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Le texte et son style

La théorie herméneutique du langage chez


Schleiermacher
Manfred Frank
p. 15-39

TEXTE NOTES AUTEUR


TEXTE INTÉGRAL
I. Depuis une vingtaine d’années au moins, on assiste, dans le
domaine des sciences humaines, à la floraison et à la diffusion de
théories qui, d’une manière ou d’une autre, prennent la langue
pour fil directeur. Les différentes tendances de la philosophie
analytique, de la sémiologie structurale et de l’herméneutique
existentielle ont ceci de commun qu’elles cherchent à remettre en
question le paradigme moderne de la « conscience
transcendantale » ou de la « subjectivité » par le biais de la théorie
du langage. Avant d’émettre quelques hypothèses sur les raisons
de ce changement de paradigme, je voudrais signaler un fait
apparemment contingent : l’unité du paradigme n’a aucunement
procuré aux diverses orientations un horizon unitaire de
discussion et de recherche. Il est certain qu’en Allemagne – et la
situation est analogue aux Etats-Unis –, on a connu de
fructueuses confrontations entre les positions de la philosophie
analytique et celles de l’herméneutique phénoménologique.
Pourtant, les quelques timides tentatives qui ont été faites pour
provoquer un dialogue entre les représentants de ces deux
tendances et les sémiologues post-structuralistes français n’ont
guère connu de succès. Il est vrai que les polémiques et les
résistances de première heure, dont le livre d’Alfred
Schmidt, Geschichte und Struktur (Munich 1971), offre une
expression typique, ont entre-temps perdu de leur vigueur, et
qu’on s’est ouvert, d’abord avec hésitation, puis avec curiosité, et
finalement en s’y soumettant presque sans réserve, à des
réflexions originales, que l’on ne pouvait facilement négliger, et
dont le flot parvenait – dans des traductions le plus souvent
contestables – du pays voisin.
1Mais, pour autant que je voie, le partage des modèles
scientifiques, qui correspondait à peu près jusqu’ici aux frontières
géographiques, s’est simplement déplacé à l’intérieur de
l’Allemagne : aucune tentative qui ait été suivie d’écho n’a pu
offrir de médiation entre les options méthodologiques opposées.
2Je dis que les tentatives de médiation ont eu peu d’échos, non
qu’elles ont fait entièrement défaut. Peter Szondi, en particulier, a
constamment préconisé, aussi bien dans ses cours que dans ses
publications, la traduction des sémiologues français, et il s’est
efforcé l’un des premiers de les faire connaître. Comme sa
compétence était aussi grande dans le domaine de la théorie de la
littérature et de l’esthétique philosophique que dans l’histoire
littéraire de plusieurs pays européens (dans le sillage de Fr.
Schlegel), il savait bien que rares étaient ceux qui partagaient son
avis. Les études germaniques surtout, qui depuis longtemps
reçoivent leurs impulsions intellectuelles des disciplines voisines,
en premier lieu de la philosophie et de la sociologie (car leurs
propres représentants sont impuissants à mener un travail
autonome et en même temps satisfaisant sur les fondements
théoriques de leur discipline), ont refusé d’assumer l’héritage
intellectuel de Szondi. Le pluralisme des méthodes, qui sacrifie
avec une complaisance inouïe toute dialectique aux lois du libre
marché (académique), a été le prix dont elles ont payé le
renoncement à cet effort de médiation entre les différentes
options méthodologiques. Ainsi se trouve illustrée de manière
frappante la maxime qu’une progression dans le temps
n’implique pas toujours un progrès dans la connaissance. Le mot
d’Ernst Robert Curtius sur la critique littéraire en général vaut
pour les études germaniques : seuls existent le romantisme, et
des rudiments. Par une certaine ironie, la discipline y trouve un
avantage : celui de pouvoir, dans l’état de manque où elle est,
recourir au trésor que représente le travail fondateur des
romantiques sans pour autant manifester un intérêt d’ordre
« archéologique ». Szondi a pu montrer combien les principes
philologiques de Schleiermacher sont restés actuels, et combien
ils sont propres à éveiller un dialogue entre les positions
structuralistes d’une part, et celles de l’analyse du langage et de
l’herméneutique, d’autre part.
• 1 « L’herméneutique de Schleiermacher », d’abord paru
dans Poétique, 2,1970, p. 141 -155 ; repris dan (...)

• 2 Cf. M. Frank, Das Individuelle Allgemeine, Francfort/Main 1977, et


Norbert Altenhofer, « Geselliges (...)

• 3 Je trouve un écho isolé dans T. Todorov, Théories du symbole,


Paris 1977. L’auteur annonce p. 218 u (...)

3En Allemagne, l’appel à une lecture nouvelle et plus approfondie


de l’herméneutique de Schleiermacher n’est pas resté sans effet1.
Ma propre tentative n’existerait pas sans les indications de
Szondi ; d’autres travaux ont depuis pris le même chemin2. Par
contre, l’article de Szondi me paraît n’avoir eu que peu d’échos en
France3, ce qui est d’autant plus regrettable que la publication
avait eu lieu en français. La tâche de médiation tournerait court si
les sémiologues français ne réagissent pas à l’impulsion de
Szondi et ne collaborent pas à l’ouverture d’un débat
international. Mon exposé voudrait être une nouvelle tentative
pour introduire Schleiermacher en France. Je pense ajouter
quelques aspects importants à l’image que Szondi nous a
présentée de lui, et le contredire d’autant plus fermement sur
d’autres aspects. Mais je connais ma dette envers la relecture de
l’herméneutique de Schleiermacher qu’il a entreprise en pionnier.
4Avant d’aborder le sujet, je voudrais émettre une hypothèse sur
les raisons qui ont fait échouer la discussion avec les théoriciens
français contemporains. Si les différences entre les principes
analytiques, entièrement voués à la discipline de la méthode, et
ceux de l’herméneutique existentielle, qui voudrait donner pour
fondement ultime aux hypothèses scientifiques des processus de
communication se déployant dans
l’histoire (Wirkungsgeschichtliche Kommunikations-
prozesse) peuvent être surmontées, comme le montrent les
exemples d’Apel, de Taylor, de von Wright ou de Toulmin, c’est
parce que tous sont tributaires d’une perspective
« sémanticienne » (je simplifie pour aller vite). Le propos est ou
bien d’expliquer le processus de la compréhension du sens, ou
bien de tester la validité de jugements sur le sens des énoncés. La
question « How to do Things with Words » n’est pas
fondamentalement incompatible, en dépit de son option
méthodologique, avec une interrogation sur la façon dont la
langue construit des visions du monde qui prescrivent aux
locuteurs un horizon de sens. Même là où on ne pense plus que la
catégorie du sujet soit capable d’éclaircir la signification de la
signification (The Meaning of Meaning), on a affaire à une
nouvelle formulation de la critique classique de la raison comme
critique du sens. S’interroger sur le sens des énoncés que les
hommes profèrent est manifestement plus fondamental encore
que s’interroger sur leur rationalité. On pourrait ici renvoyer à des
traditions néokantiennes (Cassirer par exemple), où le sens
logique restreint de la synthèse transcendantale a été élargi au
profit des productions du pouvoir symbolique en général, et du
langage en particulier. Et quand on pense les formes symboliques,
surtout après Wittgenstein, comme un appareil de règles qui
déterminent les actions concrètes de désignation et de donation
de sens, et qui ont même le pouvoir d’étendre et de modifier
souverainement le répertoire lexico-syntaxique, on leur attribue
par là-même la faculté de spontanéité et celle de réflexion qui
traditionnellement constituent les traits essentiels de la
subjectivité.
• 4 Jacques Derrida, « Avoir l’oreille de la philosophie », Entretien
avec Lucette Finas, dans Ecarts. (...)

