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UNIVERSITE SULTAN MOULAY SLIMANE

Faculté Polydisciplinaire Béni Mellal

MANAGEMENT II
SECTION B et C
Cours de A YASSINE
2019-2020

Thème

LES ECOLES DE PENSEE EN MANAGEMENT

1. L’ECOLE CLASSIQUE
Une première approche de l’organisation et son management est élaborée au début du 20e siècle à
partir des travaux de trois auteurs : F. Taylor (américain), H. Ford (américain). H. Fayol (français) et M.
Weber (allemand). Leurs apports sont regroupés sous l’appellation « école classique » dans le sens où ils
sont les premiers fondements de la théorie des organisations. Ces auteurs apportent une première
réponse aux trois questions : (1) Existe-t-il une répartition du travail et un rôle des acteurs plus pertinents ?
(2) Quelle est la forme de pouvoir et de management à adopter ? (3) Existe-t-il une structure efficace ?

Aux yeux de ces auteurs, l’entreprise n’est qu’un lieu de production où on combine techniquement des
facteurs de production. Le propriétaire est un décideur rationnel alors que les acteurs de l’organisation ne
sont que des exécutants sans logique d’action propre, sans pouvoir.

Bonne lecture !

Source :

Aïm, R. (2013). L'essentiel de la théorie des organisations 2019. Gualino éditeur.


Pages : 31-43.
Questions :

1. Quels sont les fondements de l’école classique ?


2. Qui sont les auteurs de l’école classique des organisations ?
3. Résumez les apports des auteurs.
CHAPITRE 2 – L’École classique des organisations 31

Pour aller plus loin


En 1714, Bernard de Mandeville avait soutenu, dans sa Fable des abeilles que les vices privés
font le bien public. Cette fable, qui provoqua un véritable scandale, décrit avec cynisme la
prospérité de l’Angleterre du XVIIIe siècle en montrant l’utilité économique des « vices ». Satis-
faire l’extravagance du riche, écrit-il, donne du travail aux pauvres. Plus tard, et toujours dans
cette inspiration libérale, on peut évoquer la célèbre formule du « laissez faire, laissez-passer,
le monde va de lui-même » qui sera attribué par certains à François Quesnay et par d’autres à
Vincent de Gournay, à l’occasion d’un discours en 1758. Dans les œuvres complètes
de Turgot, Dupont de Nemours, dans son éloge à Vincent de Gournay, cite : « On conçoit, en
effet, que l’éloge de l’auteur de la célèbre formule du laissez-faire et laissez-passer, doit se
confondre avec celui même de la liberté du commerce et de l’industrie. »

Œuvres de référence
– Théorie des sentiments moraux, 1759.
– Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.

2 Frederick Winslow Taylor


■ L’homme
Ingénieur américain et fondateur de l’organisation scientifique du travail (OST), Frederick Winslow
Taylor (1856-1915) est né à Germantown, en Pennsylvanie, dans une famille aisée. Second d’une
famille de trois enfants, il est admis à Harvard, mais abandonnera ses études. Deux hypothèses
sont généralement avancées : sa vue faible, qu’il recouvrit plus tard, et sa fascination pour la
mécanique. Après quatre années d’apprentissage passées dans une petite usine de pompes,
Frederick W. Taylor devient ouvrier tourneur, en 1878, à la Midvale Steel Company et gravit tous
les échelons pour obtenir, en 1883, après des cours du soir, son diplôme d’ingénieur mécanicien.
En 1884, nommé ingénieur en chef à la Midvale Steel Company, il conçoit un nouvel atelier d’usi-
nage. Frederick W. Taylor deviendra, en 1890, directeur de la Manufacturing Investment, une
usine de pâte à papier, avant de se consacrer, dès 1893, au conseil en organisation industrielle. Il
est révélateur de noter que, très jeune, il développa une névrose obsessionnelle pour la mesure et
la quantification. Il passait son temps à compter ses pas et à analyser ses propres mouvements. Au
cours de ses promenades, il calibrait la longueur de ses pas dans le but de dépenser le moins
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d’énergie possible tout en couvrant les distances les plus longues possibles. Son obsession se
traduira, plus tard, par la recherche de la productivité maximale dans le domaine industriel.
En 1903, ses recherches le conduisent à exprimer ses vues dans Shop Management (La gestion
des ateliers). En 1911, il publie un ouvrage célèbre, traduit en plusieurs langues, qui fera date et
qui aura un retentissement très important : The Principles of Scientific Management. En appliquant
les principes de l’OST, l’industrie américaine réalise un accroissement sans équivalent de sa
productivité et de ses profits. Frederick W. Taylor, qui ouvre la voie de la productivité à tous les
pays lancés dans la course industrielle, acquiert une renommée internationale. En France, c’est
Henry Le Chatelier (1850-1936) qui s’enthousiasme pour ces méthodes qu’il diffusera et fera
connaître.
Bien que Frederick W. Taylor ait recherché les conditions de compatibilité entre les dirigeants des
usines et les exécutants (réconcilier l’ouvrier et le patron), ses principes ne prenaient pas en
compte les facteurs psychologiques et sociaux du travail (si l’on se réfère à la célèbre pyramide
de Maslow, Frederick W. Taylor s’arrêta au second niveau). En 1911, les grèves de l’arsenal
de Watertown ternissent ses thèses. Georges Friedmann, en 1956, avec le livre Le travail en
miettes, mène une réflexion sur les conséquences morales et sociales de ces méthodes qui condui-
sent à la déshumanisation, à la déqualification et à l’aliénation des ouvriers. C’est à partir de la fin
des années 1960 que le système taylorien rencontre une grande désaffection et un rejet de la part
des salariés, dus à la monotonie du travail et à l’absence d’initiative personnelle, autant de
facteurs qui ont engendré de graves dysfonctionnements sociaux.

■ L’organisation scientifique du travail (OST)


La division du travail, qui est le concept fondateur permettant un accroissement de la productivité
par la spécialisation des tâches, n’a pas été inventée par Frederick W. Taylor. Bien avant lui, au
Moyen Âge, les artistes délimitaient la surface qu’ils pouvaient réaliser dans une journée. Sous le
règne de Louis XIV, Vauban (1633-1707) eut recours au chronométrage des terrassements pour
ses travaux de fortification. Pour Adam Smith (1723-1790), la division du travail est la source de
richesse. Frederick W. Taylor n’a pas non plus inventé la séparation entre la conception et l’exécu-
tion, démarche que l’on doit à Filippo Brunelleschi, l’un des plus grands architectes du Quattro-
cento. Il va, grâce aux lois de la perspective, montrer la conception de son projet : l’œuvre à
venir. Il séparera clairement la phase de conception (le projet) de la phase de réalisation (la mise
en œuvre).
L’apport considérable de Frederick W. Taylor est d’avoir associé la science à l’industrie et d’avoir
codifié le monde de la production industrielle en ne laissant plus de place aux anciennes procé-
dures empiriques des ouvriers. Il utilisera les mathématiques dans la gestion (abaques) et mettra
CHAPITRE 2 – L’École classique des organisations 33

en place un système de contrôle et de gestion de la production (ingénieurs des méthodes).


L’industrie quitte une certaine improvisation pour adopter une structuration rationnelle de la
production avec l’application de l’OST, érigée pour la première fois en système vers 1880. Cette
structuration rationnelle de la production observe les quatre principes développés ci-dessous.

a) La division verticale du travail


C’est mettre la bonne personne à la bonne place (« the right man on the right place »), en séparant
le travail intellectuel de conception des ingénieurs du « bureau des méthodes » qui organisent la
production et attribuent, pour chacune des taches, une durée standard, du travail d’exécution des
ouvriers qui doivent appliquer les consignes spécifiées. Cette séparation implique une division
sociale entre les ingénieurs (les « cols blancs ») et les ouvriers (les « cols bleus »). On codifie le
travail par des instructions qui sont données par la hiérarchie à des exécutants.

b) La division horizontale du travail


Ce principe, illustré par Charlie Chaplin dans son célèbre film Les Temps modernes, est fondé sur
la parcellisation des tâches. On décompose le travail en tâches élémentaires et en gestes élémen-
taires, en supprimant les gestes inutiles. On introduit le chronométrage, non pour connaître le
temps d’exécution d’une tâche, mais pour attribuer à chacune d’elles la durée optimum d’exécu-
tion et obtenir ainsi la meilleure façon de faire : « The one best way ».

c) Le salaire au rendement (piece rate pay system)


Frederick W. Taylor constate la « flânerie » systématique qui conduit les meilleurs ouvriers à ralentir
leur vitesse d’exécution au niveau des moins productifs, en raison d’une rétribution journalière
identique. Aussi préconisera-t-il comme moyen de lutte : le système de salaire différentiel. Consta-
tant que le caractère aliénant du travail de l’ouvrier ne peut être compensé que par l’argent qui
est, dans ces conditions, la seule motivation, il attribuera, pour une tâche donnée, un temps
d’exécution (temps opératoires optimaux). Le chronométrage déterminera alors la rémunération
(boni) par rapport au temps de référence.

d) Le contrôle du travail, la hiérarchie fonctionnelle


Frederick W. Taylor, pour lutter contre le « gaspillage », optimisera le temps consacré au travail en
procédant à une analyse détaillée des gestes des ouvriers et en rationalisant le poste de travail de
l’individu. Si Taylor cherche à définir rationnellement le poste de travail indépendamment des
personnes qui doivent l’occuper, on attendra le milieu du XXe siècle, en France, pour que « l’ergo-
nomie », nouvelle discipline d’étude du poste de travail, en réaction au Taylorisme, permette de
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réaménager le poste de travail pour qu’il soit adapté à la personne et non adapter la personne au
poste de travail.
Il met en place une organisation représentée par des contremaîtres chargés de réaliser des
contrôles. L’efficacité passant par la spécialisation des tâches, un subordonné dépendra de
plusieurs chefs en fonction du problème posé. Il n’y a pas d’unicité de commandement (voir
Henry Fayol), mais une multiplicité de lignes hiérarchiques. L’ouvrier aura autant de chefs spécia-
lisés (hiérarchie fonctionnelle) qu’il y a de fonctions différentes nécessaires à l’exécution de son
travail. L’organisation prônée par Frederick W. Taylor est une organisation dans laquelle on
rajoute, à la ligne hiérarchique (commandement) « line », un « staff » (le corps des experts) pour
créer une organisation de type « staff and line » que l’on traduit par « hiérarchie linéaire et fonc-
tionnelle » ou encore « hiérarchico-fonctionnelle ».

Œuvre de référence
– Principles of Scientific Management, 1911. Édition française : Principes d’organisation scien-
tifique des usines, traduction de M. J. Royer, préface de Henry Le Chatelier, 1911, H. Dunod
et E. Pinat.

■ Les disciples et successeurs de Frederick W. Taylor


Frank Bunker Gilbreth et Henry L. Gantt sont les deux personnalités majeures du courant de
pensée consacré au management scientifique. Continuateurs de l’œuvre de Frederick W. Taylor,
ils ont développé ses principes d’organisation scientifique du travail.

a) Frank Bunker Gilbreth (1868-1924)


Cet ingénieur décomposa et analysa les mouvements élémentaires (micro-mouvements)
permettant d’accomplir un travail. Lillian Gilbreth (1878-1972), son épouse, Docteur en
psychologie, réalisa des travaux sur la psychologie du travail. Les époux Gilbreth eurent
douze enfants, six garçons et six filles qu’ils élevèrent, pour l’anecdote, en appliquant les principes
de l’organisation scientifique. Si Taylor chronométrait les mouvements des ouvriers pour évaluer le
temps passé à effectuer une tâche, les empêchant ainsi de « perdre leur temps » (étude des
temps), les époux Gilbreth, eux, ne procéderont pas de la même façon. Leurs expérimentations
ne feront pas appel au chronomètre. Ils choisiront d’analyser les gestes quotidiens qu’ils décompo-
seront en gestes élémentaires, dans le but d’éliminer les gestes inutiles et d’améliorer la perfor-
mance, tout en réduisant la fatigue (étude des mouvements). Les ouvriers, pour Frank Bunker
Gilbreth, ne devaient être ni contrôlés, ni surveillés. Il s’opposera, sur ce point, aux théories
CHAPITRE 2 – L’École classique des organisations 35

de Taylor avant de considérer Shop Management comme une « bible ». En 1930, « l’étude des
mouvements » de Gilbreth sera reconnue, aux États-Unis, comme une discipline à part entière et
distincte de « l’étude des temps » de Taylor. THERBLIGS est le nom donné à une liste et un
tableau d’unités de travail de base indiquant la totalité des mouvements auxquels pouvait être
réduit un travail industriel. On remarquera que THERBLIGS est l’anagramme des époux Gilbreth.

Œuvres de référence
– Motion Study, 1911.
– Fatigue Study, 1916.

b) Henry L. Gantt (1861-1919)


Cet ingénieur américain travailla à la Midvale Steel Company où il rencontra F.W. Taylor qui était
alors ingénieur en chef. Il deviendra un fervent adepte de l’organisation scientifique du travail qu’il
s’emploiera à diffuser, comme consultant, auprès de nombreuses sociétés. Le premier à associer
les notions d’activité et de temps, il inventera le « graphique de Gantt », un planning simple de
réalisation permettant de visualiser l’enchaînement et la durée des travaux. Le planning de Gantt
est un planning axé sur le calendrier des tâches. Cette représentation donne, en abscisse, une
échelle de temps et, en ordonnée, les tâches concernées. La lecture de ce graphique est aisée et
ne présente aucun risque de mauvaise interprétation. Le planning de Gantt est toujours, aujour-
d’hui, un outil de référence en ordonnancement et en gestion de projet. Gantt militera pour plus
de démocratie dans l’entreprise et développera l’aspect social de l’organisation du travail.

Œuvres de référence
– Work, Wages, and profits, 1911.
– Organizing for Work, 1919.

