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Programme Bachelor Universitaire de Technologie

Gestion des Entreprises et des Administrations

Grands courants de la Pensée économique

Christophe CHAUVET

IUT GEA,Université de Picardie Jules Verne - Chemin du Thil - 80025 Amiens Cedex 1
Présentation du cours
Le cours de Grands courant de la pensée économique de 1ère année GEA comporte 14 heures
de cours magistral.
Objectif : Ce cours vise à comprendre l’émergence des théories économiques dans leur
contexte historique. Il présente les grands auteurs en économie et expose les concepts clefs de
l’analyse économique.
Prérequis pour suivre le cours. Aucun
Travail personnel à réaliser :
Pour chaque auteur, faire une fiche avec les dates clefs, concepts clefs, mécanismes clefs
A chaque fois qu’un auteur sera abordé en cours, regarder le complément correspondant
(Vidéos + textes)

Bibliographie indicative

Pour des fiches thématiques sur les


différents auteurs, il est possible de vous
procurer :
A. Bruno, Les grands économistes, Paris,
Ellipses, 528 pages. 50€.
Tous les grands auteurs y sont étudiés à
travers leur vie, œuvres et concepts clefs.

Si vous voulez compléter votre culture


générale, un auteur très intéressant mais que
nous n’étudierons pas :
C. Chauvet, Bentham : Vie, œuvres,
concepts, Paris, Ellipses, 96 pages, 10€.

Et en général…. Vous pouvez consulter à la


bibliothèque du pôle cathédrale, tous les
ouvrages en Histoire de la Pensée
Economique.

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Plan du cours

Intermède 1 : 1750-1850 : la Révolution industrielle

Le triptyque, Révolution démographique, Révolution agricole, Révolution industrielle


Les conséquences de la Révolution industrielle

Chapitre 1 : Les écoles classiques

1.1. Qu’est-ce qu’un classique ?


1.2. L’harmonie naturelle des intérêts : l’analyse de Smith
1.3. Le principe de population : l’analyse de Malthus
1.4. La loi de la répartition des revenus : l’analyse de Ricardo
1.5. La loi des débouchés : l’analyse de Say

Intermède 2 : 1850-1914 : le triomphe du capitalisme

Une seconde Révolution industrielle pour un nouveau capitalisme


Les conséquences de la seconde Révolution industrielle

Chapitre 2 : Les écoles socialistes et marxistes

2.1. Qu’est-ce qu’un socialiste ?


2.2. Le socialisme utopique de Owen
2.3. Le socialisme scientifique de Marx

Chapitre 3 : Les écoles néoclassiques

3.1. Qu’est-ce qu’un néoclassique ?


3.2. Une théorie du choix des acteurs
3.3. Une théorie de l’équilibre sur les marchés : l’analyse de Marshall

Intermède 3 : 1914-1945 : Un monde instable

Guerres et instabilités monétaires


La grande crise de 1929

Chapitre 4 : Le débat Keynes/ Hayek

4.1. Qu’est-ce qu’un keynésien ?


4.2. Les outils de la pensée keynésienne
4.3 La représentation de la pensée keynésienne : le keynésianisme hydraulique
4.4. Qu’est-ce qu’un hayékien ?
4.5. Les outils de la pensée hayékienne
4.6. Une théorie du cycle : L’effet accordéon

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Vidéos à regarder

Smith
https://www.youtube.com/watch?v=JWztnGRFPII&t=8s

Say
https://www.youtube.com/watch?v=-Iq0pmS-SJA&t=8s

Marx
https://www.youtube.com/watch?v=qAk6Wdhc6bo

Néoclassiques
https://www.youtube.com/watch?v=0cySY2qvop4
https://www.youtube.com/watch?v=MHT2aR-ffT0

Keynes
https://www.youtube.com/watch?v=NkRJdz__A0w
Bfm
https://www.youtube.com/watch?v=jgGJM5BZCLc&t=5s

Hayek
https://www.youtube.com/watch?v=IKBNe1ohRRc

Match Keynes Hayek


https://www.youtube.com/watch?v=O1EtFZ1AgyU

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Thomas Khun
La structure des révolutions scientifiques
(1962)

Résumé :

Sophie Dubois, Sciences humaines, n°42, 2003


La Structure des révolutions scientifiques a eu une influence considérable chez les scientifiques
mais aussi chez bon nombre de spécialistes de sciences humaines : historiens, économistes,
sociologues... Sorti en 1962 et tiré depuis à un million d'exemplaires, l'oeuvre, au succès
indéniable, fait sa petite révolution sur la manière de penser la science, ce qui lui a valu nombre
de critiques. Thomas Kuhn (1922-1996), professeur au MIT, y renouvelle d'une part la
conception de l'histoire des sciences, d'autre part les mécanismes de l'évolution des théories
scientifiques.
Selon la conception traditionnelle dominante chez les scientifiques et épistémologues, le
progrès scientifique résulterait de l'accumulation linéaire des connaissances : en découvrant de
plus en plus de choses, on ajouterait des éléments aux théories qui se rapprocheraient toujours
plus du vrai au fur et à mesure des siècles.
Pour Kuhn, ce schéma est erroné. Le progrès scientifique procède de ruptures et de
bouleversements. Pendant des périodes stables, la discipline scientifique se développe,
organisée autour d'un paradigme dominant, sorte de cadre théorique auquel adhère la
communauté scientifique du moment. Cette période de stabilité permet une croissance régulière
et cumulative. Par exemple, la mécanique newtonienne a fonctionné du xviie siècle au début du
xxe sans remise en cause, sur la base d'un consensus général.
Si la communauté ne peut plus résoudre les anomalies de plus en plus nombreuses, c'est alors
la crise qui peut déboucher sur cette fameuse révolution scientifique. Le nouveau paradigme
produira de nouveaux cadres de recherche, de nouveaux outils et sera en contradiction avec
l'ancien. La théorie de la relativité d'Albert Einstein par exemple a permis d'expliquer des faits
nouveaux telle l'impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière dans le vide. Et c'est ainsi que
la physique nucléaire a remplacé la physique newtonienne. Le passage d'un ancien à un nouveau
paradigme bouleverse la vision du monde.
Mais Kuhn prend aussi en compte les usages sociaux de la science : sa notion de paradigme
englobe aussi bien les théories scientifiques que les croyances, les valeurs et les traditions que
se transmet la communauté savante. Celle-ci, nous dit-il, est fondamentalement conservatrice,
ce qui signifie qu'à certains moments, certaines connaissances scientifiques dominent parce
qu'un réseau de scientifiques les défend et les propage. Au iiie siècle av. J.-C., Aristarque de
Samos défendait déjà l'hypothèse héliocentrique sans aucune oreille attentive pour l'écouter.
C'est que le système géocentrique de Ptolémée satisfaisait aux exigences de la science dite
« normale », et peut-être aussi l'orgueil humain.
Au final, on se rend compte que, loin de suivre un long fleuve tranquille, c'est la discontinuité
qui caractérise le progrès des sciences : bonds, conflits, rivalités chez les scientifiques... Kuhn
souligne donc le caractère relatif de la connaissance et met en question l'objectivité des
scientifiques. Cette conception en hérissera plus d'un...

