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FIGURATIONS DES MARGES DANS LA POÉSIE D'ANDRÉ DU BOUCHET

Author(s): Philippe Met


Source: Romance Notes , Fall, 1998, Vol. 39, No. 1 (Fall, 1998), pp. 73-82
Published by: University of North Carolina at Chapel Hill for its Department of
Romance Studies

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/43802929

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FIGURATIONS DES MARGES DANS LA POÉSIE
D'ANDRÉ DU BOUCHET

Philippe Met

3ŁiŁ&JŁiŁiUŁiŁiŁ&JLSLSŁ&JL&JLSŁ&JŁJL&JL&JLSŁ&JL&StJŁkJlJŁSlJLSLSLiLS1S*Jt.

"Importance énorme de la marge, dans ce qui est écrit,


dans ce qui est vécu. Le plus vrai est là, qui jamais ne
se montrera."

Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord

Affichant un splendide isolement et cultivant une farouche irréducti-


bilité, l'œuvre d'André du Bouchet se situe pour une large part en marge
des courants poétiques contemporains et semble déborder la plupart des
gloses qui tentent vainement d'en rendre compte. Ce mouvement de ré-
pudiation est à l'occasion explicite: l'auteur va jusqu'à récuser tout
principe de filiation ou d'héritage, 1 et fustige par ailleurs "la grossièreté
de presque tous les commentaires" (C 53). Un consensus critique mini-
mal, toutefois, se porte sans peine sur l'extrême fragmentation, quasi
inédite depuis le Coup de dès de Mallarmé, de l'espace du texte qui exa-
cerbe les rapports de cette poésie avec ses propres limites: prolifération
de blancs intrapaginaux et interpaginaux, éclatement de la typographie
et de la mise en pages, fractionnement de la syntaxe. Une telle pratique
de l'interstice et de l'écart(ement) se trouve en outre problématisée et
thématisée par des motifs obsessionnels tels que ceux de la sécation et
du lacunaire, de l'intervalle et de la trace. Quel sens et quelle fonction
spécifiques peut dès lors revêtir une éventuelle poétique des marges au
sein d'un tel étoilement textuel, d'une telle déstabilisation des repères
topographiques habituels?

1 "Les poètes auxquels je suis attaché sont hors de toute filiation. Et aussi bien que
Rimbaud, d'ailleurs, Tolstoï, Chateaubriand . . . Quel rapport entre eux? Pourtant il s'agit
exactement de la même chose. Donc on ne peut se réclamer de personne." (Piroué 553).

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74 ROMANCE NOTES

De même qu'au sein d'un vocable à l


itératif le terme "marge" n'est guère
force est d'abord de constater que l'in
dans les marges du texte n'est pas le m
poétique dubouchettienne. Cette raréfact
nonyme d'uniformisation: d'un écrit à
du texte se montre délibérément mobi
figement de la systématicité ou de l'a
marquable toutefois de cette activité m
de manière tout à fait privilégiée dan
œuvres picturales (celle d'un Hercules
XVIIè siècle, ou d'un Pierre Tal Coat,
œuvres poétiques non-francophones (
d'Hölderlin). On posera comme hypot
l'instar de la citation que Du Bouchet
pourrait le croire, 2 ne produit pas un s
trepoint ou d' interlocution. Elle const
lieu par excellence où tente de s'articuler
du langage pictural ou d'une langue étr
parent et opaque, vecteur du propre et d
c'est-à-dire de rupture" ( AJ 139) à la
plus limpidement encore "fraîcheur."
". . . avec la langue que je ne conna
mon premier rapport avec la langue
dans la marge d'un texte en trois par
pourra paraître à maints égards exem
des premières pages Du Bouchet a rep
gravures de Seghers en néerlandais, so
consacrée, alors que dans les premières é

2 Parmi les exemples les plus saillants, mentio


verdy (repris en partie et après d'importants rem
grammatique, matière de l'interlocuteur ), la p
conversant avec un passage du Ruban au cou d'
en un volume reprenant en écho des paroles de
cordée comme par de la neige et Tübingen, le 22
à Jean Tortei émaillé de citations du poète ( Dé
de la neige , T).
3 "Notes devant Seghers" Ç L'Ephémère , n.° 2,
tagne" ( L'Ephémère , n.° 4, automne 1967).

