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Collection U

Mise en page : Belle Page


Illustration de couverture : © Tyler Olson/ shutterstock

© Armand Colin, 2022

Armand Colin est une marque de


Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert 92240 Malakoff

ISBN 978-2-200-63572-5
Table des matières

Couverture
Page de titre
Page de Copyright
Introduction
Sociologie de l'éducation ou sociologiede l'école ?
Un champ de recherche vivant
Initier à l'« imagination sociologique »…
Orientation bibliographique
Pour une découverte…
Lectures d'approfondissement
PREMIÈRE PARTIE - L'école dans la société
Chapitre 1 - Les politiques scolaires
Une approche socio-historique des finalités et des changements
institutionnels
La laïcité et la place des religions à l'école
L'égalité et la démocratisation de l'enseignement
Efficacité, décentralisation et autonomie des établissements
Une approche analytique du processus de décision, de mise
en œuvre et d'évaluation
Les influences nationales et internationales et l'autonomie
des politiques d'éducation
L'élaboration des décisions et le jeu d'acteurs au niveau
national
Traduction administrative, mise en œuvre, réception
et évaluation des politiques
Conclusion
Orientation bibliographique
Chapitre 2 - Les inégalités de carrières dans le système scolaire
français
Maternelle et primaire, des différenciations précoces
Milieu social et réussite en primaire
Étranger ou Français, garçon ou fille, verseau ou sagittaire…
Un déterminisme social massif ?
Dans le secondaire, des cheminementsde plus en plus diversifiés
Des scolarités inégales, au sein du « collège unique »
Des options à l'orientation, la quête de la distinction
L'accès au baccalauréat et à l'enseignement supérieur
Le bac, oui mais quel bac ?
Que faire de son bac dans l'enseignement supérieur ?
Des inégalités sociales mouvantes, au visage diversifié selon
les pays…
Conclusion
Orientation bibliographique
Chapitre 3 - Les enjeux de la scolarité : trouver un emploi et monter
dans l'échelle sociale
L'école, une voie nécessaire pour trouver un emploi ?
La « rentabilité » du diplôme
Valeur du diplôme et caractéristiques du diplômé
L'école, facteur d'ascension sociale ?
Un modèle structurel de la reproduction sociale
Tel père, tel fils ?
De nouvelles interrogations sur le rôle de l'école
Peut-on parler de dévaluation des diplômes ?
L'insertion s'inscrit dans un marché du travail
Le rôle de l'école à la lueur des comparaisons internationales
Conclusion
Orientation bibliographique
DEUXIÈME PARTIE - Contextes et médiations
Chapitre 4 - L'école entre l'espace local et l'espace national
L'école et l'intégration des sociétés rurales
L'école missionnaire
Maintenir les traditions en introduisant la modernité
La spécificité de l'école rurale aujourd'hui
L'école face à la diversité urbaine
Mobilisation scolaire et réseaux sociaux en milieu urbain
Fabrication et effets de la ségrégation scolaire
Laïcité et prise en compte des différences culturelles
Incivilités et violences dans les établissements
Les politiques éducatives locales
Orientations et tensions normatives dans l'action publique
locale
La coordination et la mobilisation des acteurs locaux
Conclusion
Orientation bibliographique
Chapitre 5 - Les scolarités dans leur contexte
Un « destin scolaire » variableselon l'établissement fréquenté
Des milieux de vie et de travail très divers
Des écoles inégalement efficaces…
Des pratiques d'évaluation et d'orientation diversifiées
Des « effets établissement » qui restent difficiles
à appréhender…
Le déroulement des scolarités dans un contexte institutionnel
Les modes de groupement d'élèves
Le rôle des caractéristiques institutionnelles du système
École publique ou école privée ?
Un contexte plus ou moins riche en possibilités d'études
Conclusion
Orientation bibliographique
Chapitre 6 - Les programmes, les pratiques pédagogiques
et les normes d'excellence
La genèse sociale des savoirs scolaires
Comment se construisent les programmes ?
Quels contenus de formation, pour quels rôles sociaux ?
Sous-jacentes aux contenus, des visions du monde…
La fabrication de la réussite scolaire
Les pratiques pédagogiques, quels effets, sur quels élèves ?
La « fabrication » de l'excellence scolaire
Conclusion
Orientation bibliographique
TROISIÈME PARTIE - Les acteurs de l'éducation
Chapitre 7 - Le métier d'enseignant
Unité et diversité
Instituteurs et professeurs
Féminisation et transformations des origines sociales
Les trajectoires professionnelles
Le choix du métier
La formation initiale
Les carrières enseignantes
L'exercice de la profession
Travail, professionnalisation et compétences
La contextualisation des pratiques et des éthiques
professionnelles
Hiérarchies et coopération entre enseignants
Division du travail entre acteurs scolaires
Autonomie et organisation collective
Les relations avec la hiérarchie et avec les usagers
Le rôle des syndicats et des associations professionnelles
Conclusion
Orientation bibliographique
Chapitre 8 - Les pratiques éducatives des familles
Socialisation familiale et réussite scolaire
La transmission des valeurs
Méthodes et styles éducatifs
Savoirs et savoir-faire transmis dans la famille
L'accompagnement de la scolarité
Les projets scolaires
Le suivi familial de la scolarité
Le choix des établissements
Les parents dans l'école
La relation avec les enseignants
Des usagers du service public d'éducation ?
Les associations de parents d'élèves
Conclusion
Orientation bibliographique
Chapitre 9 - L'expérience des élèves
Le rapport aux études
Projets scolaires et projets professionnels
Le rapport aux savoirs
L'implication dans le travail scolaire
La vie quotidienne dans les organisations scolaires
Apprendre à réussir
La relation avec les enseignants
Les interactions enseignants-élèves dans la classe
La sociabilité et l'intégration dans les institutions d'enseignement
Le rôle des camarades de l'école à l'université
Chahut, déviance et sanctions
La participation au fonctionnement des établissements
et à la vie démocratique
Conclusion
Orientation bibliographique
QUATRIÈME PARTIE - Théories
Chapitre 10 - L'évolution des analyses théoriques sur l'école
L'école reproductrice
Reproduire des valeurs communes
Reproduire des rapports sociaux conflictuels
Des critiques de « l'école reproductrice » à un renouvellement
des perspectives
Le modèle de la reproduction à l'épreuve de l'histoire
L'« héritage culturel » et la réussite scolaire
Des acteurs inconsistants face au poids des structures ?
L'école, espace pour des stratégies d'acteurs
Une approche individualiste des inégalités sociales
Des convergences d'approches dans l'analyse de l'école ?
Vers d'autres perspectives théoriques ?
Conclusion
Orientation bibliographique
Conclusion
Diversification des approches et cumulativité des résultats
La sociologie de l'école, une ressource pour l'action pédagogique
et politique
Bibliographie générale
Index
Introduction

La réussite scolaire, les apprentissages, la définition des programmes,


l’insertion des jeunes, la professionnalisation des formations, l’évolution du
métier d’enseignant, le rôle des parents, la mixité sociale, ou encore la vie
dans les établissements, tous ces thèmes sont très présents dans les débats
actuels sur l’école. Toutes les sciences s’intéressant à l’humain s’en
saisissent aujourd’hui, notamment les neurosciences, la psychologie ou
l’économie. Ils sont aussi classiquement l’objet de recherches dans un des
champs les plus riches de la sociologie française, la sociologie de
l’éducation.

Sociologie de l’éducation
ou sociologie de l’école ?
L’expression « sociologie de l’éducation », couramment retenue par les
sociologues de langue française, est en fait la traduction littérale de
sociology of education, alors que la plupart des travaux menés dans ce
champ concernent les institutions d’enseignement, surtout d’ailleurs les
formations initiales, l’enseignement supérieur constituant de plus un
domaine en général distinct. La formation permanente et, plus largement,
les formes non scolaires d’apprentissage et d’enseignement restent moins
étudiées. Une véritable sociologie de l’éducation, recouvrerait, si on prenait
à la lettre le terme d’éducation, un champ extrêmement vaste, puisque les
mécanismes par lesquels une société transmet à ses membres les savoirs,
savoir-faire et savoir-être qu’elle estime nécessaires à sa reproduction sont
d’une infinie variété. Ce serait en fait une sociologie de la socialisation,
s’intéressant à tous les milieux de vie de l’enfant, voire de l’adulte, et pas
seulement à l’école.
Même si, par commodité, nous utiliserons souvent le terme consacré de
sociologie de l’éducation, c’est bien à la scolarisation que cet ouvrage est
consacré centralement et non à la socialisation, d’où son titre, « Sociologie
de l’école ». Cette expression peut paraître restrictive, dans la mesure où
elle évoque l’image de l’école comme site concret où prend place la
formation. En fait, la sociologie analyse l’école comme une institution,
c’est-à-dire comme un réseau de positions, qui préexistent aux acteurs,
organisées de telle sorte que s’y accomplissent des fonctions sociales plus
vastes, notamment de socialisation, de préparation au monde du travail et
d’intégration sociale. Certes, nous y reviendrons, on conteste de plus en
plus cette conception « classique » de l’école comme institution toute-
puissante forgeant les individus dont la société a besoin. Toujours est-il que
dès lors qu’elle raisonne en termes de fonctions sociales ou de socialisation,
une analyse sociologique de l’école intègre nécessairement certains
phénomènes qui prennent place en dehors d’elle, dans le contexte local ou
dans d’autres instances de socialisation comme la famille.
Quel que soit le terme retenu, il s’agit d’étudier le système scolaire dans
une perspective sociologique. Qu’est-ce à dire ? On ne saurait figer dans
une définition une discipline comme la sociologie, qui se redéfinit sans
cesse, en identifiant de nouveaux objets, en étudiant des processus
jusqu’alors négligés, et aussi en bouleversant en permanence les
« frontières » avec des disciplines voisines comme la psychologie ou
l’économie. Néanmoins, si le champ potentiel de la sociologie est très
ouvert (le lecteur débutant examinera pour s’en convaincre le sommaire
d’un manuel de sociologie générale), le regard que le sociologue jette sur la
réalité sociale n’en est pas moins tout à fait spécifique. Ce regard se veut
objectif – il tente de n’incorporer aucun jugement de valeur –, et il vise à
élucider les mécanismes qui produisent les phénomènes sociaux : il ne
s’agit pas de juger mais de décrire des réalités sociales et d’en comprendre
la genèse.
Pourquoi, par exemple, les enfants appartenant à tel milieu social
réussissent systématiquement mieux que d’autres à l’école ? On s’attend
certes à observer des variations entre les personnes, mais pourquoi ces
variations systématiques entre les groupes sociaux ? Pour le sociologue, les
différenciations sociales de réussite ne sauraient refléter des inégalités
d’aptitudes innées, car on voit mal par quels processus la hiérarchie des
aptitudes coïnciderait de manière aussi étroite avec la hiérarchie sociale. Et
il paraît quelque peu simpliste de penser que les hiérarchies scolaires, les
jugements des maîtres qu’elles reflètent ou les contextes d’apprentissage
inégaux dont elles résultent, notamment, puissent suivre fidèlement la
hiérarchie des aptitudes des élèves… Même si le débat autour des aptitudes
(et leur possible caractère inné) resurgit périodiquement, notamment dans
les pays anglo-saxons (cf. par exemple Marks et Connell, 2021), la
perspective sociologique va privilégier deux grandes directions de
recherche1. D’une part, dès lors qu’on connaît la grande diversité des
environnements familiaux (Lahire, 2019), y a-t-il des pratiques éducatives
familiales qui de fait prépareraient mieux l’enfant aux exigences tant
cognitives que normatives et comportementales de l’institution scolaire ?
D’autre part, puisque c’est dans l’institution scolaire telle qu’elle fonctionne
à un moment et dans un contexte donnés que certains enfants sont en
difficulté tandis que d’autres réussissent, comment fonctionne l’école elle-
même ? On s’intéressera alors aux contenus des programmes, aux pratiques
pédagogiques, et aux enseignants qui les mettent en œuvre, avec à la clé des
inégalités de réussite plus ou moins marquées ; en outre, les comparaisons
internationales seront particulièrement heuristiques, pour élucider pourquoi
l’ampleur des inégalités sociales de réussite varie d’un pays à l’autre.
Pour produire des connaissances sur ces questions, le sociologue
mobilise tout un « métier » : mettant entre parenthèses ce qu’il croit savoir
– a fortiori ce qu’il préférerait observer –, il prend du recul par rapport à la
façon commune de poser tel ou tel « problème social » chez les
professionnels de l’éducation, les politiques ou les médias, et définit une
hypothèse proprement sociologique, mettant en relation des concepts
relativement abstraits (rapport au savoir, stratégies…). Ses hypothèses sont
ensuite testées à l’aune de données empiriques, construites grâce à des
méthodes variées (observation des interactions en classe, analyse du
contenu des manuels, enquêtes sur les trajectoires des élèves, entretiens
auprès des enseignants ou des parents…). Avec l’interprétation de ces
données s’arrête théoriquement le travail du sociologue, bien qu’il puisse
aussi en accompagner la diffusion, ou ne pas se désintéresser de leur
éventuelle utilisation politique, voire, parfois, assumer un rôle d’expert.
Un champ de recherche vivant
En France, la sociologie de l’éducation constitue un domaine de
recherche à la fois ancien et relativement neuf. Ancien, car dès la fin du
siècle dernier, Durkheim faisait de l’intégration – comment « tient » une
société ? – le thème majeur de la sociologie, l’analyse de la manière dont
les individus sont « socialisés », notamment à l’école, prenant ainsi une
importance cruciale. Mais il faut attendre les années 1960 pour que les
sociologues français engagent des recherches empiriques sur le système
scolaire. Leurs collègues anglo-saxons l’avaient fait dès l’après-guerre :
ainsi, en Grande-Bretagne, grâce aux commandes de gouvernants soucieux
d’instruire leurs décisions, la sociologie de l’éducation a trouvé ses
premiers bailleurs de fonds et surtout a forgé ses premières armes en
analysant sur une base quantitative (ce qu’on a appelé l’« arithmétique
politique ») la question des inégalités sociales à l’école (Karabel et Halsey,
1977).
En France, les grandes enquêtes statistiques des années 1960-1970 vont
tenter de répondre aux préoccupations sociopolitiques de l’époque, comme
la contribution de l’éducation à la croissance économique, la
démocratisation du système scolaire, etc. Elles ont fait apparaître au grand
jour les inégalités sociales d’accès et de réussite à l’école, ce qui constituait
en soi un fait social non dépourvu d’incidences politiques. Elles
interrogeaient aussi sur le plan théorique, puisqu’il ne s’avérait pas suffisant
d’ouvrir plus largement les portes de l’école ou d’unifier les filières pour
atténuer les inégalités sociales en son sein. Les années 1970 ont vu se
développer des lectures théoriques, posant que pour comprendre ce qui se
passe à l’école (et notamment les inégalités de réussite), c’est la fonction
réelle qu’elle remplit dans la société qu’il convient d’analyser. Cette vision
structurelle a été très prégnante à cette période, mais il est vite apparu
qu’elle permettait difficilement de penser l’histoire et les changements
sociaux, et tendait en outre à démobiliser les acteurs confrontés à des
« causes » hors de leur portée.
Depuis les années 1970, la sociologie de l’éducation s’attache de plus en
plus à ouvrir la « boîte noire », pour comprendre par quels processus et à
travers quelles interactions sont produites ces grandes tendances que la
« macrosociologie » met en exergue, notamment les inégalités sociales face
à l’école, dont les statistiques confirment la relative stabilité. On passe
d’une focalisation sur le système à une attention grandissante pour ses
modalités concrètes et ses acteurs. L’intérêt se déplace vers les programmes
scolaires, les relations dans la classe, l’élaboration d’un consensus au sein
des établissements (ou au contraire, la montée de la violence), l’insertion de
l’école dans son environnement, etc. La question du type d’acteur que
fabrique l’école est également posée, ce qui requiert de « se placer du point
de vue des élèves et pas seulement du point de vue des fonctions du
système » (Dubet et Martucelli, 1996b). Il en découle une curiosité
croissante pour des niveaux d’analyse tels que l’établissement ou la classe,
et la mise en œuvre de méthodologies qualitatives. De nouveaux cadres
théoriques s’affirment, ainsi que de nouveaux concepts – habitus, stratégie,
rapport au savoir, expérience scolaire… –, dès lors que ce sont les acteurs
eux-mêmes qui sont au cœur des analyses. Les sociologues de l’éducation
sont ainsi amenés à collaborer de plus en plus avec les spécialistes du
travail, de la jeunesse ou de la famille, sur des thèmes tels que l’entrée dans
la vie d’adulte ou les relations famille/école, avec des didacticiens ou des
psychologues, sur des thèmes tels que les apprentissages ou l’estime de soi,
ou encore avec les économistes dans la conduite et l’exploitation de larges
enquêtes statistiques sur les scolarités, même si l’on peut juger que ces
décloisonnements disciplinaires sont encore timides. Toujours est-il que de
plus en plus, il apparaît clairement que toute la sociologie de l’éducation ne
se réduit pas à la sociologie des inégalités sociales face à l’école à laquelle
on la réduit souvent.
À cette moindre frilosité disciplinaire est venue s’ajouter, notamment
depuis ces dernières décennies, la montée en puissance des enquêtes
internationales, sur lesquelles les sociologues et, de plus en plus
fréquemment, les économistes se penchent assidûment. Depuis celles
initiées par l’IEA – International Association for the Evaluation of
Educational Achievement – au début des années 1960 jusqu’au vaste
dispositif PISA (programme international pour le suivi des acquis des
élèves), lancé en 2000, ces enquêtes délivrent des données inédites sur les
performances des élèves, données a priori très intéressantes pour les
chercheurs, tant on sait, depuis Durkheim, que la comparaison est, pour la
sociologie, le substitut à des expérimentations le plus souvent impossibles.
Elles permettent en particulier de tirer parti de la variété internationale des
modes d’organisation des systèmes pour mieux comprendre les facteurs de
contexte qui influent sur les performances des élèves et les inégalités
afférentes. Certes, elles sont construites d’une manière que le sociologue
jugera souvent quelque peu réductrice2 ; ainsi, concernant les
caractéristiques du contexte scolaire, elles n’observent que des paramètres
facilement observables et manipulables (taille des écoles, par exemple),
mais des efforts récents sont faits pour inclure certains facteurs plus
qualitatifs (modalités des relations maîtres/élèves, ou bien-être de ces
derniers, par exemple). Malgré leurs limites, ces données comparatives
stimulent sans conteste la recherche en éducation et inspirent parfois des
politiques vigoureuses, comme on l’a vu par exemple en Allemagne suite à
la mise en évidence, par les premières enquêtes PISA, de résultats en
moyenne relativement médiocres, assortis d’inégalités importantes. En
France, elles induisent une polarisation des débats autour des inégalités
sociales – particulièrement fortes dans notre pays –, et des diverses pistes
politiques possibles pour les contrer – mixité sociale, autonomie des
établissements, priorité aux premiers niveaux d’enseignement (etc.) –, aux
dépens peut-être de réflexions portant davantage sur la finalité de
l’enseignement – quel jeune veut-on former ? –, tant la visibilité du
palmarès entre les pays occupe aujourd’hui le devant de la scène.
Les enquêtes internationales devraient aussi stimuler les travaux sur les
acquis scolaires et les compétences des adultes – champ actuellement très
lacunaire : en effet, les données du programme PIAAC de l’OCDE –
Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes –
permettent de comparer au fil des générations et entre les pays non
seulement le niveau moyen des compétences littéraires et numériques, mais
aussi l’ampleur des inégalités sociales en la matière et les liens entre les
acquis scolaires à 15 ans (évalués par les enquêtes PISA) et ce qu’il en reste
à l’âge adulte, du fait des conditions de vie et de travail. On sait en effet que
tout ne se joue pas à l’école : la corrélation entre le niveau d’études et les
compétences manifestées à l’âge adulte n’est que de 0,57 (loin de ce que
serait une corrélation parfaite égale à 1), tant on apprend dans la vie de tous
les jours, avec émergence (ou réduction) de nouvelles inégalités à niveau
d’études identique (Murat, 2021b). La sociologie des inégalités scolaires
n’épuise donc pas toute la sociologie des inégalités !
Initier à l’« imagination
sociologique »…
Partant, dans une première partie, d’une description des structures qui
« cadrent » aujourd’hui les phénomènes scolaires – politiques éducatives,
régularités statistiques dans le déroulement des carrières, relations entre
formation et emploi –, nous examinerons ensuite les processus qui
produisent ces réalités structurelles, dans des contextes variés – la
communauté locale, l’établissement –, et à travers des comportements
d’acteurs – enseignants, familles, élèves. Ces différentes recherches
s’avèrent complémentaires, sachant qu’un des défis posés à la sociologie de
l’éducation d’aujourd’hui, c’est précisément de penser l’articulation entre
les processus et les interactions d’une part, le contexte et les structures, de
l’autre. C’est notamment l’enjeu des constructions théoriques sur l’école,
que nous présentons dans un dernier chapitre.
Devant l’abondance et la variété des recherches, ce serait une gageure
que de prétendre réaliser un bilan exhaustif des acquis de la sociologie du
système scolaire. Le parti retenu dans cet ouvrage est à la fois plus modeste
et, d’une certaine manière, plus ambitieux. Plus modeste, car il n’est ni une
somme ni un traité, mais bien un ouvrage d’initiation. On n’y trouvera pas
de compte rendu fidèle (et respectueux) des grands auteurs, pas plus qu’une
présentation exhaustive (et diplomatique) de l’ensemble de la production
contemporaine en ce domaine, qu’il s’agisse de la production de langue
française, ou, a fortiori, de l’imposante production anglo-saxonne. La
synthèse présentée ici repose donc inévitablement sur des choix ; elle
dépend en outre du développement de la recherche sur tel ou tel thème.
Notons que nous avons à dessein gardé, dans cette dernière édition, des
références anciennes, en ce qu’elles attestent du caractère cumulatif des
connaissances engrangées sur les questions scolaires1. Notre objectif est de
convaincre qu’il ne s’agit pas là que de questions de valeurs ou d’opinions,
mais que la sociologie peut, en ce domaine comme dans d’autres et en
collaboration avec les disciplines voisines, produire un savoir fiable et
cumulatif, mais aussi en constant renouvellement, comme l’école elle-
même.
Tout aussi important, il s’agit également de montrer le sociologue en
action : autant que faire se peut, on soulignera la façon dont les résultats ont
été « fabriqués », invitant le lecteur, non seulement bien sûr à se reporter
aux références originales, mais à cerner en quoi tout résultat est
fondamentalement à discuter, et en quoi, aussi, l’objet étudié gagnerait
parfois à des approches disciplinaires voisines, psychologiques ou
économiques. On entend par là stimuler un questionnement sociologique
sur l’école, sans prétendre fournir des conclusions définitives ou un savoir
figé. Si, dans un domaine aussi « chargé » en émotions et jugements de
valeur, le lecteur apprenait à prendre du recul par rapport aux explications
spontanées, à « regarder derrière le décor », à relier des choses qui
paraissent sans rapport, à comparer des explications alternatives, bref à
mettre en œuvre une véritable « imagination sociologique » (Mills, 1959),
l’objectif de cet ouvrage serait atteint.
Cette initiation à la sociologie de l’école vise bien sûr les apprentis
sociologues des universités, pour qui ce domaine constitue un point de
passage obligé. Ils y trouveront, autour de thèmes aussi généraux que la
socialisation et l’intégration, à la fois des constructions théoriques de
valeur, et un ensemble de résultats empiriques relativement cohérents et
cumulatifs, ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres champs de la
sociologie (Passeron, 1988). En outre, à travers l’évolution qu’elle a connue
ces trente dernières années, la sociologie de l’éducation est un reflet
éclairant de la sociologie dite générale (Van Haecht, 1998).
Notre conviction est qu’il est tout aussi important que les acteurs du
système scolaire eux-mêmes, et notamment les enseignants, se familiarisent
avec cette approche sociologique de l’école. Certes, l’utilité de cette
initiation n’est pas évidente au quotidien, car dans le « feu de l’action »,
distanciation et analyse ne sont pas toujours prioritaires. Mais dans les
phases de recul, quand on tente d’analyser ce qui s’est passé dans sa classe
ou dans son établissement, un éclairage sociologique peut s’avérer très
utile. En particulier, les acquis de la recherche font parfois apparaître que ce
qui était vécu comme une difficulté personnelle ou une anecdote
particulière résulte en fait de mécanismes plus généraux, sur lesquels on
dispose de certaines connaissances. En outre, une initiation à la recherche
sociologique, une confrontation avec ses questionnements et ses résultats,
peuvent promouvoir une attitude de distanciation par rapport aux biais liés à
l’implication personnelle, d’anticipation des effets et d’évaluation critique
de ses propres actions.
Enfin, l’évolution actuelle de la sociologie de l’éducation, tournée de
plus en plus vers l’élucidation des processus par lesquels se fabriquent au
quotidien les phénomènes scolaires, donne encore plus de poids à cette
conviction de Bourdieu : « de même qu’elle dénaturalise, la sociologie
défatalise ». Ainsi, là où l’on parlait de « don » pour expliquer les inégalités
de réussite, les travaux des sociologues montrent que la réussite résulte de
mécanismes sociaux précis, sur lesquels on peut tenter d’agir dès lors qu’on
le juge souhaitable. Alors, la sociologie de l’école comme outil pour cerner
des espaces de liberté, des marges de manœuvre ? Ce serait là une raison de
plus pour inciter tous les acteurs du système scolaire, y compris les
responsables politiques, à faire un bout de chemin avec le sociologue.

Orientation bibliographique

Pour une découverte…


BARRÈRE A., SEMBEL N., 2005, Sociologie de l’éducation, Paris, Nathan.
BLANCHARD M., CAYOUETTE-REMBLIÈRE J., 2016, Sociologie de l’école,
Paris, La Découverte.
DUBET F., DURU-BELLAT M., 2020, L’école peut-elle sauver la
démocratie ?, Paris, Seuil.
DURU-BELLAT M., VAN ZANTEN A. (dir.), 2009, Sociologie du système
éducatif. Les inégalités scolaires, Paris, PUF.
FELOUZIS G., 2020, Les inégalités scolaires, Paris, PUF (Que sais-je ?).
RAYOU P., 2015, Sociologie de l’éducation, Paris, PUF (Que sais-je ?).
Voir aussi les divers rapports du CNESCO (cnesco.fr).
Lectures d’approfondissement
APPLE M., BALL S., GANDIN L., 2010, The Routledge International
Handbook of the Sociology of Education, New York, Routledge.
HALLINAN M. (dir.), 2000, Handbook of the Sociology of Education, New
York, Kluwer Academic.
LAUDER H., BROWN P., DILLABOUGH J.-A., HALSEY A. H., 2006,
Education, Globalization and Social Change, Oxford, Oxford University
Press.
VAN ZANTEN A., RAYOU P. (dir.), 2017, Dictionnaire de l’éducation, Paris,
PUF.
PREMIÈRE PARTIE

L’école dans la société


Chapitre 1
Les politiques scolaires
Pour le sociologue, l’école n’est pas seulement un lieu de rencontre entre
des acteurs individuels, mais aussi un espace politique, car l’institution
scolaire est investie par des groupes internes à l’État ou agissant en
interaction avec lui dans une optique stratégique, c’est-à-dire à travers des
politiques qui visent à orienter et transformer son fonctionnement.
L’analyse de ces politiques, des visées des groupes qui les ont élaborés et
des processus qui conduisent à leur institutionnalisation ou à leur rejet, ainsi
que celle des effets qu’elles produisent à court et à long terme, sont des
dimensions essentielles d’une sociologie de la scolarisation.

Une approche socio-historique


des finalités et des changements
institutionnels
L’étude des politiques publiques ne peut se contenter de retracer les
changements institutionnels en ignorant les justifications morales et
intellectuelles indispensables à l’action réformatrice dans les régimes
démocratiques. Ces justifications sont plus importantes dans le champ de
l’éducation que dans d’autres champs de l’action publique car les choix
s’y font le plus souvent au nom de grandes valeurs universalistes et
s’accompagnent d’intenses débats intellectuels dont les médias se font
l’écho (Sawicki, 2012 ; Pons, 2014b). Pour les analyser, le recours à
l’histoire s’avère indispensable car les valeurs et les idées qui fondent les
finalités des systèmes d’enseignement et orientent leur fonctionnement se
déploient sur la longue ou moyenne durée (Durkheim, 1938 ; Isambert-
Jamati, 1970). Il est cependant impossible de cerner en quelques pages
cette évolution. La démarche suivie ici, qui est celle du sociologue et non
pas de l’historien, se donne un but plus modeste : celui de reconstruire
quelques étapes clé dans la réorientation des débats et la transformation
des arrangements institutionnels au cours des deux derniers siècles.

La laïcité et la place des religions


à l’école
L’idéal de laïcité, qui émerge avec la Révolution (1789-1799), mais
s’affirme comme modèle d’organisation de l’espace public avec
l’avènement de la Troisième République (1875-1940) est une
construction originale et complexe qui a marqué durablement le système
éducatif français. Cette construction articule plusieurs dimensions. Une
dimension cognitive tout d’abord. L’influence des Lumières et
l’influence positiviste conduisent les défenseurs de la laïcité à mettre
l’accent sur le rôle de la connaissance dans le développement d’individus
autonomes, dans le maintien et la justification de la division du travail et
dans le progrès intellectuel et social. Une dimension normative ensuite
car à la prétention de l’église à exercer une direction morale s’oppose au
tournant du XIXe siècle la volonté des républicains de promouvoir, au
travers de la laïcité, une éthique collective qui ne soit pas absorbée par le
religieux. Une dimension politique enfin, car seul l’État apparaît en
mesure d’incarner ce modèle universel, de limiter l’emprise des
structures traditionnelles, et notamment du pouvoir ecclésiastique, et de
réduire la diversité locale (Déloye, 1994 ; Baubérot, 1997).
Cet idéal de laïcité a fortement structuré en France les rapports entre
l’enseignement public et l’enseignement privé catholique. Une donnée
historique centrale dans l’évolution de ces rapports est la séparation de
l’Église et de l’État (1805) et la création de l’Université Impériale par
Napoléon Ier qui amorce un puissant mouvement de sécularisation et
conduit l’Église à renoncer officiellement au contrôle des institutions
scolaires et à demander l’instauration de la liberté de l’enseignement (Prost,
1968). Cette liberté est consacrée par la loi Guizot (1833) pour
l’enseignement primaire et la loi Falloux (1850) pour l’enseignement
secondaire. Les écoles privées et publiques sont alors distinguées par la
nature de leur financement, mais non point par le contenu de l’instruction
(la religion est au programme de toutes les écoles), ni par le statut des
maîtres (religieux et religieuses enseignent dans les écoles primaires
publiques avec des laïques). Ces transformations juridiques favorisent un
double mouvement : un essor très important des congrégations
enseignantes, et l’émergence d’un conflit idéologique entre les instituteurs
et les professeurs non congréganistes et les autorités ecclésiastiques, ces
dernières n’ayant pas renoncé à exercer une « direction morale » en matière
d’enseignement.
Avec l’avènement de la Troisième République, le conflit change de
nature car à l’idéologique, s’ajoutent le social et le politique. Cela se traduit
par le basculement du religieux, qui n’est plus considéré comme source de
la morale commune, vers une sphère privée dont l’importance est laissée à
l’appréciation individuelle et par l’association de la neutralité
confessionnelle à l’engagement républicain partisan et patriotique de l’école
publique (Déloye, 1994). Cette double évolution explique que les lois de
1882, de 1886 et de 1889, qui érigent l’enseignement primaire en service
public, se traduisent par la laïcisation des programmes (suppression de
l’enseignement du catéchisme), des locaux (interdiction d’accès aux
ministres des cultes) et du personnel enseignant (exclusion des
congréganistes de l’école publique), mais non par la disparition des écoles
libres rétribuées par ses usagers. Elle explique aussi les mouvements
contrastés qui résultent de la mise en œuvre de ces lois. On constate, d’une
part, une accommodation aux us et aux coutumes locaux, prônée par Jules
Ferry lui-même et, d’autre part, le développement dans certaines régions
d’une « guerre scolaire », centrée sur le contenu des manuels des écoles
publiques et qui durera au moins trente ans, entre, d’un côté, les nouvelles
élites républicaines et les maîtres et, de l’autre, des notables et des familles
antirépublicaines (Prost, 1968).
Les tensions entre laïques et catholiques ont ensuite été ravivées par les
mesures prises à partir de 1948 par le gouvernement de Vichy en faveur du
financement public de l’enseignement privé qui suscitent notamment
l’indignation des syndicats de la Fédération de l’Éducation Nationale (FEN)
(Cahon, 2020). Néanmoins, depuis la deuxième guerre mondiale et de façon
accélérée depuis les années 1970, des tendances de fond fragilisent les
bases cognitives et normatives de la laïcité. D’une part, à la critique
sociologique du savoir comme forme sociale de domination amorcée par les
travaux de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (1964, 1970 ; cf.
chapitres 6 et 10), s’est greffée une critique plus vaste de la science comme
vecteur de risques, ce qui ne peut qu’éroder la croyance dans le rôle
émancipateur et progressiste de l’école publique laïque. D’autre part, le
relativisme des valeurs et l’émergence de revendications égalitaires fondées
non pas sur l’idéal d’une égale dignité de tous les citoyens, mais sur la
reconnaissance de l’identité et du besoin d’auto-réalisation de chaque
individu ou de chaque groupe au nom d’un nouvel idéal d’« authenticité »
(Taylor, 1997), questionnent fortement le modèle laïque d’inculcation d’un
code commun.
Ces critiques ont contribué à un renouvellement des rhétoriques
politiques et des dynamiques scolaires. Au lendemain de la deuxième
guerre mondiale, l’État, mettant en avant l’importance de la tâche à
accomplir pour répondre à la demande sociale d’enseignement, se présente
comme le garant d’une pluralité d’idéologies, et redéfinit ainsi de façon
radicale la séparation entre espace public et espace privé (Tanguy, 1972).
L’idée centrale du texte de la loi Debré (1959) est en effet celle d’un contrat
d’association entre l’État et des établissements scolaires privés qui
répondent à un « besoin scolaire reconnu » localement mais dont on
continue à admettre le « caractère propre ». L’enseignement catholique met
alors à profit l’aide financière substantielle qu’il obtient ainsi de l’État pour
élever le niveau de qualification des maîtres, s’aligner sur les structures de
formation de l’enseignement public et opérer une importante réorganisation
administrative (Prost, 1981). Tirant parti du fait que la notion de « caractère
propre » n’est pas définie par la loi et permet aux établissements de mettre
en avant leur projet spirituel, mais aussi éducatif ou pédagogique, ces
derniers s’en servent parallèlement pour promouvoir des offres « sur
mesure » permettant d’attirer diverses catégories d’usagers (Ballion, 1980 ;
Poucet, 2009, 2011).
C’est par rapport à ces évolutions qu’il faut analyser l’échec du grand
projet du ministre Savary (1984) qui visait à rapprocher les deux réseaux
dans le cadre d’une rénovation d’ensemble du système scolaire. Les
responsables de l’enseignement privé, forts de leur image positive auprès de
l’opinion, et les défenseurs de l’école laïque, soucieux des effets de
l’introduction du pluralisme au sein du système public, ont refusé la
coordination des deux enseignements alors que les parents ont défendu dans
la rue une conception de l’éducation où la qualité est de plus en plus
associée à l’existence d’une offre scolaire diversifiée (Prost, 1993). Cette
conception s’est largement diffusée au cours des trente dernières années
avec l’appui explicite ou implicite de l’État, l’offre scolaire privée étant
présentée comme complémentaire par rapport au service public
d’éducation, voire comme partie intégrante de ce dernier (Dutercq, 2011 ;
Pons et al., 2015).
La crise de l’idéal laïque apparaît en outre moins actuellement dans la
confrontation avec un idéal catholique qui a beaucoup perdu de sa
cohérence, malgré l’attractivité des établissements qui s’en réclament, que
dans la confrontation avec d’autres religions et d’autres cultures (Clément,
2017). Cette nouvelle situation est étroitement liée à l’installation durable
sur le sol français de populations arabo-musulmanes et à l’intégration de
leurs enfants dans les établissements d’enseignement pour des périodes de
plus en plus longues en lien avec l’allongement des études (Ichou et van
Zanten, 2019). Depuis une quinzaine d’années, on observe l’ébauche de
nouveaux compromis, cependant très instables, comme l’illustre la gestion
politique des affaires de « foulard islamique ». Interpellé par la première
affaire en 1989, le ministre de l’Éducation, Lionel Jospin, a refusé de
prendre position et demandé l’avis du Conseil d’État. Celui-ci a prôné une
« laïcité ouverte » en estimant que « dans les établissements scolaires, le
port par des élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur
appartenance à une religion n’est pas, par lui-même, incompatible avec la
laïcité », sous réserve qu’ils ne constituent pas des actes de prosélytisme et
ne perturbent pas l’ordre dans les établissements d’enseignement.
Confirmée par la jurisprudence ultérieure, cette position était en décalage
avec les positions d’une large majorité de professionnels de l’éducation et
d’une grande partie de l’opinion publique qui s’opposent au port du voile au
nom du respect de la laïcité mais aussi de la lutte contre l’imposition d’un
ordre patriarcal sur les femmes de confession musulmane. C’est pourquoi,
en 2004, une nouvelle loi a été votée qui interdit plus fermement le port de
signes religieux ostensibles à l’école (Galembert, 2009 ; Ferhat et al.,
2019).
La gestion des « affaires de foulard » ne constitue toutefois qu’une
dimension, la plus médiatisée, des politiques éducatives en direction des
immigrés. En fait, dès les années 1970, on observe l’émergence de
politiques éducatives partiellement « différencialistes » en rupture avec le
modèle « assimilationniste » en vigueur jusqu’alors. Ici, l’évolution du rôle
de l’État est plus ambiguë et plus complexe (Morel, 2002 ; Doytcheva,
2007). Au début des années 1970, est ainsi officialisée l’existence des
classes d’initiation et d’adaptation pour faciliter l’intégration des enfants
étrangers en accélérant l’acquisition de la langue française par les non-
francophones et l’incorporation par tous des normes scolaires et culturelles.
À cette même époque furent également progressivement institutionnalisés,
dans les écoles élémentaires comportant une forte proportion d’élèves issus
de l’immigration, des Enseignements de Langues et Culture d’Origine
(ELCO) assurés par des enseignants étrangers. Un peu plus tard, des
Centres de Formation et d’Information pour la Scolarisation des Enfants de
Migrants (CEFISEM) virent le jour et conçurent une ébauche de pédagogie
interculturelle. Ces structures en direction de ceux qu’on appelle désormais
« des élèves nouvellement arrivées en France (ENAF) » persistent, mais
occupent une place marginale dans le système éducatif. À partir des années
1980, c’est aux problèmes d’intégration sociale des élèves issus de
l’immigration que divers dispositifs de lutte contre l’exclusion au sein des
zones d’éducation prioritaires (ZEP), dont il sera question plus bas (cf.
également chapitre 4) et de la politique de la ville, cherchent à apporter une
solution (Ichou et van Zanten, 2019). En revanche, on constate en France un
faible intérêt pour des « politiques de reconnaissance » visant la prise en
compte de la diversité des élèves en vigueur dans d’autres pays qui ont
néanmoins des effets limités dès lors qu’elles passent sous silence les
inégalités socio-économiques entre les élèves (Power, 2012 ; Bélanger,
2019).
La laïcité, et notamment l’idée qu’il faut développer une nouvelle
« pédagogie de la laïcité » destinée à combler les lacunes culturelles des
élèves et favoriser le partage des valeurs républicaines par le biais de
débats, ont néanmoins continué à faire leur chemin au gré de circulaires
(Ferhat, 2019). Le rapport commandé à Régis Debray et publié en 2002 a
joué un rôle dans ce sens malgré le flou entourant la définition des « faits
religieux » dont ce dernier encourageait l’enseignement (Rota, 2021). Mais
ce sont surtout les attentats de janvier 2015 qui ont contribué à mettre en
première ligne le rôle de l’école en matière de formation à la citoyenneté, y
compris sous de formes renouvelées comme la lutte contre les théories
« complotistes » circulant parmi les élèves (Haderbache, 2018) et qui ont
favorisé la promulgation d’une réforme de l’enseignement moral et civique
en cours d’élaboration depuis 2012. La mise en œuvre de cette réforme se
heurte néanmoins à l’attachement des enseignants à une norme de neutralité
impliquant l’évitement de questions controversées et à leur tendance à
associer la citoyenneté au pur exercice intellectuel d’un « esprit critique »
(Bozec, 2018). Elle fait par ailleurs l’objet de réappropriations différentes
allant de la résistance à l’adhésion en passant par l’adaptation pragmatique
en fonction des modes de socialisation professionnelle des différentes
générations d’enseignants (Douniès, 2021a). Enfin, dans des établissements
concentrant de fortes proportions d’élèves de confession musulmane, les
enseignants éprouvent de grandes difficultés à prendre en compte les
représentations sociales et les réactions émotionnelles de ces élèves
(Lorcerie et Moignard, 2017).

L’égalité et la démocratisation
de l’enseignement
Au cœur du modèle de l’école moderne se trouvent également les idéaux
d’égalité et de méritocratie, c’est-à-dire la volonté de ne reconnaître
comme légitimes, dans des sociétés démocratiques, que les inégalités
liées à la valeur de chacun telle qu’elle peut être évaluée par les épreuves
scolaires. L’égalité et le mérite sont néanmoins des notions très abstraites
dont la définition a évolué dans le temps en lien avec les transformations
sociales et politiques et celles de l’école elle-même. Au XIXe siècle, ces
notions sont étroitement liées à la nécessité pour l’État et pour la classe
moyenne émergente de bouleverser les hiérarchies sociales fondées sur la
naissance et l’argent en vue notamment de l’accès à des fonctions placées
sous la responsabilité de l’État (Green, 1990 ; Meyer, Ramirez et Soysal,
1992). En revanche, dans la première moitié du xxe siècle, le mérite
apparaît comme une valeur centrale pour répondre aux nouveaux besoins
de l’économie par l’élargissement de la base de recrutement de l’élite en
fonction des aptitudes, mais aussi pour légitimer l’existence d’inégalités
dans l’accès aux différentes positions sociales. La notion d’égalité des
chances fait alors son apparition, visant moins l’égalité scolaire que
l’établissement d’inégalités sur une base juste (Goldthorpe, 1996 ; Dubet,
2004b, 2019 ; Duru-Bellat, 2009a).
Graphique 1. Schéma des transformations
de l’enseignement secondaire au cours
du XXe siècle.
Source : C. Lelièvre, Histoire des institutions scolaires 1789-1989,
Paris, Nathan, 1990.
À ces visions de l’égalité et du mérite correspondent des politiques de
démocratisation « quantitative » de l’enseignement, c’est-à-dire d’ouverture
progressive du système d’enseignement à des couches sociales qui en
étaient autrefois exclues (Prost, 1986). Ainsi définie, la démocratisation se
réalise d’abord au niveau de l’enseignement élémentaire : la première tâche
que se donnent les ministres de l’Instruction publique au XIXe siècle est celle
d’apprendre à lire, à écrire et à compter à tous les petits Français. La
politique scolaire s’inscrit néanmoins dans un contexte favorable car
l’alphabétisation, grâce à l’œuvre de l’Église mais aussi des communautés
locales, était déjà très avancée dans de nombreuses régions (Furet et Ozouf,
1977). Cette scolarité élémentaire est celle des enfants du peuple et de la
petite bourgeoisie. Les enfants issus des milieux bourgeois fréquentent aux
mêmes âges les petites classes de lycée et intègrent un enseignement
secondaire qui, au XIXe siècle, n’est accessible qu’à une infime minorité
d’enfants : moins de 5 % d’entre eux le fréquentent en 1876 et une très
grande proportion l’abandonne en cours de route pour des raisons
économiques (la longueur des études et leur caractère payant découragent
les familles de la petite-bourgeoise et des milieux populaires), et
institutionnelles (les cursus n’offrent aucune continuité entre
l’enseignement primaire et l’enseignement classique des lycées).
L’ouverture de l’enseignement secondaire à d’autres catégories sociales a
lieu d’abord grâce au développement des enseignements intermédiaires.
L’enseignement spécial, les enseignements techniques, mais surtout les
écoles primaires supérieures et les cours complémentaires, ces « collèges du
peuple » selon une expression de l’époque reprise par Briand et Chapoulie
(1992), ont favorisé la prolongation des études de nombreux enfants issus
de milieu modeste dans la seconde moitié du XIXe siècle, leur permettant
ainsi d’avoir accès à des emplois d’encadrement moyen. C’est également
grâce à l’intégration progressive de ces enseignements dans le secondaire
classique que celui-ci s’est ouvert à une nouvelle clientèle dans la première
moitié du XXe siècle (cf. Graphique 1). En fait, au moment où triomphe,
après de multiples avatars, l’idée de création d’un secondaire unifié, la
démocratisation de l’enseignement par le prolongement des enseignements
post-primaires était déjà bien avancée grâce à un enseignement proche par
son contenu de la culture des milieux populaires, pouvant, par le caractère
souple de son organisation, s’adapter à des contextes locaux variés, et
proposant des débouchés moins ambitieux que ceux des lycées (Prost,
1986 ; Briand et Chapoulie, 1995 ; Chapoulie, 2010).
Ces transformations n’ont pas été perçues par les promoteurs de « l’école
unique » pour qui seule l’existence d’un tronc commun pouvait permettre
d’élargir la base sociale du recrutement de l’élite. C’est ce que préconisent
le projet Jean Zay (1937), plusieurs projets de la Résistance, et tous les
projets avortés de la Quatrième République, notamment le plan d’Alger
(1944) et sa prolongation, le plan Langevin-Wallon (1947) qui ont abouti
aux transformations institutionnelles de la Cinquième République (Dubet et
al., 2004). Les réformes qui voient alors le jour visent à combiner une école
efficace sur le plan économique et juste sur le plan social. Elles opèrent une
« mise en système » des anciennes filières parallèles et ségrégées dans le
but de canaliser les flux d’élèves (Bongrand, 2012). La réforme Berthoin
(lancée en 1959, mais effective seulement en 1967) constitue une étape
importante de ce processus, malgré la modestie des changements
envisagés : la scolarité obligatoire est portée de 14 à 16 ans et un cycle
d’observation après l’enseignement élémentaire est créé pour tous (6e et 5e).
Mais c’est en fait la réforme Fouchet (1963) qui donne naissance aux
collèges d’enseignement secondaire (CES). Les études s’y déroulent
néanmoins dans quatre sections différentes, dont deux traditionnellement
secondaires (voie I) et deux traditionnellement primaires, le « moderne
court », qui reprend les enseignements des anciens Collèges
d’enseignement général (CEG), et les « classes de transition », destinées à
accueillir, à la place des classes de fin d’études primaires, les élèves
incapables de suivre l’une des trois sections précédentes.
Ce cloisonnement entre des filières ayant des programmes et des
enseignants différents empêchant le premier cycle de jouer son rôle de
période d’observation, le ministre Haby crée enfin par la loi du 11 juillet
1975 le « collège unique », en unifiant les CES et les CEG et en supprimant
les filières en 6e et 5e. L’unification est cependant loin d’être achevée car on
assiste parallèlement à une dévalorisation encore plus forte de certains
diplômes de l’enseignement professionnel comme le CAP et le BEP et à
une hiérarchisation croissante des filières et des options dans
l’enseignement général et technologique qui se maintient jusqu’à
aujourd’hui (Mear et Merle, 1992 ; Tanguy, 2002 ; Convert, 2003). L’accent
mis sur l’orientation répond en fait moins au souci de rénover le système
éducatif qu’à celui de susciter le consentement des élèves à leurs destins
scolaires et professionnels (Lehner, 2018), le palier à la fin de la classe de
5e continuant à jouer un rôle de verrou jusqu’à la moitié des années 1980. À
partir de cette période s’amorce un mouvement de forte égalisation des
carrières scolaires des collégiens mais le maintien d’options permet encore
de subtiles distinctions (Duru-Bellat et Mingat, 1993 ; Broccolichi, 1995).
Au lycée, ce processus de « démocratisation ségrégative » est encore
beaucoup plus marqué, en raison des différences de public entre les
baccalauréats général, technique et professionnel et entre les séries (Merle,
2000) (cf. chapitre 2).
Par ailleurs, dès les années 1960, il devient évident que l’augmentation
du nombre de places et le report du moment de l’orientation ne sont pas
suffisants pour que tous les enfants acquièrent au même rythme les savoirs
et les savoir-faire requis par l’institution. Si la figure du cancre concentrait
déjà les critiques sous la Troisième République (Morel, 2018), le caractère
massif de l’échec scolaire après les réformes de la Cinquième République
en fait un problème social au cœur des analyses et de l’action publique
éducative (Forquin, 1982a-b ; Isambert-Jamati, 1985). L’analyse de ce
phénomène par les psychologues et les sociologues a contribué à mettre en
évidence que les deux dimensions du mérite, le « talent » et « l’effort »,
peuvent être fortement dissociées car il ne suffit pas de travailler pour
réussir (Barrère, 1997 ; Dubet, 2000b). À son tour, la prise de conscience
des imperfections de l’égalité formelle et du mérite a fait émerger des
nouveaux débats sur l’égalité de fait et sur les voies qui permettent de s’en
rapprocher (Savidan, 2007). Deux conceptions entrent alors en tension. La
première correspond à la vision libérale de l’égalité jusqu’alors dominante :
nul ne devrait être empêché de poursuivre la scolarité qu’il mérite ou qu’il
souhaite, le rôle de l’État étant de faire respecter le droit égal pour tous
d’entrer dans la compétition et s’assurer qu’à talent égal, des ressources
égales sont distribuées. La deuxième implique une vision plus sociale : des
procédures spécifiques doivent être mises en œuvre pour éliminer ou
atténuer les facteurs concrets qui placent certaines catégories sociales dans
une situation défavorable devant l’enseignement et pour récompenser leurs
efforts (Meuret, 1994, 1999).
L’introduction de cette deuxième conception, qui relève d’une volonté de
démocratisation « qualitative » de l’enseignement, est évidente dans les
mesures de soutien aux élèves en difficulté prises sous le ministère Haby
(1975-1977), mais apparaît de façon plus éclatante avec l’arrivée de la
gauche au pouvoir et la création des ZEP en 1981 dans l’objectif de
« donner plus à ceux qui en ont le moins ». En raison du flou des objectifs
et de la faible redistribution mise en place, le bilan de cette politique est
néanmoins globalement décevant (Ben Ayed, 2017). Les évaluations
montrent en effet non seulement que la mise en place des ZEP n’a eu aucun
effet significatif sur la réussite des élèves, mesurée par l’obtention d’un
diplôme, l’accès en 4e, en seconde, et l’obtention du baccalauréat (Bénabou,
Kramarz et Prost, 2004) mais que l’appartenance à un établissement ZEP
pénalise légèrement les élèves, notamment ceux initialement en situation
scolaire ou sociale difficile (Meuret, 1994). D’autres études (Caille, 2001)
évoquent en outre des « effets pervers » notamment le fait que si les élèves
de ZEP atteignent plus souvent que d’autres élèves à caractéristiques
comparables scolarisés hors ZEP la seconde générale et technologique sans
avoir redoublé, cela est dû en grande partie à la moindre sélectivité des
pratiques d’évaluation, de gestion des flux et d’orientation des
établissements où ils ont été scolarisés. Ces évaluations ne permettent pas
néanmoins de distinguer clairement les effets imputables à la dégradation
des conditions de vie des populations de ces zones et au caractère
potentiellement stigmatisant du label ZEP d’un côté, et ce qui relève à
proprement parler des effets des actions mises en place de l’autre, ni, à
quelques exceptions (Moisan et Simon, 1997), d’examiner les différences
entre zones et entre établissements (Merle, 1998 ; Kherroubi et Rochex,
2004 ; Rochex, 2016). Par ailleurs, l’institutionnalisation de la politique
d’éducation prioritaire (PEP), encore en vigueur en 2022, a des effets
contradictoires : d’une part, elle a contribué à entretenir l’attention portée
aux inégalités scolaires et à une action ciblée de lutte contre celle-ci
(Fouquet-Chauprade et Dutrévis, 2018) ; d’autre part, au fil des
changements politiques, elle a favorisé l’agrégation de visées et de
pratiques incohérentes inégalement porteuses d’effets positifs (Bongrand et
Rochex, 2016).
Ces constats ont conduit à infléchir la politique ZEP dans le sens d’une
double transition, d’une part, d’une action territoriale à une action ciblant
des populations spécifiques (Rochex, 2010 ; Demeuse et al., 2011), et,
d’autre part, d’une action de lutte contre l’échec vers une action visant
« l’excellence » et la promotion hors de ces zones des élèves les plus
« méritants » (van Zanten, 2009a ; Bongrand, 2011). Un des exemples les
plus emblématiques de ce tournant est celui des politiques dites
« d’ouverture sociale » lancées par les grandes écoles au début des années
2000 et institutionnalisés par le gouvernement sous le label des « cordées de
la réussite » en 2008. Ces politiques reposent sur des interventions auprès
d’un petit nombre d’élèves pour les aider à intégrer des filières sélectives de
l’enseignement supérieur dans l’optique de renouveler la représentation de
groupes défavorisés parmi les élites (van Zanten, 2010, 2017 ; Oberti,
2013). Dans le même esprit, mais avec une vision moins sélective de
l’excellence et en direction d’élèves plus jeunes, sont expérimentés aussi
des « internats d’excellence » au sein desquels les élèves bénéficient de la
possibilité de déroger à la carte scolaire pour accéder à des établissements
très sélectifs hors secteur et offrant une large gamme d’activités culturelles
et sportives (Pirone et Rayou, 2012) ainsi que des parcours d’excellence qui
visent à accompagner des jeunes collégiens des établissements bénéficiant
de la PEP vers des études supérieures ambitieuses grâce à des tutorats et des
visites culturelles (Pavie et al., 2021). À cela s’ajoute l’assouplissement de
la sectorisation, la promotion des élèves défavorisés hors des établissements
de mauvaise réputation étant symboliquement encouragée par la priorité
formelle accordée au critère « boursier » dans l’octroi des dérogations (van
Zanten et Obin, 2010 ; Ben-Ayed et al., 2013).

Efficacité, décentralisation
et autonomie des établissements
La laïcité et l’égalité sont encore les valeurs les plus fortement associées
au modèle français d’éducation dans le discours des responsables
éducatifs. Le thème de l’efficacité gagne néanmoins du terrain en lien,
d’une part, avec les résultats des évaluations et des comparaisons
internationales, notamment celles du programme PISA
(Programme International de Suivi des Acquis des élèves) qui soulignent
depuis plusieurs années la capacité médiocre du système d’enseignement
français à faire progresser tous les élèves, notamment ceux qui
rencontrent le plus de difficultés, et, d’autre part, avec la diffusion des
idées du courant dit de « l’école efficace » qui met en avant le rôle de
facteurs pédagogiques et managériaux dans l’explication de différences
de résultats entre établissements (Normand, 2006 ; Mons, 2007). Mais
l’efficacité est-elle une « valeur » au même titre que la laïcité et
l’égalité ? Son statut à cet égard est ambigu dans la mesure où il s’agit de
définir les problèmes éducatifs comme des problèmes purement
techniques nécessitant la mise en œuvre de savoir-faire spécifiques, mais
dont la définition ferait l’objet d’un consensus tacite (Derouet, 1992).
Autrement dit, la légitimité procédurale prend le pas sur la légitimité
substantielle. Dans cette optique, les questions de rapport coût-avantage
entre plusieurs moyens d’action occupent une place centrale, les
problèmes éducatifs étant attribués principalement, par les nouveaux
cadres administratifs, à une sous-utilisation ou à une mauvaise utilisation
des ressources (Aesbicher, 2012b), de même que l’évolution des modes
de gestion, les divers instruments relevant du « Nouveau Management
Public » étant associés, comme dans d’autres contextes nationaux, à une
plus grande efficacité (Maroy, 2006a et chapitre 4). On constate
notamment, mais à des degrés et sous des formes variées selon les pays,
une montée en puissance d’une régulation par les résultats engendrant
des changements dans le pilotage de l’action éducative à l’échelon
national et aux différents échelons locaux (Maroy et Pons, 2019).
L’idéal d’efficacité inspire très imparfaitement deux grands types de
changements institutionnels. Le premier est un processus de
décentralisation de l’ensemble du système éducatif qui a profondément
bouleversé les équilibres anciens. En effet, la centralisation est un trait
profondément enraciné dans la tradition française. Aux origines de la
centralisation en matière d’éducation, comme dans d’autres domaines de la
vie sociale, on trouve déjà l’action unificatrice de la monarchie, mais c’est
surtout à partir de la Révolution, qui a lié l’idée d’une « éducation
nationale » à celle de l’instauration de la démocratie, que tous les régimes
vont chercher à asseoir leur légitimité sur un enseignement d’État.
Napoléon a donné au secondaire d’État une réalité effective en mettant en
place une corporation ayant un cadre organisationnel, une unité morale et
une inspiration commune. Dans le cadre d’un régime libéral, Guizot a créé
un enseignement primaire d’État qui laisse un espace d’intervention, certes
limité, aux pouvoirs locaux et qui reconnaît la liberté de l’enseignement. La
Troisième République a consolidé l’image de l’État comme interprète de la
volonté générale et comme seul capable de garantir l’égalité devant
l’éducation (Lelièvre, 2004).
La décentralisation du système éducatif français reste encore modeste par
rapport à d’autres pays qui ont entrepris des réformes plus ambitieuses
(Mons, 2004). En effet, le pouvoir central a compétence, non seulement sur
l’orientation générale de la politique éducative, la nature et l’implantation
des écoles, mais aussi sur la définition des examens nationaux, sur les
programmes, contenus et horaires valables sur l’ensemble du territoire
national et sur les méthodes jugées souhaitables pour les mettre en œuvre.
Le corps enseignant est régi par des statuts nationaux et un corps
d’inspecteurs, lui-même très hiérarchisé, a pour fonction l’impulsion et le
contrôle de la politique nationale. Il faut pourtant souligner qu’aussi
importante qu’ait pu être la prise en main de la scolarisation par le pouvoir
central, elle n’a pas empêché l’existence d’un grand pluralisme
institutionnel, ni des formes de concurrence entre établissements au niveau
de l’enseignement secondaire et supérieur. En fait, la critique de l’école
centralisatrice coïncide avec le vaste mouvement d’expansion et de
rationalisation (administrative, institutionnelle et pédagogique) du système
d’enseignement au cours de la Cinquième république qui a donné lieu à une
planification éducative à caractère technocratique (Tanguy, 2002).
Visant, comme dans d’autres pays, à désamorcer les tensions engendrées
par les bouleversements du système scolaire et à permettre à l’État de
retrouver une nouvelle légitimité par un « pilotage à distance » (Weiler,
1990), la décentralisation est néanmoins une politique composite qui
comprend en France trois processus distincts. D’abord la déconcentration
administrative, qui visait au moment de son lancement pendant les
premières années de la Cinquième République à alléger la lourdeur du
fonctionnement étatique en créant des centres de responsabilité dotés d’une
autonomie administrative mais est devenue depuis l’établissement de la
« charte de la déconcentration » (1992) et de la loi sur l’aménagement et le
développement du territoire (1995), une véritable réforme de fond visant à
faire des services déconcentrés un outil d’adaptation du service public aux
besoins différenciés des territoires. Ensuite, la décentralisation territoriale
qui suppose la création de centres de décision indépendants avec une
représentation démocratique à divers échelons géographiques. S’inscrivant
dans le cadre plus global de la réforme institutionnelle de 1982, elle a
attribué à chaque collectivité locale un même bloc de compétences :
construction, reconstruction, extension et fonctionnement des
établissements scolaires. Enfin, la démarche de « territorialisation » des
politiques éducatives qui se fonde quant à elle sur deux principes : la prise
en compte de disparités spatiales en matière d’éducation et l’appui sur
l’échelon local pour les réduire.
Les réformes successives des quarante dernières années, fondées sur une
impulsion étatique de la différenciation territoriale et sur l’appui sur des
expériences locales exemplaires pour faire circuler de « bonnes pratiques »
ou édicter des normes nationales, ainsi que les initiatives des acteurs locaux
ont néanmoins abouti à une relative marginalisation des pouvoirs
déconcentrés face aux pouvoirs territoriaux (Epstein, 2020). On peut ainsi
noter l’accroissement sensible des compétences des Régions dans la
« circulation » des jeunes au sein du système éducatif au cours des années
2010. Celles-ci ont notamment depuis la loi de 2014 relative à la formation
professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, la responsabilité de la
coordination des actions de remédiation, notamment de la lutte contre le
décrochage, et, depuis la loi de 2018 « Pour la liberté de choisir son avenir
professionnel », la responsabilité d’organiser des actions d’information
auprès des élèves, des étudiants et des apprentis sur les métiers et les
formations. Dans les deux cas, on observe une implication régionale très
fortement orientée par le souci de favoriser l’insertion professionnelle
territoriale des jeunes issus des milieux défavorisés (Burban et Dutercq,
2018 ; Pin et van Zanten, 2021).
L’idéal d’efficacité a aussi constitué une des justifications majeures pour
l’octroi d’une plus grande autonomie aux établissements d’enseignement
secondaire. Ces derniers sont devenus, depuis les lois de décentralisation,
des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) et se trouvent
dotés d’une légitimité nouvelle pour développer des politiques
d’établissement leur permettant d’afficher une identité spécifique vis-à-vis
de l’extérieur. On n’a cependant pas encouragé comme dans les pays anglo-
saxons leur « mise en marché » au nom d’une plus grande réactivité aux
besoins des usagers susceptible d’engendrer des effets vertueux en termes
d’efficacité car, pour des raisons étroitement liées aux modèles politiques et
éducatifs qui se sont progressivement imposés après la Révolution, les
hommes politiques et les cadres de l’administration répugnent à associer
directement des valeurs marchandes à l’activité d’enseignement (Derouet,
1992 ; van Zanten, 2000a). Cela n’a toutefois pas empêché le
développement, notamment dans les grandes agglomérations urbaines,
d’« interdépendances compétitives » entre établissements autour de la
rétention et de l’attraction de bons élèves et une implication plus forte de
leurs directeurs dans des stratégies de marketing et de captation des élèves
(van Zanten, 2006 ; Dutercq et Mons, 2015).
Le lien recherché entre efficacité et autonomie des établissements renvoie
également à des transformations internes, les établissements se devant
d’appliquer certains principes du « Nouveau Management Public » inspirés
du management des entreprises, ce qui suppose une nouvelle culture de
l’encadrement dont les chefs d’établissements doivent se faire porteurs.
Cette culture implique tout d’abord des nouvelles relations des proviseurs et
des principaux avec leurs autorités de tutelle qui évoluent dans le sens
d’une régulation à dominante contractuelle par le biais de diagnostics
d’établissements et de contrat d’objectifs et de moyens, permettant ainsi aux
chefs d’établissement de négocier partiellement les orientations et les
ressources de leur action (van Zanten, 2004a). Les chefs d’établissements
sont censés également pouvoir négocier avec les collectivités territoriales,
ce qui nécessite de leur part le développement de compétences nouvelles
(Dutercq et Lang, 2001). Ils peuvent en outre de moins en moins se
contenter de « faire tourner » les établissements, fortement incités qu’ils
sont par leurs supérieurs à les « faire bouger » afin d’y moderniser la
gestion dans le but d’améliorer l’efficacité globale, ce qui engendre ces
tensions entre leurs nouveaux rôles managériaux et leurs missions
éducatives (Dutercq, 2005 ; Barrère, 2006).
Cette nouvelle culture de l’encadrement bouleverse en outre le rapport
traditionnel entre les chefs des établissements et les personnels qui y
travaillent sans donner aux premiers ni la légitimité, ni les pouvoirs en
matière de recrutement, de gestion et d’évaluation des personnels qu’ont
leurs homologues dans d’autres systèmes d’enseignement (Buisson-Fenet et
Pons, 2012 ; Buisson-Fenet 2015). Les chefs d’établissement bénéficient
d’une assez grande légitimité et marge d’action auprès des personnels non
enseignants censées jouer un rôle important d’animation de la « vie
scolaire ». Néanmoins, bien que les questions de sécurité, de surveillance et
d’intégration des élèves soient pour eux un souci croissant par la
responsabilité morale et juridique qui leur est associée, ils répugnent à
s’investir dans ces domaines, moins prestigieux à leurs yeux que celui de
l’enseignement (Kherroubi et van Zanten, 2002). Leurs pouvoirs sont
particulièrement limités concernant l’encadrement des enseignants. Les
chefs d’établissements sont supposés faire évoluer les pratiques
pédagogiques de ces derniers et encourager leur engagement
organisationnel en développant de nouvelles formes de « management
participatif » au travers notamment de la mise en œuvre de projets
d’établissement et d’une régulation de proximité de leur travail (Barrère,
2013) et de la mise en œuvre d’une gestion par les résultats. Ils se heurtent
néanmoins à de profondes résistances individuelles de la part d’enseignants
qui y voient essentiellement des menaces à leur autonomie et des formes de
déprofessionnalisation (Maroy, 2009 ; Dutercq et Lanéelle, 2013 ;
Frajerman, 2019 et chapitre 7). On observe par ailleurs des fortes variations
entre établissements, les relations entre chefs d’établissements et les
enseignants pouvant relever du conflit, de la cohabitation ou de la
collaboration selon les modalités de management et d’accountability
impulsées par les premiers mais selon également le système de relations
professionnelles antérieurement en vigueur dans les collèges ou lycées
(Buisson-Fenet et Pons, 2019).

Une approche analytique


du processus de décision, de mise
en œuvre et d’évaluation
L’examen socio-historique des politiques d’éducation donne un premier
aperçu de la complexité de la relation entre les finalités poursuivies, leur
traduction institutionnelle et leurs effets. Pour le sociologue, cependant,
cette perspective ne saurait suffire. Une approche plus analytique est
nécessaire pour pouvoir dégager comment s’agencent, dans l’élaboration
des politiques, leur mise en œuvre et leur évaluation des idées et des
données, des réseaux d’acteurs, des instruments et des processus propres
au champ de l’éducation ou importés d’autres secteurs (Ball, 1994, 2006 ;
van Zanten, 2014).

Les influences nationales


et internationales et l’autonomie
des politiques d’éducation
Une politique d’éducation suppose une marge d’action, l’analyse d’une
situation, des objectifs et des stratégies coordonnées d’un groupe
d’acteurs mobilisant diverses ressources. La présence de ces différents
éléments est néanmoins difficile à évaluer. Ainsi, en ce qui concerne la
marge d’action, les analyses qui se situent dans le long terme font
généralement apparaître les pesanteurs du social par rapport aux projets
des acteurs. Pour certains chercheurs, cela veut dire non pas qu’il n’y ait
pas de marge d’action pour le politique mais que la décision qui réussit
est celle qui épouse, de façon consciente ou inconsciente, une dynamique
sociale préexistante. Toutefois, à certains moments et notamment quand
les institutions sont inexistantes, affaiblies ou en crise, les choix
singuliers de certains hommes politiques, faits dans le temps court,
exercent une influence déterminante. Cela a été le cas, par exemple, de la
loi Guizot (1833) sur l’enseignement primaire ou, plus près de nous, de la
loi Faure (1968) sur les universités. Les objectifs poursuivis sont loin
d’être toujours clairs pour les acteurs et peuvent être conflictuels non
seulement entre les groupes en présence, mais aussi au sein d’un même
groupe. Les stratégies sont elles-mêmes très difficiles à saisir car elles
sont étroitement imbriquées et peuvent évoluer très rapidement en
fonction des changements de contexte ou des intentions que l’on prête
aux uns et aux autres. Enfin, les ressources, c’est-à-dire l’argent, le
temps, l’investissement militant, le charisme auprès des médias ou de
l’opinion, sont mobilisées différemment et avec un succès inégal suivant
les acteurs et les circonstances (Prost, 1993).
Existe-t-il un modèle français d’impulsion des réformes ? D’après Archer
(1979), le système scolaire français se caractériserait par l’alternance de
longues périodes de latence et de courtes périodes de crise se résolvant
souvent par l’intervention d’une personnalité charismatique. La principale
stratégie de changement y serait la manipulation politique : toutes les
propositions de changement doivent être articulées et négociées dans
l’arène politique centrale. Par ailleurs, les concessions et les compromis
permettant à la réforme de voir le jour ainsi que les modifications
introduites par l’appareil bureaucratique, conduiraient inévitablement à une
dilution importante des fins poursuivies par ses promoteurs, quel que soit le
régime politique. Pour cette raison, aucun des changements institutionnels
imposés par l’appareil politique central ne pourrait réduire de façon
significative l’insatisfaction des groupes d’intérêt qui les ont initiés, cette
insatisfaction donnant lieu alors, soit à des mouvements de protestation, soit
à de nouvelles manipulations politiques qui engendreraient à leur tour, au
bout d’une longue négociation, une nouvelle législation… et le cycle
recommencerait indéfiniment.
Cette analyse permet de comprendre une « non-décision » devenue
célèbre, à savoir la succession de réformes avortées de la Quatrième
République autour du plan Langevin-Wallon d’allongement et
transformation des études secondaires. On assiste dans ce cas à un
déplacement progressif des enjeux initiaux en raison de la faible légitimité
du pouvoir en place et, surtout, des divisions entre les deux ordres
d’enseignement, primaire et secondaire, qui font que, quand la réforme voit
le jour avec la Cinquième République, elle ne satisfait personne et
enclenche plutôt une succession d’autres réformes (Donegani et Sadoun,
1976). En revanche, le modèle théorique d’Archer est moins adapté à
l’analyse de décisions politiques prises rapidement et ayant des effets
immédiatement perceptibles comme la création des baccalauréats
professionnels par le ministère Chevènement (Prost, 1993). Le succès de
cette dernière politique est dû en grande partie à une conjonction de points
de vue entre une puissante organisation patronale, l’Union des industries
métallurgiques et minières (UIMM), le syndicat majoritaire des proviseurs
des lycées professionnels et les représentants du pouvoir politique. Mais il
s’explique aussi par le style politique « personnaliste » et « technocratique »
du ministre qui s’est abstenu de consulter les partenaires traditionnels et a
donné la prééminence aux avis des techniciens du ministère (Solaux, 1995).
D’autres approches tentent de faire le lien entre l’évolution du contenu
des programmes politiques et les alternances liées au système politique
partisan, notamment dans l’optique de mettre en lumière les éléments de
continuité et de rupture entre les politiques éducatives (Robert, 2010).
Toutes les analyses détaillées des politiques éducatives récentes montrent
néanmoins que les clivages droite-gauche sont moins marqués qu’on ne le
pense. Plusieurs raisons concourent à expliquer ce phénomène. Il y a d’une
part la prégnance de l’idéologie démocratique qui fait que les différences
partisanes relèvent d’interprétations plus ou moins divergentes de cet idéal
(Savidan, 2007). On peut néanmoins noter un souci plus affirmé de la part
des hommes politiques de gauche de favoriser l’égalité sociale et une plus
grande répugnance à l’égard des options les plus libérales en matière
d’enseignement. Il y a d’autre part des divisions internes à la droite et à la
gauche qui recoupent des différences dans la conception du rôle de l’école
et des savoirs et dans les styles de décision et, au sein de la gauche, des
projets éducatifs différents entre les organisations, les syndicats et les
gouvernements (Ferhat, 2016). Ces divisions engendrent parfois en France
de nouvelles alliances objectives entre les partisans, de droite ou de gauche,
d’une restauration morale et pédagogique d’un côté et les modernistes au
plan pédagogique et organisationnel de l’autre (Queiroz, 2000 ; Forestier,
2016). Enfin, la marge d’autonomie de chaque nouveau ministre est limitée
par la nécessité de prendre en compte les insuffisances et les « effets
pervers » des politiques mises en œuvre par ses prédécesseurs.
Pour compléter ces analyses, il apparaît indispensable de prendre en
compte le rôle des logiques internationales et supranationales dans la
construction actuelle de politiques nationales d’éducation. La circulation de
modèles éducatifs ne date pas d’aujourd’hui, mais elle s’est intensifiée pour
des raisons techniques (l’accroissement du volume et de la vitesse de
circulation des informations) mais aussi politiques : les emprunts à d’autres
systèmes sont utilisés par des régimes soucieux de préserver le consensus
politique tout en faisant preuve de volontarisme pour légitimer certains
choix et éviter des négociations internes (Ozga et Jones, 2006 ; Lingard et
Ozga, 2007). La diffusion à grande échelle de certaines orientations
éducatives répond aussi aux exigences découlant d’une plus grande
compétition économique (Brown, 2000 ; Brown et al., 2010). Elle prend
appui sur la mobilité des étudiants vers les pôles dominants en matière
d’enseignement supérieur en Amérique du Nord et en Europe car ces
derniers tendent à devenir les porte-parole des modèles en vigueur dans ces
pays (Resnik, 2008), mais aussi sur des think tanks et des individus qui
jouent un rôle d’« entrepreneurs de réformes éducatives » (Lawn et
Lingard, 2002 ; Ball, 2012 ; Normand et Vincent-Dalud, 2012 ; Resnik,
2016 ; Larrouque, 2020) grâce à des connaissances spécialisées mais aussi à
leur position au sein de réseaux d’influence nationaux et internationaux
(Pons, 2014a).
Les diverses organisations non gouvernementales (ONG) et les agences
internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire
international et l’OCDE, exercent également une influence importante sur
les pays les plus dépendants économiquement dont la planification
éducative est orientée vers le développement de stratégies pour accéder à
des financements internationaux. Leur impact est plus faible, mais loin
d’être négligeable, sur les pays occidentaux avancés (Steiner-Khamsi,
2004). Elle s’exerce notamment par leur participation à la diffusion de
certains modes de gouvernance prenant appui sur la promotion des
apprentissages organisationnels (Grek et Ozga, 2012) ou sur l’élaboration
de « politiques fondées sur des preuves » (evidence-based policy)
(Normand, 2017 ; Draelants et Revaz, 2022).
Les évaluations comparatives de résultats entre pays comme celle des
enquêtes PISA menées sous l’égide de l’OCDE jouent à cet égard un rôle
très important. La légitimité et l’efficacité de ces enquêtes reposent sur la
qualité et la neutralité proclamée de l’expertise scientifique sur laquelle
elles s’appuient et sur les effets d’« émulation compétitive » engendrés par
les procédures de comparaison et de classement des pays en fonction des
résultats de leurs systèmes éducatifs (Grek, 2009 ; Normand, 2010 ; Duru-
Bellat, 2019). Leur influence n’a cessé de s’étendre dans les années 2000
car, en raison de leur écho médiatique, la présentation de leurs résultats
influe sur la façon dont les opinions publiques nationales perçoivent
l’efficacité et l’équité des systèmes d’enseignement et interpellent leurs
dirigeants (Felouzis et Charmillot, 2012). Les chercheurs eux-mêmes
exploitent de plus en plus ces enquêtes sans pouvoir facilement s’affranchir
des catégories et des modes de traitement des données qu’elles privilégient,
ni les confronter à d’autres enquêtes équivalentes, trop coûteuses à
entreprendre (Crinon et al., 2006 ; Mons, 2008). Il est important toutefois
de nuancer l’idée d’un « choc PISA » ayant radicalement affecté les choix
de politique éducative car, d’une part, si les enquêtes PISA fournissent un
argumentaire dont certains dirigeants peuvent s’emparer à un moment
donné, elles font rarement l’objet d’analyses nationales poussées et, d’autre
part, beaucoup d’autres facteurs contribuent à la traduction ou à la dilution
des messages que ce type d’outil vise à faire passer (Bonal et Tarabini,
2013 ; Mons et Pons, 2013).
En Europe, on observe en outre l’influence croissante de l’Union
européenne (UE). Selon le principe de subsidiarité, l’UE aurait dû se limiter
à stimuler de façon indirecte l’action des États en matière d’éducation, ce
qu’elle a fait dans les années 1990 grâce à un ensemble de « livres blancs »,
de programmes d’échange, de coopération et de recherche et du réseau
d’information Eurydice. L’instauration en 2000 au Conseil de Lisbonne de
la « Méthode ouverte de coordination » a engendré néanmoins une
évolution vers un nouveau mode de gouvernance « douce » de l’espace
éducatif européen. Cette gouvernance repose sur des outils, non législatifs,
comme les indicateurs statistiques, l’organisation d’activités
d’« apprentissage entre pairs » (Lange et Alexiadou, 2010) ou la promotion
de « bonnes pratiques » permettant de contourner les résistances que
rencontrent les régulations à caractère contraignant et d’exercer une
influence diffuse, mais loin d’être négligeable, sur les choix politiques à
l’échelle nationale (Novoa et Lawn, 2002 ; Lawn, 2006). Concernant par
exemple le décrochage scolaire, l’action de l’UE a ainsi d’abord consisté à
poser quelques principes généraux, notamment l’idée que la lutte contre ce
phénomène devait se fonder sur le développement de la formation
professionnelle, puis à la mise en place d’indicateurs et nomenclature pour
mesurer les sorties précoces des systèmes éducatifs et, enfin, à la promotion
des bonnes pratiques et de modèles nationaux jugés exemplaires (Bernard,
2021). De cette régulation non contraignante fait aussi partie le « processus
de Bologne ». Lancé à la fin des années 1990 par des pays européens
soucieux de préserver leur souveraineté en matière d’enseignement
supérieur, ses promoteurs cherchent à éviter qu’il soit totalement absorbé
par la Commission européenne dans ses tentatives de construction d’un
espace européen de l’éducation (Muller et Ravinet, 2009 ; Croché, 2010).
Les agendas politiques d’instances supranationales ou nationales ne
remplacent cependant pas les orientations et les pratiques nationales et
locales mais doivent composer avec elles. Le recours à des références à des
modèles étrangers fait aujourd’hui partie de la politique symbolique de
nombreux dirigeants nationaux qui doivent néanmoins dans leurs choix
concrets tenir compte des contraintes et des opportunités internes. La
transposition des politiques s’accompagne en outre partout de processus de
« créolisation », c’est-à-dire d’interprétation dans des catégories pertinentes
pour les acteurs concernés et d’accommodation aux nouveaux contextes
institutionnels et sociaux (Sutton et Levinson, 2001 ; Anderson-Levitt,
2003 ; Verger et Curran, 2014 ; Maroy et al., 2017). De ce fait, même
l’adoption de modèles forts au niveau transnational comme celui de l’État
évaluateur, se traduit rarement par un mode unique de régulation au niveau
national ou local. La pénétration de ces modèles donne plutôt lieu à de
formes diverses de multi-régulation (Maroy, 2008a ; 2012 ; Maroy et Pons,
2019). En outre, comme l’illustre l’exemple de l’évaluation des
établissements scolaires en France, ce sont souvent des changements dans
les rapports de force entre groupes et dans le fonctionnement des
organisations scolaires qui président à l’importation sélective de référentiels
ou de pratiques externes (Buisson-Fenet et Pons, 2012).

L’élaboration des décisions


et le jeu d’acteurs au niveau national
Même en isolant pour les besoins de l’analyse le niveau central de
décision, il est indispensable de ne pas le concevoir comme un bloc
monolithique. Ainsi faut-il commencer par distinguer la répartition des
compétences en matière d’éducation entre le pouvoir exécutif et les
pouvoirs législatif et judiciaire. Actuellement, aux termes de la
Constitution de 1958, le Parlement doit fixer les principes généraux
applicables à l’enseignement et contrôler leur application, alors que le
gouvernement doit définir et mettre en œuvre la politique éducative. Le
poids du gouvernement est néanmoins devenu très important car, avec la
raréfaction des grandes lois de réforme, l’action du Parlement s’est
trouvée considérablement réduite. Toutefois, depuis le milieu des années
2000, sous l’influence de la Loi organique relative aux lois des finances
(LOLF) qui organise le budget de l’État en fonction de missions,
programmes et actions et introduit un principe d’évaluation des objectifs
de performance de chaque programme par le Parlement, le rôle de ce
dernier a été renforcé. Par ailleurs, en raison, d’une part, de la difficulté
qu’éprouvent les gouvernants à trancher entre des options concurrentes
dans la résolution de problèmes comportant des choix majeurs de société
et, d’autre part, de la pression des usagers notamment dans tout ce qui a
trait à la sécurité et à la protection des enfants, le pouvoir judiciaire joue
un rôle plus important qu’auparavant.
Au sein même du pouvoir exécutif, il faut distinguer le président de la
République et le Premier ministre qui donnent les impulsions et rendent les
arbitrages, le ministre de l’Éducation et son cabinet, et les hauts
fonctionnaires du ministère. Une tension, consubstantielle à la séparation
des domaines du politique et de l’administration, existe depuis toujours
entre le ministre, fort de sa légitimité politique et plus sensible aux
pressions des professionnels, des usagers et des médias, et les membres des
directions ministérielles, qui se réclament de leur légitimité technique et
bureaucratique (Prost, 1993). Toutefois, depuis plusieurs décennies, les
fréquents changements de gouvernement et de ministre, mais aussi la
multiplication et la « technicité » croissante des dossiers qu’il faut traiter,
renforcent le pouvoir des responsables des services. En même temps, le
politique reprend le dessus par le biais des membres de cabinets de plus en
plus pléthoriques. Ces derniers se substituent à l’administration en
instruisant les dossiers et en communiquant directement avec les chefs de
bureau ou l’instrumentalisent par la demande incessante d’études et
d’informations (Joutard et Thélot, 1999 ; Aesbicher, 2012b).
Une autre évolution importante, liée au besoin pour les acteurs centraux
de renforcer leur expertise technique et, surtout, leur légitimité politique, est
le développement de nombreuses instances de concertation. Celles-ci
comprennent des instances permanentes rattachées au ministère, mais aussi
de très nombreuses commissions consultatives, créées à l’occasion de telle
ou telle réforme et composées généralement de représentants des syndicats
d’enseignants, des associations de parents et du monde de l’entreprise, ainsi
que de chercheurs et d’intellectuels. L’influence de ces commissions, dont
le rôle est de nourrir les projets et de cautionner les décisions, mais aussi de
diffuser dans l’institution des idées nouvelles dans l’espoir qu’elles feront
leur chemin dans le moyen terme, dépend néanmoins fortement de la
conjoncture politique au sein de laquelle elles s’insèrent (Robert, 2010 ;
Prost, 2016).
Le recours à l’expertise scientifique demeure par ailleurs intermittent et
problématique en raison d’un manque de coordination et de visibilité de la
recherche en éducation (Prost, 2001), mais surtout de son image souvent
négative auprès des décideurs et de la concurrence interne et avec les
chercheurs d’une pluralité d’instances d’évaluation, durables ou éphémères
(Pons, 2010 ; Cytermann, 2018). On observe certes que des chercheurs
assument des fonctions autrefois dévolues à certaines catégories de hauts
fonctionnaires, notamment aux inspecteurs généraux. Toutefois si leur
liberté d’expression est importante car ils sont souvent considérés comme
des intellectuels plus que comme des simples experts, leur influence, qui
repose aussi sur leur capacité à produire un savoir à usage pratique et
politique, reste faible et précaire par rapport aux « experts d’État »
(membres de cabinets et de l’administration, inspecteurs) qui prennent les
décisions (Tanguy, 1995 ; Dubet, 1999 ; Prost, 2013 ; Buisson-Fenet et
Pons, 2014 ; Bongrand, 2014). À cela s’ajoute le faible nombre d’instances,
comme le CNESCO, revendiquant un modèle indépendant d’interaction
entre la communauté scientifique et celles des décideurs et des praticiens de
l’éducation et leur capacité inégale d’influence en fonction des
gouvernements en place (Mons, 2018). Comme dans d’autres secteurs de
l’action publique, il faut néanmoins souligner dans la période récente
l’écoute grandissante du ministère de l’Éducation nationale dont bénéficient
des think tanks généralistes comme l’Institut Montaigne où collaborent des
responsables politiques, des dirigeants du privé, des représentants du champ
académique et des acteurs associatifs (Comet, 2021) ou encore
d’associations plus directement tournées sur les questions éducatives
comme Article 1 fonctionnant souvent comme des start-up, c’est-dire
promettant une plus grande agilité, adaptabilité et capacité d’innovation que
la bureaucratie (Célérier et Arfaoui, 2021).
On observe aussi un affaiblissement de l’autonomie et de l’isolement du
champ éducatif. Ceci est dû, en premier lieu, à l’influence croissante de
l’économie dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques éducatives.
Cette influence s’est exercée d’abord, dans les années 1960, au travers de la
planification éducative centralisée prenant appui sur les orientations du
Commissariat général au Plan (Charlot, 1995). Aujourd’hui, de manière
moins dirigiste et plus centralisée, l’État se réserve le choix des priorités,
mais renvoie sur d’autres acteurs sociaux, et notamment sur les collectivités
locales et les organisations patronales ou professionnelles, la responsabilité
d’une planification plus fine, liée à un territoire ou à un secteur économique
(Healy et Verdier, 2010 ; Buisson-Fenet et Verdier, 2013). L’influence de
l’économie s’exerce aussi de plus en plus à travers de deux outils
managériaux, la LOLF et la Révision générale des politiques publiques
(RGPP), s’appliquant à l’ensemble des administrations et dont les
principaux objectifs sont la réduction des dépenses et la rationalisation de la
gestion financière et administrative. Elle est aussi relayée par des
économistes qui participent de façon croissant à la définition,
expérimentation et évaluation de dispositifs éducatifs (Fougère, 2017).
Depuis le début des années 1980, on observe aussi diverses tentatives
pour articuler les politiques de l’éducation avec d’autres politiques
sectorielles. La politique des zones d’éducation prioritaires a joué un rôle
pionnier en la matière par la coordination nationale et locale avec la
politique de la ville (Morel, 2002 ; Doytcheva, 2007 ; Robert, 2009). Cette
articulation reste néanmoins limitée et source de nombreuses tensions à
l’échelle nationale comme à l’échelle locale (van Zanten, 2005a ; Ben Ayed,
2013) et se trouve complexifiée par le rôle croissant que jouent des
associations à but lucratif et des acteurs privés dans la mise en œuvre et
l’évaluation des dispositifs comme les Cités éducatives visant à renforcer la
prise en charge éducative à l’échelle locale dans l’école et autour de celle-ci
(Stromboni, 2021).
De façon plus générale, l’appareil central peine à se réformer alors que
l’emprise des régulations provenant du centre se réduit sous le poids de
plusieurs facteurs. Le premier est d’ordre politique. D’aucuns estiment que
les États providence sont victimes de leur emprise croissante sur la société.
La multiplication des politiques, qui résulte de la volonté de couvrir tous les
aspects de la vie sociale, aurait discrédité leur action en la banalisant et en
faisant surgir de nouveaux problèmes, qui doivent à leur tour faire l’objet de
nouvelles actions étatiques (Duran, 2010). Cette évolution concerne
fortement l’éducation, souvent perçue comme une réponse à de très divers
problèmes sociaux. Un autre facteur d’ordre politique et administratif qui
fragilise le rôle des dirigeants concerne leur instabilité qui n’est pas sans
lien avec la multiplication et l’empilement des réformes puisque chaque
ministre de l’Éducation, chaque recteur d’académie, voire chaque chef
d’établissement, cherche à imprimer sa marque par une ou plusieurs
décisions d’envergure sans toujours se préoccuper de ce qu’ont fait ses
prédécesseurs et ce que feront ses successeurs. À l’émiettement et à
l’instabilité de l’action politique et administrative s’ajoute sa médiatisation
croissante. La présence récurrente de sujets sur l’éducation dans les médias
contribue, d’un côté, à conserver le mythe de la puissance au sommet par la
mise en relief des choix d’un nombre limité de décideurs tout en minorant
la dimension proprement politique des alternatives pédagogiques (Allam,
2017) et, d’autre part, à négliger le poids des facteurs structurels et
contextuels dans la problématisation de ces sujets, par exemple celui de
l’absentéisme scolaire (Pons, 2014b, 2022).
Par ailleurs, il est important de souligner qu’en France, la construction
des politiques publiques sectorielles repose sur l’interaction entre les
représentants politiques et des organisations sociales reconnues et soutenues
par l’État comme partenaires sociaux (Jobert et Muller, 1987). Le secteur de
l’éducation est un des plus représentatifs de ce modèle car le système de
décision repose sur une alliance historique entre l’État et les enseignants,
représentés par leurs syndicats ou leurs associations professionnelles. Ce
modèle de régulation corporative et bureaucratique s’oppose à une
régulation par le marché, fondée sur l’alliance entre l’État et les parents
d’élèves et à une régulation communautaire impliquant des accords entre
les enseignants et les parents (Barroso, 2000 ; Maroy et Dupriez, 2000). Les
syndicats, dont nous analysons au chapitre 7 les liens avec la profession
enseignante, participent à la construction des politiques éducatives sur un
double mode, ce qui accroît leur capacité d’infléchissement et de médiation
des politiques. En effet, contrairement à ce que l’on observe dans d’autres
professions, le syndicalisme enseignant ne se situe pas seulement sur le
terrain de la lutte, en organisant des actions d’opposition aux projets en
cours via les pétitions, les communiqués de presse, les grèves et les
manifestations, mais aussi sur celui de la participation à la décision. Les
syndicats sont en effet consultés et associés étroitement, de façon formelle
et informelle, au processus d’élaboration et de mise en œuvre des
politiques.
Toutefois, ces deux modes d’intervention et leur interpénétration ne
semblent plus fonctionner de façon aussi positive qu’auparavant (Aesbicher,
2012a). Les actions collectives des enseignants, traditionnellement plus
disciplinées et moins combatives que celles des syndicats paysans et
ouvriers, sont moins contrôlées par les dirigeants qu’autrefois. Des
« coordinations » externes aux syndicats ont vu le jour et les grèves, comme
celles du printemps 2003, sont désormais plus suivies et plus longues,
notamment dans les établissements les plus en difficulté, ce qui s’explique à
la fois par la présence plus active de jeunes enseignants et par l’influence
croissante de militants d’extrême gauche qui jugent la mobilisation dans la
rue trop modérée pour être efficace (Geay, 1991). La combinaison de ces
actions collectives avec d’autres formes officielles et officieuses de
négociation au sommet est par ailleurs de plus en plus perçue comme
contribuant à l’absence de transparence du débat sur l’éducation et au
blocage des réformes (Dubet et Duru-Bellat, 2000). Enfin, le fait que les
syndicats participent à la cogestion du système au niveau local sans
véritable poids politique dans les instances de concertation comme les
conseils académiques ou départementaux les laisse souvent à l’écart des
nouvelles formes de prise de décision locales dans le cadre de la
décentralisation (van Zanten, 2005a ; van Zanten et Da Costa, 2013 ; cf.
chapitre 4).

Traduction administrative, mise


en œuvre, réception et évaluation
des politiques
Ces analyses tendent cependant à réduire le champ d’élaboration des
politiques scolaires au niveau national, alors que les études socio-
historiques montrent qu’il y a toujours eu un dialogue constant entre
Paris et les provinces dans la conception des réformes (Gildea, 1983).
Certains auteurs plaident alors pour une prise en compte beaucoup plus
élargie et approfondie que ce n’est actuellement le cas des éléments
propres à l’institution scolaire et à son environnement local : les unités
existantes, les flux d’élèves, le mode d’inscription des institutions
scolaires dans l’espace, la production institutionnelle d’informations sur
leur propre fonctionnement. Dans cette optique, l’étude des politiques
comprendrait à la fois l’analyse de l’élaboration et de la diffusion de
théories sur l’être ou devoir être de l’institution scolaire ou d’une de ses
parties, celle de la prise de décisions de tous ordres (lois,
réglementations, recommandations, attributions de crédits…), et celle,
enfin, des réinterprétations immédiates et à plus long terme de ces
décisions par les agents de l’institution (Briand et Chapoulie, 1993 ;
Chapoulie, 2010). Les analyses de Stephen Ball (1994) vont dans le
même sens en insistant sur la nécessité de prendre en compte les divers
encodages et décodages que subissent les textes politiques depuis leur
émergence dans l’agenda politique jusqu’à leur mise en œuvre dans la
classe (Ball et al., 2012).
En France, l’analyse de la construction et de la mise en œuvre des
politiques nécessite qu’on y intègre l’activité de l’administration,
composante organisationnelle de l’État, dans leur traduction réglementaire
et leur impulsion. L’administration de l’Éducation nationale se caractérise
tout d’abord par sa place spécifique au sein de l’appareil administratif
étatique. En effet, l’Université impériale, fondée par Napoléon en 1806, a
disposé dès ses débuts d’une grande marge d’autonomie par rapport au
gouvernement et aux autres administrations car elle était supposée assurer
une fonction de magistrature morale. Cet héritage est encore présent
aujourd’hui, notamment dans les attributions des recteurs qui ont autorité
sur tous les ordres d’enseignement de la maternelle à l’université et dont les
missions échappent en grande partie à la tutelle des préfets de région. Cette
administration a par ailleurs longtemps été considérée comme un modèle
d’orientation bureaucratique. Outre son haut degré de centralisation, qui
limite le processus politique de déconcentration et de décentralisation, elle
est aussi marquée par une forte segmentation interne des directions, des
services et des tâches. Cette segmentation se double du caractère
impersonnel, standardisé et routinier des activités, notamment au sein des
administrations locales, traditionnellement instances d’exécution dont les
missions, les objectifs, les moyens budgétaires et les principaux moyens
organisationnels étaient, jusqu’à récemment, étroitement définis au niveau
central. À ces traits s’ajoutent l’omniprésence de la hiérarchie dans les
discours et les relations entre les agents. Toutefois, dans l’activité interne
des administrations, on observe que le poids des traditions, du charisme et
des affinités, ainsi que celui de la gestion corporatiste du système par les
personnels, limitent l’emprise interne de la bureaucratie qui se donne à voir
surtout dans les relations avec l’extérieur (Giraud et Milly, 2003).
Les membres de l’administration, notamment les inspecteurs de
l’enseignement primaire et secondaire, sont le plus souvent recrutés par
concours. Ces derniers ne mesurent cependant pas la maîtrise de savoirs
spécialisés mais des aptitudes scolaires, ce qui contribue à dépolitiser
l’action de ces acteurs et à les rendre en fait peu autonomes vis-à-vis du
politique et explique aussi en partie leur résistance à l’égard d’une évolution
de leur rôle vers une implication plus directe dans l’accompagnement et
l’évaluation des réformes (Bongrand 2012 ; Pons, 2014a). On observe
cependant depuis quelques années une relative ouverture chez ces acteurs
aux innovations mises en œuvre dans d’autres administrations (Dutercq,
2001a). Cette ouverture est perceptible dans la diffusion, en lien avec l’idéal
d’efficacité évoqué plus haut, d’une nouvelle définition de la compétence
des personnels d’encadrement qui doivent être, non seulement experts dans
leurs domaines d’intervention, mais capables de développer des projets,
d’animer des équipes et de mener des évaluations. Cette évolution de leurs
missions a engendré la mise en place des formations à l’encadrement et
l’introduction de changements dans le mode de gestion, notamment la mise
en place d’une gestion prévisionnelle, la différenciation des trajectoires
professionnelles et la création de nouvelles catégories de personnels pour
faire face aux besoins des établissements. Toutefois ces changements sont
trop modestes pour que l’on puisse parler d’une véritable gestion qualitative
des ressources humaines (Buisson-Fenet, 2008).
Par ailleurs, la mise en place de ces nouvelles démarches se heurte au
maintien voire au renforcement de la logique hiérarchique. Ainsi si l’État
central s’est officiellement dessaisi de plusieurs compétences, il cherche par
diverses voies à maintenir un pouvoir de contrôle sur les échelons locaux.
Plusieurs observateurs notent ainsi que les « dialogues de gestion », menés
dans le cadre des nouvelles politiques de contractualisation avec les
académies, sont plutôt l’occasion pour les représentants du ministère
d’évaluer le degré auquel des objectifs fixés au niveau central ont été
atteints, que pour les recteurs de défendre la possibilité de les adapter aux
spécificités régionales (Pons, 2015). À leur tour, du fait du nombre croissant
de compétences qui leur sont attribuées, les rectorats tendent à se comporter
comme des « petits ministères » à l’égard des inspections académiques,
dans la continuité plutôt qu’en rupture avec leur rôle de représentant direct
du pouvoir central chargé d’affirmer ses prérogatives au sein d’un espace
géographique particulier (Condette, 2009). Les recteurs comme les
inspecteurs d’académie maintiennent aussi une relation d’autorité forte avec
des chefs d’établissement, dont ils limitent ainsi l’autonomie de décision.
On observe ainsi que l’ampleur limitée des transformations et leur
instabilité ont pour effet de favoriser la retraduction des nouveaux modes de
régulation dans des catégories et des modes de fonctionnement
caractéristiques du modèle bureaucratique toujours en vigueur, même si
celui-ci comporte aussi désormais des formes de rationalisation des moyens
administratifs et des fins politiques par le biais d’objectifs et d’indicateurs
(Lang, 2005 ; Bezès, 2020 et chapitre 4).
Même si les recherches en éducation fourmillent d’analyses montrant le
décalage important entre les décisions politiques au sommet et leur
réception à la base (van Zanten, 2008b), les études portant précisément sur
la réception de l’action éducative par les enseignants et par ces usagers,
telles qu’elles existent dans d’autres domaines (Révillard, 2018) sont
apparus tardivement et restent peu nombreuses. En Amérique du Nord,
cependant une importante littérature a mis en lumière depuis le début des
années 2000 différents processus cognitifs et organisationnels qui affectent
la mise en œuvre des politiques (Coburn, 2004 ; Coldren et Spillane, 2007 ;
Lessard et Carpentier, 2015). En Belgique, les recherches d’Éric Mangez
(2008) et d’Hugues Draelants (2009) notamment ont pu mettre en évidence
le rôle que joue l’interaction entre les croyances et les pratiques
enseignantes et leurs contextes d’exercice dans la réception des réformes.
En France, des travaux ont également insisté sur le rôle des contextes
d’exercice, notamment en termes des caractéristiques sociales et scolaires
des publics (Broccolichi, 1995) mais aussi sur les différences de posture
entre les enseignants allant de l’adhésion à la distanciation en fonction de
leur appartenance générationnelle et de leur perception des réformes comme
des contraintes ou des opportunités pour leur évolution professionnelle
(Giraudon, 2013, 2020 ; Douniès, 2020, 2021b). Les travaux sur les usagers
parents ont permis quant à eux de mettre en évidence la présence des
formes de résistance collective via des pétitions ou des manifestations ou à
contourner les injonctions nationales via par exemple de pratiques
d’évitement scolaire ou d’éducation alternative (Barrault-Stella, 2009 ;
Bongrand, 2018 ; Bongrand et al., 2020 ; Legavre et Proboeuf, 2021).
Enfin, les analyses de la réception des réformes par les élèves et les
étudiants mettent en évidence des appropriations variées liées à leur
appartenance de sexe, sociales et ethnoraciales et à leurs trajectoires mais
aussi à leur forte intériorisation des hiérarchies et classements scolaires
(Selponi, 2020 ; van Zanten et al., 2021).
Qu’en est-il par ailleurs du rôle de l’évaluation en matière de régulation
de l’ensemble des processus éducatifs ? (Demailly, 2001 ; Maroy, 2006a) ?
On peut distinguer trois grands types d’évaluations dans le système éducatif
français. Le premier type, le plus développé, correspond aux évaluations
des résultats des élèves qui comprennent à leur tour deux modalités. Il y a
tout d’abord les évaluations dites « de masse » des acquis des élèves dont
l’objectif principal est d’aider les enseignants en début d’année à situer les
forces et les faiblesses de chaque élève afin qu’ils puissent adapter leurs
pratiques éducatives aux besoins de leur public, mais également d’informer
individuellement les parents pour qu’ils puissent suivre de plus près la
scolarité de leurs enfants. À ces évaluations s’ajoutent celles de
l’observatoire permanent des acquis des élèves, qui, dans la tradition des
enquêtes par panel développées par le service de statistiques du ministère
dans les années 1970, mène des évaluations des compétences transversales
des élèves dans des domaines variés. Le deuxième type, qui correspond à
l’évaluation des établissements grâce à la création des Indicateurs pour le
pilotage des établissements du second degré (IPES, puis IVAL), est plus
récent (1995). Ces évaluations visent à réguler l’offre et la demande
d’éducation, mais aussi à permettre aux établissements d’auto-évaluer leurs
points forts et leurs points faibles et à fournir à l’administration des
nouveaux outils pour leur pilotage grâce à la mise au point d’indicateurs
relatifs à la population accueillie, aux moyens, au fonctionnement interne,
aux relations avec l’environnement et aux résultats. À ces évaluations des
élèves et des établissements, il faut ajouter un troisième type d’évaluations
de dispositifs, d’expérimentations et d’innovations éducatives, mené
généralement par l’Inspection générale. Ces évaluations sont réalisées de
façon beaucoup moins systématique et avec de fortes variations selon les
politiques et les niveaux de décision.
Toutefois, malgré la diversité des données disponibles, ces évaluations ne
constituent pas l’outil majeur de régulation rationnelle de l’activité
éducative que certains appellent de leurs vœux pour diverses raisons. La
première a trait à leur base scientifique. La plupart d’entre elles s’appuient
sur des savoirs issus de la recherche, mais aussi sur des savoirs de
gouvernement qui limitent leur objectivité et leur portée. La seconde tient à
la concurrence entre les évaluateurs officiels autour de la production des
connaissances les plus à même de rendre compte de la complexité des
réalités éducatives et les plus pertinentes pour éclairer l’action des
décideurs, de l’administration et des enseignants (Pons, 2010). Cette
concurrence est d’autant plus vive qu’elle se heurte à l’institutionnalisation
problématique et inachevée de beaucoup de ces évaluations en raison
d’obstacles structurels, comme la double tutelle des établissements
d’enseignement par l’État et les collectivités territoriales, et politiques,
notamment l’absence de volonté de prise en compte de leurs résultats pour
modifier le fonctionnement du système (Pons, 2014a). Ce dernier obstacle
est lié au flou qui entoure la demande politique d’évaluation. Les dirigeants
ont tendance à mettre l’accent sur des finalités très générales, sans clarifier
et hiérarchiser les objectifs, ni les moyens d’action, ce qui ne favorise guère
le recours à des données précises ni avant ni après le lancement des
réformes (Duru-Bellat et Jarousse, 2001). Ceci est dû à la fois à une
conception française très charismatique du rôle des dirigeants donnant plus
de place à leur vision qu’aux connaissances auxquelles ils pourraient faire
appel pour fonder leurs décisions et à la nécessité, dans le cadre du système
néo-corporatiste encore partiellement en vigueur, de limiter les conflits avec
la profession enseignante (van Zanten, 2008b). Enfin, l’évaluation se heurte
aussi aux résistances des acteurs de la base. Celles-ci sont d’ordre cognitif
car les résultats des évaluations et leurs implications ne sont pas toujours
compréhensibles pour des acteurs peu familiarisés avec les concepts et les
outils de la recherche (van Zanten, 2013). Elles sont aussi d’ordre
stratégique ou politique, les évaluations étant souvent perçues par les
enseignants comme une menace pour leur autonomie professionnelle
(Demailly, 2003 ; van Zanten, 2005a ; Maroy, 2009 ; Dutercq et Lanéelle,
2013).
Il faut ajouter à cela que les évaluations sont souvent utilisées, moins
pour informer l’action que pour renforcer la crédibilité, l’autorité et la
légitimité des instances qui les conçoivent et les mettent en œuvre (Buisson-
Fenet et Pons, 2012). Au plan local, le contrôle de l’évaluation donne ainsi
prise à de nombreux jeux de pouvoir entre les administrations
déconcentrées, qui conduisent le plus souvent des expertises internes et
visent à obtenir des informations standardisées permettant des
comparaisons au plan national, et les collectivités territoriales. Ces
dernières ont investi du temps et de l’argent dans le recueil et le traitement
d’informations, notamment de type statistique, sur leur territoire
d’intervention pour renforcer leur légitimité et accroître leur capacité
d’action. Elles ont aussi davantage recours à des expertises en provenance
de cabinets de consultation privés et se servent de l’évaluation pour
constituer des réseaux d’action élargis qui renforcent leur pouvoir (Richard
et Berthet, 2002 ; Verdier, 2006). Cela va parfois de pair avec une utilisation
politicienne des résultats. La contribution des évaluations à la transparence
de l’action publique et à l’élargissement du débat politique peut en effet se
muer rapidement en stratégie de communication politique et de propagande
électorale, grâce au choix des opérateurs, qui permet de réduire leur posture
critique, à la délimitation des objets à évaluer et à la médiatisation sélective
des résultats (Dutercq, 2000).

Conclusion
Au terme de cette analyse, il apparaît clairement que l’étude des
politiques éducatives constitue un domaine central pour la sociologie de
l’éducation. L’analyse socio-historique des finalités et des changements
institutionnels montre l’importance durable de certaines matrices
normatives et cognitives et un enchaînement logique, sinon toujours
prévisible, des politiques dans le temps. Elle met en évidence la nécessité
d’étudier de plus près l’évolution des rhétoriques politiques ainsi que
d’observer attentivement les glissements entre les déclarations de
principe et les choix effectifs tels qu’ils résultent de la négociation
politique et de la traduction technique par l’administration. Enfin, elle
conduit également à souligner que dans un certain nombre de cas, la
législation n’a fait que prendre acte de nouvelles réalités résultant de
l’agrégation des conduites individuelles (Cherkaoui, 1982 ; Prost, 1986).
L’approche plus analytique des politiques permet quant à elle
d’approfondir l’étude des facteurs qui limitent la marge d’action des
politiques, d’évaluer le poids changeant de différents groupes dans
l’élaboration des réformes et de tenir compte du rôle central des
processus de traduction au travers desquels les acteurs s’approprient les
réformes et leur donnent un sens.
Orientation bibliographique
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de politique scolaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
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concurrence, Paris, PUF.
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l’enseignement en France, de 1945 à nos jours, Paris, Seuil.
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VAN ZANTEN A., 2021 (4e édition), Les Politiques d’éducation, Paris, PUF
(Que sais-je ?).
Chapitre 2
Les inégalités de carrières dans
le système scolaire français
À l’école, certains enfants réussissent systématiquement mieux ou moins
bien que d’autres. Qui sont-ils, et pourquoi ? Les carrières scolaires se
caractérisent par des régularités sociologiques, aujourd’hui bien connues
depuis la première grande enquête consacrée aux déterminants des
trajectoires scolaires. De 1962 à 1972, Girard et Bastide, chercheurs à
l’Institut national d’études démographiques, ont suivi une cohorte de
20 000 élèves, sortis de l’école primaire en 1962, dans un contexte où la
question de la démocratisation est au cœur des débats. La réforme Berthoin
(1959) vient en effet de prolonger la scolarisation jusqu’à 16 ans, et
d’engager une unification des scolarités secondaires.
Cette enquête (cf. INED, 1970) a révélé pour la première fois au grand
jour l’ampleur de la sélection sociale qui prend place à l’école, dès le
niveau primaire. Elle se cristallise à 10-12 ans, lors de l’entrée en 6e, qui ne
concerne à l’époque qu’environ 55 % des enfants. Trois facteurs
apparaissent alors déterminants :
– La réussite scolaire en primaire, évaluée par les jugements des
maîtres et l’âge de l’enfant (un âge élevé indiquant un
redoublement, donc des difficultés précoces) ; le type de scolarité
primaire est aussi lourd de conséquences, les élèves des « petites
classes » des lycées accédant majoritairement aux études
secondaires, à la différence des élèves des écoles primaires.
– L’habitat : les petits Parisiens accèdent à une 6e beaucoup plus
souvent que les enfants des zones rurales.
– L’origine sociale : les enfants de cadres et de professions libérales
passent en 6e deux fois plus souvent que les enfants d’agriculteurs et
d’ouvriers. Ces inégalités sociales s’accumulent tout au long du
cursus, puisque le rapport entre ces deux groupes est de 1 à 5,7 à
l’entrée dans l’enseignement supérieur.
Une part importante de la sélection scolaire prend donc place avant
même l’entrée dans le secondaire, sur une base clairement sociale, avec, dès
le primaire, une scolarisation dans deux réseaux distincts (petites classes
des lycées ou école primaire), suivie d’un accès très inégal aux différents
types d’enseignement secondaire. Certes, pour une part, ces inégalités
sociales reflètent des différences de réussite : les enfants de milieu
populaire quittent le primaire plus âgés et avec un niveau plus faible. Mais,
même quand ils réussissent aussi bien que les enfants de milieu aisé, ils
accèdent moins souvent à une 6e. D’une part, parce que leurs familles visent
des niveaux d’études moins élevés. D’autre part, parce que les maîtres font
à leur égard des pronostics plus prudents. Ainsi, parmi les élèves jugés
moyens, on compte 78 % d’avis favorables à l’entrée en 6e pour les enfants
de cadres supérieurs, et seulement 30 % pour les enfants d’ouvriers. Les
maîtres prennent implicitement en compte le milieu social des enfants,
estimant, à tort ou à raison, qu’en cas de difficultés, ils seront inégalement
aidés par leur famille.
L’étude de l’INED a marqué profondément les travaux de sociologie de
l’éducation, et y sont présents, en filigrane, la plupart des questionnements
repris depuis. Cette enquête a aussi marqué les politiques de l’époque :
réformes successives du collège (pour atténuer les clivages sociaux qui
marquent l’orientation), ou encore instauration de la carte scolaire, pour
atténuer les inégalités géographiques de scolarisation. Enfin, elle a
convaincu de l’intérêt d’enquêtes systématiques, tels les « panels » d’élèves
mis en place par le ministère de l’Éducation nationale, à partir de 1972-
1974, pour suivre les trajectoires des élèves1. Ces données, disponibles de
manière régulière, permettent de dresser précisément l’état actuel des
inégalités de carrières scolaires, ce que font également, depuis 2014, les
rapports synthétiques du CNESCO (Conseil national d’évaluation du
système scolaire).