• 5 Friedrich Schlegel, Kritische Ausgabe seiner Schriften, éd. par


Ernst Behler, Munich/Paderborn/Vien (...)

• 6 Jacques Derrida, Positions, Paris 1972, p. 38s.

• 7 Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, Paris 1943, p. 130.

5Dans une telle perspective, la Manche, qui a souvent été


incriminée par métonymie pour le partage des philosophies
anglo-saxonnes et continentales, n’a pas vraiment provoqué la
scission des discours. Les prémisses et les méthodes de la
philosophie analytique reposent sur le paradigme de la réflexion,
qui domine la métaphysique continentale depuis Parménide. En
tout cas, c’est là l’objection à laquelle doivent s’attendre aussi
bien la philosophie analytique que la théorie herméneutique au
sens le plus large, dès qu’elles relèvent le défi de la sémiologie
française contemporaine. Derrida par exemple a voulu voir à
l’œuvre des prémisses communes dans l’herméneutique de Paul
Ricœur et dans la théorie des « actes de langage » d’Austin et de
Searle (comme d’ailleurs dans l’« Archéologie » de Foucault)4. Les
positions antagonistes finissent ainsi à leur insu par former un
seul et même dispositif scientifique. Selon Derrida, elles partagent
toutes le présupposé que la conscience, la parole ou le
« discours » ont principiellement accès au sens des énoncés
produits, même si ces derniers sont d’abord méconnus (en tant
qu’éléments de l’ordre social) par l’individu et doivent être
restitués, au moyen d’un travail de reconstruction
« archéologique » (selon l’expression de M. Merleau-Ponty).
Le noéin parménidéen, l’appréhension pensante de l’étant dans
son être, n’a de sens qu’à la seule condition que quelque chose de
positif soit donné, et non le rien, mè on. Or le non-
étant n’est simplement pas, il ne possède aucune présence,
aucune vérité qui puisse être répétée sous une même forme, et il
ne saurait donc se présenter comme l’objet possible d’un savoir
nécessaire et universel. Fr. Schlegel a appelé le Rien de Parménide
un « vide qui cherche à être rempli », une « lacune dans
l’existence » qui, elle-même invisible, confère au visible sa
détermination5. En effet, dans le cadre d’une structure, seuls les
signes et les relations qu’ils entretiennent (tout ce qui se laisse
codifier) sont visibles, objectifs, signifiants, et donc aussi
réduplicables et universalisames. La lacune, en tant que telle,
échappe à l’œil du savoir, bien que ce soit précisément elle qui a
conféré aux termes positifs leur fonction de signe, c’est-à-dire
d’unités de sens et d’expression. L’identité des signes et leur
insertion dans l’économie d’un système articulé résultent en effet,
comme Saussure l’avait montré, de ce que des coupes bien
définies sont pratiquées dans la masse inarticulée du matériau
signifiant (dont la signification est qualifiée par lui d’« en-soi
nulle »), qui isolent les blocs et les dotent par là-même d’un
profil, d’un contour, de propriétés, bref de « marques
différentielles ». C’est seulement quand le travail de
différenciation et de production d’intervalles entre les « termes
pleins et positifs »6 prend fin (et, en toute rigueur, il se poursuit
sans cesse, c’est-à-dire à chaque nouvel emploi des signes) que
la « distinction » des signes comme synthèse de significations
intelligibles et de substrats expressifs matériels peut s’achever.
Autrement dit, ce n’est que parce qu’on soustrait, pour ainsi dire,
le travail de différenciation de la structure signifiante achevée que
celle-ci cesse d’être une matière traversée de sillons dépourvus
de sens, pour devenir ordre articulé de signes énonciatifs : une
idée déjà ancienne, qui a trouvé son expression la plus célèbre
chez Spinoza (Omnis determinatio est negatio), et que conserve la
formule de Sartre : « C’est ce qui n’est pas qui détermine ce qui
est »7.
• 8 Wahreit und Methode, Tübingen 19652, p. 432 ss. (Trad. fr., Vérité
et méthode, Paris 1976, p. 310 s (...)

• 9 Marges de la philosophie, Paris 1972, p. 13.

6Cependant, le rapprochement avec Spinoza, Hegel ou Sartre ne


mène pas très loin. La négation reste pour eux située entre deux
positions au profit desquelles elle travaille et se supprime. Par
contre, la gêne dans laquelle Derrida ou Lacan plongent le
« sémantisme » de la compréhension du sens tient à la
persistance d’une négativité qui scinde le sens d’avec lui-même
sans lui permettre de revenir à soi et qu’aucune dialectique ne
peut supprimer. Quand Gadamer parle de la « structure
spéculative » de la langue8, il veut exprimer par là que les deux
membres intervenant dans le processus de compréhension « se
reflètent l’un l’autre » et sont donc essentiellement homogènes ;
dans le processus de la conscience qui se déploie historiquement,
c’est toujours un esprit qui parle à un esprit, ou, pour le ramasser
en une formule : une tradition de sens se parle à elle-même par le
truchement d’une compréhension qui s’ouvre à cette tradition. De
cette manière, l’herméneutique historique (die
wirkungsgeschichtliche Hermeneutik), aussi bien chez Gadamer
que chez Ricœur – et cela vaut généralement pour toutes les
théories de l’information et de la communication – parvient à se
rattacher au paradigme de la réflexion ; pour celle-ci, l’aliénation
de la conscience ne peut être qu’une étape sur le chemin de son
constant retour à soi. Mais il existe – comme Derrida le souligne –
une altérité d’un tout autre ordre, qui demeure nécessairement
ignorée dans un schéma de ce type. Si l’on considère
l’agencement dont résulte la vision du monde propre à une
langue, chaque élément, avant même de réussir à se saisir pour ce
qu’il est, porte en lui la trace de tous les autres éléments de la
structure des signifiants : c’est-à-dire qu’il reçoit son identité de
sens, non de sa relation spéculaire à soi ou à un noyau
authentique et inaltérable de vérité, mais de son aliénation sans
réserve à ce qui lui est autre : « Un intervalle, dit Derrida doit se
séparer de ce qu’il n’est pas pour pouvoir être lui-même »9. Ainsi,
le sens à comprendre n’est pas simplement fondé dans un
continuum de sens de même nature, mais dans un élément
dépourvu de sens. La transparence immédiate du sens est
troublée dès l’origine ; et si l’on voulait le désigner par le terme
de « dicible », son origine devrait être appelée « silence », comme
par exemple chez Mallarmé.
• 10 Cf. J.G. Fichte, Wissenschaftslehre 1798 (Nova methodo),
dans : Nachgelassene Schriften, éd. par Ha (...)