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LA POÉSIE D'ANDRÉ DU BOUCHET 75

intercalées des reproductions des œuvres concernées, q


dès lors un statut ambivalent de texte et de hors-texte. Texte et hors-
texte, identité et altérité - une telle duplicité ne revient-elle pas en un
sens à définir tant la nouvelle mouture du texte de Du Bouchet à l'issue
d'un travail inlassable de réécriture, de refaçonnement de la matière pre-
mière, que l'œuvre singulière et expérimentale de Seghers en ses multi-
ples épreuves et états d'impression? N'est-ce pas, au reste, ce que nous
suggère déjà, de manière toute spéculaire, une marge notulaire ď Hercu-
les Segers où la toile est au sol ce que le sol est à la page: . . rudiments
de la terre retournée qui sont ceux de l'œuvre en formation réinscrits
dans ses derniers états . . ."? Le poète a par ailleurs placé en exergue à
son texte une citation de la poétesse brabançonne du XHIè siècle, Hade-
wijch: . . on peut trouver assez de paroles en flamand, mais pour ce
queje veux dire, il n'y a ni flamand ni paroles."
Paroles étrangères traduites en français marquant le défaut d'expres-
sion de toute parole; syntagmes en néerlandais cueillis aux marges des
tableaux pour être réinscrits - effet de translation, non de traduction -
aux marges d'un texte en français lui-même écrit en marge des dits ta-
bleaux. L'appareil péri- ou paratextuel - épigraphe, légendes, marges -
témoigne ici à la fois d'une proximité et d'un éloignement (en l'occur-
rence, spatio-temporels), d'une absence et d'une présence, d'un hiatus
et d'un prolongement. Appelé, tel le parergon derridien, "par le creuse-
ment d'un certain lacunaire au-dedans de l'œuvre" (Derrida 146), "sup-
plément d'opération, ni œuvre ni hors d'oeuvre" (139), il désigne le
cœur et le point de fuite confondus du propos de Du Bouchet, la tache
aveugle de son écriture. De son écriture, ou tout aussi bien de sa prati-
que de la traduction (il a notamment traduit Hölderlin, Celan, Faulkner,
Joyce, Shakespeare, Mandelstam, Pasternak) qu'il conçoit, au même
titre que la poésie, comme rapport à l'autre de la langue et dans la lan-
gue, à l'au-delà du langage - différence ou écart: 4

mais traduire est une séparation aussi. traduire


la séparation. ( Notes sur la traduction , ID)

4 Poésie et traduction ont du reste en partage de soumettre un même texte à de multi-


ples reprises, corrections, variantes et autres reconfigurations. Un poème de Hölderlin,
précisément intitulé L 'Unique et ayant fait l'objet de nombreuses traductions et réinscrip-
tions de la part de Du Bouchet, est emblématique de la démultiplication de l'unicité qui
informe cette poétique paradoxale.

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76 ROMANCE NOTES

Dans ce fragment lacunaire, le dern


peut, à la faveur d'un décrochage typ
coutumier, être compris tant comme
même qu'il faut traduire) que comme
à séparer). Ceci n'est pas sans évoquer
ment, peinture (texte qui comporte une
ment travaillé par l'espacement du b
celui-là la parole et la peinture:

je peux le dire sur un in


qui sépare de la peinture. c'est la peinture. ( T )

Par-delà la traduction et la peinture, c'est bien d'abord


dynamique et l'espace liminal de toute parole qui est en
Bouchet, soit un rapport au Dehors , au sens peut-être où ce
couvrir, chez un Maurice Blanchot par exemple, une rela
sorte sans relationalité , 5 une mise en rapport qui puisse ga
même temps un "extérieur au dehors" selon les propres
(/). La simple graphie peut d'ailleurs contribuer à figurer
tion disjonctive, à surdéterminer ce seuil paradoxal, co
fragment de . . . sur un coin éclaté , texte originelleme
encres du frère du poète, Gilles du Bouchet, et accompag
marginales. Le mot "dehors" - d'abord isolé en butée de
tion à droite), coulé dans les italiques, et encadré de poin
sion et d'un tiret - y est ensuite insensiblement aéré, de
un échelonnement inusité des lettres, comme si le dehors, à
terre, était "entrevu[e] sur l'haleine, non l'ébruitement,

