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Introduction à l’esthétique

Qu’est-ce que l’esthétique ?


Science ou philosophie ?
La confusion provient de l’étymologie grecque : aisthêsis = faculté + acte de sentir
(sensations/perception) => l’étude des faits de sensibilité Kalos = beau

 Science :
o étude du jugement d’appréciation, c’est-à-dire, la distinction du beau et du laid
o Baumgarten : « la science du mode sensible de la connaissance d’un objet »
(Méditations, 1735)
 Philosophie :
o Hegel : « la philosophie de l’art » (Cours d’esthétique, 1818-1830)

Naissance au 18e :
Baumgarten invente le terme aesthetica (Méditations Philosophiques, 1735), puis Die Äesthetik
(Aesthatica, 1750), bien que la réflexion sur le sensible, le beau et l’art précède cette nomination (cf.
Enquête sur l’origine de nos idées de beauté et de vertu, Hutcheson 1725, Temple du goût, Voltaire
1733).
Suite à un changement d’épistémê : le beau, l’art, le sensible sont unifiés

Au travers de l’histoire, certains aspects ont été accentués plus que d’autres :
Etude du goût (= l’affecte)
Théorie du beau (= propriétés esthétiques)
Science du sentir (la cognition et les sens)
Philosophie de l’art (= valeurs artistiques, acte d’imagination et de création)
C’est pourquoi Wittgenstein définit l’esthétique comme : « l’ensemble des sens qu’on a donné à ce
mot lorsque l’épistémê a rendu possible la discipline ».
Certains voient la naissance de l’histoire de l’art, puis de la sociologie de l’art, ect. comme des
facteurs de disparation de la discipline.

Questions : L’esthétique ne dépend pas de l’objet ? la conception de l’art d’une période ?


Quelle est la différence entre histoire de l’art et esthétique ?

La Métaphysique du Beau
Platon  : Hippias majeur : qu’est-ce que le beau  ?
ce qui est beau (Hippias) vs. ce qu’est le beau (Platon/Socrate)
Nb. Texte ‘aporétique’ : la question initiale n’est pas résolue à la fin du texte.
A) Proposition du beau selon Hippias : sophiste/nominaliste => beauté sensible = qualité +
dépend des indivs
 « une belle vierge » (jeune fille) 
>> en philosophie, donner un exemple (choix arbitraires) n’est pas donner une définition
>> Socrate répond : le beau peut être en n’importe quel objet (une marmite = trivial)
 « le convenable » >> Platon : la beauté n’est pas qu’apparence
 « l’utile »/ « le bon » >> Voir : La République
 Ce qui procure du plaisir aux sens >> que faire des objets non sensibles (rationnels) ? Aussi,
le beau procure du plaisir, mais ce qui procure du plaisir est-il forcément beau ?
o Saint Augustin écrit « une chose procure du plaisir parce qu’elle est belle » (De Vera
Religione), Saint Thomas 800 ans après écrit « Une chose n’est pas belle parce que
nous l’aimons, mais nous l’aimons parce qu’elle est belle et bonne » (Sur les noms
divins)
B) Proposition de Socrate = position ‘idéaliste’ => beauté intelligible = participe de l’essence des
choses + archétype intemporel
 « Le beau c’est ce par quoi sont belles toutes les belles choses […] quelle que soit la chose à
laquelle il s’ajoute » : le beau c’est ce qui l’est partout, en tout temps, et par tout le monde.
 Le beau est sur le plan de la métaphysique (avec le bien et le vrai) : présence de l’Idée dans
un objet, indépendant des variations sensibles
 La contemplation est une volonté de dépasser la beauté sensible et trouver celle intellectuelle :
ainsi, la beauté sensible n’existe que par participation de l’Idée de beauté.

Question : selon Platon, la chose peut devenir laide, mais rester belle ?

