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UE 1 : INEGALITES SCOLAIRES ET POLITIQUES D’ORIENTATION

ECUE 2 : POLITIQUE EDUCATIVE ET ORIENTATION SCOLAIRE ET


PROFESSIONNELLE (CM) : Professeur INANAN

Introduction

La plupart des pays mettent en place des politiques visant à réduire les inégalités
sociales face à l’école. L’orientation scolaire intervient dans le tracé de ces
inégalités. Selon Prost (1985), la réussite sociale est directement liée à la réussite
scolaire.

1- POLITIQUE EDUCATIVE

L’expression politique éducative est souvent utilisée pour faire référence à un


certain nombre de choix fondamentaux qui guident l’éducation. Le cadre
d’action défini par la politique éducative peut avoir une portée très générale
lorsqu’il concerne un pays tout entier. Certains aspects de ce cadre sont
permanents et assurent une continuité au sein du système éducatif ; d’autres
pourront évoluer selon les conditions sociales, économiques et politiques du
moment.

La politique éducative est étroitement ancrée dans les valeurs qui caractérisent
une nation. Parmi ces valeurs, certaines ont un caractère universel, d’autres ont
une portée plus locale et reflètent les spécificités d’une culture ou d’un mode de
vie qui peuvent évoluer avec le temps. Certains choix en matière de politique
éducative seront directement liés aux valeurs qu’on choisira de privilégier.

Une politique éducative est une orientation rationnelle et cohérente donnée à


l’ensemble des pratiques et fins d’éducation d’un pays ou d’une communauté
d’Etats. C’est l’expression d’une volonté politique consciente de conception et
de mise en œuvre du système national. A ce titre, elle est initiée, coordonnée et
placée sous la responsabilité d’un gouvernement, d’un ministère ou de
l’ensemble de ministres chargés de l’éducation. Elle relève donc du politique et
des rapports de force entre les différents partenaires de l’éducation :

- L’Etat
- Les syndicats d’enseignants ou d’étudiants
- Les partis politiques
- Les parents d’élèves
- La communauté internationale (UNESCO, UNICEF, …)

Les politiques éducatives sont des programmes d’action émanant d’une autorité
publique, informée par des valeurs et des idées s’adressant à des publics
scolaires et mis en œuvre par l’administration et les professionnels de
l’éducation. La politique éducative est avant tout un champ d’action et doit :

- Faire des choix entre plusieurs possibles,


- Prendre des décisions et prévoir les conséquences économiques, sociales
et financières de ces dernières,
- Prévoir les mesures d’accompagnement relatives aux conséquences
négatives,
- Rechercher des ressources éducatives nécessaires à la mise en œuvre des
politiques d’éducation (ressources humaines, financières, didactiques et
infrastructurelles).

En Côte d’Ivoire, la vision du MENA pour le système éducatif est celle selon
laquelle les citoyens doivent être « capables de contribuer au développement
socio-économique de leurs communautés et de la société ivoirienne, de
promouvoir la cohésion sociale et d’assurer sa capacité de compétitivité et
d’innovation pédagogique ».

C’est dans ce sens que le MENA dans la mise en œuvre de la politique éducative
a retenu les points suivants :

a- Œuvrer pour le changement de mentalité et de comportement,


b- Adapter les finalités de l’école aux mutations, aux engagements et aux
ambitions de la CI,
c- Reformer le 1ercycle de l’enseignement secondaire,
d- Instaurer et consolider les mécanismes de la mise en œuvre de l’éducation
nationale,
e- Renforcer la mise en œuvre de la politique et de la stratégie de
l’enseignement scolaire,
f- Consolider les mécanismes de la scolarisation de la fille,
g- Promouvoir et généraliser la politique de la petite enfance,
h- Elargir et appliquer les dispositions contenues dans le référentiel des
métiers à tous les acteurs du système éducatif,
i- Améliorer la disponibilité des enseignants à travers la régionalisation du
recrutement et une gestion plus rationnelle par l’académisation de
l’administration scolaire,
j- Revaloriser et rendre attractif le métier d’enseignant,
k- Promouvoir l’enseignement des sciences, de la technologie et de
l’innovation.
l- Aligner les pratiques de pilotage et les politiques d’évaluation du système
(élèves, enseignants, établissements) pour en améliorer le rendement.

2- ORIENTATION

Le système éducatif ivoirien se caractérise par un manque d’équité. La relation


entre performance et milieu socio-économique s’avère intense.

Mis à jour par Pierre Bourdieu et Jean Claude Passeron dans les années 1960, le
phénomène de la reproduction sociale ne cesse de s’affirmer comme des
injustices majeures de notre société. L’inertie qui tend à enchainer les enfants au
statut social de leurs parents existe encore. Mais une autre cause de la
reproduction sociale pourrait également se surajouter aux inerties de notre
système scolaire : les enfants pourraient former les aspirations influencées par
leur milieu social.

Bourdieu décrivait ce phénomène comme l’intériorisation par les classes


populaires du destin objectivement assigné (1964). L’intériorisation provoque
une différentiation sociale des aspirations c’est-à-dire du moi que les individus
souhaitent devenir dans le futur et jugement atteignable (Locke, Latham, 2002).