5
Adam Smith
Enquête sur la nature et les causes de la RDN
(1776)

Extrait 1 :

Livre 1, Chapitre I
Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du travail, et la plus grande
partie de l'habileté, de l'adresse, de l'intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont
dues, à ce qu'il semble, à la Division du travail.

Prenons un exemple dans une manufacture de la plus petite importance, mais où la division
du travail s'est fait souvent remarquer : une manufacture d'épingles.

Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du travail a fait
un métier particulier, ni accoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont
l'invention est probablement due encore à la division du travail, cet ouvrier, quelque adroit qu'il
fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle dans toute sa journée, et certainement il n'en
ferait pas une vingtaine. Mais de la manière dont cette industrie est maintenant conduite, non
seulement l'ouvrage entier forme un métier particulier, mais même cet ouvrage est divisé en un
grand nombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers. Un ouvrier
tire le fil à la bobine, un autre le dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième empointe,
un cinquième est employé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête. Cette tête est elle-même
l'objet de deux ou trois opérations séparées : la frapper est une besogne particulière ; blanchir
les épingles en est une autre ; c'est même un métier distinct et séparé que de piquer les papiers
et d'y bouter les épingles; enfin, l'important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit
opérations distinctes ou environ, lesquelles, dans certaines fabriques, sont remplies par autant
de mains différentes, quoique dans d'autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois. J'ai vu
une petite manufacture de ce genre qui n'employait que dix ouvriers, et où, par conséquent,
quelques-uns d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations. Mais, quoique la fabrique fût
fort pauvre et, par cette raison, mal outillée, cependant, quand ils se mettaient en train, ils
venaient à bout de faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour; or, chaque livre
contient au delà de quatre mille épingles de taille moyenne. Ainsi, ces dix ouvriers pouvaient
faire entre eux plus de quarante-huit milliers d'épingles dans une journée; donc, chaque ouvrier,
faisant une dixième partie de ce produit, peut être considéré comme donnant dans sa journée
quatre mille huit cents épingles. Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les
uns des autres, et s'ils n'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux
assurément n'eût pas fait vingt épingles, peut-être pas une seule, dans sa journée, c'est-à-dire
pas, à coup sûr, la deux-cent-quarantième partie, et pas peut-être la quatre-mille-huit-centième
partie de ce qu'ils sont maintenant en état de faire, en conséquence d'une division et d'une
combinaison convenables de leurs différentes opérations.

6
Extrait 2 :

Livre 4, Chapitre 2
Le produit de l'industrie est ce qu'elle ajoute au sujet ou à la matière à laquelle elle
s'applique. Suivant que la valeur de ce produit sera plus grande ou plus petite, les produits de
celui qui met l'industrie en œuvre seront aussi plus grands ou plus petits. Or, ce n'est que dans
la vue du profit qu'un homme emploie son capital à faire valoir l'industrie et, par conséquent, il
tâchera toujours d'employer son capital à faire valoir le genre d'industrie dont le produit
promettra la plus grande valeur, ou dont on pourra espérer le plus d'argent ou d'autres
marchandises en échange.

Mais le revenu annuel de toute société est toujours précisément égal à la valeur échangeable
de tout le produit annuel de son industrie, ou plutôt c'est précisément la même chose que cette
valeur échangeable. Par conséquent, puisque chaque individu tâche, le plus qu'il peut, 1°
d'employer son capital à faire valoir l'industrie nationale, et - 2° de diriger cette industrie de
manière à lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu travaille
nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la société. A la vérité, son
intention, en général, n'est pas en cela de servir l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à
quel point il peut être utile à la société. En préférant le succès de l'industrie nationale à celui de
l'industrie étrangère, il ne pense qu'à se donner personnellement une plus grande sûreté; et en
dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne
pense qu'à son propre gain; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une
main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions; et ce n'est pas toujours
ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout
en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace
pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler. je n'ai jamais vu que
ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce, à travailler pour le bien général, aient
fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai que cette belle passion n'est pas très commune parmi
les marchands, et qu'il ne faudrait pas de longs discours pour les en guérir.

Quant à la question de savoir quelle est l'espèce d'industrie nationale que son capital peut
mettre en œuvre, et de laquelle le produit promet de valoir davantage, il est évident que chaque
individu, dans sa position particulière, est beaucoup mieux à même d'en juger qu'aucun homme
d'État ou législateur ne pourra le faire pour lui. L'homme d'État qui chercherait à diriger les
particuliers dans la route qu'ils ont à tenir pour l'emploi de leurs capitaux, non seulement
s'embarrasserait du soin le plus inutile, mais encore il s'arrogerait une autorité qu'il ne serait pas
sage de confier, je ne dis pas à un individu, mais à un conseil ou à un sénat, quel qu'il pût être;
autorité qui ne pourrait jamais être plus dangereusement placée que dans les mains de l'homme
assez insensé et assez présomptueux pour se croire capable de l'exercer.

7
Thomas Robert Malthus
Essai sur le principe de population
(1798)

Extrait 1 :

Chapitre I
Examinons dans quelle mesure la production de notre île (l'Angleterre) pourrait être accrue,
dans des circonstances idéales. Supposons que grâce à une excellente administration, sachant
donner de puissants encouragements aux cultivateurs, la production des terres double dans les
vingt-cinq premières années (il est d'ailleurs probable que cette supposition excède la
vraisemblance!) Dans les vingt-cinq années suivantes, il est impossible d'espérer que la
production puisse continuer à s'accroître au même rythme, et qu'au bout de cette seconde
période la production de départ aura quadruplé: ce serait heurter toutes les notions acquises sur
la fécondité du sol. L'amélioration des terres stériles ne peut résulter que du travail et du temps;
à mesure que la culture s'étend, les accroissements annuels diminuent régulièrement.

Comparons maintenant l'accroissement de la population à celui de la nourriture. Supposons


d'abord (ce qui est inexact) que le coefficient d'accroissement annuel ne diminue pas, mais reste
constant. Que se passe-t-il ? Chaque période de vingt-cinq ans ajoute à la production annuelle
de la Grande-Bretagne une quantité égale à sa production actuelle. Appliquons cette supposition
à toute la terre: ainsi, à la fin de chaque période de vingt-cinq ans, une quantité de nourriture
égale à celle que fournit actuellement à l'homme la surface du globe viendra s'ajouter à celle
qu'elle fournissait au commencement de la même période.

Nous sommes donc en état d'affirmer, en partant de l'état actuel de la terre habitable, que
les moyens de subsistance, dans les circonstances les plus favorables à la production, ne peuvent
jamais augmenter à un rythme plus rapide que celui qui résulte d'une progression arithmétique.