Plotin  : néo-platonicisme
 Principe d’unité : « La beauté siège donc en cet être, lorsqu’il est ramené à l’unité, et elle se
donne à toutes ses parties et à l’ensemble. [Une chose] [e]st laid[e] parce que la matière n’a
pas admis complètement l’information par l’idée. » il y a présence de l’Idée du beau dans
la chose sensible si cette chose sensible est harmonieuse (unité)
o Pour que quelqu’un soit beau, il doit se détourner de la vie de son corps, car elle est
matière informe (liée au mal), preuve que la beauté sensible est source de jouissance,
et qu’il y a donc bien une expérience de l’esthétique
o De l’Antiquité au moyen-âge, l’objectivité du beau conduit à une recherche de ses
caractéristiques formelles. Dans Somme théologique, de Saint Thomas, la beauté
artistique répond à trois critères :
 Consonentia = proportion, harmonie des parties
 Integritas = complétude, l’achèvement  les choses incomplètes sont laides
 Claritas = éclat, couleurs
 Il faut soi-même être beau pour voir la beauté dans les choses : il faut se rendre semblable à
l’objet vu pour le voir (« Que tout devienne donc d’abord divin et beau, s’il veut contempler
Dieu et le Beau. »)
 Pour Baumgarten, L’esthétique (1750), est beau ce qui est parfait : apparence en parfaite
adéquation avec l’essence => contrairement à Platon, il valorise l’art : l’art bien fait, où
apparence = essence ( vérité), affirme la beauté de la connaissance.

Conclusion  : la beauté sensible est une étape vers la beauté métaphysique car la beauté sensible
n’existe que par participation de l’Idée de beauté.
la beauté sensible est source de l’expérience de jouissance esthétique, mais condamnée
par
la philosophie, qui recherche une satisfaction plus noble.

Les réflexions antiques sur l’art


Ars et technê : la place de l’art dans la société
 Ars, lat. technê, grec = savoir-faire, et connaissances des normes/techniques pour faire.
 L’art n’a pas de dimension métaphysique jusqu’au M.A car c’est le domaine exclusif du
divin.
Condamnation de l’imitation, Platon (La Vertues de la fiction, Aristote (Poétique, Livre I) : i.e. la
République, livre X): i.e. l’art agence et produit mimêsis est la transformation du réel
des effets, mais ne crée pas : « l’art est déficient
en comparaison de l’opération naturelle » (Saint
Thomas)
>> indignité ontologique : dessin d’un lit = >> Son objet n’est pas le vrai, mais le vraisemblable
imitation sensible de la chose < menuisier = >> Elle traite du domaine des possibles, non de l’existant =
reproduction de l’Idée < Idée de lit emprunt au réel pour composer (/ !\ tragédie : ne pas recourir
>> créer sans connaître la chose au merveilleux, à l’invraisemblable, unifier l’intrigue)
>> l’art invite à rester dans l’apparence, éloigné >> plaisir positif (catharsis) : en suscitant pitié et frayeur, la
du vrai et la tragédie complait à nos émotions et tragédie purifie ces émotions, produit un soulagement mêlé de
se nourrit d’eux. plaisir = effet moral. (La fiction permet la libération des affects,
car constituant l’intervalle entre le spectateur et l’œuvre, les
passions sont éprouvées de manière non-ordinaires, et
transmutées.)

Conclusion :
 La philosophie antique et médiévale considèrent la présence de l’esthétique en art, et tentent
d’en interdire la formation, donc paradoxalement, c’est la naissance de la réflexion sur
l’esthétique, qui se retrouve plus tard dans les théories esthétiques.
 Esthétique par le prisme de l’éthique de l’art ?

Naissance de l’esthétique
Pourquoi un intérêt pour l’esthétique ? Une nouvelle épistémê
Le nouveau schéma de la beauté
 Kant, Critique de la raison pure : les faits de sensibilités (aisthêta) sont traités
indépendamment des Idées.
 Naissance de la subjectivité : la physique mécaniste corpusculaire montre que les qualités
tenues pour « sensibles » sont des phénomènes qui résultent de sensations, perceptions, selon
la position objet-récepteur. Les qualités sensibles ne sont pas intrinsèques aux objets.

 La logique de la beauté comme Idée à travers le sensible ne tient plus : où est la beauté ? Le
beau se trouve entre le sujet et l’objet
 Le beau est indépendant de l’Idée, donc de l’intellect, de la morale, etc.
Naissance des beaux-arts
 Accommodation des « arts » reconnus comme productions mécaniques et de génie
 Création de la catégorie « beaux-arts » : contrairement aux productions mécaniques qui
visent l’utilité, les beaux-arts visent le plaisir.
 Naissance de l’histoire de l’art : Winckelmann, Histoire de l’art chez les Anciens (1764),
sur l’évolution des styles de l’art grec.
 Rapprochement du « beau » et de « l’art »
 Si l’art doit plaire, alors le public devient important, et la pratique de la critique se répend.
L’esthétique comme critique du goût
Le goût est une instance critique qui agit à la fois à la place de la raison (le beau est détaché de
l’entendement, i.e. on n’a pas besoin de connaître quelque chose pour l’apprécier) et constitue une
synthèse des sens externes (c’est un sixième sens sans organe repérable).

