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TRAVAIL À RÉALISER PENDANT LES VACANCES D’AUTOMNE

Travail qui sera évalué à la rentrée


Consigne : Appliquer au document la méthode de lecture et d’utilisation d’un texte.
Il s’agit de rédiger une présentation du document et d’en extraire les informations
importantes. La synthèse des informations peut être rédigée ou apparaître sous la forme d’une
liste ; elle peut comprendre des schémas, des définitions, etc.
Il ne s’agit pas de recopier le texte ou de le paraphraser, mais bien d’identifier les éléments
essentiels qui en permettent la compréhension.
Ce travail doit être réalisé sur le dernier feuillet de ce dossier. Lors de la séance de rentrée, une
évaluation de la compréhension du texte sera organisée en classe. Lors de cette évaluation, vous
disposerez de ce dossier, qui sera ramassé en même temps que votre copie.
Le travail peut être réalisé en groupe. Mais chaque membre du groupe devra disposer de son
propre dossier, lors de l’évaluation. Travailler en groupe, ce n’est pas laisser travailler certains
alors que d’autres se contentent de récupérer le résultat du travail. Si vous n’avez pas
RÉELLEMENT travaillé ce texte, vous ne serez pas en mesure de réussir l’évaluation.
Le texte comprend des termes que vous ne connaissez pas. Certains sont précisés à la suite du
document. Pour les autres, vous devez en chercher la signification dans un dictionnaire. Vous
pouvez utiliser un dictionnaire en ligne ; je vous conseille Le Robert (QR code fourni).
Ce texte est compliqué. Vous devez le travailler dès le début des vacances. Vous pouvez me
poser des questions via la messagerie de l’ENT.
Finalement, si vous aimeriez lire d’autres textes issus de cet ouvrage, je peux vous les envoyer.

L’idée d’une compétition méritocratique1 en matière d’obtention de diplômes, selon laquelle