Comparons ces deux lois d'accroissement: le résultat est frappant. Comptons pour onze
millions la population de la Grande-Bretagne, et supposons que le produit actuel de son soi
suffit pour la maintenir. Au bout de vingt-cinq ans, la population sera de vingt-deux millions;
et la nourriture ayant également doublé, elle suffira encore à l'entretenir. Après une seconde
période de vingt-cinq ans, la population sera portée à quarante-quatre millions: mais les moyens
de subsistance ne pourront plus nourrir que trente-trois millions d'habitants. Dans la période
suivante, la population -arrivée à quatre-vingt-huit millions - ne trouvera des moyens de
subsistance que pour la moitié de ce nombre. A la fin du premier siècle, la population sera de
cent soixante-seize millions, tandis que les moyens de subsistance ne pourront suffire qu'à
cinquante-cinq millions seulement.

Cent vingt et un millions d'hommes seront ainsi condamnés à mourir de faim!

Considérons maintenant la surface de la terre, en posant comme condition qu'il ne sera plus
possible d'avoir recours à l'émigration pour éviter la famine. Comptons pour mille millions le
nombre des habitants actuels de la Terre. La race humaine croîtra selon la progression 1, 2, 4,

8
8, 16, 32, 64, 128, 256... tandis que les moyens de subsistance croîtront selon la progression 1,
2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Au bout de deux siècles, population et moyens de subsistance seront dans
le rapport de 256 à 9 ; au bout de trois siècles, 4 096 à 13 ; après deux mille ans, la différence
sera immense et incalculable.

Le rythme d'accroissement de la population, de période en période, l'emporte donc tellement


sur celui de l'augmentation des subsistances, que pour maintenir le niveau et pour que la
population existante trouve toujours des aliments en quantité suffisante, il faut qu'à chaque
instant une loi supérieure fasse obstacle à son extension. Il faut que la dure nécessité la soumette
à son empire, et que celui de ces deux principes opposés dont l'action est tellement
prépondérante soit contenu dans d'étroites limites.

Extrait 2 :

Chapitre 12
Pour remédier à la fréquente détresse des pauvres, on a établi des lois instituant un système
de secours, et l'Angleterre s'est particulièrement distinguée en cette matière. Mais il est à
craindre que si on a diminué par ce procédé les misères individuelles, on a par contre beaucoup
étendu la pauvreté générale.

Les lois anglaises en faveur des pauvres conjuguent leur action pour empirer dans ces deux
sens le sort du pauvre. D'abord, elles tendent manifestement à accroître la population, sans rien
ajouter aux moyens de subsistance. Un pauvre peut se marier bien qu'il ait peu ou même pas du
tout de possibilités de nourrir sa famille en dehors des secours paroissiaux: ainsi, ces lois créent
les pauvres qu'elles assistent. Le résultat de ces institutions secourables est que les subsistances
doivent être réparties en parts plus petites, ce qui fait que le travail de ceux qui ne sont pas
assistés permet d'acheter une quantité de nourriture moindre qu'auparavant: et le nombre de
ceux qui ont recours à l'assistance augmente sans cesse.

9
David Ricardo
Principes de l’économie politique et de l’impôt
(1817)

Extrait 1 :

Chapitre 2
La rente est cette portion du produit de la terre que l‘on paie au propriétaire pour avoir le
droit d‘exploiter les facultés productives et impérissables du sol. Cependant on confond souvent
la rente avec l’intérêt et le profit du capital, et dans le langage vulgaire on donne le nom de
rente h tout ce que le fermier paie annuellement au propriétaire.

Lorsque des hommes font un premier établissement dans une contrée riche et fertile, dont il
suffit de cultiver une très-petite étendue pour nourrir la population, ou dont la culture n’exige
pas plus de capital que n’en possèdent les colons, il n’y a point de rente ; car qui songerait à
acheter le droit de cultiver un terrain, alors que tant de terres restent sans maître, et sont par
conséquent la disposition de quiconque voudrait les cultiver ?

Par les principes ordinaires de l’offre et de la demande, il ne pourrait être payé de rente pour
la terre, par la même raison qu’on n’achète point le droit de jouir de l’air, de l’eau, ou de tous
ces autres biens qui existent dans la nature en quantités illimitées. Moyennant quelques
matériaux, et à l’aide de la pression de l’atmosphère et de l’élasticité de la vapeur, on peut
mettre en mouvement des machines qui abrégent considérablement le travail de l’homme ; mais
personne n’achète le droit de jouir de ces agents naturels qui sont inépuisables et que tout le
monde peut employer. De même, le brasseur, le distillateur, le teinturier, emploient
continuellement l’air et l’eau dans la fabrication de leurs produits ; mais comme la source de
ces agents est inépuisable, ils n’ont point de prix . Si la terre jouissait partout des mêmes
propriétés, si son étendue était sans bornes, et sa qualité uniforme, on ne pourrait rien exiger
pour le droit de la cultiver, à moins que ce ne fût là où elle devrait à sa situation quelques
avantages particuliers. C’est donc uniquement parce que la terre varie dans sa force productive,
et parce que, dans le progrès de la population, les terrains d’une qualité inférieure, ou moins
bien situés, sont défrichés, qu’on en vient à payer une rente pour avoir la faculté de les exploiter.
Dès que par suite des progrès de la société on se livre à la culture des terrains de fertilité
secondaire, la rente commence pour ceux des premiers, et le taux de cette rente dépend de la
différence dans la qualité respective des deux espèces de terre .

Dès que l’on commence à cultiver des terrains de troisième qualité, la rente s’établit aussitôt
pour ceux de la seconde, et est réglée de même par la différence dans leurs facultés productives.
La rente des terrains de première qualité hausse en même temps, car elle doit se maintenir
toujours au-dessus de celle de la seconde qualité, et cela en raison de la différence de produits
que rendent ces terrains avec une quantité donnée de travail et de capital. A chaque
accroissement de population qui force un peuple à cultiver des terrains d'une qualité inférieure
pour en tirer des subsistances, le loyer des terrains supérieurs haussera.

10
Extrait 2 :

Chapitre 6
Ayant déjà montré que les profits des capitaux dans les différentes branches de la production,
gardent toujours entre eux une même proportion, et tendent tous à éprouver des variations dans
le même degré et dans un même sens, il nous reste à rechercher la cause des variations
permanentes dans la taux des profits, et les modifications qui en résultent toujours dans le taux
de l'intérêt.

Nous avons vu que le prix du blé se règle par la quantité de travail nécessaire pour le
produire, au moyen de cette portion du capital qui ne paie pas de rente. Nous avons vu aussi
que tous les articles manufacturés haussent et baissent de prix à mesure qu'il faut, pour les
produire, plus ou moins de travail. Ni le fermier qui cultive cette espace de terres dont la qualité
règle les prix courants, ni le manufacturier qui fabrique des marchandises, ne réservent aucune
portion du produit pour la rente. La valeur entière de leurs articles se partage en deux seules
portions, dont l'une constitue les profits du capital, et l'autre est consacrée au salaire des
ouvriers.