■ La « re-taylorisation »
La « re-taylorisation » ou le « néo-taylorisme » est, de nouveau, un sujet d’actualité dans l’indus-
trie, les services (saisie informatique) et la restauration « rapide ». En effet, l’informatique et les
nouveaux moyens de communication ont permis de développer le télétravail, en particulier avec
l’utilisation de systèmes de type work flow, hotline, call center. Mais cette nouvelle forme de
travail, qui touche l’ensemble de la population d’employés et de cadres, a multiplié les tâches
répétitives et monotones, induisant de surcroît un stress associé aux objectifs exigés.
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3 Henry Ford
■ L’homme
Henry Ford (1863-1947), aîné de 6 enfants, est né aux États-Unis à Dearborn au Michigan.
Passionné de mécanique, il construit dès l’âge de 15 ans son premier moteur à vapeur et découvre
avec enthousiasme le tout nouveau moteur à explosion. Après avoir été apprenti mécanicien à
Detroit, Henry Ford devient ingénieur-mécanicien et entre en 1891, à la société Edison Company
de Detroit. Nommé ingénieur en chef en 1893, il consacre son temps libre, cette même année, à
la construction d’une automobile bicylindre.
Henry Ford démissionne en 1899 de l’Edison Company et vouera quelques années de sa vie à la
conception et à la construction de plusieurs voitures de course. Le 16 juin 1903, il crée la Ford
Motor Company et commercialise sa première voiture le 15 juillet 1903.
Le 1er octobre 1908, il présente le célèbre modèle T destiné à un grand public. Celui-ci sera commer-
cialisé pendant 19 ans et diffusé à 15 millions d’exemplaires. Grâce à ses méthodes de travail, le
temps de production de ce modèle sera considérablement réduit. Il passera de 6 heures à 1 h 30.
La productivité est donc multipliée par 4. Henry Ford, considéré comme l’un des fondateurs de
l’industrie du XXe siècle, est l’un des premiers à appliquer et à développer les préceptes du Taylo-
risme. Ses méthodes, adoptées par toutes les grandes entreprises, représentent un mode d’organi-
sation du travail qui fera triompher la société industrielle du XXe siècle en créant une forte crois-
sance économique.

■ Le Fordisme
Le Fordisme est défini dans le Lexique de gestion Dalloz comme : « Doctrine et théorie écono-
mique inspirées des méthodes de Henry Ford suivant laquelle la production en grande série et à
la chaîne abaisse les coûts de production et les prix de vente, ce qui augmente la demande et
permet une nouvelle augmentation du niveau de production. »
Ce modèle industriel complétant l’œuvre de Taylor est fondé sur les trois grands principes
suivants :

a) Premier principe : le travail à la chaîne continue


S’inspirant du principe de la division horizontale du travail de Frederick W. Taylor, Henry Ford
approfondit ce concept qui débouchera sur le travail à la chaîne continue : le travail est dit posté
car l’ouvrier est « statique ». Ce mode de fonctionnement aurait été pratiqué, pour la première
CHAPITRE 2 – L’École classique des organisations 37

fois, dans les abattoirs de Chicago et la visite de ces lieux aurait influencé Henry Ford. Il aurait alors
décidé d’appliquer ce principe dans ses usines. Le travail à la chaîne est caractérisé par une méca-
nisation de l’usine qui utilise des convoyeurs pour assurer la circulation des pièces leur permettant
de se déplacer automatiquement, à flux continu, devant des ouvriers. Ces derniers sont fixés à leur
poste de travail et répètent inlassablement les mêmes gestes tout au long de la journée. Cette
« parcellisation » du travail a engendré une déqualification du travail ouvrier. Le rythme du travail
n’est plus sous le contrôle de l’ouvrier, mais dicté par la machine.

b) Deuxième principe : la standardisation


Elle permet une baisse du coût de production unitaire rendue possible grâce au concept d’inter-
changeabilité et de standardisation des pièces. Témoin le modèle voiture unique, la Ford T noire :
« Mes clients peuvent choisir la couleur de leur voiture pourvu qu’elle soit noire. » La standardisa-
tion va favoriser le développement de la production en grandes séries, engendrer la production de
masse et une consommation de masse qui sera à l’origine du mode de croissance économique
fordiste des pays occidentaux entre 1945 et 1975 (les Trente Glorieuses).

c) Troisième principe : five dollars a day


Au 1er janvier 1914, la décision est prise de porter la rémunération journalière à cinq dollars par
jour. Cette nouvelle rémunération, qui représente un salaire important par rapport aux moyennes
pratiquées dans l’industrie de l’époque, permet d’atteindre un double objectif : d’une part, de
fidéliser les ouvriers et, d’autre part, de redistribuer des gains de productivité sous forme de
pouvoir d’achat, compensant ainsi la difficulté du travail en assurant la paix sociale. Cette redistri-
bution de pouvoir d’achat permettra de stimuler l’offre et la demande en donnant aux ouvriers la
possibilité d’acquérir les voitures qu’ils produisent.

Œuvre de référence
– Ma vie et mon œuvre, 1925, Payot.

4 Henri Fayol
■ L’homme
Jules Henri Fayol (1841-1925), ingénieur français, né à Istanbul, est diplômé de l’école des Mines
de Saint-Étienne. Pendant trente années, de 1888 à 1918, il dirigea une société minière, la Société
de Commentrie-Fourchambault-Decazeville qui était, à son arrivée, au bord de la faillite. Il la redressera.
38 L’ESSENTIEL DE LA THÉORIE DES ORGANISATIONS

Son expérience le conduisit à constater que les dirigeants avaient une formation technique mais
aucune formation leur permettant d’administrer une entreprise. Il regretta que cette discipline ne
fût pas dispensée dans les écoles d’ingénieurs et milita pour un enseignement administratif.
Son apport considérable dans l’entreprise en fait le père du management moderne. Grâce à son expé-
rience de terrain, il établit des principes simples et efficaces d’organisation, d’administration et de gestion.
Le premier à se préoccuper du fonctionnement global de l’entreprise, il introduisit la
gestion comme une profession à part entière. Complémentaire de l’approche de Taylor, qui
invente une organisation fondée sur l’amélioration des aspects techniques de l’entreprise, la
pensée de Fayol est tournée vers les dirigeants et l’amélioration des aspects administratifs
de l’entreprise.
Fayol considérait que l’on pouvait appliquer les mêmes principes de management à n’importe
quelle organisation, quel que soit sa taille ou son type d’activité. Ses principes ont d’abord connu
un grand succès aux États-Unis avant qu’ils ne fussent réimportés en France, après la Seconde
Guerre mondiale, par des consultants américains.

■ L’organisation administrative du travail (OAT)


Le Fayolisme se résume en une classification des fonctions essentielles de l’entreprise et des prin-
cipes d’administration. Dans son ouvrage de référence qu’il publie en 1916 : L’Administration
industrielle et générale, Fayol développe ses principes d’organisation.
a) Une classification des six opérations ou fonctions essentielles de l’entreprise
Ces fonctions seront toujours représentées, que l’entreprise soit grande ou petite :
– opérations techniques (production – fabrication...) ; opérations commerciales (achats – ventes...) ;
– opérations financières (recherche et gérance des capitaux) ;
– opérations de sécurité (protection des biens et des personnes) ;
– opérations de comptabilité (inventaire – bilan – prix de revient) ;
– opérations administratives (prévoyance, organisation, commandement, coordination et contrôle).
CHAPITRE 2 – L’École classique des organisations 39

b) Les opérations administratives ou la fonction administrative (management)


La fonction administrative doit être distinguée des autres opérations, car elle ne peut être délé-
guée par le dirigeant. Celui-ci est conduit, par son expérience, à constater que cette fonction est
souvent délaissée. Il la décrira en utilisant les cinq infinitifs suivants (POCCC) :
– Prévoir : « c’est-à-dire scruter l’avenir et dresser le programme d’action » ;
– Organiser : « c’est-à-dire constituer le double organisme, matériel et social, de l’entreprise » ;
– Commander : « c’est-à-dire faire fonctionner le personnel » ;
– Coordonner : « c’est-à-dire relier, unir, harmoniser tous les actes et tous les efforts » ;
– Contrôler : « c’est-à-dire veiller à ce que tout se passe conformément aux règles établies et aux
ordres donnés ».
Pour exercer la fonction administrative, H. Fayol établit à l’intention du « corps social », l’entre-
prise, un ensemble de 14 recommandations qui seront ses principes de gestion :
1) La division du travail
« La division du travail a pour but d’arriver à produire plus et mieux avec le même effort. »
2) L’autorité
« L’autorité, c’est le droit de commander et le pouvoir de se faire obéir. »
3) La discipline
« La discipline, c’est essentiellement l’obéissance, l’assiduité, l’activité, la tenue, les signes exté-
rieurs de respect réalisés conformément aux conventions établies entre l’entreprise et ses agents. »
4) L’unité de commandement
« Pour une action quelconque, un agent ne doit recevoir des ordres que d’un seul chef. »
5) L’unité de direction
« Un seul chef et un seul programme pour un ensemble d’opérations visant le même but. »
6) La subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général
« Ce principe rappelle que, dans une entreprise, l’intérêt d’un agent, d’un groupe d’agents, ne
doit pas prévaloir contre l’intérêt de l’entreprise, que l’intérêt de la famille doit passer avant celui
de l’un de ses membres, que l’intérêt de l’État doit primer sur celui du citoyen ou d’un groupe de
citoyens. »
40 L’ESSENTIEL DE LA THÉORIE DES ORGANISATIONS

7) La rémunération du personnel
« La rémunération du personnel est le prix du service rendu. Elle doit être équitable et, autant que
possible, donner satisfaction à la fois au personnel et à l’entreprise, à l’employeur et à l’employé. »
8) La centralisation
« Trouver la mesure qui donne le meilleur rendement total, tel est le problème de la centralisation
et de la décentralisation. Tout ce qui augmente l’importance du rôle des subordonnés est de la
décentralisation ; tout ce qui diminue l’importance de ce rôle est de la centralisation. »
9) La hiérarchie
« La hiérarchie est la série de chefs qui va de l’autorité supérieure aux agents inférieurs. »
10) L’ordre
Fayol distingue deux ordres : l’ordre matériel et l’ordre social.
Pour l’ordre matériel :
« Pour que l’ordre matériel règne, il faut qu’une place ait été réservée à chaque objet et que tout
objet soit à la place qui lui a été assignée. »
Pour l’ordre social :
« Pour que l’ordre social règne dans une entreprise, il faut, d’après la définition, qu’une place soit
réservée à chaque agent et que chaque agent soit à la place qui lui a été assignée » (The right
man in the right place).
11) L’équité
« Pour que le personnel soit encouragé à apporter dans l’exercice de ses fonctions toute la bonne
volonté et le dévouement dont il est capable, il faut qu’il soit traité avec bienveillance ; l’équité
résulte de la combinaison de la bienveillance avec la justice. »
12) La stabilité du personnel
« En général, le personnel dirigeant des entreprises prospères est stable ; celui des entreprises
malheureuses est instable. L’instabilité est à la fois cause et conséquence d’un mauvais
fonctionnement... ».
13) L’initiative
« Cette possibilité de concevoir et d’exécuter est ce que l’on appelle l’initiative. La liberté de proposer
et celle d’exécuter sont aussi, chacune de leur côté, de l’initiative... Aussi faut-il encourager et
CHAPITRE 2 – L’École classique des organisations 41

développer le plus possible cette faculté... Toutes choses égales par ailleurs, un chef qui sait donner
de l’initiative à son personnel est infiniment supérieur à un autre qui ne le sait pas. »
14) L’union du personnel
« L’union fait la force. Ce proverbe s’impose à la méditation des chefs d’entreprise. L’harmonie,
l’union dans le personnel d’une entreprise est une grande force dans cette entreprise. Il faut
donc s’efforcer de l’établir. »
On remarquera, parmi ces 14 recommandations, son souci de centraliser l’autorité et de
prôner l’unicité de commandement ; c’est l’un des principes fondateurs de sa pensée, en oppo-
sition, sur ce point, avec Frederick W. Taylor.

Œuvre de référence
– Administration industrielle et générale, 1916, Dunod.

Pour aller plus loin


La bienveillance en entreprise. Aux prémices du XXIe siècle, nombre d’observateurs et de
chercheurs attire l’attention des dirigeants d’entreprise sur une thématique émergente : la
bienveillance au travail comme facteur de performance dans l’entreprise. La bienveillance
n’est pas une idée neuve. Paradoxalement elle trouve, avant l’école des relations humaines,
son origine dans l’école classique des organisations avec le modèle de Fayol (1841-1925) qui
recommande 14 principes de gestion dont le principe nº 11 est l’équité : « pour que le
personnel soit encouragé à apporter dans l’exercice de ses fonctions toute la bonne volonté
et le dévouement dont il est capable, il faut qu’il soit traité avec bienveillance ; l’équité
résulte de la combinaison de la bienveillance avec la justice ». L’accent mis sur la bienveillance
remet l’humain au centre des organisations. Ce modèle de leadership rejette le management
par le stress et bannit les comportements induits de mépris, d’humiliation et de cynisme. La
bienveillance se déclinera en principes élémentaires et apparaîtra sous la forme d’une chartre
ou dans le répertoire des bonnes pratiques de l’entreprise (encourager, complimenter, remer-
cier, reconnaître une erreur ou une maladresse, ne pas envoyer de mails, ni d’appels en
dehors des heures ouvrables, se préoccuper des conditions de travail de chacun et veiller au
bien-être des salariés : transport – crèche – repas...).
42 L’ESSENTIEL DE LA THÉORIE DES ORGANISATIONS

5 Max Weber
■ L’homme
Max Weber (1864-1920), Allemand né à Erfurt, est issu d’une famille d’industriels protestants.
Considéré comme le père fondateur de la science sociologique et le maître de la sociologie
compréhensive, homme d’une érudition encyclopédique, difficilement classable, il est tout à la
fois juriste, sociologue, économiste, historien et philosophe. Max Weber fait ses études à Heidel-
berg, puis à Berlin, où il enseignera le droit à l’université, en 1894. Nommé professeur d’économie
à l’Université de Fribourg et de Heidelberg, il se tourne vers la philosophie et enseigne, en 1919, la
sociologie à l’Université de Munich.
Sa contribution, dans le cadre de la théorie des organisations, est essentielle et fondatrice.
Étudiant l’administration publique prussienne, il remettra en cause l’autorité dite traditionnelle et
charismatique, pour un modèle d’organisation fondé sur des principes de droit et de rationalité
(type idéal rationnel-légal) où la référence commune à un ensemble de travailleurs est la règle.
Pour Max Weber, la meilleure forme d’organisation humaine est donc le modèle « bureaucra-
tique » (gouvernement par les « bureaux »), qui allie la loi à la raison scientifique et qui n’est plus
fondée sur le sacré et la tradition. Le modèle weberien, en éliminant le népotisme et la faveur par
l’utilisation de règles, écarte de fait l’arbitraire pour un modèle efficace et égalitaire.
À l’époque, Max Weber n’imagine pas les effets négatifs de l’organisation bureaucratique et la
rigidité qui peut en découler. Le terme de bureaucratie a aujourd’hui un sens très préjoratif.