Le goût inné, vecteur de moralité et de connaissance


Pour Hutcheson, nous possédons le sens du goût et de la moralité : Enquête sur les origines de nos
idées de beauté et de vertu (1725) : nous possédons un « sens de la beauté », c.a.d., un sixième sens
qui nous permet d’appréhender l’idée de beauté de manière innée. Le goût ne passe pas par la
déduction rationnelle (eg. Si nous trouvons que le sucre c’est sucré, ce n’est pas par rationalisation de
la sensation).
 Ainsi, dégagé de tout intérêt personnel, le « sens » est moral.
 Le plaisir provient de l’uniformité de la diversité, perçu inconsciemment.

Ma question : le goût ne fait pas parti des objets ?

Le « sentimentalisme » de Shaftesbury : la connaissance (raison) est guidée par les sentiments


(expérience esthétique).

Baumgarten, Méditations philosophiques sur quelques sujets se rapportant à l’essence du poème


(1735) : il définit l’esthétique comme « science du mode sensible de la connaissance d’un objet » 
sensibilité comme mode de connaissance. En effet, dresser un poétique, c’est-à-dire, l’ensemble de
règles qu’un poème doit respecter pour être beau, c’est partir de ce que l’on pense être beau, pour
formuler une règle du beau.

La cultivation du goût, vers une norme de goût


Hume, De la norme du goût (1757)
 Nous n’avons pas les mêmes goûts
 Il existe différentes « capacités esthétiques » : le goût peut se cultiver, pour atteindre une
« norme de goût », qui est à l’image de l’homme le plus cultivé  le beau dépend des
normes/est arbitré ?

Deux expériences esthétiques distinctes : beau vs. sublime


Edmund Burke, Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau (1757) 
Beau Sublime
Origine : Contexte social, inter-relationnel Origine : Expérience hors du cadre social
Résultat : Principe de plaisir, passions sociales Résultat : étonnement, forte émotion, au-delà du principe
de plaisir, passions instinctives
Qualités de l’objet : « Premièrement, une petitesse Qualités de l’objet : SUJET: « Tout quelle
ce quiestest propre à susciter
la faculté
relative ; deuxièmement, un aspect lisse ; d’une manière quelconque les idées
qui s'occupe de ?douleur et de
du beau
troisièmement, de laqu'est-ce
OBJET: variété qui,
dansdans
la direction des lignes danger, c’est-à- dire Qu'est-ce
tout cequi est
quiauest
principe
d’une certaine
; quatrièmement,
l'objet,l’absence d’angles
produit le beau au et la fusion des manière terrible, toutduce goût?
qui Le goûtd’objets
traite s'éduque-t-terribles ou
contact
différentes parties du sujet?
; cinquièmement, une constitution agit de façon analogue à la il? terreur, est source du
délicate ; sixièmement, Burke des couleurs claires et sublime, c’est-à-dire capable Hume
de produire la plus forte
brillantes mais ni très fortes ni éclatantes ; émotion que l’esprit soit capable de ressentir… Lorsque le
Hutcheson
septièmement, une grande diversité de couleurs, si danger ou la douleur serrent deKant trop près, ils ne peuvent
celles-ci ont quelque éclat. » donner aucun délice et sont simplement terribles ; mais à

bea
distance, et avec certaines modifications, ils peuvent être
délicieux et ils le sont. »

u
Conclusion : pour Hume, l’homme cultivé comme modèle de
goput universel, pour Burke, il y a des qualitiés
objectives/universelles du beau ou du sublime dans un objet.

Le goût kantien entendement


(concept)
Observations sur le sentiment du beau et du sublime, 1764
Critique de la faculté de juger, 1790
Critique : l’esthétique est « ce qui concerne le rapport de la
représentation non point à l’objet mais au sujet. » imagination
(schématise)

A) L’esthétique ne permet pas de constituer un savoir sur un objet.

