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Columbia University
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F . A . Schermerhorn
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1899
GUIDE
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VILLE DE LILLE
- . .
GUIDE
DE LA

VILLE DE LILLE
PAR

D
HENRI BRUNEEL

LILLE
LIBRAIRIE ANCIENNE ET MODERNE DE VANACKERE
GRAND'PLACE, 7

MDCCCL
mila
Trinna
n24

PRÉFACE

Toute ville importante se doit à elle-même


d 'avoir son Guide des Voyageurs. En Bel
gique , quelques -uns de ces Guides sont des
livres écrits et signés par des savants authen
tiques, qui n'ont pas cru déroger en se
mettant en frais d 'érudition pour faire digne
ment aux visiteurs étrangers les honneurs
de leur cité natale. Soit insouciance , soit
modestie , nos écrivains lillois ne se sont
guère occupés d 'un pareil travail (1 ). Les
25

(1) Il est bien entendu qu'il ne s'agit ici que des Guides pro
2x,)

prement dits ; car plusieurs de nos historiens , et notamın eut


MM . Brun -Lavainne et Victor Perode , nous ont donné de curieux
détails sur cette matière.

211521
66NO81C7
vj PRÁFACE

Guides lillois publiés jusqu'ici n'ont eu qu'une


publicité fort restreinte . La ville de Lille a
tout l'air de s'ignorer elle-même; si bien
que lorsqu'un touriste quelconque adresse
à un de nos concitoyens cette simple ques
tion : « Qu'y a -t- il à voir dans Lille ? » le
Lillois ne manque pas d 'ouvrir de grands
yeux étonnés, comme si on lui demandait
des nouvelles de l'autre monde, et il répond
invariablement par un piteux « Je ne sais
pas... ! » Certes , il est grand temps que cela
finisse. On serait capable de nous prendre ,
nous et notre ville , pour ce que nous ne
sommes pas.... Donc , à défaut d 'un plus
habile , je viens essayer icide prouver à tous
venants que la vieille capitale de la Flandre
française possède de quoi satisfaire la curio
sité la plusblasée , et que , fût-on un lord de
Londres , un baron de Berlin , un boyard de
Saint-Pétersbourg , on peut passer dans nos
murs vingt- quatre heures très -bien em -
ployées.
O honte ! répondre aux questions des visi
teurs : « Je ne sais pas , » lorsque, sans
compter tout le reste , on peut offrir au mili
taire le chef- d'æuvre de Vauban , à l'artiste
PRÉFACE CATS
les croquis-études deRaphaël,deMichel-Ange,
de Titien , etc. , au savant les Archives de la
Chambre des Comptes , c'est-à-dire ce qu'il
y a au monde de plus intéressant pour la
stratégie , les beaux-arts et l'histoirel Allons
donc pour si peu qu'on ait de coeur, de savoir
ou simplement d ' esprit , ce n 'est pas vingt
quatre heures , mais tout un mois qu 'on
peut fructueusement passer à Lille .
Au demeurant, lorsque le présent livre
sera écrit et publié , nos concitoyens ne
seront pas pour cela tenus de l'acheter et
de le lire ; ils trouveront toujours bien dans
la rue quelque gentleman anglais ou quel
que docteur prussien qui ne demanderont
pas mieux que de leur servir de cicerone...
Piloter des Lillois dans leur propre cité !
mais le seul espoir de commettre une origi
palité pareille ferait passer le détroit à lous
les fils d'Albion .. ...
Cependant, au début de ce travail , une
chose me préoccupe vivement.... Quel ordre
suivrai-je dans la revue de nos curiosités
locales ? — « Aucun » , répondront les tou
ristesdu genre flâneur,qui,pourleurs impres
sions de voyage , comptent beaucoup sur
vilj PRÉFACE
la fantaisie et sur l'imprévu . Mais nous ne
recevons pas à Lille rien que des chevaliers
errants de la fashion mondaine ; il nous vient
aussi de graves académiciens, deméthodiques
érudits , des docteurs in utroque jure , et ceux
là ne plaisantent pas avec l'ordonnance d 'un
livre , si mince qu 'il soit ; il leur faut à tout
prix un arrangement régulier , une classifi
cation logique ; car ils ne sont pas gens à
lourner des feuillets au hasard ... De l'ordre,
soil ; mais lequel? — D 'abord, l'ordre alpha
bétique est trop bête ;.... ensuite... — Tenez ,
pour en finir , coupons le différend en quatre :
CURIOSITÉS MILITAIRES , -- CURIOSITÉS ARTIS -
TIQUES, — CURIOSITÉS SCIENTIFIQUES, — CURIO
SITÉS INDUSTRIELLES. Voilà qui est convenu ,
nous rangerons tantbien quemal nosmerveil
les lilloises sous la rubrique de ces quatre
catégories; et s'il se trouve en outre certaines
choses qui ne se rattachent pas nettement à
l'une ou à l'autre de ces divisions, nous en
ferons un corps de réserve cantonné dans
nos dernières pages , sous le titre de :
INSTITUTIONS DIVERSES.
Maintenant , que Dieu nous soit en aide, et
Fotre palience aussil....
AVANT-PROPOS

LES ARMES DE LA VILLE DE LILLE .

En 1235, le scel échevinal appendu à la première


Charte constitutive de la commune de Lille portait
les armes de la ville ainsi blasonnées : De gueules
à une fleur de lys d'argent surmontée d'un petit
lion de sable.
Au commencement du xve siècle , on ajouta
à ces armes primitives un second lion et une
ARMES DE LILLE

toute petite fleur de lys en chef (Scel échevinal


de 1434).
En 1667 , sous Louis XIV, on ôta les deux lions
etla petite fleur de lys.
Sous la République aînée , on supprima le tout.
Sous l'Empire , on créa de nouvelles armes qui
n 'avaient aucun rapport avec les armes historiques
de Lille ; ces armes étaient assez compliquées et
contenaient des abeilles , un étendard et une ville
bombardée . .
Sous la Restauration , on reprit les armes de
1667 (La fleur de lys sans les lions).
En 1830 enfin , on supprimaderechef l’écu tout
entier .
De toutes ces armes , quelles sont les véritables
armes de Lille ? Pour résoudre cette question , posons
d 'abord les principes qui régissent historiquement
lamatière.
On a pu ajouter certaines pièces aux armesdela
ville, pour lui faire honneur ou pour rappeler une
circonstance mémorable ; mais jamais on n 'a eu le
droit d 'ôter quelque chose à ces armes; encoremoins
de les supprimer ou de les remplacer par d'autres .
Dès lors, Louis XIV , Louis XVIII et Napoléon ont,
tous trois , commis envers nous un abusde pouvoir :
Les deux premiers en effaçant surnotre écu les deux
lions, le troisième en substituant des armes de fan
taisie à celles que les siècles nous avaient léguées .
ARMES DE LILLE
Quant à ceux qui ont tout supprimé : lions ,
fleur de lys , abeilles, étendard et ville bombardée ,
ils ont fait de la politique là où la politique n'avait
absolument rien à voir.... En effet, notre fleur de
lys lilloise n'a aucun rapport avec les armes des
rois de France : c'est un emblème tout local que
nous possédions bien avant l'époque de la domina
vienatuenrelcher
empor pays. Et même,
tion française dansnotre
chant bien
chant et ne aserions
bienà, cnous ine lilpas l
le neembarrassésemdeeren
trouver , à cet emblème, une tout autre origine ,
une origine contemporaine de la fondation de notre
cité..... D'abord , pourquoi Lille ne viendrait- il pas
de Lilium aussi bien et même plus naturellement
que d 'Insula ? Certains jeux de mots commis en
latin sur des médailles frappées à l'occasion de la
prise de Lille par le prince Eugène , sembleraient
justifier cette première étymologie (1); puis encore,
ne trouvons-nous pas , sur nos anciennes cartes
topographiques, le nom de la rivière qui coule dans
nos environs écrit ainsi : Le Lys ? D 'ailleurs , la
fleur de lys est si peu un emblème exclusivement
français, que nous la voyons figurer dans les armes
de quelques familles suisses , allemandes et jusque
sur le vieil écu de la ville de Florence où elle forme
encore un jeu de mots historique (flos , floris ; d'où
(1 ) On trouve sur l'une de ces médailles :
Liliis discerptis , LILIUM captum
J.es lys étantmis en pièces , Lille fut prise .
ARMES DE LILLE

florin ). Enfin nous constaterons une preuve sura


bondante de la complète indépendance de nos armes
à l' égard de l'écu royal français , dans ce lion de
sable dont la signification est ici d'autant plus
explicite , que cette pièce , en s'introduisant dans
notre écu , viole les règles du blason (sable sur
gueules), ce qui la caractérise commepièce rapportée
ou à enquerre, exprimant la suzeraineté des Comtes
de Flandre sur la ville de Lille .
Concluons :
Les armes primitives de Lille, avec les additions
dûment introduites au xve siècle, sont bien les véri
tables et inaliénables armes de notre ville .
Certes, nous sommes moins que personne enclin
à renier le présent au profit du passé ; mais, encore
une fois , la politique est ici complètement hors de
cause ; l'art et l'histoire sont seuls intéressés dans
la question ; or ,vicelle -ci, ni celui-là (l'architecture
surtout), ne peuvent s'accommoder d'un écu vide et
d'une ville sans personnification emblématique ;
voilà pourquoi nous n 'hésitons pas à rétablir sur
la première page de ce livre essentiellement lillois ,
les armes authentiques de la ville de Lille .
· LILLE
LILLE

MISTOIRE .

Lille n'est pas une ville d'origine très- ancienve ;


il est impossible d' en faire remonter la fondation
au -delà du xe siècle . Du reste , cette cité a com
mencé comme l'ont fait toutes les villes de notre
pays : d 'abord un château fort a été bâti, où
s'est logéun vaillant baron aver ses hommes d 'armes ;
bientot, comme il fallait choisir entre la protection
de ce seigneur et les déprédations exercées par ses
soudards, les bonnes gens des environs sont venus
peu à peur grouper leurs humbles cabanes autour
du géant de picrte dont les créneaux veillaient sur
elles ; puis enfin , après la sécurité du corps , on
chercha la sécurité de l'âme, et une église s'éleva
au milieu de cette population ainsi agglomérée ; dès
lors , la ville exista. Le Beffroi ne surgit que plus
tard , et lorsque les manants eurent quelques droits
à défendre contre leur seigneur. L ' embryon de la
ville de Lille s'appelait le château du Buc , (château
dont l'origine est restée fabuleuse) ; sa première
église fut la collégiale de St-Pierre , fondée par le
comte de Flandre Baudouin - le- Débonnaire , et dont
la dédicace eut lieu en 1066 , au milieu d'un brillant
concoursde nobles , de clercs, de gens de tout état, et
en la présence du roi de France, Philippe 1er, pupille
du comte Baudouin. L'acte primitif qui constitua
l'échevinage de Lille n'est pas connu , on suppose
qu'il doitremonter au règne de Baudouin IX , vers
la fin du XII° siècle ; ce qu'il y a de positif , c'est
qu'en 1235 , Jeanne de Constantinople , comtesse
de Flandre , régla la loi échevinale de Lille par un
diplome authentique dont le texte est conservé dans
les archives de la ville .
Nous n'avons pas ici à vous conter , d'un bout
à l'autre ,l'histoire deLille , notre cadre s'y oppose ;
nous pouvons tout au plus nousperinettre un aperçu
WISTOIRE
succinct et rapide des principales phases liistoriques
de notre cité .
Dès les premiers temps de sa fondation , vers
1070 , la ville de Lille rencontra dans la personne
de la comtesse Richilde une sorte de Néron femelle
qui exerça d'odieuses cruautés sur les Flamands,
ses sujets , ce qui lui valut d'être assiégée dans nos
murs par Robert-le -Frison qui la contraignit à se
réfugier en France avec ses deux fils: -- En 1127 ,
le bon comte Charles de Danemarck , ayant été
assassiné dans l'église de St- Donat, à Bruges , le
chef de ses assassins , Bossaert , vint se cacher chez
son oncle quihabitait Lille; mais la colère du peuple
l'y suivit à la piste ; et après quelques recherches ,
le meurtrier fut découvert, jugé etmis à mort sur
la place du marché. — Lamêine année , les Lillois
ayant embrassé le parti de Thierry d'Alsace contre
Guillaume Cliton , son compétiteur au comté de
Flandre , virent leurs remparts attaqués par Guil
laume, qu'aidait dans cette expédition , le roi de
France, Louis - le -Gros ; mais , rencontrant une
défense héroïque, Guillaume et le roi furent forcés
de lever le siége. — En 1213 , le roi Philippe
Auguste, pour punir les Lillois de leur attachement
au comte Fernand , brûla et détruisit leur ville de
fond en comble . La bonne comtesse Jeanne, épouse
de Fernand , travailla, pendant bien des années, à
réparer ce désastre. Lille doit une éternelle recon
BISTOIRE

naissance à cette princesse qui a comblé notre cité


de ses bienfaits, de ses fondations charitables et d'une
foule de priviléges et d'immunités. — En 1214 ,après
la bataille de Bouvines, la ville de Lille futmise dans
la main du roi Philippe- Auguste pour gage de la
rançon du comte Fernand . C'est vers cette même
époque qu'on vit surgir dans le pays un imposteur
qui se faisait passer pour le comte Baudouin IX et
réclamait de la comtesse Jeanne la restitution des
deux comtés de Flandre et de Hainaut. D 'abord
Lille , comme les autres villes , ses voisines , ajouta
foi à cette imposture et reçut le faux Baudouin dans
ses murs ; mais bientôt le roi de France se mêla de
l'affaire ; on assembla un grand conseil à Péronne ;
le fourbe fut démasqué et condamné à mort. On
l'exécuta quelque temps après sur la place du mar
ché à Lille. — En 1297 , Lille fut assiégée par
le roi de France , Philippe-le - Bel ; ce siége dura
onze semaines pendant lesquelles les Lillois firent
des prodiges de valeur, jusqu'à ce que, réduits aux
dernières extrémités , ils obtinrent une capitulation
fort honorable . — En 1304 , la ville de Lille qui
avait été délivrée de la présence des Français à la
suite de la bataille de Courtrai , fut de nouveau
assiégée et forcée d'ouvrir ses portes au roi Phi
lippe-le-Bel. --- En 1312 , par un traité confirmant
une cession préalable , Lille se trouva réunie à la
France , avec le maintien de ses droits politiques .
MISTOIRE
C'est de là que date notre premier apprentissage
des meurs françaises. - Cependant vers la fin de
ce même xiv .e siècle , quand un fils de France
rechercha la main de l'héritière de Flandre , il fut
stipulé que les villes de Lille , Douai et Orchies
seraient restituées au comte de Flandre, Louis de
Male . Bientôt la conduite de ce prince ayant sou
levé contre lui les communes flamandes , il vint se
réfugier à Lille , ce qui, en 1383 , valut à nos
remparts une attaque des insurgés que les Lillois
repoussèrent vigoureusement. — En 1419 , le duc
de Bourgogne, Philippe-le- Bon , devenu comte de
Flandre , fit de la ville de Lille la véritable capitale
de ses possessions flamandes ; en effet , ce prince
aimait à séjourner dans nos murs; c'est là qu'il
présida le premier chapitre de la Toison -d'Or, qu'il
reçut les plus brillantes ambassades , qu'il organisa
lesplus somptueusesfêtes chevaleresquesdel'époque,
qu 'il tint enfin ce fameux banquet du Faisan où des
milliers de chevaliers jurèrent de marcher contre
les infidèles. - - Sous les successeurs de ce prince :
Charles -le - Téméraire , Marie de Bourgogne , Phi
lippe- le -Beau , Maximilien 1 .er et Charles-Quint ,
les Lillois passant de la maison de Bourgogne sous
la domination autrichienne donnèrentà leurs divers
souverains les preuves d'un dévouement qui ne
reculait devant aucun sacrifice d'hommes et d'ar
gent. -- En 1555, après l'abdication de Charles
WST013

Quint, Lille appartint à son fils Philippe II , roi


d'Espagne. Les mæurs espagnoles répugnaient au
caractère de nos ancêtres ; les cruautés exercées au
nom de la foi catholique par les lieutenants de Phi
lippe II déplurent surtout à la tolérante modération
des Lillois ; ils traitèrent fort rudement les marau
deurs espagnols qui dévastaient leur châtellenie .
Néanmoins , d 'un autre côté , leurs convictions
religieuses ne s'accommodaientpasdes tentativesdu
parti des gueux (protestants ); et , forcés de choisir
entre deux répulsions , ils préférèrent encore rester
fidèles à leur légitime seigneur , le roi Philippe:
-- C'est vers cette époque, le 22 Juillet 1582, que
se passa cet épisode si populaire des chroniques
Lilloises où l'on vit une jeune fille du faubourg de
Courtrai, nommée Jeanne Maillotte , se mettre à la
tête des archers de Lille et repousser une dange
reuse attaque que les Hurlus (c'est ainsi qu 'on
appelait les partisans de la Réforme), dirigeaient
contre la ville . — Le 16 février 1600 , la ville de
Lille déploya unemagnificence inouïe pour recevoir
dans ses murs l'archiduc Albert et l'infante Clara
Eugénia sa femme, ce quilui attira de la part de ces
nouveaux souverains de la Flandre , une protection
toute spéciale d 'où résulta pour notre cité un accrois
sement de priviléges , de splendeur et de fortune.
- En 1667 , prétendant avoir des droits sur le
comté de Flandre, du chef de sa femme Marie
HISTOIRE
Thérèse (qui cependantpar son contrat demariage.
avait renoncé aux étatsque possédait le roi d'Espa
gne son père ), Louis XIV vint en personne mettre
le siége devant Lille . Ce siége , commencé le 18.
août , se termina le 28 du même mois par la red
dition de la ville . Dans cette circonstance , les
milicesLilloises, etsurtoutles canonniers bourgeois ,
firent bravementleur devoir ; la garnison espagnole
au contraire , se montra indolente et lâche. Quoi
qu'il en soit , Louis XIV comprit qu'ici les vaincus
étaient ses nouveaux sujets et il agit à leur égard
avec tant de bienveillance , que la contagion des.
mæurs françaises envahit rapidement,notre popu
lation . Il s'opéra sous ce rapport une transformation :
aussi rapide que complète. La ville de Lille était
désormais une cité française et de nom et de cæur..
Elle eut, bientôt après , l'occasion de le prouver .
— En juillet 1708 , deux généraux célèbres de
cette époque , le prince Eugène et Marlborough ,
vinrent attaquer la ville de Lille défendue par le
maréchal de Boufflers.Ce siége,à jamaismémorable,
dura trois mois pour la ville , plus quarante jours.
pour la citadelle ; et, pendant tout ce temps, nos
concitoyens se montrèrent partout au premier rang
des défenseurs de la cité. Les différentes phases de
ce siége présentent des épisodes aussi dramatiques
que sanglants. Réduite à toute extrémité , la ville
se rendit le 25 octobre (l'investissement avait com
HISTOIRE
mencé à la fin de juillet). – De 1708 à 1713 ,
nous vécûmes sous la domination étrangère jusqu'à
ce que le traité d 'Utrecht vint restituer définiti
vement Lille à la France. - En 1792 , l'Autriche
qui ne croyait pas notre ville aussi française qu'elle
l'étaitréellement, vint', sans plus de façon, l'inviter
à trahir la République naissante ; les Lillois reçurent
les Autrichiens à coups de canon ; si bien que ne
pouvant prendre notre cité , ils la brulèrent. . .
Pendant huit jours et 8 nuits (du 29 septembre au
6 octobre inclusivement) un déluge de bombes et
de boulets rouges tomba sur la ville. Nos canon
niers Lillois n'en visèrent pas moins très-juste ; si
bien que le 8 octobre , les Autrichiens décampèrent
honteusement en abandonnant dans la tranchée une
partie de leur matériel brisé , émietté par nos
boulets ; et voilà comme nos pères fournirent à la
Convention l'occasion de décréter ceci : La ville de
Lille a bien mérité de la patrie . ... - - Le 6 juillet
1802 le général Bonaparte, 1.er consul, et sa femme
Joséphine vinrent faire une visite à la ville de Lille ;
il restait encore sur le pavé de nos rues pas malde
ruines du bombardementde 92 ; de sorte que Bona
parte , qui avait un faible marqué pour les braves
gens, se sentit pris d'une vive sympathie pour les
Lillois , et particulièreinent pour nos canonniers
auxquels il décerna deux canons d 'honneur avec
cotte inscription qui, d'après, ses ordres, devait
HISTOIRE
être gravée sur le bronze de ces pièces : LE PREMIER
CONSUL AUX CANONNIERS DE LILLE - Le 23 mai
1810 , Lille recevait de nouveau lemême visiteur ,
mais cette fois il nous arrivait une couronne sur la
tête et une archiduchesse d 'Autriche au bras . Le
général Bonaparte , depuis que nous l'avions vu ,
avait répudié la République et Joséphine.... A vrai
dire, il y avait tant de gloire par dessus tout cela ,
que la belliqueuse cité de Lille accueillit avec un
vif enthousiasme le vainqueur des nations. — En
1814, la France vaincue venait d 'échanger sa gloire
militaire contre ses princes légitimes. Le duc de
Berry fit , à son tour , une visite aux Lillois qui
saluèrent en lui les espérances de paix , voire de
liberté , que la Restauration faisait alors concevoir à la
France . - Le 1.er mars 1815 ,Napoléon débarquait
à Antibes ; le 19 du même mois , Louis XVIII
fugitif arriva dans nos murs ; il y fut entouré , pen
dant son court séjour , de tous les égards dus au
malheur - En 1815 , bataille de Waterloo ! .. . .
Nouvelle invasion de la France par les troupes
alliées. La ville de Lille , au milieu du pays couvert
de troupes ennemies , resta vierge de toute occu
pation étrangère . — Le 22 mai 1816 , fut jugé ,'
condamné et fusillé à Lille , le brave général Char
tran , l'un des plus glorieux martyrs de nos réac
tions politiques. - Le 10 septembre 1827 , le roi
Charles X , vint en personne recevoir les hommages
MISTOIRE
de la ville de Lille . — En 1830 , révolution de
juillet !... . Mais , à nos yeux , le règne de Louis
Philippe n'est pas encore tout-à-fait de l'histoire ;
tout ce que nous voulons en dire ici , c'estque dans
cette dernière phase de son passé , la ville de Lille a
su conserver intacte et pure sa vieille réputation de
cité vaillante et loyale .
TOPOGRAPHIE . .

Situéesur la moyenneDeûle ,à l'extrêmefrontière


du nord de la France (longitude comptée de Paris ,
0° 44' 16 " ; latitude, 50° 37' 50" ), la ville de
Lille tient le septième rang parmi les principales
villes du royaume et le premier parmi les places
fortes. Le terrain sur lequel Lille est assise est
bas, humide et domine à peine de 10 toises la
mer à marée basse . La ville forme un ovale assez
allongé qui , dans sa plus grande longueur ,
s'étend du N .-0 . au S.-E., entre la porte d'Ypres
et la porte de Paris ; cette distance mesure en ligne
droite 2,000 mètres. En largeur , du S .-0 . au
N .-E ., la ville mesure 1100 mètres de la porte de
Dunkerque à la porte de Gand , et seulement 740
mètres dans sa partie la plus étroite , c'est- à -dire
de la porte de Béthune au débarcadère du chemin
de fer .
Maintenant , si nous jetons un coup- d 'neil sur sa
TOPOGRAPITTE
configuration intérieure , nous trouvons la ville de
Lille traversée presque en ligne directe , dans le
sens de sa longueur , par une grande artère , qui
se compose des rues Nationale, Esquermoise et de
Paris ; la place d'Armes forme commeune spacieuse
station au centre de cette ligne interminable. Dans le
sens de la largeur , on ne rencontre pas de direction
aussi régulière ; on trouve au contraire une foule
de rues d'une importance rivale , qui n'offrent
d ' autre caractère topographique qu'une sorte de
rayonnement tourmenté vers le centre commun de
la Grande Place.
Un mot sur l'aspect des rues principales :
La rue Nationale est bordée par les vastes hôtels
de la noblesse et de la grande propriété; de ce côté ,
pas de bruit , pas demouvement, mais un calme
imposant, une propreté exemplaire régnant sur
une voie large et droite , que coupent, de distance
en distance , d 'autres rues aussi calmes , aussi
propres , aussi droites. C'est tout au plus si ce
paisible quartier entend , sur ses deux ailes etdans
un salutaire lointain , pétiller la fusilladedu Champ
de -Mars et soupirer les machines à vapeur de la
rue St-André.
Mais voici que la majesté dégénère en élégance,
et la rue Esquermoise, cette jeune femme coquette ,
toute ruisselante de soie , de velours, de dentelles ,
de bijoux , succède à l'imposante douairière ci
14
TOPOGRAPHIR

devant Royale que nous venons de quitter. La ruo


Esquermoise n'est rien demoins que le délicieux
bazar de toutes les élégances , de toutes les gra
cieuses frivolités de notre riche cité. On rencontre
là certains magasins dont la façade dépasse toutes
les traditions de luxe pour atteindre jusques aux
splendeurs supérieures d'un véritable chef-d'auvre
artistique.
Mais traversons ce vaste parallélogramme, remar
quable surtout par son extrême régularité , qu 'on
appelle la Place d 'Armes, et entrons, sans encombre
(si c'est possible ), dans cette remuante , grouillante
et étourdissante rue de Paris, où s'entrechoquent
toutes les allées et venues du petit et du grand
commerce lillois. A son début, la rue de Paris est
une active et infatigable bourgeoise quidébite à des
nuées de chalands, ses draps, ses cotonnades, ses
épiceries ; un instant, elle se transforme en négo
ciante du commerce en gros , encombrant les trot
toirs de ses énormes balles de toiles prêtes à partir
pour toutes les directions de la carte de France ;
puis , tout-à -coup , et sans crier gare, elle devient
le bruyant forum d 'une innombrable population
ouvrière que déversent sur son pavé les étroites
ruelles aboutissant au quartier St.-Sauveur.
Maintenant que nous avons analysé la ville en
long , s'il fallait encore la détailler en largeur, nous
n 'en finirions jamais avec la partie pittoresque de
TOPOGRAPNIE 15
notre topographie. Il nous faudrait passer en revue
et le rivage de la Basse - Deûle avec ses grosses
bélandres, sa forêtdemâts ; et la place St. -Martin ,
rendez-vous général des diligences de labanlieue et
des choux- fleurs de St.-Omer ; et la rue de la
Grande-Chaussée qui vend côte -à- côte , sa drogue
rie , ses porcelaines, ses chasubles, ses pianos et ses
sangsues; et la rue du Palais avec ses camions, ses
charrettes de mareyeurs boulonnais , ses énormes.
voituresde roulage qui écrasent peu de monde, mais
ne laissent passer personne; et la rue de l'Hôpital- .
Militaire , naguère le paisible séjour des hommes de
loi, que révolutionne , à cette heure, le continuel
passage des omnibusd 'Haubourdin ; et tant d 'autres
rues encore qui toutes possèdent une physionomie
originale et curieusement individuelle .... Mais
ceux pour qui nous écrivons ceci sont appelésà voir.
de leurs yeux ce que notre plume est impuissante à
bien dépeindre ; nous bornons donc ici notre des
cription à vol d'oiseau , d 'autant mieux que nous
avons encore à vous donner une idée sommaire dų:
caractère et des mœurs de ceux qui habitent cette
ville de Lille , dont nous vous supposons le bien
veillant visiteur.
MEURS ET USAGES .

J'ai passé toute ma vie à Lille et pourtant je ne


NEURS ET USAGES
suis pas Lillois , attendu que j'ai eu le malheur de
naitre à quelques portées de canon des remparts de
cette ville , ce qui me place vis - à -vis de ceux dont
je vais parler , dans la position d'un étranger dont
l'impartialité ne saurait être mise en doute . Vous
croyez la distinction un peu trop subtile et vous
avez tort , car vous saurez que le fond du carac
tère lillois se compose d'un patriotisme local
très-exclusif qui peut se formuler ainsi ::« Art. 1.er
Quiconque n 'est pas né dans une maison de
Lille et baptisé dans une église de Lille , n 'est:
pas Lillois..... Art. 2 etdernier : Quiconque n'est
pas Lillois est étranger ! » En d'autres termes ,
le Lillois est l'homme municipalpar excellence . Au
moyen -âge : les rois , les comtes et les châtelains,
de nosjours : lespréfets etles fonctionnairesnomades,
se sont tous heurté , sinon brisé le front contre ce
tempérament susceptible et réfractaire. Or, si cette
disposition a parfois empêché les Lillois de faire
très - bon ménage avec ceux qui leur venaient du
dehors, elle est en revanche , entrée pour beaucoup
dans cet intrépide héroïsme qui leur a fait en tout
temps apporter à la défense de leurs remparts as
siégés , une obstination des plus glorieuses. On ne
peut donc pas bonnement signaler comme un défaut
ce que l'histoire nous donne pour une vertu sans
pareille . Du reste , il faut en convenir , le muni
cipalisme du Lillois ne se montre un peu difficile à
MEURS ET USAGES 14

vivre qu'à l'encontre de ceux qui par goût ou par


état, viennent s'immiscer directement dans les af
faires de la cité ou du ménage; hors de là et pour
tous ses autres visiteurs , le Lillois se montre:
prodigue d'une hospitalité cordiale et gracieuse .
A Lille, la bourgeoisie travaille ,gagneetdépense ;.
la noblesse vit à part et économise. Il est cepen
dant un terrain unique sur lequel ,dans lesmoments
difficiles , se rencontrent ces deux classes de la
société Lilloise , c'est celui d'une charité généreuse,
inépuisable , s'ingéniant à soulager une population
pauvre de 35 mille âmes sur 75 mille habitants . Il
n'existe peut-être pas en France une ville de province
où les établissements de bienfaisanco soient aussi
nombreux qu'à Lille ; sans compter qu'à chaque
instant, on y met à contribution , au profit des
pauvres , ce goût pour les fêtes et le luxe qui cons
titue un des traits les mieux marqués de la phy
sionomie caractéristique des Lillois . Il est vrai que
les Lillois n 'ont pas besoin de ce stimulant pour
donner l'essor au penchant qui les entraîne vers les
exhibitions luxueuses ; en effet , on rencontrerait
difficilement ailleurs un tel déploiement de toilettes
dans les salons, et de voitures sur le pavé des rues.
Les voitures surtout sont innombrables à Lille :
petits et grands, toutle monde y a la sienne; il est
vrai que la plupart ne sortent de la remise que le
dimanche, attendu que le cheval qu'on y attelle a
NEURS ET USAGRS
da voiturer des marchandises pendant toute la
semaine. Les chevaux lillois sont généralement
habitués à alterner entre le camion et l' équipage ; et
leurs maîtres, bons calculateurs , n 'admettent ainsi
qu'un luxe qui se défraye par lui-même.
Mais à propos de yoitures n'oublions pas de
signaler ici ce véhicule si original qu'on appelle
vinaigrette. ... C 'est l'ancienne chaise à porteurs ,
non plus portée mais traînée par deux hommes dont
l'un s'attelle entre les brancards et l'autre pousse par
derrière. M . Jules Janin , dans un article sur Lille ,
a dit qu'il nous conterait un jour l'histoire d 'un
pauvre père traînant ainsi le séducteur de sa fille . ..
- Ne craignez pas que cette promesse soit jamais
tenue : M . Janin est plus gascon que les Lillois ne
sont séducteurs !
Une autre particularité à signaler dans le caractère
du Lillois , c'est un goût très -prononcé pour la
musique. Lille possède , à elle seule , cinq ou six
musiques militaires très -remarquables , trois ou
quatre sociétés d 'harmonie , plusieurs sociétés cho
rales , une Association musicale très-active , très
prospère, et pour préparer toutcela , uneacadémie
de musique quilance , chaque année , dans le monde
artistique , des sujets fort distingués. On sait d'ail
leurs que le festival de 1829 et surtout celui de
1838 ont valu , sous ce rapport, à la ville de Lille ,
une réputation très -retentissante . Nous n 'avons pas
HOURS ET USAGES
besoin d'insister ici sur la haute renommée indus
trielle de cette même ville ; son tissage , ses filatures
de coton et de lin , et ses fabriques de fil retor's
démontrent à tout venant l'étonnante aptitudemanu .
facturière des Lillois.
· Lille compte parmi ses 75 mille habitants , au
moins 20 mille ouvriers des deux sexes. Cette
partie de la population est généralement économe et
laborieuse ; cependant, en relevant l'énorme con
sommation qui se faità Lille de genièvre et de bière ,
on hésite à concéder aux ouvriers Lillois le mérite
d'une tempérance rigoureuse. Toujours est-il que,
dans les jours les plus orageux et alors que le manque
d 'ouvrage et les troubles politiques amenaient cette
population dans la rue, tout s'est borné, le plus sou
vent, à desmanifestations plus ou moins chantantes et
bruyantes, sans autres tentatives d'une violence
organisée et préméditée. Sous ce rapport, les excep
tions à citer sont fort rares , et ne doivent pas nous
empêcher de reconnaître qu 'il existe en France peu
de grands centres industriels où la population ou
vrière se montre mieux disposée à l'ordre et à la
discipline.
Quoiqu'il en soit , la classe pauvre est jusqu'ici
très-mal logée à Lille , et il y aurait de grandes
réformes à exécuter sous ce rapport comme sous
tous ceux qui touchent à l'hygiène populaire :
vêtements , nourriture , etc . La municipalité lilloise
XCURS ET USAGES
fait de louables efforts pour atteindre ce but. Espé
rons que nous verrons bientôt disparaître les entraves
légales (1 ) et autres que rencontrentdans cette voie
les gens de cæur qui s'intéressent au bien-être de
leurs semblables.
La plupart des usages de la ville de Lille lui sont
communs avec les autres grandes cités du dépar
tementdu Nord . Ces usages sont, pour la plupart,
issus d 'anciennes traditions de la vieille Flandre ;
ainsi , chaque corporation de métier a un Saint pour
patron et, le jour de la fête de ce Saint, la danse
et les joyeuses libations ne trouvent pas d'esprits
forts pour leur résister . Parmi ces réjouissances
populaires , la plus réputée, la plus générale , c'est
celle du Broquelet , fète des dentellières; et certes,
ce serait une excellente aubaine, pour un étranger
tant soit peu observateur , que de pouvoir , au mois
de Mai , assister dans les jardins de la Nouvelle
Aventure (faubourg de Béthune)à la célébration de ce
curieux anniversaire. Ce jour là , pauvres et riches
paraissent heureux !..... l'ouvrier, sa femme, ses
enfants s'endimanchent splendidement, et tout ce
monde monte en fiacre ; on s'entasse à quinze ou
vingtdanslamêmevoiture , quidessus, quidessous,
qui en long , qui en large, qui en travers..... et
lorsque cette arche de Noé se met à rouler , ce ne

(1) Les lois existanies ne permettent pas d 'interdire la location


des maisons jusalubres .
MOEURS IT USAGES

sont, tout le long de la route , qu interpellations:


comiques, cris joyeux , éclats de rire à casser les
vitres .... et l'on arrive ainsi à la Nouvelle -Aventure.
où l'on danse , boit et s'amuse, un , deux, trois
jours durant, jusqu'à ce qu 'à défaut de la fatigue
vienne la fin des écus..... Un moraliste économe
trouverait bien quelque chose à reprendre à tout
ceci ; quant à nous, nous avouons franchement que
nous n'avons pas le courage de chicaner les ouvriers.
lillois pour ces quelques heures de gaſté , de bon
heur qu'ils trouvent dans toute leur année .
Nous pourrions encore ranger parmi les usages
de Lille certains pèlerinages traditionnels aux Saintes
Madones des environs ; le pèlerinage à Notre- Dame
de Loos surtoutmériterait une mention toute par
ticulière ; mais , tout incomplet qu'il puisse être,
ce chapitre des mæurs lilloises affecte déjà des
dimensions inquiétantes, et nouscroyons en avoirdit
assez pour que les étrangers soient tentés de cher - .
cher à découvrir le reste par eux-mêmes..
XURS ET USAGES
fait de louables efforts pour atteindre ce but. Espé
rons que nous verrons bientôt disparaîtreles entraves
légales ( 1) et autres que rencontrentdans cette voie
les gens de cæur qui s'intéressent au bien -être de
leurs semblables .
La plupart des usages de la ville de Lille lui sont
communs avec les autres grandes cités du dépar
tement du Nord . Ces usages sont, pour la plupart ,
issus d'anciennes traditions de la vieille Flandre ;
ainsi , chaque corporation demétier a un Saint pour
patron et , le jour de la fête de ce Saint, la danse
et les joyeuses libations ne trouvent pas d'esprits
forts pour leur résister. Parmi ces réjouissances
populaires , la plus réputée , la plus générale , c'est
celle du Broquelet, fète des dentellières ; et certes,
ce serait une excellente aubaine, pour un étranger
tant soit peu observateur, que de pouvoir, au mois
de Mai, assister dans les jardins de la Nouvelle
Aventure (faubourg de Béthune)à la célébration de ce
curieux anniversaire. Ce jour là , pauvres et riches
paraissent heureux !.. ... l'ouvrier , sa femme, ses
enfants s'endimanchent splendidement, et tout ce
monde monte en fiacre; on s'entasse à quinze ou
vingtdans la même voiture,quidessus , quidessous,
qui en long , qui en large, qui en travers..... et
lorsque cette arche de Noé se met à rouler, ce ne