■ Le modèle weberien de l’autorité


Le modèle weberien distingue trois types d’autorité (aptitude à imposer l’obéissance) qu’il diffé-
rencie du pouvoir (capacité légale détenue par le propriétaire). L’autorité légitime le dirigeant.
a) La légitimité traditionnelle
L’autorité du leader est fondée sur le respect de l’héritage du passé. Dans le cadre de l’organisa-
tion d’une entreprise, ce type de légitimité se réfère aux usages, aux habitudes, aux acquis et aux
coutumes transmises de génération en génération par son fondateur. C’est le cas des entreprises
familiales.
b) La légitimité charismatique
Max Weber est le premier à donner le nom de « charisme » à ce type de légitimité. Dans ce cas,
l’autorité du leader repose sur une combinaison de qualités personnelles extraordinaires et d’un
CHAPITRE 2 – L’École classique des organisations 43

pouvoir de séduction hors du commun qui émane de sa personnalité et qui provoque un attache-
ment des foules. L’autorité charismatique comporte une connotation à caractère sacré. Le leader,
véritable héros, capitaine d’industrie, va développer une autorité à laquelle les hommes se soumet-
tent en reconnaissance de ses qualités. Témoins quelques exemples, dans le monde politique :
Mahatma Gandhi, John Fitzgerald Kennedy, Lech Walesa, Charles de Gaulle... ou, dans le
domaine de l’entreprise, Marcel Dassault, André Citroën, Marcel Bleustein-Blanchet... Cette orga-
nisation, qui fonctionne sur la soumission et le dévouement à un individu, ne peut pas se trans-
mettre et rend cette organisation « instable » car elle repose sur une personne.

c) La légitimité rationnelle ou légale


Le leader exerce son autorité grâce à une légitimité rationnelle reposant sur des règles juridiques
formalisées par écrit (statuts, règlements...). La fonction est investie d’une autorité et non la
personne. Dans ce type d’autorité, on n’obéit pas aux individus, mais aux exécutants d’une léga-
lité. Cette organisation, qui a inspiré l’organisation des grandes administrations, est fondée sur la
compétence et la rigueur.
Pour Max Weber, l’administration bureaucratique idéale doit répondre aux dix critères suivants :
1. personnellement libres, les agents n’obéissent qu’aux devoirs objectifs de leur fonction et sont
soumis à une autorité qui est en rapport avec leurs obligations officielles ;
2. les agents sont organisés dans une hiérarchie de leur fonction clairement établie ;
3. chaque emploi a une sphère de compétence légale qui repose sur des tâches qui seront expli-
cites et clairement définies ;
4. l’emploi est occupé sur la base d’une libre relation contractuelle ;
5. les candidats sont sélectionnés sur la base de leur qualification professionnelle, nommés et (non
élus) selon une qualification professionnelle attestée par un diplôme ;
6. les agents sont payés suivant le principe de la « conformité au rang » par des appointements
fixes, donnant droit à retraite, évalués selon le rang hiérarchique et les responsabilités assumées ;
7. l’emploi occupé est considéré comme l’unique ou principale profession ;
8. les agents voient s’ouvrir à eux une carrière, un « avancement » selon l’ancienneté ou selon les
prestations de service. L’avancement dépend du jugement de leurs supérieurs ;
9. les agents ne sont pas propriétaires des moyens de l’administration et ne peuvent s’approprier
leur emploi ;
10. les agents sont soumis à une discipline stricte et à un contrôle de leur travail.
UNIVERSITE SULTAN MOULAY SLIMANE
Faculté Polydisciplinaire Béni Mellal

MANAGEMENT II
SECTION B et C
Cours de A YASSINE
2019-2020

Thème

LES ECOLES DE PENSEE EN MANAGEMENT

2. L’ECOLE DES RELATIONS HUMAINES


Une L’école des relations humaines s’est développée en réaction aux excès du taylorisme. Elle intègre une
nouvelle dimension dans le management des organisations : l’homme en tant qu’individu et membre d’un
groupe. Dans cette école de pensée, l’entreprise demeure toujours un lieu de production. Cependant,
l’acteur a une dimension humaine, ce qui provoque des réactions, des comportements d’ordre affectif et
sentimental, parfois en contradiction avec la logique rationnelle de l’entreprise. Les auteurs montrent que
les conditions de travail matérielles et psychologiques doivent être prises
en considération pour que les acteurs participent efficacement au
fonctionnement de l’organisation. Il faut donc gérer les comportements
des acteurs.

Les principaux auteurs de l’école des relations humaines sont : George


Elton Mayo, Abraham Maslow, Frederick Herzberg, Kurt Lewin, Rensis
Likert et Douglas McGregor. Le présent texte résume les travaux des
trois premiers auteurs. Les apports des trois derniers sont présentés dans
le thème portant sur les styles de management.

Bonne lecture !

Source :

Barabel, M., Meier, O., & Teboul, T. (2013). Les fondamentaux du management-2e édition. Dunod. Pages : 28-33.
Questions :

1. Quels sont les fondements de l’école des relations humaines ?


2. Qui sont les auteurs de cette école de pensée ? Résumez leurs apports.
Conseiller éditorial :
Carole Marsella

© Dunod, Paris, 2013


ISBN 978-2-10-059944-8
Chapitre 1 ■ Les théories traditionnelles du management

d’un « leader » et le problème de la succession qui y est associé


peuvent remettre en cause l’organisation et sa survie.
Dans l’organisation proposée par M. Weber, l’autorité est fondée sur
une légitimité rationnelle­ légale. L’autorité de type légal­rationnel
s’impose en vertu de la croyance en la validité d’un statut légal et d’une
compétence positive fondée sur des règles établies rationnellement.
À la suite des travaux de Weber, de nombreux chercheurs ont surtout
montré les limites des organisations bureaucratiques (Merton, 1947 ;
Gouldner, 1954 ; March & Simon, 1958, Crozier, 1977, Mintzberg,
1973…) auxquelles ils reprochent en particulier de réduire l’innovation
et la création des individus, de dépersonnaliser les rapports humains, de
sous­estimer la dimension informelle des organisations et de générer des
conflits et des dysfonctionnements de plus en plus conséquents. En
revanche, la plupart de ces auteurs n’ont jamais remis en cause la dette
intellectuelle qu’ils doivent à Weber et l’intérêt majeur de ses ouvrages.

Section
2 L’écoLe deS reLationS humaineS

L’école des relations humaines s’est développée en réaction aux


excès du taylorisme qui dans sa recherche frénétique de la productivité
a engendré des comportements contraires à ses objectifs initiaux avec
entre autres un taux d’absentéisme élevé, une rotation importante du
personnel et des accidents du travail en nombre croissant. La vision
stratégique implicite de cette école reste identique à celle de l’école
classique, en s’attachant à proposer un cadre d’analyse unique et uni­
versel. Mais l’approche de l’organisation évolue en intégrant une nou­
velle dimension : l’homme en tant qu’individu et membre d’un groupe.
Les postulats de l’école des relations humaines sont les suivants :
l’entreprise est toujours un lieu de production, où l’acteur de l’orga­
nisation a une dimension humaine, ce qui provoque des réactions, des
comportements d’ordre affectif et sentimental, parfois en contradiction
avec la logique rationnelle de l’entreprise. Selon cette perspective, les
conditions de travail matérielles et psychologiques doivent être prises
en considération pour que les acteurs participent efficacement au fonc­
tionnement de l’organisation. Il convient en particulier d’intégrer, dans
le fonctionnement de l’entreprise, les différents groupes d’acteurs avec
leur dynamique propre.

28
Les théories traditionnelles du management ■ Chapitre 1

1 Elton Mayo et l’expérience d’Hawthorne

1.1 Contexte
George Elton Mayo (1880­1949) est d’origine australienne. Après
avoir suivi des études de médecine à Edinburgh en Écosse et en psy­
chologie en Australie, il devient professeur de psychologie et de philo­
sophie. En 1922, il émigre aux États­Unis et se spécialise comme
chercheur en psychologie industrielle en étudiant notamment le com­
portement au travail. Ses principales contributions sont le fruit de
recherches empiriques menées au sein de la Western Electric (Chicago,
États­Unis). Dans les faits, les recherches de Mayo ont été relatées
quelques années plus tard par deux chercheurs qui y ont participé,
F.J. Roethlisberger et W.J. Dickson, dans leur livre Management and
the worker (1939).

1.2 Les relations sociales au sein des groupes


Les travaux de Mayo ont permis de mettre en évidence l’existence au
sein des organisations d’un système implicite de relations et d’inter­
actions, basées sur les comportements et les affinités des individus
entre eux (les salariés sont dominés par la logique du sentiment). Elton
Mayo s’est intéressé ainsi aux conditions matérielles de travail
(éclairage, chauffage, bruits, etc.) et leur impact sur la productivité à la
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Western Electric de 1924 à 1932. Dans sa première série d’expériences,


Mayo et ses équipes partent du postulat qu’une amélioration de
l’éclairage est présumée causer une productivité accrue. Or, sur le
terrain, ils s’aperçoivent que la productivité s’améliore aussi bien dans
le groupe étudié que dans le groupe témoin (groupe évoluant dans des
conditions de travail stables) et que la productivité continue à s’amé­
liorer même lorsqu’on fait diminuer l’intensité de la lumière (dégra­
dation des conditions de travail).
Ces résultats l’amènent à considérer que d’autres facteurs inter­
viennent dans l’explication de la productivité. En particulier, l’auteur
en déduit que la simple connaissance par un individu du fait qu’il est
sujet d’observation modifie son comportement. C’est ce que l’on a qua­
lifié d’effet Hawthorne : « des modifications peuvent intervenir dans le
comportement et les attitudes des sujets quand ils sont conscients

29
Chapitre 1 ■ Les théories traditionnelles du management

d’avoir été sélectionnés et distingués des autres pour devenir un sujet


d’étude ».
Une seconde série d’observations est alors menée. Il s’agit d’étudier
le comportement d’un groupe de cinq ouvrières suite à différentes
décisions (augmenter les salaires, accorder un temps de pause
supérieur, accroître le temps de repos). Là encore les performances
continuent à s’accroître même quand on réduit la rémunération des
membres du groupe. Le compte rendu des entretiens menés au sein
des usines fait apparaître que l’explication réside dans les relations à
l’intérieur de l’unité de travail. Les ouvriers sont avant tout motivés
par leur appartenance à un groupe social et éprouvent (par conséquent)
des besoins de relation et de coopération.
L’auteur en conclut que ce ne sont pas les facteurs matériels qui
gouvernent principalement le rendement mais des éléments de nature
psycho sociale, notamment le climat social, la qualité des relations
interindividuelles et la communication. En effet, l’employé ne réagit
pas en tant qu’individu mais en tant que membre d’un groupe. Au­delà
de l’organisation formelle, il existe donc une organisation informelle
qui obéit à une logique de sentiments et d’appartenance.
Les principales conclusions de ses travaux sont alors que la quantité
de travail accompli par un individu n’est pas déterminée par sa capacité
physique (approche taylorienne) mais par sa capacité sociale, c’est­à­
dire son intégration à un groupe. Les récompenses non financières
(estime, relations sociales) jouent de ce fait un rôle essentiel dans la
motivation et limitent l’intérêt d’une organisation scientifique du
travail. Selon cette approche, une des tâches du management est de
créer une coopération entre les acteurs de l’entreprise, en veillant à
insérer chaque employé dans un groupe social donné. Pour y arriver, il
est nécessaire de s’appuyer sur un personnage clé à savoir le leader
informel du groupe qui va être capable de fédérer les acteurs et
d’imposer au groupe ses règles de fonctionnement. Contrairement à la
théorie taylorienne, la cohésion et les bonnes relations s’établissent
quand le système de contrôle devient plus souple. À ce titre, la théorie
des ressources humaines est aussi déterministe que la théorie classique.
Elle part du principe qu’il existe un bon modèle organisationnel qui
permet d’obtenir des performances supérieures aux autres systèmes :
un mode de management à l’écoute, bienveillant, laissant des marges
de liberté au groupe pour s’organiser lui­même.

30
Les théories traditionnelles du management ■ Chapitre 1

2 Maslow et la hiérarchie des besoins


2.1 Contexte
Abraham Maslow (États­Unis, 1908­1970) est diplômé de psycholo­
gie de l’Université du Wisconsin. Il est l’auteur de deux principaux
ouvrages : Motivation and personality (1954) et Toward a psychology
of being (1968) qui s’intéressent aux facteurs de motivation de l’homme
notamment au travail.

