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I.

La massification scolaire depuis les


années 1950
1. Qu’est-ce que la massification scolaire ?
 En 1881-1882, les lois Ferry généralisent la scolarisation à tous les
enfants, filles et garçons.
 L’École gratuite, laïque et obligatoire est instaurée en France et va
être à l’origine d’un phénomène de massification scolaire.
 L’objectif est d’unifier la nation en formant des individus alphabétisés,
des citoyen·ne·s responsables et des travailleur·se·s efficaces.
 Toutefois, pour la majorité des élèves à cette époque, la scolarisation
s’arrête à la fin de la primaire, l’élite seule poursuit les études.
 Les progrès techniques du XXe siècle favorisent l’enrichissement de la
population et imposent un allongement de l’instruction.
 La massification scolaire s’accélère.
 En France, le sursaut de massification scolaire du XXe siècle
s’explique aussi en partie par le baby-boom et l’École rendue
obligatoire jusqu’ 16 ans.
 La massification scolaire, au cours des années 1950-1960, a permis
d’accroître le niveau de formation et donc de qualification de la
main d’œuvre.
 Depuis les années 1950, le nombre de bachelier·ère·s a
considérablement augmenté et la poursuite des études dans
l’enseignement supérieur s’est développée.

2. Quelles ambitions pour l’École ?


 L’École permet une triple intégration des individus :
o intégration professionnelle ;
o intégration à la collectivité ;
o intégration culturelle (à la Nation).
o L’École cherche à jouer un double rôle dans l’instruction et la
socialisation des individus, de façon à faciliter leur intégration dans la
société.
o Outre ce rôle d’intégration, l’École aspire à l’égalité des chances.
o La démocratisation scolaire désigne, au XXe siècle, un accès renforcé
à l’enseignement pour une part importante de la population française.
Elle est ainsi censée gommer les différences et les inégalités d’origine
sociale.
o On distingue au sein de ce phénomène :
o la démocratisation « quantitative » ;
o de la démocratisation « qualitative ».
o La démocratisation quantitative est l’élargissement de l’accès à des
études de plus en plus longues, pour un nombre et une part de plus en
plus importante de la jeunesse.
o La démocratisation qualitative est l’affaiblissement du lien entre
l’origine sociale d’un élève et son parcours scolaire.
o On mesure l’ampleur d’une démocratisation qualitative par l’évolution
des écarts de réussite ou des différences de cursus selon l’origine
sociale des élèves.
o Si la massification scolaire a eu un effet mécanique de
démocratisation qualitative on constate néanmoins la persistance
d’une démocratisation ségrégative, puisque toutes les voies de
scolarisation n’accueillent pas dans les mêmes proportions les élèves
d’origine sociale différentes.
o La massification n’est donc pas un critère suffisant pour parler de
démocratisation de l’École.

II. Une inégalité des chances persistante


1. Les inégalités de réussite scolaire
 La démocratisation qualitative est l’affaiblissement du lien entre
l’origine sociale d’un·e élève et son parcours scolaire. Or, l’École
échoue à estomper ce lien et les écarts, sans se creuser, persistent.
 On peut distinguer :
o des écarts en matière de réussite ou d’échec scolaires ;
o des écarts en matière d’orientation ;
o des écarts entre les diplômes.
o Ces disparités sont fortement liées à des différences :
o d’origine socioprofessionnelle ;
o d’origine nationale ;
o et de genre.
o Si la massification est observée depuis les années 1950, la
démocratisation qualitative qui devait accompagner la démocratisation
quantitative est encore loin d’être acquise.
o Des corrélations entre réussite scolaire et origine sociale, nationale, et
selon le genre persistent.

2. Explications théoriques des inégalités scolaires

2.1. Analyse de François Dubet


 Selon François Dubet l’égalité des chances suppose que tous les
individus participent à une compétition ouverte et équitable selon le
mérite et non l’origine.
 Pour que la compétition méritocratique soit parfaitement équitable, il
faudrait que les individus n’héritent pas des capitaux culturels et
économiques de leurs familles.
 La première difficulté de l’égalité des chances scolaire tient donc à
l’impossibilité de neutraliser complètement les effets des inégalités
sociales sur les compétences scolaires.
2.2. Analyse de Pierre Bourdieu
 Pierre Bourdieu propose, au milieu des années 1960, une explication
aux inégalités scolaires : il voit dans l’École un instrument de
reproduction des positions de dominant·e·s et de dominé·e·s.
 Ce phénomène de reproduction s’appuie sur le lien entre les valeurs
véhiculées par l’École et les valeurs des classes dominantes.
 L’École valorise certain·e·s matières/normes/savoir-faire/pratiques
culturelles et ceux·celles-ci sont essentiellement partagé·e·s par la
classe favorisée (dominante) de la population, et moins par la classe
défavorisée.
 Ce décalage débouche sur une hiérarchie implicite qui avantage les
enfants d’une partie de la population dont l’habitus est adapté à ce que
l’École attend et valorise.
 Selon son raisonnement, plus un individu est doté en capitaux et plus
il réussira à l’École, justifiant ainsi que la réussite scolaire des enfants
soit corrélée à la dotation en capital des parents.
 Habitus et dotations en capitaux expliquent donc le déterminisme
social, facteur d’inégalités scolaires.
 Ainsi, selon Bourdieu, les inégalités scolaires sont le résultat de
mécanismes sociaux voulus, afin que perdure la domination des
classes dominantes sur les classes dominées.
 L’École serait donc un instrument de domination et de reproduction
sociale.
 Bourdieu dénonce ici le mythe de la démocratisation sociale de l’école
qu’il considère plus comme une massification répondant aux besoins
économiques de la tertiarisation qu’une véritable mobilité sociale.
2.3. Analyse de Raymond Boudon
 Les analyses de Raymond Boudon divergent de celles de Bourdieu :
pour lui, ce sont les stratégies individuelles et familiales qui expliquent
les inégalités de parcours et de réussite scolaire.
 Il convient que l’institution scolaire cherche à égaliser les chances,
mais il ajoute qu’elle y parvient progressivement.
 Selon Boudon, les individus font des choix en fonction de leurs
ressources et de leurs objectifs, eux- mêmes corrélés à la situation
socioprofessionnelle des individus et donc à leur origine sociale.
 Dans cette approche, ce ne sont pas directement les inégalités
socioculturelles qui expliquent les inégalités mais bien des stratégies
différentes, elles-mêmes en partie liées aux différences sociales.
 Les inégalités scolaires sont moins dues à des inégalités sociales qu’à
des stratégies familiales.
 Sur le long terme, Boudon considère la massification scolaire et
l’allongement des études comme conduisant progressivement à
l’égalisation des chances et relativise donc le rôle de l’École en
matière d’inégalités sociales.

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