d e s
puis d e s p l a n t e s textiles. Elles d o m e s t i q u a i e n t oppida mais ces enceintes, retranchements
les a n i m a u x , m o u t o n s e t p o r c s , puis le b œ u f . c o n s t r u i t s e n terre, d i f f é r e n t s d u m u r u s g a l l i c u s
D i v e r s e s i n d u s t r i e s a p p a r u r e n t : la c é r a m i q u e , le à p o u t r a g e d e s Celtes, é t a i e n t e s s e n t i e l l e m e n t
t i s s a g e , la m e u n e r i e . C e t t e é v o l u t i o n d e s t e c h n i - d e s lieux d e r e f u g e e n c a s d e g u e r r e e t à l'ordi-
q u e s apporta de nouvelles formes d'organisa- naire d e s c e n t r e s d e r é u n i o n s p r o v i s o i r e s , m a r -
tion sociale. Les h o m m e s s e d i f f é r e n c i è r e n t c h é s o u f ê t e s . (L. T r e n a r d ) .
d a n s leurs a c t i v i t é s : p a s t e u r s ; c u l t i v a t e u r s , arti-
La c o n q u ê t e r o m a i n e f u t t r è s â p r e . Les
s a n s , e t s e r e g r o u p è r e n t e n villages. A l ' é p o q u e m a r a i s e t les f o r ê t s d e Flandre é t a i e n t difficiles à
m é g a l i t h i q u e , le p a y s vit s e d r e s s e r d e s c o n s -
pénétrer. L'opiniâtreté d e s Ménapiens fut q u a n d
t r u c t i o n s v o t i v e s telles q u e d o l m e n s e t m e n h i r s .
m ê m e v a i n c u e p a r R o m e , qui a p p o r t a un c e r t a i n
Plus t a r d , les t r i b u s qui c o n n a i s s a i e n t
n o m b r e d e m o d i f i c a t i o n s d a n s leur f a ç o n d e
l ' u s a g e d e s m é t a u x v i n r e n t s ' é t a b l i r sur le sol fla-
vivre. C a s s e l d e v i n t la c a p i t a l e régionale. La
m a n d . Le cuivre fit t o u t d ' a b o r d s o n a p p a r i t i o n ,
plaine d e F l a n d r e f u t alors i n t e n s é m e n t exploi-
puis le b r o n z e , enfin plus p r è s d e n o u s , le fer.
t é e ; ceci e s t a t t e s t é p a r d e s d é c o u v e r t e s
L ' u s a g e d u fer f u t a p p o r t é par les C e l t e s qui, d u
d ' i m p l a n t a t i o n s rurales i m p o r t a n t e s . En d e h o r s
f o n d d e la Bavière, v i n r e n t s ' i n s t a l l e r à l ' o u e s t d e
d e s p e t i t e s f e r m e s e t d e s g r o u p e m e n t s indigè-
l'Europe. Ils a p p o r t è r e n t a v e c e u x les u s a g e s d e
n e s , c e f u r e n t les villae d ' i n s p i r a t i o n r o m a i n e qui
sociétés guerrières et aristocratiques très évo-
d o m i n è r e n t . Leur o r i e n t a t i o n , l ' o r g a n i s a t i o n d e
l u é e s (civilisation d e la T è n e ) .