Dans tous ces travaux, les professions des parents sont ventilées selon le code des
« professions et catégories sociales » (PCS) de l’INSEE, elles-mêmes souvent
regroupées en catégories « favorisées » – cadres, enseignants, industriels, gros
commerçants, professions intermédiaires –, « moyennes » – employés, artisans,
petits commerçants, contremaîtres, armée-police, agriculteurs –, « défavorisées » –
ouvriers, personnel de service, salariés agricoles, inactifs. La profession du père
constitue un indicateur synthétique fiable du « milieu social » de l’enfant, car elle
est liée à un ensemble d’autres variables : profession de la mère, niveaux
d’instruction des deux parents, nationalité, taille de la famille, etc. Depuis 2020,
l’INSEE construit également une « PCS ménage » intégrant la configuration
familiale. En outre, les statisticiens disposent depuis 2016 d’un indicateur plus
global du milieu familial des élèves, élaboré à partir de plusieurs variables
associées à une meilleure réussite scolaire : revenu, niveau d’éducation, ressources
culturelles, ambition et pratiques éducatives des parents, père et mère. Cet indice
quantitatif permet en outre de caractériser finement le contexte de scolarisation,
par la valeur moyenne et la dispersion de l’indice au niveau des établissements
(Rocher, 2016b). Une autre voie, pour évaluer l’influence globale de la famille,
consiste à prendre en compte le devenir de l’ensemble des enfants et, sur cette
base, le milieu familial s’avère encore plus influent sur les trajectoires scolaires
(Boutchenik et al., 2015).
Il reste que le fait que la plupart des variables utilisées pour décrire les populations
scolaires soient fortement corrélées engendre des effets de structure, qui doivent
rendre prudent dans l’interprétation des tableaux, car en croyant observer
l’influence d’une variable (la profession du père par exemple), on observe en
filigrane l’influence d’une autre qui lui est liée (son niveau d’instruction
notamment). Une liaison statistique entre deux variables n’a donc pas
nécessairement un caractère causal, et plus généralement, l’appréhension du
« milieu social » de l’élève est toujours imparfaite (Poulet-Coulibando, 2007).
De plus, selon les indicateurs statistiques retenus pour évaluer l’ampleur des
inégalités, la conclusion peut varier sensiblement ; par exemple, certains
indicateurs relatifs comme les odds ratios évaluent la compétition entre groupes,
et peuvent conclure à sa stabilité, même si dans le même temps la montée des taux
(absolus) d’accès à un niveau a pu rendre moins contrastées les expériences
scolaires des jeunes des différents milieux sociaux (pour une discussion, cf. Duru-
Bellat, 2007).

Maternelle et primaire,
des différenciations précoces
Dans la compétition scolaire, les « concurrents » sont d’emblée inégaux,
car tout le développement cognitif de l’enfant, qu’il s’agisse du langage
ou de la structuration dans le temps et dans l’espace, est marqué par son
environnement social (Gayet, 2004 ; Duru-Bellat et Fournier, 2007 ;
Sullivan et al., 2013 ; Lahire (dir.), 2019, et chapitre 9). Les jeunes
enfants, selon les aléas de leur naissance, abordent les apprentissages
scolaires inégalement « outillés » et ceci se traduit par des inégalités de
performance dès les premières années de l’école primaire. Ces inégalités
concernent tous les domaines, la logique verbale (avec des écarts entre
enfants de cadres et enfants d’ouvriers non qualifiés parfois supérieurs à
1 écart-type2), mais aussi l’aisance graphique, la structuration spatiale ou
l’organisation temporelle. Les enfants vont donc aborder l’apprentissage
de la lecture déjà inégaux, sans que l’école maternelle parvienne à effacer
ces inégalités (Joigneaux, 2009).
Aujourd’hui, la quasi-totalité des enfants sont préscolarisés dès 3 ans
(c’est obligatoire depuis la rentrée 2019) ; quant au taux de scolarisation à
2 ans, après avoir fortement baissé depuis 2000, où il était d’environ 35 %,
il a, depuis 2013, recommencé à augmenter légèrement notamment dans les
zones d’éducation prioritaire, et il se stabilise depuis la rentrée 2018 autour
de 10 %, en moyenne et environ 20 % dans les zones d’éducation prioritaire
(NI 16.19)3. Très variable selon les territoires, l’accès dès 2 ans concerne un
peu plus souvent les enfants d’agriculteurs et les enfants d’enseignants,
alors qu’à l’inverse les enfants d’inactifs en bénéficient moins. Mais si les
enfants entrés à 2 ans en maternelle abordent l’école élémentaire avec un
niveau de compétences un peu plus élevé, cet avantage s’estompe ensuite
et, quel que soit le milieu social, aucune différence significative n’est
visible à l’entrée en 6e (Caille et Rosenwald, 2006). Alors que certaines
études anciennes suggéraient que l’effet (à l’entrée au CP du moins) d’une
scolarisation précoce pouvait être plus marqué dans les zones d’éducation
prioritaire (ZEP), pour les enfants de milieu populaire (NI 98.40), les
travaux récents (France Stratégie, 2018) ne parviennent pas à démontrer
statistiquement le bien-fondé global de la préscolarisation précoce, du
moins en ce qui concerne les performances scolaires. Toujours est-il que
seules des politiques ciblées sur les groupes d’enfants a priori les moins
favorisés sont susceptibles de faire de la préscolarisation précoce un
instrument de réduction des inégalités sociales.

Milieu social et réussite en primaire


Quelle que soit la durée de la préscolarisation, la réussite pendant les
premières années du primaire reste très liée à l’origine sociale : parmi les
élèves qui y sont entrés en 2011, plus de 98 % des enfants de cadres,
contre 79 % de ceux dont le père est inactif (et 89 % pour les enfants
d’ouvriers non qualifiés) parviennent en CE2 sans avoir redoublé. On sait
en outre que le redoublement ne permet pas aux élèves de combler leur
retard, et a même souvent un effet négatif sur les progressions ultérieures
(Paul et Troncin, 2004)4. Il a d’ailleurs beaucoup baissé ces dernières
années : alors que les chiffres étaient supérieurs à 20 % à la fin des
années 1970, actuellement, le taux de retard à l’entrée en 6e est de 6 %.
Mais le retard à l’entrée dans cette classe n’est pas moins dépendant du
milieu social de l’élève, le redoublement étant même devenu socialement
plus biaisé au fur et à mesure de sa moindre fréquence (NI 15.23).
Ajoutons que cette baisse des redoublements est avant tout le fruit d’une
politique volontariste et ne signifie en rien que le niveau des élèves s’est
élevé.
Les inégalités sociales de fréquence du redoublement renvoient à deux
phénomènes : d’une part les enfants abordent le cours préparatoire avec un
niveau inégal ; de l’autre, non seulement cet écart n’est pas comblé par
l’école, mais les progressions scolaires au cours de l’école élémentaire
elles-mêmes sont plus ou moins fortes selon le milieu social de l’élève, de
telle sorte que les inégalités sociales de réussite s’accumulent au fil de la
scolarité. On a pu estimer que la moitié des inégalités sociales de
performance observées à l’issue de l’école primaire s’explique par les
inégalités qui étaient déjà en place à l’entrée de ce niveau d’enseignement
(Caille et Rosenwald, 2006). Ces dernières se sont en fait formées bien
avant toute préscolarisation, au sein de familles dont les conditions de vie
inégales dressent des environnements inégalement stimulants pour les
enfants.
D’autres facteurs que l’origine sociale (appréhendée par la profession du
père) affectent également la réussite, notamment le niveau d’instruction du
père de l’enfant, et plus encore de la mère, à profession identique. Certes, le
niveau d’étude de chacun des deux parents importe, l’essentiel, quant à la
réussite de l’enfant, étant de disposer dans la famille d’un « stock » minimal
d’instruction. Cela dit, à niveau de ressources culturelles global
comparable, c’est plutôt dans les familles où la mère est la plus instruite que
les enfants réussissent le mieux (Singly, 2002 ; Caille et Rosenwald, 2006).
Le fait que l’influence du niveau de formation des mères soit
particulièrement forte n’est sans doute pas sans rapport avec le fait que le
temps qu’elles consacrent à aider leurs enfants est très supérieur à celui
consacré par les pères (Gouyon, 2004). De manière générale, les stratégies
concrètes pour aider son enfant restent très dépendantes des ressources
culturelles des parents ; ainsi, dès le primaire, plus de la moitié des mères
sans diplôme ont le sentiment d’être dépassées pour aider leur enfant à faire
son travail, contre 5 % de celles diplômées du supérieur ; au niveau du
lycée, la moitié de ces dernières se déclare dépassée, ce qui est le cas de la
quasi-totalité des non diplômées (INSEE, 2004). Au total, il semble qu’à ce
niveau de la scolarité, le milieu culturel de l’enfant compte plus que les
conditions matérielles, bien que ces deux facteurs soient en moyenne
corrélés.
Par ailleurs, les enfants appartenant à une famille de taille restreinte ont
tendance à mieux réussir, sachant que c’est surtout dans les milieux
populaires que cette influence négative de la taille de la famille s’avère
significative. Ceci conforte l’hypothèse selon laquelle la réussite en
primaire n’est pas sans rapport avec les contraintes financières qui pèsent
sur la famille, qui se traduisent notamment par les conditions de logement,
l’impossibilité de s’isoler, l’absence de livres à la maison, autant de facteurs
étudiés par les sociologues britanniques des années 1950 travaillant sur la
classe ouvrière urbaine (Hoggart, 1957), maintes fois confirmés depuis
(Goux et Maurin, 2001). Mais le fait que l’impact négatif d’une fratrie
nombreuse ne soit pas observé parmi les familles d’origine étrangère
(Ichou, 2018) indique que l’entraide des aînés ou l’exemple qu’ils peuvent
offrir sont capables de compenser le poids des facteurs matériels.
On observe également une relation positive entre activité professionnelle
de la mère et réussite de l’enfant, ce qui recouvre en partie le fait que les
mères actives sont à la fois plus instruites et ont moins d’enfants ; il reste
qu’à niveau d’instruction, milieu social et taille de la famille identiques,
l’activité maternelle a un léger effet positif sur le déroulement de la
scolarité. Toujours en raisonnant « toutes choses égales par ailleurs »,
l’appartenance à une famille monoparentale ou recomposée accroît
légèrement la probabilité de redoubler en primaire et au collège
(Archambault, 2007 ; Cretin, 2021), tandis que le conflit entre les parents
(plus que leur séparation elle-même) est associé à de moins bonnes
performances (Piketty, 2003).
Étranger ou Français, garçon ou fille,
verseau ou sagittaire…
D’autres facteurs sont associés à la réussite en primaire5, notamment la
nationalité de l’élève. Rappelons que les élèves étrangers ou d’origine
étrangère forment une population très typée, certes hétérogène, mais où
dominent les catégories sociales défavorisées (en particulier, leur mère
est dépourvue de tout diplôme à hauteur de plus de 80 % contre environ
20 % pour leurs homologues d’origine non immigrée). Ceci, par un effet
de composition, engendre des inégalités de parcours scolaires marquées :
chez les élèves entrés au CP en 2007, arrivent en 6e sans avoir redoublé
69 % des élèves d’origine immigrée du Maghreb (un peu moins pour
ceux originaires de Turquie, un peu plus pour ceux originaires du
Portugal, plus encore pour les élèves d’origine asiatiques), contre 83 %
des élèves dont aucun parent n’est immigré.
Cela dit, quand on tente d’isoler un effet spécifique de la nationalité ou
de l’origine migratoire (avec, à la racine, des problèmes de communication
ou d’« héritage culturel »), les résultats ne sont guère concluants. D’une
part, une origine immigrée, en elle-même (« toutes choses égales par
ailleurs ») n’affecte pas la probabilité de parvenir en 6e sans redoublement
(Caille et Rosenwald, 2006). D’autre part, la comparaison du niveau de
connaissances à l’entrée en 6e d’élèves de même milieu social et au passé
scolaire analogue (durée de la préscolarisation notamment), qui ne diffèrent
que par l’origine migratoire, montre que seuls les enfants arrivés récemment
en France (après plus de deux années scolaires passées à l’étranger, ou dont
les parents sont en France depuis moins de cinq ans), ou encore certains
sous-groupes (notamment les enfants d’origine turque ou sahélienne)
conservent un handicap spécifique (Ichou, 2015, 2018 ; Brinbaum, 2019 ;
voir aussi le numéro thématique de la Revue française de pédagogie, 2015,
no 191).
Pour la majorité des enfants d’origine étrangère ou étrangers, ce sont
donc bien, au-delà d’un léger désavantage au départ compensé par des
progressions légèrement plus fortes, les caractéristiques familiales qui sous-
tendent les difficultés rencontrées (au premier rang desquelles leur niveau
socio-économique actuel) et non la nationalité ou l’origine culturelle en tant
que telles. Les caractéristiques des parents dans leur pays d’origine, avant
même la migration, en particulier leur niveau scolaire par rapport à
l’ensemble de la population du pays, parfois aussi la situation des grands-
parents (Vallot, 2016), modulent également l’impact de l’origine migratoire
(Ichou, 2018). Ces constats, qui tendent à démontrer l’absence de handicap
spécifique significatif, strictement lié à l’origine migratoire, sauf pour
certains groupes bien précis, n’empêchent pas qu’un sentiment de
discrimination soit souvent présent chez ces élèves (Beauchemin et al.,
2016).
L’association entre sexe et réussite est plus nette : tout au long du
primaire, les filles réussissent mieux en français, et ont un niveau
comparable aux garçons en mathématiques, niveau qui devient légèrement
inférieur au fil des années collège. Peut-être est-ce là la résultante de
préférences sexuées des disciplines qui sont notables dès l’école primaire,
avec une moindre valorisation des mathématiques par les filles (Imberdis et
al., 2021). Dès le cours préparatoire, les garçons redoublent plus que les
filles et celles-ci sont plus nombreuses à effectuer une scolarité primaire
sans redoublement (leur taux de retard à l’entrée en 6e est de 6,8 % contre
5,2 % pour les filles, RERS 2019). À l’entrée en 6e, elles abordent la
scolarité au collège avec un bien meilleur niveau en Français. Cet écart
entre les sexes est moins marqué dans les catégories sociales aisées que
dans les catégories sociales modestes, mais il ne change jamais de sens ; et
surtout, sur l’ensemble de la scolarité élémentaire, l’impact de l’origine
sociale est bien plus marqué que celui du sexe : les filles d’ouvriers
redoublent bien plus souvent que les fils de cadres, respectivement 22 %
contre 6 % ; ces chiffres étant ceux du panel 2007, l’écart est appelé à se
resserrer vu la baisse continue du redoublement.
Enfin, l’âge de l’élève module sensiblement la réussite au CP. On observe
en effet qu’à l’entrée dans cette classe, les plus « vieux » (ceux nés en début
d’année) ont des performances légèrement plus élevées que les plus
« jeunes », ceux nés en fin d’année (Caille et Rosenwald, 2006 ; Grenet,
2010). Ceci amène certes à invoquer les différences de maturité entre
enfants d’âge inégal. Mais l’impact de l’âge biologique et psychologique
peut être contrecarré par celui de l’appartenance sociale, comme l’attestent
les performances faibles des élèves en retard, population très typée
(défavorisée) et celles au contraire très bonnes des élèves en avance qui
constituent aussi une population très typée (favorisée). De plus, le handicap
des élèves nés en fin d’année serait très transitoire s’il n’était relayé par les
pratiques mêmes de l’école, qui tend à faire redoubler davantage ces
enfants, sachant qu’un âge scolaire élevé constituera un handicap spécifique
dans la suite de leur cursus.
Au total, ces différents facteurs s’articulent et se cumulent, les écarts de
réussite devenant spectaculaires quand on compare les populations
combinant tout ce qui apparaît, en termes de réussite, comme des atouts ou,
au contraire, des handicaps. Il convient de souligner combien ces inégalités
de réussite se forment précocement, avant même l’entrée à l’école ; elles ne
peuvent donc être imputées ni à la responsabilité des jeunes enfants (qui
n’ont pas choisi le milieu où ils ont grandi), ni, à ce stade, à l’école elle-
même. Par contre, celle-ci est interpellée par le fait qu’elle ne parvient pas à
combler ces inégalités initiales, les laissant même s’accentuer au fil des
années.
Cette situation n’est pas en passe de s’estomper puisque le niveau moyen
des élèves au sortir du primaire a globalement baissé depuis trente ans,
surtout sur la période 1997-2007 pour le français et pour la période 1987-
1997 pour le calcul (NI 08.38), même si la baisse se poursuit entre 2007 et
2017 (NI 19.08) et est d’ailleurs observée jusqu’au niveau 3e (NI 20.34). En
lecture du moins, cette baisse a surtout concerné les élèves les plus faibles,
d’où une augmentation des écarts de performance, et un creusement des
inégalités sociales dans cette matière, sachant que, dans la dernière
décennie, la baisse concerne cette fois tous les élèves. Mais cette évolution
(au demeurant difficile à évaluer de manière rigoureuse, et qui fait l’objet
de diagnostics contradictoires, cf. Merle, 2019 ; CNESCO, 2016) n’a rien
de linéaire : non sans lien avec une évolution de l’école maternelle, mettant
davantage l’accent sur les apprentissages, les acquis des élèves entrant au
Cours Préparatoire ont augmenté significativement entre 1997 et 2011, ceci
réduisant quelque peu les inégalités sociales (NI 13.19). Mais, peut-être
parce que les compétences requises ensuite à l’école élémentaire ne sont pas
les mêmes que celles évaluées juste à l’entrée du CP, les performances des
élèves au sortir de l’école primaire ne reflètent pas toujours cette évolution,
sont parfois erratiques et peuvent diverger selon les matières évaluées. Sur
les dernières années, la compréhension de l’écrit en fin de primaire, tout
aussi importante que l’orthographe, progresse plutôt légèrement (NI 16.28 ;
Rocher, 2016a). Si à un niveau très global on peut conclure, comme le fait
le ministère, à des performances en hausse, il reste qu’à l’entrée en 6e,
seulement un peu plus de la moitié (53,4 %) des élèves présente un niveau
de fluence en lecture défini comme satisfaisant, un chiffre très variable
selon le profil social des collèges, de 68,4 % dans les établissements les
plus favorisés à 40,2 % dans ceux qui accueillent les publics les plus
défavorisés (NI 21.03).

Un déterminisme social massif ?


Faut-il conclure au caractère massif et inéluctable de ces inégalités
sociales qui apparaissent dès le premier contact avec l’école ? On ne
saurait le faire sans apporter quelques nuances. Tout d’abord, au niveau
individuel, le déterminisme n’est pas total. Même si d’un groupe social à
l’autre les taux de redoublement ou les connaissances acquises diffèrent
nettement, on ne peut prédire de manière fiable les résultats d’un élève
connaissant seulement son milieu social. En effet, autour des chiffres
moyens, qui frappent par leurs différences, il existe une dispersion
parfois forte, et donc des chevauchements entre les performances des
différents groupes ; ce qui veut dire concrètement qu’un nombre non
négligeable d’enfants d’ouvriers réalisent une scolarité comparable à
celle des enfants de cadres.
Par ailleurs, si, dans ce chapitre, l’accent est mis sur l’influence des
caractéristiques individuelles, d’autres facteurs interviennent dans la genèse
de la réussite scolaire. En particulier, et ceci vaut pour tous les niveaux
scolaires, le contexte où se déroule la scolarité (le maître et ses pratiques, la
classe ou l’école fréquentées) pèse d’un poids aussi lourd que les
caractéristiques individuelles (voir chapitres 5 et 6).
Il reste que les élèves vont aborder le collège avec un niveau d’acquis
sensiblement inégal selon leur milieu social, alors même que le niveau à
l’entrée en 6e reste le facteur déterminant des performances en 3°, et par là
de la suite des scolarités.
Dans le secondaire,
des cheminements de plus en plus
diversifiés
Comme le montrait l’enquête de l’INED, le déroulement de la scolarité
dans le second cycle n’était pas très méritocratique, tant s’en faut, dans
les années 1960. Quelle a été l’influence des réformes qui ont pris place
depuis, notamment l’accès de tous les élèves en 6e ? L’instauration du
« collège unique » a-t-elle permis de véritablement égaliser les carrières
au sein de ce qui constitue à présent, pour tous les élèves, la seconde
étape de la scolarité obligatoire ?

Des scolarités inégales, au sein


du « collège unique »
Appliquée progressivement, la réforme instaurant l’entrée de tous les
élèves au collège a entraîné au fil des années 1960-1970 un net
allongement des scolarités (Jacquemin, 1980) : les sorties précoces se
font deux fois plus rares et ce « gain » en scolarisation se traduit, dans les
deux tiers des cas, par le développement de l’enseignement technique
court (préparant, par un Certificat d’aptitude professionnelle – CAP – ou
un Brevet d’études professionnelles – BEP –, aux métiers d’ouvriers ou
d’employés qualifiés), notamment chez les enfants d’agriculteurs et
d’ouvriers. Si le collège accueille désormais tous les élèves, l’orientation
en cours de cycle s’est développée, avec des « aiguillages » plus
nombreux et une sélection plus continue. En outre, dans ces premières
années d’ouverture à tous du secondaire, l’accès au second cycle long a
cru moins que proportionnellement : la sélection en fin de 3e est devenue
plus sévère, et l’atténuation des inégalités sociales, réelle au niveau du
premier cycle, apparaît bien ténue en ce qui concerne l’accès en second
cycle.
Avec l’unification des structures du collège (fusionnant CEG et CES)
décrétée par la réforme Haby de 1975, la tendance à l’allongement des
cursus s’est poursuivie, ainsi que le développement des formations
professionnelles courtes (après la 5e ou la 3e), filières très typées
socialement. La réorganisation du collège intervenue au milieu des années
1980 va encore accentuer cette tendance en supprimant les possibilités de
sorties du collège en fin de 5e et en préconisant la baisse des redoublements.
La proportion d’élèves réalisant une scolarité complète au collège croît
fortement et l’homogénéisation des carrières scolaires se poursuit.
Aujourd’hui, si l’on tient compte des sections spécialisées (théoriquement
réservées à des élèves porteurs de handicaps ou de difficultés spécifiques),
ce ne sont néanmoins que 84 % des élèves entrés en 6e (en 2007) qui
atteignent une classe de 3e leur permettant de passer un brevet des collèges
de série générale, après 4 ou 5 ans ; 16 % des élèves ne réalisent donc pas
ce parcours emblématique du collège unique, orientés qu’ils sont vers les
filières préprofessionnelles ou spécialisées ; ce chiffre s’élève à 41 % pour
les élèves qui se situaient dans les 20 % les plus faibles aux évaluations de
début de 6e, et un quart des enfants de milieu populaire sont dans cette
situation (Cayouette-Remblière et Moulin, 2019).
Cette homogénéisation des parcours (toute relative donc) ne s’est
cependant pas accompagnée d’une homogénéisation des acquis scolaires
qui restent très disparates au collège (ils le sont même de plus en plus,
notamment en mathématiques, cf. NI 20.34) ; ainsi, les élèves de 3e les
moins performants ont des résultats inférieurs aux élèves de 6e les plus
performants (NI 15.25). De plus, les inégalités sociales de performance
tendent à s’accroître au collège, plus ou moins selon les disciplines, non
sans conséquence sur les carrières scolaires : les enfants d’ouvriers et
d’employés progressent moins que les enfants de cadres et d’enseignants,
notamment en mathématiques, ils redoublent plus fréquemment et sont plus
nombreux à se voir orientés vers les filières technologiques (Caillé, 2014).
Les années collège sont plus favorables aux filles qu’aux garçons, qui
creusent leur avantage en Français et réduisent leur retard initial en maths,
tandis que, une fois l’origine sociale prise en compte, le fait d’avoir des
parents étrangers n’affecte pas les progressions au collège, sauf pour
certaines origines (Maghreb, Afrique subsaharienne), surtout pour les
garçons, et seulement en mathématiques (Cayouette et Moulin, 2019). Sur
ces groupes d’élèves, les conditions de scolarisation s’avèrent moins
favorables, à tel point que leurs moindres progressions en mathématiques
s’expliquent par le fait qu’ils fréquentent plus souvent des établissements
relevant de l’éducation prioritaire et de l’agglomération parisienne que leurs
homologues nés en France (Cayouette et Moulin, 2019).
Il faut insister sur le fait qu’il s’agit là d’une relation statistique : certains
élèves de parents fortement diplômés peuvent également se trouver en
difficulté pour des raisons diverses (Henri-Panabière, 2010a et b), de même
que tel ou tel contexte scolaire peut modifier sensiblement ce qui
apparaissait au départ comme un handicap. Quoi qu’il en soit, les écarts
sociaux dans les scolarités au collège ont changé d’allure dans la période
récente : à des inégalités dans le fait de rester ou non au collège pendant
tout le premier cycle, se sont substituées des inégalités plus qualitatives de
réussite (sanctionnées, mais de plus en plus rarement, par des probabilités
inégales de redoubler), débouchant elles-mêmes sur des inégalités
d’orientation à la sortie du collège (accès ou non à un second cycle long
général ou technologique). Globalement, on a assisté à une translation
sensible des inégalités sociales depuis les années 1950, sous le coup de
« vagues démocratisantes » qui ont porté successivement sur l’accès au
premier cycle du secondaire, puis sur l’orientation en cours de premier
cycle, enfin, à l’issue du collège, sur l’accès à un second cycle long général
ou technologique, qui varie encore de plus de 1 à 2 selon les milieux
sociaux (cf. tableau 1).
Tableau 1 : Taux d’accès à une 2nde générale
ou technologique des élèves entrés
en 6e en 2007, selon leur origine sociale
(Caillé, 2014).

NB : la différence à 100 correspond aux orientations vers


l’enseignement professionnel et aux redoublements. Certaines origines
sociales ne sont pas reprises dans ce tableau (artisan, chef
d’entreprise…). Depuis ce panel, les évolutions ont été discrètes (le
taux d’accès plafonne à 63 %).

Comment s’expliquent ces différences de parcours au collège, selon


l’origine sociale ? Tout d’abord, par les inégalités scolaires antérieures,
puisque le collège accueille en 6e des élèves de niveau très inégal. Or, dans
la mesure où les acquis scolaires sont cumulatifs, à ce niveau comme à ceux
qui précèdent, ces inégalités initiales vont en entraîner d’autres : les élèves
initialement les plus forts progressent davantage que les élèves initialement
les plus faibles, à tel point qu’on a pu estimer, à la fin des années 1980, que
le collège produisait en deux ans (6e et 5e) plus d’inégalités sociales de
résultats que toute la scolarité antérieure (Duru-Bellat et Mingat, 1993). Les
nouvelles inégalités attachées spécifiquement aux progressions inégales à
ce niveau viennent donc se cumuler avec les inégalités observées dès
l’école primaire.
Cette accélération des inégalités au collège résulte sans doute de certains
traits du fonctionnement pédagogique de ce niveau d’enseignement. On
pense en particulier au contenu des programmes, largement hérités, malgré
des évolutions significatives, d’une époque où seule une frange triée
d’élèves accédait au secondaire (Baluteau, 1999), même si un certain
nombre de réformes se sont succédé depuis, structurées selon la logique du
« socle commun » (Rey, 2010). On peut évoquer aussi des facteurs tels que
la multiplicité des maîtres, l’importance du travail à la maison, bref toute
une organisation du temps et de la vie scolaire héritée des lycées et
inégalement familière aux élèves. S’y ajoute une baisse progressive,
pendant les années collège, de la motivation des élèves face au travail
demandé ainsi qu’une dégradation de leur sentiment d’efficacité
personnelle, des tendances plus accentuées parmi les élèves les plus
défavorisés (NI 19.02). Mais l’élève et sa famille ne se contentent pas de
subir cette forme scolaire : dans la mesure où la structure pédagogique leur
en laisse la possibilité (bien plus qu’en primaire), ils développent au collège
ce que Bourdieu (1979) appellerait des stratégies de distinction.

Des options à l’orientation, la quête


de la distinction
Dans un système qui s’est progressivement uniformisé, une part des
inégalités sociales se génère par le jeu des « libres choix » familiaux. En
6e, le choix de la première langue a longtemps été très marqué par
l’origine sociale : parmi les élèves scolarisés au collège dans les années
1990, le choix de l’allemand concerne 13,2 % des enfants de cadres (et
même 23,9 % de ceux dont les deux parents sont enseignants6) contre
7 % des enfants d’employés (Lasne, 2018) ; cependant, avec la baisse
spectaculaire du pourcentage de collégiens étudiant l’allemand en 1re
langue (un peu moins de 3 % aujourd’hui) – une baisse non sans rapport
avec l’interdiction faite de regrouper les germanistes dans les mêmes
classes –, et avec la suppression des classes bilingues en 2015, cette
première manifestation de « distinction » s’est largement dissipée. Il reste
que, par le choix d’une langue rare (autre que l’anglais, soit environ 4 %
des élèves) ou d’une option particulière (classe musicale, par exemple),
les élèves les plus jeunes, les meilleurs, et surtout les plus favorisés
socialement, se retrouvent regroupés dans les mêmes classes (et les
mêmes établissements). Dans certains collèges populaires, on instaure
même des options, telles que « lettres-musées » ou sport, qui permettent
de hiérarchiser finement (mais de manière assez opaque) les classes, pour
tenter de contrer la fuite des élèves de classes moyennes (Payet, 2016).
Les choix ultérieurs (langues vivantes ou anciennes notamment)
obéissent à la même logique de distinction sociale ; ils ne sont pas sans
rapport avec le niveau scolaire de l’enfant (les latinistes sont par exemple
de meilleurs élèves que les non-latinistes), mais restent très liés à son
origine sociale : ainsi, aujourd’hui, le taux de latinistes varie de 27 %
chez les élèves de milieu social très favorisé à 11,1 % parmi les élèves de
milieu défavorisé (NI 15.37).
Certes, il n’est pas exclu que des différences de goûts, facteurs subjectifs
évidemment nourris dans le milieu familial, soient à l’origine de ces choix
(Cibois, 1996). Mais tout indique que par ces stratégies délibérées, les
familles cherchent moins à faire apprendre à leur enfant telle langue
ancienne ou rare qu’à le faire accéder à telle classe ou à tel établissement,
dans des contextes du même coup relativement homogènes sur le plan
scolaire et sur le plan social ; ainsi, les enfants des milieux favorisés font
plus souvent le choix du latin lorsqu’ils sont scolarisés dans les réseaux
d’éducation prioritaires (NI 15.37 ; sur ces stratégies familiales, cf. aussi
chapitres 5 et 8). S’il s’avérait (nous y reviendrons dans le chapitre 5) que
l’on progresse plus dans les « bonnes classes », ou dans certains collèges,
alors ces choix d’options auraient une part de responsabilité dans les
inégalités sociales de cursus.
Ce qui est vrai des choix d’options l’est, a fortiori, des choix
d’orientation qui balisent le cheminement au collège. Les décisions qui sont
prises en fin de 3e (accès à un 2nd cycle professionnel ou à un 2nd cycle
long) déterminent de façon souvent irréversible les carrières scolaires. Elles
obéissent certes à une logique académique : les « bons » élèves font en
moyenne les études les plus longues, accèdent aux filières les plus
prestigieuses. Mais il ne s’agit là que d’une tendance moyenne, et les
décisions d’orientation diffèrent sensiblement selon l’origine sociale (et
aussi d’ailleurs selon l’origine nationale, avec des attentes plus élevées chez
les familles immigrées, cf. Brinbaum, 2019), à niveau académique
comparable.
Plusieurs recherches permettent d’évaluer, au-delà du poids des inégalités
sociales de réussite, ce qui relève spécifiquement de la manière dont sont
prises les décisions d’orientation. Selon les instructions officielles, la
décision finale est censée émerger d’un dialogue avec la famille, dont on
s’efforce de respecter les vœux ; globalement, les droits des familles tendent
à s’accroître depuis 1985, à telle enseigne qu’on expérimente depuis 2014
un choix d’orientation entièrement du ressort des familles, éventuellement
accepté uniquement sous réserve d’une remise à niveau. Or, les vœux des
parents sont toujours très diversifiés selon leur profession ou leur niveau
d’instruction : si le désir de voir son enfant poursuivre des études longues
est à présent majoritaire dans tous les groupes sociaux, l’objectif
d’obtention d’un diplôme du supérieur concerne 89 % des familles de
milieu favorisé contre 69 % parmi les familles de milieu défavorisé
(Givord, 2020). Mais plutôt que de conclure à une ambition plus modeste
des familles de milieu populaire, il faut invoquer les difficultés précoces
rencontrées par leurs enfants dès les premiers apprentissages (Poullaouec,
2010), qui les amènent à anticiper des difficultés ultérieures (Chauvel,
2011). Néanmoins, sensibles comme tous les élèves aux hiérarchies entre
filières, les jeunes de milieu populaire, même quand ils sont un peu
« justes » scolairement, s’efforcent de rester dans une filière plus valorisée
que ce que leurs acquis scolaires permettraient, au prix de redoublements
notamment (Cayouette-Remblière et de Saint Pol, 2013).
Même si tous les élèves sont ainsi « tirés vers le haut », les familles
n’ignorent pas que l’orientation se fonde sur des critères scolaires, et, en
moyenne, leurs demandes s’adaptent aux notes et à l’âge de leur enfant :
quand celui-ci est trop faible ou trop âgé, les familles renoncent d’elles-
mêmes aux orientations les plus exigeantes. Mais, surtout quand l’élève est
moyen, cette autosélection est plus ou moins forte selon le milieu social
(Guyon et Huillery, 2021) : quand la situation est incertaine, les familles de
milieu populaire, plus sensibles au risque d’échec dans les études à venir, se
montrent plus prudentes que les familles de milieu aisé, et renoncent à
demander les filières générales, plus valorisées, pour se « rabattre » sur une
formation professionnelle (sachant que ceci est moins vrai pour les familles
étrangères et résulte aussi souvent d’un travail de persuasion de la part des
enseignants…). À l’inverse, toujours pour ces élèves moyens, seules les
familles de milieu aisé osent demander les orientations les plus valorisées.
Parmi les élèves entrés en 6e en 2007 et ayant en fin de 3e une note
moyenne comprise entre 10 et 12, 91 % des enfants de cadres demandent
une orientation en 2nde générale ou technologique contre seulement 60 %
des enfants d’ouvriers non qualifiés de niveau identique (NI 13.24). Les
familles de milieu social favorisé dont les enfants sont de niveau scolaire
médiocres ont également tendance à refuser davantage les orientations vers
les voies professionnelles (Herbaut, 2019).
Or ces demandes familiales sont fortement prises en compte par les
conseils de classe qui, comme les textes les y invitent, ont tendance à se
rallier aux demandes des familles ; de fait, en suivant ainsi les demandes
exprimées, mais aussi en ne « corrigeant » pas à la hausse les demandes de
ceux qui se sont fortement autosélectionnés (voire en aidant les familles les
moins favorisées à se montrer « raisonnables »), les conseils entérinent les
biais sociaux incorporés dans ces demandes. Les analyses réalisées au
niveau 5e dans les années 1980 (Duru-Bellat et Mingat, 1993) montraient
qu’à ce niveau de la scolarité, les différenciations sociales dans les
demandes pesaient d’un poids aussi important que les inégalités de valeur
scolaire, dans l’explication des biais sociaux en matière d’orientation. Elles
montraient en outre que les conseils de classe ont tendance à entériner les
inégalités déjà « incorporées » dans les demandes ; les enseignants, sans
doute de façon largement implicite, tiennent compte du milieu socioculturel
de l’élève pour décider des orientations. Les analyses plus récentes (DEP,
2003 ; NI 13.24) confirment ce poids important de l’autosélection
différenciée dans la genèse des inégalités sociales de trajectoires, d’autant
plus que ces dernières années, le taux de satisfaction des demandes est en
hausse, en général et plus encore pour les élèves de milieu favorisé, même
si les textes encouragent spécifiquement les conseils de classe à « pousser »
les jeunes de milieu défavorisé. Néanmoins, les enseignants présupposent
un soutien inégal en fonction du milieu familial en cas de difficultés
scolaires, et ils ont tendance à être de fait plus sélectifs avec les élèves de
milieu populaire, et ce à tous les niveaux du secondaire (par exemple, pour
l’orientation en SEGPA, cf. Serour et al., 2021).

En résumé, les inégalités sociales déjà présentes au sortir du primaire


vont se creuser au collège, par le jeu de deux mécanismes. Le premier
concerne les acquisitions : au collège plus encore qu’en primaire, la réussite
varie selon le milieu social. Les scolarités au collège accentuent même les
écarts existant à l’entrée, les élèves initialement les plus forts progressant
davantage que les élèves initialement les plus faibles. De plus, les
évolutions du niveau académique enregistrées à l’issue du primaire se
répercutent au niveau du collège : comme récemment en fin de primaire, on
observe à présent une baisse des scores des élèves en fin de 3e, assortie
d’écarts croissants entre les élèves faibles et/ou relevant de l’éducation
prioritaire et les autres, notamment en mathématiques (NI 10.22 ; Rocher,
2016a).
Ces écarts sont aujourd’hui particulièrement marqués à l’entrée en 2nde :
en septembre 2020, 83 % des élèves fréquentant les 20 % des lycées
(généraux et technologiques) les plus défavorisés ont une bonne ou très
bonne maîtrise des compétences de base en français censées acquises au
sortir du collège (contre 97 % dans les établissements les plus favorisés), les
chiffres étant respectivement 64 % et 94 % pour les compétences en
mathématiques, ce qui fait douter de la réalité du collège unique et du socle
commun… Ces contextes inégaux, en ce sens que les performances du
public d’élèves s’y avèrent inégales, peuvent en eux-mêmes accentuer les
inégalités tenant aux caractéristiques personnelles (cf. chapitre 5). C’est en
partie pour cette raison – ils accèdent à des contextes plus favorables aux
apprentissages –, au-delà de demandes d’orientation systématiquement plus
ambitieuses, que les élèves de niveau faible à l’entrée dans le secondaire
mais de milieu social favorisé ont finalement plus de chances que leurs
homologues de milieu social défavorisé d’aller jusqu’au baccalauréat
(Herbaut, 2019). En outre, en sus de ces inégalités d’acquis, deux nouvelles
sources d’inégalité sociale interviennent au collège (au-delà de l’impact du
choix de l’établissement, sur lequel nous reviendrons dans le chapitre 5) :
les choix d’options, et (surtout) les mécanismes de l’orientation, sous
couvert du respect des demandes familiales. Au total, aujourd’hui comme
hier, les inégalités sociales se cristallisent au niveau collège (Duru-Bellat et
al., 1993).
Si à la fois les inégalités précoces de réussite et les mécanismes de
l’orientation semblent relativement stables sur la période récente (voir les
analyses de Cayouette-Remblière, 2016), on peut se demander si la baisse
de la sélectivité au niveau du collège n’est pas assortie d’effets pervers :
elle accentuerait les difficultés que les élèves des collèges populaires, moins
sélectionnés, vont rencontrer en second cycle, ou encore creuserait les
écarts entre établissements, les élèves de milieu favorisé ayant tendance à
fuir plus encore ces collèges populaires, où l’on garde à présent tous les
élèves jusqu’en 3e (Broccolichi, 1995). Quoi qu’il en soit de ces effets
pervers possibles, il n’en est pas moins vrai que le cheminement de l’élève
et les différenciations qui le marquent peuvent de moins en moins être
considérés comme le reflet méritocratique de leurs acquisitions effectives.
Certes, pour une part, les biais spécifiques observés lors de l’orientation –
l’autosélection plus marquée des élèves de milieu populaire – anticipent
également les inégalités sociales de réussite qui subsistent au lycée
(Broccolichi et Sinthon, 2011), même si les orientations vers
l’enseignement professionnel de ces élèves ne peuvent se lire de manière
purement rationnelle ou a fortiori purement négative (Palheta, 2011).
Surtout, sur le long terme, la disparition des paliers d’orientation très
sélectifs qu’étaient l’entrée en 6e et la fin de la 5e, et, aujourd’hui, le
caractère de moins en moins sélectif de l’orientation après la 3e,
affaiblissent le poids des biais sociaux tenant spécifiquement à l’orientation
et renforcent du même coup le rôle des inégalités sociales de résultats
(Ichou et Vallet, 2012), avec à la clé des écarts très importants de niveau
scolaire à l’entrée de 2nde entre les lycées selon leur profil social (NI 21.17).
Toujours est-il qu’actuellement, les enquêtes comparatives internationales
pointent nettement la France comme un des pays où les performances des
élèves sont, à 15 ans, les plus dépendantes de leur milieu social (voir par
exemple NI 19.50 pour les résultats en mathématiques).

L’accès au baccalauréat
et à l’enseignement supérieur
L’ambition politique affichée de mener 80 % d’une classe d’âge au
niveau d’un baccalauréat (général, technologique ou professionnel) s’est
concrétisée aujourd’hui, puisqu’en 2020, 87 % des jeunes atteignent
aujourd’hui ce niveau (80 % détiennent un baccalauréat). Mais le suivi
des élèves du panel 2007 montre qu’il subsiste de fortes inégalités entre
les groupes sociaux. Si 94 % des enfants de cadres détiennent un bac
(tous types confondus), ce n’est le cas que d’environ 63 % des enfants
d’ouvriers non qualifiés ou de personnel de service (NI 20.07). Une prise
en compte plus fine du milieu social de l’élève (Farges, 2018) fait
apparaître des trajectoires extrêmement typées dans les probabilités
d’avoir obtenu ce diplôme sans retard scolaire ou en avance (74 % par
exemple quand les deux parents sont enseignants, contre une valeur
moyenne de 53,6 %)…
Le type de bac possédé est encore plus diversifié socialement ; ainsi,
alors que 85 % des enfants de cadres sont dotés d’un bac général ou
technologique (dont 77 % pour le premier), ce n’est le cas que de 35 % des
enfants d’ouvriers ou d’employés ; ces derniers sont presque aussi
nombreux à être dotés d’un bac professionnel (28 % de ceux entrés en 6e en
2007, contre seulement 9 % pour les enfants de cadres). Les diverses
spécialités professionnelles restent, quant à elles, très diversifiées
socialement (Palheta, 2012).
Il est certain que la création du baccalauréat professionnel, d’abord
accessible aux élèves de CAP ou BEP, puis son essor, avec une scolarité en
3 ans à partir de la session 2011 ont ouvert les opportunités des élèves de
milieu populaire, les premiers concernés du fait de leur niveau scolaire en
moyenne plus faible, mais aussi de par la tendance des conseils de classe à
leur proposer cette voie plus systématiquement qu’à leurs homologues de
milieu plus aisé. L’expansion des effectifs du bac professionnel a porté la
forte croissance des effectifs des bacheliers ces dernières décennies alors
que les effectifs des bacheliers généraux, après une forte croissance dans les
années 1980-1990, ont plutôt tendance à stagner. Cette évolution participe
sans conteste à l’atténuation des écarts sociaux encore importants d’accès
au baccalauréat. Néanmoins, dans la perspective d’une poursuite d’études,
et si le titre de bachelier devient trop répandu pour garder un caractère
distinctif, l’essentiel risque d’être de plus en plus le type ou la série du
baccalauréat possédé.

Le bac, oui mais quel bac ?


Le baccalauréat a en effet ses « quartiers » : non seulement les
proportions d’élèves à l’âge normal ou d’enfants de cadres décroissent
quand on passe des bacs généraux aux bacs technologiques, puis
professionnels, mais au sein de chaque type, il existe des hiérarchies.
Jusqu’à la réforme du baccalauréat intervenue à la rentrée 2019, on
observait bien plus d’élèves de milieu social favorisé dans la série S
(scientifique) que dans les autres séries générales et a fortiori dans les
séries technologiques. La polarisation des enfants de cadres sur la série
S était tout à fait remarquable : y accédait 40 % d’une classe d’âge y
accédait, contre moins de 9 % des enfants d’ouvriers qualifiés, ou encore,
parmi les enfants parvenus sans retard en terminale, les deux tiers des fils
de cadres y étaient scolarisés, et presque la moitié des filles.
Ces hiérarchies évoluent avec le temps. Ainsi, cette surreprésentation des
enfants des milieux aisés dans la série scientifique s’est accentuée au cours
des années 1960-1975, alors que, pendant cette période, l’accès au second
cycle s’est légèrement démocratisé. Car les nouvelles séries économiques et
technologiques mises en place alors ont permis d’« absorber » les nouveaux
bacheliers venant des milieux populaires, et ont aussi accueilli un certain
nombre des élèves de ces milieux qui accédaient auparavant, après une
sélection plus forte, aux baccalauréats « traditionnels » littéraires et
scientifiques. Ensuite, alors que le recrutement de la série technologique
tertiaire se fait de plus en plus populaire, les enfants de cadres voient leurs
chances d’accéder à une série scientifique s’accentuer encore, avec à la clé
une hiérarchisation croissante des différentes séries, ce qui amène à parler
de « démocratisation ségrégative » (Merle, 2000 et 2019). En d’autres
termes, au-delà de l’ouverture globale du baccalauréat, ce sont les séries et
les types de bac qui étaient au départ les plus populaires qui le sont devenus
encore plus (Sautory, 2007 ; Duru-Bellat et Kieffer, 2008). Au total, si les
inégalités sociales d’accès au bac se sont sans conteste atténuées, elles
prennent aujourd’hui avant tout la forme d’inégalités d’accès aux
différentes séries. Et la dernière réforme du baccalauréat, qui requiert des
lycéens de choisir 3 enseignements de spécialités en 1re (ils en garderont 2
en Terminale), avec en ligne de mire l’orientation dans l’enseignement
supérieur, ne semble pas contrecarrer ces biais sociaux : les enfants des
milieux sociaux les plus privilégiés sont surreprésentés dans la triplette
« maths, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre » et plus
largement dans toutes les combinaisons de choix incluant des
mathématiques, tandis que les enfants de milieu moins favorisé sont plus
représentés dans les combinaisons plus littéraires ou dont les débouchés
dans l’enseignement supérieur sont moins évidents (NI 21.22).
Ces différenciations sociales s’esquissent dès le niveau seconde : non
seulement les enfants de cadres accèdent à cette classe avec un niveau
scolaire meilleur, notamment en mathématiques, que les enfants de milieu
populaire, et vont mieux réussir tout au long de leur scolarité au lycée
(Broccolichi et Sinthon, 2011), mais ils y choisissent des panels d’options
qui leur semblent constituer un passeport requis pour les orientations les
plus prestigieuses. À nouveau, les différenciations sociales de cursus ne
sont pas le pur reflet de différences de réussite scolaire, puisque les
stratégies de choix d’options en sont partie prenante.
Ceci vaut également pour les différences entre les sexes7. Si les filles
cheminent de manière très honorable dans le secondaire, redoublant moins
fréquemment, parvenant plus souvent au niveau du baccalauréat (83 % des
filles, 72,5 % des garçons dans le panel 2007), des inégalités
« qualitatives » apparaissent, qui découlent quasi exclusivement, à ce stade,
de différences d’orientation (et non de différences de réussite, les
mécanismes qui engendrent les inégalités de genre étant donc sensiblement
différents de ceux à la racine des inégalités sociales de parcours). En
particulier, et sans grand changement depuis les années 1980, elles accèdent
moins souvent aux filières scientifiques, aujourd’hui les plus prestigieuses,
malgré leur bon niveau de réussite. La réforme du baccalauréat n’a en rien
atténué l’écart entre garçons et filles pour ce qui est des choix de
combinaisons d’options. Les filles, même quand elles font le choix de
l’option mathématiques, lui adjoignent moins souvent les sciences de
l’ingénieur ou la physique, et restent globalement très majoritaires dans les
combinaisons d’options n’incluant pas les mathématiques.
Ces différences entre les sexes s’articulent avec les inégalités liées au
milieu familial. Si la suprématie féminine dans l’accès au baccalauréat
s’observe dans tous les milieux sociaux (et vaut pour toutes les origines
migratoires, cf. Brinbaum, 2019), elle est un peu plus limitée chez les
enfants de cadres et de professions intermédiaires, et va en s’accentuant
jusqu’aux enfants de milieu populaire ou d’artisans et petits commerçants.
Cette position extrême des « petits indépendants » vient sans doute du fait
que les fils peuvent escompter hériter de l’outil de travail, ou entamer un
apprentissage, et sont par là même moins portés à poursuivre des études
longues et générales ; a contrario, on comprend que dans les familles de
professions intermédiaires, où le « capital culturel » recouvre l’essentiel du
patrimoine familial, la poursuite d’études longues revête un caractère obligé
pour les enfants des deux sexes. Toujours est-il qu’on observe plus de
différenciations entre catégories sociales chez les garçons que chez les filles
(Duru-Bellat et al., 2001).
Mais qui pèse le plus, le sexe ou l’appartenance sociale ? En termes
d’accès au niveau du baccalauréat, il y a plus de ressemblances entre
garçons et filles appartenant à des familles de cadres qu’entre les garçons
(ou les filles) appartenant à des familles situées aux deux extrémités de
l’échelle sociale ; l’origine sociale s’avère donc plus discriminante que le
sexe. Mais si on examine l’accès à un baccalauréat (ou, aujourd’hui, des
options) scientifiques, il semble que ce soit l’influence du sexe qui domine,
les garçons l’emportant sur les filles quel que soit leur milieu social (à
l’exception des filles de cadres). Ces différenciations dans le bagage
scolaire détenu au sortir du lycée pèsent d’un poids très lourd à l’entrée
dans l’enseignement supérieur, vu les articulations étroites et stables entre
ce profil et les « choix » envisageables, d’autant plus avec le système qui
régit aujourd’hui d’affectation des lycéens – Parcoursup – et se fonde
notamment sur le dossier scolaire. Cette plateforme web recueille depuis
2018 leurs vœux ; outre des vœux non hiérarchisés, les futurs étudiants
doivent joindre, en sus de leurs résultats scolaires, une lettre de motivation
et un avis de leurs enseignants. Une sélection peut avoir lieu dans les
filières dites en tension8. Ce mode de fonctionnement est en phase avec une
montée des formations privées dans le Supérieur, non sans conséquence sur
les inégalités sociales d’accès à ce niveau d’enseignement (Oller et al.,
2021). Mais en lui-même, le dispositif Parcoursup n’a pas accru la
ségrégation sociale entre les filières, qui découle de fait des vœux des
élèves.

Ce qu’il faut souligner, c’est la pertinence relativement faible, dans ce


contexte, de la notion de projet personnel mise en exergue par l’institution
scolaire. L’orientation, vu le poids des facteurs scolaires, apparaît bien
comme une sélection, même si celle-ci est en grande partie « gérée » par les
jeunes eux-mêmes, avec le soutien plus ou moins actif de leur famille (cf.
chapitre 8). Ceux-ci, avec des atouts inégaux, tentent d’accéder à la filière
qui apparaît à la fois la plus conforme à leur niveau et la mieux placée dans
une hiérarchie unidimensionnelle allant des cursus à forte charge
scientifique aux séries technologiques ; à cet égard, la meilleure filière est
celle qui permet d’accéder aux études perçues comme les plus « porteuses »
de débouchés, même si son contenu est considéré par nombre d’entre eux
comme pas spécialement attractif. Cette logique engendre de nombreux
choix par défaut, et l’instrumentalisme des lycéens n’entretient qu’un
rapport lointain avec ce qui serait une logique de projet susceptible de
légitimer le fonctionnement de l’orientation (Dubet, 1991 ; Duru-Bellat et
al., 1997).

Que faire de son bac dans


l’enseignement supérieur ?
L’accès à l’enseignement supérieur est aujourd’hui encore très inégal :
alors que 53 % d’une génération accède à l’enseignement supérieur, c’est
le cas de plus de 80 % des enfants d’enseignants et de cadres supérieurs,
et d’un peu moins de la moitié des enfants d’employés et d’ouvriers (et
même d’un tiers seulement des enfants d’ouvriers non qualifiés). Ils en
sortiront inégalement diplômés : parmi les jeunes adultes de 25-29 ans
(en 2017), c’est le cas pour 61 % des enfants de cadres, de professions
intermédiaires ou d’indépendants, et de seulement 31 % des enfants
d’ouvriers ou d’employés. Et ce n’est plus un écart de 1 à 2 mais de 1 à 3
qui est observé quand c’est l’obtention d’au moins un master qui est prise
en compte.
En fait, près de 81 % des inégalités sociales d’accès à l’enseignement
supérieur s’expliquent par les inégalités d’obtention du bac (et de quel bac),
alors que les inégalités sociales tenant à la transition secondaire/supérieur
ne comptent donc que pour 19 % (Herbaut, 2019), tant le taux de passage
des bacheliers dans le supérieur est aujourd’hui élevé (près de 90 %).
L’accumulation d’inégalités précoces de réussite (mesurables notamment à
l’entrée en 6e) constitue donc de loin le principal mécanisme à l’origine des
inégalités d’accès au supérieur. Néanmoins, il reste indubitable que l’accès
à l’enseignement supérieur s’est démocratisé, en continuité avec la
démocratisation du baccalauréat.
Cependant, tout particulièrement à ce stade des études, il n’y a pas que la
durée du cursus qui importe : alors que l’extension de l’accès au supérieur
en élargit mécaniquement la base sociale, les différenciations fines de
cursus en son sein vont entretenir des distinctions sociales toujours
renouvelées, facilitées par la multiplication des filières. Le « paysage » des
études supérieures reste donc très contrasté : le poids des enfants de milieu
très favorisé (cadres, professions libérales, enseignants, qui représentent
environ 24 % des jeunes nés en 1997) est de 16 % dans les sections de
technicien supérieur et de 53 % dans les classes préparatoires aux grandes
écoles (NI 18.09). Au sein de l’Université, ce pourcentage baisse
continûment depuis les filières Santé de l’Université (48 %), suivies des
Sciences et du Droit (37 %), pour décroître ensuite, jusqu’aux Lettres,
Langues et Sciences Humaines (28 %).
La surreprésentation des jeunes de milieu très favorisé s’accroît avec le
prestige des filières, puisqu’ils constituent 64 % du public des grandes
écoles, qui n’accueillent que 9 % d’étudiants de milieu défavorisé (Grenet,
2021). Il existe bien sûr des différences entre les écoles, certaines écoles de
commerce ou d’ingénieurs accueillant un peu plus de jeunes des catégories
moyennes. Leur recrutement est aussi géographiquement très concentré
avec une forte surreprésentation des étudiants parisiens et franciliens, ainsi
que de quelques lycées d’Île-de-France pour ce qui est des écoles les plus
prestigieuses.
Même si la démocratisation de l’ensemble du supérieur, quand on
raisonne par grands niveaux de formation, est réelle, quoique de faible
ampleur (Albouy et Tavan, 2007), les grandes écoles, qui ont pris soin de se
tenir relativement à l’écart de l’expansion des effectifs, restent à l’écart de
ce mouvement : alors qu’une relative démocratisation a concerné de
manière parallèle les troisièmes cycles universitaires et les grandes écoles
des années 1940 aux années 1970, à partir des années 1980, les premiers
continuent de se démocratiser alors que la démocratisation de l’accès aux
grandes écoles s’interrompt (Euriat et Thélot, 1995) ; le profil social de
leurs étudiants n’a que très peu varié depuis le milieu des années 2000,
même si leurs effectifs ont connu une certaine hausse sur la période, mais
avec une multiplication de grandes écoles de niveau plus hétérogène. La
probabilité d’être diplômé d’une grande école était et reste aujourd’hui très
inégale : parmi les élèves nés en 1988, les chances relatives des élèves de
milieu très favorisé d’accéder à une grande école étaient 17 fois plus
élevées que celles des élèves de milieu défavorisés ; parmi les élèves nés en
1995, ce rapport est de 14 (Grenet, 2021 ; Falcon et Bataille, 2018).
Cette situation traduit certes l’excellence scolaire accumulée par les
enfants de cadres tout au long de leur scolarité antérieure, par une variété de
stratégies, dont le choix des contextes les plus propices aux apprentissages
(cf. chapitre 5), et aussi des mobilisations familiales très actives (cf.
chapitre 8). Mais il faut compter aussi avec l’autosélection socialement et
sexuellement différenciée qui se manifeste à nouveau à l’entrée dans
l’enseignement supérieur. À série et mention au baccalauréat identiques, les
enfants de milieu populaire ou peu instruit, et aussi les filles s’orientent
moins vers les classes préparatoires aux écoles d’ingénieurs, par exemple
(cf. NI 04.14). Le dispositif Parcoursup prévoit des quotas de boursiers dans
les filières les plus recherchées et s’efforce d’encourager la mobilité
géographique des étudiants, mais on ne dispose pas pour l’heure
d’évaluation de ces incitations. Ces orientations qui amorcent le processus
de reproduction sociale et les phénomènes d’autosélection qui les marquent
sont sous-tendues par le fait de pouvoir s’imaginer dans telle profession, qui
ne doit donc pas apparaître trop incongru vu son sexe, son milieu social,
voire géographique (cf. chapitre 5) et l’avenir anticipé en conséquence
(Duru-Bellat, 1995b). Ainsi, les enfants d’enseignants s’inscrivent plus dans
les filières les plus académiques (lettres ou sciences fondamentales) de
l’enseignement supérieur (jusqu’aux troisièmes cycles universitaires) alors
que les enfants des autres cadres vont être surreprésentés en médecine
(Farges, 2018). De même, si les grandes écoles ont un recrutement finement
diversifié sur le plan social (Bourdieu, 1989), c’est sans doute parce qu’une
certaine familiarité avec les milieux professionnels auxquels mènent les
différentes filières (recherche, haute fonction publique, milieux industriels
et des affaires) est nécessaire pour oser s’y orienter.
Des paramètres comme la durée et donc le coût des études interviennent
aussi : avec un baccalauréat scientifique, très peu d’étudiants de milieu
modeste s’orientent en médecine. Le degré de risque est également pris en
compte : la sélection y prend place après parfois plusieurs années de
préparation à un concours, avec par conséquent le risque d’avoir « perdu »
deux années, alors que dans les IUT, par exemple, la sélection se fait avant
l’entrée. Les étudiants doivent donc réaliser des arbitrages, entre le facteur
risque et le facteur rendement, car les études les plus « rentables » sont en
général les plus risquées. De fait, les étudiants de milieu modeste (et en
général les filles) donnent plus de poids dans leur décision au risque
d’échec qu’aux rendements escomptés, sachant de plus que les filles
peuvent anticiper les phénomènes de discrimination qui peuvent, pour elles,
diminuer les rendements probables (Bonnard et Giret, 2016), avec à la clé
une autocensure aux fondements plus économiques que psychologiques !
Les étudiants sans problèmes matériels s’avèrent quant à eux moins
dissuadés par le coût du risque et le prix du temps (phénomène ancien, déjà
visible à la fin des années 1970 ; cf. Duru-Bellat et Mingat, 1979). Ces
étudiants « tentent leurs chances » dans les filières difficiles (médecine,
classes préparatoires), quitte à se réorienter en cas d’échec vers des filières
moins risquées (IUT, lettres…), filières retenues au contraire comme
« premiers choix » par les étudiants de milieu modeste. Ces constats très
stables (tout comme ceux faits aux paliers d’orientation antérieurs)
confortent la thèse de sociologues comme Boudon, selon laquelle les
inégalités sociales d’orientation résulteraient des décisions rationnelles
d’individus, qui, de par leur milieu social, sont dans des situations de choix
diversifiées, et en particulier, sont dotés d’atouts scolaires à ce stade très
inégaux (cf. chapitre 10).
On note aussi que les choix des étudiants issus des familles les plus
instruites révèlent une meilleure information sur les « bonnes affaires » en
matière d’orientation, qu’ils collectent notamment dans les « salons »
dédiés, visités en famille (Oller et al., 2021). Ce sont eux qui les premiers
ont commencé à délaisser les orientations « traditionnelles » (faculté des
sciences pour les scientifiques par exemple), pour des orientations moins
conformes aux logiques scolaires (études commerciales, notamment), mais
fondées en termes de logique économique ; de fait, les bacheliers S (et
aujourd’hui ceux dotés d’un bon profil scientifique) s’orientent de manière
de plus en plus diversifiée, cette série fonctionnant plus comme la voie
d’accès aux filières les plus prisées quelles qu’elles soient plutôt que
comme porte d’entrée vers les carrières scientifiques (NI 12.10). Les
étudiants en quête de distinction sont de fait contraints de modifier leurs
choix dès lors que ces orientations se banalisent et deviennent moins
rentables. Les hiérarchies entre filières sont donc mouvantes. Il semble
qu’actuellement, les premiers cycles universitaires ne tiennent plus que la
troisième place dans les vœux des futurs étudiants, après les grandes écoles,
les formations privées de type « Bachelor » en pleine expansion, et les
cycles professionnels ; ces filières répondraient à une « demande
d’encadrement » et sembleraient, par leur caractère sélectif, garantir des
débouchés (Beaud, 2008 ; cf. aussi Convert, 2010). De même, tandis que les
étudiants des milieux les plus favorisés ont tendance à être encore fortement
surreprésentés dans les grandes écoles, les étudiants de milieu plus modeste
sont davantage « aspirés » par des troisièmes cycles universitaires de plus
en plus professionnalisés et moins malthusiens (Albouy et Wanecq, 2003).
Ces différences se manifestent chaque fois qu’un « choix » est à faire.
C’est vrai notamment en cas d’échec : la probabilité de redoubler est plus
forte chez les étudiants de milieu aisé, alors que les étudiants de milieu
modeste sont plus nombreux à « décrocher » (Bodin et Millet, 2011 ;
Beaupère et Boudesseul, 2009). D’une manière générale, et au-delà bien sûr
des inégalités sociales de bagage scolaire – les premiers entrant à
l’université avec un profil plus favorable à la réussite que les seconds
(Hugrée, 2015) –, ce sont ces différences de comportements qui produisent
l’essentiel des inégalités sociales de cursus observables dans
l’enseignement supérieur. En effet, à ce niveau, on n’observe plus
d’inégalités sociales de réussite à bagage scolaire identique, tant le
baccalauréat possédé constitue le facteur déterminant de la réussite
(Brinbaum et al., 2018) : dans les premiers cycles universitaires (hors santé)
plus de 85 % des jeunes bacheliers généraux avec mention obtiennent leur
licence alors que, ce n’est le cas que de 21 à 38 % des bacheliers
technologiques ou professionnels ; selon les filières universitaires, de 15 à
45 % de la note finale de première année s’explique par le bagage scolaire à
l’entrée dans le Supérieur, même si le passé scolaire (y compris si l’on
remonte au niveau du collège ; cf. Lemaire, 2012) continue d’exercer une
influence sur le parcours. De manière limitée, seul un impact spécifique du
niveau d’instruction des parents est encore visible (Duru-Bellat, 1995a ; NI
12.05 ; cf. aussi Romainville et Michaut, 2012). Ceci découle des
phénomènes de sur/sous-sélection qui ont pris place dans le cursus
antérieur, puisque « l’inégalité de la sélection tend à réduire
progressivement et parfois à annuler les effets de l’inégalité devant la
sélection » (Bourdieu et Passeron, 1970). Mais ceci est de moins en moins
vrai : la diffusion de l’accès au baccalauréat fait qu’aujourd’hui, des jeunes
qui ont connu de réelles difficultés dans leur parcours secondaire
parviennent aux portes de l’enseignement supérieur, notamment parmi les
jeunes de milieu populaire ; on ne peut plus parler à leur encontre de « sur-
sélection » et il faut prendre acte de l’hétérogénéité scolaire croissante du
public qui entre aujourd’hui dans le Supérieur (Hugrée, 2015), avec ses
conséquences sur le niveau de réussite ensuite.
Au total, dans un enseignement supérieur dont l’organisation même
requiert de l’étudiant de « savoir gérer » une carrière scolaire de plus en
plus complexe, c’est l’orientation, au sens large (y compris les
réorientations en cas d’échec, le choix des lieux d’études, etc.), dans un
contexte de contraintes plus ou moins marquées (notamment selon le
bagage scolaire engrangé), qui devient à ce stade le vecteur principal des
différenciations sociales. Alors que la concurrence pour l’emploi se durcit,
les jeunes s’emparent donc inégalement d’opportunités éducatives qui
augurent elles-mêmes de débouchés inégaux. Mais il n’y a pas là que des
stratégies rationnelles. Comme le souligne Felouzis (2000), les inégalités
sociales, à ce niveau, se construisent aussi à partir du découragement des
étudiants (cf. ce « refroidissement » des attentes – cooling out – étudiés
depuis près d’un demi-siècle par la sociologie anglo-saxonne), ou au
contraire leur persévérance et leur débrouillardise, et, en arrière-plan la
conviction (la motivation ou l’« engagement » disent les psychologues ; cf.
Dupont et al., 2015), socialement construite et d’autant plus marquée qu’on
s’élève dans l’échelle sociale, qu’on peut réussir.

Des inégalités sociales mouvantes,


au visage diversifié selon les pays…
Les inégalités sociales de cursus s’avèrent donc, dans le système scolaire
français, à la fois précoces et cumulatives. En prenant du retard dès le
primaire, les enfants d’origine modeste abordent le secondaire et ses
paliers d’orientation avec un handicap en termes d’âge et de valeur
scolaire. En outre, des inégalités se manifestent, à réussite comparable,
chaque fois qu’un choix est à faire, si bien que les inégalités sociales ne
s’estompent pas avec le temps mais se cumulent. Dans les années 1980,
les inégalités sociales observées à l’entrée en second cycle long venaient
pour environ un tiers des différences de scolarité primaire, pour un tiers
des inégalités de réussite au collège, et pour un tiers des mécanismes
d’orientation à ce niveau (Duru-Bellat et al., 1993). Cette importance des
inégalités de trajectoire tenant spécifiquement aux choix scolaires qui
prennent place pendant le secondaire – parfois de l’ordre de la moitié –
a été régulièrement observée dans la sociologie européenne (cf. par
exemple, pour la Suède, Erikson et Jonsson, 2000 ; pour la Grande-
Bretagne, Kerckhoff et al., 1997).
Cependant, l’expansion des scolarités et le différemment de l’orientation,
qui permettent aux enfants de milieu défavorisé de bénéficier d’une
formation plus longue – et en ce sens, on est fondé à parler de
démocratisation – n’ont pas fait disparaître les inégalités sociales d’acquis
scolaire. Ces inégalités de performance vont donc probablement devenir le
facteur le plus influent sur les trajectoires (Ichou et Vallet, 2012), dans la
mesure où elles se traduisent par des orientations vers des baccalauréats ou
plus largement des formations de second cycle de plus en plus diversifiées
et subtilement hiérarchisées débouchant elles-mêmes sur des orientations
que l’on peut juger inégales – dans les perspectives professionnelles
qu’elles offrent – dans l’enseignement supérieur. Certes, l’expansion des
scolarités entraîne une démocratisation réelle, mais celle-ci est inachevée :
les probabilités de sortir de l’école sans diplôme restent très inégales – 10
ans après l’entrée en 6e, c’est le cas de 22 % des enfants d’employés de
service contre 3,5 % des enfants de cadres, et les inégalités sociales qui
continuent de marquer sensiblement les acquis scolaires tendent à se
déplacer sur d’autres terrains (spécialité et « qualité » de la scolarité suivie,
notamment), sans véritablement disparaître. Une « démocratisation
égalisatrice », de la 6e au baccalauréat, dès lors que l’enseignement diffuse
à tous coexiste donc avec une « démocratisation ségrégative » des diverses
filières du second cycle et du supérieur.
En outre, l’allongement général des études a sans doute des conséquences
ambivalentes sur les représentations que les jeunes se font du rôle de l’école
dans leur « destin social », notamment les jeunes qui, il y a une trentaine
d’années, n’avaient aucune chance d’accéder à l’enseignement secondaire.
Les jeunes de milieu défavorisé font l’objet d’une exclusion progressive (ou
d’une relégation vers les filières les moins cotées), sans doute plus
stigmatisante que par le passé, dans la mesure où ils ont eu « leur chance »,
leur orientation apparaissant comme relever de leur seul mérite :
l’« expérience scolaire » de ces « exclus de l’intérieur » apparaît souvent
bien amère (Bourdieu et Champagne, 1992 ; Dubet et Martuccelli, 1996b ;
Beaud, 2002 ; cf. aussi chapitre 8). Ce sentiment d’exclusion est même
d’autant plus fort que les scolarités de la grande majorité des jeunes
s’allongent et, au-delà de l’univers scolaire, il diffuse à d’autres domaines
de la vie sociale, à tout ce qui touche à la citoyenneté notamment (Dubet et
Duru-Bellat, 2020).
Ces inégalités sociales face à l’école qui se recomposent en permanence
peuvent apparaître, dans les pays économiquement développés, comme à la
fois évidentes et d’une certaine manière fatales dès lors que la société est
inégale. Et de fait, dans des pays aux systèmes scolaires aussi différents que
le Japon, les États-Unis ou l’Australie, les caractéristiques familiales de
l’élève jouent fortement sur sa carrière scolaire. Mais il faut souligner que
ce phénomène est plus ou moins marqué selon les pays. Ainsi, les enquêtes
internationales PISA révèlent régulièrement que l’école française se
caractérise par des inégalités sociales d’acquis (à 15 ans) plus marquée que
dans la plupart des pays de l’OCDE9. Elles montrent aussi, par ailleurs, que
certains pays comme l’Allemagne parviennent, sur la période récente, à
réduire les inégalités sociales de performance. Ceci montre que
l’organisation même des systèmes éducatifs, mais aussi d’autres paramètres
sociaux (comme l’impact du diplôme sur l’insertion ; cf. chapitre 3), sont à
même de moduler ces inégalités sociales. Dans les pays plus pauvres, ce
sont les inégalités d’accès à l’éducation qui sont les plus marquées, sachant
que plus l’accès à un niveau ou un type de scolarité est rare, plus il est
affecté par des inégalités sociales ; réciproquement, la sélectivité sociale
baisse au fur et à mesure que cet accès se généralise à l’ensemble de la
population.
Mais il faut distinguer inégalités d’accès à l’éducation, et inégalités de
réussite, chez les élèves scolarisés. Des comparaisons internationales
relativement anciennes (Heyneman, 1986) ont montré que moins une
société est industrialisée, moins la réussite scolaire s’avère influencée par le
milieu familial (en particulier, par la profession des parents). Comment
interpréter ce phénomène ? Si dans ces pays les inégalités économiques sont
nettes, les inégalités de type culturel seraient moins ancrées dans certains
milieux sociaux précis, vu le caractère récent de la stratification sociale
actuelle. Et surtout, ces inégalités culturelles seraient moins directement
rentables en termes de réussite scolaire. Réciproquement, dans ces pays
moins industrialisés toujours, le contexte où prend place la scolarisation
(notamment la qualité de l’école et des maîtres, très variable d’un site à
l’autre) aurait davantage d’importance. Même si tout ceci reste à actualiser,
il est clair que la prise en compte du contexte concret dans lequel prennent
place les scolarités relativise ces schémas tellement bien établis dans les
pays industrialisés qu’on pourrait être tenté, par un ethnocentrisme
spontané, de les considérer comme universels.
Enfin, les chiffres présentés dans ce chapitre montrent que les inégalités
sociales sont loin d’être figées, tant les politiques scolaires peuvent se
montrer volontaristes. En France, on a assisté à une croissance massive de
la scolarité en lycée d’enseignement général et technologique (avec en
particulier la montée des bacs professionnels) en un demi-siècle. Si,
aujourd’hui, environ 80 % des jeunes obtiennent le baccalauréat, ils
n’étaient que… 5 % en 1950, 11 % en 1960, 26 % en 1981 et 43,5 % en
1990. Cette forte croissance de la scolarisation a de manière mécanique un
effet égalisateur : quand tout le monde accède à un bien, il n’y a plus
d’inégalités. Cette massification a mécaniquement ouvert les portes de
l’enseignement long aux jeunes issus des catégories sociales défavorisées :
près de la moitié des enfants d’ouvriers ou d’employés accèdent
aujourd’hui à l’enseignement supérieur, alors qu’ils en étaient quasiment
absents voici trois générations. Aujourd’hui la quasi-totalité des jeunes âgés
de 16 ans sont scolarisés, quelle que soit leur origine sociale, alors qu’à cet
âge, 16 % des enfants d’ouvriers et 7,5 % des enfants d’agriculteurs
l’étaient en 1954.
Au total, si on est sans conteste fondé à conclure à une certaine
démocratisation de l’accès à l’éducation, il reste difficile de caractériser
cette évolution sans considérations normatives (Duru-Bellat, 2007) :
considérera-t-on que la démocratisation piétine dès lors que la position
relative des élèves les plus défavorisés par rapport aux plus favorisés ne
bouge guère parce que les seconds progressent tout autant que les premiers :
concrètement, si les premiers vont plus loin dans leurs études, les seconds
eux aussi, vont encore plus loin ! On met l’accent dans ce cas sur une
course aux diplômes pour se placer au mieux sur un marché du travail
concurrentiel. Cette perspective se fonde sur des indicateurs d’inégalités
relatifs (tels les odds ratio), où ce sont les situations relatives des différents
groupes sociaux qui sont systématiquement comparés. Mais on peut choisir
de mettre en avant les progrès absolus des plus défavorisés, en considérant
qu’accéder plus souvent à un niveau éducatif élevé est un bien en soi quel
que soit votre « retard » par rapport à ceux qui sont en tête (et même si les
acquis que devrait permettre cette scolarité ne sont pas toujours au rendez-
vous). Dans cette seconde perspective, l’éducation est considérée comme un
bien en soi, et l’allongement des scolarités secondaires et l’ouverture de
l’accès au supérieur restent considérés comme un progrès social, même si
ces évolutions s’accompagnent d’un déplacement des inégalités sociales
plus en aval au fur et à mesure que les scolarités s’allongent, phénomène
observé dans la plupart des pays européens (Breen et al., 2009).

Conclusion
Une réelle démocratisation est-elle sociologiquement concevable ? On l’a
vu, au-delà des inégalités sociales de performance qui persistent voire
s’accentuent à certains niveaux (même si elles affectent moins les
carrières scolaires elles-mêmes), des différences dans l’utilisation de
l’appareil scolaire subsistent, sous des formes toujours renouvelées, au
sein d’une offre scolaire de plus en plus diversifiée, dans le secondaire
comme dans le supérieur. Dans la mesure où les familles cherchent à
positionner au mieux leur enfant dans les hiérarchies scolaires, cette
quête de la distinction (selon l’expression de Bourdieu) redéfinit en
permanence le sens des différentes filières : si telle option ou orientation
cesse d’être réservée à une minorité, vont se mettre en place, à coups de
surenchères scolaires, d’autres filières ou des micro-milieux
d’excellence. L’étude statistique des carrières scolaires confirme donc ce
qui se dégageait des analyses historiques, à savoir qu’on est encore loin
d’une véritable démocratisation, tant il est vrai que les régularités
statistiques ont un fondement microsociologique : les flux observés
résultent des stratégies d’acteurs qui cherchent à utiliser le système en
fonction de ce qu’ils estiment être leur intérêt (Duru-Bellat et Merle,
1997), avec souvent ce qu’on peut considérer comme une « préférence
pour l’inégalité » (Dubet, 2014) de la part des plus favorisés.
À cet égard, l’anticipation des débouchés joue un rôle essentiel, dans un
contexte où le développement de la scolarisation ne peut que bouleverser la
manière dont ces diplômés plus nombreux vont pouvoir utiliser leur
diplôme. Il est donc nécessaire d’analyser les relations entre formations et
emplois, et aussi la place de l’éducation dans le processus plus global
d’accès aux diverses positions sociales, avant de spécifier le jugement que
l’on peut porter sur les vertus de l’ouverture quantitative du système.
Orientation bibliographique
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Chapitre 3
Les enjeux de la scolarité :
trouver un emploi et monter
dans l’échelle sociale
Les inégalités sociales de carrières scolaires s’expliquent notamment par
le fait que, pour les élèves et leur famille, l’obtention d’un diplôme apparaît
nécessaire pour s’insérer et accéder aux places les plus enviées de la
société : les études comparatives sur les pays de l’OCDE montrent que plus
les diplômes sont « rentables » sur le marché du travail, plus les inégalités
sociales d’accès à l’éducation sont fortes, car la compétition pour obtenir un
diplôme est alors d’autant plus rude, entre des individus dotés d’atouts
inégaux (Dubet et al., 2010a). Parallèlement à cette rentabilité individuelle,
la formation est censée fournir à l’économie les compétences dont elle a
besoin, et une forte adéquation entre les formations et les emplois est perçue
comme un gage d’efficacité économique. Cependant, les difficultés
croissantes des diplômés invitent à interroger ces conceptions optimistes
quant à la rentabilité sociale de l’éducation.

L’école, une voie nécessaire pour


trouver un emploi ?
Dans les sociétés modernes, qui se veulent méritocratiques, la place
qu’on occupe dans la division du travail est censée dépendre non de
propriétés héritées et donc déterminées à la naissance, mais des
compétences acquises et de manière générale des « mérites » personnels
de chacun. Le niveau d’instruction, censé traduire les « mérites »
scolaires, est alors la clef de l’insertion, sans qu’interfèrent des
caractéristiques comme le milieu social ou le sexe.

La « rentabilité » du diplôme
Le risque de chômage est effectivement d’autant plus faible que la
scolarité a été longue (cf. tableau 2) ; et les taux de chômage des jeunes
sans diplôme sont particulièrement élevés. Rappelons en outre qu’en
France, le taux de chômage des jeunes actifs (tous ceux qui ne sont pas
en études) est spécialement fort, plus du double de celui des personnes
plus âgées : en 2020, 20,3 % et 19,9 % chez les hommes et les femmes de
15-24 ans contre respectivement 8,1 % et 8 % chez l’ensemble des actifs.
Le chômage des jeunes est particulièrement sensible à la conjoncture
économique et très lié à l’ancienneté sur le marché du travail : ce sont les
jeunes les plus récemment sortis de l’école qui connaissent la situation la
plus difficile, notamment quand la conjoncture est défavorable1.
La relation entre niveau de formation et chômage est très nette, même si
certaines distinctions fines sont à faire : loin que le chômage soit toujours
d’autant plus rare que l’on est diplômé, on observe que les taux de chômage
des diplômés de niveau « bac +2 » peuvent être égaux, voire inférieurs à
ceux de certains titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur long,
ou encore, qu’on chôme moins avec un bac professionnel ou technologique
(ou même avec un CAP-BEP) qu’avec une ou deux années d’enseignement
supérieur non validées.
Le sexe joue également : les taux de chômage des filles sont aujourd’hui,
à niveau comparable, très proches de ceux des garçons, voire inférieurs, par
exemple au sortir des formations paramédicales et sociales aux débouchés
très ouverts. Depuis une dizaine d’années, le taux de chômage de
l’ensemble des jeunes filles ayant terminé leurs études depuis moins de
6 ans est même passé en dessous de celui des garçons, ce qui invite à
conclure que les femmes commencent à tirer parti de leur réussite scolaire
(cf. INSEE, 2010). Ce récent « avantage » des filles est dû au fait que la
crise a touché en premier lieu l’emploi industriel et du bâtiment,
majoritairement masculin. Ceci vaut d’ailleurs pour les adultes :
aujourd’hui, après avoir été supérieur à celui des femmes pendant des
décennies, le taux de chômage des hommes y est égal voire très légèrement
supérieur.

Tableau 2 : Taux de chômage selon le niveau


de diplôme et la durée depuis la sortie
de formation initiale en 2020 (INSEE)

Si la structure du chômage par niveau de diplôme est relativement stable,


l’écart entre les taux de chômage des jeunes les plus et les moins diplômés
s’est sensiblement accru depuis les années 1970 : la crise de l’emploi a
relativement épargné les titulaires d’un diplôme supérieur au baccalauréat,
au moins jusqu’au début des années 1990. Depuis, la croissance du
chômage des diplômés du supérieur a été plus importante. Néanmoins, cette
dégradation est bien plus modeste que celle qui concerne les non-diplômés,
et les diplômés du supérieur ont donc nettement creusé leur avantage avec
les moins diplômés2, avec un écart qui ne se réduit pas, même dans les
périodes de relative reprise économique3, un écart qui est, de plus,
particulièrement marqué dans notre pays quand on oppose les sortants des
Grandes écoles et les jeunes dépourvus de diplôme. De manière générale,
on assiste, sur les dernières décennies, à une hétérogénéité croissante des
parcours d’insertion selon le diplôme possédé, une hétérogénéité qui, dès
lors que le niveau d’études est inégal selon les milieux sociaux, se traduit
par des inégalités sociales croissantes face à l’insertion (Couppié et al.,
2018).
Par ailleurs, accéder directement à un emploi stable est d’autant plus rare
qu’on est doté d’un niveau de formation faible. D’une manière générale, ce
sont les moins diplômés qui se retrouvent dans des emplois précaires, même
si, avec le temps, l’expérience professionnelle peut en partie compenser
l’effet très négatif de l’absence de tout diplôme (Gehin et Palheta, 2012).
Tant les emplois précaires que les postes à temps partiel sont plus répandus
chez les jeunes filles, cet écart entre les sexes étant plus marqué chez les
moins diplômés.
De manière encore plus nette, la nature de l’emploi occupé varie selon le
niveau de formation (cf. Tableau 3).

Tableau 3. Catégorie professionnelle


des actifs en 2019, sortis de formation depuis
1 à 4 ans, par grands niveaux de diplôme
(INSEE).

Ainsi en est-il de la probabilité d’occuper un emploi de cadre, très


fortement structurée par le niveau d’éducation. Alors qu’elle est quasi nulle
chez les personnes sans diplôme, qui s’insèrent massivement comme
employés ou ouvriers, le plus souvent non qualifiés, elle est à peine
supérieure chez les bacheliers, qui deviennent plus souvent employés. Cette
probabilité n’est importante que chez les diplômés de l’enseignement
supérieur long (surtout les Master 2, Doctorat et Grandes écoles), alors que
les diplômés de l’enseignement supérieur court ainsi, à présent, que les
personnes dotées d’une licence générale et a fortiori d’une licence
professionnelle se concentrent sur les professions intermédiaires.
L’enseignement supérieur a aussi ses « quartiers ». Les études du Céreq
(2017) montrent que chez les jeunes sortis de l’école en 2013 et observés
trois ans après, 92 % des docteurs (et sortants des Grandes écoles) sont
cadres, environ 59 % des diplômés de Masters 2 et 17 % seulement des
titulaires d’une licence ou d’un Master 1 ; alors que dans les années 1970,
les licenciés occupaient tous des emplois soit de cadres soit de professions
intermédiaires, ils ont bien plus de chances actuellement d’accéder à des
professions intermédiaires ou d’employés. Il y a donc aujourd’hui un fossé
plus marqué qu’il y a une trentaine d’années entre le niveau d’insertion des
étudiants sortant des Grandes écoles ou du Doctorat et ceux dotés seulement
d’une licence.
Ces tendances sont affectées par le sexe du jeune (INSEE, 2010 ;
Lemistre, 2006 ; Céreq, 2019) : parmi les jeunes sortant de l’université avec
en poche un Master, les hommes vont s’insérer comme cadres ou
professions intermédiaires plus souvent que les femmes (respectivement
92 % et 88 %), ce qui reflète sans doute pour une part leurs spécialités de
formation. Certaines formations comme les écoles d’ingénieurs ou de
commerce, les doctorats de santé ou les diplômes de type paramédical ou
social annulent néanmoins toute différence entre les sexes à cet égard.
Enfin, le niveau d’études et la filière fréquentée sont en relation étroite
avec les différents indicateurs de la qualité de l’insertion (pourcentage de
cadres ou de CDI, salaire…) : sur la population des jeunes sortis du système
scolaire en 2013, les salaires observés 3 ans après chez les docteurs sont
environ le double (et même un peu plus chez les sortants des écoles
d’ingénieurs et de commerce) de ceux observés chez les non-diplômés. Ces
écarts de salaire entre les plus et les moins diplômés se creusent au fil de la
carrière. Mais ceci vaut moins pour les femmes ; en particulier, les plus
diplômées voient moins croître leur salaire avec l’ancienneté, car elles
accèdent plus rarement aux carrières les plus rémunératrices notamment aux
postes hiérarchiques et d’encadrement. Et surtout, à diplôme comparable (et
à temps de travail identique), le salaire des femmes demeure inférieur
d’environ 16 % à celui des hommes.
Ajoutons que contrairement à ce qu’imaginent (ou espèrent) les jeunes, la
spécialité des études joue souvent un rôle secondaire sur la qualité du
premier emploi par rapport au niveau de sortie et au type de formation
(Moncel, 2010). Néanmoins, pour les sortants de l’enseignement supérieur,
la spécialité n’est pas sans importance, avec toujours un avantage pour les
étudiants formés dans les sciences dites dures (Déles, 2013). Le type de
diplôme et la spécialité jouent de concert, avec par exemple un avantage des
diplômés de licence professionnelle sur ceux dotés d’une licence générale,
ou encore des sortants des Grandes écoles par rapport aux diplômés en
lettres et sciences humaines ; par exemple, selon que l’on est doté d’un
master en informatique ou en histoire, le taux de chômage, 3 ans après la fin
des études, varie de 3,4 % à 17 % et le pourcentage d’emplois de cadres de
93 % à 35 % (Céreq, 2017).

Évaluer l’insertion professionnelle, quelques écueils…


Il est a priori simple de définir l’insertion, comme le moment où le jeune accède à
un emploi sur la base de sa formation. Mais de « moment » bien délimité dans une
période de plein-emploi, on est passé, dans un contexte moins favorable, à un
processus plus étalé dans le temps, où alternent périodes de chômage et d’emplois
précaires, avant une stabilisation sur un emploi durable ; l’insertion est donc plus
difficile à cerner (Paul et Rose, 2008 ; Couppié et al., 2018).
L’appréhension du chômage pose aussi des problèmes. Rappelons que le taux de
chômage rapporte les individus cherchant un emploi à l’ensemble des individus
actifs c’est-à-dire soit ayant un emploi, soit déclarant en chercher un. Mais les
définitions fines diffèrent, selon qu’on ne retient que les individus inscrits dans les
services de l’emploi, cherchant un emploi à temps plein et durable, ou selon qu’on
compte comme chômeur, à l’instar du Bureau International du Travail, toute
personne disponible et en recherche effective d’emploi, sans référence à un critère
juridique. Comme toute statistique, ces chiffres sont « fabriqués » selon un mode
d’emploi institutionnel qu’il faut connaître pour les interpréter correctement.
Ainsi, une évolution brutale des chiffres peut traduire tout autant un changement
de réglementation ou d’efficacité des services de l’emploi que de réelles
évolutions du marché du travail. Le taux de chômage peut aussi renvoyer à des
stratégies individuelles (stratégies d’attente, par exemple). Il recouvre également
des réalités très diverses : difficultés à trouver un premier emploi, ensuite
relativement stable (chômage d’insertion), ou au contraire forte rotation sur des
emplois nombreux et instables (chômage de rotation).
Il serait donc incorrect de se fonder sur les seuls taux de chômage pour évaluer la
valeur des formations ou du moins leur adaptation au marché du travail. Tout
d’abord, parce qu’elles accueillent un public en général typé sur le plan scolaire et
social ; il faudrait alors distinguer, dans la difficulté ou la facilité à s’insérer, ce qui
relève de la formation en elle-même ou des caractéristiques du public qui la suit
(nous y revenons dans la 3e partie). Ainsi, les taux de chômage quasi nuls à l’issue
des écoles d’ingénieurs renvoient peut-être plus au filtrage très fort effectué par les
concours qu’à la valeur intrinsèque de la formation.
De manière générale, alors que la majorité des jeunes occupent un emploi sans
rapport avec leur spécialité de formation – ainsi, parmi les diplômés de
l’enseignement professionnel, moins d’un sur deux a trouvé un emploi en rapport
avec sa formation –, il faut remettre en cause la perspective « adéquationniste »
qui valorise pour elle-même une correspondance stricte entre formation et emploi
(Lemistre et Bruyère, 2010 ; Giret, 2015 ; Béduwé, 2015). Car une forte
adéquation, jugée positivement par ceux qui mettent en place les formations, peut
rendre difficile pour les formés toute utilisation de leurs compétences ailleurs que
dans leur domaine, ce qui est très dommageable en cas de crise de l’emploi dans
ce secteur. À l’inverse, une relation lâche peut aussi bien signifier que les formés
ont acquis des compétences transférables à des domaines variés que le fait que les
connaissances acquises ne sont utilisables nulle part, ou encore que le volume des
formés est très excédentaire par rapport aux emplois correspondants. Enfin, vu
l’étalement de la période d’insertion, ces taux de chômage doivent être à nouveau
observés après un certain laps de temps, ce qui en général bouleverse le
classement des formations qui se dégage des taux observés juste après la sortie.

Valeur du diplôme et caractéristiques


du diplômé
Que l’insertion soit inégale selon le niveau de formation est conforme, du
moins de prime abord, à l’idéologie méritocratique. Par contre, moins
conforme à l’idéologie méritocratique est le fait qu’à niveau de diplôme
comparable, les filles s’insèrent moins souvent sur des emplois de cadres
ou encore leur forte surreprésentation dans les emplois à temps partiel.
Ceci résulte certes de leur concentration sur des formations littéraires ou
professionnelles tertiaires, mais aussi du contexte : sur la longue période,
une partie du handicap des femmes au moment de l’insertion vient du fait
qu’elles se positionnent sur un marché du travail essentiellement tertiaire
où la concurrence est forte, notamment avec les femmes en reprise
d’activité, même si, à certaines périodes (restructurations industrielles
notamment), ceci peut s’avérer un avantage, comme c’est le cas depuis
une vingtaine d’années. Une fois, de plus, il n’y a pas que le diplôme qui
joue : il ne suffit pas qu’elles diversifient leurs orientations pour qu’il n’y
ait plus de problème : même quand elles sont dotées d’une formation
dans le secteur de la production (mécanique, BTP…), les filles
rencontrent plus de difficultés que leurs homologues masculins et leur
insertion n’est pas plus facile que pour celles sortant des spécialités
tertiaires ; cela vaut surtout au niveau CAP-BEP, leur situation étant plus
comparable à celle des garçons au sortir de l’enseignement supérieur
(avec néanmoins des salaires inférieurs). Se former dans ces filières n’est
donc pas la panacée pour les filles, même si elles y gagnent néanmoins
un peu plus de chances d’accéder à des emplois de niveau profession
intermédiaire ou cadre (Couppié et Epiphane, 2001 ; INSEE, 2010).
En outre, les femmes formées à un métier « masculin » (dans
l’électronique par exemple) ont parfois du mal à l’exercer durablement. Au-
delà des difficultés d’adaptation aux conditions de travail et à un univers
essentiellement masculin, il semble que même quand le diplôme se porte
garant d’une qualification, le monde du travail ait beaucoup de mal à
créditer les femmes d’une réelle compétence professionnelle, d’où de
fréquentes déqualifications à l’embauche (voir les analyses de Maruani,
2017).
Par ailleurs, et pour les deux sexes, la situation matrimoniale et familiale
n’est pas sans importance sur les débuts professionnels, et ce phénomène
semble stable. Ainsi, pour les jeunes femmes, la probabilité d’être active et
plus largement la valorisation des diplômes demeure, y compris dans les
jeunes générations, très sensible aux événements de la vie familiale
(Couppié et Epiphane, 2007 ; Pailhé et Solaz, 2007 ; INSEE, 2017a). Au fur
et à mesure que la famille s’agrandit, une logique de spécialisation des rôles
conjugaux se met en place : le fait d’avoir des enfants tend à consolider la
vie professionnelle du mari, et à dégrader celle de la femme, qu’on raisonne
en termes de taux d’activité, de temps alloué au travail professionnel, de
salaire, ou encore de promotions, et ce d’autant plus que la femme est peu
diplômée (Meurs et al., 2010 ; Méda, 2005 ; Singly, 2002).
Enfin, les disparités d’insertion selon le milieu social d’origine sont
légèrement plus fortes que celles qui opposent jeunes gens et jeunes filles :
à diplôme comparable, les jeunes de milieu modeste s’insèrent moins bien
que ceux de milieu aisé, sur des emplois moins « cotés » sur l’échelle
sociale, et donc moins bien rémunérés (Lemistre, 2006 ; Peugny, 2009).
Ainsi, en 2014, les chances d’occuper une position de cadre ou de
profession intermédiaire avec un diplôme de l’enseignement supérieur long
sont de 87 % pour les jeunes dont les parents appartiennent à ces catégories
contre 77 % pour ceux dont les parents sont employés ou ouvriers ; pour les
jeunes dotés d’un diplôme de l’enseignement supérieur court, ces chiffres
sont respectivement de 67 % et de 53 %, tout en restant très faibles pour les
moins diplômés. Au-delà de son association possible avec des choix fins
d’études inégalement performantes, l’origine sociale joue sur l’accès à
l’emploi, même si l’avantage spécifique que donne, à diplôme donné, une
origine sociale favorisée s’estompe légèrement ces dernières années, tout en
restant significatif (Couppié et al., 2018). Cette influence s’exerce par le
biais de réseaux sociaux facilitant les contacts avec le milieu professionnel,
réseaux particulièrement cruciaux pour les jeunes : 57 % des moins de
30 ans ont trouvé leur premier emploi stable grâce à leurs réseaux (Margolis
et Simonet, 2005). Mais ces derniers sont inégalement fournis, avec pour
conséquence que l’on compte plus sur l’appui des réseaux sociaux dans les
catégories les plus favorisées, tandis que les moins favorisés comptent
davantage sur Pôle emploi ou les agences d’intérim (INSEE, 2017b). De
plus, les emplois occupés par les étudiants de milieu populaire sont plus
souvent concentrés dans le secteur public, où l’accès se fait sur concours.
Pour les jeunes dotés d’un CAP, l’accès à un emploi stable et qualifié est
plus fréquent quand le père est lui-même ouvrier professionnel ou
technicien dans l’industrie. Enfin, l’insertion est plus facile quand le père
est actif que quand il est chômeur, invalide, ou retraité. Elle est aussi plus
difficile, à diplôme comparable, pour les jeunes issus de l’immigration
(INSEE, 2012 ; Beauchemin et al., 2016 ; Couppié et al., 2018). De
manière générale, les parents mobilisent les réseaux qu’ils ont dans leur
propre milieu social ; avec pour conséquence que l’aide parentale tend à
maintenir les enfants dans leur milieu d’origine (pour les enfants d’ouvriers,
cf. Poullaouec, 2004).
Au-delà du diplôme, un certain « capital social » s’avère donc nécessaire,
car l’accès effectif à certains emplois exige de fait des réseaux informels.
Ce capital peut être aussi d’ordre matériel : héritage d’outils de travail,
certes moins fréquent aujourd’hui du fait du développement du travail
salarié, ou aide à l’installation professionnelle. Chez les enfants des
catégories moyennes et supérieures, l’action du milieu familial prend
surtout la forme (sans doute par la mobilisation d’un capital de relations)
d’une action protectrice contre des « descentes sociales » trop marquées
chez les enfants ayant échoué dans leur scolarité, pour des raisons diverses
(tenant le plus souvent aux relations intrafamiliales ; cf. Henri-Panabière,
2010a ; Daverne, 2009).
Le jeune mobilise donc, pour s’insérer, non seulement un bagage scolaire
ainsi qu’un bagage culturel profondément « incorporé » (qu’il s’agisse de la
façon de se présenter ou de parler, des goûts, de ce qui sera jugé comme le
« bon goût »…), mais aussi un bagage matériel (le capital économique), et
un réseau de relations (le capital social), deux atouts sans rapport avec le
mérite personnel4. Sont à l’œuvre de véritables « stratégies de
reproduction », pratiques « par lesquelles les individus ou les familles
tendent, inconsciemment ou consciemment, à conserver ou à augmenter
leur patrimoine, et, corrélativement, à maintenir ou à améliorer leur position
dans la structure des rapports de classe » (Bourdieu, 1979). Ces stratégies
sont mouvantes, car elles doivent s’adapter aux modifications qui affectent
la valeur des différents types de capitaux : aujourd’hui, un investissement
dans la formation peut être plus rentable qu’un héritage foncier ou
industriel ; Bourdieu parle alors de « stratégies de reconversion ». Derrière
les phénomènes d’insertion, ce sont donc bien les phénomènes de
transmission du statut social d’une génération à l’autre qui se jouent.

L’école, facteur d’ascension


sociale ?
Si, malgré le poids du milieu familial, la formation reste le pivot autour
duquel se structure l’insertion, on s’attend à voir l’école jouer un rôle clé
en matière de mobilité sociale entre les générations. Il semblerait logique
qu’un jeune doté d’un niveau de formation supérieur à celui de son père
connaisse une mobilité sociale ascendante, c’est-à-dire s’insère dans une
position supérieure dans l’échelle sociale. En fait, la position d’un
individu par rapport à son père s’avère assez peu liée au fait qu’il ait
obtenu un diplôme plus ou moins élevé que ce dernier. C’est que ce que
les sociologues de la mobilité appellent le « paradoxe d’Anderson » (mis
en évidence par le sociologue Anderson en 1961, et dont la validité, pour
la France contemporaine a été établie à la fin des années 1990, cf. Forsé,
1997).
Un modèle structurel
de la reproduction sociale
Ce constat est-il véritablement paradoxal ? Pour éclairer cette question, il
est heuristique de construire un modèle simplifié du fonctionnement
d’une société fictive, où trois mécanismes seraient à l’œuvre (Boudon,
1973 et 1979) : tout d’abord, le milieu d’origine des enfants exerce une
influence sur leurs études (axiome d’inégalité des chances devant
l’école). Par ailleurs, les études influent sur la position sociale à laquelle
on parvient (axiome de méritocratie). Boudon précise en outre que les
relations posées à travers ces deux premiers axiomes sont efficaces à
hauteur de 80 %. C’est dire que l’origine sociale fonctionne comme un
« ticket de priorité », très efficace, mais laissant une marge de jeu de
20 % ; de même, le niveau de formation détermine dans des proportions
très fortes (80 %) l’accès aux emplois, mais avec là encore une dose
d’indétermination.
Enfin, un troisième axiome pose qu’il y a inadaptation quantitative entre
la structure sociale et la structure scolaire ; par exemple, il y a davantage
d’enfants issus de milieux aisés que de places dans l’enseignement
supérieur, ou encore, davantage de diplômés de l’université que de postes
de cadres. Ce troisième axiome est capital dans le modèle. Il lui donne en
effet son caractère systémique : les relations entre formation et emploi ne
peuvent s’expliquer seulement par les caractéristiques des individus, et
doivent nécessairement intégrer ces variables structurelles que sont la
distribution des niveaux de formation et celle des emplois dans la société. À
la réflexion, ce poids des facteurs structurels sur l’articulation entre
formation et emploi peut paraître évident, puisque par exemple dans une
société fictive où presque tous les individus auraient un niveau de formation
identique, il y aurait forcément une relation extrêmement lâche entre le
niveau de formation et l’emploi occupé.
Le modèle ainsi défini, on peut construire les matrices de flux entre
l’origine sociale et le niveau de formation, d’une part, le niveau de
formation et l’accès à telle ou telle place, d’autre part ; puis, en combinant
ces deux matrices, on obtient celle donnant la position du fils par rapport à
celle du père, en respectant en outre le 3e axiome, à savoir la non-identité
entre la distribution des origines sociales, puis celle des « places à prendre »
dans la société, et celle des flux aux divers niveaux du système scolaire. Le
résultat est frappant : malgré des hypothèses hautes sur les déterminismes à
l’œuvre dans cette société (les « tickets de priorité » jouent à 80 %),
l’existence d’un peu de jeu dans chacune des matrices de passage, et le fait
que ce jeu soit accentué par des distorsions structurelles, produisent au total
une relation relativement lâche entre origine sociale et position sociale. Par
conséquent, c’est la thèse de Boudon, le paradoxe d’Anderson s’explique
fort bien : dans une société où il y a forcément (faute d’une planification
stricte difficile à concevoir) inadéquation entre les structures éducatives et
les structures sociales, l’existence de relations étroites entre l’origine
sociale et le niveau scolaire, et entre ce niveau scolaire et le statut social
n’est pas incompatible avec une influence relativement lâche de l’origine
sociale sur le statut social. Faut-il le souligner, cette société sur laquelle
Boudon construit son modèle, tout en étant fictive, présente à l’évidence des
ressemblances avec la société française, et de plus en plus, eu égard aux
évolutions récentes des pays économiquement les plus développés.

Tel père, tel fils ?


Dans ce contexte, comment se transmet le statut social5 ? Si l’on croise
les positions sociales des adultes avec celle de leur père (grâce à des
« tables de mobilité », cf. encadré ci-dessous), l’impression est mitigée :
on peut souligner l’immobilité sociale en remarquant que 49 % des fils
de cadres sont eux-mêmes cadres (ce chiffre est plus faible pour les
femmes, qui accèdent plus souvent aux professions intermédiaires), et
que 42,6 % des fils d’employés et ouvriers qualifiés sont restés dans ce
groupe. Mais on peut aussi souligner que l’immobilité est plus faible
dans les catégories moyennes, et que globalement, près des deux tiers des
hommes appartiennent à une autre catégorie socioprofessionnelle que
celle de leur père. La mobilité des femmes, notamment quand on les
compare à leurs mères, est un peu plus forte (71 % ne sont pas dans la
même catégorie sociale) et elle a progressé, vu l’évolution
intergénérationnelle de la structure des emplois occupés. Il reste que les
mouvements entre groupes sociaux concernent rarement des catégories
éloignées sur l’échelle sociale : si un fils d’employé peut accéder à une
profession intermédiaire, un fils d’agriculteurs deviendra rarement cadre
supérieur en une génération. Cette dominance des « trajets courts », peut
se comprendre à la lueur du concept de « groupe de référence » (Merton,
1963) : « les individus définissent leurs ambitions, forgent leurs attitudes,
non dans l’absolu, mais à partir du milieu social qui les entoure et par
référence aux groupes auxquels ils appartiennent ou dont ils se sentent
suffisamment proches ».
Enfin, la transformation de la structure sociale constitue une composante
importante – environ 40 % – de la mobilité masculine constatée dans les
années 1970-1980 (cf. Dupays, 2006) : il s’agit majoritairement d’une
mobilité structurelle ascendante, alimentée par la diminution de la
population agricole, de celle des commerçants et artisans, et surtout par
l’expansion des cadres et professions intermédiaires. C’est ainsi que
peuvent coexister à la fois une forte immobilité sociale chez les cadres (les
enfants de cadres devenant majoritairement cadres eux-mêmes) et un
relativement faible autorecrutement dans cette catégorie précisément parce
qu’elle est en expansion (les enfants de cadres étant loin de constituer la
moitié des effectifs de cadres). L’autorecrutement est beaucoup plus
important chez les ouvriers et, plus encore, chez les agriculteurs.

Les « tables de mobilité » : construction et résultats


Traditionnellement, l’analyse de la mobilité se fonde sur des tableaux rapprochant
la profession d’hommes de celle de leur père. Les travaux incluant les femmes
sont plus rares (voir les analyses pionnières de Vallet, 2001b), d’une part, parce
qu’une proportion des femmes, surtout dans les générations les plus anciennes, est
encore « sans profession » et, d’autre part, du fait des différences de structures
d’emplois entre hommes et femmes, toute comparaison père/fille débouchant de
ce fait sur des taux de mobilité très élevés. Dans ce type de tableaux, on peut lire
les « destinées » (en ligne), c’est-à-dire les positions occupées, dans la structure
sociale, par les individus issus d’une catégorie sociale donnée (que deviennent, par
exemple, les fils d’ouvriers ?). Certains tableaux permettent de lire également le
« recrutement », c’est-à-dire l’origine sociale des individus qui occupent telle ou
telle position (d’où viennent, par exemple, les cadres ?). Dans les tableaux croisant
destinées et recrutement, la diagonale permet de repérer les individus qui restent
dans la même profession que leur père, ce qu’on appelle l’immobilité sociale, dans
l’optique « destinée » ; dans l’optique « recrutement », on parle d’autorecrutement
pour désigner les individus dont les pères occupaient déjà cette position. Les
marges de ce type de tables montrent que la ventilation des « fils » diffère souvent
sensiblement de celle des « pères », du fait de l’évolution de la structure sociale en
l’espace d’une génération. Ceci induit obligatoirement une mobilité sociale : si
une catégorie sociale est en perte de vitesse, alors tous les hommes qui en sont
issus ne pourront y rester. C’est ce qu’on appelle la mobilité structurelle.
Soulignons que l’importance de l’immobilité comme celle de l’autorecrutement
est dépendante de la finesse de la nomenclature des professions utilisée : plus la
nomenclature est détaillée, plus des changements entre catégories vont apparaître
(un fils de patron de l’industrie devenant cadre supérieur apparaît ici comme
« mobile », alors qu’il apparaîtrait stable dans une nomenclature très agrégée
regroupant l’ensemble des « classes dirigeantes »), et le tableau global de la
mobilité peut être sensiblement différent.

Tableau 4 : Catégories socioprofessionnelles


des hommes (% en ligne) selon celle de leur
père.

Source : INSEE, Enquête Formation et qualification professionnelle


2014-2015 (INSEE Première, no 1739, 2019). On y trouve aussi un
tableau comparable sur la population féminine.
Malgré la force des relations entre formation et emploi au niveau
individuel, les phénomènes structurels, notamment l’évolution de la
structure des emplois entre générations, pèsent donc d’un poids important.
Mais l’évolution de la structure des emplois ayant été moins marquée
depuis les années 1990 (moins de diminution des emplois d’agriculteurs et
surtout ralentissement du développement des emplois les plus qualifiés), la
part de la mobilité structurelle tend à baisser (elle est aujourd’hui de 24 %
chez la population masculine, de 35 % chez les femmes). Parallèlement, on
a observé, sur les quarante dernières années du XXe siècle, un accroissement
modéré mais régulier de la mobilité nette, c’est-à-dire des mouvements
(ascendants ou descendants) entre groupes sociaux ne résultant pas de
contraintes structurelles, donc un certain assouplissement de la société
française (Vallet, 1999 et 2017 ; Lefranc et al., 2004). Cette évolution vers
davantage de fluidité sociale semble cependant marquer le pas depuis.
Globalement, les « destinées » des jeunes restent très marquées par leur
milieu d’origine. Ainsi, 42,6 % des fils d’employés ou d’ouvriers qualifiés
le deviennent eux-mêmes, tandis que seulement 12,7 % deviennent cadres
Ne pouvant « monter » puisqu’ils partent du haut de l’échelle sociale, les
fils de cadre ne sont « que » 49 % à devenir eux-mêmes cadres, tous les
autres vont donc « descendre », s’insérant le plus souvent comme
profession intermédiaire (25,4 %) mais aussi employés ou ouvriers qualifiés
(13,7 %). Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à connaître
une mobilité ascendante quand on les compare à leur mère, mais nettement
moins quand on les compare à leur père, vu les divergences de structures
des emplois entre les deux sexes. Par exemple, les filles de cadres ont moins
de chances de devenir cadres elles-mêmes, et davantage de s’insérer comme
profession intermédiaire que leurs frères, bien qu’étant aussi diplômées.
Il convient de souligner que l’influence du milieu social sur la profession
atteinte par les enfants est avant tout commandée, dans notre pays, par
l’inégalité des niveaux éducatifs bien plus que par des facteurs comme le
sexe, l’âge ou l’ascendance migratoire. De fait, « l’influence de l’origine
sociale sur le niveau de vie des individus transite pour moitié par
l’influence qu’elle exerce sur le niveau de diplôme obtenu », compte tenu,
bien sûr, de l’influence du diplôme sur l’emploi et le niveau de vie (France
stratégie, 2018). Parmi les autres facteurs influents, l’homogamie éducative
entre conjoints joue un rôle important : les couples se formant souvent sur
les lieux d’études, les professions des deux membres du couple tendent à se
ressembler, ce qui renforce les inégalités culturelles et économiques entre
les familles au sein desquelles grandiront les enfants, et donc la force de la
transmission du statut social entre les générations. En ce sens, l’élévation
des niveaux d’instruction, chez les femmes notamment, est susceptible de
favoriser plus encore la reproduction sociale.
Mais même si la mobilité sociale apparaît globalement stable depuis une
quarantaine d’années, même si l’association entre situation des parents et
situation des enfants tend à légèrement baisser, signe d’une société un peu
plus fluide, ceci ne vaut que jusqu’aux niveaux moyens de l’enseignement
supérieur ; car cette association se renforce pour les étudiants dotés d’un 3e
cycle ou d’un diplôme de grande école (Falcon et Bataille, 2018). Les
groupes sociaux les plus privilégiés résistent à la concurrence due à la
massification…
Cette prime au diplôme s’explique certes par la formation reçue, qui
exerce une influence spécifique réelle (mais non automatique) sur la
position sociale occupée ; mais elle vaut surtout en début de vie active. Par
la suite, l’influence du diplôme baisse, tandis que l’influence directe de
l’origine sociale s’élève ; c’est ce que Boudon appelle l’« effet de
dominance », désignant le fait qu’à niveau de diplôme identique, le
rendement social du diplôme est inégal, selon l’origine sociale de son
détenteur (d’autant plus fort que l’origine sociale est élevée). Au total, dans
la relation globale entre origine sociale et position sociale atteinte, les deux
relations – origine sociale-diplôme et origine sociale-position sociale –
seraient d’intensité voisine, la seconde étant même un peu plus forte que la
première (Goux et Maurin, 1997). Ce phénomène rappelle que les inégalités
ne se forgent pas seulement à l’école. Ainsi, tout au long de la vie
professionnelle, une origine sociale élevée tend à favoriser des promotions,
chez les jeunes dont l’insertion n’a pas été conforme à ce qu’on attend
d’eux dans leur milieu : à niveau initial comparable, un fils de cadre
débutant comme employé a une probabilité plus forte de devenir cadre au
cours de sa vie active que son homologue fils d’employé. La mobilité en
cours de vie active n’est donc pas, tout comme l’insertion, purement
« méritocratique » : elle ne sanctionne pas toujours une compétence,
puisqu’elle porte également la trace de l’origine sociale ; souvent, cette
mobilité professionnelle ne fait que traduire un « retour au bercail » (c’est
ce qu’on appelle la contre-mobilité).
Il n’en demeure pas moins que, dans l’explication de l’augmentation de
la fluidité sociale observée en France dans les quarante dernières années du
XXe siècle, le développement de la scolarisation et la démocratisation en
grande partie mécanique qui l’a accompagnée ont joué un rôle certain
(Vallet, 2017). Mais cette baisse de l’inégalité des chances sociales est loin
d’être proportionnelle à la baisse de l’inégalité des chances scolaires, ce qui
confirme les prédictions théoriques de Boudon. En effet, quelles que soient
leurs caractéristiques personnelles, les individus s’insèrent dans une société
où des places existent, et si l’école est un moyen relativement efficace pour
atteindre les meilleures d’entre elles, la définition de ces places n’est pas
fondamentalement de son ressort. Selon la conjoncture économique, la
compétition pour les meilleures places peut être plus ou moins difficile, ce
qui entraîne des inégalités entre générations (comme le montre Chauvel,
2010 et 2016), même si on ne saurait pour autant parler, dans un contexte
où le pouvoir d’achat et la consommation n’ont cessé d’augmenter, de
« générations sacrifiées » (D’Albis et Badji, 2017). Interviennent
également, comme nous l’avons vu, des contraintes structurelles, en
particulier le rapport entre le nombre de diplômés et le volume des places à
occuper dans l’espace économique.
L’évolution récente de ces paramètres donne un relief particulier à cette
question. En effet, l’évolution de la structure de l’emploi et celle des flux de
diplômés sont de plus en plus discordantes : déjà, entre les années 1960 et
les années 1980, la proportion de cadres dans la population active est passée
de 5 à 8 % alors que la proportion de bacheliers parmi les jeunes sortant du
système éducatif s’est élevée de 10 à 30 %. Aujourd’hui, on compte 20,4 %
de cadres et 84 % de jeunes au moins bacheliers6. La croissance des flux de
formés est donc sans commune mesure avec l’évolution de la structure des
emplois.
Il est clair qu’il n’y a aucune raison, sur le marché du travail, pour que le
niveau des qualifications requises s’élève de manière parallèle à celui,
toujours croissant, de la formation des jeunes (comme le notait Boudon dès
1973). Si, comme on a pu l’observer en France ces trente dernières années,
la structure sociale se déplace moins vite vers le haut que celle des niveaux
d’éducation, les jeunes, même diplômés, vont voir leurs chances de mobilité
ascendante baisser (Peugny, 2009 et 2013), et l’ajustement va se faire au
prix d’une dévaluation des diplômes.
De nouvelles interrogations
sur le rôle de l’école
Peut-on parler aujourd’hui d’une dévaluation ou d’un déclassement des
diplômes ? Cette question a suscité analyses et débats (cf. Duru-Bellat,
2006 ; Plassard, 2015) ; elle a des incidences à la fois théoriques – qu’est-
ce qui fonde la valeur des diplômes ? – et politiques – quelles peuvent
être les conséquences d’un développement de l’appareil éducatif sur les
inégalités sociales ?