En supposant que le blé et les objets manufacturés se vendent toujours au même prix, les
profits seront toujours élevés ou réduits, selon la hausse ou la baisse des salaires. Mais si le prix
du blé hausse, parce que sa production exige plus de travail, cette cause ne fera point hausser le
prix des objets manufacturés dont la fabrication n’exige point de travail additionnel. Dans ce
cas, si les salaires restent les mêmes, les profits ne changeront pas ; mais comme il est
indubitable que les salaires montent par la hausse du blé, les profits alors doivent
nécessairement baisser.

11
Jean-Baptiste Say
Traité d’économie politique
(1803)

Extrait 1 :

Livre I, chapitre 15
Dans les lieux qui produisent beaucoup, se crée la substance avec laquelle seule on achète :
je veux dire la valeur. L'argent ne remplit qu'un office passager dans ce double échange ; et, les
échanges terminés, il se trouve toujours qu'on a payé des produits avec des produits.

Il est bon de remarquer qu'un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché à d'autres
produits pour tout le montant de sa valeur. En effet, lorsque le dernier producteur a terminé un
produit, son plus grand désir est de le vendre, pour que la valeur de ce produit ne chôme pas
entre ses mains. Mais il n'est pas moins empressé de se défaire de l'argent que lui procure sa
vente, Pour que la valeur de l'argent ne chôme Pas non plus. Or, on ne peut se défaire de son
argent qu'en demandant à acheter un produit quelconque. On voit donc que le fait seul de la
formation d'un produit ouvre, dès l'instant même, un débouché à d'autres produits.

C'est pour cela qu'une bonne récolte n'est pas seulement favorable aux cultivateurs, et qu'elle
l'est en même temps aux marchands de tous les autres produits. On achète davantage toutes les
fois qu'on recueille davantage. Une mauvaise récolte, au contraire, nuit à toutes les ventes. Il
en est de même des récoltes faites par les arts et le commerce. Une branche de commerce qui
prospère fournit de quoi acheter, et procure conséquemment des ventes à tous les autres
commerces ; et d'un autre côté, quand une partie des manufactures ou des genres de commerce
devient languissante, la plupart des autres en souffrent.

Cela étant ainsi, d'où vient, demandera-t-on, cette quantité de Marchandises qui, à certaines
époques, encombrent la circulation, sans pouvoir trouver d'acheteurs ? pourquoi ces
marchandises ne s'achètent-elles pas les unes les autres ?

Je répondrai que des marchandises qui ne se vendent pas, ou qui se vendent à perte, excèdent
la somme des besoins qu'on a de ces marchandises, soit parce qu'on en a produit des quantités
trop considérables, soit plutôt parce que d'autres productions ont souffert. Certains produits
surabondent, parce que d'autres sont venus à manquer.

En termes plus vulgaires, beaucoup de gens ont moins acheté, parce qu'ils ont moins gagné;
et ils ont moins gagné, parce qu'ils ont trouvé des difficultés dans l'emploi de leurs moyens de
production, ou bien parce que ces moyens leur ont manqué.

12
Karl Marx
Manifeste du parti communiste
(1848)

Extrait 1 :

Chapitre I
L’histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de luttes de classes.

Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, bref
oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une lutte ininterrompue, tantôt ouverte,
tantôt dissimulée, une lutte qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société
tout entière, soit par la disparition des deux classes en lutte.

Dans les premières époques historiques, nous constatons presque partout une structuration achevée
de la société en corps sociaux distincts , une hiérarchie extrêmement diversifiée des conditions sociales.
Dans la Rome antique, nous trouvons des patriciens, des chevaliers, des plébéiens, des esclaves; au
moyen âge, des seigneurs, des vassaux, des maîtres, des compagnons, des serfs et, de plus, dans presque
chacune de ces classes une nouvelle hiérarchie particulière.

La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les
antagonismes de classes. Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions
d'oppression, de nouvelles formes de lutte à celles d'autrefois.

Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié
les antagonismes de classes. La société entière se scinde de plus en plus en deux vastes camps ennemis,
en deux grandes classes qui s'affrontent directement: la bourgeoisie et le prolétariat.

Le développement du machinisme et la division du travail, en faisant perdre au travail de l'ouvrier


tout caractère d'autonomie, lui ont fait perdre tout attrait. L'ouvrier devient un simple accessoire de la
machine, dont on n’exige que l'opération la plus simple, la plus monotone, la plus vite apprise. Par
conséquent, les frais qu'entraîne un ouvrier se réduisent presque exclusivement au coût des moyens de
subsistance nécessaires à son entretien et à la reproduction de son espèce. Or le prix d'une marchandise,
et donc le prix du travail également, est égal à son coût de production. Donc, plus le travail devient
répugnant, plus les salaires baissent. Bien plus, à mesure que se développent le machinisme et la division
du travail, la masse de travail s'accroît, soit par l'augmentation des heures de travail, soit par
l'augmentation du travail exigé dans un temps donné, l'accélération du mouvement des machines, etc.

L'industrie moderne a fait du petit atelier du maître artisan patriarcal la grande fabrique du capitaliste
industriel. Des masses d'ouvriers, concentrés dans la fabrique, sont organisés militairement. Simples
soldats de l'industrie, ils sont placés sous la surveillance d'une hiérarchie complète de sous-officiers et
d'officiers. Ils ne sont pas seulement les esclaves de la classe bourgeoise, de l’État bourgeois, mais
encore, chaque jour, à chaque heure, les esclaves de la machine, du contremaître, et surtout du bourgeois
fabricant lui-même. Ce despotisme est d'autant plus mesquin, odieux, exaspérant qu'il proclame plus
ouvertement le profit comme étant son but suprême.

13
Moins le travail manuel exige d'habileté et de force, c'est-à-dire plus l'industrie moderne se
développe, et plus le travail des hommes est supplanté par celui des femmes et des enfants. Les
différences d'âge et de sexe n'ont plus de valeur sociale pour la classe ouvrière. Il n'y a plus que des
instruments de travail dont le coût varie suivant l'âge et le sexe.

Une fois achevée l'exploitation de l'ouvrier par le fabricant, c'est-à-dire lorsque celui-ci lui a compté
son salaire, l'ouvrier devient la proie d'autres membres de la bourgeoisie: du propriétaire, du détaillant,
du prêteur sur gages, etc.

Petits industriels, petits commerçants et rentiers, petits artisans et paysans, tout l'échelon inférieur
des classes moyennes de jadis, tombent dans le prolétariat; en partie parce que leur faible capital ne leur
permettant pas d'employer les procédés de la grande industrie, ils succombent à la concurrence avec les
grands capitalistes; d'autre part, parce que leur habileté est dépréciée par les méthodes nouvelles de
production. De sorte que le prolétariat se recrute dans toutes les classes de la population

Le prolétariat passe par différentes phases de développement. Sa lutte contre la bourgeoisie


commence avec son existence même.

14
Karl Marx
Le capital
(1867)

Extrait 2 :

Chapitre I

15
16
Lénine
L’impérialisme, stade suprême du capitalisme
(1916)

Extrait 1 :

Chapitre 4
Ce qui caractérisait l'ancien capitalisme, où régnait la libre concurrence, c'était l'exportation des
marchandises. Ce qui caractérise le capitalisme actuel, où règnent les monopoles, c'est
l'exportation des capitaux.