leurs b â t i m e n t s , la s i t u a t i o n a u milieu d e leurs
A u x a l e n t o u r s du Ille siècle a v a n t J é s u s -
t e r r e s c o m m e les t e c h n i q u e s d e c o n s t r u c t i o n
Christ d e s p e u p l a d e s g e r m a n i q u e s , les M o r i n s e t d é n o t e n t bien l ' i n f l u e n c e latine. La c u l t u r e d u blé
les M é n a p i e n s , p é n é t r è r e n t d a n s la z o n e
et l ' é l e v a g e d u m o u t o n f u r e n t d é v e l o p p é s à
d ' i n f l u e n c e c e l t i q u e . D ' o r g a n i s a t i o n plus primi-
tive, ils s u b i r e n t l ' i n f l u e n c e d e s a u t o c h t o n e s
m a i s d é t r u i s i r e n t e n partie l ' a c q u i s social d e s
Celtes. P é n é t r a n t e n Flandre, C é s a r n o t e r a u n e
o r g a n i s a t i o n a s s e z s i m p l e d e leurs s o c i é t é s . C e
s o n t s u r t o u t les M é n a p i e n s ou M é n a p e s ( p e u p l e
d ' a g r i c u l t e u r s ) qui prirent p o s s e s s i o n d e la plaine
f l a m a n d e . Pline n o u s a p p r e n d qu'ils c o n n a i s -
s a i e n t l ' u s a g e d e la m a r n e c o m m e e n g r a i s e t
c o m m e a m e n d e m e n t celui d e la c h a u x , ainsi q u e
d e la c e n d r e p o u r les t e r r e s f o r t e s et h u m i d e s . Ils
utilisaient é g a l e m e n t la c h a r r u e à train et la h e r s e
d o n t ils s e s e r v a i e n t p o u r e n f o u i r les s e m e n c e s .
Ils c u l t i v a i e n t le seigle, le millet, le f r o m e n t ,
l ' a v o i n e e t le s a r r a s i n ; c e s c é r é a l e s é t a i e n t b a t -
t u e s s o u s g r a n g e . Les M é n a p i e n s é t a i e n t d e par-
faits jardiniers et c o n n a i s s a i e n t l ' a s p e r g e , le
chervis, la f è v e d e s m a r a i s , le raifort, le lin, la
j a c i n t h e e t le p a s t e l . Ils utilisaient les p l a n t e s
m é d i c i n a l e s , qui, p r é p a r é e s s e l o n d e s rites magi-
ques, constituaient des r e m è d e s aux maladies.
Petite chaumière r e p r é s e n t a n t le type c o u r a n t de maison
Les v a c h e s , t a u r e a u x , m o u t o n s e t c h è v r e s d'ouvrier agricole. Celle-ci, située aux alentours de Millam,
é t a i e n t é l e v é s d a n s les p â t u r a g e s . Les p o r c s et a gardé s a couverture de paille.
rons (exploitation des forêts). Le sel fut extrait
des vastes salines du littoral.
Il y eut ainsi coexistence des pratiques indi-
gènes avec les pratiques romaines. En effet peu
de Romains désiraient s'installer en Flandre, et
celle-ci sut par ailleurs maintenir ses coutumes
et préserver son originalité régionale. L. Trenard
nous rappelle que la puissance romaine e s t donc
représentée en c e s régions p a r des éléments
s o u v e n t à demi-romanisés seulement, venus
parfois de contrées lointaines de l'empire : sol-
d a t s des corps auxiliaires, marins, employés de
bureaux ou négociants... La persistance des
croyances religieuses e t des c o u t u m e s celti-
ques, la constitution d'un art funéraire gallo-
romain original démontrent qu'en ce domaine
l'assimilation a été incomplète.
A la mort d'Aurélien, les Francs et les Ala-
mans fondirent sur la Gaule. Au Ve siècle la
Flandre fut sous la domination des Saliens. La
désorganisation de l'Empire les laissa libres de
chercher, au sud de la Toxandrie campine, où
Rome les avait maintenus, des terres plus ferti-
les. Ils s'établirent tout d'abord dans la plaine de
la Lys, puis, se mêlant plus ou moins aux popu-
lations gallo-romaines, dans toute la Flandre
wallonne. Le reste de la Flandre, protégé par une
transgression marine et les profondes forêts qui
l'isolaient de la plaine de la Lys, fut moins tou-
ché par l'invasion franque. En revanche, il fut
aisé aux envahisseurs d'aborder les dunes et le
pays côtier. Les Frisons et les Saxons prirent
possession du « littus saxonicum ». On trouve
encore maintenant des traces du particularisme
frison dans la langue et dans certaines coutu-
mes.