Peut-on parler de dévaluation


des diplômes ?
Si une formation longue continue à offrir une protection incontestable
contre le chômage, les diplômés du supérieur rencontrent depuis le début
des années 1990 des difficultés sensibles et concurrencent plus fortement
les jeunes dotés seulement d’un diplôme secondaire. Ces derniers sont
plus fréquemment relégués à des postes subalternes et deviennent de plus
en plus rarement cadres (cf. Chauvel, 2010 et 2016).
Mais il est difficile de chiffrer ce déclassement sans une part d’arbitraire
(Couppié et al., 2018). Dans l’idéal, tout diagnostic devrait partir de
l’analyse des compétences requises pour occuper un emploi et les
confronter avec celles détenues par les diplômés ; mais cette approche –
dite normative – du déclassement exigerait des études actualisées des
situations professionnelles qui sont bien trop rares. On fait alors reposer le
diagnostic sur les situations les plus courantes – quels diplômés occupent
quels emplois –, en les comparant avec ce qui prévalait à une époque
antérieure ; cette approche, dite statistique, est simple mais elle mesure le
déclassement avec un mètre inconstant puisque des situations autrefois
atypiques peuvent devenir répandues et donc « normales ». Enfin, on peut
aussi demander directement aux intéressés s’ils se jugent employés à
hauteur de leurs compétences (approche dite subjective). Aucune de ces
approches n’étant indiscutable, il faut considérer les chiffres du
déclassement comme des ordres de grandeur, au demeurant jamais mineurs.
Aujourd’hui, 5 ans après la fin des études, le taux de déclassement serait
passé de 11 % pour l’ensemble des jeunes sortis de formation en 1992, à
17 % pour les sortants de 2010 ; les chiffres sont plus élevés pour les seuls
diplômés du supérieur (respectivement 20 % et 28 %), avec des taux de
déclassés à leur maximum chez les étudiants dotés d’une licence (près de
50 %), quand ils s’insèrent comme employé ou ouvrier, et plus faibles chez
les sortants des écoles de commerce et d’ingénieurs (Couppié et al., 2018).
Au total, c’est bien à l’augmentation des flux de diplômés qu’il faut
imputer la relative dévalorisation constatée ; ainsi, une des catégories dont
la situation s’est le plus dévalorisée récemment, les titulaires d’une licence,
est aussi l’une de celles dont la croissance a été la plus forte (ou encore,
plus récemment, les Master 2). Il faut sans doute, à cet égard, et comme le
font les économistes face à cette augmentation sans précédent du nombre de
diplômés, et aux difficultés croissantes qu’ils n’en rencontrent pas moins,
s’interroger sur la « capacité d’absorption des diplômés par l’économie »
(Béduwé et Espinasse, 1995 ; cf. aussi Céreq, 2019). Cette question se pose
également au niveau mondial, où le nombre de diplômés en concurrence
explose, et où un marché global prend corps, marqué par l’érosion de
l’avantage comparatif qu’avaient les pays riches dans la production de
diplômes élevés et d’emplois très qualifiés (Brown et al., 2010).
Cela dit, cette dévaluation ne concerne que les diplômes pris un à un. Si
on considère le niveau relatif d’éducation, les constats sont plus nuancés. Le
diplôme continue d’apporter un avantage comparatif, mais si
l’investissement que constitue une année d’étude supplémentaire apporte
toujours un avantage, ce rendement marginal décroît régulièrement depuis
1970. On est donc en présence d’une « dévalorisation en cascade », les
diplômés n’accédant plus aujourd’hui à des emplois aussi qualifiés que
ceux auxquels ils accédaient hier… parce qu’il y a toujours plus diplômés
qu’eux. Un exemple de cette dévalorisation en cascade est fourni par la
licence professionnelle, dont les titulaires occupent de plus en plus la place
de ceux dotés seulement d’un BTS ou d’un DUT. Il reste qu’il est difficile
de définir ce qui serait le diplôme « normal » correspondant le mieux à tel
ou tel emploi (pour une discussion, cf. Forgeot et Gautié, 1997).
Le relatif déclassement des diplômes est donc d’interprétation délicate.
L’élévation du niveau d’instruction requis pour une profession donnée peut
dans certains cas découler d’une exigence accrue de qualification, liée au
progrès technique ; auquel cas il n’y aurait pas de « vrai » déclassement.
Mais les économistes qui défendent ce qu’on appelle la « théorie du filtre »7
remettent en cause l’idée commune selon laquelle la formation doterait les
individus de compétences intrinsèques, leur permettant d’accroître leur
productivité et d’être rémunérés en conséquence, comme le posait la
« théorie du capital humain » qui servait jusqu’alors de cadre à l’analyse
des relations entre formations et emplois. Pour les théoriciens du filtre, le
diplôme fonctionne avant tout comme un signal, et la fonction effective de
l’école n’est pas de produire des qualifications mais de classer les individus
et de « filtrer » des qualités comportementales et morales, dans la mesure
où la sélection opérée par l’école s’est fondée en partie et souvent
implicitement sur ces critères. Dans un contexte de pénurie d’emploi, on
conçoit bien une certaine dévalorisation « en cascade » des diplômes, si
c’est le classement par rapport aux « capacités filtrées » qui fait leur valeur,
et non la valeur intrinsèque de leur contenu. Un troisième facteur peut
également être invoqué, à savoir le halo d’incertitude qui marque les
diplômes (Felouzis, 2008) : notamment pour les diplômes universitaires, il
est difficile, pour les employeurs, de savoir quelles compétences ils
« garantissent » de la part des diplômés ; ceci est lié aux modes
d’organisation des diplômes (« standards » parfois flous, modes
d’évaluation opaques…), mais aussi à leur diffusion de plus en plus large, et
donc à leur caractère moins discriminant. Il n’est donc pas aisé de
distinguer l’impact du progrès technique de celui de la « surproduction » de
diplômés dans l’analyse de ces phénomènes, et donc d’évaluer ce qui serait
un véritable déclassement.
Toujours est-il que les jeunes sont contraints d’effectuer « une scolarité
de longueur sans cesse croissante en contrepartie d’espérances sociales qui,
elles, restent inchangées » (Boudon, 1973). Ils vont donc chercher à
accumuler les titres scolaires, puisque si tel diplôme peut paraître dévalué, il
n’en est pas moins nécessaire pour se classer dans un contexte de
concurrence. Au bout du compte, ce sont les moins diplômés, les derniers
de la « file d’attente », qui seront les moins bien servis. On est donc en
présence de ce que Boudon appelle un « effet pervers », c’est-à-dire un effet
macrosocial non voulu (la dévalorisation des diplômes) engendré par
l’accumulation de stratégies individuelles « raisonnables », puisque l’intérêt
de chacun est bien de se classer au mieux.
Certes, au-delà de sa rentabilité professionnelle, le diplôme est doté
d’une valeur sur divers « marchés » symboliques tels celui du mariage ou
de la sociabilité quotidienne. Aujourd’hui comme hier, le diplôme peut être
« rentable » en termes de prestige, de relations, d’alliances, dès lors que le
diplôme est censé refléter la valeur du diplômé (Passeron, 1982) ; dans un
contexte général de baisse de l’homogamie, on note d’ailleurs un
renforcement de l’endogamie des diplômés des grandes écoles (Bouchet-
Vallat, 2014). Rappelons également que le diplôme atteste d’un niveau de
connaissance et de culture, même si l’évolution de ce niveau reste à évaluer
sur le long terme. Les raisons sont donc diverses de continuer à vouloir
décrocher des diplômes, même si leur valeur tend à baisser sur le plan
économique. Mais il n’est pas exclu que si, du fait de l’accroissement du
nombre de diplômés, le diplôme venait à perdre une bonne part de son
pouvoir distinctif, on en vienne à accorder, sur le marché du travail, plus
d’importance à des facteurs comme sa spécialité fine, son lieu d’obtention,
ou encore le capital social de son détenteur. Dans ce cas, cette « inflation
des diplômes » tendrait, tout comme l’inflation monétaire, à accroître les
inégalités sociales (Passeron, 1982 ; Duru-Bellat, 2006). Les mécanismes
de la reproduction sociale n’ont donc rien de figé, en particulier le rôle tenu
par l’éducation dans ce processus (Passeron, 1986).

L’insertion s’inscrit dans un marché


du travail
Les économistes théoriciens du filtre raisonnent en termes de marché
(des diplômes, des emplois), et ils rejoignent en cela les sociologues du
travail pour qui l’insertion est un phénomène social prenant place dans
une certaine conjoncture et dans un certain contexte. L’insertion n’est
plus alors une simple mise en correspondance entre des individus dotés
de « capitaux » (scolaires, mais aussi économiques et sociaux), et des
postes déterminés, mais bien un processus contextualisé. Ceci suppose
des approches longitudinales (ou biographiques), et des concepts adaptés
comme celui de trajectoire professionnelle (Paul et Rose, 2008). On peut
ainsi observer et analyser la dynamique des trajectoires des jeunes, par
exemple saisir l’articulation entre la stabilisation dans un métier et
l’accès aux attributs extraprofessionnels de l’autonomie (logement
indépendant, mise en couple stable). Dans cette perspective, le report de
l’insertion professionnelle n’est pas sans rapport avec une redéfinition
sociale de la jeunesse (Galland, 2011).
Cette période spécifique de transition professionnelle est organisée par
les pratiques des entreprises, des organisations professionnelles et
syndicales, et plus largement toutes les politiques d’aide à l’insertion des
jeunes (Agulhon, 1997 ; Couppié et al., 2018). L’insertion dépend en fait
autant, sinon plus, de l’état du marché du travail local, des réglementations
présentes et des politiques des firmes que des qualités individuelles des
candidats à l’emploi. Interviennent aussi, évidemment, les dispositifs
nationaux, au premier rang desquels tout ce qui vise à encourager les
contrats en alternance. Le choix entre le recrutement de diplômés ou de
non-diplômés se fera souvent en fonction de la gestion de la main-d’œuvre
qu’on entend mener, de la concurrence entre demandeurs d’emploi ou des
aides que l’on peut obtenir.
L’analyse des recrutements des entreprises (Moncel, 2008) montre tout
d’abord que les recruteurs utilisent effectivement le diplôme comme un
signal de compétence en ce qui concerne les jeunes dépourvus d’expérience
professionnelle. Mais ce signal est perçu comme non suffisant et il se
conjugue avec d’autres critères de nature variée, allant de la possibilité de
bénéficier d’aides à l’emploi à des critères de motivation, de façon de
s’exprimer, de disponibilité voire d’apparence physique. Les qualités
d’écriture, de maîtrise des langues étrangères ou de culture générale,
censées être l’apanage des diplômés universitaires, sont en moyenne bien
moins souvent évoquées. Par ailleurs, concernant l’appariement entre la
nouvelle recrue et le poste proposé, ce qui peut apparaître de l’extérieur
comme un déclassement – l’affectation d’un diplômé du supérieur à un
poste d’employé, situation fréquente puisque 46 % des recrutés sur ce type
d’emplois sont diplômés du supérieur – ne l’est pas aux yeux des
recruteurs ; ces derniers soit déclarent qu’ils n’avaient pas d’attentes
particulières en termes de diplôme pour ce type de poste, soit, pour 54 %
d’entre eux, qu’un diplôme du supérieur leur paraît conforme à leurs
attentes. Cette enquête montre que les employeurs s’adaptent aux diplômes
détenus par les candidats sans rechercher a priori une adaptation
titres/postes. Ils manifestent une bien plus grande confiance dans
l’expérience professionnelle, et quand ils recrutent des jeunes, le fait de
recruter des diplômés semble traduire un besoin de réassurance quant à des
qualités générales, voire personnelles, plus qu’un strict besoin de
compétences. Le diplôme, d’autant plus opaque qu’il est répandu,
fonctionnerait donc surtout comme un gage de qualités personnelles ; ceci
n’est pas sans rapport avec l’évolution qualitative des emplois, les qualités
recherchées pour nombre d’entre eux étant des qualités avant tout
psychologiques et relationnelles, sans rapport avec les formations
existantes, ce que l’on désigne à présent sous le vocable de « soft skills »
(Brown et Hesketh, 2004 ; Heckman et Kautz, 2012 ; Giret, 2015 ;
Albandea et Giret, 2016).
Toujours est-il que l’évolution des flux de diplômés modifie les
arbitrages entre ancienneté et diplômes, et les concurrences entre diplômés
et non-diplômés. Pour les jeunes, l’accès à la plupart des emplois devient
ainsi de plus en plus conditionné par l’obtention d’un diplôme, et les
diplômés ont tendance à diffuser vers des catégories professionnelles où ils
étaient peu présents. Les contenus mêmes des emplois et la définition des
qualifications peuvent s’en trouver affectés, de même que les relations dans
l’entreprise. Autrement dit, le système scolaire constitue un des éléments
qui structurent l’organisation du travail : dans la population active, entre
1984 et 2014, en trente ans donc, le pourcentage de cadres dotés d’un
diplôme du supérieur est passé de 44 % à 62 %, tandis que le taux de cadres
sans diplôme passait lui de 18 % à 4 % ; dans le même temps, le
pourcentage d’ouvriers non qualifiés sans diplôme baissait, de 76 % à 43 %
tandis que le pourcentage de personnes ayant au moins le bac, dans ce
groupe, passait de 2 % à 23 % (Dares, 2017). Il est probable que cette
évolution a des conséquences diverses sur l’organisation du monde du
travail et le vécu des salariés.
On se situe donc dans une dynamique où l’école participe à la production
de rapports sociaux, et aussi partage sa fonction de reproduction de la main-
d’œuvre avec l’État législateur et les entreprises. Les modalités de cette
répartition des tâches évoluent : par exemple, les entreprises s’impliquent
de plus en plus dans la mise en place de dispositifs de formation par
alternance pour les jeunes sortis de l’école sans formation ; elles tentent
aussi de favoriser des rapprochements école/entreprise (professionnalisation
des études universitaires, par exemple). Les modalités concrètes de
l’articulation entre l’école et la vie professionnelle – ce qu’on peut
considérer comme le « régime d’éducation et formation » dominant (cf.
Verdier, 2001) – sont donc mouvantes, variables dans le temps, comme
d’ailleurs dans l’espace, ainsi que l’attestent les comparaisons
internationales.

Le rôle de l’école à la lueur


des comparaisons internationales
Comme l’a montré, dans les années 1980, une comparaison approfondie
entre la France et l’Allemagne (Maurice, Sellier et Sylvestre, 1982), les
hiérarchies professionnelles ainsi que la nature des relations de travail se
déterminent en interaction dynamique avec la manière dont sont formés
les acteurs dans le système scolaire. L’Allemagne se caractérise par une
forte densité de diplômes professionnels allant du niveau ouvrier au
niveau cadre, qui forment autant les échelons d’une hiérarchie qu’une
base commune de communication au sein de l’entreprise, voire de la
société. En France, cet « espace de qualification » unifié n’existe pas, et
l’opposition entre formation générale et formation professionnelle se
retrouve dans les hiérarchies entre « cols blancs » et « cols bleus », et
plus largement dans la division du travail et l’organisation des
entreprises. C’est une logique de « niveau général » qui y domine, au sein
d’une structure hiérarchisée, alors qu’en Allemagne, la dominance d’une
logique de contenu professionnel se double d’une « professionnalité
partagée », non sans conséquence sur les identités professionnelles
(moins hiérarchisées en termes de considération, mais aussi de salaires).
De manière générale, dans les pays où la dimension professionnelle des
formations est peu développée, les diplômes vont fonctionner davantage
comme des signaux, comme une manière de se classer dans la file d’attente
pour les emplois, ce qui nourrit une logique inflationniste puisqu’il faut
toujours aller plus loin pour rester bien classé (Di Stasio et al., 2016). Mais
cette tendance générale peut varier selon les secteurs d’activité (DiPrete et
al., 2017). L’analyse des relations concrètes que l’école entretient avec le
marché du travail et le fonctionnement des entreprises gagne donc à être
contextualisée, pour mieux comprendre certains phénomènes sociaux, tels
que la valeur des diplômes et leur évolution (Shavit et Müller, 1998).
Les comparaisons internationales jettent également un éclairage sur la
question du rôle de l’école. Au niveau individuel, les relations entre
formation et emploi restent assez fortes pour donner raison aux individus
dans leur demande d’éducation : si le diplôme n’est pas suffisant pour
accéder à telle ou telle position sociale, il est nécessaire, et ne pas en avoir
compromet de plus en plus l’insertion, même si, globalement, l’impact du
niveau d’éducation sur la position professionnelle tend à baisser dans la
plupart des pays comparables au nôtre (Bernardi et Ballarino, 2016) ; dans
le même temps, les atouts autres que scolaires sont davantage mobilisés,
pour maintenir les privilèges des mieux dotés (Jackson et al., 2005). Si
l’école « sert » incontestablement à s’insérer dans la vie active, on est loin
de l’idéologie des sociétés démocratiques, selon laquelle l’accès aux
positions sociales est censé se fonder sur des critères méritocratiques, les
individus accédant à un niveau donné de formation en fonction de leurs
compétences, puis, juste reconnaissance sociale de ces compétences,
obtenant un emploi en fonction de ce niveau scolaire. Dans la réalité, le jeu
des facteurs méritocratiques est fortement biaisé par les facteurs sociaux
(Duru-Bellat, 2019a) : au-delà du fait que la réussite scolaire et le choix
d’une formation ne sont pas sans rapport avec le milieu familial (cf.
chapitre 2), l’origine sociale continue d’exercer une influence sur l’insertion
professionnelle du jeune, à formation comparable, et intervient de manière
continue tout au long de la vie professionnelle. Avec du même coup des
évolutions de prime abord paradoxales : certaines comparaisons
internationales montrent que la baisse de rendement des diplômes observée
dans la plupart des pays est un facteur qui contribue à atténuer les inégalités
de revenus parmi les jeunes (Nolan et al., 2014). Enfin, rappelons que
l’insertion et la position sociales sont loin de se jouer exclusivement dans le
système scolaire : le contexte économique et social (conjoncture
économique, politiques des entreprises, abondance des diplômés par rapport
aux emplois disponibles…) est d’une importance cruciale.
Rien d’étonnant donc si la force des relations entre les formations et les
emplois varie sensiblement d’un pays à l’autre, de même d’ailleurs que
l’importance de la relation entre origine sociale et réussite scolaire, comme
nous l’avons évoqué dans le chapitre précédent. Des comparaisons
internationales en attestent (Dubet et al., 2010a et 2010b), qui montrent que
du même coup, la reproduction des positions sociales d’une génération à
l’autre – soit l’immobilité sociale – se joue autant dans les inégalités
sociales d’obtention des diplômes que dans les modalités, diversifiées, de la
transition de l’école à l’emploi et du déroulement ultérieur des carrières. La
reproduction sociale s’avère ainsi modérée en Allemagne, car les modalités
assez strictes de la transition vers l’emploi et les bénéfices que l’on tire de
ses diplômes (notamment professionnels) compensent en quelque sorte les
inégalités sociales scolaires qui y sont relativement fortes (Dubet et al.,
2010a). Dans d’autres pays comme la Suède, la reproduction sociale est
moins marquée et elle se joue avant tout au moment de l’insertion à
diplôme comparable, car par ailleurs les inégalités sociales d’accès à
l’éducation sont faibles. Néanmoins, dans l’ensemble des pays de l’OCDE,
entre les trois quarts et la moitié de la reproduction des positions sociales
d’une génération à l’autre passe par l’intermédiaire du niveau d’éducation
atteint et des inégalités sociales à cet égard (Bernardi et Ballarino, 2016).
De manière générale, les sociétés qui donnent une grande importance aux
diplômes dans l’accès à l’emploi se montrent plus rigides et la reproduction
sociale y est plus prononcée. Ceci se conçoit aisément puisque tant que
l’accès aux diplômes est socialement inégal, donner à ces derniers une
grande importance pour accéder aux emplois durcit encore les inégalités.

Conclusion
Ces résultats conduisent à s’interroger sur les incidences d’une politique
qui compterait avant tout, voire uniquement, sur l’élévation du niveau de
formation pour répondre aux difficultés des jeunes (Forgeot et Gautié,
1997 ; Duru-Bellat, 2006 ; Plassard, 2015). Il est clair que la
démocratisation de l’éducation, au-delà de ses bénéfices culturels, ne
débouche pas automatiquement sur la démocratisation de la société.
Comme Boudon le soulignait déjà en 1973, même si l’on assistait à une
atténuation des inégalités sociales face à l’éducation, rien ne garantit
qu’on observe du même coup davantage de mobilité sociale, ou des liens
moins forts entre origine sociale et statut social. Dans cette perspective,
seule une égalisation de la société peut atténuer les inégalités sociales, et
non l’école elle-même, quelles que soient les réformes qu’on y mette en
place (Dubet, 2010). En d’autres termes, « si nous voulons l’égalité
économique dans notre société, c’est en changeant nos institutions
économiques, et non nos écoles, qu’il nous faudra l’obtenir » (Jencks,
1972).
Dans ce cas, n’est-il pas coûteux, pour les individus, et plus encore au
niveau de la société, d’investir si fortement dans un système scolaire qui ne
serait qu’une instance de filtre et de tri ? Sans doute, si l’on s’en tient à ce
qui est une des fonctions officielles de l’école, à savoir sa fonction
instrumentale par rapport à l’insertion des jeunes et aux besoins du marché
du travail, qui est aussi l’une des plus évidentes pour les usagers et est
réitérée dans chacune des grandes lois successives qui entendent réformer
l’éducation. Même si les constats objectifs ne vont guère dans ce sens, les
entreprises et l’État ont de fait un intérêt commun à croire que l’élévation du
niveau d’instruction constitue une bonne chose, en particulier une voie
efficace pour réduire le chômage (Béduwé et Espinasse, 1995). Mais
derrière ce consensus, n’y a-t-il pas aussi le fait que l’école remplit, au-delà
de son rôle d’instruction et d’intégration culturelle des jeunes générations,
des fonctions plus globales, sans doute moins évidentes, de légitimation ?
Croire que les titres scolaires régissent l’accès aux positions sociales (et les
inégalités afférentes), sur une base juste, est capital pour la société,
notamment pour les groupes dominants8, afin de légitimer les inégalités
entre ces positions sociales. Nous reviendrons sur ces questions en
présentant les théories sociologiques (dans le chapitre 10).

Orientation bibliographique
BERNARDI F., BALLARINO G. (eds), 2016, Education, Occupation and
Social Origin, Cheltenham, Edward Elgar, 292 p.
BOUDON R., 1973, L’Inégalité des chances. La mobilité sociale dans les
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COUPPIÉ T. et al., 2018, 20 ans d’insertion professionnelle des jeunes.
Entre permanence et évolution, Céreq Essentiels no 1, Marseille, Céreq.
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française de pédagogie, no 192, 23-36.
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sociologie, vol. 23, no 4, 551-584.
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France. Le rôle de l’éducation », Revue de l’OFCE, no 150, 1-42.
DEUXIÈME PARTIE

Contextes et médiations
Chapitre 4
L’école entre l’espace local
et l’espace national
Dans cette deuxième partie, l’objectif n’est plus d’élucider ce que produit
globalement l’école, mais d’analyser son fonctionnement au travers de
l’étude des contextes, des organisations et des programmes d’enseignement.
Un premier constat s’impose : l’école « en chair et en os » s’inscrit dans un
espace local, rural ou urbain, qu’elle ne peut ignorer. La prise en compte
des liens qu’elle tisse entre ces contextes et l’espace national amène à
souligner les capacités spécifiques d’action dont elle est dotée, notamment
l’importance de sa fonction d’intégration et d’accompagnement des
changements sociaux ; elle permet simultanément d’en saisir les limites
face à la résistance passive ou active et à l’action stratégique de groupes
internes et externes. L’importance de ces processus implique à son tour de
s’intéresser à la fois à la façon dont les politiques nationales sont traduites à
l’échelle locale, et à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques
régionales, départementales ou municipales relativement autonomes.

L’école et l’intégration des sociétés


rurales
Au xixe siècle, l’école en France, comme dans la plupart des pays
développés, a été investie d’une mission civilisatrice. Elle devait fondre
dans un modèle unique les particularismes propres aux différentes
localités. Après la deuxième guerre mondiale, l’institution scolaire a été
en outre chargée de diffuser de nouvelles techniques et de nouvelles
valeurs de la civilisation urbaine dans l’ensemble du système social. La
constitution progressive d’une identité nationale et la transformation
rapide des mentalités et des modes de vie dans ce dernier quart de siècle
confirment amplement la réussite de cette entreprise. Pourtant, la
diversité demeure. Si l’on ne retrouve pas aujourd’hui la singularité
culturelle de chaque région ou de chaque « pays » dans ses écoles, la
scolarisation des ruraux conserve encore certaines spécificités.

L’école missionnaire
Le rôle d’intégration assigné à l’institution scolaire apparaît
explicitement dans l’entreprise scolaire de la Troisième République. Le
projet de l’école se caractérise par sa visée universaliste et rationaliste : il
affirme le primat du général sur le particulier, de la logique sur
l’expérience, de la morale laïque sur les croyances particulières. Il
s’inscrit en outre dans un dessein politique volontariste : l’école ne doit
pas seulement instruire, mais former des citoyens éclairés afin de
développer l’attachement à la patrie et à la République, et favoriser le
progrès économique et social (Prost, 1968). De ce volontarisme,
témoignent d’abord les programmes d’enseignement (cf. chapitre 6).
Pour les républicains, la langue française est un élément central de
l’unification politique et culturelle. Ils incitent donc fortement les
instituteurs à l’imposer face aux langues régionales. À Plozévet, par
exemple, le breton a été dès le départ l’ennemi principal des instituteurs
qui ont tenté de l’évacuer complètement de l’école et l’ont combattu sans
répit sur la scène locale (Burguière, 1977). Partout ailleurs, les exemples
abondent de symboles et de punitions utilisés pour marquer d’infamie les
enfants surpris à parler leur patois natal (Weber, 1983).
L’instruction morale et civique, qui remplace l’instruction religieuse et
civique, doit favoriser également le dépassement de « l’esprit de clocher »
et amener le citoyen à s’identifier au destin de la communauté imaginaire à
laquelle il appartient désormais. Cette morale, qui est plus un « art de
vivre » qu’un ensemble cohérent de principes philosophiques, cherche à
faire pénétrer des normes en matière de travail, d’épargne, de responsabilité
individuelle dans le quotidien des enfants et de leurs parents (Crubellier,
1993 ; Déloye, 1994 ; Baubérot, 1997). L’enseignement de l’histoire
devient aussi à la fois outil de développement du sentiment patriotique et
d’ouverture sur l’universel car, comme le souligne M. Ozouf, (1985) :
« l’école primaire se limite à l’histoire nationale, mais c’est une histoire
illimitée […] ; naître français c’est trouver dans son berceau une histoire
miraculeusement pédagogique, progressant vers la démocratie en séquences
bien ordonnées, apte à faire comprendre l’histoire du monde ; c’est
l’assurance d’être nourri par l’institutrice des nations ; c’est avoir pour
patrie la liberté, la justice, la tolérance ». Mais les autres disciplines
disqualifient aussi la connaissance immédiate au profit d’une unité
nationale cautionnée par la Science et justifiée par un nouvel ordre
économique et social. C’est le cas de la géographie, avec l’introduction
d’une grille descriptive applicable à tous les paysages et avec l’ouverture
sur l’espace national que proposent des manuels comme Le Tour de la
France par deux enfants édité en 1877. C’est aussi le cas du calcul avec
l’adoption d’un système de mesure universel, le système métrique (Vincent,
1980 ; Crubellier, 1993).
La cohérence idéologique des programmes n’explique cependant pas à
elle seule la réussite de ce projet. Le loyalisme sans faille des instituteurs y
est aussi déterminant. Issus de familles rurales confrontées à une situation
de déclin économique, ils adhèrent à une vision idéalisée de la République
comme régime politique où les hiérarchies sont constamment remaniées par
la prise en compte des mérites individuels. La formation intellectuelle et
morale qu’ils reçoivent dans les Écoles normales, véritables « institutions
totales », et les conditions d’exercice du métier, qui impliquent des
changements de poste subis ou désirés, les coupent encore davantage de
leurs attaches locales. À cela il faut ajouter que la définition morale et
politique de leur mission les incite à maintenir une « juste distance » vis-à-
vis de la population et les condamne, notamment les femmes, à une grande
solitude morale et affective dans les villages (Muel 1977, 1983 ; Ozouf et
al., 1992).
Par-delà le combat héroïque des débuts ou de la « guerre des manuels »
contre les représentants de l’enseignement catholique au tournant du
XIXe siècle, ou encore de l’application « désinvestie » des consignes du
gouvernement de Vichy et de la participation de nombreux instituteurs au
sauvetage des enfants juifs et à la résistance grâce à leur implantation et à
leurs réseaux locaux (Fontaine, 2021), les travaux de recherche constatent
une mobilisation plus ordinaire de nombreux instituteurs en faveur de la
généralisation de l’instruction. Il leur a été en effet nécessaire de vaincre les
résistances de certaines populations qui soit ne voyaient pas l’utilité de la
scolarisation, soit y percevaient une menace pour l’autorité de la famille et
du père, pour les rapports de travail ou pour l’organisation politique locale.
Les recherches de Peneff (1987) montrent ainsi qu’il a fallu un intense
travail de persuasion de la part des inspecteurs primaires, des commissions
scolaires, des délégués cantonaux et des enseignants, ainsi que
l’organisation d’un ensemble de prestations à bas prix (cantines,
fournitures, bibliothèques, colonies des vacances) pour que tous les enfants
soient véritablement scolarisés.
Les progrès et les reculs de la scolarisation ont aussi dépendu de
l’attitude des municipalités à l’égard de l’école publique, de l’intensité de la
concurrence des écoles privées et de la dynamique même de la
fréquentation. La position des élites locales à l’égard de la scolarisation
post-primaire a joué sur ce dernier point un rôle important, mais il faut se
garder d’une vision de la diffusion de la scolarité selon une hiérarchie de
richesse ou d’influence. Dans certaines communes et régions, les enfants de
journaliers ou d’artisans ont en effet fréquenté plus précocement l’école que
ceux de paysans aisés. Cette situation s’explique par les conditions de
travail de leurs parents (qui n’avaient pas besoin de leur aide), par leur lieu
d’habitation (la résidence au bourg joue un rôle déterminant) et par la
constitution de groupes actifs, pratiquant une scolarité intensive, au sein de
ces catégories sociales qui ont joué un rôle important d’émulation.

Maintenir les traditions


en introduisant la modernité
Il serait pourtant erroné de vouloir réduire l’école républicaine à la seule
image d’une puissante machine idéologique, détruisant les cultures
traditionnelles pour orienter les individus vers d’autres croyances et
d’autres systèmes de normes (Weber, 1983). Dans certains endroits
comme dans ce Plozévet que nous dépeint A. Burguière (1977), « l’élan
missionnaire et le rationalisme dogmatique de l’instituteur lui permettent
de piétiner avec bonne conscience la culture rustique que les petits
plozévetiens apportent avec eux ». Dans d’autres, en revanche, les
exemples ne manquent pas d’instituteurs qui ont eu recours aux langues
régionales pour faciliter leur enseignement et qui ont introduit avec
bonheur des éléments de la culture locale dans leurs leçons. D’ailleurs,
un examen attentif des instructions officielles montre que celles-ci ont
oscillé entre l’apologie de l’inculcation de l’universel et du national et
l’incitation à tenir compte du « local » (langue, histoire, géographie ou
traditions) en recommandant une progression « concentrique » de
l’enseignement et une mobilisation affective du « terroir » à des fins aussi
bien pédagogiques que civiques (Michel, 2014). Il faut dire qu’on est ici
dans l’ordre du primaire, de l’utile et du concret et non pas du haut degré
d’abstraction des savoirs de l’enseignement secondaire. Certes, on peut
ne voir dans ces démarches qu’un détour stratégique, l’adaptation locale
étant un moyen et non pas une fin en soi. Elles montrent en tout cas que
l’école républicaine n’a pas été édifiée seulement contre « les petites
patries », mais aussi avec elles (Chanet, 1996).
En outre, si les instituteurs décontextualisent leur enseignement, ils
privilégient dans leurs loisirs des démarches tournées vers le milieu local :
analyse de la flore et de la faune lors de promenades et d’excursions, intérêt
quasi ethnologique pour les traditions et les coutumes locales, régionalisme
dans les choix littéraires (Muel-Dreyfus, 1983 ; Peyronie, 1997). Les
instituteurs, mais moins souvent les institutrices, se sont aussi intégrés à la
vie locale au travers de leur participation à des activités périscolaires en
direction des enfants (sports, musique) ou des adultes (cours du soir). Ils ont
également joué un rôle d’intermédiaires entre les populations locales et le
monde extérieur (apport d’informations, rôle d’écrivain public pour la
correspondance officielle et les démarches administratives ou de conseiller
agricole) et participé activement à la vie associative et politique des villages
(Peneff, 1987).
Par ailleurs, avec le temps, l’hostilité vis-à-vis de l’environnement local
s’estompe. Les instituteurs à la retraite ayant répondu à l’enquête des Ozouf
(1992), ont exercé pour la plupart à partir du début du siècle et se sentent
déjà fort éloignés de la première génération militante. Les instituteurs que
nous décrivent les monographies locales des années 1940 et 1950 sont
encore plus réservés à l’égard d’une conception missionnaire de leur rôle
professionnel et aspirent plutôt, surtout les femmes, à exercer en ville ou à
avoir des loisirs urbains. En outre, on observe un partage plus net des rôles
entre l’école qui instruit et les familles qui éduquent, partage harmonieux
tant que les parents soutiennent à la maison le travail des instituteurs et que
ceux-ci évitent de critiquer les pratiques parentales et de se mêler des
histoires de village (Wylie 1957 ; Zonabend, 1982 ; Henriot-van Zanten,
1990).
C’est aussi qu’entre-temps la position des familles à l’égard de l’école a
évolué. Elles résistent toujours à son emprise culturelle au-delà de l’espace
scolaire comme en témoigne la survivance des langues et des traditions
locales jusqu’aux années 1950 où c’est l’ouverture et la transformation des
milieux par la mobilité géographique, par l’irruption de la radio et de la
télévision et par le développement de nouveaux types de consommation qui
homogénéise et standardise. Toutefois, elles perçoivent de plus en plus
l’importance de l’instruction dans l’accès à des emplois mieux rémunérés et
plus prestigieux et certaines d’entre elles développent de véritables
stratégies de scolarisation autour de l’obtention par leurs enfants du
Certificat d’études primaires (Carpentier, 1993).
Ce diplôme, qui couronnait la scolarité élémentaire, a été un moyen
d’émulation professionnelle des enseignants et d’intéressement des parents.
En même temps, parce qu’il a favorisé la poursuite de la scolarité dans
l’enseignement secondaire, il a profondément altéré les sociétés locales en
introduisant une nouvelle hiérarchie culturelle et en bouleversant les
logiques de migrations vers les villes. À partir des années 1920, celles-ci ne
se font plus seulement sur des bases locales et familiales, mais en fonction
d’un prolongement de la scolarisation qui aboutit à la constitution
d’individus plus autonomes et plus disponibles pour la mobilité
professionnelle (Vincent, 1980 ; Peneff, 1987). Le rôle de la scolarisation
dans l’exode rural deviendra d’ailleurs un des thèmes centraux des
recherches après la deuxième guerre mondiale, mais c’est alors moins
l’école primaire, devenue le premier degré d’une scolarité obligatoire plus
longue, qui est le centre d’intérêt que l’orientation postérieure des enfants
des paysans vers l’enseignement technique ou professionnel. Cette
orientation prépare et légitime alors leur insertion dans l’économie et la
société industrielles en les détournant de la condition paysanne pour les
intégrer majoritairement aux classes populaires non agricoles (Grignon,
1975 ; Berthelot, 1978).
La spécificité de l’école rurale
aujourd’hui
Alors que l’école élémentaire est le service public le mieux représenté en
France à l’échelle locale, elle est de moins en moins présente en milieu
rural : plus de 10 000 communes rurales n’ont plus d’écoles. Cette
évolution est la conséquence non seulement de la désertification des
campagnes mais aussi, de plus en plus, de la priorité accordée au niveau
national à la réduction des dépenses et à une certaine conception de la
rationalisation des services publics. La mise en œuvre locale de ces
objectifs engendre souvent des tensions entre les autorités déconcentrées
de l’Éducation nationale, les maires, les représentants des enseignants et
les parents car elle aboutit le plus souvent à la fermeture de certaines
écoles et à la création de regroupements pédagogiques intercommunaux
concentrés (RPIC) qui sont souvent mal acceptées par les acteurs locaux,
ce qui entraîne des actions de résistance plus ou moins efficaces de leur
part (Jebeili et Taulelle, 2012 ; Barrault-Stella, 2016, 2021). On observe
toutefois d’importantes variations en fonction des configurations locales.
Ainsi, les fermetures et les regroupements sont moins importants dans les
régions de forte implantation de l’enseignement catholique car la
concurrence entre le secteur public et privé favorise le maintien d’écoles
communales ainsi d’ailleurs que la scolarisation à deux ans (Caro et
Rouault, 2010).
Si l’introduction de ces nouvelles structures, souvent situées dans les gros
bourgs, s’accompagne souvent d’un certain désinvestissement de la part des
petites communes qui, dessaisies de « leur » école, se contentent de verser
une contribution financière aux communes d’accueil de leurs écoliers. Elles
proposent néanmoins souvent une offre plus riche en matière de projets
pédagogiques y compris en partenariat avec des écoles d’autres régions,
voire d’autres pays européens, d’équipement, notamment informatique, et
de services tels que la restauration, la garderie, l’aide aux devoirs par
exemple (Reed-Danahay, 2003). Ces dimensions attirent les familles les
plus aisées parmi les « néo-ruraux ». En effet, ces familles ont de nouvelles
exigences quant à la qualité de l’offre d’enseignement. Si elles sont
logiquement d’abord attentives à la distance des écoles par rapport à leurs
lieux d’habitation et de travail, et au temps et au coût des transports, elles
sont aussi sensibles à des éléments susceptibles de rapprocher ces écoles
des écoles urbaines avec lesquelles elles les comparent de façon implicite
ou explicite (Alpe et al., 2001 ; Bouju-Goujon, 2003, 2007). Cette nouvelle
offre ne répond en revanche pas nécessairement aux attentes plus
traditionnelles concernant les apprentissages de base (lire, écrire, compter)
d’autres ruraux, anciens et nouveaux, parmi lesquels on trouve une
proportion importante d’inactifs et de familles en difficulté.
Il faut néanmoins souligner que si ces regroupements tendent à faire
disparaître certains traits spécifiques des écoles rurales (classes uniques,
classes à cours multiples), d’autres perdurent et font l’objet d’une
perception positive, notamment l’ambiance familiale ainsi que la prise en
charge plus globale et plus individualisée des élèves et l’absence de
phénomènes de violence. Comme en milieu urbain, on peut néanmoins
distinguer différents types de rapport des familles à l’école, liés à leur
position sociale mais aussi à leur insertion locale (Henriot-van Zanten,
1990). Certains parents adoptent un point de vue de « consommateurs » : ils
portent un regard évaluatif sur le fonctionnement des établissements,
réclament de la transparence de la part des enseignants et sont prêts à
changer d’école en cas d’insatisfaction. D’autres adoptent un point de vue
de « partenaires » : ils répondent aux sollicitations des enseignants et leur
donnent volontiers un coup de main pour les aspects pratiques. D’autres
enfin adoptent un point de vue d’« assujettis », s’inclinant totalement
devant les exigences institutionnelles et professorales (Dejaiffe, 2008 ;
Barrault-Stella, 2012a, 2014b).
Les familles accordent également de l’importance aux caractéristiques du
corps enseignant. Celui-ci comprend quelques enseignants « enracinés »
mais aussi une proportion plus importante que dans les villes de jeunes
enseignants mobiles, moins en raison de difficultés liées à l’enseignement –
bien qu’ils doivent faire preuve d’une plus grande polyvalence – ou au
maintien de l’ordre, comme c’est le cas pour leurs homologues de banlieue,
que de leur plus grand isolement et de la difficulté à trouver leur place dans
des petites communes rurales. Certains peuvent cependant éprouver des
satisfactions professionnelles et personnelles plus profondes qu’en milieu
urbain liées à la forte reconnaissance du rôle de passeurs entre l’État et la
population locale et de garants d’une ouverture sur le monde que continuent
à leur attribuer de nombreux habitants ainsi que les élus locaux (Henriot-
van Zanten, 1990 ; Geay, 2007 ; Jean, 2007 ; Alpe et Fauguet, 2008 ; cf.
chapitre 7).
Les parents comparent aussi de plus en plus les écoles sur la base de leurs
résultats (Bouju-Goujon, 2007). Si certains perçoivent les écoles rurales
comme se trouvant systématiquement en retard par rapport à leurs
homologues urbaines, les enquêtes contredisent cette représentation. Elles
montrent en effet des résultats tout à fait comparables, voire supérieurs en
mathématiques pour les petits ruraux. Les écoles rurales seraient même plus
égalisatrices que leurs homologues urbaines : à l’entrée en 6e, les élèves
venant des écoles rurales ont des résultats plus homogènes que ceux venant
des écoles urbaines ; en CE2 comme en 6e les enfants d’ouvriers ruraux
réussissent mieux que les enfants d’ouvriers urbains. Ces résultats, qu’il
faut probablement attribuer aux pratiques pédagogiques des maîtres dans les
petits établissements, telles que le travail individuel, et à l’optimisation
constatée du temps de travail dans la classe, remettent partiellement en
cause la pertinence des politiques de regroupement évoquées plus haut
(DEP, 1995 ; Leroy-Audouin et Mingat, 1996 ; Oeuvrard, 2003 ; Alpe et al.,
2017).
L’appréciation du fonctionnement des collèges ruraux est en revanche
plus délicate. Ces établissements sont souvent de petite taille en raison du
choix politique pendant plusieurs décennies de privilégier de petits collèges
de proximité dans les chefs-lieux des cantons. Ce choix répond aux souhaits
des parents les plus défavorisés. Il est aussi défendu par les élus, voire par
les administrations locales, car, contrairement aux représentations
dominantes, les petits établissements ruraux ne coûtent pas toujours plus
cher que des regroupements plus vastes. S’il en est ainsi, c’est qu’on y
trouve un corps professoral moins gradé, et une offre d’enseignement moins
riche (moins d’options en langues vivantes, peu d’options artistiques et
sportives) (Rouault, 2007). Ces établissements suscitent par ailleurs moins
l’attention que les établissements urbains en raison d’un climat plus pacifié
qui va néanmoins souvent de pair avec un faible niveau d’exigences et une
faible mobilisation professionnelle des enseignants (Paty, 1996). Comme
les écoles primaires, à l’exception de ceux relevant du ministère de
l’Agriculture, ils font néanmoins aussi depuis quelques années l’objet de
fermetures et de regroupements.
En ce qui concerne leur efficacité pédagogique on constate qu’alors que
les progressions en français et en mathématiques des élèves « ruraux » et
« urbains » de même origine sociale sont tout à fait comparables au cours
des deux premières années de collège, le taux d’orientation en seconde
générale et technologique est plus faible dans les collèges ruraux que dans
les collèges urbains. Au lycée, les élèves privilégient ensuite les filières
technologiques et professionnelles plutôt que les filières générales. Ces
choix s’expliquent en partie par la proximité d’établissements
d’enseignement agricoles et non agricoles, privés et publics, proposant
différentes formations technologiques et professionnelles et par
l’éloignement des établissements d’enseignement général localisés le plus
souvent en ville (cf. chapitre 5). Ils s’expliquent aussi par le fait que les
demandes d’orientation sont moins ambitieuses. Les parents comme les
jeunes sous-estiment le niveau scolaire de ces derniers et refusent en même
temps la trop grande mobilité géographique, ce qui conduit à des choix
modestes à proximité du lieu du domicile, notamment en milieu rural isolé.
Les enseignants de leur côté ont tendance à entériner ces vœux au nom d’un
certain « réalisme social » et, parfois, d’une vision négative du monde rural
(Alpe, 2012 ; Alpe et Barthes, 2014 ; cf. chapitre 2).
En fait, c’est la tonalité sociale de l’établissement qui joue ici très
fortement sur les orientations car on observe que les collèges ruraux
concentrent plutôt des catégories défavorisées (agriculteurs, ouvriers,
employés) (cf. chapitre 5). Cette concentration est due aux caractéristiques
de la population rurale, mais aussi à l’évitement de ces établissements par
les catégories les plus favorisées qui souhaitent faire suivre à leurs enfants
un enseignement long en ville. Ceux qui restent dans leur environnement
d’origine, parmi lesquels on trouve davantage de jeunes hommes des
milieux populaires, constituent souvent un groupe soudé par la
fréquentation des mêmes filières professionnelles, ainsi que par des visions
partagées des figures locales de la réussite ou de l’échec (Coquard, 2019).
Ces « gars du coin » font souvent à l’entrée dans la vie adulte l’expérience
d’une intégration infériorisante dans l’espace local, n’ayant souvent accès, à
la suite de leurs études, qu’à des emplois d’ouvriers non qualifiés (Renahy,
2005).
Les jeunes filles, quant à elles, sont plus nombreuses à aspirer à plus
d’ouverture, tant sur le plan des études que des relations locales, et à partir
donc à la fin du collège vers des lycées urbains, malgré les coûts objectifs et
subjectifs associés à une telle décision, entre autres ceux liés à la nécessité
d’avoir recours à l’internat. Une partie d’entre elles, comme une proportion
plus importante encore de celles poursuivant des études secondaires à
proximité dans l’enseignement professionnel, influencées par leurs mères et
leurs petits amis ainsi que par l’offre locale optent cependant pour des
filières très genrées orientées vers l’accès immédiat à l’emploi et tournées
vers les besoins locaux. Elles compensent néanmoins partiellement leur
faible capital culturel institutionnel par un « capital d’autochtonie »
(Renahy, 2010a) acquis par filiation ou par alliance ou dans le cadre
d’engagements locaux professionnels ou bénévoles. Il s’agit toutefois d’un
capital d’appoint peu susceptible d’être valorisé hors du cadre local (Aouani
et al., 2019 ; Amsellem-Manguy, 2021).

L’école face à la diversité urbaine


S’il ne faut pas négliger les dynamiques dans les zones rurales, il faut les
replacer dans le cadre d’une société française largement urbanisée.
L’urbanisation, vécue initialement comme une forme de progrès social, a
peu à peu fait surgir de nouveaux problèmes : les inégalités sociales entre
une large classe moyenne et une minorité significative d’« exclus »
s’accroissent et deviennent plus visibles car elles se doublent d’une
ségrégation sociale et ethnique des populations dans l’espace qui
engendre des tensions individuelles et de sporadiques mouvements de
protestation collective. L’école subit de plein fouet ces évolutions, tout en
engendrant elle-même des dynamiques qui peuvent, selon les cas,
accroître les écarts entre différents segments de la population ou
contribuer à les réduire.

Mobilisation scolaire et réseaux


sociaux en milieu urbain
On a longtemps insisté, à juste titre, sur la coupure entre l’école, insérée
dans un réseau institutionnel et politique vertical, et les familles de la
classe ouvrière, insérées dans un réseau familial et communautaire
horizontal (Henriot-van Zanten, 1991). Cette coupure concerne
néanmoins davantage l’école secondaire que l’école primaire publique.
Cette dernière fut longtemps, avant l’émergence dans les années 1970
d’un système éducatif intégré, « l’école du peuple », fréquentée, dans les
villes, par une majorité d’enfants d’ouvriers et d’employés, les enfants
d’industriels, de négociants ou des membres des professions libérales y
faisant figure de « brebis égarées ». Bien que ne voyant pas toujours
l’intérêt d’une scolarité longue, ces familles populaires urbaines n’ont
pas dans leur ensemble adopté une attitude passive vis-à-vis de l’école.
En témoigne la mobilité très élevée des élèves entre les écoles urbaines à
la fin du XIXe et au début du XXe siècle. En effet, ce phénomène ne
s’explique pas seulement par la forte mobilité résidentielle de ces
familles et par la circulation institutionnelle d’élèves rétifs aux normes
scolaires, mais aussi par la recherche, par une proportion non négligeable
de parents, d’une meilleure école, définie par le sérieux des maîtres et
leur capacité à amener les enfants jusqu’au certificat d’études ainsi que
par la présence de cours supérieurs (Thivend, 2006).
La recherche de Jackson et Marsden (1962) en Angleterre montre
également la forte mobilisation scolaire de certaines familles populaires
dans la période de l’après-guerre, avant l’allongement officiel des études
secondaires. Cette mobilisation, essentiellement féminine, comprenait un
versant familial : dispense de participation des enfants aux travaux
domestiques, achat de livres ou d’encyclopédies, leçons d’élocution. Elle
comprenait aussi un versant extra-familial, notamment l’utilisation par les
mères de réseaux de voisinage, amicaux ou associatifs pour obtenir des
informations sur les établissements scolaires et des appuis afin de faciliter
l’accès de leurs enfants. Ces stratégies de choix des établissements se sont
révélées payantes. L’analyse rétrospective du devenir des élèves de la
commune étudiée montre que certaines écoles n’ont jamais réussi à faire
entrer un seul de leurs élèves dans l’enseignement long, alors que d’autres,
grâce aux efforts conjugués des parents et des enseignants, ont été de
véritables « pépinières » de boursiers de l’enseignement secondaire.
Cette mobilisation a été poursuivie par certaines familles après l’école
primaire, les mères notamment prenant sous leur protection les adolescents
et les jeunes ayant accepté de s’engager dans des études longues. D’autres
parents et enfants, en revanche, ont renoncé à ces parcours pour des raisons
financières, car les bourses ne couvraient pas tous les frais, mais aussi pour
des raisons culturelles. En effet, les enfants d’ouvriers « élus » par l’école
devaient opérer une rupture radicale avec les valeurs et les modes de
sociabilité en vigueur dans leur famille et leur quartier, les enseignants
attendant d’eux qu’ils intègrent entièrement les valeurs de l’institution à
travers leur langage, leurs manières, leur tenue vestimentaire, leur
participation aux activités culturelles et sportives organisées par l’école ou
encore le choix de leurs amis (Young et Willmott, 1957 ; Hoggart, 1988).
L’existence d’effets liés au voisinage résidentiel et aux réseaux
relationnels de proximité sur la mobilisation scolaire des parents et des
enfants semble également confirmée, pour la période plus récente, dans le
cas des familles d’origine immigrée. Une enquête auprès de cent jeunes
d’origine algérienne ayant connu des itinéraires de réussite scolaire et
professionnelle montre l’importance d’avoir pu éviter totalement, ou après
quelques années, les quartiers d’habitat social les plus ségrégués et d’avoir
pu s’installer dans des quartiers où l’hétérogénéité sociale et culturelle
permettait de développer des relations avec un voisinage français. Ces
facteurs ont favorisé la maîtrise de la langue française et la diffusion des
modes de vie des classes moyennes auprès des parents immigrés. Les
voisins ont également servi de référence en matière d’ambition scolaire et
de pratiques socio-éducatives valorisant la réussite. Ils ont en outre apporté
une aide non négligeable concernant les devoirs, les prêts de livres ou les
conseils en matière d’orientation (Santelli, 2001).
À partir d’un travail comparant les trajectoires scolaires des enfants
d’immigrés en France et en Angleterre, Ichou (2018) montre que des liens
forts avec des membres de la famille et des voisins, y compris dans des
quartiers ségrégués, peuvent pour certaines de ces familles apporter
également des ressources mobilisables à l’école (cf. aussi Moguérou et
Santelli, 2013). L’enquête qu’il a menée dans des villes de la banlieue
parisienne (Ichou et Oberti, 2014) suggère néanmoins l’importance d’opérer
des distinctions suivant la finalité accordée à l’entraide et les ressources
dont disposent les acteurs en présence. En effet, dans les villes étudiées, ce
sont les familles turques qui ont le plus recours à l’entraide informelle de
proximité pour leurs enfants. Or cette entraide correspond surtout à des
contraintes d’ordre familial, professionnel et financier et beaucoup moins à
une mobilisation scolaire. Elle prend place, en outre, entre des mères ayant
un faible niveau scolaire et une maîtrise limitée de la langue française, ce
qui laisse supposer des effets positifs faibles, voire des effets négatifs sur la
scolarité des enfants, en sachant que la proportion de trajectoires d’échec et
d’arrêts précoces de la scolarité est très élevée parmi les enfants d’origine
turque.
Mais si la mobilisation scolaire des groupes au bas de l’échelle sociale
peut être favorisée, dans certaines circonstances, par les réseaux locaux
auxquels ils peuvent avoir recours, ces groupes sont globalement
désavantagés par un voisinage qu’ils n’ont fréquemment pas choisi
(Maurin, 2004 ; Goux et Maurin, 2005). En France, des analyses statistiques
fines à l’échelle des cantons ont pu montrer une corrélation entre certaines
variables socio-spatiales (notamment le taux de chômage, le revenu médian
des ménages, la proportion de familles monoparentales et le pourcentage
d’habitants non diplômés) et les taux de décrochage scolaire (Métayer et al.,
2017). Des travaux fondés sur des matériaux qualitatifs ont quant à eux mis
en évidence, à propos de contextes très précaires comme les bidonvilles, à
la fois leur rôle dans l’intériorisation par les enfants des logiques
d’exclusion sociale et le rôle d’encouragement de leur mobilité
géographique et sociale qu’ont pu jouer certains militants bénévoles (Delon,
2019). Aux États-Unis, de nombreuses recherches ont montré l’influence
des concentrations de populations pauvres dans certains quartiers urbains et
des manifestations de désorganisation sociale associées à cette
concentration (sentiment d’insécurité, violence, criminalité) sur le rapport à
l’école et les résultats scolaires des élèves (Chetty et al., 2016 ; Burdick-
Will, 2018 ; Kamanzi et al., 2021).
Les classes supérieures mettent quant à elles délibérément en œuvre des
stratégies de création et maintien d’un entre-soi urbain afin de reproduire
leur position et leurs avantages. Des enquêtes menées dans des communes
favorisées de la région parisienne ont ainsi mis en évidence le rôle des
femmes du pôle privé des classes supérieures dans des choix résidentiels
destinés, entre autres, à leur permettre de contrôler étroitement les
conditions de socialisation des enfants à l’extérieur et à l’intérieur des
établissements d’enseignement (Gombert et van Zanten, 2004 ; van Zanten,
2009b ; Bozouls, 2019). Celle de Pinçon et Pinçon-Charlot (1989) dans les
« beaux quartiers » parisiens permet en outre d’observer le processus
d’appropriation quasi privée d’un espace public scolaire par les familles de
la bourgeoisie au travers d’un suivi rapproché du travail des enseignants
ainsi que de la mobilisation de leurs réseaux de relation et d’influence au
sein des administrations nationales et locales pour infléchir le
fonctionnement de l’école ou appuyer les carrières scolaires de leurs
enfants.
Les réseaux de voisinage exercent une influence normative importante
dans ces quartiers se traduisant par une forte homogénéisation des pratiques
éducatives au sein de la famille, dans le quartier (Rivière, 2017, 2021) et en
direction des établissements scolaires (van Zanten, 2009c ; Kosunen et
Rivière, 2017a). Ces processus sont également à l’œuvre dans des
communes plus hétérogènes mais, dans ces contextes, on observe un
recours plus intensif des parents – parmi lesquels on trouve un nombre plus
important de cadres et de membres des professions intellectuelles et
sociales du secteur public – à des réseaux professionnels et institutionnels,
leur plus grande connivence avec les enseignants et leur plus grande
familiarité avec les institutions scolaires étant mises au service de leurs
projets individuels et de leur volonté d’influer sur les orientations
éducatives locales (van Zanten, 2013a ; Barrault-Stella, 2013a et chapitre
8).

Fabrication et effets de la ségrégation


scolaire
La mobilisation locale des catégories favorisées a souvent pour effet
sinon toujours pour but de produire de la ségrégation scolaire. Si la
ségrégation entre établissements d’enseignement caractérise de
nombreux contextes locaux et nationaux, son ampleur et les processus à
l’œuvre varient toutefois en fonction de divers paramètres d’ordre
démographique, socioculturel et institutionnel. Sur ce dernier plan, des
comparaisons internationales récentes mettent en évidence le poids des
stratégies résidentielles dans les contextes où les choix scolaires sont
fortement régulés et où l’enseignement privé est peu représenté et le
poids des stratégies proprement scolaires dans ceux caractérisés par le
libre choix ou une régulation faible des choix scolaires, et/ou par une
forte proportion d’établissements privés (Boterman et al., 2019).
Les stratégies résidentielles et scolaires des classes supérieures et
moyennes sont en fait étroitement liées. En France, plusieurs enquêtes ont
montré que la qualité des établissements scolaires proches est un des
principaux critères privilégiés par ces catégories sociales lors du choix du
lieu de résidence, cette qualité étant étroitement liée, dans leurs
représentations, aux caractéristiques de leur public (van Zanten, 2006b,
2009b ; Oberti, 2007 ; Felouzis et Perroton, 2009). Ces stratégies sont
surtout mises en œuvre par des cadres et des professionnels du secteur
privé, soumis à une logique de mobilité géographique dans leur travail mais
aussi, et surtout, dotés des ressources financières conséquentes qu’exige la
localisation résidentielle à proximité des meilleurs établissements dans les
grandes villes (Donzelot, 2004 ; Fack et Grenet, 2009 ; Bozouls, 2019).
Elles sont aussi présentes dans certaines communes périurbaines où l’on
observe des phénomènes de « clubbisation », à savoir l’appropriation ou le
contrôle renforcé des services et des espaces publics, notamment des
établissements d’enseignement, par les habitants les plus fortunés que les
promoteurs immobiliers et les maires cherchent à attirer (Charmes, 2007).
On peut en revanche observer parfois plus de mixité sociale et scolaire dans
des centres urbains où des enfants de milieux favorisés résidant dans des
immeubles anciens ou nouveaux de bonne qualité ou qui viennent de plus
loin attirés par le prestige historique de certains établissements côtoient des
enfants de milieux populaires résidant dans un habitat ancien non rénové
(Visier et Zoia, 2009).
D’autres parents, moins dotés en capital économique mais ayant un
capital culturel et un capital social interne à l’institution scolaire important,
comme les enseignants, optent plutôt pour des choix scolaires à l’intérieur
d’un secteur public qui accorde des dérogations en fonction de certains
choix d’options et de certains critères familiaux (Barrault-Stella, 2009). Le
rôle de cette stratégie a été renforcé par l’assouplissement de la carte
scolaire en 2007 qui a donné lieu à un nouvel afflux de demandes de
dérogation, notamment dans un certain nombre de départements urbains,
ainsi que, et surtout, à une plus grande bienveillance à leur égard de la part
des inspecteurs d’académie qui ont accordé un nombre plus important de
dérogations dans la limite des places disponibles. On constate aussi que,
malgré la priorité formelle accordée au critère « boursier », la plupart des
demandes posées et satisfaites concernent les autres critères ouvrant droit à
une dérogation auxquels ont principalement recours les familles des classes
moyennes et supérieures, notamment la demande d’une option non présente
dans l’établissement du secteur (van Zanten et Obin, 2010 ; Merle, 2011a ;
Oberti et Preteceille, 2013). Par ailleurs, lorsque leurs demandes ne sont pas
satisfaites, ces parents peuvent mobiliser leur capital culturel et social pour
contourner le droit en indiquant des fausses adresses (Barrault-Stella, 2017).
Le coût du logement et la difficulté à contourner la sectorisation dans le
secteur public, y compris après l’assouplissement, conduisent néanmoins
beaucoup de familles à avoir recours à une autre stratégie : le choix
d’établissements privés dans l’ensemble relativement peu onéreux grâce à
leur prise en charge par l’État (cf. chapitre 1). De nombreux élèves
transitent par le privé sans y effectuer toute leur scolarité. Si de façon
globale le secteur privé scolarisé un enfant sur six (13 % en primaire, un sur
cinq dans le secondaire) au total, c’est près de deux enfants sur cinq qui
sont, pour une période plus ou moins longue, entre la maternelle et la fin du
second degré, usagers du privé, sachant que ces chiffres semblent stables
(Caille, 2004 ; Fougère et al., 2017a ; cf. chapitre 5). Si l’on raisonne au
niveau de l’unité familiale, c’est près d’une famille sur deux qui scolarise,
totalement ou partiellement, au moins un de ses enfants dans le privé
(Langouët, 2007). Comme par ailleurs ce sont majoritairement les
catégories sociales supérieures qui sont les « clients fidèles » comme les
« clients de passage » du privé, cet enseignement joue un rôle ségrégatif
important (Tavan, 2004). Le choix du privé, en progression dans les grandes
villes, semble en outre avoir été accentué par l’assouplissement de la carte
scolaire, accroissant la part des catégories favorisées et des élèves de bon
niveau scolaire dans les collèges et lycées privés urbains (Merle, 2011b ;
Thaurel-Richard et Murat, 2013a).
Sans être toujours de très grande ampleur, les effets de ces stratégies sur
la composition sociale, ethnique et académique des établissements sont loin
d’être négligeables (Felouzis, 2003 ; Felouzis et al., 2005 ; Ben Ayed et al.,
2013). Ces effets sont surtout visibles dans les grandes villes où les choix à
l’intérieur du secteur public et vers le secteur privé créent des effets en
cascade qui contribuent à la polarisation des publics et des réputations des
établissements (Barthon et Monfroy, 2006 ; Merle, 2010 ; Felouzis et al.,
2013). Ce phénomène a également été observé dans des villes d’autres pays.
Ainsi à Barcelone, la concentration des publics d’origine étrangère ne
résulte pas seulement de leur ségrégation au niveau de l’habitat mais aussi
de la présence d’un vaste réseau d’établissements privés subventionnés par
l’État, moins accessibles aux élèves issus de l’immigration pour des raisons
économiques et culturelles (la plupart d’établissements sont catholiques
alors que ces élèves proviennent de familles majoritairement musulmanes)
et de la plus grande mobilité scolaire au sein du secteur public des parents
« autochtones » (Bonal et al., 2019).
À cela il faut ajouter le fait que les parents des classes moyennes et
supérieures qui, dans les contextes urbains et scolaires hétérogènes,
n’évitent pas les établissements scolaires du quartier sont loin d’assumer un
rôle passif. Pour accepter ce qu’ils perçoivent comme un risque, ces parents
ont besoin d’un certain nombre de « garanties » (Broccolichi et van Zanten,
2000). Ils cherchent notamment à s’assurer de la présence d’un nombre
suffisant à leurs yeux d’enfants issus des mêmes catégories sociales, voire à
convaincre des parents et des enfants d’y rester, ce qui peut accroître la
mixité sociale globale à l’échelle d’un établissement, mais renforcer la
ségrégation interne, souvent souhaitée dans ce cas, entre les classes. Ces
parents mènent aussi un véritable travail de « colonisation » de ces
établissements en vue de contrôler leur fonctionnement par le biais
d’interactions fréquentes avec les enseignants et de la participation aux
instances de décision ainsi qu’aux associations des parents (van Zanten,
2001a ; 2009c ; Vowden, 2012 ; cf. chapitre 7).
À la fabrication scolaire de la ségrégation contribuent aussi les stratégies
des établissements. Face à la menace implicite ou explicite de défection des
parents des classes moyennes et supérieures, renforcée par la politique
d’assouplissement de la carte scolaire, ceux encore très demandés et dotés
d’un capital de réputation élevé font des choix de recrutement orientés vers
l’attraction d’élèves de bon niveau académique, mais aussi d’élèves dont la
tenue, le langage et le comportement jouent un rôle de marqueurs de leur
« qualité sociale ». Ces établissements cherchent également à développer
leur offre d’excellence classique (latin, grec ou mathématiques renforcées)
ou plus « moderniste » (classes européennes, classes à horaires aménagés
en musique ou danse). Les établissements moins attractifs et disposant de
moins de ressources réagissent par des formes diverses de promotion
comme la création de plaquettes d’établissement ou l’organisation des
journées portes ouvertes et d’événements culturels ou sportifs (Dutercq et
Mons, 2015). Ils ont également recours au regroupement des meilleurs
élèves dans des classes de niveau et à des exclusions de durée limitée ou
définitives pour se débarrasser des élèves posant des problèmes de
comportement (Payet, 1995). Incapables de développer des stratégies
offensives ou défensives vis-à-vis de l’extérieur, les établissements les plus
défavorisés et les moins attractifs, se tournent quant à eux vers l’intérieur
dans une optique d’adaptation fataliste, plus rarement volontariste, à leur
situation. On constate donc que les stratégies des établissements varient
fortement suivant leur position dans la hiérarchie locale et le dynamisme du
marché scolaire local (van Zanten, 2006a, 2011 ; Maroy et van Zanten,
2007). Elles dépendent également du degré et des types de régulation mis
en œuvre par les autorités éducatives nationales et locales, notamment en
matière de contrôle du flux d’élèves entre les établissements et de
répartition de l’offre d’enseignement et des ressources (Laforgue, 2004 ;
Maroy, 2004, 2006a ; Delvaux et van Zanten, 2006 ; Felouzis et al., 2013,
2019).
Les effets de ces stratégies ségrégatives sont de « second ordre » par
rapport à ceux que produit la socialisation familiale (cf. chapitre 8), mais
nullement négligeables. Des enquêtes ont ainsi pu établir l’existence d’une
relation statistique significative entre le degré de concentration des publics
socialement défavorisés dans certains collèges, notamment quand il résulte
non seulement de l’implantation des établissements mais de dynamiques
concurrentielles locales, et la situation globale de sous-réussite de certains
départements, notamment ceux de l’Île-de-France (Broccolichi et al., 2010 ;
Ben Ayed et al., 2013). La concentration d’élèves d’origine étrangère a
aussi des effets négatifs sur les résultats de l’ensemble des élèves, bien que
faibles et à l’œuvre au début mais pas à la fin de la scolarité au collège
(Fougère et al., 2017b). Les effets de la ségrégation varient néanmoins
selon les élèves, les garçons issus des milieux populaires étant les plus
sensibles aux effets de contexte, avec de moins bons résultats scolaires
quand ils sont concentrés dans des collèges accueillant un public
majoritairement défavorisé et des résultats meilleurs quand ils fréquentent
des collèges favorisés (Oberti et Savina, 2019). En revanche, la
concentration plus forte d’élèves de milieu favorisé dans les établissements
privés ne favorise pas une meilleure réussite de ces derniers, ni des élèves
en général, probablement à cause du fait que le choix du privé est associé,
dans un nombre significatif de cas, à des difficultés scolaires ou
psychologiques des enfants ou des adolescents (Fougère et al., 2017a, cf.
chapitre 8).
D’autres enquêtes montrent que la concentration d’élèves issus de
milieux défavorisés et en échec scolaire dans certains établissements et dans
certaines classes renforce les phénomènes d’incivilité et de violence et, chez
les élèves comme chez les enseignants, une lecture « ethnicisante » des
interactions (van Zanten, 2000b, 2001a ; Fouquet-Chauprade, 2013 ; Oberti
et Rivière, 2014). La ségrégation scolaire influe par ailleurs sur les formes
de sociabilité non seulement entre élèves (Chabot, 2021), mais aussi entre
habitants d’un même quartier dans la mesure où l’école constitue un des
principaux lieux publics d’interaction entre les groupes sociaux. Couplée
avec la ségrégation urbaine, elle limite fortement les chances
d’accroissement du capital culturel et social des classes populaires et des
groupes immigrés ce qui en fait une question éthique et politique de premier
ordre (Dupriez et Draelants, 2004 ; Maurin, 2004 ; Felouzis et Perroton,
2009).

Laïcité et prise en compte


des différences culturelles
La valeur de laïcité, fondatrice de l’école française, a longtemps supposé
une coupure importante entre l’école et les communautés locales (cf.
chapitre 1). Or la massification de l’école a fait craindre dans les
quartiers populaires un « envahissement » de l’école par la cité. S’il est
vrai que les enseignants n’ont plus le monopole de la médiation
culturelle, ni de l’ouverture sur le monde et composent quotidiennement
avec une culture juvénile de masse, c’est dans les établissements
populaires que cette évolution met le plus en question leur modèle
éducatif (Perroton, 2000a). Ce phénomène est particulièrement marqué
dans les établissements qui concentrent un nombre important de jeunes
issus de l’immigration et qui occupent en même temps une position de
relégation au sein des « marchés scolaires » locaux. La conjonction de
ces deux facteurs contribue en effet fortement à la saillance des
catégories ethniques et à leur mobilisation par les acteurs scolaires pour
expliquer les difficultés (Lorcerie, 2003 ; Verhoeven, 2003).
De façon générale, l’école est traversée par trois logiques
contradictoires : l’indifférence aux différences culturelles, leur valorisation
ou instrumentation et leur traitement discriminatoire (van Zanten, 1997b).
La logique d’indifférence aux éléments perçus comme étrangers par rapport
au modèle culturel dominant reste très présente dans les programmes, ceux-
ci donnant par exemple une faible place à l’enseignement des processus
migratoires ou de l’Islam en tant que sujets contemporains (Falaize, 2007 ;
Lorcerie, 2010). Elle imprègne aussi fortement l’idéologie professionnelle
des enseignants, dont une proportion importante fait preuve d’un
« nationalisme cognitif », qui les conduit à limiter les expressions d’un
attachement des élèves à leur pays d’origine ou à l’Islam (Bozec, 2017)
ainsi qu’à éviter dans la constitution des groupes de travail ou dans
l’évaluation publique des progressions scolaires ou des comportements,
toute allusion à l’origine immigrée des élèves (Roussier-Fusco, 2003 ;
Welply, 2010, 2015). Cette position rencontre néanmoins des sérieuses
limites dans sa mise en œuvre au quotidien comme en témoigne de façon
éclairante la gestion du port du voile islamique par des élèves de confession
musulmane. En effet, malgré une loi qui autorise les exclusions d’élèves
portant des « signes religieux ostensibles » (cf. chapitre 1), on observe des
grandes variations entre les établissements. Celles-ci sont dues au fait que la
décision d’en faire ou non une « affaire » dépend d’un faisceau d’indices
selon lesquels les enseignants attribuent aux filles concernées des motifs
(conversion religieuse sous la pression de la famille, acte de rébellion ou de
réaction à la stigmatisation…) qui les conduisent tantôt à faire preuve de
tolérance à leur égard, tantôt à les exclure (Gautherin, 2000 ; Chazal et
Normand, 2007).
À partir du milieu des années 1970 et de la transformation d’une
immigration de travail en immigration de peuplement, à côté de la logique
d’indifférence aux différences dominante dans les discours officiels au plan
national, on constate le développement d’une logique de valorisation ou
d’instrumentation des différences, mais à l’échelle locale et avec une faible
reconnaissance institutionnelle. On voit ainsi fleurir, à partir de cette date,
diverses actions (des projets d’action éducative, des projets dans les zones
d’éducation prioritaire) se réclamant de la pédagogie « interculturelle ».
Dotées d’une faible légitimité aux yeux de l’institution mais aussi des
enseignants, elles n’ont cependant pas été intégrées dans le curriculum
formel des établissements (Lorcerie, 2002).
Dès les années 1980, la diffusion de la problématique de l’exclusion,
conduit à l’émergence d’actions dépendant des autorités locales ou des
établissements scolaires qui incorporent de façon beaucoup plus importante
la prise en compte des différences culturelles. Ces politiques se
caractérisent par le recours à des agents non professionnels, recrutés sur la
base de leur origine ethnique et de leur bonne connaissance du quartier et
incités à utiliser ces qualités pour favoriser l’intégration locale des
populations (Morel, 2002 ; Doytcheva, 2007). L’intervention de « femmes
relais » d’origine immigrée pour diffuser les attentes de l’école auprès des
familles d’origine étrangère, notamment non francophones, fait partie de
ces dispositifs, de même que celle, au collège, de jeunes « aides-
éducateurs ». Ces derniers sont implicitement ou explicitement incités à
prendre appui sur la proximité culturelle et territoriale pour faire accepter
l’ordre scolaire à des jeunes de banlieue tiraillés entre l’école et le quartier
(Perroton, 2000b ; Charlot et al., 2002), ces logiques ethnoraciales et
territoriales étant encore plus présentes dans le travail éducatif et social
auprès des jeunes dans les départements d’outre-mer (Lemercier et
Palomares, 2020). Il est possible cependant qu’on assiste à un recul de ces
pratiques en lien avec la peur engendrée par le renouveau religieux chez les
immigrés de confession musulmane et les attentats commis au nom de
l’Islam (Lagrange, 2014 ; Lorcerie et Moignard, 2017).
L’instrumentation des identités ethniques et l’imbrication des
appartenances privées et publiques qu’elle suppose sont également
perceptibles parmi des acteurs « autochtones » de la vie scolaire. Ces
derniers peuvent par exemple faire appel aux principes religieux lors du
Ramadan pour inciter les élèves à se comporter en « bons musulmans » en
évitant les jurons, les insultes et les bagarres (Rinaudo, 1998 ; Sanselme,
2009). Elle est présente aussi dans la salle de classe. On constate en effet
que les jeunes enseignants exerçant dans les établissements de la périphérie,
parmi lesquels on trouve un petit pourcentage d’enseignants eux-mêmes
issus de l’immigration, sont plus prompts que leurs aînés à prendre en
considération la diversité des origines culturelles des élèves dans leurs
pratiques pédagogiques et éducatives (Legendre, 2002 ; Rayou et van
Zanten, 2004 ; Charles et Legendre, 2006). Pourtant, la comparaison avec
les pratiques des enseignants anglais fait apparaître la permanence de fortes
spécificités nationales. Alors que ces derniers perçoivent la culture
d’origine comme une dimension essentielle de l’identité de chaque élève
que l’école doit respecter, voire promouvoir, quitte à renforcer des
stéréotypes communautaires, pour les enseignants français l’objectif
principal est de créer, au-delà des différences culturelles, des références
communes au risque de sacrifier le sujet au citoyen (Raveaud, 2003, 2006 ;
Welply, 2010).
La logique de prise en compte de la diversité des élèves a franchi une
nouvelle étape dans les années 2010 à la faveur de la plus forte pénétration
des idéologies différentialistes et singularistes même si les effets négatifs de
ces idéologies sur la cohésion sociale ont été dénoncés parfois de façon
caricaturale par des intellectuels et des responsables éducatifs du plus haut
niveau sous le premier mandat du président Macron. Cette pénétration, ainsi
que les attentats de 2015, ont favorisé l’introduction de nouveaux
programmes d’Enseignement moral et civique en France et d’Éducation
philosophique et citoyenne en Belgique exhortant les enseignants à
reconnaître et à valoriser dans le cadre de débats la diversité des points de
vue culturellement situés des élèves et à en faire un objet de débats plutôt
que de les ignorer ou les sanctionner (cf. chapitre 1). Dans les deux pays, on
constate néanmoins une réception variée de ces programmes par les
enseignants en fonction de leur appartenance générationnelle et de leur lieu
d’exercice (Verhoeven et Jadot, 2018 ; Douniès, 2021). On a pu observer
aussi une réception également diverse mais surtout méfiante ou hostile de la
part d’élèves issus de l’immigration confrontés à l’école et à l’extérieur de
celle-ci à la stigmatisation de leurs identités socioculturelles (Lignier et
Pagis, 2017 ; Douniès, 2018).
Ces pratiques stigmatisantes participent d’une logique discriminatoire à
l’œuvre également à l’école mais dont tous les acteurs ne sont pas
nécessairement conscients. Cette logique a pu être mise en évidence dans le
fonctionnement de dispositifs pour les primo-migrants comme les classes
d’initiation ou d’adaptation. Ces dispositifs non seulement n’ont pas été très
efficaces en raison de leur faible nombre, de l’absence de formation des
enseignants et du manque de pertinence des contenus et des méthodes
d’enseignement, mais ont contribué à enfermer les élèves dans une altérité
radicale qui réduit leurs chances d’intégration, et conduit à leur
stigmatisation et à leur relégation (Morel, 2002 ; Schiff, 2011). Il faut
toutefois souligner que les nouveaux arrivants ne perçoivent pas
nécessairement leurs difficultés d’intégration comme des marqueurs d’une
identité stigmatisée car le caractère récent de l’installation favorise une
vision positive des opportunités de mobilité sociale et conduit à minimiser
le poids des obstacles structurels et des logiques discriminatoires (Schiff,
2016).
Ces logiques discriminatoires transparaissent aussi dans certains
échanges enseignants-élèves. Si les propos xénophobes sont rares chez les
enseignants, on assiste cependant au développement d’un discours ethnique
péjoratif notamment dans les jugements portés sur les comportements des
élèves dans des cadres officiels ou dans les coulisses (Favre-Perroton,
2000 ; Zéphir, 2013). Ce discours, qui a des effets très négatifs sur l’estime
de soi des élèves et conduit une partie de ceux en échec à imputer leurs
difficultés au racisme des enseignants (Bonnéry, 2007 ; Windle, 2010),
permet toutefois aux enseignants de donner un sens culturel à un ensemble
de malaises professionnels, notamment dans les établissements de banlieue.
L’existence de discriminations dans les procédures d’orientation liées à
l’origine culturelle des élèves n’est pas avérée par les enquêtes statistiques :
une fois que l’origine sociale et les notes sont prises en compte, il ne semble
pas y avoir de « pénalité ethnique » dans les décisions prises par les
conseils de classe (Vallet et Caille, 1996 ; Caille, 2008). Les élèves
d’origine immigrée se plaignent toutefois souvent du caractère injuste des
évaluations (Zirotti, 2006) et, davantage encore, d’affectations contre leur
gré dans des filières et des spécialités professionnelles (Brinbaum et al.,
2010 ; Palheta, 2012). Plus généralement, qu’ils adoptent à leur égard une
attitude pragmatique (« il faut faire avec ») ou dénonciatrice (« il faut faire
face ») (Culturello, 2013), beaucoup de jeunes issus de l’immigration
considèrent avoir fait leurs premières expériences de discrimination dans les
institutions scolaires même si celles-ci s’avèrent beaucoup plus massives
dans les stages professionnels et à l’entrée dans le marché du travail (Oberti
et al., 2009 ; Cortéséro, 2010 ; Dhume et al., 2011 ; Brinbaum et Primon,
2013 ; Dhume-Sonzoghi, 2014 ; Felouzis et al., 2015 ; Aeberhardt et al.,
2015). Cette prise de conscience de l’existence de discriminations, comme
des inégalités, est importante parmi les jeunes ayant suivi des études
supérieures, notamment parmi ceux ayant suivi des filières dans le
secondaire et le supérieur où dominent les sciences sociales (Tenret, 2011 ;
Druez, 2021).
Incivilités et violences dans
les établissements
Une autre dimension importante du « climat » des établissements urbains
est le sentiment d’insécurité qui règne dans nombre d’entre eux. Les
enquêtes conduites par les instances officielles et par les chercheurs
montrent pourtant que les chiffres des violences juvéniles pénalisées en
milieu scolaire sont relativement modérés. Néanmoins, outre un petit
nombre d’incidents d’une certaine gravité dont la portée est souvent
amplifiée par l’attention que leur portent les médias locaux (Bautier et
Delormas, 2012), de nombreuses « micro-violences » ou « incivilités »,
c’est-à-dire des transgressions des codes élémentaires de la vie en société
et de l’ordre établi y ont cours et contribuent fortement à la mauvaise
image des établissements (Debarbieux, 2006). Une grande partie de ces
actes concerne exclusivement des élèves entre eux et ce dès l’école
primaire où les récits des enfants, notamment des garçons, mettent
souvent en scène des bagarres et des coups alors que ceux des filles
évoquent plutôt des disputes qui dérivent vers des insultes. La violence
auto-déclarée augmente toutefois avec l’âge en lien avec l’évolution de la
régulation autonome des rapports sociaux entre enfants mais aussi avec
l’intériorisation des normes scolaires (Carra et Faggianelli, 2011). Il
existe cependant un très grand décalage entre ces déclarations et les
signalements administratifs. Ainsi si dans l’enquête conduite par
Debarbieux, 6,3 % des élèves déclarent avoir été rackettés, 73,2 % avoir
été injuriés et 24,2 % avoir été frappés, le plus souvent par leurs
camarades, ces proportions sont très éloignées de 0,01 % d’élèves
signalés comme victimes par les établissements eux-mêmes (Debarbieux,
2006).
S’y ajoute aussi désormais un harcèlement sur les réseaux sociaux qui
interagit avec celui qui a lieu en face-à-face entre collégiens. Ces deux
types de pratiques sont surtout le fait de garçons d’origine populaire,
souvent plus âgés que leurs camarades et en difficulté scolaire. Ces derniers
incarnent, notamment dans les établissements où ils sont majoritaires, une
« masculinité hégémonique » fondée sur une dévalorisation des filles mais
aussi des garçons plus jeunes, de milieu favorisé et bons élèves. Comme
leurs pratiques s’appuient sur le rire et le jeu, dissimulant ainsi leur gravité,
et sont susceptibles d’endommager sérieusement la réputation de ceux qui
en font l’objet, notamment des filles, il est difficile pour les élèves de se
confier à d’autres camarades, encore moins à des adultes, au sein de l’école.
Ces derniers de leur côté ignorent ou détournent souvent les yeux de ces
pratiques (Déage, 2022).
En effet, la violence entre élèves retient moins l’attention des enseignants
et d’autres professionnels de l’éducation que celle, relevant le plus souvent
de la violence verbale, qui est dirigée à leur encontre, vis-à-vis de laquelle
ils estiment nécessaire d’entreprendre des actions punitives. Outre des
sanctions de divers ordres (Grimaud-Le Prince et Merle, 2008), l’institution
a recours pour les cas les plus graves à des conseils de discipline se
traduisant par des exclusions temporaires ou définitives. Ces actions visent
à restaurer l’ordre symbolique d’une institution mis à mal par les
nombreuses « perturbations » engendrées par le non-respect des normes
scolaires (Millet et Thin, 2005 ; Geay et al., 2009 ; Moignard et Rubi,
2013). Moins directement menaçant, l’absentéisme a lui été construit
comme une perturbation débordant le cadre de l’école et devant être traité
comme un problème sécuritaire (Douat, 2007) ou par le biais de dispositifs
de formation et d’insertion professionnelles (Bernard, 2021).
Ces différents phénomènes sont à nouveau fortement liés à la définition
sociale de la virilité. En effet, les incivilités à l’égard du personnel scolaire
sont majoritairement le fait de garçons dont l’identité masculine se construit
en partie au travers d’actes d’insoumission vis-à-vis de l’ordre scolaire
sanctionnés par l’institution (Ayral, 2011). De même, la figure du
« perturbateur » est essentiellement masculine et les garçons qui sont ainsi
labellisés font l’objet de sanctions plus dures que les filles engagées dans
des pratiques semblables. Il s’agit aussi d’une figure désignant le plus
souvent des garçons d’origine étrangère (Moignard et Rubi, 2018). Cette
construction est particulièrement présente dans des contextes caractérisés
par une concentration de jeunes d’origine populaire et immigrée. C’est aussi
dans les établissements et dans les classes caractérisés par une forte
ségrégation sociale, ethnique et scolaire qu’on trouve le plus grand nombre
d’élèves se plaignant de la mauvaise ambiance et de conflits avec leurs
camarades (van Zanten, 2009c ; Fouquet-Chauprade, 2013).
Il faut néanmoins noter qu’il existe des variations significatives dans le
climat et le nombre d’incidents violents entre établissements ayant des
profils semblables en termes de public qui s’expliquent par leurs choix
pédagogiques et organisationnels. Ainsi, la coopération entre élèves,
favorisée par certaines pédagogies nouvelles, est associée à des climats
d’école relativement pacifiés alors que les pédagogies plus traditionnelles,
plus individualistes, sont plus susceptibles de favoriser les conflits. Le style
de gestion des conflits par les enseignants joue aussi un rôle important. Les
enquêtes font apparaître deux logiques idéal-typiques à cet égard. La
première se caractérise par le recours au règlement, aux collègues, aux
personnels non enseignants et au chef d’établissement pour se protéger d’un
environnement perçu comme hostile. La seconde, par le recours au travail
en équipe au sein d’un projet éducatif. Dans le premier cas, la régulation se
fonde sur la délégation et la confrontation, alors que dans le second un
effort est fait pour apporter une réponse collective (Carra, 2009 ; Carra et
Faggianelli, 2011).
L’organisation de la « vie scolaire » joue également un rôle essentiel. Or
les établissements de la périphérie français, pris dans l’urgence de la gestion
quotidienne des problèmes de discipline éprouvent de grandes difficultés à
mettre en œuvre les dispositifs institutionnels censés contribuer à réduire les
comportements indésirables des élèves, comme la note de vie scolaire
(Gasparini, 2013). Ils développent surtout des stratégies à court terme sans
réflexion de fond ni coordination de l’ensemble de personnels. Ces
établissements ont souvent recours à la délégation interne en cascade (des
conseillers d’éducation aux surveillants en passant parfois par les
assistantes sociales ou les infirmières scolaires) du « sale boulot » répressif
(Payet, 1997 ; van Zanten, 2001a) mais aussi, de plus en plus à une
délégation externe non seulement en direction des classes-relais (Thin,
2009) mais des divers dispositifs mis en place avec l’appui des
municipalités pour prendre en charge les élèves absentéistes ou exclus
temporairement (Moignard et Rubi, 2013). Cet accent mis sur la discipline
est aussi lié à la pression interne des parents des catégories supérieures et
sert diverses finalités : certains établissements médiatisent les incidents
pour obtenir des moyens supplémentaires ; d’autres au contraire les
dissimulent ou les minimisent pour préserver leur image et limiter les fuites
des élèves vers d’autres établissements (Carra et van Zanten, 2011).
En analysant ces phénomènes, il est important de tenir compte de leur
interaction avec des phénomènes extérieurs sans pour autant reprendre le
discours dominant chez beaucoup d’acteurs scolaires et politiques qui
associent couramment ces phénomènes au « manque d’autorité » et à la
« perte de repères » des parents ou au défaut d’intégration de certains
groupes immigrés. Les violences scolaires ont d’abord été analysées, à
travers le prisme des travaux sur la délinquance juvénile, comme une des
modalités des violences urbaines (Dubet, 1992). Plus récemment, plusieurs
travaux ont mis en évidence l’importance, notamment pour les élèves en
situation d’échec scolaire, de la tension entre, d’un côté, la force
d’attraction du quartier qui fonctionne à la fois comme un « cocon » dès
lors que les élèves y sont insérés dans des réseaux d’interconnaissance et
comme un espace où ils peuvent atteindre une certaine notoriété par des
pratiques déviantes illégitimes et, de l’autre, l’attraction-répulsion de
l’école, qui est encore perçue par ces jeunes comme un vecteur
d’intégration et de mobilité sociale, mais où ils ont l’impression d’être
méprisés par les enseignants et les bons élèves et soumis à des
discriminations (Lepoutre, 1997 ; van Zanten, 2000b ; Beaud, 2002). Cette
tension, exacerbée souvent par l’écart entre les normes en vigueur dans la
famille et dans l’école, favorise l’émergence de carrières déviantes à
l’intérieur et à l’extérieur de l’école et l’engagement dans des bandes
délinquantes (van Zanten, 2001a ; Moignard, 2007, 2008 ; Mohamed, 2011,
cf. chapitre 9).
Le traitement de ces divers « désordres scolaires » a donné lieu à une
multiplication de dispositifs s’empilant au sein des établissements et ce
d’autant plus que beaucoup de ceux faisant partie de la politique
d’éducation prioritaire cumulent des dispositifs de ce type avec ceux
destinés à lutter contre l’échec scolaire. Il s’ensuit une illisibilité et, surtout,
une inefficacité de l’action publique. On observe certes dans la période plus
récente le développement de programmes d’intervention novateurs dans ce
domaine fondés sur des expérimentations. Menées souvent par des
économistes (Algan et al., 2015), elles donnent à voir des résultats souvent
prometteurs mais dont la portée généralisatrice paraît limitée au vu de la
variété des situations locales (Moignard et Rubi, 2021).

Les politiques éducatives locales


L’intérêt pour l’étude des liens entre l’école et l’espace local a été
fortement stimulé depuis les années 1980 par la déconcentration, la
décentralisation et la territorialisation des politiques éducatives. Malgré
des rapports historiquement empreints de méfiance à l’égard des échelons
locaux (Grenouilleau, 2019), dans ce nouveau cadre politique et
administratif ceux-ci sont conçus par les autorités nationales comme des
espaces privilégiés pour améliorer l’efficacité, l’équité et la capacité
d’intégration de l’école. La construction d’un consensus sur les
orientations et les moyens de l’action éducative peut également paraître
plus aisée au niveau local qu’au niveau central en raison du caractère
circonscrit des enjeux, ainsi que des institutions et des populations
concernées. La plupart des recherches montrent néanmoins que la
définition d’un « bien commun local » et sa mise en pratique sont aussi
complexes, sinon plus, que l’accord autour de priorités nationales
(Derouet, 1992 ; van Zanten, 2004a ; Ben Ayed, 2009, 2018). En outre,
l’action locale pose de nouveaux problèmes de coordination,
d’instrumentation et de mobilisation.

Orientations et tensions normatives


dans l’action publique locale
La déconcentration et la décentralisation des politiques éducatives ont
donné plus d’autonomie aux échelons locaux. Elles ont aussi étendu la
marge d’interprétation des orientations politiques venant d’en haut par les
acteurs de la base et ce d’autant plus que leur impulsion dans les années
1980 coïncide avec la transition vers des politiques plus qualitatives, plus
modestes et plus nombreuses que les politiques structurelles ambitieuses
des années 1950-1970 (van Zanten, 2006c, 2011, cf. chapitre 1). On peut
supposer que ces deux évolutions ont à leur tour engendré une plus
grande diversité dans les choix éducatifs non seulement entre les
différents territoires mais aussi entre les services déconcentrés et les
collectivités territoriales au sein d’un même territoire car si le cadre
actuel force ces deux types d’institutions à coopérer, leurs visées ne sont
pas nécessairement convergentes.
L’analyse des politiques régionales montre par ailleurs l’existence de
choix éducatifs différents entre les conseils régionaux. Ces différences
s’expliquent par l’influence des affiliations partisanes : le degré de soutien à
l’enseignement privé ou au développement de l’apprentissage est lié à la
couleur politique des régions (Verdier, 2006 ; Dupuy, 2017). Elles sont aussi
la conséquence des différences d’ordre économique, social et culturel entre
les régions. Il faut toutefois souligner que cette diversité est limitée par
deux types de facteurs. Le premier est l’intervention de l’État qui, en
imposant un cadre normatif et réglementaire à l’élaboration des politiques
régionales, contribue à homogénéiser leurs visées notamment en termes de
lutte contre les inégalités et à standardiser les procédures adoptées. Le
second concerne la compétition entre régions. En voulant faire au moins
aussi bien que les autres pour ce qui est de la réalisation des priorités de
l’action publique, les gouvernements régionaux en viennent à orienter leurs
réformes dans des directions proches les unes des autres (Dupuy, 2012,
2021). Il est possible cependant que ces deux dimensions jouent un rôle
moins important dans les politiques régionales en matière d’emploi, plus
sensibles aux variations contextuelles et aux demandes des entreprises
locales, et de ce fait, par ricochet, dans les politiques régionales
d’orientation pendant et à l’issue des études secondaires, domaine dans
lequel les Régions ont acquis en 2018 des compétences plus étendues (Pin
et van Zanten, 2021, cf. chapitre 1).
D’autres recherches ont par ailleurs mis en évidence des tensions entre
divers types d’acteurs, porteurs de différents référentiels cognitifs et
normatifs, à l’intérieur des régions. Les responsables des services
déconcentrés et des collectivités territoriales se distinguent notamment du
point de vue de leurs postures et principes : alors que les élus et les
responsables administratifs régionaux adoptent une posture pragmatique en
donnant la priorité à la prise en compte de la spécificité des jeux d’acteurs
et des contextes locaux, les services déconcentrés tendent plus souvent à
adopter des postures de principe au nom de l’intérêt général, mais aussi afin
de défendre leurs intérêts corporatistes et ceux des enseignants (Ben Ayed,
2009). Ces deux catégories d’acteurs ont aussi souvent des objectifs et des
intérêts concurrents. On constate ainsi, à propos de la formation
professionnelle initiale, que les administrations de l’Éducation nationale
défendent à l’échelle régionale une logique d’offre au nom du droit de
chaque jeune d’avoir accès à une formation avant de quitter le système
d’enseignement, alors que les collectivités territoriales accordent plus
d’importance au lien entre la formation professionnelle et le développement
régional. Les différents acteurs locaux mobilisent aussi des outils
statistiques concurrents même si un certain degré de coopération existe à
propos de l’élaboration des plans régionaux de formation (Buisson-Fenet et
Verdier, 2012, 2013).
Des tensions existent aussi entre les Régions et les autres collectivités
locales, plus intenses, on peut supposer, depuis que les critiques des
redondances dans les dispositifs mis en place par les uns et les autres ont
favorisé une recentralisation de certaines compétences à l’échelle régionale
(Ferhat, 2021), mais aussi en raison des variations dans les orientations
politiques des conseils généraux. Celles-ci découlent des différences dans
leurs affiliations partisanes et leurs ressources et dans les configurations
sociales et scolaires locales (Ben Ayed, 2018). En région parisienne, on
constate ainsi des différences entre des départements majoritairement
favorisés et dirigés par des partis de droite comme les Yvelines ou les
Hauts-de-Seine et des départements plus défavorisés, dirigés par des partis
de gauche, comme le Val-de-Marne et, surtout, la Seine-Saint-Denis. Les
premiers donnent la priorité à la satisfaction des attentes des classes
supérieures (Dutercq, 2000 ; Oberti, 2007) ; les seconds, sans les négliger
totalement, accordent plus d’importance à la lutte contre les inégalités.
Ces orientations reflètent aussi les rapports de force locaux. Ainsi dans la
Seine-Saint-Denis, les choix politiques relaient non seulement les
orientations partisanes des membres du conseil général mais aussi les
revendications de syndicats et d’associations de gauche fortement mobilisés
(Poupeau, 2004 ; van Zanten et Da Costa, 2013). Les inspections
académiques, désormais appelées directions des services départementaux de
l’Éducation nationale (DSDEN), dont le fonctionnement obéit encore dans
une large mesure à des logiques hiérarchiques et bureaucratiques (Giraud et
Milly, 2003 ; Buisson-Fenet, 2008) semblent quant à elles se différencier
moins par la nature de leurs orientations que par le degré auxquelles elles
relaient les orientations nationales et rectorales ou tentent, au contraire, de
conquérir une certaine autonomie pour les adapter au contexte local (van
Zanten, 2004b ; Barrault, 2012b).
Au niveau municipal, certaines thématiques sont consensuelles. Il en est
ainsi de l’« enfant au centre du système éducatif ». Ce lieu commun a
permis de construire un consensus de principe et de rassembler un grand
nombre d’acteurs locaux en même temps que de donner un sens à des
politiques très diverses dans les domaines de l’aménagement du temps
scolaire et des rythmes de vie des enfants ou encore de la mise en place de
conseils municipaux d’enfants et de jeunes (Rayou, 2000). Dans d’autres
cas, des orientations politiques différentes n’empêchent pas des choix
semblables dans le fonctionnement ordinaire des administrations. Il en va
ainsi souvent en matière de dérogations à la carte scolaire. En effet dès lors
qu’il y a des places disponibles dans les établissements, les politiques et
gestionnaires municipaux, quelle que soit leur couleur politique, hésitent à
aller à l’encontre de vœux parentaux qui émanent le plus souvent des
classes moyennes et supérieures au sein desquelles ils recrutent une partie
plus ou moins importante de leurs électeurs (van Zanten, 1997a ; van
Zanten et Da Costa, 2013 ; Barrault, 2009, 2011). Des différences existent
néanmoins aussi entre municipalités, similaires à celles entre conseils
généraux, dès lors que l’on s’intéresse de près à l’importance accordée à des
actions redistributives visant la réduction des inégalités. Même parmi celles
gouvernées par des maires communistes, par exemple au sein du
département de la Seine-Saint-Denis, en principe favorables à cette
orientation, des chercheurs ont pu constater des degrés de soutien variés à la
mise en œuvre initiale de la politique d’éducation prioritaire en fonction
notamment des rapports entre les élus et les syndicats enseignants (Heurdier
et Bongrand, 2021).
Parmi les maires ruraux, Jean (2003, 2007), distingue trois types de
politiques scolaires en fonction de leur orientation territoriale. Les maires
« locaux » ou à territorialité réduite, souvent agriculteurs, n’ont pas de
véritables politiques scolaires et se focalisent surtout sur la fonction
d’intégration de l’école présentée comme « l’âme du village ». Les maires à
territorialité multiple, qui disposent de réseaux extra-cantonaux et
départementaux, voient surtout dans l’école un élément de maintien et
d’augmentation de la population et se centrent sur le développement
d’activités périscolaires. Quant aux maires à territorialité « exacerbée », qui
travaillent à Paris et ne sont dans leur commune qu’en fin de semaine,
l’école est pour eux la vitrine « moderniste » du village. L’analyse des
politiques à l’œuvre dans les « pays » montre également une très grande
diversité de visées et d’initiatives éducatives des élus locaux peu reliées par
ailleurs à l’action interne de l’école (Chambon, 2002).
La coordination et la mobilisation
des acteurs locaux
Ces tensions normatives entretiennent par ailleurs des liens étroits avec
les problèmes de coordination et de mobilisation des acteurs locaux.
Dans un univers décisionnel fragmenté entre agences publiques et entre
niveaux de gouvernement, la gestion des interdépendances devient un
problème central (Duran, 2010). À cela se rajoute le besoin de réduire le
découplage entre les centres de décision locaux et les établissements sans
pour autant engendrer des résistances liées au sentiment d’une perte
d’autonomie par les enseignants.
La constitution de réseaux associant différentes catégories d’acteurs
(politiques, scientifiques, institutionnels, professionnels) est souvent
présentée comme une solution pour réduire ces deux types de problèmes.
Les recherches existantes montrent néanmoins que si les réseaux jouent
effectivement un rôle important dans la construction, la légitimation,
l’impulsion et la traduction des réformes et des innovations, ils restent
souvent clivés du point de vue des orientations, ce qui limite l’ampleur de la
coordination et de la mobilisation à toutes les échelles de l’action publique
(Mangez, 2008 ; Draelants, 2009). À cela s’ajoutent des degrés de
proximité ou de distance entre leurs membres liés aux modalités antérieures
d’interaction et aux objectifs poursuivis. On a ainsi pu observer sur le
terrain deux modalités idéal-typiques de partenariat autour du dispositif de
réussite éducative, l’un entre un nombre réduit de professionnels partageant
des cadres cognitifs et normatifs communs de par la socialisation
professionnelle antérieure de leurs membres ou de leurs habitudes de travail
en commun, l’autre porteur de visions hétérogènes, son but étant en fait de
réunir un nombre large et divers d’acteurs à l’échelle locale apportant de
ressources variées autour d’enjeux éducatifs vaguement consensuels
(Morel, 2020).
Pour rendre ces réseaux plus efficaces, il peut apparaître utile de
développer un fond de connaissances commun (Grek et Ozga, 2010). Or
cela est loin d’aller de soi dès lors que l’on observe, comme en France, de
grandes différences entre les politiques et les administrations, entre les
différentes administrations et agences publiques (Bernard, 2014) et entre
ces deux groupes et les professionnels travaillant dans les établissements
dans le rapport aux connaissances produites par la recherche en éducation,
leur compréhension et leur usage (van Zanten, 2008b ; Pons, 2010 ; Healy
et Verdier, 2010 ; van Zanten, 2013a ; Buisson-Fenet et Pons, 2014). Par
ailleurs, la constitution de « réseaux d’experts » peut, comme dans les
réseaux d’éducation prioritaire à Genève, vider de leur substance les
relations avec les usagers, notamment avec les parents des milieux
populaires, appelés essentiellement à fournir des informations requises par
ces experts (Payet et al., 2018).
Pour résoudre les problèmes de coordination et de mobilisation des
acteurs, divers instruments faisant partie de l’outillage du « Nouveau
Management Public » (cf. chapitre 1), ont également été mis en œuvre dans
le cadre des politiques éducatives locales (Heurdier, 2011). Ces instruments
sont fortement mobilisés par les cadres intermédiaires en charge de
l’impulsion de ces politiques. Ceux associés notamment à la gestion et à
l’évaluation des actions, comme les tableaux de bord, permettent à ces
acteurs de donner du sens à une activité plus orientée par les procédures à
suivre que par des valeurs et des visées éducatives, et de tenir à distance
aussi bien les élus que les ressortissants locaux (Pesle, 2019). Ce cadrage
procédural participe en outre à une homogénéisation des politiques
éducatives locales dans la mesure où les instruments véhiculent des
réponses préétablies, quels que soient les besoins et les situations
(Sompayrac, 2020).
Les projets et les contrats sont aussi des instruments clés pour bâtir un
« partenariat » qui constitue à la fois un moyen et une fin. En effet, si
l’objectif affiché, qu’il s’agisse de la politique d’éducation prioritaire ou du
dispositif de réussite éducative est de réduire les difficultés scolaires des
enfants, celui, implicite et très prégnant au niveau local, consiste à
« ouvrir » l’école, d’accroître le rôle des collectivités territoriales et des
associations, et de développer une culture de la collaboration (Leproux,
2020). C’est autour d’un « projet de zone » que l’on a incité les bonnes
volontés à l’intérieur et à l’extérieur de l’école à se mobiliser dans les zones
d’éducation prioritaires. C’est aussi en développant des politiques
incitatives de financement de projets que les collectivités territoriales,
notamment les municipalités et les conseils généraux, ont pu légitimer leur
participation au fonctionnement pédagogique des établissements (van
Zanten, 1997a). Les projets sont aussi une composante importante de la
modernisation des services déconcentrés. Ils ont été conçus comme un
élément central de l’autonomie des établissements, la loi d’orientation sur
l’éducation de 1989 en faisant une obligation pour tous les lycées, collèges
et écoles. Les académies elles-mêmes et, de plus en plus, leurs différents
services doivent aussi avoir des projets. Les contrats ont connu quant à eux
un développement très important dans le cadre des politiques éducatives
locales à caractère interministériel. La relance des zones d’éducation
prioritaires en 1998 s’est également accompagnée d’un « contrat de
réussite » (Lorcerie, 1999). Les contrats sont aussi au cœur de la
modernisation des établissements et des services déconcentrés. Ils lient
actuellement les établissements d’enseignement supérieur et secondaire, de
même que les différentes académies, au ministère.
Initialement développés dans un contexte de forte critique de la
bureaucratie et dans une volonté de modernisation de l’action publique, ces
instruments sont associés à une nouvelle forme de régulation post-
bureaucratique au sein de laquelle l’accord sur les façons de faire devrait
pouvoir remédier à l’absence de consensus sur les finalités. L’analyse de
leur mise en œuvre montre cependant que ces instruments ont été dans une
large mesure soit immédiatement absorbés par les logiques bureaucratiques
encore largement en vigueur, soit intégrés à des nouvelles normes de
réorganisation managériale, autrement dit, réinsérés dans une régulation de
contrôle. C’est le cas des projets d’établissement obligatoires qui font
l’objet d’un fort cadrage par les rectorats et les inspections académiques et
dont l’ambition se heurte au maintien de normes centralisées concernant les
contenus d’enseignement, ce qui explique qu’ils ne contribuent qu’à la
marge à la mobilisation des acteurs et des établissements. Le contrat est
utilisé de son côté davantage comme un moyen de culpabilisation des
acteurs que comme une convention : l’engagement au sens de « devoir
moral » l’emporte sur l’engagement au sens « d’obligation contractuelle »
(Glasman, 1999). En outre, la multiplication d’arrangements matériels,
organisationnels, pédagogiques visant des problématiques et des publics
spécifiques contribue à l’éclatement de la forme scolaire traditionnelle
(Barrère, 2013 ; Netter, 2019). Cette fragmentation n’est toutefois pas
inéluctable comme le montre le cas des dispositifs-relais dont
l’institutionnalisation dans le paysage éducatif semble avoir favorisé un
effacement des frontières entre l’administratif, le pédagogique et l’éducatif
autour d’un nouveau modèle d’action éducative « totale » (Kherroubi,
2017 ; Kherroubi, Millet et Thin, 2018).
Ces évolutions se traduisent néanmoins aussi dans nombre de cas par une
externalisation croissante de pans entiers de l’action éducative vers d’autres
acteurs (Moignard et Rubi, 2013 ; Ben Ayed, 2013). Ces acteurs sont
souvent des professionnels du secteur public ou associatif historiquement
porteurs de visées et des pratiques différentes de celles des enseignants.
C’est le cas par exemple des animateurs amenés à collaborer avec les
enseignants dans le cadre de la politique des rythmes scolaires et marqués
par l’idéologie de l’éducation populaire plutôt que par celle de la forme
scolaire (Netter, 2021). On y observe néanmoins aussi depuis une quinzaine
d’années l’entrée d’acteurs institutionnels nouveaux relevant du secteur
privé ou du tiers-secteur comme cela est le cas depuis de nombreuses
années en Angleterre (Robert, 2000 ; Ball, 2007). Parmi ces acteurs, on
trouve des établissements d’enseignement supérieur engagés dans des
actions d’ouverture sociale qui sollicitent l’intervention d’acteurs relevant
du monde associatif ou de celui des entreprises et modifient le travail des
professeurs de lycée (van Zanten, 2010 ; Fernandez-Vavrik et al., 2018). On
trouve aussi des acteurs marchands comme les agences spécialisées dans le
domaine de l’orientation vers l’enseignement supérieur vers lesquelles les
lycées, notamment ceux concentrant des publics défavorisés, délèguent une
partie du travail d’information et de conseil de leurs élèves (Oller et al.,
2021).

Conclusion
Quelle peut-être la portée générale de l’analyse des contextes et des
politiques locales ? Un travail à cette échelle permet au chercheur
d’analyser finement la façon dont se construisent les faits collectifs tout
en retrouvant les mêmes réalités appréhendées par d’autres chercheurs au
niveau global. Dans le cas de l’école, on observe ainsi la pluralité des
fonctions qu’elle remplit selon les périodes et les groupes locaux
concernés : elle accompagne les changements ou les freine, contribue
tantôt à l’intégration, tantôt à l’exclusion de certains groupes sociaux.
Derrière cette diversité réelle, on peut cependant dégager quelques
principes de variation. Les paramètres qui déterminent la façon dont
l’école s’acquitte de sa double fonction de promotion sociale et
d’intégration ne sont pas en nombre infini : le degré de cohésion de la
population, les stratégies des familles et des élèves jouent un rôle central,
mais aussi la cohérence du projet dont l’école est porteuse et
l’implication professionnelle et locale de ses agents. L’autonomie relative
des dynamiques éducatives locales apparaît ainsi bien établie. Reste alors
à évaluer leurs effets ce qui est l’objet du chapitre suivant.

Orientation bibliographique
BARRAULT-STELLA L., 2016, « Produire un retrait de l’État acceptable :
Les politiques de fermetures scolaires dans les mondes ruraux
contemporains », Gouvernement et action publique, vol. 3, no 3, 33-58.
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l’organisation scolaire », Carrefours de l’éducation, vol. 36, no 2, 95-116.
BEN AYED C., 2009, Le Nouvel Ordre éducatif local. Mixité, disparités,
luttes locales, Paris, PUF (Éducation et société).
BROCCOLICHI S., BEN AYED C., TRANCART D. (dir.), 2010, École : les
pièges de la concurrence, Paris, La Découverte.
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à la salle de classe, Paris, PUF.
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éducatives locales en France : Comment traiter en sciences sociales un objet
en mutation ? », Carrefours de l’éducation, vol. 51, no 1, 93-116.
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scolaires dans la recherche française. 30 ans de construction de l’objet.
1985-2015. Deuxième partie : un nouvel âge des désordres scolaires :
analyse des politiques éducatives et transformation de l’objet », Revue
française de pédagogie, vol. 213, no 4, 105-141.
PENEFF J., 1987, Écoles publiques, écoles privées dans l’Ouest, 1880-
1950, Paris, L’Harmattan.
VAN ZANTEN A., 2001, L’École de la périphérie. Scolarité et ségrégation
en banlieue, Paris, PUF (2e éd. Quadrige, 2012).
Chapitre 5
Les scolarités dans leur
contexte
Non seulement la diversité des relations entre l’école et l’environnement
local, mais aussi la manière dont elle fonctionne précisément dans les
différents contextes sont des paramètres importants quant à la façon dont
l’institution remplit sa fonction d’instruction et d’intégration. Mais en
France, sa centralisation formelle, et la conviction qu’elle ne laissait par
conséquent aucune marge de manœuvre à ses composants de base, ont
longtemps rendu incongrue l’idée d’observer concrètement, à l’échelon
local – l’établissement, la classe –, la manière dont sont exercées les
fonctions d’instruction et d’éducation. Aujourd’hui, dans un système qui
s’est progressivement unifié, le contexte dans lequel les élèves interagissent
et apprennent apparaît extrêmement, et peut-être de plus en plus diversifié.
De fait, délivre-t-on une formation équivalente, offre-t-on aux élèves un
environnement éducatif d’égale qualité, selon le contexte, sachant que le
contexte, c’est bien sûr tel établissement, mais aussi tel ou tel mode
d’organisation ? Et surtout, quelles sont les conséquences de cette diversité
sur les scolarités des élèves et les inégalités afférentes ?