2.2 La théorie des besoins


Dans le prolongement des travaux de E. Mayo, A. Maslow met en
avant l’analyse des besoins humains dans les organisations, en s’inté­
ressant aux origines de la motivation de l’homme au travail. Pour ce
faire, A. Maslow établit une pyramide des besoins, en distinguant cinq
catégories de besoins hiérarchisées. En effet, les facteurs physiolo­
giques, psychologiques, sociaux et culturels peuvent être abordés en
termes de besoins primaires et secondaires. Selon ces travaux, un indi­
vidu peut éprouver de nombreux besoins qui n’ont pas tous la même
importance et peuvent donc être hiérarchisés et ordonnés. On peut
ainsi hiérarchiser cinq besoins fondamentaux1:
– les besoins physiologiques (besoins vitaux) ;
– les besoins de sécurité (physique ou psychique) ;
– les besoins d’appartenance ;
– les besoins d’estime/de reconnaissance ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

– les besoins de réalisation et d’accomplissement.


Les besoins sont souvent représentés sous la forme d’une pyramide
qui témoigne de la hiérarchisation des besoins et de la relative difficulté
de satisfaire les besoins supérieurs.
Selon ces travaux, un individu cherche d’abord à satisfaire le besoin
qui lui semble le plus vital (cf. besoin physiologique). Dès que ce besoin

1. Alderfer (1972) propose de réduire les cinq besoins de Maslow en trois grandes catégo­
ries : les besoins d’existence (physiologique et sécurité), de sociabilité (appartenance et
estime) et de croissance (réalisation et d’accomplissement personnel). Alderfer modère la
théorie de Maslow en considérant qu’une personne peut aussi bien progresser dans la hié­
rarchie des besoins que régresser. De plus, il introduit l’idée que le manque de satisfaction de
certains besoins conduit les individus à opérer des déplacements vers d’autres besoins sans
que le type de besoin soit figé.

31
Chapitre 1 ■ Les théories traditionnelles du management

est satisfait, l’individu cherche dans ce cas, à satisfaire le second besoin


le plus important. Par conséquent, l’hypothèse centrale d’A. Maslow est
qu’un besoin de niveau supérieur ne se manifeste que lorsque les besoins
de niveau inférieur ont été satisfaits. Dès qu’un besoin est satisfait, il
cesse d’être essentiel pour l’individu et un autre besoin de niveau
supérieur apparaît alors, qui sera déterminant aussi longtemps qu’il n’est
pas satisfait. À l’inverse, le retour à l’insatisfaction d’un besoin inférieur
est censé entraîner la disparition des besoins supérieurs.
Comme pour les travaux de Mayo, cette hiérarchie des besoins met
en évidence les limites du stimulant financier et l’impact du contenu du
travail en tant que tel indépendamment des conditions qui l’entourent
pour motiver les salariés.

3 Frederick Herzberg et la théorie des deux facteurs


3.1 Contexte
F. Herzberg (États­Unis, 1923) est psychologue et médecin. Ses tra­
vaux ont été essentiellement diffusés à travers un article paru dans la
Harvard Business Review en 1968.

3.2 Les facteurs de satisfaction et d’insatisfaction


Frederick Herzberg a élaboré sa théorie à partir d’une expérience
effectuée à Pittsburgh. Selon cette théorie, les facteurs qui conduisent à
la satisfaction dans le travail sont différents de ceux qui conduisent à
l’insatisfaction. Il est alors possible d’établir une théorie dite des deux
facteurs, en partant du principe que les réponses des individus diffèrent
selon que l’on s’intéresse à leurs motivations au travail ou aux causes de
leurs mécontentements. Les facteurs qui conduisent à la satisfaction sont
qualifiés de « facteurs de motivation » ou « valorisants », tandis que
ceux qui amènent à l’insatisfaction, sont envisagés comme des « fac­
teurs d’hygiène » ou d’ambiance. L’organisation du travail doit par
conséquent apporter une réponse satisfaisante aux deux séries de
besoins pour d’une part, éviter le mécontentement et d’autre part, déve­
lopper la satisfaction. Les facteurs d’insatisfaction correspondent à des
facteurs extrinsèques au travail et concernent généralement les relations
et conditions de travail : politique de l’entreprise, système de gestion,
mode de contrôle (supervision), politique de rémunération, gestion des

32
Les théories traditionnelles du management ■ Chapitre 1

relations sociales, situation contextuelle. Ces facteurs doivent être


réduits pour éviter l’insatisfaction (départ, grève, absentéisme, stress)
mais ils ne sont pas, en tant que tels, une source de motivation pour
l’individu. Leur absence constitue seulement un frein au développement
professionnel des individus, en raison d’insatisfactions d’ordre écono­
mique (rémunération) ou technique (insécurité). Les facteurs de satis-
faction visent au contraire à concilier le contenu du travail avec les
aspirations profondes de l’individu. Ils sont considérés comme des fac­
teurs essentiels au développement et à l’épanouissement de l’individu
dans son travail (intérêt pour le travail effectué, réalisation de soi, pos­
sibilités de promotion, capacités d’initiative, prises de responsabilité).
Pour F. Herzberg, si les facteurs d’insatisfaction peuvent assez facile­
ment être éliminés dans le cadre de revendications, les facteurs de satis­
faction s’avèrent en revanche plus difficiles à traiter, dans la mesure où
ils sont étroitement liés à l’organisation et à la répartition des tâches
dans l’entreprise (contraintes structurelles). Herzberg s’inscrit donc à
son tour dans une relativisation des principes de l’école classique en ne
reconnaissant la rémunération (principal facteur de motivation chez
Taylor) que comme un facteur éventuel d’insatisfaction. De plus, il est
à l’origine des travaux sur l’enrichissement du contenu du travail.

4 Douglas McGregor et la théorie XY


4.1 Contexte
McGregor (États­Unis, 1906­1964) est docteur en psychologie de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’Université de Harvard. Il s’intéresse au rôle des dirigeants et publie


plusieurs ouvrages sur le sujet dont The human side of enterprise
(1960), Leadership & Motivation (1966) et The professional manager
(1967). Les travaux de l’auteur reposent sur deux principaux postulats.
En premier lieu, la façon dont une organisation est dirigée dépend des
théories implicites que ses dirigeants se font sur le management :
« Derrière chaque décision de commandement ou d’action, il y a des
suppositions implicites sur la nature humaine et le comportement des
hommes ». Deuxièmement, le contrôle est central dans les organisations :
le contrôle, parce qu’il fait appel aux notions d’objectifs et de mesures
des résultats met en jeu des caractéristiques essentielles du comportement
des hommes. Dès lors, il ne peut y avoir de contrôle sans un minimum
d’adhésion des individus et le système de contrôle adopté dans une
organisation n’est pas neutre.

33
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MANAGEMENT II
SECTION B et C
Cours de A YASSINE
2019-2020

Thème

LES RÔLES DU MANAGER


Pour l’étude des rôles du manager, je vous propose une lecture à partir du célèbre ouvrage de Henry
Mintzberg : « le management : voyage au centre des organisations ». L’auteur a le don d’écrire des
textes à la fois simples pour les novices et rigoureux pour les scientifiques. Si le texte peut paraître un peu
long (pour les non habitués de lecture), sachez que les rôles du manager qu’il défend ne sont qu’au
nombre de 10.

Bonne lecture !

Sources :

Mintzberg, H. (1990). Le Management: voyage au centre des organisations.


Les éditions d'organisation. Pages : 36-49.

Questions :

1. Qui est Henry Mintzberg ?

2. Quels sont les rôles du manager selon l’auteur ?


HENRY MINTZBERG

LE MANAGEMENT
Voyage au centre des organisations

Traduit par Jean-Michel Behar


et révisé par Nathalie Tremblay

Deuxième édition
revue et corrigée

© Éditions d’Organisation, 1990, pour l’édition originale.


© Éditions d’Organisation, 1998, 2004 pour la présente édition.

ISBN : 2-7081-3093-5
36 À PROPOS DU MANAGEMENT

la fragmentation et la communication verbale caractéri-


sent ainsi son travail. Ce sont, cependant, ces caractéristi-
ques mêmes du travail de gestionnaire que l’on a cherché
à soumettre à des analyses scientifiques pour les amélio-
rer. Mais comme résultat, les scientifiques de la gestion
ont concentré leurs efforts sur les fonctions spécifiques
de l’organisation où ils pouvaient plus facilement analyser
les procédures et quantifier les informations pertinentes.
On peut donc considérer que le premier pas, pour fournir
au manager une aide substantielle, est de mettre en évi-
dence la véritable nature de sa profession.

RETOUR
À UNE DESCRIPTION FONDAMENTALE
DU TRAVAIL DE GESTIONNAIRE

Essayons d’assembler ici quelques-unes des pièces de


ce puzzle. Le manager peut se définir comme ayant la res-
ponsabilité d’une organisation ou d’une des unités de
cette dernière. Aux côtés des managers de la direction
générale, cette définition intègre les vice-présidents, évê-
ques, contremaîtres, entraîneurs d’équipes de hockey sur
glace et premiers ministres. Y a-t-il un point commun
entre les représentants de ces diverses activités ? En fait la
réponse doit être positive. Car avant toute chose, comme
point de départ important de notre analyse, on constate
qu’ils sont tous investis d’une autorité formelle dans
© Éditions d’Organisation

l’organisation dont ils font partie. De cette autorité for-


melle découle un statut qui conduit lui-même à différen-
tes formes de relations interpersonnelles (9) et de ces
dernières s’induit l’accès à l’information. L’information
qui, à son tour, permet au manager de prendre des déci-
sions et d’élaborer des stratégies dans l’organisation dont
il a la responsabilité.
LA PROFESSION DE MANAGER 37

La profession de manager peut être décrite en termes


de différents « rôles » ou par des ensembles organisés de
comportements identifiés à une fonction. Ma description,
représentée par le schéma de la figure 1-1, comprend dix
rôles.

Figure 1-1 – Les rôles du manager

Autorité
formalisée
et statut

Les rôles Les rôles liés Les rôles


interpersonnels à l’information décisionnels

La figure Observateur Entrepreneur


de proue actif Régulateur
Le leader Diffuseur Répartiteur
L’agent Porte-parole de ressources
de liaison Négociateur
© Éditions d’Organisation

LES RÔLES INTERPERSONNELS

Trois des rôles du manager découlent directement de


la notion d’autorité formelle et impliquent, fondamentale-
ment, des relations interpersonnelles.
38 À PROPOS DU MANAGEMENT

1. Le premier rôle est celui de figure de proue. De par


la vertu de sa position à la tête d’une organisation, chaque
manager doit accomplir quelques obligations de nature
cérémoniale. Le président doit souhaiter la bienvenue à
un groupe de personnalités en visite dans l’entreprise, le
contremaître se doit d’assister au mariage d’un tourneur
de son équipe et le directeur des ventes doit inviter un
important client à déjeuner.
Les managers dirigeants de mon étude consacraient
12 pour cent de leur temps en cérémonies de toutes sor-
tes, 17 pour cent du courrier qu’ils recevaient avait trait à
des remerciements ou à des sollicitations liées à leur sta-
tut. Par exemple, une lettre expédiée au président d’une
société pour demander des produits gratuits pour un éco-
lier handicapé ou bien les diplômes placés sur le bureau
d’un directeur de collège pour qu’il y appose sa signature.
Les obligations qui concernent les rôles interperson-
nels peuvent être parfois purement routinières, impli-
quant alors une communication à un faible niveau
d’information et aucune prise de décision importante.
Elles n’en demeurent pas moins nécessaires au bon fonc-
tionnement sans à-coup d’une organisation et elles ne
pourraient être méconnues du manager.

2. Parce qu’il est chargé d’une organisation, le mana-


ger est responsable du travail des employés de cette orga-
nisation.
Ses activités, dans ce cadre, constituent le rôle du lea-
© Éditions d’Organisation

der. Certaines de ces activités impliquent directement


son leadership, ainsi, par exemple, dans la plupart des
organisations le manager est normalement responsable du
recrutement et de la formation de sa propre équipe. Tout
manager doit savoir motiver et encourager ses employés,
d’une certaine manière, il doit adapter les besoins des
individus aux buts de l’organisation. Tous les contacts que
LA PROFESSION DE MANAGER 39

le manager établit avec ses employés sont virtuellement


subordonnés à la recherche d’indices de son leadership
indiquant la voie qu’il entend suivre. « Approuve-t-il ? »
« Comment aimerait-elle sortir le rapport ? » « Est-il plus
intéressé par une part du marché que par le profit ? »
L’influence du manager est la plus évidente dans son
rôle de leader. Son autorité formelle l’investit d’un grand
pouvoir potentiel, son leadership détermine en grande
partie la façon dont il peut, en fait, l’employer.

3. La littérature sur la gestion a toujours reconnu le


rôle du leader et, en particulier, ceux de ses aspects qui
sont directement liés à la motivation. En comparaison, et
jusqu’à une période récente, il y a eu peu de travaux sur
son rôle d’agent de liaison, décrivant les contacts que le
manager prend à l’extérieur de la traditionnelle chaîne de
relations verticales. C’est un des résultats remarquables
de chaque étude sur le travail de gestionnaire que de
constater que les managers passent beaucoup plus de
temps avec leurs pairs et d’autres personnes extérieures à
leur organisation qu’avec leurs propres subordonnés, et il
est même surprenant de se rendre compte qu’ils passent
encore beaucoup moins de temps avec leurs supérieurs
(on retient généralement des chiffres de l’ordre de 45, 45
et 10 pour cent, respectivement).
Les contacts des cinq managers dirigeants objets de
mon étude étaient incroyablement nombreux et variés :
subordonnés, clients, partenaires, fournisseurs, managers
d’organisations similaires, responsables d’organisations
© Éditions d’Organisation

gouvernementales ou commerciales, administrateurs de


conseils d’administration de diverses sociétés, etc. Une
étude de Robert Guest sur les contremaîtres a mis en évi-
dence, de la même façon, que leurs contacts étaient aussi
nombreux et variés, rarement en dessous de trente cinq
personnes et bien souvent au-delà de cinquante.
40 À PROPOS DU MANAGEMENT

Comme nous le verrons sous peu, le manager cultive


de tels contacts parce qu’il est constamment à la recher-
che d’informations. Ce rôle d’agent de liaison a, en effet,
pour but principal de construire le propre réseau exté-
rieur d’informations du manager -- informel, privé et ver-
bal mais néanmoins très efficace.