Si l'on veut connaître un peu ce que dit la
De t e m p é r a m e n t fort e t taciturne, le p a y s a n flamand aime légende sur l'origine des paysans saxons de
la fête et la b o n n e chère. Son accueil, a p r è s Flandre, il faut se reporter à l'Edda, tradition
quelques hésitations, n ' a d ' é g a l q u e s a jovialité Scandinave, dont Louis de Baeker, dans son his-
et s o n s e n s d u service rendu.
toire de l'agriculture flamande, nous donne un
extrait ; Un jour, disent-ils, le noble Rig, c e t Ase
cette époque. Les ovidés fournirent le complé- ou Dieu, plein de force et de science, et aussi
ment de fumure, les terres en jachère servant de agile que vigoureux, marchait gravement p a r
des chemins de verdure. Il suivait droit devant lui
lieu de pacage aux animaux; tout concordait à
une bonne rotation des cultures. le milieu de la route, lorsqu'il rencontra une mai-
son dont la porte était ouverte. Il entra... sur le
Le tissage devint l'activité essentielle des sol brûlait l'ardent foyer devant lequel était assis
villae durant les longs mois d'hiver, d'autant que un couple adonné au travail. L'homme, pour tis-
la culture d'autres plantes textiles se dévelop- ser, préparait le métier. Sa barbe était peignée et
pait. Le lin et le chanvre firent leur apparition son front découvert. Son habillement lui serrait
dans ces terres humides. La culture des légumes la taille, à terre était placé le coffre. La femme, à
tels qu'oignons et choux-fleurs prit un nouvel côté, confectionnait une jupe, et du fil le plus fin
essor. L'élevage des b œ u f s et des chevaux des- préparait une toile. Elle avait la tête couverte
tinés aux armées romaines vint compléter d'un bonnet, a u cou lui pendait un bijou ; un
l'éventail des activités agricoles de la Flandre fichu cachait s o n sein et un lacet lui serrait
gallo-romaine. D'autres activités se structurè- l'épaule. Afe et A m m a étaient dans leur propre
rent à cette époque et on vit se construire des maison. Rig s u t faire g o û t e r s e s conseils à s e s
hameaux de potiers, de forgerons et de bûche- hôtes. Il se leva de table, désireux de dormir, e t
s e coucha avec eux au milieu du lit, ayant à s a per les progrès de l'agriculture. Ces invasions
droite et à s a g a u c h e les deux époux. Il demeura catastrophiques laissèrent derrière elles famines
trois nuits ; puis n e u f lunes s'écoulèrent. A m m a et épidémies. Mais le pays se releva et bientôt la
guérit : l'enfant fut lavé, e t reçut le n o m de Karl. Flandre, ethnologiquement stabilisée, retrouva
La femme l'emmaillota, il était rouge e t frais, et sa force et sa fierté dans la prédominance com-
ses yeux étaient brillants. Il grandit et prospéra. tale.
Alors il dompta les taureaux, prépara le soc,
L'étude des langues nous renseigne de
construisit des maisons, éleva des granges, fit
façon efficace sur les influences ethniques qui
des chariots, laboura des champs. Entra dans la
ont façonné la Flandre. Au m o m e n t de l'invasion
ferme, les clefs s u s p e n d u e s à la ceinture e t
vêtue de peaux de chèvres, la fiancée de Karl, franque, l'usage de la langue latine fut repoussé
qui, saluée du n o m de Snor (bru), s'assit, cou- au sud-ouest et laissa place au dialecte flamand
verte du voile. Ils cohabitèrent c o m m e époux, e t ou Neederduitsch. Chacune d e s provinces
romaines que la victoire avait livrées à de nou-
échangeant les anneaux, étendirent leur lit e t
bâtirent une demeure. D'eux d e s c e n d la race veaux maîtres vit le latin s'éteindre p o u r faire
place à d'autres dialectes, c o m p o s é s p r e s q u e
des Karls ou des paysans. Ce passage de la
exclusivement de s e s débris. (More : « Histoire
Rigsmaal Saga évoque le passé légendaire des
de la littérature française »). Ainsi les diverses
Karls saxons de la Flandre française, qui sont
pour une bonne part les ancêtres des Flamands. influences saxonnes existantes, a u g m e n t é e s
des influences nouvelles, déterminèrent au nord
Les hagiographes et les poètes du moyen- de la Gaule un territoire linguistiquement mixte
âge dépeignaient les paysans flamands c o m m e dès l'époque mérovingienne. Au nord d'une
des gens superstitieux et féroces. Il fallut la ligne Montreuil - Béthune - Lille, nous dit
ténacité des évangélisateurs pour adoucir les M. Gysseling, tous les toponymes du h a u t
mœurs de ces barbares (Saint Winoc, Saint Eloi, Moyen-Age s o n t germaniques ou prégermani-
Saint Waast, Saint Momelin). Au Xe siècle, les ques, au s u d tous s o n t r o m a n s ou préromans,
Normands dévastèrent le pays et vinrent stop- ou encore germaniques du Ve siècle.