les individus seraient récompensés en fonction de leurs efforts scolaires, repose sur une croyance
collective très prégnante2, en particulier en France. Concevoir que "quand on veut, on peut" revient
à penser que chaque individu identifie, en fonction de ses intérêts et des informations dont il
dispose, le choix d’étude qui lui serait le plus profitable. Or, cette vision individualiste des
comportements est mise à mal par la perspective sociologique qui vise à se défaire d’une
fétichisation3 des diplômes.
Dénaturaliser4 le mérite scolaire
Justifier les inégalités de trajectoires scolaires par le talent des individus, autrement dit par
une donnée inscrite dans leur nature, repose sur une forme de naturalisation du mérite, quelle que
soit la forme que celui-ci prenne. En montrant la connivence5 culturelle entre l’école et les classes
favorisées, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (1964) avaient déjà pointé les limites d’une
méritocratie reposant exclusivement sur la valeur individuelle, incarnée par la notion de don. Son
contenu varie selon la période historique comme Émile Durkheim (1938) a pu l’analyser depuis le
1
XIXème siècle dans son ouvrage L’Évolution pédagogique en France. Récemment, le travail de Jérôme
Karabel (2005) sur l’évolution des critères de sélection à l’entrée des universités de la Ivy League6
montre que l’on peut identifier à chaque période historique un régime de sélection universitaire,
qui prend en compte la méritocratie en actes dans les institutions concernées. La définition du
mérite varie également selon le système éducatif national, avec une situation française particulière
qui « fait du mérite scolaire la clé de l’équation sélection/ouverture, quand les autres pays proposent
des moyens d’en compenser les effets, parfois inégalitaires » (Nicolas Charles et Romain Delès, 2018,
p. 8). Autrement dit, la question est de saisir7 la façon dont chaque système permet l’accès à
l’enseignement supérieur au plus grand nombre d’élèves (l’ouverture), tout en édictant certains
critères (la sélection). Au sein du système éducatif français, les définitions du mérite sont nuancées
selon les groupes sociaux auxquels appartiennent les individus interrogés. Élise Tenret (2011) a
montré dans cette perspective que, parmi les définitions estudiantines8 du mérite, l’importance
accordée au diplôme, à la motivation, à l’ancienneté ou encore à la compétence, varie selon le type
de filière dans lesquelles sont inscrits les étudiants interrogés.
Au cœur de l’idéal méritocratique, le diplôme contribue au capital culturel9, avec la
particularité d’être certifié par l’État, et nécessite en ce sens un travail de dénaturalisation qui
permette de remettre en question le fait que certaines appartenances sociales, nationales,
religieuses, de sexe ou de race, justifieraient le maintien des inégalités entre individus. Comment
adopter une approche anti-essentialiste10, sans pour autant nier que cette catégorie peut faire sens
pour les individus ? Il semble dès lors pertinent de fonder l’analyse du mérite scolaire sur des
enquêtes empiriques11, en tentant de prendre en considération les points de vue des personnes.
Quelles inégalités d’accès aux diplômes ?
La définition du mérite est étroitement liée à l’évolution du sens politique donné à la notion
de démocratisation scolaire12 dans les politiques éducatives. Démocratiser le système éducatif
devient un impératif en France après la Seconde Guerre mondiale avec le plan Langevin-Wallon13. Il
s’agissait alors d’augmenter le nombre de places offertes aux élèves au sein du système éducatif.
Augmenter le nombre de diplômés conduit-il à une forme de démocratisation dans le sens de
réduction des inégalités ou entraîne-t-il une simple massification12 du système scolaire ? Si l’on
prend comme critère le nombre de bacheliers, selon une logique de démocratisation quantitative14,
l’accroissement est spectaculaire. Si l’on s’intéresse toutefois aux origines sociales de ces mêmes
bacheliers, pour mesurer les effets qualitatifs14 de la démocratisation, l’ouverture ne se fait pas de
la même façon pour tous. Alors que les effectifs de bacheliers augmentent depuis les années 1960,
les écarts entre les groupes sociaux selon les filières restent inchangés ou ont même tendance à
croître. Les étudiants des classes sociales les plus favorisées sont toujours surreprésentés dans
l’enseignement supérieur. Par exemple, les enfants de cadres et professions libérales constituent
près d’un tiers des étudiants à l’université (30,4%) et la moitié des élèves dans les filières les plus
sélectives, comme les classes préparatoires aux grandes écoles (49,8%) ou les écoles d’ingénieurs
(48,2%), alors que leurs parents ne représentent que 15% seulement des emplois en France
[Données du Ministère de l’Éducation, 2018]. Les recherches montrent ainsi la forte sélection liée à
l’origine sociale selon les filières : par rapport aux "Sections de Technicien Supérieur" (qui mènent
au Brevet de Technicien Supérieur, BTS), les enfants de cadres ont quatorze fois plus de chances
d’accéder aux classes préparatoires que les enfants de classes populaires (Yaël Brinbaum et ali.,
2018).
Pierre Merle (2009) a proposé de qualifier ce phénomène de « démocratisation ségrégative »
pour rendre compte au mieux de la façon dont la massification de l’éducation a renforcé la
hiérarchisation entre les filières et les spécialités. Ce phénomène va de pair avec l’idée d’une
adaptation de l’éducation à l’économie, autrement dit d’une adéquation15 entre les sortants du
système scolaire et les besoins en main-d’œuvre16. Au nom de cette adaptation au marché du
travail, l’accent est mis sur la "professionnalisation"16 de l’éducation et de la formation que le
diplôme vient sanctionner.
Si les diplômés sont de plus en plus nombreux, les inégalités sociales, ethno-raciales et de
genre en matière d’obtention des diplômes, perdurent. On note ainsi une sous-représentation18 des
étudiantes dans les filières scientifiques les plus prestigieuses de l’enseignement supérieur
2
(Marianne Blanchard et ali, 2016) et une réussite moindre en moyenne des enfants d’immigrés par
rapport aux enfants de natifs (Mathieu Ichou, 2018). Un autre type d’inégalités face aux diplômes
fait également l’objet d’investigations : les inégalités sociospatiales19. En effet, l’offre de formation
en France connaît d’importantes variations locales, avec des disparités selon la commune de
résidence. En particulier, les mondes ruraux, composés d’une population souvent issue de classes
populaires, en témoignent : les élèves y rencontrent plus souvent un fort éloignement entre leur
lieu de résidence et les établissements scolaires (Lorenzo Barrault-Stella, 2016), ce qui tend à
restreindre leur accès aux formations diplômantes.
À chacun le diplôme qu’il mérite ?
Les travaux sur la reproduction des inégalités sociales par l’école montrent la force de l’idéal
du mérite scolaire. La massification scolaire a conduit ainsi à la conversion scolaire20 des classes
populaires (Tristan Poullaouec, 2010) et à faire advenir le diplôme comme norme incontournable
(Gilles Moreau et Mathias Millet, 2011). Malgré cela, ce sont les enfants de familles culturellement
et/ou économiquement favorisées qui continuent à obtenir les diplômes les plus rentables21 sur le
marché du travail. La possession d’autres ressources comme les capitaux culturels (connaissances,
diplômes des parents, "bonnes manières", réseaux de relation) et économiques (patrimoine22,
revenus) fait la différence (Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, 1964). Or, la compétition
scolaire, qui se situe au cœur de l’idéal méritocratique (François Dubet et ali, 2010), est au
contraire fondée sur l’idée que les individus seraient autonomes et libres de choisir leurs études et
diplômes. Cette conception contribue à expliquer la diffusion croissante de stratégies familiales
pour élaborer les "bons" choix d’établissements, de filières et de spécialités (Agnès van Zanten,
2009). Désormais officiellement érigés en sujets autonomes susceptibles de faire des choix
correspondant à leurs aspirations, les élèves et leurs familles sont aussi rendus responsables de
leurs parcours et ce faisant de leur éventuel échec scolaire. Les dispositifs d’orientation scolaire
cherchent ainsi à produire une forme d’autonomie chez les élèves, qui rend compte d’injonctions
contradictoires23 (Louis Chauvel, 2016). Alors que les professionnels de l’éducation nationale
promeuvent l’autonomie et les encouragent à élaborer des vœux parfois éloignés
géographiquement de leur domicile pour suivre des filières correspondant à une spécialité ajustée,
les résultats du processus d’affectation mettent en évidence des assignations24 spatiales à travers
des propositions d’affectations dans des lycées plus proches de chez eux. L’impératif d’autonomie
dans les choix scolaires se heurte ainsi aux capacités d’accueil de chaque formation et à la gestion
des flux scolaires (Philippe Masson, 1999).
La défense d’une conception essentialiste du mérite, fondée sur l’excellence scolaire, semble
bien partagée. Il existe néanmoins des alternatives à ce système traditionnel, qui s’appuient sur une
critique de la méritocratie, comme certaines stratégies familiales qui visent à convertir les
ressources familiales en talent individuel de leur enfant par le biais de certification non scolaires
avec l’appui par exemple de bilans psychologiques (Wilfried Lignier, 2012), ou encore, comme à
Sciences-Po Paris25, des dispositifs de discrimination positive26 qui entrent alors en tension avec la
notion de méritocratie (Germán Fernández-Vavrik et ali, 2018). Mais loin de permettre un accès
accru à des étudiants de milieu populaire, ces nouvelles modalités de sélection continuent de les
pénaliser. Comme le soulignent de nombreux travaux (Marco Oberti, 2013), le fait de mettre
l’accent sur les talents individuels plutôt que sur les performances scolaires favorise à nouveau les
candidats issus des classes supérieures. Alors que l’on observe des transformations majeures dans
la structure scolaire de la population, avec par exemple l’évolution de la proportion de bacheliers et
bachelières entre deux ou trois générations27, force est de reconnaître la permanence de
l’explication des inégalités de trajectoires en terme de mérite individuel.
Source : Séverine Chauvel, « Les diplômés sont-ils méritants ? »,
in Serge Paugam (dir.), 50 questions de sociologie (2020)