Un « destin scolaire » variable


selon l’établissement fréquenté
En France (et dans tous les pays comparables, cf. Demeuse et Baye,
2008 ; Givord, 2019), du fait d’une certaine ségrégation sociale de
l’habitat et de la sectorisation scolaire, les écoles sont en général typées
sur le plan social (Ly et Riegert, 2015 ; Givord et al., 2016 ; NI 20.01).
Ainsi en 2020, alors qu’en moyenne, un collège accueille 26 % de
boursiers, un collège sur cinq en compte soit moins de 8 %, soit plus de
49 %. Concrètement, certains élèves peuvent passer leurs années collège
sans côtoyer, ou presque, d’enfants de milieu défavorisé ou favorisé,
sachant que les établissements les moins favorisés sont aussi, le plus
souvent, les plus homogènes socialement. Les écarts sont encore plus
marqués pour ce qui est de la part des élèves en retard de deux ans et
plus, et de nationalité étrangère. Sous tous les angles, les écarts entre
établissements sont plus forts dans la région parisienne (Maetz, 2005 ;
Merle, 2010 ; Boutchenik et al., 2021) ou encore dans les grandes
agglomérations, où la hiérarchisation des collèges (tant sur le plan
scolaire que social ou ethnique) est bien plus marquée que dans des
académies à plus faible densité de population, comme Besançon, Poitiers
ou Limoges. À Paris par exemple, alors que les collèges accueillent en
moyenne 17 % d’élèves de milieu défavorisé (contre 37 % pour la France
entière), le collège le plus favorisé en accueille 0,3 % et le collège le plus
défavorisé 63 % (Grenet et Souidi, 2018). Cette ségrégation sociale
prévalant dans les collèges s’explique pour une grande part par la
ségrégation de l’habitat. Mais ceci vaut inégalement selon les régions
(Boutchenik et al., 2018). À Paris, près de la moitié de la ségrégation au
niveau collège provient de la composition sociale des secteurs de
recrutement ; l’autre moitié s’explique par les stratégies familiales de
contournement de la carte scolaire, principalement en direction d’un
collège privé. Mais si l’offre de collèges privés est particulièrement
abondante à Paris (35 % de collèges privés sous contrat contre une
moyenne nationale de 20 %), il n’en va pas de même dans toutes les
régions ; avec pour conséquence un recours au privé inégal et plus
largement des stratégies de contournement du collège public du secteur
moins répandues (ce phénomène expliquant environ un tiers de la
ségrégation des collèges dans des villes comme Clermont-Ferrand ou
Bordeaux). À une échelle plus large et dans les estimations faites au seuil
des années 2000, il s’avère que les parents accentuent d’environ 10 % en
moyenne, de par leurs choix typés, la ségrégation sociale et plus encore
ethnique qui découlerait « mécaniquement » de la ségrégation
résidentielle ; ce phénomène, très sensible au contexte local, est bien plus
marqué en milieu urbain dense où plusieurs établissements peuvent être
en situation de concurrence et où les collèges particulièrement fuis
deviennent alors des ghettos, avec à la fois une perte d’effectifs et une
fuite des élèves les plus favorisés (cf. Merle, 2012 et chapitre 4).

Avec l’assouplissement de la carte scolaire (amorcé dès 1984 et


officiellement engagé depuis 2007), donnant plus de facilités aux familles
pour choisir l’établissement de leur enfant (sous réserve de dérogations
obéissant à des motifs variés), les collèges tendent à être légèrement plus
typés socialement1, même si cette tendance concerne surtout la région
parisienne (et certaines configurations locales particulières), et n’est pas
significative au niveau national (Ly et Riegert, 2015). À ce niveau, les
disparités entre collèges sont stables depuis le début des années 2000,
stabilité qui cache un double mouvement : une baisse de la ségrégation
entre collèges publics, et un écart croissant entre la composition sociale des
collèges privés (plus favorisés socialement) et les collèges publics (Givord
et al., 2016)2. À Paris, des expériences de secteurs « multi-collèges »
engagées depuis 2016 ont parfois permis une remontée du niveau de mixité
sociale (Grenet et Souidi, 2018) ; de même, l’organisation de l’affectation
des collégiens dans les lycées (avec le logiciel Affelnet, généralisé à
l’ensemble des lycées de la capitale à compter de 2022) aurait amorcé dès
2021 une certaine baisse de la ségrégation sociale y prévalant. À l’inverse,
le meilleur ciblage des politiques sur les collèges les plus défavorisés (avec
la mise en place en 2015 des réseaux d’éducation prioritaire) s’est traduit
par une moindre mixité sociale dans ces établissements (Courtioux et
Maury, 2021).

Des milieux de vie et de travail très


divers
Ces « mondes » bien diversifiés que constituent donc les établissements
fonctionnent-ils pour autant de manières différentes ? Pour comprendre le
fonctionnement de l’établissement, il faut analyser son organisation
formelle, et décrire ses structures, la définition des rôles, les modes
d’exercice de l’autorité, le système de communication, les dispositifs de
régulation, l’implication des acteurs (etc.), avant d’examiner comment,
par le jeu des stratégies individuelles, toute une organisation informelle
se construit. Ce type d’études, très classique en sociologie des
organisations (Paty, 1996), fait apparaître la grande variété des styles de
relations sociales, des modalités de leadership des principaux et des
proviseurs, bref de l’ambiance de ces milieux de vie que constituent les
établissements. Aussi bien les collèges (Cousin et Felouzis, 2002) que les
lycées (Dubet, 1991) peuvent être situés le long d’un continuum borné
par deux configurations idéal-typiques extrêmes (qui, au-delà de leur
caractère suggestif et un peu ancien, permettent mal de caractériser les
établissements ruraux).
L’établissement d’excellence : c’est par exemple un collège parisien
inclus dans un lycée prestigieux, recevant un public sélectionné, offrant une
palette d’options rares et au corps enseignant âgé et « gradé ». Les fins
poursuivies font l’objet d’un consensus, et on y valorise fortement
l’excellence. L’essentiel se joue alors dans la relation maître-élève, sous
l’œil vigilant des familles. L’utilitarisme et l’individualisme ambiant
composent un univers dénoncé comme fermé et trop scolaire par les élèves
et par les enseignants eux-mêmes. Ce climat n’incite ni à la coopération
pédagogique, ni aux animations périscolaires, et on y déplore souvent
l’absence de règles collectives ; à la limite, puisque seuls comptent la
relation enseignant/enseigné et le rapport efficace aux études,
l’établissement n’a pas à exister.
L’établissement « ghetto populaire » : les élèves en difficulté dominent,
les familles sont peu présentes, et la vie entre élèves n’est pas dépourvue
d’agressivité ou du moins d’incivilités très courantes (cf. chapitre 4). Les
contenus et les standards scolaires n’ont guère de pertinence aux yeux des
élèves, qui refusent parfois avec violence les jugements qui les invalident.
Même si globalement, les collégiens disent se sentir bien dans leur
établissement (à environ 93 %), ce chiffre est plus faible dans les collèges
les plus populaires où tant les relations avec les autres élèves qu’avec les
enseignants sont jugées moins positivement (NI 13.26)3. Dans ce contexte,
l’épuisement et l’amertume des professeurs ne favorisent pas la constitution
d’une vie collective ; une forte rotation des personnels (parmi lesquels de
nombreux débutants ou non-titulaires), et parfois le peu de cohésion avec
l’administration achèvent de rendre problématique l’existence même de
l’établissement comme communauté éducative. Ce tableau extrême (décrit
dans van Zanten, 2001a ; Kherroubi et van Zanten, 2002) se retrouve dans
les lycées professionnels (Palheta, 2012) par le jeu de la sélection scolaire,
où du même coup, le vécu des élèves est également moins positif (NI
15.50).
Dans les lycées généraux accueillant un public populaire, le conformisme
morose est plus répandu que la violence, les élèves ont parfois conscience
de préparer les bacs les plus dévalorisés, les contenus leur apparaissent
souvent abstraits, mais les études ne semblent pas moins nécessaires. À
nouveau, le face-à-face enseignants-élèves domine (sur un mode plus
dépendant et affectif que dans les lycées traditionnels, cf. chapitre 9), les
élèves trouvant par ailleurs normal qu’en échange de l’exercice conforme
de leur « métier », l’on ne cherche plus guère à contrôler leurs conduites.
On peut même se demander si le lycée existe encore, ou si s’y trouvent
simplement juxtaposés « les cours et la sélection côté enseignants, la liberté
côté cour de récréation » (Dubet et al., 1991). Certes, il s’agit là de pôles
extrêmes, et les situations moins typées sont nombreuses. Mais dans tous
les cas, l’existence même de l’établissement comme communauté intégrée
n’est pas garantie. Les comparaisons internationales montrent toutefois que
ceci n’a rien d’une fatalité : dans certains pays comme le Royaume-Uni ou
la Finlande, le sentiment d’appartenance à son école et plus largement ce
qu’on peut appeler la cohésion scolaire sont bien plus développés (Dubet et
al., 2010b).

L’établissement scolaire, une organisation particulière ?


Il n’est pas évident d’appliquer à l’analyse de l’établissement scolaire des cadres
conceptuels construits pour appréhender des structures telles que les organisations
bureaucratiques, ou les « institutions totalitaires », prisons ou monastères (pour
une synthèse cf. Gamoran et al., 2000). Il s’agit en effet d’une organisation
originale, où :
– la relation maître-élève constitue l’unité de base, le niveau classe ou a fortiori celui
de l’établissement n’existant qu’au prix d’un travail de construction spécifique ;
– les contraintes de temps sont très fortes, dominées par le rythme cyclique de
l’année scolaire, qui rend difficile l’accumulation d’une expérience collective ;
– la structure hiérarchique est déconnectée de l’activité « technique »
(l’administration n’exerce pas de supervision directe sur le travail pédagogique des
maîtres) ; l’activité « technique » est elle-même déconnectée de ses effets : les
maîtres n’ont pas beaucoup d’informations en retour sur la qualité de leur
« production », donc sur leur propre efficacité, ce qui rend difficile la gestion des
réformes pédagogiques et complexe l’évaluation de leurs effets (Dupriez, 2015).
Puisque ni les contraintes hiérarchiques ni les arguments techniques ne peuvent
emporter les décisions, la construction d’un « contrat social » entre les acteurs
s’impose. Il faut définir ce qu’on considérera, localement, comme l’intérêt
collectif, et se mettre d’accord sur ce qu’il est possible de faire ensemble, avec les
moyens dont on dispose. La réalisation, laborieuse, de cet accord suppose un
compromis entre des visions différentes de l’école. Pour les uns, elle est avant tout
un service public, et la justice est définie par la conformité à l’intérêt général ;
d’autres valorisent plus les relations maîtres-élèves et l’individualisation de
l’enseignement ; d’autres enfin soulignent que l’école est soumise, comme
l’ensemble de la société, à des exigences de performance et d’efficacité. Pour que
l’établissement puisse fonctionner, il faut pour un temps suspendre les
affrontements entre ces conceptions, et en ce sens, l’établissement apparaît comme
un « montage composite entre des registres d’actions qui se réfèrent à des
principes de légitimité différents et souvent antagonistes » (Derouet, 1988).
Toujours est-il que faire exister l’établissement constitue une dimension cruciale
du travail de gouvernance des chefs d’établissement (Barrère, 2006).

Au niveau des établissements d’enseignement supérieur la construction


d’un compromis permettant de travailler ensemble est encore plus
problématique, car aux facteurs ci-dessus s’ajoutent de très fortes tendances
centrifuges : pour les enseignants-chercheurs, les universités tendent à être
seulement un lieu d’exercice pour des activités dont les références et
l’évaluation se constituent ailleurs, dans les disciplines d’appartenance et
dans les instances nationales et internationales de financement de la
recherche (Musselin, 2008 et 2017). Mais on observe depuis les vingt
dernières années des tendances centripètes pour renforcer l’identité des
établissements d’enseignement supérieur ; encouragements à des projets
spécifiques ou à des collaborations territoriales, responsabilités accrues en
matière budgétaire et de gestion des ressources humaines… (Forest, 2021).

Si l’établissement n’existe qu’en fonction de son degré de cohésion


symbolique, il est intéressant d’étudier les signes visibles de cette cohésion,
notamment la mobilisation autour de projets. De fait, confrontés au même
public et aux mêmes problèmes, les établissements réagissent différemment
(Dubet et al., 1989 ; Cousin, 1998 ; Derouet et Dutercq, 1997 ; van Zanten
et al., 2002), sachant que par ailleurs, dans certains contextes, la
concurrence croissante entre établissements tend à durcir ces différences, de
même que l’engagement inégal des collectivités territoriales (cf. van
Zanten, 2006a ; Barrère, 2013, et chapitre 4). Ce degré inégal de
mobilisation peut être appréhendé par l’activité du principal, le nombre de
projets pédagogiques menés avec succès, le travail réalisé en dehors du
cadre strict de la classe, les représentations que les enseignants se font de
leur métier, etc. Parmi les éléments qui semblent favoriser cette
mobilisation, l’engagement syndical ou politique des enseignants s’avère
non pertinent, et ce sont plutôt des facteurs contingents comme la
personnalité du principal ou les affinités entre collègues qui semblent
décisifs. Les dynamiques éducatives locales sont donc fragiles et la
construction de l’établissement comme organisation reste soumise à des
facteurs aléatoires, sachant en outre qu’il peut y avoir des résistances
corporatistes, dans la mesure où se mobiliser autour d’un projet ou mettre
en œuvre des dispositifs pédagogiques insufflés par les collectivités locales
(Delès et al., 2021), modifie le rôle traditionnel de l’enseignant, prestataire
de services isolé dans sa classe, mais libre de ses méthodes. Néanmoins, des
circonstances exceptionnelles, comme la pandémie de 2020-2021, peuvent
bousculer les modes de fonctionnement coutumiers et révéler des capacités
d’adaptation pas toujours soupçonnées.
La question reste ouverte de l’effet sur les élèves de ces degrés inégaux
de mobilisation, et plus largement de ces différents modes de
fonctionnement et de climats quotidiens. Pour tenter d’y répondre, il faut
s’engager dans une problématique différente, centrée sur la recherche de
relations systématiques entre les caractéristiques de l’établissement et les
acquis ou les comportements des élèves.

Des écoles inégalement efficaces…


Dans les pays anglo-saxons notamment, des enquêtes évaluent
l’incidence de la diversité des établissements sur les carrières scolaires,
en mettant en perspective caractéristiques des écoles et acquis de leurs
élèves. La question n’est plus de savoir comment l’établissement
fonctionne, mais plutôt d’appréhender les effets, sur les élèves, d’une
scolarisation dans tel cadre de vie, sachant que ce sont surtout les effets
en termes de résultats scolaires qui ont été étudiés, qu’il s’agisse de la
capacité de l’établissement à faire atteindre aux élèves tel résultat, ou à
réduire les écarts de performance existant ex ante, selon l’origine sociale
ou d’autres caractéristiques individuelles.
En France, dès lors que les établissements accueillent des publics
différents, leurs performances moyennes vont différer sensiblement, mais
seules des études ciblées peuvent le révéler précisément, en analysant les
écarts bruts entre types de collèges (collèges de l’éducation prioritaire
versus les autres notamment) publiés couramment dans les statistiques du
ministère (cf. par exemple, Davezies, 2005 ; NI 20.01). Ces écarts tiennent à
l’agrégation d’élèves inégaux : les performances des établissements
populaires sont en moyenne plus faibles, découlant de ce qu’on appelle un
effet de composition ; et ces écarts entre les collèges les plus favorisés et les
collèges les plus défavorisés auraient tendance à s’accentuer ces dernières
années. Certes, la majorité des lycées (les cinq sixièmes d’après les travaux
de Givord et Suarez Castillo, 2021) présentent des résultats conformes au
profil de leur public à l’entrée en 2nde. Mais certains établissements se
distinguent quant à leur capacité à faire progresser leurs élèves ; autrement
dit, un élève donné (ayant tel niveau initial, appartenant à tel milieu
social…) peut progresser plus ou moins selon l’établissement fréquenté
(cf. au niveau lycée4, Givord et Suarez Castillo, 2021 ; au niveau collège,
Grisay, 1993, 1997 et 2006 ; au niveau école, cf. Bressoux, 1995 et 2009).
Les données d’enquête montrent que ces « effets établissement » ne sont
jamais massifs : ils expliquent en moyenne une année donnée, moins de
10 % de la variance des acquis des élèves dans les pays anglo-saxons où
sont réalisées la majorité des recherches. Ce chiffre est un peu plus faible en
France (plutôt 4-5 %), notamment parce que la dimension collective de
l’établissement y est moins prononcée. Cela dit, une année donnée, ces
effets du contexte peuvent peser autant, voire parfois plus que l’origine
sociale sur les progressions des élèves ; de plus, ces effets faibles se
cumulent, dès lors que l’élève ne change pas de contexte, et débouchent
alors sur des différentiels plus importants. Ils sont en général plus marqués
en mathématiques qu’en français, et varient selon les niveaux scolaires. En
primaire, la classe (et en arrière-plan le maître, cf. chapitre 6) a davantage
d’impact que l’école sur les acquis réalisés. Notons enfin qu’au niveau du
collège du moins, les écarts de qualité de vie entre établissements
(notamment le sentiment des élèves d’être exposés à la violence) semblent
plus marqués que les écarts d’efficacité stricto sensu (Grisay, 1997).
Pour comprendre les différences de progression entre établissements, il
est crucial de s’intéresser à leur climat. Les chercheurs anglo-saxons se
rallient traditionnellement à un modèle dit des « cinq facteurs »,
déterminant ce que serait un climat propice aux acquisitions des élèves (cf.
encadré).

À la recherche de l’école efficace… Les pistes anglo-


saxonnes
Les facteurs en général associés à de bonnes progressions scolaires chez les élèves
(mais aussi à leur assiduité, à l’absence de comportement déviant, etc.) sont les
suivants :
– Un leadership assez marqué du chef d’établissement : il promeut des normes
d’amélioration constante, diffuse l’idée que l’enseignement est une activité collective
mesurable, encourage les interactions entre enseignants, et contrôle de manière
informelle leur travail (il sait par exemple si tel enseignant donne du travail à la
maison).
– Un niveau d’attente exigeant en matière de réussite, commun à l’ensemble du
personnel, et transmis aux élèves à travers les interactions quotidiennes et
l’organisation de la vie dans l’établissement.
– Des évaluations fréquentes des progrès des élèves.
– Un climat discipliné.
– Une forte valorisation de l’excellence scolaire et du savoir, et une tendance à
évaluer les pairs à l’aune de leur valeur académique. C’est par l’intermédiaire de ces
normes dominantes que s’exercerait l’impact positif du poids des bons élèves ou des
élèves de milieu aisé sur l’efficacité de l’école.
– Néanmoins, globalement, l’« effet établissement » semble plus découler des
attitudes des enseignants envers les élèves (leur confiance dans leurs possibilités,
leur bienveillance et leur soutien…) que de telles ou telles actions pédagogiques ou
politiques spécifiques.
Ces résultats sont établis essentiellement sur les écoles primaires urbaines et
populaires. Notons que les « effets école » sont également situés dans un espace
national où les différences entre écoles sont plus ou moins fortes : dans un pays où
toutes les écoles seraient rigoureusement identiques, l’« effet établissement »
serait nul, les caractéristiques individuelles des élèves rendant compte à elles
seules de la réussite scolaire. Les « effets école » vont être plus modérés dans les
pays les plus riches, parce que la variété des environnements familiaux est
supérieure à la variété entre écoles, une certaine qualité y étant partout assurée ;
c’est l’inverse dans les pays en développement, avec pour conséquence que les
facteurs contextuels y pèsent plus lourd que les caractéristiques des élèves
(Heyneman, 1986).

En France, les analyses produites à partir des années 1980 sont dans
l’ensemble convergentes5. On retrouve l’importance de facteurs tels qu’une
bonne gestion du temps et de la discipline, des attentes positives quant à la
réussite des élèves, une bonne couverture des programmes. Par contre, on
ne retrouve pas l’effet systématiquement positif d’un fort leadership
pédagogique du chef d’établissement, alors que sa capacité à mobiliser les
enseignants autour d’un projet commun serait plus importante. On observe
aussi que les collèges performants en termes d’acquis scolaires ne le sont
pas forcément à l’aune de critères tels que la motivation des élèves, leur
image de soi, leur civisme ou leurs méthodes de travail.
Enfin, l’ensemble des caractéristiques liées à une meilleure efficacité se
trouvent plus souvent réunies dans les collèges fréquentés par une
population favorisée, où, du même coup, les progressions sont plus
marquées (Grisay, 2006 ; au niveau primaire, cf. Davezies, 2005). À
l’inverse, les progressions sont moindres dans les collèges populaires
ségrégués. La ségrégation a donc bien des effets délétères spécifiques dans
ces collèges (Dumay et al., 2010 ; Broccolichi et al., 2010) et en particulier
elle accentue les inégalités entre élèves. De même, on observe dans les
comparaisons entre pays, que là où les écoles sont peu ségréguées, les
inégalités de performances entre élèves et les inégalités sociales afférentes
sont moins marquées (Demeuse et Baye, 2008 ; Givord, 2019). On peut
même se demander si la moindre réussite des élèves faibles, en France par
rapport aux pays comparables, ne s’explique pas en partie par le fait qu’ils
sont concentrés, plus qu’ailleurs, dans des établissements au public
populaire (CNESCO, 2016).
Toujours est-il qu’on retrouve de manière régulière ce que montraient les
premières études américaines, à savoir que des facteurs tels que la
composition sociale ou ethnique du public d’élèves – le school mix –
s’avèrent associés à des différences d’efficacité. Ainsi, alors qu’on a
montré, aux États-Unis, dès les années 1960, que le pourcentage d’élèves
blancs dans les écoles est lié à la réussite des élèves de tous les groupes
ethniques, du fait d’une uniformisation des normes et attitudes dans un sens
favorable à la scolarité (Coleman et al., 1966 ; Cherkaoui, 1979), des
constats convergents sont faits aujourd’hui en France. Ainsi, comme nous
l’avons évoqué (cf. chapitre 2), le handicap, notamment en mathématiques,
de certains élèves d’origine immigrée s’explique par le fait qu’ils
fréquentent plus souvent que leurs homologues nés en France des collèges
ségrégués de l’éducation prioritaire et de l’agglomération parisienne
(Cayouette et Moulin, 2019 ; Ichou, 2018). Plus généralement, une forte
concentration d’élèves étrangers dans la classe s’avère défavorable quant
aux performances, notamment celles des élèves les plus défavorisés
socialement (Fougère et al., 2017). Mais cet effet reste modeste et est
visible surtout en début de collège.
Dans l’autre sens, on progresse plus, en moyenne, dans les collèges qui
accueillent une population socialement favorisée (des résultats convergents
sont établis aux niveaux primaire et lycée, cf. Duru-Bellat et al., 2004b ;
Monseur et Crahay, 2008 ; Davezies, 2005 ; Monso et al., 2019). Il existe
néanmoins des collèges populaires particulièrement performants, même si,
malgré ces meilleures progressions, le niveau moyen des élèves tend à y
être plus faible. Le souci de maximiser le temps consacré aux
apprentissages (mesuré par des indicateurs tels que la couverture des
programmes ou le fait de donner du travail à la maison) y serait
spécialement efficace. Par ailleurs, « un climat chaleureux, une discipline
souple et un enseignement novateur semblent des facteurs positifs s’ils sont
mis en œuvre avec une population d’origine plutôt défavorisée, alors que ce
même profil paraît lié à de piètres performances dans les écoles recevant
une population favorisée » (Grisay, 1990 et 2006). Ces écoles seraient plus
efficaces quand elles conjuguent des exigences scolaires fortes, un climat
impersonnel et sévère, une coopération avec les parents. Au total, ces
résultats militent pour une certaine mixité sociale, dès lors qu’on valorise
des acquis communs pour tous les élèves.
Enfin, aucune relation nette ne se dégage entre le niveau de mobilisation
des établissements et leurs performances scolaires. Mais il semble que dans
un collège où chaque enseignant se retrouve isolé, non porté par une
mobilisation collective, la pente naturelle soit de concentrer ses efforts sur
les élèves les plus « faciles », ce qui accroîtrait les difficultés des élèves les
plus éloignés de l’école (Dubet et al., 1989 ; cf. aussi Hodges Persell,
2000). On retrouve ici ce constat de Cherkaoui (1979), qui, sur la base de
données américaines, établissait que la confusion ou l’absence de normes
s’avérait particulièrement néfaste pour les élèves de milieu populaire.
Bien qu’ayant établi de grandes tendances, la recherche sur les effets
établissements peine à établir la stabilité des différentiels d’efficacité.
Surtout, elle ne débouche pas sur la définition d’un profil d’école
performante, qui serait partout et toujours valable : il existe des
configurations de caractéristiques qui donnent de bons résultats avec
certaines populations scolaires, ou dans certains domaines, et de moins bons
dans des situations différentes. Les établissements peuvent donc être plus
ou moins efficaces en moyenne, mais moins avec certaines catégories
d’élèves et se montrer capables de creuser ou au contraire de combler les
écarts qui existent entre eux (Givord et Suarez Castillo, 2021). Il existe
d’ailleurs une corrélation (certes loin d’être automatique) entre l’efficacité
des lycées et leur caractère équitable ainsi défini. Aujourd’hui, l’OCDE, qui
a grandement promu la notion d’efficacité (et sa mesure) parle moins
d’efficacité que de qualité, en incluant la dimension de l’équité, un
établissement ne pouvant être considéré comme efficace que s’il est
également équitable, parvenant à faire progresser tous ses élèves.

Des pratiques d’évaluation


et d’orientation diversifiées
Au-delà du fait qu’on progresse différemment d’un établissement à
l’autre, les notes censées refléter ces acquisitions varient elles aussi selon
le contexte, dès lors que l’évaluation faite par les enseignants résulte
toujours d’une comparaison entre les élèves auxquels ils font face. Dans
les établissements au recrutement social favorisé et de bon niveau
scolaire, sachant que cela peut varier aussi selon le contexte
géographique (Murat, 2021a), les élèves reçoivent des notes
systématiquement plus sévères que leurs condisciples scolarisés dans
d’autres contextes, quand on tient compte de leurs connaissances telles
qu’appréhendées par des épreuves standardisées (Felouzis, 2003 ;
Bressoux et Pansu, 2003 ; Davezies, 2005). Tout se passe comme si les
notes moyennes données dans un établissement tendaient à « amortir »
les différences réelles de niveau : on est plus sévère quand les élèves sont
bons, plus indulgent quand ils sont faibles. Il reste que ces notes,
correspondant à des acquis variables d’un site à l’autre, fondent les
décisions d’orientation, ce qui constitue une source d’incohérence entre
les élèves.
En outre, au-delà de ces différences d’évaluation, les pratiques
d’orientation s’avèrent inégalement sélectives selon les contextes. Même si
globalement, sur la longue période, les taux de passage augmentent à tous
les niveaux du fait des instructions officielles, les taux de passage diffèrent
encore fortement d’un établissement à l’autre. Ces différences ne sont certes
pas directement interprétables, puisque ces taux mêlent les caractéristiques
du public d’élèves (avec à la clé des effets de composition) et d’éventuelles
pratiques d’orientation spécifiques. En fait, pour des élèves comparables
(même valeur scolaire, même milieu social), la probabilité de passer de 3e
en seconde varie significativement d’un établissement à l’autre (Duru-
Bellat et Mingat, 1988 ; Grisay, 1990 ; Cousin, 1998). Cet « effet collège »
est en moyenne modéré, car les décisions d’orientation se fondent avant
tout sur les caractéristiques individuelles des élèves, mais il s’avère plus
marqué chez les élèves moyens, quand les décisions sont plus
indéterminées.
En moyenne, les établissements fréquentés par des élèves
majoritairement de milieu aisé, ou de bon niveau scolaire, ont tendance à
être moins sélectifs que ceux qui accueillent un public à forte tonalité
populaire. Tout se passe comme si chaque établissement adaptait,
consciemment ou non, ses pratiques d’orientation à sa « clientèle »
dominante – moindre sélectivité quand elle est majoritairement d’origine
sociale aisée, plus forte sélectivité dans le cas contraire. Ces pratiques
globales du collège affectent tous les élèves, quelles que soient leurs
caractéristiques individuelles – on retrouve ici un effet contextuel. Ainsi, les
enfants de milieu défavorisé scolarisés dans des établissements socialement
favorisés accèdent à des orientations plus valorisées que lorsqu’ils sont
scolarisés dans un établissement populaire.
En fait, les élèves tendent à adopter les attitudes du groupe majoritaire
dans l’établissement : il se crée une norme de groupe, de telle sorte qu’un
jeune demande d’autant plus souvent une orientation que la proportion
d’élèves de son établissement qui la demande est élevée. Dans les collèges
aisés qui comptent, par définition, beaucoup d’élèves de milieu favorisé,
plus ambitieux, ce niveau d’aspiration moyen « tire vers le haut » le niveau
des demandes de tous les élèves : dans ce type d’établissement, un fils
d’ouvrier aura tendance à être plus ambitieux (alors que l’inverse n’est pas
vrai, les aspirations des enfants de cadres étant plus « rigides à la baisse ») ;
on retrouve ce type de phénomène de l’école primaire au lycée (Duru-Bellat
et al., 2004b ; Monso et al., 2019). Les décisions d’orientation s’efforçant
de suivre les demandes des jeunes, on comprend ainsi que les collèges
favorisés soient plutôt moins sélectifs, mais c’est aussi vrai des collèges à
forte population d’origine étrangère, dont les élèves ont souvent des
demandes relativement ambitieuses (Felouzis, 2003 ; Beauchemin et al.,
2016). Même si on ne dispose pas d’études récentes chiffrant précisément
les différences d’orientation entre établissements, il est peu probable, vu le
poids croissant donné aux familles dans les décisions d’orientation, que ces
différences, dès lors qu’elles passent en partie par les effets de pairs et les
normes de groupe à l’œuvre dans les contextes, diversifiés, de scolarisation,
aillent en s’atténuant, même si, dans le même temps, des directives
nationales encouragent les poursuites d’études pour tous.

Des « effets établissement » qui restent


difficiles à appréhender…
Cette analyse des « effets établissement » bute sur un certain nombre de
difficultés (résumées dans Scheerens, 2000 ; Givord et Suarez Castillo,
2021), Tout d’abord, la voie apparaît étroite, entre des enquêtes
dégageant à un niveau statistique des « effets établissement » et pointant,
de manière forcément grossière à ce niveau, les caractéristiques
objectives qui y sont associées, et de l’autre, des travaux qualitatifs
tentant d’élucider les processus qui sous-tendent les corrélations
observées. Ces derniers mettent en avant tantôt le rôle clef de la
personnalité du chef d’établissement, tantôt des contraintes découlant
d’un public difficile, ou encore des relations de concurrence avec
d’autres établissements. Mais on ne peut être sûr que l’élément qu’on met
ainsi en exergue est déterminant en l’absence d’un cadre théorique qui
déterminerait les principes structurants communs à tous les
établissements, et inviterait à rechercher si sous l’angle de tel facteur,
dont on a des raisons théoriques de penser qu’il est important (les
caractéristiques du public, l’environnement, les contraintes matérielles,
les particularités du personnel, etc.), les établissements se distinguent
significativement. En son absence, une autre voie serait de mobiliser
davantage les complémentarités entre des approches se situant à des
niveaux d’analyse différents, les approches quantitatives testant les
hypothèses sur les processus en jeu formulées à la lueur des travaux sur
le terrain (Thrupp, 1995), et ces derniers venant éclairer ce que
recouvrent les « effets » constatés de manière externe.
Un point particulièrement problématique est la difficulté à dissocier, dans
l’analyse de l’efficacité différenciée des établissements, l’influence des
facteurs pédagogiques et celle du public. Deux chercheurs belges,
Opdenakker et van Damme (2001), après avoir observé que certains des
facteurs d’efficacité les mieux établis (climat d’ordre et de discipline, bonne
couverture des programmes…) sont plus présents dans les écoles au public
favorisé, notent que l’influence spécifique de ces facteurs est
singulièrement affaiblie quand on intègre dans l’analyse les caractéristiques
du public (donc quand on raisonne « toutes choses égales par ailleurs ») ; en
particulier, l’effet positif d’un environnement ordonné n’apparaît comme un
facteur d’efficacité que parce qu’il va le plus souvent de pair avec un public
de bon niveau et favorisé. Cette recherche souligne combien les
caractéristiques de l’école (son climat, ses pratiques…) et celles de leurs
élèves jouent de manière complémentaire, difficilement dissociable : une
part de la meilleure efficacité des établissements fréquentés par des élèves
de milieu favorisé est en quelque sorte apportée par ces élèves eux-mêmes.
On ne saurait conclure pour autant que l’efficacité d’un établissement
dépend entièrement des caractéristiques du public dont il hérite, car il
subsiste des « effets établissement » à public comparable.
Par ailleurs, certains phénomènes se jouent vraisemblablement autant,
voire davantage, au niveau de la classe (la sociologie américaine insiste de
plus en plus sur l’articulation des niveaux classe et établissement ; cf.
Gamoran et al., 2000). En France, on sait que la ségrégation sociale et plus
encore scolaire varie entre les classes, au sein d’un même établissement, à
tel point que la composition des classes contribue autant à la ségrégation
scolaire que la ségrégation entre établissement et la ségrégation résidentielle
(Duru-Bellat et Mingat, 1997 ; Ly et Riegert, 2015 ; Danhier et al., 2017).
Et de fait, notamment en primaire, les progressions vont s’avérer encore
plus variables d’une classe à l’autre que d’un établissement à l’autre
(Bressoux, 1994). De même, les évolutions des attitudes des élèves seraient
plus sensibles à la classe qu’au collège fréquenté (Grisay, 1997), car à ces
deux niveaux, les comparaisons entre élèves sont omniprésentes. C’est
pourquoi les effets bénéfiques de la mixité sociale dans les écoles
n’excluent pas de possibles tensions chez les élèves de milieu populaire qui
peuvent se sentir stigmatisés quand ils accèdent à des établissements où ils
sont minoritaires (Dagorn, 2005) ; dans le même sens, on observe un niveau
de bien-être plus élevé pour des élèves d’origine étrangère quand ils sont
entourés d’élèves d’origine étrangère (Fouquet-Chauprade, 2013). Au-delà
de considérations d’efficacité, il semble qu’il soit réconfortant d’être
scolarisé avec ses pairs (Givord, 2019). Toutes les politiques visant à plus
d’hétérogénéité des classes ou à plus de mixité sociale doivent donc être
accompagnées d’un travail éducatif pour que leurs effets positifs sur les
performances ne soient pas contrecarrés par des effets socio-affectifs
négatifs.

Le déroulement des scolarités dans


un contexte institutionnel
Selon l’établissement où ils sont scolarisés, les élèves peuvent donc
connaître des scolarités très différentes. Mais le contexte de scolarisation,
c’est aussi l’organisation même du système, depuis la manière concrète
dont les élèves sont regroupés pour les apprentissages, jusqu’à la
répartition dans l’espace des établissements d’enseignement. Les
carrières scolaires en portent-elles la trace ?

Les modes de groupement d’élèves


En France, une répartition aléatoire des élèves dans les classes d’un
même niveau est la règle, et constitue même une dimension explicite du
collège unique défini en 1975. Pourtant, des études montrent qu’une
proportion non négligeable d’établissements constitue de fait des classes
de niveau, et ce d’autant plus qu’ils accueillent un public défavorisé
(Giry-Coissart et Niel, 1997 ; Duru-Bellat et Mingat, 1997 ; Ly et
Riegert, 2015). Ces derniers, dans un contexte de concurrence croissante
entre établissements, chercheraient à retenir de bons élèves en leur
proposant des classes « réservées » (Payet, 1995 ; van Zanten, 2001a) :
en voulant éviter une ségrégation entre établissements, ils créeraient ainsi
une ségrégation entre les classes. Les options choisies par les élèves (la
1re langue vivante notamment) peuvent être utilisées à cette fin (Farges et
al., 2016).
Globalement, le fait de regrouper les élèves de même niveau dans des
classes homogènes, fortes ou faibles, n’exerce pas d’effet systématique
marqué sur les progressions moyennes. En revanche, les classes de niveau
contribuent à creuser sensiblement les écarts entre les élèves, avec de
meilleures progressions dans les « bonnes » classes, et de moins bonnes
dans les classes les plus faibles, notamment quand ces dernières sont en
outre très homogènes (Duru-Bellat et Mingat, 1997 ; Duru-Bellat, 2003 ;
Whitburn, 2001).
Ceci résulte de plusieurs mécanismes (Ball, 1986 ; Pallas et al., 1994).
Tout d’abord, les enseignants modulent les contenus et les pratiques
pédagogiques en fonction du niveau supposé des élèves. En proposant aux
élèves des contenus différents, les enseignants se conforment à la
philosophie implicite de ce mode de groupement, à savoir l’existence
d’aptitudes inégales nécessitant des traitements pédagogiques spécifiques.
C’est ainsi que, face à des publics faibles, ils vont valoriser l’oral et l’image
davantage que l’écrit, ou encore la motivation des élèves plus que leurs
résultats stricto sensu (van Zanten, 2001a). Par ailleurs, la ventilation par
niveau affecte fortement les attitudes et comportements des élèves eux-
mêmes, dans le sens d’un renforcement des différences initiales. Par
exemple, tout au long de l’année scolaire, le niveau d’attention des élèves
se dégrade progressivement dans les groupes faibles, dans la mesure où
élèves et enseignants tolèrent certaines déviancess par rapport aux
exigences scolaires habituelles (Eder et Felmlee, 1983). À cette constitution
progressive d’une norme de groupe, viennent s’ajouter les effets
multiformes et diffus du groupe des pairs : les élèves apprennent les uns des
autres, se motivent, se construisent des références communes (Bressoux,
2009 ; Davezies, 2005 ; Duru-Bellat et al., 2004b ; cf. aussi chapitre 9). Ils
se comparent aussi, et si appartenir à une classe comptant de nombreux
bons élèves est globalement bénéfique, c’est surtout vrai pour les élèves
faibles et cela peut au contraire s’avérer décourageant pour les élèves au
départ les plus performants (Boutchenik et Maillard, 2019).
Globalement, les classes de niveau tendent à reconstituer des filières
étanches, avec en général très peu de mobilité entre des groupes : de fait, les
élèves ne suivent rapidement plus les mêmes objectifs, développent des
attitudes différentes, le tout se cristallisant par des choix d’options ou de
filières irréversibles. La situation est moins figée quand on se contente de
constituer des groupes de besoin ou des groupes de niveaux limités à des
activités de remédiation ponctuelle, ce que les Anglais appellent le setting,
par opposition au streaming et ses groupes de niveau plus durables, même
si c’est toujours l’idéal de l’homogénéité des classes qui oriente ces
diverses pratiques très répandues dans le monde anglo-saxon. Quoi qu’il en
soit, les classes de niveau constituent des milieux d’apprentissage (censés
être calés sur les aptitudes des élèves) et de socialisation (très articulés avec
le milieu social de ces derniers), qui fonctionnent largement sur le mode de
la prophétie qui se réalise d’elle-même : affectant la confiance en soi,
confortant l’explication des difficultés et des réussites par des facteurs
innés, elles augmentent les écarts entre les élèves initialement les plus forts
et les plus faibles et exacerbent ainsi les inégalités scolaires et sociales
(Mazenod, 2021). Pour les mêmes raisons, les dispositifs pédagogiques qui
entendent s’adapter à la diversité des élèves (structures de rééducation
précoce, mais aussi la plupart des dispositifs de l’éducation prioritaire, cf.
chapitres 1 et 4) ont souvent pour effet (non voulu) de creuser les écarts
entre élèves (cf. par exemple, Bonnard et al., 2018). Étiquetage, effets
d’attente et création de normes de groupes sont également à la racine des
différences d’acquisitions réalisées par les élèves selon qu’ils fréquentent
des classes à tonalité sociale favorisée ou populaire (avec, comme au niveau
établissement, de moins bonnes progressions dans le second cas)6. Ces
phénomènes s’observent également selon que les classes sont mixtes ou non
mixtes. Dans les disciplines scientifiques, connotées comme masculines, la
réussite des filles tend à être légèrement meilleure dans les classes non
mixtes (dans les pays anglo-saxons). Les enseignants y développent en effet
des attentes moins stéréotypées selon le sexe, et cherchent à dégager de
bons élèves y compris chez les filles. Les élèves font aussi preuve de
comportements moins stéréotypés, avec, chez les filles, des comportements
moins effacés et moins défaitistes par rapport aux disciplines scientifiques,
et chez les garçons moins de comportements antiscolaires liés à l’affichage
de sa virilité (Duru-Bellat, 2010).
À côté de ces phénomènes de nature psychosociale, une caractéristique
matérielle comme la taille de la classe s’avère de moindre importance, et ne
semble guère affecter, du moins en moyenne et de manière importante, les
acquisitions des élèves (Meuret, 2001 ; cf. aussi Woessmann, 2003). Mais
au-delà de ce constat global très stable, il faut apporter quelques nuances.
Tout d’abord, il concerne en général les performances en langue maternelle
et en mathématiques, et il n’est pas exclu (mais cela reste à démontrer) que
dans certaines disciplines comme les langues étrangères ou par rapport à
certains types de compétences (expression orale, créativité), des classes de
petite taille s’avèrent plus profitables. Par ailleurs, si la taille n’a pas
d’influence significative au niveau secondaire, les résultats sont différents
au niveau primaire, avec de meilleures progressions dans les petites classes
notamment (Monso, 2014) ; ceci ne vaudrait, mais la recherche est sur ce
point moins consensuelle, qu’en cas de forte diminution – d’au moins
5 élèves – de la taille de la classe (Piketty et Valdenaire, 2006 ; Bressoux et
Lima, 2011). C’est particulièrement vrai pour les enfants de milieu
défavorisé qui, tout comme les élèves faibles sur le plan scolaire, sont
toujours plus sensibles aux caractéristiques du contexte. Avec par
conséquent des incidences en termes de réduction des inégalités : Piketty et
Valdenaire estiment ainsi qu’en primaire, réduire la taille des classes ZEP à
18 élèves (au lieu de 21,9), en portant du même coup la taille des classes
hors ZEP, pour rester à coûts constants, à 24,16 (contre 23,3) réduirait de
40 % l’écart de performance entre classes ZEP et hors ZEP. Il reste que ces
résultats concernent des pays comme la France où la taille de la classe varie
relativement peu (entre 15 et 40 élèves) ; la prise en compte d’une palette
plus diversifiée de tailles, grâce à des comparaisons internationales, atteste
d’un effet important de cette variable : ainsi, les très grandes classes (plus
de 50 élèves), courantes en Afrique, sont peu propices aux acquisitions.
Cette question reste au demeurant complexe, comme le montraient
certains travaux anciens selon lesquels les enfants de milieu aisé
gagneraient à être scolarisés dans des classes de petite taille, alors qu’à
l’inverse les enfants de milieu populaire éprouveraient plutôt moins de
difficultés dans des classes nombreuses (Cherkaoui, 1979). Contrairement à
une logique arithmétique selon laquelle le maître aurait plus de temps à
consacrer à chacun de ses élèves dans des classes à faible effectif, cette
situation pourrait l’amener de fait à valoriser plus encore les élèves déjà
favorisés. C’est donc à nouveau une logique psychosociale qui prévaut,
sachant qu’il conviendrait aussi de s’interroger davantage sur les
pédagogies que telle taille ou telle structure de la classe incitent à mettre en
œuvre, qui constituent le paramètre dont l’influence est la plus directe. Ceci
permettrait à la fois de mieux comprendre pourquoi les politiques de
réduction de la taille des classes sont souvent si décevantes7 et de comparer
l’efficacité de ce type de politiques avec d’autres alternatives (Monso,
2014).

Le rôle des caractéristiques


institutionnelles du système
L’organisation du système scolaire, notamment l’existence de filières
plus ou moins étanches, ont également des effets à la fois académiques et
psychologiques. Les comparaisons internationales, en plein
développement dans la période récente, ont ouvert de nouvelles pistes de
recherche en révélant une grande variété dans la manière dont les
systèmes organisent les parcours des élèves (définition du temps scolaire,
autonomie des acteurs, modalités de certification, regroupement dans les
classes et les établissements…). Un paramètre important concerne l’âge
aux premières orientations et la durée du tronc commun. Au niveau
secondaire, l’existence de filières ou d’établissements offrant des cursus
diversifiés, dès l’âge de 11-12 ans, avec par conséquent une sélection
précoce, est associée à des performances plus médiocres chez les élèves,
et aussi à des inégalités sociales plus marquées que dans les structures
indifférenciées proposant un cursus identique pendant les trois ou
quatre premières années du secondaire (Le Donné, 2014a ; Felouzis et
Charmillot, 2012 ; Blossfeld et al., 2016). Sélectionner tôt les élèves
n’est donc pas un gage d’efficacité, et par ailleurs compromet l’équité.
Contrairement à une idée reçue, il n’y a donc pas à arbitrer entre
efficacité et équité : ce sont les mêmes structures pédagogiques qui
permettent à la fois d’atteindre un niveau de performances élevé et de
réduire les inégalités entre élèves (Van de Werforst et Mijs, 2010). Les
réformes introduites en Pologne en 1999 constituent à cet égard une
expérience en vraie grandeur : le report à 16 ans du premier palier
d’orientation s’est traduit à la fois par une élévation du niveau des élèves
et une réduction des inégalités (Le Donné, 2014b).
Si les structures indifférenciées s’avèrent plutôt moins sélectives (Duru-
Bellat et al., 2004 ; Mons, 2007 ; Green, 2008 ; Van de Werforst et Mijs,
2010), l’existence de classes de niveau au sein d’un système formellement
unifié peut contrecarrer cet effet égalisateur d’un tronc commun ; la
situation française apparaît ainsi moins égalitaire que dans les autres pays à
structure indifférenciée (notamment les pays scandinaves), même si elle
l’est davantage que dans les pays ayant conservé une structure à filières
(OCDE, 1997).
L’impact égalisateur des structures unifiées s’explique par trois grandes
raisons. Tout d’abord, elles retardent, par définition, les spécialisations ou
les orientations irréversibles, ce qui serait moins dommageable pour les
élèves connaissant des difficultés passagères ou précoces, comme c’est
souvent le cas pour les élèves de milieu défavorisé. Les structures
indifférenciées promeuvent également des programmes plus ambitieux pour
tous et ce pendant une période plus longue. Enfin, ces structures où les
élèves sont scolarisés dans des classes hétérogènes sur le plan social tendent
à homogénéiser leur socialisation quotidienne. C’est d’ailleurs le souci
politique de doter tous les jeunes d’un ensemble de valeurs et de
connaissances de base communes qui a poussé nombre de pays européens à
mettre en place des troncs communs. Il reste que, si l’on déplace
l’observation quelques années après la fin du collège et que l’on se focalise
sur l’insertion professionnelle, les systèmes comportant des filières
précoces et une orientation professionnelle affirmée font cette fois mieux
que les systèmes aux structures indifférenciées (Bol et van de Werfhorst,
2013). Il y aurait donc un arbitrage de fait entre l’égalité des chances à
l’aune des acquis évalués à 15-16 ans, d’une part, et de l’autre la qualité de
l’insertion professionnelle quelques années plus tard.
Le déroulement des scolarités est également affecté par les possibilités,
effectives ou non, de choix d’options ou d’établissement. Bien que ces
choix puissent apparaître avant tout d’ordre pédagogique (relevant des seuls
goûts ou compétences de l’élève), ils s’avèrent fortement marqués par des
différenciations sociales et sexuelles. Les systèmes prévoyant, avec le souci
de favoriser la liberté de l’élève, de nombreux choix s’avèrent ainsi souvent
plus inégalitaires que les systèmes proposant à tous les élèves un cursus
commun prolongé (cf. Dalsheimer-Van Der Tol, 2010 ; Le Donné, 2014a),
À l’inverse, les systèmes qui s’efforcent de réguler les choix
d’établissement (comme la procédure « Affelnet » mise en place à Paris
pour réguler les affectations au lycée) peuvent limiter quelque peu les biais
sociaux induits par la ségrégation résidentielle et les vœux des familles,
sans parvenir toutefois à éradiquer la ségrégation produite mécaniquement
par ces deux canaux (Fack et Grenet, 2016 ; Charousset et Grenet, 2022).
Pour évaluer précisément l’impact de tel ou tel facteur institutionnel, des
comparaisons internationales sont nécessaires, puisque les réglementations
sont en général uniformes au sein d’un même pays. Pour ce faire, au-delà
des pièges auxquels elles exposent (Duru-Bellat, 2012), il est heuristique
d’analyser l’impact des facteurs institutionnels (et des réformes) en
s’interrogeant sur le cadre qu’ils dressent pour les stratégies des acteurs.
Les effets pervers de certains changements institutionnels résultent souvent
de la manière dont les usagers perçoivent leur intérêt dans le nouveau
contexte, et modifient (ou non) leurs stratégies en conséquence (Boudon,
1977). Ainsi, on voit mal comment des instructions officielles pourraient
parvenir à modifier les hiérarchies qui existent de fait entre les séries ou les
options du baccalauréat (Convert, 2010), comme le suggèrent les
déclarations récurrentes sur la nécessité de diversifier les formes
d’excellence ; en effet, les stratégies de choix d’une spécialité s’inscrivent
dans un contexte de forte concurrence pour les orientations valorisées dans
l’enseignement supérieur, et tant que les processus d’admission dans les
filières du supérieur ne changent pas, ni les débouchés respectifs de ces
filières, les élèves vont chercher à se classer en accédant aux options et
spécialités de fait les plus « rentables ».

École publique ou école privée ?


À la différence des pays anglo-saxons, où les comparaisons entre écoles
publiques et privées sont légion (pour une synthèse, cf. Carbonaro et
Covay, 2010), ce n’est que depuis peu qu’on dispose, en France,
d’analyses des scolarités des élèves en fonction du secteur fréquenté
(Langouët et Léger, 1991 et 1997 ; Tavan, 2004 ; Nauze-Fichet et
Tomasini, 2004). Notons que le secteur privé se caractérise par une
grande variété. D’une part concernant sa diffusion : le pourcentage
d’élèves scolarisés dans le privé au niveau du premier degré, soit en
moyenne 13 %, varie d’environ 50 % en Vendée ou dans le Morbihan à
moins de 5 % dans les départements populaires de l’Île-de-France ou
encore la Creuse. Au niveau du secondaire, alors qu’un collégien ou un
lycéen sur cinq fréquente un établissement privé sous contrat, ce taux
dépasse 35 % à Paris et dans l’Ouest, alors qu’il est inférieur à 15 % dans
les académies de Créteil, Limoges ou encore la Corse (cf. Géographie de
l’École, 2021). Par ailleurs, le secteur privé regroupe à la fois des
établissements d’excellence et des structures d’accueil pour élèves en
grande difficulté, en passant par les écoles privées de proximité,
nombreuses dans l’Ouest. Mais quelle que soit cette variété, le secteur
privé accueille toujours un public moins défavorisé (en 2015, 20 % des
élèves de milieu populaire contre 42,5 % dans les collèges publics).
Il convient de souligner que, dans notre pays, fréquenter un établissement
du secteur privé a un impact modéré sur les acquisitions et les cursus. En
effet, la comparaison des trajectoires d’élèves soit « tout privé », soit « tout
public » (Tavan, 2004) montre qu’au niveau du primaire, et compte tenu des
différences de public, il n’y a pas de différence de progression : les élèves
du privé et du public atteignent à l’entrée en 6e un niveau comparable
(même si le niveau des élèves du privé est en moyenne supérieur, du fait du
public, plus favorisé, qu’il accueille). Au niveau du collège, à nouveau, les
différences ne sont pas très importantes ; si on n’observe pas de différences
dans les chances d’atteindre une classe de seconde (quand on tient compte
des différences de public), les élèves du privé le font un peu plus souvent au
prix d’un redoublement. Néanmoins, au total, les scolarités apparaissent très
similaires.
Mais cette absence d’effet spécifique moyen cache quelques nuances.
Une scolarisation dans le privé semble plus positive pour les enfants de
milieu populaire, dans le primaire, par rapport à une scolarité « tout
public », alors que les enfants de cadres perdent un peu à une scolarité
« tout privé », par rapport à une scolarité dans le public, notamment au
niveau du collège (Tavan, 2004). Ces constats renvoient sans doute pour
une part au fait qu’en étant scolarisés dans le privé, les enfants de cadres
perdraient à ne pas fréquenter les collèges les plus favorisés, souvent très
efficaces, alors que les enfants de milieu populaire gagneraient à ne pas
fréquenter les collèges les plus populaires, pour des raisons inverses. De
plus, l’établissement est, dans le privé, une entreprise qui accueille des
« clients » volontaires, avec un personnel tenu d’adhérer à un projet
éducatif commun, ce qui favorise la cohésion interne, cohésion elle-même
vecteur de moindres inégalités.
Par ailleurs, pour comprendre la relative homogénéisation des résultats
qu’on observe dans le privé, il faut évidemment tenir compte du public qu’il
accueille. Comme le montrent les recherches sur le choix d’une école privée
(cf. chapitre 8), ce secteur accueille des familles plus favorisées, et même de
plus en plus, à tel point qu’on peut parler, notamment depuis 2006, de
« ghettoïsation par le haut » (Merle, 2012 ; cf. aussi Givord et al., 2016) ;
ces familles sont aussi relativement homogènes (plus que dans le public) en
ce qui concerne les attitudes par rapport à la scolarité, le niveau
d’aspiration, le niveau d’implication, ce qui ne peut que favoriser, « toutes
choses égales par ailleurs », la réussite des enfants.

Un contexte plus ou moins riche


en possibilités d’études
L’élève vit dans un contexte géographique donné, qui affecte sa carrière
scolaire. En France, les écarts entre régions sont sensibles, et c’est là un
phénomène ancien. Au début du XIXe siècle, la France du Nord, qui est
aussi la France industrielle, est plus scolarisée que la France du Sud, plus
rurale, véritable « désert scolaire » (Prost, 1986). À la fin du XIXe siècle,
ce schéma se met à basculer, et à partir du début du XXe siècle, c’est la
France du Sud (au Sud d’une ligne Nancy-Bordeaux) qui est davantage
scolarisée, avec des exceptions notables au Nord, comme la région
parisienne et la Bretagne. Cela dit, les deux dernières décennies ont vu un
certain brouillage du clivage Nord-Sud, et un net resserrement des taux
d’accès au baccalauréat. En 2019, les académies où, pour un élève de 6e,
les chances d’obtenir un baccalauréat quel qu’il soit sont les plus élevées
sont Paris et Versailles (autour de 81 %), suivies des académies de
Rennes et Toulouse, alors que ce chiffre est plus faible (moins de 71 %)
dans les académies d’Amiens, ou de Besançon et Dijon, soit une
fourchette d’une dizaine de points en France métropolitaine (NI 20.10).
De fait, toutes les caractéristiques de l’« offre » scolaire – qu’il s’agisse
du poids des filières professionnelles, ou de l’apprentissage, mais aussi
du secteur privé ou encore la structure de l’enseignement supérieur –
varient sensiblement d’une région à l’autre8. Pourquoi de telles
disparités ? Une variété de facteurs intervient, tant du côté de la demande
que du côté de l’offre de formation (non sans rapport avec l’offre
d’emploi).
Tout d’abord, les régions (et, à un niveau plus fin, les cantons ou les
communes) ont des structures sociales relativement différentes, avec des
conséquences sur le profil des élèves et par là même leurs chances de
réussite ; ainsi, dès le niveau du primaire, le pourcentage d’élèves en retard
est sensiblement plus élevé dans l’académie de Créteil (relativement
populaire) qu’à Paris. En outre, la composition sociale du public scolaire
peut, en elle-même, affecter les représentations dominantes de l’avenir :
dans une région où, du fait du fort poids des enfants de cadres, le niveau
d’aspiration des jeunes est en moyenne élevé, c’est toute l’image du
parcours scolaire « normal » qui s’en trouve affectée, « tirant » vers le haut
les projets des enfants des groupes sociaux en général moins ambitieux. Les
écarts géographiques de scolarisation sont donc plus forts pour les enfants
d’ouvriers que pour les enfants de cadres.
Pour savoir si ces phénomènes tenant à la structure de la demande
d’éducation expliquent l’essentiel des variations géographiques constatées,
on peut construire des taux de scolarisation (ou de réussite à tel ou tel
examen) simulés ou des modélisations, estimant, par exemple le
pourcentage de jeunes qu’on s’attendrait à voir scolarisés dans telle ou telle
académie, compte tenu de la structure sociale de sa population, s’il n’y avait
aucune particularité locale (DEP, 2003 ; Léger, 2004). Ces calculs montrent
que la variété des structures sociales entre régions ou entre zones
géographiques (urbaines versus rurales notamment) est loin de pouvoir
expliquer l’intensité de la scolarisation, et qu’il existe bien des spécificités
locales, certaines régions apparaissant, par rapport aux caractéristiques de
leur population, sur ou sous-scolarisées ou en sur ou sous-réussite (Murat,
2021b). C’est ainsi que malgré une population favorisée, l’Ouest de l’Île-
de-France n’apparaît pas spécialement performant, le grand quart Nord-
Ouest du pays l’étant lui bien plus.
Au-delà des grandes zones géographiques, les performances des élèves, à
l’entrée au collège ou à l’issue de celui-ci, semblent davantage varier à
l’échelon du département (Broccolichi et al., 2007 ; voir aussi Broccolichi
et al., 2010 ; Murat, 2021a). Quand on tient compte des caractéristiques des
élèves, certains départements apparaissent en « sur » ou « sous » réussite en
regard à ce qui serait attendu vu leur public. Les premiers sont plutôt des
départements peu urbanisés du Massif central, du Sud-Ouest et de l’Ouest, et
où, pour des raisons historiques diverses, la ségrégation spatiale et scolaire
est peu marquée (c’est le cas par exemple de la Loire). À l’opposé, les
départements où la « sous »-réussite est la plus nette sont concentrés dans
les zones urbaines bien plus ségréguées, et en particulier en Île-de-France,
ou dans le pourtour méditerranéen. Mais il faut souligner que même si les
performances des élèves, en fin de 3e notamment, varient au total assez peu
selon les zones géographiques (quel que soit notamment leur niveau de
ruralité), les parcours scolaires sont quant à eux bien plus inégaux d’une
zone à l’autre : l’accès à un second cycle long général ou technologique est
moins fréquent dans les territoires ruraux et les petites villes (avec un écart
dans les taux de passage pouvant aller jusqu’à 10 points), quelles que soient
leurs caractéristiques scolaires ou sociales, malgré parfois un niveau de
performances scolaires en fin de 3e légèrement plus élevé (Murat, 2021a ;
Pirus, 2021).
La relation entre niveau scolaire et orientation varie donc selon les zones
et pour comprendre ce phénomène, il faut explorer d’autres caractéristiques
du contexte local, qui constituent autant de ressources pour l’enseignement.
Certaines sont réparties de manière très inégalitaire ; c’est le cas des
dépenses par élève allouées par les collectivités locales à l’enseignement
(par exemple, la dépense par collégien varie de 1 à 3 selon les académies),
les taux d’encadrement des élèves aux divers niveaux, la répartition des
enseignants par âge ou statut. Autant de facteurs qui influent sur la qualité
de ce que l’école propose aux élèves dans leur milieu de travail quotidien
(CNESCO, 2018). Comme pour tout ce qui concerne les effets de contexte,
ce sont les enfants des milieux les plus défavorisés qui sont le plus affectés
par ces inégalités tenant au lieu où ils sont scolarisés, sachant en outre
qu’ils bénéficient en moyenne des contextes les moins favorables à la
réussite, si on considère le profil des enseignants (notamment plus de
débutants), facteur majeur de l’efficacité de l’enseignement. Ainsi, la Cour
des Comptes a dénoncé en 2016 le fait que, globalement, l’État ait dépensé,
en 2010, 47 % de plus pour un lycéen parisien que pour un lycéen de
banlieue. Cet écart très fort tient notamment aux structures, très différentes,
du corps enseignant, plus « gradé » et plus âgé dans Paris intra-muros ; car
sinon, au niveau national, davantage de postes sont alloués en moyenne aux
élèves de milieu défavorisé (France Stratégie, 2017 ; cf. aussi CNESCO,
2016).
De fait, les inégalités tenant aux contextes de scolarisation sont sous-
tendues par toute une dynamique, où en particulier l’existence de publics
uniformément défavorisés fait que les enseignants y sont plus jeunes et
moins stables, une mobilisation durable ne pouvant donc s’y développer.
Les inégalités entre contextes résultent alors de tensions, durcies par le
contexte de concurrence qu’alimente la ségrégation elle-même, entre des
enseignants qui évitent quand c’est possible les contextes les plus difficiles
et des élèves qui se sentent stigmatisés. Ceci engendre des processus
cumulatifs, puisque face à des inégalités fortes entre zones, les élèves qui le
peuvent fuient également ces zones, et cette « spirale d’évitement »
(Broccolichi et al., 2007) ne peut qu’accentuer les inégalités et dégrader la
qualité de la vie et de l’offre scolaires dans les zones désertées.
L’offre dépend également de paramètres exogènes. D’une part, elle est
modulée selon le public environnant, avec par exemple davantage de
structures pédagogiques pour élèves en difficulté dans les zones au public
populaire ou plus de sections internationales dans les zones urbaines très
favorisées (Maugis et Stefanou, 2021). Le contexte du quartier est
également important (Kamanzi et al., 2021). Ce qu’on appelle les « effets
de quartier » sont un composite d’interactions sociales et de ressources
matérielles de l’environnement qui affectent les parcours scolaires des
jeunes, en particulier leur motivation scolaire et leur persévérance,
autrement dit le fait de ne pas « décrocher ». Au sein des quartiers
populaires, des normes plus ou moins favorables à une scolarité suivie, des
modèles de comportements qui peuvent inciter à la déviance, prennent
autant plus d’importance que les ressources socioculturelles et, en négatif,
les stigmates de la pauvreté.
Enfin, la répartition particulière des établissements de formation n’est pas
sans rapport avec le contexte économique et les particularités de l’emploi
local. Quand il s’agit de comprendre les orientations des élèves, l’offre
exerce un rôle attractif spécifique : quand il existe des possibilités de
scolarisation dans telle ou telle voie (possibilités qui peuvent perdurer bien
au-delà des besoins du marché du travail), ces places finiront par être
pourvues, quelle que soit la demande. Les chefs d’établissements veillent à
ce que les filières existantes trouvent preneurs, et ils gèrent soigneusement à
la fois leur propre recrutement et la concurrence avec les établissements
voisins (Masson, 1997). Par ailleurs, les élèves intègrent dans leurs projets
les possibilités de formation et d’emploi locales, et déterminent leur cursus
en conséquence ; c’est vrai en particulier pour les élèves de milieu modeste,
qui s’avèrent fortement dissuadés par une offre éloignée (Duru-Bellat et
Mingat, 1989 ; Pirus, 2021), alors même que la distance entre le domicile
de l’élève et le collège n’a pas d’impact spécifique sur la performance. Le
contexte économique global importe également, en particulier la structure
des emplois locaux ; on peut alors comprendre que les parents des zones
rurales ou des petites villes valorisent davantage, pour leur enfant,
l’obtention d’un diplôme professionnel que les parents des grandes villes,
qui, face à une concentration d’emplois qualifiés, visent plus un diplôme du
supérieur, sans que l’on puisse conclure, en l’occurrence, à des ambitions
plus (ou moins) modestes (Pirus, 2021).
L’influence diffuse du marché de l’emploi local s’articule donc avec celle
de l’offre locale, particulièrement visible lors de l’accès à l’enseignement
supérieur. Dans les villes moyennes où existent certaines possibilités
d’études supérieures, les choix des bacheliers, notamment des moins
favorisés d’entre eux, tendent à se concentrer sur ces filières (Orange,
2010). En la matière, les facteurs économiques interviennent, puisqu’un
étudiant coûte beaucoup moins cher à ses parents quand il est scolarisé sur
place. Alors qu’on favorise l’implantation de certaines filières universitaires
dans des villes moyennes, cela affecte surtout les choix des étudiants les
moins fortunés, avec une forte restriction des choix en faveur des filières
existant sur place ; même si certains de ces étudiants n’auraient peut-être
pas fait d’études supérieures en l’absence de solution locale, et même si,
dans certains cas, le taux de réussite s’y avère plus élevé (Erard et al.,
2016), le risque apparaît réel d’une université à « deux vitesses » sur le plan
social (Duru-Bellat et al., 1994). L’offre en matière de grandes écoles est
encore plus inégale non seulement selon la taille des communes mais en
fonction de la région, avec pour conséquence que le taux d’accès à une
grande école varie de 13,9 % parmi les collégiens parisiens à 5,1 % pour les
collégiens habitant hors de l’Île-de-France, les collégiens d’Île-de-France
hors Paris se situant à un niveau intermédiaire (Bonneau et al., 2021).
Cet impact de l’offre est en général sous-estimé par les acteurs, qui
mettent en avant les motivations pour tel ou tel type d’études : « ici, on est
attiré par telle profession », dira-t-on là où la filière qui y correspond est
très répandue. On résiste à l’idée que l’offre génère son public. Ainsi, les
structures spécialisées pour « enfants à problèmes » sont considérées
comme répondant aux besoins d’un public spécifique. Pourtant, c’est bien
leur mise en place qui crée comme pathologique ce qui n’était pas lu
comme tel : « le cancre en orthographe laisse place au dysorthographique »
(Pinell et Zafiropoulos, 1978), un constat qui se vérifie aujourd’hui avec le
développement de l’offre de rééducateurs de tous ordres (Garcia, 2013 ;
Morel, 2014).

Conclusion
Alors que les élèves sont scolarisés dans des contextes très divers – ce
qui remet en cause l’image convenue d’une institution scolaire
homogène – les caractéristiques de ces contextes influent
significativement sur le déroulement des cursus et les inégalités
afférentes. Certes, cette influence du contexte s’exerce à la marge des
caractéristiques personnelles, et elle est en moyenne modérée. Mais elle
s’avère particulièrement importante pour certaines catégories d’élèves
(élèves fragiles, élèves de milieu populaire), qui à la fois ont moins de
latitude pour choisir leur contexte et sont plus sensibles à sa qualité, une
qualité qui s’avère en moyenne moins bonne. De fait, une part
substantielle de l’avantage dont bénéficient les enfants de milieu aisé
dans leur scolarité vient de leur accès à des établissements offrant de
meilleures conditions de travail (bonne couverture des programmes,
enseignants plus expérimentés, attentes plus élevées, climat plus calme,
etc.). À l’inverse, l’instauration d’un climat propice aux progressions et
permettant une expérience scolaire positive semble plus difficile quand le
public accueilli est moins favorisé et a fortiori quand ceci se double
d’une forte ségrégation. L’accès à tel ou tel contexte de scolarisation est
ainsi un vecteur d’inégalités sociales, qui vient se cumuler avec l’impact
des caractéristiques socio-économiques de l’élève, d’autant plus que
certaines familles déploient des stratégies pour choisir le meilleur
contexte pour leur enfant. L’école participe donc elle-même à la création
de formes spécifiques de ségrégation, par certaines pratiques comme le
groupement des élèves et plus largement par l’inégalité de qualité de
l’« offre » proposée (qui tend à être systématiquement moins bonne dans
les zones populaires ; cf. Kamanzi et al., 2021) ; joue également
l’implantation de l’offre elle-même comme le montre par exemple
l’implantation des grandes écoles ou, à l’autre bout du spectre scolaire,
des filières destinées aux élèves en difficulté comme les Segpa.
Les comparaisons internationales apportent des confirmations régulières
de ce rôle propre de l’organisation scolaire ; en particulier, elles démontrent
que des structures pédagogiques unifiées ainsi qu’une certaine
standardisation des exigences et des règles permettent de contenir l’ampleur
des inégalités sociales, soulignant ainsi que celles-ci n’ont rien d’une
fatalité (Van de Werfhorst et Mijs, 2010). Toujours au niveau international,
il existe une corrélation entre l’ampleur de la ségrégation sociale entre
établissements (autrement dit, la faiblesse de la mixité sociale) et l’ampleur
des inégalités sociales de performance entre les élèves (Givord, 2019). Les
évolutions récentes constatées vont d’ailleurs dans ce sens : les systèmes
éducatifs qui ont réduit leur niveau de différentiation et de ségrégation ont
vu les performances des élèves les plus défavorisés s’améliorer sans que
celles des plus favorisés en soient affectées (Blossfeld et al., 2016).
Dès lors que l’accès à tel ou tel contexte scolaire peut avantager certains
élèves plus que d’autres, on est face à des enjeux de nature politique : les
comportements d’évitement résidentiel et scolaire de certains parents
participent de fait à une forme de discrimination (que l’on dira systémique)
dès lors que les contextes de scolarisation ségrégués qui en découlent font
l’objet d’un traitement inégal par l’institution scolaire, avec à la clé des
effets néfastes sur les performances et les parcours des élèves les plus
défavorisés. Mais toutes les réformes visant à l’égalisation des contextes
vont rencontrer des résistances. C’est le cas de la politique de mixité
scolaire, mise en avant ces dernières années avec pour objectif d’égaliser
les acquis et plus largement l’expérience scolaire des élèves. Pourtant, et
même s’il est difficile d’en déterminer le niveau optimal, promouvoir plus
de mixité sociale dans les établissements constitue une piste incontournable
en termes de justice sociale puisque rien ne peut justifier que l’offre scolaire
soit de meilleure qualité dans certains contextes ; c’est aussi une piste
potentiellement efficace, puisque, si modéré quantitativement que soit
l’impact du contexte, celui-ci est « manipulable », plus aisément en tout cas
que les inégalités entre familles. Rendre les contextes d’enseignement plus
équivalents, c’est aussi les rendre plus également attractifs pour les
personnels, plus formateurs pour les élèves eux-mêmes, et plus également
acceptables par les parents.
Mais autour de la mixité sociale des établissements comme autour de la
constitution des classes, des tensions peuvent exister entre certains intérêts
privés et l’intérêt général : les plus favorisés des parents ont intérêt à une
absence de mixité ou à des classes de niveaux – leur enfant sera dans des
établissements « côtés » et plus souvent dans des classes de niveau fort –,
alors qu’au niveau global ces formes de ségrégation nuisent à
l’homogénéité des acquis de l’ensemble d’une classe d’âge. Il va donc
falloir résister aux pressions du « local » et aux désirs d’autonomie, une
autonomie qui peut devenir un vecteur pour de nouvelles différenciations
sociales, ce que confirment les comparaisons internationales montrant une
certaine corrélation entre décentralisation et ampleur des inégalités entre
élèves (Mons, 2007). Au niveau politique, une régulation est d’autant plus
nécessaire, et la priorité devrait être d’égaliser les conditions de
scolarisation de tous les élèves, quelles que soient les pressions des usagers,
pour qu’ils puissent tous avoir l’opportunité de réaliser des acquis et une
expérience scolaire de qualité égale.

Orientation bibliographique
BRESSOUX P., 2009, « Des contextes scolaires inégaux : effet-
établissement, effet-classe et effet du groupe de pairs », in Duru-Bellat
M., van Zanten A. (dir.), Sociologie du système éducatif, Paris, PUF
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BROCCOLICHI S., BEN AYED C., MATHEY-PIERRE C., TRANCART D., 2007,
« Fragmentations territoriales et inégalités scolaires : des relations
complexes entre la distribution spatiale, les conditions de scolarisation et la
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DURU-BELLAT M., LANDRIER-LE BASTARD S., PIQUÉE C., SUCHAUT B.,
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lycée et à l’école primaire », Revue française de sociologie, vol. 45, no 3,
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niveau par les collèges : les effets pervers d’une pratique à visée
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KAMANZI P.C., UZENAT M., ST-ONGE M., 2021, « Dynamiques
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pédagogie, no 210, 113-138.
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MONSO O., FOUGÈRE D., GIVORD P., PIRUS C., 2019, « Les camarades
influencent-ils la réussite et le parcours des élèves ? », Éducation et
formation, no 100, 2352.
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territoires », Éducation et Formations, no 102, 333-366.
TAVAN C., 2004, « École publique, école privée. Comparaison des
trajectoires et de la réussite scolaire », Revue française de sociologie,
vol. 45, no 1, 133-165.
VAN DE WERFHORST H., MIJS J., 2010, “Achievement inequality and the
institutional structure of educational systems”, Annual Review of Sociology,
36, 407-428.
Chapitre 6
Les programmes, les pratiques
pédagogiques et les normes
d’excellence
Après des analyses se situant à un niveau macrosocial, les deux chapitres
précédents ont montré combien l’insertion de l’école dans son
environnement, ou les prestations qu’elle offre revêtaient une grande
variété. Les chapitres qui suivent se centrent sur les acteurs et les pratiques
qui font vivre le système, et ce déplacement de focale vers le niveau
« micro » correspond à une tendance lourde de la sociologie des dernières
décennies, valorisant l’analyse de la manière dont les acteurs négocient des
définitions de la réalité, et ce faisant construisent à la fois ce qui apparaît à
un moment donné comme l’« ordre social » et leur propre identité
individuelle. La nature et le choix des contenus transmis à l’école, les
modalités de cette transmission et de la construction des verdicts scolaires
deviennent autant de questions importantes, même si la sociologie de
l’éducation, longtemps focalisée sur la sélection et la certification réalisées
par l’institution scolaire, a eu tendance à négliger ce qui en constitue
pourtant la spécificité, la transmission des savoirs (Lahire, 1999 ; Forquin,
2008), bref à privilégier sa fonction sociale par rapport à sa fonction
culturelle.
Néanmoins, l’interrogation sur les contenus de formation est déjà
présente chez Durkheim : dans L’évolution pédagogique en France (1938),
les programmes et les idéaux pédagogiques sont considérés comme des faits
sociaux situés et datés, qu’on ne peut comprendre qu’en référence aux
valeurs dominantes et aux évolutions sociales marquées notamment par des
conflits entre groupes pour le contrôle de l’institution scolaire (Chapoulie,
2010).
La genèse sociale des savoirs
scolaires

Comment se construisent
les programmes ?
Pour la sociologie de la connaissance, nous ne connaissons pas le monde
tel qu’il est mais tel que nous l’appréhendons à travers un cadre
conceptuel relevant d’une construction sociale (Berger et Luckman,
1966). Ceci vaut pour la science, comme pour les contenus de formation.
À partir de la fin des années 1960, le sociologue britannique M. Young
lance une « sociologie du curriculum » – appelée en Grande-Bretagne
« nouvelle sociologie de l’éducation » –, avec un ouvrage au titre
emblématique : Knowledge and Control (1971). Cette nouvelle
sociologie des programmes scolaires s’intéresse à ce qui est considéré
comme une connaissance, à un moment donné, dans telle société, ainsi
qu’à la manière dont y est sélectionné le savoir qu’on estime digne d’être
transmis dans telle ou telle filière et dont on définit les destinataires
légitimes de ces enseignements. L’hypothèse est que les programmes
ainsi construits, de même que, plus largement, les valeurs incorporées
dans les savoirs scolaires ou dans les styles pédagogiques, contribuent à
maintenir les hiérarchies sociales. On débouche alors sur la
problématique du contrôle social, et ainsi conçue, la sociologie des
contenus de formation participe non seulement d’une sociologie de la
connaissance mais aussi d’une sociologie du pouvoir.
Des programmes scolaires au curriculum caché
Précisons d’abord certains termes. Le terme curriculum désigne
l’ensemble des situations pédagogiques vécues au cours d’un cursus donné
(Forquin, 1990). On renvoie ainsi au programme de formation, donc à ce
qui est censé être transmis officiellement : c’est le curriculum formel. On
parlera de curriculum réel pour désigner ce qui est effectivement transmis
ou ce que les élèves apprennent réellement. Mais « tout ce qui est appris à
l’école n’est pas explicité dans le curriculum formel » (Perrenoud, 1994) :
on parle alors de curriculum caché.
Le curriculum définit, en délimitant les contenus qui seront transmis par
voie scolaire, ce qui est reconnu comme de l’ordre du savoir, et doté d’une
valeur éducative, et, « en creux », ce qui est de l’ordre du savoir-faire ou de
la « recette », et laissé aux hasards de la socialisation diffuse réalisée
notamment dans la famille. Par exemple, on enseignera la biologie de la
reproduction mais on ne dira pas un mot de l’éducation des nourrissons.
Plus largement, le curriculum transmet aussi des schèmes de pensée,
modelant la façon dont les individus formés « à la même école » vont lire et
traiter la réalité. À travers des automatismes de raisonnement ou de
vocabulaire, ou de grilles pour résoudre les problèmes, l’école dote les
élèves d’un mode de fonctionnement intellectuel permettant la
communication et la reconnaissance sur la base d’un « sens commun »
constituant l’« habitus cultivé » d’une époque (Bourdieu, 1967).
En outre, le curriculum réel véhicule implicitement des valeurs morales.
C’est parfois tout à fait explicite, comme à l’heure de la fondation de
l’école républicaine, qui visait à forger une citoyenneté nationale et à
inculquer une morale laïque. C’est également très clair dans le socle
commun de connaissances, de compétences et de culture entré en vigueur
dans les écoles françaises en 2015. Ainsi, le domaine 3 « la formation de la
personne et du citoyen », présente l’école comme devant permettre à l’élève
« d’acquérir la capacité à juger par lui-même, en même temps que le
sentiment d’appartenance à la société », ou, relativement au domaine 2,
intitulé « les méthodes et outils pour apprendre », il est écrit que leur
maîtrise « développe l’autonomie et les capacités d’initiative », « favorise
l’implication dans le travail commun, l’entraide et la coopération ». On
pourrait aussi citer le domaine 5, « les représentations du monde et l’activité
humaine », devant permettre « la formation du jugement et de la sensibilité
esthétique » ou encore ouvrir à l’altérité. Mais les valeurs morales
s’expriment également par des normes de comportement. Les programmes
des écoles primaires de 1832 l’expriment sans ambages : arriver à l’heure,
renoncer au jeu pour entrer en classe, observer le silence, tout ceci oblige
l’élève à « une série de petits triomphes sur ses penchants » (Vincent,
1980). Le socle commun de 2015 y fait aussi référence. Par exemple, en
présentation du domaine 1 du socle commun de connaissances, de
compétences et de culture, « les langages pour penser et communiquer », il
est précisé que via la maîtrise des langages des arts et du corps, l’élève
apprendra « le contrôle et la maîtrise de soi ». De même, la structuration du
temps – rythmes quotidiens de la classe, organisation en année –, véhicule
l’idée de programmation et de prévisibilité des activités, cette « rationalité
scolaire » préparant « la rationalité économique et la rationalité politique
propres au système social qui en constitue la matrice commune » (Verret,
1975).
Le curriculum caché, c’est aussi toute une conception de l’intelligence et
du travail intellectuel : les élèves apprennent à trouver normal d’être sans
arrêt comparés et classés, et que ces classements débouchent sur une
hiérarchie relativement stable, révélant une compétence générale objective
et mesurable, répartie selon une courbe « en cloche ». On apprend aussi que
c’est à travers le travail individuel et dans une situation de compétition que
cette intelligence se révèle, ou encore, à assimiler apprentissage et écoute
(souvent relativement passive) du maître. On intériorise également la
valorisation de certaines activités (en apprenant à lire, on perçoit que lire est
une valeur), ainsi que les qualités morales nécessaires à leur maîtrise ; par
exemple, dans les manuels du début du siècle, l’écriture est censée former
« un élève attentif, soigneux, appliqué, respectant jusque dans le détail de
ses gestes les façons de faire qui lui sont imposées » (Vincent, 1980). Enfin,
le curriculum caché incorpore des jugements de valeur implicites sur
l’importance respective des disciplines ; les élèves perçoivent vite d’eux-
mêmes les hiérarchies entre matières principales et secondaires (Dubet,
1991), ou encore, dans l’enseignement technologique ou professionnel, la
hiérarchie entre travail « intellectuel » et travail « manuel », qu’a longtemps
reflétée l’opposition entre blouse blanche et blouse bleue (Grignon, 1971).
Depuis les dernières décennies, au collège, l’ordre hiérarchique des
différentes disciplines semble se brouiller quelque peu, dès lors que toutes
sont censées prendre leur part dans l’éducation et l’épanouissement des
élèves ; c’est ainsi que les disciplines artistiques ou l’éducation physique et
sportive sont davantage valorisées. L’accent mis sur la nécessaire
interdisciplinarité vient également relativiser l’ordre disciplinaire
traditionnel (Baluteau, 2005).
Parler de curriculum caché amène à expliciter en quoi tout programme
d’instruction incorpore une visée éducative plus large, sans suggérer que
certains éléments sont cachés à dessein. L’essentiel des analyses du
curriculum rejoignent néanmoins les théories de la correspondance (cf.
chapitre 10), en ce sens que les attitudes inculquées par l’école sont censées
correspondre aux besoins de la société. Par exemple, si on promeut dès
l’école primaire un rapport très distancié au langage (un langage-objet à
décortiquer et manipuler d’un point de vue phonologique ou grammatical),
c’est parce que ceci correspond aux formes dominantes d’exercice du
pouvoir, où la maîtrise des relations sociales exige celle de pratiques
langagières favorisant l’objectivation et un rapport réflexif au monde
(Lahire, 1993 ; cf. aussi Bautier, 2001). Autre exemple, dans les classes
préparatoires et les grandes écoles censées former les futures élites de la
nation, les visées de socialisation – inculquer des attitudes et des « savoir-
être » –, et aussi de légitimation – développer l’esprit de corps et convaincre
qu’on est bien à sa place – pèsent parfois plus lourd, dans la détermination
des contenus, que les exigences techniques du marché du travail (Bourdieu,
1989 ; Tenret, 2011). « Lieu de socio-genèse des habitus », les classes
préparatoires en particulier produisent les dispositions adaptées à la
« jeunesse dominante », notamment travailler dans l’urgence, qui devient
« un mode normal d’écoulement du temps » auquel s’adaptent mieux les
élèves issus des milieux sociaux favorisés (qui composent la majorité des
effectifs des classes préparatoires) que les élèves d’origines plus modestes
(Darmon, 2013).
Sélectionner les éléments du programme, et le rendre assimilable par les
élèves
Les programmes officiels ne reflètent pas fidèlement la lente
accumulation des savoirs, mais résultent en fait d’un processus de sélection
et de réorganisation permanentes, qui passe par des luttes entre groupes
(politiques, spécialistes des disciplines, représentants du patronat…) ayant
des intérêts propres à défendre1. Dans l’élaboration des programmes, les uns
valoriseront avant tout le contenu culturel, d’autres les exigences de la vie
économique. Ou encore, au sein même d’une discipline comme le français,
les rapports de force entre spécialistes feront que les apports de la
linguistique occuperont tel ou tel poids par rapport aux contributions plus
classiques de la littérature (Ropé, 1994 ; sur les querelles disciplinaires
autour de l’apprentissage de la lecture cf. Garcia et Oller, 2015). Dans la
définition des programmes d’histoire, des débats prendront place, fondés
sur le type de citoyenneté que cette discipline est censée promouvoir
(Legris, 2010).
L’existence même des diverses disciplines ne peut être entièrement
expliquée par des nécessités épistémologiques, mais tout autant par des
circonstances sociohistoriques précises. Ainsi, au cours du XIXe siècle, la
structuration progressive de la grammaire comme matière scolaire répond
au souci de codifier et de légitimer l’orthographe, dans un contexte de
centralisation et de « normalisation » culturelle et politique (Chervel, 1977).
C’est dans ce contexte qu’on « scolarise » la géographie, tant connaître son
pays est un enjeu fort dans une perspective d’unité nationale. Aujourd’hui,
c’est l’insertion dans l’Europe qui conduit les concepteurs des programmes
d’histoire, géographie et instruction civique à repenser en conséquence cette
formation du citoyen qui constitue leur objectif essentiel (Audigier, 2003).
À côté des nécessités sociopolitiques qui peuvent présider à l’émergence
d’une discipline, les « besoins de l’économie » sont parfois mis en avant,
par exemple lors de l’introduction, dans les collèges, de l’enseignement de
la technologie ou de l’informatique, ou lors des réformes des contenus
d’enseignement comme pour les sciences économiques et sociales
(Martinache, 2018). Si les disciplines apparaissent et se transforment par le
jeu de facteurs sociaux variés, on observe qu’une fois instituées, et par
ailleurs figées dans les manuels, elles tendent à se perpétuer. Elles
deviennent alors de véritables corporations ayant des intérêts à défendre (ce
dont témoignent les réactions que suscitent toutes les réformes modifiant la
place respective des disciplines), et devant sans cesse redéfinir et maintenir
les frontières avec les autres (Esland, 1971). Mais les contenus peuvent
aussi être définis, non pas par rapport à des savoirs disciplinaires, mais par
rapport à des situations ou des tâches censées exiger des compétences
spécifiques. C’est le cas dans l’enseignement technologique ou
professionnel, mais c’est aussi de plus en plus le cas dans le secondaire et le
supérieur, sachant que cette notion de compétence peut renvoyer à des
perspectives humanistes – au-delà des disciplines scolaires, chaque élève
doit pouvoir développer ses potentialités –, ou plus utilitaristes, réorientant
les curricula vers des performances étroites (Broadfoot et Pollard, 2006), ce
qui peut se retourner contre les apprentissages eux-mêmes (Crahay, 2006).
L’introduction des compétences dans le cadre des réformes curriculaires au
Québec s’est par exemple d’abord traduite par une tentative
d’institutionnalisation de la « pédagogie invisible » (cf. infra) puis par une
gestion par les résultats et des orientations plus instrumentales (Mathou,
2019). En tout cas, sa prégnance de plus en plus forte n’est pas sans lien
avec une exigence croissante de rationalisation, d’efficacité et d’évaluation
au sein des systèmes éducatifs. Elle exprime aussi le besoin de redéfinir les
contours de la culture scolaire et les difficultés à le faire : dès lors que
l’école s’est largement ouverte, les programmes conçus pour initier une
petite élite à des savoirs académiques ne peuvent constituer la base de ce
qu’on désigne sous le vocable de culture commune ou de « life skills »
(compétences pour la vie) dans la mouvance anglo-saxonne (et les enquêtes
internationales comme PISA).
Actuellement, les connaissances, la formation, l’information sont
considérées comme de nouvelles « matières premières » de l’économie,
dont les États peuvent se servir dans la compétition économique
internationale. Les organismes internationaux, en premier lieu l’OCDE, qui
s’intéresse à ce qui favorise l’expansion économique, jouent un rôle
important dans la diffusion de nouvelles visées éducatives, notamment par
la diffusion de recommandations. L’Union européenne influence aussi très
largement les changements curriculaires récents. Concernant le « socle
commun » français, il est fait explicitement référence aux recommandations
européennes (Harlé, 2010). La notion de compétence s’inscrit dans le cadre
d’un nouveau lexique utilisé pour penser le travail sur la période
contemporaine, aux côtés de « flexibilité », « adaptabilité »,
« polyvalence », « formation tout au long de la vie », et l’on relève que le
mot « compétence » s’est diffusé dans le système éducatif au moment où les
entreprises l’ont intégrée comme principe de définition du travail et des
carrières (Mangez, 2008). Une littérature très critique des transformations
actuelles émerge, pointant un recul de la puissance de l’État au sein de
l’école, au profit d’acteurs économiques et/ou locaux. La logique de la
compétence dans l’enseignement apparaît, dans cette perspective,
impossible à comprendre si on ne la replace pas dans le contexte
d’émergence d’une « nouvelle école capitaliste » (Laval, Vergne et al.,
2012).
L’introduction du socle commun est le résultat en France de l’action du
Haut conseil de l’éducation (HCE), qui va se servir des travaux de la
Commission européenne et de l’OCDE pour construire et défendre une
nouvelle conception transdisciplinaire des savoirs scolaires (Bautier et al.,
2017). Avec le socle commun, auquel les programmes scolaires doivent se
rattacher, le collège unique semble disposer d’objectifs d’enseignement
unitaires, dont l’effet sur la réduction des inégalités d’éducation est
incertain. Le premier socle commun, dit « de connaissances et de
compétences » et instauré par la loi Fillon de 2005, est assis sur quatre
domaines : la maîtrise de la langue française, la maîtrise des principaux
éléments de mathématiques, une culture humaniste et scientifique
permettant le libre exercice de la citoyenneté et la maîtrise des techniques
usuelles de l’information et de la communication. Ces quatre domaines sont
précisés et complétés en 2006, avec sept piliers : maîtrise de la langue
française, pratique d’une langue vivante étrangère, compétence de base en
mathématiques et culture scientifique et technique, maîtrise des techniques
usuelles des TIC, culture humaniste, compétences sociales et civiques,
autonomie et initiative. Au sein de chacun de ces piliers de
« compétences », se définissent des « connaissances » plus précises2. En
2013, le socle commun a été revu, et la maîtrise de compétences déclinée en
cinq domaines : « le langage pour penser et communiquer », « les méthodes
et outils pour apprendre » (dont le numérique), « la formation de la
personne et du citoyen », « l’observation et la compréhension du monde »,
« les représentations du monde et l’activité humaine ». Ces cinq domaines
ne correspondent pas aux disciplines scolaires traditionnelles, ils n’ont pas
été conçus en fonction d’elles, toutes les disciplines rentrant dans tous les
domaines, ce qui peut sembler être un point fort, mais peut aussi apparaître
très ambitieux. Cette ambition vient de ce qu’à présent toute une génération
suit une scolarité complète jusqu’à la fin du collège, et qu’enseigner ce dont
tous les élèves auront besoin dans leur vie quotidienne fait figure
d’impératif.
L’histoire montre que les contenus de formation évoluent en fonction des
finalités sociales de tel ou tel segment du système scolaire. Ainsi, la vision
de la société proposée dans les manuels de lecture du cours moyen s’est
sensiblement modifiée entre 1930 et 1960 (Dandurand, 1972), avec
notamment un rétrécissement de l’univers présenté aux enfants – montée de
la famille et des amis, au détriment du monde du travail –, une valorisation
de l’imaginaire enfantin au détriment de la vie quotidienne, etc. À partir du
milieu des années 1970, les manières d’envisager l’apprentissage de la
lecture dans les écoles élémentaires ont été repensées, les aspects
techniques tendant à être minorés car vus comme de « simples » conditions
d’accès aux savoirs intellectuels plus élaborés des niveaux supérieurs de la
scolarité (Garcia et Oller, 2015). Ceci reflète des évolutions sociales
globales, mais aussi le fait que l’école primaire n’est plus que la première
phase socialisante d’une longue scolarité. Au niveau du collège,
parallèlement à son ouverture à des publics plus variés et plus exigeants
quant à la valeur utilitaire de leur formation, et aussi dans un contexte
global de développement des sciences (que l’on croit par ailleurs moins
sélectives socialement que les humanités), un profond reclassement des
disciplines a eu lieu : à l’orée des années 1990, le poids horaire donné aux
sciences est proche de celui donné aux disciplines littéraires, alors que dans
les années 1920, le rapport était de 1 à 3,6 (Baluteau, 1999). Et par ailleurs,
dès le collège et plus encore au lycée, notamment avec la notion de
compétence, on entend mobiliser les savoirs moins pour eux-mêmes qu’en
fonction des besoins et des situations. Par exemple, cette approche se
perçoit nettement dans les programmes de français entrés en vigueur en
2015 : « Tout en restant bien présente à l’intérieur des programmes, les
approches analytiques, par genres et historico-chronologiques, qui
structuraient à des degrés divers les programmes précédents, sont ici
reléguées à l’arrière-plan. De fait, l’enseignement de la littérature au cycle 3
est désormais structuré en quatre entrées qui renvoient autant (ou
davantage ?) à des attitudes ou à des savoir-être qu’à des enjeux strictement
littéraires : « se chercher, se construire », « vivre en société, participer à la
société », « regarder le monde, inventer des mondes », « agir sur le
monde » » (Clément, 2018). De même, alors que l’enseignement supérieur
s’est largement ouvert à des jeunes fortement préoccupés par leur insertion
professionnelle, la dimension strictement académique et culturelle des
formations s’estompe par rapport aux dimensions professionnelles, au
risque de nourrir chez les étudiants une approche essentiellement
consumériste et utilitariste de leurs études (Naidoo et Jamieson, 2005 ; pour
une discussion, cf. Duru-Bellat, 2006). Cela peut aussi exposer les étudiants
à de nouvelles inégalités dans l’accès aux conditions de la réussite
universitaire, ou dans la réalisation d’une insertion professionnelle en
adéquation avec les études suivies (Pinto, 2014).
Au-delà de ces sélections, qui obéissent donc autant à des contraintes
sociales de nature variée qu’à des considérations épistémologiques et
morales, le curriculum réel résulte aussi d’un travail technique de
reconstruction à des fins pédagogiques, bref de « transposition didactique »
(Verret, 1975 ; Chevallard, 1985). La science n’étant pas directement
assimilable par les élèves, il est nécessaire d’élaborer un produit
intermédiaire, le savoir scolaire, avec des contraintes spécifiques :
importance des éléments de présentation, organisation linéaire de
l’enseignement et découpage en parties, nécessaire redondance, etc. On
peut se demander si cette contrainte didactique n’affecte que la forme, ou
bien la nature même des contenus enseignés ; n’est-on pas, par exemple,
amené à figer, dans les programmes, des connaissances qui, dans le milieu
scientifique, sont toujours mouvantes et discutées ? Par exemple, comme
d’autres époques historiques (la Belle époque, les Années folles), les
« Trente Glorieuses » peuvent faire figure de mythe enraciné par les
manuels scolaires dans la pensée collective, alors que les historiens, revenus
sur ce label, envisagent la période de façon plus complexe (Pawin, 2016).
Au final, comme le montre par exemple l’analyse des manuels de
sociologie de seconde (Vitale, 2001), les contenus des programmes sont un
produit hybride spécifique, qui peut être relativement éloigné de la
recherche académique et des résultats qu’elle produit. On pourrait aussi
mentionner la manière dont les enseignants sélectionnent les savoirs à
enseigner aux élèves. À l’université, où il n’y a pas de programmes
nationaux et où les disciplines sont très variées, les mécanismes qui
aboutissent à la sélection des savoirs à enseigner font l’objet de
coopérations, négociations mais aussi de conflits entre les enseignants
(David, 2019).
On peut aussi se demander s’il n’y a pas subrepticement élaboration de
savoirs n’ayant un statut et une fonction (sélective le plus souvent) que dans
le milieu scolaire ; ce pourrait être le cas, par exemple, du « commentaire
composé », version moderne de l’explication de textes, auquel échouerait,
en l’absence d’entraînement spécifique, l’écrivain le plus talentueux. De
même, la « culture générale » est devenue une matière spécifique dans
nombre de concours, avec des manuels et des exercices dédiés, mais aussi
des contours variables selon les profils que l’on cherche à recruter (Oger,
2008), et un mouvement de rejet de cette mise en forme scolaire a pris corps
récemment (avec par exemple la suppression de l’épreuve dite de culture
générale dans certains d’entre eux). Il est clair que l’école manifeste une
capacité à créer des formes culturelles qui lui sont propres, parfois
rigidifiées ensuite par le monde de l’édition. En outre, la mise en œuvre du
curriculum implique, pour le maître, de concevoir des activités qui lui
permettent autant de maintenir un certain ordre dans la classe que de
contrôler le travail de chacun des élèves, de les maintenir stimulés par des
tâches adaptées à leur niveau, etc. (Perrenoud, 1994).
Structuration des programmes et contexte social
Sélectifs et évolutifs, relativement contingents, les contenus de formation
s’inscrivent néanmoins dans un système d’enseignement structuré par des
principes d’organisation implicites. Selon les systèmes, le « découpage »
(ou les délimitations) entre matières est plus ou moins strict, non sans
conséquences sur la qualification des enseignants (depuis les maîtres
polyvalents jusqu’aux spécialistes pointus d’une seule discipline, cf.
chapitre 7). Les systèmes scolaires se distinguent donc par le degré de
« division du travail » au sein du curriculum, et aussi, cela va souvent de
pair, par une définition plus ou moins nette de la programmation
didactique : définit-on avec précision ce que les élèves sont censés acquérir,
et comment (dans quel ordre, à quelle vitesse), aux différentes étapes du
cursus ?
Pour caractériser ces manières de concevoir et d’organiser les
programmes, Bernstein (1975) définit deux types de « codes du savoir
scolaire »3. D’une part le code sériel, dans lequel les matières sont isolées
les unes des autres, les savoirs scolaires nettement distingués des savoirs
non scolaires et familiers, ceci dans un système hiérarchisé, où une
discipline ferme et un rythme d’apprentissage précis sont imposés aux
élèves. À l’opposé, le code intégré, où les savoirs, moins nettement
« découpés », sont subordonnés à un projet commun défini au niveau de
l’établissement ou du maître (avec par exemple des « projets d’activités
éducatives » mobilisant les apports de disciplines variées). Ce code valorise
davantage la manière d’apprendre que le fait d’atteindre, à tel moment, tel
stade déterminé du savoir. Là où domine le code sériel, ce qu’on attend de
l’élève est davantage explicité, alors que l’implicite est plus prégnant là où
domine le code intégré, ce qui conduit Bernstein à opposer « pédagogie
visible » et « pédagogie invisible » (Bernstein, 1977).
Ces deux types de codes reflètent des visions du monde opposées. Le
code sériel traduit une conception universalisante du savoir, au sens où il y
a un savoir valable pour tous et en tout lieu. La justice consiste à favoriser
l’accès de tous à ce savoir (perçu comme instrument de libération et de
progrès collectif), en assurant sa diffusion uniformément sur le territoire et
en évaluant sa maîtrise par des examens sanctionnant une juste compétition.
À l’instar de l’école républicaine qui est en quelque sorte l’archétype du
code sériel, on se situe dans le cadre d’une « logique civique » (Derouet,
1992), fondement de l’« élitisme républicain » (cf. chapitre 1).
À l’inverse, le code intégré privilégie l’individualisation de
l’enseignement et valorise la diversité et le relationnel, pour que chaque
élève développe ses potentialités et sa personnalité. La justice consiste à
prendre en compte, localement, la situation des élèves. Nombre de
transformations actuelles (développement des projets transdisciplinaires,
individualisation de l’enseignement…) dénotent une évolution vers le code
intégré4. Cette centration grandissante sur l’élève ne serait pas sans rapport
avec des interrogations de plus en plus fortes sur les finalités du système
scolaire et la légitimité des contenus (Baluteau, 1999). Il reste que cette
évolution interpelle l’idéal républicain qui prétend arracher l’enfant à ses
particularismes pour l’intégrer à la nation via l’accès à un savoir universel.
Car ces codes scolaires reflètent aussi la manière dont la société assure
l’intégration de ses membres et donc le contrôle social. Les codes intégrés
refléteraient des sociétés où il n’apparaît plus possible de fonder le
consensus sur des valeurs non questionnées, transmises au travers de
relations autoritaires et hiérarchisées, et où l’on croit davantage à la
discussion démocratique, sachant que le contrôle social n’est pas moins
fort, même s’il se fait plus insidieux ; en effet, c’est alors de fait la
personnalité des élèves, et non plus seulement une gamme de performances
isolées qui est prise en compte. Il s’agit à présent de juger la conformité
globale de l’élève aux attentes elles-mêmes globales de l’institution ; les
élèves ne sont donc plus jugés (du moins seulement) sur la base de leurs
notes, mais sur ce qu’ils sont ou semblent être : coopératifs, intéressés,
voire sympathiques, etc.
Toujours est-il que des innovations pédagogiques telles que les
« itinéraires de découverte » introduits au niveau du collège témoignent
d’une évolution vers le code intégré (Baluteau, 2005). Ils atténuent en effet
les oppositions académiques entre théorique/pratique, concret/abstrait,
travail austère/activité plaisante, savoir inutile/savoir mobilisable dans la
« vraie vie », etc. Ils atténuent également la hiérarchie entre les disciplines
et leur cloisonnement, ainsi que la distance entre des enseignants (experts)
et des élèves (passifs). La réforme du collège entrée en vigueur à la rentrée
2016 met en avant l’interdisciplinarité avec l’apparition des Enseignements
Pratiques Interdisciplinaires (EPI) à partir de la classe de 4e. Des thèmes de
travail sont proposés (développement durable, monde économique et
professionnel, sciences et société…). Présentés comme une nouvelle
pratique pédagogique, les EPI ne s’ajoutent pas aux enseignements
habituels, ils les remplacent en partie. Ils sont à la fois considérés comme
un moyen pour que les élèves s’approprient mieux les connaissances et
comme une occasion de développer des compétences autres que purement
académiques (expression orale, esprit créatif, participation). Force est donc
de constater que ces EPI se situent à la fois dans la logique disciplinaire
« classique » et dans la valorisation beaucoup plus contemporaine des
compétences. Insistons sur le fait que l’interdisciplinarité, n’efface pas a
priori les disciplines, puisqu’elle présuppose une relation entre au moins
deux d’entre elles. Dans le cadre des EPI, les enseignants de différentes
matières devront définir « en équipe » les contenus des cours. De fait, le
succès de l’interdisciplinarité telle qu’elle est proposée dans cette réforme
récente, et son efficacité sur la réduction des inégalités scolaires, reposera
surtout sur les velléités des enseignants de travailler « en équipe », de même
que sur les conditions concrètes de réalisation de cette entreprise collective,
ce qui ne va pas de soi (cf. chapitre 7). Globalement, l’évolution du code
sériel vers le code intégré correspond à des bouleversements sociaux tels
que la montée d’une nouvelle classe moyenne instruite dans la seconde
moitié du XXe siècle, entretenant des rapports différents avec le savoir, la
culture, l’autorité, et aussi la valorisation des nouvelles compétences dans le
monde professionnel (capacités relationnelles, engagement, autonomie…),
elles-mêmes liées au « nouvel esprit du capitalisme » (Boltanski et
Chiapello, 1999).

Quels contenus de formation, pour


quels rôles sociaux ?
Tous les élèves ne sont pas censés apprendre la même chose, et c’est
précisément par cette spécification des programmes selon le rôle social
futur qu’un certain contrôle social (visant lui-même à la reproduction de
la stratification sociale) s’exerce à travers les formations. Quoi de plus
politique que de décider s’il convient d’inclure l’enseignement de la
philosophie dans les filières menant au baccalauréat professionnel, ou
encore si les élèves garçons et filles doivent recevoir les mêmes
enseignements ? Ainsi, c’est en référence à leur rôle social,
essentiellement domestique, que les filles se voient proposer, à la fin du
XIXe siècle, un accès limité à certains savoirs, excluant toute formation
scientifique (Mosconi, 1994).
De même, le curriculum formel des futurs ouvriers scolarisés dans
l’enseignement technique court (Tanguy, 1983a) met l’accent sur
l’utilisation des techniques, plus que sur les conditions concrètes dans
lesquelles elles seront mobilisées, la technique (et la division du travail dans
laquelle elle s’inscrit) apparaissant du même coup comme une solution
technique à un problème technique. En mathématiques ou en physique, les
savoirs sont souvent présentés comme des recettes à mettre en pratique ;
l’enseignement apparaît donc davantage centré sur « le caractère d’usage
des connaissances » que sur les savoirs non instrumentaux (Sido, 2017).
L’enseignement professionnel a par ailleurs servi de laboratoire pour
l’approche par compétences. Les référentiels de diplômes de
l’enseignement professionnel mobilisent les notions d’objectifs et de
performances définies par l’expression « être capable de » (bien que les
pratiques d’évaluation des enseignants montrent une distance par rapport à
ces directives, puisque les enseignants attachent davantage d’importance
aux démarches mises en oeuvre et aux raisonnements des candidats qu’à
leurs performances listées dans le référentiel) (Paddeu et Veneau, 2017). Il
n’en reste pas moins que dans les curricula de l’enseignement professionnel
se trouve reproduite la coupure entre théorie et pratique qui marque
fortement la division du travail.
L’organisation des enseignements elle-même est sous-tendue par des
présupposés concernant le public qui s’y trouve scolarisé. Ainsi, des
travaux désormais classiques ont permis de comprendre à quel point
l’enseignement technique court, censé accueillir des élèves « moins
scolaires », a été structuré différemment des seconds cycles menant aux
baccalauréats généraux, en particulier via des semaines de travail plus
lourdes (proches de la durée du travail des salariés) (Tanguy, 1983b).
Depuis 1985, date de la création du baccalauréat professionnel, diverses
tentatives ont été menées afin de revaloriser l’enseignement professionnel et
de nombreuses transformations ont contribué à davantage l’intégrer au sein
du système scolaire, on peut à ce titre parler d’une « dynamique de
scolarisation » de l’enseignement professionnel (Maillard, 2017) dont la
vocation à la poursuite d’études supérieures s’affirme dans les années 2000
et se concrétise en 2009 lorsque le baccalauréat professionnel qui se
préparait auparavant en quatre ans s’aligne sur la durée de trois ans des
autres baccalauréats. Le « bac pro » peut être considéré comme mêlant une
convention professionnelle d’éducation (avec l’importance des stages en
entreprise), une convention académique (en ouvrant vers le supérieur) et
une convention universaliste (en égalisant la durée des cursus de tous les
bacheliers) (Bernard et Troger, 2015). Néanmoins, le curriculum n’a guère
été modifié, et ne contient pas plus qu’hier de contenus préparant à la
poursuite d’études supérieures, tout particulièrement du point de vue
théorique (Maillard, 2017). La place des entreprises dans la formation
professionnelle initiale s’étend, et on peut questionner la valeur
pédagogique et sociale de l’apprentissage (Tanguy, 2016). En outre, si le
nombre de semaines de cours pour les apprentis s’allonge, les semaines de
stage sont dans le même temps de plus en plus nombreuses pour les lycéens
professionnels, ce qui traduit une convergence des deux modèles de
formation que sont l’apprentissage et la scolarisation (Palheta, 2012).
De plus, cette répartition du temps total d’étude entre la classe et la
maison postule implicitement certaines articulations entre l’école et la
famille, absence (dans l’enseignement technologique ou professionnel) ou
au contraire présence (dans les filières générales) de conditions matérielles
et culturelles susceptibles de compléter l’action de l’école. Cet exemple
souligne que le profil particulier du public d’élèves constitue pour l’école
une ressource : on ne « fonctionne » pas de la même manière selon que la
classe compte plus de 60 % d’enfants de milieux populaires, comme c’est
souvent le minimum dans les lycées professionnels ou dans les formations
en apprentissage (Palheta, 2012), ou une majorité d’enfants de cadres
comme c’est le cas dans nombre de Terminales S. Avec pour conséquence
que si le public fréquentant une filière change, alors ces ressources
implicites peuvent être moins présentes, et le mode de fonctionnement
considéré comme normal devenir problématique. Ce serait par exemple le
cas pour l’enseignement de la philosophie, qui dans sa forme actuelle exige
des élèves une posture intellectuelle peu répandue chez les nouveaux
publics qui accèdent au baccalauréat (Rayou, 2002). De même dès le niveau
collège, où toute orientation précoce a disparu, certains chercheurs se
demandent si nombre des difficultés auxquelles se heurtent particulièrement
les collèges populaires ne s’expliquent pas avant tout par les modifications
du public qui résultent précisément du fait que l’on y garde à présent tous
les élèves (Broccolichi et Ben Ayed, 1999). Cette relative sous-
sélection aurait de plus des effets durables jusque dans l’enseignement
supérieur, et on peut alors estimer que les adaptations à ces nouveaux
publics sont, à tous les niveaux, insuffisantes par rapport à l’ampleur des
changements (Beaud, 2002 ; Broccolichi et Sinthon, 2011).
Par ailleurs, au sein d’une filière au curriculum officiel défini, le
curriculum réel peut varier selon les caractéristiques du public d’élèves et
son devenir social probable. Ainsi en est-il du contenu effectif des
enseignements d’« éveil » au cours moyen dans les années 1980 (Isambert-
Jamati, 1984). Là où domine un public d’origine aisée, les séances d’éveil
comportent la fabrication d’objets utiles ou de maquettes, comme si en
faisant faire des schémas et des manipulations, les enseignants voulaient
développer des capacités d’analyse et de synthèse transposables dans
d’autres activités, et aussi les bases d’une culture technique ; de même, à
travers la grande place donnée à l’étude des activités économiques, tout se
passe comme si les maîtres, face à des élèves promis, de par leur milieu
social, à des postes à responsabilité, tentaient de les y préparer, en
développant leur lecture critique. Au contraire, là où le public est
majoritairement d’origine ouvrière, on valorise, avec la production d’objets
décoratifs, la formation du goût, et on élude davantage les problèmes
économiques au profit des phénomènes naturels. Dans ces différenciations
implicites, les « savoir-être » qu’on cherche à développer – autonomie et
créativité, ou au contraire soumission à l’autorité – varient selon l’avenir
probable des élèves (Collins, 1979). Ceci vaut même pour des disciplines
comme l’EPS, où les enseignants valorisent davantage des objectifs de
socialisation face à des élèves de milieu populaire et des objectifs plus
diversifiés – motricité, méthodes de travail, épanouissement – face à des
publics plus favorisés (Poggi-Combaz, 2002). De manière générale,
l’anticipation du rôle social d’adulte module donc le curriculum réel,
comme l’illustrent également les interactions maître/élèves en fonction du
sexe : inconsciemment, les maîtres tendent à favoriser chez les élèves des
attitudes et des savoir-faire adaptés à leur rôle sexué d’adultes – autonomie
ou affirmation de soi pour les garçons, qualités altruistes ou expressives
pour les filles – (cf. Duru-Bellat, 2004). Par ces modulations du curriculum
réel, effectif, les enseignants ont de fait un rôle spécifique dans la
construction des inégalités (cf. pour le cas précis de l’éducation physique et
sportive, Combaz et Hoibian, 2008).
À l’heure actuelle, les prescriptions institutionnelles mettent l’accent sur
la différenciation de la pédagogie en fonction des besoins des élèves, ce qui
ne signifie pas que les inégalités sociales de réussite scolaire se réduisent
pour autant. Plutôt, il semble que « la différenciation effective du
curriculum », à la fois récurrente, cumulative, diversifiée, intemporelle,
universelle, complexe, assure une fonction d’intégration et de reproduction
sociale quasi imperceptible (Baluteau, 2014). De plus, certaines directives
administratives encouragent des préoccupations pédagogiques spécifiques
dans les contextes « difficiles » (les ZEP ou REP par exemple) : importance
d’un « soutien » individualisé aux élèves, participation active à leur
« socialisation » (Kherroubi et Rochex, 2004). De manière générale, les
initiatives pédagogiques locales expriment ce souci d’adaptation des
curricula aux caractéristiques sociales des élèves, sur la base des
représentations que l’on a de leurs atouts et de leurs difficultés : ainsi, les
parcours diversifiés mis en place dans les collèges incluent davantage de
contenus ancrés dans le réel avec des publics défavorisés alors qu’on
propose plus de contenus « gratuits » aux publics plus favorisés (Combaz,
1999). Plus de pouvoir donné aux établissements signifie donc aussi des
contenus effectifs qui divergent de plus en plus, selon les publics d’élèves,
malgré l’existence de programmes nationaux. La diversification n’est donc
pas forcément, tant s’en faut, vecteur de démocratisation (Kerlan, 2003 ;
Combaz, 2002). Dans certains pays, les curricula sont assez décentralisés et
de l’autonomie est donnée à l’échelon local. Toutefois, cela ne signifie pas
systématiquement moins de contrôle de la part des États sur les savoirs
dispensés dans les écoles. Une comparaison entre la Norvège et le Finlande
montre que les curricula locaux norvégiens sont construits en fonction du
curriculum national tandis qu’en Finlande il s’agit a contrario de
développer localement des curricula (Mølstad, 2015).
Les curricula de l’enseignement supérieur n’ont pas fait beaucoup l’objet
de recherches, alors que les formations ont connu en France de nombreuses
transformations : restructuration des enseignements dans le cadre du
processus d’harmonisation européenne des diplômes, injonctions à la
« professionnalisation » des formations, incitations à l’innovation
pédagogique. Par rapport aux enseignants du primaire et du secondaire, les
universitaires disposent encore d’une assez grande liberté de définition de
leurs contenus de cours, même si la situation est variable en fonction des
établissements, disciplines, pays ou périodes considérés (Barrier et al.,
2019). Si les débats sur ce qui est enseigné à l’université sont plus feutrés
que dans le secondaire ils constituent un enjeu de pouvoir pour les élites
économiques, administratives ou politiques. En fonction des contenus et des
orientations disciplinaires, ou de leur position dans l’espace de
l’enseignement supérieur (université versus grandes écoles), les formations
n’envisagent pas de la même manière la professionnalisation des étudiants
ni leur relation au marché de l’emploi (Chupin, 2019 ; Stavrou, 2019).