5 Prenant place au sein d'une chaîne de termes-concepts quasi inte


vont du fragmentaire et du neutre au désœuvrement et au désastre, le
se définit comme "un arrangement qui ne compose pas, mais juxtapos
se en dehors les uns des autres les termes qui viennent en relation, resp
vant cette extériorité et cette distance comme le principe - toujours
toute signification." (Blanchot 453). Cette réflexion s'adosse systém
Blanchot à des pratiques fragmentaires ou aphoristiques aussi exemp
l'être celles d'Heraclite, de Nietzsche ou de René Char, et s'inscrit plu
une tentative réitérée de produire un espace différent de la pensée, un
que permettant d'échapper à l'emprise théologique de l'Un et de la T
sans doute pas inconcevable d'annexer Du Bouchet à un tel projet . . .
6 Fragment à l'ouverture d'une section du même volume: "terre
mon sommeil, de nouveau entrevue sur l'haleine, non / l'ébruitement

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LA POÉSIE D'ANDRÉ DU BOUCHET 77

comme s'il s'agissait non pas tant d'une épellation que d


posé de mots-lettres, parcouru d'un souffle à la fois exte
hors du sens et de la parole, prononcé et amuï:

. . . dehors -

sur son écart - inscrit comme jour au centre ... et, à l'écart du
sens, de nouveau prononcé dehorsà l'horizon aligné sur la ligne du faîte ...(... sur
un coin éclaté , /).

Se dessine ici une configuration spatiale oxymorique et nomade au


sein de laquelle dehors, écart, centre et marge semblent transgresser
leurs limites et échanger leurs pôles respectifs, comme le suggérerait en-
core cet extrait de Qui n 'est pas tourné vers nous , recueil consacré à
Giacometti:

. . . reprendre - ce qui est au centre alors se découvre comme la


marge - où dehors reprend . . . (QTN 1 15)

Le trait le plus constant de ce déplacement incessant s'apparente à


un resserrement asymptotique du centre et de la marge:

de seuil à foyer ne subsiste - seuil rapproché du foyer à se fondre, presque, en lui - que la
seule épaisseur de l'embrasure. (19)

A moins qu'il ne s'agisse d'un envahissement du centre par une pé-


riphérie en perpétuelle expansion ou par l'intervalle toujours "recon-
duit," autrement dit d'une incursion du blanc dans l'écrit, de la mutité
dans la parole :

Au cœur -

et, en marge ( marge, comme elle gagne le centre - hors mesure,


plus haut . . . (123) ;

Cela , extérieur à toute parole, est au centre ...[...] (la marge est au centre) (148)

Que ce réseau sémantique soit d'une particulière densité dans Qui


n 'est pas tourné vers nous ne saurait trop surprendre, si l'on considère

néologisme qui sert d'intitulé à ce texte, J'interlettre . . . , est parfaitement indiciel de ce


type de réciprocité à la fois intime et espacée.

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78 ROMANCE NOTES

que ces questions informent tout auta


dont les figures nous apparaissent tantôt
saisissantes tantôt insaisissables - hall
surgies du fond (du centre) même de la c
Est-ce à dire alors que la marge est p
mable par le blanc, au même titre que
exemple:

[. . .] la blancheur de l'intervalle - marge élargie qui entame ... Où elle parvient au cen-
tre, les mots en poussière seront rendus à ce qui scintille - sans que sur eux, jamais j'aie
eu saisie . . . (126)?

Ou bien est-ce encore que le centre est lui-même toujours déjà ab-
sorbé, caviardé, si l'on peut dire, par ce blanc qui désignait jadis le cœur
même de la cible: "Ce vide, au centre, que le trait fuit." (77)?
De la marge métaphorique (le blanc figure aussi chez Du Bouchet la
paroi alpestre, le glacier, le jour matinal, le point d'incandescence, l'air,
la page, la toile) à la marge typographique, il en va toujours d'une marge
en apparence immaculée et donc inaudible, en dépit de la valeur
d'appui, de support, de recharge, de ressource(ment) du dire qu'elle peut
acquérir:

. . . retour d'un mot - le muet -


au centre comme sourdre . . .

Le muet - ressource du mot . . . ( Hercules Segers , /).