3
Les différentes personnes citées dans le texte sont des sociologues. La date entre parenthèses
qui suit leur nom correspond à l’année de publication de l’ouvrage ou de l’article dans lequel ils ont
exposé les travaux auxquels il est fait référence ici. Par exemple, Pierre Bourdieu et Jean-Claude
Passeron ont publié Les Héritiers. Les étudiants et la culture en 1964 et Émile Durkheim
L’Évolution pédagogique en France en 1938.

1. Méritocratie. Dans une méritocratie, la hiérarchisation (c’est-à-dire le classement) des individus


serait basé sur le critère individuel du mérite : ceux qui disposent des situations les plus
avantageuses le mériteraient.
2. Prégnant. Tenace, durable, difficile de s’en défaire.
3. Fétichisation, fétichiser. Fétichiser quelque chose, c’est en faire l’objet d’un culte, l’admirer de

façon excessive.
4. Naturaliser. Faire de quelque chose un élément naturel, donc lié à la nature d’un individu.

Dénaturaliser, c’est expliquer qu’un élément n’est pas naturel, mais qu’il est le résultat d’une
éducation, d’un apprentissage.
5. Connivence. Entente qui n’a pas besoin de faire l’objet d’un accord. Ici, la connivence entre école

et classes favorisées, signifie que les deux entités s’accordent sur ce qui fait d’un individu quelqu’un
de valeur.
6. Ivy league. Regroupement des universités les plus prestigieuses des États-Unis.
7. Saisir. Ici, saisir signifie mettre en valeur, comprendre.
8. Estudiantin. Qui se rapporte aux étudiants. Ici, il s’agit des définitions que les étudiants donnent

du mérite.
9. Capital culturel. Ensemble des ressources culturelles : avoir lu beaucoup de livres, aller souvent

visiter des musées, avoir des diplômes très reconnus, etc.