Sous-jacentes aux contenus, des visions


du monde…
Les maîtres révèlent, par leurs pratiques, leurs conceptions profondes sur
les enfants, sur les différences entre les sexes, ou encore sur les
mécanismes du développement intellectuel et les causes de l’échec
scolaire (et donc sur leur rôle en tant qu’éducateur), des manières très
hétérogènes de concevoir l’éducation. Ceci est relativement invisible, et
les comparaisons dans le temps ainsi que les comparaisons
internationales sont l’instrument privilégié pour prendre conscience de
ces conceptions globales qui informent les systèmes éducatifs, depuis
l’organisation formelle jusqu’aux relations pédagogiques quotidiennes
(cf. par exemple Osborn, 2001 ; Osborn et al., 2003 ; Verdier, 2001 ;
Anderson-Levitt, 2002 ; Mons, Duru-Bellat et Savina, 2013 ; Morlaix et
Duguet, 2017).
La proximité, ou au contraire la distance, entre ces visions du monde et
les systèmes de valeur des milieux sociaux d’appartenance des élèves, sont
susceptibles de constituer un avantage ou un handicap dans le contexte de la
classe. Au niveau de l’école maternelle, par exemple, l’analyse des rapports
d’inspection sur la période 1945-1980 permet de dégager deux modèles
pédagogiques successifs (Plaisance, 1986). Le premier, qui domine la
période de l’après-guerre, est de type « productif » : on entend faire
produire l’enfant, qui est jugé sur ses acquis et à l’aune de critères tels que
l’application, le soin, la discipline… Le second modèle, qui devient
majoritaire dès 1955 (et s’impose dans la période 1975-1980), est de type
« expressif » : on vise à développer l’expressivité ou la créativité, ainsi que
des qualités comme l’originalité, la curiosité, la coopération et l’autonomie.
Comment cette vision du « métier d’enfant » (pour reprendre l’expression
de Chamboredon et Prévot, 1973) s’articule de fait avec les attentes et les
conceptions des divers milieux sociaux ? Il semble que le modèle
« productif » soit plus conforme aux attentes des familles de milieu
populaire, qui comptent sur l’école pour « faire travailler » l’enfant et lui
faire réaliser des activités visibles, sachant que ces élèves sont largement
majoritaires dans les écoles maternelles, dans la période de l’après-guerre.
À l’inverse, le modèle « expressif » correspondrait davantage aux attentes
des familles de milieux plus aisés ou surtout plus instruits, mieux à même
de déceler la valeur formative de certaines activités apparemment sans
rapport avec les matières scolaires. Or la diffusion de ce modèle expressif a
coïncidé avec une forte croissance de la préscolarisation des enfants des
catégories moyennes et supérieures, et aussi avec un certain
« embourgeoisement » des institutrices (cf. chapitre 7). Se serait donc
développée toute une dynamique entre les maîtresses mettant en place ce
nouveau modèle éducatif conforme à leur propre vision du monde, et des
parents d’élèves plus nombreux à partager ces mêmes valeurs.
De la même manière, les pédagogies dites nouvelles, inspirées par des
pédagogues comme Freinet, Decroly, Montessori, ou Rogers, se fondent sur
un modèle implicite de l’enfant (Perrenoud, 1995). On y valorise la
personne dans sa singularité (et non son groupe d’appartenance), qui
cherche à se réaliser, de manière autonome, à travers un projet personnel,
gage d’une vie « réussie ». Dans la classe, l’organisation est souple, peu
codifiée (« invisible »), négociée : on suppose que chaque enfant perçoit
l’intérêt des apprentissages proposés et sait comment se comporter, sans
qu’il soit utile d’édicter des règlements contraignants. Les frontières entre
disciplines, comme celles entre travail et jeu sont aplanies, et
l’enseignement vise plus des démarches fondamentales que des
apprentissages précis. C’est donc à un jeu de compétences et de motivations
très larges qu’on fait implicitement appel, ce qui correspond clairement au
code intégré (par exemple, sur l’école des Roches, cf. Duval, 2009). D’où
des difficultés pour l’enfant qui travaille à l’école pour faire plaisir à ses
parents, qui est sécurisé par les apprentissages par cœur (et parfois sous
contrainte), qui a besoin d’identifier le sens de ses efforts et de faire le
parallèle avec la vie de travail de ses parents… On peut donc faire
l’hypothèse que de fait, les pédagogies traditionnelles offraient plus de
points communs avec le monde du travail ouvrier (importance de la
discipline, respect des règles, valorisation de l’effort), et que ceci rendait
l’école plus compréhensible pour les enfants des milieux populaires. Alors
que les pédagogies nouvelles, par ailleurs moins observées dans les écoles
des milieux bourgeois que populaires (Dannepond, 1979), s’avéreraient plus
proches du système de valeurs des couches moyennes du secteur culturel ou
social (enseignants, travailleurs sociaux…). Même si ces conceptions du
monde peuvent apparaître aux yeux des pédagogues qui s’y réfèrent comme
intrinsèquement défendables, elles sont susceptibles d’avoir des effets
différenciés sur les élèves, qu’il convient d’analyser en tant que tels.
La question de l’influence de ces pédagogies nouvelles sur l’école
publique se pose. Cette influence, si elle est limitée, n’en est pas moins
avérée. Ainsi, la pédagogie Freinet a été présente dans les écoles de façon
épisodique historiquement, avec des moments de régression, ou de diffusion
relativement souterraine, ce qui a participé à la radicalisation des militants
dans leur hostilité aux hiérarchies et institutions scolaires, alors que la
pédagogie Freinet a pourtant influencé les changements de l’école publique
(Peyronie, 2017). Dans l’école maternelle, où les principes des pédagogies
nouvelles se sont diffusés via le rôle de certaines inspectrices et de
l’AGIEM5 (on parle des « pédagogies de l’école maternelle »), les
prescriptions augmentent à partir des années 1980, dans un mouvement de
scolarisation du curriculum formel (Garnier, 2016), diminuant les
références aux valeurs et principes de l’éducation nouvelle. En outre,
l’observation des pratiques réelles des enseignants montre que ces principes
sont de fait peu suivis parmi les enseignantes de maternelle, y compris
parmi les plus militantes qui se revendiquent ouvertement de ce type de
pédagogie. La pédagogie de « projet » peut ainsi être très structurante dans
les propos des enseignantes, mais sporadique dans le quotidien de la classe,
la maîtresse ou le maître ne dépassant que rarement l’asymétrie maître/
élève typique des pédagogies dites « traditionnelles ». « L’association de
l’enfant aux activités de la classe » peut aussi faire l’objet d’un guidage
étroit de la part de la maîtresse ou du maître, là où le principe des
pédagogies decrolyennes ou montessoriennes voudrait que l’enfant soit doté
d’une plus grande initiative. D’une manière générale, une conception
scolaire de l’école maternelle semble dominer chez les enseignants, peut-
être en lien avec la perte du statut spécifique de l’école maternelle et son
inscription comme premier stade d’un système éducatif aux parcours
allongés, mais aussi avec le fait que le jeune enfant est de plus en plus perçu
comme un élève et non plus comme un être affectif (Leroy, 2017).

La fabrication de la réussite
scolaire
Il n’y a pas pléthore de recherches sur les pratiques pédagogiques des
maîtres, qui sont perçues comme ayant un caractère privé, chaque
enseignant ayant son « style » ou ses « recettes ». Il s’agit pourtant de
pratiques sociales comme les autres, qu’on peut comprendre en
dégageant les caractéristiques des acteurs sociaux qui les mettent en
œuvre et celles des situations où elles prennent place, et dont on peut
aussi évaluer les effets auprès du public d’élèves. Il resterait aussi, ce qui
est tout aussi rare, à articuler l’approche sociologique aux approches
didactiques (pour une tentative dans ce sens, voir par Rochex et Crinon,
2011) : aujourd’hui encore, les sociologues se polarisent surtout sur les
élèves, dans leur diversité sociale, et les didacticiens sur les savoirs et
leur construction par un élève qui intéresse surtout par ses démarches
intellectuelles. On peut pourtant défendre, pour mieux comprendre les
inégalités de réussite scolaire, l’intérêt d’une « didactique sociologique »
(Johsua et Lahire, 1999)6. Sachant de plus que, particulièrement en ce
domaine, il serait nécessaire d’engager des collaborations avec les
psychologues de l’apprentissage et du développement qui étudient
comment l’enfant apprend (Largy et al., 2004). Depuis les années 2000,
un rapprochement entre sociologie de l’éducation et didactique peut être
observé. « Ce rapprochement est notamment issu de la rencontre des
préoccupations de certains sociologues cherchant à comprendre la façon
dont se construisent les inégalités scolaires en situation de classe avec
celles de didacticiens souhaitant sortir d’une conception de la salle de
classe vue comme un espace hermétiquement clos et neutre où les figures
des enseignants et des élèves apparaissent comme des êtres génériques et
abstraits » (Souto Lopez et Dehantschutter, 2020). Les enjeux d’un tel
rapprochement pour la formation des enseignants sont établis, alors que
les enseignants disposent pour l’heure de peu de ressources en formation
initiale pour comprendre et agir sur les inégalités d’accès aux savoirs
scolaires (Benveniste, 2018).

Les pratiques pédagogiques, quels


effets, sur quels élèves ?
Dans les pays anglo-saxons, de nombreux travaux (Brophy et Good,
1986 ; Bressoux, 1994) ont évalué les effets des pratiques des maîtres sur
les acquisitions de base. Même si les caractéristiques personnelles des
enfants (niveau initial, milieu social…) restent les facteurs les plus
prédictifs de la réussite scolaire, un premier pas est d’observer des
« effets maître », importants et en général plus forts que les effets
établissement (Bressoux, 2009 ; Cusset, 2011)7. C’est dire que des élèves
comparables progressent plus ou moins selon le maître avec lequel ils
sont scolarisés. Ces « effets maître » ont été étudiés en France, tant en
primaire (cf. notamment Mingat, 1991 ; Serra et Thaurel-Richard, 1994)
que dans le secondaire (Felouzis, 1997). Ils expliquent entre 10 et 15 %
de la variance des acquis des élèves. Sur une année donnée (en CP,
notamment) les progressions sont plus affectées par le maître de l’enfant
que par son origine sociale. De plus, les élèves faibles sont plus sensibles
aux « effets maître » ; autrement dit, les maîtres efficaces se singularisent
par leur capacité à faire progresser davantage ce type d’élèves, s’avérant
par là plus égalisateurs8.
Dans l’explication de ces différences d’efficacité entre les maîtres, leurs
caractéristiques personnelles (sexe, âge, formation) comptent très peu, avec
quelques nuances. Ainsi, alors que l’on met parfois en relation la meilleure
réussite scolaire des filles avec la forte féminisation du corps enseignant –
les enseignant-e-s pratiqueraient, consciemment ou (sans doute plutôt)
inconsciemment, un favoritisme envers les élèves de leur sexe –, la
recherche dément ce présupposé (Neugebauer et al., 2011), puisqu’on
n’observe pour les élèves, et en termes de performance, aucun avantage
significatif à avoir un enseignant de même sexe. Concernant l’impact de la
formation, s’il est faible en moyenne (sans doute parce que le niveau de
formation se situe, dans les pays comme le nôtre, déjà à un bon niveau), il
s’avère significatif chez les enseignants débutants, ceux qui ont reçu une
formation se montrant plus efficaces, notamment en mathématiques, que
ceux qui n’en ont pas reçu (Bressoux et al., 2009). Quant à l’ancienneté,
elle est associée, jusqu’à un optimum situé autour de 13-15 ans, à une
meilleure efficacité. Cette influence de l’ancienneté est loin d’être
négligeable, notamment par rapport à d’autres leviers souvent évoqués pour
réduire l’échec ou les inégalités scolaires. Ainsi, Bressoux (2011) montre
que, pour des élèves faibles, une année d’expérience supplémentaire de leur
enseignant en CP dépasse l’effet d’un élève de moins par classe.
Au-delà de cette question, négligée, de l’affectation des maîtres la plus
profitable pour les élèves (cf. chapitre 7), la gestion du temps constitue un
paramètre crucial : selon les maîtres, le temps consacré aux apprentissages,
et à telle ou telle discipline varie sensiblement, ce qui révèle la très grande
autonomie dont ils disposent de fait (Bressoux et al., 1999). Par exemple,
au CP, le temps alloué au français peut varier du simple au double (Suchaut,
1996). Et le maître efficace est celui qui parvient à maximiser le temps
pendant lequel les élèves sont actifs en termes d’apprentissage, maximisant
ainsi ce que les Anglo-Saxons appellent les « occasions d’apprendre »
(opportunity to learn). Ceci passe par une certaine gestion du groupe : les
« bons » maîtres savent prendre en charge tous les élèves, passer d’une
chose à l’autre sans rupture, maintenir un rythme continu, proposer aux
élèves des activités adaptées à leur niveau, maximisant ainsi leurs occasions
d’apprendre. La gestion du « groupe classe » apparaît également essentielle.
Les « effets d’attente » sont également décisifs. Le maître est plus
efficace s’il est convaincu que ses élèves peuvent progresser : ceux-ci,
exposés à des interactions pédagogiques plus stimulantes, s’efforceraient de
répondre aux « attentes » des maîtres ; de fait, les élèves dont on attend
beaucoup progressent plus que ceux dont on attend peu ; c’est ce qu’on
appelle l’« effet Pygmalion » (Rosenthal et Jacobson, 1972) ; cet effet, dont
les modalités sont aujourd’hui bien connues, reste au demeurant
d’importance modeste (Trouilloud et Sarrazin, 2003). Des phénomènes de
ce type sous-tendraient les inégalités de performances entre garçons et filles
dans les disciplines scientifiques (Duru-Bellat, 2004) : en invoquant
davantage pour les garçons que pour les filles, pour expliquer de mauvais
résultats, le manque de travail, les maîtres adresseraient aux élèves le
message implicite comme quoi les premiers, plus que les secondes, sont
dotés d’un potentiel indéniable mais ne travaillent pas assez.
Les enseignants peuvent également ancrer leurs attentes sur des critères
comme l’appartenance sociale ou ethnique, appréhendée par l’apparence
physique, la façon de s’habiller ou de s’exprimer, et ce dès l’école
maternelle (Zimmerman, 1978). Ainsi, les enseignants s’attendent à plus
d’échecs de la part des enfants de milieu populaire ; par exemple, ils sous-
estiment les chances de réussite des enfants d’ouvriers à l’entrée en 6e
(Meuret et Alluin, 1998). De plus, ils expliquent ces échecs par des causes
relevant de leur environnement social et culturel, alors que des causes
psychologiques sont davantage invoquées pour les enfants de milieu
favorisé (Chryssochou et al., 1998). Ces attentes, fondées sur les
représentations, inévitablement stéréotypées, des élèves censés réussir ou
échouer, participent à la reproduction des régularités statistiques sur
lesquelles elles se fondent, puisqu’elles amènent à stimuler plus les élèves
déjà « promis » à une meilleure réussite, non sans effet sur l’estime de soi et
la motivation à apprendre (Bressoux et Pansu, 2003 ; Trouilloud et Sarrazin,
2003 ; Sarrazin et al., 2006). Ceci conduit également les enseignants à
redoubler d’attention envers les élèves de milieu populaire, affublés d’un
halo de caractéristiques (« concrets », plus à l’aise à l’oral…), ce qui se
traduit souvent de fait par un degré d’exigence moindre pour ne pas les
mettre encore plus « en difficulté » (Bonnéry, 2009). Dans cette perspective,
relevant de la théorie de l’« étiquetage » (Rist, 1977), la réussite scolaire ne
s’explique pas avant tout par les compétences intrinsèques des élèves mais
par le jeu des attentes des maîtres, qui tendent à fonctionner comme des
prophéties auto-réalisatrices9, et en filigrane par les stéréotypes qui affectent
ces attentes (Codou et Kerzil, 2007). Ces stéréotypes marquent aussi les
psychismes des élèves qui peuvent se trouver handicapés par ce que les
psychologues appellent la « menace du stéréotype » : le fait de savoir
pertinemment que vu votre groupe d’appartenance vous êtes censé moins
bien réussir telle ou telle tâche induit une telle pression évaluative que cela
obère vos chances d’y réussir effectivement (pour des exemples, cf. Toczek
et Martinot, 2004). Des attentes sont également formulées par les
enseignants vis-à-vis des élèves primo-migrants : un travail de qualification
des élèves est réalisé à partir de critères d’évaluation portant sur les
conditions d’immigration notamment, rendant possible le positionnement
de ces élèves à l’égard des difficultés linguistique et scolaire, ce qui permet
ensuite aux enseignants de justifier des pratiques différentes (Armagnague-
Roucher, 2019).
Cela dit, il n’existe pas de pratique efficace dans l’absolu, quel que soit le
contexte d’enseignement, et la plupart des relations dégagées jouent en
interaction avec le type d’élèves concerné (Grisay, 1990 ; Bressoux, 1994).
Par exemple, un enseignement directif semble plus efficace aux premiers
niveaux de la scolarité, alors qu’aux niveaux plus élevés, c’est un
enseignement moins directif qui s’avère plus productif. Autre exemple,
avec les élèves de milieu favorisé, les maîtres les plus efficaces sont très
exigeants, maintiennent un haut niveau de stimulation, critiquent volontiers,
alors qu’avec des élèves de milieu défavorisé (qui ont en général d’eux-
mêmes une image plus négative), il est plus efficace d’encourager,
d’essayer de motiver, de minimiser les critiques, etc. Au-delà des difficultés
pédagogiques concrètes que ce type de résultats laisse escompter, il est clair
que l’évaluation d’une pratique d’enseignement ne peut se limiter à la
comparaison des niveaux moyens, mais doit également prendre en compte
la dispersion des résultats et les interactions éventuelles entre tel paramètre
de l’efficacité et les diverses caractéristiques des élèves.
Peu d’éléments sont pour l’heure disponibles sur l’efficacité des
méthodes dites alternatives. Dans le primaire, les effets des pédagogies
Montessori apparaissent mitigés. Certaines recherches (discutables selon
Ruijs, 2017), montrent que les enfants qui ont été scolarisés dans une école
Montessori font mieux ou aussi bien que les enfants des écoles ordinaires
(Lillard and Else-Quest, 2006), alors que les recherches antérieures
montraient peu de différences, particulièrement pour les filles. Il semble que
l’efficacité d’une approche Montessori sur les compétences en
mathématiques soit d’autant plus grande que les principes pédagogiques de
cette approche sont strictement respectés et les modalités d’évaluation
adaptées (Basargekar et Lillard, 2021). Une étude réalisée au Pays-Bas, où
les parents ont le libre choix de l’école et où toutes les écoles y compris
Montessori sont financées par la puissance publique, montre que, dans le
secondaire, le fait d’avoir été scolarisé dans une école secondaire
Montessori n’a pas d’effet sur la suite de la scolarité par rapport au fait
d’avoir été scolarisé dans une école ordinaire. L’éducation proposée dans
les écoles Montessori ne semble pas non plus avoir d’effets sur
l’indépendance et la motivation des élèves, ce qui va à l’encontre de ce que
proposent pourtant ces écoles en termes d’apprentissage. Cette étude
hollandaise ne permet toutefois pas de se prononcer sur les effets différents
des écoles montessoriennes selon les caractéristiques socio-économiques
des élèves (les écoles Montessori sont-elles plus profitables pour les élèves
des milieux modestes, qui y sont certes minoritaires, mais pourraient en
retirer plus de bénéfices ?). Si l’étude ne révèle pas d’effets positifs, elle ne
pointe pas non plus d’effets négatifs, ce qui fait des écoles Montessori,
selon les auteurs, une réelle alternative aux écoles publiques ordinaires
Ruijs (2017).
Une question cruciale est bien en effet de savoir si certaines pratiques
sont, plus que d’autres, à même d’atténuer ou au contraire de creuser les
inégalités sociales de résultats scolaires. Peu de travaux apportent une
réponse fiable à cette question, tout en étant néanmoins suggestifs10. C’est
ainsi qu’ont été rapprochées les visées pédagogiques d’enseignants de
français de 1re, et les résultats de leurs élèves, à l’aune des notes obtenues à
l’épreuve de français du baccalauréat (mais sans contrôle du niveau initial
des élèves, ce qui fragilise les résultats), en fonction de leur milieu social
(Isambert-Jamati et Grospiron, 1984). Il semble que selon leur milieu
social, les élèves « gagnent » ou au contraire « perdent » à être scolarisés
avec tel ou tel type d’enseignant. Les élèves d’origine aisée sont
spécialement favorisés par les pratiques de type « libertaire » valorisant la
créativité et l’expressivité des élèves, et faisant de la culture avant tout une
source de plaisir. Par contre, les élèves d’origine ouvrière sont desservis par
ces pédagogies ainsi que par celles qui se veulent « modernistes », où
domine le souci de doter les élèves d’instruments intellectuels. Ces deux
types pédagogiques qui ont en commun de valoriser les aspects formels de
l’enseignement (méthodes chez les « modernistes », plaisir esthétique chez
les « libertaires ») mettent davantage en difficulté les élèves de milieu
populaire que les pédagogies centrées sur le contenu, qui pourraient a priori
apparaître plus élitistes, tel le quatrième type que dégage cette recherche, le
type « classique », où l’on cherche avant tout à cultiver le raffinement
esthétique et la sensibilité littéraire, l’enseignant étant celui qui initie aux
œuvres classiques. Il peut donc y avoir un décalage entre le discours des
maîtres et les effets sociaux de leurs pratiques, puisque les « libertaires »
creusent davantage les inégalités entre élèves que les « classiques »,
pourtant volontiers élitistes. Au total, il ne suffit pas de rendre
l’enseignement du français moins « littéraire » pour qu’il devienne plus
démocratique. De même, en sciences économiques et sociales, il ne suffit
pas de susciter la participation des élèves et de se centrer sur des enjeux
contemporains, pour favoriser les progressions des élèves les plus faibles,
plutôt déstabilisés par une pédagogie « invisible » (Deauvieau, 2007).
Cette perspective conduit à escompter (mais cela reste à établir) que des
innovations telles que les parcours diversifiés en collège, en déstabilisant
les repères disciplinaires habituels des élèves et les découpages entre travail
et hors travail (à l’instar des pédagogies nouvelles), puissent de fait s’avérer
défavorables aux élèves les plus faibles et/ou de milieux sociaux
défavorisés (Kerlan, 2003). Pour ces élèves, il serait notamment plus
profitable (en français) de prendre en compte leurs acquis culturels (culture
télévisuelle notamment), ce qui déboucherait sur une meilleure réussite et
contribuerait ainsi à réduire les inégalités sociales dans cette matière
(Tupin, 1996). Mais il y a là matière à débat, et un certain nombre de
chercheurs, souvent eux-mêmes anciens enseignants, déplorent un
brouillage de la forme scolaire traditionnelle, fortement ancrée dans les
savoirs disciplinaires, avec pour résultat des exigences plus floues et une
porosité croissante des contenus et des pratiques scolaires aux expériences
des élèves, qui pourrait se retourner de fait contre leurs apprentissages (cf.
notamment Bautier et Rayou, 2009)11.
L’adaptation aux élèves, tels qu’ils sont, est donc une voie délicate, et
tout dépend des modalités fines de sa mise en œuvre. C’est ainsi que
certaines pratiques traduisant un souci de différenciation de l’enseignement
(telles que la constitution de groupes ou de classes de niveaux, cf. chapitre
5), creusent les écarts ; mais ceci n’est pas vrai si le souci d’adaptation au
niveau de l’élève se traduit par des annotations détaillées sur les copies ou
des conseils personnalisés (Thaurel-Richard et Verdon, 1997 ; Schmitt-
Roland et Thaurel-Richard, 1996). Notons enfin que la recherche interroge,
quant à l’effet de pratiques censées être bénéfiques et plutôt consensuelles ;
c’est le cas par exemple de l’enseignement précoce des langues, qui,
indépendamment d’effets limités sur les acquisitions en langue étrangère,
tend à accentuer les inégalités entre élèves notamment en ce qu’il empiète
sur celui du français, ce qui s’avère particulièrement pénalisant pour les
élèves les plus faibles (Génelot, 1997). C’est également le cas du
redoublement, dont les recherches montrent avec constance (Crahay, 2004)
l’absence d’effet positif, voire des effets négatifs, d’autant plus qu’il est
précoce12.
Tout ceci convainc que, même si cela pose de réels problèmes
méthodologiques et politiques (Duru-Bellat et Mingat, 1994 ; cf. aussi Bru,
Altet et Blanchard-Laville, 2004), c’est sur une base empirique qu’il
convient d’évaluer les effets, et notamment les effets différenciés selon les
caractéristiques des élèves, des pratiques pédagogiques : ces dernières
peuvent « produire » de l’échec, et en particulier accroître les difficultés de
certains élèves, même si cela reste plus ou moins vrai selon les maîtres eux-
mêmes.

La « fabrication » de l’excellence
scolaire
Les notes que reçoivent les élèves sont censées refléter fidèlement leurs
acquis. Elles sont aussi censées permettre des classements standardisés,
afin de comparer des candidats sur une base unique, comme dans le cas
des notes obtenues aux concours qui sont considérées comme validant
une « excellence » (Allouch, 2017). Mais entre les connaissances
maîtrisées et les évaluations délivrées par l’école, c’est un véritable
processus de « fabrication » de l’excellence scolaire qui prend place
(Perrenoud, 1984 et 1997). L’évaluation se fonde sur des normes
d’excellence, dont le contenu est un aspect plus ou moins explicite du
curriculum, et qui n’ont pas toujours été les plus légitimes en matière de
pratiques d’évaluation (Merle, 2015). Leurs racines historiques et
culturelles profondes expliquent sans doute à la fois le nombre
extrêmement élevé de notes que reçoivent les élèves au fil d’une année
scolaire et aussi les résistances à toute modification des modalités de la
notation. L’évaluation se réalise aussi à travers un certain nombre de
processus psychosociaux et institutionnels, qui reflètent autant le
fonctionnement de l’école, et en filigrane certaines normes sociales, que
ce que « savent » réellement les élèves.
Un premier point essentiel, c’est que tout comme l’institution
psychiatrique définit les critères officiels de la santé mentale, l’école est
dotée du pouvoir de construire une représentation de l’excellence scolaire
qui a force de loi et qui va légitimer les décisions d’orientation ou de
sélection. Elle « fabrique » ainsi des élèves brillants et des élèves mauvais,
à l’aune de critères non dépourvus d’arbitraire. Les évolutions
pédagogiques en attestent : ce qu’on entend par « bien lire », c’est
aujourd’hui comprendre ce qu’on lit, alors qu’on a longtemps exigé
seulement un déchiffrage correct (Lahire, 2000), sachant que de manière
générale, les exigences scolaires seraient de plus en plus abstraites et de
nature conceptuelle. Au collège, l’élève « bon en français » sera plus
souvent celui qui atteste de savoirs sur la langue que celui qui maîtrise
effectivement la communication dans un contexte concret. L’introduction
d’une logique d’évaluation par compétences au collège et au lycée, loin
d’introduire une dimension « expressive » et « libre » dans l’évaluation, se
traduit plutôt par une « inflation évaluatrice », caractérisée par de
nombreuses précisions et déclinaisons (en points, tableaux, catégories)
nécessitant un travail d’adaptation pour pouvoir être utilisées (Vaquero,
2020). En outre, ces différences sont prises en compte à tel âge (il faut
savoir lire à 7 ans), alors que quelques années plus tard elles se sont peut-
être largement estompées. Dans la multitude des facettes qui différencient
les enfants, seules certaines compétences précises sont prises en compte. Le
fait que l’école repère et mette en exergue tel sous-ensemble de ces
différences revient à changer leur statut : c’est ainsi que l’institution
construit une représentation officielle et autonome de la valeur scolaire, et
associe cette évaluation à certaines décisions pédagogiques.
Les normes d’excellence n’ont pas qu’un fondement académique, mais
intègrent également des aspects comportementaux et moraux : globalement,
c’est la manière dont l’élève exécute au jour le jour son « métier d’élève »
et accepte les règles du jeu scolaire qui est évaluée et définit l’excellence
scolaire. Dans leur définition du « bon élève » (Gilly, 1980 ; Merle, 2007),
les maîtres mettent en avant, à côté des compétences intellectuelles, des
qualités comportementales variées, allant du conformisme (application,
attention, discipline) au dynamisme (intérêt pour le travail, coopération
avec le maître…). À l’école primaire notamment, les qualités
comportementales s’avèrent fondamentales (Perrenoud, 1997). Au niveau
du lycée (Barrère, 1997), « les normes apparaissent comme un savant
dosage entre la restitution des savoirs, les techniques scolaires (plan ou
application d’une méthode), l’originalité personnelle ou les qualités
esthétiques ». Davantage évalués par compétences, au travers de dispositifs
horizontaux (les enseignements pratiques interdisciplinaires – EPI – par
exemple, ou les oraux), les élèves n’en sont pas plus égaux face à
l’évaluation. Les enseignants mobilisent les critères des grilles, quitte à les
adapter, mais pas de la même manière selon l’origine sociale des élèves :
sur le terrain de l’originalité, les élèves de milieux favorisés sont plus et
mieux évalués que les élèves de milieux populaires, qui sont eux davantage
jugés sur le terrain du travail fourni (Vaquero, 2020). Ces normes
informelles, qui peuvent apparaître peu prévisibles, opaques, voire
contradictoires (il faut connaître ses cours mais ne pas avoir l’air de s’en
contenter ou, pire, les apprendre par cœur) ne font pas en général l’objet
d’un apprentissage explicite, ce qui peut engendrer des malentendus sources
de difficultés. En philosophie par exemple (Rayou, 2002), les élèves croient
souvent qu’il suffit, outre quelques lectures, de réciter le cours, avec pour
résultante des notes moyennes au baccalauréat dans plus de 70 % des cas
inférieures à la moyenne… L’implicite des normes, à l’instar de toute forme
« invisible » de pédagogie, peut également engendrer des inégalités entre
élèves, en fonction de leur statut scolaire et social.
Les élèves doivent en outre maîtriser des savoir-faire en matière de
présentation des connaissances, ou encore de compétences relationnelles
dans ce rapport social où s’inscrit l’évaluation, la délivrance de la note
relevant parfois d’une négociation implicite (Merle, 2007 ; Goudeau et
Croizet, 2017 ; cf. aussi chapitre 9). Au niveau de l’université, les épreuves
orales peuvent être considérées comme des « épreuves de manières »,
sanctionnant davantage la forme que le fond, sur la base de signes subtils de
reconnaissance sociale qui transparaissent de la posture, de l’intonation, de
ce que les jurys appelleront la « présence », la finesse ou le « bon goût »
(Passeron, 1970 ; Bourdieu, 1989). La maîtrise de la situation d’examen
n’est en fait qu’une facette, non des moindres, de cette « intelligence
institutionnelle » (Coulon, 1997) qui est requise de l’étudiant, pour survivre
et a fortiori réussir à l’université.
Pour mettre en œuvre concrètement ces critères variés, les enseignants
rassemblent le plus d’informations possible sur l’élève, par le biais de
fiches de renseignements par exemple, sans réaliser que les informations
scolaires et sociales ainsi engrangées vont modeler leurs attentes et
engendrer des biais de notation (Merle, 1998 et 2007). C’est ainsi que les
maîtres auront tendance à surévaluer le travail des élèves dont ils attendent
beaucoup, notamment les élèves d’un milieu social favorisé (Pourtois,
1978 ; Bressoux et Pansu, 2003).
Les contraintes didactiques et certains traits concrets du contexte de la
classe (nombre d’élèves, matériel disponible) peuvent également peser sur
les modalités précises que revêt l’évaluation. Par exemple, certains savoir-
faire peuvent être plus faciles que d’autres (et/ou moins coûteux) à
appréhender de manière relativement objective (par exemple, en lecture, le
déchiffrage plus que l’expression), sachant que les évaluations doivent
permettre de codifier de manière suffisamment épurée les compétences des
élèves, pour se prêter à des passations régulières dans la classe.
Enfin, ces critères d’évaluation s’articulent étroitement avec l’idéologie
même du système scolaire et son évolution. Aujourd’hui, la prégnance
croissante de la notion de compétence, non sans lien avec le souci de rendre
plus équitables les évaluations proposées à un public plus ouvert, se traduit
par une certaine « technicisation » des évaluations (le résumé de texte en
français par exemple) et en arrière-plan du travail scolaire lui-même
(Barrère, 1997 ; Vaquero, 2020). De manière plus ancienne et implicite, si
la précocité est valorisée, si les matières les moins « cotées » sont celles où
« il suffit de travailler », c’est parce que l’école est censée sélectionner les
plus « doués ». Pourtant, on sait que certains critères d’évaluation –
l’originalité de l’expression, la finesse ou l’aisance verbale –, sont de fait
des qualités sociales dont seuls les héritiers sont dotés (Bourdieu et Saint-
Martin, 1975). En arrière-plan de cette valorisation des qualités innées, il y
a la prégnance de cette « norme d’internalité » qui prévaut dans les sociétés
modernes, et qui veut que « ce que font les personnes est le reflet de ce
qu’elles sont et que ce qui doit leur arriver est la conséquence de ce qu’elles
font » (Bressoux et Pansu, 2003 ; voir aussi Goudeau, 2020).
Toujours est-il que les évaluations ainsi construites sont amenées à
remplir des fonctions sociales variées : non seulement elles fondent les
décisions concernant les carrières scolaires, mais elles communiquent à
l’extérieur (administration, parents…) des informations sur la valeur des
élèves, et par là même de l’établissement13. L’enjeu est important : ne
jugerait-on pas négativement une école (ou un maître) dont les élèves
auraient régulièrement de très mauvaises (ou de très fortes) moyennes ? On
comprend donc que dans les écoles accueillant des publics « difficiles », on
ait tendance à surévaluer le niveau moyen des notes (l’inverse étant vrai
pour les écoles fréquentées par un public plus favorisé), avec comme
conséquence qu’in fine… les moyennes des élèves sont approximativement
partout les mêmes (cf. chapitre 5). Dans un contexte de concurrence
croissante entre établissements, les tentations de « manipulations » des
signes les plus visibles de l’excellence existent – entraîner
systématiquement les élèves au Brevet des collèges ou ajuster le niveau des
notes de contrôle continu comptant pour cet examen, par exemple –, une
alternative étant de sélectionner les élèves les mieux à même d’y réussir
(Ball et van Zanten, 1998).
Au total, le flou qui entoure les évaluations aurait pour intérêt de
préserver les apparences d’un fonctionnement uniforme de l’institution,
quels que soient les contextes (Perrenoud, 1984). Il ne s’agit donc pas d’un
simple problème technique, auquel la docimologie pourrait s’attaquer,
même si, quand il s’agit d’organiser une évaluation aussi lourde d’enjeux
que le baccalauréat, une multitude de règles et de commissions tentent de
conjurer collectivement le flou qui pourrait marquer l’appréciation des
compétences des candidats (Merle, 2007). C’est en ce sens qu’il y a des
débats récurrents sur la place des épreuves standardisées et continues au
baccalauréat.
Enfin, l’évaluation remplit aussi des fonctions pédagogiques dans le
quotidien de la classe. Les contrôles et les notes ne visent pas seulement à
évaluer le niveau des élèves, mais tout autant à les stimuler, à prendre en
main la classe et parfois à y maintenir l’ordre : on encourage tel élève, on
sanctionne tel autre, pour des raisons qui ne sont pas toujours d’ordre
strictement académique. En ce domaine, les maîtres ont une latitude non
négligeable, puisqu’ils sont libres d’interpréter le contenu opérationnel de
normes aussi générales que lire correctement ou comprendre un texte. Le
flou des évaluations leur préserve une certaine plage de liberté, que
supprimerait la généralisation d’épreuves standardisées. De plus, dans leur
pratique de notation, les enseignants expriment aussi leur rapport au métier
et aux élèves : les professeurs de lycée à la notation indulgente
accepteraient plus volontiers la diversification de leur public que les maîtres
sévères, et seraient plus confiants dans leurs élèves, ce qui tendrait à les
rendre plus efficaces notamment parce que cela améliore l’image de soi des
élèves (Felouzis, 1997, voir aussi Goudeau, 2020).
Les notes scolaires sont donc la face visible et terminale d’un processus
où entrent en jeu bien d’autres éléments que les seules performances : non
seulement elles ne livrent pas une photographie des inégalités réelles de
compétence entre élèves, mais elles expriment nombre de facettes du
fonctionnement de l’institution. L’évaluation est ainsi au cœur d’une
contradiction majeure du système éducatif : il doit à la fois individualiser et
réguler l’action pédagogique pour faire réussir tous les élèves, et fournir des
critères, perçus comme légitimes, de classement de ces derniers, puisque,
dans une perspective de sélection et d’orientation, la réussite scolaire est
toujours définie de manière relative (Perrenoud, 1997).

Conclusion
La sociologie des contenus de formation et des pratiques pédagogiques
analyse comment se construisent dans le quotidien des classes et des
établissements les inégalités de réussite observées au niveau statistique. Il
est à présent clairement établi que loin d’être le pur décalque des
caractéristiques psychologiques des élèves (telles qu’elles découlent
notamment de leur socialisation familiale initiale), les inégalités de
réussite résultent de mécanismes de nature clairement sociale, en
particulier de la confrontation entre leurs propres expériences et des
contenus, et plus largement des conceptions du monde, qui en sont
inégalement proches. Si on écarte ainsi tout fatalisme sociologique (ou
psychologique), faut-il pour autant décréter que tout se négocie au niveau
de la classe, et espérer ainsi, en amenant les enseignants à prendre
conscience des problèmes, transformer sans heurts l’institution ? Certes,
il existe des possibilités d’action à ce niveau, dont attestent les recherches
sur les effets des pédagogies ou du contexte de scolarisation, mais les
contraintes structurelles n’en existent pas moins : les programmes et les
façons d’enseigner d’une époque découlent de modèles sociaux et de
stéréotypes portant autant sur ce qu’il est évident d’apprendre que sur la
manière dont l’élève « normal » est censé apprendre (sachant que cet
élève non problématique est de fait un enfant de milieu favorisé ; cf.
Bonnéry, 2009). Ces modèles et ces stéréotypes cadrent l’action des
enseignants, et ce qui se passe dans le quotidien de la classe est donc
profondément marqué par les rapports sociaux qui président à ces
manières de faire la classe ainsi qu’aux relations entre enseignants et
élèves et entre élèves.
Mais si la sociologie des contenus contribue ainsi à « défataliser »
l’échec scolaire en en montrant les « secrets de fabrication » (pour
reprendre l’expression de Merle, 2007), elle peut aussi déboucher sur une
question redoutable : dès lors qu’on admet aujourd’hui que toutes les
connaissances sont le produit d’une construction sociale, et a priori toutes
les constructions sociales sont d’égale valeur, n’est-il pas discutable de
tenter de conduire à la maîtrise d’une culture arbitraire les élèves les plus
éloignés de l’école ? On peut considérer qu’il y a là un risque de relativisme
mâtiné de multiculturalisme qui pourrait déboucher sur la constitution de
nouveaux ghettos culturels. Relativisme qui serait, en outre, incompatible
avec la notion même de projet pédagogique, puisqu’on n’enseigne jamais
que les choses dont on juge qu’elles en « valent la peine » (Forquin, 1990).
Enfin, dans le quotidien de la classe, le relativisme rendrait difficilement
justifiable tel ou tel choix de contenus, et difficilement gérable la relation
d’autorité maître-élève. En fait, le relativisme latent de la sociologie des
contenus doit être considéré avant tout « comme un moyen heuristique pour
remettre en question les idées reçues sur le caractère absolu du statut des
connaissances en milieu scolaire et mieux les situer dans une perspective
historique » (Trottier, 1987), ce qui laisse toute latitude au politique, dont
c’est la responsabilité que de définir démocratiquement les contenus.
Si donc la sociologie des contenus de formation a le mérite d’ébranler la
tendance à « prendre des compromis pédagogiques éphémères et
conflictuels pour des absolus culturels » (Forquin, 1991), son pouvoir
suggestif pourrait être davantage exploité. Puisque tout est construit et
négocié dans les programmes et les pratiques, ce n’est pas mettre en péril la
culture française que de réfléchir à leur adaptation à des évolutions telles
que l’accueil de la totalité d’une classe d’âge au lycée ou encore l’ouverture
européenne par exemple, ou de mettre sur la table la (re)définition de la
culture commune que l’on entend transmettre au niveau du collège, non
sans une prise en compte réfléchie de la culture des élèves (Barrère et
Jacquet-Francillon, 2008). Comme Durkheim le soulignait, la question des
valeurs et des contenus éducatifs rejoint alors celle des voies, à redéfinir
constamment, de l’intégration sociale.
Orientation bibliographique
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TROISIÈME PARTIE

Les acteurs de l’éducation


Chapitre 7
Le métier d’enseignant
Les enseignants ont longtemps été étudiés en France dans leur rapport à
l’État et aux différentes classes sociales. À partir du début des années 1980,
les notions de « profession » et de « professionnalisation » ont été utilisées
par l’administration, les formateurs et les syndicats enseignants pour
promouvoir des changements pédagogiques et organisationnels
(Bourdoncle, 1991 ; Robert et Mornettas, 1994 ; Lang, 1998). Le recours
quelques années plus tard au terme de « métier » renvoie quant à lui au
sentiment d’une dissociation plus marquée qu’autrefois entre le statut des
enseignants et l’exercice quotidien de leur activité, ainsi que d’une
segmentation croissante des conceptions et des pratiques suivant
l’appartenance générationnelle et les contextes de travail (Dubet, 1991 ;
Rayou et van Zanten, 2004). Depuis les années 2000, c’est plutôt l’idée
d’une « déprofessionnalisation » qui est mise en exergue par les recherches,
en lien avec l’accroissement des injonctions extérieures visant à modifier
les pratiques et même les identités enseignantes en vue d’une plus grande
efficacité, voire d’une plus grande rentabilité (Maroy et Cattonar, 2002 ;
Ball, 2003b ; Mathou, Sarazin et Dumay, 2022). Par ailleurs, les recherches
insistent sur le fait qu’actuellement la dimension collective du métier
d’enseignant, si elle n’est pas nouvelle (Barrère, 2002), est devenue
incontournable pour comprendre le métier (Durler et Losego, 2019) : les
acteurs du milieu scolaire sont appelés à travailler ensemble pour proposer
aux élèves une offre d’éducation de plus en plus personnalisée. Ce chapitre
présente de façon thématisée des résultats de recherche, se concentre sur les
enseignants du premier et du second degré1, principalement en France, tout
en donnant un aperçu de l’évolution des missions des personnels non-
enseignants, de plus en plus nombreux.
Unité et diversité

Instituteurs et professeurs
L’usage du terme « enseignant » pour désigner l’ensemble des catégories
professionnelles dont la fonction principale est d’instruire les jeunes
générations, voire une partie des adultes, est, en France, un phénomène
récent, datant des années 1960 (Hirschhorn, 1993). Historiquement, on a
assisté plutôt à la constitution progressive, depuis la Révolution, de deux
corps indépendants, les instituteurs et les professeurs, correspondant aux
deux ordres d’enseignement, primaire et secondaire. Ces corps partagent
des traits communs, à savoir, d’une part, une forte dépendance à l’égard
de l’État, qui leur confère une légitimité, détermine leurs missions et les
soumet à une gestion bureaucratique, et, d’autre part, une autonomie
concernant leur organisation interne sur le plan des carrières et des choix
pédagogiques (Lang, 2008 ; Enthoven et al., 2015). Leur unité interne,
plus importante dans le primaire que dans le secondaire, notamment si
l’on tient compte des enseignants du professionnel, dotés d’une histoire
particulière (Tanguy, 1991), a cependant commencé à s’effriter avec le
recrutement massif d’enseignants, la création de nouvelles catégories et
le recours intensif à des non-titulaires dans la période de l’après-guerre,
qui ont engendré une grande hétérogénéité dans les statuts, les
trajectoires et les dispositions. Après une période caractérisée par le
renouvellement massif de la profession (40 % de départs à la retraite
entre 2000 et 2010, résultat des effets conjugués de la démographie et des
réformes des retraites) et le difficile « tuilage générationnel » dans les
établissements (Baillauquès, 2004 ; Rayou et van Zanten, 2004), les
départs à la retraite ont diminué à compter de 2008 (DEPP, 2017a).
Dans le primaire, les effets du baby-boom sur la population scolaire ont
commencé à se faire sentir dès le début des années 1950 et entraîné, entre
1951 et 1964, un recrutement de 150 000 à 160 000 nouveaux instituteurs
dont entre 80 000 et 100 000 par la voie de la suppléance ou du
remplacement (Prost, 1968). Les titularisations successives ont permis
d’intégrer ces nombreux maîtres sans formation, mais n’ont pas aboli les
écarts avec ceux qui sortaient de l’école normale2. Depuis 1993, le nombre
des personnels enseignants exerçant dans le premier degré est resté stable,
quoiqu’en augmentation depuis le début des années 2000 (les effectifs sont
passés de 360 000 en 2000-2001 à 403 000 en 2020-2021, secteurs public et
privé confondus, l’augmentation s’expliquant par des effectifs en hausse
dans le secteur public3), et la part des personnels non titulaires très faible,
quoique en augmentation : elle est passée de 0,4 % des enseignants du
premier degré public en 2015 à 1 % en 2020 (DEPP, 2021)4. Pourtant, des
différenciations internes demeurent en raison des variations dans les cursus
de formation et dans les niveaux de recrutement. À ces clivages s’ajoute
celui introduit par la création en 1992 du corps des professeurs des écoles,
auquel accèdent automatiquement les nouveaux entrants, mais aussi, par la
promotion interne, des instituteurs en exercice (Périer, 2016).
Dans le secondaire général, Chapoulie (1987) distingue trois périodes
correspondant à des conjonctures et à des politiques de recrutement
différentes. La première (1940 à 1955) se caractérise par une stabilité dans
le recrutement. Au cours de la deuxième (1955-1965), en revanche,
l’agrégation étant très sélective, le corps des agrégés se réduit jusqu’à
devenir une élite dans l’enseignement secondaire et si le nombre des
lauréats au Certificat d’aptitude professionnelle à l’enseignement
secondaire (CAPES) augmente, l’administration, voulant faire des
économies et préserver la valeur des titres, ne recrute qu’un minimum de
titulaires et attribue de nombreuses délégations rectorales à des licenciés. La
troisième période (1965-1970) correspond à une réabsorption lente et
limitée de l’auxiliariat, à une croissance très forte du nombre des certifiés et
à une croissance moins marquée de celui des agrégés, en même temps qu’au
développement du nouveau corps des professeurs d’enseignement général
des collèges (PEGC). On peut encore distinguer une quatrième période, des
années 1970 jusqu’à la période récente marquée par l’intégration des
adjoints d’enseignement et des PEGC dans le corps des certifiés et par une
croissance modérée de ce corps ainsi que celui des agrégés et des
professeurs de lycée professionnel – PLP. Dans le second degré, alors que
depuis 2009 le nombre d’élèves augmente, les effectifs enseignants ont été
en forte baisse entre 2003 et 2012, ils se sont stabilisés depuis5. Si
l’auxiliariat représente désormais une part infime des enseignants, les non-
titulaires (les maîtres auxiliaires et surtout, désormais, les contractuels) sont
cependant nombreux (alors qu’ils étaient 7,5 % en 2013, ils étaient 9,2 % en
2020). Leur nombre varie en fonction des besoins en enseignants par
période (élevé au début des années 1990, de nouveau en augmentation
depuis la fin des années 2000 jusqu’à la période actuelle) (Prouteau, 2015 ;
DEPP, 2017a, DEPP, 2021).
D’une certaine manière, les distinctions anciennes tendent à s’estomper.
Les origines sociales des instituteurs et des professeurs ne permettent plus
d’opposer les « enfants du peuple » à des « demi-bourgeois ». Les
formations suivies sont plus homogènes et le statut des professeurs des
écoles est aligné sur celui des professeurs certifiés. La création des collèges
et la démocratisation des lycées depuis les années 1960 ont également
entraîné des rapprochements dans les types de public et dans les effectifs de
chaque niveau d’enseignement. En outre, les relations professionnelles
entre enseignants, tout au moins entre ceux du primaire et ceux des
collèges, désormais prescrites par les réformes éducatives promouvant la
continuité école-collège, se renforcent. Les enseignants connaissent un peu
mieux aujourd’hui les programmes d’enseignement et les méthodes
pédagogiques de leurs collègues d’un autre niveau et, si les échanges
individuels restent rares, les réunions de concertation se multiplient,
notamment dans le cadre des politiques éducatives locales.
Néanmoins, il apparaît difficile de considérer que les enseignants forment
à tous les niveaux de la scolarité un seul et même groupe professionnel
unifié (Buisson-Fenet et al., 2022). Les hiérarchies institutionnelles restent
distinctes de même que les compétences attendues, désormais formalisées
dans des référentiels métier. La formation est d’ailleurs structurée par de
nouvelles segmentations pour coller à la diversité des métiers (Guibert et
Troger, 2012). Les occasions de rencontres, par exemple dans les réseaux
école-collège, révèlent les écarts de statut et les hiérarchies internes (Volf,
2018), tout comme les sociabilités professionnelles affinitaires (Farges,
2017). De façon plus fondamentale encore, les recherches montrent que dès
les premières années, dès les premiers pas dans le métier, les jeunes
enseignants des écoles, collèges et lycées envisagent leur métier
différemment, et que dans la majorité des cas l’orientation vers
l’enseignement répond au souhait d’enseigner dans un niveau précis, et pas
dans l’autre (Geay, 2010 ; Périer, 2018).
Féminisation et transformations
des origines sociales
Les professions de l’enseignement, qui ont été parmi les premières
professions intellectuelles à s’ouvrir de façon importante aux femmes,
sont actuellement parmi les plus féminisées (71 % des enseignants sont
des enseignantes en 2020-2021, cf. DEPP, 2021). Néanmoins, la
proportion de femmes varie en sens inverse du prestige et de la
rémunération des emplois. Dans le premier degré, la féminisation, qui a
progressé par paliers, est très importante aujourd’hui (84 % de femmes
dans le secteur public), et continue de progresser (+2 points entre 2015 et
2021). Parmi les non-titulaires du premier degré, les femmes sont
majoritaires, moins toutefois que parmi les titulaires. Dans le second
degré public, les femmes sont aussi plus nombreuses, mais dans une
proportion moindre que dans le primaire (59 %). La féminisation est plus
élevée chez les certifiés (65 % de femmes) que chez les agrégés (53 %) ;
elle est la plus faible chez les professeurs de lycée professionnel (51 %).
Les non-titulaires du secondaire sont composés à 52 % de femmes. Plus
nombreuses au collège qu’en lycée, les femmes sont aussi nettement
majoritaires dans les disciplines littéraires (lettres, langues, histoire-
géographie), artistiques, mais aussi en biologie-géologie ou en économie
et gestion (DEPP, 2021). Il est à noter que le secteur privé
d’enseignement est encore plus féminisé (74 %) que le secteur public,
pour le premier comme pour le second degré, en grande partie en raison
des différences quant au mode de recrutement (Jaboin, 2004 ; DEPP,
2021).
La forte représentation des femmes dans les métiers de l’enseignement
conduit à considérer ceux-ci comme des « métiers de femmes ».
L’allongement de la durée de la scolarité et la valorisation dans ses premiers
stades de la figure de l’« enfant » ont participé à donner au métier
d’enseignant une tonalité maternelle, tout particulièrement dans le primaire.
De plus, ces métiers sont perçus comme permettant d’articuler la vie
professionnelle et la vie familiale. Néanmoins, l’organisation relativement
flexible des emplois du temps par rapport à d’autres salariés (Chenu, 2002)
profite davantage aux hommes enseignants qui la mettent plus souvent au
bénéfice de leurs évolutions de carrière, tandis que leurs collègues femmes
continuent à assumer l’essentiel des tâches domestiques et familiales dans
leur foyer (Jarty, 2009). Cette vision est en outre une construction sociale
récente. Au XIXe siècle, le choix de l’enseignement apparaît comme une
alternative et non pas comme un complément au mariage. Le taux de célibat
des enseignantes, en particulier des femmes professeurs – qui s’élevait à
63 % dans les lycées en 1938 – est un indicateur éclairant de
l’incompatibilité sociale alors perçue entre ces deux dimensions du rôle
féminin (Cacouault, 1987 ; Acker, 1989). C’est seulement dans l’après-
guerre qu’apparaît le stéréotype de l’enseignement comme métier féminin.
Parallèlement, la féminisation de l’enseignement vient à être perçue comme
un indicateur de sa dévalorisation sociale par des sociologues
fonctionnalistes notamment qui utilisent ce critère pour classer
l’enseignement parmi les « semi-professions » (Etzioni, 1969). Quoi qu’il
en soit les enseignantes, dans le premier comme dans le second degré, ne
comptant pas leurs heures au risque de fragiliser leur santé, semblent moins
bien s’accommoder des caractéristiques contemporaines du travail
enseignant que les hommes (Tourneville, 2021 ; Balland, 2020).
Des travaux plus récents montrent que la féminisation influe sur le
rapport au métier en raison des écarts importants dans l’investissement
domestique des femmes et des hommes, mais de façon différente selon les
contextes nationaux. Ainsi en Angleterre, où la gestion de l’interface
travail-famille est vue comme une affaire privée, où la garde des enfants est
prise en charge financièrement principalement par les familles et où les
établissements scolaires exigent une présence en continu des enseignants,
beaucoup d’enseignantes du secondaire arrêtent de travailler pendant
plusieurs années pour élever leurs enfants. En France, en revanche, les
femmes professeurs avec des enfants en bas âge, dont le salaire est calculé
de la même manière que celui de leurs collègues masculins, et qui
bénéficient d’équipements étatiques de prise en charge de la petite enfance
obtiennent souvent de l’administration de pouvoir organiser leurs emplois
du temps de façon à les rendre compatibles avec les horaires des crèches et
des établissements scolaires des enfants. Par des voies différentes, ces
femmes se trouvent alors pénalisées du point de vue de leur accès à des
positions de responsabilité. Elles refusent pourtant souvent d’évoquer
l’existence d’inégalités de genre et soulignent, en France, les avantages des
concours et du statut qui protègent des discriminations sexuées et, en
Angleterre, le fait que la sélection sur ces postes s’opère sur la base des
compétences individuelles (Moreau, 2011 ; Couppié et al., 2012).
La féminisation est par ailleurs allée de pair avec une « moyennisation »
de la profession dans le premier degré. La comparaison entre les
enseignants actuels et les générations précédentes fait apparaître une
élévation progressive des origines sociales, en lien avec les transformations
de la structure de la population active et celles des exigences requises pour
devenir enseignant (Berger 1979 ; Vallet et Degenne, 2000 ; Charles et
Cibois, 2010). Dans la génération des enseignants ayant 30-45 ans au début
des années 1990, très féminisée, se fait sentir le poids des origines
supérieures (Maresca, 1995). Dans les années 2010, plus de 40 % des
jeunes professeurs des écoles ont un père enseignant, cadre ou exerçant une
profession libérale ou intellectuelle supérieure, contre 22 % parmi les plus
âgés (Farges, 2017). Les enseignants du premier et du second degré ont
désormais sensiblement la même origine sociale. Actuellement, environ la
moitié des jeunes générations de professeurs du second degré provient de
milieux de cadres et professions intellectuelles supérieures et de professions
intermédiaires. La profession du conjoint renforce par ailleurs la
« moyennisation » de la profession : parmi les conjoints des institutrices se
trouve une majorité d’individus exerçant des professions intermédiaires et
supérieures. La position sociale supérieure des enseignantes du secondaire
se trouve également confortée par le fait qu’elles sont plus nombreuses que
leurs collègues masculins à vivre maritalement avec des cadres et des
membres des professions intellectuelles supérieures, même si des
changements peuvent être observés parmi les cohortes les plus jeunes
(Farges, 2017). Des différences importantes subsistent néanmoins entre
catégories d’enseignants. L’auto-recrutement au sein de la catégorie des
enseignants (être enfant d’enseignants) est plus fort chez les enseignants du
secondaire que chez ceux du primaire, et en augmentation. Il est
particulièrement marqué chez les agrégés, qui forment la catégorie
d’enseignants dont les origines sociales sont les plus favorisées. A
contrario, les professeurs de lycée professionnel ont des origines sociales
nettement plus populaires. Enfin, dans le second degré, les enseignants du
privé ont une origine sociale moins favorisée que dans le public (Larivain et
Cormier, 2005 ; Pochard, 2008 ; Farges, 2011 ; Delhomme, 2020).
Des travaux ont défendu l’idée que l’évolution des origines sociales des
enseignants reflétait essentiellement celle de la structure sociale (Vallet et
Degenne, 2000). Pourtant les origines globalement élevées des enseignants
sont aussi indicatrices du niveau de diplôme exigé à l’entrée, ainsi que du
niveau de sélectivité des concours, qui décourage ou élimine
progressivement les étudiants issus de milieux plus défavorisés (Charles et
Cibois, 2010). De plus, la fermeture du groupe professionnel des
enseignants n’est pas absolue. Depuis les années 1990, le métier
d’enseignant est la position de cadre la plus accessible pour les jeunes actifs
issus des milieux populaires, d’autant plus que la part des parents cadres
tend à se rétrécir parmi les jeunes enseignants du premier comme du second
degré depuis quelques années (Delhomme, 2020 ; Charles et al., 2020). De
plus, une fraction des jeunes issus des immigrations, principalement des
femmes, a rejoint l’enseignement, notamment au niveau du professorat des
écoles (Charles et Legendre, 2006 ; Charles, 2008). L’étude de leur
expérience met en lumière les dilemmes auxquels elles font face,
confrontées à une ethnicisation des attributs liés à leur origine migratoire
(comme la couleur de peau) pouvant leur donner l’impression d’être
instrumentalisées comme « expertes de l’ethnicité » par leurs collègues
(Kilic, 2022).

Les trajectoires professionnelles

Le choix du métier
En France, les raisons invoquées par les enseignants ou futurs
enseignants pour justifier leur choix du métier renvoient tout d’abord à
ses caractéristiques intellectuelles, psychoaffectives et professionnelles.
Les enquêtes montrent que les candidats se destinent assez clairement
soit pour le premier degré, soit pour le second : seuls 12 % des étudiants
hésitent, et plus souvent les hommes que les femmes. Une majorité des
étudiants déclarent s’être décidés pour le métier d’enseignant avant le
baccalauréat. Les raisons majoritaires données pour s’orienter vers
l’enseignement du premier degré, plutôt que du second degré sont les
suivantes : la tranche d’âge ou le type de public (53 % cochent cette
réponse), la pluridisciplinarité (47 %) ou encore la mise en place des
fondamentaux de l’instruction (26 %). Ces raisons sont assez stables
depuis trois décennies (Périer, 2016 ; Maresca, 1995). L’importance
accordée à l’autonomie (le fait de pouvoir prendre en charge seul, et pour
toute une année scolaire, un groupe d’enfants), repérée dans les années
1980 et 1990 (Dubet et Martucelli, 1996a ; Kherroubi, 2000), compte
relativement peu parmi les candidats à l’enseignement actuellement,
peut-être signe d’un recul de la « culture de la classe fermée ». En ce qui
concerne les professeurs du secondaire, les raisons le plus souvent citées
concernent l’intérêt pour la spécialité ou la discipline, le contenu des
programmes qui est jugé plus « attrayant », ainsi que l’âge des élèves,
perçus comme plus matures (Périer, 2016).
Tant dans le premier que dans le second degré, la relative liberté permise
par le travail enseignant semble moins attractive que par le passé. En effet,
dans les enquêtes récentes, l’autonomie dans le travail figure parmi les
dernières raisons qui rendent le métier attractif du point de vue des
étudiants, bien loin derrière la transmission des savoirs. Une explication
peut être trouvée dans les représentations changeantes du métier qu’ont les
étudiants qui s’y orientent : ils envisagent le métier d’enseignant comme
exposé à des relations difficiles avec les parents d’élèves, qui sont
susceptibles de réduire l’autonomie et de contester la légitimité des
enseignants. « Donner plus d’autonomie aux enseignants » figure parmi les
changements qui pourraient, aux yeux des étudiants, rendre le métier plus
attractif, assez loin toutefois derrière « revaloriser le salaire des
enseignants », « améliorer l’image de l’enseignement », « ne pas affecter les
professeurs débutants sur les postes difficiles » ou encore « réduire le
nombre d’élèves par classe ». Parmi les raisons qui rendent le métier
attractif, l’autonomie est aussi classée derrière d’autres raisons telles que la
sécurité de l’emploi, le temps libre et les vacances. Disposer de temps de
travail permettant de concilier l’éducation des enfants et la vie familiale
occupe toujours une place importante dans les choix des professeurs, bien
que les transformations du temps de travail prescrit des enseignants et
l’anticipation d’une forte charge de travail, notamment dans le premier
degré, puissent diminuer l’intérêt de rejoindre l’enseignement pour cette
raison (Maresca, 1999 ; Obin, 2003 ; DEP, 2005 ; Geay, 2010 ; Périer,
2016 ; Broccolichi, et al., 2018).
Les recherches mettent aussi en évidence le poids de diverses formes de
socialisation primaire et de socialisation anticipatrice dans le choix du
métier. La socialisation familiale joue un rôle important. En effet, à
l’importance déjà soulignée de l’auto-recrutement, il faut ajouter le fait que,
quel que soit l’ordre d’enseignement considéré, on y trouve une majorité
d’individus dont au moins un des parents appartient au secteur public, ce
qui favorise la valorisation du statut de fonctionnaire mais aussi la
transmission d’une culture et d’une éthique professionnelle spécifiques. La
socialisation scolaire influe également. Souvent bons élèves, beaucoup
d’enseignants indiquent s’être identifiés à certains professeurs et avoir
décidé d’entrer dans la profession avant l’obtention du baccalauréat
(Deauvieau, 2005 ; Charles, 2008 ; Geay 2010 ; Périer, 2016 ; Farges,
2017). Parmi les étudiants des milieux populaires, les métiers de
l’enseignement représentent des positions stables sur le marché de l’emploi,
mais aussi des mobilités ascendantes « raisonnables » et « honorables »
pour des groupes sociaux moins à même de faire valoir leur capital social
pour trouver un emploi sur le marché privé du travail (Poullaouec, 2004 ;
Hugrée, 2010). Chez le petit nombre d’enfants d’immigrés qui accèdent à la
profession, très nombreux sont ceux qui expriment un fort sentiment de
dette à la fois vis-à-vis de leurs parents qui se sont mobilisés pour leur
réussite et vis-à-vis de l’école qui leur a assuré une promotion (Charles et
Legendre, 2006).
Les mécanismes scolaires, notamment le fait d’être scolarisé dans des
filières dont le professorat constitue un débouché de premier ordre, exercent
également une influence importante (Vincent et al., 1967 ; Chapoulie,
1987 ; DEP, 2005 ; Périer, 2016). Il faut néanmoins tenir également compte
de la proportion croissante des candidats non-étudiants qui se présentent
aux concours de l’enseignement. Ceux-ci représentaient près de 40 % du
vivier des candidats au concours externe de professeurs des écoles et 33 %
des concours de l’enseignement secondaire en 2015. Ces candidats sont
issus du secteur privé ou de la fonction publique hors enseignement,
certains étaient des demandeurs d’emploi, ou des personnels d’éducation ou
enseignants non-titulaires. L’attractivité du Certificat d’aptitude au
professorat de l’enseignement technique (CAPET) et au professorat de
lycée professionnel (CAPLP) est particulièrement sensible pour les
demandeurs d’emploi et autres salariés du privé ou du public (hors
enseignants), leur part parmi les candidats ayant le plus fortement augmenté
entre 2005 et 2015 (passant par exemple de 14 % en 2005 à 27 % en 2015
pour le CAPET externe). L’évolution de ce type de candidatures peut être
mise en relation avec la dégradation du marché de l’emploi, même si les
taux de réussite de ces candidats non-étudiants sont les plus faibles (Périer,
2016). En outre, l’accès à l’enseignement après une expérience
professionnelle s’accompagne d’un rapport spécifique au métier
d’enseignant et n’est pas automatiquement associé à une valorisation plus
forte de celui-ci (Farges, 2019). Les reconversions professionnelles vers
l’enseignement peuvent se faire à certaines conditions : tel est le cas
d’anciens ingénieurs qui se convertissent vers le professorat des écoles
uniquement à la condition de pouvoir s’engager dans des méthodes
pédagogiques alternatives, perçues comme un vecteur de valorisation de la
condition enseignante, manière d’échapper à une reconversion pouvant être
perçue comme « descendante » (Giraud, 2019).
Une proportion élevée des enseignants déclare avoir exercé des fonctions
de maître d’internat, de surveillant d’externat ou d’aide éducateur dans des
établissements d’enseignement (Pochard, 2008). Or ces activités, de même
que d’autres exercées à l’extérieur de l’école (animation de centres aérés ou
de colonies de vacances, d’activités sportives ou culturelles ou encore
soutien scolaire dans une association) de façon régulière ou irrégulière
constituent une socialisation anticipatrice à l’enseignement qui favorise
l’accès au métier des jeunes des milieux populaires ou issus de
l’immigration de deux façons complémentaires : en leur permettant de
financer leurs études supérieures et en les rapprochant d’un univers
professionnel socialement éloigné (Deauvieau, 2005 ; Charles, 2008). À ce
titre, la succession depuis 2012 de trois dispositifs d’entrée dans le métier
poursuivant l’objectif de favoriser l’accès des étudiants issus de milieux peu
favorisés à l’enseignement (les « emplois d’avenir professeur », les
« étudiants apprentis professeurs », les « assistants d’éducation en
préprofessionnalisation ») mérite d’être mentionnée.
Les bénéfices statutaires et salariaux et les conditions de travail jouent
aussi un rôle dans le choix du métier. Chez les générations plus anciennes
d’instituteurs, la dimension de « promotion sociale » était très importante
(Berger, 1979), alors que les instituteurs plus jeunes, d’origines sociales
plus élevées, ont pu voir dans l’accès à l’enseignement une stratégie de repli
par rapport au déclassement social (Charles, 1988 ; Farges, 2011). Chez les
professeurs du secondaire, la possibilité de bénéficier d’une stabilité
d’emploi constitue aussi une dimension importante au moment du choix du
métier. Ceci est particulièrement vrai pour les femmes, plus menacées par
les formes précaires d’emploi que les hommes et beaucoup plus
susceptibles de se trouver après une séparation ou un divorce en charge des
enfants (Charles, 2008). Le salaire n’apparaît pas attractif pour une majorité
d’étudiants envisageant l’enseignement comme débouché (Périer, 2016). De
fait, le salaire réel moyen, primes et allocations comprises des jeunes
enseignants français, correspond dans le primaire à 0,86 fois le salaire perçu
par les autres actifs occupés du même âge et tout aussi diplômés. Dans le
secondaire, les niveaux de salaires sont plus comparables (OCDE, 2014).
Les enseignants du premier degré restent moins bien rémunérés que les
enseignants du second degré, lorsque l’on tient compte des primes et des
heures supplémentaires. Tandis que les comparaisons internationales se sont
développées, montrant le faible niveau de salaire des enseignants français
par rapport à ceux d’autres pays (OCDE, 2017), les comparaisons internes à
la France entre les cadres et les enseignants montrent que ces derniers ont
en moyenne des rémunérations moindres, à nuancer cependant entre
hommes et femmes (Mingat et Suchaut, 2007 ; Besson et al., 2014). Par
ailleurs, les enseignants forment un des groupes professionnels dont les
rémunérations ont le mieux résisté au risque de déclassement dans la
hiérarchie des salaires au cours des années 1980 et 1990 même si leur
pouvoir d’achat a baissé depuis les années 2000 et si le salaire initial reste
inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE en début de carrière (Goux et
Maurin, 2008 ; Bouzidi et al., 2007 ; OCDE, 2017). Les conditions de
travail sont perçues quant à elles de façon ambivalente. Si le temps
professionnel moins contraint que dans d’autres professions pouvait
apparaître comme un avantage important (Guillaume, 2000), ce n’est plus
vraiment le cas depuis les années 2010 (Périer, 2018 ; Tourneville, 2021).

La formation initiale
Les concours, censés garantir l’égalité dans l’accès aux emplois et la
sélection des meilleurs, mais qui valorisent des connaissances et des
dispositions très différentes pour les enseignants du primaire et du
secondaire, ont donné lieu à des modalités de formation initiale nettement
distinctes pour les deux groupes. Les programmes d’enseignement aussi
bien que l’éducation au sens large – conseils vestimentaires, manières de
table, tenue du corps, règles de vie – très stricte qui était dispensée dans
les écoles normales ont longtemps doté les premiers d’une compétence et
d’une morale professionnelle homogènes (Delsault, 1992 ; Détrez et
Bastide, 2020). Depuis les années 1960 toutefois, ces institutions sont
apparues moins capables de proposer un modèle cohérent et d’obtenir
l’adhésion d’un public rendu beaucoup plus critique qu’autrefois par
l’élévation du niveau de formation et des origines sociales (Charles,
1988 ; Laprevote, 1984). Les professeurs de l’enseignement secondaire
recevaient, quant à eux une formation disciplinaire dans les universités,
complétée, à partir de 1952, par une formation dans les Centres
pédagogiques régionaux mettant l’accent sur la compétence culturelle
générale et non sur la pédagogie (Chapoulie, 1987 ; Robert, 1995). Une
place à part doit néanmoins être faite à la formation des enseignants de
l’enseignement technique et professionnel dans les écoles normales
nationales d’apprentissage (ENNA) où la transformation des ouvriers en
maîtres a favorisé de nombreuses innovations pédagogiques comme la
pédagogie par objectifs, l’alternance ou les référentiels de compétences
qui se sont diffusées par la suite dans l’ensemble du milieu enseignant
(Tanguy, 1991 ; Terral, 1997).
De nombreux pays européens ont introduit des réformes dans la
formation des enseignants depuis les années 1970. En France, elles ont été
plus tardives et plus problématiques que dans d’autres contextes nationaux
en raison des différences entre les cultures professionnelles des formateurs
de chaque degré et type d’enseignement. Elles ont néanmoins abouti à la
création expérimentale d’Instituts universitaires de formation des maîtres
(IUFM) en 1989, puis à leur reconnaissance officielle à la rentrée 1991
(Lang, 1998). Ces nouvelles institutions visaient à donner aux futurs
enseignants de tous les niveaux, détenteurs d’une licence universitaire, une
formation à la fois théorique et pratique en deux ans. Les recherches ont
permis néanmoins de constater la difficulté à faire émerger une formation
professionnelle digne de ce nom (Terral, 1997 ; Demailly et Zay, 1997 ;
Lang, 1998 ; Guibert et al., 2008 ; Guibert, 2017).
Ces institutions ont par ailleurs mis en œuvre un modèle de formation
« successif » ou « consécutif » – et non « simultané », c’est-à-dire avec
alternance de formations disciplinaires et professionnelles comme en
Finlande, dans les « hautes écoles » en Suisse ou en Belgique francophone,
ou encore dans les « bacs en enseignement » au Québec – qui a eu deux
conséquences majeures. La première a été de renforcer le fort attachement
aux disciplines universitaires et d’encourager chez les enseignants déjà
reçus aux concours une attitude très critique à l’égard de la formation
professionnelle en deuxième année, perçue comme inférieure voire comme
une forme de « déclassement » par le rapprochement avec le primaire
(Robert et Terral, 2000). La deuxième, qui est le pendant de la première, est
de donner une place prépondérante au « terrain », c’est-à-dire à des
pratiques pédagogiques dans les établissements, décrites et exemplifiées par
des pairs et par eux seuls, les tuteurs et les conseillers pédagogiques étant
bien mieux perçus que les formateurs et les « recettes » qu’ils cherchent à
transmettre (Bouvier et Obin, 1998 ; Guibert et al., 2008 ; Rayou, 2008 ;
Geay, 2010). Cette dissociation entre une formation théorique, limitée et
décriée, et une formation sur le tas, appréciée mais peu généralisable traduit
aussi le difficile « métissage » des savoirs issus de la recherche et de
l’expérience (Rayou, 2008 ; Perrenoud et al., 2008) que l’introduction de
« mémoires professionnels », en raison de leur place dans le cursus et de
leur double rôle de formation et d’évaluation, encourage difficilement
(Rayou, 2003 ; Rochex, 2003 ; Bret, 2019).
Les pressions nationales en faveur de la disparition des IUFM ainsi que
les pressions internationales en faveur de l’harmonisation des modes de
certification universitaire ont en fait conduit à l’intégration de ces instituts
de formation à l’université en 2007 et à l’obligation pour les enseignants
d’obtenir un diplôme de niveau master en 2008 (on parle alors de
« masterisation », mise en place en 2010). Ce modèle se rapproche
formellement de celui en vigueur dans d’autres pays puisqu’il vise en
théorie à favoriser l’orientation vers le métier dès les premières années post-
bac et la mise en place d’une formation plus progressive intégrant les
dimensions disciplinaires et professionnelles. Il s’en distingue nettement
cependant par la quasi-absence d’une formation pédagogique se nourrissant
des apports des sciences humaines et sociales. Sur une courte période, entre
2010 et 2013, l’année de stage en alternance a été supprimée dans un
contexte politique défavorable aux IUFM à qui l’on a reproché un inutile
« pédagogisme ». La formation reçue par les enseignants s’est alors
recentrée sur le disciplinaire, bousculant les conditions d’entrée dans le
métier, avant tout appris sur le tas (Pérez-Roux et Lanéelle, 2013).
Signalons qu’en Angleterre, où l’introduction du « nouveau management
public » en éducation s’est faite de façon très prononcée, la formation
initiale des enseignants a connu des changements marqués depuis les
années 1980, dans le sens d’une très forte standardisation des pratiques,
d’un rôle accru de l’État dans la régulation de l’entrée dans la profession, et
d’une séparation forte des enseignants-chercheurs versus formateurs de
terrain, de sorte que la formation tend désormais à concevoir l’enseignant
sur le modèle de l’artisan (craftsperson) plutôt que sur celui de l’intellectuel
(scholar) (Helgetun et Dumay, 2021). La situation en France apparaît par
contraste relativement stable. Pourtant, la formation des enseignants n’a
cessé de connaître des changements au début du XXIe siècle, dans un
objectif toujours poursuivi mais reformulé de professionnalisation. Ainsi,
les IUFM ont été remplacés en 2013 par les ESPE (Écoles Supérieures du
Professorat et de l’Éducation)6, composantes internes des universités, aux
missions plus étendues. L’articulation de la formation avec la recherche,
l’un des objectifs des ESPE, semble loin d’être acquise, ou alors de façon
partiale. Par exemple, la sociologie enseignée en ESPE dispose d’une faible
autonomie, les savoirs dispensés dépendant de rapports de force entre
acteurs qui tendent à diminuer la place de la sociologie dans l’offre de
formation (Balland et David, 2021).

Les carrières enseignantes


La profession enseignante offre peu de perspectives de carrière au sens
classique du terme car l’éventail des positions auxquelles les individus
peuvent prétendre est étroitement limité (Lortie, 1975). La mobilité
fonctionnelle permettant d’exercer d’autres missions ou tâches sans
quitter son corps d’origine est néanmoins vécue par une partie des
enseignants comme une promotion. Il s’agit par exemple, dans
l’enseignement primaire, d’évoluer de la prise en charge du cours
préparatoire vers celle des cours moyens et, dans le secondaire, de
l’enseignement en collège à l’enseignement en lycée et des
enseignements secondaires vers des enseignements post-baccalauréat
dans les lycées ou dans des institutions d’enseignement supérieur (pour
les enseignants du secondaire affectés dans le supérieur, les chances
d’accès au corps des maîtres de conférences ne sont pas égales pour les
agrégés et les certifiés, et varient aussi selon les disciplines et les lieux
d’enseignement, cf. Menger et al., 2017) ou encore, dans le primaire
comme dans le secondaire de devenir conseiller pédagogique ou
d’intégrer le réseau d’établissements français à l’étranger. À cela, il faut
ajouter la pluriactivité de certains professeurs qui donnent des cours
particuliers dans les familles, dans la formation permanente ou à
l’université, font de la recherche ou rédigent des ouvrages scolaires
(Pinto, 1994 ; Obin, 2003). Peu étudiée, la pluriactivité des enseignants
se retrouve dans plusieurs pays, en particulier les pays en développement
où elle est associée à la recherche de compléments de revenus et à une
faible valorisation du métier, et questionne la capacité à assumer
efficacement les tâches pédagogiques (Tama et al., 2014 ; Teder et
Mikser, 2019 ; Elacqua et Marotta, 2020).
La promotion interne par concours ouvre aussi d’autres possibilités
d’évolution. Les promotions les plus appréciées sont celles qui permettent
de continuer à exercer une activité pédagogique comme le passage de
professeur certifié à agrégé. En France les positions d’encadrement et de
supervision restent (malgré des tentatives d’instaurer de nouvelles missions
au sein des établissements scolaires : cf. Frajerman, 2019) plus réduites que
dans d’autres pays, comme l’Angleterre par exemple, en raison de l’absence
d’un management intermédiaire (Moreau, 2011). En outre, les fonctions
d’inspecteur ou de chef d’établissement apparaissent peu attractives parce
qu’elles entraînent la perte de contact régulier avec les élèves et sont
associées à des tâches de nature administrative ainsi qu’à une charge de
travail dans l’ensemble très abondante (Rayou et van Zanten, 2004 ; Progin,
2017 ; Losego, 2019). On constate par ailleurs une faible mobilité en
direction d’autres administrations ou agences étatiques et, encore moins
vers le secteur privé, la porosité vis-à-vis du monde de l’entreprise
s’avérant très limitée, bien qu’elle constitue l’une des portes de sortie
privilégiées des enseignants en quête de reconversion (Danner et al., 2019 ;
Feuillet et Prouteau, 2020).
Ces mobilités pourraient être accompagnées par la formation continue,
mais celle-ci joue pour l’instant un rôle mineur. En 2001, Pierre Merle et
Gérard Sensevy écrivaient que « la formation continue des enseignants a
une histoire qui reste encore à écrire ». Treize ans plus tard, la formation
continue apparaît encore « quasiment inexistante » et « presque entièrement
à (re)construire » (Chaix, 2014). Par comparaison avec d’autres contextes
(par exemple la Belgique où la formation continue est obligatoire), la
France paraît en retard à la fois sur les mesures prises et sur la
reconnaissance de l’intérêt de développer la formation continue des
enseignants. La dernière réforme en date de la formation des enseignants,
celle qui a porté les ESPE en 2013, a prévu que celles-ci aient en charge la
formation continue des enseignants. Dans le primaire, les instituteurs
bénéficiaient depuis le début des années 1970 de trente-six semaines de
formation seulement sur l’ensemble de leur carrière. Rendue obligatoire
pour eux en 2013, la formation continue proposée aux professeurs des
écoles prend pour l’instant des formes hybrides : elle peut toujours se faire
en présentiel mais aussi à distance par le biais de la plateforme
« m@gistère », dont l’efficacité en termes d’apprentissage reste à étudier.
La formation continue des professeurs du secondaire s’est fortement
développée avec la mise en place des Missions académiques à la formation
des personnels (MAFPEN) en 1982, mais elle a régressé dans les années
1990 après l’arrêt de cette initiative. Si la formation tout au long de la vie
des enseignants pourrait, ou devrait, devenir « constitutive du métier »
(Filâtre, 2016), à tous les niveaux, cela pose cependant la question des
formateurs et de leur propre formation pour accompagner le changement
(Maulini et al., 2015). Notons que les jeunes enseignants sont plus
représentés parmi les utilisateurs de la formation continue (45 % ont moins
de 40 ans) et plus demandeurs que leurs aînés d’une actualisation
disciplinaire, d’un renouvellement des compétences professionnelles et
d’un accompagnement institutionnel des cheminements personnels (Rayou
et van Zanten, 2004 ; Farges, 2017). Par ailleurs, un colloque de la Chaire
UNESCO « Former les enseignants au XXIe siècle » (2015) a montré que le
niveau intermédiaire de formation, proposé par les établissements, ne peut
plus être négligé7.
La carrière des enseignants se construit aussi à travers une mobilité
horizontale qui les conduit à changer d’établissement jusqu’à trouver leur
lieu idéal d’exercice (Becker, 1952). En France, on observe une
hypermobilité en début de carrière, suivie d’une extrême stabilité après que
le poste désiré a été obtenu. Cette mobilité est moins importante dans le
primaire à la fois parce que les écarts dans les conditions d’exercice entre
établissements sont perçus comme moins importants et parce que les
nominations ont lieu à l’échelle académique. Les changements d’école
peuvent néanmoins être fréquents. On constate que les écoles implantées en
milieu rural éloigné et les écoles urbaines « très populaires », qui
constituent des points de passage obligés pour les jeunes professeurs des
écoles, sont plutôt évitées (Maresca, 1995 ; Léger et Tripier, 1986 ; Henriot-
van Zanten, 1990 ; Peyronie, 1996 ; Marnet, 2017 ; Barrault-Stella, 2018).
La mobilité des professeurs du secondaire, dont le recrutement et les
mutations sont gérés au niveau national, est beaucoup plus importante. Les
académies de Créteil, Versailles et Amiens sont celles que les enseignants
titulaires ont le plus souhaité quitter en 2015 : 53 % des enseignants
titulaires qui ont participé au mouvement interacadémique proviennent de
ces trois académies (24 % de l’académie de Versailles, 23 % de celle de
Créteil et 6,5 % de celle d’Amiens), et 47 % des demandes de sortie d’une
académie ont été satisfaites. Ceci a pour conséquence le nombre plus
important d’enseignants « néo-titulaires », obligés de participer au
mouvement interacadémique, dans ces académies. Ainsi, les académies de
Créteil et de Versailles ont accueilli en 2015 38 % des néo-titulaires, qui
sont à l’origine de près de la moitié des demandes de mutation. Les
académies qui comptent le plus de « néo-titulaires » renouvellent chaque
année leurs enseignants, ce qui pose la question de la continuité de l’action
pédagogique. Parmi les raisons des mobilités figurent le rapprochement
familial, qui représente près d’un quart des demandes, mais surtout les
« convenances personnelles », plus difficiles à cerner. De plus, la part des
enseignants de moins de 30 ans est élevée dans les académies de Versailles,
Créteil, Amiens et en Guyane, également concernées par les plus forts taux
d’échec scolaire et de décrochage. Les non-titulaires se concentrent
également dans ces académies. Ce sont les académies de l’Ouest et du Sud
qui sont les plus attractives : Bordeaux, Rennes, Toulouse. Paris connaît la
plus forte proportion d’enseignants de plus de 50 ans, et peu de turnover
(DEPP, 2017a et b ; Cnesco, 2018).
Notons toutefois que dans le second degré, les mutations au sein des
académies sont plus fréquentes que les mutations entre académies (DEPP,
2017b). Les raisons de ces mobilités un peu plus « locales » ne sont peut-
être pas très éloignées de celles des mutations interacadémiques. En effet,
au sein d’une académie, l’éloignement géographique par rapport au lieu de
vie familial peut être très grand. Plus généralement, on sait que les
mutations demandées par les enseignants visent à les faire accéder à des
conditions d’exercice plus adaptées, dans des établissements concentrant
moins d’élèves en difficulté, ou à des lieux de vie considérés comme plus
attractifs notamment pour la vie de famille et l’éducation des enfants
(Veschambre, 1993 ; Léger, 1981, 1983).
Chez les enseignants, la première année d’exercice revêt une importance
particulière en raison du passage assez abrupt de la condition d’étudiant à la
prise en charge d’une classe qui oblige à une « auto-socialisation »
accélérée (Lortie, 1975). L’importance du choc ressenti dépend toutefois
d’une variété de facteurs : l’origine sociale et le statut de l’enseignant, mais
aussi le degré d’éloignement de la région d’origine, le type d’établissement
et son public, le lien conservé avec la structure de formation (Rayou et van
Zanten, 2004 ; Périer, 2014). Dans certains pays, les premières années se
caractérisent par un fort « décrochage » des jeunes enseignants qui changent
de métier, principalement en raison des conditions d’emploi et de travail
(Karsenti et al., 2013 ; Danner et al., 2019), et la rétention « d’enseignants
de qualité » peut constituer un enjeu pour les politiques publiques (Cros et
Obin, 2003). En outre, malgré leurs difficultés, les premières années, où ils
expérimentent de nouvelles solutions aux problèmes quotidiens dans la
classe, peuvent être très gratifiantes pour une partie des jeunes enseignants,
proches de leur public par l’âge et peu mobilisés par les charges familiales.
Ces derniers font par ailleurs part de réelles progressions au cours de ces
premières années concernant la gestion de la classe, corroborant ainsi les
travaux sur « l’effet-maître » qui montrent la croissance de l’efficacité avec
l’expérience (Bressoux, 2011, cf. chapitre précédent). Plus encore, les
conditions de prise de poste et les relations professionnelles qu’elles
induisent peuvent permettre des pratiques de collaboration bienvenues dans
les premières années pour alléger la charge de travail et prendre confiance
en soi (Durler et Losego, 2019), mais aussi conduire à désinvestir des
valeurs et des idéaux au bout de quelques années d’exercice (Broccolichi et
al., 2018).
S’ensuit une relative stabilisation des conditions de travail et de
rémunération. À compter de l’année scolaire 2017-2018, la notion de
« carrière » pour les enseignants se rapproche de la notion d’évaluation. En
effet, quatre « rendez-vous de carrière » après 7 ans, 13 ans et 20 ans
d’exercice et au moment de demander la nouvelle « classe exceptionnelle »,
visent désormais à objectiver la « valeur professionnelle » de l’enseignant
(Palet, 2022). À l’issue de ces rendez-vous, les enseignants peuvent voir
leur rémunération augmenter. Les grilles avec lesquelles les enseignants
sont évalués sont publiées au Journal Officiel. Révélatrices d’une
conception renouvelée du métier d’enseignant, elles incluent la maîtrise des
savoirs disciplinaires mais aussi la construction, la mise en œuvre et
l’animation de situation d’apprentissage, ou encore la capacité à coopérer
au sein d’une équipe, avec les parents d’élèves et les partenaires de l’école.
Jusque-là, la progression des enseignants français dans leur « carrière »,
essentiellement synonyme ici de rémunération, se faisait via l’attribution
d’une note, pouvant accélérer la progression dans l’échelle des salaires par
rapport au rythme de la rémunération à l’ancienneté, à la suite d’une
inspection pouvant intervenir à tout moment mais dans les faits peu
fréquente. Ce système a fait l’objet de critiques fortes : opacité, effectivité
(les inspecteurs ne pouvant évaluer régulièrement les enseignants), manque
d’équité et d’efficacité, forte subjectivité des inspecteurs (Buisson-Fenet et
Pons, 2017).
Les cheminements professionnels se font différemment pour les hommes
et pour les femmes, pour qui l’organisation des temps sociaux, entre vie
professionnelle, personnelle et familiale, ne présente pas les mêmes
caractéristiques. Les hommes s’inscrivent davantage dans une logique de
progression de carrière que les femmes (Jarty, 2009). Avec les années, à
défaut de perspectives de mobilité professionnelle ascendante, les
enseignants peuvent se mettre en recherche active d’autres positions
professionnelles, se remettre en question ou s’impliquer dans de nouvelles
expérimentations pédagogiques afin de diversifier leur activité (Montandon,
2004).
L’approche du départ à la retraite n’est pas synonyme de plus de confort
au travail. Dans les années 1980, des travaux avaient mis en avant qu’un
certain désengagement, serein ou amer, précédait la retraite (Sikes et al.,
1985 ; Huberman, 1989). Plus récemment, des recherches ont montré que
l’exercice du métier devient difficile avec l’âge, en raison de difficultés
physiques et mentales : tension nerveuse accrue, diminution de la patience,
moindre tolérance au bruit, douleurs liées à certaines postures ou
mouvements, difficultés de récupération. Les enseignants les plus âgés, et
pas seulement en France, sont nombreux à se plaindre d’une forte
dégradation de leurs conditions de travail – qui est attribuée à l’évolution du
public (accroissement des comportements déviants, baisse de niveau
perçue), mais aussi à l’accumulation et à la diversification des tâches
éducatives à côté des activités d’enseignement, et à évoquer des situations
de stress et d’épuisement professionnel (Cau-Bareille, 2014). Les
professeurs plus jeunes, en se regardant dans le miroir de leurs aînés,
redoutent de voir leur qualification professionnelle dépréciée, de perdre leur
dynamisme et leur motivation et de tomber dans la routine, voire la
dépression (Obin, 2003 ; Rayou et van Zanten, 2004 ; Lantheaume et
Hélou, 2008). Les enseignants âgés cherchent alors à réduire leur temps de
travail ou à l’aménager. Les facteurs personnels et familiaux arrivent en tête
des motifs de départ précoce à la retraite (Hansez et al., 2005). Hommes et
femmes ne sont cependant pas égaux face à la retraite : l’âge auquel les
femmes peuvent prétendre à une retraite à taux plein peut-être plus tardif en
raison des retards liés l’implication dans la vie familiale. En l’absence d’un
soutien adapté de la part de l’administration, malgré la mise en place de
quelques dispositifs visant à venir en aide aux enseignants en difficulté,
cette situation conduit de nombreux enseignants à souhaiter prendre leur
retraite le plus tôt possible, mais surtout, étant donné l’allongement du
temps de travail nécessaire pour obtenir une retraite complète, à souhaiter
pouvoir bénéficier d’une réduction du temps de présence devant les élèves
et d’une diversification des fonctions en fin de carrière (Obin, 2003 ; DEP,
2005 ; Lantheaume et Hélou, 2008 ; Farges et Tremblay, 2016).

L’exercice de la profession

Travail, professionnalisation
et compétences
L’enseignement est un travail à la fois très codifié et très flou qui se
caractérise par la prédominance de « routines incertaines » (Tardif et
Lessard, 1999 ; Barrère, 2002). L’indétermination provient d’au moins
trois sources. La première renvoie à l’environnement de travail des
enseignants. La classe étant un ordre interactionnel instable, enseigner,
c’est avant tout résoudre des problèmes, prendre des décisions, agir en
situation d’incertitude et souvent d’urgence (Perrenoud, 1993 ; Barrère,
2017). Cette dimension a conduit certains experts à encourager les
enseignants à devenir des « praticiens réflexifs » (Schön, 1983), capables
de recul face aux situations et d’autonomie dans la prise de décision,
mais ces derniers y semblent peu réceptifs en raison de leurs réticences à
l’égard de la pédagogie livresque et de leur survalorisation de la
dimension relationnelle (Tardif et Lessard, 1999, 2005 ; Gasparini, 2008).
Ensuite, les tentatives de codifier des savoirs experts (Altet, 1994 ;
Paquay et al., 1996) se heurtent à une autre source d’indétermination, à
savoir la vision « artisanale » du métier qu’ont beaucoup d’enseignants
pour qui ce dernier s’apparente à un patrimoine personnel combinant des
propriétés « innées », comme le charisme ou l’autorité, des savoirs
d’expérience, ou encore des ressources provenant tant des collègues de
l’école que de sites Internet ou encore de forums et de réseaux sociaux.
Cela peut expliquer que les savoirs issus de la formation reçue ne soient
pas systématiquement mis en œuvre dans la classe (Desjardins et al.,
2017). Cela tend même à s’accentuer chez les jeunes enseignants en
raison de la segmentation croissante des contextes d’enseignement et de
l’affaiblissement des formes collectives d’organisation de la profession
(Obin, 2003 ; van Zanten, 2003 ; Rayou et van Zanten, 2004 ;
Broccolichi et al., 2018). Enfin, le faible enracinement de la pratique
dans des savoirs scientifiques renforce également le caractère instable du
métier. Encore peu légitime dans le champ universitaire, en raison entre
autres de la pluralité des disciplines qui y contribuent et de leurs modes
divergents de conception de la science, peu appuyée institutionnellement,
peu diffusée et peu mobilisée dans la formation des enseignants malgré
les appels en ce sens, la recherche en éducation n’apparaît pas comme un
fondement incontestable de l’expertise enseignante et peut même
s’apparenter à un prescripteur de « bonnes pratiques » parmi d’autres
(Prost, 2001 ; Barrère, 2017).
La définition de la compétence par les enseignants eux-mêmes n’est
toutefois pas la même dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement
secondaire. Dans le premier degré, on observe que les enseignants insistent
davantage que par le passé sur l’acquisition par les élèves de capacités de
raisonnement, de recherche et d’expression que sur l’acquisition des
connaissances précises. Par ailleurs, la capacité de « donner aux enfants le
goût du savoir » ou les qualités relationnelles apparaissent comme des
critères pertinents d’évaluation de leur activité (Robert et Carraud, 2018).
C’est le rapport à l’enfant et l’investissement pédagogique qui structurent le
métier et non pas, comme dans le secondaire, la discipline. Celle-ci y reste
au cœur des motivations professionnelles, ce qui dessine des « cultures
disciplinaires » construites dans le temps long de la scolarité, du collège
jusqu’à l’université (Kherroubi et Grospiron, 1991 ; Maresca, 1995 ; Volf,
2018 ; Saussez, 2019). Cet intérêt pour la discipline des professeurs des
collèges et lycées n’est pas nécessairement un attachement ou une passion
pour le savoir en soi, mais peut relever par exemple de l’utilité formatrice et
sociale de leur discipline de rattachement. De ce point de vue, les
professeurs s’apparentent moins à des « intellectuels par vocation » qu’à
des « intellectuels par qualification » dont l’activité est orientée par des buts
pragmatiques (Boudon et Bourricaud, 1982 ; Robert, 1995 ; Maresca,
1997). Suivant Hirschhron (1993), trois modèles de référence coexistent
dans les établissements, qui ne semblent pas avoir perdu leur actualité. Le
modèle du magister, calqué sur un modèle universitaire toujours très
valorisé, même si la pédagogie des premiers cycles universitaires a
beaucoup changé au cours des dernières années (Altet et al., 2001 ; Duguet,
2018a), cède la place au cours « dialogué » valorisant la participation des
élèves (Barrère, 2002 ; Obin, 2003 ; Bautier et Rayou, 2009). On observe
ainsi un rapprochement avec le second modèle, celui du pédagogue, qui
émerge avec force dans les années 1960 et qui place l’élève au cœur de
l’activité. Enfin, un modèle plus récent est celui de l’animateur pour qui
c’est l’établissement qui est central dans les logiques d’action
professionnelles et se caractérise par l’investissement dans de nombreux
projets.
S’il est incertain, ou « flou », le travail enseignant est aussi très codifié
(Tardif et Lessard, 1999). Il est codifié par la loi (qui précise que
l’obligation d’instruction de tout enfant se réalise prioritairement dans les
établissements scolaires), par une organisation stabilisée des espaces
(l’école, la classe, la cour de récréation…), par des programmes
d’enseignement, des examens et, plus récemment, dans certains pays, par
des standards de « bonnes pratiques » qui spécifient le contenu de l’activité,
ainsi que par des règles bureaucratiques régissant l’organisation du temps
(le calendrier et les rythmes scolaires), des tâches, ainsi que les relations
professionnelles. Depuis les années 1980, les injonctions institutionnelles
poussent à l’extension et à la diversification des tâches des enseignants au-
delà du cadre de la classe : aide à l’orientation des élèves, élaboration de
projets transversaux avec des collègues, partenariats avec des acteurs
extérieurs, échanges plus suivis avec les parents…
Dans de nombreux pays, les référentiels de compétences se sont
multipliés à l’initiative des pouvoirs publics (et non des enseignants eux-
mêmes) : au début des années 2000, en Communauté française de Belgique,
la formation des enseignants est repensée autour de treize compétences
professionnelles, à la même période le Québec a défini douze compétences,
la France (qui a précisé des compétences pour les enseignants depuis la fin
des années 1980) compte depuis 2013 quatorze compétences. Ces
référentiels s’inscrivent dans une démarche de « professionnalisation » des
enseignants, dont on attend réflexivité sur les pratiques et esprit critique
(Etienne et al., 2009). Cette démarche se révèle pourtant paradoxale car les
recherches montrent que l’accroissement des normes et des règles, souvent
difficiles à mettre en œuvre, laisse davantage de champ au jeu des acteurs,
aux bricolages in situ, aux alternatives peu contrôlées et, in fine, aux
inégalités (Rayou et Véran, 2017).
Les prescriptions sont de plus en plus nombreuses sans que
l’indétermination constitutive du métier ne disparaisse. À l’école
maternelle, par exemple, la demande d’efficacité pédagogique se fait plus
pressante, les enseignants sont invités à faire cohabiter en bonne
intelligence représentations « scolaire » et bienveillante de l’enfant ce qui se
révèle bien souvent une gageure (Leroy, 2020). Plus généralement, à l’école
primaire, il est demandé aux enseignants de différencier les apprentissages,
d’opérer un suivi individualisé des élèves, d’accueillir des élèves en
situation de handicap dans les classes dites ordinaires, de se coordonner
avec une multiplicité d’acteurs de la communauté scolaire, tout ceci dans un
contexte de formalisation et de visibilisation plus grandes des pratiques.
Cependant, ces prescriptions sont incompatibles avec la présence d’un
grand nombre d’élèves par classe, avec l’absence de personnels dédiés pour
aider les élèves à besoins éducatifs particuliers, ou encore avec les
variations des horaires de travail des différents professionnels. La prise de
distance avec les prescriptions, dans l’ordinaire du travail, est ainsi
nécessaire (Garcia, 2019). Dans l’enseignement du second degré, au face-à-
face pédagogique devant des élèves au sein d’une classe, une polyvalence
professionnelle à l’échelle de l’établissement est attendue des professeurs
(Palet, 2019). Comme dans le premier degré, ces prescriptions donnent lieu
à des réinterprétations individuelles ou collectives sur le terrain (Kherroubi
et al., 1997, 1998 ; Lang, 2008 ; Lessard, 2009 ; Barrère, 2017). Elles n’en
sont pas moins jugées comme l’expression d’un manque de confiance de la
part de l’institution et d’une dévalorisation du statut, ce qui placerait les
enseignants dans l’obligation réitérée de faire leurs preuves, et de donner
des preuves.
Malgré d’importantes différences concernant les systèmes de formation,
les conditions d’enseignement et le rapport à l’État et aux usagers (Osborn
et al., 2000 ; Malet, 2008), ce sentiment est partagé par les enseignants de
nombreux pays européens et ce d’autant plus que les injonctions
institutionnelles nationales relaient des référentiels construits par les
instances européennes et l’OCDE (Cattonar, 2010). Les réactions des
enseignants dépendent néanmoins du modèle d’accountability qui est
imposé : la régulation par les résultats couplée à une forte autonomie des
établissements et des enseignants concernant les méthodes de travail,
comme en Autriche, s’avérant beaucoup moins menaçante pour les identités
professionnelles que le régime de « performativité » imposé aux
enseignants anglais. Ce dernier associe en effet l’évaluation par les résultats
et la prescription détaillée des façons de faire par le biais de scripts de
« bonnes pratiques » (Osborn et al., 2000 ; Ball 2003b ; Mons et Dupriez,
2010 ; Mathou et al., 2022).

La contextualisation des pratiques


et des éthiques professionnelles
Dans un contexte de « montée des dispositifs », par l’effet également des
politiques de décentralisation et de déconcentration, et aussi en raison des
prescriptions visant la différenciation pédagogique et l’adaptation aux
publics, l’action éducative tend à se rapprocher de l’échelon local
(Lelièvre, 2008 ; Barrère, 2013 ; Baluteau, 2014 ; Pons, 2015). L’activité
des enseignants apparaît très diversifiée selon les contextes d’exercice
(Talbert et McLauglin, 1996). Les différences entre ces derniers ont en
outre tendance à s’accroître en lien avec le renforcement de la
ségrégation urbaine et scolaire. Ce phénomène conduit les établissements
scolaires dans les milieux urbains défavorisés à subir de plein fouet les
effets de la concentration des groupes sociaux les plus démunis et les
enseignants à partager la « misère de position » de leur public d’élèves,
c’est-à-dire un sentiment de déclassement social malgré l’accès à une
occupation stable et reconnue, qui influe sur leurs pratiques et leurs
éthiques professionnelles (Bourdieu et Champagne, 1992 ; Verpraet,
2001 ; van Zanten, 2001a). Cela entraîne pour certains enseignants une
redéfinition de leur rôle professionnel, dans le sens d’une moindre
attention accordée aux aspects les plus académiques des carrières
scolaires, et d’une plus grande valorisation des compétences sociales
acquises par les élèves à l’école dans le sens d’une « action éducative
globale » (Kherroubi et al., 2018).
On constate de ce fait sans surprise que pour la plupart des enseignants
du primaire exercer dans une école de banlieue ou des quartiers difficiles
des grandes villes n’est pas du tout le même métier que d’exercer dans un
quartier favorisé. Les instituteurs des années 1990 y ont tendance à
s’attribuer moins de responsabilité dans le devenir scolaire de leurs élèves
qu’ils envisagent de façon plus pessimiste que dans les autres écoles ; en
revanche, ils mettent davantage en avant leur rôle dans le développement
moral et social de ces derniers (Careil, 1994). Ils font aussi état d’une
difficulté plus grande à soutenir l’attention des élèves et à maintenir la
discipline (Maresca, 1995). Des différences se font également jour
concernant les échanges réguliers entre enseignants, le travail en équipe et
la prise en charge collective des problèmes de discipline, l’existence ou non
d’un collectif étant un élément différenciateur central entre les écoles
populaires « mobilisées » et les autres (Gilly et al., 1993 ; Kherroubi, 1997 ;
van Zanten et al., 2002). Dans les écoles rurales, les enseignants ont
souvent une approche territorialisée de leur métier, centrée sur les collectifs
existants et les caractéristiques locales, et plus à distance des prescriptions
et des programmes (Rothenburger, 2016). Cependant, dans ces écoles, se
distinguent au moins deux types de trajectoires enseignantes : celles, de
court terme, qui s’y trouvent en raison des affectations de début de carrière
et dans l’attente d’un rapprochement avec un milieu plus urbain, et celles,
plus installées, qui s’inscrivent pleinement dans le territoire. Dans ce
second cas, un rapprochement peut être fait avec des écoles des quartiers
urbains populaires, dans lesquels se stabilisent certains enseignants :
l’installation résidentielle, la familiarisation avec le territoire et sa
population, les contacts prolongés avec une équipe pédagogique peuvent y
favoriser le sentiment de réalisation professionnelle (Marnet, 2017). Par
ailleurs, tous les types d’école sont concernés par des réformes récentes qui
participent à un renforcement des effets du contexte sur l’activité de travail
des professeurs des écoles. Tel est le cas par exemple de la réforme des
rythmes scolaires de 2013, impulsée nationalement mais mise en œuvre
localement (et donc dépendante des moyens des communes) qui conduit à
faire émerger la question du travail « gratuit » (Lebon et Simonet, 2017).
Des attitudes et des pratiques semblables à celles des instituteurs sont
perceptibles chez les enseignants du secondaire des années 1990 travaillant
dans des établissements urbains difficiles. Ils ont la vision la plus négative
des élèves, sont les moins optimistes quant à l’efficacité des différentes
méthodes pédagogiques, ressentent le plus l’indiscipline et sont les plus
nombreux à donner des punitions, à évoquer la démission des parents
comme source de difficultés dans l’exercice du métier et à se déclarer
insatisfaits ou à se sentir culpabilisés (Broccolichi et Oeuvrard, 1993 ;
Périer, 1994). Une analyse plus approfondie de ceux qui « durent » dans ces
établissements montre en outre l’émergence d’un processus puissant
d’adaptation qui rend certains enseignants incapables d’enseigner ailleurs
(Becker, 1952 ; Geer, 1997). Ces enseignants « modulent » leurs objectifs,
déplacent les exigences en matière de résultats vers des exigences en termes
de motivation et de « sérieux » dans le travail, accordent moins de place à
l’écrit et davantage à l’oral et à l’image et sont contraints à un important
travail de réglage sur place du contenu et des activités d’enseignement
(Rochex, 1995a ; van Zanten, 2001a). Pour faire face aux problèmes de
discipline, qui pèsent lourdement sur les situations de travail, les plus
anciens mobilisent leur « réputation », l’humour ou des techniques
psychologiques alors que les plus jeunes oscillent entre la « fraternisation »
avec les élèves et la répression. Tous ont néanmoins du mal à dépasser la
prégnance des dimensions relationnelles et affectives pour inculquer des
règles de vie en société et transmettre des connaissances (Woods, 1977 ;
van Zanten, 2001a ; Barrère, 2005).
Cette adaptation des pratiques8 – que les enseignants plus âgés vivent
comme un « deuil » de leurs ambitions professionnelles, mais que les plus
jeunes acceptent de façon plus pragmatique comme un « allant de soi » de
la massification – suscite au fil de quelques années d’exercice dans des
établissements concentrant des publics en difficulté le développement d’une
éthique spécifique (Grospiron et van Zanten, 2001). Celle-ci repose sur
l’adoption d’un regard valorisant sur les élèves de bas niveau scolaire et
social et insiste moins sur leurs qualités intellectuelles que sur leurs qualités
morales et les difficultés sociales auxquels ils font face. Elle comporte aussi
un code de conduite relationnel fondé sur la présence, l’écoute et la prise en
compte de la spécificité de chaque élève. Enfin, elle suppose également
l’extension du rôle de l’enseignant en écartant la figure du magister en
faveur de celle de l’éducateur, voire, pour une fraction, de travailleur social
(Rochex, 1995a). Si cette adaptation peut paraître nécessaire, voire
souhaitable, elle comporte aussi de possibles « effets pervers ». Elle
conduit en effet les enseignants, notamment les plus jeunes, à donner la
priorité à la compassion dans le traitement des cas individuels au détriment
de la poursuite d’une égalité de résultats qui suppose l’établissement d’une
norme commune et la prise en compte de facteurs et d’effets macrosociaux
(van Zanten, 2001a ; Rayou et van Zanten, 2004).