Le terme aspiration entendu dans le strict cadre de l’éducation désignera les


préférences des élèves en termes d’orientation scolaire et d’études supérieures.
Le terme « orientation » recouvre deux activités que la langue anglaise
distingue :

- Le processus qui repartit les élèves dans différentes voies de formation,


filières et options (Student Distribution) ;
- L’aide aux individus dans le choix de leur avenir scolaire et professionnel
(Vocationnel guidance, School and Cancer Counseling).

Dans le secondaire, les échéances se situent à la fin de la classe de 3eme. En fin


de 3e, il s’agit d’une part de choisir entre la voie générale et technologique et la
voie professionnelle d’autre part, les diplômes de la voie professionnelle
pouvant eux-mêmes se préparer soit sur un statut scolaire, soit par apprentissage.

En fin de 2nde générale et technologique, c’est la série de Baccalauréat (général


ou technologique) qui est choisie. A l’issue du collège, l’orientation fonctionne
comme un couperet de nombreux élèves. Elle provoque alors un sentiment
d’injustice. De multiples paramètres l’influence, en 1 er lieu, les données sociales
qui ne sont pas sans affecter les résultats scolaires et elle est loin de prendre en
considération toutes les qualités des élèves, surtout les familles savent ou
entendent dire que selon la filière d’affectation et baccalauréat obtenu, les
possibilités des poursuites d’études, d’accès à l’enseignement supérieur et
d’insertion professionnelle sont très différentes, notamment quand le marché de
l’emploi est étroit.

3- L’INFLUENCE DE L’ORIGINE SOCIALE SUR LA REUSSITE


SCOLAIRE ET PROFESSIONNELLE

La relation entre performance scolaire et milieu socioéconomique est intense en


CI comme l’indique N’Drin ALLOU (1990). Mis à jour par Pierre Bourdieu et
J.C Passeron dans les années 1960, le phénomène de la reproduction sociale ne
cesse de s’affirmer comme une des injustices majeures de notre société. Le
constat est préoccupant : l’inertie qui tend à enchaîner les enfants au statut social
de leurs parents.

Les tables de mobilité de l’enquête Formation et qualification professionnelle


réalisées par INSEE en 2003 montre que 35% des hommes âgés de 40 à 59 ans
appartiennent à la même catégorie socioprofessionnelle que leurs parents. On
peut soupçonner l’école d’alimenter la reproduction sociale en privilégiant un
type de formation qui renchérit le rendement d’un capital social inégalement
distribué. C’est la thèse qu’avaient ardemment défendue Pierre BOURDIEU et
J.C Passeron et qui continue à juste titre de recevoir beaucoup d’attention de la
part des spécialistes.

Mais une autre cause de la reproduction sociale pourrait également se rajouter


aux inerties de notre système scolaire : les enfants pourraient former également
des aspirations scolaires et professionnelles influencées par leur milieu social.
BOURDIEU décrivait se phénomène comme l’intériorisation par les classes
sociales du destin objectivement assigné (BOURDIEU 1966). L’intériorisation
provoque une différenciation sociale des aspirations c’est-à-dire du Moi que les
individus souhaitent devenir dans le futur et jugent atteignable (LOCKE et
LATAME). Dans cette étude, le terme « aspirations » est entendu dans le strict
cadre de l’éducation et désignera les préférences des élèves en terme
d’orientation scolaire et d’étude supérieure et donc d’orientation professionnelle.
La question est de savoir si à niveau scolaire égal un élève d’origine sociale
défavorisée a des aspirations différentes d’un élève d’origine sociale favorisée.
Ce qui se révèlerait par des préférences d’orientation, d’études et de métiers
différents.

Quel est le problème sous-jacent ?

Il semble bien normal que les aspirations et les préférences d’orientation


puissent varier d’un individu à l’autre. Le problème apparait que dès lors que, à
un niveau scolaire donné, le champ décrit par les enfants d’origine sociale
modeste est systématiquement diffèrent du champ décrit par les aspirations des
enfants d’origine sociale favorisée. Dans ce cas, il ne s’agit pas seulement de
différences individuelles aléatoirement distribuées selon la personnalité et le
goût de chacun, mais bien d’un ancrage des aspirations individuelles dans le
milieu social. Cet ancrage est générateur de reproduction sociale car les enfants
ont tendance à former leurs aspirations aussi en fonction de leur cadre familial et
non seulement en fonction de leurs goûts et de leurs compétences personnelles.

De manière originale, cette étude met en regard les écarts d’aspiration des
élèves avec les écarts d’orientations effective selon l’origine sociale, ce qui
permet de distinguer deux mécanismes de reproduction des inégalités sociales
par l’école : l’intériorisation par les élèves de leur origine sociale et sa
conséquence sur les aspirations scolaires d’une part, et l’action de l’entourage et
des pratiques enseignantes sur le processus d’orientation d’autre part (pouvant
atténuer ou au contraire amplifier l’écart des aspirations scolaires) . Comme le
souligne Bourdieu, l’expérience des parents et des enseignants pourrait les
conduire à appliquer un principe de prudence dans leurs conseils d’orientation
auprès des élèves issus de milieu populaire et à moins les orienter vers les
filières sélectives comparativement à ceux issus des milieux aisés. On peut donc
dire qu’il existe des inégalités d’orientation.