Vue du profil de la ville forte de Douai au XVIIIe siècle. des principales forteresses du comté de Flandre. Gravure
Située sur la Scarpe, elle était réputée comme étant une faite par A veline.
Vers le XIe siècle, la romanisation avait saxonne se fit sentir davantage dans la Flandre
atteint la vallée de l'Aa, Saint-Omer, et à l'est, la argileuse. Ce peuple avait acquis des techniques
région de Lille. Dès cette époque et jusqu'au agricoles assez évoluées. Il était de caractère
milieu du XIXe siècle cette frontière linguistique individualiste et peu communicatif, et son orga-
ne bougea pratiquement plus. On distingue alors nisation sociale resta fruste.
les Flamands flamingants, restés plus germani- La troisième influence importante, celle du
sés, et les Flamands wallons d'influence romane peuple franc, eut pour région de prédilection la
plus marquée. Flandre wallonne. En effet, lors des invasions, la
Malgré la confusion qui existe entre les dif- portion du pays c o m p o s é e du Houtland et de la
férentes invasions venues du nord et les influen- plaine maritime, à la pénétration difficile, fut
ces venues du sud, nous pouvons dégager un épargnée et resta sous l'influence frisonne et
certain nombre de données sur lesquelles il con- saxonne. De t e m p é r a m e n t plus belliqueux et
vient néanmoins de rester très prudent. De usant d'un ordre social centralisé, les Francs se
l'étude des nombreux mouvements d'idées et mêlèrent plus volontiers aux gens du pays. Ils
de populations, nous distinguons trois types furent romanisés plus rapidement tandis que les
d'influence : frisonne, saxonne et franque. anciens peuples gardaient plus longtemps leurs
La race frisonne a vu le jour dans l'archipel coutumes et leur langue.
qui porte son nom et qui se continuait le long Les différences fondamentales entre Fri-
des côtes de la Hollande actuelle à la Flandre et sons, Saxons et Francs se sont perpétuées à tra-
au-delà jusqu'à Calais. Après avoir pris posses- vers les siècles : elles étaient encore évidentes
sion du « littus saxonicum », les Frisons s'aven- au XIXe siècle dans la parité flamande-wallonne
turèrent dans les polders dont le niveau se situe et l'on en retrouve encore des traces de nos
au-dessus des basses mers : les wateringues jours. L'organisation tripartite de la Flandre fran-
qui étaient plus faciles à assécher. Cette ethnie çaise en bord de mer, ou Bloutland, Houtland et
constitue la base ancestrale des Flamands de la région lilloise porte encore la marque des
région maritime. R. Blanchard précise que dans influences ethniques dont nous venons de parler
les wateringues le droit ancien dérive des coutu- et, bien que cette théorie doive être employée
mes frisonnes : c'est le partage égal opposé à la avec réserve, on peut distinguer dans les diffé-
transmission intégrale des Saxons. Les Frisons rentes sortes d'habitat qui se retrouvent en Flan-
étaient à la fois pêcheurs et cultivateurs; les dre, des types d'organisation qui révèlent la per-
Saxons seulement cultivateurs. L'influence sistance de ces influences.