Hiérarchies et coopération entre


enseignants
Les établissements scolaires sont encore perçus comme des organisations
assez simples caractérisées par l’absence de hiérarchies très marquées,
par une faible division du travail et par un grand cloisonnement des
activités (cf. chapitre 6). Cette image est néanmoins réductrice eu égard
aux transformations actuelles, y compris dans l’enseignement primaire.
En effet, chez les professeurs des écoles, l’homogénéité apparente des
services d’enseignement cache une « hiérarchie des classes », les
enseignants les plus anciens ayant tendance à accaparer les niveaux
d’enseignement les plus élevés. Par ailleurs, la polyvalence, emblème
identitaire du métier, cède la place à des échanges de service et à des
décloisonnements de classes, les enseignants du primaire n’enseignant
pas toujours eux-mêmes l’ensemble des matières (Bottin, 2002 ;
Philippot et Baillat, 2009). Cette diminution de la polyvalence s’explique
par l’élévation du niveau d’exigence dans chaque matière en lien avec
l’accentuation de la fonction de préparation au collège et par les attentes
d’une plus grande efficacité dans la prise en compte de l’hétérogénéité
des élèves, mais aussi par le souhait des enseignants de « personnaliser »
leur métier (Kherroubi, 2000). En outre, si la réduction de la polyvalence
est concomitante à des injonctions institutionnelles au travail par projet,
en équipe, par cycles, elle n’implique pas en elle-même une plus grande
coopération entre enseignants (Maresca, 1995). Néanmoins, des
dispositifs, comme celui du « maître surnuméraire », ou le dispositif
« Plus de maîtres que de classes », institutionnalisent le travail conjoint
entre enseignants, au sein d’une même classe (Merini et Ponté, 2009 ;
Magogeat, 2017). Le recours à des intervenants extérieurs payés par
l’État ou par les municipalités, notamment pour l’EPS, la musique et les
langues vivantes, est plus fréquent dans les écoles urbaines de taille
importante et dans les écoles situées en éducation prioritaire (Baillat et
al., 2001 ; Garnier, 2003 ; Netter, 2019).
Chez les professeurs du secondaire existent des hiérarchies anciennes et
puissantes en fonction des titres (agrégés, certifiés, professeurs de lycée
professionnel…) et des disciplines qui donnent droit à des avantages,
comme enseigner dans des classes réputées plus « faciles » ou avoir des
temps de présence plus réduits dans l’établissement, et à des différences de
prestige (Demailly, 1987). En revanche, la coordination des activités
(aujourd’hui prescrite avec l’injonction à l’interdisciplinarité et au travail en
équipe) apparaît problématique en raison à la fois du poids des
socialisations professionnelles spécifiques à chaque discipline et de la
définition des services en fonction du temps passé devant les élèves qui
induit une présence non continue des professeurs dans les établissements.
Cette coordination est néanmoins plus importante dans les établissements
privés dans lesquels on trouve des coordonnateurs par discipline et des
responsables de niveau et de cycle. Elle est aussi plus développée dans
d’autres systèmes d’enseignement comme le système anglais où des
départements disciplinaires ont été créés dans les écoles secondaires et où la
promotion professionnelle repose sur une prise en charge progressive de
responsabilités administratives : coordinateur, directeur du département,
directeur adjoint ou directeur de l’établissement (Brisard et Malet, 2004).
Une forte impulsion a été donnée au tournant du siècle dernier, sur le
plan international, au développement de « cultures de collaboration » et de
« communautés professionnelles apprenantes » pour accroître la capacité
d’innovation et l’efficacité des enseignants (Talbert et McLauglin, 1996 ;
Hargreaves, 2003). Il semble que les échanges professionnels entre
enseignants demeurent néanmoins limités dans la plupart des pays en raison
de la très grande hétérogénéité des pratiques et du poids des conditions
d’enseignement dans de petites « cellules » relativement indépendantes les
unes des autres (Lortie, 1975 ; Tardif et Lessard, 1999 ; Barrère, 2002). Les
réseaux d’enseignants, qui se constituent sur la base des affinités sociales et
culturelles, ainsi que sur la base d’appartenances disciplinaires (Saussez,
2019), tendent par ailleurs à consacrer des clivages générationnels avec
davantage d’échanges entre jeunes et moins d’échanges avec les « anciens »
(Dutercq, 1993 ; Mukamurera et Tardif, 2004 ; Farges, 2017). Le travail en
équipe, prescrit par l’institution, peut-être bien vu par les enseignants mais
peu appliqué pour autant : ainsi, dans les années 1990, si 80 % des
enseignants en exercice s’y déclaraient favorables, 45 % disaient ne pas le
pratiquer (Maresca, 1999). L’enquête TALIS de 2013 indique que seuls
15 % des enseignants français déclarent « faire cours à plusieurs dans une
même classe », contre un sur quatre en Finlande (Morlaix et Duguet, 2017).

Division du travail entre acteurs


scolaires
L’augmentation du nombre et de la diversité des agents scolaires est une
tendance lourde au niveau international en lien avec la massification de
l’enseignement et l’accroissement des missions des institutions scolaires.
En Amérique du Nord et dans beaucoup de pays européens on observe à
partir des années 1950 l’apparition d’agents professionnels
(psychologues scolaires, conseillers pédagogiques, conseillers
d’orientation) à côté des enseignants réguliers (cf. par exemple, pour le
cas français, les travaux sur les conseillers d’orientation de Martin (2014)
ou Lehner (2020), et de Le Bianic (2013) sur les psychologues), auxquels
sont venus s’ajouter depuis les années 1980 du personnel auxiliaire qu’on
appelle, selon les pays, aides éducateurs, assistants d’éducation ou
assistants pédagogiques. Dans la plupart des systèmes d’éducation
occidentaux, ces agents sont de plus en plus nombreux parmi le
personnel scolaire. Cette division du travail éducatif est une réponse de
l’institution à l’hétérogénéité des populations d’élèves appelant des
interventions éducatives sur des besoins particuliers (handicaps,
difficultés d’apprentissage, problèmes d’inadaptation ou de violence
scolaire, pauvreté, problèmes sociaux et de santé). En France, en 2021,
les personnels non-enseignants représentaient un quart des personnels
rémunérés par l’Éducation nationale, contre moins d’un sur cinq en 2015
(DEPP, 2021). En particulier, le nombre d’aides éducateurs, d’assistants
d’éducation ou d’accompagnants des élèves en situation de handicap
(AESH) est en augmentation depuis 2005 (DEPP, 2017c). La catégorie
des personnels non-enseignants est hétérogène, mais se caractérise par la
prégnance numérique des femmes (Bois et Jacquot, 2022)9.
Toutefois, la division du travail éducatif ne va pas généralement de pair
avec une plus grande action concertée et contribue même à accentuer le
manque de cohérence au niveau des finalités, des valeurs, des rôles et des
fonctions dans les établissements (Netter, 2019 ; Bois et Jacquot, 2022).
Elle met aussi en évidence la faiblesse du statut professionnel des
personnels « non-enseignants » par rapport à la légitimité des enseignants.
Au Québec, de nouvelles catégories d’agents scolaires ont été étudiées dès
les années 2000. Elles s’acquittent de tâches nouvelles, ou des tâches
auparavant réalisées par des enseignants sont transférées à d’autres agents
qui ont un salaire moindre et ne bénéficient pas des mêmes conditions de
travail, notamment ils ont un faible contrôle sur leurs modalités
d’intervention pourtant censées être choisies conjointement avec les
enseignants (Tardif et Levasseur, 2010).
En France, cette nouvelle division du travail, particulièrement visible
dans les établissements en difficulté, ne s’accompagne pas non plus de
nouvelles formes de collégialité et de coordination (Masson, 1999 ;
Barthélémy, 2000), mais plutôt de processus officieux de délégation du
« sale boulot » (Hughes, 1996) en direction des surveillants et des aides
éducateurs vers lesquels on repousse les tâches les plus répressives, les plus
routinières et les moins importantes et ce d’autant plus que ces personnels
ont un horizon professionnel restreint (Payet, 1997 ; Bois et Deslyper,
2022). Par ailleurs, la nécessité de se valoriser vis-à-vis des enseignants, qui
souvent les ignorent, conduit ces catégories, qui peuvent se partager entre
plusieurs établissements, avec une présence « en pointillé » dans chacun
d’eux (Garnier, 1997), à développer des stratégies de rétention de
l’information ou de distinction en mettant en avant des qualités spécifiques
en matière d’écoute, de médiation ou de gestion des conflits (Gentil et
Alluin, 1996 ; Ballion, 1996 ; Kherroubi et van Zanten, 2002). Pourtant une
analyse de l’activité des aides éducateurs montre une influence positive de
leurs activités sur la progression scolaire des élèves, notamment des plus
faibles d’entre eux (Jarousse et Leroy-Audouin, 2001a ; Baillat, 2003).
Par ailleurs, une partie du « sale boulot » est aussi transférée vers les
conseillers principaux d’éducation (CPE) dans les établissements
secondaires. Pour ceux-ci, dont le rôle éducatif s’est affirmé dans les années
1970 par rapport aux anciens « surveillants généraux », la délégation des
tâches purement disciplinaires de la part des enseignants et des chefs
d’établissement n’est jamais loin, de sorte que les CPE redoutent une
« dérive sécuritaire » de leur métier (Condette, 2013 ; Rouillard et
Chauvigné, 2020). Le métier de CPE s’est inscrit lui aussi dans une
dynamique de « professionnalisation » et de complexification. Ses missions
se situent au carrefour de l’éducatif, du pédagogique et de l’administratif, le
métier requiert de savoir accompagner le parcours des élèves (dans une
perspective de « socialisation scolaire totale ») et de mettre en relation
différents partenaires. Les recherches, actuellement assez dynamiques sur
les CPE, montrent que ceux-ci peinent encore à faire valoir leurs
perspectives professionnelles auprès des enseignants (Bret et al., 2019 ;
Focquenoy-Simonnet, 2020 ; Mikaïloff, 2020 ; Michoux, 2022).
Dans les écoles primaires, l’intervention auprès des enseignants
« ordinaires » des « maîtres G » (chargés de la rééducation des élèves en
difficulté), « maîtres E » (qui dispensent une aide pédagogique), ou des
psychologues, suppose un partage du travail et de l’expertise dans le champ
de la lutte contre l’échec scolaire (Barrault-Stella et al., 2016). En outre, la
réorganisation récente des temps scolaires et périscolaires (loi sur la
Refondation de l’école de 2013) a créé une « polyvalence concurrentielle »
et accentué les conflits de territoires professionnels entre acteurs éducatifs
(enseignants, animateurs périscolaires, Atsem10… dont les propriétés
sociales sont inégales11). Si la réforme des rythmes scolaires a représenté
pour les animateurs périscolaires une requalification professionnelle toute
relative, les enseignants peuvent se sentir dépossédés d’une partie de leur
travail par ce type de réformes, y compris dans ses outils représentés en
premier lieu par la salle de classe (Lebon et Simonet, 2017 ; Divert et
Lebon, 2018). Avec les Atsem, le partage des tâches s’avère également
délicat. Si l’entrée des Atsem dans les classes favorise une différenciation
plus claire des tâches entre, d’un côté, « le pédagogique » dévolu à
l’enseignant et, de l’autre, le « souci prosaïque des petites choses du
quotidien » relevant des fonctions de l’Atsem, les tâches sont beaucoup
moins nettement distinguées dans l’ordinaire de la classe ce qui donne lieu
à des incompréhensions de part et d’autre (Garnier, 2010). Toutefois, les
Atsem sont parvenus progressivement à devenir des auxiliaires
pédagogiques à l’école maternelle, les tâches qui leur ont été déléguées
ayant été discréditées par les enseignantes (Imbert, 2022). Notons de plus
que ces nouvelles formes de travail en équipe et de division du travail
éducatif ne représentent pas seulement une menace pour les identités
professionnelles. Elles pourraient en effet permettre une nouvelle
expression de l’esprit de corps des enseignants, développant des relations de
travail régulières avec les autres agents scolaires, ce qui « n’est pas
négligeable dans la confrontation aux parents » (Devineau, 2009).
Au final, la notion de « communauté éducative » ou d’« équipe »,
actuellement couramment utilisée dans les textes officiels en France, est
avant tout une catégorie institutionnelle utile pour désigner d’un seul coup
tous les acteurs de l’école. Pourtant, sociologiquement, ainsi que le rappelle
François de Singly (2010) s’appuyant sur Tönnies (1922), les acteurs de
l’école forment probablement moins une « communauté », au sens où ils
seraient caractérisés des valeurs communes fortes, qu’une « société »,
caractérisée par des liens contractuels fragiles.

Autonomie et organisation
collective

Les relations avec la hiérarchie et avec


les usagers
Deux systèmes parallèles, l’inspection et les chefs d’établissement,
assurent en France l’encadrement du corps enseignant. Depuis 1970, le
métier d’inspecteur a fait l’objet dans plusieurs pays d’une diversification
de ses objets (enseignants mais aussi établissements, dispositifs,
politiques) et de ses missions (le contrôle cédant la place ou se combinant
avec le conseil, la médiation, l’impulsion des réformes et l’évaluation).
En France, les missions des inspecteurs, qui forment un groupe
professionnel plutôt âgé et masculin à 55 % (DEPPa, 2017) ont été
redéfinies : leur activité s’est managerialisée, standardisée (au moyen de
grilles d’évaluation, de procédures détaillées et d’indicateurs formalisés)
et ils doivent de plus en plus assurer une coordination horizontale de
l’action éducative, s’investir dans des missions d’expertise, de sorte que
la dimension évaluative du travail enseignant apparaît moins centrale
dans leurs missions. La fonction fait face à une crise de recrutement à la
fin des années 2010, de nombreux postes restant vacants ou des lauréats
démissionnant (Buisson-Fenet et Dutercq, 2015 ; Condette, 2017 ;
Delécluse et Lacor, 2020). On constate dans beaucoup de systèmes
éducatifs un manque d’impact des inspecteurs sur l’école en raison de
l’absence de suivi régulier mais aussi des résistances des enseignants.
Celles-ci sont particulièrement marquées dans les systèmes qui, comme
le système français, focalisent l’attention sur l’enseignant à titre
individuel ce qui rend de fait ce dernier seul responsable de la qualité de
l’enseignement (Dutercq, 2001b ; De Grauwe, 2003 ; Albanel, 2009).
Elles s’ancrent aussi en France sur le caractère artificiel et infantilisant
d’une situation d’évaluation fortement ritualisée, mettant l’accent sur la
conformité plutôt que sur l’efficacité des pratiques (Rayou et van Zanten,
2004). L’évaluation des enseignants a été réformée en 2015 : la notation a
disparu, et le dispositif d’évaluation rénové vise à allouer une « valeur
professionnelle » aux enseignants, tenant compte de la diversité des
compétences attendues, en classe et dans l’établissement (Buisson-Fenet
et Pons, 2017 ; Palet, 2022).
Malgré des projets de fusion des corps d’inspection (qui peinent à se
réaliser tant ils réactivent des hiérarchies symboliques tenaces), des
différences importantes se maintiennent selon les niveaux d’enseignement
(Condette, 2017 ; Palet, 2022). Dans le premier degré, les inspecteurs de
l’éducation nationale (IEN) sont responsables d’une circonscription, sous-
partie de l’inspection académique comprenant entre trente et cent écoles
maternelles et élémentaires, et entre cent cinquante et trois cents maîtres, en
jouant un rôle d’interface entre la hiérarchie et le terrain. Le pouvoir des
IEN repose sur leur assise territoriale et leur rôle en matière d’inspection,
mais aussi d’animation pédagogique et de gestion administrative. Leur
ancrage territorial est toutefois moins fort aujourd’hui du fait de
l’accroissement de leur mobilité géographique et leur marge d’action se
trouve réduite par l’intervention d’autres acteurs sur leur territoire, par les
demandes contradictoires de l’institution et par ce qu’ils perçoivent comme
« l’immobilisme pédagogique » des enseignants (Jarousse et al., 1997). Ces
derniers, à leur tour, perçoivent le contrôle de l’Inspection comme pesant,
sauf quand les inspecteurs se comportent comme des pairs à leur égard
(Kherroubi et al., 1997, 1998 ; van Zanten et al., 2002). Les rapports avec
l’inspection s’inscrivent cependant encore largement dans des relations de
contrôle, et non de soutien (Danner et al., 2018).
L’inspection peut par ailleurs apparaître comme un jeu de dupes, les
enseignants étant conscients de jouer un rôle ne reflétant pas le quotidien de
leur travail en classe, et les inspecteurs ne s’intéressant pas à tous les
aspects de celui-ci (Starck, 2010). Dans le secondaire, l’évaluation des
enseignants par les inspecteurs pédagogiques régionaux (IPR) est prise en
compte pour les changements de poste et les promotions. En revanche, étant
donné leurs conditions de réalisation – courtes visites dans les classes,
suivies d’un entretien – et l’absence de mise en relation avec les résultats de
l’activité enseignante au niveau individuel et de l’établissement, elle influe
peu sur les pratiques pédagogiques (Robert, 1995 ; Étienne et Gauthier,
2004 ; Albanel, 2009). Les jeunes enseignants pensent par ailleurs que si les
inspecteurs ont une légitimité disciplinaire pour les évaluer, ils sont trop
éloignés de leur activité quotidienne pour juger de leur engagement (Rayou
et van Zanten, 2004).
Les chefs d’établissements exercent un pouvoir plus proche qui repose
sur leur capacité à influer sur l’orientation générale de l’établissement.
Leurs prérogatives sont beaucoup plus limitées que celles de leurs collègues
d’autres pays, mais elles ont été revalorisées dans les années 2010, surtout
dans l’enseignement secondaire. Dans le primaire, le directeur, primus inter
pares, n’a pas vraiment de statut spécifique, la tentative de création d’un
statut de « maître-directeur » en 1986 s’étant heurtée à de fortes résistances
de la part des instituteurs. Néanmoins, le métier de directeur évolue avec la
multiplication de dispositifs pédagogiques qu’il faut coordonner et la
diversification des tâches relationnelles et administratives comme le
partenariat avec des acteurs extérieurs ou le montage de projets (Marty,
1997 ; Duchauffour, 2013). En 2014, un référentiel métier a été publié
concernant la direction d’école. En 2021, la loi Rilhac a créé la fonction de
directrice ou de directeur d’école, dont les effets seront à étudier. Le travail
de direction d’école est très faiblement valorisé par les enseignants. En
témoignent les usages du « bureau du directeur » : lieu de passage, réserve
de fournitures, lieu collectif aux frontières mal définies, il est sans grande
importance symbolique (Roaux, 2021).
Dans le secondaire, où les chefs d’établissement sont composés
majoritairement de femmes depuis 2018 (51 % en 2019, l’augmentation est
significative depuis 2008 bien que les inégalités femmes hommes restent
saillantes selon la taille des établissements ou l’occupation d’une position
d’adjoint – voir Palet, 2022), la fonction a longtemps été purement
administrative et dépourvue de marges d’action formelles, à l’intérieur
d’une bureaucratie pyramidale dont l’établissement n’était qu’un maillon
intermédiaire. Elle s’est néanmoins considérablement transformée depuis le
milieu des années 1980 à la faveur de la décentralisation et de l’introduction
des principes du nouveau management public (cf. chapitre 1). Les missions
des chefs d’établissement ont été étendues, de même que leur autonomie et
on attend d’eux aujourd’hui qu’ils jouent un rôle central dans la
mobilisation des équipes enseignantes, dans l’organisation de la vie
scolaire, dans la définition et l’animation de projets locaux, dans les
échanges avec les collectivités et les autres agences ou associations locales
et dans la gestion des ressources financières (Barrère, 2006). Dans les
années 2010, le pouvoir des chefs d’établissement n’a fait que se renforcer
(il est aussi possible d’y voir, plutôt qu’une nouveauté, un retour au pouvoir
discrétionnaire du chef d’établissement sous la IIIe République, voir
Frajerman, 2019) en lien avec la refonte du dispositif d’évaluation des
enseignants. Dans leurs responsabilités, la gestion individualisée des
ressources humaines occupe une place croissante.
Leurs fonctions leur permettent aussi de rendre plus agréables, ou plus
désagréables, les conditions de travail des professeurs par le biais de
l’attribution des emplois du temps et des classes, et leurs choix en matière
d’orientation des élèves ou d’organisation de classes ont une incidence forte
sur l’activité pédagogique (Barrère, 2002 ; Mamou, 2003). Leur rôle
pédagogique a par ailleurs été accentué depuis une trentaine d’années, le
registre pédagogique relevant historiquement des corps d’inspection et des
corps enseignants (Dutercq, 2015). D’une part, la politique d’autonomie des
établissements, fondée sur le projet, tend à subordonner les actes de gestion
habituels comme l’utilisation de la dotation horaire globale, à des objectifs
pédagogiques. D’autre part, l’accent mis sur l’efficacité implique que les
chefs d’établissement s’intéressent davantage à l’activité des enseignants de
leur établissement. Enfin, leur propre évaluation (qui tient compte de la
réalisation d’objectifs contenus dans une lettre de mission que le chef
d’établissement, après avoir effectué un diagnostic de son établissement,
rédige en liaison avec ses supérieurs hiérarchiques) se focalise sur leur
capacité à bousculer « l’immobilisme » des institutions et des enseignants
(Pélage, 2003). Les chefs d’établissement se sentent néanmoins tiraillés
entre leur conception de leur rôle professionnel et social et des logiques
managériales qui tendent à standardiser leurs modes d’intervention et à les
vider de toute référence à des valeurs, ainsi qu’à récompenser
l’opportunisme et la visibilité des actions (« savoir faire, mais aussi faire
savoir ») plutôt que les visées à long terme dans l’interaction avec les
usagers, les autres établissements et la hiérarchie (Demailly et Dembinski,
2000 ; van Zanten, 2001b ; Maroy, 2006b ; Barrère, 2006). Par ailleurs si
une majorité d’entre eux affirment leur légitimité à intervenir dans le
domaine pédagogique, celle-ci est souvent contestée par les enseignants et
par les inspecteurs disciplinaires (Guillaume, 1997 ; Palet, 2022). Au total,
les personnels de direction ont une marge de manœuvre assez faible, et la
fonction, même revalorisée, reste peu attractive. Le rapport des enseignants
aux « perdir » est plutôt positif, bien que les enseignants refusent une
extension des prérogatives des chefs d’établissement (Frajerman, 2019).
Les générations d’enseignants arrivés au début des années 2000 dans le
métier sont moins réticentes à une participation accrue des chefs
d’établissement à l’encadrement pédagogique, pourvu que ces derniers
sachent combiner une autorité de type charismatique avec des compétences
en matière d’animation et de communication (Rayou et van Zanten, 2004).
Les relations avec les usagers présentent des traits particuliers dans
l’enseignement. D’une part, majoritairement, les parents et les élèves sont
des usagers captifs. D’autre part, comme le note Becker (1997), le rôle
d’usager est partagé : c’est l’enfant qui reçoit les services, mais c’est le
parent qui est en mesure d’apprécier leur efficacité, notamment dans
l’enseignement primaire. La centralité de l’élève en tant que sujet
intellectuel et affectif transparaît aussi bien dans les discours qui ont trait
aux contraintes de la profession (il faut s’habituer à traiter avec des enfants
ou des jeunes, apprendre à tenir sa classe, subir le regard et les pressions du
groupe) que dans ceux qui portent sur les satisfactions (Lortie, 1975 ;
Kherroubi et Grospiron, 1991). Parallèlement, la relation avec les parents
est perçue comme nettement moins importante. Contrairement à ce qui se
fait dans des pays comme la Grande-Bretagne, les parents sont rarement
invités à participer aux activités pédagogiques et sont peu informés de la vie
de la classe et de l’établissement (Gilly et al., 1993 ; Lorcerie, 1997), bien
que les politiques éducatives récentes leur aient donné davantage de place
dans l’école, en valorisant une dynamique de « co-éducation ». Périer
(2012) a mené l’enquête sur l’investissement des parents dans l’école et
rappelle qu’un constat récurrent se dégage des recherches : le partenariat est
plus développé là où les agents de l’école le jugent moins nécessaire, et plus
lacunaire, voire absent, là où il apparaît indispensable, dans les quartiers
populaires et dans l’éducation prioritaire. Les enquêtes montrent par ailleurs
que beaucoup d’enseignants ressentent un manque de reconnaissance de la
part des parents d’élèves et se plaignent tantôt de l’absence d’intérêt dont
témoignerait la faible présence des parents de milieu populaire, tantôt de
l’interventionnisme imprégné de défiance des parents des catégories
supérieures (Dejaiffe, 2008 ; Lantheaume et Hélou, 2008, cf. chapitre 8).

Le rôle des syndicats


et des associations professionnelles
Par leur puissance numérique et leur capacité d’organisation, les
syndicats enseignants sont devenus des interlocuteurs incontournables du
ministère de l’Éducation nationale dans la seconde moitié du XXe siècle :
la Fédération de l’éducation nationale (FEN) qui regroupait les
principaux syndicats du primaire et du secondaire comptait
450 000 membres en 1985 et occupait le quatrième rang par rapport aux
grandes centrales syndicales (Aubert et al., 1985 ; Robert, 1995 ;
Mouriaux, 1996 ; Geay, 1997). Pourtant dès les années 1960, se fait jour
une désaffection à leur égard. Dans le primaire, le modèle de
socialisation professionnelle du Syndicat national des instituteurs (SNI),
en déphasage avec les évolutions du corps, est contesté. Apparaissent
alors, à la fin des années 1980, des « coordinations », regroupant des
instituteurs jeunes et moins intégrés professionnellement, qui organisent
des mouvements de protestation autour de thèmes circonscrits dans un
cadre de spectacle et de fête qui tranche avec le sérieux des
manifestations enseignantes traditionnelles (Aubert, 1984 ; Charles,
1988 ; Geay, 1991). Dans le secondaire, le Syndicat national des
enseignements du second degré (SNES) a mieux résisté parce qu’il
répondait davantage aux attentes à la fois corporatistes et
professionnelles de ses adhérents (Robert, 1995).
Les syndicats enseignants participent à la construction de la
professionnalité enseignante, mais d’une façon différente de celle des
syndicats britanniques qui ont veillé, dès le départ, à préserver le caractère
apolitique de leur engagement par la promotion de compétences distinctives
et l’affirmation de responsabilités vis-à-vis d’une communauté de proximité
(Brisard et Malet, 2004). Ils ne remplacent pas les associations
professionnelles qu’il s’agisse d’associations catégorielles comme la
Société des agrégés, visant à satisfaire les intérêts particuliers d’une
catégorie d’enseignants, ou d’associations de spécialistes d’une discipline
qui se constituent en groupes de pression d’autant plus puissants face à
l’administration qu’elles reçoivent le plus souvent l’appui de l’Inspection
générale correspondante. Les interactions sont fortes car les syndicats du
secondaire défendent généralement des positions tendant à conforter les
disciplines, mais ils se distinguent des associations par le fait qu’ils
inscrivent ces positions dans des visions moins étroitement articulées aux
intérêts d’un champ particulier. Les syndicats ne remplacent pas non plus
les mouvements pédagogiques comme le Groupe français d’éducation
nouvelle (GFEN) ou l’Institut coopératif de l’école moderne (ICEM), créé
par Freinet en 1935, qui réunissent des enseignants de toutes origines et de
tous degrés autour de la réflexion et de l’innovation pédagogiques. Malgré
la proximité de leurs idéaux politiques, des tensions sont apparentes entre
les revendications corporatistes des premiers et la primauté donnée au
pédagogique par les seconds (Robert, 1995).
Le pouvoir des syndicats (cf. chapitre 1) et leur attractivité auprès des
adhérents reposent également sur un quasi-monopole dans la diffusion de
l’information, notamment dans le domaine des nominations et des
mutations grâce à des enseignants déchargés partiellement ou totalement de
leurs fonctions d’enseignement, qui travaillent en concertation avec le
personnel administratif des services académiques et ministériels.
L’influence des syndicats de la FEN a en outre été redoublée et relayée par
un réseau d’œuvres progressivement constitué depuis la fin du XIXe siècle –
la Ligue française de l’enseignement, des caisses d’école, des mutuelles –
et offrant toutes sortes de services aux adhérents. Il s’agit toutefois
aujourd’hui d’un ensemble disparate, qui regroupe quelques grandes
organisations comme la Mutuelle assurance des instituteurs de France
(MAIF) ou la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN), et
d’autres plus petites, et chez qui s’observe un décalage croissant entre
l’optique mutualiste encore revendiquée et les logiques commerciales qui
régissent de plus en plus les rapports entre ces organisations et les usagers
(Aubert et al., 1985 ; Geay, 1997).
Les syndicats sont-ils encore capables d’attirer les jeunes générations et
de peser sur les décisions de politique éducative ? Ils continuent pour cela à
évoluer, notamment en intégrant davantage dans leur réflexion les résultats
de la recherche scientifique par la diffusion d’informations dans leurs
publications, l’organisation de colloques et de rencontres et la commande
d’enquêtes (Robert, 2004). Les jeunes enseignants du second degré, s’ils
reconnaissent aux syndicats un rôle professionnel, considèrent l’adhésion
syndicale avant tout comme une aide dans la gestion de leur carrière et
mobilisent souvent les syndicats de manière instrumentale (Rayou et van
Zanten, 2004 ; Sawicki, 2015). Toutefois, aux yeux des jeunes enseignants,
plus que les syndicats, perçus comme très lointains, ce qui importe, ce sont
les syndiqués actifs dans l’espace local. Soucieux notamment de leurs
conditions locales d’exercice, ils voient en fait dans les syndicats un appui
pour accéder à des informations et résoudre des problèmes personnels
concernant notamment leur mobilité en début de carrière ainsi qu’une forme
de protection globale d’une profession fragilisée par sa segmentation
(Robert, 1999 ; Rayou et van Zanten, 2004). Plus généralement, les
sociabilités professionnelles locales apparaissent déterminantes pour
l’action collective des enseignants (Llobet, 2014). L’influence politique des
syndicats a également décru à la fois en raison de la baisse du taux de
syndicalisation – qui, désormais inférieur à 30 % et variant selon l’âge et le
degré d’enseignement (Farges, 2017), reste néanmoins supérieur à celui des
autres professions (Haute, 2019) – et des divisions internes croissantes
depuis une vingtaine d’années qui ne favorisent pas la construction de
propositions alternatives (Aebischer, 2012b). En outre, la participation des
syndicats enseignants à la gestion des carrières via les commissions
administratives paritaires (CAP) peut historiquement expliquer la forte
syndicalisation de la profession. Les CAP, institutionnalisées en 1946, sont
les instances de représentation des personnels titulaires de la fonction
publique, composées à parité de représentants de l’administration et de
représentants du personnel (élus au scrutin proportionnel et sur listes
syndicales). Leur rôle a consisté à contrôler les opérations d’avancement et
de promotion. En 2019, les attributions des CAP ont été réduites, et donc le
rôle des syndicats dans l’Éducation nationale (Frajerman, 2019 ; Palet,
2022).

Conclusion
Au terme des travaux synthétisés ici, les enseignants apparaissent comme
un groupe professionnel hétérogène en mutation constante, tout en étant
caractérisé par de notables permanences, du point de vue des hiérarchies
internes en particulier. Si une homogénéisation des statuts, des modes de
formation et de gestion a eu lieu, les identités professionnelles entre
enseignants du premier et du second degré divergent davantage par
d’autres aspects, et notamment en fonction des contextes
d’enseignement, ce qui interroge du point de vue des inégalités scolaires
(cf. chapitre 5). L’important renouvellement démographique de la
profession jusqu’au début du XXIe siècle a introduit par ailleurs de
nouveaux défis aussi bien en termes de transformation des pratiques et
des ethos professionnels que d’intégration dans les établissements
d’enseignement et dans des collectifs plus larges. Enfin, si l’on observe
un relatif consensus sur la nécessité d’adapter les métiers enseignants à la
nouvelle donne de la scolarisation, les désaccords sont profonds entre les
responsables institutionnels, qui cherchent à imposer des logiques
managériales, et le groupe professionnel, qui demande la reconnaissance
de son expertise et cherche à préserver son autonomie.
Orientation bibliographique
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Chapitre 8
Les pratiques éducatives
des familles
Le rôle de la famille dans le processus de scolarisation a été réduit dans
les premiers travaux en sociologie de l’éducation à la variable
« appartenance de classe d’origine ». Aujourd’hui, en revanche, de
nombreuses recherches analysent les effets des normes et des pratiques
éducatives familiales sur les carrières scolaires des élèves. Ces normes et
ces pratiques s’avèrent plus prédictives des destinées scolaires que l’origine
sociale, même s’il existe une forte corrélation entre ces deux variables. Leur
analyse est d’autant plus importante que, dans un mode de reproduction
sociale à dominante scolaire (Bourdieu et Passeron, 1970), toutes les
familles, des plus favorisées aux plus défavorisées, se trouvent obligées de
définir des stratégies éducatives et de s’organiser en conséquence.

Socialisation familiale et réussite


scolaire

La transmission des valeurs


La sociologie politique a depuis longtemps mis en avant l’importance
cruciale de la famille comme instance universelle de socialisation et la
place décisive de l’enfance dans la formation des préférences partisanes.
Certes, la transmission aussi bien d’opinions politiques que d’un certain
rapport à la politique est loin d’être parfaite en raison aussi bien des
changements de contexte social et politique entre les générations que de
l’instabilité des attirances politiques des jeunes et des adultes et de
l’influence d’autres agences de socialisation. Pourtant, en observant leurs
parents et en échangeant avec eux, les enfants intériorisent de façon
diffuse et implicite, et de ce fait particulièrement puissante, à la fois des
connaissances factuelles et des jugements moraux et politiques et, plus
généralement, des façons socialement différenciées d’ordonner le monde
social et politique (Lignier et Pagis, 2012, 2017).
En France, plusieurs travaux ont mis en évidence l’existence d’un degré
élevé de similitude dans les visions politiques des parents et des enfants, y
compris à propos des non-choix : lorsque les familles ont des attitudes de
repli et d’apathie vis-à-vis de la politique, cette mise en retrait se transmet
aux enfants qui font état de choix politiques peu structurés (Muxel, 2000).
La transmission est favorisée par l’homogénéité des points de vue entre les
parents, la visibilité de leurs choix et leur capacité à transmettre un message
(qui dépend du niveau de diplôme et de politisation), ainsi que par la
fréquence des échanges sur des sujets d’actualité politique (Percheron,
1993). Toutefois, ce qui apparaît très important aussi, étant donné
l’influence d’autres agents extérieurs à la famille, est la capacité des parents
à définir un cadre de socialisation (du point de vue du cursus scolaire, des
pratiques culturelles, des réseaux de sociabilité) qui délimite le champ des
expériences sociales des enfants (Tournier, 2010).
Mais c’est surtout la transmission de certains traits de la personnalité
sociale, dont on estime qu’ils ont une incidence sur la réussite scolaire, qui
intéresse le sociologue de l’école. Dès le milieu des années 1940, la
sociologie américaine a mis en évidence que les qualités que les parents
cherchent à transmettre à leurs enfants différaient profondément d’un milieu
social à l’autre, les parents de milieux populaires visant à inculquer à leurs
enfants l’ordre, la propreté, la politesse, l’obéissance et ceux des classes
moyennes et supérieures accordant plus d’importance au respect des autres,
à la maîtrise de soi, à l’indépendance et à la créativité (Kohn, 1959). Les
travaux de ces sociologues américains ont aussi opposé les valeurs des
classes moyennes et des classes populaires concernant les ambitions et les
efforts scolaires. Chez les premières, une plus grande ambition scolaire
apparaissait comme allant de pair avec une perspective à long terme et la
valorisation de l’ascétisme, du volontarisme, du goût de l’effort et de
l’esprit de compétition. Chez les secondes, les valeurs dominantes
semblaient être au contraire le fatalisme, la passivité et la centration sur le
présent, favorisant le choix d’études courtes et des abandons en cours de
route (cf. Forquin, 1979, 1980). Certaines de ces études ont néanmoins été
critiquées par leur « ethnocentrisme de classe » qui aurait conduit leurs
auteurs à conceptualiser comme des traits culturels des attentes et des
pratiques reflétant plutôt l’intériorisation des probabilités objectives en
espérances subjectives (Combessie, 1969 ; Bourdieu, 1974).
Plusieurs travaux menés dans les décennies suivantes ont en outre montré
que les écarts dans les visées et les valeurs des différents groupes sociaux
tendent à s’amoindrir en lien avec l’amélioration générale des conditions de
vie, le développement de la scolarisation et les mouvements sociaux des
années 1960. Il en est ainsi des ambitions scolaires, certains auteurs
évoquant une véritable révolution culturelle autour de la reconversion des
ouvriers au modèle des études longues et de la transition du registre de la
nécessité et de la résignation au registre de la possibilité et de la liberté de
choix (Poullaouec, 2010). De là à conclure à la fin des différences entre
classes sociales concernant les aspirations éducatives, il y a néanmoins un
grand pas à ne pas franchir. En effet, les parents des milieux populaires ont
encore aujourd’hui des ambitions moins élevées et sont plus sensibles aux
résultats scolaires et aux jugements des enseignants dans la formation de
leurs projets scolaires pour leurs enfants que les familles des classes
supérieures (cf. chapitre 2). On observe par ailleurs, notamment chez les
familles immigrées les moins instruites et les moins familières du système
éducatif français, un décalage significatif entre leurs aspirations d’une part
et leur perception des conditions scolaires nécessaires à leur réalisation
d’autre part (Ichou et Oberti, 2014).
Concernant les valeurs, l’enquête genevoise de Kellerhals et Montandon
(1991) montre la présence, dès les années 1980, d’un processus de diffusion
d’un modèle éducatif donnant la priorité à la transmission de qualités
instrumentales (des enfants autonomes, responsables et sûrs d’eux-mêmes)
et expressives (des enfants sensibles et épanouis) et mettant au deuxième
rang les qualités sociales (le fait d’avoir un idéal, l’engagement social)
mais, en fait, ce modèle est surtout consensuel parmi les catégories
supérieures. En effet, dans les strates inférieures, on valorise davantage
l’adaptation aux contraintes extérieures et l’obéissance aux règles et on
donne moins d’importance à la sensibilité. En France, certaines enquêtes
montrent également que les parents les plus aisés et les plus instruits
valorisent chez leurs enfants des qualités individuelles (sens de l’effort,
dynamisme et sens moral) alors que les parents moins aisés ou moins
instruits valorisent davantage des qualités sociales comme la débrouillardise
et la respectabilité ainsi que, en ce qui concerne les filles, le charme et le
sens de la famille (Duru-Bellat et Jarousse, 1996).
Des différences plus subtiles existent aussi entre les classes moyennes
supérieures possédant un capital économique élevé et travaillant dans le
secteur privé, qui donnent une place centrale à la performance, à la gestion
rationnelle du temps et à la flexibilité (Gombert et van Zanten, 2004 ;
Gombert, 2008 ; Lahire, 2019) et les classes moyennes supérieures
possédant un capital culturel élevé et travaillant dans le secteur public qui
attachent plus d’importance au bonheur de l’enfant, au développement de
l’esprit critique et à l’ouverture aux autres (Bernstein, 1996 ; Reay et al.,
2011). Les différences entre ces deux groupes, les « technocrates » et les
« intellectuels » (van Zanten, 2009c), sont également visibles à propos de
leurs normes vestimentaires et de la valeur qu’ils attachent aux activités
sportives et culturelles. Les « technocrates » accordent plus d’importance
aux usages distinctifs des vêtements, associés à la fois à des modèles de
genre et à des positions de classe, et à des pratiques sportives centrées sur la
compétition et le dépassement de soi et de ce fait proches de leurs ethos
professionnels ; les « intellectuels », en revanche, tolèrent davantage les
choix personnels des enfants et des jeunes en matière d’apparence et
valorisent les activités culturelles, vues comme une dimension importante
de la formation intellectuelle, bien plus que les activités sportives conçues
comme plus secondaires mais également appréhendées sous l’angle du
développement personnel plutôt que sur celui de la performance
(Mennesson et Julhe, 2012 ; Court et Menesson, 2015 ; Menesson et al.,
2016).

Méthodes et styles éducatifs


Ces valeurs et normes font toutefois l’objet d’une inculcation moins
systématique qu’autrefois en lien avec la pénétration dans la sphère
familiale, via les spécialistes et les médias, de vulgates psychologiques et
psychanalytiques enjoignant les parents, notamment les mères, à
respecter le libre arbitre et la singularité de chaque enfant (Hays, 1996 ;
Garcia, 2011, 2014 ; Déchaux, 2014). Ces injonctions conduisent les
parents à percevoir leur rôle comme étant celui de « révéler » les qualités
de leurs enfants plutôt que de « structurer » leur personnalité (Singly,
1996) et à être plus attentifs aux différences de goûts et de tempérament
entre leurs enfants. La socialisation est de ce fait perçue comme un
processus bidirectionnel, fondé davantage que par le passé sur la
négociation avec les enfants et la prise en compte de l’influence d’autres
agents (Octobre et Jauneau, 2008). Du fait qu’elles sont appropriées à des
degrés et sous de formes différentes, la diffusion de ces orientations ne
conduit cependant pas à l’uniformisation des méthodes et styles éducatifs
parentaux mais à l’émergence de modalités différentes d’identification
des enfants, c’est-à-dire de reconnaissance et de mise en valeur des
caractéristiques qui leur sont attribuées en tant que groupe d’âge et en
tant qu’individus (Lignier, 2015).
De nombreuses recherches montrent en effet la persistance de différences
entre les groupes sociaux concernant les méthodes et les styles éducatifs.
Les premiers travaux menés aux États-Unis mettaient en évidence que les
familles des classes moyennes utilisaient principalement des punitions
d’ordre psychologique – l’isolement, la menace de retrait d’affection – ou le
raisonnement pour aider leurs enfants à apprendre progressivement à
autoréguler leurs conduites alors que celles des milieux populaires avaient
principalement recours à la surveillance et aux punitions corporelles en
mobilisant fortement la contrainte extérieure (Kohn, 1959). Des travaux
qualitatifs conduits quelques décennies après confirment ces résultats : dans
le contexte new-yorkais, les familles des classes moyennes et supérieures
orientent les conduites de leurs enfants en faisant appel à leur capacité de
discernement, en encourageant leur initiative et en sollicitant leur
consentent afin de favoriser le développement de personnalités autonomes
alors que les familles populaires continuent à valoriser l’obéissance à
l’ordre hiérarchique dans la famille et la société (Kusserow, 2004). En
Suisse, une recherche conduite par Delay (2011) montre la permanence
parmi les familles populaires d’une autorité fondée sur l’exercice de la
contrainte et la mise en œuvre d’une discipline rigide, mais aussi la
présence d’une forme de permissivité, par exemple concernant l’usage de la
télévision. Ce travail met néanmoins également en évidence l’existence de
différences entre les familles populaires. Les plus instruites et les plus
perméables aux discours psychologiques des enseignants et des médias sont
en effet conscientes de la réprobation sociale attachée à ces pratiques et
mettent en œuvre un modèle éducatif plus hybride, proche de celui des
classes moyennes. Un domaine par exemple dans lequel on observe un net
rapprochement entre les classes populaires et les classes moyennes est celui
des sanctions physiques, frappées d’un grand interdit dans toutes les
catégories sociales. Les classes populaires adhèrent désormais fortement à
des modalités plus psychologiques de discipline des enfants, ce qui
n’empêche pas la permanence de certaines sanctions de ce type mais dont
l’application fait intervenir des arbitrages selon l’âge des enfants et leur
vulnérabilité ainsi que selon l’efficacité attribuée à ce moyen de punition
par rapport à d’autres (Cartier et al., 2020).
L’hypothèse sous-jacente dans ces travaux est que les différences entre
les familles des différentes classes sociales sont fortement liées à des modes
d’organisation familiale qui, à leur tour, reflètent les conditions de vie et de
travail des parents (Kohn, 1959). Les travaux de Bernstein (1975)
soulignent à cet égard l’existence de deux types idéaux d’organisation
familiale : les familles à orientation « positionnelle », plus nombreuses
parmi les classes populaires, dans lesquelles le respect des statuts différents
des parents et des enfants est essentiel, et celles à dominante « personnelle »
dans lesquelles prédomine une conception égalitaire et relationnelle de
l’autorité, plus présente au sein des classes moyennes. Parallèlement,
partant de l’idée d’une association non déterministe entre situation de classe
et styles éducatifs, plusieurs travaux à dominante psychosociologique ont
cherché à explorer la diversité de styles éducatifs familiaux. Une des
typologies les plus connues est celle de Baumrind (1978) qui, en associant
deux dimensions, le contrôle (degré de permissivité et de contrainte) et le
soutien (degré de chaleur affective ou d’hostilité), a distingué trois styles
parmi un échantillon de parents américains : « permissif » (contrôle faible
et soutien élevé), « autoritariste » (contrôle élevé et soutien faible) et
« autoritaire » (contrôle et soutien élevés).
Se rattachant simultanément à ces deux courants, Kellerhals et
Montandon (1991) distinguent quant à eux également trois grands styles
éducatifs. Le style « statutaire », dominant parmi les classes populaires, est
caractérisé par l’importance accordée aux valeurs d’accommodation
(obéissance et conformité), par un contrôle coercitif des parents, par des
rôles éducatifs homme/femme très différenciés et une grande distance entre
les parents et les enfants, ainsi que par une grande réserve face aux agents
externes de socialisation. Le style « maternaliste », présent aussi
principalement dans les familles des classes populaires, est proche du
précédent mais s’en différencie par la proximité recherchée par les parents
avec leurs enfants. Le style « contractualiste », typique des classes
moyennes et supérieures, se situe en revanche pratiquement à l’opposé du
premier. Il se distingue par l’importance accordée à l’autonomie et par le
recours à la motivation ou à la séduction comme techniques de contrôle.
Ces pratiques éducatives familiales reflètent une certaine vision du
monde social et de la marge de manœuvre des parents pour y insérer leur
enfant (Le Pape, 2007 ; Le Pape et van Zanten, 2009). C’est ce que met
clairement en évidence le travail ethnographique de longue durée d’Annette
Lareau (2003) qui fait état de deux types idéaux de modèles éducatifs : le
« développement naturel » (« natural growth ») et l’éducation concertée
(« concerted cultivation »). Dans le premier modèle, dominant chez les
familles populaires noires ou blanches, les parents accompagnent le
processus de développement des enfants sans chercher à l’infléchir de façon
systématique. La vie extrascolaire est pensée comme un temps de loisir et
non comme un temps d’apprentissage. Les parents ne recherchent pas non
plus à développer des liens avec les enseignants, sauf en cas de difficultés.
Dans le second modèle en revanche, caractéristique des familles des classes
moyennes noires ou blanches, les activités quotidiennes des enfants sont
fortement encadrées par des parents pour qui tous les échanges avec les
enfants sont l’occasion de développer des compétences et des qualités qui
leur permettront ensuite de mieux réussir à l’école et dans des emplois
hautement qualifiés (Stefansen et Aarseth, 2011). L’habitude de négocier
avec ses parents et de discuter d’égal à égal avec d’autres adultes apprend
notamment à l’enfant à argumenter son point de vue et lui permet d’acquérir
de l’assurance. Le suivi longitudinal des enfants réalisé par l’auteur dix ans
après l’enquête initiale (Lareau, 2011) montre par ailleurs les liens étroits
entre ces deux types d’éducation et les carrières scolaires : davantage
marquées par des échecs et menant rapidement à la vie professionnelle chez
les enfants ayant été élevés suivant le premier modèle, plus linéaires et
menant à des études universitaires pour la plupart des enfants ayant
bénéficié du second.
Les analyses menées dans le contexte français montrent cependant
l’intérêt d’opérer des distinctions plus fines entre d’une part les classes
supérieures et les classes moyennes que le recours à la notion de middle
class tend à effacer, et, d’autre part, parmi ces deux catégories, suivant les
types de ressources dominantes au sein du couple et la nature et le lieu
d’exercice des activités professionnelles des parents. On constate en effet
qu’au sein des classes supérieures les familles d’« intellectuels » ont
principalement recours à l’argumentation pour enrichir les connaissances et
les compétences évaluatives de leurs enfants et orienter leurs conduites
ainsi qu’à la cooptation de ces derniers par le partage ou l’orchestration de
pratiques culturelles auxquelles ils accordent de l’importance en soi. En
revanche, les familles de « technocrates », où dominent les ressources
économiques et un rapport instrumental à la connaissance et au monde
social, ont davantage recours à la recréation d’un entre soi, au rappel de
normes sociales plus contraignantes et aux pratiques sportives pour modeler
leurs enfants à leur image. Au sein des classes moyennes, un autre clivage
se fait jour entre des « médiateurs » mettant l’expressivité et la relation au
cœur de leurs rapports avec les enfants et les « techniciens », plus proches
des classes populaires qui, à partir d’un modèle asymétrique de la relation
parents-enfants, tentent avec plus ou moins de succès d’obtenir la
conformité de ces derniers (van Zanten, 2009c, 2009d, 2010 ; Menesson et
Julhe, 2012 ; Renard, 2013 ; Court et al., 2014). Ces différents modèles
éducatifs s’avèrent inégalement « rentables » scolairement (Garcia, 2018).
Il s’avère également intéressant de tenir compte de différences liées aux
modes d’organisation familiale. Ainsi, parmi les classes supérieures on
observe que les principes de traitement égalitaire des enfants et de
singularisation de chacun d’entre eux sont mis à rude épreuve lors de
l’arrivée des cadets, la moindre disponibilité parentale induisant à la fois
une spécialisation des rôles, puisque les pères s’occupent davantage des
aînés, et une moindre attention aux cadets (Clément et al., 2019). Par
ailleurs, la plus grande instabilité des couples et l’accroissement du nombre
de familles monoparentales ou recomposées conduisent à s’intéresser
également à ces nouveaux types de familles. On constate tout d’abord que,
si beaucoup de parents séparés ou divorcés adhérent au modèle de la
coparentalité et attachent de l’importance au fait de prendre des décisions
au nom de « l’intérêt » de ce dernier, par exemple concernant le lieu de
résidence de l’enfant, dans les faits tous ne peuvent respecter également ces
principes. Les parents de classes supérieures, du fait de la souplesse que
permettent leurs ressources financières et leurs emplois du temps, le
peuvent plus que les familles populaires où l’on trouve des arrangements
plus rigides et moins proches de ces principes du fait des contraintes
économiques et temporelles (Le Pape et Virot, 2019).
Les résultats des recherches sont par ailleurs peu concluants concernant
les effets des séparations et des recompositions. Un certain nombre des
travaux, à orientation plus psychologique que sociologique, montre que les
enfants élevés dans ces familles ont plus de difficultés relationnelles et
d’intégration scolaire, cela étant surtout vrai pour les garçons qui font
preuve de désobéissance, d’indiscipline et d’agressivité alors que chez les
filles des manifestations plus discrètes du mal-être (anxiété, évitement)
auraient moins d’incidences scolaires (Gayet, 2004). Toutefois, comme il
existe un lien fort entre la monoparentalité et la précarisation sociale des
mères, plusieurs auteurs ont insisté sur la difficulté de faire la différence
entre l’influence de facteurs socio-économiques et de facteurs relevant de la
nouvelle organisation familiale. Une enquête statistique conclut néanmoins
à un effet de la rupture du couple parental, quel que soit le milieu social, sur
la réduction de la durée des études (de six mois à un an en moyenne pour
les séparations intervenant avant la majorité des enfants) et sur l’obtention
d’un diplôme de moindre valeur sur le marché du travail
(Archambault, 2007).

Savoirs et savoir-faire transmis dans


la famille
Le développement de la scolarisation a entraîné un important transfert
des apprentissages de la famille à l’école, mais les parents prennent
cependant encore en charge la transmission de nombreux savoir-faire
nécessaires à la production d’individus socialement compétents. Des
études ethnographiques d’univers familiaux bourgeois, « moyens » ou
populaires illustrent le rôle essentiel des parents, et surtout des mères,
dans la transmission d’une culture de classe. Les repas, les déplacements
des enfants dans l’espace, les conversations avec les adultes sont tantôt
l’occasion d’un travail quotidien familial d’inculcation du contrôle des
gestes, de la parole, qui sont au fondement de la « maîtrise de soi »
bourgeoise (Le Wita, 1988), tantôt celle d’un apprentissage moins
systématique des modes de positionnement social et de la sociabilité
propres aux classes moyennes (Court et Mennesson, 2015 ; Lahire,
2019), tantôt encore celle de la transmission informelle de traits de la
culture populaire liés aux faibles ressources économiques des parents
mais aussi à leur désir de ne pas imposer aux enfants et aux jeunes trop
de contraintes avant l’âge adulte (Hoggart, 1957 ; Lareau, 2003 ; Court et
al., 2014).
Parmi les apprentissages prenant principalement place dans le cadre
familial mais ayant peu retenu l’attention des chercheurs on peut citer celui
de conduites et rythmes alimentaires. L’enquête sur l’organisation du petit-
déjeuner menée par Le Pape et Plessz (2018) auprès d’un groupe de
familles appartenant à la catégorie des « petits-moyens » montre
l’importance attachée à celui-ci par des mères ayant souvent des horaires
contraignants qui s’y impliquent ou orchestrent cette activité en contrôlant
le contenu des repas, leur durée et la bonne tenue des enfants à table. Ces
pratiques correspondent à une vision de la « bonne parentalité » fortement
influencée par les prescriptions étatiques et scolaires en la matière. Un autre
apprentissage peu étudié est celui de la gestion de l’argent. Les rares
travaux dans ce domaine montrent d’importantes variations suivant que les
enfants grandissent dans un cadre de vie caractérisé par la privation ou par
la richesse, par le contrôle minutieux du budget familial, par l’épargne ou
par l’ostentation. Les enfants y apprennent tantôt à limiter étroitement leurs
dépenses, tantôt à les planifier, tantôt à se projeter dans un univers de
consommation (Lahire, 2019).
Dans les familles, on apprend également à assumer des rôles sexués. Dès
avant la naissance, par le biais de la conception de la chambre ou des achats
de vêtements en passant par le choix du prénom, les parents projettent des
stéréotypes « genrés » sur leur progéniture et se préparent eux-mêmes à des
expériences parentales différenciées suivant le sexe de leur enfant (Pélage et
al., 2016 ; Duru-Bellat, 2017). La socialisation prend appui ensuite sur un
ensemble de discours, de choix et de pratiques concernant par exemple la
répartition des tâches domestiques. Ces tâches sont encore largement
attribuées aux filles même si l’on observe dans ce domaine des différences
significatives entre les familles populaires, où cette assignation est très
nette, et les familles des classes moyennes où l’indifférenciation des tâches
est plus importante sans être tout à fait la norme, les familles des classes
supérieures, notamment les « technocrates », se situant entre ces deux pôles
(Court et al., 2016).
La transmission variable de ces rôles sexués selon l’appartenance de
classe des familles est également visible dans l’éducation sentimentale.
Diter (2020) distingue à cet égard trois styles parentaux – le « laisser-
faire », caractérisé par une mise à distance ou un report des échanges autour
de questions affectives, la « culture des sentiments », caractérisée par
l’importance accordée aux sentiments amoureux comme élément
indispensable au développement cognitif et émotionnel des enfants, et un
style plus hybride où les parents répondent surtout aux demandes de leur
progéniture en ce domaine – respectivement associés aux classes
populaires, supérieures et moyennes. S’intéressant à la socialisation des
enfants à la mobilité urbaine, Rivière (2017, 2019, 2021) met quant à lui en
avant des différences très nettes selon le sexe des enfants, les filles faisant
l’objet de plus de conseils et actions parentales destinés à les encourager à
éviter de circuler dans certains lieux et à certains moments, à se déplacer
accompagnées par un représentant de sexe masculin et à gérer leur façon de
s’habiller, de se déplacer et d’échanger avec des inconnus. Ce travail
souligne toutefois aussi des variations sensibles entre les classes sociales
avec un registre « naturalisant » et « protecteur » dans le cas des familles
populaires et plus critique et « préparateur » chez les classes moyennes et
supérieures, notamment celles du pôle culturel. Cette socialisation sexuée
est également à l’œuvre dans la transmission des compétences sociales. Les
filles, notamment dans les milieux populaires, sont nettement plus
encouragées que les garçons à faire preuve d’empathie et de sociabilité, de
politesse et d’application dans les tâches que les garçons, ces attitudes étant
ensuite récompensées dans les jugements des enseignants (Duru-Bellat,
2004 ; Fanchini et Morlaix, 2021).
Outre la transmission de ces savoirs vernaculaires, la famille joue un rôle
important dans le développement intellectuel des enfants et leur préparation
à l’école. Cette dimension a très tôt retenu l’attention des sociologues qui
ont notamment insisté sur l’acquisition de la langue et d’un certain rapport à
celle-ci, en soulignant les différences importantes à cet égard entre les
classes sociales. Ces travaux n’ont cependant pas toujours accordé la place
qu’il convient au travail accompli par les familles dans ce domaine, le
recours à la métaphore de l’héritage (Bourdieu et Passeron, 1964, 1970)
ayant eu pour effet de minimiser l’investissement des parents et des enfants.
Or les premiers doivent mobiliser les ressources qu’ils possèdent et les
seconds doivent à la fois s’approprier activement l’héritage et faire des
choix à l’intérieur de celui-ci pour conquérir leur autonomie (Singly, 1997).
L’importance de ce travail dans les familles populaires a été également
minorée jusqu’aux années 1980 par des théories qui n’ont insisté que sur
leurs déficits ou leurs « handicaps socioculturels ». Si les critiques de ces
visions sont amplement justifiées, elles n’enlèvent cependant pas toute
validité aux thèses de Bernstein (1975) liant la transmission d’un code
linguistique restreint (caractérisé par l’usage de phrases courtes,
grammaticalement simples, par la répétition fréquente de tournures
proverbiales, par la difficulté à garder l’unité d’un thème, par l’importance
des éléments implicites) et la définition stricte des rôles et des statuts dans
les familles ouvrières. Des recherches ethnographiques témoignent
néanmoins de l’intérêt d’analyser de façon fine les pratiques langagières
familiales quotidiennes. En comparant les interactions verbales entre des
enseignantes blanches et leurs propres enfants, et des mères noires et leurs
enfants aux États-Unis, Heath (1983) montre que, dans le cas des premières,
les questions ont pour but principal d’apprendre à l’enfant à maîtriser son
environnement par l’apprentissage des noms et des attributs de personnes et
d’objets réels ou imaginaires ; elles servent également à diriger et corriger
son comportement. En revanche, dans les familles noires, alors que
l’environnement linguistique est aussi riche en thèmes et styles de langage,
les questions ne sont pas souvent utilisées dans un but pédagogique.
Comme elles ont principalement pour objet d’obtenir de véritables
informations, elles ne sont adressées aux enfants que lorsque ceux-ci, à un
âge plus tardif, deviennent des informateurs sérieux et maîtrisent bien les
structures de la langue. Or c’est le premier type d’usage qui est privilégié à
l’école de sorte que le deuxième groupe d’enfants se trouve désavantagé.
En ce qui concerne plus précisément les pratiques d’apprentissage ou de
préapprentissage de la lecture et de l’expression écrite, les travaux de
Lahire (1995) montrent que les enfants de milieu populaire ne bénéficient
pas d’un investissement systématique de leurs parents dans ce domaine
mais peuvent quand même dans certaines familiales être familiarisés à ces
apprentissages par des biais divers : certains parents se servent du matériel
publicitaire qui envahit actuellement les foyers pour faire lire leurs enfants ;
d’autres les associent, notamment les filles, aux tâches d’écriture familiale :
petits mots quotidiens, relations écrites avec les institutions, correspondance
avec la famille élargie… Les enfants des milieux favorisés cumulent
néanmoins à cet égard les avantages des ressources financières de leurs
parents et des compétences culturelles de leurs mères diplômées de
l’enseignement supérieur (Chamboredon et Prévot, 1973). On constate ainsi
des différences entre ces deux groupes dans le nombre et le type d’albums
choisis pour les jeunes enfants et aussi, et surtout, dans la façon dont les
parents s’y prennent pour les lire avec eux. Les familles populaires
pratiquent une lecture « oralisante » sans interrompre le flux de la lecture,
ni mobiliser des connaissances extérieures et ne sollicitent les enfants que
sous le mode de la restitution simple des éléments de l’histoire. Les parents
des classes supérieures intellectuelles poussent au contraire leurs enfants à
interpréter constamment ce qu’ils lisent et à adopter une attitude critique
vis-à-vis des textes très rentable scolairement (Bonnéry, 2015a).
Une analyse récente des données recueillies dans le cadre de l’Enquête
longitudinale française depuis l’enfance (ELFE) montre des effets
significatifs de ces modes différents de socialisation sur les compétences
langagières des enfants. Elle met notamment en évidence des différences
selon l’appartenance sociale qui concernent non seulement le nombre de
mots utilisés par les enfants de deux ans mais des différences sémantiques
avec notamment une prépondérance des mots du quotidien chez les enfants
des classes populaires et la présence de mots abstraits parmi ceux des
classes supérieures (Hargis et Pagis, 2020). Est-il possible de modifier de
façon efficace les pratiques des premiers ? Bien que les méta-analyses
concernant les effets des interventions dans ce domaine donnent à voir des
résultats mitigés (Barone et al., 2019), une expérimentation récente, fondée
sur la distribution aux parents d’enfants de maternelle d’informations sur
l’importance de la lecture et de livres pour enfants gratuits, met en avant
des résultats positifs. Les chercheurs ont en effet constaté non seulement
des changements chez les parents des milieux populaires en termes de
lecture partagée avec les enfants, mais également des effets sur les
compétences langagières des enfants, notamment en termes
d’accroissement de leur vocabulaire (Barone et al., 2021).
D’autres enquêtes montrent que le langage est investi de visées
socialisatrices contrastées par des parents appartenant à différentes
catégories sociales. Étant donné l’importance qu’accordent leurs parents à
la conformité aux normes linguistiques scolaires et sociales et à la
dimension morale des lectures du soir, les pratiques langagières jouent un
rôle central dans l’apprentissage, par les enfants des classes populaires
stables, de la soumission à l’ordre établi. Via, par exemple, la maîtrise
enfantine précoce des langues étrangères, le langage participe plutôt dans
les familles des classes supérieures du pôle économique, à l’acquisition
d’avantages compétitifs et à la préparation à occuper une position
dominante. Chez les parents des classes moyennes et supérieures du pôle
culturel, les jeux de langage sont quant à eux au cœur de l’inculcation d’un
rapport réflexif à la connaissance comme à l’autorité (Lahire, 2019).
Enfin, les parents socialisent également leurs enfants via des jeux qui les
préparent inégalement aux attentes de l’école. Sandrine Vincent (2000) a
montré que le jouet n’a pas la même fonction dans les familles des classes
moyennes et supérieures et dans celles des milieux populaires. Chez les
premières, il a une fonction pédagogique et permet la transmission d’un
certain nombre de savoirs et de savoir-faire. Chez les secondes, il est perçu
comme un objet de plaisir avant d’être un outil d’éveil. Les enfants de
catégories supérieures sont ainsi trois fois plus nombreux que les enfants de
catégories populaires à recevoir des jouets « éducatifs » par opposition à
des jouets « récréatifs ». Les recherches n’ont toutefois pas pu mettre en
évidence des liens nets entre l’utilisation de ce type de jouets et le
développement cognitif ou les résultats scolaires des enfants (Glasman,
2004).

L’accompagnement de la scolarité

Les projets scolaires


La notion de projet englobe les aspirations parentales, mais aussi
l’histoire familiale et le rapport des parents à leur propre expérience
scolaire qui jouent un rôle déterminant dans leurs attitudes vis-à-vis de la
scolarité, contredisant parfois des projets rationnels ambitieux ou, au
contraire, autorisant des scolarités plus heureuses et plus longues que
celles envisagées au départ (Terrail, 1990 ; Lahire, 1995 ; Rochex,
1995b ; Henri-Panabière, 2010a). Elle englobe aussi les normes
familiales concernant les trajectoires estimées souhaitables en fonction
par exemple du sexe de l’enfant qui se traduisent par des attitudes plus ou
moins favorables à des choix d’études ambitieux chez les garçons et les
filles (Court et al., 2013) ou qui inhibent, autorisent ou favorisent des
orientations d’études atypiques pour chaque sexe (Olivier, 2015, 2018 ;
Cacoualt-Bitaud et Lemarchant, 2016 ; Lemarchant, 2017). En France, en
raison de la prégnance d’une logique de « placement social » (Van de
Velde, 2008) liée aux caractéristiques de l’État providence français et de
l’anxiété que suscite l’insertion professionnelle des jeunes, l’injonction
au développement d’un projet professionnel et l’accompagnement
parental des trajectoires scolaires et professionnelles occupent une place
centrale par rapport à d’autres dimensions de l’expérience enfantine
juvénile. Dès l’école maternelle, les parents, surtout les pères anticipent
avec appréhension les différentes étapes de la scolarité, les mères restant
plus attachées au quotidien scolaire des enfants (Picart et Bergonnier-
Dupuy, 2021).
Des travaux ont néanmoins pu montrer des variations dans
l’accompagnement parental des projets scolaires et professionnels allant
d’une confiance dans l’école, plus présente chez la fraction supérieure des
classes populaires à un encadrement stratégique prédominant parmi les
classes moyennes et supérieures du pôle économique en passant par une
logique d’expérimentation, plus caractéristiques des classes supérieures
intellectuelles (Charles et al., 2019). On constate par ailleurs que le fort
consensus parmi les parents français autour de l’importance de poursuivre
des scolarités dans l’enseignement supérieur s’accompagne, y compris chez
une proportion significative de parents des classes populaires, d’un
important soutien économique, même si de nombreux jeunes de ces milieux
doivent travailler pour payer leurs études (Pinto et al., 2019). Ce soutien
n’est pas facile à évaluer en raison des réticences parentales à l’exprimer en
termes comptables et du fait qu’il fait intervenir, outre le montant des
ressources familiales et la taille de la famille, d’autres facteurs comme
l’appréciation des besoins ou des mérites des jeunes (Le Pape et al., 2018).
À cela s’ajoute, et parfois de façon indistincte pour de nombreux parents,
un soutien pratique (épauler les jeunes dans des démarches administratives
ou les décharger du travail domestique) et moral (écoute, conseils,
encouragements…) largement assumé par les mères (van Zanten, 2015).
La notion de projet renvoie aussi aux dispositions stratégiques vis-à-vis
de l’école dont font preuve les familles en fonction de leurs valeurs, de
leurs ressources et de leur contexte de vie. À propos de ce dernier, on
constate des différences entre les familles rurales et urbaines. Même si on
observe chez elles, comme pour l’ensemble de la population, une élévation
générale des attentes, à milieu social égal, les familles rurales sont moins
ambitieuses concernant l’orientation de leurs enfants, recherchant moins
fréquemment des filières et des établissements prestigieux que leurs
homologues urbaines (Barrault-Stella, 2014c).
De façon générale, ce sont les familles des classes moyennes et
supérieures qui, en raison de leurs trajectoires sociales et de leurs
possibilités de mobilité sociale, sont les plus incitées et les plus à même de
construire et de problématiser leur rapport au monde comme un rapport
explicite entre des fins et des moyens, et d’intégrer l’école comme élément
central de leurs projets. Plus on s’élève dans la hiérarchie sociale, plus on
retrouve des familles qui peuvent développer des projets ambitieux grâce à
la fois à l’excellence scolaire qu’elles peuvent favoriser chez leurs enfants
par le biais d’un soutien parental efficace (Ferrand et al., 1999 ; van Zanten,
2016) et à un accès privilégié aux informations les plus pertinentes et à des
formes diverses d’influence et de pression sur les enseignants et
l’administration scolaire (Bourdieu et al., 1973 ; Gombert, 2008 ; van
Zanten, 2009c). Néanmoins, ces familles sont souvent tendues entre leurs
désirs d’améliorer les performances des enfants pour les maintenir dans la
compétition scolaire et la peur de compromettre ainsi, par le biais du stress
et de la limitation de l’autonomie, leur épanouissement personnel (Lareau,
1989 ; Singly, 1996 ; Dubet et Martucelli, 1996a ; van Zanten, 1996b,
2007).
En outre, tous les parents de ces catégories sociales ne réussissent pas à
transmettre leur statut social à leurs enfants : outre le fait que la valeur des
diplômes varie en fonction de la conjoncture économique (cf. chapitre 3),
l’inculcation de certaines dispositions peut se trouver compromise par la
situation familiale des parents, leur disponibilité, leurs relations avec leurs
enfants et leur ambivalence vis-à-vis des exigences de l’école ou encore par
des processus complexes d’identification ou non-identification des enfants à
leurs parents (Daverne, 2009 ; Henri-Panabière, 2010b). Il faut en outre
souligner, dans la continuité des développements de la section précédente,
que le rapport à l’école des classes moyennes et supérieures varie suivant
qu’il s’agit de fractions à fort capital culturel ou à fort capital économique :
dans le premier cas, notamment si l’on songe aux professions de
l’enseignement, l’école et les contenus scolaires jouent un rôle essentiel tant
du point de vue de l’accès aux positions convoitées que de la formation des
identités sociales ; dans le deuxième, l’école est investie davantage du point
de vue de la rentabilité des diplômes et de l’accès à des réseaux sociaux
pouvant être mobilisés à des fins utilitaristes ou distinctives (Bourdieu,
1989 ; Gombert et van Zanten, 2004 ; van Zanten, 2018). Il est de ce point
de vue intéressant de souligner que les enfants dont les parents
appartiennent aux fractions les plus dotées en capital culturel, notamment
ceux dont les parents et plus particulièrement les mères sont enseignants,
sont avantagés tout au long de la scolarité mais rattrapés par leurs
homologues dont les parents appartiennent aux fractions économiques des
classes supérieures à l’entrée dans l’enseignement supérieur, voire devancés
si l’on tient compte du prestige et des rémunérations associés aux
formations suivies par les uns et les autres (Farges, 2018).
Les familles populaires ont, de leur côté, longtemps été considérées
comme de simples « victimes » de la scolarisation. Or, s’il est clair que
l’existence d’un projet scolaire dans la classe ouvrière ne va pas de soi, et si
l’on constate encore aujourd’hui que beaucoup de familles ont des
aspirations élevées mais pas de véritables stratégies d’anticipation et
d’accompagnement de la scolarité (Périer, 2005), on observe néanmoins
depuis une trentaine d’années une forte mobilisation de leur part vis-à-vis
de l’école (Terrail, 1990 ; Poullaouec, 2010). Même lors d’orientations vers
des filières peu prestigieuses, certains types de choix, comme celui de
l’apprentissage compagnonnique, témoignent de la volonté de certains
parents et de certains jeunes d’échapper au destin de « simple ouvrier »
(Palheta, 2011).
Dans les cas de réussite scolaire improbable comme ceux étudiés par
Laurens (1992), on peut même parler de véritables stratégies de sur-
scolarisation, plus couramment associées aux classes moyennes et
supérieures (Berthelot, 1983). Parmi les facteurs qui distinguent ces
familles d’autres de même milieu social, certains tiennent à leur trajectoire
sociale : la présence d’un grand-père occupant une position sociale plus
élevée que celle d’ouvrier ou petit agriculteur, la trajectoire professionnelle
du père, le travail de la mère et un niveau d’instruction supérieur à la
moyenne semblent favoriser des aspirations plus élevées concernant le
devenir scolaire des enfants. D’autres, comme l’insertion de la famille dans
des réseaux professionnels, associatifs, politiques ou religieux ou comme le
goût pour l’école de parents contraints d’arrêter leurs études, permettent de
séparer deux groupes de familles : le premier comporte des parents dont la
précarité économique, la distance symbolique à l’école et le repli sur la
cellule familiale font obstacle à une démarche positive en direction de
l’école ; le second, ceux qui, connaissant une plus grande stabilité
professionnelle, plus instruits, plus ouverts à des groupes extérieurs, plus
proches subjectivement de l’école, sont davantage en mesure d’intégrer
celle-ci dans un projet global de mobilité sociale (Henriot-van Zanten,
1990 ; Lahire, 1995 ; Thin, 1998). Des travaux récents montrent par ailleurs
entre les familles des classes populaires des différences significatives moins
liées aux emplois occupés qu’au niveau de diplôme. Si chez toutes les
familles on retrouve actuellement de fortes aspirations scolaires pour leurs
enfants, la possession d’un capital scolaire par les mères notamment, même
modeste à l’égard de celui des parents des classes moyennes et supérieures,
se traduit par des différences significatives concernant les vœux
d’orientation ainsi que concernant l’implication dans le suivi de la scolarité
des enfants (aide aux devoirs, choix d’établissements et de classes,
participation aux associations des parents) (Poullaouec, 2019).
Les familles d’immigrés ont souvent des projets scolaires ambitieux pour
leurs enfants, liés au projet migratoire de réussite. En France, divers travaux
(Brinbaum et Kieffer, 2005, 2009 ; Vallet et Caille, 1996 ; Ichou, 2010)
mettent aussi en évidence le rôle des aspirations parentales dans la
meilleure réussite des enfants d’immigrés par rapport à leurs camarades
d’origine ouvrière. Toutefois, les attentes élevées des parents immigrés
peuvent être aussi contre-productives si elles s’accompagnent d’une
absence de ressources ou si elles sont contredites par d’autres attitudes qui
empêchent les enfants de se mobiliser pour la réussite de peur de
compromettre l’unité affective ou morale de la famille (Sayad, 1991 ;
Rochex, 1995b). Les analyses de cas de réussite « miraculeuse » montrent
par ailleurs la présence des mêmes facteurs qui expliquent la réussite en
milieu populaire, mais aussi d’autres plus spécifiques à cette
population comme la possession d’un niveau d’études supérieur à la
moyenne de la population de leurs pays d’origine, des conditions de
migration caractérisées par le regroupement précoce de la famille ou encore
le fait d’avoir bénéficié d’un contexte de vie où les immigrés sont
minoritaires ou ont des attentes fortes vis-à-vis de l’école (Zéroulou, 1988 ;
Santelli, 2001 ; Ichou, 2018). Plusieurs enquêtes suggèrent par ailleurs
l’existence d’un lien entre la meilleure réussite des filles de milieu
populaire et immigrée par rapport aux garçons et le travail des mères qui
encouragerait les femmes à favoriser l’émancipation des filles par des
projets plus volontaristes (Terrail, 1992, 1997). Mais d’autres enquêtes
montrent qu’il est nécessaire d’analyser conjointement le poids des
ambitions familiales et des préjugés plus favorables des enseignants à
l’égard des filles immigrées pour comprendre leur réussite (Santelli, 2001 ;
Lambert et Peignard, 2002).

Le suivi familial de la scolarité


On observe également une intensification du suivi familial de la scolarité
afin de maintenir l’effort scolaire de l’enfant dans la durée, de l’aider à
soutenir la concurrence avec les autres et de mieux se placer sur le
marché scolaire et professionnel. Certains chercheurs évoquent à cet
égard la transition de la méritocratie à la « parentocratie », c’est-à-dire
d’un système de promotion par l’école, fondé sur l’évaluation des
capacités et des efforts des enfants – qui, en réalité n’a jamais réellement
existé, mais a joué le rôle de « fiction nécessaire » (Dubet, 2000b) – à un
système dans lesquels les moyens et les désirs des parents jouent un rôle
central (Brown, 1990). Ce suivi comprend des pratiques culturelles
familiales comme l’usage de la télévision. Si cet usage est très répandu
parmi toutes les catégories sociales, on constate que plus le niveau
scolaire de la mère est élevé, moins les enfants regardent la télévision et
plus ils délaissent les feuilletons et séries en faveur des programmes sur
la nature ou les sciences et, au contraire, que plus il est faible, moins le
temps passé à la regarder est contrôlé de même que le contenu des
programmes (Delay, 2011).
Ce suivi comprend aussi des activités culturelles et sportives en dehors de
l’école. Ces pratiques restent très marquées par le genre, mais aussi par
l’origine sociale car les parents des différents milieux sociaux non
seulement accordent plus ou moins d’importance à ces activités mais les
dotent de sens différents (Menesson et Julhe, 2012 ; Bertrand et al., 2014)
en sachant que leur influence est, dans les familles nombreuses, médiatisée
par celle de la fratrie (Court et Henri-Panabière, 2012). Les enquêtes
statistiques montrent que ce sont les filles de cadres qui semblent le mieux
profiter de ces activités, cumulant activités de leur âge et activités
« rentables » sur le plan de la légitimité scolaire. En fonction de leur
position sociale, les familles adoptent en fait des attitudes différentes à
l’égard de ces activités. Ainsi, alors que les familles des classes urbaines
favorisées se situent dans une logique de « filiation » caractérisée par des
consommations culturelles élevées, un projet de transmission explicite et un
modèle relationnel de partage des activités, les familles populaires
conçoivent plutôt les loisirs dans une optique de détente sans souci de
rentabilité scolaire. Les familles en ascension scolaire se situent quant à
elles dans une logique de conquête, visant à aider leurs enfants à accumuler
des connaissances avec le soutien de l’école (Octobre et al., 2010).
Les effets de ces pratiques sur la carrière scolaire des enfants ont
cependant été peu évalués. Les recherches existantes montrent que leur
influence est modérée et varie en fonction de la nature des activités et du
degré d’importance que leur accordent les systèmes scolaires nationaux.
Certaines recherches distinguent ainsi des activités culturelles à l’extérieur
de la maison, comme la fréquentation des musées, qui sont principalement
« distinctives », c’est-à-dire qui donnent à voir un statut social, des activités
culturelles privées orientées vers le développement intellectuel et qui
influent plus directement sur les apprentissages (de Graaf et al., 2000).
D’autres montrent que seules certaines pratiques culturelles mobilisant des
formes verbales, notamment la lecture, ont un impact sur les résultats
scolaires, les formes visuelles et musicales transmettant probablement des
compétences moins récompensées par l’école (Sullivan, 2001). Une
recherche récente (Coulangeon, 2018) suggère une autre hypothèse,
concordante avec les recherches mettant en avant l’importance du temps
disponible et son organisation dans la transmission des habitus culturels
(Lahire 1995 ; Lareau 2003 ; van Zanten, 2009c), à savoir le fait que par le
biais de ces activités les parents à la fois étendent leur emprise sur leurs
enfants et leur inculquent des dispositions à organiser leur temps libre. Ces
dispositions sont très utiles à la réussite dans l’enseignement supérieur
sélectif aussi bien concernant le travail personnel à fournir (Darmon, 2015)
que l’investissement associatif (Abraham, 2007). Certaines de ces pratiques
jouent aussi un rôle important de distinction et de constitution de réseaux
sociaux (Bourdieu, 1979). Certains sports (l’équitation, l’escrime ou le
tennis par exemple) ou certaines activités culturelles (apprentissage d’un
instrument musical, danse classique), sont choisis par les parents des classes
moyennes et supérieures pour développer chez leurs enfants les qualités de
dynamisme et d’effort qu’ils valorisent et auxquelles ils attribuent une
rentabilité scolaire, mais aussi parce qu’elles permettent de circonscrire
l’univers social des fréquentations enfantines et adolescentes et d’aider les
enfants à maîtriser des codes sociaux de leur classe sociale (Lareau, 2003 ;
Menesson et al., 2016).
Les parents sont aussi très nombreux à participer à l’encadrement du
travail scolaire dans un système scolaire se caractérisant par
l’externalisation croissante d’un certain nombre de tâches (Kherroubi,
2009). Il s’agit le plus souvent d’une activité féminine, les pères se bornant
à signer le carnet de notes ou à donner « un coup de main » dans certaines
matières, notamment scientifiques. Notons par ailleurs que les parents,
toutes appartenances sociales confondues, consacrent plus de temps à suivre
le travail scolaire des garçons que celui des filles, soit parce que la scolarité
des premiers apparaît plus importante, soit parce que les garçons, travaillant
moins à la maison que les filles et d’autant moins que leur niveau est faible,
présentent davantage d’attitudes en contradiction avec les exigences de la
scolarité. Ce dernier aspect influe aussi sur l’attitude générale des parents :
alors que le suivi du travail scolaire des filles s’inscrit dans une logique de
soutien, celui des garçons relève davantage du contrôle (Duru-Bellat, 2004 ;
Gouyon et Guérin, 2006 ; Henri-Panabière, 2010b).
Le suivi des devoirs est aussi une activité socialement différenciatrice. La
délégation à la famille de cette tâche permet aux mères de statut social élevé
dotées d’un haut capital culturel d’assumer un rôle pédagogique. Elles
expliquent à nouveau certains cours, se servent des manuels et créent des
jeux pour renforcer et développer les connaissances scolaires, en se livrant
ainsi à un véritable monitoring du travail scolaire (Lareau, 1987, 1989). Il
faut toutefois noter que cette activité requiert une grande disponibilité. Pour
compenser leur manque de temps, les mères qui ont de longs horaires de
travail ont tendance à acheter ce type de service par le recours à des
établissements scolaires privés, qui encadrent davantage le travail hors la
classe, ou à des cours particuliers. Toutefois, si les enfants de cadres
supérieurs ont environ deux fois plus de chances de prendre des cours que
les enfants d’ouvriers, cela est également dû au souhait des parents de
pacifier les relations au sein de la famille en déléguant une partie d’un suivi
scolaire potentiellement conflictuel, notamment quand les enfants
rencontrent des difficultés, à des agents extérieurs, ainsi qu’à l’anxiété des
parents face aux examens, aux concours et aux diverses formes de sélection
scolaire. Cette anxiété explique aussi que ces parents s’adressent davantage
à des psychologues pour détecter la précocité (Lignier, 2012) ou à des
spécialistes du coaching, afin de renforcer la motivation des enfants et leur
confiance en soi, et les aider à faire les bons choix au bon moment et à
adopter une attitude « réflexive » et positive face aux échecs (Glasman,
2004 ; Oller, 2010, 2015). Ces différents comportements font partie de ceux
qu’on associe aux « parents hélicoptères », expression de sens commun
utilisée notamment aux États-Unis et au Royaume Uni pour désigner de
façon péjorative des parents des classes supérieures surinvestis dans
l’éducation de leurs enfants (Lee et MacVarish, 2020).
Des travaux récents montrent que l’accompagnement scolaire le plus
expert est le fait de parents qui exercent le métier d’enseignant, ce qui va de
pair avec l’excellente réussite de leurs enfants jusqu’à la fin de
l’enseignement secondaire. Une des raisons est leur disponibilité temporelle
et la possibilité qu’ils ont de bénéficier de la synchronisation de leur temps
de travail avec celui de leurs enfants. Ceci, couplé avec le fait qu’ils ont des
pratiques culturelles intenses, notamment dans des domaines très
scolairement rentables comme la lecture, leur permet d’assurer à la fois un
suivi scolaire et une transmission culturelle très efficaces (Salane et Letrait,
2018). Les enseignants disposent en outre de compétences pédagogiques
liées à leur métier qui leur permettent d’accompagner au plus près le travail
scolaire de leurs enfants en diagnostiquant leurs difficultés, en évaluant
leurs progressions, en décryptant les attentes implicites de leurs collègues et
en anticipant sur les enseignements à venir (Kakpo et Rayou, 2018). Les
parents enseignants encouragent aussi chez leurs enfants des dispositions
comme l’autonomie, très valorisées dans l’univers scolaire. La
connaissance fine qu’ils ont de l’univers de l’école leur permet en outre
d’effectuer des choix d’établissements, de classes et d’options garantissant
les conditions les plus favorables à la réussite de leur enfant (Lasne, 2018).
Les parents des milieux populaires sont quant à eux nombreux à
concevoir l’aide comme le simple fait de surveiller qu’un temps soit
effectivement consacré aux devoirs, à exercer un contrôle tatillon sans
véritable soutien, à insister davantage sur la présentation que sur les
acquisitions, et à se substituer aux enfants dès lors que ceux-ci rencontrent
des difficultés (Thin, 1998 ; Van Hooris 2003 ; Glasman, 2004 ; Périer
2005). Ces parents éprouvent souvent de grandes difficultés à comprendre
les attendus, souvent implicites, de l’école, qui se situent à différents
niveaux : mémoriser des connaissances mais aussi les transférer sur d’autres
objets et les insérer dans un ensemble plus abstrait (Rayou, 2009). Leur
implication n’a toutefois cessé d’augmenter. En effet, si le niveau de
diplôme des parents conditionne fortement la probabilité de pouvoir aider
les enfants, il n’influe pas sur le temps passé à les accompagner qui reste
important, même s’il demeure peu délimité par rapport à d’autres tâches
domestiques accomplies simultanément (Gouyon et Guérin, 2006 ; Robin,
2015).
En outre, les familles, françaises et immigrées, en situation de moindre
précarité ne se contentent pas d’agir en instance de sous-traitance
pédagogique comme le demandent explicitement ou implicitement les
enseignants (Rayou, 2010), mais agissent aussi comme de véritables
institutions pédagogiques autonomes en accompagnant les exigences
scolaires par diverses formes de complémentation et d’anticipation des
exigences scolaires (Kakpo, 2012). À cela il faut ajouter le rôle d’aide aux
devoirs que peuvent jouer dans les milieux populaires et immigrés des
frères et des sœurs plus âgés, voire d’autres membres de la famille élargie
ou des voisins (Lahire, 1995 ; Santelli, 2001 ; Ichou, 2018). Par ailleurs, si
en raison de leur manque de ressources financières ces parents ont moins
recours aux cours particuliers, leurs enfants peuvent parfois bénéficier
d’actions de soutien collectives et gratuites proposées dans les quartiers
populaires, notamment dans ceux qui font l’objet d’un traitement
institutionnel dans le cadre de la politique de la ville ou de la politique
d’éducation prioritaire. Les parents les plus mobilisés sont néanmoins
souvent très critiques du fonctionnement de ce type de soutien, dont
l’efficacité est loin d’être avérée (Glasman, 2001 ; Piquée, 2003 ; Kakpo,
2012).
Le suivi scolaire des parents prend par ailleurs plus largement appui que
par le passé sur un marché d’outils pédagogiques (ouvrages, guides de
révision, cahiers de vacances, presse spécialisée dans l’apprentissage de
langues, logiciels éducatifs…) en plein développement. Mais dans ce
domaine aussi, on constate des différences importantes entre les groupes
sociaux car ce sont les parents les plus fortunés et les plus proches
culturellement et socialement de l’école qui y ont le plus recours (Garnier,
2013). Pourtant dans les familles populaires, les parents consacrent
également des sommes importantes, relativement à leur budget, pour l’achat
de livres, d’encyclopédies ou de cassettes éducatives. Ces outils sont
investis d’une forte dimension symbolique, mais, très souvent, les parents
ne s’en servent pas ou s’en servent mal du point de vue des enseignants
(Lahire, 1995 ; Thin, 1998). Or si leur impact sur la scolarité a fait l’objet
de très peu d’évaluations, des travaux sur l’usage des « cahiers de
vacances » par les élèves du primaire et leurs parents montrent que leur
influence n’est pas négligeable, mais conduit à un renforcement des
différences sociales, sexuelles et scolaires de réussite qui s’observent au
cours de l’année scolaire. En effet, les enfants qui en bénéficient le plus
sont des enfants de cadres, des filles, des élèves « en avance » et de bon
niveau (Jarousse et al., 2001b).
La fermeture des écoles au cours des années 2020 et 2021 pendant le
confinement lié à la pandémie et l’important transfert de responsabilités du
suivi de l’instruction aux parents qui, d’auxiliaires pédagogiques, ont été du
jour au lendemain promus « chefs d’orchestre », offrent une
« expérimentation naturelle » susceptible de mieux éclairer les dynamiques
à l’œuvre dans ce suivi et leurs effets, notamment dans les écoles et familles
populaires. Le transport du cœur de l’apprentissage de la salle de classe à la
maison et les nouveaux rôles que les enseignants et les parents ont été
contraints d’adopter semblent avoir eu dans certains contextes des effets
positifs en termes de mobilisation, d’auto-organisation et d’autoformation
des uns et des autres ainsi que d’amélioration de leurs relations (Rayou,
2022). La capacité de ces changements à faire évoluer la forme scolaire
traditionnelle et ses effets négatifs sur la scolarité des enfants des milieux
populaires apparaît néanmoins limitée en l’absence d’une réflexion globale
ultérieure sur les méthodes et ressources pédagogiques, le travail collectif
des enseignants et le dialogue avec les parents (Ria et Rayou, 2020). Par
ailleurs, malgré des efforts importants pour décrypter les nouvelles attentes
des enseignants, les parents les moins diplômés se sont souvent heurtés à
des difficultés d’appropriation des savoirs proposés par des plateformes en
ligne, celles-ci exigeant des capacités importantes de navigation entre
différents supports et de compréhension et d’articulation des contenus
(Delès, 2021). Si on ajoute à cela des écarts vis-à-vis d’autres familles de
catégories plus favorisées dans les conditions de connexion à Internet et la
plus grande difficulté de leurs enfants à rester attentifs à distance sur la
durée, il apparaît fort probable que cet enseignement à distance, imprévu et
improvisé, ait largement contribué à creuser les inégalités d’apprentissage.

Le choix des établissements


Une autre dimension non moins essentielle du suivi de la scolarité des
enfants concerne le choix des établissements où ils seront scolarisés. Ces
choix se sont beaucoup développés, y compris dans les systèmes
scolaires, comme le système français, qui ne les encouragent pas
officiellement (cf. chapitre 4). Ils demeurent néanmoins très différenciés
suivant les groupes sociaux. Les parents de milieux populaires précarisés
et, davantage encore, les parents immigrés se retrouvent le plus souvent
parmi ceux qui acceptent l’établissement « ordinaire » proche parce
qu’ils ne perçoivent pas toujours de différences majeures entre les
établissements, mais aussi parce qu’ils ne disposent pas des ressources
financières et culturelles nécessaires pour élaborer et mettre en œuvre des
stratégies de choix. Par ailleurs, ces parents témoignent d’un attachement
important à la localité parce que la proximité et la familiarité sont des
éléments importants dans leurs efforts pour maîtriser l’avenir de leurs
enfants (van Zanten, 2001a). En outre, quand ils choisissent, poussés par
des enfants qu’ils jugent plus experts qu’eux-mêmes, ces parents
cherchent moins à accroître leurs avantages qu’à avoir accès à des
établissements offrant certaines filières techniques ou professionnelles ou
un climat général chaleureux (Ballion, 1991 ; Reay et Ball, 1998).
Ces parents ont en outre fréquemment recours à des choix contraints ou
« réactifs », liés aux difficultés scolaires ou aux problèmes de discipline de
leurs enfants et destinés à leur éviter des sorties précoces du système
éducatif, des orientations défavorables ou des exclusions (Millet et Thin,
2005 ; Périer, 2005). Comme en outre ces situations donnent souvent lieu à
des mobilités scolaires multiples qui ne se traduisent pas toujours par
l’accès à de meilleures conditions d’apprentissage et de socialisation, les
élèves des milieux populaires en difficulté ne semblent pas profiter des
migrations vers d’autres établissements (Ben Ayed, 2011b). Il se peut en
revanche que les changements d’établissement, dès lors qu’ils n’ont pas lieu
de façon répétée, qu’ils impliquent un changement positif en termes de
cadre de scolarisation et qu’ils n’entraînent pas un rejet de la part des
camarades et des enseignants pour ces « outsiders », soient bénéfiques aux
bons élèves issus de ces mêmes milieux (Rayou, 2015). Ainsi, parmi les
cent adultes d’origine algérienne ayant réussi une mobilité sociale par
l’école étudiés par Santelli (2001), un quart avait dérogé à la carte scolaire
pour intégrer un lycée plus réputé ou éviter un redoublement ou une
orientation vers une filière jugée dévalorisante à leurs yeux.
Le choix des établissements est plus répandu parmi les familles
appartenant à des fractions stables ou montantes des classes populaires et
aux fractions inférieures des classes moyennes qui perçoivent la mixité
sociale et ethnique, surtout quand elles habitent dans des quartiers d’habitat
social ou à proximité, comme un risque potentiel pour l’intégrité physique
de leurs enfants, mais aussi pour leur socialisation au sens large et pour la
qualité de leurs apprentissages scolaires. Les parents de ces catégories
sociales, qui disposent de plus d’informations et d’une plus grande capacité
à les analyser que les familles très défavorisées, développent des stratégies
de « colonisation » des établissements du quartier (cf. chapitre 4), se
tournent vers d’autres établissements publics mais en évitant les options les
plus élitistes ou succombent à l’attrait de l’« entre soi » de l’enseignement
privé (Ben Ayed, 2000 ; Cartier et al., 2008). Pour que ces familles osent
choisir, la qualité du dossier scolaire de l’enfant apparaît néanmoins
essentielle de même que l’approbation et le soutien des enseignants ou des
associations de parents ainsi que certaines conditions pratiques (proximité
des établissements désirés, facilités de transport et sécurité du trajet,
possibilité d’organiser des départs avec d’autres familles du secteur) (Thin,
1996 ; Broccolichi, 1998 ; van Zanten, 2001a).
C’est néanmoins parmi les classes moyennes supérieures et les classes
supérieures que les choix d’établissements revêtent le caractère le plus
stratégique et qu’ils s’avèrent les plus efficaces du point de vue des
trajectoires scolaires et professionnelles des enfants (Power et al., 2003 ;
Devine, 2004, cf. chapitre 5). À travers leurs choix, ces parents poursuivent
tout d’abord des objectifs personnels d’ordre instrumental (la recherche
d’avantages positionnels) et expressif (l’épanouissement personnel des
enfants) qui entrent d’ailleurs parfois en conflit (Gewirtz et al., 1995 ;
Singly, 1996 ; van Zanten, 2009c). Les décisions, qui sont des décisions
« sur mesure » pour chaque enfant – même si les parents de deux ou
plusieurs enfants tirent des conclusions pour le reste de la fratrie en
observant les parcours plus ou moins réussis de leurs ainés (Broccolichi,
1998 ; Vanhée et al., 2013) –, s’efforcent néanmoins de combiner au mieux
leur réussite scolaire et leur équilibre émotionnel (Ballion, 1980 ; Lareau,
1989 ; Reay 2000). Ces considérations individualistes sont néanmoins
également en tension avec des considérations de justice sociale car ces
parents, en tout cas les « intellectuels », sont conscients des implications
politiques en matière d’égalité et d’intégration sociale de leurs choix et
s’efforcent de trouver des compromis entre leurs intérêts et leurs valeurs
(Ball, 2003b ; van Zanten, 2006b, 2009c ; Reay et al., 2011).
Mais si ces catégories sociales sont non seulement les plus désireuses,
mais aussi les plus compétentes en matière de choix, ce dernier ne va pas
pour autant de soi (Ball et al., 1996). D’une part, ces parents sont obligés de
prendre des risques à partir d’une connaissance imparfaite des capacités et
des réactions de leurs enfants dont ils doivent en outre, pour respecter la
norme d’une certaine autonomie enfantine et adolescente, canaliser et
« sculpter » progressivement les ambitions et les goûts (van Zanten, 2015).
D’autre part, ils – et surtout elles puisqu’il s’agit à nouveau d’un travail
essentiellement féminin – doivent déployer une énergie considérable pour
disposer des informations pertinentes sur la qualité des établissements
publics ou privés. En effet, celles-ci ne se trouvant pas seulement, ni même
principalement, dans les publications officielles, leur obtention suppose un
important travail de « prospection » individuelle, de mobilisation de réseaux
parentaux jugés plus fiables que les statistiques et les données objectives
pour tout ce qui concerne leur organisation interne et leur « atmosphère »,
d’évaluation des avantages et désavantages respectifs de différents choix
possibles et, surtout, d’appariement des caractéristiques des enfants et des
établissements (Ballion, 1991 ; Ball et Vincent, 1998 ; van Zanten, 2002 ;
Barrault-Stella, 2013a ; van Zanten, 2013a ; Kosunen et Rivière, 2017b).
Dans le système français où le choix est encore régulé et repose, à
l’intérieur du système public, sur des demandes de dérogation, ces parents
doivent en outre être en mesure de produire des demandes acceptables ou,
de façon plus marginale, de fausses adresses pour contourner la
sectorisation, ce qui suppose également le recours à des sources diverses
d’information et d’influence (van Zanten, 2009c ; Barrault-Stella, 2009,
2017).
À propos des choix scolaires, il faut souligner deux tendances encore très
minoritaires en France mais en expansion. La première concerne le choix
d’écoles proposant des méthodes pédagogiques alternatives, qui sont pour
la plupart des établissements privés laïques hors contrat, à l’exception de
certaines écoles publiques mettant en œuvre une pédagogie Freinet ou une
pédagogie institutionnelle. Ces écoles, attirent des parents valorisant en
priorité des logiques expressives – valorisation de la singularité de chaque
enfant, de son bien-être et de son développement global – se recrutant
principalement au sein des classes moyennes et supérieures (Legavre,
2022). Ces parents s’informent et échangent souvent sur les réseaux sociaux
où circulent des informations, des avis et de conseils émanant de créateurs
et d’usagers de ces écoles ainsi que de nombreux promoteurs d’une
« éducation positive » (Legavre et Probœuf, 2020).
La seconde tendance, encore plus minoritaire mais significative,
concerne les parents qui optent pour l’instruction en famille (IEF).
Témoignant d’une défiance croissante à l’égard des systèmes éducatifs dans
des pays où ceux-ci sont très développés comme les États-Unis, cette
tendance y concerne de plus en plus de réseaux de parents et non seulement
des parents isolés (Tilman et Mangez, 2021). Elle a été adoptée en France
par des parents aux profils très variés qui revendiquent dans l’espace public
et médiatique des pratiques éducatives également très diverses (Bongrand,
2018). Influencés par des expériences scolaires caractérisées par une prise
de distance avec l’institution, même dans le cas de scolarités « réussies »,
ainsi que par des conceptions éducatives forgées par des lectures, des
consultations de spécialistes du domaine médical et psychologique et par
des échanges avec d’autres parents, ces parents privilégient un modèle
d’« éducation concertée naturalisée » (Proboeuf, 2019, 2021). Ce dernier
suppose un investissement très fort des mères repoussant les limites
habituelles du « maternage intensif » (Hays, 1996 ; Lois, 2012). Il faut par
ailleurs noter qu’alors qu’elle remet fondamentalement en cause le
monopole de fait de l’école en matière d’instruction, cette démarche fait
l’objet d’un encadrement ambigu de la part des autorités académiques en
France. Combinant deux critères de nature très différente (l’absence de
danger psychique pour les enfants et la conformité aux attendus
institutionnels en termes des choix pédagogiques et de progression scolaire
des enfants), certains inspecteurs évaluent de façon stricte ces deux
dimensions alors que d’autres adhérent davantage aux idéaux familiaux
d’une éducation à la fois globale et singulière à chaque enfant et font
confiance à leur expertise parentale (Farges et Tenret, 2017, 2018, 2020).

Les parents dans l’école

La relation avec les enseignants


La majorité des parents accorde de l’importance à la relation avec les
enseignants de leurs enfants. L’enquête conduite par la Direction de
l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de
l’Éducation nationale sur un panel d’élèves entrant en 6e en 2007 montre
ainsi que la quasi-totalité des parents d’élèves de 6e ont rencontré au
moins une fois un des professeurs de leur enfant : seuls 4,4 % déclarent
n’avoir jamais eu de contact. Les réunions officielles parents-enseignants
sont l’occasion privilégiée de ces échanges : 90 % des parents ont
rencontré un professeur dans ce cadre. Les rencontres ponctuelles sont
plus rares, mais assez fréquentes : 41 % des parents y ont participé. Cette
enquête nous apprend aussi, que dans 54,5 % des cas, c’est la mère seule
qui a assisté à la rencontre (les rencontres impliquant le père seul
représentent 8,6 % des cas et celles impliquant les deux parents, 35,2 %)
et que les rencontres ponctuelles concernent davantage les parents des
garçons (47 %) que des filles (35 %). Cela s’explique par les problèmes
de discipline et d’apprentissage que les premiers rencontrent plus souvent
que les secondes et s’inscrit dans la logique de contrôle de leur scolarité
par les parents évoquée dans la section précédente. En effet, le facteur qui
détermine le plus l’intensité des contacts est le niveau scolaire de
l’enfant. Quand l’élève a de résultats faibles, 57 % des familles ont eu au
moins une rencontre ponctuelle avec un professeur, souvent à sa
demande, ces rencontres n’ayant lieu que pour un quart des parents dont
l’enfant a de très bons résultats (Dalsheimer-Van Der Tol et Murat,
2012).
Ce sont les parents des milieux populaires qui, en raison des difficultés
scolaires plus fréquentes de leurs enfants, sont les plus concernés par les
rencontres à l’initiative des professeurs, alors que les parents de milieux
plus favorisés sont plus nombreux à prendre l’initiative de ces contacts. On
observe par ailleurs que parmi les parents ayant peu fait d’études, près de
10 % n’ont jamais rencontré un enseignant depuis le début de l’année
scolaire et ce, y compris quand leurs enfants ont de bons résultats. Ces
résultats corroborent ceux d’autres enquêtes qui constatent aussi que les
parents des milieux populaires sont les moins nombreux à prendre contact
avec les enseignants. Les raisons de cet évitement sont d’abord matérielles,
notamment le manque de temps et les horaires fixés par les enseignants
pour les rencontres. Mais le sentiment de malaise que ressentent à l’école
des parents peu scolarisés, entretenant pour certains un rapport douloureux
à leur propre scolarité et qui s’identifient aux problèmes de leurs enfants
joue un rôle au moins aussi important (Henriot-van Zanten, 1990 ; Dubet et
Martucelli, 1996a ; Thin, 1998). Ces parents font en outre l’objet, quand ils
viennent à l’école, de jugements dépréciatifs et d’un traitement moralisant
de la part des enseignants qui les perçoivent comme étant irresponsables ou
répressifs, ce qui explique leur retrait, mais aussi leurs interactions
conflictuelles avec les représentants institutionnels (Anderson-Levitt, 1989 ;
van Zanten, 2001a ; Périer, 2005, 2010 ; Chartier et Payet, 2014).
Il faut en outre souligner que, quand les relations entre les parents des
milieux populaires et les enseignants sont bonnes, elles ne sont pas
nécessairement investies par les premiers dans une optique stratégique car
ces parents se situent généralement, comme nous l’avons souligné plus
haut, dans une logique de délégation, confiante ou méfiante, vis-à-vis de
l’école (Dejaiffe, 2008 ; Delay, 2011). Seules les familles populaires
mobilisées voient les rencontres avec les enseignants, perçus comme des
alliés, comme un moyen de faire avancer la cause de leur enfant. Leur
collaboration avec les enseignants apparaît, cependant, fragile et révocable
et semble s’estomper à l’entrée des enfants dans l’enseignement secondaire
aussi bien en raison des difficultés croissantes des enfants que du cadre
organisationnel qui empêche les rencontres spontanées à la fin des cours,
multiplie les interlocuteurs et rend difficile la prise de parole publique des
parents qui ne manient pas aisément les codes institutionnels (Henriot-van
Zanten, 1990 ; Périer, 2005 ; Kakpo, 2012). Les parents en situation
précaire représentent de ce point de vue un cas extrême. Bien que
conscients des enjeux scolaires, ils restent invisibles et inaudibles et font
l’objet d’une forte infériorisation par les enseignants dès lors qu’ils ne
peuvent pas endosser le rôle qui est attendu d’eux (Périer, 2019).
Les parents d’origine étrangère sont les plus nombreux à ne pas
rencontrer les enseignants. Cela s’explique par des raisons similaires à
celles évoquées pour les parents d’origine ouvrière, auxquelles il faut
ajouter les problèmes de langue. Mais des malentendus culturels plus subtils
interviennent aussi. Ainsi la « sociabilité de l’anonymat » s’oppose à la
valorisation par certains groupes immigrés d’autres critères pertinents dans
l’interaction comme l’âge, le sexe ou la position sociale dans le quartier
(Henriot-van Zanten, 1990). En outre, ces parents sont aussi plus
susceptibles que les parents français de faire l’objet des diverses tactiques
de disqualification de leur compétence en tant que parents par les
professionnels de l’éducation (van Zanten, 2001a ; Kilic, 2022), les
enseignants oscillant dans les interactions avec eux entre la mobilisation de
stéréotypes culturels négatifs et la valorisation de la diversité linguistique et
culturelle, et entre rejet, compassion et soutien (Deshayes et Payet, 2019).
Ils sont d’ailleurs beaucoup moins souvent désignés par le terme de
« parents » que par celui de « familles » qui met en relief la distance
culturelle qui les sépare de l’école et leur manque de statut politique au sein
de l’institution et de la société (Glasman, 1992b).
Étant donné les difficultés d’apprentissage, les problèmes de
comportement et les risques de décrochage ou de rupture scolaire auxquels
leurs enfants sont davantage exposés, les parents des milieux populaires et
issus de l’immigration sont généralement plus confrontés que ceux d’autres
milieux sociaux à des décisions institutionnelles défavorables émanant
parfois de conseils de discipline. Leurs réactions genrées vis-à-vis de ces
derniers – les pères ayant davantage tendance à accuser l’institution et les
mères à s’accuser elles-mêmes des fautes de leurs enfants – semblent
dépendre moins des raisons pour lesquelles leurs enfants y ont été
convoqués et sanctionnés que des relations qu’ils entretiennent avec eux et
avec l’institution scolaire (Yadan, 2019). Ces parents sont aussi amenés à
multiplier les contacts avec d’autres acteurs institutionnels dans et hors des
établissements scolaires (conseillers d’éducation, surveillants, assistantes
scolaires, éducateurs). Ces contacts, souvent conflictuels, participent à la
construction d’un rapport de défiance voire d’hostilité aux institutions,
même si une fraction de parents réussit à résister à leur emprise, à faire
jouer les unes contre les autres et à tirer profit des ressources qu’elles
mettent à leur disposition (Millet et Thin, 2020). Les échanges avec ces
acteurs peuvent néanmoins aussi donner lieu à des formes de coopération
grâce, d’une part, aux schèmes adoptés par ces professionnels pour faire
accepter des décisions difficiles et préserver la face des parents et, d’autre
part, aux stratégies déployées par ces derniers pour adopter un point de vue
commun avec ces acteurs (Burdin, 2020).
À l’opposé, les parents des classes supérieures sont les plus demandeurs
de rencontres individuelles et collectives pour discuter des progrès de leur
progéniture. Ils exercent en fait une pression constante pour obliger les
professionnels de l’éducation à se plier à leurs souhaits (Brantlinger, 2003 ;
cf. chapitre 4) et mobilisent leur capital culturel pour contourner les
contraintes institutionnelles et tirer avantage des opportunités offertes par
les dispositifs d’action publique (Lareau et McCrory Calarco, 2012). Rien
d’étonnant alors à ce qu’ils soient perçus de façon ambiguë par les
enseignants : leur intérêt est gratifiant, et ils peuvent s’avérer des alliés
inestimables pour obtenir des nouvelles ressources pour les établissements,
mais leur attitude générale les conduit à être jugés comme « trop
interventionnistes », prêts à remettre en cause la compétence pédagogique
des enseignants et la séparation entre professionnels et profanes, ainsi que
« trop désinvoltes », sûrs de leurs droits et peu respectueux des normes en
vigueur (Lareau, 1987 ; Pinçon et Pinçon-Charlot, 1989 ; Cucchiara et
Horvat, 2009 ; McCrory Calarco, 2018).
Les parents des classes moyennes sont quant à eux les plus portés à
accorder de l’importance à la relation avec les enseignants et à l’intégrer à
une stratégie globale de mobilisation scolaire, même s’ils sont devancés par
les professions supérieures dans le nombre de contacts, notamment au
niveau de l’enseignement secondaire. Ils entretiennent généralement de
bonnes relations avec le corps enseignant, en particulier avec les
instituteurs, en raison d’une communauté de points de vue due à la
proximité sociale, mais aussi au fait qu’ils se plient volontiers au rôle de
« bon parent ». Ils cherchent en effet autant à échanger des informations et à
rendre de petits services qu’à produire une bonne impression sur les
enseignants (Vincent, 2001). Les attitudes et les pratiques de ces parents
sont en fait les plus proches de la nouvelle norme institutionnelle de
partenariat avec les familles qui suppose des collaborations plus étroites et
des interactions plus fortes dans une relation asymétrique où les parents
sont censés se plier, faire preuve de bonne volonté et « prendre leurs
responsabilités » face aux exigences scolaires (Périer, 2005 ; Payet, 2017).
Néanmoins, quand leurs enfants sont en échec, ces parents sont nombreux à
se tourner vers d’autres spécialistes (médecins, psychologues, spécialistes
paramédicaux). Cette démarche leur permet de faire valoir vis-à-vis de
l’école des troubles de l’apprentissage (dyslexie, dysorthographie,
dyscalculie…) chez leurs enfants dont ils ne seraient pas responsables et de
mobiliser d’autres savoirs experts contre l’avis des enseignants avec le
risque toutefois de favoriser un étiquetage précoce nuisible à long terme à la
scolarité de leur progéniture (Morel, 2012 ; Garcia, 2018).