Le capitalisme, c'est la production marchande, à son plus haut degré de développement, où la


force de travail elle-même devient marchandise. L'extension des échanges tant nationaux
qu'internationaux, surtout, est un trait distinctif caractéristique du capitalisme. Le
développement inégal et par bonds des différentes entreprises, des différentes industries et des
différents pays, est inévitable en régime capitaliste. Devenue capitaliste la première, et adoptant
le libre-échange vers le milieu du XIXe siècle, l'Angleterre prétendit au rôle d'"atelier du monde
entier", de fournisseur en articles manufacturés de tous les pays, qui devaient, en échange, la
ravitailler en matières premières. Mais ce monopole, l'Angleterre commença à le perdre dès le
dernier quart de ce siècle. D'autres pays, qui s'étaient défendus par des tarifs douaniers
"protecteurs", devinrent à leur tour des Etats capitalistes indépendants. Au seuil du XXe siècle,
on vit se constituer un autre genre de monopoles : tout d'abord, des associations monopolistes
capitalistes dans tous les pays à capitalisme évolué; ensuite, la situation de monopole de
quelques pays très riches, dans lesquels l'accumulation des capitaux atteignait d'immenses
proportions. Il se constitua un énorme "excédent de capitaux" dans les pays avancés.

Pour l'Angleterre, ce sont en premier lieu ses possessions coloniales, très grandes en Amérique
également (le Canada, par exemple), sans parler de l'Asie, etc. Les immenses exportations de
capitaux sont étroitement liées ici, avant tout, aux immenses colonies, dont nous dirons plus
loin l'importance pour l'impérialisme. Il en va autrement pour la France. Ici les capitaux placés
à l'étranger le sont surtout en Europe et notamment en Russie (10 milliards de francs au moins).
Il s'agit principalement de capitaux de prêt, d'emprunts d'Etat, et non de capitaux investis dans
les entreprises industrielles. A la différence de l'impérialisme anglais, colonialiste,
l'impérialisme français peut être qualifié d'usuraire. L'Allemagne offre une troisième variante :
ses colonies sont peu considérables, et ses capitaux placés à l'étranger sont ceux qui se
répartissent le plus également entre l'Europe et l'Amérique.

Les exportations de capitaux influent, en l'accélérant puissamment, sur le développement du


capitalisme dans les pays vers lesquels elles sont dirigées. Si donc ces exportations sont
susceptibles, jusqu'à un certain point, d'amener un ralentissement dans l'évolution des pays
exportateurs, ce ne peut être qu'en développant en profondeur et en étendue le capitalisme dans
le monde entier.

17
Les pays exportateurs de capitaux ont presque toujours la possibilité d'obtenir certains
"avantages", dont la nature fait la lumière sur l'originalité de l'époque du capital financier et des
monopoles.

Le capital financier a engendré les monopoles. Or, les monopoles introduisent partout leurs
méthodes : l'utilisation des "relations" pour des transactions avantageuses se substitue, sur le
marché public, à la concurrence. Rien de plus ordinaire que d'exiger, avant d'accorder un
emprunt, qu'il soit affecté en partie à des achats de produits dans le pays prêteur, surtout à des
commandes d'armements, de bateaux, etc. La France, au cours de ces vingt dernières années
(1890-1910), a très souvent recouru à ce procédé. L'exportation des capitaux devient ainsi un
moyen d'encourager l'exportation des marchandises. Les transactions entre des entreprises
particulièrement importantes revêtent, dans ces circonstances, un caractère tel que pour
employer cet "euphémisme" de Schilder, "elles confinent à la corruption". Krupp en Allemagne,
Schneider en France, Armstrong en Angleterre nous offrent le modèle de ces firmes étroitement
liées à des banques géantes et au gouvernement, et qu'il n'est pas facile d'y "passer outre" lors
de la conclusion d'un emprunt.

Les pays exportateurs de capitaux se sont, au sens figuré du mot, partagé le monde. Mais le
capital financier a conduit aussi au partage direct du globe.

18
Extrait 2 :

Chapitre 7
Si l'on devait définir l'impérialisme aussi brièvement que possible, il faudrait dire qu'il est le
stade monopoliste du capitalisme. Cette définition embrasserait l'essentiel, car, d'une part, le
capital financier est le résultat de la fusion du capital de quelques grandes banques monopolistes
avec le capital de groupements monopolistes d'industriels; et, d'autre part, le partage du monde
est la transition de la politique coloniale, s'étendant sans obstacle aux régions que ne s'est encore
appropriée aucune puissance capitaliste, à la politique coloniale de la possession monopolisée
de territoires d'un globe entièrement partagé.

Mais les définitions trop courtes, bien que commodes parce que résumant l'essentiel, sont
cependant insuffisantes, si l'on veut en dégager des traits fort importants de ce phénomène que
nous voulons définir. Aussi, sans oublier ce qu'il y a de conventionnel et de relatif dans toutes
les définitions en général, qui ne peuvent jamais embrasser les liens multiples d'un phénomène
dans l'intégralité de son développement, devons-nous donner de l'impérialisme une définition
englobant les cinq caractères fondamentaux suivants : 1) concentration de la production et du
capital parvenue à un degré de développement si élevé qu'elle a créé les monopoles, dont le rôle
est décisif dans la vie économique; 2) fusion du capital bancaire et du capital industriel, et
création, sur la base de ce "capital financier", d'une oligarchie financière; 3) l'exportation des
capitaux, à la différence de l'exportation des marchandises, prend une importance toute
particulière; 4) formation d'unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le
monde, et 5) fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes.
L'impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s'est affirmée la
domination des monopoles et du capital financiers, où l'exportation des capitaux a acquis une
importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux
et où s'est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes.

On voit qu'il existe trois régions à capitalisme hautement évolué (puissant développement des
voies de communication, du commerce et de l'industrie) : l'Europe centrale, la Grande-Bretagne
et l'Amérique. Parmi elles, trois Etats dominant le monde : l'Allemagne, l'Angleterre, les Etats-
Unis. Leur rivalité impérialiste et la lutte qu'ils se livrent revêtent une acuité extrême, du fait
que l'Allemagne dispose d'une région insignifiante et de peu de colonies; la création d'une
"Europe centrale" est encore une question d'avenir, et s'élabore au travers d'une lutte à outrance.
Pour le moment, le signe distinctif de l'Europe entière, c'est le morcellement politique. Dans les
régions britannique et américaine, au contraire, la concentration politique est très forte, mais la
disproportion est énorme entre les immenses colonies de la première et les colonies
insignifiantes de la seconde. Or, dans les colonies, le capitalisme commence seulement à se
développer. La lutte pour l'Amérique du Sud devient de plus en plus âpre.