7Le problème réside en ce que l’argument touche aussi la


réflexion elle-même, et donc le théorème fondamental de la
pensée moderne, dont la philosophie a cru pouvoir se servir pour
justifier ses prétentions à une scientificité rigoureuse. En effet, il
est d’une part impossible de penser la réflexion sans présupposer
l’identité simple et consciente de soi (sinon, aucun des deux
membres ne pourrait avoir la certitude de se reconnaître, plutôt
qu’un autre, dans son corrélat). Mais, d’autre part, on ne peut
négliger que cette identité, loin d’être immédiatement présente à
elle-même, doit appeler l’autre – l’autre membre de la relation – à
témoigner de son égalité avec elle-même. Telle est la forme sous
laquelle Hölderlin avait déjà exposé l’aporie. Fichte, auquel il se
réfère, a découvert, il est vrai, que le témoignage de l’autre est
authentifié par une connaissance préréflexive de son identité
propre. Mais il s’enferre aussi dans un cercle. D’un côté, comme il
l’explique dans la Wissenschaftslehre nova methodo de 1798, la
détermination de la pensée « Moi » (son concept) est liée à la
différence d’au moins deux expressions opposées l’une à l’autre
(« Tu penses ’Moi’, et dans cette mesure absolument rien d’autre,
donc pas ’Non-Moi’ »). D’un autre côté, la scission des deux
membres doit à nouveau être annulée par l’intuition immédiate de
leur non séparation, car l’autre ne serait justement plus identique
au premier, et l’inaliénable identité de la pensée « Moi » serait
compromise10.
• 11 La dissémination, Paris 1972.

8Rien n’y fait donc : l’abandon à l’autre devient la condition de


possibilité du Moi. Or cette opération scinde à coup sûr le soi en
deux parties, tout désireux qu’il puisse être par la suite de nier
son fondement différentiel. Le chemin du retour à soi du réfléchi
comme réfléchissant est néanmoins barré, et ce par l’extériorité
d’un signifiant dont on ne peut se débarrasser. « Un langage, dit
Derrida, a précédé ma présence à moi-même »11.
9Or cette thèse – j’en arrive maintenant au véritable objet de mon
exposé – se trouve préfigurée dans la Doctrine de la foi et dans
la Dialectique de Schleiermacher. Il est, pour autant que je voie, le
premier à avoir tiré les conséquences, pour une théorie du signe,
de l’échec du modèle de la réflexion (on les trouve formulées dans
le projet de son Herméneutique). Mais ce qui rend sa position si
intéressante pour le conflit méthodologique des sciences
linguistiques et littéraires, c’est qu’il n’a cependant pas
abandonné le théorème d’un sujet fondateur du sens (quand bien
même il serait sémiologiquement dévalorisé).
• 12 Der christliche Glaube, 7e éd. par Martin Redeker, Berlin 1960,
vol. 1, 3, 3 (je souligne : M.F.). (...)
10Schleiermacher montre, dans les écrits cités, que le concept de
« sujet » ne fournit pas un point de départ philosophique
approprié. Jusque dans la plus haute des synthèses, celle de la
volonté et de la pensée, il n’existe que comme relation, c’est-à-
dire comme séparation virtuelle de deux termes corrélatifs. Le
sujet possède une connaissance de l’identité des corrélats, mais
c’est là une réalisation dont il ne peut s’attribuer le fondement
réel. Le fondement cognitif de la conscience de soi – le fait qu’elle
soit immédiatement transparente à soi – subit ainsi un retard
curieux par rapport à son fondement d’être. L’intériorité absolue
du sentiment d’identité, dit Schleiermacher, « naît
seulement dans le sujet », mais « n’est pas produite par lui »12.
• 13 Schleiermacher, Dialektik, éd. par Rudolph Odebrecht,
Leipzig 1942 (Réimpr. Darmstadt 1976), p. 290 (...)

11Ainsi, le sujet a conscience de l’unité qui le gouverne et voit en


même temps qu’il ne peut être l’auteur de ce savoir. Il n’éprouve
l’intimité de son moi que parce qu’il interprète la marque de sa
« détermination transcendante »13 comme l’indication d’une
identité qui « supplée » le « défaut » inscrit dans la réflexion (Dial.
0, p. 287, 290, 295/6). Tel est, tracé à gros traits, le résultat de
« l’analyse de la conscience de soi en relation avec la position
simultanée d’un autre » (Gl., p. 24), et qui la conduit à renoncer
dans l’attitude religieuse à vouloir atteindre elle-même le
fondement, dont elle ne dispose pas, de son être déterminé.
12Schleiermacher parle d’une « crise du sujet », qui surgit dès que
le sujet ne peut plus engendrer (erzeugen) mais seulement
attester (bezeugern) la vérité de son existence. Comme « sa
puissance se brise » (Gl., p. 27) devant l’impossible médiation du
sujet par lui-même, il ne peut absolument plus offrir le lieu d’une
vérité supra-historique présente à soi et qui contiendrait tous les
faits de l’univers historique qu’il lui suffirait de libérer suivant une
démarche déductive.

II. Ces prémisses théoriques empêchent Schleiermacher d’utiliser


une série de stratégies argumentatives typiques de la philosophie
idéaliste. Avant tout, l’appel à l’instance de la conscience de soi
ne garantit plus la possession d’une vérité « absolue » présente à
soi dans une intuition transhistorique. Au contraire, cette vérité lui
échappe dans la mesure où elle est liée à la relation (et, par là, au
temps) et se définit comme « conscience générale de la finitude »
(Gl. § 8, 2), c’est-à-dire comme conscience d’une « dépendance
pure et simple » par rapport à son être en général et « relative »
par rapport à son « être dans le monde » (Gl., 4, 2 ; cf. Gl., § 3 –
5).
• 14 Schleiermacher, Hermeneutik und Kritik. Mit einem Anhang
Sprach-philosophischer Texte Schleiermache (...)

