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UNIVERSITÉ DE HAUTE-ALSACE

FACULTÉ DES SCIENCES ECONOMIQUES, SOCIALES ET JURIDIQUES

HISTOIRE DU DROIT ET DES INSTITUTIONS

Année universitaire 2022-2023


Licence Droit 1ère année - 2e semestre

Cours dispensé par M. Thomas Boullu


Mail : boullu@unistra.fr
LA « CONSUETUDO »

La coutume se développe avec l’émiettement politique qui suit la disparition de


l’autorité carolingienne. Elle prend son essor au XIe siècle au sein des
seigneuries
Le terme de « coutume » provient du mot « consuetudo » qui renvoie aux
prérogatives détenues par le seigneur dans le cadre du pouvoir de ban qui lui est
confié : pouvoir de lever l’armée, l’impôt, de juger et plus largement de punir.

Ce pouvoir de ban s’impose dans le temps et devient accepté par la population.


Il n’est pas illimité mais, à l’inverse limité par la « consuetudo ». La « consuetudo »
n’est donc pas le reflet de l’arbitraire du seigneur mais le résultat d’un droit
consenti. Lorsque la coutume revendiquée par le seigneur ne présente pas un
caractère assez ancien, elle est qualifiée de « mauvaise coutume » par les sujets.
L’ESSOR DE LA COUTUME

Progressivement, la coutume ne va plus simplement régir les rapports entre le


seigneur et ses sujets. Elle va également déterminer le droit qui s’applique
entre les sujets.

La coutume connaît alors un important essor. Lorsque l’usage est répété et


admis au sein d’une seigneurie, la coutume s’impose entre les sujets.
Progressivement, la coutume va fixer le droit au sein des seigneuries dans des
.domaines divers : droit des obligations, mariages, successions, droits relatifs à
l’exploitation de la terre, statuts des individus, etc.
LES CHARTES DE FRANCHISE

La « renaissance du XIIe siècle » contribue à


augmenter le nombre de coutumes. Le
nouveau rôle occupé par les villes et les
communautés leur permet de revendiquer
de nouveaux droits et exemptions au
seigneur qui prennent le nom de
« franchises ».
Ces « franchises » sont inscrites dans des
« Chartes ». Les Chartes sont des
documents juridiques dont les villes et les
communautés peuvent se prévaloir. Elles
consacrent des exemptions et des privilèges Charte de Lorris, XIIe siècle, AD Loiret.
mais intègrent également des usages de la
vie quotidienne.
LES FRONTIÈRES JURIDIQUES ET LINGUISTIQUES

H. Klimrath, Carte de la France coutumière, Les aires linguistiques de l’ancienne


1837. France
LES STATUTS COMMUNAUX

Avec la renaissance des droits et le


développement des universités, l’importance
du droit écrit est reconnue à partir du XIIe
siècle.

Progressivement, les cités de l’Italie du Nord


puis de Provence vont solliciter la mise par
écrit de leurs coutumes. La « Renaissance du
XIIe siècle » s’accompagne d’un souhait de
sécurité juridique.

Ce phénomène de codification des


coutumes n’est pas fait « à droit constant ». Statut communal de Vercelli, 1341, Archives
De nouvelles règles sont introduites. historiques de la commune de Vercelli
(IT, Piémont)
LES LIVRES COUTUMIERS

Le plus ancien coutumier est rédigé au début


du XIIIe siècle pour la Normandie. Il porte le
nom de Très ancien coutumier de Normandie.

Le plus célèbre coutumier est celui de


Clermont-en-Beauvaisis rédigé en 1283 par
Philippe de Beaumanoir. L’auteur est bailli du
comté de Clermont. Il ne se livre pas à une
simple énumération des coutumes mais
procèdent à un commentaire de ces dernières.
P. de Beaumanoir, Les coutumes de
Beauvaisis, ≈ XIIIe siècle
L’ACCROISSEMENT DU DOMAINE ROYAL
LE ROI, DE LA SUZERAINETÉ À LA SOUVERAINETÉ

Le roi affirme progressivement sa supériorité sur ses


arrière-vassaux par plusieurs moyens.

En cas de conflit entre un vassal et son suzerain, le roi


peut être saisi comme arbitre. Il se positionne au-
dessus des rapports féodaux.

Progressivement, le principe que tous les


seigneurs sont soumis au roi s’impose. En 1260 ,
le Livre de Jostice et de Plet estime que les seigneurs Le Livre de jostice et de plet,
« sont tous dans la main du roi ». ≈1260-1270, BNF, Ms. fr. 2844
L’IMAGE DU ROI TRÈS CHRÉTIEN

Dès les premiers rois capétiens, le monarque est présenté comme un fervent
chrétien. Le moine Helgaud de Fleury rédige une hagiographie de Robert II le
Pieux. Le roi accueille les pauvres à sa table, fait des aumônes, participe à la
construction des lieux de prières. À l’instar de Dieu, il bénéficie de pouvoirs
comme celui de rendre la vue à un aveugle. À la mort du roi Robert, une éclipse
de soleil se déclenche.