(1) Les lois exis:anies ne permettent pas d'interdire la location


des maisons insalubres.
NEURS IT USAGES
sont, tout le long de la route , qu interpellations:
coniques , cris joyeux, éclats de rire à casser les
vitres .... et l'on arrive ainsi à la Nouvelle -Aventure
où l'on danse , boit et s'amuse , un , deux , trois
jours durant, jusqu'à ce qu 'à défaut de la fatigue
vienne la fin des écus..... Un moraliste économe
trouverait bien quelque chose à reprendre à tout
ceci ; quant à nous, nous avouons franchement que
nous n'avons pas le courage de chicaner les ouvriers.
lillois pour ces quelques heures de gaîté , de bon
heur qu'ils trouvent dans toute leur année.
Nous pourrions encore ranger parmi les usages
deLille certains pèlerinages traditionnels aux Saintes,
Madones des environs; le pèlerinage à Notre-Dame
de Loos surtout mériterait une mention toute par
ticulière ; mais , tout incomplet qu'il puisse être,
ce chapitre des mæurs lilloises affecte déjà des
dimensions inquiétantes , et nous croyons en avoir dit
assezpour que les étrangers soient tentés de cher.--.
cher à découvrir le reste par eux -mêmes..
CURIOSITÉS MILITAIRES
CURIOSITÉS MILITAIRES AIDINO
AT

FORTIFICATIONS

La ville de Lille est aujourd 'hui au premier rang


des places fortes de la France ; pour en venir là ,
voici par quelles transformations successives ses
remparts ont passé . — En 1030 , le comte de Flan
dre, Baudouin IV , commença la construction de ses
premièresmurailles qui furent terminées , en 1047,
par Baudouin -de- Lille , fils et successeur de ce
26 TORTWICATIONS
prince. - Vers 1216 , après le sac de Lille par :
Philippe-Auguste ,l'enceinte primitive fut agrandie
sur la gauche de la porte des Malades (aujourd 'hui
porte de Paris),par l'enclavement de la paroisse de
Saint-Sauveur. Dès -lors la ville compta six portes
nommées : de Courtrai,des Reigneaux , du Molinel,
de Weppes , de St-Pierre et des Malades. — Vers
1407 , l'enceinte de Lille subit un second agrandis
sementdans la direction de la porte de la Barre; on
engloba alors dans la ville la paroisse de Sainte
Catherine.
Le 10 décembre 1540, l'empereur Charles-Quint
autorisa , par lettres-patentes , un troisième agran
dissement de Lille , dans la direction du midi,
(de la porte des Malades jusqu'à la porte de la Barre);
mais cetagrandissement ne fut exécuté qu 'un demi
siècle plus tard , vers 1605 .
De 1617 à 1622 , s'effectua un quatrième agran
dissement par l'enclavementdu faubourg de Cour
trai jusqu 'à la porte de la Madeleine (aujourd'hui
deGand). Le terrain occupé par le château de Cour
trai, forteresse bâtie par Philippe-le -Bel en 1301,
sur les bords de la Basse -Deûle, fut compris dans
cette nouvelle enceinte. Cet agrandissement com
mençait au demi-bastion gauche de la porte de la
Madeleine et finissait au bastion placé à la droite de
la porte de Fives (aujourd'hui de Tournai). Par suite
de ce changement, les portes de Courtrai et des
FORTIFICATIONS
Reigneaux furentabolies et remplacées par les portes
de la Madeleine et de St-Maurice (aujourd 'hui de
Roubaix .) On commença à employer pour le tracé de
cette nouvelle fortification le système des bastions.
Les tours usitées jusque -là devenantinsuffisantes ,
depuis l'application du canon à l'attaque des places ,
on continua, les années suivantes , à rectifier l'en
ceinte dela ville en luiappliquantle nouveau système
de fortifications. Cette transformation des tours en
bastions se poursuivait encore en 1659 , époque à
laquelle remonte la construction du bastion de la
Noble- Tour , situé à gauche de la porte desMalades .
Du reste , il paraît que dans cette dernière partie , le
tracé de la nouvelle enceinte suivit à peu près le
tracédel'ancienne.
Enfin , de 1669 à 1672 , eut lieu le cinquième-
etdernier agrandissement. Cette fois ce fut le maré
chal de Vauban qui se chargea de donner à la ville
de Lille cette inexpugnable ceinture d 'ouvrages de
toute espèce qui fait aujourd'hui son orgueil, sa ,
force et sa sécurité. Vauban ajouta à l'enceinte de la
ville un terrain immense situé entre la porte de la
Barre etla porte de la Madeleine ; il engloba dans
l'enceinte nouvelle toutle faubourg de St-Pierre et
toutle quartier Saint-André; et en mêmetemps, il
bâtit au côté droit de la porte de la Barre celte
redoutable citadelle qu'on a depuis, proclamée son
chef- d'auvre .
28 FORTIFICATIONS
Pendant le cours de son existence commeplace
forte , la ville de Lille à soutenu sept siéges :
1.• En 1128 , contre Louis -le -Gros , roi de
France, qui fut forcé de se retirer après plusieurs
attaques inutiles.
2.° En 1213 , contre Philippe- Auguste qui prit
la ville et la détruisit de fond en comble .
3 .° En 1296 , contre Philippe -le - Bel qui l'at
taqua dans toutes les règles de l'art usitées à
cette époque et la força à capituler après une longue
résistance.
4.• En 1304, contre ce même roide France
quis'en empara denouveau .
5 .° En 1667, contre Louis XIV qui y entra après
neuf jours de tranchée ouverte .
6.• En 1708 , contre le prince Eugène qui ne
s'en rendit maître qu 'au bout de trois mois d'une
défense héroïque.
7 .• En 1792 , contre le prince de Saxe- Teschen
quise retira après l'avoir bombardée pendant neuf
jours.
Maintenant que nous connaissons le passé des
remparts de Lille , nous allons soumettre à une
rapide inspection leur état présent.
Nous l'avons dit ailleurs : l'enceinte de Lille forme
un ovale long d'environ 2,000 mètres et large de
800 à 1 , 100 mètres; elle est percée de septportes ;
à savoir : au nord , la porte d'Ypres; à l'est , les
FORTIFICATIONS
portes de Gand , de Roubaix etde Tournai ;"au sud ,
celle de Paris ; à l'ouest celles de Béthune et de la
Barre. La Citadelle est également située à l'ouest.
Nous passerons rapidementen revue les différents
fronts quientourent cette place en commençant par
la droite de la citadelle . — Entre la citadelle et la
porte d'Ypres, il n'y a qu'un demi- front auquel
aboutit la communication qui le relie aux ouvrages
de la citadelle . Ce demi-front est couvert par des
ouvrages extérieurs s'étendant jusques au pied de
l'inondation qui entoure toute la partie extérieure
de la citadelle. A droite de la porte d'Ypres , se
trouve un beau bastion couvert par un ouvrage à
cornes. Lc front suivant couvre la Porte-d'Eau ;
c'est celui que le prince Eugène a choisi pour son
point d'attaque (siége de 1708), non pas parco
qu'il était plus faible que d'autres points , mais
probablement à cause du voisinage de la Deule qui
facilitait le transport par eau du matériel et des
munitions venant de Menin . La durée du siége de
1708 prouve que ce front étaitdéjà très-fort à cette
époque; néanmoins on y a ajouté depuis plusieurs
ouvrages extérieurs destinés à mieux le couvrir
encore. -- Vient ensuite le front de la porte de
Gand ; c'estau bastion de la gauche de ce front que
se termine l'agrandissement exécuté par Vauban .
Donc, cette partie unefois dépassée , nous trouvons
l'ancien corpsdela place construit par les Espagnols,
FORTIFICATIONS
auquel cependant on a opéré depuis divers chan
gements que nousaurons soin d 'indiquer en passant;
comme, par exemple : l'ouvrage à cornes qui couvre
le front de cette porte de Gand a été ajouté par
Vauban , et c'est un des ouvrages les mieux conçus
de ceux qui entourent la ville . En effet, il couvre
parfaitement de ses feux le front suivant et force
l'ennemi à s'attaquer préalablement à lui avant de
faire le siége du corpsde la place . Il y a des cavaliers
sur le terre-plein des bastions ; c'est sur le cavalier
du bastion de gauche qu'était placée cette batterie
dite du Meunier , qui, servie par les canonniers
bourgeois de Lille , incommoda si vivement les
travailleurs de la tranchée,pendantle siégede 1667.
On sait qu'après la prise de la ville , Louis XIV s'en
vint en personne complimenter les canonniers à
leurs pièces.
Le front suivant est percé par la porte de Rou
baix . Des deux bastions de ce front , l'un , celui de
gauche , est surmonté d'un cavalier dont les feux
plongeants seraient fort utiles à la défense ; du
reste , cette partie est peu exposée à une attaque ,
attendu qu'elle forme un rentrant. Au surplus ,
ces bastions sont parfaitement couverts par les
ouvrages avancés.
De la porte de Roubaix à celle de Tournai , l'an
cien corps de la place construit par les Espagnols
était fort irrégulier , et bien qu'il y eût en avant de
FORTIFICATIONS
cette partie une inondation qu 'on peut tendre à
volonté et qui n'est pas exposée à être saignée , on
ya cependant, de 1767 à 1771 , pratiqué un léger
agrandissementau corps de la place et ajouté plusieurs
ouvrages avancés .
La porte de Tournai est pratiquée dans le front
suivant. On voit dans la gorge du bastion de la
droite de ce front, les traces de l'ancienne porte
de Fives . Cette entrée supprimée est couverte
par le bastion qu'on y voit aujourd'hui. Ce fut
là le point d 'attaque choisi par Louis XIV en
1667 ; mais, à cette époque, le bastion dont nous
venons de parler et la contre- garde qui le couvre
n 'existaient pas ; il y avait là simplement de
petites demi-lunes non revêtues. Le bastion sui
vant, appelé bastion de la Noble- Tour , à cause
d ' une tour des anciennes fortifications qui se trouve
encore aujourd 'hui dans son intérieur , a été cons
truit par les Espagnols en 1659 ; mais l'ouvrage à
cornes qui le couvre est de Vauban. Les pièces qui
accompagnent ce dernier ouvrage sont d'une cons
truction plus moderne encore. L 'enceinte de la ville
présente de ce côté une tête offrant deux fronts
séparés au centre par le petit fort de St-Sauveur.
Ce fort, construit en 1671 , est fermédu côté de la
ville ; à l'extérieur , il est couvert par une contre
garde ; en outre, il y a des demi- lunes sur les
courtines.
FORTIFICATIONS:
Vient'ensuite la porte de Paris dontnousdonnons là:
description dans un article spécialement consacréaux;
portes de Lille. Le bastion à droite de cette porte a
été construit par Vauban ; il est couvert par un .
ouvrage à cornes avec quelques ouvrages intérieurs
élevés en 1768 . Lecorps dela place entre ce bastion
etl a porte de Béthune a été rectifié en 1771 ; on a
alors substitué un nouveau bastion à une espèce de
redan quise trouvait à la gauche de cette dernière
porte et on a ajouté quelques pièces avancées.
Le corps de la place autour de la porte de Béthune
a été commencé par les Espagnols en 1605 , lors du
troisième agrandissement de la ville ; il paraîtcepen
dant que les travaux n'ontété terminés qu'en 1621 ,
car on trouve cette date inscrite sur la porte de
Béthune.
De la porte de Béthune à la citadelle , il n 'y a que
deux fronts dans l'un desquels on a pratiqué la porte
de la Barre et une porte d'eau . Cette partie estdé
fendue par des ouvrages détachés et par une grande
inondation qui étant tendue peut mettre sous l'eau
tous les environs à plus d 'une demi-lieue de dis
tance. En avantet à droite de la porte de Béthune ,
jusqu'à la porte de la Barre , se prolonge une
digue construite en 1699 qui est destinée à em
pêcher l'inondation de s'étendre jusqu'auxmurs de
la ville. L'intérieur de cette digue forme une es
FORTIFICATIONS 53
pèce de camp retranché que l'assiégé peut inonder
s'il le veut.
Maintenant que nous avons fait tout le tour des
remparts de la ville , il nous reste à visiter ceux
de la citadelle .
La citadelle est séparée de la ville par une vaste
esplanade ; protégée à l'extérieur par l'inondation ,
elle n'est attaquable que du côté de la ville ; elle .
forme un pentagone régulier avec une profusion
d'ouvrages détachés sur chacun de ses fronts.
Depuis le siége de 1708 , on a encore ajouté les
contre -gardes retranchées que nous y voyons au
jourd'hui.
Les eaux de la citadelle communiquent direc
tement avec la Haute-Deûle , et sont maintenues
dans les fossés par un bâtardeau établi près de la
jonction de la citadelle avec la ville sur e front St
André. Pour que l'ennemi, maître de la ville , ne
puisse saigner ces fossés, on les a creusés de 5 ou
6 pieds au -dessous du niveau du fond du fossé
placé en arrière du bâtardeau mentionné ci-dessus.
L 'intérieur de la citadelle estoccupé par deux rangs.
de bâtiments (casernes , arsenaux , etc. .) parallèles.
au tracé de la place et formant au centre une vaste
place d'armes . La citadelle a deux portes : 1° du:
côté de la ville , la porte dite royale sur laquelle on
lit une inscription latine en l'honneur de Louis.
XIV ; 29 du côté de la campagne , la porte dite de
FORWFICATIONS
secours, cette dernière est fermée et ne doit servir
qu'en cas de siége.
Nous ne voulons pas entrer dans d'autres détails
plus spéciaux qui n'intéresseraient que ceux aux
quels nous avons précisément quelque intérêt à ne
pas les donner. ... Il nous suffira de dire en finis
sant que la ville de Lille avec son grand armement
(319 bouches à feu) sur les remparts , ses quatre
inondations tendues, sa garnison au complet, ses
magasins et ses arsenaux bien fournis , ne pourrait
être convenablement attaquée que par une armée
de cent mille hommes munie d 'un immensematériel
de siége. Quant à la citadelle , nous dirons simple
ment que , famine à part , elle est imprenable .
PORTES .

La ville de Lille compte sept portes nommées :


d' Ypres, de Gand , de Roubaix , de Tournai, de
Paris, de Béthune et de la Barre ou de Dunkerque.
L 'une de ces portes , celle de la Barre, ne mérite
ce nom que pour autant qu il indique simplement
une percée faite dans le mur d 'enceinte ; en effet
la porte de la Barre n'est pas même couverte d'une
voûte ; il n 'y a là en tout et pour tout que deux
piles de maçonnerie supportant le pont-levis
Trois autres , celles de Gand , de Béthune et de
Roubaix ont été construites par les Espagnols en
1621 et 1622 ; la dernière présente dans sa cons
truction certaines particularités d 'un effet assez
pittoresque. Elle est surmontée de petits donjons
36 PORTE
S
crénelés et porte aux deux côtés de sa face ex
térieure les armes de Castille sculptées en relief.
Cette porte et celle de Gand , sa contemporaine ,
sont encore remarquables par l'emploi fait dans
leur construction de briques vernies de diverses
couleurs formant des dessins variés.
La porte de Paris est un véritable monu
ment. Elle fut construite en 1682, en l'honneur
de Louis XIV , conquérant de la Flandre. Son or
donnance est des plus remarquables , l'architecte
Volans y a mis tout ce que le style de l'époque
possédait de grandeur et d'élégance. Sa décoration
d'ordre dorique est surmontée d'un trophée com
posé de nombreux personnages allégoriques , au
milieu desquels la victoire couronne le buste de
Louis XIV . Aux deux côtés du monument, entre
les colonnes, on a placé la statue du Dieu Mars et
celle d 'Hercule . Par sa grande élévation et son
ornementation luxueuse , ce monument produit à
distance un effet très-imposant.
Quant aux portes de Tournai et d'Ypres, bâties
à la même époque , on y remarque les trophées
composés de massues, de cuirasses, de tambours,
de drapeaux , de casques , de canons, que l'on
prodiguait partout en ce temps - là . Du reste
Louis XIV est représenté ici par son emblème
favori : le soleil ! -- Napoléon s'est contenté d'une
étoile .... )
ARSENAUX MILITAIRES .

Arsenal de la ville . — Lorsque , en 1708 , à


la suite de la prise de la ville par le prince
Eugène , Lille fut soumise à la domination hol
landaise , les vainqueurs qui appartenaientau culte
protestant, exigèrent de nos magistrats la cons
truction d 'un temple réformé. Nos édiles furentbien
forcés de se conformer à cet ordre , et ils firent
construire , en 1712 , un édifice convenable près du
Pont-de-l'Arc , vers l'entrée de la ruedes Bouchers .
Mais bientôt la ville de Lille , en vertu du traité
de paix d'Utrecht , ayant été rendue à la France ,
le temple protestant fut transformé en arsenal
militaire ; on y ajouta alors diverses constructions
nécessaires pour abriter le nombreux matériel de
l'armement de la place.
NAUX ILITAIRES
38 ARSE M
Aujourd 'hui, l'arsenal de Lille se compose de
trois corps-de-logis très-vastes, dont deux sont
remplis d'affûts , de forges, de chassis , de leviers,
d'écouvillons, de refouloirs, de masses , pioches ,
pelles, poutrelles , madriers, et autres pièces en
fer ou en bois appartenant au service de l'artillerie .
Tout ce matériel est groupé et engerbé avec un
ordre admirable . Devant ces magasins et sur le sol
de la cour, sont rangées de nombreuses bouches à
feu de gros calibre. On y remarque aussi quelques
uns de ces petits mortiers de 15 centimètres dont
l'usage est de plus en plus favorablement apprécié
dans la défense des places . En effet , le peu de
pesanteur de ces mortiers permet de les trans
porter facilement et rapidementsur un point donné;
lorsqu'ils y ont tiré quelques salves bien poin
tées et au moment où l'ennemidirige son feu de
leur côté , on peutde suite les porter sur un autre
point où ils recommencent à jouer pendant que le
tir ennemi s'acharne, en pure perte , sur le lieu
qu'ils occupaient d'abord . L 'avantage des mortiers
de petit calibre est aujourd'hui bien reconnu et
l'on revient peu à peu de l'engoûment longtemps
professé pour les mortiers monstres.
Le troisième bâtiment de notre arsenal , celui-là
même qui servait au culte protestant sous l'occu
pation hollandaise , était , il y a quelques années ,
rempli jusqu'aux combles d 'armes portatives de
ARSENAUX NILITAIRES

toute espèce ; mais en 1844 , lors des troubles oc


casionnés dans nos murs par le recensement , on
crut devoir mettre toutes ces armes à l'abri d 'un
coup demain , en les transférant dans l'arsenal de
la citadelle ; de sorte qu'à l'heure qu'il est, à part
quelques centaines de cuirasses et de fourreaux de
sabre sans lames , les salles de ce corps de logis
sont complètement vides. On n'y trouve pour tout
matériel que des rames de papier à gargousses,
quelques boîtes à mitraille , deux mortiers -éprou
vettes,et , commeobjet de curiosité ,un assortiment
de tout petits canons ayant probablement servi
autrefois aux salves de réjouissance de quelques
confréries d'archers ou d'arbalétriers . Ces pièces
naines sont ornées de dessins , de moulures , d'é
cussons armoriés, qui leur donnent une certaine
valeur artistique.
Arsenal de la Citadelle. — Nous trouvons ici
tout d'abord les dépouilles de l'arsenal de Lille
jointes à l'armement spécial de la citadelle ; c'est -à
dire que dans des salles immenses, sur des chassis
artistement disposés, se dressent en gerbes étin
celantes d 'innombrables fusils , sabres , pistolets
de toutes formes , de toutes tailles, depuis le
poignard du fantassin jusqu'à la latte du cuirassier ,
depuis le mousqueton court jusqu'au gigantesque
Lusil de rempart. Ici , ce sont les armes à silex
da vieux modèle réservées à la garde nationale ;
ARSENAUX VILITAIRES
là , les armes à percussion de l'armée ; el parmi
elles, on trouve des, échantillons de tous les essais
de perfectionnement tentés dans ces dernières
années : canons carabinés , canons à spirales ,
canons à tige , culasses mobiles , tenons de baïon
nette à ressort , etc ., etc . ; car , en fait de moyens
de destruction , l'hommen 'est jamais à bout d 'in
ventions , de perfectionnements , et le Gouver
nement ne se lasse pas davantage de réaliser à
grands frais tous les rêves des inventeurs ; té
moins trois ou quatre mille fusils (modèle refusé)
de l'arsenal denotre citadelle qui ne peuvent servir
ni à l'armée, ni à la garde nationale, et que les
Anglais , à notre place , s'empresseraient de vendre
à n'importe quel peuple révolté.
Indépendamment de ce matériel moderne , l'ar
senal de la citadelle contient quelques armes an
ciennes réunies là comme objets de curiosité . Nous
citerons dans cette catégorie : une petite arque
buse à rouet, arme de luxe du xvie siècle dont
la crosse et la batterie sont ciselées et sculptées
avec élégance , un fusil à silex de calibre or
dinaire , mais dont le canon est d 'une longueur
telle que pour être restée quelque temps appuyée
sur ses extrémités , cette arme décrit aujour
d 'hui une courbe très - sensible . Cette insigne canar
dière , qui vise au tir rétrospectif , a pour voisine
une autre monstruosité d 'une complexion athlétique .
ARSENAUS MILITAIRES 41
Certes , ce n 'est pas ce fusil -là qui , comme le
En elchargé con ferait.
précédent , se courberait de lui-même; on ferait
bien passer dessus un caisson chargé qu'il ne
e cpashosed'une
ecèderait
t loumjamais
être
e, enen faitEn d'armes
masinligne....
imaginé,
effet , on n'a peut
portatives ,
quelque chose de plus monstrueusement gros, long
et lourd . Maintenant qu 'on est en train de réfor
mer et de démolir les affûts de 4 , on devrait bien
en garder un pour y épauler convenablement le fusil
en question . Ici , comme dans l'arsenal de la ville ,
nous trouvons encore quelques -uns de ces canons
miniatures qu'on ne serait pas gêné d'introduire
en qualité de projectiles dansl'immense gueule du
fusil ci -dessus.
Quoiqu'il en soit , toute cette bibliothèque de
sabres , de baïonnettes , de fusils , produit un
effet des plus pittoresques .
Dans d'autres locaux est étagée une seconde
collection des divers engins d'artillerie, en fer et
en bois , que nous avons déjà remarqué dans l'ar
senal de Lille ; et là encore , nous trouvons rangées
sur le sol de longues files de gros canons en :
bronze et de mortiers posés sur leur bouche , la
culasse en l'air.
Ce n'est pas tout : le magasin du Couvent des
Carmes et celui qui avoisine l'esplanade contien
nent un nombreux supplément de ces arguments
ci-devant royaux (ultima ratio regum !) ; sans
ARSENAUS MILITAIRES
compter d'innombrables piles de boulets , bombes
et obus qui ont tout l'air de ne craindre que la
rouille ......
Enfin , en visitant nos divers arsenaux , vous
passerez en revue trois à quatre cents bouches à feu
et suffisamment d ' armes portatives pour armer cent
mille honımes , car c'est bien là le chiffre du con
tingent réglementaire du matériel de notre place .
MAGASINS MILITAIRES.

Le plus remarquable de tous est situé près de la


porte d 'Ypres ; c'est un édifice vraiment colossal
dont le faîte domine toutes les constructions de la
ville. La tour de Sainte -Catherine elle-mêmea bien
de la peine à montrer sa tête par -dessus le toit du
Grand magasin . Cet édifice d 'une architecture im
posante par sa masse , simple quoique élégante dans
ses détails, a été construit en 1730 , par ordre des
États de la province , pour servir de grenier de
réserve contre les éventualités de la disette de
céréales . Depuis , le grand magasin est devenu
propriété de l'Etat et il est affecté au service de l'Ad
ministration militaire.
MAGASINS MILITAIRES
Sur le quai de la Haute -Deule se trouve un
autre magasin appartenant à la même administra
tion et spécialement réservé aux effets militaires .
Les bâtiments très- vastes qui composent cet établis
ment formaient autrefois le couvent des Minimes. I
Le département de la Guerre possède encore, dans
Lille , plusieursautres magasins :magasin du génie
- aux fourrages – des hôpitaux – des lits mili
taires, quine sont remarquables que parce qu'ils
concourrent efficacement pour leur part , au bel en
semble administratif quirégit le matérielde la place .
CASERNES.

Parmi les casernes de la ville de Lille , deux


seulement méritent d'être signalées comme des
modèles pour ce genre de constructions : la caserne
St- André et la nouvelle caserne qu 'on vient de
construire près de la porte de Gand . Ces deux
constructionsoffrent toutes les conditionsd'étendue,
de solidité , de commodité et de salubrité qu 'on
peut désirer dans le service spécial auquel celles
sontaffectées .
CURIOSITÉS ARTISTIQUES
III

CURIOSITÉS ARTISTIQUES

L 'HOTEL - DE - VILLE.

Faut- il ici parler du passé ? Faut- il ne s'occuper


que du présent ou plutôt de l'avenir (car à l'heure
où nous écrivons , le nouvel Hôtel-de- Ville n'est
pas encore complétement achevé)? Voilà la question !
Cependant il serait ingrat à nous d'oublier si vite
le vieil édifice historique qui vient de disparaître
pour faire place aux belles constructions du monu
30
MOTEL -DE- VILLE
mentnouveau . En effet, feu le Palais de Rihour ,
agrandi et complété en 1430 , par Philippe- le- Bon
duc de Bourgogne et comte de Flandre, a succes
sivement abrité sous son toit : le second chapitre de
la Toison d'or en 1431 , Charles- Quint et le roi
d 'Angleterre Henri VIII en 1541 , Louis XIV en
1670 , Louis XV en 1744 ; sans compter que , le
20 février 1790 , le peuple , cet autre sonverain , y
installa notre première Municipalité élective ; si
bien qu ’un peu plus de deux ans après, le 29
Septembre 1792 , ce fut dans unedes salles de ce
même palais de Philippe - le - Bon que le citoyen
André, Maire de Lille , signa et parapha la fameuse
réponse aux sommations d 'Albert de Saxe qui vou - .
lait tout simplement nous faire ouvrir nos portes à
ses Autrichiens . « Nous venons de renouveler notre
» sermentde rester fidèle à la liberté ou demourir à
v notre poste :nous ne sommes pas des parjures...»
Vous voyez que notre ancien Hôtel - de - Ville
avait bien aussi ses titres à notre souvenir . Je ne
souhaite qu'une chose à son remplaçant : c'est d 'ins
pirer, le cas échéant , à nos édiles municipaux , un
langage aussidigne, une aussi noble conduite.
Quoiqu'il en soit , les plus beaux souvenirs ne
parviennent pas à consolider de vieilles murailles ;
etil fallut, un jour, se décider à démolir un édifice
devenu en partie inhabitable .Les nombreux services
de la municipalité exigeaient des bureaux conve
HOTEL-DE -VILLB
nables; en outre, il fallait des salles spacieuses pour
les Musées relégués dans l'ancienne église des Ré
collets qu 'on allait jeter par terre pour construire
le nouveau Lycée national ; il fallait des magasins
de dépôtpour l'octroi ; il fallait des salons spacieux
pour les fêtes publiques , etc.; tout cela demandait
à être logé commodément et dignement. De plus ,
Lille n'est pas riche en édifices remarquables , et
c'était une belle occasion de posséder un monument
digne de ce nom . Par bonheur, Lille comptait
parmises enfants un homme capable de compren
dre et d'exécuter de grandes choses ; l'architecte
Benvignat fit un plan d'une conception à la fois impo
sante et gracieuse. Aujourd 'hui ce plan est aux trois
quarts exécuté et nous pouvons juger de visu si l'ar
tiste s'est montré à la hauteur de sa mission difficile .
Ceci devant être lu en face même de l'édifice dont il
s'agit, nous ne nous livrerons pas à une description
détaillée. Nous nous contenterons de dire que nous
avons bien rarement vu une masse quadrangulairede
constructions énormes présentercommecelle-ci, à côté
de son luxe de solidité, une élégance, une légèreté ,
un brio qui nous rappellent la plus belle époque du
style dit de la Renaissance . Les neuf arcades de la
façade principale reliant l'aile droite à l'aile gauche ,
les balcons avec leurs balustrades ,l'attique, le cou
ronnement, les colonnes d 'un côté , les pilastresde
l'autre , le majestueux vestibule qui mène au grand
52 HOTEL-DE-VILLE
escalier , l'ordonnance de cet escalier lui-mêmeavec
ses vastes paliers, sa cage immense et son plafond
élevé , tout cela présente dès l'abord un ensemble
qui charme et qui impose . Il n 'y a là rien qui sente
le colifichet et la mignardise et (problème bien dif
ficile à résoudre) la grâce ici résulte de la grandeur
et de la sévérité du style .
On remarque au -dessus du couronnement, au
centre de la façade principale, deux statues de Bra ,
représentant Lille artistique et Lille industrielle ;;
ces statues sont par elles -mêmes des auvres très
distinguées et elles ajoutent encore à l'effetmonu
mental de cette face de l' édifice.
Les aménagements intérieurs n 'étant pas encore
terminés , nous ne pouvons pas aujourd 'hui vous
en donner une idée convenable . Du reste , vous les
apprécierez par vous-mêmes et vous reconnaîtrez ,
nous en sommes convaincu , que l'intérieur tient
toutes les promesses des façades . Certes , si le duc
Philippe-le-Bon revenait sur terre , il ne se plain
drait pas qu'on lui a gâté son logis.
· Salle du Conclave - Surtout ne quittez pas
l'Hôtel-de- Ville sans avoir visité la salle du Con
clave , relique précieuse du passé historique du
vieux palais de Rihour. C ' est dans cette salle
qu'autrefois les échevins de Lille rendaientla justice
et que s'assemblaient les Etats de la province ,
avant 1769. Cette salle présente dans son ensem
MOTEL -DE- VILLE
ble un aspect majestueux ; elle est revêtue , dans
son pourtour, d 'une boiserie remarquable et pré
sente sur toutes ses faces des tableaux peints par
Arnould de Vuez .Ces tableaux sont disposés comme
suit : au fond un Christ en croix exécuté dans le
goût de Rubens , en face et à l'autre extrémité de
la salle le Jugement dernier , sur l'un des côtés la
femme adultère et la mort d' Ananie ; sur l'autre ,
le Jugement de Salomon et la chaste Suzunne .
On peut voir , en outre , dans les bureaux de
l'état-civil un tableau d'Arnould de Vuez , qui était
autrefois dans l'antichambre de la salle du Conclavé
et qui représente la comtesse Jeanne octroyant aux
magistrats de Lille la Charte municipale de 1235 .
LE MUSÉE DE PEINTURE .

En 1848 , le Musée de Lille a quitté les murs


croulants de l'ancienne église des Récollets, pour
s'établir splendidement dans les magnifiques salles
du nouvel Hôtel-de - Ville. M . Benvignat, l'archi
tecte de ce monument, est lui-même un peintre
distingué , de sorte que l'on ne doit pas s'étonner
s'il a cherchéet trouvé, pour les tableaux du Musée ,
toutes les conditions d 'un emplacement favorable .
On monte au Musée de Lille par le grand escalier
d 'honneur de la Mairie dont la cage présente sur
ses parois supérieures un majestueux préambule
aux curiosités artistiques qu'on se propose de visiter ;
en effet , tout le pourtour de cette cage offre aux
regards des visiteurs les reproductions inoulées en
NUSEK DE PEINTURE
plåtre des bas-reliefs du Parthenon , du temple
d'Egine, et quelques bas-reliefs étrusques. Voilà
une façon ingénieuse et digne de meubler l'anti
ambre d 'un Musée comme le nôtre; on a très
bien fait d'interdire un pareil approcheaux fantaisies
maniérées du goût moderne , pour permettre à l'art
antique de s'asseoir gravement à la porte du sanc
tuaire.
Le nouveau Musée se compose de quatre salles
vastes, élevées et recevant par le hautun jour savam
ment combiné. Les toiles les plus gigantesques ont
leurs coudées franches sur ces grands murs inon
dés de lumière, dont les régions inférieures s 'ou
vrent favorablement aux cadres les plus exigus.
L 'architecte a compris qu'il fallait que la maison fût
digne des hôtes illustres qui allaient l'habiter.
Avant d 'entreprendre de vous détailler les ri
chesses artistiques que possède aujourd'hui notre
Musée , nous croyons utile de placer ici quelques
renseignements historiques sur son origine et les
transformations successives qu'il a subies . Ces
renseignements , nous les avons déjà exposés, il y
a trois ans, dans un rapport présenté par nous à
la Commission historique du département du Nord ;
qu'on nous permette de reproduire quelques
passages de ce travail :
« Le Musée de Lille n'est pas vieux;mais ce n'est
pas sa faute . Dans notre France d 'autrefois , le
MUSÉE DE PEINTURE 57

souverain , le grand seigneur , la riche communauté


possédaient seuls des galeries de peinture. Un jour,
une grande révolution vint changer toutcela ; et la
Commune révolutionnaire se constitua légataire
universelle de cet ordre social écroulé . C 'est ainsi
que la ville de Lille, se faisant l'héritière des châ
teaux abandonnés , des églises désertes , rassembla
dans les cloîtres de l'ancien couvent des Récollets
tousles tableaux délaissés, dans son bailliage, par
l'émigration de la noblesse , et la dispersion des
ordres religieux.
» Lorsque cet immense trésor fut ainsi entassé ,
on sentit le besoin d'en dresser un inventaire ; le
peintre L . Watteau père , chargé de cette besogne,
livra ,le 1 er Prairial an III (Mai 1795), à la Munici
palité de Lille, une liste de 585 tableaux dont la
plupart étaient de maîtres connus, et regardés par
Watteau commedes toiles remarquables .
. ... ... ... .. .. . .... ... .... ... .. . ... .. .
Puis vint le Consulat.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
» La France de cette époque n'éprouvait pas le
moindre scrupule à faire payer sa gloire , et ce
n'est pas nous qui lui donnerons tortsur ce point ;
le sang de nos soldats justifiait glorieusement ces
dépouilles opimes. La nation accueillit donc avec
transport les toiles admirables qui nous arrivaient
sous le pli des immortels bulletins de l'armée
58 MUSÉE DE PEINTURE
d'Italie , sans dédaigner davantage ce qui nous
venait de Belgique et de Hollande. Du reste , à
peine amoncelées à Paris, ces palmes triomphales
furent éparpillées par toute la France. Un arrêté
des consuls , en date du 14 fructidor an ix , fixa ,
la part de la ville de Lille , et notre Musée s'en
richit d 'un seul coup de quarante - six tableaux , dûs
presque tous à des maîtres célèbres . Paul Véronèse ,
Guido Reni, Carlo Maratti, Andréa del Sarto ,
Piazetta , Romanelli, Rubens , Van Dyck , Crayer ,
Simon de Vos , Philippe de Champagne, Restout ,
Sébastien Bourdon , Vernet, tous lesnoms, toutes les
époques , toutes les écoles , figuraient honorable
ment dans ce don vraiment royal que nous faisait la
République.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . .
» Nous vivions en paix sur une collection désormais
irréprochable , lorsque l'Empire s'écroula une der
nière fois sous les efforts de l'Europe coalisée . Les
vainqueurs voulurentravoir leurs vieilles dépouilles ;
ils nous redemandèrent leurs statues et leurs ta
bleaux. Le compte de la ville de Lille dans cette
liquidation nationale fut bientôt fait : une lettre de
M . de Pradel, directeur-général du ministère de la
maison du roi, vint, à la date du 23 Février 1816 ,
réclamer du Musée de Lille huit tableaux... ; nous
en avions reçu des consuls quarante -six ; M . de
Pradel en oubliait trente -huit , rien que cela ! Cet .
MUSÉE DE PEINTURE 50 .
oubli ressemble trait pour trait à du patriotisme.
Mais, hélas ! parmi ces huit tableaux, il y avait un
Rubens,un Van Dyck , un Simon de Vos, un Piazetta ,
un Philippe de Champagne et deux Crayer !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ... . .
Cette réclamation nous tenait au cour ; nous
exécutàmes cet ordre en gens auquelil déplaît fort ;
c'est-à -dire qu 'on traîna cetenvoijusqu'auxdernières
limitesdu possible ; etbien nousen prit, car , comme
on clouait la dernière caisse ,survint une lettre de
M . de Vaublanc,ministre de l'intérieur, en date du 5
Mars 1816 , qui nous apportait un contre -ordre
sauveur.,... Nous gardions les huit tableaux réclamés
et le reste ; c' était autantdepris sur l' ennemi ! »
Voilà où en était le Musée de Lille dans les
premières années de la Restauration . De 1822 à
1847 , des dons du gouvernement, des donations
particulières et des achats bien conseillés ont en
richi notre galerie communale de quelques auvres
modernes d 'un mérite incontestable . Enfin , en
1848 et 1849 , sous le gouvernementde la Répu
blique , les démarches actives de M . Bonte-Pollet ,
maire de Lillé, et le bon vouloir particulier de
M . Ch. Blanc , directeur des beaux -arts , sont
venus ajouter quelques joyaux de plus à notre
trésor artistique Nous avons reçu dans cette der
nière occasion des originaux d 'une haute valeur et
quelques copies d'une exécution vraiment remar
80 MUSÉE DE PEINTURE
quable ;nous citerons dansle nombre, trois paysages
d'après ClaudeLorrain , trois grandes toiles d'après
le Guide , quatre copies d'après les fresques de
Raphaël , une copie de Jules Romain et enfin deux
originaux de Jouvenet. Chose remarquable et que
nous signalons ici abstraction faite de toute préoc
cupation politique, c'est que le Musée de Lille doit
presque exclusivement sa splendeur aux deux Ré
publiques ; tandis que la Restauration et le gouver
nement de la Branche cadette se sont montrés
très-oublieux à son égard. En effet, de la distri
bution de 1803 jusqu'aux envois de 1848 à 1849 ,
nous n'avons vu venir de Paris que quelques 'toiles
à peu près toutes d'une insignifiance déplorable.
Maintenant que vous savez comment le Musée
de Lille est devenu ce que nous le voyons aujour
d 'hui , il nous reste à vous conduire de salle en
salle , en vous signalant brièvement, au passage ,
le mérite particulier des toiles les plus distin
guées qui décorent chacune d'elles. Il ne s'agit
pas ici d 'un catalogue complet et raisonné ; un
pareil travail ne serait pas au-dessus de nos forces,
que nousle croirions encore étranger à notre mis
sion de cicerone; nous voulons simplement vous
accompagner dans votre visite au Musée de Lille et
appeler votre attention sur les auvres les plus im
portantes , vous laissant le soin de remarquer et
d 'apprécier le reste à votre fantaisie.
MUSÉE DE PEINTURE

Première Salle .