 Il n’y a pas de définition du concept de « beau », donc sensible


selon Kant, le jugement de goût n’est pas un jugement (forme)
« logique » (où des concepts permettent de
définir/identifier des objets). Pour Kant, la faculté de juger
est « réfléchissante », car juger c’est rapporter au sujet son
sentiment (de plaisir ou de déplaisir) vs. rapprochement avec un concept.
 Pour Kant, le plaisir du beau résulte du libre jeu des facultés (voir modifications schéma) :

B) La beauté dépend de la nature du plaisir esthétique:


 Pour Kant, le plaisir esthétique n’est lié ni à l’agréable, ni à la morale (car ils visent à une
finalité, or, le beau n’étant pas un concept, il ne peut être jugé « fini »).
o Il ne prend ni le parti des classiques (beau mathématique), ni celui des
sentimentalistes (la sensibilité dicte l’entendement).
o
a) Le jugement esthétique de beauté est basé sur ce qui est limité dans l’espace et dans le
temps. Il y a une entente entre l’entendement et l’imagination pour jouer librement,
former et in-former. Le plaisir positif en résulte.
b) Le jugement esthétique du sublime repose sur l’illimité en dimensions ou en puissance.
Nous cédons à notre faculté de raisonner, car l’imagination ne parviens pas à former de
schéma.

Conclusion : pour Kant, le beau est un propriété accordée au sujet sur l’objet (jugement de goût),
alors que le sublime est en l’objet et s’impose au sujet comme un « plaisir négatif » (provoque en le
sujet un conflit entre respect et terreur).
Kant pose aussi la question de la nécessité de l’esthétique : pourquoi chercher à déterminer ce qui est
beau ou non, quels sont les enjeux ? le jugement esthétique exprimerait-il une volonté de partager ses
pensées, et donc d’échanger, de discuter avec d’autres personnes ?

Paradigme Hégelien : l’esthétique comme philosophie de l’art (vs.


« science du sentir »)
L’esthétique comme discours de l’art
L’art est objet de connaissance
 Lumières = on ne peut accéder aux idées, et à Dieu, on ne peut que croire
 Romantiques = ce que la philosophie (des Lumières) ne peut atteindre, l’art le peut.
o L’art est avant tout connaissance, avant d’être vu comme technique ou plaisir
o L’art est sacralisé alors que le monde est désacralisé
o D’ailleurs, la philosophie n’est plus perçue comme activité d’investigation
rationnelle.

Pourquoi l’art se charge t-til de la philosophie ?


 Le Romantique s’intéresse à la connaissance de l’être plutôt qu’à la connaissance des
fondements du savoir
 Le Romantique sort de la finitude Kantienne du sujet, or c’est là que l’art est spécialiste :
l’art fait sortir de soi, se dépasser.

L’esthétique comme discours sur l’art


Hegel :
Selon Hegel, l’esthétique est une philosophie de l’art, car il procède à une réduction du domaine
d’étude :
 l’esthétique n’est pas tout « ce qui fait sentir », mais l’art seulement
 l’art concilie spiritualité et sensibilité :
o sensibilité  spiritualité : l’art est la présentation sensible de l’absolu (vérité/essence
de l’être)
o spiritualité  sensibilité : la religion permet de prendre conscience que l’art présente
l’absolu
o finalement, l’esthétique est une philosophie de l’art car la philosophie c’est l’absolu
se pensant lui-même
 l’esthétique c’est la trace de l’esprit de l’homme dans l’art

Nb. Pour Hegel, la ‘dissolution’ la plus parfaite de l’esprit est en la poésie. La poésie est le matériau
parfait de l’art, car les mots sur le papier n’ont rien de sensible, le sensible se situe au niveau de
l’imagination, donc à part de l’œuvre.
 Contrairement aux Romantiques, Hegel ne tient pas l’art pour la forme suprême de la
connaissance, car l’art est figure de l’esprit, qui ouvre sur l’activité de raisonnement le plus,
haut, la philosophie, et est donc sans fin.
Schopenhauer :
Le monde comme volonté et comme représentation (Livre III, 1819) : la volonté est inévitable, bien
que parfois consciente, ou inconsciente. Pour s’en détacher, il faut se la représenter : l’homme est
spectateur de sa volonté, et en tant que spectateur, il est inactif, exempté de volonté. Contrairement à
la constitution classique de la connaissance (image – concept – entendement), la contemplation
esthétique permet d’observer la nature de toute chose car l’art présente des Idées (vs. des formes ou
des objets sensibles)
 L’art permet la contemplation des Idées
 L’esthétique pour Schopenhauer est une expérience
 Chaque art possède un degré d’objectivation de la volonté ;
o La sculpture fait contempler l’Idée de l’homme comme forme particulière du vouloir,
distinctes de toutes les autres
o La littérature représente la nature humaine dans l’exercice de la pensée au moyen de
combinaison de concepts, rimes, etc.
o La musique est au-delà des arts : n’étant pas une copie du réel, elle constitue un
rapport direct à l’essence du monde <> représente le vouloir-même, ce qui n’est pas
représentable (pas dans le temps, l’espace ou la causalité).