Des usagers du service public


d’éducation ?
Appréciée quand elle accroît les ressources de l’école, l’implication des
parents fait l’objet de réserves significatives de la part des
administrations locales et des enseignants quand elle concerne son
pilotage (De Saedeleer, Brassard et Brunet, 2004). Ces réserves sont
particulièrement importantes en France car le modèle laïque, le
centralisme et la régulation de type bureaucratique ont fait des parents
des acteurs porteurs de croyances irrationnelles et de divisions et des
« administrés assujettis » (Garnier, 2016, cf. chapitres 1 et 4). On observe
néanmoins un accroissement de l’offre politique en leur direction, qui
s’inscrit dans une logique plus globale de modernisation de l’action
publique par la prise en compte des attentes des usagers et leur
association à la mise en œuvre des réformes (Buisson-Fenet, 2004), mais
il s’agit d’une offre très différenciée suivant les catégories sociales.
Des initiatives d’écoles publiques alternatives mettant au centre de leur
projet la « coéducation » des enfants par les parents et les enseignants ont
vu le jour en France dans certaines villes dans les années 1970. Comme le
montre néanmoins le cas des écoles de la Villeneuve étudiées par Allam
(2020), le discours initial très positif à l’égard des parents s’y est mué
progressivement, au fil de la paupérisation du quartier, du fait du départ de
la première génération d’enseignants militants et du manque d’appui
national à ces écoles, en un discours très critique sur la démission parentale.
Cette logique a par la suite été très présente dans les zones d’éducation
prioritaires. En effet, poursuivant la logique correctrice et adaptative
instaurée par les politiques de compensation lancées aux États-Unis dans les
années 1960, les actions en direction des parents les plus démunis qui y ont
été introduites, bien que menées au titre du partenariat école-familles, ont
été dès le départ fondées sur le principe d’une forte distance voire d’une
opposition entre leurs valeurs et leurs pratiques, et celles l’école. Se
donnant pour but de réconcilier ces parents avec les exigences de l’école et
de les en rapprocher à travers divers dispositifs de médiation culturelle et de
participation (Périer, 2005 ; Payet et Guiliani, 2014), ces modes
d’intervention engendrent souvent des résistances et des sentiments
d’impuissance vis-à-vis de l’institution et des enseignants (Mozère, 2000 ;
Monceau, 2014). Ils se fondent en outre sur des présupposés contestables,
notamment d’une part, l’absence de mobilisation scolaire chez ces familles
alors que, comme nous l’avons vu, elle est de plus en plus intense
(Poullaouec, 2010 ; Kakpo, 2012), voire leur « défaillance », notion au
cœur des dispositifs de soutien à la parentalité mis en place par les instances
judiciaires en direction des familles les plus précaires (Pothet, 2014) et,
d’autre part, l’existence d’un lien de cause à effet, qui est loin d’être avéré,
entre la participation des parents, telle que définie par l’école, et la réussite
scolaire de leurs enfants (Ichou, 2010).
Les établissements relevant de dispositifs de discrimination positive sont
logiquement ceux concentrant ces dispositifs mais aussi les regards les plus
négatifs portés sur les familles. En Angleterre, où diverses actions
d’information et de formation des parents ont été entreprises dans les
années 1970 dans le cadre des Educational Priority Areas, le gouvernement
travailliste a lancé dans les années 1990 et 2000 un autre ensemble
d’initiatives relevant de la « troisième voie », dont l’efficacité est loin d’être
avérée (Tomlinson, 2005). Elles épousent deux orientations : la
« resocialisation » des parents des classes populaires par des actions visant
à les engager, sur le mode contractuel, à développer certaines attitudes et
pratiques en direction des enfants et de l’école et à les aider, par la diffusion
d’informations et de conseils, à choisir les établissements (Vincent, 2000,
2001 ; Gewirtz, 2001 ; Exley, 2013) ; le développement, notamment dans
les Éducation Action Zones, du « capital social » des communautés
populaires et immigrées à travers le renforcement des réseaux locaux et la
participation des parents à différentes initiatives éducatives locales (Gewirtz
et al., 2005). Dans les réseaux d’éducation prioritaire, en France comme à
Genève, les enseignants multiplient les critiques, les injonctions et les
conseils à l’égard des parents perçus comme se situant à l’écart des normes
scolaires, et plus particulièrement à l’égard des parents immigrés. Ils le font
néanmoins souvent de façon embarrassée, réservant certaines remarques
particulièrement disqualifiantes aux échanges entre collègues dans les
coulisses de l’école (Kilic, 2022), dès lors qu’ils pensent aller au-delà de
leurs domaines d’intervention légitime (Deshayes et al., 2019). Étant donné
la norme de collaboration et de partenariat en vigueur (cf. chapitre 4), ils s’y
efforcent aussi d’obtenir le consentement parental à leurs diagnostics et à
leurs prescriptions s’engageant pour cela dans une logique de
« conversion » (Deshayes et al., 2018).
C’est toutefois l’offre en direction des classes moyennes et supérieures
qui marque une plus grande rupture puisque l’école et les enseignants sont
dessaisis d’une partie de leur autonomie en faveur de parents à qui est
concédée une plus large marge de participation en tant qu’« usagers du
service public d’éducation » (Buisson-Fenet, 2004). Ces parents,
demandeurs d’une relation privilégiée avec les enseignants parfois pour
améliorer le fonctionnement global des établissements mais souvent pour
retirer des bénéfices pour leurs propres enfants (van Zanten, 2009c ; Payet,
2017), mettent en œuvre une « instrumentalisation maîtrisée » de l’école.
Celle-ci se fonde toutefois davantage sur des arrangements au coup par
coup que sur un pouvoir officiel sur l’école (Barrault-Stella et Hugrée,
2020). En effet, si la loi de décentralisation (1985) et la loi d’orientation
(1989) ont officiellement élargi les prérogatives des parents, dans la
pratique, on constate que leurs demandes ou suggestions sont souvent
ignorées, rejetées ou retraduites pour devenir recevables par l’institution et
que leur poids est quasiment nul dans les instances de décision (Migeot-
Alvarado, 2000). La participation des parents a également été renforcée
dans d’autres systèmes d’enseignement, par exemple en Angleterre. Plus
importante qu’en France, elle reste néanmoins limitée par le souci des
enseignants de cantonner les parents dans un rôle de soutien, y compris les
parents governors, membres de la direction de l’établissement (Vincent,
2000). L’échec de ces modes de participation favorise l’émergence de
modes d’organisation et d’intervention internes aux parents, très liés à des
enjeux spécifiques dans les localités et les établissements et qui, dans la
majorité de cas, tendent à renforcer la distance vis-à-vis des classes
populaires (Brantingler, 2003 ; Dutercq et Lafaye, 2003 ; van Zanten,
2009b ; LeVasseur et Cormier-Boutin, 2019).
L’offre politique en direction des usagers renvoie aussi aux nouveaux
droits individuels des parents en matière notamment d’accès à
l’information, d’orientation et de recours, et de choix des établissements.
L’accès des parents à des informations concernant les résultats et le
fonctionnement des établissements a été élargi dans d’autres contextes
nationaux par la publication de rapports d’évaluation sur les établissements
et la multiplication de supports écrits à leur intention. En France, les
établissements et les administrations scolaires transmettent en revanche très
peu d’informations aux usagers ce qui contribue, d’un côté, au
développement de supports marchands comme les palmarès
d’établissements ou les guides publiés par divers groupes de presse, et, de
l’autre, à une intensification de l’usage des réseaux professionnels,
associatifs et de voisinage pour se renseigner sur les établissements et
recueillir des avis en vue de futurs choix (Dutercq, 2001b ; van Zanten,
2013).
En matière d’orientation, on observe que si les demandes individuelles
des parents exercent une forte influence sur les choix (cf. chapitre 2), leurs
interventions à titre collectif dans les conseils de classe ont des effets
limités en raison de leurs difficultés d’accès aux informations pertinentes et
des réticences des enseignants et des professionnels de l’orientation à se
dessaisir de leurs prérogatives dans ce domaine, ce qui désavantage surtout
les parents de milieu plus défavorisé (Masson, 1997, 1999 ; Buisson-Fenet,
2005). Quant aux procédures de recours, le rôle des nouvelles instances de
médiation apparaît davantage comme celui de limiter l’interventionnisme
des usagers et les passages au contentieux que de satisfaire leurs attentes
(Buisson-Fenet, 2004). Enfin, les assouplissements successifs de la carte
scolaire ont permis aux parents d’avoir de nouveaux droits dans le domaine
du choix de l’établissement, mais, comme nous l’avons vu plus haut (cf.
aussi chapitre 4), ce sont des droits qui peuvent surtout être exercés par des
« initiés » aux subtilités du système d’enseignement et des procédures de
dérogation (Barrault, 2009, 2011 ; Barrault-Stella, 2014a, 2017 ; van Zanten
et Obin, 2010 ; van Zanten, 2013).
Les associations de parents d’élèves
L’intervention des parents dans les établissements est aussi rendue
difficile par le fait que les associations de parents d’élèves ont du mal à
promouvoir une « cause » des parents d’élèves. Tout d’abord, ces
associations sont très différentes dans leur histoire et leurs objectifs
(Dutercq, 1998). La plus ancienne d’entre elles, les Parents d’élèves de
l’école publique (PEEP), regroupait au début du siècle des parents de
grands lycées parisiens. Elle revendique une totale indépendance
politique, syndicale et confessionnelle et défend la participation active
des parents à l’amélioration de l’enseignement public. La Fédération des
conseils de parents d’élèves (FCPE), très liée dès sa naissance, à la
Libération, au Syndicat national des instituteurs, a plus souvent tendance
au niveau national à adhérer au point de vue de l’institution scolaire,
même si elle prend actuellement quelques distances. Elle défend l’idée
d’une égalisation des chances à travers une école publique, laïque et
gratuite. Quant à l’Union nationale d’associations des parents d’élèves de
l’école libre (UNAPEL), elle affirme avec force le principe de la liberté
de l’enseignement et la spécificité de l’enseignement catholique en
concert avec les dirigeants nationaux de cet enseignement et les
enseignants (Barthélemy, 1995).
Ces associations ont connu trois étapes liées aux évolutions des modes
d’impulsion des réformes par l’État et aux évolutions économiques et
sociales (Gombert, 2008). Dans le cadre du modèle de « l’État éducateur »,
les associations de parents, mais plus particulièrement la FCPE, ont depuis
leur naissance et jusqu’aux années 1970, adopté les idéaux universalistes du
système d’enseignement français et épousé un mode de fonctionnement
caractérisé par des liens étroits au niveau national entre les partis politiques,
les syndicats et les organisations de parents. Avec la montée en puissance
du modèle de « l’État animateur » impulsant des logiques d’action
horizontales fondées sur le partenariat et l’émergence sur la scène publique
des classes moyennes salariées, très investies dans les enjeux éducatifs à
l’échelle nationale et locale, les associations de parents ont retrouvé un
nouveau souffle entre le début des années 1970 et le milieu des années
1980 ; celui-ci s’est néanmoins progressivement estompé à la suite des
problèmes engendrés par la massification de l’enseignement et du
développement de comportements stratégiques chez les parents
antérieurement les plus mobilisés en faveur de l’école publique. Ces
évolutions ont profité à l’enseignement privé et à l’UNAPEL mais aussi à la
PEEP et ont en revanche entraîné une crise au sein de la FCPE. À partir du
milieu 1980, on observe à la fois une diffusion du modèle du
« consommateur d’école » (Ballion, 1982) et l’entrée en scène des cadres
supérieurs du secteur privé. Ces changements favorisent le développement
d’associations locales indépendantes que ces parents investissent pour
promouvoir une vision plus individualiste, pragmatiste et localiste de
l’action parentale (Gombert et van Zanten, 2004).
Les associations de parents cherchent à former leurs militants à la fois de
façon institutionnalisée par le biais de stages et de façon plus informelle à
travers des interactions répétées dans le but de leur faire acquérir des
dispositions et des compétences, actuellement largement dépolitisées, que
leurs représentants estiment nécessaires à l’exercice du « métier » de parent
d’élève (Barrault-Stella, 2013b). Certains de ces militants, notamment ceux
« multipositionnés » dans différentes organisations, réussissent à faire valoir
leurs points de vue et leur expertise profane, par exemple concernant les
décisions en matière de carte scolaire, avec quelques chances de succès
dans différentes instances à l’extérieur et dans l’école (Barrault-Stella,
2014b). Plusieurs facteurs contribuent cependant à limiter l’influence de ces
associations dans les établissements et les instances locales. Le premier
concerne la représentativité numérique des délégués. L’enquête conduite par
la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du
ministère de l’Éducation nationale sur un panel d’élèves entrant en 6e en
2007 montre que 13,1 % des parents sont membres d’une association de
parents d’élèves et que 9,3 % seulement ont assumé des fonctions de
délégués de parents d’élèves au conseil de classe ou au conseil
d’établissement. Comme, en outre, l’adhésion aux associations de parents
décroît en fonction du diplôme et de la hiérarchie sociale des professions
(26,5 % des parents ayant un niveau d’études égal ou supérieur à bac
+ 3 déclarent appartenir à une association contre 3,9 % de ceux qui ont un
BEPC) et du niveau de compétence des enfants (22,1 % des parents dont les
enfants se situent dans le quintile le plus élevé sur le plan des compétences
déclarent en faire partie contre 6,9 % dont l’enfant se situe dans le quintile
le plus faible), leur emprise est encore beaucoup plus faible dans les
établissements où se trouvent concentrés les élèves défavorisés en difficulté
scolaire (Dalsheimer-Van Der Tol et Murat, 2012).
L’absence d’intérêt des parents à leur égard s’explique en partie par le
paradigme de l’action collective d’Olson : non seulement les services
qu’elles rendent à leurs adhérents sont souvent maigres, puisqu’elles ont
accès à peu d’informations et disposent de peu de moyens pour faire
pression sur les enseignants ou chefs d’établissement, mais le plus souvent
tous les parents, qu’ils soient adhérents ou non, bénéficient des actions
ponctuelles qu’elles peuvent mener dans l’établissement ou à une échelle
plus large (Olson, 1978). La faible participation s’explique aussi par le fait
que les parents délégués par les associations dans les conseils de classe, où
ils sont à la fois juges et parties, sont soupçonnés par les autres parents et
par les enseignants de parler et d’agir dans l’intérêt de leur propre enfant
(van Zanten, 2004b). Pourtant, les recherches montrent l’existence d’une
diversité de profils allant des militants « contestataires » jusqu’aux
« opportunistes » (Barthélemy, 1995 ; Dutercq, 1998). L’action de ces
parents est en outre souvent disqualifiée, dans les établissements
hétérogènes ou populaires, du fait qu’ils ne seraient pas socialement
représentatifs de la population des parents des élèves les plus en difficulté.
Si la distance sociale avec ces catégories de parents peut en effet s’avérer
problématique pour comprendre et relayer leurs attentes, il faut néanmoins
souligner que, pour s’imposer face aux enseignants et à l’administration, il
faut posséder certaines compétences en matière d’analyse et de
communication dont l’acquisition est facilitée par l’exercice de certains
types d’activité professionnelle et par le fait d’avoir pu assumer des
responsabilités professionnelles, syndicales ou associatives. Une grande
disponibilité et une compatibilité des horaires avec ceux proposés par les
établissements pour les réunions, les commissions et les conseils se révèle
aussi indispensable. On ne sera donc pas étonné de trouver parmi les
militants de nombreux enseignants, qui ajoutent à toutes ces caractéristiques
une connaissance de l’intérieur du système, et des membres des professions
intermédiaires et supérieures (Henriot-van Zanten et Migeot-
Alvarado, 1992).
Conclusion
Par rapport à un système caractérisé pendant longtemps par une
séparation très importante entre les univers de l’école et de la famille, on
observe clairement des évolutions. Les parents sont davantage sollicités
pour assurer une socialisation familiale et un suivi de la scolarité en
phase avec les exigences de l’institution et se mobilisent eux-mêmes
fortement dans ce sens. Ils ont davantage de contacts avec les enseignants
et une marge d’intervention plus grande dans le fonctionnement des
établissements. Deux limites empêchent cependant de considérer ces
éléments comme des indicateurs d’une démocratisation plus avancée de
la relation des parents à l’école. Premièrement, c’est la capacité
individuelle et non pas collective des parents qui a été renforcée ces
dernières années et, deuxièmement, et en lien direct avec cet aspect, ce
sont les parents les plus à même de développer des projets individuels et
de maîtriser les situations d’interaction qui s’en trouvent ainsi avantagés.
Ceci rend ces évolutions porteuses de nouvelles inégalités entre les
groupes sociaux.

Orientation bibliographique
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Chapitre 9
L’expérience des élèves
L’allongement de la scolarité et la mise à l’écart prolongée du monde du
travail font que c’est dans le rapport à l’école que se construit aujourd’hui,
de façon privilégiée, l’identité des enfants et des jeunes. Mais cette identité
ne peut simplement se déduire du modèle de socialisation que proposent les
institutions scolaires et universitaires, ce modèle étant beaucoup moins
cohérent qu’autrefois en raison du brouillage des finalités et de la diversité
des logiques de fonctionnement mis en évidence tout au long de cet
ouvrage. Les élèves et les étudiants doivent ainsi construire des parcours
éducatifs qui reposent sur une mobilisation intellectuelle très variable selon
les milieux sociaux et les contextes d’enseignement. Ils doivent élaborer des
stratégies au sein d’institutions plus complexes et plus concurrentielles que
par le passé. Ils doivent, enfin, développer des appartenances sociales et
construire leur autonomie dans un univers scolaire faiblement intégré et
dont l’idéal « civilisateur » est fortement concurrencé par d’autres formes
culturelles.

Le rapport aux études

Projets scolaires et projets


professionnels
Il est difficile de parler de projets scolaires et professionnels avant le
collège. À l’école, les enfants sont sous la double dépendance des parents
et des enseignants qui le plus souvent forment des projets pour eux et
dont l’approbation et l’appui sont indispensables pour donner forme à
leurs intentions. Si l’on observe davantage de négociations entre les
parents et les enfants dans les milieux favorisés que dans les milieux
populaires, c’est à l’intérieur d’un espace de choix fortement délimité par
les adultes (van Zanten, 2009c, cf. chapitre 8). Qu’en est-il des
adolescents scolarisés en collège ? Aujourd’hui, le monde du travail
apparaît encore loin à cet âge, ce qui favorise une absence de projection
réaliste dans l’avenir. Cette attitude contredit l’image d’adolescents,
acteurs compétents et autonomes de leur orientation, qu’il s’agit
d’accompagner dans leur recherche d’eux-mêmes, que promeuvent les
textes officiels sur l’orientation (Guigue, 2001 ; Chauvel, 2015 ; Olivier
et al., 2018). On constate cependant des différences importantes dans les
choix effectifs en fonction de l’appartenance sociale qui résultent de
l’influence conjuguée des verdicts scolaires et des influences familiales :
alors que les collégiens en situation de réussite des classes moyennes et
supérieures sont fortement encouragés par leurs enseignants et leurs
parents à poursuivre dans la voie générale et à choisir des options ouvrant
la voie à des choix plus ambitieux en lycée et dans l’enseignement
supérieur, ceux des milieux populaires, notamment s’ils sont en échec,
sont davantage orientés et s’orientent eux-mêmes parfois, dans une
logique vocationnelle ou d’adaptation tactique, vers des filières
professionnelles (Palheta, 2011, 2015 ; Chauvel, 2014 ; Cayouette-
Remblière, 2016 ; cf. chapitre 5). Ces orientations, qui se veulent
« réalistes », peuvent être vécues comme des « désorientations » lorsque
les élèves de milieux populaires nourrissaient d’autres projets (Lehner,
2020). D’ailleurs, les orientations contraintes sont un facteur explicatif du
décrochage scolaire (Bernard et Michaud, 2017), renforcé par l’absence
de bonnes conditions de travail ou par les sanctions fréquentes dans les
établissements que les élèves rejoignent sans les désirer (Bell, 2021).
Si à milieu social égal, les aspirations scolaires des adolescents sont plus
élevées en France que dans d’autres pays européens comparables comme
l’Allemagne, l’Angleterre ou la Finlande (Danic et Loncle, 2017), on y
observe aussi qu’elles le sont encore davantage chez les collégiens
immigrés alors que ces derniers ont plus souvent l’impression d’être
orientés vers des filières professionnelles contre leur gré (Akers-Porrini et
Zirotti, 1992 ; Vallet et Caille, 1996 ; Brinbaum et Kieffer, 2005, 2009 ;
Ichou, 2018). On observe également des différences entre filles et garçons.
Les premières apparaissent dans la plupart des pays beaucoup plus inquiètes
que les garçons concernant leur avenir professionnel alors qu’elles ont des
meilleurs résultats scolaires qu’eux et optent plus souvent pour des métiers
nécessitant un long passage par l’école qu’elles semblent nettement
appréhender comme un instrument de promotion sociale (Danic et Loncle,
2017).
Les filles et les garçons qui s’orientent ou sont orientés vers les
formations techniques et professionnelles ont des visions de leur avenir
assez proches mais les seconds sont plus enclins à penser la réussite dans le
cadre d’un bonheur familial traditionnel (femme, enfants, maison), alors
que les premières manifestent une plus grande distance critique à l’égard
des modèles parentaux traditionnels et une plus grande volonté de
promotion sociale (Galland, 1988). L’orientation précoce vers ces filières
renforce la socialisation de genre antérieure et la ségrégation entre les sexes
car peu de filières sont réellement mixtes (Denave et Renard, 2015).
Certains jeunes choisissent, il est vrai, des filières atypiques mais
l’expérience scolaire dans ce cadre des filles et des garçons diffère. Les
premières apparaissent plus sûres et satisfaites de leurs choix que les
seconds mais souffrent davantage des stéréotypes de genre et du sexisme
ordinaire de leurs enseignants et camarades alors que les seconds sont
beaucoup mieux perçus et accueillis dans leurs classes (Lemarchant, 2017).
C’est sans doute chez les lycéens que la notion de projet, entendue
comme l’exercice d’une subjectivité et la poursuite d’objectifs au sein d’un
système de contraintes, prend vraiment du sens. Pourtant, quand on
interroge les élèves eux-mêmes, force est de constater l’absence de projets
professionnels. Cette absence ne doit toutefois pas être interprétée de la
même façon selon la position scolaire et le lieu de scolarisation (van
Zanten, 2016). Chez les bons élèves des classes moyennes et supérieures,
notamment ceux scolarisés dans des lycées favorisés, elle apparaît comme
un privilège lié à leur statut scolaire et à celui de leur établissement (Dubet,
1991 ; Daverne et Dutercq, 2013, 2015 ; van Zanten et al., 2018). Les
élèves en difficulté dans ces catégories sociales doivent néanmoins réfléchir
davantage à des orientations, par exemple vers des voies artistiques,
permettant d’éviter que leur déclassement scolaire se transforme en
déclassement social, en mobilisant à cet égard leur capital culturel non
scolaire mais aussi le capital économique de leurs parents (Daverne, 2009).
Parmi les jeunes des milieux populaires, on constate une diversité de
stratégies en matière d’orientation qui témoigne à la fois du maintien des
identités de classe et des effets des configurations familiales, des
trajectoires scolaires et des contextes locaux (Millet et Thin, 2007 ; André,
2012 ; van Zanten et al., 2018). Chez ceux en échec, leur grande incertitude
quant à leur devenir dans l’enseignement supérieur couplée avec la
dévalorisation fréquente de leurs compétences, motivations et capacités de
travail (Cayouette-Remblière, 2015) se traduit par l’absence de projet ou
par des projets universitaires flous. C’est notamment le cas des bacheliers
professionnels et, parmi eux, d’une proportion élevée de jeunes issus de
l’immigration (Beaud et Pialoux, 2001 ; Beaud, 2002 ; Lambert et Peignard,
2002). Il faut néanmoins souligner, d’une part, que cette orientation des
étudiants de milieux populaires vers l’université est moins fréquente dans
des systèmes éducatifs où cette dernière bénéficie d’une meilleure image
due à l’absence de concurrence de formations plus prestigieuses comme les
grandes écoles en France (Van Campenhoudt et Maroy, 2010). D’autre part,
la majorité de ces jeunes continuent à s’orienter vers des sections de
technicien supérieur (STS). Celles-ci leur apparaissent en effet, en raison de
leur implantation dans des lycées qu’ils ont fréquentés ou proches, de
l’imbrication entre les filières du secondaire et du supérieur et du discours
de leurs enseignants, ainsi que de la structuration familiale de leurs
aspirations et de leurs goûts, comme leur débouché naturel (Convert, 2010 ;
Orange, 2010 ; Lemêtre et Orange, 2015 ; Troger et al., 2016). Dans les
milieux ruraux, la mobilité géographique constitue un enjeu de la mobilité
sociale par l’école. Par exemple, les jeunes femmes de milieu rural sont
prises dans des choix d’orientation scolaire stratégiques de la part des
parents (davantage que les garçons du même milieu), mais aussi dans les
tensions de l’insertion dans la vie active (Amsellem-Mainguy, 2021). La
recomposition des amitiés et des réseaux de relation en fin de collège, que
l’école, le collège rural (mais aussi les cars scolaires) ont largement
façonnés, a des conséquences sur les parcours et les choix. Bien que
diplômées, les femmes acceptent plus facilement d’aller travailler à l’usine,
les rôles matrimoniaux et maternels les faisant accéder au statut d’adulte
davantage que les études (Renahy, 2010b ; Coquard, 2019).
Les différences dans les projets des lycéens suivant les filières et
l’origine sociale et nationale interagissent avec des différences selon le
sexe. Les filles et les garçons scolarisés dans les filières générales
s’opposent sur un axe expressif/instrumental : les premières associent la
réussite scolaire et professionnelle à un idéal de réalisation subjective de
soi ; les seconds déclarent davantage vouloir atteindre un niveau. Pourtant,
à niveau scolaire égal, même les lycéennes des terminales « S », les mieux
placées dans la concurrence scolaire, adoptent des stratégies scolaires
prudentes permettant d’éventuelles réorientations (Merle, 1993b). Elles sont
sous-représentées dans les filières scientifiques et dans les filières sélectives
de l’enseignement supérieur, notamment dans les écoles d’ingénieurs les
plus prestigieuses (Ferrand et al., 1999 ; DEPP, 2015). Plusieurs facteurs
semblent intervenir ici. D’une part, les lycéennes apparaissent moins
confiantes que les lycéens en leur réussite. D’autre part, les parents
semblent accorder plus d’importance à l’épanouissement des filles qu’à
leurs succès scolaires. Ces deux dimensions sont par ailleurs fortement liées
à des prescriptions familiales et institutionnelles formelles et informelles
concernant l’homologie entre les qualités pensées comme nécessaires dans
certaines filières d’études et certains secteurs d’emploi et celles attribuées
aux individus en fonction de leur sexe (Blanchard et al., 2016 ; Blanchard,
2021). On peut toutefois avancer aussi l’idée que les filles s’inclinent moins
face à la logique de la sélection scolaire qui pousse les meilleurs élèves vers
les filières scientifiques.
Pour expliquer les choix différenciés entre filles et garçons, certains
auteurs avancent également le fait que les filles anticipent clairement des
difficultés d’intégration dans des créneaux majoritairement masculins et
intègrent très tôt dans leurs projets l’idée d’un arbitrage indispensable entre
travail et famille, ce qui les conduit à faire des choix de compromis (Duru-
Bellat, 2004). Ce type de choix serait cependant plus fréquent chez les
lycéennes de certaines fractions des classes moyennes et supérieures, parmi
les plus faiblement dotées en capital culturel (Court et al., 2013). Cette
dimension « conciliatrice » se repére d’ailleurs dans la manière dont filles et
garçons vivent leurs scolarités dans l’enseignement supérieur : les
étudiantes sont dans l’ensemble plus rigoureuses dans le suivi de leurs cours
et la gestion de leur temps, mais aussi plus précocement engagées dans la
vie conjugale voire les responsabilités parentales. Elles sont plus stressées
et déclarent plus souvent se trouver dans un état de fragilité que les
étudiants (Épiphane et Verley, 2016). Quelles qu’en soient les causes, on
observe dans le supérieur un haut degré de ségrégation « horizontale » entre
les filières et ce de façon constante et dans un grand nombre de pays
(Barone, 2011), ainsi que le même phénomène que dans les filières
professionnelles du secondaire concernant la marginalisation des filles dans
les filières où elles sont minoritaires alors que les garçons bénéficient d’un
traitement de faveur dans les filières « féminines » (Olivier, 2015 ;
Blanchard et al., 2016).
L’origine géographique et l’ancienneté de la migration familiale influent
également sur les projets d’études supérieures des élèves. Plusieurs
recherches ont démontré que les descendants d’immigrés avaient davantage
d’ambitions scolaires que les élèves français d’origine (Brinbaum et
Kieffer, 2009). Toutefois, l’origine migratoire ne constitue pas en elle-
même une explication suffisante à un surplus de motivation pour les études
longues : l’expérience d’un déclassement social lors de la migration peut
expliquer les fortes ambitions scolaires des enfants d’immigrés (Ichou,
2018) ; toutefois les élèves immigrés de troisième génération (petits-enfants
d’immigrés), dont les parents ont été confrontés à la rigidité des hiérarchies
scolaires et à un fort taux de chômage, montrent davantage de réserves face
aux études longues (Vallot, 2016).
Une place à part doit être consacrée aux jeunes en situation de
« décrochage scolaire », soit près d’un jeune sur dix (18-24 ans) en 2015
(CNESCO, 2017). Depuis un décret du 31 décembre 2010, le Code de
l’Éducation fixe le niveau de qualification minimum que tout élève ou
apprenti doit atteindre : un baccalauréat ou un diplôme à finalité
professionnelle de niveau V ou IV, soit un CAP ou un BEP. Traduction de
l’anglais school drop out, l’expression « décrochage scolaire » se veut de
plus large spectre que la notion d’échec scolaire. Là où l’échec scolaire
renvoie avant tout à des évaluations ou examens (que l’on réussit ou non),
le décrochage scolaire relève d’une perspective universaliste, portée
notamment par les organisations internationales comme l’OCDE, visant à
équiper chacun d’un bagage commun dans un objectif d’inclusion scolaire
et sociale. « Décrochage » évoque un processus, qui peut commencer très
tôt et rester peu visible jusqu’à ce qu’advienne une « rupture scolaire »,
souvent au moment du collège (Millet et Thin, 2012). Le décrochage ne se
distingue véritablement de la déscolarisation (mesurée notamment par
l’absentéisme) qu’à partir du moment où l’élève se situe au-delà de 16 ans,
limite de la période d’instruction obligatoire (Bernard, 2019).
On peut toutefois distinguer deux types de décrocheurs, les décrocheurs
« ordinaires » et les décrocheurs « paradoxaux ». Alors que les premiers ont
du mal à s’approprier les registres cognitifs, culturels et identitaires des
apprentissages et les exigences grandissantes à ces égards de l’école au fur
et à mesure de leur avancement dans la scolarité, les seconds, affectés par
des aléas personnels et familiaux plus conjoncturels éprouvent plutôt des
difficultés à articuler ces registres à certains moments de leur trajectoire
scolaire et peuvent de ce fait « raccrocher » plus facilement (Rayou, 2017).
Par ailleurs, si le décrochage scolaire concerne surtout les jeunes issus des
classes sociales défavorisées, il semble que les filles dans cette situation se
trouvent dans un environnement social plus précaire encore que celui des
garçons. Déclarant moins souvent que les garçons avoir travaillé
irrégulièrement au collège, avoir eu des retenues, ou des sanctions diverses,
elles font en outre plutôt partie des « décrocheurs studieux », ou
« silencieux », tandis que les garçons sont plutôt des « décrocheurs
désengagés ». Les filles attribuent aussi davantage leur décrochage à des
facteurs qui ne mettent pas en cause l’institution scolaire (problèmes
personnels, peur de l’échec…), alors que les garçons dénoncent davantage
l’école. Ces différences d’attitude vis-à-vis du décrochage peuvent
expliquer que les filles « raccrochent » en formation davantage que les
garçons, ce qui les protège dans une certaine mesure de l’inactivité qui a
tendance à être vue comme une situation sociale acceptable pour les filles
sans diplôme (Bernard et Michaut, 2017).
Ces jeunes sont par ailleurs confrontés précocement à la recherche d’un
travail ou d’une formation professionnelle rapidement qualifiante pour
lesquels ils doivent développer des compétences nouvelles hors de l’école
(Esterle-Hedibel, 2004 ; Roulleau-Berger, 2004 ; Millet et Thin, 2012). Il
n’empêche que certains se trouvent après leur sortie précoce du système
éducatif dans une situation difficilement qualifiable autrement que par la
négative. Les Anglo-Saxons proposent l’acronyme « NEET » pour Neither
in Employment nor in Education or Training pour désigner, et tenter de
repérer, ces jeunes qui ne sont « ni en emploi, ni en études, ni en
formation ». En France, ils représentaient près de 20 % des 18-24 ans en
2016, contre 15 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (CNESCO, 2017).
Il faut enfin souligner que le projet professionnel apparaît encore flou
dans l’enseignement supérieur. Cette imprécision a néanmoins, comme chez
les lycéens, des sens très différents selon la filière d’études (Delès, 2017).
Paradoxalement, ce sont les étudiants des filières les plus courtes, ou les
plus professionnalisantes, qui déclarent le moins que c’est un projet
professionnel qui les a conduits à s’inscrire dans leur formation, alors que
les étudiants des filières littéraires y font plus souvent référence, ce qui peut
s’interpréter comme un révélateur de la nécessité, dans les formations où
l’adéquation formation-emploi n’est pas évidente, de « donner une direction
professionnelle à des savoirs non immédiatement valorisables sur le marché
du travail », de sorte que la projection professionnelle apparaît comme une
norme sociale, proche de l’injonction au « placement » qui caractérise les
jeunes français (Van de Velde, 2008), parfois difficile à soutenir pour ces
étudiants (Delès, 2018).
La projection professionnelle prend aussi, dans chaque filière, des sens
variables selon l’origine sociale. Chez les étudiants des milieux favorisés
qui choisissent les filières les plus prestigieuses (correspondant largement
en France au secteur fermé des grandes écoles), le choix des études et des
professions auxquelles elles conduisent est guidé par des goûts et des
aversions implicites, et très influencé par les résultats scolaires et les
débouchés très rentables de ces filières. Il apparaît donc très souvent
comme allant de soi (Ball et al., 2001 ; Draelants, 2010 ; Daverne et
Dutercq, 2015 ; van Zanten, 2016, 2018). En revanche, chez les étudiants
des universités, l’existence d’une vocation intellectuelle ou d’un projet
professionnel varie fortement entre les filières, en fonction de leur
sélectivité et de leurs débouchés (Dubet, 1994a ; Delès, 2018), mais aussi
en fonction des profils scolaires et sociaux. Alors que les meilleurs élèves
des classes populaires privilégient les parcours menant à la fonction
publique et notamment à l’enseignement (Convert, 2010 ; Hugrée, 2010),
chez les autres prédominent une indécision et une imprécision des objectifs
liés à leur origine sociale, mais aussi à leur évolution dans un contexte
d’action qui ne propose aucune solution collective à leurs incertitudes,
contribuant aux échecs massifs que l’on constate dans les premiers cycles
(Erlich, 1998 ; Boyer et al., 2001 ; Felouzis, 2001 ; Truong, 2022). Le terme
« décrochage », provenant des observations faites pour le collège, est
désormais utilisé également dans l’enseignement supérieur. Cependant ce
terme paraît problématique pour désigner les parcours de jeunes dont
l’analyse révèle qu’ils arrivent à l’université par défaut (après avoir été
refusés à l’entrée de filières sélectives), qu’ils ont des difficultés à acquérir
le « métier d’étudiant » ou qu’ils adoptent un rapport tactique aux études
(Sarfati, 2013 ; Couronné et al., 2021).
L’exercice d’un emploi salarié en cours d’études ne favorise la réussite
que lorsqu’il est en lien avec la discipline étudiée (Sorho-Body, 2018).
L’accès apparemment facilité à l’emploi en cours d’études via le
développement des plateformes et des applications numériques, ne remet
pas en cause ce constat. Si le contenu des activités a peu changé avec le
recours au numérique (soutien scolaire, baby-sitting, hôtellerie-restauration,
vente), les plateformes créent de nouvelles inégalités entre étudiants. Ainsi,
les femmes et les enfants de cadres et professions intellectuelles
supérieures, les plus dotés culturellement et économiquement, investissent
les emplois étudiants proposés sur les plateformes relationnelles et
électives, mettant en avant la présentation de soi, tandis que les enfants
d’ouvriers et d’employés, les étudiants ayant une ascendance migratoire ou
étrangers travaillent davantage pour des plateformes fonctionnant par
algorithmes ou proposant une simple mise en contact entre des employeurs
et des étudiants (Tenret et al., 2022).
Malgré leurs échecs aux examens, les jeunes continuent néanmoins à se
réorienter au sein des universités. Ceci s’explique par le désir de profiter le
plus longtemps possible de la vie et de la reconnaissance sociale qu’autorise
le statut d’étudiant, mais aussi par le désir de se protéger d’un marché du
travail qui sélectionne les plus employables et rejette les autres dans le
marché secondaire des emplois temporaires, parcellisés et dévalorisés
(Nicole-Drancourt et Roulleau-Berger, 2001 ; Galland, 2004 ; Chauvel,
2010). Ces réorientations résultent néanmoins également de pratiques
institutionnelles qui visent à réguler la distribution des étudiants dans les
différents secteurs de l’enseignement supérieur en fonction de leurs
caractéristiques scolaires et sociales, malgré quelques tentatives modestes
d’ouverture sociale des filières d’élite (Bodin et Millet, 2011 ; Pasquali,
2010 ; van Zanten, 2010). En 2020, la crise sanitaire a révélé les inégalités
des conditions de vie des étudiants, dont certains se sont révélés en situation
de grande fragilité, tout particulièrement lorsqu’ils ont fait face à
l’interruption de leur activité rémunérée. On a alors (re)découvert qu’« au-
delà du risque de décrochage certains étudiants sont dans l’incapacité de se
nourrir ou de se loger » (Trespeuch et Tenret, 2021).

Le rapport aux savoirs


Les enfants de l’école primaire adhèrent fortement aux finalités et aux
savoirs scolaires. Pour eux, l’acquisition de connaissances perçues
comme des objets immuables et incontestables apparaît comme une étape
incontournable pour se hisser vers l’âge adulte (Rayou, 1999). On
observe néanmoins dès cet âge différents types de rapport au savoir.
Certains enfants valorisent les savoirs de façon intrinsèque et
développent des pratiques autodidactes ; d’autres insistent plutôt sur
l’utilité des études pour plus tard. Certains sont ambivalents face aux
savoirs ; d’autres apparaissent déjà très désinvestis vis-à-vis de ces
derniers. Ces dispositions sont liées aux résultats scolaires et aux styles
éducatifs familiaux (Montandon, 1997 ; cf. chapitre 8). Globalement, la
socialisation familiale dans les familles des classes moyennes et
supérieures anticipe et accompagne la socialisation scolaire. On observe
néanmoins des différences dans l’importance accordée à la valeur
intrinsèque ou d’usage des savoirs ou aux apprentissages sociaux versus
des apprentissages purement culturels entre les catégories les plus dotées
en capital culturel ou en capital économique, donnant lieu à des attitudes
plus ou moins en phase avec les exigences de l’école (van Zanten,
2009c ; Lignier, 2010 ; Lasne, 2012 ; Garcia, 2018).
Les enfants des milieux populaires se situent davantage dans la
conformité aux normes scolaires. Cette attitude s’accompagne néanmoins
chez nombre d’entre eux d’une incompréhension des attentes implicites des
enseignants et les conduit à privilégier les exigences liées à des tâches
ponctuelles et à méconnaître celles de l’activité cognitive sous-jacente
(Bonnéry, 2004, 2007 ; Bautier et Rayou, 2009 ; Deslyper, 2021). Ces
incompréhensions et ces malentendus, qui ont été renforcés par l’évolution
des programmes et des consignes institutionnelles aux enseignants inspirées
des pédagogies actives, notamment celles qui concernent la mise en activité
des élèves, donnent lieu à des processus cognitifs de décrochage ou
d’absence d’accroche à l’école maternelle et élémentaire. Ces processus
demeurent néanmoins largement invisibles car ils ont souvent lieu de façon
discrète, indépendamment de tout rejet ostensible de l’institution par les
élèves (Bautier et Goigoux, 2004 ; Bautier et Rayou, 2009 ; Garnier, 2016 ;
Millet et Croizet, 2016).
Au collège, un véritable intérêt intellectuel pour les études peut émerger,
mais il est encore fragile car il dépend fortement de l’attitude des
professeurs et de celle des camarades (Charlot et al., 1992 ; Dubet et
Martucelli, 1996b ; Cousin et Felouzis, 2002 ; Netter et Boulin, 2021). Un
rapport plus instrumental vis-à-vis des études apparaît aussi chez des élèves
qui s’assoient au premier rang pour attirer l’attention des enseignants ou qui
investissent davantage certaines matières : les garçons bavardent moins
dans les matières scientifiques et les filles vont être plus attentives et plus
coopératives dans les cours de français ou de langues vivantes (Felouzis,
1993 ; OCDE, 2016).
Le rapport au savoir y est aussi affecté par le fait que l’éducation des
adolescents se fait de plus en plus au travers d’un monde d’images, de sons,
de consommation et d’usages numériques qui forge leur caractère (Octobre,
2009). Ces éléments pénètrent parfois l’école à l’initiative des enseignants,
qui s’en servent dans le cadre de projets interdisciplinaires ou dans leur
classe, avec souvent pour objectif non seulement de motiver les élèves mais
aussi d’orienter fortement les jugements et pratiques des élèves, par
exemple leurs modes d’appréciation de la musique, ce qui produit des
degrés d’adhésion différents chez eux en fonction de leur sexe et de leur
origine sociale (Eloy, 2015 ; Deslyper, 2021). La présence de ces éléments
dans l’école est néanmoins plus souvent le fait des élèves. Ces derniers
développent de nouvelles formes de résistance au travail scolaire à base de
SMS ou de smartphones écoutés clandestinement qui, du même coup les
rendent moins aptes au travail sur une seule tâche dans la durée (Barrère,
2011, 2015).
Chez les élèves des milieux populaires, le sens donné aux activités
d’apprentissage joue également un rôle essentiel. Les adolescents de
banlieue qui réussissent valorisent les activités d’apprentissage et les
contenus pour leur valeur intellectuelle et culturelle et non pas
exclusivement pour leur valeur instrumentale (Charlot et al., 1992 ; Charlot
et Rochex, 1996). Ces dispositions sont favorisées par des relations
familiales qui permettent de vivre l’expérience scolaire comme une
expérience de développement symbolique et social, mais aussi par des
contextes scolaires donnant la priorité aux apprentissages (Rochex, 1995b).
Toutefois, pour la plupart des élèves des quartiers populaires, le collège
apparaît comme une frontière culturelle. Pour que ces élèves arrivent à
donner un sens aux savoirs scolaires, il faut qu’ils accomplissent
simultanément une forte décentration intellectuelle et une coupure affective
importante par rapport à l’univers proche de la famille et du quartier. Or, les
tentatives des professeurs pour rendre les contenus plus faciles et plus
attrayants et leur focalisation sur les problèmes de discipline, ainsi que la
« force de rappel » du quartier (cf. chapitre 4), œuvrent souvent en sens
contraire (van Zanten, 2001a ; Beaud, 2002). Par ailleurs, la montée des
exigences scolaires tant sur le registre cognitif que culturel et symbolique
dans le sens d’un moindre cloisonnement et hiérarchisation des
connaissances renforce les incompréhensions et les difficultés d’élèves peu
préparés par leur socialisation familiale à cette évolution (Bautier et Rayou,
2013).
C’est surtout à partir du lycée que les élèves peuvent apparaître comme
des intellectuels en formation. L’intérêt intellectuel « pur » peut alors
soutenir la mobilisation indépendamment des caractéristiques des
professeurs, des attentes des parents ou des retombées en termes de réussite.
Toutefois, l’instrumentalisme, déjà émergeant au collège, devient très
prégnant étant donné la diversité des matières, l’importance de la charge de
travail, le poids des contrôles et l’horizon du baccalauréat (Dubet et
Martucelli, 1996b). Des formes « d’accrochage scolaire » peuvent par
exemple être observées : cela désigne le fait de rester, éventuellement au
prix d’un redoublement, dans une filière perçue comme plus valorisée (en
premier la filière « S ») alors que les acquis scolaires ne le permettent pas
(Cayouette-Remblière et Saint-Pol, 2013).
L’instrumentalisme se décline néanmoins différemment suivant la
position scolaire des élèves. Au dilettantisme des « héritiers », dont le
mépris affiché pour les exigences du travail scolaire se double d’une forte
reconnaissance du rôle culturel de l’école, s’oppose l’attitude des lycéens
qui, ni boursiers, ni héritiers, sont portés à valoriser principalement le
travail « payant » (Dubet, 1991 ; Merle, 1993a). Quant aux lycéens orientés
vers l’enseignement technique et professionnel, s’ils ont intériorisé les
valeurs d’échange des diplômes et la nécessité de se présenter avec
certaines compétences sur le marché du travail, ils ont besoin de médiateurs
pour donner un sens aux apprentissages et mettre en cohérence des savoirs
hétérogènes issus de la forme scolaire et professionnelle (Agulhon, 2001 ;
Jellab, 2001, 2016). En lycée professionnel, où la non-mixité des sexes est
fréquente, dans les filières majoritairement féminines les filles sont invitées
à l’effacement, à la responsabilité et à faire l’expérience de la
hiérarchisation des rapports sociaux d’âge, de sexe et de classe sociale.
Toutefois, elles peuvent opposer à ce système normatif un autre système
dispositionnel, en revendiquant leur droit à profiter de leur jeunesse, en
s’appropriant des espaces et des activités, et en contestant les scripts genrés
qui les infériorisent (Depoilly, 2020).
L’instrumentalisme en effet n’explique pas tout même si les lycéens issus
de milieux populaires qui réussissent semblent combiner une posture
instrumentale quant aux moyens de rentabiliser les efforts avec un réel
intérêt intellectuel pour les études (Buisson-Fenet et Landrier, 2008).
Beaucoup échouent par exemple à la dissertation de philosophie, en dépit
de leur intérêt pour cette matière, car elle pose avec plus d’acuité que
d’autres exercices le problème de la transition d’une culture de
l’expressivité, dominante chez ces lycéens et qui part du principe que
chacun doit exprimer un point de vue propre, vers la culture impersonnelle
de l’enseignement secondaire (Rayou, 2002). On observe en outre que
beaucoup de ces « nouveaux lycéens » éprouvent des difficultés à s’adapter
aux exigences de lecture analytique (observation d’indices précis afin
d’élaborer une interprétation) prédominantes dans le secondaire supérieur
en raison d’habitudes de lecture pragmatique (recherche immédiate de sens)
acquises au cours de leur socialisation antérieure dans leur famille, dans le
groupe de pairs et dans les collèges qu’ils ont fréquenté (Renard, 2009).
Au lycée, les adolescents sont en outre confrontés à une pluralité plus
grande des références culturelles et à la nécessité d’opérer des nouvelles
synthèses entre la culture scolaire et celle à l’œuvre dans le groupe de pairs,
les divers médias auxquels ils ont accès et les activités sportives et
culturelles auxquelles ils participent (Pasquier, 2005). A l’ère du
numérique, les équipements informatiques et de communication
(ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.) ont acquis une centralité de
l’organisation des temps et des consommations. Les 15-29 ans sont
fortement connectés (la quasi-totalité d’entre eux ont accès à une
connexion), assidus (les connexions, quotidiennes, sont de plus en plus
fréquentes avec l’avancée en âge), et les usages orientés vers la
communication, via les réseaux sociaux (Octobre, 2014). Pour résumer :
« moins de lecture papier, plus d’images et d’écrans ». Le smartphone est
même devenu le premier terminal culturel des jeunes. Cependant, la
« technophilie » caractéristique des jeunes est une technophilie d’usage qui
développe davantage des life skills (poster sur un réseau social par
exemple), qui ne peuvent pas forcément être réinvesties dans le champ
scolaire ou, plus tard, dans le champ professionnel (Octobre, 2019). En
outre, bien que la « société digitale » ait acquis une forme de centralité, les
usages numériques sont loin d’être égaux selon les milieux sociaux
d’origine des élèves (Granjon, 2022). Il est ainsi possible de parler d’« e-
exclusion », voire d’« illectronisme », pour qualifier le non-usage ou
mésusage du numérique de certains élèves, et, ce faisant, d’identifier un
« capital numérique » valorisable en contexte scolaire, structuré de façon
similaire au capital culturel.
Cette prédominance de la culture du numérique, des médias et des pairs
entraîne une certaine radicalisation des univers culturels féminin et
masculin et une plus grande capacité des garçons à imposer leurs
hiérarchies culturelles alors que les lycéennes refoulent vers les scènes
sociales intimes leur univers sentimental (Pasquier, 1999). Elle contribue
aussi, malgré le syncrétisme des pratiques (Lahire, 2004 ; Coulangeon,
2021), au maintien des clivages sociaux. En effet, si de nombreux jeunes
ont des pratiques sportives, ceux dont les parents exercent des professions
intermédiaires sont beaucoup plus nombreux dans ce cas (43 %) que les
enfants d’ouvriers (31 %) et de cadres (29 %). En revanche, ces derniers
plébiscitent (63 %) les activités culturelles alors que les jeunes des milieux
populaires, qui ont moins de loisirs encadrés que les autres, notamment
quand ils sont scolarisés dans des lycées professionnels, passent beaucoup
plus de temps à regarder la télévision (Octobre et al., 2010 ; Barrère, 2011 ;
Menesson et Julhe, 2012).
Il est à noter que le début du XXIe siècle a vu le retour des internats,
comme moyen de « prise en charge, d’encadrement et de promotion » pour
les jeunes issus des milieux sociaux défavorisés. S’ils ne dispensent pas des
savoirs scolaires, les internats se situent dans « l’emprise spatiale et
symbolique » de l’école de sorte que s’y imbriquent des logiques scolaires,
éducatives et plus largement sociales (Glasman, 2014 ; Amsellem-Mainguy,
2021)1. Les lycéens qui les fréquentent sont souvent tiraillés entre leur envie
de réussir et celle d’être acceptés par leurs pairs, comme le révèlent les
pratiques de sociabilité (notamment à travers l’utilisation des réseaux
sociaux) des élèves d’origine « modeste » mais « à potentiel » inscrits dans
les « internats d’excellence », devenus en 2014 les « internats de la
réussite » (Pirone et Rayou, 2012 ; Boulin, 2015).
Le rapport à la connaissance pose également d’importants problèmes aux
« nouveaux étudiants ». Ces derniers doivent assimiler les règles des
différents genres académiques, s’approprier des pratiques de travail
particulières à chaque discipline et à chaque enseignant et organiser un
travail personnel exigeant une maîtrise importante de la méthodologie
documentaire (Coulon, 1996, 1997 ; Lahire, 1997 ; Romainville, 2004 ;
Boyer et Coridian, 2004). Ils développent pour cela des perspectives plus ou
moins efficaces du point de vue des apprentissages et de l’affiliation
intellectuelle (Jellab, 2012 ; Paivandi, 2012).
Un nombre non négligeable échoue alors à obtenir un diplôme ou à
réussir les concours pour l’accès à des postes de la fonction publique. Il
s’agit là d’un véritable « moment de vérité » pour les jeunes des milieux
populaires qui s’aperçoivent alors pleinement du décalage entre leur statut
et leurs compétences (Beaud, 2002 ; Truong, 2022). Au final, pour les
étudiants des classes populaires, « il y a trois manières d’entrer à
l’université mais deux d’y réussir » : si entrent à l’université ceux d’entre
eux qui ont été bons élèves tout au long de leur parcours scolaire, ceux qui
ont connu un accroc et ont redoublé une fois, mais aussi ceux qui ont depuis
longtemps des difficultés scolaires, seules les deux premières « manières »
mènent à la réussite en licence au bout de trois ou quatre ans, ce qui révèle
les efforts à faire pour démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur pour
les étudiants d’origine populaire les plus fragiles scolairement (Hugrée,
2015).

L’implication dans le travail scolaire


Dès l’école primaire, les élèves apparaissent très conscients du fait que
l’apprentissage exige une mobilisation spécifique de leur part. Interrogés
sur la façon dont ils s’y prennent pour apprendre, deux tiers des enfants
de 11-12 ans se réfèrent à des conditions internes (la volonté, la
motivation, la concentration, l’écoute). L’importance des interactions
avec les adultes, enseignants ou parents, et surtout avec les autres enfants
est également soulignée (Montandon, 1997 ; Montandon et Osiek, 1997).
Les jeunes écoliers acceptent pleinement la légitimité du travail scolaire à
l’école comme à la maison à la fois parce qu’ils font un lien direct entre
le travail et l’acquisition des savoirs et parce qu’ils font ainsi plaisir aux
maîtres comme aux parents. Un groupe d’enfants se détache cependant
nettement du reste : il s’agit d’enfants des milieux populaires, notamment
d’origine immigrée, pour lesquels les difficultés matérielles de la famille
et les demandes de la vie domestique interfèrent sensiblement avec les
exigences scolaires (Rayou, 1999 ; Lahire, 2019).
Au collège, si certains élèves déclarent trouver du plaisir dans les
activités d’apprentissage, nombreux sont ceux pour qui l’ethos du travail
scolaire se brouille et dont la posture vis-à-vis du travail devient un
mélange instable d’affirmations extrêmes de volontarisme et de profond
découragement (Dubet et Martucelli, 1996b). Si le sentiment d’efficacité
scolaire baisse pour tous au cours des années passées au collège,
la motivation, qui diminue également pour tous les élèves, baisse plus
fortement pour les collégiens d’origine sociale défavorisée (Augereau et
Ben-Ali, 2019). On assiste, au cours des quatre années de collège, à un
véritable effondrement de la motivation pour le travail : la proportion de
collégiens qui estime que leur travail au collège est « intéressant »,
« passionnant » ou même simplement « utile pour leur avenir » diminue
considérablement. Cet effondrement est en relation avec le sentiment d’un
déclin important du soutien familial (cf. chapitre 8) et l’impression de se
trouver face à un enseignement moins structuré et à des enseignants moins
disposés à aider les élèves dans l’organisation de leur travail et à faire
avancer les plus faibles. Et aussi, et peut-être surtout, avec la réduction
objective de leurs chances de succès (Grisay, 1993, 1997).
Dans les collèges au recrutement social populaire, ces difficultés sont
renforcées par le fait que beaucoup d’élèves, concevant leur travail scolaire
comme un travail d’exécution, sans intérêt intrinsèque et sans perspectives
professionnelles, s’enferment dans des rituels et des routines qui permettent
de donner le change, y compris à eux-mêmes, ou décrochent en s’adonnant
systématiquement à d’autres activités. L’implication dans le travail de ces
élèves est fortement affectée par des dispositions construites à l’extérieur de
l’école, dans la famille et le quartier, mais aussi par leurs difficultés et la
disqualification symbolique dont ils font l’objet de la part des enseignants et
par l’influence du groupe de pairs qui conditionne la possibilité de
demeurer un élève « sérieux » ou, au contraire, de glisser dans le camp des
« perturbateurs » (van Zanten, 2001a ; Millet et Thin, 2005 ; Périer, 2010).
En outre, à mesure qu’ils avancent dans leur scolarité, les élèves de ces
établissements intériorisent les jugements scolaires des enseignants et
attribuent le plus souvent leur échec à leur manque de volonté ou de travail
(Cayouette-Remblière, 2016).
Dans les lycées de masse où l’idéologie de l’effort s’est largement
substituée à l’idéologie des dons, l’idée que les inégalités de réussite sont le
résultat d’un manque de travail de la part des élèves fait l’objet d’un fort
consensus. Pourtant, les enquêtes montrent que la majorité de ces derniers,
de véritables « forçats », travaille beaucoup (plus des trois quarts des élèves
consacrent plus de 8 heures par semaine au travail extrascolaire) sans
corrélation nécessaire entre le temps passé au travail et les résultats
scolaires. D’autres figures de lycéens au travail peuvent néanmoins être
dégagées. À un extrême, on trouve les « bosseurs », bons élèves travailleurs
pour qui le travail correspond à une vocation ou qui ont fortement
intériorisé la contrainte extérieure émanant des enseignants ou des parents.
À l’autre, on trouve les « fumistes » qui se protègent des blessures
identitaires des mauvaises évaluations par le non-travail évident (Barrère,
1997). Les caractéristiques des élèves et des établissements qu’ils
fréquentent déterminent assez fortement l’identification à l’un ou l’autre
type. Chez les lycéens scolarisés dans les établissements favorisés, la
pédagogisation des loisirs par les parents et les échanges scolaires avec les
camarades aident à structurer le travail. En revanche, les lycéens scolarisés
dans des lycées populaires ont plus de mal à concilier les loisirs et les
échanges entre copains, ainsi que les « petits boulots » qu’ils sont nombreux
à occuper, avec un travail scolaire régulier (Ballion, 1994). Il n’en demeure
pas moins que les lycéens français, par comparaison avec les lycéens
allemands, donnent à l’école une place plus centrale dans leur vie
(Wallenhorst, 2010).
Dans les premiers cycles massifiés des universités, l’implication dans les
études des étudiants dotés de peu d’atouts scolaires et sociaux est
découragée par un cadre très peu organisé et par le manque des ressources
humaines et matérielles nécessaires à un suivi pédagogique renforcé
(Lapeyronnie et Marie, 1992 ; Felouzis, 2001 ; Jellab, 2012 ; Delès, 2018).
Elle est également limitée par la tension entre l’autodiscipline qu’exigent
les études à ce niveau et l’envie qu’ont les étudiants de profiter de
l’autonomie vis-à-vis de la famille et de la souplesse de l’institution pour
« s’éclater » (Oberti et Le Galès, 1995). En outre, les étudiants de la plupart
des filières de l’université de masse ne semblent pas en mesure de
développer, à l’instar des étudiants de médecine étudiés par Becker (Becker
et al., 1961 ; Becker et Geer, 1997), une « culture étudiante », leur
permettant de négocier la charge de travail. Ce que l’on observe plutôt, dans
un milieu fortement atomisé et caractérisé par une concurrence latente, est
la multiplication de démarches individuelles auprès des enseignants visant à
réduire la charge de travail, à négocier les échéances ou à améliorer les
conditions de déroulement des cours (Le Bart et Merle, 1997 ; Paivandi,
2012).
Les formes de sociabilité et, plus largement, ce que l’on peut appeler
« l’intégration sociale étudiante » rendent plus probable la réussite aux
examens à l’université et diminuent les risques d’abandon des études
(Berthaud, 2017). On observe à cet égard des différences entre les filières
qui préfigurent les futures manières de travailler et de vivre des étudiants.
En travaillant pendant des périodes limitées et dans des lieux collectifs, les
étudiants des filières courtes se préparent à une vie sociale fondée sur une
distinction nette entre le travail et les loisirs. En revanche, les étudiants des
filières prestigieuses s’initient à leurs fonctions intellectuelles ou de pouvoir
en travaillant davantage et en établissant des frontières floues entre travail
et détente (Lahire, 1997 ; Romainville, 2004). La poursuite de la pratique
d’activités en dehors de la scolarité dans l’enseignement supérieur n’est pas
incompatible avec la réussite académique, ces activités pouvant être
poursuivies « gratuitement » mais aussi de façon « calculée », comme un
investissement dans la réussite des études et dans la carrière
professionnelle. Les activités extrascolaires peuvent alors renforcer des
parcours de réussite précocement engagés (Couronné et al., 2022).
Les classes préparatoires aux grandes écoles occupent de ce point de vue
une position particulière en raison des conditions de travail privilégiées
dont bénéficient les élèves, du point de vue notamment de la motivation et
de la disponibilité de leurs enseignants (Daverne et Dutercq, 2015).
Décrites souvent comme un « enfer » en raison d’un rythme de travail très
soutenu, ce sont des institutions spécialisées dans la mise au travail des
populations qu’elles accueillent. Les élèves y apprennent notamment à
gérer de façon très efficace leurs investissements temporels en faisant face à
l’urgence et à intégrer simultanément des dispositions intellectuelles de haut
niveau et des dispositions pragmatiques en lien avec l’horizon des concours
(Darmon, 2013). L’implication dans le travail varie néanmoins entre les
filières avec un rapport beaucoup plus scolaire aux études dans les
« prépas » scientifiques alors que les élèves des filières commerciales
s’initient déjà au rapport beaucoup plus détendu au savoir qui prédomine
dans les écoles de management (Abraham, 2007).
La vie quotidienne dans
les organisations scolaires

Apprendre à réussir
Devenir élève ne suppose pas seulement un rapport spécifique aux
études, mais également l’apprentissage et la maîtrise des routines propres
aux organisations scolaires. L’élève compétent aux yeux de l’enseignant
est celui qui répond tout autant à ses exigences explicites concernant le
contenu du travail scolaire qu’à ses attentes implicites concernant les
savoir-faire institutionnels (Mehan, 1980). Certains éléments de ce
curriculum caché (cf. chapitre 6) sont communs à toutes les institutions
scolaires et la majorité des élèves les intègre après quelques années de
scolarisation : à l’école, on apprend à vivre en groupe, à développer un
rapport spécifique au temps ou à être continuellement évalué (Jackson,
1968). D’autres éléments sont propres à chaque niveau d’enseignement et
supposent la maîtrise de nouvelles compétences par ceux qui y accèdent.
Dès l’école primaire – peut-être même dès l’école maternelle – et
notamment dans la classe qui constitue un système social en miniature,
les enfants découvrent un univers social plus distant et plus manipulable
que celui de la maison (Parsons, 1959). Ils y apprennent la « ruse », c’est-
à-dire diverses tactiques qui permettent « de donner le change » sans
réaliser vraiment le travail exigé : retarder le moment de se mettre au
travail, faire semblant d’avoir oublié certains exercices, égarer son
matériel… Ces tactiques se déploient également face à l’évaluation dont
une grande partie des élèves ne tarde pas à percevoir l’arbitraire et les
limites. Les élèves apprennent à faire bonne figure aux moments décisifs
et dans les matières déterminantes, à valoriser les résultats plutôt que les
moyens ou encore à ne pas considérer comme indispensable d’être
excellent partout puisqu’il suffit d’avoir la moyenne pour progresser dans
le cursus (Perrenoud, 1984, 1994).
L’entrée en 6e entraîne un passage dans une organisation plus complexe
où chacun est défini davantage par son statut que par sa personne et où la
sélection joue un rôle beaucoup plus important que dans l’école primaire
(Cousin et Felouzis, 2002 ; Zaffran, 2010). En même temps, la prégnance
du classement, notamment quand il n’est pas associé à la réussite comme
dans les collèges de la périphérie, jette un profond discrédit à la fois sur les
buts et sur les moyens de l’institution. Le respect des normes
d’indépendance (le travail scolaire doit être fait de façon individuelle), de
réussite (le travail doit être effectué de la meilleure façon possible), de
gratification à long terme (le fruit du travail n’est pas toujours directement
perceptible et ne fait pas toujours l’objet de récompenses immédiates) est
rendu beaucoup plus difficile car la soumission aux normes apparaît trop
coûteuse par rapport aux bénéfices escomptés. La triche, la rentabilisation
la plus efficace et la plus immédiate de l’investissement dans le travail ou la
négociation des notes apparaissent alors comme autant de moyens tout aussi
légitimes d’atteindre des buts incertains (Grisay, 1997 ; van Zanten, 2001a).
Par ailleurs, les fortes tensions qui caractérisent l’expérience scolaire à ce
niveau conduisent les collégiens à développer une « face » permettant
d’affronter les moments difficiles liés à l’évaluation et de renverser, jusqu’à
un certain point, la stigmatisation sociale liée à l’échec, ainsi que de
maintenir leur réputation au sein du groupe de pairs (Dubet et Martucelli,
1996b). Dans les collèges socialement défavorisés, les conseils de
discipline, convoqués lorsqu’un manquement grave au règlement scolaire a
été commis par un élève, constituent des moments délicats pour les
familles : la majorité des parents considère qu’ils sont responsables de la
situation en raison d’un défaut éducatif (Yadan, 2019).
Dans un contexte qui s’efforce de dépasser les seules performances
académiques pour prendre en compte ce que les élèves apprennent au cours
de leur scolarité, une attention croissante est accordée au « bien-être » des
élèves, l’école étant considérée comme participant à leur épanouissement et
les préparant à leur participation active à la vie économique et sociale2. À
l’école et au collège, le bien-être des élèves dépend de la structure familiale,
de l’âge, du sexe, des parcours scolaires ainsi que de certaines
caractéristiques de l’établissement. Les écoliers et les collégiens sont plutôt
satisfaits des relations qu’ils entretiennent avec leurs camarades, de leur
classe, ou encore des relations avec leurs enseignants, mais se sentent aussi
souvent stigmatisés, peu encouragés. Ils ont peur d’être évalués
négativement et ont un sentiment d’insécurité (Guimard et al., 2015).
Interrogés à 15 ans dans les enquêtes PISA, les élèves français ont une
opinion très positive de leur expérience dans leur établissement (ils se
sentent bien dans leur collège, par exemple) mais ont un sentiment
d’appartenance à l’école plus faible que la moyenne de l’OCDE. Ils ont
surtout significativement plus l’impression d’être laissés pour compte et se
sentent moins chez eux à l’école. En outre, le sentiment d’injustice,
notamment par rapport au traitement des professeurs, est fort (Alezra et al.,
2021). Plus encore, le déplacement du regard vers le « bien-être » peut
révéler des « retournements de situation ». Par exemple, entre élèves
d’origines ethniques diverses, force est de constater que ce sont les élèves
aux plus forts « scores ethniques » (Fouquet-Chauprade, 2013), scolarisés
dans les classes les plus ségréguées, qui obtiennent les meilleurs indices de
bien-être scolaire, ce qui tend à signaler que ce n’est pas tant le fait de se
sentir ou non « français » qui compte dans l’expérience du bien-être
scolaire que de se retrouver placé dans un statut de groupe minoritaire. Il
faut par ailleurs noter qu’au collège, les élèves scolarisés en classe ordinaire
mais ayant une maladie chronique ou un handicap (de plus en plus
nombreux suite aux politiques éducatives visant une plus grande inclusion
scolaire) expriment une moins bonne satisfaction que leurs pairs valides par
rapport à la vie en général, et sont plus souvent victimes de brimades
(Godeau et al., 2015).
Au lycée, alors que les enseignants trouvent de plus en plus difficile
d’apprendre le métier « officiel » d’élève à la quasi-totalité d’une classe
d’âge (Queiroz, 2004), l’on trouve de nombreux praticiens accomplis du
métier « réel » d’élève. On observe ainsi de multiples stratégies de
négociation, indirecte ou directe, de la notation. La contestation indirecte
des notes et les tentatives pour faire pression sur les enseignants prennent
parfois le chemin détourné des larmes ou d’expressions de découragement
ou de colère. La contestation directe consiste souvent à faire valoir le travail
accompli, ce qui relève en partie de la stratégie mais aussi de la conviction,
cohérente avec la vision qu’ont de nombreux lycéens du travail scolaire, à
savoir que faire son travail est déjà une source de mérite scolaire et devrait
être associé à une note minimale (Merle, 1993b ; Barrère, 1997). La triche
aux examens est aussi fort répandue et rarement dénoncée car elle fait
l’objet d’un « compromis lycéen » qui peut s’énoncer comme suit : chacun
a le droit de travailler à sa réussite personnelle, quitte à enfreindre des
règles censées garantir la justice de l’institution, pour autant que ces
infractions restent discrètes et potentiellement ouvertes à tous (Rayou,
1998a). Les lycéens développent également de nombreuses stratégies de
« figuration » visant à se faire bien voir et à mettre en valeur leur
application et leur sérieux comme le fait de s’asseoir au premier rang ou de
réduire les bavardages (Merle, 1993a).
La crise sanitaire de 2020 a eu des effets inégaux sur le bien-être des
lycéens (Buzaud et al., 2021). Les filles ont ressenti une plus grande
différence de bien-être par rapport à la période antérieure au confinement.
Pendant ces quelques semaines, les tensions familiales ont pu être apaisées
pour les garçons, l’école, objet récurrent de conflit, s’effaçant. Pour les
filles, à l’inverse, leur participation aux tâches domestiques, leur apparence
et leur appétit d’indépendance, davantage sources de conflits familiaux que
l’école, ont pu être plus problématiques. Sans compter que le stress lié à la
scolarité et à la poursuite d’études est plus grand chez les filles. De plus, les
lycéens indiquant un niveau scolaire en dessous voire très en dessous de la
moyenne sont les seuls à avoir indiqué un niveau de bien-être plus élevé au
cours de la période de confinement. Les adolescents des classes moyennes
et supérieures « en échec scolaire (ou se percevant comme tel) » ont semblé
bénéficier particulièrement de l’arrêt des activités scolaires. Dans ce cas,
l’arrêt de l’école en présentiel a pu conduire les parents à mettre de côté
leurs attentes et à alléger le suivi scolaire, éloignant notamment l’injonction
à réussir. A contrario, le bien-être subjectif des élèves de classes populaires
en réussite scolaire, qui perçoivent leur réussite comme atypique et « ne
tenant qu’à un fil », a baissé pendant cette période.
La transition entre le lycée et l’université est plus problématique que
celle du collège au lycée et implique un travail d’identification au statut
d’étudiant difficile pour beaucoup de « nouveaux étudiants » dont les
méthodes de travail demeurent proches de celles du lycée (Erlich, 1998).
Alain Coulon (1997) distingue trois temps dans ce processus
d’identification : le temps de l’étrangeté (la confrontation avec de nouvelles
règles et pratiques), le temps de l’apprentissage (la construction progressive
d’un parcours de formation, la maîtrise des catégories universitaires et la
constitution des routines de travail) et le temps de l’affiliation, marqué par
l’acquisition d’une maîtrise dans l’interprétation et l’usage détourné des
règles, par la construction stratégique de la carrière et, pour certains, par
une véritable affiliation intellectuelle.
La capacité à s’intégrer dépend en partie de l’appartenance de sexe : les
étudiantes apparaissent plus organisées dans leur travail personnel, plus
studieuses et plus portées à satisfaire les exigences du métier d’étudiant que
les étudiants, mais elles entretiennent un rapport plus anxieux aux examens
(Giret et al., 2016). Elle dépend aussi des modes d’encadrement suivant les
filières (Boyer et al., 2001 ; Dubet, 1994b ; Jellab, 2012 ; Darmon, 2013).

La relation avec les enseignants


Dans la vie quotidienne des élèves la relation avec les enseignants joue
un rôle important. En Grande-Bretagne, un suivi de cohorte a permis de
montrer l’influence de long terme que peuvent avoir les enseignants sur
leurs élèves : l’impact des enseignants sur les compétences non-
cognitives des élèves (estime de soi, persévérance, relations
interpersonnelles par exemple) semble durer dans le temps, une influence
des enseignants sur la réussite de leurs élèves plusieurs années après le
passage dans leur classe (accès à l’université, insertion professionnelle,
santé mentale…) peut être observée (Flèche, 2017). Chez les élèves du
primaire, Montandon (1997) montre que les enfants mettent en avant en
premier lieu les qualités humaines et didactiques pour définir le bon
maître, mais qu’ils soulignent d’abord l’absence de qualités
pédagogiques (notamment la sévérité excessive), puis l’absence de
qualités didactiques, chez les mauvais maîtres. Le jugement des maîtres
est par ailleurs rarement mis en question, y compris dans le choix des
« chouchous » pour autant que l’élection de ceux-ci se fasse sur la base
d’une excellence évidente pour tous et que le fait d’accorder de petits
privilèges à certains ne conduise pas à abandonner les autres élèves. En
effet, le « chouchou » apparaît comme un très bon élève, calme, poli et
gentil qui incarne encore des valeurs auxquelles adhèrent la majorité des
enfants ainsi que les enseignants et les parents (Rayou, 1999 ; Passérieux,
2008).
Au collège, on observe en revanche un processus de distanciation
encouragé par la découverte d’incohérences et de contradictions entre des
enseignants, chacun spécialiste d’une discipline, qui ont des critères de
jugement différents voire divergents et communiquent peu entre eux (cf.
chapitre 7). Ce processus prend appui le plus souvent sur la culture juvénile
de masse, mais aussi, pour certains élèves, sur une vision aristocratique qui
dévalue l’école comme trop scolaire ou sur une vision stratégique mettant
l’accent sur l’utilité des études (Cousin et Felouzis, 2002). Cette
distanciation se renforce de la 6e à la 3e, l’hostilité envers les professeurs
s’accroissant nettement chez les filles, chez les enfants issus des milieux
aisés et, de façon moins importante, chez les enfants n’ayant pas de retard
scolaire (Paty, 1996). Pourtant les collégiens, notamment ceux des milieux
populaires et en difficulté scolaire pour qui la motivation pour le savoir se
confond souvent avec le type de relation entretenue avec les enseignants
(Charlot et al., 1992), attendent beaucoup de ces derniers.
Les collégiens de banlieue s’impliquent en effet dans le travail scolaire
quand les enseignants s’intéressent à leurs résultats et à leur personne. Ils
sont très sensibles à une pédagogie « visible », qui spécifie clairement les
consignes et les exigences (cf. chapitre 6), et à la capacité des professeurs à
« coller » à leur état d’esprit changeant suivant les cours et les périodes de
l’année. En revanche, les enseignants distants, peu explicites et qui
cherchent à imposer unilatéralement des tâches, des exercices et des
cadences de travail sont peu appréciés (van Zanten, 2001a). De ce point de
vue, on observe bien des formes de correspondance entre les contextes de
scolarisation et les contextes de travail futurs d’une grande partie des élèves
des milieux populaires et immigrés (Bowles et Gintis, 1977 ; Willis, 1977).
Les lycéens n’attachent pas moins d’importance aux relations avec les
enseignants, mais si les bons élèves profitent avec délectation du surplus
d’attention et de relation qui leur est accordé, la grande majorité attend des
professeurs qu’ils séparent le jugement sur le travail du jugement sur la
personne (Barrère, 2003). On constate par ailleurs des différences dans la
perception du « bon » enseignant selon l’origine sociale des élèves et les
caractéristiques de leur établissement. À un extrême, se trouvent les lycéens
des milieux aisés qui fréquentent les filières et les établissements les plus
cotés. Pour eux, les professeurs idéaux se définissent en termes d’intérêt
intellectuel, de passion et de méthode. La chaleur de la relation intervient
peu, les professeurs « sympathiques » étant méprisés s’ils ne sont pas
intellectuellement motivants ou efficaces. À l’autre pôle, les élèves
d’origine populaire scolarisés dans les lycées plus défavorisés font dépendre
leurs possibilités d’apprentissage de la disposition des enseignants à les
motiver. Dans les lycées professionnels, les relations entre élèves et
enseignants sont ambivalentes, inscrites dans des rapports de domination
(de classes, de genres et de générations) mais potentiellement vectrices
d’émancipation (Jarty et Kergoat, 2017). Dans l’ensemble, toutefois, la
plupart des élèves vivent la relation avec les enseignants sous un mode
négatif et douloureux : le ritualisme, l’indifférence, voire l’hostilité qu’ils
décèlent chez leurs enseignants leur semblent être l’expression d’un
profond mépris à leur égard (Dubet, 1991 ; Felouzis, 1994b ; Barrère,
1997).
Qu’en est-il des étudiants ? Ils ne remettent pas globalement en cause la
compétence des enseignants qui est toutefois sujette à des critiques plus
fortes dans les facultés des lettres. Les étudiantes sont généralement plus
sévères dans leurs jugements, mais ceci est en partie le résultat d’un effet
« filière » car les femmes sont plus nombreuses en lettres. Par ailleurs, plus
de la moitié des étudiants pensent que les professeurs ne leur accordent pas
assez de temps. C’est le cas notamment des étudiants de lettres et
d’étudiants en difficulté qui déplorent l’anonymat des « amphis », mais
également la faiblesse des contacts au sein de groupes plus petits dans les
« travaux dirigés ». L’indifférence, voire le mépris de certains professeurs
sont également évoqués par certains de ces étudiants (Lapeyronnie et Marie,
1992 ; Galland et Oberti, 1996). C’est d’ailleurs en partie pour fuir ces
rapports anonymes et ce climat anomique qu’une proportion importante
d’étudiants font le choix soit d’antennes universitaires délocalisées, plus
petites que les universités auxquelles elles sont rattachées, soit de STS ou,
pour les bons étudiants, de CPGE, intégrées dans les lycées et offrant
davantage de possibilités de contact avec les enseignants et avec les autres
élèves (Felouzis, 2001 ; Orange, 2010 ; Daverne et Dutercq, 2013).
Enfin, notons que le racisme et les discriminations raciales, de plus en
plus examinés dans d’autres domaines (travail, logement…), sont pour
l’instant peu explorés en contexte scolaire comme universitaire en France –
mais ce n’est pas le cas en Grande-Bretagne ou aux États-Unis (Bhopal,
2015) –, où les principes universalistes et égalitaires restent mis en avant
(Dhume et Cognet, 2020 ; Bozec, 2020).

Les interactions enseignants-élèves


dans la classe
La relation pédagogique se joue pour beaucoup dans l’interaction face-à-
face dans la classe que les enseignants tentent de réguler. À l’école
primaire, les règles de la vie scolaire et de l’échange dans la classe sont
posées dès le premier jour de façon très précise (lever le doigt, faire le
silence, écouter les autres, suivre des consignes…). Toutefois, par leurs
interventions, les élèves font émerger des éléments concernant le non-dit
des règles, leur usage ou leurs « propriétés dormantes » et contribuent à
leur transformation (Marchive, 2003). Les interactions dans la classe
permettent par ailleurs de mesurer l’emprise de l’école sur les sujets qui
leur sont confiés. La comparaison des modes de traitement du corps des
élèves dans les classes anglaises et françaises est de ce point de vue
instructive. Alors que l’école anglaise est souvent perçue de façon
positive pour l’attention plus grande qu’elle porte à la personne de
l’élève, elle agit en « institution totale » et limite fortement sa liberté en
investissant l’enfant dans tout son être : sa posture, sa tenue
vestimentaire, ses bonnes manières. En France, en revanche, comme
l’enseignant n’intervient sur le corps des élèves que quand il nuit aux
apprentissages et à l’intégration dans le groupe, les écoliers ont une plus
grande liberté en matière d’apparence et de comportement (Raveaud,
2005).
Par ailleurs, dans l’enseignement primaire, la méthode pédagogique du
maître, variable selon les contextes nationaux, mais aussi selon les
contextes locaux d’exercice (cf. chapitre 7), exerce une influence très forte
sur les stratégies des élèves (Alexander, 2000b ; Anderson-Levitt, 2002). Le
système traditionnel, caractérisé par la fragmentation, la standardisation et
la courte durée des tâches, limite fortement leur marge de manœuvre
réduisant leur choix à se soumettre au cadre défini par le maître, y échapper
partiellement en faisant le travail très vite ou en s’avouant incompétents, ou
le contester ouvertement. Les méthodes pédagogiques nouvelles,
caractérisées par la valorisation de l’autonomie des apprenants et
l’insistance sur la nature progressive et coopérative des apprentissages,
permettent aux élèves de déployer davantage de stratégies (Perrenoud,
1994). Celles-ci sont toutefois plus faciles à élaborer par ceux qui ont
bénéficié d’un style éducatif semblable à la maison. C’est une des raisons
qui expliquent le caractère socialement élitiste de ces pédagogies (Bautier et
Rayou, 2009 ; Durler, 2015 ; cf. chapitre 6).
On observe également que les bons et les mauvais écoliers développent
des stratégies différentes dans la classe : les premiers demandent la parole
avec insistance ou la prennent spontanément beaucoup plus souvent que les
autres, les seconds se caractérisent par davantage de déplacements dans la
classe et par plus de « décrochages » (l’élève rêve, joue, lit des illustrés,
échange des bonbons avec les camarades…). Cependant, les bons élèves
appartenant aux différentes catégories sociales ne présentent pas des profils
identiques. Ainsi la réussite des enfants d’ouvriers va de pair avec une
intense activité scolaire alors que les enfants dont les parents appartiennent
à la catégorie « cadres et professions libérales », globalement les plus
nombreux à être bons élèves, interviennent souvent, mais le font plus
rarement avec insistance ou de façon spontanée. Les partenaires privilégiés
des enseignants se révèlent néanmoins être les enfants dont les parents
occupent des professions intermédiaires. Quelle que soit leur position
scolaire, ce sont eux qui demandent le plus à parler et qui sont les plus
repris positivement par les enseignants (Sirota, 1988).
Filles et garçons ont également des stratégies différentes face au travail et
à la réussite scolaires à l’école primaire et au collège. Dans le primaire, les
écarts entre les deux sexes sont les plus nets dans le domaine des conduites
« illégitimes » : les garçons bavardent plus, s’agitent davantage et
décrochent beaucoup plus fréquemment que les filles. En revanche, les
filles font preuve de plus d’attitudes de concentration et de coopération
(Mosconi, 1999). D’ailleurs elles sont souvent constituées en « auxiliaires
de pédagogie » par des enseignants désireux de faire se tenir tranquilles les
garçons ou d’encourager ceux-ci à prêter plus d’attention (Zaidman, 1996).
En effet, si les familles jouent un rôle majeur dans la constitution de
différences entre filles et garçons, les institutions dédiées à l’enfance, et au
premier chef l’école, contribuent elles aussi à la socialisation de genre. Dès
la maternelle, les corps des filles sont soumis à une discipline plus stricte
que ceux des garçons de la part des adultes et, tout au long de la scolarité
primaire, les stéréotypes des enseignants concernant les « potentialités » et
les traits comportementaux typiques de chaque sexe forgent des dispositions
différenciées aux savoirs et à l’école (Court et al., 2016 ; Court, 2017).
Au collège, on observe des combinaisons différentes en fonction du sexe
et de l’appartenance sociale des élèves : ce sont les filles de milieu cadre
qui excellent dans l’exercice du métier d’élève alors que les garçons de
même milieu manifestent leur indépendance par rapport à l’institution par le
chahut. Les filles de milieu ouvrier font preuve de bonne volonté et
s’appuient sur la coopération avec leurs pairs alors que les garçons de
même milieu social adoptent plus souvent des comportements de rébellion.
Les comportements des collégiennes et des collégiens des milieux
populaires, dans des disciplines comme l’EPS, sont fortement guidés par
des stéréotypes de sexe (Guérandel, 2017 ; Duru-Bellat, 2017). Toutefois,
certaines filles des milieux populaires, loin d’avoir un comportement
scolaire uniquement docile ou soumis, « rusent, s’ajustent, s’accommodent
des règles de l’ordre scolaire mettant parfois en œuvre des “simulacres de
mise au travail” » (Depoilly, 2017). Mais la relation pédagogique varie
aussi suivant le sexe de l’enseignant : les comportements de concentration
(regarder le tableau, écouter et prendre des notes) sont plus fréquents chez
les garçons et les filles avec des professeurs hommes. En revanche, les
professeurs femmes tendent à susciter des comportements plus chahuteurs
chez les élèves des deux sexes, mais aussi davantage de comportements de
participation, notamment chez les filles (Felouzis, 1994a).
Pour éviter que les élèves s’unissent contre eux, les enseignants
favorisent la concurrence interindividuelle (Geer, 1997), bien que les élèves
s’en plaignent (Augereau et Ben-Ali, 2019). Ils sont souvent contraints,
cependant, de procéder à des négociations dans la classe. Ce sont les
garçons qui participent le plus à la « négociation ouverte » et à « la
négociation fermée » avec les enseignants. Dans le premier cas, il s’agit
d’une activité menée conjointement avec l’enseignant et visant à
l’élaboration d’un consensus. Généralement, l’enseignant propose un cadre,
les élèves en explorent les limites, l’enseignant modifie le cadre et ainsi de
suite. Dans le deuxième cas, il s’agit moins d’une négociation que d’un
rapport de force, les deux parties agissent de façon indépendante l’une de
l’autre dans un esprit moins coopératif. Pour les élèves, cela entraîne soit
des comportements individuels déviants (traîner, copier sur les autres, se
défiler…), soit des défis collectifs à l’autorité enseignante (Woods, 1990,
1991). Pour réaliser des « consensus opérationnels » (working consensus),
les enseignants ont intérêt à tenir compte de l’organisation informelle des
élèves dans la classe (Pollard, 1985).
La sociabilité et l’intégration dans
les institutions d’enseignement

Le rôle des camarades de l’école


à l’université
Difficiles à mesurer, les « effets de pairs » n’en sont pas moins réels,
quoique variables en fonction des niveaux scolaires (Monso et al., 2019).
À l’école primaire, le rôle des camarades dans les apprentissages et dans
l’intégration scolaire des élèves est soit minimisé par les enseignants, soit
perçu de façon négative, les bavardages en classe étant généralement
assimilés à des distractions par rapport aux tâches scolaires. Pourtant, les
interactions « horizontales » entre élèves dans la classe jouent un rôle
important dans le développement de comportements d’entraide
susceptibles de favoriser la réussite de certains enfants et la socialisation
des nouveaux venus ou des enfants plus distants de l’univers scolaire
(Vasquez-Bronfman et Martinez, 1996). La fréquentation d’une classe
aux performances élevées peut ne pas être favorable sur le plan socio-
affectif pour les élèves en raison des comparaisons sociales réalisées (il
s’agit du « Big-Fish-Little-Pond-Effect ») (Dupont et Lafontaine, 2016).
L’organisation informelle de la classe est influencée par les styles
éducatifs des enseignants. Dans les classes où le maître dispense un
enseignement « frontal », et où les comparaisons individuelles sont
favorisées, les enfants ont tendance à s’associer à ceux qui sont en
mesure de leur apporter un soutien intellectuel. En revanche, dans les
classes où le travail autonome et coopératif des groupes est la norme, on
constate que les enfants choisissent leurs amis en fonction d’intérêts liés
aux tâches à accomplir ou d’intérêts communs extrascolaires, et qu’ils
changent de groupe en fonction de l’évolution de ces intérêts (Bossert,
1979).
Au monde contraint de la classe s’oppose le monde de la cour dans lequel
les enseignants interviennent assez peu, mais de façon variable selon les
contextes scolaires. Dans les écoles favorisées, les pratiques enfantines de
jeu sont soumises au regard des adultes et aux normes d’une éducation
bourgeoise. En revanche, dans les écoles défavorisées, une plus grande
variété des jeux est permise par un contrôle moins rigoureux des
enseignants. Dans tous les cas, se constituent dans la cour des groupes de
pairs, au travers desquels les enfants s’identifient à d’autres enfants en
même temps qu’ils développent une « culture enfantine » distincte de la
culture des adultes (Delalande, 2001). Au sein de ces groupes, ce qui frappe
au prime abord c’est la ségrégation sexuelle et la domination de l’espace de
jeu par les garçons : le football et le jeu de billes d’un côté et le jeu à
l’élastique, de la corde à sauter et de la marelle de l’autre s’opposent ici sur
ce double registre (Geay, 2000 ; Nordström, 2010). Mais si pour les
garçons, les jeux physiques et les pratiques sportives, dans la cour de
recréation comme ailleurs, jouent un rôle essentiel dans la construction
de la masculinité, on observe des usages différenciés en fonction de
l’appartenance de classe : les garçons de milieu populaire, notamment
quand ils ont des mauvais résultats scolaires, valorisent un usage
agonistique du corps alors que ceux des milieux favorisés, caractérisés
également par de meilleures performances scolaires, accordent davantage
d’importance à la maîtrise technique et à des considérations d’ordre
esthétique (Joannin et Menesson, 2014). Sensibilisés à l’égalité entre les
filles et les garçons, les enseignants interviennent de plus en plus dans la
cour de récréation et investissent celle-ci d’objectifs éducatifs qui en étaient
auparavant absents (Pasquier, 2015).
Dans la cour, on observe aussi des jeux de contact ou de frontière et des
manifestations amoureuses qui viennent troubler les rapports codifiés entre
les deux sexes (Thorne, 1993 ; Dubet et Martucelli, 1996b ; Zaidman,
1996 ; Rayou, 1998b). Dans les contextes multiethniques, l’appartenance
culturelle ou raciale des enfants peut également jouer un rôle (Kerzil et
Codou, 2006). Sur ce point, les conclusions des recherches françaises et des
recherches anglo-saxonnes sont contrastées : les premières soulignent le
grand degré d’ouverture des réseaux amicaux enfantins (Xavier de Brito et
Vasquez, 1994 ; Roussier-Fusco, 2003) ; les secondes concluent à une
différenciation précoce des enfants sur cette base (Wright, 1992).
Dans les écoles primaires se construit aussi plus largement tout un
rapport au monde social, participant à un apprentissage précoce des
classements sociaux par les enfants. Comme le montre une enquête réalisée
auprès d’élèves d’écoles élémentaires (Lignier et Pagis, 2017), les enfants
ont des degrés de connaissance et de méconnaissance du monde social très
variables, liés aux modes de vie des familles, la familiarité avec certains
milieux engendrant des goûts mais aussi des dégoûts (par exemple, des
enfants de femmes de ménage qui parlent de ce métier comme d’un
« métier de boniche »). Constamment invités à faire la différence entre le
sale et le propre, le sain et le malsain, le beau et le moche, etc., les enfants
recyclent ces logiques vers des logiques de classement plus abstraites, en
particulier quand il s’agit de parler des métiers : ainsi, l’association entre
« travailler à Mac Donald » et « caca » par des enfants issus de familles
aisées peut être interprétée comme une manière pour ces enfants de signifier
leur distance sociale à un secteur d’activité populaire. De même, la
fréquentation de la cantine est l’occasion d’une diffusion des normes de vie
en société (Comoretto, 2017), mais aussi d’un apprentissage des « goûts de
classe » en matière d’alimentation, la cantine transmettant quotidiennement
un modèle de repas régulier et proposant avant tout des plats du répertoire
alimentaire français, ce qui donne lieu à l’expression de goûts et de dégoûts
par les enfants de migrants (Tichit, 2012).
La transition de l’enfance à l’adolescence va de pair avec une plus grande
autonomie des jeunes vis-à-vis de leur famille. En marquant un changement
de statut scolaire de l’enfant, le passage de l’école primaire au collège
constitue un moment décisif de la conquête de cette autonomie qui se
traduit par l’octroi de nouvelles libertés concernant la circulation, les
sorties, l’heure du coucher ou l’usage de la télé et d’internet et
s’accompagne également d’un changement majeur sur le plan relationnel,
les pairs prenant une place centrale dans la vie des jeunes (Zaffran, 2010).
On observe notamment que ces derniers influent fortement sur les pratiques
vestimentaires car c’est par le biais de l’apparence et du style que les jeunes
jugent les autres et constituent leurs cercles d’amis (Mardon, 2010). Cette
évolution engendre davantage de tensions chez les jeunes issus des familles
des classes moyennes et supérieures que chez les jeunes des milieux
populaires. En effet, les premiers se retrouvent tiraillés entre les demandes
expressives d’épanouissement au sein du groupe de pairs et les exigences
instrumentales des parents en termes de réussite, alors que chez les seconds
les logiques à l’œuvre dans ces deux espaces de socialisation sont plus
proches, même s’ils restent soumis à des regards contrastés émanant du
groupe de pairs (Singly, 2006 ; Galland, 2011 ; Mardon et Zéroulou, 2015).
Au collège, on observe aussi l’émergence de solidarités nouvelles entre
élèves mais aussi la plus forte stigmatisation de ceux qui se distinguent par
leurs comportements des logiques dominantes au sein du groupe de pairs.
Le « chouchou » de l’école primaire devient ainsi souvent un « bouffon »,
c’est-à-dire une sorte de traître qui, en essayant de gagner les faveurs de tel
ou tel professeur, joue l’institution contre les pairs (Dubet et Martucelli,
1996b ; Rayou, 1999). La stigmatisation et l’ostracisme par les pairs
concernent aussi les « intellos » ou « fils à papa », c’est-à-dire des élèves de
bon niveau scolaire issus des classes moyennes ou supérieures qui se
retrouvent isolés dans les collèges de banlieue. Le sérieux et l’envie de
travailler de ces élèves ainsi que leurs façons de s’habiller et de parler sont
interprétés par le reste de la classe comme des signes de mépris et de
distance à l’égard de la communauté juvénile en même temps que de
proximité avec les enseignants, les institutions et les catégories dominantes
(Passérieux, 2008). Inversement, dans les collèges favorisés, ceux que
Careil (2007) appelle les « fantômes sociaux » sont des élèves d’origine
modeste qui, se sentant illégitimes, se réfugient dans l’entre-soi subi pour
trouver un peu de réconfort.
Au collège, les élèves font aussi des distinctions plus fines entre les
« copains » et les « amis » et les amitiés à l’extérieur de l’établissement
commencent à se développer. L’analyse des amitiés des adolescents de
banlieue montre néanmoins une opposition entre la « logique scolaire » et la
« logique territoriale ». Le fait d’avoir des amis dans le collège et surtout
dans la classe aide les élèves à rester mobilisés sur les études et les activités
scolaires. En revanche, les amitiés et les réseaux extérieurs à la classe et au
collège éloignent progressivement les élèves des enjeux scolaires et les
mobilisent sur d’autres activités (van Zanten, 2001a). On observe également
au collège un accroissement du « cosmopolitisme » des réseaux amicaux :
la proportion de ceux comportant au moins un camarade d’origine étrangère
passe de 44 % chez les collégiens les plus jeunes à 50 % à 16 ans (Herpin,
1996). Dans les collèges qui concentrent de fortes proportions d’élèves
immigrés, des regroupements affinitaires s’opèrent en prenant appui sur
l’ethnicité et sur une culture de rue de plus en plus ethniquement marquée.
Toutefois, la reconnaissance pacifiée des catégories ethniques par les élèves
peut s’y transformer en stigmatisation des autres et en hostilité à leur égard
dès lors que ces élèves, français ou immigrés, se heurtent à l’échec scolaire,
à la ségrégation dans des dispositifs, des classes et des établissements
spécifiques, et à l’exclusion scolaire et sociale (Lepoutre, 1997 ; Perroton,
2000a ; van Zanten, 2001a).
Le passage au lycée entraîne deux changements majeurs dans l’évolution
de la sociabilité amicale. D’une part, l’orientation en fin de 3e et le choix
des options à la fin de la classe de seconde ont des effets importants de
clôture sociale : entre 16 et 18 ans la proportion des réseaux amicaux
comportant au moins un camarade étranger diminue d’un peu plus du tiers
(Herpin, 1996). Cet impact de la « filiarisation » sur les amitiés inter-
ethniques est également attesté par des études américaines (Hallinan et
Williams, 1989). D’autre part, cependant, l’hétérogénéité plus grande des
provenances et le plus grand libéralisme des adultes par rapport aux sorties,
aux absences ou aux manières d’être dans le lycée font de celui-ci un cadre
favorable à l’élargissement du cercle des copains et au développement
d’une fraternité entre pairs (Rayou, 1998a). Les enquêtes sur les emplois du
temps des lycéens et des étudiants font ainsi apparaître une augmentation
constante du temps passé en sorties collectives ou visites à des amis.
Cette socialisation entre pairs joue un rôle important dans les
transformations culturelles car c’est dans le cadre d’interactions localisées
que se fait, en grande partie, la cotation des valeurs culturelles pour les
lycéens (Pasquier, 2005). Elle participe par exemple à la construction de
styles prenant appui sur les multiples codes d’identification fournis par les
industries culturelles et de l’habillement mais devant être validés par les
groupes de pairs qui ont le pouvoir de marginaliser ceux qui cherchent à se
soustraire à cette logique de distinction dans le conformisme (Galland,
2011). Elle aide aussi les adolescents à traverser diverses épreuves,
notamment le dosage de la variété des activités et l’intensité de
l’engagement dans ces dernières (Barrère, 2011).
À l’université, on observe une dissociation beaucoup plus grande entre la
« vie universitaire » et la « vie étudiante ». La première est peu intégratrice
sauf dans les filières les plus fermées (Le Bart et Merle, 1997). Néanmoins,
comme aucun principe de différenciation et d’identité ne semble assez
puissant pour permettre la formation de sous-ensembles dont les membres
se reconnaîtraient dans une propriété commune avec suffisamment
d’intensité et d’unanimité, une certaine « indivision » demeure autour d’un
statut indifférencié d’étudiant (Erlich, 2004). La « vie étudiante », marquée
par l’indépendance relative vis-à-vis de la famille et de la maison et par une
grande disponibilité, permet par ailleurs à tous, même aux moins « affiliés »
à l’institution, de se vivre comme des étudiants par référence à des réseaux
de sociabilité et des modes de vie spécifiques (Fave-Bonnet et Clerc, 2001 ;
Danic et Valdes, 2016).
Cette « vie étudiante », très développée en province, se traduit par
l’investissement des quartiers, des rues et des bars dans la ville universitaire
et par des activités de loisir (sports, sorties au cinéma ou au restaurant,
fêtes) intenses (Oberti et Le Galès, 1995 ; Erlich, 1998). Aussi bien chez les
étudiants des grandes écoles que chez les étudiants universitaires ces fêtes
sont parfois l’occasion, pour des jeunes montrant par ailleurs tous les signes
d’une bonne intégration familiale, scolaire et sociale, d’une consommation
excessive d’alcool et de drogue avec des conséquences pour leur santé mais
aussi pour la sécurité des autres sur la route (Massé, 2002 ; Dagnaud, 2008 ;
Barrère, 2011). La sociabilité étudiante connaît par ailleurs des évolutions
avec le développement des séjours à l’étranger dans le cadre du programme
Erasmus ou d’accords entre institutions d’enseignement supérieur. Les
étudiants impliqués dans ces échanges reconstruisent souvent rapidement à
l’étranger un univers limitant les ruptures liées au changement de pays,
mais de façon variable selon leurs profils universitaires et sociaux. Les
diplômés Erasmus des filières non sélectives disposent en effet de
ressources économiques, culturelles et sociales moins importantes que leurs
camarades des grandes écoles pour tirer profit sur place, ainsi
qu’ultérieurement, de cette expatriation académique (Papatsiba, 2003 ;
Ballatore, 2010).

Chahut, déviance et sanctions


Les désordres scolaires (résistances, refus, replis, actes de violence,
comportements de rupture…) sont devenus un objet d’études pour la
sociologie de l’éducation à la suite de la massification scolaire, de la
montée des préoccupations sécuritaires et de fin de l’illusion d’une
sanctuarisation de l’école (Moignard et Rubi, 2020). Les écoliers ne
vivent pas tous leur expérience scolaire dans le bonheur et la sérénité. Si
la joie l’emporte sur toutes les autres émotions que les enfants déclarent
ressentir à l’école, la colère et l’ennui viennent juste derrière
(Montandon, 1996 ; Montandon et Osiek, 1997). Les écoliers sont
également sensibles aux injustices commises par les maîtres, mais les
critiques vis-à-vis de ceux-ci restent limitées par la forte adhésion aux
valeurs transmises par l’institution (Dubet et Martucelli, 1996b). Les
bagarres entre enfants sont, en revanche, un phénomène courant,
notamment dans les écoles des cités. Ces bagarres n’ont pas de réelle
intentionnalité : on attaque parce qu’on est attaqué et l’on peut en
découdre avec son meilleur ami sans que l’amitié elle-même en soit
affectée. Mais elles servent souvent à affirmer le pouvoir des grands sur
les plus petits et celui des garçons sur les filles (Clarricoates, 1987 ;
Debarbieux, 1996 ; Rayou, 1998b ; Peignard et al., 1998). Dans des
contextes multiethniques, les bagarres peuvent aussi opposer différents
groupes sur des bases culturelles ou raciales (Hanna, 1982 ; Connolly,
1995).
Le collège semble cristalliser les désordres scolaires (Moignard et Rubi,
2020). Au collège, les comportements perçus comme déviants augmentent
et de ce fait les sanctions également. Si celles-ci sont nombreuses dans tous
les collèges, les plus lourdes, notamment les exclusions temporaires qui
concernent en général des actes graves de manquement à la discipline
(insultes aux professeurs, dégradation importante des locaux, bagarres
violentes entre élèves), sont surtout présentes dans les établissements
défavorisés de banlieue (Debarbieux, 1999). Elles concernent aussi plus
souvent les élèves de faible niveau scolaire et en retard, les garçons, les
élèves de milieux populaires et habitant dans des HLM. En revanche,
contrairement à leur perception, les élèves d’origine immigrée, une fois que
ces autres dimensions ont été prises en compte, ne font pas l’objet de plus
de sanctions que les autres (Grimault-Leprince et Merle, 2008).
Ces sanctions sont d’autant plus mal vécues qu’elles sont appliquées par
des agents qui demandent aux élèves d’avouer leurs fautes sans se remettre
eux-mêmes en cause (Douat, 2003 ; Hedibel, 2003). En fait, la moitié des
collégiens déclare se sentir parfois ou souvent humiliés par des professeurs
qui stigmatisent publiquement leurs erreurs, se moquent d’eux en faisant
référence à des caractéristiques personnelles ou familiales et leur imposent
des comportements dégradants (Merle, 2002). Ces élèves revendiquent le
respect et la réciprocité mais aussi un traitement équitable, l’enseignant ne
devant pas privilégier les bons élèves au détriment des plus faibles (Caillet,
2006). Les élèves d’origine populaire et les élèves issus de l’immigration
sont les plus sensibles aux conditions dégradantes de leur expérience
scolaire (Choquet et Héran, 1996 ; Payet et Sicot, 1997 ; Debarbieux et
Tichit, 1997). Si la perception par les élèves du « climat scolaire » se joue
avant tout au niveau individuel ou au niveau de la classe, les établissements
exercent une action indirecte sur cette perception, qui s’explique en partie
par la qualité des relations entretenues avec les enseignants ainsi que par le
sentiment de « bien apprendre » (Hubert, 2015).
Dans les collèges et les lycées, certaines violences de genre ne sont pas
perçues comme telles tant les conduites (par exemple les insultes, parfois
dissimulées sous le mode de la plaisanterie) sont banalisées, considérées
comme normales voire légitimes (Mercader et al., 2016). L’attitude des
adultes est ambivalente : la domination des garçons est socialement
acceptée (« petites taquineries »), avec parfois un retournement de
responsabilité (la seule présence des filles semble comporter une
« dimension excitante »). Selon la tonalité sociale de l’établissement, ces
violences s’expriment différemment : les établissements les plus défavorisés
révèlent une « sexualisation permanente de tous les échanges », ce qui
pourrait constituer un mode de défense (le repli sur des identités
hypersexuées s’expliquant par l’impossibilité de trouver une identité sociale
valorisée).
Les lycées professionnels et ceux qui regroupent les filières et les élèves
les moins favorisés se caractérisent souvent par un « chahut anomique »
déjà décrit par Testanière (1967). Ce chahut anomique apparaît comme un
désordre généralisé : il n’y a plus de meneur de jeu, ni de plan ; les
professeurs sont chahutés indistinctement ; les chahuts interviennent à
n’importe quel moment de la journée ou de l’année. En outre, on voit
apparaître des manifestations plus graves de déviance – insultes, vols,
déprédations – à travers lesquelles quelques élèves se révoltent aussi bien
contre les normes que contre les buts de l’institution scolaire (Broccolichi et
Œuvrard, 1993). Ces comportements étant généralement le fait d’individus
isolés et restant relativement minoritaires, il semble difficile d’y voir
l’émergence de la culture « anti-école » (Hargreaves, 1967 ; Lacey, 1970) et
encore moins de la « culture de la résistance » (Willis, 1977) mises en
évidence dans les établissements britanniques dans les années 1960
(Peignard et al., 1998). Ces comportements peuvent toutefois être lus
comme des stratégies visant à renverser le système normatif dominant
(Depoilly, 2020). Dans ces établissements, se développe surtout le
décrochage dont témoigne l’importance de l’absentéisme systématique,
d’ailleurs nettement plus marqué chez les jeunes d’origine étrangère
(Choquet et Ledoux, 1994 ; Glasman, 2000 ; Millet et Thin, 2005 ; Douat,
2007).

La participation au fonctionnement
des établissements
et à la vie démocratique
Les enfants manifestent des compétences politiques propres. Dans la cour
se déploie en fait une petite société structurée par des jeux qui nécessitent
de véritables contrats aux rituels parfois théâtralisés : nul n’est censé
ignorer les règles, ni faire comme s’il n’y était pas tenu lorsqu’elles
desservent ses intérêts et le « déviant », tricheur ou incapable de garder
un secret, est vite sanctionné par ses pairs (Rayou, 1999). Les enfants
sont néanmoins rarement consultés en ce qui concerne l’organisation et le
fonctionnement quotidien des écoles et, quand ils le sont, ils risquent
toujours d’être instrumentalisés par les maîtres ou par certains parents.
En outre, dans l’expérience subjective des écoliers, l’école élémentaire
apparaît comme un lieu de « non-droit » au sens juridique (Merle, 2001).
Pourtant, des expériences de « conseils d’enfants » ou de « conseils
d’élèves » dans certaines écoles montrent que les enfants peuvent dans ce
cadre contribuer activement à l’amélioration de la vie de la classe et de
l’établissement (Gasparini, 2006). D’ailleurs, le développement de
conseils municipaux d’enfants et de jeunes dans un nombre important de
villes témoigne d’une reconnaissance de leur statut d’acteurs dotés de
compétences et porteurs d’expériences qui justifient leur capacité
d’intervention (Rossini et Vulbeau, 1995).
Les collégiens s’étendent quant à eux sur leurs obligations, mais
déclarent ne pas savoir quels peuvent être leurs droits ou les définissent
dans une perspective très générale : droit à l’éducation et à une égalité de
traitement. Cette position s’explique à la fois par leurs attentes, davantage
marquées par un désir d’« authenticité » que d’engagement citoyen, et par
le cadre scolaire, caractérisé par la forte asymétrie des obligations et des
droits, qui limite fortement la possibilité pour les élèves d’épouser un rôle
institutionnel (Merle, 2001). On observe par ailleurs des différences dans la
façon dont les élèves apprécient les nouvelles formes de « contrat » avec les
adultes dans les établissements, dont les modalités sont surtout en phase
avec la socialisation familiale et scolaire des élèves des classes moyennes et
supérieures (Verhoeven, 1997 ; Barrère et Martucelli, 1998).
Par ailleurs au collège, les élèves sont officiellement invités à participer à
la vie de l’établissement par le biais de l’élection d’un délégué au conseil de
classe. Cette possibilité de donner leur avis sur la vie dans l’établissement
est appréciée par les élèves de 6e qui font preuve d’une soumission
apparente aux règles du jeu (Barthélemy et al., 1980). Toutefois, au fur et à
mesure qu’ils avancent dans leur scolarité, le point de vue des collégiens
vis-à-vis du rôle des délégués devient plus critique (Grisay, 1997). Il faut
ajouter ici que ce sont surtout les élèves qui ont une opinion négative sur
l’équité dans l’établissement où ils sont scolarisés qui déclarent être ou
avoir été délégués (Payet et Sicot, 1997).
Les lycéens se caractérisent pour leur part par une faible identification
collective : on n’observe ni des groupes structurés, ni des associations
d’élèves, ni des rites collectifs comme le bizutage (Dubet, 1991). Ils
manifestent également un désintérêt évident vis-à-vis des dispositifs
pédagogiques et juridiques créés à leur intention dans les années 1990 sans
qu’ils les aient véritablement revendiqués. Cette indifférence s’explique à la
fois par le fait que les lycéens perçoivent ces initiatives comme de « fausses
offres », qui transforment leurs attentes initiales à des fins institutionnelles.
Elle est aussi motivée par leur souci de limiter l’emprise de l’institution et
d’éviter les divisions au sein du groupe (Barrère et Martuccelli, 1998 ;
Rayou, 2000 ; Buisson-Fenet, 2004). On constate également qu’il faut
souvent solliciter fortement les candidatures à la fonction de délégué de
classe en début d’année et que le terme de « potiches » revient souvent pour
qualifier des intermédiaires qui n’apparaissent ni vraiment reconnus par les
adultes, ni vraiment mandatés par leurs pairs et qui éprouvent eux-mêmes
un fort problème de légitimité (Rayou, 1998a). Il en est souvent de même
pour les conseils de vie lycéenne dans lesquels les jeunes hésitent à
s’engager car ils ont du mal à représenter des jeunes d’autres classes que la
leur qu’ils ne connaissent pas et à faire reconnaître un statut d’usager ou de
citoyen et pas seulement d’élève (Becquet, 2009). Ces mêmes jeunes sont
en revanche plus attirés par le service civique, en partie parce que ce
dispositif, créé en 2010, combine des visées en matière de citoyenneté et de
cohésion sociale avec des objectifs en termes d’insertion professionnelle
(Becquet, 2016).
Dans l’enseignement supérieur, l’affiliation institutionnelle varie
fortement en fonction du prestige et de la configuration des établissements
et des divers segments de l’enseignement supérieur. Elle est forte dans le
cas des grandes écoles où les pratiques de bizutage, malgré les mesures
prises en 2007 pour les contenir, n’ont pas disparu (Lazuerge, 1995 ;
Moreau, 2010), et où demeurent ou ont été créées de toutes pièces de
nombreux rites d’institution destinés à engendrer et à soutenir
l’identification à l’établissement mais aussi à une élite scolaire et sociale.
On observe néanmoins que les « élus » de ces institutions, malgré le
sentiment d’avoir bien mérité leur place tendent, dans les interactions avec
les autres élèves, à dissimuler leur appartenance institutionnelle afin de
contrôler la perception de leur identité et ne pas « écraser » leurs camarades
(Draelants et Darchy-Koechlin, 2011 ; Tenret, 2011). Ces établissements,
notamment les écoles de management, se caractérisent aussi par le fait de
proposer aux élèves un curriculum au sein duquel la vie associative prend
une place très importante à la fois pour favoriser l’intégration à
l’établissement et pour préparer l’insertion professionnelle des étudiants
(Abraham, 2007). L’affiliation institutionnelle est faible en revanche dans
les universités en raison de leur taille et de leur organisation mais aussi de
l’hétérogénéité des formations et des publics (Le Bart et Merle, 1997).
Ainsi, on observe moins de tentatives pour négocier collectivement les
règles du jeu dans l’université de masse car la diversification des parcours,
le faible nombre d’heures de cours et de présence dans certaines filières, et
la perspective de certains débouchés favorisent des comportements
individualistes (Felouzis, 2001).
Les jeunes actuels apparaissent par ailleurs moins politisés que leurs
devanciers. Moins engagés dans des mouvements politiques et syndicaux,
ils puisent dans une culture jeune, qui met en scène la jeunesse elle-même
comme valeur centrale, leurs principales références culturelles (Galland,
2009). On observe parallèlement le développement d’une perception plus
critique des hommes politiques et une participation sélective aux élections
en fonction des enjeux (Muxel, 2000 ; Bréchon, 2001). Ces jeunes peu
investis peuvent certes se saisir ponctuellement d’enjeux politiques, y
compris ceux moins armés sur le plan intellectuel, mais ils le font en lien
direct avec leur expérience personnelle (Barrault, 2008). La participation
des lycéens et des étudiants universitaires à des mobilisations collectives
n’est pas par ailleurs négligeable mais révèle des fractures importantes en
leur sein. En 2006, lors des mobilisations contre le contrat première
embauche (CPE), contrat de travail à durée déterminée spécifique aux
moins de 26 ans, les étudiants qui se sont le plus mobilisés étaient le plus
souvent de sexe masculin, issus des catégories populaires et intermédiaires
du public, politisés à gauche, salariés et scolarisés dans des filières peu
prestigieuses de l’espace universitaire, en particulier en sociologie (Michon,
2011). De même, la participation des lycéens à ce même mouvement social
a pu constituer un révélateur des frontières sociales et scolaires entre les
différentes sections technologiques et professionnelles (Palheta, 2008).
Ces formes de mobilisation relèvent cependant pour certains chercheurs
de l’expression d’une solidarité générationnelle plutôt que d’un acte
politique (Rayou, 2000). En effet, les jeunes manifestent pour des objectifs
qui les touchent eux-mêmes au nom de l’égalité pour tous devant la loi et la
solidarité : ils ne souhaitent pas une officialisation de la concurrence et
s’inquiètent fortement de leur intégration future dans la société. Leur
mobilisation est par ailleurs fortement conditionnelle : si 67 % des étudiants
se déclarent « peut-être susceptibles de se mobiliser », c’est dans le cas de
menaces concrètes concernant les conditions d’accès à l’université et les
conditions de travail que la majorité passerait à l’acte. Car si la jeunesse
scolarisée, dès qu’elle se sent fortement concernée, est capable de se
transformer en groupe social politiquement organisé, la méfiance à l’égard
de la délégation, la crainte d’une récupération politique du mouvement et le
souci de ne pas contribuer à endommager davantage l’image de l’université
demeurent fortes et expliquent le caractère ponctuel des manifestations
(Borredon, 1996 ; Galland et Oberti, 1996 ; Le Bart et Merle, 1997).