Nous voici dansla première salle qu'on pourrait


appeler la salle des Italiens, attendu qu'on en a fait
le rendez-vous de tout ce que notre Musée possède
detableaux appartenantaux diverses écolesdel'Italie.
En effet , nous y rencontrons quatre toiles de Paul
Véronèse : Le martyre. de St-Georges , le Christ
descendu de la Croix et deux allégories dont l'une
représente l'Éloquence et l'autre la Science ; ces
quatre tableaux et surtout le premier, sont de pré
cieux échantillons de cette splendide école véni
tienne dont Paul Véronèse est un des princes les
plus glorieux. Les deux allégories n'appartiennent
pas à la ville de Lille , elles sont la propriété de
MM . Victor Mottez et Benvignat, qui ont voulu que
notre Musée devînt le dépôt de quatre tableaux de
maîtres qu'ils possédaient, afin qu'il en résultât plus
de profit pour ceux qui étudient et plus de lustre
pour notre collection communale .
Maintenant , arrêtons-nous, arrêtons-nous long
temps devant cette admirable relique du pinceau
d 'André Delsarte ; voyez cette tête de vierge gra
cieusement penchée sur l'enfant- Dieu qui tend
ses petits bras potelés vers sa mère; et dites -nous
si, dans l'enivrement d 'une sainte extase , la pensée
du plus poétique adorateur de Marie a jamais prêté
6
MUSÉ DE PINTURE.
à la Reine des Anges des traits plus doux, un regard
plus limpide, un sourire où se réflète mieux l'inef
fable bonté d'une âme toute céleste ?
Passonsmaintenant à ces trois toiles un peu noires
au premier aspect, où le puissant coloriste Bassan a
assez négligemment dessiné les Vendeurs chassés du
Temple , Une scène d'intérieur, et la Flagellation .
Ce dernier tableau est encore un dépôt précieux
confié au Musée par MM . Mottez et Benvignat, ainsi
que cemagnifique Portrait qui porte inscrit sur son
cadre l'illustre nom de Tintoret.
Avant d'aller plus loin , portons nos regards sur
cette Judith tenant à la main la tête d'Holopherne .
Regardez bien la figure, le cou , le bras de cette
femme, et tâchez de découvrir par quel procédé
d 'ombres tous ces contours tournent et s'arrondis -
sent; quant à nous, qui ne découvrons là aucune
trace des moyens ordinairement employés pour
arriver aux résultats produits dans cette peinture ,
noussommes tout porté à croire que ce qu'il y a
dans ce cadre, c'est de la chair vivante sur laquelle
le soleil se charge , à lui tout seul, de produire
des dégradations de lumière..... Or , pour en
arriver là en peinture, ce n 'était pas trop de la
patience d'un Hollandais stimulée par les chaudes
inspirations de l'école vénitienne ; et en effet Isam
bert Zeustris, le peintre de cette Judith , naquit en
Hollande et futun des plus brillants élèves de Titien .
XUSÉE DE PEINTURK
Vous trouvons encore dans cette salle une seconde
euvre de ce même peintre : Le Christ apparaissant
à la Madeleine , qui forme un digne pendant à la
première .
Après les originaux remarquables que nous venons
de signaler, nous n 'hésitons pas à appeler votre
attention sur ces quatre copies des fresques de
Raphaël qui sont loin d 'être déplacées dans la
compagnie des maîtres italiens. Cette immense
Bataille de Constantin , surtout , est exécutée avec
un soin et une habileté qui en font une æuvre
du plus hautmérite Du reste, il ne faut pas oublier
qu'ici l'on a copié, non pas des tableaux, mais bien
des fresques, ce qui est très -important à noter pour
fixer la valeur relative de ces quatre productions.
Nous en avons à peu près fini avec la première
salle ; cependant gardons-nous de la quitter avant
d 'avoir visité un portrait de maître inconnu repré
sentant un Architecte qui tient un compas à lamain .
Cette toile offre un problème dont on a vainement
cherché la solution jusqu'ici ; le pinceau qui a mis
là cette grave et saisissante figure , était- il français,
italien ou espagnol? Personne ne l'a jamais su ; mais
ce que nous savons tous à présent, c'est que ce
tableau est une envre admirable , pleine de vigueur
etdevérité, et qu'en oubliant de la signer son auteur
s 'est volontairement privé d 'une des plus belles
palmes que puisse décerner la renommée.
NUSÉB DI PEINTURE

Deuxième Salle .
Cette deuxième salle est celle des Flamands.
Salut d'abord au roi de cette école , à Rubens que
représentent dignement ici une Descente de Croix ,
une Mort de Sainte -Marie-Madeleine et un Saint
François adorant l'enfant Jésus que lui présente la
Sainte - Vierge ! Salut aussi à Van Dyck , le noble et
gracieux élève de Rubens, devenu son égal en talent
et en immortalité , et qui offre ici à notre admi
ration le Christ en Croix , le Miracle de St-Antoine
de Padoue, la Vierge au croissant et le portrait de
Marie de Médicis! On a dit et écrit sur ces deux
peintres illustres tout ce qu'il est possible d 'en dire
et d 'en écrire; nousnousborneronsdonc à constater
que les Rubens et les Van -Dyck quepossède leMusée
de Lille suffiraient à eux seuls pour faire la réputation
d 'un musée de premier ordre. Ecrivant pour ceux
qui iront y voir par eux -mêmes, nous n 'avons pas
besoin d'ajouter un mot de plus à cette indication
sommaire.
Maintenant , voici un autre chef- d 'ouvre : Les
Martyrs enterrés vivants, la plus belle æuvre connue
de Crayer. Ce tableau , indépendammentde l'effet
raisonné qu 'il produit sur les connaisseurs , obtient
encore sur le public un succès tout populaire . En
effet, les personnages et les choses contenus dans
MUSÉE DE PEINTURE
we cadre sont tellement vrais , tellement nature ,
qu'on pense pouvoir toucher de la main ces auges
de plomb qui vont servir de linceuil aux intrépides
confesseurs de la foi chrétienne, et qu'on croit voir
réellement s'avancer , les regards fixés au ciel , la
victime principale dont les chairs frémissent et
pantèlent sous la fièvre d'une extase surhumaine....
Après Rubens, Van -Dyck, Crayer , vient Philippe
de-Champagne, avec trois cuvres très-remarquables
de composition et de goût : La Visitation , le Bon
Pasteur etune Adoration . Il règne dansl'ordonnanee
et l'exécution de ces tableaux un calme, une sérénité
qui reposent l'eil et charment une âme chrétienne.
L'art revêt ici un caractère de pudique réserve
évidemment produit par une inspiration toute
religieuse.
Mais changeons d'élément, et quittons la terre
ferme de la peinture d'histoire , pour nous embar
quer du regard et du coeur sur cette belle mer qui
clapotte et se cambre sous le souflle d 'une brise
légèrement carabinée. Comme ces bricks et ces
goëlettes se couchent mollement sur le dos de la
vague impatiente ! Comme cesnuages grisonnants
courent bien les uns après les autres dans ce ciel
ameuté ! et que le pavillon hollandais fait crânement
claquer sa flamme tricolore à la pointe du måt !
Quel art enfin , quelle finesse de touche, quel
vigoureux coloris, quelle vérité en un mot dans--
00 MUSÉE DE PRINTURE
cette marine de Van de Velde! Certes , vous irez loir
à travers tous les musées du continentsans rencon
trer une marine qui vaille celle - ci.
Nous voici maintenant devant le cadre le plus
populaire de notre Musée ! Entendons – nous :
- cela ne veut pas dire que ce tout petit tableau
soit ,artistiquement parlant, lemeilleur de notre col
lection ,(certes , il est loin de là );mais enfin ,les jours
d'ouverture publique, le dimanche surtout,lorsque
les grandes salles se peuplent d 'honnêtes ouvriers
venus là avec leurs femmes et leurs enfants , la
foule ne manque jamais de se grouper autour de la
Bonne Femme à la lampe , admirant à haute voix
cette vénérable figure armée de ses lunettes , atten
tivement penchée sur un vieux livre, pendant que le
reflet rougeâtre d'une lampe enlumine capricieuse
ment son nez et ses pommettes saillantes. .. .. Ces
jours là , le petit tableau de Versteegh est vraiment
inabordable .
Certes , si nous voulions parler de tout ce qui
mérite une mention honorable , nous resterions
longtemps encore dans cette salle des Flamands ;
mais deux autres salles nous attendent , et nous
sommes bien forcés de passer rapidement devant
la Présentation de l'enfant Jésus au peuple et le
Carme pansant la jambe d'un frère de son ordre ,
de Jacques Van Oost ; devant la Chasse au lion ,
de Sneyders , les deux tableaux de David Teniers
MUSÉE DE PEINTUÁK 67
(le père) ceux de Tilburg , Molenaer, David Ryckaert
et les paysages de Jean Sibrechts et de Molyn, toutes
toiles que nous n 'avons pas le temps de décrire , mais
que vous examinerez avec l'attention qu 'elles méri
tent .
Au demeurant, en fait de paysages , nous vous
avons gardé pour la bonne bouche cette imposante
Vue des Alpes de Mompre ; composition tellement
pleine de grandeur et demajesté qu'elle élève excep
tionnellement le genre du paysage à la hauteur de
la peinture dite d'histoire . Devant les Alpes de
Mompre vous vous réjouirez avec nous de cette heu .
reuse et glorieuse rencontre d 'une grande nature et
d'un grand peintre.
Troisième Salle .
La troisième salle a failli s'appeler la salle d'Ar
nould de Vuez ; et en effet, elle est presque exclusi
vement meublée des tableaux de ce maître.
Arnould de Vuez , comme vous ne l'ignorez pas ,
est pour ainsi dire un peintre lillois ; il a étudié en
France, en Italie ; il a voyagé un peu partout; mais
c 'est à Lille qu'il a passé les quelques années séden
taires que compte sa vie ; c'est pour Lille enfin
qu'il a produit ses meilleures compositions. Notre
Musée possède d'Arnould de Vuez dix grands
tableaux d 'église , un portrait de femme et les es
quisses des cinq grandes toiles dont on peintre a
MUSLE DE PEINTURE
orné notre salle du Conclave. Arnould de Vuez af
fectionne particulièrement pour la composition de
ses æuvres les grandes perspectives d 'architecture
dont il a puisé le goût dans l'école vénitienne. Son
dessin est généralement correct et son coloris ne
manque pas de solidité et de vigueur.
Au -dessus de l'entrée de cette troisième salle ,
vous remarquerez un tableau qui, lorsque le temps
est beau et que le soleil luit , s'illumine d'une
auréole resplendissante . En effet, dans cette auvre
deRestout (les pèlerins d 'Emmaüs), le peintre a mis
une lumière tellement chaude et vivifiante qu'en la
voyant tomber d'aplomb sur la tête des apôtres et
produire des réfractions éblouissantes, ici sur un
crâne nu , là sur une ondoyante chevelure , il sem
ble vraiment , que, nouveau Prométhée , l'artiste a
dérobé le feu céleste pour en charger sa magique
palette .
Delafosse , lui aussi, est un vigoureux coloriste
et son Jésus donnant les clefs du Ciel à St -Pierre
affronte sans encombre le dangereux voisinage de
l'œuvre de Restout.
S . Bourdon , Valentin et Lebrun sont les autres
voisins d'Arnould de Vuez.
Mais toutes ces grandes toiles de la peinture reli
gieuse ne doivent certes pas nous faire dédaigner
cette charmante allégorie de Mignard qui repré
sente la Fortune versant des sceptres et des cou
MUSÉE DE PEINTURR 69

ronnes sur la terre. Certes, on ne se douterait pas


en voyant cette peinture que nous avons inventé le
substantif mignardise tout exprès pour désigner
l'affectation dans le genre gracienx.
A l'heure où nous écrivons , on en est encore à
décider si les deux grandes toiles de Jouvenet, la
Résurrection de Lazare et la Guérison des Malades
seront placées dans la troisième salle . Faisons comme
si la chose était arrêtée et exécutée , et réclamons
des visiteurs du Musée un juste tribut d 'hommages
pour ces deux tableaux du plus grand mérite .
Quatrième Salle.
Nous touchons enfin au terme de notre revue ,
car nous voici entrés dans la quatrième et dernière
salle, dite des modernes . Nous avons affaire , cette
fois, à nos contemporains; et si l'admiration diminue
quelque peu , l'intérêt , en revanche , s'accroit ,
lorsqu'il s'agit d'artistes qui vivent et s'illustrent
sous nos yeux. Quoiqu 'il en soit, nous croyons qu'il
n'entre pas dans notre mission de soulever de péril
leuses comparaisons; tous lestalents, vieux et jeunes,
sont les bienvenus chez nous : gloire aux anciens !
bon accueil et cordial hommage aux nouveaux !
D 'abord , en regardant cette immense toile de
Wicar (Résurrection du fils de la veuve de Naïm ) ,
rappelez - vous que Wicar était un élève de David ,
70 MUSKE DA PRINTURE

c 'est-à -dire qu'il appartenait à une école qui se


piquait de dessiner avec une justesse rigoureuse et
quine connaissait pas tous les procédés brillants ou
coquets pratiqués depuis par nos peintres mo
dernes ; rappelez -vous encore que Wicar a exécuté ,
tous les dessins de la galerie de Florence. ..; et vous
retrouverez là cette fermeté de crayon et surtout ce
savoir anatomique dont aujourd'hui, comme il y a
cinquante ans, un véritable connaisseur doit faire le
plus grand cas .
Vous connaissez Eugène Delacroix comme le plus
puissant coloriste denotre école française moderne ,
vous n'êtes donc pas surpris de retrouver dans sa
Médée que voici , la vigueur de tons, l'opulente
prodigalité de palette qui le distinguent partout et
toujours.
La Jeanne-la - Folle de Steuben , est ce qu'on
peut appeler une peinture de luxe qui manque son
effet sur quelques spectateurs d'un goût difficile.
En revanche , ce tableau plait' infiniment à une
certaine portion du public .
Le Joseph expliquantles songes,d'Abel de Pujol,
est une de ces @ uvres consciencieuses et froides
aussi inaccessibles à la critique qu'à l'enthou
siasme.
La Mort de l'espion Morris, de Camille Roque
plan nous offre un torse nu d 'une grande vérité
de ton , une casaque écossaise remarquable par
MUSÉE DE PEINTURE
son coloris harmonieux , des personnages bien
groupés , et enfin , par contre, des rochers peints
dans une gamme qui rappelle légèrement le style
d 'un décor d'opéra comique.
La bénédiction des Marais-Pontins , présente
aux regards une fourmilière de personnages de
tout sexe , de toute taille , de toute carnation ,
parmilesquels règne une espèce d'anarchie de tons
où la gamme la plus vigoureuse heurte sans inter
médiaire des portions d 'un coloris timide et froid .
Toutefois , cette absence d'harmonie générale n'em
pêche pas l'auvre de Rudolph Lehmann d 'offrir
certains détails d 'une exécution très -heureuse , et
de produire beaucoup d'effet sur le public par sa
composition imposante et la variété d'expression
répandue sur les milliers de figures qui composent
ses groupes . A nos yeux , le plus grand tort de
cette toile , c'est de nuire à l'effet de ses plus
proches voisines par une sorte de chatoiement re
doutable .
Cependant le Silène entouré de Satyres, de Bou
chot, résiste intrépidement à ses atteintes . N ' était
une composition un peu maniérée et la pose par
trop chorographique de quelques -uns de ses per
sonnages , cette æuvre de Bouchot serait admirée
sans restriction aucune, surtout pour le brillant
coloris et le ton chaud et lumineux qui la distinguent.
Vous connaissez déjà l'Erection de Croix de notre
72
MUSÉE DEPEINTURE
concitoyen, M . Colas, en la revoyant ici vous serez
plus que jamais convaincus que ce jeune artiste a
devant lui un magnifique avenir , et que, si Dieu lui
prête vie , les murs de cette quatrième salle doivent
s'attendre à recevoir encore plus d 'une toile remar
quable signée du nom de Colas.
Pour en finir , avec la peinture d 'histoire, nous
dirons que si nous rangeons dans cette majestueuse
catégorie , le tableau de M . Gustave Courbet, (une
après dîner à Ornans), c'est uniquement à cause de sa
taille ; car, par son sujet et son mode d 'exécution ,
cette cuvre appartientà la classe des tableaux de
genre . C 'est tout bonnement un intérieur , très
consciencieusement et assez harmonieusement exé
cuté, mais qui aurait beaucoup gagné à se produire
dans des proportionsmoindres .
La Braderie , la procession de Lille, la confédé
ration des départements du Nord, de la Somme etde
l'Aisne,deL .Watteau, sontdes productions qui vont
droit au caur des Lillois ; pour nous, tout cela est
plein d'intérêt et commande nos plus vives sym
pathies; mais pour les connaisseurs étrangers qui
s'en tiennent exclusivement au point de vue de
l'art , ces toiles de Watteau ne possèdent qu'un
mérite secondaire .
Passons aux paysages, en commençant par le
vénérable V . Bertin , que la peinture romantique a ,
selon nous , très- injustement excommunié ; en effet,
MUSÉR DE PEINTURE

si le calme , la sagesse , une harmonie réservée ,


un grand savoir de perspective aérienne , sont des
qualités réelles en peinture , les deux tableaux de
Bertin que nous avons là sous les yeux sont des
euvres du plus haut mérite. Il y a plus : ces deux
paysages ne sont déjà pas si froids et si compassés
que les ultra-romantiques veulent bien le dire,
puisque nous les voyons , à cette place, affronter
glorieusement le voisinage de la Forêt de Troyon
qui est peinte dans la pâte avec un faire fougueux
et un coloris à l'avenant. Voilà qui prouve que
pour les artistes d'un talentréel , il n'y a pas qu'une
seule route pour arriver au beau et au vrai. Du
reste , s'il nous manquait une dernière preuve de
cette vérité , nous la trouverions dans les Paysans
Limousinsde Jeanron . Regardez en effet ce paysage
méridional ; son exécution s'éloigne autant de la
manière de Bertin que de celle de Troyon , et pour
tant, une fois que vous aurez surmonté l'impression
de brusque surprise produite par une nature tout
exceptionnelle pour nous autres Flamands , vous
admirerez de grand caur ce qu'il y a de vérité, de
vigueur , et surtout de lumière , de soleil, dans ce
paysage de Jeanron .
Nous terminons ici notre revue des peintures ;
mais avant de sortir du Musée , il faut encore que
nous payions un large tribut d'admiration à ce
chef-d'ouvre en plâtre ,moulé sur l'une des portes
NUSÉK DE PEINTURE
de bronze du baptistère de Florence. Lorenzo Ghi
berti a déployélà toute cette prodigalité d 'invention ,
toute cette fougue de composition variée à l'infini qui
des petite parabolere interna
distinguent l'école florentine. Cette porte de baptis
tère n'est qu'une interminable Odyssée à travers
les mille paraboles de l'Ancien -Testament. Chacun
des petits compartiments qui divisent ses panneaux
offre une composition complète , formant une scène
bien comprise , parfaitement rendue. L 'ouvre de
Lorenzo Ghiberti n'a été moulée que deux fois :
d'abord pour le prince d'Aremberg , ensuite par
les ordres du roi Louis -Philippe ; de sorte que
cette pièce a de plus pour nous le mérite de la
rareté.
En outre de ce morceau remarquable , leMusée
de Lille possède : La mort de Caton d'Utique ,
@ uvre très - estimée du sculpteur Rolland ; deux
réductions en bronze , l'une du Moïse , de Michel
Ange, l'autre du Milon de Crotone, de Puget.
Nous vous signalerons enfin , comme complétant
nos richesses artistiques , un très-beau buste en
marbre de l'empereur Napoléon, et la statue d 'Hébé,
de M . Huguenin , qui a figuré à la dernière exposi
tion des Tuileries.
Maintenant , avant de finir cet exposé , rendons
justice au zèle éclairé de M . Edouard Reynart ,
le conservateur de notre Musée , qui applique au
classement, à l'entretien et à la bonne garde de
MUSÉE DE PEINTURE 13

ce précieux dépôt, une activité infatigable et les


connaissances spécialesqu'il possèdeen cette matière.
M . Reynart rédige en ce moment un catalogue
raisonné des richesses du Musée de Lille.
Voici bien et dûment notre revue terminée.
Concluons en deux mots : il existe des collections
plus nombreuses que la nôtre, mais il en estpeu qui
puissent présenter à leurs visiteurs une plus belle
et plus pure réunion d'œuvres vraiment remar
quables.
MUSÉE WICAR .

Le 27 Février 1834 mourait à Romeun enfant


de Lille , un peintre distingué, nommé Wicar : vers
la fin du mois suivant le Maire de Lille recevait
unelettre signée Joseph Carattoli,héritier fiduciaire
du chevalier Wicar , annonçant la mort de l'artiste
lillois et faisant savoir à la Municipalité lilloise que
le défunt avait légué à sa ville natale un de ces
trésors artistiques dignes de faire l'orgueil d 'un
prince souverain . Bientôt après nous arrivèrent
les pièces officielles et juridiques qui confirmaient
cette magnifique donation ; il y était dit que le che
valier Wicar avait légué :
« A la ville de Lille, en France, département du
Nord , le grand tableau représentant la résurrec
78 MUSÉE WICAR
» tion du fils de la veuve de Naïm , ouvrage de
» M . le chevalier Wicar .
D A la société des sciences, lettres et beaux-arts
, de la même ville de Lille , plusieurs dessins de
» Raphaël d'Urbin , de Michel- Ange Buonarotti
» et de quelques autres peintres célèbres .. ...
» Un dessin avec cadre de bois et avec verre ,
» représentant Virgile lisant l'Énéïde devant Au
» guste,etune esquisse àl'huile, avec cadredoré.(Ces
» deux derniers ouvrages exécutés par M . Wicar ) ;
» Quelquesobjetsantiques en bronze eten marbreet
» une décoration du royaume des Deux - Siciles ,
» dont le défunt avait été honoré lorsqu'il était
» directeur de l'Académie royale deNaples ;
» Une lettre originale de François 1.er , roi de
France , écrite à Michel - Ange Buonarotti ;
» Une autre lettre originale , écrite au chevalier
» Wicar, par le général Buonaparte , depuis l'em
» pereur Napoléon .
• A la Bibliothèque de Lille , onze volumes du
» Musée Napoléon.
» A l'Académie de dessin de Lille , le portrait
► dudit chevalier Wicar , en habit à l'espagnole ;
» Un dessin en huit cartons du grand tableau
s représentant la résurrection du fils de la veuve
i de Naïm ;
» Le carton du tableau représentant N .-S. Jésus
· Christ qui reçoit le baptême de lamain de St
MUSÉE WICAR 747

» Jean-Baptiste , et six Académies copiées d'après


nature par feu le chevalier Wicar. »
Indépendammentde ces legs, le testateur avait
prescrit qu'on fondât de ses deniers , une cuvre
appelée OEuvre pie Wicar , et pour la constitution
de laquelle il était stipulé que :
« Dans le cas où , en outre des deux pensions
» accordées par le défunt (à deux de ses élèves) ,
a le montant des revenus permettrait d' en assigner
» quelque autre, il conférait au corps municipal
» de la ville de Lille le droit de nommer les jeunes
» gens à la jouissance de cette pension , lorsque
» ceux -ci réuniront les qualités requises ci-après :
» Ces jeunes gens devront être natifs de Lille
» et appartenir aux trois classes de peinture, de
» sculpture et d'architecture, etc....
» Les jeunes gens choisis devront se rendre à
» Rome, pour s'adonner à l'un des trois arts pres
» crits par le fondateur de l'Euvre pie , et y rester
» pendant quatre ans entiers ; pendant ce temps ils
» jouiront de ladite pension ; ils devront mener
» une bonne conduite , soit morale , soit civile , être
» assidus à l'étude, etc .. . )
La ville de Lille et la Société des sciences et
arts, s'empressèrent, comme on le pense bien , d'ac
cepter cet héritage ; et l'ambassadeur français à
Rome fut chargéde réclamer l'envoi des différents
objets composant le legs Wicar. Les formalités à
MUSÉE WICAR
remplir entraînèrent un délai qui parut fort long à
l'impatience des Lillois ; enfin , en Septembre 1835 ,
arrivèrent à Lille les caisses contenant les tableaux ,
gravures, dessins et autres objets d'art expédiés
de Rome.
On avait émis surle legs Wicar les plus brillantes
suppositions, on était émerveillé d'avance ; et lors
que les tableaux , les bronzes , les marbres furent
déballés, on se félicita avec enthousiasme, on déclara
tout haut que les espérances de la ville étaient
dépassées, on se crut à bout d'admiration et de
reconnaissance ! Mais il restait à visiter la caisse
des dessins.... Oh ! lorsque celle -là fut ouverte ,
lorsque les pièces qu'elle contenait furent étalées
sous les yeux de ce que Lille comptait d'hommes
capables d'apprécier et de juger les auvres d'art ,
ce ne fut plus seulement de l'admiration , mais un
étonnement muet, une stupeur extatique qu'on put
lire sur le visage des connaisseurs... Et certes , il
y avait bien de quoi s'étonner et rester stupéfait ,
car on se voyait là tout- à -coup devenu possesseur
de richesses tellement éblouissantes qu'elles lais
saient bien loin derrière elles tous les rêves dérai
sonnables qui peuvent entrer dans la cervelle d'un
légataire expectant! La ville de Lille qui , la veille
encore, vivait contente et heureuse de sa fortune
artistique assez modeste , se voyait , en un instant,
rendue cent fois millionnaire ! En fait de Collections
MUSÉE WICAR 81
et de Musées , Lille se plaçait , d 'un seul bond, bien
au -dessus de toutes les villes de France et sur la
mêmeligne que Paris ; Lille enfin possédait un trésor
que les rois et les nations étaient désormais con
damnés à lui envier.
En effet, il y avait là environ douze cents dessins
authentiques des maîtres les plus célèbres. Dans le
nombre on comptait :
68 dessins de Raphaël. 3 Léonard de Vinci.
197 Michel-Ange. 13 Masaccio .
6 André Delsarte. 1 Palma.
9 Bandinelli. 5 Parmesan.
1 Jean Bellin . . 1 Paul Véronèse.
8 Annibal Carrache. 1 Perugin .
2 Corrège. 6 Poussin .
17 Carlo Dolci. 2 Tintoret.
10 Fra Bartholomeo. 8 Titien.
15 Francia . 2 Albert Durer.
6 Guerchin . 3 Lucas de Leyde .
8 Guido Reni. 1 Rembrandt.
5 Ghirlandajo . 1 David .
3 Jules Romain .
Nous ne pouvons donner ici qu'une faible'por
tion de cette glorieuse nomenclature; ceux qui
voudront savoir au juste le compte des pierreries
de ce splendide écrin , devront consulter le
catalogue que notre Société des sciences et arts
publie en ce moment. Ce catalogue vous donnera ,
89 MUSÉE WICAR
lectes dequchaque
càolcôté r ici ,qudes
e nousedessin sà nous, npropres
elqueindications ou presaà
le faire mieux apprécier. Quant à nous , nous nous
bornerons à placer ici quelques remarques som
maires que nous avons faites en parcourant la
collection des dessins légués par Wicar.
Voici d'abord de RAPHAEL, un magnifique dessin
à la plume représentant une Sainte Famille . C'est
la composition complète d'un tableau que devait
exécuter un ami du maître ; aussi trouvons-nous
au verso de cette cuvre, une lettre autographe par
laquelle Raphaël adresse son dessin à Dominico
Paris Alfani, peintre , à Pérouse . Ce dessin n'a
jamais été gravé.
Viennent ensuite , et toujours de la main de
Raphaël :
Les idées premières de la Vierge de la maison
d 'Albe. Au verso du papier , se trouvent des
études d'après le modèle qui a posé dans cette
circonstance, et sur la mêmefeuille , les inspirations
primitives qui devaient aboutir au chef-d'ouvre
connu sous le nom de la Vierge à la Chaise ;
Le dessin du 4 .e sujet du Zodiaque, qui fut
peint ensuite pour la coupole dela chapelle Ghigi;
Des études de figures pour le tableau connu
sous le nom de l'École d'Athènes , et le dessin
d 'après nature pour l'Apollon qui est entré dans la
composition du tableaudit le Parnasse ;
Une étude première pour la Vierge-la-Perle, ta
MUSEE WICAR
bleau admirable qui se trouve aujourd 'huiàMadrid ;
Le dessin du St-Nicolas de Tolentino , tableau
que le maître peignit pour l'église des Augustins de
Civita-di-Castello. Le tableau a péri , dit -on , dans
un tremblementde terre quibouleversa cette ville ;
de sorteque ce dessin serait le seul vestige quinous
l'esterait encore d'un chef-d 'æuvre à jamais perdu.
Maintenant , place à MICHEL-ANGE !
Voici tout le livre de croquis de cet immortel
génie , c'est-à- dire plus de 200 pages couvertes
d' études de toute espèce ; .
Le premier dessin de la coupole de St-Pierre
de Rome ;
Le dessin du Prométhée ;
Celui du personnage (un démon) qui, dans le
tableau du Jugement dernier, est placé au -dessus dela
barque et porte un damnésur ses épaules, etc., etc .
Poursuivons cette rapide revue en citant après
chaque nom de maître , ceux de ses dessins que
nous avons plus spécialement remarqués dans la
collection Wicar.
JULES ROMAIN . - Un dessin , composition com
plète , entièrement achevée , personnages nus ,
représentant la Continence de Scipion .
Titien . – La Famille Cornaro ; merveilleux
assemblage de portraits d'une expression saisissante
de vérité.
PAUL VÉRONÈSE. ---- Un admirable dessin lavé
NUSÉE WICAR
au bistre et rehaussé de blanc, sur papier verdâtre.
ANNIBAL CARRACHE . – Un superbe paysage
rendu, achevé, exécuté au bistre , rehaussé de blanc.
ANDRÉ DELSARTE . — Une Sainte Famille, admi
rable de suavité et de grâce ; - La naissance de
la Vierge, magnifique camaïeu ; - Un Christ au
tombeau.
CARLO Dolci. — Toute une collection de déli
cieuses figures rendues avec une grâce et une
délicatesse inexprimables.
· GUERCHIN . — Diverses études de ses tableaux ;
plus : Une composition d'une coquetterie et d'une
finesse étonnante, représentant une belle jeune
Femme qui semble demander à un vieux Cavalier
la chaîne d'or qu 'il porte au cou . Le regard de
syrène, les lèvres voluptueuses et le geste avide
de cette dangereuse courtisane , produisent un
singulier contraste avec lamoustache hérissée,l'œil
méfiant et la tenue guindée du cavalier qui n 'a pas
l'air trop disposé à se laisser séduire.
LÉONARD DE VINCI. — Études d'une extrême
finesse de touche , à la plume et au lavis ; -
Plusieurs caricatures de l'effet le plus original.
GUIDO RENI. — Toute une suite d 'études d 'un
cravon admirable de vigueur , de fermeté.
LE POUSSIN . — Première pensée de son fameux
tableau le Massacredes Innocents. Dans ce dessin,
nous voyonsune composition bien autrement vigou
MUSÉE WICAR
reuse d'expression que ce qui a été gravé plus tard
d 'après le tableau lui-même.
Maintenant , sinous n 'allons pas plus loin dans
ces citations , c'est qu'il faudrait en faire d'innom
brables et que nous ne saurions où loger toutes ces
indications si bien justifiées cependant par l'impor
tance du sujet. Encore une fois , nous sommes bien
forcé de vous renvoyer au catalogue. Toutefois ,
nous ne voulons pas quitter la collection Wicar
sans vous signaler un superbe dessin de DAVID , qui
est l'idée première de son fameux tableau du Ser
ment des Horaces ; comme encore , nous appelons
toute votre attention sur les remarquables cartons
du tableau de la Résurrection du fils de la veuve de
Naïm et du Baptême du Christ , dessinés , dans de
grandes proportions , par Wicar lui-même, notre
illustre bienfaiteur , auquel nous sommes heureux
de payer ici le double tribut de notre admiration
pour son talent et de notre reconnaissance pour
toutes les merveilles que nous luidevons.
Parmiles objets d'art qui accompagnent les des
sins, se trouve une tête de femme, modelée en cire
colorée , par Raphaël . Cette tête est probablement
un portrait , et en exécutant ce chef- d 'oeuvre ,
Raphaël a voulu sans doute ressusciter un des
usages de la Rome antique dontles grandes familles
patriciennes possédaient, dans leurs palais , des
galeries ornées des portraits en cire de leurs an
86 . NUSÉK WICAR

cêtres . Ce morceau est une des plus précieuses ra


retés qu'on puisse rencontrer dans lemonde des arts .
Maintenant, il faut que vous sachiez quels tendres
soins ont pris la Ville et la Société des sciences et
arts , pour le logement et la conservation de toutes
ces reliques vénérées.
D 'abord , notre Hôtel -de- Ville leur a affecté une
galerie spéciale , composée de deux vastes salles ,
s'ouvrant sur le même palier où se trouve la porte
d'entrée du Musée de peinture. Ces salles, con
trairement à ce qui se pratique pour les tableaux ,
sont éclairées à la fois par en haut et par l'un des
côtés. Cette disposition est une preuve de plus du
goût et de l'intelligence de l'architecte Benvignat,
quia parfaitement compris qu 'il fallait ici contre
venir aux usages pratiqués danslesMusées de pein
tures, pour faire arriver de toutes parts sur nos
dessins le plus de lumière possible. En cela , nous
avons devancé Paris , dont le Musée de dessins se
prépare, dit-on , à imiter cette habile modification
inaugurée chez nous.
Ce n ' est pas tout : pour préserver ces dessins de
toutcontact , de toute altération, on les a mis dans
descadres à double battée, afin quele verre ne touchât
pas au papier ; dans ces cadres , les dessins sont
fixés par des épingles sur des plaques en zinc, et
cela pour éviter l'emploi du carton etde la colle qui
engendreraient à la longue des vers destructeurs .
MUSÉE WICAR 87
Tous ces cadres sont exposés à la vue du public sur
des pupitres dont la partie supérieure est occupée
par ceux d 'entre eux qui contiennent les dessins
exécutés au recto et au verso de la même feuille ;
le cadre de ceux-là est à deux faces et tourne sur un
pivot. Enfin , il est impossible d'imaginer rien de
plus ingénieux que les diverses précautions prises
ici pour éterniser la conservation de ces frêles monu
ments du génie .
Unmot en finissant :
Surprendre la pensée intimede Raphaël dans ce
travail mystérieux de sa tête et de son cæur qui
prépare un immortel chef -d 'ouvre ; saisir à son
premier bond le génie de Michel- Ange s'élançant
vers les régions du sublime ; épier à leur premier
épanouissement , les rêveries tendres et suaves
par lesquelles André Delsarte et Léonard de Vinci
préludent aux délicieuses compositions dont la pos
térité a depuis couronné de toutes ses palmes
la grâce indicible , l'harmonieuse limpidité ; goûter
enfin les prémices enviées de tous ces génies en
marche vers l'immortalité ; puis confronter dans
son souvenir le début avec la fin , le premier coup
de crayon avec le dernier coup de pinceau , l'aurore
d'un chef-d'æuvre avec l'apogée du glorieux soleil
qui compose son auréole séculaire.... dites,oh !dites,
n'est-ce pas là le spectacle le plus émouvant, l'étude
la plus intéressante , la plus sublime jouissance que
88 XUSÉE WICAR
peuvent rencontrer et savourer sur terre, le regard
et l'âme d'un véritable ami des arts ! Oui , nous le
proclamons ici avec une orgueilleuse joie : Lille est
une cité trois fois heureuse, car le legs Wicar vient
d'en faire une des plus somptueuses capitales du
monde artistique !
MUSÉE MOILLET.