13La réflexion de la crise du sujet a des conséquences


herméneutiques ; puisque « (sa) puissance se brise » (Gl., p. 27)
devant l’impossible médiation de soi, il ne peut absolument plus
offrir le lieu d’où une déduction procédant monologiquement
parviendrait à des jugements indépendants d’expériences
individuelles portant sur l’existence de l’univers historique.
Comme le fondement du savoir est transcendant, le sujet est bien
plutôt contraint de mettre l’évidence de ses connaissances à
l’épreuve de la communication intersubjective. C’est l’affaire de la
dialectique, que Schleiermacher définit comme « l’exposition des
principes fondamentaux pour mener un dialogue conforme à l’art
dans le domaine de la pensée pure »14. Le but de la dialectique
est le « savoir », c’est-à-dire la production d’un état de la théorie
« inaltérable et universel » (HuK, p. 414). Cette finalité doit faire
l’unanimité des partenaires d’un débat ; car sans la
« présupposition » d’un idéal du savoir (tout inaccessible qu’il
puisse être), l’intersubjectivité des accords obtenus à chaque
étape de la discussion ne serait nullement garantie, eu égard au
conflit insurmontable des opinions qui s’affrontent et à
l’insuffisance d’une « vérité » réglant le dialogue d’en haut.
14Une autre présupposition de la dialectique impliquée par le
postulat de l’unité idéale du savoir est l’identité de l’objet dont
différents attributs sont prédiqués. Elle seule rend possible le
choc des contradictions que la dialectique doit abolir (HuK,
p. 426 ss.). Or leur conflit ne peut évidemment être tranché
« objectivement » (par une instance extérieure), parce qu’il est
impossible de décider, par simple exclusion, de l’adéquation ou
de la non-adéquation de jugements incompatibles entre eux,
qu’ils portent sur un « être » (A) visé comme identique ou bien sur
un secteur d’être déterminé (A’). En l’absence d’un critère
transsubjectif de la prédication « vraie », les partenaires sont
contraints de formuler leur possible consensus à propos d’un être
donné en y incluant tout prédicat attribué sans mauvaise foi. Ils
concèdent par là que l’objet du jugement n’est pas indifférent
relativement aux interprétations individuelles que l’ensemble des
sujets élaborent à son propos. La sphère de prédication s’élargit
constamment par le jeu des opinions. En percevant la relativité de
son propre point de vue, on opère déjà une percée vers la vérité :
non au profit de la fixation positive d’un énoncé matériel (qui
serait précisément relatif, reposant sur un consensus provisoire et
se transformant en non-vérité dès qu’il prétendrait épuiser le
sens possible de l’être), mais sous la forme d’un mouvement infini
totalisant chaque connaissance particulière en direction de la
vérité.
15Or le concept d’une relativité et d’une universalité simultanées
de l’interprétation de l’être qui définit un groupe de sujets comme
une « communauté de pensée » déterminée (HuK, p. 417) possède
la structure d’une langue, c’est-à-dire d’un appareil tant
historico- « empirique » que « spéculatif » de catégories qui
rendent possibles la communication (HuK, p. 234, 467). Il n’existe
aucune communauté de pensée qui ne traduise ipso facto son
consensus dialectique dans la grammaire d’un « cercle de
langue » (HuK, p. 420 ss.), c’est-à-dire qui ne le codifie en un
ensemble de propriétés ou de signes grâce auquel elle effectue sa
synthèse sociale ; car la « pensée » – selon Schleiermacher – n’est
rien d’autre que l’auto-clarification immédiate de l’« action » (cf.
Dial. 0, p. 70). Si la dialectique est affectée par les particularités et
les opacités du monde historique (multiplicité des traditions,
auto-compréhension élaborées à partir d’événements historiques
ou biographiques qui se traduisent par des conventions
linguistiques dont l’acquisition les intériorise simultanément
comme autant de pratiques), c’est en raison de sa dépendance à
l’égard de grammaires déterminées. Elle ne parvient jamais à se
libérer entièrement de cette dépendance, parce que la vérité
qu’elle élabore ne peut jamais outrepasser le statut d’une
interprétation historique particulière de l’être fondée sur une
unanimité subjective. C’est pourquoi elle abandonne
spontanément « toute prétention à une validité universelle » (HuK,
p. 422 et 424) – au sens d’une objectivité indépendante des
sujets – et reconnaît que la « singularité d’une langue », non
seulement prescrit par avance aux individus qu’elle réunit la
forme de leur pensée, mais qu’elle « agit également dans la
compréhension de toute autre » (HuK, p. 421). L’irréductible non-
universalité ou « relativité de la pensée » (HuK, p. 410) renvoie la
dialectique à l’« art de l’interprétation » ou « herméneutique ».
Celle-ci considère les énoncés linguistiques principalement du
point de vue de leur capacité à faire valoir l’individuel ; la
dialectique, inversement, souligne l’autre aspect : le sens d’un
énoncé, tout privé qu’il soit, advient toujours dans l’anticipation
d’une « idée du savoir » commune à tous les êtres pensants ; en
outre, sa communication exige qu’elle reçoive une expression
linguistique. « Il s’ensuit clairement que les deux
(l’herméneutique et la dialectique) se constituent simultanément »
(HuK, p. 411).

III. On voit que le cadre à l’intérieur duquel Schleiermacher va


développer sa théorie herméneutique de la langue lui est prescrit
par des conséquences internes au système : si l’être transcende le
sens par lequel toute communauté linguistique accède à lui tout
en le voilant, on est immédiatement contraint de reconnaître le
concept d’une individualité qui ne se laisse pas déduire ou
subsumer par le système sémantico-syntaxique. Il ne peut en
effet exister, d’un bout à l’autre de l’univers historique, aucune
universalité dont l’économie ne connaîtrait pas de limitation. Sa
structure conserve nécessairement l’unité du mouvement
déterminé qu’exécute, à un moment historique donné, la
découverte individuelle d’un sens. Dans cette mesure, l’individuel
n’est jamais, chez Schleiermacher, simplement impliqué par un
ensemble universel de signes ; il est toujours aussi sa limite et sa
virtuelle contestation par des sujets, quand, par l’utilisation qu’ils
font des signes, ils mettent en jeu la qualité « intraduisible » de
leur « singularité ». L’existence d’une « langue universelle » est
exclue pour la simple raison que « l’accord même... (à son sujet)
est soumis aux langues particulières » (HuK, p. 461) ;
Schleiermacher décèle dans l’idée d’un universel qui ne serait pas
individuel une utopie scientiste. A « l’usage de la raison...
comportant le caractère de l’identité », qui se trouve codé dans la
langue, et en tant que « langue» – domaine de la
dialectique/grammaire –, s’oppose fondamentalement « la
connaissance... comportant le caractère de la singularité, c’est-à-
dire de l’intraduisibilité » (HuK, p. 361) – domaine de
l’herméneutique/rhétorique. Ce dernier couple n’est jamais
entièrement réductible à l’autre, tout comme le premier ne
prescrit jamais « un usage de la langue » entièrement déterminé.
C’est une erreur de croire que la langue parle d’elle-même,
comme certains structuralistes l’ont dit à la suite du mouvement
symboliste et de Heidegger (l’affirmation de l’autonomie de la
langue hypostasie par métaphore le signifiant, ce que Sartre
dénonce comme le « chosisme du signifiant »). Elle ne fournit
jamais par avance l’interprétant qui individualise la signification
des signes en fonction de la situation (comme Ch. S. Peirce l’a
montré). Bien entendu, il est tout aussi faux de dire que le sens
individuel soit capable de se communiquer, c’est-à-dire de
devenir signe linguistique, par lui-même – et ce, en raison de son
intraduisibilité –, étant donné que « la langue comme système
universel de désignation » (HuK, p. 458) procure une « médiation
pour la communauté de la pensée » (HuK, p. 476s.) à moins qu’il
ne se serve de « pensées... qui possèdent déjà une désignation
dans sa langue » (HuK, p. 78) et qu’il ne réduise son pouvoir
d’individualisation à la surdétermination symbolique du signe
codifié (qui, il est vrai, n’est pas à son tour contraint par des
règles) telle qu’elle caractérise le « style » (cf. HuK, p. 168).
16Or Schleiermacher affirme que tout énoncé linguistique
(« discours ») est doublement marqué : d’un côté, il manifeste le
« système » (HuK, p. 458ss., 364, 380, passim) ou la « totalité de
la langue » (HuK, p. 78), qui prescrit aux locuteurs une syntaxe et
une sémantique identique (la « grammaire ») : « la langue...
(conditionne) la pensée de tous les individus... quand on
considère l’être individuel seulement comme un lieu pour la
langue » (HuK, p. 79 ; cf. p. 78). Mais, de l’autre côté, « la langue
(n’) advient (que) par le discours » (HuK, p. 78s.) dans la mesure
où 1. elle tient son origine de la totalité des initiatives
sémantiques prises par les locuteurs, et où 2. chaque individu
« collabore dans sa langue : car, d’une part, il produit en elle du
nouveau..., et, de l’autre, il maintient ce qu’il répète et transmet »
(HuK, p. 167).
17Le premier aspect – et l’on voit immédiatement que la différence
des deux ne peut être définie que par une « prépondérance » ou
un « recul » de fonctions – représente la « grammaire » (en tant
que système seulement virtuel qui détermine formellement les
innombrables utilisations de la langue), et le second, la
« rhétorique », en tant qu’art général du discours (HuK, p. 76) – ce
qui ne signifie pas qu’elle se réduise à n’être que la technique des
discours méthodiquement construits (artificiels).