Conclusion
Au terme de cette analyse, on constate que la prise en compte des élèves
en tant qu’acteurs à part entière de leur scolarisation ouvre de nouvelles
perspectives à la compréhension du rôle des institutions d’enseignement.
Elle permet notamment de mieux analyser les interactions entre leur
fonction d’instruction et leur fonction de socialisation et d’évaluer, sur ce
dernier point, l’étendue et la spécificité de leur influence par rapport à
d’autres instances. En outre, l’analyse fine des dispositions et des
pratiques des enfants, des adolescents et des jeunes dans la salle de classe
et dans les établissements d’enseignement permet de mieux comprendre
les malentendus entre enseignants et élèves qui font obstacle à la réussite
et à l’intégration de certains groupes et la persistance de clivages qui se
rapportent à l’appartenance sociale ou ethnique et à l’appartenance de
sexe.

Orientation bibliographique
BARRÈRE A., 1997, Les Lycéens au travail, Paris, PUF.
BEAUD S., 2002, 80 % au bac… et après ? Les enfants de la
démocratisation scolaire, Paris, La Découverte.
CAYOUETTE-REMBLIÈRE J., 2016, L’École qui classe. 530 élèves du
primaire au bac, Paris, PUF (Le lien social).
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dominante, Paris, La Découverte.
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DUBET F., MARTUCCELLI D., 1996, À l’école, Paris, Seuil.
FELOUZIS G., 2001, La Condition étudiante. Sociologie des étudiants et
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Tendances et inégalités, Paris, La Documentation française.
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question sociale, Paris, PUF, 2e éd. 2012 (Le lien social).
OCTOBRE S., SIROTA R. (dir.), 2021, Inégalités culturelles : retour en
enfance, Paris, ministère de la Culture, DEPS, Les Presses de Sciences Po.
QUATRIÈME PARTIE

Théories
Chapitre 10
L’évolution des analyses
théoriques sur l’école
Jusque dans les années 1970, dans les constructions théoriques des
sociologues, « l’intégration sociale a eu un primat analytique incontestable
dans la plupart des modèles » (Martuccelli, 2000) et l’école en est un pivot :
au-delà de sa vocation à transformer les jeunes en membres productifs de la
société, elle est censée remplir un rôle plus général de socialisation et
d’intégration. C’est en référence à cette fonction globale de l’école que l’on
cherche à comprendre son mode de fonctionnement et à dévoiler sa
contribution effective à la reproduction des rapports sociaux. Dans une
première partie, nous opposerons les théories macrosociologiques qui,
autour du principe de reproduction, privilégient le thème de l’intégration
sociale – c’est un consensus qu’il s’agit de reproduire –, et celles qui
mettent en exergue la dimension conflictuelle des rapports sociaux, l’école
participant alors à la reproduction de phénomènes de domination, tant dans
leur dimension matérielle que symbolique. Bien que divergents, de prime
abord du moins, sur le plan idéologique, ces deux courants partagent
certains points communs, notamment la thèse selon laquelle l’école a un
rôle crucial dans la légitimation des inégalités, et une tendance à concevoir
les individus comme dotés de très peu d’autonomie par rapport aux
structures.
Ces théories ont suscité des débats très riches que nous résumerons avant
d’examiner les développements théoriques plus récents qui amorcent un
infléchissement significatif, non sans lien avec certaines évolutions sociales
globales (telles que l’internationalisation des politiques éducatives ou
encore la pratique systématique de comparaisons internationales des
systèmes éducatifs), ni avec l’accumulation des travaux empiriques sur
l’école. En particulier, la toute-puissance normative des institutions est
questionnée (Dubet, 2002) : l’élève ne peut plus être considéré comme un
agent intériorisant des normes, les enseignants définissent les problèmes et
interprètent les règles en se référant de moins en moins à une culture
commune intériorisée, ou tout au moins les caractéristiques de cette culture
commune ont, elles, largement changé. Dans le même temps, le système ne
peut plus être considéré comme une machine unifiée aux fonctions
univoques, l’action politique et administrative se complexifie avec la
multiplication et l’enchevêtrement d’initiatives à différents niveaux, et les
marges d’action de l’école sont révélées empiriquement par le
développement des recherches. Il faut donc s’intéresser aux acteurs qui, par
des processus qui vont être au cœur des analyses, produisent le système et y
construisent leur propre expérience, ainsi qu’aux contextes dans lesquels les
acteurs « entrent en scène », contextes susceptibles d’influer sur leurs
façons de faire et de penser, concrètement, de réussir et de déployer des
stratégies.

L’école reproductrice

Reproduire des valeurs communes


Un premier courant, dominant jusque dans les années 1960, s’inscrit dans
le prolongement des thèses de Durkheim (1922, 1938) : l’école, en tant
qu’institution, a pour fonction essentielle d’inculquer aux enfants les
valeurs morales qui constituent le ciment de la société ; mais si la
socialisation scolaire est avant tout une éducation morale, elle est aussi ce
qui débouche sur la production d’individus autonomes, dégagés de
l’emprise de leur milieu d’origine et capables de jugements propres. Ces
idéaux éducatifs caractéristiques de chaque société, et congruents avec
son fonctionnement global, s’imposent aux individus, avec pour
conséquence qu’« il est vain de croire que nous pouvons élever nos
enfants comme nous le voulons ». Cette socialisation engage aussi un
processus d’individualisation : il ne suffit pas de respecter la discipline et
d’être attaché à un groupe, il faut aussi une volonté autonome consciente
des raisons de sa propre conduite. Par ailleurs, l’école prépare chacun à
une place dans la division sociale du travail. Le « dosage » est délicat, au
niveau d’une société, entre cette fonction homogénéisante de l’école,
fondamentale en termes d’intégration, et cette exigence de
différenciation : l’école doit à la fois unifier et diversifier, et diversifier
sans aller jusqu’à diviser !
Un demi-siècle plus tard, le sociologue américain Parsons (1959) insiste
sur le rôle de cette « agence de socialisation » qu’est l’école dans les
sociétés modernes : sortant l’enfant de l’univers familial et de ses valeurs
avant tout expressives (dominées par le souci de l’épanouissement et du
développement de l’enfant) elle lui inculque les valeurs instrumentales
prévalant dans la société, et ce que Parsons appelle le « loyalisme », c’est-à-
dire le sens de l’intérêt collectif, et de son caractère prioritaire par rapport
aux désirs individuels. L’école fait également intérioriser les valeurs
dominantes (ce qui est beau, bien, légitime, dans la société) ; l’individu
apprend notamment à valoriser la logique de l’accomplissement individuel
(l’achievement), et à considérer comme évident que la sélection scolaire et
sociale repose sur des critères rationnels de compétence, chacun obtenant
donc le statut qu’il mérite. Si cette méritocratie permet de légitimer les
hiérarchies sociales, elle constitue aussi un gage d’efficacité : dans le
contexte d’expansion économique des années d’après-guerre, la société,
grâce à l’école, doit parvenir à exploiter au mieux ses « réserves de
talents ». Les inégalités sociales constituent alors un gaspillage. Autrement
dit, il y a une relation étroite entre l’équité dans la manière dont l’école
s’acquitte de sa fonction de sélection et son efficacité économique et
sociale1.
Dans cette perspective fonctionnaliste, l’école est sans ambiguïté un
vecteur d’émancipation individuelle et de progrès collectif, et les
fondements de la socialisation et de la sélection qui prennent place à l’école
ne sont pas questionnés. Pourtant, qui sélectionne ces valeurs
fondamentales et cette culture scolaire que la société transmet ? Qui
organise les filières adaptées à une division du travail présentée comme
évidente ? Ces questions sont au contraire centrales pour ceux qui lisent
l’ordre social comme la résultante d’un conflit temporairement suspendu
par une situation de domination, d’où l’étiquette de « conflictualistes » qui
leur est couramment attribuée.
Reproduire des rapports sociaux
conflictuels
Pour les « conflictualistes », l’ordre social ne repose pas sur un consensus
fait de valeurs partagées, mais sur le pouvoir de groupes dominants qui
utilisent l’école pour reproduire et légitimer leur position de domination,
conformément à leurs intérêts particuliers. L’école n’est plus alors un
vecteur de progrès et de mobilité individuelle, mais une instance de
contrôle social et de reproduction (Karabel et Halsey, 1977). Autour de
cette thématique de base, il existe une variété d’approches.

L’école capitaliste divise


Dans une perspective marxiste classique, l’école va être considérée
comme un « appareil idéologique d’État » (pour reprendre le concept
d’Althusser) qui répartit les individus dans les différents postes de la
division sociale du travail. Par-delà ce travail d’aiguillage présenté
comme purement « technique », l’école inculque aux élèves l’idéologie
bourgeoise qui les prépare et les soumet à leur destin social. En France,
Baudelot et Establet, avec des ouvrages aux titres dépourvus d’ambiguïté
– L’école capitaliste en France (1971), et L’école primaire divise (1979)
– soutiennent que cette école qui se dit unique, égalitaire et
méritocratique, divise en fait chaque génération entre ceux qui sont
destinés, de par leur origine sociale, à rejoindre la bourgeoisie ou le
prolétariat dont ils sont issus. D’où sa structure en deux réseaux distincts
et étanches, le réseau « secondaire-supérieur », pour les cadres, et le
réseau dit « primaire-professionnel », pour ceux qui sont voués aux
travaux d’exécution. La répartition des élèves entre les deux réseaux se
fait dès le cours préparatoire, où l’école « divise par l’apprentissage » :
en lecture, tant le contenu des textes que le langage valorisé par les
maîtres font que les enfants des milieux populaires éprouvent des
difficultés précoces, « étiquetées » en termes psychologisants pour mieux
occulter leur caractère social. L’école transforme ainsi « les différences
en division de classes ».
Mais, comme le soulignent Bowles et Gintis (1977), sociologues
marxistes américains, la réussite scolaire et professionnelle ne s’explique
pas entièrement par les compétences des individus mais aussi par leur
personnalité. L’école modèle la personnalité des élèves, auxquels elle
inculque des valeurs et des « savoir-être » adaptés de fait à leur rôle
social anticipé : aux futurs ouvriers, on apprend surtout la soumission à la
règle, alors qu’auprès des futurs responsables, on valorise l’autonomie
dans le travail et la créativité, à l’instar de ce qui est requis dans le monde
du travail. Cet isomorphisme entre les attitudes requises par l’entreprise
et inculquées à l’école reprend le principe de correspondance cher aux
marxistes : l’école reproduit dans son mode de fonctionnement les
clivages qui marquent les rapports de production. Cette perspective se
retrouve parmi les sociologues français, notamment dans les travaux de
Viviane Isambert-Jamati (1990a), ou de Lucie Tanguy sur l’enseignement
professionnel (1991).

L’école légitime les hiérarchies


Un second courant « conflictualiste » va remettre en cause ce caractère
central des rapports de production et de la division du travail, pour
comprendre le fonctionnement de l’école. La spécificité de cette dernière,
c’est précisément une certaine autonomie par rapport au monde de la
production, puisqu’elle se situe dans le champ culturel, et sur le terrain
des valeurs et des significations.
Comme Weber l’a souligné, les rapports de force existant dans toute
société doivent, pour être durables, se doubler d’une justification
symbolique : les acteurs sociaux tentent de rendre intelligible et
acceptable la situation qui est la leur. Ils apprennent en particulier à
donner un sens aux inégalités sociales, en intériorisant une hiérarchie de
valeurs ou de critères de classement, permettant de définir les personnes
dont on estimera qu’il est légitime qu’elles occupent une place dominante
dans la société. Ce sont les groupes qui sont en position de force, qui
définissent ces valeurs et ces critères, et tentent de les imposer comme
s’ils étaient dotés d’une légitimité intrinsèque. L’école est le vecteur de
cette imposition : elle ne sélectionne donc pas les plus compétents, mais
ceux qui correspondent le mieux aux critères particuliers du groupe
dominant, la sélection scolaire ressemblant donc davantage à une
cooptation qu’à une compétition (Collins, 1971 et 1979). Rien d’étonnant
alors si ce sont les propres enfants de ce groupe dominant qui y
réussissent le mieux.
Mettant en exergue le terme d’« héritier », Bourdieu et Passeron vont, en
France, développer cette perspective « néo-wébérienne ». S’ils
conservent du marxisme le caractère fondamental de la division de la
société entre dominés et dominants, Bourdieu et Passeron retiennent de
Weber que le rapport de domination ne se limite pas à la sphère
économique, mais se joue aussi à travers une « violence symbolique »
(s’exerçant à travers les idées, les valeurs, les goûts), qui amène les
dominés à adhérer au principe même de leur domination. Dans ce
processus, l’école joue un rôle crucial. Avec Les Héritiers, paru en 1964,
Bourdieu et Passeron proposent une analyse des inégalités sociales
d’accès et de réussite à l’université, et plus largement à l’école,
privilégiant les mécanismes de type culturel sur les contraintes
économiques. À côté du « capital culturel » dont disposent les jeunes de
milieu aisé (livres, voyages, accès aux médias, ouverture à
l’international…), c’est plus largement l’« héritage culturel » qui s’avère
le plus décisif en termes de réussite scolaire.
L’héritage culturel comporte plusieurs facettes (Perrenoud, 1970 ;
Draelans et Ballatore, 2014 ; Glevarec, 2018). Tout d’abord, l’inégale
maîtrise d’outils intellectuels : grâce aux interactions dont ils ont
bénéficié dans leur famille, les enfants de milieu aisé maîtrisent par
exemple un type de langage mieux adapté aux exigences de l’école (cf.
chapitre 8). À côté de ces inégalités d’ordre cognitif, posées d’ailleurs
plus que démontrées dans leur travail, et sur lesquelles ils s’attardent peu,
Bourdieu et Passeron donnent une place importante aux visions du
monde différentes dont les enfants héritent de leur famille. Ils désignent
par le terme wébérien d’« ethos », puis celui plus large d’« habitus »
(dont l’origine est très ancienne, cf. Rist, 1984 et Héran, 1987) la manière
dont chaque groupe social lit et évalue la réalité, qui fonde la constance
et la cohérence relatives de l’ensemble des comportements individuels.
L’habitus se manifeste au quotidien par ce que Bourdieu appelle le « sens
pratique » (ou encore le « sens de l’orientation sociale »), qui permet à
l’individu de se mouvoir dans tel ou tel champ de la société, d’adapter
ses pratiques aux exigences sociales, sans recourir à une réflexion
consciente. L’habitus englobe aussi des valeurs, comme l’adhésion au
savoir comme fin en soi, qui revêtent une signification cruciale dans le
champ scolaire.
Bourdieu et Passeron décrivent la genèse de l’habitus comme
l’intériorisation des conditions objectives dont il est le produit : les
individus apprennent à anticiper leur avenir conformément à leur
expérience du présent, et donc à ne pas désirer ce qui, dans leur groupe
social, apparaît comme peu probable. Ainsi, « la structure des chances
d’ascension par l’école conditionne les dispositions à l’égard de l’école et
de l’ascension par l’école » ; la conviction que l’école peut constituer un
moyen de maîtriser sa trajectoire sociale sera donc plus répandue chez
ceux qui ont une chance raisonnable d’y parvenir. Aux inégalitésdans les
outils intellectuels maîtrisés à un moment donné, s’ajoutent donc des
inégalités de motivations, qui tendent à renforcer les inégalités existantes,
puisqu’on tend à « refuser le refusé et à vouloir l’inévitable ». L’habitus,
vecteur de la « causalité du probable », est donc un rouage capital de la
reproduction des inégalités sociales.
Cette diversité d’héritages culturels, l’école l’ignore et se montre
« indifférente aux différences ». Face à un public hétérogène, elle cultive
le sous-entendu et l’implicite, accessibles en fait aux seuls héritiers, à tel
point qu’on peut parler de « pédagogie de l’absence de pédagogie » (ou
de « pédagogie invisible », cf. Bernstein, 1977). Ces sous-entendus
portent autant sur des valeurs, comme l’adhésion au savoir pour le savoir,
considérée comme allant de soi, que sur des aspects plus instrumentaux
comme les compétences langagières, ou encore certaines références
autres que celles enseignées explicitement en milieu scolaire, dont la
maîtrise est de fait requise par l’école, même si seuls les héritiers
trouvent dans leur famille les moyens de l’acquérir. Les héritiers vont
donc voir transformés en avantages scolaires les savoirs et savoir-être
qu’ils tirent de leur milieu familial, alors que les élèves issus des milieux
éloignés de l’institution scolaire ont tout à apprendre, et doivent réaliser,
pour réussir, un véritable processus d’acculturation. Mais tout cela est
implicite, au nom de l’idéal égalitaire. C’est parce que l’école traite
comme « égaux en droits et en devoirs » des individus en fait inégaux,
par rapport à ce que requiert la réussite (puisque les prérequis sont de
nature sociale), que des inégalités sociales aussi fortes s’y expriment.
Cette « conspiration du silence » autour des conditions sociales de la
réussite scolaire est primordiale pour que l’école remplisse sa fonction de
légitimation de l’ordre social. Elle doit tout faire pour que son
fonctionnement soit perçu comme légitime, c’est-à-dire fondé sur des
inégalités de compétence entre élèves. Ainsi, l’école met en avant la
manière objective dont elle sélectionne les plus capables. Mais encore
plus importante, comme gage de sa neutralité, est l’idéologie du don
(Bourdieu, 1966) : les inégalités de réussite à l’école doivent absolument
être perçues comme reflétant des inégalités foncières, innées, entre
individus. Bourdieu et Passeron, ne vont pas jusqu’à affirmer que les
dons n’existent pas, mais, en sociologues, ils s’attachent à « déceler
méthodiquement l’inégalité culturelle socialement conditionnée sous les
inégalités naturelles apparentes ». Car l’élève « doué » ressemble
étrangement à l’héritier… Mais que l’héritier soit perçu comme doué
n’est pas un détail, car sa position sociale future apparaît du même coup
comme la juste sanction de ses qualités intrinsèques, scolairement
certifiées. L’école va ainsi « naturaliser le social », transformant les
inégalités sociales en inégalités de compétences. C’est d’ailleurs là le
seul mode légitime de hiérarchisation des individus dans une société
démocratique : « en démocratie, l’aristocratie prend le visage de la
méritocratie » (Accardo et Corcuff, 1986).
Pour remplir cette fonction de légitimation, l’école se voit déléguer par le
groupe dominant un « pouvoir d’imposition », c’est-à-dire le pouvoir
d’imposer des contenus conformes aux seuls intérêts de ce groupe. La
culture transmise par l’école se présente comme légitime, objective et
indiscutable, alors qu’elle est arbitraire et de nature sociale, fondée sur
une « tradition sélective » (cf. Forquin, 1990), qui définit ce qui est digne
d’être transmis, ou non, aux yeux du groupe dominant. L’imposition de
cet arbitraire culturel ne prend en général pas la forme d’une propagande
ouverte, mais, plus subtilement, d’un modelage progressif des
habitus : l’enfant n’apprend pas seulement des contenus précis, mais tout
autant des règles morales, des façons de lire la réalité, bref ce qu’on
appelle le curriculum caché (cf. chapitre 6). Son efficacité, l’école la doit
certes à la longueur de la scolarisation, mais surtout au fait qu’il s’agit
bien d’un rapport de force. Mais la spécificité de ce rapport de force,
c’est qu’il ne peut exercer l’effet escompté de légitimation que s’il n’est
pas perçu comme tel : l’école doit apparaître comme confrontant les
élèves à des savoirs intrinsèquement légitimes, avec des maîtres
intrinsèquement compétents, et réalisant sur cette base une sélection
intrinsèquement méritocratique.
L’échec scolaire, loin de constituer un dysfonctionnement technique,
apparaît donc comme socialement nécessaire dans un système verrouillé
par des rapports de domination. Qui pourrait ainsi défendre cette
« pédagogie rationnelle », évoquée dans Les Héritiers, qui ferait acquérir
de manière systématique à tous les élèves tous ces prérequis implicites de
la réussite scolaire ? Plus généralement, on voit mal quelle réforme,
portée par qui, serait susceptible d’aboutir à une remise en cause de ces
rapports de domination, d’où les accusations de nihilisme portées contre
Bourdieu et Passeron dans les années 1970 (cf. Prost, 1970 ; Snyders,
1976), et plus largement le découragement des acteurs du système – au
premier rang desquels les enseignants, cf. la réception de L’école
capitaliste en France (Morice, 1974), ou plus récemment les constats
faits par Barrère (2017) – face aux analyses de tout ce courant
« conflictualiste » dont le déterminisme implacable semble les
condamner à l’impuissance.
Cette lecture déterministe doit cependant être nuancée, car dans certains
passages des Héritiers (1964) et de La Reproduction (1970), c’est
l’autonomie, relative mais réelle, du système d’enseignement qui est mise
en avant. L’école est en effet capable de retraduire les demandes
extérieures. De plus, elle développe une bureaucratie spécifique
(notamment un système d’examens), ce qui lui permet de créer une
hiérarchie propre, capable de concurrencer d’autres principes de
classement social. Par ailleurs, l’émergence d’un groupe professionnel,
celui des enseignants, qui poursuit ses intérêts corporatistes spécifiques,
renforce la prise de distance relative par rapport à des « groupes
dominants », au demeurant hétérogènes, aux intérêts pas toujours
convergents et qui entretiennent des rapports divers avec le système
d’enseignement (Bourdieu, 1989 ; van Zanten, 2005b). On ne saurait
donc conclure que l’institution scolaire est complètement
instrumentalisée jusque dans ses moindres détails par un groupe tout-
puissant aux contours parfaitement identifiés.
Des critiques de « l’école
reproductrice »
à un renouvellement
des perspectives
Chez les chercheurs, les thèses de l’« école reproductrice » ont suscité de
nombreux débats2, dans un contexte de perte progressive d’influence du
fonctionnalisme, du structuralisme et du marxisme. Non seulement
certaines critiques en contestent le caractère ahistorique, mais
l’accumulation de nouveaux résultats empiriques vient remettre en cause
le type d’explication de la réalité sociale qui leur est sous-jacent, à telle
enseigne que certains sociologues (américains) estiment même que les
analyses en termes de reproduction sont largement caduques depuis les
années 1990 (Collins, 2009).

Le modèle de la reproduction
à l’épreuve de l’histoire
Le modèle de la reproduction (tant chez Bourdieu et Passeron que chez
Baudelot et Establet) repose sur le postulat de strictes relations entre
formation et emploi, qui font de l’acquisition de titres scolaires un enjeu
crucial. Or aujourd’hui, ces relations tendent à se faire plus lâches, du fait
notamment des discordances entre l’évolution des flux de formés et
celles des positions sociales (cf. chapitre 3). La théorie de la reproduction
ne vaudrait-elle que pour un contexte daté historiquement ? Passeron
(1986), intégrant notamment les critiques de sociologues historiens
(Petitat, 1982), reconnaît que l’école n’a pas toujours tenu un rôle central
dans le processus de hiérarchisation des groupes sociaux. Au XVIIIe
siècle, la légitimation du rang social ne passe pas par l’accès à
l’instruction, et la « distinction » entre classes privilégiées et classes
populaires se fonde avant tout sur les habits, les manières mondaines ou
militaires. Au XIXe siècle, quand il s’avère que la démocratie est loin
d’avoir supprimé les inégalités sociales, seules les différences
d’« aptitudes » apparaissent susceptibles de justifier des inégalités.
L’idéologie méritocratique connaît alors un fort développement (Bisseret,
1974), et l’accès au savoir revêt une fonction de marquage social et de
légitimation des inégalités : le modèle de la reproduction bat son plein.
Aujourd’hui, alors que les diplômes, plus nombreux, deviennent moins
discriminants, certaines évolutions socio-économiques (cf. chapitre 3)
peuvent aussi ébranler la légitimité du rôle de l’école et des titres scolaires
dans la reproduction, notamment les décalages croissants entre diplômes et
emplois, ou les évolutions de l’emploi, notamment dans les services, qui
rendent les connaissances et compétences certifiées par l’école de moins en
moins pertinentes aux yeux des employeurs, par rapport aux exigences
croissantes d’adaptabilité et d’implication personnelle. Le développement
historique de la scolarisation fragilise également la légitimité de la sélection
scolaire parce que, selon Bourdieu et Passeron, la valeur de l’« arbitraire
culturel » dominant est toujours relative : dans ce cas, les normes culturelles
dominantes ne remplissent leur fonction de sélection sociale que si leur
accomplissement reste réservé à une minorité et donc doté d’un pouvoir
distinctif : le bachelier d’aujourd’hui – 80 % d’une classe d’âge – n’a plus
l’aura de celui des années 1960 quand 11 % des jeunes atteignaient de
niveau. Plus les diplômes se diffusent, plus s’empilent les réformes des
programmes et des règles du jeu scolaire (importance des différentes
disciplines, choix des options et des spécialités), plus le caractère arbitraire
des normes scolaires risque d’apparaître au grand jour, ce qui affaiblit la
« force d’imposition » des contenus et des critères d’excellence scolaires.
Enfin, tous ces courants cantonnent l’école à une fonction de
reproduction : le système produirait, par une socialisation toute puissante,
l’acteur dont il a besoin, qui ne pourra que reproduire la société à
l’identique. Pourtant, c’est sur le long terme que le verdict de reproduction
des inégalités peut émerger et être posé. De fait, l’école n’est pas toujours et
partout un vecteur de reproduction sociale, comme le montrent d’ailleurs les
comparaisons internationales, puisque dans certains pays, les inégalités
sociales face à l’école sont faibles ou ont évolué à la baisse, ou encore les
liens entre diplômes et positions sociales sont parfois peu marqués (Dubet
et al. 2010a ; Bernardi et Ballarino, 2016 ; cf. chapitre 3). Par ailleurs,
l’histoire fournit maints exemples des capacités « productrices » de l’école,
qu’il s’agisse de participer à la définition de nouveaux groupes
professionnels moins dépendants de la culture scolaire classique (les
métiers de l’informatique par exemple), de constituer un tremplin pour des
mobilités professionnelles (comme cela a été le cas pour les femmes), ou
encore de diffuser de nouvelles visions du monde dans les périodes de
transformation. Ainsi, pointant le profil hyper diplômé des élites politiques,
des sociologues (Bovens et Wille, 2017) ont forgé le concept de « classe de
diplômés » pour souligner combien l’homogénéité de cette « classe »
d’anciens très bons élèves permettait de comprendre un certain nombre de
leurs valeurs (au premier rang desquelles la confiance dans l’égalité des
chances) ainsi que leur coupure avec les « masses » moins diplômées.

L’« héritage culturel » et la réussite


scolaire
Sur un autre plan, les recherches sur les trajectoires scolaires accumulées
depuis les années 1980 (cf. chapitre 2) interpellent la théorie, en ce
qu’elles questionnent l’efficacité – souvent plus postulée que démontrée
– de la maîtrise de la culture classique (censée au cœur de l’héritage
culturel) sur la réussite scolaire. Car concrètement, ces recherches
montrent que des inégalités sociales de réussite se manifestent dès les
premiers niveaux d’enseignement, et portent tout autant sur les
performances en calcul qu’en langue maternelle, et plus précisément sur
des dimensions telles que le repérage dans l’espace ou la géométrie. Est-
il pertinent d’invoquer en la matière la diversité des héritages culturels,
comme le faisaient Bourdieu et Passeron en se focalisant sur les facultés
de Lettres des années 1960 ? Encore faudrait-il, ce qui est rarement fait
dans le contexte français, opérationnaliser explicitement le concept de
capital culturel. Les sociologues britanniques qui se sont efforcés de le
faire (cf. notamment Sullivan, 2001, 2002) montrent que ce que les
parents transmettent à leurs enfants et qui, notion de capital oblige, est
corrélé avec la réussite scolaire, c’est, bien plus qu’une proximité avec la
« grande culture » (ce que les anglophones désignent par le terme de
highbrow culture, acquise par la fréquentation de concerts ou de musées),
des habitudes de lecture et des pratiques télévisuelles sélectives qui
dotent l’enfant de connaissances générales et de compétences langagières
valorisables à l’école. De même, aux Pays-Bas (de Graaf, de Graaf et
Kraaykamp, 2000), ce serait par les compétences cognitives et
linguistiques qu’ils transmettent à leurs enfants que les parents les
avantagent, plus que par les « affinités culturelles » dont ils les dotent
(cf. chapitre 8). En France, si le nombre de livres possédés au domicile
familial est statistiquement lié aux performances scolaires, en général
mais notamment en mathématiques (cf. les enquêtes PISA 2003 et 2012),
cela semble suggérer, puisque les mathématiques s’acquièrent avant tout
dans le cadre scolaire, que les élèves dont les familles sont les mieux
dotées en capital culturel objectivé bénéficient aussi de meilleures
conditions d’enseignement, même si d’autres paramètres de
l’environnement familial peuvent également participer à l’explication de
cette corrélation (Le Mener, Meuret et Morlaix, 2017).
Tout un courant de recherche (voir notamment Nash, 2001, 2005 ;
Goldthorpe, 2007 ; Duru-Bellat et Fournier, 2007 ; Bodovski, 2010) appuie
aujourd’hui la thèse de compétences réellement inégales engendrées par les
socialisations familiales, éventuellement mais secondairement creusées par
le jeu de ce que l’on a désormais l’habitude d’appeler l’« inégale distance »
avec la culture scolaire. Le poids des inégalités d’ordre cognitif induites par
certaines pratiques éducatives parentales serait donc plus fort que celui de
l’héritage culturel, entendu au sens de proximité avec la culture savante, ce
qui amène à nuancer les thèses bourdieusiennes (élaborées il est vrai à partir
de l’étude de la réussite à l’université) : on ne peut se contenter d’incriminer
une « inégale distance » entre une culture scolaire (a priori arbitraire) et des
habitus familiaux (qui face à cette référence arbitraire deviennent sources
d’inégalités), toute la sociologie de l’éducation se réduisant alors à la
critique sans fin des « biais » sociaux inhérents au fonctionnement de
l’école.
Ce qu’il faut analyser spécifiquement, ce sont les conséquences
cognitives et scolaires de la variété des pratiques éducatives ; si l’on dispose
à présent de descriptions fines des outils cognitifs et des attitudes transmis
par les milieux familiaux dans leur diversité (avec à la clé ce qu’on peut
décrire comme des « enfances de classe », Lahire, 2019) il reste à élaborer
une véritable « sociologie du développement cognitif » (Lahire, 1999 ; cf.
aussi Duru-Bellat et Fournier, 2007). Celle-ci est aujourd’hui encore peu
développée du fait des distances entre sociologie et psychologie (Morel,
2021) ; le risque est alors que les spécialistes des neurosciences viennent
remplir cet espace (cf. par exemple, Farah, 2017), ou que certains
sociologues eux-mêmes remettent au goût du jour les inégalités d’aptitudes,
éventuellement héritées, minimisant alors la valeur explicative du milieu
social d’origine sur la performance scolaire (cf. par exemple Marks et
Connell, 2021). Fondamentalement, c’est la notion même de « capital
culturel » qu’il convient de repenser (Glevarec, 2018) : aujourd’hui utilisée
de manière routinière en sociologie de l’éducation, elle englobe à la fois des
dimensions cognitives (maîtrise de la langue par exemple), des dimensions
matérielles (possession de livres ou de produits culturels) et des atouts
proprement culturels (goût pour les œuvres consacrées par exemple),
arbitraires et propres à un champ, grâce auxquels une domination
symbolique est susceptible de s’exercer
De plus, les recherches montrent que l’effet de l’appartenance sociale sur
la réussite scolaire est mal décrit par la métaphore de l’héritage. Il ne passe
pas entièrement par les références culturelles ou les connaissances acquises
par l’enfant (comme en témoignent les cas d’enfants de parents diplômés en
échec ; cf. Henri-Panabière 2010b), mais tout autant par les phénomènes de
mobilisation autour de l’école. Ceci éclaire d’ailleurs certaines
observations, troublantes si l’on s’en tient à l’invocation de l’« inégale
distance ». C’est le cas, en France, de l’absence de difficultés spécifiques
des enfants étrangers ou issus de l’immigration (cf. chapitre 2), par rapport
à des élèves français de même milieu social. En l’occurrence, invoquer des
attitudes particulièrement actives par rapport à l’école (débouchant sur des
stratégies, notamment d’orientation, souvent plus ambitieuses) s’avère plus
heuristique, comme le font la plupart des sociologues travaillant sur ces
« réussites improbables » (par exemple, Zéroulou, 1988 ; Lahire, 1995 ;
Brinbaum et Kieffer, 2005 ; Ichou, 2018). Une recherche américaine montre
même que lorsqu’on introduit dans un même modèle explicatif de la
réussite scolaire à la fois les pratiques culturelles stricto sensu et les
aspirations scolaires et professionnelles, les secondes ont un impact bien
plus important que les premières qui cessent même de jouer
significativement (Dumais, 2002). Ceci suggère qu’il faut réévaluer, à la
baisse et du moins aux États-Unis, le thème de l’importance de l’héritage
culturel, du moins de type highbrow culture. On peut aussi estimer qu’il
faut considérer ces inégales aspirations comme une composante de
l’héritage culturel lui-même, ce que montrent certaines recherches (Ichou,
2014, 2015). Toujours est-il que ce qui est valorisé de fait à l’école semble
variable selon les pays, le « capital culturel » requis pour y réussir devant
donc être spécifié selon les contextes et sans doute recouvrir des
composantes variées, qui elles-mêmes peuvent évoluer avec le temps
(Draelants et Ballatore, 2014). Rappelons de plus (cf. chapitre 2) qu’en
France comme dans la plupart des pays européens, on estime que les
inégalités sociales tenant spécifiquement aux mécanismes de l’orientation
comptent autant que les inégalités de réussite stricto sensu dans
l’explication des inégalités sociales de carrières, ces dernières ne pouvant
donc renvoyer uniquement à des distances inégales à la culture savante.
Dans une perspective différente, mais toujours de manière critique par
rapport à la thématique de l’héritage culturel, on peut mettre en avant la
notion de rapport au savoir (Charlot, 1997 ; Charlot et al., 1992 ; Bonnery,
2007 ; Netter, 2019). L’objectif est d’élucider la relation de sens, et donc de
valeur, qu’entretient l’élève avec les savoirs qui lui sont proposés à l’école,
et d’en faire un vecteur des inégalités sociales de réussite. Ceci conduit à
distinguer les expériences de ceux qui sauraient percevoir le sens
intrinsèque des savoirs scolaires et de ceux qui n’y verraient qu’un vecteur
de débouchés ultérieurs. Mais même si l’on souligne ainsi le rôle spécifique
de l’expérience personnelle dans la genèse du rapport au savoir, on se situe
davantage dans le cadre d’un élargissement du concept d’héritage culturel
que dans une perspective critique : percevoir l’intérêt intrinsèque du savoir
apparaît comme une facette de l’habitus des groupes dominants, sachant
que de fait les enquêtes précises sur ce point ne montrent pas de relation
significative avec les résultats scolaires (Sullivan, 2006).
Toujours est-il que la nature et l’importance de ce qui est hérité plus ou
moins passivement, face aux visées et aux capacités réflexives des
individus, doivent être considérées comme une question ouverte. La masse
des travaux empiriques sur les stratégies des familles et des élèves (cf.
chapitres 8 et 9) conforte plutôt la thèse d’une réflexivité croissante.
Des acteurs inconsistants face au poids
des structures ?
Dans les théories de la reproduction, les individus n’ont guère de
consistance par rapport à ce qui se joue au niveau macrosociologique, dès
lors que la problématique de la reproduction des inégalités domine. Le
changement est alors difficile à concevoir. C’est d’ailleurs la prise de
conscience d’un risque de démobilisation des acteurs de terrain, qui a
amené, au début des années 1980, des sociologues américains comme
Giroux (1983) à mettre en exergue ce qu’on va appeler les phénomènes
de résistance. Car les comportements des élèves ne sont pas toujours
conformes à ce qu’attend l’institution3, ce qui peut être considéré comme
une forme de résistance à l’imposition de la culture scolaire. Ceci peut se
traduire par l’élaboration d’une véritable « culture anti-école » : par
exemple (cf. Willis, 1977, 1978, 2011 et chapitre 9), les jeunes garçons
de milieu ouvrier résistent à la primauté du travail intellectuel sur le
travail manuel, que l’école tente de leur faire intérioriser. Valorisant des
éléments qu’ils puisent dans leur milieu familial, dans le monde du
travail ou dans leur quartier, ils secrètent un savoir informel, mobilisable
à des fins contestatrices, qui ne peut être défini comme le « négatif » de
la culture dominante véhiculée à l’école.
Néanmoins, cette logique de la résistance s’articule étroitement avec la
logique de la reproduction. Car ces jeunes, dès lors qu’ils contestent la
culture scolaire, se privent du même coup de l’accès au savoir, possible
vecteur d’une promotion sociale ou d’une contestation plus efficace.
L’analyse microsociologique rejoint alors la perspective macrosociologique
de la reproduction, en montrant par quels processus culturels cette dernière
se réalise au niveau microsociologique. Certes, la notion même de
résistance reste discutable : comment faire la part entre ce qui relève de
stratégies d’adaptation à l’école, de contestation de l’autorité scolaire, ou de
réelles mises en cause des relations de pouvoir entre groupes sociaux (cf.
Viegas Fernandez, 1988 ; Mehan, 1992) ? Et comment faire la part entre
résistance et clairvoyance ? Car les effets de la socialisation scolaire sont
plus complexes que ne le soupçonnaient Bourdieu et Passeron : ainsi, si les
personnes les plus éduquées adhèrent davantage à la méritocratie et à
l’égalité des chances, elles se montrent aussi capables d’une distance
critique face aux diplômes et à ce qu’ils sanctionnent – elles sont
notamment moins convaincues de ce que les diplômes sanctionnent
vraiment le mérite des personnes –, remettant en cause l’idéologie du mérite
et sa capacité à justifier les inégalités (Duru-Bellat et Tenret, 2009 ; Tenret,
2011). Du côté des étudiants a priori les plus défavorisés, on observe parfois
des stratégies visant à contrer un déterminisme social perçu comme injuste.
Ainsi en est-il de ces étudiants de baccalauréat professionnel qui
parviennent à réussir à l’université dans une filière Staps : conscients de
l’étiquetage négatif dont ils font l’objet (et de leurs très faibles chances
statistiques de réussite), ils parviennent à surmonter ces obstacles grâce à
une volonté farouche de revanche sociale et aussi des atouts, en termes de
confiance en soi et d’ascétisme, dont les dotent leurs compétences sportives
(Forté et al., 2021).
Ce courant amène donc à s’intéresser à la variété et à la complexité des
comportements des acteurs – élèves et enseignants, parents – et cette
perspective, nourrie aujourd’hui par de nombreuses descriptions
ethnographiques des comportements scolaires, a opéré un réel glissement de
paradigme. On rejette ainsi ce qui constitue le pendant d’une conception des
acteurs comme passifs et « hyper-socialisés », à savoir la tendance à réifier
des réalités sociales (la structure sociale, le système scolaire) toutes
puissantes en termes de socialisation des individus. Or ce pouvoir et cette
exclusivité de l’impact des institutions et notamment de l’école sont remis
en cause (Dubet, 2002 ; Pasquier, 2005 ; Draelans et Ballatore, 2014 ;
Dubet et Duru-Bellat, 2020) : l’école n’a plus aujourd’hui le monopole
culturel qu’elle avait il y a un demi-siècle et, en temps total sur une année,
les jeunes sont plus souvent face à leurs écrans que face à leurs
enseignants ; le monde des réseaux constitue un espace de socialisation qui
échappe complètement à l’école, une école dont la capacité à transmettre
effectivement des valeurs (on pense notamment au civisme ou à la
confiance dans la science) semble de plus en plus fragile.
Par ailleurs, il est clair que ces réalités sociales considérées comme
données sont des constructions historiques, produites par des acteurs, via
des interactions quotidiennes, dans tel ou tel contexte. Il convient donc
d’ouvrir la « boîte noire » et d’élucider, au niveau des interactions
élémentaires, la manière dont les phénomènes éducatifs se fabriquent. Le
niveau de réussite des élèves à un examen oral, par exemple, résulte d’un
triple travail d’interprétation : élucidation par les élèves du travail demandé
et du type de réponses attendues, spécification par le maître des réponses
pouvant être considérées comme justes, et surtout déchiffrage des attentes et
des réactions de l’autre par chacun des protagonistes au cours de l’épreuve
(Mehan, 1992). De même, l’analyse fine des interactions maîtres-élèves,
pratiquée de plus en plus souvent en sciences de l’éducation ou en
psychologie sociale (cf. notamment Goudeau, 2020 ; cf. aussi Jetten et
Peters, 2019) illustre le jeu des interprétations et des pratiques
pédagogiques des enseignants quand ils établissent des verdicts de réussite
ou d’échec et communiquent leurs interprétations aux élèves, avec à la clé
des inégalités entre eux qui peuvent être plus ou moins marquées.
Alors qu’on donnait jusqu’alors la primauté à la structure ou au système,
il s’agit de valoriser les situations, les interactions et les processus qui les
produisent, en particulier les capacités interprétatives que déploient les
acteurs pour résoudre un problème dans une situation donnée. Ces
orientations, qu’on se réfère à la sociologie interactionniste (cf. Queiroz et
Ziolkovski, 1994), ou de manière voisine, à l’ethnométhodologie (Coulon,
1993), qui se situent à un niveau délibérément microsociologique, se
présentent comme un paradigme alternatif aux approches
macrosociologiques de l’école reproductrice, qui tentaient d’expliquer ce
qui se passe à l’intérieur du système scolaire par sa fonction globale. Ceci,
non pas tant par le niveau d’analyse qu’elles prônent, que par leur
conception de l’explication des faits sociaux.
En effet, même si certains sociologues de la reproduction ont cherché à
articuler le niveau « macro » et le niveau « micro », en ne négligeant pas
d’observer les processus et en construisant des concepts médiateurs –
l’habitus chez Bourdieu ou les capacités contestatrices des individus chez
Willis –, le sens de la causalité va, dans cette perspective, des structures aux
individus4. À l’inverse, pour ceux que l’on appelle les constructivistes, le
mode de fonctionnement de l’institution scolaire (et plus largement de la
société) ne peut être considéré comme le déterminant des comportements
des élèves ou des enseignants, mais au contraire comme la résultante de
leurs actions quotidiennes, puisque dans cette perspective, les phénomènes
n’existent pas indépendamment du travail social qui les construit
continûment. L’objectif est alors de montrer comment sont produites, à
travers les interactions locales et les significations des acteurs, les
régularités qu’on observe au niveau global (Mehan, 1992 ; cf. aussi Lamont
et al., 2014). Avec certes des nuances, entre les interactionnistes chez qui le
sens construit par les acteurs est mis en rapport avec « quelque chose qui
n’est pas dans la situation » (par exemple, les interactions au sein d’une
école sont mises en relation avec les caractéristiques du quartier), et les
ethnométhodologues, qui se focalisent vraiment sur l’interaction
élémentaire, à tel point que cela rend problématique la notion même de
société (Dubet, 2004a). On peut évidemment contester cette approche en ce
qu’elle réduit le phénomène de l’échec scolaire au jeu des préjugés ou des
discours performatifs des enseignants face aux élèves de milieu populaire
(critique faite notamment par Nash, 2005). Mais dans tous les cas, c’est
l’articulation entre le niveau macrosociologique et les réalités
microsociologiques qui fait question, sans qu’il soit à présent possible
d’exclure l’acteur : son comportement ne peut plus être considéré comme le
versant subjectif du système, et il se détermine sur la base de mobiles qu’il
convient de prendre en compte, et ce dans une situation d’interaction ainsi
que dans un contexte historique et géographique qui délimitent les
« chances de jeu » de chacun.

L’école, espace pour des stratégies


d’acteurs
Ce type de perspectives théoriques s’est amplement développé, et conduit
à remettre en cause le caractère mécanique et reproducteur de la
socialisation scolaire, et en filigrane un fonctionnalisme latent
aujourd’hui dépassé. Ce n’est pas le fait que la société se reproduit qu’il
s’agit de contester, mais le fait que les théories de la reproduction, en ne
s’intéressant qu’à la fonction globale de l’école, négligent du même coup
son fonctionnement concret, son évolution historique, ou le type de
socialisation qui s’y réalise (Berthelot, 1982). La relation entre le milieu
social de l’enfant et sa trajectoire scolaire résulte pourtant des pratiques
d’acteurs usant du « champ scolaire en fonction de leurs intérêts propres
et des enjeux qu’ils y découvrent » (Berthelot, 1983). Toute une masse de
travaux empiriques montre aujourd’hui comment, par des comportements
concrets (cf. notamment chapitre 8), les familles tentent d’optimiser la
scolarité de l’enfant, en mobilisant tous les atouts que leur donne leur
positionnement social. Les inégalités face à l’école ne sont donc pas le
produit nécessaire, structurel, du fonctionnement d’une école dont c’est
la finalité, mais plutôt la résultante des luttes que se livrent les groupes
sociaux pour maintenir leurs avantages.

Une approche individualiste


des inégalités sociales
Même s’il s’agit d’expliquer des phénomènes macrosociologiques
(notamment les inégalités sociales de carrières scolaires), Boudon pose
qu’on peut faire l’économie d’une théorie macrosociale et se dispenser
d’invoquer la volonté de contrôle et de légitimation des groupes
dominants, ou l’intériorisation des chances objectives par les élèves et
leurs familles, pour comprendre la reproduction des inégalités sociales à
l’école. À ses yeux, les « régularités sociales » constatées ne sont que « la
trace laissée au niveau statistique par la juxtaposition d’une myriade de
comportements individuels » (Boudon, 1973). L’analyse sociologique
doit alors partir de l’acteur, puisque l’explication d’un phénomène social
suppose la reconstruction « des raisons et des motivations paramétrées
par le contexte » (Boudon, 2010) qui l’ont produit. C’est ce qu’on appelle
l’individualisme méthodologique.
Dans le domaine éducatif comme dans d’autres, ces acteurs font des
choix, en usant d’une rationalité certes limitée (notamment du fait de leur
position particulière) mais réelle, à tel point qu’un observateur extérieur
peut retrouver les « bonnes raisons » que l’acteur a eues d’adopter tel ou tel
comportement. Pour analyser les choix scolaires, Boudon (1973, 1979)
formule un modèle de comportement, c’est-à-dire un schéma simplifié de la
manière dont fonctionne le décideur. L’orientation serait choisie au terme
d’un calcul de type coût/avantage, intégrant un certain nombre de
paramètres : quels sont les avantages et les désavantages présents et futurs
(d’ordre financier ou psychologique, probabilité de mobilité sociale) de tel
choix scolaire, quels en sont les risques (échec scolaire, chômage) ? Ce
décideur est situé socialement, et ce contexte social module fortement la
valeur des différents critères de choix : par exemple, une scolarité à
l’université n’apporte pas le même bénéfice social à un jeune de milieu aisé,
et à un jeune de milieu populaire. Si cette orientation s’impose au premier
(pour assurer la reproduction d’un niveau social), pour le second, des études
moins longues suffiraient à garantir une mobilité ascendante, tout en étant
moins coûteuses en termes d’intégration sociale (le risque de se couper de
son milieu d’origine étant plus faible). De plus, pour le second, des études
en BTS peuvent être moins risquées, si le baccalauréat dont il est doté y est
mieux adapté qu’à des études universitaires, sachant qu’un échec scolaire a
une sanction financière concrète s’il se trouve être boursier. Le BTS
apparaîtra donc sans doute comme un choix à la fois relativement peu
risqué et suffisamment rentable.
Des arbitrages sont donc à faire, entre des choix inégalement risqués et
inégalement rentables. Mais même si formellement tous les individus font
preuve de rationalité, les choix effectifs restent très divers (cf. chapitre 2),
car ces arbitrages raisonnables s’effectuent dans des contextes de
contraintes sociales et scolaires variés, qui recoupent l’appartenance à tel ou
tel groupe social. Dans cette perspective, le milieu social est avant tout,
selon Boudon, « un point de référence à partir duquel l’agent s’efforce de
mesurer les avantages, les désavantages et les risques qu’il prend en
choisissant tel ou tel type d’orientation ». On peut alors se dispenser
d’invoquer, pour expliquer ces choix socialement diversifiés,
d’hypothétiques valeurs de classe (certains groupes sociaux accordant plus
de valeur à l’éducation), ou plus largement les effets d’une socialisation
antérieure, puisqu’on doit pouvoir dégager les « bonnes raisons » de
l’acteur. Boudon s’oppose en l’occurrence à Bourdieu, bien qu’on trouve
(aussi) chez celui-ci des propos à la tonalité proche, quand il oppose
« stratégies de spéculateurs » et « stratégies de rentiers », ces derniers
n’ayant pas « assez de capital économique, social et culturel pour prendre
les risques de tout perdre tout en voulant tout gagner, risques qu’on ne
prend jamais que lorsqu’on est assuré de ne jamais tout perdre tout en
risquant de tout gagner » (Bourdieu, 1974).
Certains constats empiriques tendent à valider ce modèle du stratège.
C’est le cas de l’auto-sélection socialement différenciée, régulièrement
avérée aux paliers d’orientation : alors que les demandes des jeunes sont
pratiquement identiques, quel que soit leur milieu social, quand ils sont de
bon niveau scolaire, l’écart se creuse ensuite, dès lors que ce niveau n’est
que moyen, les jeunes de milieu populaire limitant alors leurs aspirations
(Duru-Bellat, Jarousse et Solaux, 1997 ; Chauvel, 2011 ; Cayouette-
Remblière, 2016). Or si les élèves choisissaient leurs études en fonction
d’« héritages culturels » fondamentalement différents, on devrait observer
des écarts entre groupes sociaux quel que soit le niveau de réussite. Ces
phénomènes d’autosélection différenciée résulteraient plutôt de la valeur,
inégale selon les milieux sociaux, de paramètres tels que le rendement des
études (plus faible dans les milieux populaires, où l’insertion est moins
bonne à diplôme comparable), le degré objectif de risque (plus fort, dès lors
que des inégalités sociales de réussite subsistent, mais aussi quand la
situation est incertaine, quand l’élève est moyen ou faible) ou encore la
sensibilité aux coûts encourus dans les études envisagées (notamment le
prix du temps ou d’une réorientation).
Cette anticipation du futur intègre évidemment la trajectoire sociale
visée, l’enjeu étant d’assurer aux enfants une position sociale au moins
égale à celle des parents (motivation qui existe dans tous les milieux
sociaux ; cf. van de Werfhorst et Hofstede, 2007). Pour les familles de
milieu aisé, l’enjeu est tel qu’on poussera ses enfants dans des études
longues et sélectives, même si leur niveau scolaire fait de ce choix un pari
risqué, sachant par ailleurs que les coûts comptent peu. À l’inverse, les
familles de milieu populaire peuvent assurer à leurs enfants une mobilité
sociale ascendante avec un niveau de diplôme et d’insertion moins
exigeants, et, étant par ailleurs plus sensibles aux coûts et aux risques
encourus, elles n’inciteront leurs enfants à poursuivre leurs études que si
leur réussite paraît probable. Plutôt que d’invoquer des différences foncières
d’ambition entre groupes (renvoyant à la piste « héritage culturel »), on
interprétera les différences d’orientation comme des stratégies de
positionnement rationnelles, visant à se prémunir contre toute descente
sociale, dans des contextes sociaux divers, et débouchant donc sur des choix
inégaux entre les personnes (van de Werfhorst et Hofstede, 2007). Ce
modèle éclaire également l’évolution contemporaine des inégalités, si l’on
met en perspective les choix scolaires avec les évolutions des paramètres
qui les affectent, tels que les réformes structurelles de l’enseignement,
l’évolution de la concurrence entre diplômés et des débouchés des diplômes
(Barone, 2019). La recherche empirique internationale mobilise aujourd’hui
couramment ce modèle de l’acteur rationnel (Breen et al., 2014 ; Nolan et
al., 2014), sur la base de larges études quantitatives (dès lors que tout
modèle statistique suppose en filigrane un modèle de l’acteur, par le choix
des variables incluses dans le modèle), ce qui conduit souvent à analyser les
choix scolaires en collaboration avec les économistes.
Récusant donc toutes les théories assimilant les processus générateurs des
inégalités à des mécanismes d’héritage, Boudon met en avant, pour
expliquer ces mêmes inégalités observées au niveau « macro »,
l’« agrégation des décisions individuelles d’acteurs intentionnels », dans la
droite ligne de l’individualisme méthodologique et au cœur de sa pratique
de sociologue (Boudon, 2010). Ses détracteurs5 ont notamment souligné
combien il était hardi de lire les choix scolaires uniquement en termes de
stratégies ou de décisions rationnelles. Car tout choix rationnel se réfère à
des fins valorisées et ce sur un fond de carte psychologique. Ainsi Sullivan
(2006) a exploré précisément, pour comprendre les constats d’auto-
sélection différenciée, la valeur, à la fois intrinsèque et instrumentale,
accordée à l’éducation. Si elle n’est pas parvenue à dégager de sensibles
différences entre groupes sociaux à cet égard, elle a par contre décelé de
fortes inégalités sociales (et sexuées) dans la confiance que des élèves de
16 ans manifestent par rapport à leurs propres capacités (à réussite égale),
ce qui ne peut manquer d’affecter le risque perçu des études et donc les
choix.
À côté de cette importance des valeurs et des attitudes, il faut aussi faire
la part des réactions impulsives ou routinières, ou encore des choix qui n’en
sont pas, vu le poids des contraintes (Perrenoud, 1986). Mais l’objectif d’un
modèle théorique n’est pas de décrire le plus fidèlement possible la réalité,
et la question est secondaire ici de savoir si l’individu est parfaitement
conscient de ce calcul prévisionnel et de cette logique que l’observateur
extérieur dégage de ses comportements : l’essentiel, dans cette approche,
est de se doter d’un modèle de l’acteur dont les conséquences
macroscopiques soient testables, et qui, dès lors qu’il est validé par les faits,
permet de comprendre l’articulation entre les structures éducatives et les
comportements individuels.
Des convergences d’approches dans
l’analyse de l’école ?
Toujours est-il qu’on a bien changé de paradigme : à une vision
déterministe, donnant un primat explicatif aux structures, on se situe à
présent dans le cadre d’un paradigme donnant aux fins poursuivies par
les acteurs et aux manières d’y parvenir une place beaucoup plus grande.
Avec parfois l’usage de la notion anglo-saxonne d’agency, rarement
traduite en français et s’intéressant de façon centrale aux effets de
l’action humaine (Bergeron et Castel, 2016), les capacités d’action des
personnes et leur intentionnalité dans l’environnement qui est le leur ne
sont plus contestées en sociologie (notamment dans la sociologie anglo-
saxonne, cf. Collins, 2009).
Cependant, est-on vraiment aujourd’hui en présence de deux paradigmes
antagonistes et inconciliables ? D’un côté, des évolutions théoriques
sensibles ont pris place chez Bourdieu : alors que dans La Reproduction,
l’habitus apparaissait comme strictement déterminé par les contraintes
objectives – ne constituant alors que la face subjective de cette
détermination –, dans des textes postérieurs (notamment Le sens pratique,
paru en 1980), l’habitus devient un « principe générateur » de
comportements en fait infinis, impossibles à prévoir avec précision, même
si les grilles avec lesquelles les acteurs appréhendent la réalité restent
marquées par les contraintes objectives. La pratique prend une certaine
autonomie par rapport aux structures, et Bourdieu cite volontiers l’exemple
du bon joueur, qui est à la fois contraint par les règles du jeu, qu’il a
intériorisées, et libre, en ce sens qu’il sait sur cette base inventer toutes les
stratégies qu’exige la partie. En d’autres termes, et comme le pointe Héran
(1987), « par la médiation de l’habitus, le dépôt des expériences passées se
convertit en disposition pour l’avenir ». Cette évolution du concept
d’habitus amène à donner plus de place au contexte de l’action, et Bourdieu
met de plus en plus en exergue la notion de champ, où telle propriété va être
dotée de telle valeur et recevoir une rémunération spécifique, ce qui évite de
réifier les institutions. C’est dans un « espace d’action concret » (Crozier et
Friedberg, 1977), que vont se déployer les capacités adaptatives d’un
individu qui dès lors n’est plus très éloigné du stratège (Paradeise, 1988).
Du côté des théories de l’acteur, même si on exclut de considérer les
comportements individuels comme la pure résultante de la socialisation ou
de la position sociale, on ne néglige pas les contraintes structurelles dans
lesquelles s’inscrivent les critères de décision et donc les pratiques. À tel
point qu’on peut se demander si ce poids reconnu des contraintes n’amène
pas à réintroduire un certain déterminisme. Ainsi, « le calcul coût/avantage
lui-même est sans doute imprégné de la perception que les jeunes et leurs
familles ont de leurs “chances objectives” : il peut être rationnel d’anticiper
ses contraintes objectives à venir et de s’y adapter, avec à la clef une
tendance toute rationnelle… à la reproduction » (Duru-Bellat, 2002). De
même, les stratégies s’expriment en situation d’interdépendance et dans un
contexte concurrentiel, puisque les meilleures places sont par définition
rares, avec l’éventualité d’effets pervers, dont chacun supporte ensuite les
conséquences. L’autonomie de l’acteur s’exprime donc dans des situations
sur lesquelles, à l’instant t, il n’a en général pas d’influence, même s’il a
contribué à les mettre en place. De plus, les décisions les plus rationnelles
incorporent des inégalités « subies » (inégalités de réussite, inégalités
d’information…) ou des attitudes (confiance en soi, préférences, rapport au
savoir…) formées dans des contextes que l’on n’a pas choisis. Au total, les
facteurs subis d’une part, les intentions et les anticipations de l’autre
pèseront différemment selon les situations : l’expression des secondes
pourra être complètement bridée quand les contraintes sont très fortes, ce
qui ne condamne pas à renoncer définitivement à la notion d’acteur.
Il n’est donc pas impossible de conclure à une convergence entre les
approches, ce qui pourrait expliquer que les recherches les plus récentes
donnent l’impression d’un ancrage théorique moins affirmé que par le
passé. Assumant un certain éclectisme, on pourrait valoriser la piste
« culturelle » pour expliquer les inégalités précoces de réussite – les effets
primaires –, et retenir la piste « stratégique » pour rendre compte des
inégalités de choix – les effets secondaires (van de Werfhorst et Hofstede,
2007). Il n’y aurait donc pas d’opposition entre Bourdieu et Boudon, mais
succession de pistes explicatives différentes au fil de la carrière scolaire. On
ne saurait pour autant entériner l’opposition (temporelle) nette entre ces
deux types d’effets (c’est notamment le point de vue de Nash, 2006), d’une
part parce que les effets primaires ont une incidence durable, vu le caractère
cumulatif des acquis scolaires, d’autre part parce qu’au cœur des choix,
interviennent des valeurs et des attitudes, que l’on peut considérer comme
une dimension d’un « héritage culturel » élargi (Draelants et Ballatore,
2014). De fait, les approches de Bourdieu et Passeron, et de Boudon, dont
on a volontiers cristallisé l’opposition en France, ne différeraient plus que
par le « degré de conscience stratégique concédé à l’acteur et quant à la part
des attributs antérieurs dans l’interprétation de l’action » (Paradeise, 1990).
Mais au-delà de ce qui peut apparaître comme une convergence entre
approches, les conclusions concernant la fonction de l’école restent
relativement différentes. Les théories de la reproduction se centrent sur les
inégalités sociales de réussite à l’école en référence à sa fonction. Leur
conclusion est sans ambiguïté : la fonction principale de l’école n’est pas
avant tout de transmettre des connaissances ou des compétences, mais de
donner une sanction qui semble autonome et légitime à des inégalités
sociales qui se jouent en dehors d’elle. Qu’importe alors si elle ne remplit
qu’imparfaitement sa fonction officielle, puisqu’elle garde un rôle capital en
termes de légitimation des inégalités sociales ; autrement dit, sa fonction
idéologique (latente) prime sur sa fonction instrumentale (manifeste). Les
conclusions de sociologues comme Boudon sont divergentes : l’école a un
rôle plus modeste que ne le laissent entendre les théoriciens de la
reproduction, puisque le diplôme n’est que le premier déterminant de
l’insertion, parmi d’autres (cf. chapitre 3).
Il reste que certains résultats infirment la thèse d’une relation linéaire
entre structures sociales, socialisation scolaire et insertion/reproduction
sociale. Ainsi, bien que la domination du masculin sur le féminin soit
encore avérée aujourd’hui, les filles réalisent une socialisation scolaire
plutôt réussie, à l’aune des diplômes obtenus, tout en connaissant toujours
un devenir social plus problématique que les garçons (cf. Duru-Bellat,
2004 : Duru-Bellat, 2017). Les inégalités sociales ne se réduisent donc pas
aux inégalités scolaires, ce que confirment également les comparaisons
internationales. Ceci amène certains chercheurs (cf. notamment Moore,
1996 ; Dubet et al., 2010a et 2010b) à se demander si l’influence de l’école
n’est pas aujourd’hui surestimée par rapport à ce qui se joue ensuite dans la
vie sociale et professionnelle. De fait, pour Boudon, c’est la stratification
sociale qui, par l’intermédiaire des stratégies d’acteurs situés socialement,
constitue « le principal facteur responsable de l’inégalité des chances
scolaires comme de l’inégalité des chances sociales ». Il rejoint donc par-là
Bourdieu et Passeron dans un même pessimisme quant à la capacité de
l’institution scolaire à atténuer les inégalités sociales.
Vers d’autres perspectives théoriques ?
Les connaissances sur l’école qui s’accumulent butent sur de grandes
questions théoriques classiques en sociologie, mais qui exigent d’être
repensées dans le contexte scolaire. La première est celle de l’articulation
entre niveaux. Pour Bourdieu comme pour Boudon (mais de façon
différente, plutôt par l’amont pour le premier et par l’aval pour le
second), les inégalités sociales surplombent l’école, mais ni l’un ni
l’autre ne se sont précisément intéressés à ce qui se passe en son sein.
Pourtant, la question sociologique classique de la « fonction de l’école »
doit être repensée aujourd’hui à la lumière de tous les travaux qui
éclairent la manière dont se fabriquent, au quotidien, les inégalités : par
l’accès des élèves à tel contexte scolaire et à tel public de camarades, par
des interactions entre pairs inégalement stimulantes, par les biais de
notation et les pratiques d’enseignants eux-mêmes situés socialement, par
les stratégies des familles et des établissements, par les effets parfois
pervers des politiques et de l’autonomie des divers acteurs en présence,
etc. Face à tout ce qui se joue dans ces processus variés, il reste
largement à analyser « les relations entre les multiples logiques du
système et les pratiques des acteurs » (Dubet et Martuccelli, 1998). Le
défi, et c’est un défi classique pour la sociologie (cf. Collins, 2009 ;
Lamont et al., 2014), est de cumuler les apports respectifs des approches,
des plus « macro » aux plus « micro », de faire le lien entre les
interactions individuelles et les régularités statistiques qui constituent les
divers niveaux de la réalité scolaire (et sociale), ce qui exige d’explorer
les processus intermédiaires.
Une des voies possibles est l’élaboration de concepts spécifiques. C’était
l’objectif de Bourdieu et Passeron, avec notamment le concept d’habitus qui
est mobilisé dans l’interprétation des pratiques éducatives familiales
socialement différenciées, en dépit des critiques dont il a pu faire l’objet,
notamment en ce qu’il propose une vision excessivement homogène de la
socialisation au sein de chaque groupe social (Lahire, 1995, 2004). C’était
aussi celui de Bernstein (1975) qui avec sa théorie des codes scolaires
postulait qu’il y a, entre les classes sociales et les inégalités de réussite à
l’école, toute une structuration de la famille (relations de pouvoir,
conception des rôles, type de contrôle et de communication…) dont on
perçoit encore la pertinence aujourd’hui6. C’est le cas de la notion
d’« expérience scolaire » des élèves (Dubet et Martuccelli, 1996a),
puisqu’elle est mise en perspective avec la situation sociale des jeunes et les
contraintes qui la marquent, et s’élabore « avec des matériaux « objectifs »
et qui ne lui appartiennent pas » (relations entre cultures familiales et
culture scolaire, par exemple). La notion de stratégie est également
heuristique dans cette perspective, qu’il s’agisse des stratégies multiformes
des parents les plus favorisés pour contourner ou contrer les réformes qui
leur semblent aller contre l’intérêt de leurs enfants ou restreindre leur
propre pouvoir (Kerckhoff et al., 1997 ; Ball, 2003a ; van Zanten, 2009c ;
Barrault-Stella, 2013), ou encore des stratégies des divers groupes
d’influence, notamment les enseignants mais aussi des responsables
administratifs ou politiques, pour influer sur l’orientation des réformes
scolaires ou sur la gestion quotidienne au niveau local (van Zanten, 2004,
2006c). Mais une chose est sûre, la question « qui contrôle l’école » reste
d’actualité, et elle requiert l’intégration de niveaux d’analyse différents.
Les sociologues pourraient également faire un pas de côté, en direction
de leurs collègues de psychologie sociale. Ils pourraient en particulier
s’intéresser au concept de « menace du stéréotype » qui éclaire des
mécanismes œuvrant, à l’école, dans le sens de la reproduction. On sait
aujourd’hui combien les représentations des caractéristiques personnelles
associées à la réussite ou à l’échec imprègnent non seulement les pratiques
et jugements des maîtres mais aussi les attitudes des élèves face à une tâche
scolaire. C’est ainsi que, notamment vu la diffusion de la recherche en
éducation, les élèves de milieu défavorisé (ou dans certaines disciplines les
filles) vont être exposés à des attentes négatives stéréotypées de la part des
enseignants et perdre eux-mêmes confiance dans leur capacité à réussir ; la
crainte de confirmer les stéréotypes négatifs qui les affectent tend alors à les
faire échouer… confirmant ainsi les stéréotypes de départ7. Certains
sociologues nord-américains se sont engagés dans cette voie en passant les
interactions en classe au crible de ces processus de racialisation et de
stigmatisation par lesquels les enseignants catégorisent inconsciemment les
élèves, ces processus constituant le « lien manquant » (« the missing link »)
dans l’explication des inégalités observées au niveau macro (Lamont et al.,
2014).
Dans ces diverses perspectives, le va-et-vient est constant, entre la
subjectivité des acteurs et les cadres objectifs de leur expérience. Et « le
champ de l’école est celui où le plus clairement est en train de s’opérer la
jonction entre l’analyse du « vécu » interactionnel et celle des contraintes
structurales » (Queiroz et Ziolkovski, 1994). Ceci se fait sur une base
empirique, tant il est vrai que la pratique de la recherche amène à articuler
les niveaux d’analyse, et à relativiser parfois les oppositions conceptuelles,
notamment lors de l’interprétation des résultats. Ainsi, l’interprétation des
conduites observées au niveau microsocial requiert une « théorie du social
qui ne peut être purement locale » (Isambert-Jamati, 1990b), sauf à
renoncer de fait à l’idée même de société, qui fondait la sociologie
« classique » (Dubet, 2004a). L’opposition macro/micro n’a alors plus guère
de sens. La notion d’échelle est utile (et à présent opérationalisable avec des
modèles statistiques multiniveaux) pour dépasser ces oppositions et
réfléchir plutôt aux modes d’emboîtement des niveaux du réel, étant
entendu que l’observation d’un même phénomène peut conduire à des
interprétations différentes, suivant la focale adoptée, du poids des
déterminismes et de la marge de liberté des acteurs (Revel, 1996 ; Desjeux,
2004).
Une seconde question concerne l’autonomie du politique. Jusqu’à une
date récente, les sociologues se sont peu intéressés à l’analyse de l’action
spécifique des décideurs, de l’administration et des acteurs locaux, qui, à
leur niveau, définissent les problèmes, interprètent les règles, allouent les
ressources et créent des publics, et ainsi modèlent ce qui sera,
concrètement, la politique mise en œuvre. Cette absence d’intérêt
s’expliquait par la prégnance des paradigmes structuraliste et marxiste, qui
invitaient à révéler les politiques moins à partir des textes officiels que, de
manière plus insidieuse, au travers de l’activité ordinaire des institutions
scolaires. Toute décision prise au nom du bien commun était suspectée de
masquer des intérêts particuliers, et renvoyait donc à une analyse des
rapports de domination (van Zanten, 2005b). Aujourd’hui, il y a là un
espace pour une analyse à strictement parler politique, qui permettrait de
mieux saisir les arrangements et les contradictions internes, ainsi que les
incidences de l’évolution du système éducatif vers des formes plus ouvertes
et plus horizontales de négociation et d’impulsion des actions (Buisson-
Fenet et van Zanten, 2005 ; Sawicki 2012).
L’analyse de l’autonomie relative du champ politique conduit aussi à
revisiter concrètement la question de l’articulation des niveaux. La plupart
des analyses globales du fonctionnement de l’école en France se fondent,
explicitement ou implicitement, sur le postulat d’un État central doté d’une
forte cohérence interne, d’une grande légitimité et d’une importante
capacité d’action. Pourtant, ces caractéristiques doivent être réévaluées à
l’aune de la mondialisation qui suscite l’émergence de normes et de formes
d’action publique dont la production échappe aux acteurs nationaux et du
rôle de nouvelles instances supranationales comme l’Union européenne qui
cadrent beaucoup plus fortement que par le passé les orientations des
politiques nationales, y compris dans le domaine de l’éducation (Ertl,
2006). La publication de grandes enquêtes comparatives sur le plan
international, donnant lieu à la publication de palmarès ainsi qu’à la
formulation de recommandations ne signe pas la fin des débats scientifiques
sur l’interprétation de leurs résultats. C’est d’ailleurs ce qu’on observe
quant à la réception des enquêtes PISA de l’OCDE qui, placées « sous le
regard critique des chercheurs », constituent un outil « utile et pertinent
pour apporter des réponses nouvelles aux questions scolaires » (Félouzis et
Charmillot, 2012, voir aussi Duru-Bellat, 2012).
Les analyses du fonctionnement de l’école en France doivent aussi tenir
compte d’un processus de décentralisation favorisant un foisonnement
d’initiatives locales qui débordent largement le cadre réglementaire actuel
et dont les effets sur des questions cruciales comme l’accroissement ou de
la réduction des inégalités commencent tout juste à être explorés (cf.
chapitre 5). On observe en fait le passage d’une régulation centralisée à des
multirégulations, qui se déclinent de façon diverse selon les contextes
locaux et nationaux (Maroy, 2004). Ces évolutions plaident en faveur de
démarches comparatives intra et internationales qui devraient être au cœur
de l’approche sociologique des questions d’éducation (van Zanten et Ball,
1997 ; Crossley et al., 2006).
Une troisième question est celle de la socialisation qui prend place à
l’école. Dans un contexte scientifique où la conception traditionnelle d’un
individu passivement moulé par la socialisation n’a plus cours (cf. supra),
on insiste sur la pluralité des goûts et des valeurs d’un même individu
suivant les registres et les domaines d’action (Lahire, 2004), et ce quel que
soit le niveau scolaire, qui apparaît moins distinctif avec la montée des
« omnivores » culturels (Coulangeon, 2021). On ne peut donc plus penser
l’école comme une machine à faire inculquer une culture et une seule, des
valeurs et des rôles non problématiques, selon une conception mécanique.
Surtout, c’est la moindre portée normative des institutions qui rend de plus
en plus problématique le modèle éducatif que l’institution scolaire
proposait, à l’instar d’autres institutions, à partir de principes transcendants
auxquels les individus pouvaient adhérer tout en se construisant (Dubet,
2002). Avec à la clé de possibles tensions.
Aujourd’hui, suivant Dubet et Martuccelli (1996a), les élèves ont à se
construire comme sujets dans un système scolaire structuré par plusieurs
logiques d’action, dont la cohérence n’est pas donnée a priori. Le jeune a à
réaliser un travail spécifique sur lui-même, dont résultera « l’expérience
scolaire » de chacun, pour articuler ces logiques qui correspondent aux
grandes fonctions, potentiellement contradictoires, du système :
l’intégration sur la base d’une culture commune, la formation et la sélection
dans un contexte de concurrence pour des places rares, et aussi la
reconnaissance et l’éducation de tous comme individus singuliers. L’élève
est amené à intégrer un certain nombre de valeurs, mais aussi à utiliser le
système en fonction de ses stratégies. Il doit par ailleurs s’y construire
comme sujet authentique, au travers d’expériences qui peuvent être
divergentes (trouver un réel intérêt personnel à une matière inutile
scolairement, par exemple). Cette construction est d’autant plus
problématique que les élèves font face à de jeunes enseignants qui ont
souvent eux-mêmes été confrontés dans leur expérience scolaire à cette
articulation problématique des logiques d’action (Rayou et van Zanten,
2004).
La subjectivité de l’acteur s’élabore donc sur la base de perceptions et
d’interactions éminemment sociales (utilité sociale des filières, logiques de
fraternisation ou d’opposition avec les enseignants par exemple), et dans
des contextes (des classes, des établissements, des académies, sans oublier
l’ombre portée de la socialisation familiale et l’horizon du marché du
travail) qui offrent des possibilités plus ou moins importantes d’accès à des
ressources scolaires, culturelles, sociales et économiques. On conçoit donc
que la construction d’une expérience soit plus ou moins difficile selon
l’origine sociale des élèves, leur lieu de résidence et de scolarisation ou le
type de filière choisie, la hiérarchie sociale s’incarnant dans une hiérarchie
des expériences.
Conclusion
Cette perspective, et aussi nombre des travaux empiriques rassemblés
dans cet ouvrage, démontre l’incapacité de l’institution scolaire à réguler
par des valeurs affichées « d’en haut », et via un système de rôles clairs,
l’ensemble des relations pédagogiques et la socialisation de tous les
élèves. Dans ce cas, on ne saurait parler d’école reproductrice, sauf à
surestimer sensiblement, à nouveau, le rôle de l’école. Mais il n’y a pas
là qu’un problème de régulation normative, en l’occurrence inefficace,
car les recherches montrent aussi les problèmes que pose la transition au
sein de l’administration et des établissements scolaires d’une régulation
organisationnelle fondée sur le poids de la hiérarchie et des règles
bureaucratiques à une régulation fondée sur la coordination horizontale et
sur des procédures.
Toujours est-il que même si la régulation s’y fait de manière plus
incertaine et moins contrôlée a priori par des normes et des règles, l’école
n’en participe pas moins à la reproduction des hiérarchies sociales, au
travers de processus qu’il convient de démêler en faisant éclater des
concepts trop hétéroclites comme celui de capital culturel (Glevarec,
2018) : qu’est-ce qui se joue, dans la reproduction des inégalités sociales
face à l’école, du fait d’inégalités de connaissances pas toujours arbitraires
(ces inégalités restant elles-mêmes à expliquer), ou bien via des
phénomènes subjectifs d’interprétation des situations et des contextes par
les acteurs, élèves, parents ou enseignants, qui renforcent les inégalités
scolaires « objectives » (van Zanten, 2016) ? L’école est (encore)
reproductrice si elle convainc les élèves – et nous avons vu qu’elle le fait,
certes de manière imparfaite (Duru-Bellat et Tenret, 2009) – qu’ils sont
responsables de leur échec et qu’il est juste que leur devenir social découle
de leur niveau scolaire, en d’autres termes si elle parvient à leur faire
intérioriser l’idéologie méritocratique Cette question de l’intériorisation de
la méritocratie illustre parfaitement la nécessité d’articuler les niveaux
d’analyse. Au niveau macro – au niveau des sociétés –, il est établi que les
inégalités sont d’autant mieux supportées qu’elles apparaissent légitimes
c’est-à-dire justifiées par les différences de mérite (Mijs, 2021 ; Dubet et
al., 2010 ; Duru-Bellat, 2019a). D’où le caractère crucial de l‘intériorisation
par les personnes de l’idéologie méritocratique, que Bourdieu et Passeron
avaient mis au cœur de leur théorie, même s’ils parlaient davantage
d’« idéologie du don ». Cinquante ans après, il reste nécessaire, en termes
théoriques – si l’on entend véritablement expliquer la reproduction –,
d’élucider comment cette intériorisation se fabrique dans le quotidien des
classes. Ceci doit passer, au prix de collaborations disciplinaires, par
l’analyse des attentes et des stéréotypes des acteurs (éventuellement
alimentés par les résultats de la sociologie « macro »), et devrait aller
jusqu’à se pencher sur la manière dont les personnes perçoivent et
expliquent les inégalités (Duru-Bellat, 2011 ; Jetten et Peters, 2019), dès
lors que ces éléments subjectifs peuvent avoir une portée auto-réalisatrice et
enclencher des phénomènes objectifs, comme nous l’avons évoqué en
parlant de la menace du stéréotype.
Sous-jacente à tous ces questionnements théoriques, on retrouve la
question de la manière dont l’école participe à la production et à la
reproduction des identités et des destins sociaux et à leur légitimation, soit
l’interrogation fondatrice des théories de la reproduction. Majoritairement,
les recherches sociologiques s’efforcent aujourd’hui d’y répondre sur la
base d’un fondement microsociologique testable, avec à la clef des
avancées empiriques qui devraient nourrir des développements théoriques
autour de cette question qui s’est sans doute complexifiée, à l’instar des
processus de domination eux-mêmes (Dubet, 2000a ; Martuccelli, 2001).
Mais dans le même temps, en France, les analyses quantitatives globales de
la reproduction sont aujourd’hui majoritairement le fait des économistes,
alors que là encore, des collaborations interdisciplinaires seraient sans doute
fécondes. En tout cas, les sociologues ne doivent pas abandonner leur
regard « macro » coutumier, heuristique, comme l’illustrent aujourd’hui les
comparaisons internationales, qui révèlent des différences sensibles entre
pays quant au rôle que l’école joue de fait dans la reproduction sociale. Ces
observations conduisent d’ores et déjà à ne pas considérer comme
universelle et ahistorique cette « fonction » de l’institution scolaire. Dès
lors que les réalités que les théories entendent expliquer évoluent ou
apparaissent sous un jour nouveau, les sociologues ne peuvent se soustraire
à un profond renouvellement de leurs modèles.
Orientation bibliographique
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les voies de mobilité ascendante en France », L’Année sociologique, vol.
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Conclusion

Au terme de cette introduction à la sociologie de l’école, on peut être


globalement séduit par la richesse des travaux ou, au contraire, avant tout
perplexe devant le foisonnement d’approches très variées, tant dans leur
niveau d’analyse que dans leurs objets, depuis une microsociologie de la
classe, jusqu’à une analyse macrosociologique des politiques éducatives.

Diversification des approches


et cumulativité des résultats
Les perspectives des chercheurs ont beaucoup évolué, non sans rapport
avec l’évolution même du système scolaire : c’est ainsi que le souci
d’examiner les processus concrets qui génèrent l’échec ou la réussite, qui
s’affirme à partir des années 1970, n’est pas étranger au fait qu’à cette
époque, la scolarisation s’étend, l’accès au secondaire devient universel et
la massification progresse dans les premiers cycles des universités et que,
du même coup, la sélection sociale prend place au sein même de
l’institution. L’analyse plus poussée de la diversité des contextes de
scolarisation et de ses effets en termes d’inégalités et d’intégration est
directement liée, quant à elle, à l’accroissement de la ségrégation urbaine et
scolaire des différents groupes sociaux, ainsi qu’aux différences plus ou
moins subtiles des modes de fonctionnement entre des classes ou des
établissements formellement identiques engendrées par cette même
évolution. De même, l’intérêt pour les stratégies des acteurs, notamment des
parents, se justifie d’autant plus que ces derniers, notamment les plus dotés
en ressources culturelles et économiques, sont très sensibles à ces
transformations et cherchent à tout prix à en limiter de possibles effets
négatifs sur leurs propres enfants. Enfin, la montée des approches centrées
sur la « face subjective » de la vie scolaire n’est pas elle non plus étrangère
au fait qu’aujourd’hui la quasi-totalité d’une classe d’âge vit sa jeunesse et
doit se construire au sein de l’école, ainsi qu’à l’ouverture de celle-ci à de
nouveaux publics, même si elle relève aussi d’un approfondissement de la
réflexion des sociologues sur les fonctions du système d’enseignement,
notamment sur ses capacités effectives d’intégration des individus et de
légitimation des inégalités.
La diversification des approches – leur éparpillement diront certains –
n’a cependant pas empêché une certaine cumulativité des résultats, et le
bilan, en termes de connaissances, n’est pas négligeable. Tout d’abord, il est
clair que les inégalités sociales de carrière scolaire restent importantes.
Elles ne constituent pas pour autant une loi d’airain et les recherches
instruisent les processus sociaux qui les fabriquent. Elles reflètent pour une
part des différences de réussite précoces et cumulatives, résultant des
modalités concrètes et diversifiées de confrontation entre les cultures
familiales et scolaires (Duru-Bellat, 2002 ; Cayouette-Remblière, 2016).
Elles résultent également du jeu des choix d’options, d’orientation, ou
d’établissement, sous-tendus par des stratégies familiales (van Zanten,
2016). Ces stratégies sont orientées par une rationalité instrumentale dans
une société où le diplôme constitue un enjeu pour accéder aux diverses
positions sociales, mais aussi par une rationalité expressive (la recherche du
bien-être et du bonheur de l’enfant) et, pour une fraction de familles tout au
moins, axiologique (la conciliation des intérêts privés et des valeurs
d’égalité et d’intégration) (Ball, 2003a ; van Zanten, 2009c). De leur côté,
les élèves développent des stratégies individuelles variées, depuis la
« résistance » à l’école jusqu’à la gestion utilitariste d’une scolarité dont
l’objectif essentiel devient celui de se classer, plus que de se former. Ces
derniers sont cependant très diversement intégrés à l’institution, l’auto-
exclusion, la volonté de participation ou le détachement critique venant
redoubler les inégalités des performances et des carrières.
La volonté de proposer une lecture compréhensive des réalités éducatives
nous a également conduites à présenter les résultats de travaux qui
s’intéressent à la diversité de l’offre de formation et aux dynamiques
éducatives locales. Non seulement les scolarités sont affectées par le
contexte où elles se déroulent, mais l’école apporte sa propre contribution
aux processus ségrégatifs par des voies variées : pratiques pédagogiques et
interactions maîtres/élèves dans les classes, mode de constitution des
classes et choix d’orientation dans les établissements, gestion des flux des
élèves et de l’offre de formation aux différents échelons locaux… Enfin,
l’action politique intervient à tous les niveaux depuis celui de l’État central,
aujourd’hui plus dépendant que par le passé d’orientations supranationales
qui limitent son autonomie, jusqu’au niveau local où l’intervention d’autres
acteurs, notamment des collectivités territoriales, rend la coordination de
l’action éducative plus complexe. Or les recherches montrent que les
décisions, explicites ou implicites, que prennent ces instances lors de
grandes réformes ou dans leur fonctionnement quotidien et, surtout, les
modalités concrètes de leur mise en œuvre ont des effets importants, parfois
inattendus, en matière d’égalité et d’intégration (Prost, 1993 ; van Zanten,
2014).
On est donc en présence de travaux qui soit, à un niveau
microsociologique, éclairent les processus qui font vivre l’école au
quotidien, soit, à un niveau macrosociologique, démontrent que le jeu des
acteurs débouche sur des régularités stables, en particulier la persistance
d’inégalités, mais aussi sur de réels changements. La question sociologique
classique de la fonction de l’école et les thèses mettant l’accent sur les
logiques de reproduction de l’ordre social doivent donc être repensées
aujourd’hui à la lumière de tous les travaux qui montrent les capacités
d’action et les marges de manœuvre qui existent en son sein tant au niveau
de l’activité pédagogique elle-même que de son organisation par les
responsables politiques et administratifs locaux et nationaux. Pourtant, à un
niveau plus général et alors qu’on peut noter une certaine désaffection
envers les constructions théoriques, la question reste ouverte de savoir
comment cumuler les apports respectifs des approches « macro » et
« micro » : parvient-on à expliquer les inégalités sociales face à l’école en
mettant bout à bout ce qu’on sait des pratiques familiales, des interactions
dans la classe, du fonctionnement des établissements, des modes
d’élaboration et de mise en œuvre des politiques ? En d’autres termes,
quelles articulations causales existent entre ces différents niveaux ?
Personne ne soutient plus – c’est une des évolutions contemporaines les
plus marquantes sur le plan théorique – que le niveau « micro » constitue le
simple reflet des forces à l’œuvre au niveau « macro », mais ce qu’il faut
alors explorer ce sont les liens qui unissent les idées, les interactions, les
routines et les institutions locales et les changements à grande échelle à
l’œuvre dans la structure sociale (Collins, 1981 ; Knorr-Cetina et Ciccourel,
1981).

La sociologie de l’école,
une ressource pour l’action
pédagogique et politique
Si un certain éclectisme est aussi heuristique qu’inévitable pour les
chercheurs, ceci vaut également pour les acteurs, notamment les
enseignants, qui souhaitent s’en approprier les résultats. Faute de quoi, le
découragement de ceux qui s’en tiendraient aux approches « macro » (qui
ne leur laissent aucune place) n’aurait d’égal que l’enthousiasme mêlé
d’angoisse de ceux qui s’en tiendraient aux approches « micro » (qui leur en
donnent trop)… Un des apports des recherches qui tentent de faire le pont
entre ces deux échelles d’observation est de montrer que les interactions
quotidiennes qui prennent place au niveau local ne constituent pas
uniquement des problèmes privés, mais débouchent sur des
fonctionnements systématiques, avec à la clé, parfois, de véritables
problèmes sociaux. Cette perspective, qui invite à situer les pratiques
pédagogiques dans un contexte plus large, est indispensable, mais difficile à
faire partager par les professionnels de l’éducation si on ne l’inscrit pas
dans des dispositifs de formation et d’accompagnement de leur activité.
Car, si les acteurs donnent toujours un sens à leur univers immédiat, « avec
des points de vue, des intérêts et des principes de vision déterminés par la
position qu’ils occupent dans les mondes mêmes qu’ils visent à transformer
ou à conserver » (Bourdieu, 1989), la segmentation actuelle des contextes
de travail conduit les enseignants, les chefs d’établissement et même les
responsables administratifs à refuser toute forme de généralisation. Une
utilisation éclairée des résultats de la recherche passe donc par une mise en
relation constante des analyses centrées sur les processus locaux, qui
approchent au plus près les perspectives des acteurs, et de celles qui
s’intéressent aux cadres généraux dans lesquels s’inscrivent ces processus.
Le fossé n’est-il pas plus profond, entre l’univers des chercheurs et celui
des politiques, et plus largement de tous ceux qui participent aux débats sur
l’école ? Pour des raisons qui renvoient aux rapports historiques de
l’université avec l’État et aux modes d’emprise de ce dernier sur la société
civile, on constate un divorce plus important en France entre les savoirs
scientifiques et les savoirs de gouvernement que dans d’autres contextes
nationaux. Pourtant, des relations sont manifestes, qui sont d’ailleurs à
double sens. D’une part, la sociologie de l’école n’échappe pas au contexte
idéologique ambiant : ainsi, la montée des approches valorisant le rôle des
acteurs locaux n’est pas sans lien avec un scepticisme grandissant quant à la
portée des réformes étatiques. D’autre part, et surtout, les résultats de la
sociologie se sont largement diffusés dans l’univers intellectuel et politique.
À l’heure actuelle, on ne confond plus égalité d’accès et égalité de résultats,
et la notion de discrimination positive a fait son chemin, d’abord dans le
cadre d’une approche territoriale (la politique de zones d’éducation
prioritaires), puis, plus récemment, d’approches ciblant des individus
(Rochex, 2010 ; van Zanten, 2009a, 2010). Mais si, comme le pose la
notion d’équité, l’égalité ne se conçoit plus qu’en fonction de la situation de
chacun, ne faut-il pas accepter une pluralité des finalités et des pratiques
éducatives ? En particulier, est-il bien légitime d’imposer les mêmes
contenus à tous les élèves ? Interrogation d’autant plus prégnante que, dans
un contexte où la notion même de valeurs universelles est quelque peu
ébranlée, la dénonciation du caractère socialement biaisé de la culture
scolaire, propagée notamment par Bourdieu et Passeron dans les années
1970, a sans doute conforté une tendance au relativisme. Le risque était
alors, pour certains, de minimiser le rôle des savoirs et de pervertir le
fonctionnement de l’école en tant qu’institution culturelle (Raynaud et
Thibaud, 1990), en même temps que d’euphémiser toutes les différences
entre élèves.
Aujourd’hui, les débats ont évolué et ce sont des interrogations
philosophiques et politiques qui occupent le devant de la scène : comment
concilier le « respect des différences », dans une société dite
« multiculturelle », et le principe de l’égalité foncière de tous les élèves,
ainsi que le maintien d’une certaine intégration sociale et culturelle (Taylor,
1997 ; Martucelli, 1996 ; Fraser, 2005) ? N’assiste-t-on pas à un
affaiblissement de l’institution scolaire, avec l’accroissement de la pression
des usagers, notamment des parents des classes moyennes et supérieures
(Brown, 1990 ; Lareau et McCrory Calarco, 2012 ; McCrory Calarco,
2019) ? Quels sont alors les enjeux de cette culture commune qu’une école
qui serait encore une institution aurait pour fonction de transmettre (Dubet
et Duru-Bellat, 2020) ? Si, comme Bourdieu et Passeron le montraient dès
1970, l’égalité formelle entre tous les élèves entérine de fait les inégalités
réelles, on sait aujourd’hui que les différenciations pédagogiques censées
s’adapter aux caractéristiques du public sont en général assorties d’effets
pervers, accentuant au total les inégalités qu’on entendait estomper. Et la
question reste ouverte, de la capacité du local à fabriquer de l’égalité et de
l’intégration alors que se renforcent les écarts entre centre et périphérie
(Derouet, 1992 ; van Zanten, 2001a).
Tous ces thèmes participent à l’évidence d’un débat politique et social,
sur lequel les analyses des chercheurs ont incontestablement pesé. À ce titre,
le sociologue est volontiers interpellé, même si l’on a tendance à le
considérer davantage comme un intellectuel, dont on attend des thèses
générales, que comme quelqu’un qui peut apporter des réponses concrètes à
des questions précises (van Zanten, 2008b). Pourtant, dans le domaine de
l’éducation, « l’un de ceux où la distanciation critique des acteurs à l’égard
des effets non voulus de leur pratique a le moins pénétré »… et où
« l’adéquation transparente du résultat au projet est supposée plus
qu’ailleurs aller de soi » (Gauchet, 1985), un apport des plus précieux du
sociologue est ce regard distancié, cherchant à élucider les mécanismes qui
produisent la situation présente, et à évaluer objectivement les effets parfois
pervers des politiques et des innovations les plus généreuses ; il est alors
bien plus qu’un expert. De manière plus diffuse, au-delà de la fabrication de
résultats empiriques, la sociologie produit, et c’est aussi important, des
représentations des problèmes, et par là même un cadre au sein duquel
penser leur mode de résolution (Duran, 2010 ; Dubet et Duru-Bellat, 2015).
C’est ainsi qu’aujourd’hui, alors même que le thème récurrent de la crise de
l’école enfle et trouve, chez les sociologues, de multiples échos dans leurs
analyses, et tandis que les acteurs s’épuisent à mettre en œuvre de multiples
« adaptations », dont les chercheurs démontrent souvent la faible efficacité,
la sociologie a peut-être un rôle plus fort à jouer.
Plutôt que de rester sur le versant des solutions permettant à l’école de
fonctionner « comme avant » dans un contexte complètement transformé, il
est sans doute nécessaire de prendre acte de l’épuisement d’un modèle
séculaire et d’une mutation profonde de l’institution scolaire. Aujourd’hui,
la question de la socialisation des jeunes générations dans une société où il
est normal de débattre, d’affirmer sa singularité, de contester les rôles dictés
par les institutions est à repenser entièrement (Dubet, 2003 ; Dubet, 2022).
Dans toutes ces évolutions et dans toute la dynamique de la modernité,
l’école a joué un rôle ; on peut l’admettre et considérer qu’elle est à maints
égards victime de son succès ; on peut aussi espérer qu’une réflexion
sociologique capable de situer cette « crise » dans son contexte plus global
constitue une ressource pour élaborer une représentation nouvelle de
l’école, d’une école à même de maîtriser les changements du monde plutôt
que de les subir.
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Index

Acteur (Voir aussi rationalité, stratégie) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,


10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Aspirations 1, 2, 3
Associations de parents 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Attente (Effet d) 1, 2, 3, 4
Autonomie
des établissements 1, 2, 3, 4, 5, 6
des politiques 1
Bien être des élèves 1, 2, 3, 4
Capital
culturel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
humain 1, 2
social 1, 2, 3
Chefs d établissement 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22
Choix d orientation 1, 2, 3
Classe
interactions dans la 1, 2
taille de la 1, 2, 3, 4, 5
Comparaisons internationales 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Correspondance (Théorie de la) 1, 2, 3, 4, 5
Culture juvénile 1, 2
Curriculum
caché 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
éloboration du (transposition didactique) 1
formel 1, 2, 3, 4, 5
réel 1, 2, 3, 4
Décentralisation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Démocratisation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28
Dévaluation des diplômes 1, 2
Déviance 1, 2, 3
Discrimination positive 1
Don (idéologie du) 1, 2
Éducation prioritaire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32
Effets pervers 1, 2
Égalité des chances Voir Méritocratie 1, 2
Enseignement
privé 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
supérieur 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16
technique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Établissement (choix de) 1, 2
Établissement (effet de) 1, 2
Ethnométhodologie 1
Étrangers élèves 1, 2, 3
Évaluation
des élèves 1, 2, 3, 4
des établissements 1, 2, 3, 4
des politiques 1
Évaluation des enseignants 1, 2, 3, 4
Expérience scolaire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Famille 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35,
36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52,
53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69,
70, 71
Fonctionnalisme 1, 2
Habitus 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17
Handicaps socioculturels 1
Individualisme méthodologique 1, 2, 3
Insertion professionnelle 1, 2, 3, 4, 5, 6
Intégration (voir aussi socialisation) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27,
28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42
Laïcité 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Légitimation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Marché du travail 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Méritocratie 1, 2, 3, 4, 5
Métier d élève 1, 2
Mixité sociale 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Mobilité sociale 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Multiculturalisme 1
Orientation scolaire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45
Pédagogie (modèles) 1
Périscolaire 1, 2, 3, 4, 5
Politique éducative 1, 2, 3, 4
Programmes (Voir aussi curriculum formel) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,
9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22
Qualification 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Rapport au savoir 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Rationalité (de l acteur) 1, 2, 3, 4
Réseaux sociaux 1, 2, 3, 4
Résistance des élèves (à l école) 1
Ségrégation
ethnique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
scolaire 1, 2, 3, 4, 5, 6
sociale 1, 2, 3, 4, 5, 6
Socialisation (voir aussi intégration)
familiale 1, 2
scolaire 1, 2, 3, 4, 5, 6
Stratégies
de reconversion 1
de reproduction 1
des élèves 1, 2
des familles 1, 2
Violence 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
1. La psychologie sociale adopte souvent une perspective relativement similaire ; cf. par exemple
S. Goudeau, Comment l’école reproduit-elle les inégalités ?, PUG, 2020.
2. Pour une présentation critique de ces enquêtes, voir par exemple les numéros thématiques de la
Revue française de pédagogie qui leur sont consacrés (no 157, 2006 et no 164, 2008 ; voir aussi
Duru-Bellat, 2012 ; Felouzis et Charmillon, 2012).
1. D’où une bibliographie très importante. Nous tenons à remercier Bertille Theurel,
documentaliste à l’IREDU, qui a soigneusement vérifié et mise en forme cette bibliographie qui
n’en est que plus précieuse.
1. Au niveau du secondaire, le panel achevé le plus récent porte sur les élèves entrés en 6° en
2007, suivis jusqu’à l’année scolaire 2015-2016 ; un nouveau panel est en cours sur les élèves
entrés au CP en 2011, élèves qui atteindront (s’ils ne redoublent pas) le niveau de la classe
Terminale en 2023.
2. Une différence d’un écart-type signifie qu’environ 85 % des enfants d’ouvriers ont un niveau
inférieur à la moyenne des enfants de cadres, alors que si les deux groupes étaient de niveau égal,
il s’agirait seulement de 50 % d’entre eux. Néanmoins, le recouvrement entre les deux courbes est
important, et la majorité des membres d’un groupe ont donc des scores comparables à ceux de
l’autre groupe.
3. Les « Notes d’information » – notées NI – sont des publications régulières du ministère de
l’Éducation nationale consultables sur le site www.education.gouv.fr/stateval/ni/ni.htm (dans leur
numérotation, le premier chiffre indique l’année de parution). La publication annuelle du Ministère
« L’état de l’école », également téléchargeable, fournit les chiffres les plus récents et renvoie aux
principales enquêtes statistiques disponibles, de même que celle, encore plus complète et
également annuelle, « Repères et références statistiques ».
4. Cette question fait néanmoins l’objet de débats ; cf. le site du CNESCO (« Impacts du
redoublement », 2017) ; cf. aussi Merle, 2019.
5. Nous ne traiterons pas ici des élèves « en situation de handicap », de plus en plus nombreux à
être accueillis en milieu scolaire ordinaire, notamment depuis 2006, les éclairages sociologiques
sur cette population étant très rares ; on se reportera au dernier numéro de « L’état de l’école » qui
renvoie à certaines études statistiques du Ministère.
6. Sur la spécificité des scolarités des enfants d’enseignants, cf. Farges, 2018 ; Lasne, 2018, et
chapitre 8.
7. Pour une analyse plus complète des inégalités entre les sexes à l’école, cf. le document sur ce
thème téléchargeable, régulièrement publié par le ministère de l’Éducation nationale : « Filles et
garçons sur le chemin de l’égalité ». Pour 2020, cf. http://www.education.gouv.fr/cid4006/egalite-
des-filles-et-des-garcons.html. Voir aussi le numéro spécial de la revue L’orientation scolaire et
professionnelle consacré à l’orientation (2019, no 4).
8. Pour une présentation et une critique sociologique de ce dispositif, cf. le numéro « Sélection
dans l’enseignement supérieur et sens de la justice », L’Année sociologique, 2020, no 2 ; voir aussi
INSEE, « D’admission post-bac à Parcoursup », France Portrait social, 2021.
9. Toutes les données du PISA sont accessibles sur le site de l’OCDE (OECD, PISA 2018,
Database).
1. Pour les chiffres sur le chômage des jeunes, voir notamment le site de l’INSEE ou du Céreq.
Mais ces chiffres varient sensiblement selon que l’on isole les 15-24 ans ou les 15-29 ans, ou que
l’on ventile les jeunes non pas par âge mais selon l’ancienneté de leur entrée sur le marché du
travail (sortis de l’école depuis moins de 4 ans, 5-9 ans, par exemple). De plus, ces chiffres ne
portent que sur les jeunes actifs ; si on prend en compte l’ensemble d’une classe d’âge, dont une
part est scolarisée, le taux de chômage est bien moins important.
2. Voir Céreq BREF, no 319, 2014 ; no 382, 2019.
3. Voir Céreq BREF, no 356, 2016 ; Céreq BREF, no 382, 2019 ; Couppié et al., 2018.
4. Pour une synthèse internationale des différents facteurs qui favorisent ainsi l’insertion et la
mobilité sociale, cf. OCDE, 2019.
5. Pour une analyse plus approfondie, on se reportera à Thélot, 1982 (éd. 2004) ; Goux et Maurin,
1997 ; Vallet, 1999, 2001b et 2017 ; Dupays, 2006 ; Bernardi et Ballarino, 2016 ; France Stratégie,
2018 ; INSEE, 2019.
6. En 2020, sur 100 actifs, on compte en outre 26 % de « professions intermédiaires », 25,8 %
d’employés et 19,2 % d’ouvriers (le total employés + ouvriers est donc de 45 %, chiffre proche de
70 % chez les moins de 25 ans). C’est cette structure professionnelle qui dresse le cadre de
l’insertion.
7. Sur ces débats entre économistes, cf. Gurgand, 2005 ; Paul, 2006 ; Maurin, 2007 ; Plassard,
2015. Pour une synthèse, cf. Duru-Bellat, 2009b. Voir aussi Couppié et al., 2018.
8. Une discussion de la méritocratie comme l’« idéologie pratique » des groupes les plus
diplômés, suite aux analyses de Collins (1979), est présentée in Duru-Bellat, 2002 et 2019.
1. Pour une analyse des effets généraux de l’assouplissement de la carte scolaire, voir aussi. van
Zanten et Obin, 2010 ; Fack et Grenet, 2010 ; Merle, 2012 ; Thaurel-Richard et al., 2013a ; Givord
et al., 2016 ; cf. aussi Oberti et al., 2012 et Merle, 2010 pour la région parisienne ; cf. également
les chapitres 1 et 4.
2. D’autres sources, en particulier les enquêtes comparatives PISA, montrent plutôt un léger
accroissement de la ségrégation sociale dans les établissements français, ce qui pourrait être un des
facteurs expliquant l’évolution à la hausse des inégalités de performance entre les élèves
(Le Mener et al., 2017).
3. Les enquêtes conduites par les associations sont souvent moins optimistes que celles du
Ministère. Voir par exemple les enquêtes de l’AFEV, notamment « Baromètre du rapport à l’école
des enfants de quartiers populaires », mai/juin 2021.
4. C’est cette « valeur ajoutée » spécifiquement par tel ou tel lycée que visent à évaluer les
indicateurs IVAL mis en place par le Ministère (Evain et Evrard, 2017 ; Givord et Suarez Castillo,
2021 ; cf. chap. 1).
5. Elles restent particulièrement rares : elles exigent un dispositif empirique très important et ne
peuvent disposer de cette base statistique exceptionnelle que sont les panels du Ministère, car les
échantillons y sont constitués sur une base individuelle et non par établissement.
6. La littérature nord-américaine sur les effets du degré de mixité sociale est très abondante ; cf.
van de Werforst et Mijs, 2010 ; cf. aussi le rapport du CNESCO : « La mixité sociale à l’école »,
publié en 2015.
7. C’est le cas de l’expérimentation ses classes de CP à 12 élèves mise en place à la rentrée 2017,
dans les zones les plus défavorisées ; les effets sont positifs mais modérés sur les performances,
plus positifs sur le climat de la classe et les relations maître/élèves (Andrev et al., 2021).
8. Sur les inégalités entre académies, voir les éditions successives de Géographie de l’École
(ministère de l’Éducation nationale) ; la dernière date de 2021.
1. Sur la genèse des réformes, cf. chapitre 1, et Isambert-Jamati, 1990a, Chobaux et Segré, 1981,
Demailly, 1991, Fourcade, Ourliac et Ourtau, 1992, Baluteau, 1999, Mangez, 2008, Harlé, 2010.
Pour une approche approfondie de l’histoire des disciplines et de leurs transformations
asynchrones voir Kahn et Michel, 2016.
2. Par exemple, pour la « maîtrise de la langue française », les élèves devront connaître le
vocabulaire pour désigner des objets réels, des sensations, des émotions, des opérations de l’esprit,
des abstractions mais aussi le sens propre et le sens figuré, le niveau de langue auquel un mot
donné appartient…
3. En France, Vincent (1980 et 1994) utilise le concept de forme scolaire, un peu plus large
puisqu’il inclut la manière dont sont organisés l’espace et le temps scolaires (cf. aussi Demailly,
1991).
4. Cette évolution se perçoit également dans les supports pédagogiques (sur ce sujet, et plus
largement sur la manière dont les manuels, fiches, préparations de cours, etc., participent aux
inégalités scolaires cf. Bonnery (dir.) (2015a).
5. Association Générale des Institutrices et Instituteurs des Écoles et classes maternelles
publiques.
6. Elle pourrait examiner par exemple ce que les pédagogies à l’œuvre favorisent (ou pas) comme
activité cognitive, et en quoi cela peut être vecteur d’inégalités sociales de réussite entre élèves (ce
que fait, au niveau de l’école maternelle, l’ouvrage dirigé par Bautier, 2006 ; cf. aussi Joigneaux,
2009 ou encore Garcia et Oller, 2015).
7. Une synthèse de la recherche américaine est présentée par Nye, Konstantopoulos et Hedges
(2004).
8. La question du caractère durable de cet « effet maître » reste plus controversée ; certaines
recherches montrent que sur une période deux ans, cet effet ne laisse plus de traces visibles sur les
acquis des élèves (Bressoux et Bianco, 2004) ; pour une synthèse concluant plutôt à la cumulativité
des effets maîtres (cf. Konstantopoulos, 2007).
9. Dans une perspective voisine, la psychologie sociale analyse comment les performances des
élèves sont fortement affectées par la comparaison avec les autres, que le maître suscite plus ou
moins, par la manière dont il organise le contexte de l’apprentissage (cf. Monteil et Huguet, 2002).
10. Il y a de nombreux travaux en psychologie sociale qui s’efforcent d’évaluer l’effet des
pratiques pédagogiques sur la réussite ou l’image de soi des élèves (Goudeau, 2020).
11. De plus, la moindre prégnance des savoirs disciplinaires, dont la définition relevait des
spécialistes, a aussi comme contrepartie une influence plus forte des politiques dans la définition
des contenus (Raulin, 2006).
12. Le redoublement pourrait s’avérer bénéfique s’il intervient tardivement, au niveau du lycée
(Caille, 2004 ; Cayouette-Remblière et Saint Pol, 2013).
13. Cette problématique se retrouve au niveau international, où les évaluations du niveau des
élèves (enquête PISA notamment), largement diffusées, sont mobilisées pour juger de la qualité
des systèmes éducatifs (pour une critique, cf. Goldstein, 2008). Ceci peut évidemment avoir des
retombées sur les contenus de formation eux-mêmes, dans le sens d’une uniformisation.
1. Les enseignants-chercheurs, maîtres de conférences et professeurs des universités, dont les
caractéristiques socio-démographiques et professionnelles sont assez distinctes de celles des
enseignants des écoles, collèges et lycées – voir par exemple Chenu et Martin, 2016 ou Marry et
Jonas, 2005 –, ne sont pas étudiés dans ce chapitre.
2. Pour une approche sociohistorique de ces écarts dans le cas de deux institutrices des années
1960, voir Détrez et Bastide (2020).
3. Voir les séries chronologiques de données sur le système éducatif
(https://www.education.gouv.fr/series-chronologiques-de-donnees-statistiques-sur-le-systeme-
educatif-12530), complétées par les chiffres du Bilan social (DEPP, 2021).
4. Les enseignants non titulaires sont le plus sont en contrats à durée déterminée (CDD), 28 %,
contre 22 % de contrat à durée indéterminée (CDI). Les non-titulaires peuvent être employés à
temps complet (72 %) ou incomplet (27 %), c’est-à-dire un service prévu par l’administration
d’une durée inférieure à l’obligation réglementaire de service, le temps incomplet étant plus
fréquent pour les femmes que pour les hommes.
5. Là aussi, voir les séries chronologiques proposées par la DEPP (cf. note ci-dessus).
6. Les ESPE ont été remplacées par les INSPE en 2019 (Institut National Supérieur du Professorat
et de l’Éducation).
7. http://chaire-unesco-formation.ens-lyon.fr
8. Notons que se développent des recherches sur les « gestes professionnels » des enseignants,
expression dont le sens ne va pas de soi et attire de plus en plus l’attention des sociologues (cf. par
exemple la journée d’études de la chaire UNESCO organisée en 2016).
9. Pour des études approfondies sur les personnels non enseignants, encore peu étudiés
comparativement aux enseignants, nous renvoyons au dossier consacré à « L’autre travail
éducatif » de La Nouvelle Revue du Travail (no 20, 2022). L’ouvrage collectif Travailler dans une
école (Durler et Losego, 2019) propose également des analyses sur les personnels non enseignants,
par exemple sur les infirmières scolaires (Longchamp, 2019), les concierges d’école (Goastellec et
al, 2019), ou les intervenants (Allenbach, 2019).
10. Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.
11. Au niveau primaire, les enseignants forment un groupe professionnel plus féminisé, mais aussi
plus diplômé, mieux payé, plus stabilisé du point de vue de l’emploi et issu de milieux sociaux
moins populaires que les animateurs ou les agents de service des établissements scolaires (Lebon
et Simonet, 2017).
1. Voir le numéro spécial de la Revue française de pédagogie sur ce sujet, vol. 189, 2014.
2. En 2021, l’Observatoire du Bien-être du Cepremap a ainsi publié plusieurs notes sur le bien-
être des élèves.
1. C’est dans ce contexte des années soixante, que se développent les théories économiques du
« capital humain », qui considèrent l’éducation comme un investissement rentable aussi bien pour
l’individu que pour la collectivité (cf. chapitre 3).
2. Voir par exemple l’ensemble de « notes critiques » parues dans la Revue française de
sociologie, 1972, vol. 13, no 3. Plus récemment, voir Bouveresse et Roche (dir.), 2004 ; Heinich,
2007. À l’étranger, voir Sallaz et Zavisca (2007) sur la réception de ces thèses aux États-Unis, et
pour ce qui est du Royaume-Uni, voir Sullivan, 2002 ; Savage et Bennett, 2005.
3. Pour des exemples concrets, cf. chapitre 9 (résistance des élèves), et chapitre 4 (résistance des
communautés locales à l’imposition d’une culture nationale).
4. Pour des auteurs critiques comme J. C. Alexander (2000a), l’habitus est un « cheval de Troie au
profit du déterminisme » et la « théorie de la pratique » ; en d’autres termes, la capacité des acteurs
à jouer avec les règles et à manifester une certaine autonomie, n’est rien d’autre qu’une théorie de
la détermination de la pratique (sur ce point, cf. aussi Déchaux, 2002 ; Sullivan, 2002). Pour un
point de vue opposé, défendant au contraire la portée de cette théorie en matière de changement,
cf. Mills, 2008 (voir aussi van Zanten, 2005b).
5. On trouvera dans l’édition de poche de L’Inégalité des chances (Colin, Pluriel, 1979) les
principaux commentaires qui ont suivi la parution de l’ouvrage en 1973. Une discussion de
l’individualisme méthodologique est proposée dans Van Haecht, 1998, et, plus largement, du
modèle de l’acteur rationnel dans Déchaux, 2002.
6. Cf. le numéro spécial du British Journal of Sociology of Education consacré à Bernstein (vol.
23, no 4, 2002) et Frandji et Vitale, 2008. Un panorama des critiques adressées à Bernstein est
proposé par Collins (2009).
7. Cette « menace du stéréotype » est largement explorée en psychologie sociale depuis les années
1990, tant sur le plan théorique et empirique aux États-Unis (Steele, 1997) que sur le plan
empirique en France (Croizet et Clair, 1998).

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