Dans les deux autres régions : la Russie et l'Asie orientale, le capitalisme est peu développé. La
densité de la population est extrêmement faible dans la première, extrêmement forte dans la
seconde; dans la première, la concentration politique est grande; dans la seconde, elle n'existe
pas. Le partage de la Chine commence à peine, et la lutte pour ce pays entre le Japon, les Etats-
Unis, etc., va s'intensifiant.

19
Alfred Marshall
Principes d’économie politique
(1890)

Extrait 1 :

Livre 3 Chapitre 3
Nous avons vu que, en règle générale, chaque besoin est limité, et qu'à mesure qu'augmente
la quantité d'une chose qu'un homme possède, le désir qu'il éprouve d'en obtenir davantage
diminue d'intensité ; jusqu'au moment où, à sa place, apparaît le désir d'une autre chose, à
laquelle peut-être il ne pensait même pas, tant que ses besoins plus urgents n'étaient pas
satisfaits. Il y a une variété infinie de besoins, mais chacun d'eux pris isolément est limité. Cette
tendance bien connue et fondamentale de la nature humaine peut s'exprimer de la façon suivante
par la loi de satiété des besoins ou de l'utilité décroissante :

« L'utilité totale d'une chose pour quelqu'un (c'est-à-dire la somme des plaisirs ou des autres
avantages qu'il en retire) augmente avec toute augmentation de la quantité qu'il en possède,
mais non pas aussi vite que cette quantité. Si cette quantité augmente à un taux uniforme, les
avantages (the benefit) qu'il en tire augmentent à un taux décroissant ».

En d'autres termes, le bénéfice supplémentaire, qu'une personne tire d'une augmentation


donnée du stock d'une chose qu'elle possède, diminue à chaque augmentation de ce stock.

La quantité de cette chose qu'elle consent tout juste à acheter, petit être appelée son achat-
limite (marginal purchase), parce qu'elle est alors juste à la limite du doute sur le point de savoir
s'il vaut la peine de faire la dépense nécessaire pour l'acquérir. L'utilité de son achat-limite peut
s'appeler l'utilité-limite de la chose pour elle ; ou bien si, au lieu de l'acheter, notre personne fait
la chose elle-même, son utilité-limite est l'utilité de la partie qu'elle pense tout juste valoir la
peine de faire. La loi qui vient d'être exposée peut donc se formuler ainsi :

« L'utilité-limite d'une chose pour une personne diminue avec toute augmentation de la
quantité qu'elle en possède déjà » .

Cette loi implique pourtant une condition qu'il faut mettre en lumière. C'est que nous
supposons que le caractère et les goûts de la personne elle-même n'aient pas eu le temps de
changer. Il ne faut donc pas voir d'exception à la loi dans le fait que plus un homme entend de
bonne musique, plus son goût pour elle devient fort ; ni dans le fait que l'avarice et l'ambition
sont souvent insatiables; ni dans le fait que la vertu de propreté et le vice d'ivrognerie se
développent à mesure qu'on les satisfait. En pareils cas, nos observations s'étendent à une
certaine période de temps, et la personne n'est pas la même au début qu'à la fin. Si nous prenons
un homme tel qu'il est, en supposant que son caractère n'ait pas eu le temps de changer : pour
lui, alors, l'utilité-limite d'une chose diminue constamment avec toute augmentation de la
quantité dont il dispose.

20
Extrait 2 :

Livre 3 Chapitre 6
Nous avons déjà vu que le prix qu'une personne paie pour un objet ne peut jamais excéder,
et atteint rarement, celui qu'elle serait disposée à payer plutôt que de se passer de l'objet : de
sorte que la satisfaction qu'elle retire de son achat excède d'ordinaire celle à laquelle elle
renonce en abandonnant la somme payée comme prix; l'achat lui procure donc un excédent de
satisfaction. Cet excédent de satisfaction est mesuré économiquement par la différence entre le
prix qu'elle consentirait à payer plutôt que de se passer de l'objet, et le prix qu'elle paye
réellement. Il a quelques analogies avec la rente ; mais il vaut peut-être mieux l'appeler
simplement « le bénéfice du consommateur » (consumer's surplus).

Pour préciser nos idées, considérons du thé acheté pour la consommation d'un ménage.
Prenons l'exemple d'un homme qui, si le prix du thé était de 20 sh. la livre, n'en achèterait qu'une
livre par an, qui en achèterait deux livres si le prix était de 14 sh., trois livres si le prix était de
10 sh., quatre livres avec un prix de 6 sh., cinq livres avec un prix de 4, six livres si le prix était
de 3 sh., et qui en achète sept livres au prix de 2 sh., qu'atteint le thé en ce moment. Nous avons
à rechercher quel est le bénéfice qu'il retire de cette possibilité d'acheter du thé à 12 sh. la livre.

Le fait qu'il achète juste une livre lorsque le prix est à 90 sh., prouve que la satisfaction
totale que lui procure cette livre est aussi grande que celle qu'il se procurerait en dépensant 20
sh. à acheter autre chose. Lorsque le prix tombe à 14 sh., il pourrait, s'il le voulait, continuer à
n'acheter qu'une livre. Il aurait ainsi pour 14 sh. ce qui, pour lui, en vaut au moins 20 ; il se
procurerait donc un surplus de satisfaction de 6 sh., ou, en d'autres termes, son bénéfice de
consommateur serait de 6 sh. Mais, en fait, il préfère acheter une seconde livre, montrant ainsi
qu'il la regarde comme valant au moins 14 sh. pour lui. Il obtient ainsi pour 28 sh. deux livres
de thé qui valent au moins pour lui 20 + 14, c'est-à-dire 34. Son bénéfice n'est en tous cas pas
diminué par son achat, mais reste à 6 sh. L'utilité totale des deux livres est au moins de 34 sh.,
son bénéfice de consommateur est au moins de 6 sh..

21
Extrait 3 :

Livre 5 Chapitre 3
Donc, lorsque la quantité produite (dans une unité de temps) est telle que le prix de demande
est plus élevé que le prix d'offre, les vendeurs reçoivent plus qu'il n'est suffisant pour qu'il vaille
la peine d'apporter des marchandises au marché jusqu'à concurrence de cette quantité ; et alors
se fait sentir une force active tendant à augmenter la quantité mise en vente. D'un autre côté,
lorsque la quantité produite est telle que le prix de demande est moindre que le prix d'offre, les
vendeurs ne reçoivent plus assez pour qu'il vaille la peine d'apporter des marchandises au
marché dans cette proportion ; de telle sorte que ceux qui étaient précisément à se demander s'il
fallait continuer à produire sont décidés à ne pas produire, et alors se fait sentir également une
force active qui tend à diminuer la quantité mise en vente. Lorsque le prix de demande est égal
au prix d'offre, la quantité produite n'a tendance ni à être augmentée ni à être diminuée ; elle est
en état d'équilibre.

Lorsque l'offre et la demande sont en équilibre, la quantité de la marchandise qui est


produite dans une unité de temps peut être désignée sous le nom de quantité d'équilibre et le
prix auquel cette quantité est vendue peut être appelé le prix d'équilibre.