Au XIIIe siècle, Louis IX est également présenté comme un roi très chrétien,
assidu aux offices, pratiquant les aumônes, fondant des hospices. Il participe aux
croisades ordonnées par le Pape afin de reconquérir la Terre sainte. À sa mort,
Louis IX est canonisé et érigé au rang de Saint. Il prend le nom de Saint Louis.
L’IMPORTANCE RENOUVELÉE DU SACRE

Les capétiens développent la cérémonie du


sacre également rencontrée chez les
carolingiens ainsi que dans diverses monarchies
occidentales.
La sainte-ampoule est l’élément qui caractérise
l’origine divine du pouvoir royal. L’huile
miraculeuse qu’elle contient permet de bénir le
nouveau roi.

Progressivement, d’autres insignes du pouvoir


s’invitent au sacre. L’épée, les éperons, les
vêtements du sacre, l’anneau d’or, le sceptre, la
main de justice et la couronne. Ils ont tous une Sacre de Louis IX à Reims, ≈ 1250-1260, BNF,
Lat. 1246, f° 17.
signification particulière.
LE POUVOIR THAUMATURGIQUE DES ROIS

À compter de la seconde moitié du XIe siècle,


l’idée que le roi dispose de pouvoirs divins se
développe dans les croyances populaires. Le roi
peut en particulier « guérir des écrouelles » par le
toucher. Il appose ses mains sur le cou du
malade en prononçant la phrase « Je te touche,
Dieu te guérit ».

La légitimité et l’autorité du roi est renforcée. Il


est considéré comme l’envoyé de Dieu sur Terre
pour gouverner. Louis IX guérit les écrouelles, Grandes
chroniques de France, ≈1335-1340, London
British Library, Ms Royal, GVI, fol. 424.
LES LOIS DES PREMIERS CAPÉTIENS

Après les carolingiens, la loi n’est matériellement plus produite. Le concept de loi
est toutefois toujours connu. On parle des « lois romaines » pour désigner les
normes comprises dans les compilations justiniennes et on évoque les « lois
barbares ».

L’autorité croissante des capétiens coïncide avec une augmentation des actes
juridiques qu’ils produisent.

Ces actes juridiques sont principalement des décisions à caractère individuels. Ils
ne possèdent pas encore le caractère général, absolu et impersonnel de la forme
contemporaine de la loi.
LES « DIPLÔMES » DE PHILIPPE IER

L’étude des « diplômes » adoptés par le roi Philippe Ier (1060-1108), traduit le
réveil du concept de la loi.

Un diplôme est une pièce officielle, pliée en deux, et revêtue d’un sceau. Les
« diplômes » de Philippe Ier sont toujours des décisions individuelles. Les actes
du roi continuent à ne pas présenter de caractère général et absolu.

Le changement majeur avec Philipe Ier réside dans la fonction qu’il attribue au
droit royal. Le monarque affirme vouloir gouverner le Royaume par l’adoption
de « diplômes ». Le droit et la loi sont présentés comme des instruments au
soutien de la respublica et du gouvernement. C’est une annonce politique.
L’ASSOCIATION DU ROI ET DE LA LOI

À compter du règne de Louis VI entre 1108 et 1137, les


concepts de « roi » et de « loi » sont associés. La loi est
présentée comme l’instrument de l’exercice du pouvoir
royal.

Cette approche est développée par un proche conseiller de


Louis VI : l’abbé Suger. Elle donne naissance à un adage
qui sera repris par les monarques postérieurs : « Si veut le
Roi, si veut la loi ». Diplôme de confirmation de
privilèges accordé par Louis VI,
1127, AN AE-II 141.
EXTRAITS DE L’ORDONNANCE DE PAIX DE SOISSONS (1155)

« Moi, Louis par la grâce de Dieu roi de France. Afin de réprimer la fièvre des méchants et d'arrêter les mains
violentes des pillards, à la demande du clergé et avec l’accord du baronnage, nous décrétons la paix dans tout
le royaume. Pour cette raison, l’année 1155, nous avons réuni un concile à Soissons. Y furent présents les
archevêques de Reims et de Sens ainsi que leurs suffragants, tout comme les barons, les comtes de Flandre, de
Troyes et de Nevers, et d’autres très nombreux, et le duc de Bourgogne.