Les conséquences en termes d’inégalité des chances sont évidentes : l’ancrage


possible des aspirations scolaires dans le milieu social est de nature à créer un
cercle vicieux entre inégalités sociales de trajectoires scolaires où les élèves
issus de milieux modestes ont des préférences plus modestes que les enfants de
milieux aisés même lorsqu’ils ont le même niveau scolaire, ce qui les amène à
s’orienter dans des voies d’étude plus courtes conduisant à des emplois moins
qualifiés. Ce phénomène, s’il s’est avéré, entrainerait deux problèmes importants
pour la justice sociale et les performances du système éducatif : d’une part les
trajectoires scolaires et professionnelles ne reflèteraient pas parfaitement les
efforts et les aptitudes et remettraient ainsi en cause les principes de justice
sociale et d’égalité des chances dans une société caractérisée par une mobilité
sociale. D’autre part ce phénomène est susceptible de produire une efficacité
économique du fait que des talents individuels restent partiellement inexpliqués.
Le lien entre aspiration scolaire, orientation scolaire effective et orientation
sociale demande donc à être considéré.

La première interrogation concerne même l’existence de ce lien. Si l’existence


d’un lien entre aspirations scolaires et origine sociale est confirmée, la deuxième
interrogation est celle de cette cause. Un ensemble d’explications (objectives) à
l’ancrage social des aspirations scolaires doit être envisagé (….). Les enfants
issus de milieux sociaux défavorisés peuvent ne pas avoir les mêmes
informations sur les filières et les débouchés possibles. Dans ce cas le travail
doit porter sur la transmission de cette information afin que chaque enfant puisse
concevoir la même étendue d’orientation et de métier.

Une autre contrainte objective est celle du coût des études : un enfant d’origine
sociale défavorisée peut intégrer dans ses préférences le fait que son entourage
ne pourra pas financer les études longues. Dans ce cas, le travail des pouvoirs
publics doit plutôt porter sur les aides financières directes ou l’accès des jeunes
des milieux défavorisés au crédit.

D’autres contraintes objectives peuvent expliquer les écarts d’ambitions : la


discrimination sur le marché du travail et les faibles complémentarités entre le
réseau familial et les études. Un enfant d’origine défavorisé, même s’il a un bon
niveau scolaire aujourd’hui n’anticipe peut être pas les mêmes chances de
réussite et le même rendement de ses études futures qu’un enfant d’origine
sociale favorisée car il prévoit, peut-être à juste titre qu’il recevra moins d’aide
de ces proches contribuant à la réussite de ses études, moins d’opportunités de
stage ou de travail via son réseau social, ou moins d’intérêt des employeurs qui
consciemment ou inconsciemment discriminent les candidats à l’embauche
selon leur origine sociale. Selon BOURDIEU ET PASSERON (1970) le
système scolaire, en rendant indispensable la possession d’un certain capital
culturel et une certaine culture scolaire pour y réussir induit à la base les écarts.

Un ensemble de mécanismes « subjectifs » doit être également envisagé.


D’abord les élèves forment possiblement leurs aspirations scolaires et
professionnelles non seulement en fonction du bénéfice économique qui y est
associé, mais peut être aussi en fonction du « bénéfice social » : choisir une
orientation scolaire et professionnelle en conformité avec son milieu social et
familial permet par exemple de garder ses amis, de ressembler aux autres, d’être
en phase avec des personnes qui nous entourent, d’éviter d’être sanctionné,
exclu d’un groupe. PALETA (2011) a montré que les choix d’orientation sont
fortement liés à la proximité du quartier car il permet de garder le contact avec
les pairs et la « vie de quartier ».

De plus des causes plus inconscientes sont à considérer. La confiance en soi et


l’estime de soi en est une. Les parents et l’entourage sont de puissants modèles
sur lesquels les enfants battissent leurs connaissances et représentations du
monde et d’eux-mêmes, leur « moi possible » (MARKUS et MULUS, 1986).
BOURDIEU (1974) insiste sur l’importance de ne pas voir les « choix » comme
des actions rationnelles ni même comme des décisions déterminées par des
structures mais plutôt comme une coconstruction à partir de l’habitus et du
capital scolaire.

Ainsi les Enfants qui grandissent au milieu d’adultes épanouis dans leur vie
professionnelle engrangent des représentations positives qui leur donnent une
plus grande confiance en leur capacité de réaliser des projets ambitieux.
Inversement entourés d’adultes moins épanouis dans leur vie professionnelle ou
qui rencontrent des difficultés sur le marché du travail, les enfants peinent à se
projeter dans les destins scolaires et professionnels favorables porteurs
d’ambitions. Par ce bais, l’origine social des parents circonscrit le champ du
« moi possibles ». On réalise le lien qui peut exister entre l’image de soi, la
capacité à se faire confiance et à se sentir digne de confiance et l’histoire
économique et sociale de son entourage.

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