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Corrigé
La présente correction ne doit pas effrayer les étudiants. Elle représente une
réponse que les économistes qualifieraient volontiers d’optimale compte
tenu des contraintes notamment temporelles. Il est possible d’obtenir une
note satisfaisante sans atteindre le niveau de maîtrise du cours exhibé par ce
corrigé.
1) Définissez en une dizaine de lignes au maximum l’un des termes suivants : 4 pts
- La « force des liens faibles » selon Mark Granovetter (localisation dans le cours
P1.Ch1.S2 §1 et S3.§2)
Selon Mark Granovetter, une relation est d’autant plus forte qu’on y consacre du temps
et qu’elle est associée à une intensité émotionnelle. Les relations fortes relient des individus
très généralement proches sur le plan affectif comme les membres d’une famille, des amis ou
des amants. Avec ces proches nous constituons des réseaux plutôt denses voire des cliques
(densité =1). A contrario, une relation ou un lien faible lie des personnes qui sont de simples
connaissances, souvent croisées au cours de formation. La « force des liens faibles » paru
dans l’American Journal of Sociology en 1973, signifie que les liens faibles permettent un
accès à des informations plus utiles en matière d’emploi que les liens forts. En effet,
l’information circulant à travers des liens faibles est souvent plus variée. De ce fait, à
condition que les chaînes relationnelles soient courtes – pas plus d’un intermédiaire –, les
liens faibles sont plus efficaces pour accéder à l’emploi que les liens faibles.
Pierre Bourdieu définit ainsi la violence symbolique : « c'est cette violence qui
extorque des soumissions qui ne sont pas perçues comme telles en s'appuyant sur des
« attentes collectives », des croyances socialement inculquées. » (Raisons pratiques 1994, p.
188). On peut parler d’une violence exercée par l’institution, ici scolaire, sur les élèves
d’origine populaire car ils doivent accepter de se soumettre à un système qui les met en échec
tout en s’attribuant la responsabilité de cet échec (« soumissions qui ne sont pas perçues
comme telles »). L’école se présentant comme méritocratique, la réussite scolaire ne dépend
officiellement que des « aptitudes » de chacun. Dès lors, l’échec est expliqué par
l’« inaptitude » individuelle alors que, selon Bourdieu, le système éducatif est profondément
inégalitaire en privilégiant les élèves dont l’habitus est proche de la culture scolaire alors qu’il
organise l’échec de ceux qui en sont les plus éloignés.
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- Les différentes manières de vivre le chômage (localisation dans le cours : P1. Ch2.
S2 .§1. A)
Etre au chômage renvoie à la situation d’une personne active non occupée qui concerne
aujourd’hui en France plus de 10 % des actifs. Si les risques d’être au chômage varient
fortement d’un individu à l’autre, selon son niveau de diplôme, son âge, sa nationalité et le
territoire qu’il habite, la manière de vivre cette situation est aussi assez différenciée. En effet,
le vocable « chômeur » recouvre des situations sociales très différentes. En d’autres termes les
chômeurs ne constituent pas une catégorie sociale homogène.
Certes, 60% des chômeurs affirment que « le chômage a changé leur vie » (France, 2008)
et ce, d’autant plus qu’ils valorisent le travail et ont le sentiment d’appartenir à un groupe
stigmatisé. Ce qui signifie aussi que ça n’est pas le cas pour 4 chômeurs sur 10. En distinguant
deux dimensions particulièrement significatives de la situation de chômage : d’une part, le fait
d’éprouver des difficultés financières et d’autre part, celle de perdre ses relations sociales
(« désocialisation »), on constate que les manières de vivre le chômage sont loin d’être
identiques.
Ainsi à propos du sentiment d’éprouver ou pas des difficultés financières on obtient
la répartition suivante des réponses (France, 2008)
42 % « éprouvent des difficultés financières »
34 % disent être « justes » financièrement
24 % se disent « à l’aise » financièrement
Ce sont donc environ ¾ des chômeurs qui disent être en situation difficile ou « juste »
financièrement, le dernier 1/4 affirme donc ne pas l’être. Parmi les premiers on trouve plutôt
des femmes, vivant plutôt seules, des jeunes vivant notamment chez leurs parents, des
ouvriers et des étrangers. Les seconds sont plutôt des hommes, vivant en couple, âgés, et
plutôt des chômeurs « découragés ».
La seconde dimension particulièrement significative des manières de vivre le chômage
est la « désocialisation ». Là aussi il existe d’importantes différences entre les chômeurs face
à la perte de leurs relations sociales.
Les plus concernés apparaissent être les urbains notamment ceux vivant en HLM, les
célibataires, les familles monoparentales, les ouvriers et les « découragés » généralement
âgés.
Les moins touchés par la « désocialisation » sont plutôt des ruraux, plutôt des
personnes vivant en maison individuelle, plutôt des couples personnes vivant en couple, et
plutôt des cadres.