Par leur volonté, nous prescrivons qu’à partir de la prochaine fête de Pâques, et pour dix ans, toutes les églises
du royaume, tous les paysans, le gros et le petit bétail, tous les marchands et tous les hommes quels qu’ils
soient aient absolument tous la paix et pleine sécurité. Nous avons dit en plein concile et devant tous, par le
verbe royal, que nous observerions cette paix sans la briser et que, s’il s’en trouvait pour violer la paix prescrite,
nous ferions justice d’eux selon notre pouvoir. Ont juré pour cette paix le duc de Bourgogne, le comte de
Flandre, le comte Henri, le comte de Nevers, le comte de Soissons et le reste du baronnage présent. Le clergé
également. Et pour que justice soit faite des violences, ils ont promis de nous aider selon leur pouvoir et ils
l’ont proclamé dans la stabilité de la parole consacrée.

J’ai confié à la mémoire des lettres la stipulation de la chose faite et la teneur de la paix, et nous avons ordonné
de les fortifier de l’autorité de notre sceau ».
EXTRAITS DE L’ORDONNANCE DE PAIX DE SOISSONS (1155)

« Moi, Louis par la grâce de Dieu roi de France. Afin de réprimer la fièvre des méchants et d'arrêter les mains
violentes des pillards, à la demande du clergé et avec l’accord du baronnage, nous décrétons la paix dans tout
le royaume. Pour cette raison, l’année 1155, nous avons réuni un concile à Soissons. Y furent présents les
archevêques de Reims et de Sens ainsi que leurs suffragants, tout comme les barons, les comtes de Flandre, de
Troyes et de Nevers, et d’autres très nombreux, et le duc de Bourgogne.

Par leur volonté, nous prescrivons qu’à partir de la prochaine fête de Pâques, et pour dix ans, toutes les églises
du royaume, tous les paysans, le gros et le petit bétail, tous les marchands et tous les hommes quels qu’ils
soient aient absolument tous la paix et pleine sécurité. Nous avons dit en plein concile et devant tous, par le
verbe royal, que nous observerions cette paix sans la briser et que, s’il s’en trouvait pour violer la paix prescrite,
nous ferions justice d’eux selon notre pouvoir. Ont juré pour cette paix le duc de Bourgogne, le comte de
Flandre, le comte Henri, le comte de Nevers, le comte de Soissons et le reste du baronnage présent. Le clergé
également. Et pour que justice soit faite des violences, ils ont promis de nous aider selon leur pouvoir et ils
l’ont proclamé dans la stabilité de la parole consacrée.

J’ai confié à la mémoire des lettres la stipulation de la chose faite et la teneur de la paix, et nous avons ordonné
de les fortifier de l’autorité de notre sceau ».
EXTRAITS DE L’ORDONNANCE DE PAIX DE SOISSONS (1155)

« Moi, Louis par la grâce de Dieu roi de France. Afin de réprimer la fièvre des méchants et d'arrêter les mains
violentes des pillards, à la demande du clergé et avec l’accord du baronnage, nous décrétons la paix dans tout
le royaume. Pour cette raison, l’année 1155, nous avons réuni un concile à Soissons. Y furent présents les
archevêques de Reims et de Sens ainsi que leurs suffragants, tout comme les barons, les comtes de Flandre, de
Troyes et de Nevers, et d’autres très nombreux, et le duc de Bourgogne.

Par leur volonté, nous prescrivons qu’à partir de la prochaine fête de Pâques, et pour dix ans, toutes les églises
du royaume, tous les paysans, le gros et le petit bétail, tous les marchands et tous les hommes quels qu’ils
soient aient absolument tous la paix et pleine sécurité. Nous avons dit en plein concile et devant tous, par le
verbe royal, que nous observerions cette paix sans la briser et que, s’il s’en trouvait pour violer la paix prescrite,
nous ferions justice d’eux selon notre pouvoir. Ont juré pour cette paix le duc de Bourgogne, le comte de
Flandre, le comte Henri, le comte de Nevers, le comte de Soissons et le reste du baronnage présent. Le clergé
également. Et pour que justice soit faite des violences, ils ont promis de nous aider selon leur pouvoir et ils
l’ont proclamé dans la stabilité de la parole consacrée.

J’ai confié à la mémoire des lettres la stipulation de la chose faite et la teneur de la paix, et nous avons ordonné
de les fortifier de l’autorité de notre sceau ».
LA CONQUÊTE DU MONOPOLE DE LA LOI

À compter du règne de Saint-Louis entre


1226 et 1270, la monarchie conquiert le
monopole de la loi.

Le roi demeure un roi de justice mais tend à


étendre son autorité sur l’ensemble du
Royaume par la loi.

Il réussit également à mettre en œuvre la loi


en envoyant des agents sur les terres des
barons qui ne respectent pas ses décisions. Saint-Louis rendant la justice. Extrait de G. de Saint-
Pathus, Vie et miracles de Saint-Louis, ≈ 1330-1351

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