Par ressource il faut ainsi entendre nouvelle source ou origine, mais


également force jaillissante et réserve d'énergie: "excès de blanc" {Ma-
tière de papier , T ). Qu'en est-il en revanche des marges noircies de
texte lorsqu'elles s'infiltrent comme telles dans les écrits de Du Bou-
chet? Faut-il y voir un mouvement inverse de celui qui anime la marge
blanche grâce auquel l'écriture se déporterait, à présent, du centre vers
les marges, ou encore occuperait à la fois la page et ses entours? Les
concepts mêmes de centralité et de marginalité sont-ils du reste encore
pertinents et opératoires rapportés à un dispositif textuel déstructuré où
le texte imprimé peut tout aussi bien se positionner dans les "marges" et
"encadrer" (mais ne conviendrait-il pas mieux de dire "dé(sen)cadrer"?)
le blanc de la page?

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LA POÉSIE D'ANDRÉ DU BOUCHET 79

L'inclusion de textes dans les marges se matérialise le


chez Du Bouchet sous la forme de blocs, d'îlots d'éc
moins longs (d'un seul mot à l'espace d'une demi-page),
homogènes (on y retrouve fréquemment les mêmes rupture
et typographiques qui jalonnent tout autre écrit de l'au
moins espacés de blancs (il peut s'agir d'un seul ou de de
ments sur une page), et disposés en colonnes à droite ou
feuille. L'effet de contraste ou de dissymétrie est parfoi
accentué. En ce sens, deux pages de . . . sur un coin écl
vis-à-vis représentent sans doute un cas-limite. Sur la p
une colonne de six unités discrètes s'étire à droite sur toute la hauteur de
la page, telle cette "marge alors qui debout va grandissant . . ." qu'évoque
Du Bouchet à propos des sculptures de Giacometti (QTN 125). Face à
cet axe vertical, une étendue entièrement vierge ("blancheur médiane,"
comme la désignera plus loin un éclat marginal), à l'exception d'une
seule ligne tout en haut: "... chaleur à l'apogée - ou conducteur encore
de celle qui a disparu" (/, nous soulignons). Sur la page en regard, les
proportions sont inversées: la marge de droite ne comporte plus qu'un
coin supérieur éclaté (". . . mais être - ici - / fend " - nous soulignons) et
la partie que l'on ose à peine qualifier de "centrale" retrouve un statut
plus conforme, si ce n'est aux conventions, tout au moins à l'idiosyncra-
sie dubouchettienne (fragments épars et asymétriques). On note égale-
ment plus loin dans ce même texte l'apparition d'une double colonne
marginale (à droite et à gauche) qui visualise et articule dans l'espace du
texte une parole en deux , à la fois dite et tue, où "Dehors entre et sort,
sans porte à pousser" (/). 7 L'œuvre de Du Bouchet n'offre guère d'autre
occurrence d'une telle tabulation que dans Sous le linteau en forme de
joug , texte dédié au peintre Pierre Tal Coat. Là encore, l'agencement est
loin d'être indifférent dans la mesure où la verticalité de la mise en page
s'oppose de manière générale à l'horizontalité du linteau du titre, et où
le "redoublement" des colonnes figure plus spécifiquement (en deux oc-
casions justement) "l'encadrement de la porte à deux battants" (comme
l'indique l'une des marges en question du texte), les montants qui "aveu-
glés se déplacent," l'embrasure par laquelle se profile une montagne.

7 II faudrait en outre mentionner les multiples bipolarités qui à la fois innervent et


distendent ce texte dans son entier: chaleur et froid, aujourd'hui et demain, faîte et gouf-
fre, éclat et compacité . . .

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80 ROMANCE NOTES

Il est toutefois loisible de remarquer


tiaux signalent et surdéterminent le r
d'André du Bouchet. Il s'agit le plus so
graphie - utilisation de caractères d'impr
suggérer un statut secondaire ou subsi
que une déviation, un écart par rappor
ritablement déroger à cette pratique, le
lequel il convient à présent de faire reto
cifiques. Dans la première section, les
tant le texte imprimé des pages initiales
écriture des marges beaucoup plus int
(colonne à droite, italiques, petits cara
ment intervient alors sous la forme d
page: dans le coin supérieur gauche, un
mains surplombant une ample "colonn
dislocation"); 8 au milieu et décalé, un co
précédé et suivi de points de suspension,
gement de direction ou de disposition
gauche, sur toute la hauteur de la pag
(les caractères sont en italiques, mais
cette fois-ci). Ceux-ci sont également
hormis le dernier d'entre eux qui d'a
prolonger en haut de la page en rega
désormais élargie aux dimensions d'un
Cette typographie complexe sera c
jusqu'à la clôture de la section, sous fo
fois, mais d'une atomisation, d'une pu
dispersion de parcelles d'écriture sur d
et retraits, désarticulations et décalages
constant porte-à-faux. 9 Cette cartog