10. Essentialiser. Essentialiser quelqu’un c’est le réduire, le résumer à une caractéristique,

caractéristique qui peut relever d’un préjugé, d’un stéréotype. Dire « le Noir » pour désigner un
individu, c’est l’essentialiser, tout comme dire que « les homosexuels s’habillent bien ».
11. Empirique. Qui s’appuie sur l’expérimentation, l’enquête. Une enquête empirique c’est donc une

étude des individus, des groupes sociaux, etc.


12. Démocratisation scolaire. Au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, le nombre d’enfants

accédant à une scolarité longue a très nettement augmenté : l’école n’était plus réservée aux enfants
des milieux favorisés. Pour décrire ce phénomène, certains parlent de démocratisation et d’autres
de massification. Démocratisation sous-entend que tous les enfants, quelque soit leur origine
sociale, ont les mêmes chances de faire des études prestigieuses ; massification sous-entend que
bien que tous les enfants aient maintenant accès à l’école, des inégalités liées au milieu social
d’origine persistent.
13. Plan Langevin-Wallon. Réforme de l'enseignement et du système éducatif français élaboré

après la Seconde guerre mondiale.


14. Démocratisation quantitative ou qualitative. Démocratisation quantitative est plus ou moins

synonyme de massification ; une démocratisation qualitative serait une véritable démocratisation,


donnant à tous les enfants les mêmes accès aux différentes études.
15. Adéquation. Deux éléments sont en adéquation lorsqu’ils sont en accord l’un avec l’autre.

L’adéquation des diplômes et des besoins en main d’œuvre signifie que le système scolaire
formerait exactement les professionnels dont les entreprises ont besoin.
16. Main d’œuvre. Synonyme d’emploi, donc le nombre de total d’individus en emploi.
17. Professionnalisation. Professionnaliser l’éducation ne donner qu’un objectif à l’éducation, celui

de former des travailleurs compétents.


18. Sous-représentation. Un groupe est sous-représenté lorsque il est moins présent dans une

catégorie que dans l’ensemble de la population. Par exemple, les femmes sont sous-représentées à
l’Assemblée Nationale : alors qu’elles constituent la moitié de la population française, elles ne
représentent que 38% des députés.

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19. Sociospatial. Croisement du milieu social et du lieu de résidence. Les inégalités sociospatiales
sont liées au fait que les individus ont le plus souvent un lieu de résidence qui est liés à leur milieu
social.
20. Conversion scolaire. Ici, la conversion scolaire signifie que les classes populaires se sont mises

à croire au mérite scolaire, donc qu’il était possible pour leurs enfants de s’élever socialement grâce
à l’école.
21. Rentable, rentabilité. Un élément est rentable lorsqu’il rapporte plus qu’il ne coûte. Le

rendement d’un diplôme se mesure alors par la rémunération qu’il permet d’espérer.
22. Patrimoine. Le patrimoine d’un individu est l’ensemble de ce qu’il possède et peut générer un

revenu. Être propriétaire d’un appartement, c’est détenir un patrimoine immobilier, par exemple.
23. Injonctions contradictoires. Une injonction est un ordre. Des injonctions contradictoires, ce

sont des ordres qui se contredisent. Par exemple, si je vous dis de travailler en groupe et de ne pas
parler, ce sont des injonctions contradictoires.
23. Assignation. Assigner quelqu’un c’est lui attribuer, lui donner quelque chose (une tâche, une

place) de façon autoritaire. Ici, assigner c’est donner une place à un individu.
25. Sciences-Po Paris. Établissement de l’enseignement supérieur : il s’agit du plus prestigieux des

IEP (Institut d’Études Politiques). De nombreuses personnalités politiques (y-compris des


Présidents (anciens et actuel) de la République : Georges Pompidou, François Mitterrand, Jacques
Chirac, François Hollande, Emmanuel Macron) et journalistes ont fait leurs études à Sciences-Po
Paris.
26. Discrimination positive. Les mesures de discrimination positive visent à corriger les inégalités

subies par certains groupes sociaux. Aux États-Unis, des places dans les universités sont réservées
aux Afro-Américains ; à Science-Po Paris, des places sont réservées à des étudiants issus de milieux
défavorisés.
27. Génération. Ensemble d’individus nés au cours de la même période. Comparer trois

générations, c’est comparer la situation d’un individu à celle de ses grands-parents au même âge.

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PRÉNOM NOM : _______________________________________________________________________________________________

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