Conclusion : a) L’art, c’est la philosophie


b) L’art n’est qu’une étape dans le voyage philosophique : l’esthétique est la
philosophie qui traite de l’art seulement, et c’est une forme de philosophie car l’art sort de son
cadre et pousse à philosopher ou possède une fonction de révélation.
L’art et la vie, Nietzsche
L’esthétique est transférée de l’art à la vie : « Esthétisation de l’existence »

 L’art est injecté de vie : il exprime la créativité et la puissance, et ne prétend pas être illusion
pour atteindre l’Idée.
 La vie est « un phénomène artistique fondamental »

Défis artistiques du XXe


Le devenir de l’esthétique est fonction du devenir de l’art
Les théories esthétiques ont influencé les créations des artistes depuis le XIXe, et les artistes (via
manifestes, écrits, essais) deviennent une nouvelle catégorie de philosophes.

La dé-définition de l’art : bouleversement de l’art conceptuel


 Concept d’œuvre ébranlé : l’œuvre d’art se caractérise par une intention ? par sa finitude ?
par son cadre ?
 Un Art sans arts : déclassement des arts, mélange des arts, ouverture du champ (art
technologique, des enfants, ouvert à l’ordinaire, ouvert au passé), etc.
 Changements de valeur de l’art : la préoccupation n’est plus le beau, mais le laid au
XVIIIe, le trivial au XIXe, et anti-art au XXe.
 Dé-définition de l’art = desesthétisation de l’art (La dé-définition de l’art, Harold Rosenberg,
1972)
 Non seulement se détourner de la beauté, mais aussi de la sensibilité dans l’art :
o Déclarations : eg. Robert Morris, Litanie (1963) « Je soussigné R.M […] retire à
ladite construction toute qualité esthétique et tout contenu ».
o Dématérialisation : où est le sensible ? eg. Sculpture Invisible, Claes Oldenburg
Ecole de Francfort :
Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’heure de sa reproductibilité technique (1936) :
 Perte d’aura : perte de l’unique et de la valeur culturelle (reproduction d’œuvres, formes d’art
reproductibles), face aux œuvres qui existaient en un point donné, à un moment, en un lieu
 Rapprochement œuvre-public (accessibilité)
 La valeur d’exposition a remplacé la valeur culturelle : expérience moins sérieuse et sacré de
l’art.
 modification de la production d’art // modification de l’expérience // sensibilité humaine
changée

Adorno:
 perspective socio-historique => la valeur des œuvres d’art évolue à travers le temps => la
valeur n’est pas intrinsèque à l’œuvre
 l’impact de l’industrie culturelle : conditionne la sensibilité à des produits standardisés
 l’œuvre véritable ne doit pas provenir de l’industrie de la culture : préférer l’ascétisme
artistique, qui lutte contre le système « le bourgeois désire que l’art soit voluptueux et la vie
ascétique ; le contraire serait préférable. »
 sauver l’art en adoptant une « théorie critique »
 sauver la société en sauvant l’art

L’esthétique phénoménologique
L’art s’affiche, se donne, apparaît comme tel.
 Or, la subjectivité est la part invisible d’un tableau : « peindre est un faire-voir, mais ce
faire-voir à pour but de nous faire voir ce qu’on ne voit pas et ce qui ne peut être vu. »
(Michel Henry, Voir l’invisible)
o Les formes et les couleurs sont considérés éléments purs, car ils se donnent de deux
manières à la fois : des surfaces visibles dans l’extériorité, et des affects en soi.
 Pour qu’il y ait apparition, il faut qu’il y ait apparaître (= il faut une conscience qui se
manifeste à elle-même)  voir une peinture, c’est d’abord se confronter à soi
o Dans Des sens, du sens (1935), Erwin Strauss différencie « sentir » et « ressentir »
(après le sentir, il y a le « mode de participation » au monde)

Pour Merlau-Ponty, les tableaux de Cézanne sont « phénoménaux » :


 ils capturent un phénomène (le processus), plutôt que les objets fixes. Ils restent donc dans
la phase sensible, avant l’intervention de la connaissance, qui définit les choses (« ceci est une
forêt »).
o Déjà, l’art apparaît dans un contexte non-ordinaire, et donc s’extrait de a logique de la
reconnaissance des objets du monde.
o Ensuite, la peinture non-figurative est la plus émotionnelle, car la moins identifiable
au monde des connaissances.