Le 2 janvier 1850 est mort , à Lille , un homme


qui a passé sa vie à réunir une collection à laquelle
on ne connaît qu'une seule rivale au monde. Cet
homme a voyagé en Hollande, en Angleterre, en
Italie , en Algérie ; il s'est mis en rapport avec les
généraux, les diplomates, les consuls, les capitaines
de navires , les voyageurs detous les pays ; et cela,
toujours dans un but unique qui l'a préoccupé jus
qu'à la dernière heure de sa trop courte existence ;
enfin , arrivé au terme de sa carrière , cet homme
a légué à sa ville natale le résultat prodigieux de
ces recherches , de ces démarches , de ces corres
pondances sans nombre , , tentées , accomplies ,
entretenues d'un pôle à l'autre dans tous les sens
de notre planète ... .
MUSÉE NOILLET
Et voilà comme , au décès de M . Alphonse
Moillet , la ville de Lille est entrée en possession du
Musée si curieusement original dont nous allons
essayer de vousdonner une idée .
D 'abord , ce sont les tribus sauvages de l'Amé
rique que nous trouvons fidèlement représentées ici
par leurs vêtements , leurs armes, leursmeubles ,
leurs ustensiles deménage, de chasse etde pêche ;
c'est-à -dire toute une galerie de haches à silex , de
casse- tête monstrueux , de javelots et de flèches ar
mées d 'une arête de poisson à la pointe, de boucliers
en peaux de tigre ou de buffle, dehamacs, de calu
mets , denattesemplumées et jusqu'à des modèles de
pirogues façonnées par des argonautes anthropo
phages. La toilette des dames sauvages a livré à M .
Moillet les plus singulières inventions de la coquet
terie primitive ;les turbans de plumesmulticolores,
les anneaux qu'on porte au nez , les colliers , les
bracelets, les mille colifichets enfin dont les élégantes ,
les lionnesdes archipels indiens chargent leur corps
sans le couvrir .... Etcette fourmilière de curiosités
· viriles et féminines est si bien conçue , si bien ran
gée , que d'un seul coup-d'oeil , d'un seul élan de
la pensée, on peut ressusciter , mettre sur pied et
fairemarcher devantsoi tout cemonde sauvage dont
ļa civilisation achève , en ce momentmême, d'étouf
fer les derniers vestiges , d'effacer les dernières
traces sur le sol américain .
MUSÉE MOILLET
Des forêts vierges de l'Amérique , nous allons
à Java, à Lahore , en Chine.... En effet , voici
toute une population d 'idoles indiennes, demagots
chinois , les uns en porcelaine coloriée , les autres
en pâte de riz chargée de dorures , affectant pres
que tous et toutes des formes hideuses ou bizarres .
Certes, il serait difficile de rencontrer ailleurs une
mythologie aussi grotesque, (des dieux aussi mal
élevés : celui-ci vous montre les dents , et quelles
dents ! celui-là louche affreusement des deux yeux ;
cet autre vous tire la langue , et se permet d 'avoir ,
à lui tout seul, trois paires de mains armées de
griffes énormes....
Des dieux nous passons aux hommes que ces
divins créateurs ont eu , cette fois , le bon esprit de
ne pas faire à leur image.... et nous trouvons une
interminable suite de costumes de brames et de
mandarins de toutes les classes , où s'entremêlent
sur un fond de soie , de fantasques broderies en fil
d'or serpentant parmides figures d'oiseaux impos
sibles et de fabuleux quadrupèdes . Cette garde
robe originale se complète par un assortiment
d'armes, affectant des formes d'une bizarrerie
inimaginable. Enfin , pour que rien ne manque à
cette solennelle évocation du Céleste-Empire , voici
qu'on met sous nos yeux les ouvres de ses peintres
les plus habiles . S 'il faut en juger par les tableaux
de la collection Moillet, l'école chinoise ne paraît
ROSÉR MUILLET
pas avoir encore pris définitivement parti dans cette
guerre acharnée des dessinateurs et des coloristes
qui partage en deux camps notre peinture euro
péenne... . Du reste , les peintres chinois ont cer
tains procédés d 'exécution très- curieux à observer .
En quittant toutes ces chinoiseries on n 'est pas
fâché de rencontrer, en manière de contraste , les
élégants costumes turcs et albanais. En effet , si
la robe du mandarin affecte l'air empêtré d'un
vêtement magistral , la veste turque et la courte
jupe albanaise ont la tournure dégagée et coquette
d'un costume tout militaire ; sans compter que les
riches poignards et les sabres recourbés qui accom
gnent ces dernières , ne laissent pas que d 'ajouter
encore à leur effet pittoresque.
Mais en fait d'armes, nous ne sommes pas au
bout des richesses que contient le Musée Moillet.
Voici d'abord une carabine allemandedela fin du
xve siècle , richement damasquinée et incrustée de
nacre ; vient ensuite uneseconde carabine ou plutôt
une arquebuse , et celle -là offre, pour nous autres
Lillois , un intérêt tout particulier : en effet , cette
arme est un prix d'adresse décerné à nos canon
niers bourgeois au xvie siècle , et l'on voit sur sa
crosse la glorieuse image de Sainte -Barbe sculptée
en relief et coloriée de la façon la plus originale.
Puis ce sont des armes égyptiennes, trophée de
la campagne du général Bonaparte ; puis encore des
MUSÉE MOILLET 03
costumes, des armes , des selles et autresmerveilles
arabes , dépouilles très -opimes de la Casauba d'Al
ger prise en 1830 ; puis enfin , une multitude
d 'autres curiosités de tous les temps et de tous les
pays , dont la description détaillée ferait non plus
tine notice comme celle - ci , mais un volume aussi
gros que notre Guide tout entier .
Au demeurant, le Musée Moillet offre par lui
même l'explication la plus naturelle , la plus com
plète que comporte une pareille collection ; car, à
côté de ces armes , de ces costumes , de ces us
tensiles de peuplades inconnues et denations étran
gères , nous trouvons toute une bibliothèque de
voyages autour du monde qui donne le mot de
chacune des énigmes proposées par les objets réunis
dans son voisinage. Nous trouvonslà d'autreslivres
encore ; mais ceux-là rencontreront peu delect eurs
parmi nous : ce sont de beaux manuscrits indous ,
arabes , chinois , devant lesquels un professeur de
l'Institut perdrait son latin .
· A l'heure où nous écrivons , le Musée Moillet
ne connaît pas encore le nouveau local où notre
Administration municipale doit le loger ; toutefois,
nous supposons qu'on le mettra à sa place naturelle ,
c'est - à -dire à l'Hôtel- de- Ville , dans une salle
voisine du Musée de peinture et du Musée Wicar .
COLLECTIONS PARTICULIÈRES .

Collection de M . Gentil- Descamps.


Vous vous croyez en plein dix -neuvième siècle ;
vous venez de quitter le chemin de fer, la plus mo
derne de nos institutions ; vous traversez une rue
bordée de candélabres à gaz ; voussonnez à la porte
d 'une maison bâtie à peu près de la veille ; on vous
ouvre ; vous passez le seuil sans défiance.... Mais
tout-à-coup un enchanteur invisible vous touche
de sa baguette ; aussitôt, le temps fait un bond pro
digieux à reculons, et vous vous trouvez transporté
à quatre siècles en arrière dans un passé que jusque
là vous ne connaissiez que par ouï-dire , et qui ,
cette fois , vous apparaît armé de toutes pièces ,
gravement assis dans son faudesteuf, entouré de ses
COLLECTIONS PARTICULIÈRES
bahuts sculptés , de ses tapis à personnages , de son
grand lit à colonnettes torses et à baldaquin armorié ,
lisant tranquillement le livre de la chasse de Gaston
Phébus , sa gigantesque épée à deuxmains entre
les jambes et ses pieds chaussés à la poulaine
appuyés sur les chenets monstrueux d'une cheminée
haute et profonde, où brûle un tronc d’orme entier
illuminant de ses reflets capricieux une plaque de
foyer aux armes de Bourgogne....
Or , cet enchantement, ce miracle , se renou
velle pour tout venant , et l'enchanteur s'appelle
M . Gentil-Descamps, honorable citoyen de Lille ,
judicieux et patient collectionneur qui a employé
quarante années de sa vie à transformer toute sa
maison , de la cave au grenier , en un luxueux et
authentique logis du moyen -âge. Car il ne faut pas
croire qu 'ils'agit ici simplement, comme partout ail
leurs, de quelques reliques de nos ancêtresdevenues
inutiles et étalant leur oisiveté dans une galerie
spéciale ; tout au contraire , pour M . Gentil , le
passé est redevenu le présent; ces meubles d'au
trefois sont les meubles dont il se sert aujourd'hui ;
il dort en personne dans ce lit du temps deMar
guerite d 'Autriche ; il n'a d 'autres chaises pour
s'asseoir que ces fauteuils trois ou quatre fois sécu
laires ; il serre son linge et ses habits dans ces
bahuts en chêne sculpté ; la table sur laquelle il
dîne vient de chez l'ébéniste de Charles - Quint , et
COLLECTIONS PARTICULIÈRES 97
les mets qu 'on luisert chaque jour sont apportés de
sa cuisine dans une vaisselle dont la pièce la plus
jeune a figuré au repas que nos échevins offrirent
le 5 Février 1600 à l'archiduc Albert, pour fêter
sa joyeuse entrée dans la bonne ville de Lille...
Or, puisque je viens de vous parler de la cuisine
de M . Gentil, et atin que, par ce trait , vous jugiez
du reste , vous saurez que cette cuisine constitue ,
à elle seule, un musée dont se contenterait un col
lectionneur ordinaire. En effet , nous trouvons là
des étagères du xvi.e siècle , des crémaillères plus
anciennes encore , de vieilles et pittoresques pote
ries flamandes, une batterie de cuivre chargée d 'or
nements ciselés et repoussés , dont quelques
pièces portent les armes du maréchal de Bouf -
flers , gouverneur pour le roi de la ville et cita
delle de Lille en 1708 ; un manteau de che
minée , sculpté et colorié , mêlant aux feuilles
d 'acanthe et aux figures d' animaux divers, le glo
rieux briquet de la Toison - d'Or ; enfin une foule
d'ustensiles dont nous avons presque oublié le nom
et l'usage; comme par exemple , une touaille, une
presse au linge , etc. , etc. ; et tout cela fonctionne
aujourd'hui comme autrefois. Bref, il n'y a de dix
neuvième siècle dans cette cuisine quelesmets qu'on
y prépare ; et certes , les convives de M . Gentil ne
se plaindront jamais de cette dérogation à la règle
générale de sa maison .
98 COLLECTIONS PARTICCLIÈRES
Maintenant, si nous montons au premier étage
par un curieux escalier ,tapissé en cuir doré et bordé
de statuettes et de groupes de sculpture , nous
trouvons des salles toutes pleines de merveilles
archéologiques. Ce sont des verrières peintes pro
venant des vieilles abbayes de St-Pierre et de
Cysoing ; des armes de toutes les époques ; des livres
des premiers temps de l'imprimerie ; une admirable
collection des sceaux authentiques de tous les comtes
de Flandre , des évêques , des villes , des abbayes,
des chapitres , et des principales communautés de
la province,depuis Philippe d'Alsace jusqu'à Louis
XIV ; une histoire métallique des Pays-Bas et de
la Révolution de 89, c'est- à -dire, une réunion de
médailles dont chacune est comme une page élo
quente des annales de notre pays, sous les ducs de
Bourgogne, sous la maison d 'Autriche , sous les
rois de France et sous la République aînée ; un
immense portefeuille d 'autographes, où figurent ,
entre autres curiosités significatives, des lettres de
Robespierre, de Joseph Lebon , etc .; une collec
tion fort originale de tous les placards et procla
mations affichées sur les murs de Lille pendant la
période révolutionnaire (il y là des excentricités de
fond et de forme fort intéressantes à consulter
aujourd'hui); enfin une galerie complète de tous
les titres créés en papier -monnaie soit par l'Etat ,
soit par les banques particulières , et même par les
COLLECTIONS PARTICULIÈRES 99
villes, les communes rurales et les institutions de
toute espèce , depuis les bons de Law jusqu'aux
assignats ; cette dernière collection est surtout im
portante parce qu'elle peut seule fournir les maté
riaux d 'une histoire curieuse qui reste à faire : -
l'histoire du papier -monnaie en France.
Nous sommes à peine àmi-chemin des richesses
historiques et archéologiques que possède M . Gentil ;
nous n'avons parlé nide ses magnifiques tapis des
Gobelins , ni de ses porcelaines , ni de ses bronzes ,
et voici déjà que nous avons dépassé les limites
imposées à une simple notice dans ce livre qui doit
en contenir tant d'autres. Du reste , nous voulions
simplement en dire assez pour piquer au vif votre
curiositéde touriste ; c 'était là notre seul but , et:
nous croyons l'avoir atteint.
Collection de M . Tencé .
Avant de parler de cette collection , deux mots ,
s'il vous plaît, sur son possesseur. - M . Tencé
est unmarchand detableaux comme on n'en rencontre
nulle part; son commerce n'est point un commerce ;
c'est un goût éclairé, une passion ardente pourles
belles choses . Ce marchand n' est point un marchand :
c'est un connaisseur émérite , un appréciateurinfail
lable dont la tête octogénaire est une véritable en
cyclopédie artistique contenant les noms , les dates,
160 COLLECTIONS PARTICULIÈRES
les cotes d 'estimation , les origines , l'état passé ,
la condition présente de tous les maîtres , de tous
les tableaux , encatalogués ou non , qui se sont
jamais montrés dignes d'attirer sur eux l'attention
publique. Aussi n'y a-t-il rien qui ressemble moins
à une boutique d'objets d'arts que la belle collec
tion de M . Tencé , rien qui soit plus intéressant,
plus instructif à entendre que la conversation de
M . Tencé lui-même, lorsqu'il veut bien vous faire
les honneurs de sa galerie .
Ceci constaté, nous allonsessayer de vous donner
une idée approximative du cabinet en question , en
vous signalant à peu près au hasard quelques-unes
des richesses qu 'il renferme, certain que nous
sommes que vous irez admirer le reste par vous
mêmes .
D'abord , l'æuvre capitale de cette collection est
un magnifique Rubens , les Miracles de St- Benoît,
que M . Tencé a acheté à la vente du fameux cabinet
de M . Schamp d 'Aveschoot, de Gand . Ce tableau
a été peint en 1630 , alors que le talent de Rubens
avait atteint l'apogée de sa puissance. Les dimen
sions de cette toile prouvent à ceux qui connaissent
les habitudes constantes du maître , que ce tableau
a dû être commencé à titre d 'esquisse et avec la
pensée d'en reproduire la composition dans des
proportions plus grandes ; mais , soit que le grand
tableau n 'ait pas été commandé, soit que le maître
COLLECTIONS PARTICULIŠRES 101
se fût attachédavantage à son cuvre à mesure que
l'exécution avançait , cette esquisse a été étudiée
d 'effet par Rubens comme le plus finideses tableaux.
Pas une main d 'élève n 'a touché à cette toile ;
Rubens y a tout exécuté lui-même; aussi les
Miracles de St- Benoît constituent-ils aujourd'hui
un de ces chefs -d'æuvres dignes en tous points
de la renommée dont on les entoure .
Nous avons remarqué encore chez M . Tence :
Un superbe Berghem , de grande dimension ,
Jupiter et Calisto , où toutes les qualités du maître
sont mises en relief.
Un magnifique Paul Potter , Paysage avec ani
maux, représentant une de ces natures vigoureuses
et plantureuses comme on en rencontre dans la
Gueldre.
Un grand paysage d 'Hobbema dont les figures
sont de Berghem ou de Vandevelde. A nos yeux ,
cette toile est une des plus remarquables du genre ;
c'est un éclatant chef-d 'oeuvre dont l'effet est à la
fois des plus saisissants , des plus vrais , des plus
harmonieux . Le pendant de ce paysage existait dans
la célèbre galerie du cardinal Fesch . "
Une fougueuse Mêlée de cavalerie , de Wouver
mans .
Un beau Carle Dujardin, grande allégorie peinte à
l'occasion du traité de paix de Breda, conclu entre
les Provinces-Unies et le roi d 'Angleterre , en 1667.
102 *COLLECTIONS PARTICULIÈRES
Trois Jordaens : Jésus faisant des reproches aux
Pharisiens, - L'Enfant prodigue, -- Une chasse ;
ce dernier tableau surtout, que le maître a signé,
est une admirable peinture qui place Jordaens encore
au -dessus de la haute réputation dont il jouit parmi
les connaisseurs.
Une Sainte Famille , quinousmontre assis sur les
genoux de sa mère, l'enfant Jésus auquel un petit
St- Jean -Baptiste présente des fruits . Ce tableau
peint parMorello en 1597, offre des qualités vrai
ment admirables ; nous vousrecommandons surtout
le torse de l'enfant-Dieu qui est rendu avec une
perfection prodigieuse.
Un Van Thulden ayant pour sujet le Mariage
mystique de Ste-Catherine.
Un enfant endormi sur des rochers, peint par
Van Dyck, ce qui est tout dire...
Un très-beau Ruysdaël représentant Harlem dans
l'éloignement.
Une figure de Saint en extase, que quelques con
naisseurs attribuent à Murillo .
A côté de ces toiles importantes, nons trouvons
toute une suite deportraits flamands , de ces figures
calmes etmajestueuses , surmontantun pourpointde
velours noir et encadrées dans de hautes fraises
d'une blancheur éblouissante. Quelques -uns de ces
portraits ont été, à coup sûr, exécutés par des pein -,
tres de premier ordre ,
COLLECTIONS PARTICULIERES 103
Resserré que nous sommes dans un cadre étroit ,
nous coupons court à ces citations incomplètes pour
ajouter qu'indépendammentde sa galerie de tableaux ,
M . Tencé possède une belle collection de gravures
et d'autres objets d'art des plus curieux à voir .
Nous signalerons dans cette dernière catégorie
un merveilleux ivoire gravé, des émaux délicieux ,
et, commeoriginalité sans pareille, une pièce d'or
févrerie représentant Orphée entouré des animaux
qu'ilattire. On a fait entrer dans l'exécution de cette
pièce un singuliermélange d'or etde perles, de dia
mans et de rubis; sa composition est à la fois ingénieuse
et barbare . On ne sait, on ne saura peut-être jamais
à quel temps , à quel pays attribuer cette curiosité
tout exceptionnelle. Toutefois , au point de vue de
l'art , cet Orphée et ses animaux n 'ont aucun lien
de parenté avecles belles peintures dontnousaurions
peut- être dù nous occuper exclusivement ici.

Collection de M . Malfait.
La galerie de M .Malfait n ' est pas très-nombreuse ;
néanmoins elle contient quelques auvres vraiment
remarquables, parmilesquelles nous citerons :
Une esquisse de Rubens représentant le Jugement
dernier.
Un grand etimposant tableau , la Femme adultère,
et une autre toile du plus beau mérite , l'enfant
1114 COLLECTIONS PARTICULIÈRES
Jésus et St- Jean - Baptiste , attribués tous deux
à Rubens ; ce qui nous dispense d 'en faire ici
l'éloge.
Un magnifique paysage d'Albert Cuyp.
Un autre paysage de Ruysdaël où se retrouvent
les hautes qualités de ce maître célèbre .
Un tableau de Jean Steen représentant les Ven - .
deurs chassés du Temple.
La Reine de Saba , grand tableau peint par
Simon de Vos.
Nous avons remarqué encore une Tête de jeune
homme dont l'auteur est resté inconnu et qui pour
tantoffre une expression de physionomie des plus
saisissantes.
Indépendamment des auvres anciennes , M . Mal
fait possède quelques peintures modernes dignes
de l'attention des connaisseurs ;nous citerons parmi
ces dernières trois paysages d 'Ommeganck où l'on
trouve des animaux peints avec le talenttout parti
culier qu'on connaît à leur auteur .
Collection de M . Lenglart.
M . Lenglart père possédait une magnifique
collection de tableaux dont il avait commencé l'or
ganisation en 1760 ; à sa mort , cette collection fut
partagée entre ses cinq enfants ; aujourd'hui, ces
cing parts du somptueux héritage artistique se sont
. .. COLLECTIONS PARTICULIÈRES 103
concentrées entre trois possesseurs. Maisdeces
trois collections, nous n 'avons pu en visiter qu'une
seule (heureusement la plus importante). On nous
assure que les tableaux des deux autres ne sont plus
en France depuis la révolution de 1848 . Nous
venons donc ici vous entrelenir de la galerie que
nous avons vue chez M .Lenglart , vieux Marché-aux
Chevaux , No 10 .
Cette galerie est une des plus riches qu'on puisse
espérer rencontrer chez un amateur ; certaines villes
de province se contenteraient fort bien d'un pareil
Musée.
En effet, et pour ne citer que ce que nous avons
le plus remarqué chez M . Lenglart , voici une
Vénus du Titien , qui est une æuvre capitale où la
vigueur et la grâce se donnent la main . Toutes les
parties du corps de la Déesse sont d'une exécution
large et savante ; la tête offre une expression de
physionomie toute rayonnante d'une beauté à la fois
majestueuse et coquette . Cette toile est tout bon
nement un chef-d'auvre digne de son illustre
auteur.
Viennent ensuite :
Un magnifique paysage de Wildens dont Rubens
lui-même a peint les personnages ; la scène qui s'y
trouve représentée est connue sous le nom de le
Croc en jambe. Il est impossible de rencontrer ail
leurs une composition plus vive , plusmouvementée ;
106 COLLECTIONS PARTICULIÈRES
il y a là surtout une figure de lorette du commen
cement du xviie siècle qui dépasse decentcoudées,
en finesse , en malice , en grâce et en esprit, tous les
types inventés de nos jours pour personnifier les
plus élégantes et les plus dangereuses pécheresses
de la Baby lone moderne....
Un superbe Albert Cuyp représentant deux
Buveurs attablés avec une femme. Ce tableau , peint
dans la pâte , est d 'une vigueur de ton extrêmement
remarquable
Un St- André,attribué parles uns au Dominiquin ,
par les autres à Ribera , dontla puissance decoloris
estvéritablement écrasante:
Un charmant intérieur hollandais de Brakenburg ,
dont toutes les figures offrent une expression naïve
et vraie.
Une Attaque de cavalerie de Vandermeulen .
Un délicieux intérieur de Terburg représentant
ufemme toutonde; sa prelique ;el
menine estest tout
une jeune femme qui reçoit une lettre. Cette jeune
ce qu'on peut imaginer
de plus
gracieux au monde; sa physionomie distinguée
possède une expression angélique ; elle est vêtue
d ' une robe de satin blanc dont les chatoyements
nacrés défient tous les artifices de palette des
Dubuffe et autres grands satineurs modernes.
Trois ou quatre Téniers , dont deux présentent
cette particularité que , cette fois , les buveurs
flamands ont quitté le cabaret traditionnel pour so :
COLLECTIONS PARTICULIÈRES 107
promener dans un paysage conçu et exécuté à
la manière de Mompre .
Un Adrien Van de Velde , paysage avec un
horizon sans bornes et des animaux à désespérer
Verboeckoven et Brascassat.
Deux intérieurs de Jean Steen dont l'un surtout,
représentant une visite à l'Accouchée, nous a frappé
par sa grâce ingénue.
Une esquisse de Lesueur, le Raphaël français .
Une esquisse de Rubens : Ericton et les Filles
de Cécrops .
Un tableau de Crayer, Alexandre et Diogène. ,
Un tout petit Gérard Dow représentant un vieil
lard lisant un livre d'anatomie .
Un Carle Dujardin , paysage au coucher du soleil.
Des paysages de Berchem , Breughel, Pynaker ,
Vanderburgh , etc .
Desmarinesde Backhuysen, de Beerstraeten , de
Weeninx , etc.
Six admirables Portraits flamands , provenant
d 'une ancienne et noble famille de notre province .
Ces portraits ont été peints , à coup sûr, par un des
meilleurs élèves de Van Dyck ; car on y retrouve la
grande manière de ce maître ; ainsi que dans un
beau portrait de Marie de Médicis , qui cependant
est d 'une touche beaucoup moins ferme que la
Marie de Médicis, quvre authentique de Van Dyck
que l'on voit au Musée de Lille.
108 COLLECTIONS PARTICULIÈRES
Nous trouvons encore là une æuvre d'un mérite
très - singulier et sur laquelle nous appelons toute
votre attention . En effet, voyez , juste en face de la
porte par laquelle vous êtes entré , cette vaste et
imposante perspective d'architecture qui borde yn
parterre symétriquement découpé; à une certaine
distance , cecivous semble une majestueuse compo
sition largement exécutée , et où toutes les règles de
la perspective aérienne rigoureusement observées
produisent une profondeur immense avec des plans
graduésadroitement; le tout enveloppé d 'une lumière
éblouissante . Maintenant , approchez -vous , mettez
le nez tout contre la toile, et vousdécouvrirez queles
plus imperceptibles détails sont rendusavec un soin ,
un fini prodigieux; bref, c'est une peinture exécutée
à la loupe et qui produit cependantle plus vigoureux
effet d'ensemble. .... Comprenne qui voudra le
comment etle pourquoi de ce miraculeux tour de
force ; quant à nous, nous y renonçons. L'auteur de
cette peinture, qui n'oubliait rien , a écrit son nom
commeune enseigne microscopique sur la façade de
son féerique palais ; lisez si vous le pouvez ; il y a
là : Wilhem Schypert Von Erremberg ; Antwerpen
(Anvers) 1671. Ce Sch ypertVon Erremberg est
un Flamand, peut-être même un Allemand (von) qui
s'est fait , dit -on , Vénitien , sans doute par amour
pour les somptueuses perspectives d'architecture.
Nous n 'en finirions jamais s'il fallait nous arrêter
COLLECTIONS PARTICULIESES 10 :1
devant chaque toile remarquable de la collection de
M . Lenglart; il nous faudrait encore admirer et ce
saisissant portrait de Jésuite attribué à Vélazquez ,
et cette Sainte-Famille de Jordaens, et cette impo-.
sante figure intitulée le Goût et attribuée au Cara
vage , et cette vierge peinte dans le genre d 'Albert
Durer ; comme encore , pour être juste , et rester
Lillois , il nous faudrait vous montrer ici , les unes
après les autres, les auvres les plus remarquables
de notre concitoyen , L . Watteau ; d'autant mieux
qu'à notre avis ce peintre gagnerait beaucoup à être
jugé sur ce que possède de lui M . Lenglart. .
Enfin , nous ne connaissons d 'autremoyen pour
nous tirer de cette longue revue que de répéter une
fois de plus ce que nous vous disons à la dernière
ligne de chacune des notices de ce Guide : « » Pour
tout savoir , allez-y voir.... »
ÉGLISES.

Lille compte six églises paroissiales : Saint-Mau


rice. - Saint- Sauveur. - Saint-Etienne --
Saint- André. ~ - La Madeleine. — Ste - Catherine.
- Aucune de ces églises n 'est vraiment remar
quable comme construction monumentale , sur
tout si on les compare aux magnifiques cathédrales
que possèdent les principales villes de la Belgique ;
néanmoins,quelques-unes sont dignes d'interêt, soit
par leur origine , soit par les tableaux qui les
décorent. Nous allons les passer brièvement en
revue .
EGI.ISES

Saint-Maurice.
Saint-Maurice est aujourd'hui la plus ancienne
église de Lille ; pendant longtemps cette église ne fut
qu'une simple chapelle dont quelques chroniqueurs
prétendentfaire remonter la fondation à l'an 1000 ( 1).
Quoiqu'il en soit, les constructionsprimitives ont été
plus d'une fois détruites et réédifiées ; et pour ce
qui est des constructions actuellement existantes ,
on peut en attribuer la partie la plus ancienne au
commencement du xive siècle ; la dernière nef de
gauche a été ajoutée sous Philippe-le-Bon ; on trouve
en effet dans son ornementation le briquet de la
Toison -d 'Or. Ce briquet est comme la signature
authentique du puissant duc de Bourgogne apposée
sur tous les monuments de notre pays contem
porains de ce prince .
L'extérieur de l'église de Saint-Maurice n'offre
rien de remarquable ; le grand portail reconstruit ,
il y a une vingtaine d'années , est d'un goût assez
douteux ; l'ancien portail était surmonté d'une tour
qu'il a fallu démolir en 1825 , parce qu'elle mena
çait ruine.L'intérieur de cette église est composé de
( 1) On a découvertsur la façade principale actuelle la date de 1022.
L 'inscription est en chiffres arabes ; or ces chiffres n 'étaient pas en
usage en 1022, donc il faut en conclure que cette date a été mise
comme indication historique sur des constructions exécutées beau
coup plus tarr .
EGLISES 313
cinq nefs d'égale hauteur ; cette parité dans l'élé
vation des voûtes est une particularité à signaler dans
toutes les églises gothiques de notre pays. Les deux
dernières nefs de chaque côté sont entrecoupées par
des chapelles. L ' étendue du vaisseau et l' élévation
des voûtes donnent à cette église un aspect imposant.
Il y a au centre de l'édifice une voûte en pendentif
d 'un caractère très-remarquable .
Parmiles tableaux de St-Maurice , nous ne pou
vons guère citer que le St-Nicolas de Vanderburgh
(le père), le Martyrede St-Maurice , par Langhen
Jan , le Triomphe de la Vierge par Vanmine, le
Triomphe de David , bon tableau d 'un maître in
connu , et enfin la Procession du Corpus Domini,
de C . Boulanger . Ce dernier tableau appartient.
au Musée de Lille .
Aux côtés du chour s'élèvent les statues de St
Pierre et de St-Paul, qui sont deux cuvres distin
guées du statuaire Bra .
St-Maurice est la paroisse officielle de la ville :
les Te Deum , services funèbres et autres céré
monies religieuses ordonnées par l'Etat ou la Ville,
ont tous lieu dans cette église.
Saint-Sauveur.
Voici l'église des pauvres , la paroisse de notre
population indigente. Autrefois , elle était surmon
ÉGLISES

tée d'une belle flèche gothique en pierres blanches,


travaillée à jour, qui s'en allait dans la nue droite et
confiante comme la prière de l'ouvrier ; mais au
bombardement de 1792 , les boulets des Autri
chiens la coupèrent au pied ; si bien qu'aujour
d'hui, cette église de St-Sauveur semble nue et
triste au -dehors et au -dedans. Les arceaux de sa
triple nef sont aussi profonds,mais moins élevés que
ceux de St-Maurice . Les voûtes en bois sont d'une
forme particulière. Les deux chapelles placées au
bout des nefs latérales sont ornées de beaux marbres
de différentes couleurs qui produisent un très-bel
effet. Trois tableaux : La Transfiguration , le Denier
de César ( d'après Rubens ) et Jésus enseignant ,
deux pierres sépulcrales dont la plus remarquable
est placée auprès du petit portail, enfin un buffet
d orgnes d'un beau travail, voilà tout ce que l'église
St-Sauveur présente à l'attention de ses visiteurs.
Saint- Étienne.
Cette église était autrefois la chapelle des Jésuites
et fut construite à la fin du xvile siècle ( 1696 ).
On n'a pensé à faire de cette chapelle une église
paroissiale que lorsque l'ancienne église de Saint
Étienne , située sur la Place -d'Armes, eut été dé
truite , en 1792 , par les bombes autrichiennes .
Maintenant , si l'église actuelle de St- Etienne
RCLISÉS 113

n'est pas la plus vaste , elle est à coup sûr l'une


des plus propres , des mieux tenues des églises de
Lille. On y remarque, dans le chæur,des peintures
murales représentant des perspectives exécutées
avec autant de goût que de science . Le vaisseau de
St-Etienne est majestueux et bien éclairé ; la nef
du milieu est soutenue par des pilastres à chapiteaux
corinthiens ; les bas-côtés portent sur des pilastres
d 'ordre ionique ; le portail à l'extérieur présente
aussides pilastres assez grandement composés. On
remarque, au maître- autel, un tableau très-distin
gué , représentant le Martyre de St-Étienne, peint
à Rome par M . Mottez , artiste lillois qui jouit
d'une réputation aussi honorable quebien-méritée .
Cette église possède un orgue très-remarquable
par la qualité et le grand nombre de ses jeux .
Saint- André.

L 'église St-André n'est pas très- grande ; mais


elle est , comme St-Etienne , parfaitement éclairée,
très -propre , très -bien tenue et elle offre une façade
imposante. Elle possède une chaire de vérité artis
tement sculptée et d 'une composition à la fois
originale et grandiose. En fait de tableaux , cette
église possède : le Martyre de St- André, par Dez
camps, artiste lillois, ancien pensionnaire de Rome,
la Mort de Sainte-Marie-Madeleine, par Ducornet,
116 kGLISES
peintre lillois né sans bras, l'Annonciation etl'Enfant
Jésus, tous deux de Van Oost , une cuvre d'Arnould
de Vuez placée dans la chapelle dela Sainte- Vierge,
enfin deux tableaux de forme oblongue peints
par Otto Venius et placés à l'entrée du chæur.
N 'oublions pas de signaler ici la grille en fer qui
entoure ce chæur et qui estune auvre d 'un travail
extrêmement remarquable .
St-André est la paroisse de la grande propriété
et de la noblesse lilloise .

La Madeleine:
L 'église de la Madeleine est d'une constructions
toute particulière; elle est surmontée d'un dôme
qui nemanque pas d'élégance et forme à l'intérieur
une coupole dont quelques chapelles latérales bor - -
dent le pourtour. Cette distribution rend certaines
parties du vaisseau un peu sombres ; le jour n'y
pénètre que difficilement, ce quidonne à l'intérieur
un aspect triste et froid . A gauche , à l'autel de
N .-D . de Bon -Secours , on remarque un tableau de
Rubens , représentant une Adoration des Bergers,
et vis -à - vis , à l'autel du Saint-Sacrement, un
tableau de Van Dyck représentant le Christ sur la
croix , ces tableaux ont été abîmés par des res
taurateurs maladroits.
Le tableau du maître-autel, ainsi que les quatre
ÉGLISES 117
principaux Docteurs de l'église latine qui décorent
l'intérieur de la coupole sont de Van Oost, élève
de Rubens.
A l'entrée du chœur se trouvent deux tableaux
d 'Arnould de Vuez : la Samaritaine et la Cana
néenne. Il y a encore dans le choeur quatre tableaux
peints par M . Lens, de Bruxelles , et qui sont d'une
exécution soignée jusqu'à la minutie.
La chaire de vérité de cette église , bien qu'elle
soit exécutée dans des proportions fort restreintes,
est un morceau de sculpture en bois assez remar
quable.
Sainte- Catherine.
Cette église est d'une architecture assez mé
diocre ;mais en revanche elle possède le Martyre
de Sainte- Catherine, chef-d'æuvre des plus estimés
de Rubens. Ce tableau décore le maître -autel ; et
il n'est pas un étranger tant soit peu éclairé qui ,
en passant à Lille , n 'aille visiter cette toile qui est
une véritablemerveille de l'art. L 'église de Sainte
Catherine doit ce tableau à la munificence de deux
de ses paroissiens d 'autrefois , Jean de Seur et sa
femme Marie Patin . Il y eut un temps où , en de
certaines circonstances, les bourgeois de Lille pre
naient des allures de princes, sans en être plus fiers
pour cela ......
Indépendamment de cette toile capitale , l'église
118 EGLISES

de Sainte -Catherine possède plusieurs tableaux re


marquables peints par M . Mottez .
Le maître-autel , d 'un beau marbre ciselé ,
mérite encore d'attirer l'attention des visiteurs . La
chaire, dontla cuve seule est ancienne, a été complè
tée , sur les dessinsde M . Benvignat,par M .Huidiez,
sculpteur , avec un talent très-distingué.
Mais voici qui doit intéresser profondément etles
artistes et les archéologues, et tous ceux pour qui
les souvenirs de notre passé historique offrent quel
que attrait; sans compter que le sentimentreligieux
trouve encore ici une satisfaction supérieure à toutes
les autres. En effet , au -dessus de l'autel de la nef
latérale de gauche,dans uneniche en style gothique ,
est exposée aux regards des fidèles l'antique statue
de Notre-Dame de la Treille, patronne de Lille.
Cette image , huit fois séculaire , est née avec la
ville elle -même et pendant les siècles qu'elle a
traversés , les Lillois l'ont associée aux phases heu
reuses ou malheureuses de leur histoire , comme
le palladium sacré sur lequel reposaient leur con
solation , leur espoir , et leur confiance. Cette image
remonte à la fondation de la Collégiale de St-Pierre,
en 1066 . — Vers 1216 , après le sac de Lille par
Philippe- Auguste , on lui consacra une chapelle dans
cette église rebâtie. — En 1237 , fut instituée à
Lille la confrérie de Notre - Dame de la Treille . —
En 1254 , cette confrérie obtint la sanction canonique.
ÉGLISES . 119
du pape Alexandre IV ; aussitot la comtesse Mar
guerite et son fils Guy se firent inscrire parmi ses
membres ; les plus riches familles du pays imitèrent
leur exemple et la bourgeoisie en foule sollicita le
mêmehonneur. - En 1269 , Notre- Dame de la
Treille fut officiellement appelée Notre- Dame de
Lille , et la fameuse Procession de Lille,dontl'usage
se maintint jusqu'en 1792, fut instituée à cette oc
casion . — En 1431 , Philippe- le - Bon , au sortir
du premier chapitre de la Toison - d'Or, s'en vint
avec les vingt-quatre chevaliers de cet ordre , se
prosterner devant l'image miraculeuse et se con
sacrer , lui et ses frères d 'armes, à Notre -Damede la
Treille .... - En 1635 , l'empereur Ferdinand II
s'affilia solennellement avec toute sa famille à la
confrérie de la sainte patronne de Lille . — Enfin ,
le 10 août 1659 , on vit se rendre processionnelle
ment de Tournai à Lille , tout le clergé de cette
première ville à la tête de troismille pèlerins, pour
honorerNotre- Dame de la Treille par l'institution
d 'une confrérie tournaisienne vouée à la même
patronne et agrégée à celle de Lille.
On peut juger par les circonstances historiques
quenous venons de citer , de l'importance qu'avait,
de près et de loin , la dévotion à la patronne de
Lille ; or , la statue de Notre- Dame de la Treille ,
qui , depuis l'origine de la Collégiale de St- Pierre
était restée exposée dans cette église , fut en 1792 ,
120 ÉGLISES
sauvée de la destruction , par un sacristain de
St- Pierre, qui la cacha comme un trésor, jusqu'à ce
qu'à la réouverture des églises , il chargea un mar
guillier de l'installer convenablement à Sainte
Catherine. Toutefois , ce n'est que tout récemment
et par les soins de M . Bernard , curé de cette
paroisse , que l'image de Notre -Dame de la Treille
a été dignement placée dans le lieu où nous la
voyons aujourd'hui. Cette statue représente la
Vierge -Marie , en costume de reine , assise sur un
trồne, portant sur le bras gauche l'Enfant Jésus et
tenant un sceptre de la main droite . Un grillage ou
treille entoure le bas de la statue. .
On vient tout récemment de faire exécuter , pour
la chapelle de N .-D . de la Treille , par M . Gau
delet , peintre sur verre , trois verrières remar
quables par leur bonne composition et la vivacité
des couleurs. Ces verrières représentent l'histoire
complète de la patronne de Lille ; chacun de leurs
compartiments a pour sujetl'un des faits mémorables
que nous avons rapporté plus haut. Enfin pour
que rien ne manquât à l' éclatante restauration de la
patronne de Lille , une nouvelle congrégation reli
gieuse s'est formée, en 1849 , sous son invocation ;
et quelques écrivains Lillois se sont faits ses his
toriens et ses poètes dévoués.
Pour en finir avec les églises de Lille , nous
dirons qu'elles étaient autrefois très-nombreuses et
ÉGLISES 121
très-riches en bons tableaux , mais, à l'époque de
la Révolution , les églises des communautés reli
gieuses ont été supprimées , et leurs tableaux sont,
pour la plupart, entrés dans la composition de notre
Musée de peinture.
27 9
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LA BOURSE .

