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ce qui ne veut pas dire que ces spectacles ne seront pas rigoureuse-
ment composés et fixés une fois pour toutes avant d'être joués »
(V, 41). Le spectacle ne doit être ni spontané, ni pré-écrit : c'est
là encore une opposition qui perd sa pertinence aux yeux d'Artaud.
Un langage qui s'invente au fur et à mesure est irréconciliable avec
l'idée d'un pré-texte ; mais, pour qu'il soit langage, une précision
mathématique devra régir son fonctionnement. Cette précision ne
pourra être atteinte qu'à travers une lente élaboration sur scène qui,
une fois terminée, demande à être notée. « Ces images, ces mouve-
ments, ces danses, ces rites, ces musiques, ces mélodies tronquées,
ces dialogues qui tournent court, seront soigneusement notés et
décrits, autant qu'il se peut avec des mots et principalement dans
les parties non dialoguées du spectacle, le principe étant d'arriver
à noter ou à chiffrer, comme sur une partition musicale ce qui ne
se décrit pas avec des mots » (194). Un post-texte coupera donc court
à tout essai d'improvisation.
Revenons maintenant à la description du langage symbolique, et
essayons d'en relever les traits spécifiques. Son signifiant, d'abord,
particulièrement riche au théâtre (c'est en cela, entre autres, que
le théâtre est privilégié par rapport aux autres arts) : Artaud en a
énuméré, à plusieurs reprises, les composantes. « Tous les moyens
d'expression utilisables sur une scène, comme musique, danse, plas-
tique, pantomime, mimique, gesticulations, intonations, architec-
ture, éclairage et décor » (55-56). Le théâtre doit obligatoirement se
servir de ce signifiant multiple ; « la fixation du théâtre dans un
langage : paroles écrites, musique, lumière, bruits, indique à bref
délai sa perte, le choix d'un langage prouvant le goût que l'on a
pour les facilités de ce langage » (17). Mais — nouvelle dichotomie
levée par Artaud — cette multiplicité des signifiants ne signifie
pas une pluralité de langages ; bien au contraire, le langage théâtral
ne peut se constituer que si, en lui, la musique cesse d'être musique,
la peinture, peinture, et la danse, danse. « Il serait vain de dire qu'il
fait appel à la musique, à la danse, ou à la mimique. Il est évident
qu'il utilise des mouvements, des harmonies, des rythmes, mais
seulement en ce qu'ils concourent à une sorte d'expression
centrale, sans profit pour un art particulier » (137). Le signifiant doit
être à la fois divers et un ; on pourrait décrire le trait spécifique
du langage symbolique par le débordement du signifiant, une
surabondance (et une surdétermination) de ce qui signifie par rap-
port à ce qui est signifié.
Pour atteindre une « mathématique réfléchie » dans l'utilisation
du langage symbolique, on doit l'inventorier, c'est-à-dire rendre
compte avec minutie de chacune de ses couches signifiantes. Artaud
en a déjà esquissé le programme. Ainsi de la mimique : « Ces dix