 Redéfinition de l’esthétique à partir du croisement « sentir »/ « sensible » : le tableau se fait


« chair »

L’esthétique analytique
 Positions anti-essentialistes
 Etudier la question : « que fait-on de l’art ? » plutôt que « qu’est-ce que l’art ? »
o Weitz : un objet est esthétique quand il fonctionne symboliquement  dans le
discours
o Pour Danto, l’esthétique correspond à la « sensibilité théorique » propre à une
époque : valeurs, théories artistiques
o Georges Dickie : « une œuvre d’art, au sens classificatoire, est […] un artefact […]
dont un ensemble d’aspects a fait que lui a été confié le statut de candidat à
l’appréciation par une ou plusieurs personnes agissant au nom d’une institution (le
monde de l’art). » = les objets sont œuvres d’art quand il y a appréciation, c’est-à-
dire, quand le soumet à l’évaluation propre aux objets d’arts.
 L’œuvre d’art n’a pas d’essence/de nature transhistorique
 On ne peut pas définir l’art car l’art n’a pas d’essence

 L’attitude esthétique donne à un objet la qualité ‘esthétique’

L’attention désintéressée :
‘Désintéressé’ ne signifie pas passivité et indifférence : percevoir quelque chose de manière
désintéressée c’est la prendre en compte pour sa finalité (vs. usage utilitaire « dans le but de… », donc
d’intérêt).
L’attitude zsthétique est désintéressée : nous nous ouvrons à l’objet (imagination, sensibilité), nous
portons une attention active envers elle. Dans ce contexte, l’objet est isolé (pas dans un système de
causes, conséquences. => attitude esthétique vs. attitude critique
Goerges Dickie soutient que l’attention désintéressée est un « mythe » (Le mythe de l’attitude
esthétique, 1964). L’opinion de Dickie est ensuite critiquée par Beardlsey (L’expérience esthétique
reconquise, 1969) car l’attitude esthétique est selon lui pleine d’intensité des affects, d’unité du soi
engagé vers l’œuvre.
Enjeux contemporains :
 Nouveaux moyens de réception des œuvres (portable, TV, etc.)
 Définition encore plus complexe de ce que fait « art » : inclusion de la BD, du film, etc., qui
n’est plus ce contre quoi l’art doit lutter (position du XXe) mais nouer de nouveaux liens.
Voir : De l’artification, Heinich (2012) – intéressant car Adorno dénonçait la désartification de l’art.
Voir : L’art à l’état gazeux, Michaud (2003)

Conséquences sur notre relation à l’art, et la place de l’esthétique aujourd’hui


 L’esthétique doit-elle être une discipline artistique uniquement ? (Esthétique = « l’art » ou
Esthétique = « sentir » ?)
o L’art devrait nous permettre de nous ouvrir à nous-mêmes (nos sensations) et au
monde qui nous entoure (éveiller nos sens) = l’esthétique devrait être largement la
science du sentir.
 Naissance du design, nb. en Allemagne (Bauhaus) et Angleterre (Arts and Craft) sous la
pensée que mêler l’art, en particulier le beau, à la vie rend heureux. Il est important de
remarquer l’esthétisation du monde (cosmétiques, fitness, aménagement urbain, chirurgie
esthétique, accentué avec la proximité des images) => ‘art de vivre’ (L’art comme expérience,
John Dewey)
o Un appréhension dé-réalisée du monde  se détacher du sentir/développement d’une
nouvelle manière de sentir : la réalité virtuelle (immersion des environnement
artificiels) change-t-elle notre relation à l’esthétique ?
o Que se passe-t-il si la ‘beauté’ devient envahissante ? désensibilisation ?
Voir : Jean Marie Schaeffer, L’expérience esthétique (2015)

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