Cet édifice , ornement principal de la Place-d 'Ar.


mes dite Grande- Place, est un des spécimen les
plus remarquables que l'architecture espagnole ait
laissé dans notre pays . Ce monument fut construit
en 1652 , en vertu de lettres -patentes données par
Philippe , roi d'Espagne. Son ordonnance est des
plus régulières . On trouve à l'intérieur une cour
carrée qu'entourentdes galeries couvertes , soutenues
par des colonnes en pierre grise querelient entre elles
des arceaux en plein cintre ; à la voûte de ces
galeries s'entrecroisent des nervures en saillie ;
sur chacune des quatre faces de l'édifice s'ouvre un
portique qui donne accès dans l'intérieur. Deux de
ces entrées sont actuellement fermées. Le pourtour
194 BOURS
E
de l'enceinte est formé par des maisons particulières
dont les façades intérieures et extérieures présentent
une ornementation aussi riche qu’ originale : ce ne
sont que médaillons compliqués, grappes de fruits
entremêlées de fleurs, figures d 'hommes et d 'ani
maux de la conception la plus fantastique . Il y a là
surtout une foule de têtes deguerriers , de femmes ,
d 'enfants , qui offrentune expression de physionomie
vraiment saisissante . Il a fallu à l'artiste une ima
gination inépuisable pour varier ainsi à l'infini
toutes ces personnifications naïves et vraies. En
1789, les façades extérieures conservaient encore
du haut en bas leur caractère primitif ; un tableau
deWatteau exposé au Musée nous les montre dans
cet état ; mais depuis , les marchands qui occupent
les maisons de la Bourse ont peu à peu dénaturé
l'ordonnance des rez -de-chaussée . Les boutiques
visaient à s'intituler magasins , dès lors chacun
voulut, à tout prix , moderniser l'aspect de son
établissement; on a détruit des voûtes , des tru
meaux, pour établir de larges vitrines et des portes
à deux battants. Bientôt après est survenue la
ridiculemanie des enseignes colossales , et la plinthe
sévère qui reliait le rez-de-chaussée au premier
étage a disparu sous de longues planches bariolées
de noms propres et de dénominations de marchan
dises. Quelques -unes de ces enseignes avaientmême
poussé l'irrévérence jusqu'à érailler le nez des
BOURSE 1020
Cariatides inférieures,mais heureusement l'adminis:
tration municipale a arrêté cette profanation à son
début. Il a fallu , bon gré mal gré , que nos mar
chands refrénassent leurs velléités anti -artistiques,
et les enseignes susdites furent impitoyablement
rognées. Quoiqu'il en soit , nous sommes de ceux
qui déplorent hautement qu'on ait laissé exercer
sur la façade de la Bourse unemutilation quelconque,
et, pour être denotre avis , il suffit de jeter un coup
d 'ail sur ce monument tel qu 'il existe aujourd'hui
jamais on ne vit de plus déplorable contraste que
celui qui résulte de ces rez -de- chaussée en bois
peint supportant des étages en pierres sculptées.
Décidément les vendeurs ont pollué le temple! ...
Nous renvoyons à qui de droit la responsabilité his
torique de cette ridicule mascarade.
Maintenant, il est bon qu'on sache que l'adminis
tration locale a non-seulement combattu de toutes
ses forces le vandalisme que nous signalons , mais
qu 'elle a fait davantage encore pour conserver à la
Bourse de Lille tout son éclat artistique. En effet ,
dans ces dernières années , le monument a été res
tauré avec un soin tout particulier ; on a enlevé
le badigeon qui s'étendait comme un linceuil mono
tone sur ses saillies etses contours ; on a rendu aux
briques et aux pierres leur couleur naturelle ; en
un mot : on a ressuscité l'heureuse originalité de
cet édifice . De plus, on a rétabli le charmant cams
11*
126 BOURSE
panile qui surmontait la façade principale ; si bien
qu'à part le rez -de-chaussée , la Bourse de Lille
est redevenue aujourd'hui ce qu'elle était en 1652.
Une cité qui a constamment vu ses monuments
mis en coupe réglée par les boulets ennemis , doit
plus que toute autre veiller à la conservation du peu
qui lui en reste .
LA COLONNE.

Nous n 'avons plus à apprendre à personne qu'en


l'année 1792 , la ville de Lille soutint un siége à
jamais mémorable contre l'armée autrichienne com
mandée par le prince Albert de Saxe-Teschen .
Cesiége était une épreuvedécisive pourl'inviolabilité
du territoire national ; l'étranger était convaincu que
Lillerenfermait dans son sein une population royaliste
toute prête à lui ouvrir les portes ; la Convention
elle -même éprouvait à cet égard un doute poignant.
L 'exemple de la défection de Lille pouvait entraîner
la ruine de la République naissante . On sait par
quelle conduite héroïque les Lillois dissipèrentcette
présomption et ces doutes . Dans le court espacede
128 COLONNE
sept jours , quarante mille coups de canon furent
tirés par les Autrichiens et leursmortiers lancèrent
six à sept mille bombes; et cependant l'ennemi dut
se retirer honteux et vaincu , laissant derrière lui
toute une ville quibrûlait comme un vaste holocauste
allumé sur l'autel de la Liberté ! ... Dans sa séance
du 12 Octobre, la Convention voulant signaler cette
défense glorieuse à la reconnaissance de la nation
entière , vota à l'unanimité ce décret désormais
historique : Les citoyens de Lille ont bien mérité de
la patrie !
Le 8Octobre 1842, la ville de Lille voulut célébrer
l'anniversaire du bombardement de 92 par l'érection
d 'un monument commémoratif ; mais rien n 'était
prêt pour l'exécution définitive de ce projet . L 'em
placement lui-même n 'était pas encore positivement
arrêté. On désigna provisoirement la place de la
Mairie ; un simulacre du monument projeté y fut
élevé et l'on procéda en grande pompe à la pose de
la première pierre .
Toutefois, ce ne fut que trois ans après, en 1845 ,
qu 'eut lieu la cérémonie de l'inauguration . Qu'on
nous permette de reproduire ici une page de notre
Histoire populairede Lille .
« L 'architecte Benvignat avait été chargé de
présenter un plan ; après des études sérieuses et
lorsqu'il eut à plusieurs reprises modifié conscien
COLONNE 199

cieusement ses dessins primitifs , cet artiste dis


tingué s'arrêta à un projet qui réalisait de la
façon la plus heureuse l'idéal à la fois sévère et
grandiose que rêvait le' patriotisme de ses conci
toyens. Il ne s'agissaitplusde l'étroite et irrégulière
place de la Mairie ; c'était au centre même de
notre vaste place d'Armes quedevait se dresser cette
majestueuse colonne de granit, portant à son som
met la statue en bronze de la ville de Lille et à sa
base des mortiers autrichiens enchaînés . Rien que
du bronze etdu granit, la simplicité unie à lamajes
té, une ordonnance sévère révélant l'idéedu calme
dans la force , tel était bien le vrai caractère d 'un
monument républicain .
» Bra, le statuaire penseur etpoète, fit la statue.
Nous avons vu celui- là en plein enfantement de son
@ uvre. .. ... a Lille ! disait-il , Lille !.. ... C 'est
» une femme dont le front doit porter l'empreinte
» du courage calme et obstiné des Flamands ; il
» faudra que sa poitrine soit couverte , qu'elle soit
o large et ferme, que ses flancs soient développés
» et vigoureux; car la Flamande est à la foischaste,
» robuste et féconde... Toutle torse traduira la fer
» tilité de notre territoire ; les bras seront forts et
» nerveux, car Lille travaille beaucoup et toujours...
» Oui, je vois d'ici ma Lille républicaine... L'Au
.. trichien vient de la sommer de se rendre... Il faut
COLONNE
» qu'elle réponde... Je ferai parler sa main gauche
qui désignera d'un doigtimpérieux notre réponse
» héroïque inscrite à ses pieds... Ce n'est pas tout :
» au premier boulet qui partira de la tranchée , il
» faudra une réponse plus éloquente encore... Ah !
» la voici!... Cette autre main armée d 'un boute
» feu se tiendra toute prête à répliquer à l'insolence
v autrichienne.... Oui , oui, c'est bien cela , je
» vois ma statue de Lille , je la vois... » Et il la fit
comme il la voyait.
» Donc , en Octobre 1845 , il nous fallut
organiser une nouvelle fête pour célébrer l'inau
guration de la colonne de 92 , exécutée telle que
nous la voyons aujourd'hui. Ce furent encore une
fois un concours immense, une fédération de vingt
cités amies , une revue imposante , un défilé de
quatre heures au chant de la Marseillaise , un ban - :
quet de trois mille couverts. Il y eut ce jour-là
deux à trois centmille âmes dans les rues de Lille ;
partout les tambours battaient , les drapeaux flot
taient, les baïonnettes étincelaient au soleil.... Puis ,
tout- à- coup , au moment solennel, le canon tonne ,
le voile qui couvre la statue tombe, et toute cette
vallée de Josaphat pousse un cri unique, immense ,
qui salue d'un vivat enthousiaste la majestueuse
image d 'une cité héroïque....
Nous n 'ajouterons qu 'un mot ; - Pour de
COLONNE 134
pareils monuments , la première règle de l'art,
c'est demarcher droit à l'effetmoral ; et la colonne .
de Lille est une brûlante inspiration de dévoûment,
un perpétuel enseignementde patriotisme.
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LE THEATRE

Le théâtre de Lille fut construit en 1785 sur les


plans de l'architecte Lequeux ; son isolementcom
plet au centre d'une place assez spacieuse rehausse
de beaucoup l'effet qu'ilproduit comme monument.
Par deux fois , on modifia son ordonnance intérieure
pour augmenter le nombre de places accessibles aux
spectateurs et agrandir la scène elle -même. L'ac
croissement de la population de Lille et de sa ban
lieue d'une part , l'engouement pour les pièces à
grand spectacle de l'autre , amenèrent ces deux
tentatives dont la première (en 1821) échoua assez
ridiculement , tandis que la seconde (en 1842),
réussit bien au -delà de ce qu 'il semblait permis
d'espérer . En effet, l'architecte Benvignat trouva
12
1.34 THEATRE
moyen de transformer et d 'agrandir l'ancienne salle
sans toucher aux murs latéraux. Il se contenta de
fermer la cagedu péristyle pour y placer le vesti
bule et le foyer, et d'ajouter à la façade postérieure
une sorte de rotondeoù se trouvent l'habitation du
concierge , les escaliers de service et les loges
des acteurs. Le problèmeavait été posé à plus d'une
célébrité en faitde constructionsde ce genre, ettou
jours on avait concluà la nécessité absolue de démolir
l'ancienne salle de fond en comble , si l'on voulait
avoir un théâtre présentable. Benvignat, lui, n'a rien
détruit; et, respectant à la fois le caractère primitif
de l'édifice et la bourse des contribuables , il a donné
à ses concitoyens une des salles les plus gracieuses
et les pluscommodes que puisse posséder une ville
de province .
GARE DU CHEMIN DE FER

On a dit que chaque époque importante avait


eu son architecture spéciale dont les monuments de
venaient ainsi autant de pages explicites de sa
monographie historique. La première moitié du
moyen -âge avait le style roman primitif ; la seconde
moitié , le gothique fleuri ; la Renaissance possédait
un style de son nom ; et le siècle de Louis XIV
dévoile son millésime sur chaque pierre de ses
constructions. On est parti de là pour dénier à notre
temps le droit de se croire une époque, attendu
qu 'on ne lui connaissait pas jusqu 'ici de caractère
architectural particulier . En effet , nous cons
truisions des palais romains , des hôtels -de- ville
Renaissance , des églises gothiques, mais nous ne
136 GARE DU CHEMIN DE FER
bâtissions rien de contemporain , rien de dix -neu
vième siècle . Ah ! c'est que la physionomie morale
du temps où nous vivons n 'avait pas encore pris
cette consistance définitive qui seule devait per
mettre aux arts plastiques de se mouler sur elle .
Aujourd'huique nous voici parvenus à mi-chemin
du siècle , ce travailde consolidation typique touche
à son achèvement, et déjà nos constructions com
mencent à revêtir la livrée des moeurs publiques.
En effet, la formule dominante de notre temps ,
c'est le commerce ; la chose nouvelle sous notre
soleil, c'est le chemin de fer ; et , comme consé
quence logique de ces prémices , la construction
neuve ,originale, par excellence , c'estla Garedenos
rails-ways. Ici toutest réforme, tout est révolution !
Pour couvrir cet immense espace , cette halle mons
trueuse d'un débarcadère, nos pères eussent épuisé
des carrières , abattu des forêts ; ils auraient érigé
des piliers énormes, cintré de pesantes voûtes et
produit une masse lourde et ruineuse à la fois... .
Nous, au contraire , guidés par les instincts écono
miques qui nous commandentdeménager le temps ,
l'espace et l'argent, nous avons répudié les maté
riaux traditionnels , pour nous fier exclusivement
au métal symbolique de notre âge, au fer , qui a le
cour dur et l'échine souple ......
L 'emploi du fer dans les charpentesà grande portée
a fait faire à l'art des constructions un pas immense .
CARE DU CHEMIN DE FER 137

L'usage de ce nouvel élément a conduit les hommes


spéciaux à se rendre compte de l'action mécanique
des forces dansles différentes pièces des charpentes ;
et de cette étude sont résultées les constructions à
la fois simples , légères , élégantes , dontnous avons
un remarquable specimen dans la grande halle de
la gare intérieure de Lille .
Cette gare se compose d'une grande nef et de
deux galeries latérales ; elle a centmètres de lon
gueur. La portée de la grande nef centrale est de
21 mètres 60 centimètres et sa hauteur de 14
mètres 10 centimètres. La charpente se compose
de 50 fermes espacées entre elles de 2 mètres.
La couverture en zinc des trois nefs a permis de
donner au toit une pente de 2 mètres de base sur
1 mètre de hauteur ; cette faible inclinaison ajoute
encore à l'élégance de cette construction. Des colon
nettes creuses, en fonte , qui serventen même temps
de tuyaux d' écoulement pour les eaux du toit, sup
portent les fermes de distance en distance ; ces
colonnettes sont réunies à la partie supérieure par
desarceaux en fonte qui serventde pointd'appui aux
fermes intermédiaires. C 'est vraimentquelque chose
de prodigieux que de voir cette immense couverture
maintenue en l'air par quelques barres de fer
plat , quelques tringles de fer rond ( tirants et
sous- tendeurs ) tellement minces , tellement dé
liées , qu 'en les voyant ainsi s'entre- croiser sur
12*
138 CARE DU CHEMIN DE FER
notre tête , nous les prendrions volontiers pour
une toile d 'araignée suspendue à la voûte . . . . .
Indépendamment de ces trois belles galeries du
centre, la Gare présente sur ses deux flancs des
constructions moins élégantes , mais tout aussi in
génieuses . Le hangar aux marchandises surtout
offre un système de charpente basé sur les com
binaisons les plus heureuses et qui résout vic
torieusement le difficile problème de la légèreté
unie à la solidité. Toutes ces constructions ont été
été exécutées sur les plans de M . Armand , architecte
de la compagnie du Nord.
Enfin , et pour tout dire en un mot : la Gare
de Lille est un véritable monument , et non -seule
ment un monument d ' art, mais encore et surtout
un monument historique , car on y trouve coulé en
fer le signalement de notre époque. — Allez de la
salle du Conclave à la Gare du chemin de fer du
Nord, et vous aurez fait le tour du monde.....
‫في بندر بن فيه في ‪- 2‬‬ ‫ده‬

‫بنایا‬
‫‪ ،‬یا ‪6‬‬
‫‪((،‬‬
‫ا ا ا‬
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J.dePeDBlQuaitauasseeulelsatisce
PALAIS -DE- JUSTICE .

Ce monument, situé sur le quai de la Basse


Deale , fut construit dans les premières années du
règne de Louis-Philippesurles dessins de M . Leplus,
architecte du département; la façade principale pro
duirait un bel effet, n'était qu 'elle laisse voir sur
ses deux flancs les bâtiments tristes et lourds de la
prison civile . Il fallait ici cacher les fers sous la
togeet dissimuler , au moins sur cette face principale ,
le voisinage compromettant que devait subir le
Temple de la Justice . Le fronton du péristyle est
orné d'un bas-relief,auvre remarquable du statuaire
Bra . La façade postérieure est surmontée d 'un autre
bas-relief dû au ciseau de Lemaire qui a exécuté ,
comme on sait , le fronton de l'église de la Made
f10 PALAIS-DE-JUSTIC
leine à Paris. Dans l'intérieur se trouvent les salles
d'audience du Tribunal civil et du Tribunal de coni
merce , séparées par la salle des Pas -Perdus , dans
laquelle on remarque un beau médaillen en fer coulé ,
de Bra, offrant le portrait de M .le baron Méchin ,
Préfet du Nord , sous l'administration duquel notre
Palais-de-Justice a été construit .
LE PONT-NEUF .

Le Pont-Neuf, sur le rivagede la Basse-Deûle ,


futconstruit par l'architecte Deswerquins, en 1701.
Il a cela de remarquable qu'il passe à la fois sur
la rivière et sur les deux quais qui la bordent ; de
plus il contribue pour sa bonne part à l'aspect pit
toresque que présente ce quartier de la ville .
LE PONT NAPOLEON .

Ce pont construit en bois, sous l' Empire, pro


duisait naguère un effet assez pittoresque,placé qu'il
étaitsur le canaldel'Esplanade, et grâce au bel enca.
drement de verdure que lui formaientles arbres de
cette promenade ; maisaujourd'hui ce pont a perdu
son caractère ; il a fallu le décharger du toit quile
couvrait , et en ce moment même on se prépare à
le démolir entièrement, pour le remplacer par des
constructions nouvelles qui, nous l'espérons du
moins , concorderont heureusement avec la belle
ligne de perspective qu'elles doivent entrecouper
vers son centre.
STATUE DU GÉNÉRAL NEGRIER .

Ce monument a été élevé par souscription , en


1849 , au rond point de l'Esplanade. Malgré l'effet
pittoresque produit par la pose énergique du per
sonnage , quelques critiques ont été émises non pas
précisément sur l'exécution de cette cuvre du
statuaire Bra , mais sur l'ordonnance même de sa
composition . Nous n 'avons pas à faire ici une criti
que d'art ; nous avons simplement à constater que
ce monument est un solennel témoignage d'estime
et d 'admiration décerné au brave général Négrier
par une imposante masse de souscripteurs , appar
tenant à toutes les parties de la France, et que ce
sont les citoyensde Lille qui ont provoqué cette
éclatantemanifestation.
STATUE DU GÉNÉRAL KÉGRIER
La ville de Lille était devenue la cité de pré
dilection du général Négrier ; depuis plusieurs
années, il y vivait entouré d'affection et de respect,
lorsque les électeurs du Nord l'envoyèrent à 1 As
semblée constituante , sur les bancs de laquelle sa
conduite fut aussi ferme que digne, jusqu'au jour
où les événements de juin 1848 en firent une des
plus nobles victimes de nos guerres civiles. Après
cette perte à jamais regrettable , Lille réclama le
corps de Négrier et lui fit des funérailles solen
nelles. Bientôt l'affectueuse estime de nos conci
toyens semanifesta par un acte plusexplicite encore;
ils convièrent toute la France à la souscription dont
nous venons de parler ; et le monument de l'Es
planade fut inauguré le 28 Octobre 1849 , au
milieu d'un concours immense de gardes-nationaux
accourus de Paris et des départements qui nous
entourent.
Voilà l'origine et le but de cette auvre dont
l'exécution artistique est très -remarquable .
個但個個
MOLLETS
ATXPAUX
Trajamons
| | ||
TIME || | |LILL||MANI

2014
HT
- - -

,rue
siècle
duXVII°
.Façades
Nationale
NAISONS PARTICULIÈRES REMARQUABLES.

De 1640 à 1680, indépendammentdela Bourse,


on a construit à Lille une foule demaisons particu
lières dans le style dit espagnol. Il en existe encore
aujourd 'hui quelques-unes offrant toutes un carac
tère particulier d 'originalité dans l'ordonnance de
leurs façades ; on y voit , jetés avec profusion , des
ornements de toute espèce : rinceaux , guirlandes ,
cariatides, etc. , qui produisent un effet d'ensemble
piquant et gracieux. Sur la place du Théâtre et
au coin de la rue de Paris et de la rue des Man
neliers , on a tout dernièrement restauré quelques
unes de ces façades , en respectant scrupuleuse
ment leur ornementation deux fois séculaire. Le
bon goût déployé dans cette circonstance fait
146 MAISONS PARTICULIÈRES REMARQUABLES
compensation aux mutilations nombreuses que
nous avons chaque jour à déplorer dans des oc
casions toutes semblables.
Parmi les habitations particulières de Lille ,
nous signalerons encore , comme digne d'attention ,
la jolie maison qui fait le coin de la rue de la Barre
et de la rue Nationale; celle-là se fait remarquer
par des formes plus irréprochables, par un goût plus
pur. Malheureusement quelques-unesdesnombreuses
figures qui ornent cette façade sont très- endom
magées , et il serait à désirer que le propriétaire ,
comprenant la valeur de ce qu'il possède , voulût
bien charger un artiste de talent d 'opérer une res
tauration devenue indispensable .
En attendant, et depeurde voir disparaître bientôt
jusqu 'aux derniers vestiges de ces façades si pitto
resques, nous voudrions que quelque Lilloisdévoué
confiât à la gravure le soin d 'en perpétuer le souve
nir parmi nous. M . Derode, dans sa belle et savante
Histoire de Lille, a donnéun dessin de ce qui reste ,
rue St- Etienne , de l'ancien hôtel Beaurepaire,
construit au XVIe siècle . Les délicieux détails
de cette construction , son ornementation si gra
cieuse , si correcte , sont malheureusement dérobés
aux regards du public par les maisons insignifiantes
qui les masquent aujourd 'hui.
HOTEL DU CORPS DES CANONNIERS
DE LILLE .

La ville de Lille possède, depuis près de quatre


siècles, une institution moitié civile ,moitié mili
taire , qui constitue une exception aussi singulière
que glorieuse dans l'organisation de la force armée
de la France. En effet , le 2 Mai 1483 , fut créé ,
à Lille , un corps de canonniers bourgeois chargé
de la défense des remparts de la ville ; et chaque
fois , depuis cette époque , que nos murs ont été at
taqués, les canonniers lillois se sont signalés par
leur courage , leur dévouement et la justesse deleur
tir . Les occasions de cette nature se présentèrent
très-fréquemmentdansle cours des xve et xyie siècles;
et plus tard , lorsque Louis XIV , en grand train de
conquérir la Flandre , se présenta devant les rem
148 HOTEL DES CANONNIERS DE LILLE
parts de Lille , il fut si vigoureusement salué par les
boulets de nos canonniers , que , devenu maître de
la ville , il voulut visiter en personne les batteries
de nos artilleurs bourgeois et les complimenter
publiquementpour leur énergique défense.
Ceci se passait en 1667, etquarante-un ans plus
tard , en 1708 , nos canonniers lillois rouvrirent
leur feu , mais cette fois pour conserver leur ville
à la France et combattre Malborough et le prince
Eugène , les deux plus célèbres adversaires de Louis
XIV. Ce siége de 1708 fut un des plus longs , des
plus meurtriers , qu'une place de guerre puisse
subir ; le maréchal de Boufflers fit une défense
vraimenthéroïque qui lui attira le respect et l'ad
miration des généraux ennemis devenus ses vain
queurs ; et si après trois mois de tranchée ouverte,
épuisée de sang , couverte de ruines, vaincue par
la faim , la ville se rendit , ce ne fut certes pas la
faute du maréchal de Boufflers ni celle des canon
niers de Lille !. ...
En 1792 , Lille fut bombardée par les Autri
chiens, et l'on sait quel magnifique exemple de
dévouement et de patriotisme les Lillois donnèrent
alors à la jeune République française . Nos canon
niers s'acquirent beaucoup de gloire en cette
occasion , mais , en revanche , ils y perdirent
leur hôtel; si bien qu’un peu plus tard la Répu
blique, ne voulant pas laisser d'aussi braves gens
HOTEL DES CANONNIERS DE LILLE 143
sur le pavé , leur octroya un nouvel hôtel digne en
tous points d 'abriter de tels hôtes.
L'hôtel actuel des canonniers se compose du
vaste localde l'ancien couvent des Urbanistes . Une
grande porte quasi-monumentale, encadrée de canons
et de bombes enflammées , donne accès dans une
vaste cour de maneuvres , flanquée à gauche par un
magasin de matériel d'artillerie et à droite par une
longue suite de bâtiments spacieux et élevés où se
trouvent à la fois : le café de la Société de Ste
Barbe, une salle de répétition pour la musique, une
chambre du Conseil , une salle de banquet et une
salle de bal.
Au fond de la cour des mancuvres s' élève sur un
piédestal un monument bien significatif : c'est un
énorme mortier autrichien brisé par les boulets des
canonniers lillois , au siége de 1792.
Depuis peu, nos canonniers ontdisposé dans leur
hôtel une sorte de Musée du cæur, où ils ont réuni
ce qui touche de plus près à leur affection ou à leurs
regrets. Il est impossible de pénétrer dans ce lieu
réservé , sans éprouver une émotion profonde....
On y voit d 'abord les portraits , avec l'uniforme du
temps , de quelques -uns des officiers qui se sont
succédé dans le commandement du corps ; puis les
étendards et drapeaux d 'honneur, offerts au corps en
diverses circonstances; puis , le portrait du général
Négrier portant cette inscription au bas de son
13*
150 HOTEL DKS CANONNIERS DE LILLE
cadre : « Mon épée en souvenir aux canonniers de
» Lille ; » puis , un tableau intitulé Etats de services
relatant toute une vie de dévouement et de courage,
età côté une lettre tachée de sang et trouée par une
balle.... puis enfin , dans un imposantcénotaphe,der
rière une glace ,un uniforme complet de général avec
ses croix , ses épaulettes , etc .; cet uniforme laisse
voir à la place du cour un trou nettement découpé....
De son vivant, le brave et malheureux général
Négrier aimait beaucoup les canonniers de Lille ,
et ceux-ci continuent de le lui rendre après sa
mort....
Indépendamment du beau portrait du général
Négrier peint par notre concitoyen Ducornet , cette
même salle contient encore un magnifique buste du
général , en bronze , exécuté par le statuaire Bra .
Aujourd'hui , les canonniers de Lille forment un
bataillon composé de quatre compagnies ; ils portent
l'uniformede l'ancienne artillerie à pied ; et comme
l'a formellement déclaré le rapport de la dernière
inspection ordonnée par le gouvernement : « Ce
bataillon ne laisse rien à désirer pour l'instruction
et la discipline. » Certes , voilà une curiosité que
pas une autre ville de France ne saurait offrir à ses
visiteurs étrangers .
ACADÉMIE DE MUSIQUE .

L 'académie demusique de Lille (placedu Concert)


a été instituée en 1819 . Ses classes vocales etinstru
mentales ont produit plusieurs artistes qui jouissent
aujourd'hui d 'une célébrité bienméritée ; les beaux
résultats obtenus par l'enseignement de l'académie
de Lille ont décidé le gouvernement à asseoir cette
institution sur une base plus solide , en l'érigeant
en succursale du Conservatoire de Paris et en lui
allouant, à ce titre, une subvention annuelle .
A côté des locaux servant à la tenue de ses classes ,
l'Académie de Lille possède une magnifique salle ,
(construite en 1803) pour y donner ses concerts .
Cette salle forme un ovale gracieux dans le pourtour
152 ACADÉMIE DE MUSIQUE
duquel des gradins s' élèvent en amphithéâtre ; ce
qui fait admirablement ressortir les riches toilettes
denos dames,aux joursdes grandes solennités musi
cales . Cette salle des concerts , décorée avec goût,
est en mêmetemps très favorablement disposée pour
l'audition ; senlement, lorsqu'elle n 'est pas convena
blement remplie , son extrême sonorité donne lieu à
des répercussions fâcheuses. A vrai dire, cet incon
vénient n'en est pas un, attendu que, sensible seule
ment aux répétitions, il disparaît complètement pour
les concerts eux -mêmes.
ÉCOLES ACADÉMIQCES .

L'école de dessin de Lille a été instituée en


1760 ; et , depuis cette époque , elle a , comme
l'académie de musique , produit un grand nombre
d 'artistes distingués qui se sont fait pour la plupart
une belle réputation .
Nous citerons ici quelques - uns des anciens élèves
de l'école de Lille dont les noms ont acquis une
certaine célébrité . Nous placerons à côté de ces
noms l'indication de l'année où ces artistes ont rem
porté des médailles dans nos classes supérieures :
1774 E . Watteau , peintre , de Valenciennes .
1777 Roland , statuaire , de Lille.
1778 Wicar, peintre , de Lille.
1779 Baudoux, ciseleur , de Lille .
134 ÉCOLES ACADÉMIQUES
1781 Masquelier, ciseleur , de Flers près Lille.
1787 Lorthioit, sculpteur, de Lille.
1796 Descamps , peintre , de Lille .
1810 Serrure , peintre , de Lille .
1821 Deplechin , décorateur de l'Opéra de Paris.
1822 Ducornet (né sans bras) peintre , de Lille .
Une foule d 'autres artistes sont venus se former
à cette école , et nous pourrions en citer quelques
uns dont les auvres donnent, en ce moment, un
bel espoir d'avenir : l'un d' eux commence même
déjà à tenir ce que ses débuts promettaient, et nous
pouvons dès aujourd'hui placer le nom de M . Colas
parmi ceux des peintres dont la ville de Lille
s'honore d'avoir guidé les premiers pas dans la
carrière artistique.
Dans les écoles académiques de Lille , le cours
d 'architecture a été fondé, en 1766 , par l'architecte
Gombert. Les cours de dessin linéaire et de géomé
trie appliquée aux arts datentde 1830 . L ' institution
du cours depeinture ne remonte pas au -delà de 1838 .
Nos écoles académiques tiennent actuellement
leurs classes dans un vaste bâtiment situé sur la
place du Concert ; l'enseignement comprend :
1 .° Le dessin linéaire ;
2 .° Le dessin de la figure et de l'ornement ;
3 .° La plastique ou modelé ;
4 .• La peinture et la composition ;
5 .° L 'anatomie ;
ECOLES ACADÉMIQUES 155
6 .° La perspective ;
7 .• La géométrie appliquée aux arts et les élé
ments de mécanique ;
8 .° L 'architecture élémentaire .
A toutes ces branches de l'enseignement sont
attachés des professeurs d'un mérite incontestable.
Parmi ces professeurs, nous citerons spéciale
ment M . Souchon, directeur de l'école de peinture.
On voit au Musée de Lille deux copies d 'après
Murillo et deux autres d'après Titien , exécutées par
cet artiste avec un talent hors ligne. M . Souchon
est élève de David , et, depuis quinze ans qu'il la
dirige, la classe de peinture a obtenu d'admirables
résultats.
· En un mot , Lille peut se flatter de posséder ,
aujourd'hui, pour les arts plastiques, comme pour
la musique , des écoles que doivent lui envier les
villes les plus importantes de la France . Les succès
éclatants que les artistes lillois obtiennent, presque
chaque année , aux concours de Paris, en sont une
preuve irrefragable .
SOCIÉTÉS ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES.

Société des Sciences, de l'Agriculture et des Árts.