• 15 Schleiermacher, Hermeneutik, éd. par Heinz Kimmerle,


Heidelberg 1959, p. 39. Cette édition rassembl (...)

IV. Cette « double relation » (HuK, p. 77), dont la tension est le


lieu du discours, obéit à une dialectique, dont les lois ne sont pas
encore pleinement transparentes. D’un côté, le mécanisme qui
révèle que le signe codé dans un système linguistique est
néanmoins fonction d’un projet de sens « intraduisible » (ce qui
rendrait compréhensible l’historicité des taxinomies) reste
inexpliqué ; d’un autre côté, on n’a pas montré comment la
pensée individuelle doit être constituée linguistiquement – même
si elle doit échapper d’une certaine manière à la « loi
linguistique »15.
• 16 Loc. cit.

18La thèse de la nature irréductiblement linguistique de la pensée


s’oppose à l’idée classique qui veut que le signe linguistique ne
soit que la représentation extérieure d’un intérieur qui pourrait
être perçu sans le détour par le signifiant, et peut-être de manière
plus authentique encore, sans lui. Les théoriciens d’une
grammaire universelle rationnelle supposaient dans cette
perspective que les langues empiriques reflétaient plus ou moins
parfaitement, par la liaison des mots dans les phrases, les
synthèses judicatives idéales d’un ordre d’idées atemporel
(logique). De façon analogue, on peut interpréter l’appareil
kantien des catégories et des principes comme l’esquisse d’une
sémantique transcendantale, dont le répertoire est accessible
avant même qu’ils ne s’aliènent dans des signifiants et ne
s’appliquent, en un second temps, au monde sensible – grâce au
système des schèmes de l’expérience. Schleiermacher objecte à
cette idée (il avait procédé de manière similaire contre Fichte) que
même la pensée non sensible doit, pour être « claire », c’est-à-
dire distincte (HuK, p. 77, 367,passim), s’inscrire dans une
structure oppositive de nature linguistique, car « tout ce qui est
concept est par là-même opposition »16.
19La signification d’« idées » ou de « principes intelligibles » ne
peut également se profiler que grâce à un « système » de
« différences déterminées des unités signifiantes » (HuK, p. 365).
Et ce qui distingue une pensée (non sensible) d’un discours
(conduit par le défilé du signifiant) se réduit à la différence
contingente entre un emploi sonore et un emploi muet des signes
(HuK, p. 77 ; cf. S.W., III/9, p. 126, 703). Le point décisif de cette
thèse étonnante (que Saussure n’a fait qu’approfondir) est que
toute pensée (c’est-à-dire toute liaison cohérente de
significations – ou de « valeurs linguistiques » distinctes (HuK,
p. 107, 135, 137, 141, passim) – présuppose « l’ensemble de la
langue » (HuK, p. 77) comme système différentiel (HuK, p. 144,
466) qui garantit par avance une schématisation identique de
l’expérience du « monde » (Gl., § 42) chez les sujets d’une même
communauté linguistique, et qu’elle garantit par conséquent la
communication comme « fait social » (Saussure).
• 17 Loc. cit.

20On touche ainsi au second problème qui requiert explicitation :


la subversion du sujet par le signifiant (Lacan) n’implique-t-elle
pas la perte de son individualité ? Et quand bien même ce ne
serait pas le cas : où trouver le moyen terme qui préserve la
dialectique de la « loi » et de l’« usage linguistique »17, sans d’une
part rabaisser la pensée à n’être que l’organe exécutif de la
structure, ni d’autre part, la couper de son attache linguistique ?
• 18 Hermeneutik, éd. Kimmerle, p. 154 (je souligne, M.F.).

• 19 Loc. cit., p. 65, passim.

21La preuve qu’aucun énoncé linguistique possible (niveau de la


rhétorique) ne livre son « sens », c’est-à-dire n’est « compris »
sur la seule base d’une pure reconstruction grammaticale,
constitue un moment essentiel pour établir la prétention à
l’universalité revendiquée par l’herméneutique de Schleiermacher
(HuK, p. 75) : « il n’est pas non plus compris comme une
modification de la langue, quand il n’est pas compris comme fait
de l’esprit (de la pensée), parce que c’est en ce dernier que réside
le fondement de toute influence de l’individu sur la langue, qui
elle-même ne naît que par le discours » (HuK, p. 79). La
reconstruction d’une séquence grammaticale et de la
concaténation des éléments signifiants se mue en opération
herméneutique « seulement avec la détermination du sens », qui,
pour être produite « par le truchement de ces éléments »18, ne
l’est pas par eux. Si l’on concède que le « sens » particulier offre
une description toujours nouvelle des unités constituées par les
« valeurs linguistiques », grâce à la sensibilité contextuelle de ces
dernières (c’est-à-dire grâce aux effets de « l’entourage
immédiat »)19, il devient nécessaire de redéfinir le concept de
« langue » comme une différentielle entre la fonction
grammaticale et la fonction rhétorique.
22Le champ qui s’étend, pour l’« unité de signification » d’un
signe linguistique (HuK, p. 104, 106), entre l’identité rigoureuse
du concept (son unité comme valeur linguistique ou paradigme) et
la variabilité de ses combinaisons et de ses applications
singulières dans la liaison syntagmatique du discours reçoit chez
Schleiermacher, dans la tradition kantienne, le nom de
« schème ». Le schème (empirique) est « l’unité dans la
détermination de la sensibilité » (KrV, A140/ B179) envisagée à
partir de l’intuition. Son origine, qu’elle tire des réserves de la
faculté d’intuition (de l’imagination), rend possible des actes
synthétiques, dont le corrélat noématique reste principiellement
ouvert (en dépit de son organisation unitaire) aux nouvelles
initiatives constituantes émanant des sujets. L’unité d’une « valeur
linguistique » différentielle dans le réseau de la langue est
manifestement de cette nature. On ne peut reconnaître à la
signification d’un signe l’universalité d’un concept pur, car aucune
de ses utilisations ne saurait lui correspondre exactement (outre
qu’on ne voit guère quelle transformation pourrait élargir
l’extension d’un universel). Il ne saurait non plus s’agir d’une
intuition particulière (qui serait intraduisible). Seule une
unification du matériau intuitif peut être envisagée, telle que la
détermination de son noème soit effectuée en vue d’un concept
sans jamais pourtant être définitivement soumis à sa tutelle.
• 20 Loc. cit., p. 47, 57ss. ; cf. HuK, p. 106, 109,437.

• 21 Ludwig Wittgenstein, Philosophische Untersuchungen, Francfort/


Main 1971, p. 50 (§ 71).

• 22 « Anschauung der Regel », dit exactement Schelling, S.W., éd.


par K.F.A. Schelling, Stuttgart 1856- (...)
23Il suffit que la synthèse de l’imagination change pour que
l’extension du schème correspondant subisse une modification
immédiate. Schleiermacher le décrit comme une intuition
« modifiable dans certaines limites »20. Il s’apparente par là au
« jeu de langage » que Wittgenstein définit comme « un concept
aux bordures floues »21. Le critère autorisant l’emploi d’un mot
est donc fourni aux usagers d’une langue par l’intuition de la
règle22 que suit le locuteur compétent pour engendrer le schéma
verbal adéquat au sein de l’unité flexible de ses relations
sémantiques, toujours variables selon le contexte.
• 23 Hermeneutik, éd. Kimmerle, p. 60-93.

• 24 Loc. cit., p. 42.