Un semblable équilibre est un équilibre stable, c'est-à-dire que le prix, s'il s'en écarte tant
soit peu, tend à y retourner, comme une pendule oscille autour de son point le plus bas. Et ce
qui est caractéristique pour les équilibres stables, c'est que le prix de demande est supérieur au
prix d'offre pour des quantités un peu inférieures à la quantité d'équilibre, et vice versa. En effet,
lorsque le prix de demandé est supérieur au prix d'offre, la quantité produite tend à augmenter
et, par conséquent, si le prix de demande est plus élevé que le prix d'offre pour des quantités un
peu inférieures à la quantité d'équilibre et, par suite, si le niveau de la production se trouve
temporairement ramené un peu au-dessous de cette position d'équilibre, ce niveau tendra à y
revenir et de cette façon, l'équilibre est stable pour tous déplacements dans cette direction. Si le
prix de demande est plus élevé que le prix d'offre pour des quantités un peu au-dessous de la
quantité d'équilibre, il sera certainement moindre que le prix d'offre pour des quantités un peu
plus grandes ; et, par conséquent, si le niveau de la production est quelque peu plus haut que la
position d'équilibre, ce niveau tendra à revenir à cet équilibre, et l'équilibre sera aussi un
équilibre stable, pour les déplacements qui auront lieu dans cette direction.

Lorsque l'offre et la demande sont dans une position d'équilibre stable, si quelque accident
vient écarter le niveau de la production de sa position d'équilibre, immédiatement entreront en
jeu des forces tondant à ramener ce niveau à cette position ; c'est ainsi que lorsqu'une pierre
suspendue à une corde est écartée de sa position d'équilibre, la force de la pesanteur tendra à la
ramener à cette position. Les mouvements du niveau de la production autour de sa position
d'équilibre sont à peu près de même nature

22
Léon Walras
Eléments d’économie politique pure
(1874)

Extrait 1 :

Section I, 5ème leçon

23
Extrait 2 :

Section II, 9ème leçon

24
25
John Maynard Keynes
Essais de persuasions
(1931)

Extrait 1 :

Économies et dépenses
Il y a aujourd'hui beaucoup de gens bien intentionnés, attachés à leur pays, qui s'imaginent que
la chose la plus utile qu'ils puissent faire et que puissent faire leurs semblables pour remédier à
la situation, c'est d'économiser plus que d'habitude. S'ils s'abstiennent de dépenser une aussi
large part de leurs revenus que de coutume, ils s'imaginent qu'ils auront remédié au chômage.
S'ils sont membres de Conseils généraux ou de Conseils municipaux, ils s’imaginent que leur
devoir en pareille circonstance est de s'opposer à des dépenses nouvelles d'aménagement ou de
travaux publics.

Or, dans d'autres conditions, tout ceci pourrait être fort bien, mais malheureusement dans les
conditions actuelles, tout cela est fort mal. Il n'y a rien de plus néfaste et de plus faux, c'est
exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire. Car le but de l'épargne doit être de rendre de
la main-d'œuvre disponible pour pouvoir l'employer à exécuter des travaux de rapport tels que
la construction de maisons, d'usines, de routes, de machines, etc. Mais s'il se trouve déjà un
excédent important de main-d'œuvre disponible pour pareil emploi, alors le résultat de l'épargne
est d'accroître cet excédent, et par conséquent de grossir les rangs des chômeurs. De plus,
lorsqu'un homme est privé de travail, d'une façon ou d'une autre, la diminution de son pouvoir
d'achat a pour effet de réduire au chômage ceux qui produisaient ce qu'il ne peut plus acheter.
Et ainsi la situation s'aggrave de plus en plus, et l'on ne sort plus d'un véritable cercle vicieux.

Ce que je puis dire approximativement de plus juste, c'est que chaque fois que vous économisez
5 shillings, vous privez un homme de travail pour une journée. Votre économie de 5 shillings
augmente le chômage dans la proportion d'un homme, pour la durée d'un jour, et ainsi de suite.
Par contre chaque fois que vous achetez de la marchandise – vous favorisez la main-d'œuvre;
il faut que ce soit de la marchandise anglaise si vous voulez favoriser la main-d'œuvre dans
votre pays. Après tout, il n'y a là qu'une question de bon sens. Car si vous achetez de la
marchandise, il faudra bien que quelqu’un la fabrique. Et si vous, n'achetez pas de
marchandises, les magasins ne videront pas leurs stocks, ils ne referont donc point de
commandes, et il faudra donc que certains ouvriers soient renvoyés et privés de travail.

Par conséquent, ô ménagères patriotiques, sortez dès demain matin dans les rues, et dirigez-
vous vers ces ventes réclames miraculeuses qui se trouvent annoncées à tous les coins. Vous
vous ferez du bien à vous-mêmes car jamais les choses ne furent aussi bon marché, meilleur
marché qu'en rêve. Faites provision de linge, de blanc, de draps et de couvertures pour satisfaire
tous vos besoins. Et réjouissez-vous par surcroît à la pensée que vous favorisez la main-d'œuvre,
que vous enrichissez le pays, car vous redonnez de la vie à de grands centres, d'activités et
l'espoir au Lancashire, au Yorkshire et à Belfast.

26
John Maynard Keynes
La théorie générale
de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie
(1936)

Extrait 2 :

Chapitre I
En intitulant ce livre la Théorie Générale de l'Emploi, de l'Intérêt, et de la Monnaie, nous
tenons à souligner le mot « générale ». Nous avons choisi ce titre pour faire ressortir l'opposition
existant entre la nature de nos arguments et de nos conclusions et celle de la théorie classique 1,
qui a été la base de notre formation et qui, tant sur le plan pratique que sur le terrain doctrinal,
gouverne dans la présente génération la pensée économique des milieux dirigeants et
universitaires, comme elle l'a gouvernée au cours des cent dernières années. Nous démontrerons
que les postulats de la théorie classique ne s'appliquent qu'à un cas spécial et non au cas général,
la situation qu'elle suppose étant à la limite des situations d'équilibre possibles. Au surplus les
caractéristiques du cas spécial auquel cette théorie s'applique se trouvent ne pas être celles de
la société économique où nous vivons réellement. Son enseignement ne peut donc être que
trompeur et néfaste, si on prétend appliquer ses conclusions aux faits que nous connaissons.

