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L’ART : textes

1/        Lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement à


chaque objet est-ce de représenter ce qui est tel qu’il est, ou ce qui
parait, tel qu’il parait ? Est-elle l’imitation de l’apparence ou de la
réalité ?
De l’apparence.
L’imitation est donc loin du vrai, et si elle façonne tous les
objets, c’est, semble-t-il, parce qu’elle ne touche qu’à une petite
partie de chacun, laquelle n’est d’ailleurs qu’une ombre. Le
peintre, dirons-nous par exemple, nous représentera un
cordonnier, un charpentier ou toute autre artisan sans avoir
aucune connaissance de leur métier; et cependant, s’il est bon
peintre, ayant représenté un charpentier et le montrant de loin, il
trompera les enfants et les hommes privés de raison, parce qu’il
aura donné à sa peinture l’apparence d’un charpentier véritable .
Certainement.
Eh bien ! ami, voici, à mon avis, ce qu’il faut penser de tout
cela. Lorsque quelqu’un vient nous annoncer qu’il a trouvé un
homme instruit de tous les métiers, qui connaît tout ce que
chacun connaît dans sa partie, et avec plus de précision que
quiconque, il faut lui répondre qu’il est un naïf, et qu’apparemment
il a rencontré un charlatan et un imitateur, qui lui en a imposé au
point de lui paraître omniscient, parce que lui-même n’était pas
capable de distinguer la science, l’ignorance et l’imitation.
PLATON  République  livre X
2/ D’une façon générale, il faut dire que l’art, quand il se borne
à imiter, ne peut rivaliser avec la nature, et qu’il ressemble à un
ver qui s’efforce en rampant d’imiter un éléphant.
Dans ces reproductions toujours plus ou moins réussies, si on les
compare aux modèles naturels, le seul but que puisse se proposer
l’homme, c’est le plaisir de créer quelque chose qui ressemble à
la nature. Et de fait, il peut se réjouir de produire lui aussi, grâce à
son travail, son habilité, quelque chose qui existe déjà
indépendamment de lui. Mais justement, plus la reproduction est
semblable au modèle, plus sa joie et son admiration se
refroidissent, si même elles ne tournent pas à l’ennui et au
dégoût. Il y a des portraits dont on a dit spirituellement qu’ils sont
ressemblants à vous en donner la nausée. Kant donne un autre
exemple de ce plaisir qu’on prend aux imitations : qu’un homme
imite les trilles du rossignol à la perfection, comme cela arrive
parfois, et nous en avons vite assez ; dès que nous découvrons
que l’homme en est l’auteur, le chant nous paraît fastidieux ; à ce
moment, nous n’y voyons qu’un artifice, nous ne le tenons ni pour
une uvre d’art, ni pour une libre production de la nature.
HEGEL,  Introduction à l’Esthétique
 
3/ Il reste à dire en quoi l’artiste diffère de l’artisan. Toutes les
fois que l’idée précède et règle l’exécution, c’est industrie. Et
encore est-il vrai que l’oeuvre souvent, même dans l’industrie,
redresse l’idée en ce sens que l’artisan trouve mieux qu’il n’avait
pensé dès qu’il essaie ; en cela il est artiste, mais par éclairs.
Toujours est-il que la représentation d’une idée dans une chose, je
dis même d’une idée bien définie comme le dessin d’une maison,
est une oeuvre mécanique seulement, en ce sens qu’une machine
bien réglée d’abord ferait l’oeuvre à mille exemplaires. Pensons
maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu’il ne
peut avoir le projet de toutes les couleurs qu’il emploiera à
l’oeuvre qu’il commence ; l’idée lui vient à mesure qu’il fait ; il
serait même rigoureux de dire que l’idée lui vient ensuite, comme
au spectateur, et qu’il est spectateur aussi de son oeuvre en train
de naître. Et c’est là le propre de l’artiste. Il faut que le génie ait
la grâce de la nature et s’étonne lui-même. Un beau vers n’est pas
d’abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète
; et la belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu’il la
fait ; et le portrait naît sous le pinceau. (…) Ainsi la règle du Beau
n’apparaît que dans l’oeuvre et y reste prise, en sorte qu’elle ne
peut servir jamais, d’aucune manière, à faire une autre oeuvre.
ALAIN,  Système des beaux arts
 
4/   » Le génie est le talent (don naturel), qui donne les règles à l’art.
Puisque le talent, comme faculté productive innée de l’artiste,
appartient lui-même à la nature, on pourrait s’exprimer ainsi : le
génie est la disposition innée de l’esprit par laquelle la nature donne
les règles à l’art. Quoi qu’il en soit de cette définition, qu’elle soit
simplement arbitraire, ou qu’elle soit ou non conforme au concept
que l’on a coutume de lier au mot de génie, on peut toutefois déjà
prouver que suivant la signification en laquelle ce mot est pris ici,
les beaux-arts doivent nécessairement être considérés comme des
arts du génie.
Tout art en effet suppose des règles sur le fondement desquelles un
produit est tout d’abord représenté comme possible, si on doit
l’appeler un produit artistique. Le concept des beaux-arts ne permet
pas que le jugement sur la beauté de son produit soit dérivé d’une
règle quelconque, qui possède comme principe de détermination un
concept, et par conséquent il ne permet pas que l’on pose au
fondement un concept de la manière dont le produit est possible.
Aussi bien les beaux-arts ne peuvent pas eux-mêmes concevoir la
règle d’après laquelle ils doivent réaliser leur produit. Or puisque
sans une règle qui le précède un produit ne peut jamais être dit un
produit de l’art, il faut que la nature donne la règle à l’art dans le
sujet (et cela par la concorde des facultés de celui-ci); en d’autres
termes les beaux-arts ne sont possibles que comme produits du
génie. « 
Kant,  Critique de la faculté de juger
5/ « Si l’art qui correspond à la connaissance d’un objet possible se
borne à accomplir les actions nécessaires afin de la réaliser, il
s’agit d’un art mécanique  ; mais s’il a pour fin immédiate le
sentiment de plaisir, il s’appelle un art esthétique. Celui-ci est ou
bien un art d’agrément, ou bien un des beaux-arts. C’est un art
d’agrément quand sa fin est que le plaisir accompagne les
représentations en tant que simples sensations  ; c’est un des
beaux-arts lorsque la fin de l’art est que le plaisir accompagne les
représentations en tant que modes de connaissance  »
Kant,  Critique de la faculté de juger
6/« En ce qui concerne l’agréable, chacun consent à ce que son jugement,
qu’il fonde sur un sentiment personnel et privé, et en vertu duquel il dit
d’un objet qu’il lui plaît, soit du même coup restreint à sa seule personne.
C’est pourquoi, s’il dit : «  Le vin des Canaries est agréable  », il admettra
volontiers qu’un autre le reprenne et lui rappelle qu’il doit plutôt dire :
«  cela est agréable pour moi  » ; et ce, non seulement pour ce qui est du
goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour ce qui peut être
agréable aux yeux ou à l’oreille de chacun. La couleur violette sera douce
et aimable pour l’un, morte et sans vie pour l’autre. L’un aimera le son des
instruments à vent, l’autre leur préférera celui des instruments à corde. Ce
serait folie d’en disputer pour récuser comme inexact le jugement d’autrui
qui diffère du nôtre, tout comme s’il s’opposait à lui de façon logique ; en
ce qui concerne 

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