En 1785, se forma , à Lille , sous la protection
du maréchal prince de Soubise , Gouverneur de la
Flandre , une société à la fois philanthropique et
scientifique sous le nom de Collége des Philalètes,
qui était plutôt une loge maçonnique qu'une acadé
mie proprement dite . Ce collége ayant été dissous
par suite des troubles de la Révolution , on vit , en
l'an x (1801), naître , de ses débris , la Société
des amateurs des Sciences , de l’Agriculture et des
Arts de Lille , dont le règlement constitutif ne fut
cependant définitivement arrêté que beaucoup plus
tard , c 'est -à -dire en 1823 .
Depuis cette époque, la Société scientifique de
14
158 SOCIÉTÉS ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES
Lille a fait des progrès rapides; jusqu'à ce que ,
devenue très-remarquable par ses travaux , elle fut,
en vertu d'une ordonnance royale du 11 Juillet 1829,
déclarée Société royale des Sciences,de l' Agriculture
et des Arts , de Lille .
Pourvue de ce nouveau titre qui conférait à ses
membres certains droits politiques , la Société
royale de Lille se livra à des études d'une utilité
incontestable et contribua surtout , par ses publi
cations et ses encouragements , à faire progresser
l’Agriculture dans notre pays . Les bulletins qu'elle
publie aujourd'hui contiennentdes articles extrême
ment remarquables sur toutes les branches des
sciences naturelles et des sciences exactes , et ces
articles sont signés de noms qui font autorité dans
le monde savant.
Chaque année , dans une séance solennelle , la
Société distribue des récompenses aux écrivains ,
aux artistes, aux agriculteurs et jusques aux ouvriers
de la ville et de la campagne , honorant ainsi par
tout où ils se rencontrent, le talent, le courage ,
la probité et le dévouement au pays. Certes , voilà
unemesure aussi heureusement imaginée que noble
ment exécutée. Ceci pourrait même passer pour un
véritable cours de progrès social et de moralisation
générale dont l'action salutaire se combine avec celle
des autres cours publics de Lille qui,pour la plupart,
doivent leur existence à l'initiative de la Société des
SOCIÉTÉS ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES 159
Sciences ; car il faut savoir que nos cours publics
et gratuits de chimie , de physique , de zoologie ,
de dessin , de géométrie , demécanique , ainsi que.
leMusée d 'histoire naturelle , le Conseil central de
salubrité , etc ., sont des institutions qui toutes
vivent et progressent sous l'aile maternelle de cette
Société .
Enfin , la haute influence etla belle renommée
de la Société nationale des sciences , de l'agricul
ture et des arts de Lille se sonttellement répandues
partout, qu 'anjourd'huiles savants les plus célèbres,
les plus illustres compagnies scientifiques de la
France , de l'Angleterre, de la Belgique , de la
Hollande et de l'Allemagne tiennent à honneur
d'entrer en correspondance avec elle .
Nous pouvons citer ici , comme une annexe de
cette académie principale , la Société d'Horticulture
du département du Nord , formée en 1828 , et qui
compte ,aujourd'hui plus de 300 membres résidants
et correspondants . Cette dernière Société fait chaque
année deux expositions publiques de plantes fleuries,
fruits et légumes ; ces expositions ont lieu dans les
galeries de la Bourse de Lille , la première en
Juillet et l'autre au mois de Novembre .
Commission historique du département du Nord .
Cette commission instituée par un arrêté de Pré
fecture en date du 14 Novembre 1839 , a son siége
100 SOCIÉTÉS ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQURS
central à Lille et des membres correspondants dans
tous les chefs-lieux d 'arrondissement du dépar
tement du Nord. Elle a pour mission spéciale de
veiller à la conservation et de travailler à la des
cription des monuments historiques de notre pays.
Cette compagnie compte parmi ses membres des
architectes , des amateurs d 'art et quelques écrivains
connus par leurs travaux sur l'histoire et l'ar
chéologie de la Flandre. Elle a déjà publié plusieurs
volumes de son bulletin qui contiennent des articles
très -remarquables et des planches d'une exécution
très-soignée.
Les séances de la commission historique ont lieu ,
deux fois par mois , à l'hôtel de la Préfecture, à Lille.
Association Lilloise.
Cette association , instituée le 17 Septembre
1836 , compte aujourd 'hui environ 500 membres .
Elle a pour butde fournir aux artistes et aux litté
rateurs lillois des moyens de réunion et d'études,
de bonnes et sages inspirations , de généreux en
couragements ; de leur créer un public ; de leur
offrir des ressources pour publier leurs écrits ,
placer leurs ouvrages d'art, faire exécuter leurs
compositions musicales ; de leur donner enfin par
elle-même ou de leur procurer un patronage bien
veillant et désintéressé .
SOCIÉTÉSARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES 161
L 'Association lilloise a établi des cours d 'histoire,
delittérature, d 'hygiène publique, etc .; elle possède
dans la rue Sainte -Catherine un vaste local où
se trouvent réunies des salles d'exposition , de
lecture , et d'exécution musicale . Les concerts et les
séances publiques de cette association présentent
toujours le plus vif intérêt.
Association musicale de Lille .
Voici une institution d'origine toute récente ,
(1849), et qui pourtanta produit, dès sa naissance ,
d'admirables résultats. Cette association a pour but
d 'améliorer la position matérielle et morale de nos
artistesmusiciens , en combattant les funestes effets
que produisent habituellement, dans cette classe
de citoyens, l'isolement, les animosités jalouses et
surtout cette incurie , cette insouciance de l'avenir ,
qui sont des défauts pour ainsi dire inhérents au
caractère particulier de l'artiste. L 'Association musi
cale de Lille se compose de membres exécutants et
de membres honoraires ; ces derniers , seuls, paient
unecotisation annuelle qui leur donne le droit d'as
sister aux répétitions , soirées et concerts de la
Société. L'Association traite directement avec tous
ceux quiluidemandent soit des exécutants solistes,
soit un orchestre complet. Les bénéfices de l'asso
ciation sont divisés en deux parts, dont l'une est
14*
162 SUCIÉTÁS ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES.
remise à l'artiste suivant une échelle de prorata
basée sur son mérite et sur son travail , et l'autre
entre dans la caisse de l'association pour assurer
les divers services , couvrir les dépenses générales ,
former unecaisse de secours , et constituer des pen
sions de retraite . L'Association ainsi organisée
stimule le talent des artistes, améliore les conditions
de leur existence et dérobe enfin leur vieillesse au
grabat de l'hôpital.
Certes toutes les villes de France devraient imiter
Lilleen cette occasion , car il n'est pas un homme
d'intelligence et de ceur qui ne comprenne tout
d'abord l'immense portée d'une pareille institution .
CURIOSITÉS SCIENTIFIQUES
DU
CURIOSITÉS SCIENTIFIQUES

ARCHIVES GÉNÉRALES DU DÉPARTEMENT


DU NORD .

De tous temps, les Comtes et les Comtesses de


Flandre ont pris un soin particulier de la conserva
tion de leurs archives. Le dépôt sacré de ces docu
ments du droit, de l'administration et de l'histoire
nationale , fut d 'abord mis sous la garde des plus
fortes citadelles ; c'est ainsi que le château de
Rupelmonde cacha longtemps derrière ses hautes
166 · ARCHIVES GÉNÉRALES
murailles le trésor des chartes flamandes. Vint en
fin Philippe -le - Hardi , duc de Bourgogne et comte
de Flandre , qui établit à Lille une Chambre des
comptes, semblable à celles de Paris et de Dijon ,
à laquelle il remit la garde de toutes les archives du
pays, pensant que les magistrats chargés de con
trôler le revenu public devaient aussi veiller sur
ses richesses historiques et diplomatiques. Dès lors
les archives déposées à Lille devinrent, pour la
politique et l'histoire, un des dépôts les plus re
marquables de l'Europe. Bientôtde nouveaux docu
ments de la plus haute importance , affluèrent vers
ce centre officiel ; et notamment, les guerres de
religion du xvie siècle firent se concentrer dans nos
archives une foule de pièces diplomatiques , de
lettres originales écrites par les souverains et les
principaux chefs de parti de cette époque. C 'est
ainsi que le savantarchiviste actuel , M . le docteur
Le Glay , atrouvé sous sa main cette longue et inté
ressante Correspondance de Maximilien 1.er avec
Marguerite d'Autriche, sa fille , et les Négociations
diplomatiques entre la France et l'Autriche pendant
les trente premières années du XVIe siècle , dont il
s 'est fait le judicieux éditeur. Du reste , ce n 'est
pas la seule fois que les infatigables recherches du
docteur Le Glay ont doté le monde savantde pré
cieuses trouvailles puisées à lamême source .
De son côté , M . le docteur Bethmann , l'un des :
ARCHIVES GÉNERALES 167
plus savants archéologues de l'Allemagne, dans son
livre intitulé Voyage historique, déclare qu'il a ren
contré dansles archives du départementdu Nord une
mine aussi abondante qu 'inattendue : « J'y aicopié ,
dit-il, cinquante -six chartes mérovingiennes, kar
lovingiennes et impériales , antérieures à 1313 ....
Ces archives , après celles de Paris , sont les plus
considérables de France. Les archives de Hollande
et d 'Allemagne ne peuvent être comparées à celles
de la Flandre, etc . »
Pour en revenir au passé historique des archives
de la Chambre des comptes, disons que Louis XIV ,
devenu maître de la Flandre, attacha la plus grande
importance à conserver à Lille le trésor où se trou
vaient cachés et les secrets dela politique de la maison
de Bourgogne et de celle d 'Autriche, et une multi
tude de pièces diplomatiques établissant les droits de
la France à l'égard de divers Etats ses voisins ou ses
feudataires . Louis XIV prenait un tel souci de l'in
violabilité de ce dépôt, qu'il en confia la garde à
l'un de ses historiographes, Denis Godefroy , qui
fit souche d'archivistes parmi nous; en effet , jus
qu'en 1790 , les Godefroy se succédèrent de père
en fils , dans ces délicates et honorables fonctions.
En 1792 , nos archives échappèrentmiraculeu
sement à un double danger : leur existence fut
d'abord menacée par les bombes incendiaires de
l'Autriche et ensuite par le patriotisme égaré du
168 ARCHIVESGÉNÉRALES
ministre Garat. Or , de ces deux périls, le premier
fut écarté par le courage de nos concitoyens et le
second par la spirituelle intrépidité du garde des
archives Ropra. Le ministre écrivait : Je ne vois
dans les papiersanciensetd'écriture gothique que des
ridicules paperasses ou des titres de féodalité heur
tant la raison , l'humanité et la justice ; et il
concluait à ce qu'on en fît des gargousses pour nos
canons.... Ropra lui répondit que c'était avec ces
paperasses qu’on constituait la gloire historique
d'une nation , et il partit de là pour plaisanter
agréablement les opinions littéraires du ministre de
la Convention. Le ministre Garat, qui, après tout,
était un homme éclairé , eut la bonne foi de rougir
de son accès de vandalisme , si bien que nos ar
chives et la tête de Ropra s'en tirèrent saines et
sauves . Certes , il y eut bien par ci, par là , durant
ces moments critiques, quelques dommages à subir
pour notre dépôt; mais , comme si on eût voulu
l'indemniser , on y rassembla alors les papiers des
grandes juridictions supprimées : intendances du
Cambrésis , du Hainaut, de la Flandre wallonne ,
etc . On y fit entrer encore les archives des établis
sements religieux qui contenaient des documents
très-importants et très-anciens.
Quoiqu'il en soit , devenu par toutes ces adjonc
tions la collection la plus curieuse pour la science ,
la plus utile pour l'administration , notre dépôtdes
ARCHIVES GÉNÉRALES 169

archives était encore, il y a quelques années , con


finé dans un vieux bâtiment , qu'entouraient de
toutes parts des menaces d 'incendie , placé qu'il était
entre une machine à vapeur et un laboratoire de
chimie . On tremble en pensant au danger perma
nent que courait , à cette place , le riche trésor
que les siècles nous ont légué.
Enfin , le 26 Août 1844 , fut solennellement
inauguré le vaste et majestueux hôtel où nos ar
chives reposent aujourd 'hui dans une sécurité com
plète . M . le docteur LeGlay, en recevant des mains
du Préfet les clefs de l'édifice , prononça un
éloquent discours dans lequel nous avons puisé la
plupart des renseignements que nous vous trans
mettons ici. Cette première partie du cérémonial
une fois accomplie , tous les assistants signèrent le
procès- verbal de l'inauguration , qui fut ensuite en
fermé dans une caisse en chêne et scellé dans la
base d'une sorte de monument intérieur érigé sous
le vestibule . Ce monument consiste en une table
de marbre noir sur laquelle est gravée en lettres
d'or une inscription latine rappelant la fondation
de l'édifice , sa destination et la date de l'inau
guration .
L'intérieur de l'hôtel des archives se compose
de trois étages voûtés ; chaque étage est divisé en
deux vastes salles, et chaque salle est partagée dans
le sensde sa largeur, par six galeries étroites allant
15
170 ARCHIVES SÍNÉRALES
d 'une fenêtre à l'autre et laissant libre un couloir
longitudinal qui y donne accès. C 'est sur les côtés
de ces galeries parallèles que sont placées , sur des
corps de bibliothèque en chêne , les archives de
nos anciennes provinces et celles de l'administration
moderne. La partie du bâtiment qui prend jour
sur la façade principale est consacrée aux bureaux ,
à des salles de dépouillement et au cabinet de l'ar
chiviste .
· A l'extérieur , l'édifice présente un aspect à la
fois élégant et sévère. Sur un soubassement en bos
sage qui forme le rez -de -chaussée , s'élèvent les
deux étages terminés par un attique. Aux deux
côtés del'entablement de la porte principale, on voit
les bustes dePhilippe de Comines , et de Froissart,
qui paraissent très-bien placés à cette hauteur ;
nous n 'en dirons pas autant des bustes de Bauduin
Bras-de-Fer , de Bauduin de Lille, de Bauduin IX ,
de Jeanne de Constantinople , de Philippe-le-Hardi ,
de Philippe - le - Bon , de Charles - Quint et de
Louis XIV , qu 'on a cru devoir remonter jusque
sous le toit ; de façon qu'il est presque impossible de
reconnaître, d 'en bas et à l'ail nu , les traits de ces
illustres personnages.
La façade postérieure avec sa cage d'escalier en
saillie , a le mérite de l'originalité, mais ne laisse
pas que de soulever quelques critiques parmi les
visiteurs d 'un gout difficile. Du reste , quel que soit
ARCHIVES GÉNÉRALES 171
le mérite architectural de l'hôtel des archives , le
contenantici s'éclipse devant le contenu , et tout
visiteur de quelque savoir qui aura dépassé le seuil
de cette porte , ne trouvera plus qu 'à admirer. Je
sais que chaque curiosité a son public spécial et
que celle- cine s'adresse pas précisément à la foule;
mais qu'un savant étranger , quel qu'il soit, entre là
dedans , et je vous réponds que vous ne le verrez
pas sortir de sitôt... J'en sais de ces étrangers, et des
meilleurs , qui ont failli se transformer en Lillois , à
perpétuité , pouravoir , une seule fois , mis les pieds
auxarchives de la Chambredescomptes de Lille.
ARCHIVES DE LA VILLE.

Indépendamment des archives générales du


département du Nord , Lille possède ses archives
particulières quicontiennentbeaucoup de documents
précieux , sous le rapport historique , comme sous
le rapport administratif. On y trouve :
1. ° 52 cartons contenant des Chartes et autres
titres du XIIIe au XVIIe siècle .
2 .° 1, 200 et quelques cartons renfermant d 'au
tres titres et dossiers sur des matières administra
tives et autres; la plupart des xyire et xviire siècles.
3.° 20 registres aux titres ou cartulaires, où
sont copiées toutes les pièces anciennes qui concer
nent la ville de Lille.
4 .0 Un nombre assez considérable de registres
15*
174 ARCHIVES DE LA VILLE .
aux résolutions du magistrat de Lille ; commençant
en 1474 , et continués sans interruption jusqu'en
1790 .
5.° Un autre nombre de registres aux ordon
nances de police, commençant en 1382 et finissant
en 1790 .
. 6.° Six registres aux lettres et ordonnances des
styles et métiers de la ville de Lille , commençant en
1459 .
7.° D 'autres registres concernant les corps et
communautés.
8 .° D 'anciensregistres de réception des bourgeois
deLille.
9.° Tous les comptesde la dite ville,depuis 1318
jusqu'à ce jour.
10.° D'autres registres intituléspapiers de la loi,
contenant les nominations et élections annuelles des
magistrats depuis 1419.
Ces archives sont déposées dansune des salles de
l'Hôtel-de- Ville, sous la garde d 'un archiviste par
ticulier .
BIBLIOTHÈQUE COMMUNALE .

Dèsle 1x° siècle, la future châtellenie de Lille comp


tait quelques collections de manuscrits dont la plus
riche était celle du fondateur de l'abbaye de Cysoing .
Plus tard , les abbayes de Loos , de Phalempin , de
Marquette et le chapitre de St- Pierre de Lille pos
sédèrent des bibliothèques très-importantes; plus
tard encore , quelques-uns de ces dépôts précieux
s'enrichirent des manuscrits grecs qu'avait rap
porté d 'Orient Auger de Bousbecque, né à Comines
en 1522. Vers cette même époque , Georges
d 'Hallewin , à Comines , et Leblanc , seigneur de
Meurchin , à Lille , avaient réuni de fort belles
collections de manuscrits et de livres imprimés .
Au xvme siècle , le chapitre de Saint-Pierre fonda,
176 BIBLIOTHÉQUR COMMUNALE
à Lille , une bibliothèque publique dont la salle de
lecture était ouverte les mardi et jeudi dé chaque
semaine.
Enfin , à l'époque de la Révolution, la bibliothèque
de St-Pierre devint la bibliothèque communale de
Lille , et on l'accrut encore par l'adjonction de la
plupart des ouvrages qui composaient les collections
des abbayes de Cysoing , de Loos, de Marquette ,de
Phalempin et du couvent des Frères prêcheurs de
Lille .
Aujourd'hui notre bibliothèque compte de 22 à
23 ,000 volumes imprimés , plus 355 volumes
manuscrits, classés dans les cinq divisions prin
cipales suivantes :
Théologie
Jurisprudence .
Sciences et arts . . .
Belles Lettres.
Histoire .
Longtemps la bibliothèque de Lille s'est servie
d'un cataloguemanuscrit en 6 volumes : un volume
pour chacune des 5 divisions, plus un 6e volume
contenant la table générale des auteurs; mais d'im
portantes affluences de livres ayant nécessité de
trop nombreuses interpolations et additions à ce
catalogue, on se décida à en faire rédiger et publier
un nouveau. Ce travail est en voie d'exécution depuis
une quinzaine d'années ; jusqu 'ici on a publié :
BIBLIOTHÉQUE COMMUNALR 177
Un volume 1839 Sciences et arts , par l'ancien
bibliothécaire, M . Lafuite .
Un - 1841 Belles Lettres, par le même.
Un - 1848 Manuscrits, par M . Le Glay.
Un - 1849 Contenant la première partie de
la division de l'Histoire, par le bibliothécaire actuel,
M . Semet.
Il reste à publier la seconde partie de la divi
sion d 'Histoire; etles volumes du catalogue compre
nant la Théologie , la Jurisprudence et la Table
générale des auteurs . Lorsque le catalogue général
sera ainsi livré au public , il conviendra , si l'on
ne veut laisser l'ouvre incomplète , de publier
encore un volume de supplément général, où se
trouveront repris les ouvrages récemment entrés -
dans la collection . ..
Dans le volumedu catalogue publié par M . Semet ,
on remarque une innovation de la plus haute portée
pour la facilité des recherches : après le titre de
chaque æuvre d'histoire, M . Semet rappelle , comme
ouvrages à consulter , les livres des autres divisions
du catalogue qui présentent quelques rapports avec
l'auvre en question. Cette méthode décuple le
travail du bibliothécaire , mais il simplifie singuliè
rement les recherches du public .
La bibliothèque de Lille est provisoirement logée
dans les salles de l'Hôtel-de-Ville ; elle y attend ,
pour occuper un local définitif , que notre Lycée
178 BIBLIOTHÈQUE COMMUNALE
puisse lui donner asile dans le vaste édifice que l'on
construit en cemoment dans la rue des Arts.
La salle de lecture est ouverte tous les jours , de
9 à 4 heures , et le soir de 6 à 9 heures ; seulement,
il n 'y a pas d 'ouverturedu soir, le dimanche.
Maintenant, si pour vous donner une idée des
richesses que possède notre bibliothèque, nous vou
lionspasser en revue les principaux livres et manus
crits qu'elle renferme, nous risquerions demanquer
complètementnotre but. En effet, une pareille revue
est chose grave et savante qu'un Guide ne peut
traiter convenablement , attendu qu'il serait fort
dangereux , à lui, de tronquer , de mutiler une
matière aussi importante. D 'ailleurs , des hommes
spéciaux ont publié là -dessus de beaux livres que
les visiteurs érudits consulteront de préférence aux
indications sans suite que nous donnerions à cette
place ; quant à la masse du public , aux visiteurs
profanes, ils ne trouveraient ni plaisir , ni utilité pour
eux, à rencontrer dans un Guide un intempestif
déploiement d 'érudition compilée.
Donc, à ceux qui voudront savoir au juste ce
que notre bibliothèque renfermede remarquable en
fait de curiosités bibliographiques, nous dirons sim
plement : « lisez le Mémoire de. M . le docteur
Le Glay sur les bibliothèques publiques et les prin
cipales bibliothèques particulières du département
du Nord ; ainsi que les volumes du catalogue publiés
BIBLIOTHÈQUE COMMUNALE 179
jusqu 'ici, et vous trouverez dans ces livres les
seuls guides qui puissent vous conduire sûrement
et dignement à travers cette foule de manuscrits
précieux , d'éditions incunables ou princeps , et
autres merveilles typographiques des Aldes , des
Plantin , des Panckouke , etc ., qui constituent
le magnifique dépôt qu'on appelle la bibliothèque
de Lille . »
Cependant, pour plus ample acquit de notre cons
cience, et afin de payer avec résignation notre tribut
à l'usage consacré par quelques-uns des guides ,
nos prédécesseurs, nous risquerons ici quelques cita
tions, à titre d 'amorce jetée aux visiteurs étrangers .
Parmi une foule de livres curieux par la date de
leur impression , la bibliothèque de Lille possèdeun
des premiersmonuments dela typographie naissante;
il est intitulé : Speculum salvationis Humance , le
texte est en hollandais et imprimé en caractères
gothiques , très-difficiles à déchiffrer , même pour
ceux qui connaissent parfaitement la langue néer
landaise . Ce livre offre dans son exécution plusieurs
particularités typographiques fort curieuses : il est
sans pagination et contient certains feuillets laissés
en blanc au verso . Cet ouvrage est renfermédans
un étui recouvert en veau ; au dos de cet étui on
lit : Spiegel der behoudinis uitgevonde tot Harlem
1440 . (C 'est le titre en hollandais , le lieu et la date
de l'impression.)
180 BIBLIOTHEQUE COMMUNALE .

Puis viennent :
Le Donatespirituel que fist honnourable et discret
maistre Jehan Jerson , en son vivent docteur en
sainte théologie et chancellier de Paris , translaté
de latin en français etimprimé à Bruges vers 1475 .
C 'est le seul exemplaire connu de cette édition ,
Les Métamorphoses d'Ovide , moralisées par
Thomas Waleys, translatées et compilées, par Colart
Mansion, au mois de mai, in -f.", avec figures colo
riées ; Bruges , ColartMansion, 1484 .
Les (Euvres d'Horace, in -f.”, édition de Gurnin
ger , Strasbourg , 1498 . -
Diverses bibles latines dont la plus ancienne date
de 1479.
Encore une fois , il est bien entendu que ce que
nous citons ici , ne saurait donner une idée même
approximative des innombrables curiosités qu'offre
notre bibliothèqueen fait d 'éditionsanciennes et rares.
On y remarque encore un Missel romain , imprimé
sur parchemin , à Anvers , en 1571 , par le célèbre
Plantin . L 'exécution typographique de ce livre est
d'une perfection admirable ; il est en outre , ornéde
vignettes, de lettres majuscules très- compliquées et
de plusieurs gravures coloriées .
Maintenantsi nous nous rapprochons de quelques
siècles, nous trouverons la bibliothèquede Lille éga
lementriche en livres plusmodernes; etcette richesse
s'explique tout d 'abord par un fait assez curieux :
BIBLIOTHÈQUB CONMUNALE 181
En 1670 , Louis XIV eut besoin , pour agrandir
la citadelle de Lille , d'un terrain appartenant au
chapitre de Saint- Pierre ; celui- ci en fit aussitôt la
cession gratuite et gracieuse. Le roi, pour ne pas
demeurer en reste de courtoisie avec le chapitre ,
décida qu’un exemplaire de tous les livres publiés
par l'imprimerie royale du Louvre serait déposé
dans la bibliothèque des chanoines de Saint-Pierre.
Il en résulta que cette bibliothèque reçut les grandes
collections publiées par le gouvernement et entre
autres, le magnifique recueil d'estampes connu sous
le nom de Cabinet du Roi, 23 volumes in - f.° et un
24 .e vol. petit in -f.º.
Nous rappellerons ici, comme un digne pendant
de ce don royal , le legs de onze volumes du Musée
Napoléon , fait à la bibliothèque de Lille, en 1834 ,
par le chevalier Wicar.
Du reste , il n'est peut-être pas en France une
bibliothèque de provinceaussi bien partagée que celle
de Lille en gravures, estampes et lithographies.
En fait d'auvres historiques , on rencontre ici :
- Les historiens des Gaules et de France, par Dom
Bouquetet ses successeurs ; les Mémoires de l'Aca
démie des inscriptions et belles-lettres et les Ordon
nances dites du Louvre ; — les Recueils demémoires
et chroniques pour servir à l'histoire de France ,
formés par MM .Guizot, Petitot, Buchon , etc . ; - les
Monumenta Germaniæ historica de Pertz . Nous
16
RIBLIOTHÈQUE COMMUNALE
pouvons encore signaler au même titre, la collection
dite des Records d 'Angleterre, comprenant environ
80 volumes in -f.° et un in -4.º, don splendide offert
à la bibliothèque de Lille en reconnaissance des
documents que la commission des Records y fit
recueillir . Il n'existe en France que trois exem
plaires de cette collection : Paris en possède un et
Lille les deux autres ; la Bibliothèque et les Archives
générales ont chacun le leur.
Quant aux manuscrits , notre collection est peu
nombreuse, mais en revanche elle est très- remar
quable par les beaux monuments calligraphiques
et archéologiques qu 'elle renferme. Parmi ces ma
nuscrits , on en trouve qui traitent des sujets singu
liers, commecelui de la Danse aux aveugles, suivie
du Ditde Remords et du Pas de la Mort, ouvrage
de Pierre Michault dit Taillevent, impriméplusieurs
foisau xve siècle, et plus tard à Lille par André
Joseph Panckoucke.
Puis viennent : - Divers voyages en terre sainte ;
- La traduction d'un ouvrage espagnolsur la Chine,
écrit, en 1588 , par le R . -P . Jean Gonzalès de Men
dosa; Une histoire de la vie et des expéditions de
Jules-César, dite improprement Commentaires de
César, avec 24 miniatures fort curieuses dont la
première représente la naissance de César au mo
ment où l'opération césarienne vient d 'être pratiquée
sur sa mère ; – Un mémoire très-curieux sur les
BIBLIOTHÈQUECOMMUNALE 183
prétentions du roi d'Angleterre à la couronne de
France (milieu du xve siècle); — Transcripta char
tarum de rebus gestis in Flandria , inter annos 1176
et 1310 , (c'est un recueil de 220 chartes concer
nant spécialement le Hainaut ) ; enfin une foule
d'autres manuscrits aussi curieux par lesmatières
qu'ils traitent que par leur exécution calligraphique.
Mais nous nous apercevons un peu tard qu'après
avoir cherché à prouver que nous ne devions rien
citer, nous nous sommes laissé aller à des citations
assez nombreuses pour lasser l'attention la plus
bienveillante . Qu'on nous pardonne cet oublide la
parole donnée ; nous nous trouvions placé en face
de quelques-uns des titres que possède notre ville
de Lille à l'attention des étrangers ; la tentation était
trop forte , nous y avons cédé....
BIBLIOTHEQUES PARTICULIÈRES .

Indépendamment de la grande bibliothèque com


munale , on trouve à Lille plusieurs bibliothèques
particulières très-curieuses à visiter . Nous allons
passer succinctement en revue les plus remarquables
d 'entre elles .
Bibliothèque de M . Charles de Godefroy.
Cette importante collection , formée par Théodore
de Godefroy , historiographe de France et conseil
ler-d'état sous Louis XIII, a été successivement
accrue par les descendants du fondateur. A l'époque
de la Révolution de 1789 , elle comptait 14,000
volumes imprimés et 2,000 manuscrits. Pendant
16
186 BIBLIOTHÉQUES PARTICULIÈRES
BIBLIO

l'émigration du possesseur de cette bibliothèque ,


une partie des imprimés et la plupart des manus
crits disparurent; le reste fut déposé à la biblio
thèque communale qui le restitua plus tard .
M . Charles deGodefroy ajouta beaucoup à ce que
son père était parvenu à sauver de sa riche collection .
Aujourd'hui cette bibliothèque se compose d 'environ
8 ,000 volumes . On y trouve un catalogue incom
plet mais suffisant pour guider convenablement les
recherches.
La collection actuelle de M . de Godefroy est peu
riche en ce qu'on appelle des raretés bibliographi
ques. En revanche elle abonde en livres d'usage ;
en outre, on y rencontre beaucoup de manuscrits
précieux dont quelques-uns fournissent d'utiles
notionspour l'histoire de notre pays.Nous citerons,
entre autres : — Un petitmanuscrit roman du XIIIe
siècle , contenant la règle de St – Augustin donnée
à l'hôpital Comtesse de Lille. - Les voyages de
Philippe Jer d 'Autriche en Espagne, par Antoine
de Lallaing sieur de Taintignies — Sommaire des
voyages faits par Charles cinquième de ce nom ... .
par Jean de Vandenesse , domestique de Charles
Quint. - Projet de paix pour la conférence de
Cologne en 1637 et le traité de Munster en 1643,
par Théodore de Godefroy , membre de la légation
française , etc., etc, etc.
Nous trouvons encore là une collection de chartes
BIBLIOTHÉQUES PARTICULIÈRES 187
collationnées et annotées parMM .deGodefroy;cette
dernière collection a une telle valeur historique, que
le roiLouis XVI crutdevoir en offrir 20,000 francs.
Nous aurions bien d 'autres manuscrits intéres
sants à signaler , mais nous sommes réduits à ne
pouvoir en citer ici que tout juste ce qu'il faut
pour exciter la curiosité de nos visiteurs biblio
philes.
Bibliothèque entomologique de M . Macquart.
Voici , pour les visiteurs naturalistes , un dépôt
des plus riches qu'il soit possible de leur offrir .
En effet , la bibliothèque de M .Macquart présente
pour la zoologie , et surtout pour l'entomologie, une
série continue qui parcourt les différentes périodes
de la science depuis son origine connue. Nous
trouvons là les Animaux d'Aristote et l'Histoire
naturelle de Pline ; puis viennent les æuvres de
Bélon, Aldrovande , Swammerdam , Godart, Réau
mur, Bonart, Linnée , Buffon, Lacépède, Geoffroy,
Fabricins , Coquebert , Illiger, Clairville , Ernot ,
Olivier , Lamarck, Latreille , Cuvier, Kirby,Gyllen
Hall, Schoenherr , Gravenhorst , les deux Hubert ,
Nees d'Esenbeck , Meigen , Fallen , Wicdemann,
Savigny, Blainville , Geoffroy Saint-Hilaire ,Dugès,
Virey , Robineau Desvoidy, Audouin ,Milne-Edwards,
Walkenaer , Dejean , Lacordaire, de Saint-Fargeau ,
188 BIBLIOTHÈQUES PARTICULIÈRES
Serville, Léon Dufour, Bois - Duval, Spinola, Aubé,
Percheron , Westwood, Vanderlinden , etc .
A côté de ces auteurs figurent d 'innombrables
annales et recueils publiés par les sociétés entomo
logiques de France et de Londres , les sociétés lin
néennes de Normandie et de Bordeaux, l'académie
des sciences de Turin , etc, etc .
On peut juger par ce simple aperçu , si la biblio
thèque de M . Macquart mérite réellement d'attirer
l'attention des savants étrangers qui visitent notre
ville.

Bibliothèque de M . Desmazières.
Cette collection est pour la science des végétaux
ce quela précédente est pour la zoologie; elle offre ,
dans sa spécialité , des ouvrages d'une grande
rareté et que ne possèdent pas même les dépôts
publics les plus riches du pays.
Bibliothèque de M . Van der Cruyssen de Waziers .
Cette magnifique collection est un précieux héri
tage transmis de père en fils au possesseur actuel
par des ancêtres capables d 'en apprécier la haute
valeur ; aussi M . Van der Cruyssen a-t-il toujours
repoussé les offres importantes qu'on lui faisait pour
le décider à se dessaisir de ce qu 'il regarde comme
BIBLIOTHÈQUES PARTICULIÈRES 189
un dépôt sacré. Le pays doit être grandement recon
naissant de cette noble persistance à lui conserver
ses richesses bibliographiques .
Ici encore, comme pour la bibliothèque de M . de
Godefroy, nous aurions à signaler une foule de ma
nuscrits précieux ; peut-êtremêmetrouve-t-on , chez
M . Van der Cruyssen , des manuscrits plus riches
d 'exécution que tous ceux que nous avons signalés
précédemment.
Nousciteronsau hasard : le Livre de la chasse ,de
Gaston Phébus; la Sciencedes politiquesd'Aristote;
- le Traité des quatre dernières choses. Sans aller
plus loin, voilà trois livres qui, par leurs ornements ,
leurs miniatures, leurs lettres d'or et d'azur, égalent,
dépassentmême parfois, ce qu'on peut voir de plus
somptueux en ce genre , dans les grands dépôts
publics de Pariset de la France .
La collection des imprimés contient aussi des
merveilles bien intéressantes ; comme par exemple ,
l'Art au Morier , traduction française , inconnue
jusqu'à ce jour , du fameux Ars moriendi , est un
volume que ne possède aucune autre bibliothèque
de l'Europe; sans compter que ses vingt-quatre
planches et son texte constituent par eux-mêmes un
magnifique monument de l'art typographique. Ce
livre a pour voisins une foule d'autres livres
dignes en tous points de figurer en si bonne com
pagnie.
190
BIBLIOTHÈQUES PARTICULIŠKES
· Bibliothèque de M . LeGlay.
C'est bien le moins que le savant docteur ès
livres , l'historiographe de toutes nos bibliothèques,
le bon et judicieux écrivain qui a nom Le Glay ,
possède pour sa part une collection particulière de
ces beaux livres qu 'il aime tant..... En effet , au
centre de cette formidable armée d 'écrits séculaires
campés dans notre hôtel des Archives , le général
s 'est dressé une tente spéciale où vit avec lui un
état-major qui lui appartient en propre, et dans
l'intimité duquel il se délasse de ses expéditions
bibliographiques extérieures . Vous pensez bien
quels officiers d 'élite doivent être ceux qu'un pareil
chef a choisis pour lui tenir constante et fidèle com
pagnie .... Quoiqu'il en soit, en visitant la bibliothè
que particulière de M . LeGlay , ne cherchez pas
d'autre catalogue que M . LeGlay lui-même, et si
celui-là se trompe une seule fois , hésite un quart
de seconde parmi les trois ou quatre mille volumes
qui l'entourent,je me condamne à avouer à la der
nière page de ce Guide, qu'il n 'y a dans tout Lille
ni un beau livre, ni un bon tableau.
Bibliothèque de M . Hebbelynck .
La collection de M .Hebbelynck est surtoutremar
quable par ses exemplaires de choix ;- elle contient
BIBLIOTHÈQUES PARTICULIÈRES 191
un certain nombre de volumes richement reliés par
les célébrités du genre , et provenant des bibliothè
ques des deux de Thou , de Sully , de Louis XIII ,
de François I.er, de M .me de Pompadour, Soubise ,
Colbert, etc., etc .
Parmi les raretés bibliographiques de cette collec
tion,on trouve : un grand nombre delivres ascétiques
ornés de gravures du xvie siècle ; la plupart des
classiques grecs et latins, d 'éditions recherchées ;
une collection de vieux poètes français ( éditions
anciennes) ; beaucoup de pièces rares et satyriques
'du temps des cardinaux Richelieu et Mazarin ; et
d 'autres curiosités littéraires qu 'on chercherait vai
nementailleurs.

Nous possédions naguère à Lille la curieuse


bibliothèque de M . Ducas et celle de M . de Conten
cin qui offrait unecollection d'autographes précieux,
comme on p'en trouve nulle part de plus complète et
de plus belle ;mais ces deux bibliothèques n'existent
plus dans nos murs : celle de M . Ducas a été vendue
et dispersée ; M . de Contencin a emporté la sienne
en quittant Lille pour aller ailleurs remplir les fonc
tions publiques dont il était revêtu .
M . Gentil- Descamps , indépendamment de sa
belle collection d'objets d'art à laquelle nous avons
consacré un article spécial , possède quelques livres
rares et surtout une foule d'écrits curieux qui in
192 BIBLIOTHÈQUES PARTICULIÈRES
téressent l'histoire locale . Nous citerons dans cette
catégorie : les capitulations de Lille et de sa cita
delle , en 1667 et en 1708 , et autres traités im
portants de la guerre de Flandre ; une collection
extrêmement curieuse d 'anciens almanachs deLille ,
et des autographes importants de la Révolution de
1789 , etc ., etc .
M . Van der Helle a également réuni une collec
tion où l'on remarque : des livres et des manus
crits très-rares , des émaux de prix , de riches
porcelaines de Sèvres et de Saxe , et d'autres objets
d 'art des plus curieux.
La bibliothèque de M . Lestiboudois doit être
citée aussi comme très -remarquable dans sa spé
cialité qui est celle des œuvres écrites sur la bota
nique. Ce nom de Lestiboudois est assez connu
dans lemondede la science pour attirer , à luiseul,
vers la bibliothèque dont il s'agit , tout ce qu'il
peut passer à Lille de botanistes voyageurs.
Il n'est peut-être pas hors de propos d'ajouter ici,
pour l'entière satisfaction des bibliophiles , qu'à
côté de toutes les collections dont nous venons de
parler , notre ville compte encore plusieurs établis
sements de librairie très-riches en livres vielz et
anticques.
MUSÉE D 'HISTOIRE NATURELLE.

Ce Musée a été inauguré le 26 Août 1822; il


doit son organisation à la Société nationale des
Sciences, de l' Agriculture et des Arts , qui en a
confié la brconservation
es .
à une commission prise parmi
ses membres.
L'institution a commencé par un tigremortà Lille ,
dans une ménagerie ambulante ; puis est venue une
collection d'insectes ; mais, aussitôt après son inau
guration officielle , le Musée a pris un rapide accrois
sement : des subsides annuels accordés par l'admi
nistration municipale , une souscription ouverte par
quelques amateurs d'histoire naturelle et des dons
particuliers très -nombreux ont rapidement donné
17
194 MUSÉR D'HISTOIRE NATURELLE.
à notre collection l'importance quenous lui connais
sons aujourd'hui.
M . Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ,appréciantcette
importance par rapport aux autres collections du
même genre, a constaté que notre Musée se présen
tait le troisième parmiles Musées d'histoire natu
relle de la France.
Le Muséede Lille possède : — Une collection de
mammifères généralement bien montés ; une nom
breuse collection d'oiseaux, parmilesquelles se troli
ventdes espècestrès-rareset connues depuispeu d 'an
nées seulement; une collection dereptiles quia besoin
de s'accroître encore ; une collection de poissons fort
belle, remarquable surtout par les espèces de la Mé
diterranée ; une collection d'insectes des plus nom
breuses et des plus riches ; des crustacés, des mol
lusques , des minéraux ; un grand nombre de pièces
d 'anatomie , enfin trois momies provenant des ruines
de Thèbes et entourées d'amulettes , de tissus et de
feuilles de papyrus chargées d'hiéroglyphes .
On comprend que cet aperçu sommaire ne saurait
donner une idée complète de notre Musée. Cette
courte notice a simplement pour but de décider
les étrangers à faire par eux -mêmes une visite dont
certes ils ne se repentiront pas ; car nous pouvons
en toute sûreté de conscience, dire du Musée d 'his
toire naturelle de Lille , que les curieux s'y amu
sent et que les savants s'y instruisent.
LYCEE NATIONAL.