Le p a y s a g e flamand émaillé de n o m b r e u s e s prairies, bordant les nombreux fossés d'irrigation. Les volailles en
trouve s a principale originalité d a n s son horizon d é g a g é liberté animent bien souvent les étendues verdoyantes.
q u e r y t h m e n t les alignements successifs de saules
Le m i l i e u n a t u r e l

creuse en certains points de ravins aux pentes


Les régions presque abruptes. Des collines se détachent sur
l'horizon; quelques-unes doivent à leur isole-
flamandes ment d'offrir un panorama étendu. Alignés d ' e s t
en ouest, les monts de Flandre culminent au
Mont des Cats, à cent soixante quatre mètres
L'hydrologie, la géologie et surtout l'histoire d'altitude. Les bois- et les étendues d'eau de
délimitent les différents petits pays qui compo- Clairmarais et de Saint-Omer sont les témoins
sent la Flandre française actuelle. Nous pouvons d'un paysage particulier engendré par les capri-
définir quatre régions : la Flandre intérieure et la ces de l'Aa. Cette zone est la seule qui dépende
Flandre maritime qui, réunies, c o m p o s e n t la du Pas-de-Calais alors qu'elle appartient à la
Flandre flamingante; la région de Lille et la Flandre historique.
région de Douai forment la Flandre wallonne.
L'ancienne châtellenie d e Lille c o m m e n c e
La R a n d r e m a r i t i m e s'étend en bordure de
sitôt franchie la vallée de la Lys. On trouve alors
la mer du Nord, de Grand-Fort-Philippe à la fron- les pays de Weppes, du Ferrain, du Mélantois,
tière belge. L'Aa marque sa limite à l'ouest. Au du Carembault, et du Pévèle. Nous s o m m e s en
sud, les canaux de Haute et Basse Colme maté-
Flandre wallonne. Le paysage se transforme, la
rialisent la transition avec la Flandre intérieure.
populatiun n'est plus la même, les limites géo-
Cette frange maritime se d é c o m p o s e en deux graphiques et historiques sont plus lâches. Le
zones : les dunes (Strand) d'un côté, et la région pays de Weppes, nous dit M. Gosselet, est un
des wateringues et des polders (Bloutland ou petit plateau situé entre la plaine de la Lys et la
Noordland) de l'autre. La région des dunes est vallée de la Deûle. Son altitude varie de trente à
aujourd'hui en grande partie absorbée par le port quarante cinq mètres. La pente vers la Lys pré-
de Dunkerque. Il ne reste que cinq à six kilomè- sente un léger e s c a r p e m e n t d'une dizaine de
tres de dunes-témoins dont l'altitude est d'envi-
mètres, celle qui est dirigée vers la Deûle est
ron dix mètres, formant une bande atteignant insensible.
deux kilomètres de large. Le Bloutland, pays plat Au nord du pays de Weppes et de la ville de
à l'abri des dunes et des digues, est une zone de Lille s'étend le Ferrain dont la partie occidentale
polders qui fut durement conquise par l'homme
ne diffère pas de la plaine de la Lys dont il est le
au cours des siècles. Son niveau moyen se
prolongement. A l'est une ligne de collines cul-
trouve au-dessous de celui des grandes marées.
mine à cinquante mètres. L'est et le sud du
Un s y s t è m e savant de canaux permet un drai-
« pagus » sont aujourd'hui absorbés par l'agglo-
nage efficace qui en fait un exemple de réussite
dans la mise en valeur des basses terres. mération Lille-Roubaix-Tourcoing. Seul le petit
plateau de Sailly-lès-Lannoy reste à vocation
agricole et sa physionomie évoque le Mélantois.
La R a n d r e intérieure ou Houtland, vieux Le Mélantois et le Carembault, parcelles de
pays boisé limité au sud et à l'ouest par l'Aa et la l'ancienne châtellenie de Lille sont assimilables
Lys, le canal de Neuffossé faisant la liaison entre et ne forment qu'une seule région naturelle : au
les deux rivières, ne possède plus que des vesti- nord, le Mélantois, dont Lille et sa banlieue cons-
ges de la forêt de Nieppe pour justifier son appel- tituent la majeure partie, est séparé du pays de
lation. Devenu pays de bocage, il ondule et se W e p p e s par la Deûle. Il confine au Pévèle par le
Achevé d'imprimer
sur les presses
de l'Imprimerie Moderne
15000 Aurillac
le 29 octobre 1982
Dépôt légal : 4e trimestre 1982
N° 82606
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