24Schleiermacher ne réserve d’ailleurs nullement l’appellation de


« schème » aux termes singuliers (« concepts substantifs »). Toute
expression catégorématique, y compris les « concepts »
prédicatifs, est schématisable (Dial. 0, p. 340ss.). Entre les deux,
une « unité flottante » joue le rôle de médiation (Dial. 0, p. 342).
Schleiermacher considère par conséquent que l’« unité de la
signification » n’est pas un problème exclusivement sémantique,
mais aussi bien « structurel »23 , à quoi il consacre dans ses cours
sur l’herméneutique des explications détaillées et
extraordinairement pénétrantes. Le principal est qu’en mettant à
jour la loi de la double détermination de tout discours – à savoir
par le « domaine linguistique dans son ensemble », avec
l’« exclusion » paradigmatique24 , et par le « contexte immédiat »,
avec la « détermination » syntagmatique (HuK, p. 101ss.
et 116s.) –, il a évité de séparer abstraitement la sémantique de la
syntaxe : de même que la sélection paradigmatique établit la
signification identique du mot (sa « valeur linguistique ») dans
tous les contextes, de même la détermination syntagmatique met
à l’épreuve la portée des implications chaque fois singulières du
contexte spécifique (la « valeur locale » du schème, HuK,
p. 195ss., 141ss.). Chacune des deux opérations renvoie à
l’autre : le paradigme lexical n’est jamais qu’une abstraction
résultant de la comparaison et de la différenciation d’une foule
d’emplois qui varient selon le contexte ; inversement, la liaison
syntagmatique présuppose la valeur linguistique que l’entourage
immédiat viendra modifier.
25La nature de tous les concepts prédicatifs et substantifs est
donc « une unité flottant entre le général et le particulier » (Dial.
0, p. 342), entre distinction et variabilité, concept et jugement,
fonction intellectuelle et fonction organique – quels que soient par
ailleurs les termes par lesquels Schleiermacher exprime cette
relation dialectique.

V. Cette théorie du schématisme linguistique que Schleiermacher


développe avec une grande pénétration et sans reculer devant
l’élaboration du détail lui permet d’avancer une explication
plausible des rapports entre structure et modification de la langue
d’une part, entre emploi usuel et emploi métaphorique d’autre
part.
• 25 « Parasémique » signifie : qui place un sème (signe) à
côté (para –) d’un sème, et ainsi le détermi (...)

26En effet, tout comme les concepts d’une langue ne


s’incorporent pas une fois pour toutes leurs prédicats (qui sont
tirés de l’intuition et attribués par le jugement), et que leur
substance sémantique reste toujours modifiable par les
transformations qui affectent leur fonction organique (l’unité de
signification est définie en relation avec les jugements dont ils ont
fait l’objet et qui sont par essence en nombre illimités), le système
de la langue en général doit être considéré comme « un ensemble
parasémique »25 (Saussure) instable, c’est-à-dire historiquement
ouvert. L’image qu’il donne du monde se modifie en fonction des
jugements interprétatifs portés par les individus, et elle n’atteint
jamais le mode d’être d’une idée pure de toute interprétation et
régissant en dernière instance de l’extérieur. Chaque
communication individuelle, il est vrai, a nécessairement pour
corrélat noématique l’unité du monde que vise l’échange des
messages. Une telle unité n’est cependant que le reflet inerte de
cette unité schématique du discours comme totalité par laquelle
une société déterminée accomplit sa synthèse pratique. « La
construction identique de la pensée, déposée dans la langue »,
n’offre par conséquent « aucune garantie complète de son
exactitude » (HuK, p. 460) ; et « toute communication à propos
d’objets extérieurs ne cesse d’éprouver constamment si tous les
hommes construisent de façon identique » (HuK, p. 460).
27La langue est par conséquent un universel singulier. Elle ne
constitue un système universel que sur la base d’accords
principiellement révocables entre les locuteurs, et chaque acte de
parole modifie à chaque instant son sens général, dans la mesure
du moins où l’innovation sémantique parvient à s’intégrer dans le
répertoire grammatical, ce qui se produit continuellement dans le
cours de la conversation. Saussure a décrit ce phénomène de
« transformation analogique » ou « parasémique » dans un esprit
tout à fait identique à celui de Schleiermacher, contredisant le
déductionisme auquel ses élèves, dans leur prétendue orthodoxie,
ont voulu river le rapport de la langue et de la parole : il existe
une « activité créatrice » indéterminable (ou tout au moins non
déterminable par une pure potentialité comme la langue), et
même une « liberté individuelle » du locuteur, dont témoignent les
« créations incessantes et quotidiennes dans la langue », qui
seraient impensables en tant que telles si la langue permettait de
les anticiper.
• 26 « La poésie serait en conséquence un élargissement et une
nouvelle création dans la langue. Mais... (...)

28C’est dans le discours poétique, selon Schleiermacher, que la


langue révèle dans toute sa pureté sa capacité à créer du sens26.
La métaphorisation propre à l’utilisation symbolique de la langue
sape en effet les significations verbales conventionnelles (les
schèmes) en les soumettant à un choc sémantique bien calculé (cf.
HuK, p. 143) qui provoque « la libre productivité du lecteur dans
la langue » (HuK, p. 405s.). En même temps que la signification
usuelle (« propre ») de l’expression (le « schème » stricto
sensu) est supprimée, une possibilité s’offre de décrire autrement
son intention (cf. le re-assignement de Mary B. Hesse, ou comme
dit Schleiermacher l’« image »), et par là même, la possibilité
d’une autre vision de la réalité désignée qui est précisément,
selon Schleiermacher, une fonction herméneutique de la parole
(l’objectivation « exacte » correspond à l’exactitude grammaticale
et à la teneur objective qui s’y inscrit au moyen des schémas de
l’expérience). Si le destinataire du discours s’approprie l’image
tout d’abord absolument singulière (HuK, p. 407s.), elle cesse
d’être exclusive ou privée, et existe comme schéma virtuellement
universel, c’est-à-dire, comme une règle d’emploi linguistique
(parmi d’autres) dans l’ensemble de la langue (cf. HuK, p. 410s.,
Anm. 2, 2e paragraphe).

• 27 On peut donc parfaitement saisir le style d’un individu et exposer


ses règles : mais on ne peut tir (...)

• 28 Cf. Jacques Lacan, Ecrits, Paris 1966, p. 505.