8 Si la poésie de Du Bouchet ignore généralem


lligrammatique, on ne peut manquer de relever
mantisme, déjà lisible et visible dans certains d
et Sous le linteau en forme de joug. Elle essaim
teur morcelée", "une parole en hauteur fractionn
9 Sur cette "coïncidence d'un écrire et d'un dés
M. Collot, notamment sa "Postface" aux Carn
semble avoir pour partie emprunté ce modèle pr

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LA POÉSIE D'ANDRÉ DU BOUCHET 8 1

marge), cette configuration morcelée où "parler bifurque," r


dans les ultimes pages de la section finale d 'Hercules Sege
couleur , autre texte repris dans L'Incohérence et s'inspirant de
de Bram van Velde, se fera jour un processus tout à fait similai
tamination du texte central par les notules marginales, ou,
ment, de fertilisation mutuelle de la police de caractères du cen
italiques des marges.
Il va de soi qu'une telle "blancheur de papier elle-même ou
le travers de mots," que semblable . . parole inhabitable /
lèvres, sans qu'elle y séjourne . . ē" {Hercules Segers ) ne peu
vertir les protocoles usuels de lecture et susciter une appréh
continue, délinéarisée, "pêle-mêle." Ce dernier terme appart
longue marge en colonne de Sous le linteau en forme de jo
apparaît également dans le texte sur Seghers) où Du Bouche
entrelace la "réitération" et la "différence," le "redoublement" e
tance," la jonction et la séparation, en associant dérivation ét
("mêle / devenant / mêle-à-mêle, / puis mêle-mêle, / et [. . .] p
et jeu sur le signifiant ("/a consonne p / qui écarte les lèvre
tuée / une fois sur deux au m I qui rejoint . . ."). "De labia
joignant et disjoignant" - les lèvres sont un motif récurrent da
dubouchettienne et ouvrent notamment le recueil L'Incohér
liminaire intitulé Là, aux lèvres ). Elles figurent l'alliance co
du fermé et de l'ouvert, de la parole et de la mutité, de l'interv
du liminal. Elles expriment encore l'éclat de la voix comm
fragment ("Sur la fin de l'autre jour, / tes lèvres m'auront
Laisses ), et signalent le rapprochement du centre et de la marg
extrême bord du visage que sont les lèvres au centre " {Dans un
je n ' ai pas sous la main - Chappuis 104, nous soulignons).
Lèvres, livre (selon un rapprochement paronomastique qu
est le premier à effectuer) 10 d'où émerge et vers où se dirige
balbutiante, dessaisie, désaxée, volatile, labile - "à l'infini ré

tiques, en particulier à l'esthétique de Giacometti telle qu'elle s'incarnerait d


gure, alors, qui se défait, comme elle franchit l'intervalle qui nous sépare
41).
10 Voir, par exemple, dans Ici en deux : "livre / non / mais les lèvres / sur / lesquelles
j'avais // lu."

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82 ROMANCE NOTES

tandis que le "lecteur lui-même en co


Segers ), à la fois bordure et couture du
le fil.

University of Pennsylvania

Ouvrages Cités

Blanchot, Maurice. L'Entretien infini , Paris, Gallimard, 1969.


Chappuis, Pierre. André du Bouchet , Paris, Seghers, 1979.
Derrida, Jacques. La Vérité en peinture , Paris, Flammarion, 1978.
Du Bouchet, André. Qui n'est pas tourné vers nous , Paris, Mercure de France, 1972.
Abrégé en QTN.

nal , n.° 1, décembre 1984. Abrégé en AJ.

cure de France, 1989.

Abrégé en C.

Piroué, Georges "Entretien avec Du Bouchet", Mercure

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