LES RÔLES LIÉS À L’INFORMATION

En vertu de ses relations interpersonnelles, à la fois


avec ses subordonnés et le réseau de ses contacts, le
manager apparaît comme au centre du système nerveux
de son organisation. Le manager ne sait pas toujours tout,
mais il en sait souvent plus que n’importe lequel de ses
subordonnés.
De nombreuses études ont montré que cela était vala-
ble pour tous les leaders, des chefs de bandes de jeunes
aux présidents des USA. Dans son livre The human group
(le groupe humain), C. Homans en explique la raison,
pour ce qui concerne les chefs de bandes de jeunes : c’est
parce qu’ils sont au centre du réseau d’informations de
leur propre bande et aussi parce qu’ils sont en contact
avec les chefs des autres bandes qu’ils sont constamment
mieux informés qu’aucun de leurs subordonnés (9). Et
Richard Neustadt rapporte, de la façon suivante, l’attitude
de Franklin D. Roosevelt face aux questions liées à l’infor-
mation, dans l’étude qu’il lui a consacrée :
« La concurrence était le fondement de la technique
© Éditions d’Organisation

utilisée par Roosevelt pour obtenir de l’information.


Un de ses collaborateurs m’a dit un jour : “Il vous
appelait pour vous demander d’éclaircir une his-
toire compliquée et, lorsque vous reveniez le voir
après un ou deux jours de dur travail pour lui pré-
senter le morceau juteux que vous aviez découvert
LA PROFESSION DE MANAGER 41

caché sous une pierre quelque part, vous constatiez


qu’il connaissait tout ce que vous aviez découvert
et, en plus, d’autres choses que vous ne connaissiez
pas. Il ne vous disait jamais d’où il tenait ses infor-
mations mais quand il vous avait placé deux ou
trois fois dans ce type de situation, vous deveniez
diablement attentif à la qualité de vos informa-
tions” (10). »
On peut deviner facilement d’où Roosevelt « avait ses
informations » lorsque l’on considère les relations entre
les rôles interpersonnels et ceux liés à l’information. En
tant que leader, les managers ont un accès formel et facile
à chacun de leurs subordonnés. D’où, ainsi que nous
l’avons vu plus haut, ils tendent à en savoir plus sur leur
organisation que n’importe qui d’autre. De plus, leurs
contacts comme agent de liaison leur permettent d’avoir
accès à des informations extérieures auxquelles leurs
subordonnés ne peuvent souvent prétendre. Bon nombre
de ces contacts ont lieu avec d’autres managers de même
statut et qui sont eux-mêmes au centre du système ner-
veux de leur propre organisation. En ce sens, les mana-
gers développent une puissante base de données
d’information.
Le processus d’information est une des clefs de la pro-
fession de manager. Dans mon enquête, les managers diri-
geants consacraient 40 pour cent de leur temps à des
contacts exclusivement orientés vers la transmission
d’information et 70 pour cent du courrier qu’ils rece-
vaient était de nature informative (en opposition à celui
© Éditions d’Organisation

portant sur des demandes d’action). Le manager ne quitte


pas une réunion ou ne raccroche pas son téléphone pour
se remettre au travail. Car, pour une grande partie, son tra-
vail, c’est la communication. Trois rôles décrivent les
aspects liés à l’information du travail de gestionnaire.
42 À PROPOS DU MANAGEMENT

4. Dans son rôle d’observateur actif, le manager est


constamment en train de scruter son environnement à la
recherche d’informations, interrogeant ses contacts et ses
subordonnés et recevant aussi des informations qu’il n’a
pas demandées, et bon nombre d’entre elles sont un résul-
tat du réseau de contacts personnels qu’il a su mettre en
place. Il faut se souvenir qu’une bonne partie des informa-
tions, que le manager collecte dans son rôle d’observateur
actif, lui parvient sous forme verbale, bien souvent comme
bavardages, potins ou spéculations. Grâce à ses contacts, le
manager a un avantage naturel pour collecter ces informa-
tions informelles pour le compte de son organisation.

5. Les managers doivent encore répartir et diffuser une


grande partie de ces informations. Celles-ci, qu’ils ont gla-
nées grâce à leurs contacts personnels extérieurs, peu-
vent se révéler très utiles au sein même de leur
organisation. Dans leur rôle de diffuseur, les managers
passent quelques-unes de leurs informations privilégiées
directement à leurs subordonnés qui n’auraient pas,
autrement, accès à ces dernières. De plus lorsque leurs
subordonnés n’ont pas de contacts faciles entre eux, les
managers se voient parfois contraints de faire circuler
l’information de l’un à l’autre.

6. Dans leur rôle de porte-parole : les managers doi-


vent communiquer des informations propres à leur orga-
nisation à l’extérieur de celle-ci ; un président fait un
discours pour faire pression afin de défendre tel besoin de
© Éditions d’Organisation

son organisation, ou un contremaître indique une modifi-


cation de produit à un fournisseur. De plus, comme partie
intégrante de ce rôle de porte-parole, le manager doit
encore informer et satisfaire les demandes des personnes
influentes qui contrôlent son organisation. Les managers
dirigeants, notamment, peuvent consacrer un temps
LA PROFESSION DE MANAGER 43

important à ces personnalités influentes. Ils doivent met-


tre au courant des résultats financiers les directeurs géné-
raux et les actionnaires, expliquer aux associations de
consommateurs que leur organisation remplit bien ses
obligations envers la société, etc.

LES RÔLES DÉCISIONNELS

L’information n’est pas, bien sûr, une fin en soi ; c’est


la base du processus de prise de décision. Une chose
émerge clairement de l’étude du travail de gestionnaire :
le manager joue le rôle principal dans l’élaboration de son
système de prise de décision. Comme conséquence de
son autorité formelle, seul le manager peut engager son
organisation dans une nouvelle direction d’activités, et
comme centre du système nerveux de l’organisation, il
est, encore, seul à accéder à des informations actuelles,
aussi complètes que possible, afin de mettre en place
l’ensemble des décisions qui déterminera la stratégie de
son organisation. Il y a quatre rôles qui décrivent le mana-
ger dans cette optique décisionnelle.

7. En tant qu’entrepreneur, le manager cherche à amé-


liorer l’organisation dont il a la charge, à l’adapter à tout
type de changement dans les conditions de son environ-
nement. Dans son rôle d’observateur actif, le président est
constamment à la recherche de nouvelles idées ; quand
une telle idée survient, il initie, dans son rôle d’entrepre-
© Éditions d’Organisation

neur, la mise en place d’un projet qu’il supervisera


lui-même ou qu’il délèguera à un employé (avec,
peut-être, comme condition, que le manager devra accep-
ter la proposition finale).
Il y a deux points importants à considérer au sujet du
développement des projets, au niveau d’un manager diri-
44 À PROPOS DU MANAGEMENT

geant. D’abord, ces projets n’impliquent pas des déci-


sions uniques ou même un ensemble unifié de décisions.
Ils émergent, plutôt, comme le résultat d’une série de
petites décisions et d’actions fragmentaires à travers le
temps. On a l’impression que les managers dirigeants pro-
longent chaque projet de sorte qu’ils peuvent ainsi, petit
morceau par petit morceau, le glisser dans leur emploi du
temps, déjà trop dense, afin de pouvoir graduellement
assimiler le sujet, si, bien sûr, ce dernier est d’une nature
complexe.
Ensuite, les managers dirigeants que j’ai étudiés super-
visaient pratiquement près de cinquante de ces projets en
même temps. Certains projets concernaient de nouveaux
produits ou procédés ; d’autres avaient trait à des campa-
gnes de relations publiques, à la solution d’un problème
moral dans une division étrangère, à l’intégration d’opéra-
tions informatiques, ou encore à diverses acquisitions,
etc. Les managers dirigeants apparaissent entretenir une
sorte d’inventaire des projets dont ils supervisent
eux-mêmes le développement, les différentes étapes de
ce développement, ceux qui sont en cours de réalisation
et ceux qui sont encore dans les limbes. À la façon du jon-
gleur, ils semblent avoir toujours un certain nombre de
projets suspendus en l’air, périodiquement, il y en un qui
retombe, ils lui donnent alors une nouvelle poussée et il
se retrouve sur son orbite. Selon des intervalles divers, ils
peuvent intégrer, dans ce flux, de nouveaux projets ou,
au contraire, en éliminer d’anciens.
© Éditions d’Organisation

8. Alors que le rôle d’entrepreneur décrit le manager


comme la source de volonté qui initie le changement, le
rôle de régulateur montre le manager répondant involon-
tairement aux pressions. Ici, le changement se fait en
dehors du contrôle du manager : une menace de grève,
un gros client qui fait faillite, un fournisseur qui manque
à ses obligations contractuelles.
LA PROFESSION DE MANAGER 45

Il a été à la mode, comme je le mentionnais plus haut,


de comparer le cadre à un chef d’orchestre ainsi que le fai-
sait Peter F. Druker dans The Practice of Management1.
« Le manager a pour responsabilité de créer un tout
qui est supérieur à la somme des parties, une entité
productive dont il sort plus que la somme des res-
sources qu’on y a mises. C’est l’analogie avec le chef
d’orchestre qui vient à l’esprit, par ses efforts, sa
vision et son leadership, des parties instrumentales
individuelles, qui ne sont en elles-mêmes que des
bruits, deviennent une totalité vivante : la musique.
Mais le chef d’orchestre dispose de la partition écrite
par le compositeur : il n’est qu’un interprète. Le
manager, lui, est à la fois compositeur et chef
d’orchestre (11). »
Considérons maintenant les commentaires de Leonard
R. Sayles qui réalisa une approche systématique de la pro-
fession de manager. Le manager
« … est comme le chef d’un orchestre symphonique
qui s’efforce d’obtenir une prestation mélodieuse
dans laquelle les contributions des divers instru-
ments sont coordonnées, espacées, harmonisées et
mises en forme alors même que les instrumentistes
ont divers problèmes personnels, que des appari-
teurs déplacent les chevalets portant la partition, que
l’alternance de chaleur et de froid pose des problè-
mes aux instruments et au public et que l’organisa-
tion du concert insiste pour imposer au programme
des changements irrationnels (12). »
© Éditions d’Organisation

En effet, tous les managers doivent consacrer une


bonne partie de leur temps à répondre à des perturba-
tions très contraignantes. Il n’existe aucune organisation
qui fonctionnerait aussi bien que possible, respectueuse

1. N.d.T. La pratique du management.


46 À PROPOS DU MANAGEMENT

des normes fixées, et qui puisse prendre en compte tou-


tes les contingences par avance. Les perturbations n’appa-
raissent pas seulement parce qu’un pauvre manager
ignore la situation jusqu’à ce que celle-ci se soit dégradée
au point de générer une crise mais aussi parce qu’il
n’existe pas de bon manager capable d’anticiper toutes
les conséquences des actions qu’il a initiées.

9. Le troisième rôle décisionnel est celui de réparti-


teur des ressources. C’est au manager que revient la res-
ponsabilité de ce qui doit être attribué, et à qui, dans
l’organisation. Il est possible que la principale répartition
des ressources, à laquelle contribue le manager, est celle
de son propre temps. L’accès au manager constitue un
accès au centre du système nerveux et du processus de
prise de décision de l’organisation. Le manager est, aussi,
chargé de l’élaboration de la structure de l’organisation,
cette configuration de relations formelles qui détermine
comment le travail doit être divisé et coordonné.
Dans son rôle de répartiteur des ressources, le mana-
ger autorise, aussi, les décisions importantes de son orga-
nisation avant qu’elles ne soient mises en œuvre. Étant à
l’origine de ce pouvoir, le manager peut ainsi s’assurer
que toutes ces décisions seront cohérentes entre elles,
puisque toutes passent par un seul cerveau. Fragmenter
serait encourager un processus de prise de décision dis-
continue et une stratégie non cohérente.
Dans mon étude sur les managers dirigeants, j’ai mon-
tré que ces derniers devaient faire face à des choix d’une
© Éditions d’Organisation

incroyable complexité pour exercer ce pouvoir. Ils ont à


évaluer l’impact de chaque décision sur les autres et aussi
sur la stratégie globale de l’organisation. Ils ont, aussi, à
veiller à ce que telle décision soit acceptable pour ceux
qui exercent une influence sur leur organisation et à
s’assurer, également, que les dépenses prévisionnelles ne
LA PROFESSION DE MANAGER 47

soient pas dépassées. Ils ont à intégrer les différents coûts


et profits d’une décision autant que la faisabilité de
celle-ci. Ils ont encore à considérer la question des délais.
Tous ces éléments sont nécessaires pour la simple appro-
bation d’une proposition venant d’une autre source que
de lui-même. Dans le même instant, cependant, les délais
peuvent faire perdre du temps, tandis qu’une approbation
trop rapide peut être mal reçue et un rejet, tout aussi
rapide, pourrait décourager un subordonné qui a passé
plusieurs mois à mettre au point son projet favori. Une
des solutions communes à ce problème de l’approbation
d’un nouveau projet semble avoir été celle de choisir
celui qui présente le projet plutôt que le projet lui-même.
C’est-à-dire, encore, que les managers ont tendance à
approuver un projet qui leur est présenté par une per-
sonne en laquelle ils ont confiance. Mais il est évident
qu’ils ne peuvent pas toujours utiliser une astuce aussi
simpliste.