Avant 1789 , Lille possédait trois colléges : le


collége de Saint-Pierre , le collége des Jésuites
et celui des Augustins; la Révolution détruisit ces
établissements exclusivement dirigés par des ecclé
siastiques . En 1795 , ils furent remplacés par l'Ecole
centrale quidevint le Collége communal, en 1815 ;
le Collége royal, en 1845 ; et enfin le Lycée na
tional, en 1848.
Aujourd'hui , le Lycée de Lille est provisoire
ment établi sur la place aux Bleuets dans un local
quia été jadis occupé successivement par le college
des Jésuites et le magasin des effets militaires .
Ce local est insuffisant pour les divers services d 'un
Lycée aussi important que le nôtre ;mais bientôt. le .
196 LYCÈE NATIONAL
Lycée de Lille pourra être transporté dans les vastes
bâtiments qu'on lui construit en ce moment dans la
rue des Arts, et pour la construction desquels notre
conseilmunicipal a voté une sommede 1,300,000
francs.
Ces bâtiments, indépendamment du Lycée , con
tiendront la Bibliothèque et des Amphithéâtres pour
les cours publics de chimie , de physique , etc ;
on les construit sur les plans de l'architecte Benvi
gnat . Ces constructions une fois achevées offriront
par leur masse et leur ordonnance un aspect vrai
mentmonumental.
Il convient de constater ici que pour devenir
Collége Royal, l'ancien college communal de Lille
présentait des titres décisifs : les études y étaient
déjà très - fortes. Aujourd 'hui de nouveaux éléments
de succès se sont joints à ceux- là , et les classes ,
dirigées par des professeurs d'un haut mérite , of
frent un degré d'instruction capable de satisfaire
complètement aux justes exigences de l'Université.
ÉCOLES PRIMAIRES

La loi du 28 Juin 1833, qui régit les écoles


primaires communales, est aujourd'hui pleinement
et largement exécutée à Lille. On y compte quatre
écoles élémentaires et une école supérieure entière
ment défrayées par la commune.
Les écoles élémentaires reçoivent les enfants
måles âgés d'au moins dix ans et leur enseignent,
d'après la méthode mutuelle , la lecture , l'écriture,
les éléments du calcul, ceux de la langue française,
le système légal des poids et mesures , les éléments
de la géographie etde l'histoire de France .
Un enfant d'une intelligence ordinaire peut facile
ment, dans un espace de trois années, parcourir
ce programme d 'études , et se trouver assez ins
17*
198 ÉCOLES PRIMAIRES
truit pour entrer dans l'école supérieure où , indé
pendamment de la lecture , de l'écriture , de la
grammaire, on enseigne, en trois classes graduées
d 'année en année , l'histoire ancienne, l'histoire
de France , la géographie , la mythologie , l'histoire
romaine, la géométrie, la tenue des livres, la levée
des plans et leur lavis , les éléments de physique et
de botanique, la musique et le chant.
Des ecclésiastiques sont chargés, dans toutes ces
- écoles , de l'enseignementmoral et religieux.
Les cours ont lieu à midi pour les enfants et le
soir pour les adultes.
Lille possède en outre plusieurs écoles primaires
élémentaires pour les filles.
Toutes ces écoles de garçons ou de filles sont
établies dans des locaux parfaitement disposés pour
cette destination spéciale .
On voit , par ce court exposé, que la ville de
Lille paie noblement au pays la dette sacrée de
l'instruction populaire.
JARDIN BOTANIQUE .

Le jardin botanique de Lille paraît bien mes


quin , si on le compare à ceux de certaines villes
de la Belgique. Ce jardin est fort mal logé der
rière le collége en construction ; et plusieurs fois
déjà , on s'est occupé de lui chercher un autre
emplacement, mais jusqu'ici on n 'est pas parvenu
à trouver , dans nos murs , un terrain convenable .
Quoiqu'il en soit , et tel qu'il est , ce jardin ,
sans être précisement une curiosité à visiter pour
tout le monde , présente une collection de plantes
assez remarquable à ceux de ses visiteurs qui
s'entendent en botanique. En outre , il sert aux
études d 'un cours public qui a pour professeur
M . Thémistocle Lestiboudois, botaniste distingué,
dont le père et l' aïeul se sont illustrés dans cette
même science .
IT
CURIOSITÉS INDUSTRIELLES
DUU
CURIOSITÉS INDUSTRIELLES

INDUSTRIES LILLOISES .

La ville de Lille forme avec son arrondissement


un des centres industriels les plus importants de
la France . Certes , s'il fallait ici , dans un travail
détaillé , rappeler tous les titres que ce centre
possède à l'attention des étrangers , notre Guide
prendrait des proportions tout-à - fait inusitées pour
ce genre de publication . Nous ne pouvons donc ,
201 INDUSTRIES LILLOISES
à cette place , nous occuper que de ce qui est de
nature à provoquer une visite de la part de nos
hôtes passagers dans quelques établissements des
plus curieux à connaître ; et encore , devons-nous
prévenir les visiteurs qu'il peut se faire qu'on ne
les admette pas, dans ces établissements, à examiner
certaines machines, certainsprocédés de fabrication ,
pour lesquels nos concitoyens maintiennent un
secret inviolable . En tous cas , les étrangers ont
beaucoup moins d'obstacles à craindre , lorsqu'ils ne
sont pas industriels eux -mêmes.
Cefte réserve faite , nous entrons en matière :
Fabrique de filsde lin retors. — Si nous procé
dions par rang d'ancienneté , nous aurions à placer
en première ligne la fabrique des fils retors. En
effet, c'est là une industrie lilloise, par excellence ;
et lorsque s'éteignirent peu -à- peu nos vieilles cor
porations dedrapiers ,de sayetteurs, debourgeteurs ,
etc., ce fut la fabrique de fils retors qui recueillit
dans ses nombreux ateliers notre population ouvrière
déshéritée de ses industries séculaires. Lille possède
aujourd'hui 48 établissements de ce genre. A part
quelques modifications peu importantes, les procédés
de fabrication sont restés lesmêmes depuis de longues
années ; néanmoins l'emploi du fil mécanique rem
plaçant le fil à la main , a imprimé un élan tout
nouveau à cette industrie . Aujourd'hui nos fabricants
de fils retors ne se contentent plus de leurs établis
INDUSTRIES LILLOISES 2015
sements de Lille, ils font aussi retordre leur fil à Co
mines, à Verwicq, etc ., dansquelques petits ateliers ,
leurs tributaires . Au demeurant, si cette industrie
n'offre pas des usines très-curieuses à visiter , elle
n 'en monopolise pas moins à son profit toute la
consommation de la France.
Filature de coton . – On sait que le coton pré
céda de beaucoup le lin , dans cette immense révo
lution manufacturière qui remplaça le rouet par les
grandes machines à filer . Dès l'abord , en dépit de
toute concurrence nationale ou étrangère , la ville
de Lille s'est maintenue à la tête de cette branche
d'industrie. Lille a été, en France , le berceau de
la filature des cotons fins pour tulle , et , dans cette
voie , nos filateurs ont réalisé des progrès rapides ,
immenses. En 1844 , on admirait les nos 200 à
210 ; en 1850 , on ne s'étonne plus même devant
le n° 500 ! C ' est-à -dire que la filature lilloise peut
fournir aujourd'hui aux fabricants de tulle de la
France entière , aussi bien qu'aux tisserands de
Tarare et de St-Quentin , tous les cotons simples
ou retors dont ces industries peuvent avoir besoin
pour toute l'échelle de leurs diverses fabrications.
Lille compte en ce moment 42 filatures de coton
qui,pour la plupart,ont, depuis quatre ans surtout,
apporté quelquesmodifications très-heureuses à leur
industrie , par la substitution de nouvelles machines
perfectionnées aux machines anciennes . Si , dans
18
ES S
leur excursion chINezDUSTnoRIus ,LILLnoOIsSE visiteurs en par
t
couran nos établiss em en ts les plus remarquables ,
sont admis dans quelques -unes de nos filatures
Hilloises , comme par exemple chez MM . Vantroyen
et Mallet , chez MM . Ed . Cox et Cie (faubourg de .
Fives) , ils demeureront convaincus que sous le
rapport de la perfection du travail, nous n 'avons
plusFirilaentureà enviern à la filantureit angleaise . ogrès
de li . - O sa qu le pr de la
filature du lin avait tout particulièrement fixé l'at
tention de l'Empereur Napoléon ; il en faisait ,
pour ainsi dire , une question d'indépendance na
tionale . Or , le rouet devenant impuissant à pro
duire des résultats supérieurs , la mécanique se
chargea de résoudre ce difficile problème ; et ce fut
le département du Nord qui dota , le premier , la
France de cette solution . Aujourd 'hui le chiffre
des filatures de lin de notre département s' élève à
le dice de cette in de notreble 112,000illions
50 , faisant mouvoir ensemble 112 ,000 broches
et produisant annuellement pour 11 millions de
fils . Ce résultat est d'autant plus remarquable ,
que les autres départem ents ne possèdent ensemble
em en ts
u e
q 55 ét ab li ss faisant mouvoir en totalité

132La,00vi0llebrdeoche s .e entre pour une bonne part dans


Lill
le nombre des filatures de lin de notrse départe
ment . Certes , il y aurait de curieuse choses à
voir dans la plupart d 'entre elles , et notamment dans
INDUSTRIES LILLOISS 2017
la première en date (à ce que nous croyons), et la
plus importante , celle de MM . Scrive frères; mais
ici encore nos industriels sont forcés d 'imiter , bien
que de fort loin , l' extrême réserve dontles filateurs
anglais usent en pareille occasion , vis -à - vis des
visiteurs étrangers.
Filature de laine. - C'est. Tourcoing, qui, chez
nous, est la véritable capitale de cette industrie ;
en effet,cette ville, notre proche voisine, possède 28
filatures de laine peignée comptant 430 métiers ou
73 ,000 broches et employant 1 ,400 ouvriers; plus,
11 filatures de laine cardée comptant 65 métiers ou
13,000 broches et employant 600 ouvriers. Tour
coing occupe en outre 4 ,000 ouvriers peigneurs.
Maintenant, pour les touristes qui font de Lille
leur quartier-général, c'est l'affaire d'une demi
journée et d'un voyage de vingt-cinq minutes en
chemin de fer , pour aller à Tourcoing visiter quel
ques - unes des grandes filatures de laine dont nous
venons de parler.
Tissage de toiles. - Encore une toute petite
excursion sur le rail -way du Nord , et nos hôtes
pourront aller voir de leurs yeux tisser les solides
toiles et les beaux linges de table d'Armentières .
Or , il faut qu'ils sachent que ces produits ont
été longtemps fabriqués isolément et exclusive
ment dans la chaumière de nos campagnards, ce
qui était, sans doute , très-respectable sous le rap
208 INDUSTRIES LILLOISES
port moral , mais , par contre , n 'était pas ex
trêmement favorable au progrès à introduire dans
les procédés de fabrication . Depuis peu de temps ,
nous avons , sous ce rapport , une importante mo
dification à signaler. L 'exemple des toiles an
glaises à la mécanique a stimulé le zèle de nos in
dustriels , et nous avons vu , dans ces dernières
années , se fonder à Armentières, à Halluin , et
autres localités de nos environs , plusieurs grands
établissements pour le tissage des toiles , où se
réalisent, chaque jour , de nouveaux progrès . Nous
citerons commeparticulièrementdignes de l'attention
des visiteurs, les établissements de MM . Demeestère
Delannoy , Lemaître-Demeestère , à Halluin ; Gre
nier , Mahieu -Delangre , à Armentières; Scrive
frères et Danset , à Marquette .
Tissus nouveautés . — Voici bien notre grande
industrie , l'industrie artistique par excellence ! En
effet, tout ce que le coton , la laine , le lin , la soie,
unis ou séparés , peuvent produire d'utile pour le
vêtement du pauvre , de luxueux pour l'habil
lement du riche, est admirablement combiné et
exécuté par les fabriques de tissus de Lille et de
Roubaix . Les articles pour robes , gilets , pantalons,
au moyen desquels Paris donne le ton du goût et
de l'élégance , non - seulement à la France , mais au
monde entier , sortent à peu près tous des ateliers
de Lille et de Roubaix . Indépendamment d'im
INDUSTRIES LILLOISES 2019
menses affaires à l'intérieur , la fabrique de Rou
baix , à elle seule , exporte annuellement pour 7 mil
lions de ces tissusnouveautés! Ici les citationsnomi
males deviennent impossibles , tant est nombreuse
la foule des industriels qui se livrent avec le plus
grand succès à ce genre de fabrication. Ces tissus
se fabriquent généralement sur des métiers isolés
et dispersés dans la campagne , de sorte qu'il n 'y a
pas précisément, pour les étrangers , d 'ateliers à
visiter ; d'ailleurs , la création de dessins heureux
et de dispositions nouvelles , devient pour ces
tissus la question principale : la pensée de l'in
dustriel est tout, les moyens d'exécution presque
rien . On peut donc, partout ailleurs , aussi bien et
même mieux qu'en fabrique , juger l'ensemble des
produits en tissus nouveautésdeLille etde Roubaix .
Tapis . - La fabrication des tapis nous semble
d'autant plus intéressante qu'elle est , pour ainsi
dire, toute nouvelle dans nosmurs où nous ne pos
sédions auparavant que des dépôts des fabriques
étrangères à la ville. MM . Fréteur- Delattre et Cie
et M . Paul Destombe ont établi , à Lille même, des
fabriques de tapis dont les produits sont très-goûtés
dans le commerce . Quoiqu'il en soit, le dépôt des
tapis deMM . Roussel, Requillart et Choqueel peut
être aussi regardé comme représentant une fabrique
de notre localité , attendu que c'est dans notre plus
proche voisinage , à Tourcoing , que cette impor
18
210 INDUSTRIES LILLOI8BS
tante manufacture se trouve établie . Nos visiteurs
étrangers pourront admirer chez les industriels
que nous venons de citer , des somptuosités de
dessin et de couleurs qui rivalisent avec ce que
produisent en ce genre les grands établissements
d 'Aubusson , Felletin , Nîmes et Abbeville .
Teintures et gpprêts. — Cette industrie est le
complément indispensable des deux précédentes .
Lille et son arrondissement présentent encore,
sous ce rapport, des curiosités industrielles très
intéressantes ; en effet, pour ne citer qu'un nom
qui , à vrai dire , prime en cette matière tous les
autres , MM . Descat possèdent à la fois à Lille ,
à Roubaix et à Flers , des usines de teinture
et d'apprêtage capablesd'offriraux visiteurs le plus
vif intérêt.
Cardes. — Ceci est encore une industrie qui se
rattache étroitement à la filature et à la fabri
cation des tissus. En outre, en fait de mécanique ,
nous ne connaissons rien de curieux à voir marcher
comme un métier à fabriquer des cardes :
On lui présente d 'un côté une lanière de cuir , de
l'autre un fil de fer , et le métier tend poliment la
main , saisit le fil de fer , le coupe à la longueur
voulue , courbe les deux bouts , leur fait à chacun
une pointe , pousse ces pointes à travers le cuir ,
en les alignant scrupuleusement sur les pointes
précédemment introduites, et la carde complète et
INDUSTRIES LII.LOISES
parfaite tombe à vos pieds, sans que l'homme soit
intervenu un seul instant dans ce travail prodigieux
d'une machine! Le visiteur le plus étranger à
l'industrie trouvera là un spectacle très -intéressant.
La fabrication des cardes mécaniques est une
conquête faite , il y a quelque vingt ans , sur
l'industrie anglaise ; et c'est à notre honorable
concitoyen , M . Scrive père , que la France la doit.
Rendez -vous donc aujourd'hui, rue du Lombard ,
à ce magnifique hôtel où les fils de M . Scrive
fabriquent leurs cardes, et vous nous remercierez ,
en sortant, de l'instructilplaisir que notreindication
vous aura procuré.
Fers et machines. Certes , ilssont aussi bien
curieux à visiter les noirs ateliers de ces cyclopes
modernes qui créent les géants de fer et de feu
dont les mille bras soulèvent le monde industriel .
Une semblable visite ,c'est une descenteaux enfers !...
En effet ; rien n 'est imposant commel'aspectde ces
vastes fournaises d 'où ruisselle le métal en fusion ,
de ces tours monstrueux qui mordent, en criant, de
gigantesques sommiers de fonte ! Un pareil spec
tacle est fait pour intéresser au dernier point nos
visiteurs. Que les étrangers se rendent donc dans
les ateliers de MM . Legavrian et Farinaux et dans
ceux de M . Boyer , et ils verront là quels pro
digieux efforts tententnos constructeursdemachines
pour libérer enfin la France du tribut onéreux
212 INDUSTRIES LILLOISES
qu'elle a si longtemps payé aux constructeurs
étrangers. A propos de l'industrie des fers , n'ou
blions pas de citer l'établissementde M . Baudon qui,
pour les appareils de chauffage en fer et les orne
ments en fonte , produit de véritables merveilles
de bon goût et d'exécution soignée .
Produits chimiques. —- Depuis quelques années,
la fabrication des produits chimiques a pris un'
grand développement dans le département du Nord
etparticulièrement à Lille ; comme celle desmachines
à vapeur , cette fabrication est, en quelque sorte ,
le thermomètre du mouvement général de notre
industrie . Nous copions ici , à propos des produits
chimiques, un passage du rapport publié par le
jjury dep tête de cede
ury départemental ttentlas ddernière
e Loos Exposition .
« En tête de cette fabrication se placent les
» grands établissements de Loos et de la Made
» leine , dont les moyens de production sont des
» plus considérables. La capacité des chambres de
» plomb qui y sont installées permet de brûler
» 1 million de kilog. de soufre par an , ce qui
» admet une production d 'environ 3 millionsde kil.
» d 'acide sulfurique. A la fabrication d 'acide sul
» furique se trouvent joints dans ces usines, des
» soudières, une fabrique de noir animal, la plus
» importante qui existe en France , et qui, en une
» seule année , a déjà produit 10 millions de
» kilog". de noir animal, tant en noir neuf qu'ca.
INDUSTRIES LILLOISES 213
> noir fin , noir vivifié et noir d 'ivoire ; la produc
» tion simultanée d'acidemuriatique et de gaz am
» moniacal résultant de la calcination des os , a
» donné lieu , dans l'usine de Loos , à la création
, d'une industrie nouvelle , celle des engrais ar
✓tificiels. Ces engrais ont reçu le meilleur accueil
o de nos cultivateurs ; leur action sur la culture
» des plantes herbacées , et surtout des tabacs , est
des plus remarquables. »
Nous n'avons qu'un mot à ajouter à cet exposé
lumineux , c'est que ces curieux établissements ap
partiennent au professeur de chimie de Lille ,
M . F . Kuhlmann , dont les travaux jouissent d'une
si belle réputation dans le monde savant.
Fabrique de céruse . — A propos de produits
chimiques , nous devons citer aussi comme dignes
de l'attention des étrangers , nos fabriques de
céruse et tout spécialement celle de M . Th . Lefebvre
et Cie , à Moulins-Lille. Cette fabrique produit an
nuellement, à elle seule , 1,750 ,000 kilog . de
céruse . Du reste, M . Lefebvre est mieux encore
qu'un industriel habile , c'est un homme de
cæur plein de soucis pour le bien -être des clas
ses ouvrières ; en effet , il a cherché et trouvé
le moyen de rendre infiniment moins insalubre
une fabrication qui exerçait sur les organes des
ouvriers une action des plus meurtrières. Ainsi,
chez lui, la trituration par des meules horizontales
211 INDUSTRIES LILLOISES
bien enveloppées a été substituée à celle qui so
pratiquait par des meules verticales à l'air libre ;
dès lors, on n 'a plus à craindre cette absorption
continue par les voies respiratoires et par tous les
pores de la peau , de cette poussière mortelle qui
dans l'ancien mode de fabrication , amenait des
résultats si déplorables. Ce seul progrès au point
de vue de l'humanité, est digne à coup sûr d'ex
citer la curiosité des étrangers qui visitent notre.
ville .
Raffinerie de sucre . —- On sait que Lille est en
tourée d'unemultitude de fabriques de sucre de bet
terave ; nous n'avons en ville que des raffineries de
ce produit ; et parmi elles , nous citerons spécia
lement la raffinerie de MM . Bernard frères , qui
produit plus de 2 millions de kilog . de sucre
raffiné par an .
Distilleries. — L'arrondissement de Lille distille
annuellement plus de 15 ,000 hectol. d'alcool. La
ville de Lille entre pour une part importante dans
ce chiffre ; toutefois, il est question, en ce moment,
d 'exclure denosmursles établissements de ce genre,
qui seront ainsi forcés de se transplanter dans la
banlieue. Il paraît qu'indépendamment des autres
inconvénients que présententles distilleries au sein
d'une ville populeuse ,on a allégué qu'il était impos
sible , dans cette position , de réprimer la fraude
que ces établissements exerçaient au détriment,
INDUSTRIES LILLOISES 215
de l'administration des contributions indirectes .
Toutefois , au moment où nous écrivons , il n 'y a
encore rien de décidé à cet égard .
Brasseries . - La Flandre est , comme on sait ,
la terre classique de la bière Il existe actuellement
dans l'arrondissement de Lille , 92 brasseries de
bière qui produisent annuellement 363,270 hect.
Un visiteur Belge pourrait, seul, ne pas s'étonner
devant l'énorme consommation que ce chiffre fait
supposer chez les Lillois et leurs plus proches voisins.
Les brasseries de Lille appartiennentpresque toutes
à de riches industriels qui sont en même temps les
propriétaires des cabarets où se débitent leurs pro
duits . Ceci constitue une sorte de clientèle obliga
toire et solidaire qui unit étroitement les intérêts
desbrasseurs à ceux des cabaretiers, attendu que les
premiers sont intéressés à fournir de la bonne bière
aux seconds, s'ils ne veulent perdre deréputation
le cabaret qui leur appartient , et mettre du même
coup leurs débiteurs-locataires dans l'impossibilité
de s 'acquitter envers eux.
Les procédés de fabrication usités dans nos bras
series n'ont, par eux-mêmes , rien de bien remar
quable ; les seules améliorations apportées depuis
fort longtemps se rapportent à la construction des
tourailles et au mode de chauffage ; tout le reste a
conservé son allure traditionnelle et patriarchale .
Fabrication des huiles. — Ici, nous nous trou
216 INDUSTRIES LILLOISES
vons en pleine révolution industrielle ! En effet , ces
innombrables moulins à vent qui donnent aux
approches de Lille un aspect si pittoresque, sont
hélas ! en train de succomber sous l'envahisse
ment progressif des grandes usines armées de
machines à vapeur. La fabrique de Marcq surtout
se signale par sa rapide extension . Du reste , la
fabrication des huiles en général subit en ce
moment, chez nous, une crise d'amoindrissement
dont nous espérons la voir sortir victorieusement
un jour.
Il ne tiendrait qu'à nous d'appeler encore l'atten
tion de nos visiteurs sur d'autres industries exercées
à Lille;mais pour ne pas trop abuser dela patience du
lecteur , nous terminerons ici cette revue qui, tout
incomplète qu'elle est, suffit néanmoins pour donner
une idée de la haute importance industrielle de la
ville de Lille .
CHAMBRE DE COMMERCE .

La Chambre de Commerce de Lille est une de


ces institutions qui présentent un intérêt vraiment
historique. En effet, lorsqu'on passe en revue ses
organisations successives et l'ensemble de ses
travaux ,, onon sye trouve
travaux colis la fondexact
et de noletrethermomètre atio de
notre industrie et de notre commerce local, aux
diverses époques écoulées depuis la fondation de
cette Chambre jusqu'à nos jours .
La Chambre de Commerce de Lille fut instituée
par une ordonnance du roi Louis XIV , en date du
31 Juillet 1714 ; elle se composait alors de cinq
membres , un directeur et quatre syndics , et était
élue par 80 à 100 commerçants notables . Ses at
tributionssebornaientà pourvoir aux divers besoins,
19
218 CHAMBRE DE COMMERCE
pétitions et réclamations du commerce de Lille .
En 1791 , elle fut abolie avec les autres ins
titutions de même nature existant par toute la
France.
En 1802 , elle fut rétablie , sur des bases nou
velles , par un arrêté des Consuls en date du 3 Niyose
(24 décembre). Par cette réorganisation le nombre
des membres fut porté à 15 ; mais le principe de
l'élection disparut complètement, attendu que la
chambre faisait elle -même les nominations dans le
renouvellement par tiers que l'arrêté consulaire
imposait , pour chaque année , à ses membres . A
cette époque, la circonscription de la chambre du
commerce de Lille fut étendue à presque toutle dé
partement du Nord , ce qui donna une importance
plus grande à ses attributions.
En 1832 , une ordonnance royale , en date du
16 Juin , vintchanger cet état de choses , surtout en
ce qui concernait le mode d'élection . Cette élection
devait désormais s'opérer par une assemblée com
posée : 1 .° desmembres du tribunal de Commerce ;
2 .• de ceux de la chambre de Commerce ; 3 . ° de ceux
du Conseil des Prud'hommes ; 4 .° de vingt-quatre
commerçants notables, désignés moitié par le Tri
bunal, moitié par la chambre de Commerce . Le
nombre des membres resta fixé à 15 ; mais les
attributions de la Chambre furent mieux définies .
La Chambre de Lille fut appelée dès lors à donner
CHAMBRE DE COMMERCE 19

son avis dans toutes les grandes questions indus


trielles , commerciales , financières dot la solution
pouvait intéresser le pays ; et certes, pour ne citer
qu'une seule des circonstances de cette nature où
la Chambre de Commerce de Lille a rendu d 'émi
nents services aux industries du Nord , on peut
dire qu'elle a vaillamment combattu dans la lutte
engagée entre les protectionnistes et les libres-échan
gistes ; le gouvernement eut alors plus d'une oc
casion d'apprécier la haute portée des délibérations
de cette Chambre .
Enfin en 1848 , un arrêté du Pouvoir exécutif,
sansmodifier les attributions des Chambres de Com
merce , appliqua à la nomination de leurs membres
le principe du suffrage universel. En vertu de cet
arrêté, la Chambre de Lille fut reconstituée dans une
assemblée électorale à laquelle furent appelés tous
les commerçants patentés de l'arrondissement de
Lille , au nombre de 8 à 9,000 .
Voilà où en est aujourd'hui la chambre de Com
merce de Lille ; du reste , ses services antérieurs
furent si bien appréciés par les nouveaux électeurs
que tous les anciensmembresfurent réélus, à l'ex
ception de quatre dont deux étaient démissionnaires.
La Chambre de Commerce de Lille vient de faire
imprimer ses Archives de 1832 à 1848. Ceux qui
consulteront ces volumes pourront seuls apprécier
toute la valeur des travaux accomplis par cette
220 CHAMBRE DE CONMERCE
Chambre ; sanscompter qu'ils trouveront dans cette
publication les plus précieux documents, non -seule
ment en ce qui concerne nos industries locales ,
mais encore pour tout ce qui touche au mouvement
commercial et manufacturier de la France entière.
Enfin lahaute utilité de la Chambre de Commerce
de Lille est aujourd 'hui sibien admise partout que,
lorsque le gouvernement se voit placé en face d'une
deces difficiles questionsde douane, d'impôt,de cul
ture, de salubrité publique, il attache la plus grande
importance aux notes et renseignements fournis par
cette compagnie aussi laborieusequ'éclairée.
BANQUE DE LILLE ET COMPTOIR
D'ESCOMPTE .

La banque de Lille, fondée en 1836, fut, comme


toutes les Banques départementales , transformée en
succursale de la Banque de France par le décret du
27 avril 1848 , qui a établi une égalité parfaite entre
les billets émis par tous ces établissements .
Pendant la crise qui a suivi la Révolution de
Février , la Banque de Lille eût peut - être été
impuissante à sontenir le crédit de la place , si
une institution nouvelle ,le COMPTOIR D'ESCOMPTE ,
n'était alors venu l'aider dans l'accomplisse
ment de cette délicate mission . Le Comptoir
d 'escompte de Lille a rendu d'immenses services
au pays en soutenant le petit commerce au mo
19*
BANQUE DE LILLE
mentmême ou les grands établissements de crédit,
enchaînés par leurs statuts et dominés par la peur,
restreignaient leurs opérations.
MANUFACTURE DES TABACS.

Lille possède l'une des dix grandes Manufactures


dans lesquelles la régie a concentré la fabrication
des tabacs nécessaires à la consommation de la
France entière. Cet établissement, situé rue du
Pont-Neuf, entre l'église de la Madeleine et le
rempart , est bâti sur un terrain occupé autrefois
par les saurs du St-Esprit ; mais il ne reste plus
de l'ancien couvent que le bâtiment qui sépare
les deux cours principales. Cinq cents ouvriers
y sont employés aux diverses mains- d 'æuvre que
la feuille du tabac doit subir avant de remplir la
tabatière du priseur ou la blague du fumeur.
La manipulation des tabacs est loin d 'être dé
pourvue d'intérêt. Ilest curieux de suivre la méthode
224 MANUFACTURE DES TABACS
de fermentation par grandes masses de matières ,
au moyen de laquelle on obtient le tabac à priser de
la régie française , le plus estimé des connaisseurs ,
malgré la mauvaise réputation que lui ont faite les
couplets de vaudeville .
On fabrique à la manufacture de Lille une grande
quantité de tabacs de basse qualité que la régie
vend au -dessous de son tarif général, afin decom
battre l'introduction des tabacs de fraude. A Lille ,
et sur tous les points qui touchent la frontière
belge , les tabacs à fumer se vendent 2 fr. le
kilog . A une distance un peu plus grande de la
frontière, ce même tabac , recouvert d'une vignette
différente , se vend 2 fr . 50 c. le kilog . On a partagé
le pays en quatre zones, dans lesquelles le prix des
tabacs de basse qualité est gradué en raison de la
difficulté qu'on éprouve à se procurer des tabacs de
fraude. Cette inégalité devant l'impôt n'est pas un
privilége accordé librementaux pays frontières, c'esť
unenécessité que subit la régie , forcée de faire con
currence aux tabacs belges qui sont à très-bas prix .
On fabrique annuellement dans la manufacture de
Lille environ :
600,000 kil. de tabacs à priser .
2,800 ,000 id . d fumer.
40,000 id . en rôlesou à chiquer.
L 'ensemble de ces produits procure au trésor
une recette d'environ 12 millions.
MANUFACTURE DES TABACS 225
La manufacture de Lille ne fait pas de cigares;
mais il est à croire qu'elle joindra bientôt cette fabri
cation à toutes celles qu'elle pratique aujourd'hui.
On peut visiter la manufacture avec l'autorisation
du directeur.
Lille est également le centre d'une culture de
tabac fort importante . On récolte dans les arron
dissements de Lille et d'Hazebrouck (les seuls du
département où la culture soit autorisée), environ
2,500,000 kil. de feuilles qui sont payées aux
planteurs en moyenne à 1 fr . le kilog .
Si l'arrondissement de Lille possède, avec quel
ques autres, le privilége exclusif de la culture du
tabac, il ne le doit pas à une faveur du pouvoir ;
à l'époque où il fut permis à tout le monde en
France de planter du tabac , de nombreux essais
furent tentés , mais les bons crus restèrent toujours
très -rares , de sorte qu'alors comme aujourd 'hui,
il fallut bien prendre le bon tabac là où il se
trouvait. Le tabac des environs de Lille est très
estimé , les hautes qualités sont excellentes pour
la fabrication du tabac à priser ; elles sont pré
cieuses pour la régie qui parviendrait difficilement
à les remplacer.
LA GRANDE HALLE.

Ce vaste édifice situé sur le marché-au-charbon


est d 'origine toute récente (1847) ; il contient à
la fois une Halle aux grains , une Halle aux étoffes
et un Entrepôt de sucres, établis dans un seul
et même bâtiment qui couvre une superficie de
terrain d'environ 4 ,600 mètres carrés . Dès lors,
on comprend que cette immense construction doit
produire par sa seule masse un effet imposant.
Quant à son architecture , elle offre ce caractère
de simplicité et de solidité qui convient aux cons
tructions de ce genre . En effet, il ne s'agissait
pas ici de luxe et d'élégance , mais simplement
d 'utilité et de commodité, et l'architecte Benvignat
a bien fait de le comprendre ainsi.
ABATTOIR PUBLIC .

Autrefois , à Lille comme dans beaucoup d'autres


villes , les bouchers tuaient et dépeçaient, chez
eux , les animaux qui servent à leur commerce ; il
résultait de là que , dans nos rues , les passants
étaient souvent témoins de ces tueries semi-pu
bliques et voyaient le sang couler dans les ruis
seaux ; sans compter que parfois aussi les victimes
échappant au couteau leur faisaient courir des dan
gers sérieux. En 1826 , on songea à supprimer ces
dangers et ce spectacle répugnant ; et , sur les plans
de M . Peyre neveu , architecte de Paris , on cons
truisit , à l'extrémité de la rue du Metz , le vaste
édifice où s'accomplissent aujourd'hui les travaux
de boucherie dontnous venons de parler .
20
230 ABATTOIR PUBLIC
L'Abattoir de Lille réunit toutes les conditions
de commodité et de propreté qu'exige sa destination
spéciale. Une pompe-à-feu fournit la grande quantité
d'eau nécessaire pour les divers services de l'éta
blissement.
INSTITUTIONS DIVERSES
INSTITUTIONS DIVERSES

HOPITAUX ET HOSPICES.

Hópital Militaire.
Cet hôpital se trouve actuellement établi dans
l'ancien collége des Jésuites, à côté de l'église de
St- Etienne. La construction des vastes et nombreux
bâtiments qui le composent n 'était pas tout-à -fait
terminée, et les Jésuites voulaient en faire un des
20 *
231 . HOPITAUX ET HOSPICES
plus magnifiques couvents de leur ordre , lorsqu'ils
furentdissous et expulsés en 1765 . Tel qu'il est
aujourd'hui, cet édifice offre les conditions les plus
favorables pour sa nouvelle destination ; en effet ,
par son exposition salubre , sa belle distribution , la
grandeur de ses salles et son jardin qui sert de lieu
de promenade aux convalescents, l'Hôpital-Militaire
de Lille est un des établissements de ce genre les
plus remarquables qu'il y ait en France .
L 'Hôpital -Militaire de Lille a été érigé en Hôpital
d'instruction par ordonnance du 30 Décembre 1814.
Hôpitalde Saint-Sauveur.
Fondé, en 1216 , par la bonne Comtesse Jeanne,
l'Hôpital Saint-Sauveur a , beaucoup plus tard , en
1698 , reçu un accroissement considérable par le
don que lui fit Louis XIV des biens des maladreries
de la Bonne-Maison , du Pont -à- Marcq , de Can
teleu et de l'Hôpital d'Anstaing. Aujourd 'hui cet
établissement compte trois cents lits en fer conve
nablement espacés dans de vastes salles bien aérées .
Lesmalades y sont séparés des blessés , et les seurs
de Saint- Augustin y prodiguent aux pauvres souf
frants des soins vraiment maternels.
Indépendamment des malades indigents , cet Hô
pital reçoit encore des personnes plus aisées, moyen
nant une rétribution de 1 fr. 25 c. par jour.
HOPITAUX ET HOSPICES
On conserve avec soin dans cet établissement le
portrait en pied du Comte de Flandre, Baudouin IX ,
et ceux des Comtesses Jeanne et Marguerite , ses
filles .