Extrait 3 :

Chapitre XII
Pour le spécialiste du placement c'est donc une obligation impérieuse de s'attacher à
anticiper les changements prochains dans l'ambiance et les informations, l'expérience ayant
appris que les changements de cet ordre étaient ceux qui exerçaient sur la psychologie collective
du marché l'influence la plus profonde. Telle est la conséquence inévitable de l'existence de
marchés financiers conçus en vue de ce qu'on est convenu d'appeler la liquidité. De toutes les
maximes de la finance orthodoxe, il n'en est aucune, à coup sûr, de plus antisociale que le
fétichisme de la liquidité, doctrine qui fait un véritable devoir aux institutions de placement de
concentrer leurs ressources sur des valeurs « liquides ». Une telle doctrine néglige le fait que
pour la communauté dans son ensemble il n'y a rien qui corresponde à la liquidité du placement.
L'utilité sociale des placements- habiles devrait être de vaincre les forces obscures du temps et
de percer le mystère qui entoure le futur. En fait, pour les particuliers, les placements les plus
habiles sont à l'heure actuelle ceux .qui ont pour objet de «voler le départ», comme disent si

1 La dénomination d' « économistes classiques » a été inventée par Marx pour désigner Ricardo, dames
Mill et leurs prédécesseurs, C'est-à-dire les auteurs de la théorie dont l'économie Ricardienne a été le point
culminant. Au risque d'un solécisme, nous nous sommes accoutumé à ranger dans « l'école classique » les
successeurs de Ricardo, c'est-à-dire les économistes qui ont adopté et amélioré sa théorie y compris Stuart Mill,
Marshall, Edgeworth et le Professeur Pigou.

27
bien les Américains, de piper le publie, de refiler la demi-couronne fausse ou décriée. Cet assaut
d'intelligence pour anticiper de quelques mois la base conventionnelle d'évaluation bien plus
que pour prévoir de longues années à l'avance le rendement escompté d'un investissement
n'exige même pas qu'il y ait dans le public des pigeons pour emplir la panse des professionnels;
la partie peut être jouée paf les professionnels entre eux. Point n'est besoin non plus que certains
persistent à croire ingénument que la base conventionnelle d'évaluation a une valeur réelle
quelconque à long terme. Il s'agit, peut-on dire, d'une partie de chemin de fer, de vieux garçon
ou de chaise à musique, divertissements où le gagnant est celui qui passe la main ni trop tôt ni
trop tard, qui cède le vieux garçon à son voisin avant la fin de la partie ou qui se procure une
chaise lorsque la musique s'arrête. On peut trouver à ces jeux de l'agrément et de la saveur bien
que tout le monde sache qu'il y a un vieux garçon en circulation ou que lors de l'arrêt de la
musique certains se trouveront sans siège. Ou encore, pour varier légèrement la métaphore, la
technique du placement peut être comparée à ces concours organisés par les journaux où les
participants ont à choisir les six plus jolis visages parmi une centaine de photographies, le prix
étant attribué à celui dont les préférences s'approchent le plus de la sélection moyenne opérée
par l'ensemble des concurrents. Chaque concurrent doit donc choisir non les visages qu'il juge
lui-même les plus jolis, mais ceux qu'il estime les Plus propres à obtenir le suffrage des autres
concurrents, lesquels examinent tous le problème sous le même angle. Il ne s'agit pas pour
chacun de choisir les visages qui, autant qu'il peut en juger, sont réellement les plus jolis ni
même ceux que l'opinion moyenne considèrera réellement comme tels. Au troisième degré où
nous sommes déjà rendus, on emploie ses facultés à découvrir l'idée que l'opinion moyenne se
fera à l'avance de son propre jugement. Et il y a des personnes, croyons-nous, qui vont jusqu'au
quatrième ou au cinquième degré ou plus loin encore. 110 Peut-être le lecteur objectera-t-il que
pendant une période assez longue un homme habile doit nécessairement réaliser aux dépens des
autres joueurs des bénéfices considérables si, indifférent au passe-temps prédominant, il
persiste à acheter des investissements à la lumière des prévisions véritables à long terme les
plus parfaites qu'il puisse établir.

[…]

Outre la cause due à la spéculation, l'instabilité économique trouve une autre cause,
inhérente celle-ci à la nature humaine, dans le fait qu'une grande partie de nos initiatives dans
l'ordre du bien, de l'agréable ou de l'utile procèdent plus d'un optimisme spontané que d'une
prévision mathématique. Lorsqu'il faut un long délai pour qu'elles produisent leur plein effet,
nos décisions de faire quelque chose de positif doivent être considérées pour la plupart comme
une manifestation de notre enthousiasme naturel, comme l'effet d'un besoin instinctif d'agir
plutôt que de ne rien faire, et non comme le résultat d'une moyenne pondérée de bénéfices
numériques multipliés par des probabilités numériques. L'entreprise ne fait croire qu'à elle-
même que le principal moteur de son activité réside dans les affirmations de son prospectus, si
sincères qu'elles puissent être. Le calcul exact des bénéfices à venir y joue un rôle à peine plus
grand que dans une expédition au Pôle Sud. Aussi bien, si l'enthousiasme faiblit, si l'optimisme
naturel chancelle, et si par suite on est abandonné au seul ressort de la prévision mathématique,
l'entreprise s'évanouit et meurt, alors que les craintes de pertes peuvent être aussi dépourvues
de base logique que l'étaient auparavant les espoirs de profit. On a raison de dire que l'entreprise
suscitée par la foi dans l'avenir bénéficie à la communauté tout entière. Mais, pour que
l'initiative individuelle lui donne une activité suffisante, il faut que la prévision rationnelle soit
secondée et soutenue par l'enthousiasme.
De même que l'homme valide chasse la pensée de la mort, l'optimisme fait oublier aux
pionniers l'idée de la ruine finale qui les attend souvent, l'expérience ne leur laissant à cet égard
pas plus d'illusion qu'à nous-mêmes. Malheureusement, ceci ne signifie pas seulement que les

28
crises et les dépressions peuvent atteindre une ampleur excessive, mais encore que la prospérité
économique est trop étroitement subordonnée à l'existence d'un climat politique et social qui
agrée à la moyenne des hommes d'affaires. Lorsque la crainte d'un gouvernement travailliste ou
d'un « New Deal » restreint l'entreprise, cette situation n'est pas forcément la conséquence de
prévisions rationnelles ou de manœuvres inspirées par des fins politiques, elle peut être
simplement l'effet d'un renversement de la délicate balance de l'optimisme naturel. Lorsqu'on
examine les perspectives de l'investissement, il faut donc tenir compte des nerfs et des humeurs,
des digestions même et des réactions au climat des personnes dont l'activité spontanée les
gouverne en grande partie. Ne nous hâtons pas de conclure que toute chose dépend de
fluctuations psychologiques irraisonnées. Au contraire, l'état de la prévision à long terme est
souvent assez stable; et, lors même qu'il ne l'est pas, les autres facteurs tendent à se compenser.
Ce que nous voulons simplement rappeler, c'est que les décisions humaines engageant l'avenir
sur le plan personnel, politique ou économique ne peuvent être inspirées par une stricte
prévision mathématique, puisque la base d'une telle prévision n'existe pas ; c'est que notre
besoin inné d'activité constitue le véritable moteur des affaires, notre intelligence choisissant
de son mieux entre les solutions possibles, calculant chaque fois qu'elle le peut, mais se trouvant
souvent désarmée devant le caprice, le sentiment ou la chance.

29
John Maynard Keynes
La théorie générale de l’emploi
(1937)

Extrait 4 :

30
Friedrich August Von Hayek
La route de la servitude
(1944)

Extrait 1 :

Chapitre 13

31
32
Friedrich August Von Hayek
Prix et production
(1931)
Extrait 2 :

Seconde conférence

33
34

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