10. Le dernier de ces rôles décisionnels est celui de


négociateur. Toutes les études sur le travail de gestion-
naire montrent, à tous les niveaux, que les managers consa-
crent une partie considérable de leur temps aux
négociations : le président d’une équipe de football est
appelé pour négocier un contrat avec un joueur vedette, le
président d’une grande société doit mener le groupe de
négociateurs de sa société pour trouver une nouvelle issue
à un mouvement de grève, le contremaître fait état de
doléances à l’encontre du serveur d’une boutique. Leonard
© Éditions d’Organisation

Sayles a dit à ce propos que la négociation faisait partie du


« mode de vie » du manager de haut niveau.
La négociation est une des obligations de la profession
de manager, elle peut être, quelquefois, routinière mais
ne peut en aucun cas être esquivée. C’est une partie inté-
grante de sa profession car il est le seul à disposer de
l’autorité pour engager les ressources de l’organisation en
48 À PROPOS DU MANAGEMENT

« temps réel » et il est, également, le seul à être au centre


du système nerveux d’information qui fournit les données
utiles dans le contexte de négociations importantes.

UNE PROFESSION INTÉGRÉE

Il devrait être clair désormais que les dix rôles du


manager que je viens de décrire ne sont pas facilement
dissociables. Ils forment une Gestalt1, un tout intégré. On
ne peut supprimer aucun de ces rôles, sans modifier pro-
fondément la nature de la profession de manager. Par
exemple, un manager qui ne voudrait pas jouer son rôle
d’agent de liaison manquerait d’information extérieure.
Ce qui aurait pour résultat qu’il ne pourrait ni transmettre
l’information dont ses subordonnées auraient besoin ni
prendre des décisions reflétant les conditions extérieures
(d’ailleurs c’est le problème qui se pose à ceux qui vien-
nent de prendre nouvellement leur fonction de manager
et qui tant qu’ils n’ont pu mettre en place leur propre
réseau de contacts ne peuvent prendre aucune décision
réelle).
On met, ici, en évidence un problème important concer-
nant l’équipe chargée de la gestion. Deux ou trois person-
nes ne peuvent partager la même fonction d’encadrement à
moins qu’elles n’agissent comme une seule entité.
C’est-à-dire qu’elles ne peuvent se partager les dix rôles à
moins qu’elles ne soient capables de les associer à nouveau
© Éditions d’Organisation

1. N.d.T. Gestalt est un mot allemand qui signifie à la fois forme


et structure. II est à la base d’une théorie psychologique et phi-
losophique due à Köhler, Wertheimer et Koffka qui établit qu’il
n’est pas possible d’expliquer les phénomènes en les isolant les
uns des autres. Ils doivent être perçus comme des ensembles
unis et structurés (les formes). C’est dans cette optique que ce
terme a été retenu par les spécialistes du management.
LA PROFESSION DE MANAGER 49

au moment où le besoin s’en fait sentir. La vrai difficulté pro-


vient des rôles liés à l’information. Car, à moins qu’il ne
puisse y avoir une vraie répartition de l’information néces-
saire à la gestion qui est, comme j’ai déjà insisté sur ce point,
de nature essentiellement verbale, l’équipe se brisera
d’elle-même. Un seul poste de manager ne peut être arbitrai-
rement découpé, par exemple, entre des rôles internes et
externes car l’information provenant de ces deux sources
doit être rassemblée au moment de la prise de décision.
Dire que les dix rôles forment une Gestalt ne veut pas
dire que chaque manager accorde le même intérêt à cha-
cun de ces rôles. En fait, j’ai montré dans mes analyses cri-
tiques de diverses études que :

● Les managers chargés des ventes semblent passer plus


de temps dans leurs rôles interpersonnels, ce qui est
sans doute une des conséquences de la nature extra-
vertie des activités du marketing.

● Les managers chargés de la production s’attachent


plus à leurs rôles décisionnels, ce qui découle sans
doute de leur attention pour les questions d’effi-
cience.

● Les managers de la direction générale se consacrent


plus aux rôles liés à l’information car ils sont les
experts qui gèrent les départements qui doivent
conseiller les autres parties de l’organisation.

Quoi qu’il en soit, les rôles interpersonnels, liés à


© Éditions d’Organisation

l’information, et décisionnels demeurent totalement


inséparables.
UNIVERSITE SULTAN MOULAY SLIMANE
Faculté Polydisciplinaire Béni Mellal

MANAGEMENT II
SECTION B et C
Cours de A YASSINE
2019-2020

Thème

LES STYLES DE DIRECTION


Le style de management peut se définir par les types de relations instaurées entre le détenteur de
l’autorité et celui qui la subit, au sein d’une organisation. Plusieurs modèles ont été proposés à ce sujet.
Pour étudier les styles de direction, je vous propose une lecture à partir de l’ouvrage de J-M Plane :
« Management des organisations ». Le texte choisi, très agréable à lire, présente 5 modèles (appelés
également théories par l’auteur) de styles de direction.

Bonne lecture !

Sources :

Plane, J. M. (2003). Management des organisations. Paris, Dunod. Pages : 70-83.

Questions :

1. Quels sont les styles de management cités par l’auteur ?

2. Qui sont les auteurs à la base de ces styles de management. A quelle école de
pensée en management appartiennent les trois premiers auteurs ? Justifiez.

3. Selon chaque modèle, quel est le style de management le plus efficace ?


Justifiez.
Mise en page : Belle Page

© Dunod, 2019
11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-078878-1
Chapitre 2 ■ Le management des relations humaines

Section
3 L ty
up t
t n t
équ p
n nt

L’actualité des questions portant sur les styles de commandement et le management


des équipes n’est pas à démontrer aujourd’hui1. En effet, face à l’émergence de formes
organisationnelles innovantes mais aussi de nouvelles entreprises, ces questions se
posent avec acuité. Comment faut-il diriger une équipe ? Suivant quel style et quelle
approche de la dimension humaine au travail ? Si ces interrogations sont encore
omniprésentes à l’heure actuelle, il faut savoir qu’il existe de nombreux travaux et
apports sur ces dimensions. Il est essentiel de les revisiter, de les discuter pour chercher
à en mesurer la portée opérationnelle mais aussi les limites.

1 Les travaux de Kurt Lewin (1890-1947) et la théorie du champ

Né en Allemagne, docteur en philosophie, il effectue des recherches en psychologie


à l’Université de Berlin avant d’émigrer aux États-Unis où il devient professeur à
l’Université de Stanford (Californie). En 1935, il publie un ouvrage de référence
A Dynamic Theory of Personality. L’œuvre de Kurt Lewin est encore aujourd’hui
considérée comme fondamentale et reste une référence pour les théoriciens du
management2.

1.1 La théorie du champ

Ses orientations théoriques sont multiples : étude du leadership, de la dynamique


des groupes, théorie du champ. Sur le plan méthodologique, Lewin est devenu célèbre
pour ses recherches expérimentales fondées sur des recherches-actions très
audacieuses pour l’époque. Fondée sur une approche pluridisciplinaire, sa théorie du
champ fait encore autorité3. Celle-ci vise à expliquer les comportements humains
dans leur totalité par une approche globale intégrant les différents champs de forces
auxquels ils sont confrontés.

1.2 ne approche multidimensionnelle des questions humaines


Par une analyse multidimensionnelle des problèmes humains, Lewin est un
précurseur développant la thèse suivant laquelle « rien n’est aussi pratique qu’une

1. Cf. L. Cadin, F. Guérin, F. Pigeyre, Gestion des ressources humaines. Pratique et éléments de théorie, Dunod,
1997, 2e édition Dunod revue et augmentée 2002, 434 pages.
2. Pour une synthèse des travaux de Lewin, voir K. Lewin, Psychologie dynamique : les relations humaines, PUF,
1959, 3e édition 1967, 296 pages.
3. Cf. Florence Allard-Poesi, « Kurt Lewin, De la théorie du champ à une science du social », in Les grands auteurs
en management, S. Charreire, I. Huault, EMS, 2002, 463 pages, pp. 391-411.

70
Le management des relations humaines ■ Chapitre 2

bonne théorie ». Sur le plan de ses travaux de recherche mobilisables en management


des organisations, on peut considérer que K. Lewin s’intéresse pour l’essentiel à deux
questions : le mode d’exercice de l’autorité et de leadership ainsi que la dynamique
des groupes. Les travaux de Lewin sont essentiellement consacrés aux phénomènes
de groupes humains restreints, aux problèmes de leadership, de climat social, de
comportement de groupe.

1.3 Les différentes approches du leadership

À partir de recherches expérimentales menées avec R. Lippitt et R. White (1938-


1939) sur des groupes d’enfants1, K. Lewin distingue trois formes de leadership ou de
mode d’exercice du commandement. En premier lieu, le leadership autoritaire qui se
tient à distance du groupe et use des ordres pour diriger les activités du groupe. En
second lieu, le leadership démocratique qui s’appuie sur des méthodes semi-directives
visant à encourager les membres du groupe à faire des suggestions, à participer à une
discussion ou encore à faire preuve de créativité. Enfin, le leadership du « laisser faire »
qui ne s’implique pas dans la vie du groupe et qui participe au strict minimum aux
différentes activités. Les observations réalisées sur des groupes d’enfants à partir de ces
trois modes d’exercice du pouvoir conduisent aux conclusions suivantes. Au sein du
premier groupe dirigé autoritairement, le rendement est manifestement plus élevé que
dans les autres groupes. Globalement, l’attitude des enfants est apathique. La pression
portée sur le groupe fait qu’il n’y a pas de véritable relation de confiance ce qui se traduit
parfois par des actes de défiance ou de rébellion. Certains enfants ont parfois adopté une
attitude agressive au sein du groupe ce qui a eu des conséquences en particulier sur
l’ambiance de travail et le climat social. Au sein du deuxième groupe, il apparaît que la
mise en place d’un système d’animation du groupe fondé sur la démocratie ne s’est fait
que progressivement. En effet, l’acquisition par le groupe de règles de fonctionnement
subtiles a nécessité un certain temps d’apprentissage. Pour autant, Lewin observe que
les membres du groupe avec un leader démocratique manifestaient des relations plus
chaleureuses et amicales, participaient beaucoup plus aux activités du groupe et, une
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

fois le leader parti, continuaient le travail et faisaient preuve d’autonomie dans le travail.
Les expériences montrent les difficultés inhérentes à la mise en place de ce mode
d’exercice de l’autorité qui conduit à des résultats intéressants à moyen terme. Enfin, le
« laisser faire » semble constituer la pire des méthodes. Le groupe n’obtient pas de
résultats satisfaisants, reste paradoxalement très dépendant d’un leader peu impliqué et
demeure constamment en quête d’informations et de consignes.
En définitive, ces recherches montrent la supériorité d’un mode de management
démocratique, fondé sur des méthodes semi-directives, sur d’autres approches du

1. Cf. K. Lewin, R. Lippitt, R. White, « Patterns of Agressive Behavior in Experimentaly Created Social Climates »,
Journal of Social Psychology, n° 10, 1939, pp. 271-299. Pour une traduction de ces experiences, voir A. Levy,
Psychologie sociale. Textes fondamentaux anglais et américains, tome 1, Bordas, 1962, nouvelle édition Dunod,
2002, 316 pages, pp. 278-292.

71
Chapitre 2 ■ Le management des relations humaines

commandement. Néanmoins, ces travaux indiquent également les conditions


inhérentes à la mise en place d’un tel système : l’importance du dialogue, de la
confiance dans les relations pédagogiques ainsi que de la logique de responsabilisa
tion d’un groupe face à des activités à réaliser.

c Focus
ne approche méthodologique originale :
la recherche-action de K. Lewin
Entre 1930 et 1947, Kurt Lewin développe d’expérimentateur, les changements qu’il
une approche méthodologique novatrice pilote s’inscrivent dans la vie réelle et non
en psychologie sociale qui repose sur la dans le cadre plus restreint d’un
recherche de formes de coopération entre laboratoire. C’est dans cette perspective
chercheur et organisation. Pour Lewin, les que Lewin a développé son analyse sur le
recherches sur la vie des groupes doivent changement qui repose sur le célèbre
devenir aussi fondamentales pour le cycle unfreeze-change-refreeze (dégel-
progrès des organisations, tout comme transformation-regel) qui peut être défini
l’est la chimie pour l’usine chimique. Il par l’idée qu’il est indispensable pour un
s’agit alors de construire une coopération chercheur-intervenant dans une
féconde entre chercheurs et praticiens ce organisation de créer des conditions
qui suppose un lien renforcé entre théorie préalables au changement. Cela suppose
et pratique. La démarche de recherche- aussi de fournir aux différents acteurs les
action proposée par K. Lewin se situe en moyens du changement tout en le
rupture épistémologique par rapport aux préparant collectivement.
autres approches méthodologiques. Le En résumé, la pensée de Lewin montre
rôle et la place du chercheur ainsi que les que théorie et pratique sont méthodo
effets de la recherche sur l’action sont logiquement liées dans un processus en
explicitement pris en compte en tant que grande partie commun de création de
principe même d’intervention et de connaissances. La recherche-action
génération de connaissances scientifiques. contribue ainsi au développement des
La recherche-action repose sur des connaissances fondamentales en sciences
expériences de changement sur des sociales mais aussi à l’action en société
problèmes réels au sein des systèmes dans la vie quotidienne.
sociaux. Le chercheur a ainsi un rôle
Source : D’après A. David, « La recherche-intervention, cadre général pour la recherche en manage-
ment ? », in A. David, A. Hatchuel, R. Laufer, Les nouvelles fondations des sciences de gestion. Eléments
d’épistémologie de la recherche en management, Vuibert, coll. F G , 2001, 215 pages, pp. 193-212.