Hôpital Comtesse.
Voici encore une pieuse fondation de cette ad
mirable Comtesse Jeanne. L 'hôpital Comtesse, cons
truit en 1230, futdétruit par un incendie en 1467.
Ses constructions actuelles datent de cette dernière
époque. La petite flèche qui surmontait naguèreson
clucher rappellait l'idée d 'un minaret. On a démoli,
depuis peu de temps , ce gracieux souvenir des
croisades .La voûte de la chapelle est d'une exécution
hardie et l'on y trouve des ornements d'un style
qui semble remonter au -delà de l'époque où l'hôpital
fut reconstruit. Le pourtour de cette chapelle est
orné de plusieurs tableaux d'Arnould de Vuez , dont
les principaux, tels que ceux représentant Jésus
Christ instruisant le peuple sur la montagne et les
Israélites recueillant la manne dans le désert, sont
des æuvres d'un grand mérite.
L'incendie de 1467 consuma une belle bibliothè
que très- riche en manuscrits précieux .
Au siége de 1708 , une bombe tombant sur
l'hôpital, faillit l'incendier une seconde fois.
Au bombardement de 1792 , les boulets autri
236 HOPITAUX ET HOSPICES

chiens labourèrent le mur extérieur de la chapelle


et endommagèrent la voûte de la salle principale de
l'hôpital.
Après la bataille de Fontenoy , vingt-neuf offi
ciers des gardes -françaises , gravement blessés dans
cette glorieuse journée , furent reçus à l'hôpital
Comtesse,où ils moururent quelques mois plus tard.
On lit avec émotion les noms de ces vingt-neuf
braves tracés sur une pierre tumulaire en marbre
érigée dans la chapelle .
Ce qui frappe le plus dans l'hôpital Comtesse ,
c'est la grande salle des malades ornée des vieux
portraits des Comtesses Jeanne et Marguerite ; cette
salle a plus de soixante mètres de longueur sur
quinze mètres de largeur ; elle est couverte par une
voûte en bois très - élevée et d 'une structure des
plus remarquables . Aujourd'hui cette salle est
divisée : on en a fait un réfectoire et un dortoir .
La destination primitive de l'hôpital Comtesse ,
d 'abord ouvert aux malades et aux blessés, a subi
une notable modification : aujourd'hui cette maison
est exclusivement réservée aux vieillards infirmes
dits Vieux Hommes etaux orphelinsappelés Bleuets .
Il contient actuellement60 vieillards et60 orphelins
que soignent des scurs de charité.
Hospice Gantois.
Après les hôpitaux fondés pour les malades,
HOPITAUX ET HOSPICES 237
viennent les hospices établis pour servir d 'asile aux
infirmités et à la vieillesse.
L'hospice Gantois , situé rue de Paris , dans le
voisinage de la porte de ce nom , a été fondé en
1466 , par un habitant de Lille, Jean de la Camibe ,
dit Gantois, pour recevoir treize femmes décrépites
et le nombre de religieuses nécessaires pour les
soigner . Cet établissement , très -restreint à son
origine, s'est bientôtaccru par des fondations parti
culières et par les dots des religieuses auxquelles
il était confié. On y compte actuellement 112 vieil
les femmes soignées par des seurs de l'ordre de
St-Augustin .
Hospice Stappaert.
60 jeunes filles pauvres sontréunies danscet éta
blissement sous la direction des sæurs de la Charité .
On y apprend à ceshumbles pensionnaires à faire de
la dentelle ;on leur enseigne les travaux de ménage,de
couture ,etc ., quipeuventplustard assurer leur exis
tence, et on leur inculque en même temps les senti
ments d'une résignation pieuse etd'unerigideprobité ;
de telle sorte que lorsqu'à l'âge de 20 ans ces jeunes
filles sortent de l'hospice , elles sont accueillies
avec la plus entière confiance dans le service des
ménages et dans toutes les autres professions qu'il
leur convient de choisir . Ce noble patronage exercé
238 HOPITAUX ET HOSPICES
sur les premières années des enfants du peuple ,
contribue puissamment à moraliser la population
de toute une ville . Ce fut la fameuse Antoinette
Bourignon qui, s'associantà Jean Stappaert , fonda
cet hospice.
Depuis la Révolution , on a réuni à cet établisse
ment celui des Bonnes Filles, institué en 1477, par
quelques personnes charitables .

Hospice -Général.
Sur le quai de la Basse -Deûle , au pied même
des remparts , s'élève un édifice imposant par sa
masse et le style monumental de son architecture :
c'est l'Hospice -Général , asile ouvert à la vieillesse
et à l'enfance abandonnée. Quinze cent vingt pen
sionnaires commencent ou finissent de vivre sous
ce toit noblement hospitalier. La première pierre
de cet hospice fut posée le 26 Août 1739 , par
M . Bidé de la Grandville, intendantde la province ;
mais le plan adopté était trop vaste pour les res
sources dont on pouvait alors disposer ; de sorte
quel'édifice resta longtemps incomplet.Quoiqu'il en
soit, on employasibien les bâtiments construits à cette
époque ,qu'on y recueillit parfois jusqu 'à2 mille vieil
lards et orphelins ; il s'en suivit que les revenus de
l'hospice nepouvant plus suffire , on fut forcé d'avoir
recours à des emprunts répétés . En 1772, ces revenus
HOPITAUX ET HOSPICES 239
étaientbien au -dessous des besoinsde l'établissement;
ils provenaientde biens-fonds, d'offices de police , de
rentes , d'un octroi sur les boissons et des secours
annuels qu’accordait la ville. Le produitde quelques
travaux exécutés par les pensionnaires venait encore
s'ajouter à ces ressources . Tout cela n 'empêcha pas
qu'il fallut diminuer le nombre des pauvres entre
tenus à l'Hospice - Général. Aujourd'hui , on est
parvenu à y assurer l'entretien de quinze cent vingt
personnes ; on a continué la construction des bâti
ments ; on a amélioré la nourriture et toute l'admi
nistration intérieure ; enfin on a mis l'Hospice
Général en état de produire tout le bien que notre
population doitattendre d'un des plusvastes établis
sements de charité que puisse posséder une ville de
province .
La chapelle de l'Hospice-Général possède un beau
tableau de Van Dyck (une Adoration ) queles étrangers
ne doivent pas oublier d'aller voir .
Indépendamment des hôpitaux et des hospices
que nous venons de passer en revue, Lille compte
encore dans son sein quelques institutions particu
lières de ce genre , comme le Bon - Pasteur et autres
maisons ou couvents qui ne relèvent pas de l'admi
nistration publique. Nous avons, en outre , dans
la rue de Tournai , près de la gare du chemin de
fer du Nord , un établissement pour les femmes en
démence .
210 HOPITAUX ET HOSPICES
Enfin la ville de Lille, en fait d'hôpitaux , d'hos
pices , de maisons de refuge et de secours, possède
tout ce qu'il faut pour que les visiteurs étrangers
reconnaissent en elle une cité éminemment charitable
et pleine d 'une tendre sollicitude pour ses enfants
malheureux.
CONGRÉGATIONS ET ÉCOLES RELIGIEUSES .

L'institution d'enseignement la plus remarquable


en ce genre que possède Lille , c'est le couvent du
Sacré- Cœur , où sont élevées de nombreuses jeunes
filles appartenant à des familles riches de Lille , de
ses environs et de la Belgique. Cecouvent-pensionnat
occupe dans la rue Nationale un vaste local qui,
indépendamment des salles d'étude , dortoirs, par
loirs , réfectoires , etc. , etc., contient un jardin et
une jolie chapelle . Cette maison appartient à une
congrégation bien dotée et très - répandue , qui
possède dans presque toutes les grandes villes de
la France et de la Belgique , des établissements iden
tiquement semblables à celui de Lille . On assure
qu'il se trouve parmiles dames du Sacré- Cæur de
21
942 CONGREGATIONS ET ÉCOLES
Lille , des professeurs d 'un savoir très- étendu .
Nous avons dans notre proche voisinage, à Es
quermes, une maison d' éducation qui rivalise avec le
Sacré-Cœur de Lille : c'est le monastère de Notre
Dame de la Plaine. Le local occupé par ce monas
têre est immense , etmême hors de toute proportion
avec les plus vastes établissements du même genre.
Les dames Bernardines qui ont fondé cette maison
se sont fait , dans l'enseignement, une réputation
des plus distinguées.
Après ces deux pensionnats , citons, entre autres
maisons religieuses qui pratiquentà Lille l'enseigne
ment pour les jeunes filles pauvres : les filles de
l'Enfant-Jésus , les seurs de Notre-Dame-de- Bon
Secours, les sæurs de St-Vincent de Paul et les
filles de la Sagesse ; ces dernières sont chargées
d 'instruire les sourdes-muettes et les aveugles .
Quelques-unes de ces bonnes sæurs , non con
tentes d 'instruire les filles du peuple , vont encore
à domicile soigner les malades et les infirmes.
Les établissements religieux de Lille consacrés à
l'instruction des garçons sont dirigés par les Frères
de la Doctrine Chrétienne .
Nous mentionnerons encore ici l'Institution des
Sourds - Muets, récemment transférée à Fives ,
qui est un des établissements de ce genre les
plus remarquables qu'on rencontre en province II
est parfaitementdirigé par les frères de St-Gabriël.
CONGRÉGATIONS ET ÉCOLES . 243
On peut voir par la courte revue qui précède ,
que la ville de Lille possède un très-grand nom
bre d'écoles publiques appartenant aux congré
gations religieuses.
Nousmentionnerons en finissant la maison dite
du Bon-Pasteur, où des religieuses s'efforcent de
ramener à une vie plus morale , les jeunes filles
dont la conduite a été d'abord plus ou moins
déréglée .
SALLES D 'ASILE .

Le bonheur d 'être mère était ruineux pour l'ou


vrière ; il lui fallait, pour soigner son enfant, aban
donner le travail qui nourrissait la famille . Ce que
voyant, notre époque créa la Salle d'asile ; et
certes elle n'aurait produit que cela de bien , qu'on
le germe ficar cette institid.ses bonss
devrait encore rendre hommage àses bonssentiments
età ses lumières; car cette institution des salles d 'asile
est le germe fécond d 'où sont sorties et sortiront
encore une foule d'autres institutions basées sur
les principes de la fraternité chrétienne.
Lille , cette fois, a marché à la tête du progrès
social : ses salles d 'asile datent de 1834. La
première fut établie par le bureau de bienfaisance
21*
26 SALLES D'ASILE
dans un local qui lui appartient près de l'église
St-Sauveur. Aujourd 'hui Lille compte septsalles de
ce genre placées sous la haute surveillance de
dames inspectrices qui,mères opulentes , dévouent
noblement leurs soius aux enfants des mères pau
vres ; tant il est vrai qu'il suffit d'un sentiment
comme celuide la maternité , venu directement de
Dieu etde la nature , pour relier entre elles toutes
les classes de la société par la sainte égalité des
âmes .
MONT-DE -PIÉTÉ .

Lille possède un véritable Mont-de-Piété. Ce


beau titre n'est ailleurs qu'une usurpation , attendu
que dans cette sorte d' établissements on prête à gros
intérêts, tandis qu'au Mont-de-Piété de Lille c'est
gratuitement qu'on fait des avances d'argent aux
citoyens pauvres.
Un Lillois nommé BartholoméMasurel fonda cet
établissement en 1609 ; il y consacra toute sa for
tune , ne se réservant qu'une modique pension
viagère. D'après le règlement imposé par son fon
dateur , le Mont-de-Piété de Lille doit prêter sans
intérêt jusqu'à concurrence de cinquante écus.
Chaque année on est tenu de renouveller le billet
d'engagement, quand on ne peut pas retirer le gage.
248 MONT-DE-PIÉTÉ
Faute de cette formalité, le gage est vendu , mais
le prix qu'on en obtient est remis au propriétaire de
l'objet, sans autre retenue que celle de la somme
prêtée . En 1772 cette institution jouissait d'un
revenu de six mille florins. La Révolution est venue
suspendre les bienfaits de cette belle æuvre que
nos magistrats ont ensuite réorganisée .'
Voici donc un nom à graver dans la mémoire des
gensdecæur de tous les pays: BARTHOLOMÉMASUREL
vivra éternellement dans le souvenir reconnaissant
de ses concitoyens.
CERCLE DU NORD ET SALON DES
NEGOCIANTS .

Au mois de Janvier 1849 a été solennelle -


ment inaugurée , dans l'ancien hôtel Du Maisniel,
une Société composée d 'environ 1, 100 membres ,
qui a pris pour titre Cercle du Nord . Cette nom
breuse réunion , se trouvant encore logée trop à
l'étroit dans les vastes salons de l'hôtel Du Maisniel,
a fait construire , dans le jardin de cette magni
fique demeure , une immense salle dont la cons
truction offre un aspect monumental et qui est
destinée à servir de tabagie . Aujourd'hui , les
étrangers voudront tous visiter ce bel établissement
qui doit sa création à une noble pensée d'union
et de concorde entre les diverses classes de citoyens
de Lille et de sa banlieue.
250 CERCLE DU NORD
Le Salon des Négociants, établi dans les vastes
appartements d'une maison située sur la Grande
Place, est une institution de mêmenature', mais
dont la fondation est antérieure à la Révolution de
1789 .
MANÉGE CIVIL .

A l'extrémité de l'Esplanade de Lille s'élève un


batiment qui n 'a demonumental que sa façade ornée
d'un joli portique avec gradins et colonnes : c'est
le Manége civil. La ville accorde la jouissance de ce
bâtiment à M . Ruelens, à charge pour lui d'y tenir
une école d 'équitation convenablement fournie en
chevaux et dirigée par des écuyers-professeurs.
M . Ruelens fait en outre le commerce des chevaux ,
ce quilui donne plus de facilité pour peupler tonve
nablement les écuries du Manège et louer aux ama
teurs des montureş sûres e télégantes.
BIBLIOGRAPHIE LILLOISE
BIBLIOGRAPHIE LILLOISE

AUTEURS ET LIVRES CONTEMPORAINS.

En écrivant la dernière ligne de cette revue des


monuments et des institutions de Lille , nous nous
sommes pris à penser qu'il ne déplairait peut-être
pas à nos visiteurs de trouver encore iċi , comme
un utile complément de notre euvre, la liste briève
ment commentée des livres publiés à Lille, dans ces
dernières années , par des écrivains appartenant au
236 BIBLIOGRAPHIE LILLOISE

pays . Toutefois , parmi ces publications , nous


nous sommes surtout appliqué à mentionner
celles dont le sujet se rapporte à notre cité , ou du
moins à l'ancienne province de Flandre. Si,malgré
notre désir d 'être équitable envers tout le monde ,
nous omettions quelque livre recommandable , qu'on
ne s'en prenne qu'à notre mémoire : nous pouvons
oublier ,mais nous ne seronsjamais injuste ou partial .
Il faut qu'ici, comme partout ailleurs , les institu
tions marchent avant les hommes : nous placerons
donc en première ligne les Mémoires de la Société
des Sciences et Arts de Lille et le Bulletin de la
Commission historique du département du Nord .
Les Mémoires de la première de ces compagnies
comptent aujourd 'hui 27 volumes , qui contiennent
une foule de notices , de rapports , et de procès
verbaux , sur toutes les branches des sciences ,
de l'agriculture , des arts et des belles - lettres ; la
plupart de ces matières y sont traitées avec une
supériorité remarquable , de sorte que les Mémoires
de la Société des Sciences de Lille sont aujourd'hui
classés dans le monde savant comme des publi
cationstrès-importantes à consulter .
Quant aux bulletins de la Commission historique
(institution d 'origine beaucoup plus récente ), ils ne
forment encore que 3 volumes , mais on y trouve
des documents de la plus haute valeur sur l'archéo
logie et l'histoire de la Flandre.
BIBLIOGRAPHIE LILLOISE 2j7

M . BRUN- LAVAINNE .
Parmi nos écrivainsmodernes, M . Brun -Lavainne
doit être citécommele premier qui se soit spéciale
ment occupé de notre histoire locale . La ville de
Lille a été le sujet de ses travaux les plus assidus ,
les plus patients , les plus dévoués.
Nous lui devons :
Une édition des Franchises, lois et coutumes de
Lille , d'après un ancien manuscrit à l'usage du
siége échevinal de Lille , connu sous le nom de
livre de Roisin . Cette édition est accompagnée d'un
glossaire et de notes très-curieuses ;
Un Atlas topographique et historique de la ville
de Lille, ouvrage consciencieusement élaboré et
luxueusementexécuté, in -folio comprenant13 feuilles
de texte , 11 plans et 30 planches représentant
des sites , des monuments , des costumes, des ar
moiries, des sceaux , etc. etc .
Le palais de Rihour , monographie savante d'un
monument historique dont il nenousrestera bientôt
plus de vestiges.
Les sept siégesde Lille,æuvre toutede patriotisme
et de savoir, rédigée en collaboration avec M . Elie
Brun .
M . Brun -Lavainne a encore produit une foule
d 'autres publications qui toutes se rapportent à la
22 *
2:38 BIBLIOGRAPHITE LILLOISE

ville de Lille ou à son ancienne châtellenie ; quel


ques-unes ont paru dans la Revue du Nord , recueil
mensuel, fondé et dirigé par lui, et dontle succès et
la durée eussent dû préoccuper davantage tous
ceux d 'entre nos concitoyens qui s'intéressent à la
renommée historique et littéraire de leur ville
natale . L 'indifférence envers certainshommes , envers
certains écrits , c'est tout bonnement de l'ingra
titude .. ..

M . LE DOCTEUR LE GLAY .

Préposé à la garde de notre admirable dépôt


des Archives générales , M . le docteur Le Glay a
transporté parmi nous cet amour dévoué pour le
passé historique de notre vieille Flandre , qui , chez
lui, semble être l'unique mobile de toute une vie
d 'étude et d'infatigables recherches . Voici quel
ques -unes des publications les plus remarquables
que nous devons à ce savant écrivain .
Une édition de Baldéric , chantre de Thérouane
au XIe siècle , collationnée sur divers manuscrits et
enrichie de deux suppléments , avec commentaire ,
glossaire et plusieurs index .
Plusieurs notices et rapports sur les archives de
la Chambre des comptes.
Un programme d'études historiques et archéo
logiques sur le département du Nord .
BIBLIOGRAPHIE LILLOISE
Des recherches sur l'arsin et l'aballis de maisons
dans le Nord de la France.
Analectes historiques ou documents inédits pour
l'histoire des faits , des meurs et de la littérature .
Mémoire sur les bibliothèques publiques et les
principales bibliothèques particulières du départe
ment du Nord .
Correspondance de Maximilien ſer et de Mar
guerite d'Autriche sa fille .
Négociations diplomatiques entre la France et
l'Autriche, pendant les trente premières années du
Xvie siècle .
Cameracum christianum , ou histoire ecclésias
tique du diocèse de Cambrai. – Ce livre jette une
lumière toute nouvelle sur les premiers temps
historiques de la Flandre .
En outre, M . le docteur Le Glay ne cesse d'en
richir de ses écrits les principaux recueils de nos
Sociétés savantes ; ajoutons enfin qu'il aide de ses
conseils, soutient de sa parole, encourage par son
exemple tout ce qui parmi nous se présente d 'hom
mes de bonne volonté, à l'entrée de cette difficile
carrière qu'il parcourt lui-même avec autant de
succès que de courage etde loyauté .
M . EDWARD LE GLAY.
On serait tenté decroire quele savoir est héréditaire
200 BIBLIOGRAPHIE LILLOISE
dans certaines familles , car voici un fils quimarche
dignement sur les traces de son père. Nous devons
à M . Edward Le Glay les productions suivantes :
Histoire des Comtes de Flandre. — Cet ouvrage
est le plus complet et le plus savamment composé
que nous possédions sur cette matière . Un grand
journal de Paris a dit avec raison , que cette histoire
était « le digne péristyle du monument élevé par
M . de Barante à la gloire des ducs de Bourgogne. »
Histoire de Jeanne de Constantinople — Remar
quable épisodede nos annales flamandes, où l'auteur
réhabilite victorieusement la mémoire , lâchement
et systématiquement outragée , de la plus noble
etde la plus vertueuse de nos Comtesses de Flandre.
Chronique rimée des troubles de Flandre à la fin
du xvie siècle , avec des documents inédits relatifs à
ces troubles.
Fragments d'épopées romanes du XIIe siècle . —
Document précieux pour l'histoire littéraire de nos
contrées.
Scènes historiques flamandes, en collaboration
avec M . Henri Bruneel.
M . VICTOR DERODE.
Voici un de ces historiens à qui rien n 'a coûté
pour arriver à la complète et consciencieuse éluci
dation des fastes historiques de notre ville de Lille :
BIBLIOGRAPUTE LILLOISE 261

en outre, le talent de l'écrivain s'est uni chez


M . Derode au courage et à la patience de l'érudit ,
pour aboutir au remarquable achèvement des
cuvres que nous allons citer.
Histoire de Lille. Ceci est l'æuvre la plus
vaste , la plus patiente, qui ait été accomplie à la
plus grande gloire de notre cité et pour le plus
noble enseignement de nos concitoyens. Ce beau
livre , c'est la ville de Lille elle -même fidèlement
dagueréotypée, non seulementavec ses faits etgestes,
mais encore avec sa physionomie morale , son carac
tère particulier, ses misères et ses splendeurs , ses
douleurs et ses joies , ses vertus et ses faiblesses .
Il semble vraiment que , pendant tout le cours de
cette marche à travers les siècles , l'historien ait
constamment tenu la main appuyée sur le cour de
sa ville bien - aimée pour nous en redire les moindres
pulsations. ...
Certes , la portée de cette cuvre ne se borne pas
aux limites de notre localité : l'Histoire de Lille de
M . Derode appelle sur elle l'attention du monde
savant; et bientôt , il n'y aura plus en France une
bibliothèque, quelque peu fournie en quvres histo
riques, qui ne tienne à honneur de posséder ce
livre sur ses rayons.
Le siège de Lille de 1792 -- Extrait (inédit
alors ) du livre précédent , le siége de Lille a été
publié à l'occasion de l'inauguration de la Colonne
62 BIBLIOGRAPHIE LILLOISE

commémorative qui décore notre Place d'armes ,


et la première édition a été enlevée sur le champ
L'auteur et le public ont dû , tous deux, se féliciter
de cette bonne aubaine.
Considérations sur les lois de la progression des
langues. — Ce travail contient de savantes recher
ches sur la linguistique considérée au point de vue
de l'histoire.
M . LEBON .
M . Lebon , mort il y a peu d 'années , nous a
laissé un Mémoire sur les forestiers de Flandre et
un autre Mémoire sur la bataille de Bouvines ; ce
dernier travail surtout est extrêmement précieux ,
en ce qu 'il rétablit la véritable topographie straté
gique d 'une bataille dont le résultat a fixé les desti
nées de la France au moyen-âge. Avant le Mémoire
de M . Lebon , plus d 'un historien s'était complète
ment fourvoyé sur ce terrain .
M . Ducas.
Les Chapitres noblesde dames. Celivre contient
des recherches généalogiques, héraldiques et histo
riques fort intéressantes, non pas seulement pour
quelques familles nobles , mais encore pour les
annales mêmesde la France et des Pays- Bas.
Généalogie historique de la Maison Du Prat. --
BIBLIOGRAPHIE LILLOISE 263
Cette brochure n 'est pasnon plus entièrement dénuée
d'intérêt au point de vue de l'histoire. .
En outre, M . Ducas a publié dans la Revue du
Nord et dans d 'autres recueils, des Notices numis
matiques très-remarquables.
MM . DEMEUNYNCK ET DEVAUX .
Depuis 1829, MM . Demeunynck et Devaux pu
blient régulièrement chaque année un recueil plein
d 'indications et de renseignements utiles sur l'ad
ministration , la statistique, l'hygiène , le com
merce , l'industrie , les arts , etc. , du département
du Nord . Cette publication a pour titre : Annuaire
statistique du département du Nord.
MM . MARQUETTE ET DUHEM .
Il convient de mentionner très-honorablement
ici la Carte de l'arrondissement de Lille , dressée
par M . Marquette , agent-voyer en chef du dépar
tementdu Nord , et gravée par M . Duhem . Cette
carte est une cuvre topographique des plus cons
ciencieusement exécutées.
M . F . KUHLMANN.
Ce savant professeur a publié une foule de
rapports et mémoires extrêmement remarquables
261 HIBLIOGRAPHIE LILLOSE
sur l'agriculture, l'industrie , l'économie politique ,
la chimie , la fabrication du sucre indigène , le noir
animal, etc .etc. Enfin M . Kuhlmann est, pour ainsi
dire , le rapporteur-né de toutes les institutions sa
vantes ou utiles du pays.

M . J. - B . DESMAZIÈRES.

Agrostographie des départements du nord de la


France . - Plantes cryptogames du nord de la
France .
Ces publications sont très -recherchées par les
spécialistes de cette branche de l'histoire naturelle .

MM . LESTIBOUDOIS (J. ET TH.)


Botanographie universelle , — Botanographie
élémentaire , — Botanographie Belgique, ou Flore
du Nord de la France et de la Belgique proprement
dite, — Étudessur l'anatomie et la physiologiedes
végétaux .
Toutes ces @ uvres trouvent une suffisante re
commandation dans les signatures de leurs auteurs.
En effet, il n 'est pas un botaniste qui ne sache ce
que vaut le nom des Lestiboudois sur un livre qui
traite de cette science.
RIBLIOGRAPHIR LILLOISE 203

M . THEMISTOCLE LESTIBOUDOIS .
Economie pratique des Nations, ou syslème
économique applicable aux différentes contrées ,
et spécialement à la France. --- Cet ouvrage est
un plaidoyer fort habile pour le système protec
teur , contre les doctrines du libre échange.
M . C . D . DEGLAND .
Entre autres publications remarquables , M . le
docteur Degland a mis au jour deux beaux volumes
intitulés : Ornithologie européenne, qui constituent
une cuvre classique par excellence pour cette
branche de l'histoire naturelle .
Notons ici que M . Degland possède une fort belle
collection de tous les oiseaux existant en Europe.
M . MACQUART.
Conférences sur lesapplications de l'Entomologie
à l'Agriculture. – Diptères du nord de la France.
-- Diptères exotiques nouveaux ou peu connus, etc.
Les écrits de M . Macquart font autorité parmi les
entomologistes ; il vient de publier un travail remar
quable sousce titre : Facultés intéricuresdesanimaux
invertébrés.
M . ÉDOUARD GACHET.
M . Gachet estmort en 1845 . La ville de Lille a
perdu en lui l'un des hommes les plus éclairés et
23 .
266 BIBLIOGRAPHIE LILLOISE

les plus probes auxquels une cité puisse s'énor


gueillir d'avoir donné le jour. Ce qu'il y a de re
marquable surtout dans les écrits de M . Gachet ,
réunis en un volume par un de ses anciens élèves ,
M . H . Lefebvre, c'est qu'on y trouve les idées so
ciales les plus franchementprogressistes, étayées sur
les vrais principes de l'ordre et sanctionnées, pour
ainsi dire, par une inspiration toute chrétienne.
M . L.- T. SEMET.
De nos jours , les poëtes sont assez clair - semés
dans Lille , mais en voici un dont le mérite fait
compensation à cette disette regrettable . M . Semet
a publié deux poëmes épiques où l'on rencontre
des beautés de premier ordre : Jeanne d 'Are et
Guillaume de Nassau . Nous devons encore à la
plume élégante et chaleureuse de M . Semet des
Mélanges littéraires , en prose et en vers ; plus,
une suite de petits recueils simplement intitulés :
Poésies , composés en collaboration avec M . J.
BARROS. Ce dernier estl'élève et l'amide M . Semet ,
et entre eux la verve et l'inspiration semblent
véritablement contagieuses.
M . Semet est aujourd'hui placé à la tête de notre
Bibliothèque communale, et nous félicitons haute
ment nos magistrats de ce choix aussi juste qu'é
clairé .
BIBLIOGRAPDIR LILLOISE .
267
207

M . PIERRE LEGRAND .

Nous devons à cet écrivain plusieurs traités de


droit fort estimés, comme par exemple : -- Etudes
sur la législation militaire et sur la jurisprudence
des conseils de guerre et de révision , — Conférences
sur le droit rural. — Législation des portionsména
gères dans le nord de la France. M . Legrand est de
plusun écrivain très-spirituelqui a eu grand tort de
ne risquer que ses initiales sur certaines esquisses
de mours que d'autres se seraient empressés et
glorifiés de signer en toutes lettres. Du reste , le
public lillois sait parfaitement à quoi s'en tenir sur
l'auteur du Bourgeois de Lille , du Voyage de Lille
à Toulon ,etc. Une autre fois, il ne faudra plus dire
les choses de cette façon -là , si vous ne voulez être
reconnu dès la premièreligne....
M . T. DESROUSSEAUX.
Oui, c'est sans hésitation aucune que nous
citons ici notre Brûle -Maison (1) moderne. Avoir
de l'esprit en patois vaut certes mieux que d 'être
un sot en français ; j'en appelle à toute la popula

(1) Fameux chansonnier Lillois du siècle dernier , Decottignies,


dit Brule-Maison , composait ses chansons en patois et les chantait
lui-même sur la place publique, Ses ouvres ont été imprimées.
APHIE ILLOISE
268 BIBLIOGR L .
tion de Lille, qui lit et qui chante en ce moment
les Chansons et pasquilles lilloises de M . Desrous
seaux .
M . HENRI BRUNEEL.
Histoire populaire de Lille.
Bouchard d' Avesnes. — Schild en vriend . -
Charles-le -Mauvais , (scènes historiques flamandes,
en collaboration avec M .Edward Le Glay).
Lettres françaises sur la Belgique.
Notice sur le roman du Renard , etc .
A ceux qui nous demanderaient ce que nous
pensons de ces livres et brochures , nous n'oserions
pas mêmerépondre : - Et vous ?....
NOTES COMPLÉMENTAIRES .

Page 52 .- Dans la notice de l'HOTEL-DE - VILLE,


nous avons quelque peu devancé la réalité , en an
nonçant comme figurant déjà sur cet édifice les
deux statues de Bra, quisont sur le pointd'êtremises
à cette place.
Puge 85 . — Nous regrettons d'avoir oublié de
signaler, parmi les pièces les plus remarquables du
Musée Wicar , les dessinsde FRANCIA qui sont d 'une
finesse d'exécution inimitable . Les dessins de ce
maître sont extrêmement recherchés ; Paris n 'en
possède que 3 , et nous en avons, nous, 15 des plus
finis et des plus soigneusement composés qu 'on
puisse voir.
Page 93. — Une décision de l'administration
municipale vient de confirmer notre supposition au
sujetde l'emplacement que doit occuper le MUSÉE
MOILLET .
Page 94 . - A peine notreGuide était-ilimprimé
qu'il nous survenait un nouveau Musée, très -digne
23 *
NOTES
assurément de figurer parmi ceux dont nous avons
esquissé lamonographie . En effet , le gouvernement
vient de faire don à la ville de Lille d'un magnifique
cabinet de minéralogie, contenantplus de quatre
vingtmille échantillons de minéraux de tous gen
res. Ceite belle collection , lorsqu'elle sera classée
avec soin et convenablementlogée à l'Hôtel-de- Ville ,
complètera admirablement le splendide ensemble
de nos richesses artistiques et scientifiques.
Nous n 'avons pas besoin de faire remarquer la
haute importance qu'on doit attacher à ce qui peut
favoriser et propager l'étude de la minéralogie ,dans
un pays sillonné en tous sens par des gisements
de charbon et de pierres de construction , dont
quelques -unes offrent à la fois la solidité du granit
et les brillants reflets du marbre.
Page 154 . - En parlant de la fondation à Lille
du premier cours d'architecture par notre conci
toyen Gombert , nous avons omis de dire que cet
architecte remarquable à la fois par son talent et par
son dévouement à sa ville natale , enseignait son art
publiquement, sans vouloir accepter aucune rétribu
tion du magistrat de Lille. Le nom de GOMBERT est
encore un de ceux que les Lillois d'aujourd'hui et
dedemain n 'ont pas le droit d 'oublier .. ..
Page 161. - L ' Association musicale de Lille
vient de s'établir dans le vaste et bel hôtel situé
rue Esquermoise , 79.
TABLE DES MATIÈRES,

Pages :
ARMES DE LA VILLE DE LILLE .. .
LILLE . . . .. . .. .. . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
HISTOIRE . ..
HISTOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
TOPOGRAPHIE
M IL .. .. .. .. .. .. .. . . . . . . . . . . . . . . . . .
MEURS ET USAGES . . . . .
272 TABLE
Pages .
CURIOSITĖS MILITAIRES ... ... .....
FORTIFICATIONS (ville et citadelle).. . . .
PORTES . . . . . . . .
ARSENAUX . . . . . . .
MAGASINS .. . . . . . .
CASERNES ... . . . . . .

CURIOSITÉS ARTISTIQUES..
HOTEL -DE- VILLE .
MUSÉE DE PEINTURE . . . . .
MUSÉE WICAR . . . . . . . . . . . . .
MUSÉE MOILLET . . . . . . . . .
COLLECTIONS PARTICULIÈRES,..
- MM . Gentil- Descamps (rue de l'Hò
pital-Militaire,101), . . .. . id.
Tencé(ruedes Chats- Bossus, 3) 99
Malfait (rue des Fossés , 29.). 103
Lenglart,(rue du Vieux-Mar
ché-aux-Chevaux , 10.).. . 104
ÉGLISES . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
BOURSE . . . . .. . . . . .
COLONNE COMMÉMORATIVE . . . .
THÉATRE . . . . . . .
GARE DU CHEMIN DE FER . . . 135
PALAIS DE JUSTICE . . . . 139
PONT NEUF . ..
PUNI NMUT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
TABLE 973

l'ages.
PONT NAPOLÉON .... .. .. .. .. . . . . . . . . . . . . . . . 142
STATUE DU GÉNÉRAL NÉGRIER . . . . . . . 143
MAISONS PARTICULIÈRES REMARQUABLES . . 145
HOTEL DES CANONNIERS . . . . . . . . . . . . . 147
ACADÉMIE DE MUSIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . 151
ÉCOLES ACADÉMIQUES.. . . .. .. . .. .. . ..... 153
SOCIÉTÉS ARTISTIQUES ET SCIENTIFIQUES.. . . 157
Société nationale des Sciences , de
l’Agriculture et des Arts . . . .. id .
Société d'Horticulture. .. . . . . . .. 159
Commission historique du départe
ment da Nord . .. . . ... . . . . . . .
Association lilloise . . . . . . .. . . . . 160
Association musicale de Lille : . . ..

CURIOSITÉS SCIENTIFIQUES .. . . . . . .. . 165


ARCHIVES GÉNÉRALES du départem ' du Nord id .
ARCHIVES DE LA VILLE . . . . .. 175
BIBLIOTHÈQUE COMMUNALE . . . . . . . . . . . . . . . 175
BIBLIOTHÈQUES PARTICULIÈRES. . . . .. . . . . . 185
– MM . Ch . de Godefroy , ( rue
Nationale) . . . . . . . . . . . id .
Macquart, (ruede Voltaire). 187
Desmazières, (à Lambersart). 188
Van der Cruyssen deWaziers ,
(rue Nationale ).. ... .. id .
274 TABLE

Pages.
MM . Le Glay, (hôtel des Archives,
ruedu Pont-Neuf). .. . .. 190
Hebbelynck , (rue de Fives). 190
Ducas, De Contencin, Gentil
Descamps... . . . . . . . . . . 191
Van der Helle, Lestiboudois. 192
MUSÉE D 'HISTOIRE NATURELLE . . . .. . . . . . . 193
LYCÉE NATIONAL . . . . . . 195
ÉCOLES PRIMAIRES .. . . . . . . . . 197
JARDIN BOTANIQUE . . . 199
CURIOSITÉS INDUSTRIELLES . . .. .. . 203
INDUSTRIES LILLOISES . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fabrique de fils de lin retors . . . 204
Filature de coton . 205
Filature de lin . . 206
Filature de laine. . .
Tissage de toiles . . . ..
Tissusnouveautés . . . . . 208
Tapis . . . . . . . . . . . . . . 209
Teintures et apprêts . 210
Cardes . . . . . . . . . . . id .
Fers et machines . . . . . . .
Produits chimiques .
Fabrique de céruse. . . . . . . .
Raffineries de sucre . .. . .
Distilleries. .. .
TABLE 275
l'ages.
Brasseries .. . . . . . . . . . . . . . . . . 215
Fabrication des huiles .. .. id .
CHAMBRE DE COMMERCE . 217
BANQUE DE LILLE . . . . . . . . . .
COMPTOIR D 'ESCOMPTE . . . . id.
MANUFACTURE DES TABACS . . 223
GRANDE HALLE . . . . . . .
ABATTOIR ... . . . . . . . . . . . . . . .

INSTITUTIONS DIVERSES ...


HOPITAUX ET HOSPICES . . . . . . . .
Hôpital militaire..
.

St-Sauveur . .
- Comtesse.. . . .
.

Hospice Ganthois ... . . . .


- Stappaert.. . . . . .
Général. 238
CONGRÉGATIONS ET ÉCOLES RELIGIEUSES . . . 241
SALLES D 'ASILE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245
MONT-DE - PIÉTÉ . . . . . . . . 247
CERCLE DU NORD ET SALON DES NÉGOCIANTS .
MANÉGE CIVIL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
BIBLIOGRAPHIE LILLOISE .. ... ... .... 253
NOTES COMPLÉMENTAIRES ..........
TABLE .. . . . . .
ERRATA .

Pages Lignes
17 -- 12 --- 35 mille ames , lisez : 25 mille .
52 — 21 - Plaindrait qu'on , lisez :de cequ'on .
154 – 17 1766 , lisez : 1760 .
182 – 8 - La bibliothèque et les archives gé
nérales , lisez : la bibliothèque et
le dépôt des archives générales.
214 - - 28 --- Ces établissements , lisez : quelques
uns de ces établissements .
217 - 12 ---- (Ponctuation dénaturant le sens) après
ces mots : cinq membres , il faut
deux points (:).

Lille . - - lin .de l'anackere ,


DATE DUE

AL HN21400
OFFC. JAN 2 7 1988

Printed
I in USA
201-6503

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