VI. C’est ici qu’apparaît l’argument fondamental de la théorie


linguistique de Schleiermacher, qui est sans doute aussi celui dont
l’accueil a été scandé des plus graves malentendus : le théorème
de la divination. Il n’a pas pour origine la dimension historique,
où l’interprète abolit la distance temporelle qui le sépare de
l’interpretandum (comme Gadamer et avec lui la plupart des
exégètes de Schleiermacher le supposent), et n’a rien à voir avec
la notion d’« empathie » (terme qu’on ne trouve pas dans l’oeuvre
de Schleiermacher). La « divination » se rencontre dans le cadre
d’une théorie du « style » (HuK, p. 168). (Je me limite dans ce qui
suit à la dimension linguistique). Par « style », Schleiermacher
entend la « façon dont la langue est traitée », et plus précisément,
la question de savoir dans quelle mesure chaque locuteur apporte
« sa propre façon de concevoir l’objet (...) quand il utilise la
langue et donc la traite aussi d’une certaine façon » (HuK, p. 168).
On remarquera que cet événement est essentiellement identique à
la « re-description » métaphorique : la modification stylistique
défie le schématisme général de la langue par une « pensée » du
locuteur qui restait auparavant « intraduisible ». Car l’« image »
poétique qui recouvre le « schéma » universel est « déterminée
comme absolument singulière », et par là ipso facto comme « une
chose (...) en face de laquelle la langue se présente comme
irrationnelle » (HuK, p. 408). La poésie – qui n’est qu’une limite de
l’usage linguistique quotidien – peut livrer à travers le médium de
la langue « ce qui ne se laisse pas proprement livrer par la langue,
car la langue ne livre jamais que de l’universel » (HuK, p. 401). Le
locuteur, qui agit poétiquement (au sens propre du terme, à savoir
en produisant un nouveau sens), impose en quelque sorte à la
langue, son individualité (qui n’est pas encore codifiée, et, en ce
sens, véritablement indicible, HuK, p. 403s.). Il le fait « par
la manière dont il entrelace ceux-ci (les mots) » (HuK, p. 401 ; je
souligne, M.F.). La « combinaison particulière » propre au style,
qui laisse entrevoir ex negativo « l’essence de l’individualité »
(HuK, p. 370, passim), doit bien être distinguée de la combinaison
des mots d’après le critère d’une règle syntaxique (cf. par ex.
HuK, p. 171, 5e paragraphe). La phrase ou le discours, en tant
qu’applications de régularités universelles (qu’elles soient de
nature génétique, sociale ou grammaticale), sont « des objets de
l’interprétation grammaticale » (loc. cit.) et ils en appellent
simplement à la « langue comme concept universel », à savoir
comme appareil transcendantal engendrant toutes « les formes
que nécessitent le sujet, le prédicat et la syntaxe » (HuK, p. 171).
Or ces derniers, poursuit Schleiermacher, « ne sont pas des
moyens positifs pour expliquer la façon dont la langue est
effectivement traitée (le style), « mais seulement des moyens
négatifs, car ce qui les contredit... ne peut absolument pas être
compris » (HuK, p. 171s.). La syntaxe, la sémantique et la
pragmatique (pour autant qu’elle formule elle-même les règles)
constituent donc des conditions sine quibus non de l’utilisation de
la langue ; mais aucune de ces instances n’est par là déjà la causa
per quam de la combinaison individuelle, où la libre pensée du
sujet parlant se manifeste dans sa « singularité » (HuK, p. 173),
qui, ne découlant d’aucune nécessité préalable, n’est jamais non
plus entièrerement schématisable. Elle « ne peut être construite a
priori » (HuK, p. 172). Et même, « il n’existe aucun moyen
d’enfermer grammaticalement une individualité dans un concept
(...). Il n’est pas de style dont on puisse donner un concept » (HuK,
p. 172). C’est pourquoi sont condamnés à l’échec tous les
modèles qui aimeraient subordonner le style, conçu comme
procédé réglé ou multicodé, à un appareil générateur. Non que le
style mette en jeu une qualité extra-verbale, ou s’oppose à l’une
des règles existantes (Schleiermacher dit précisément qu’il les
suppose) ; simplement, il confère toujours pour la première fois
aux signes universels le sens qui éclaire leur immersion dans telle
combinaison singulière (différente de toute autre, et même de
toute autre qui admettrait une paraphrase analytique). Ce n’est
que post festum (dès que le sens a été compris, c’est-à-dire est
devenu « signification ») qu’on reconnaît par abstraction la règle à
laquelle ils obéissent, et qui, de son côté, ne détermine nullement
les actes de discours à venir27 : « il reste », dit Schleiermacher,
dans chaque projet de sens, « quelque chose qu’on ne saurait
décrire... et qui ne peut être désigné que par le terme
d’harmonie » (HuK, p. 177). Cette harmonie n’est pas la propriété
d’un signe ou de tous (avec leur loi de liaison), mais quelque
chose comme l’unité synthétique de leurs scansions invisibles ou
encore comme l’effet de ces « brisures » (Derrida) différentielles
aux endroits où se rappelle leur articulation, qui permettent de les
saisir en tant que schèmes instables et de les renvoyer à leur
capacité permanente de pouvoir toujours exprimer autre chose
que ce qu’ils signifient dans un contexte donné28.
• 29 Gilles-Gaston Granger a montré dans un ouvrage beaucoup trop
négligé, Essai d’une philosophie du st (...)

29Il devient dès lors impossible de caractériser « la parfaite


compréhension du style » (HuK, p. 168) en des termes empruntés
au registre métaphorique du « déchiffrement » ; il n’existe pas de
transition continue d’un système à son application29, dans la
mesure où l’on ne peut jamais exclure que les signes utilisés aient
réinterprété l’ensemble codifié de la langue (qui attribue à chaque
signifiant son signifié et lui seul). Un sens nouvellement créé par
l’acte du discours (un « acte créateur », HuK, p. 325) – c’est-à-
dire un sens qui ne se définit qu’à l’instant du discours comme
interprétation adéquate de la chaîne des signifiants – ne peut être
décrit au moyen du répertoire dont il a précisément excédé la
juridiction (cette objection touche particulièrement le
conservatisme herméneutique de la théorie des genres
développée par E.D. Hirsch dans son livre Validity in
Interprétation). De là la « méthode de comparaison », qui mesure
la nouvelle description de la signification d’une phrase au sens
usuel des signes utilisés, dont le sens particulier ne peut être
décortiqué dans sa singularité qu’à la condition circulaire que la
« divination » ait auparavant inféré par une forme d’inventaire
qu’il restait jusqu’alors « intraduisible » (HuK, p. 169s., § 6).
30Dans la langue de Schleiermacher, le concept de « divination »
répond précisément à cette idée que les systèmes linguistiques ne
fournissent jamais d’eux-mêmes un interprétant déterminé pour
l’utilisation présente de la langue ; il est ainsi exclu par principe
que le sens particulier (en deçà de la sémantique et de la syntaxe
codifiées de la chaîne des signifiants qui le véhicule) puisse être
dérivé sur la base de discovery procedures prenant la forme d’une
déduction/ décodage.
31Vouloir parvenir, à partir du procédé différentiel de
détermination par comparaison et opposition, à la description du
style, conduit nécessairement à un regressus infini (« on
remonterait alors jusqu’à l’infini », HuK, p. 176 : il est
analytiquement évident que ce qui a été rendu commensurable
par « comparaison » ne saurait être le « nouveau » (HuK, p. 167),
l’élément encore incomparable d’un discours perçu ; à moins
qu’une hypothèse conjecturale ait auparavant rendu
commensurable, c’est-à-dire différenciable, le sens, la « manière
individuelle dont un auteur combine » (HuK, p. 326, passim), par
un saut de l’imagination, à savoir par une « divination » originaire,
cf. HuK, p. 318).
• 30 Hermeneutik, éd. Kimmerle, p. 61.

32La réalité quotidienne offre la démonstration frappante d’une


telle divination, avec la manière dont les enfants apprennent la
langue ils doivent, au sens propre du mot, « comprendre
originairement »30. Car « ils ne possèdent pas encore la langue
(donc aucune règle applicable non plus), mais ne font que la
chercher (...). Ils ne disposent pas encore d’éléments de
comparaison, mais les acquièrent seulement peu à peu comme
fondement d’un procédé comparatif qui, à vrai dire, se développe
avec une rapidité inattendue » (HuK, p. 326). Or la question
essentielle, qui tient en échec tous les modèles où le langage est
traité comme un code, est la suivante : « comment fixer un
premier élément ? » (loc. cit.). C’est-à-dire : comment
accomplissent-ils le saut et parviennent-ils, à partir de la pure
capacité de parler, à obtenir un sens qu’ils ne reconnaissent qu’en
le devinant ? Cette question n’admet guère qu’une réponse : il
s’agit, à un degré supérieur, de « la même audace divinatoire »
(HuK, p. 327), qui, au-delà du seuil de l’enfance, nous rend
possible la compréhension du sens.
• 31 Schleiermacher a d’ailleurs introduit dans la terminologie de nos
disciplines aussi bien le concept (...)