1.4 La problématique de la dynamique des groupes

Kurt Lewin est l’inventeur du terme dynamique de groupe (Dynamic Group) en 1944.
À partir de 1943, le gouvernement américain demande à l’équipe de recherche d’étudier

72
Le management des relations humaines ■ Chapitre 2

la possibilité de changer les habitudes de consommation des ménagères américaines1. Il


s’agit d’examiner les conditions de remplacement de la consommation de viande par
des abats, les pouvoirs publics craignant alors une menace de pénurie en période de
guerre. Lewin et son équipe décident de mettre en place deux groupes expérimentaux
composés de ménagères. Les deux groupes sont relativement homogènes quant à leur
composition mais vont être animés de manière très différente.
• Au sein du premier groupe, il est décidé d’organiser une conférence réalisée par un
médecin, spécialiste en nutrition, en vue de persuader les ménagères des vertus pour
la santé de la consommation d’abats. La conférence est réalisée sous couvert d’un
certain patriotisme et semble tout à fait convaincante. À l’issue de celle-ci, un nom-
bre important de ménagères manifeste leur intention de consommer des abats.
• Dans le second groupe, l’approche retenue en matière d’animation du groupe est très
différente. En effet, les psychologues organisent une discussion entre les ménagères
autour de la question de la consommation d’abats de viande. Ces discussions s’avèrent
être particulièrement animées, voire vives dans certains cas, et conduisent à des prises
de position face à cette question. À l’issue de la séance, on observe que le groupe est
finalement beaucoup plus partagé que dans le premier cas quant aux intentions de
consommation d’abats. Quelques temps après, les chercheurs se sont efforcés de
mesurer au sein de chaque groupe le niveau réel de passage à l’acte. Finalement,
l’enquête montre que davantage de personnes ont consommé des abats de viande
dans le second groupe que dans le premier. Que s’est-il donc passé ? K. Lewin expli-
quera le phénomène à partir du concept de dynamique de groupe.
• Dans le premier cas, les ménagères sont passives face à un exposé qui n’implique
pas leur participation, la plupart d’entre elles n’ont pas mémorisé le message clé.
Cela n’a pas eu de véritable impact sur leurs habitudes de consommation.
• Dans le second cas, les membres du groupe ont remis collectivement en cause leurs
habitudes et leurs normes de consommation. Les ménagères ont débattu de la ques-
tion, parfois en s’opposant. Cela a manifestement renforcé la mémorisation et
l’implication face au problème posé. C’est en réalité cette forte interaction entre mé-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

nagères sur le sujet qui les a conduit au passage à l’acte. Au total, cette célèbre expéri-
ence donne des résultats très spectaculaires puisque le second groupe est dix fois plus
efficace que le premier. En effet, l’augmentation de la consommation d’abats est de
30 % dans le second groupe alors qu’il n’est que de 3 % dans le premier. Finalement,
l’expérience montre l’importance de la vie d’un groupe, des échanges interperson-
nels, des remises en cause collectives qui peuvent favoriser un changement de con-
sommation. En outre, Lewin démontre la thèse suivant laquelle il est plus facile de
changer les habitudes d’un groupe que de personnes prises isolément.

1. Cf. K. Lewin, « Group Decision and Social Change, in T.M. Newcomb », E.L. Hartley, Reading in Social Psychology,
Holt Rinehart and Winston, 1947, pp. 269-288. Voir la nouvelle édition in M. Gold, The Complete Social Scientist. A Kurt
Lewin Reader, Washington, American Psychological Association, 1999, pp. 265-284. Pour une synthèse des travaux de
K. Lewin, voir C. Levy-Leboyer, Psychologie des organisations, PUF, 1974, 244 pages et J. Maisonneuve, La dynamique
des groupes, PUF, 1990, 127 pages. Voir également, K. Lewin, « Décision de groupe et changement social », in A. Lévy,
Psychologie sociale. Textes anglais et américains, Bordas, 1990, nouvelle édition Dunod, 2002, 565 pages, pp. 498-519.

73
Chapitre 2 ■ Le management des relations humaines

2 Douglas McGregor et la dimension humaine de l’entreprise

Professeur de Psychologie industrielle aux États-Unis (M.I.T à Harvard), Douglas


McGregor (1906-1964) va plus loin que Lewin et élabore une véritable théorie de
management, c’est-à-dire une manière de conduire les hommes. Celle-ci est publiée
dans un ouvrage de référence paru en 1960 : La dimension humaine de l’entreprise. Il
part du constat qu’il n’existe pas de théorie satisfaisante de la fonction de management
du fait qu’aucune ne rend compte du potentiel que représentent les ressources
humaines dans l’entreprise. En comparant les programmes de formation des dirigeants
de grandes entreprises américaines, il en conclut que les résultats de la formation ont
peu d’effets sur les pratiques1. Selon lui, les dirigeants changent leur mentalité,
comportement et style de management non pas en fonction du contenu de la formation,
mais de la conception qu’ils se font de leur rôle de dirigeant. Il formule l’idée qu’ils
font des hypothèses implicites sur la nature humaine au travail qui guide leur
conception du management. D. McGregor oppose deux conceptions de l’homme au
travail qu’il appelle la théorie X et la théorie Y.

2.1 Les fondements de la théorie

Suivant McGregor, la théorie X correspond à une approche largement dominante


aux États-Unis et repose sur trois hypothèses fondamentales :
–– La direction gère la répartition des ressources de l’entreprise en personnel, capitaux,
matières premières, technologies et définit une politique générale d’entreprise.
––Le rôle des dirigeants est d’orienter les efforts des salariés en cherchant à les moti-
ver tout en contrôlant leur activité. Les comportements des salariés doivent être
régulièrement adaptés aux exigences de l’organisation et de son environnement.
––Enfin, la direction, à travers son mode de management, doit intervenir face à la
passivité naturelle des salariés. Il s’agit de les récompenser justement et de les
sanctionner pour éviter des comportements flegmatiques.

McGregor souligne que ces trois hypothèses de base reposent sur quatre postulats
implicites :
––L’individu moyen éprouve une aversion innée pour le travail qu’il fera tout pour
éviter.
–– À cause de cette aversion à l’égard du travail, les individus doivent être contraints,
contrôlés, dirigés, menacés de sanction, si l’on veut qu’ils fournissent les efforts
nécessaires à la réalisation des objectifs organisationnels.

1. Cf. Douglas McGregor, La dimension humaine de l’entreprise, Gauthier-Villars, 2e édition 1971 (édition
originale, McGraw-Hill, 1960), 205 pages.

74
Le management des relations humaines ■ Chapitre 2

––L’individu moyen préfère être dirigé, désire éviter les responsabilités, a peu d’am-
bition et recherche la sécurité avant tout.
––Le salarié moyen est égoïste, égocentrique et indifférent quant à la stratégie de
l’organisation. Il est naturellement opposé au changement, intimement centré sur
lui-même mais facile à tromper.

À travers la théorie X, McGregor montre que ces hypothèses sont en réalité de


véritables postulats pour les dirigeants et constituent une idéologie dominante. Cette
théorie est véritablement infantilisante pour les salariés.

2.2 La théorie : une alternative managériale possible


À partir de la discussion des fondements de la théorie X, McGregor propose de nouvelles
hypothèses, de nouveaux postulats qui donnent forme à la théorie Y présentée comme une
réelle alternative en terme de conception du mode de management.
––La dépense physique est aussi naturelle que le jeu ou le repos pour l’homme. Il
peut s’autodiriger et s’autocontrôler.
––L’engagement personnel est en fait le résultat d’une recherche de satisfaction de
besoins sociaux. L’homme apprend à rechercher les responsabilités. De fait, la
motivation, la possibilité de se développer, l’acceptation de responsabilités sont
des éléments devant être cultivés dans l’organisation.
––La capacité d’exercer son imagination, son ingéniosité et sa créativité au service
d’une organisation est largement répandue parmi les hommes.
––Dans beaucoup de conditions de travail, les possibilités intellectuelles des hommes
sont largement inutilisées.
––Par ailleurs, les salariés ne sont pas, par nature, systématiquement opposés à la
stratégie des dirigeants même si la direction doit rester responsable de l’allocation
des ressources nécessaires au fonctionnement et au développement de l’organisa
tion.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Pour McGregor, ces deux approches induisent deux styles de gestion et de


management différenciés. Il développe la thèse suivant laquelle la théorie Y et le style
de gestion qui en résulte sont plus adaptés à la nature humaine car ils reposent sur des
motivations plus profondes. En effet, cette conception du management permet
d’intégrer les buts de l’individu et de l’organisation à travers le mode de management.
Le salarié doit pouvoir remplir ses propres besoins en accomplissant les objectifs de
l’organisation. Cette approche consiste donc à utiliser des moyens qui favorisent le
travail d’équipe, à supprimer les contraintes le plus possible, à encourager le
développement et la formation. L’objectif de ce mode de management alternatif est
bien de chercher à orienter les efforts des salariés en vue de les rendre compatibles avec
les objectifs stratégiques de l’organisation. Finalement, McGregor pense que les
individus peuvent révéler des potentiels beaucoup plus importants que l’encadrement

75
Chapitre 2 ■ Le management des relations humaines

actuel des entreprises ne peut l’imaginer. Si la théorie X nie l’existence d’un tel
potentiel, la théorie Y donne la possibilité à l’encadrement d’innover, de découvrir de
nouveaux moyens d’organiser et de diriger l’effort humain.

3 Rensis Likert (1903-1981) : du principe


des relations intégrées aux styles de direction

Professeur de Psychologie industrielle à l’Université du Michigan aux États-Unis,


Rensis Likert conduit des recherches sur les attitudes et les comportements humains
au travail. Dans cette perspective, il est un continuateur de Mayo et Lewin puisqu’il
cherche à comprendre dans quelle mesure la nature des relations entre supérieur et
subordonnée peut conduire à des résultats très différents dans un contexte organisa
tionnel identique. Les résultats de ses recherches sont publiés en 1961 dans un ouvrage
intitulé : Le gouvernement participatif de l’entreprise.

3.1 Le principe des relations intégrées

À partir d’enquêtes auprès de directeurs de grandes compagnies d’assurance, il


observe que ceux qui ont les résultats les plus médiocres présentent des traits
communs. Leur conception du commandement les conduit à se focaliser sur les tâches
à accomplir, leur mission est avant tout orientée vers la surveillance et le contrôle, ils
adoptent les principes de l’organisation taylorienne du travail (travail prescrit, aucune
autonomie, salaire au rendement, etc.).
Ce mode de management est dominant après la Seconde Guerre mondiale aux États-
Unis. Pour autant, il relève que certains dirigeants semblent obtenir de meilleurs
résultats car ils ont une autre attitude vis-à-vis des hommes en situation de travail. En
effet, ils ont la conviction qu’il est nécessaire de comprendre les attentes et les valeurs
personnelles des salariés afin d’améliorer leur degré de motivation et d’implication au
travail. Pour ce faire, leur mode de commandement vise pour l’essentiel à établir une
relation de confiance durable dans l’organisation en adoptant un comportement fondé
sur l’empathie, c’est-à-dire l’écoute et la prise en considération des capacités de
chacun et des difficultés rencontrées. Cette grande enquête a permis à Likert de poser
le principe des relations intégrées selon lequel les relations entre les membres d’une
organisation intègrent les valeurs personnelles de chacun1. Cela conduit à considérer
que dans une organisation toute personne doit se sentir considérée et nécessaire dans
l’entreprise pour travailler efficacement. Selon Likert, l’efficacité au travail passe par
l’abandon de la relation man to man (homme contre homme) et nécessite la mise en

1. Cf. R. Likert, News Patterns of Management, McGraw-Hill, 1961, traduction française : Le gouvernement
participatif de l’entreprise, Gauthier-Villars, 1974, 279 pages.

76
Le management des relations humaines ■ Chapitre 2

œuvre d’une organisation par groupe de travail au sein duquel les problèmes rencontrés
sont abordés et résolus collectivement.
Au total, R. Likert développe l’idée d’un mode de management participatif par groupe
de travail. Les enquêtes réalisées indiquent que ce mode d’organisation semble plus
efficace car il s’appuie sur des attitudes plus coopératives et sur des relations de confiance.
Pour autant, Likert note que ce mode de management est complexe à mettre en place car
il nécessite l’acquisition par les salariés de règles de fonctionnement subtiles ainsi qu’un
niveau de convergence suffisant entre les valeurs personnelles des membres du groupe.

3.2 Les styles de direction et de management

Dans son ouvrage consacré au gouvernement participatif des entreprises, R. Likert


formalise à partir d’enquêtes de terrain quatre styles de direction dans une conception
assez normative de ce que devrait être le mode de commandement idéal.

■■ Le manager autoritaire exploiteur

Il entretient des rapports distants et ne fait pas confiance à ses collaborateurs. Le


système de motivation et d’implication des personnes est fondé sur la crainte, la menace
de sanctions et la distribution de récompenses. Il s’agit ici d’un véritable mode de
management par la peur. Psychologiquement, les managers et les employés sont
finalement très éloignés. Ce style de management peut générer l’hostilité des personnels
à l’égard des objectifs de l’organisation et donc des conflits sociaux. L’accent n’est
absolument pas porté sur l’esprit d’équipe et le rôle des groupes n’est pas envisagé. La
prise de décision est centralisée au sommet de l’organisation, le système de délégation
se réduit à sa plus simple expression et les objectifs sont imposés sans être explicités. Un
tel mode de management existe toujours et concerne le plus souvent du personnel peu
qualifié.
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■■ Le manager autoritaire paternaliste

Ce style de gestion est assez proche du précédent même si l’on peut considérer qu’il
existe des formes de confiance de type condescendante. Le commandement paterna
liste se distingue néanmoins du précédent par des relations de proximité entre le
dirigeant et ses subordonnés. Le contact et les relations hiérarchiques sont directs,
souvent francs et le système de motivation et de récompense, particulièrement arbi
traire. Pour autant, le dirigeant peut, dans certains cas et du fait de contacts directs,
consulter ses collaborateurs, prendre parfois en considération leurs suggestions et
leurs critiques. Dans une telle organisation, le niveau de performance de l’organisation
est singulièrement variable et dépend, pour l’essentiel, de la personnalité et de la
culture du propriétaire-dirigeant de l’entreprise. Finalement, l’influence du système
de valeurs s’avère souvent décisif sur le style de commandement adopté.

77
Chapitre 2 ■ Le management des relations humaines

■■ Le manager consultatif

Ce type de manager entretient des relations étroites avec ses collaborateurs. Il


cherche à créer un climat fondé sur la confiance et l’échange même si le système de
délégation du pouvoir a certaines limites. Ce style de commandement se singularise
par la recherche d’une large consultation auprès des collaborateurs et vise à susciter
une adhésion autour des principaux objectifs de l’entreprise. Les différentes expéri
ences réalisées et visant à introduire un mode de management participatif s’inscrivent
pleinement dans cette logique.