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A bien des égards elles illustrent le concept de « prophétie auto-réalisatrice » forgé par
le sociologue américain R.K. Merton qui montre l’importance des représentations et des
croyances dans la survenue d’un phénomène. En effet, c’est bien ce que montre les
Américains Jacobson et Rosenthal dans Pygmalion in the classroom paru en 1968. Lors d’une
expérience réalisée dans une classe d’une école primaire aux EUA sur plusieurs années ils ont
démontré que lorsque les enseignants étaient convaincus de l’ « intelligence » de certains de
leurs élèves, ces derniers amélioraient non seulement leurs résultats scolaires mais aussi leur
réussite aux tests de QI plus que les autres élèves. On pourrait dès lors parler des attentes
« prédictives » de l’enseignant dans mesure où, par la communication de ses attentes (parole,
gestes,…) et/ou, éventuellement, par des changements pédagogiques, elles tendent à se
réaliser. Ce qui souligne l’importance de l’interaction entre l’enseignant et l’enseigné.
D’autres études vont dans le même sens en montrant l’importance des représentations
des enseignants. Ainsi, par exemple, un même devoir obtiendra, en moyenne, une note
meilleure si l’enseignant croit que l’élève est fils de cadre et moindre s’il croit qu’il s’agit
d’un fils d’ouvrier. En moyenne, les enfants de cadres obtiennent plus souvent la parole que
les enfants d’ouvriers en classe et sont valorisés, les enfants d’ouvriers étant corrigés. Il ne
s’agit pas, évidemment, d’y voir une volonté délibérée des enseignants de discriminer
socialement leurs élèves mais de souligner le poids de l’implicite et du fonctionnement latent,
non conscient, du système éducatif ainsi que l’a théorisé Bourdieu.
Sachant que près d’1 élève sur 3 passe par l’enseignement privé durant sa scolarité (18 %
en stock), on s’interroge sur l’existence éventuelle d’un effet spécifique de ce type
d’enseignement ou d’établissement sur les performances des élèves. Les résultats sont
contrastés puisque si les enfants d’ouvriers et d’employés semblent obtenir de meilleurs
résultats dans le privé, c’est le contraire pour les enfants d’agriculteurs. Certains auteurs
(Langouët et Léger, 1994) caractérisent l’enseignement privé en France comme ayant une
visée moins élitiste, comme plus tourné vers le soutien de l’élève avec un encadrement plus
proche et une discipline plus forte. Rappelons cependant que l’enquête PISA montre aussi que
les « meilleurs » systèmes éducatifs ne privilégient pas les écoles privées.
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ailleurs, la recherche n’a pas encore démontré l’existence d’un lien clair entre cette
mobilisation et les performances scolaires des élèves.
Proposition de correction centrée sur les éléments du cours mobilisables sur le sujet
De par leur nature symbolique, la plupart des activités humaines ne peuvent échapper à
l’influence de la culture. Or, au cœur de la culture se trouvent les valeurs qui sont, comme
l’écrit le sociologue canadien Guy Rocher, « des manières d’être ou d’agir qu’une personne
ou une collectivité reconnaît comme idéales et qui rend désirables ou estimables les êtres ou
les conduites auxquels elle sont attribuées ». En reprenant le célèbre économiste français du
XIXe siècle Jean-Baptiste Say, il est possible de définir l’activité économique comme la
formation, la distribution et la consommation des richesses (i.e. les biens et les services). En
situant notre propos dans le cadre de la modernité occidentale, nous nous attacherons à monter
que l’activité économique, tant dans son développement c’est-à-dire sa dynamique historique,
que dans son fonctionnement, c’est-à-dire dans les rapports synchroniques que les acteurs
économiques entretiennent entre eux, s’inscrit dans un contexte axiologique (axios ce qui
vaut, logos discours, étude) qui la conditionne voire la détermine au moins partiellement.
S’interrogeant dans Toward a General Theory of Action en 1951 sur les « pattern
variables » orientant l’action, le sociologue américain montrait qu’on pouvait distinguer
différentes réponses apportées, selon les sociétés et leur histoire, aux dilemmes de
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l’existence humaine. Ainsi a-t-il défini un « ethos moderne » caractérisant l’époque
moderne associée au développement économique. Cet « éthos moderne » se compose,
selon lui, des « options de valeurs » suivantes : la neutralité affective, l’universalisme,
l’agir, la spécificité et l’individualisme (ego au centre). En d’autres termes, la hiérarchie
des valeurs devait changer pour que l’activité économique puisse se développer.
On retrouve ici une idée similaire, déjà développée par Auguste Comte au XIX e siècle,
dans sa « loi des trois états » où l’« état positif » caractérisé par l’explication positiviste du
monde (découverte des « lois » expliquant les « faits ») permettrait, au prix d’un
changement culturel décisif, un développement inédit des sociétés.
De même, dans ce qu’il qualifie comme les « conditions préalables au décollage »,
l’historien du développement économique W. Rostow identifie le dépassement du
fatalisme, la valorisation du profit et l’accès à la connaissance scientifique comme des
transformations culturelles nécessaires.
Plus généralement, la modernité politique a constitué un puissant facteur de la révolution
industrielle en promouvant les libertés individuelles, la suppression des ordres, la
légitimation de la science et la croyance dans le Progrès ainsi que la valorisation du mérite,
du profit et du travail. Sur ce dernier point, rappelons que l’histoire de la conception et du
statut du travail dans les sociétés occidentales montre que cette activité centrale dans le
monde économique moderne et contemporaine a été longtemps réservée aux personnes
dépourvues de prestige social. Une valorisation culturelle de l’activité laborieuse fût donc
aussi indispensable au développement économique.
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II. L’influence axiologique sur le fonctionnement économique
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