• 32 Stéphane Mallarmé, Oeuvres complètes, éd. par H. Mondor et G.


Aubry (Bibl. de la Pléiade), Paris 19 (...)

33Schleiermacher a eu conscience que l’universalité des systèmes


sémiologiques31 (une thèse dont il a contribué à poser le
fondement) n’inclut pas ces lacunes de la « différence » qui, selon
Derrida, offrent seules le lieu où quelque chose comme le sens et
la signification parviennent à se constituer, et que, par
conséquent, chaque mot énoncé s’enveloppe d’un silence (silence
que Mallarmé appelle « condition et délice de la lecture »32) qui
échappe ipso facto aux préceptes du code. Telle me semble être
l’idée presque oubliée à laquelle la théorie linguistique de
Schleiermacher nous permet à nouveau d’accéder. Que dans
l’histoire de son interprétation, elle ait été si radicalement
méconnue (comme peu de textes du romantisme théorique), et
que les formulations originales de Schleiermacher fassent presque
figure de trouble-fête dans le plat paysage des nouvelles sciences
linguistiques et littéraires, tout cela vient appuyer l’hypothèse que
le modèle romantique n’a pas encore été dépassé. Et cela ne
signifie pas seulement qu’il n’aurait pas été jusqu’à présent
entièrement connu, ni, à plus forte raison, épuisé.
NOTES
1 « L’herméneutique de Schleiermacher », d’abord paru
dans Poétique, 2,1970, p. 141 -155 ; repris dans Schriften, II, p. 106 –
130.

2 Cf. M. Frank, Das Individuelle Allgemeine, Francfort/Main 1977, et


Norbert Altenhofer, « Geselliges Betragen-Kunst-Auslegung.
Anmerkungen zu Peter Szondis Schleiermacher-Interpretation und zur
Frage einer materialen Hermeneutik », dans Ulrich Nassen (éd.), Studien
zur Entwicklung einer materialen Hermeneutik, Munich 1979, p. 165 –
211.

3 Je trouve un écho isolé dans T. Todorov, Théories du symbole, Paris


1977. L’auteur annonce p. 218 une herméneutique qui se rattache à
Schleiermacher, sous le titre Stratégies de l’interprétation.

4 Jacques Derrida, « Avoir l’oreille de la philosophie », Entretien avec


Lucette Finas, dans Ecarts. Quatre essais à propos de Jacques
Derrida, Paris 1973.

5 Friedrich Schlegel, Kritische Ausgabe seiner Schriften, éd. par Ernst


Behler, Munich/Paderborn/Vienne 1959, vol. XII, p. 192.

6 Jacques Derrida, Positions, Paris 1972, p. 38s.

7 Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, Paris 1943, p. 130.

8 Wahreit und Methode, Tübingen 19652, p. 432 ss. (Trad. fr., Vérité et
méthode, Paris 1976, p. 310 ss.).

9 Marges de la philosophie, Paris 1972, p. 13.


10 Cf. J.G. Fichte, Wissenschaftslehre 1798 (Nova methodo),
dans : Nachgelassene Schriften, éd. par Hans Jacob, Berlin 1937, vol. 2,
p. 355 ss.

11 La dissémination, Paris 1972.

12 Der christliche Glaube, 7e éd. par Martin Redeker, Berlin 1960, vol.
1, 3, 3 (je souligne : M.F.). Cité désormais dans le texte par le sigle Gl.
suivi de l’indication du paragraphe et de la section, ou de la page pour
les remarques marginales.

13 Schleiermacher, Dialektik, éd. par Rudolph Odebrecht, Leipzig 1942


(Réimpr. Darmstadt 1976), p. 290 (cité par le sigle : Dial. 0).

14 Schleiermacher, Hermeneutik und Kritik. Mit einem Anhang Sprach-


philosophischer Texte Schleiermachers, éd. par M. Frank, Francfort/
Main 1977 (cité par le sigle HuK), p. 412.

15 Schleiermacher, Hermeneutik, éd. par Heinz Kimmerle, Heidelberg


1959, p. 39. Cette édition rassemble sous forme critique tout le
matériel, y compris les premières notices manuscrites de
Schleiermacher. Elle reste indispensable pour une étude approfondie.

16 Loc. cit.

17 Loc. cit.

18 Hermeneutik, éd. Kimmerle, p. 154 (je souligne, M.F.).

19 Loc. cit., p. 65, passim.

20 Loc. cit., p. 47, 57ss. ; cf. HuK, p. 106, 109,437.

21 Ludwig Wittgenstein, Philosophische Untersuchungen, Francfort/


Main 1971, p. 50 (§ 71).

22 « Anschauung der Regel », dit exactement Schelling, S.W., éd. par


K.F.A. Schelling, Stuttgart 1856-61, 1ère partie, vol. 3, p. 508, qui a
d’ailleurs aussi travaillé à la transposition du schématisme kantien aux
désignations linguistiques qu’opère Schleiermacher.

23 Hermeneutik, éd. Kimmerle, p. 60-93.

24 Loc. cit., p. 42.

25 « Parasémique » signifie : qui place un sème (signe) à côté (para –


) d’un sème, et ainsi le détermine.

26 « La poésie serait en conséquence un élargissement et une nouvelle


création dans la langue. Mais... la possibilité en réside déjà
originellement dans la langue même, bien que seul le phénomène
poétique la révèle, qu’il soit pur ou mêlé (à une autre forme
« d’expression ») » (HuK, p. 405).

27 On peut donc parfaitement saisir le style d’un individu et exposer


ses règles : mais on ne peut tirer de là aucune règle pour les actes à
venir : chaque règle porte en elle l’indice de son appartenance à un
passé dépassé.

28 Cf. Jacques Lacan, Ecrits, Paris 1966, p. 505.

29 Gilles-Gaston Granger a montré dans un ouvrage beaucoup trop


négligé, Essai d’une philosophie du style (Paris 1968), que cela vaut
même pour les systèmes mathématiques.

30 Hermeneutik, éd. Kimmerle, p. 61.

31 Schleiermacher a d’ailleurs introduit dans la terminologie de nos


disciplines aussi bien le concept de structure que celui de
compréhension du sens dans l’emploi spécifique qui est le leur
aujourd’hui (cf. HuK, p. 139, et Hermeneutik, éd. Kimmerle, p. 60).
Joachim Wach (Das Verstehen. Grundzüge einer Geschichte der
hermeneutischen Theorie im 19. Jahrhundert, 3 vol. Tübingen 1962,
vol. 1, p. 133s.) avait déjà signalé « l’« importance extraordinaire » et la
signification prémonitoire de ce concept de structure (qui recouvre
aussi bien les structures grammaticales que les structures textuelles).
32 Stéphane Mallarmé, Oeuvres complètes, éd. par H. Mondor et G.
Aubry (Bibl. de la Pléiade), Paris 19653, p. 310.

AUTEUR
Manfred Frank

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