■■ Le manager participatif

Il introduit un mode de commandement non directif. Il cherche à développer des


relations de confiance fortes avec ses collaborateurs. Le système de motivation et de
rémunération est particulièrement sophistiqué et vise à introduire de la participation et
de l’intéressement aux résultats de l’organisation. L’esprit d’équipe et les dynamiques
de groupe constituent de véritables objectifs stratégiques internes à la structure et le
mode de management cherche à expliciter les buts à atteindre, le projet de l’entreprise.
Pour autant, cette approche préconisée par Likert présente également des limites pas
toujours clairement perçues par les promoteurs des modèles de management fondés sur
l’autonomie et la prise d’initiative des personnes. En effet, une telle conception du
management suppose chez les collaborateurs une capacité de prise de recul, d’abstrac
tion, de créativité qu’ils n’ont pas toujours et peut, comme le montrent certaines
expériences récentes, être sources de stress et d’implication excessive.
Cette typologie s’appuie sur des recherches effectuées auprès des employés de
grandes compagnies américaines. Likert développe l’idée que les organisations
fondées sur du travail prescrit, dont le management est centré sur des tâches, reposent
pour l’essentiel sur une conception taylorienne du travail globalement moins efficace.
A contrario, les entreprises qui adoptent un mode de leadership orienté sur les hommes
et la compréhension des relations semblent plus performantes. L’objectif ici est de
développer des groupes de travail performants par la recherche d’une cohésion
d’ensemble, le mode de management est axé principalement sur le développement
des personnes et des groupes. Enfin, Likert met également en avant la participation
aux décisions comme critère clé ainsi que la priorité accordée à la réalisation
d’objectifs davantage qu’aux méthodes utilisées.
En définitive, l’apport de Likert est de sensibiliser les dirigeants au principe des
relations intégrées et à la notion de participation souvent décisive sur l’amélioration
des performances à atteindre et des défis à relever. Cependant, Likert ne montre pas
les limites inhérentes au gouvernement participatif des entreprises principalement
liées à la complexité des règles de fonctionnement introduites et aux comportements
à adopter en conséquence. En ce sens, il peut être simplement considéré comme un
précurseur en matière d’analyse des différents styles de management possibles.

78
Le management des relations humaines ■ Chapitre 2

4 Les styles de management dans les organisations

4.1 Les deux dimensions du management de R. Blake et J. Mouton

En 1969, Blake et Mouton élaborent un modèle synthétisant différents modes de


management imaginables dans les organisations. Les résultats de leurs travaux ont été
publiés dans un ouvrage traduit en français sous le titre suivant : « Les deux dimensions
du management ». Les auteurs affineront et développeront progressivement leur
modèle au fil du temps à travers une succession de publications1. L’approche de Blake
et Mouton repose sur une conception bipolaire du management. En premier lieu, ils
proposent de s’intéresser et de définir ce en quoi le manager adhère. Pour ce faire, ils
suggèrent de chercher à mesurer chez le manager le degré d’intérêt porté à la
production ainsi que le degré d’intérêt porté aux hommes. Les auteurs opposent
finalement deux grandes conceptions du management. Pour une première catégorie
de managers, l’encadrement de salariés consiste avant tout à chercher à faire réaliser
des tâches par des subordonnés. Ce sont des managers plutôt centrés sur des tâches à
accomplir. Une seconde catégorie de managers a, par opposition, une vision de
l’encadrement portée sur le degré d’attention aux personnes, ils sont ainsi centrés sur
des hommes et non sur des tâches. Suivant cette conception, l’activité de management
consiste surtout à s’intéresser à des problèmes de motivation et d’implication au
travail, à gérer des relations interpersonnelles. Cette focalisation sur les relations de
travail et sur la confiance implique bien une conception différente du management.
Manager, c’est avant tout créer et développer des relations sociales, une ambiance et
un climat social, une culture particulière de travail, etc. Ces deux conceptions du
mode de management ont été intégrées par Blake et Mouton dans leur modèle
aujourd’hui devenu célèbre : la grille managériale (managerial grid, 1967).
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1. Pour une synthèse des travaux de Blake et Mouton, voir Robert R. Blake, Jane S. Mouton, The Managerial Grid
III : The Key to Leadership Excellence, Houston, Gulf Publishing Company, 1985, traduction française : La
3e dimension du management, Les éditions d’organisation, 1987, 283 pages.

79
Chapitre 2 ■ Le management des relations humaines

élevé

1,9 9,9
9
Le management « Country-club » Le management fondé sur
L’accent est mis sur les besoins des indi- le travail en équipe
vidus afin d’établir de bonnes relations, ce Les résultats sont obtenus par des mem-
8 qui crée une organisation dont l’ambiance bres se sentant tous engagés. L’interdépen-
est conviviale et le rythme de travail dance résultant de cet enjeu commun crée
confortable des relations de confiance et de respect
7
INTÉRÊT PORTÉ AUX HOMMES

5,5
6 Le management institutionnel
Il est possible, pour une organisation,
d’atteindre des performances correctes en
5 établissant un équilibre entre les nécessités
de production et le maintien du moral des
employés à un niveau satisfaisant.

3 1,1 9,1
Le management appauvri Le management fondé
Le minimum d’effort est déployé pour sur l’autorité et l’obéissance
2 accomplir la tâche requise afin de se main- L’efficacité des opérations est d’autant plus
tenir dans l’organisation. grande que le travail est arrangé de façon à
ce que l’élément humain intervienne le
1 moins possible.
faible
faible 1 2 3 4 5 6 7 8 9 élevé
INTÉRÊT PORTÉ AUX TÂCHES

Source : R.R. Blake, J.S. Mouton, La 3e dimension du management,


Paris, Les éditions d’organisation, 1987, 283 pages, page 39.
Figure 2.1 – La grille managériale de Blake et Mouton

La grille managériale permet de formaliser cinq styles de management qui ont été
définis à partir des deux conceptions radicalement opposées du management :
l’importance accordée par la direction de l’entreprise aux tâches à exécuter et
l’importance accordée aux personnes de l’organisation.

■■ Le management appauvri (1,9)

Ce style de management repose sur un minimum d’effort consenti pour réaliser le


travail et se maintenir au sein de l’organisation. Dans ce cadre, les relations sociales
sont très peu développées et le travail ne présente pas beaucoup d’intérêt.
Historiquement, cette approche du management a souvent été source de conflits
sociaux importants et de mouvements ouvriers finalement très revendicatifs.
Naturellement, Blake et Mouton suggèrent d’éviter ce style de direction.

80
Le management des relations humaines ■ Chapitre 2

■■ Le management fondé sur l’autorité et l’obéissance (9,1)

Un tel mode de management repose avant tout sur une logique d’efficience.
L’objectif principal est de réaliser la production dans une perspective d’économie de
moyens et de maximisation de la productivité. Cette conception de la performance
humaine repose sur l’idée qu’il y a lieu d’éviter que le facteur humain interfère sur le
mode d’organisation adopté. Suivant cette logique, l’objectif des managers n’est
absolument pas de prendre en considération la subjectivité des personnes et leurs
attentes. Facteur de frustration et d’insatisfaction dans de nombreux cas, ce style de
direction présente de nombreuses limites et peut être source de dysfonctionnements
sociaux importants.

■■ Le management institutionnel (5,5)

Ce style de gestion vise à rechercher un équilibre entre les performances à atteindre,


c’est-à-dire un certain niveau de production et de productivité, et un climat social de
qualité satisfaisante. Ce mode de management constitue une voie médiane au sein de
laquelle la recherche de négociations et de compromis est fréquente.

■■ Le management « country-club » (1,9)

Cette approche repose avant tout sur la recherche de la satisfaction des besoins des
personnes qui travaillent et la prise en compte de leurs attentes. L’objectif principal
est de rechercher à entretenir des relations sociales durables, de bonne qualité et
d’éviter les conflits. La finalité de cette approche est de créer et de développer une
ambiance de travail conviviale à partir d’un rythme de travail accepté par tous. Cette
conception très feutrée du management peut se révéler, dans certains cas, parfaite
ment adaptée aux besoins d’une structure de type missionnaire au sein de laquelle
l’adhésion des membres aux objectifs, et surtout aux valeurs de l’organisation,
constitue un objectif prioritaire. Une telle approche présente également des risques de
dérives possibles telles que la démagogie ou l’évitement systématique du débat, de la
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confrontation d’idées.

■■ Le management fondé sur le travail en équipe (9,9)

Ce style de management repose sur le développement de la confiance et du respect


entre les personnes. La performance humaine réalisée est d’un niveau élevé. Elle est
obtenue par l’implication des personnes qui se sentent engagées et qui manifestement
adhèrent à un projet d’entreprise partagé. La qualité des relations interpersonnelles,
l’empathie entre les personnes, la confiance constituent un enjeu commun particulière
ment mobilisateur et source d’énergie. Actuellement, la gestion de projet qui repose
sur le modèle de la compétence vise à s’inscrire dans une telle conception du
management des hommes. Pour autant, l’autonomie et l’initiative accordées aux
personnes peuvent aussi, dans certains cas, être sources de tensions et de stress compte

81
Chapitre 2 ■ Le management des relations humaines

tenu des responsabilités importantes confiées aux personnes. La relecture de Blake et


Mouton invite à rester prudent sur ce mode de management car il est important
d’intégrer ces limites même s’il est porteur de potentialités riches.
Finalement, les travaux de Blake et Mouton reposent sur la thèse suivant laquelle le
choix du mode de management doit être pensé en fonction de la nature du travail et des
tâches à réaliser, des caractéristiques des personnes dont on dispose, de leurs attentes
mais aussi de leurs marges de manœuvre au sein de l’organisation. Les auteurs
introduisent implicitement le débat entre la nécessaire directivité induite par le
management et le degré de participation donné aux personnes. Suivant la nature des
situations de gestion et de la structure de l’organisation et de la hiérarchie, Blake et
Mouton invitent à se poser des questions sur les effets produits par le mode de
management sur le comportement des personnes.

4.2 La théorie des styles de direction de B. annenbaum et W. Schmidt

Dès 1973, B. Tannenbaum et W. Schmidt dans un article publié par la très célèbre
Harvard Business Review intitulé How to choose a leadership pattern élaborent une
véritable théorie du leadership. Suivant ces auteurs, l’efficacité du management de
l’organisation dépend de trois éléments déterminants : le leadership, la qualité des
collaborateurs et le type de situation de gestion. Par ailleurs, Tannenbaum et Schmidt
notent qu’il existe des facteurs contribuant à révéler le comportement d’un leader. Il
s’agit, d’une part, de facteurs tels que la confiance en soi, en ses propres collaborateurs,
son système de valeurs et le style qu’il souhaite adopter. D’autre part, les
collaborateurs chercheront naturellement à influencer leur leader. Enfin, les relations
entre leader et subordonnés seront également influencées par la nature des problèmes
et des dysfonctionnements rencontrés, l’environnement et la concurrence, le style de
la direction de l’entreprise ainsi que la manière dont les collaborateurs du leader
réalisent les différentes activités. Au fond, les auteurs interrogent la relation de
pouvoir existante entre supérieur et subordonné à partir d’un continuum. Les
éléments de réponse apportés sont structurés autour de deux pôles opposés permettant
ainsi de formaliser différents types de management. Le premier pôle est constitué par
un style de direction centré sur le supérieur hiérarchique. Le second pôle, a contrario,
est structuré autour d’un style de direction centré sur le subordonné. En d’autres
termes, Tannenbaum et Schmidt opposent deux pôles extrêmes : l’autoritarisme et la
non directivité accordée aux collaborateurs comme l’indique le schéma qui suit.

82
Le management des relations humaines ■ Chapitre 2

Style de direction Style de direction


centré sur le centré sur le
supérieur subordonné

Autorité du
supérieur Liberté d’action
du subordonné

Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant


prend les « vend » présente ses présente présente le définit des laisse le
décisions ses idées et une problème, limites et groupe
puis les décisions demande à décision obtient des demande au libre de
annonce chacun son conditionnelle suggestions groupe de choisir
avis qu’il se et prend prendre une tant que
déclare sa décision. décision à certaines
prêt à l’intérieur contraintes
changer de ces limites sont
respectées

Source : R. annenbaum, W. Schmidt, How to Choose a Leadership Pattern,


Harvard Business Review, May/June 1973, pp. 162-180.

Figure 2.2 – Le continuum des styles de management de annenbaum et Schmidt

Le modèle de Tannenbaum et Schmidt propose un spectre des styles de manage


ment possibles. Chaque style de direction repose sur une conception différente de
l’exercice du pouvoir et des normes de fonctionnement de l’organisation concernée.
Dans le cas où le dirigeant prend les décisions puis les annonce ensuite, les auteurs
parlent d’une conception très directive du commandement. À l’opposé, lorsque le
dirigeant laisse le groupe libre de choisir tant que certaines contraintes sont respectées,
le mode de management repose sur une conception non directive et participative. Les
deux extrêmes en matière de commandement ainsi que les modes de commandement
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

intermédiaires reposent tous sur un questionnement sous-jacent. Quel est la conception


du pouvoir du dirigeant de l’organisation ? Quel est son système de valeurs ? Quelles
sont les caractéristiques et les attentes des salariés ? Qu’est-ce qui caractérisent les
situations de gestion auxquelles les différentes catégories d’acteurs sont confrontées ?
Finalement, le style de commandement adopté, suivant la thèse de Tannenbaum et
Schmitd, devra être en congruence avec les éléments de réponse résultant de ce
questionnement.

4.3 La théorie du leadership de Warren Bennis (1925-2014)

Professeur de Management à l’Université de Californie du sud, Warren Bennis est


né à New York en 1925. Les travaux de Bennis s’appuient sur de très nombreuses

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