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Cours d’Histoire

de la Pensée Economique

Professeur Pierre Garello

Faculté d’economie Appliquée


Université Paul Cézanne Aix-Masreille 3

2005-2006
Plan du cours
2ème Partie : Pensée économique au 19ème
Chapitre 1 : Les développements de l’économie politique libérale
1.1. L’école anglaise
1.2. L’école française
Chapitre 2 : Les réactions à l’économie politique libérale
2.1. Les socialistes français
2.2. Les socialistes allemands
2.3. Autres réactions à la pensée économique libérale

3ème Partie : Pensée économique au 20ème


Chapitre 1 : La révolution marginaliste : une unanimté trompeuse
1.1. Une nouvelle théorie de la valeur
1.2. Divergences entre les trois écoles
Chapitre 2 : Les débats théoriques
2.1. Les questions monétaires
2.2. Le rôle de l’Etat
Chapitre 3 : Les grands débats d’économie politique
3.1. La question de la monnaie
3.2. Le New Deal
3.3. L’économie d’après guerre
3.4. La gobalisation du 20ème

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2ème Partie

La pensée
économique au
19ème

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PREAMBULE : COMMENT CARACTERISER LE

1 9 EM E ?

• Double mouvement paradoxal.


• Au 19ème l’économie politique s’émancipe : Malthus- Darwin. Say première
chaire, ouvrages. Une science est en train de naître
• Pourtant les principes fondateurs sont toujours contestés.
• Au 19ème l’économie se libéralise.
• D’où le plan

Une division fréquente : libéralisme optimiste et pessimiste (subi).


Une autre division : libéralisme français et anglais
Nous préférons suivre la chronologie. Sentiment d’école libérale naissante et de
science naissante s’en trouve renforcée.

Nous avons terminé avec Smith. Rappelons en quelques mots le point


atteint dans l’histoire de la pensée économique grâce à Smith.

Certes il y a des points faibles !


+ théorie de la valeur ambiguë pour le moins
+ analyse monétaire faible (Hume était meilleur)
+ théorie de la rente résidu

Certes il y a des reprises !

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Certes la méthode est bigarrée mêlant des considérations empiriques avec
des considérations théoriques ; mélangeant le ton scientifique avec le ton
polémique.

Il n’en demeure pas moins que le travail est d’une amplitude et d’une
cohérence remarquable. ET c’est en ce sens que Smith a contribué à faire
de l’économie un domaine de spécialisation au sein des sciences morales.

Certains pourront lui reprocher de tinter son analyse scientifique de


considérations éthiques, ou anthropologiques. Mais justement c’est là peut-
être la force de Smith : de montrer qu’un juste comportement est aussi un
comportement générateur de progrès. Pour lui la liberté naturelle est juste
et cette liberté naturelle conduit au plus grand développement que l’on
puisse espérer.

Ce lien entre éthique et pure économique, c’est sans doute ce que perdront
les néoclassiques et même ses successeurs plus immédiats tel Ricardo.

Notons encore que Smith n’est pas pour autant le libéral naïf, ou angélique
que l’on croit. Il ne se trompe sur la nature de l’homme et n’est pas d’un
parti plutôt qu’un autre. Ni les propriétaires fonciers, ni les industriels, ni
les commerçants n’ont sa faveur.

Smith est intéressant également parce qu’à sa lecture on comprend


mieux la nature du savoir de l’économiste.

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Smith n’a rien découvert. Il a tenté de comprendre. Il n’a pas inventé « le
marché ». L’économiste est celui qui tente d’ouvrir les yeux de ses
concitoyens sur la façon dont fonctionnent les interactions, sur la nature
des incitations.

Smith, c’est à noter, n’a pas été excellent dans ses prévisions. Après tout,
une révolution industrielle est en train de poindre et il ne l’aperçoit pas !

Mais cela n’est pas fondamental parce que, précisément, sa force réside
dans la prise de conscience des limites de sa connaissance.

Et pour autant il n’est pas résigné ! On dit même parfois que Smith est à
classer parmi les libéraux optimistes.
optimistes Y a t il chez lui et chez ses disciples
directs (Say, par exemple) un optimisme aveugle ?
D’où vient cette confiance ? Cette assurance ?

C’est un système institutionnel qui semble fonctionné. Péniblement au fil


des siècles, les institutions de la liberté ont vu le jour. C’est bien sur les
lumières. L’homme est cet être doté de raison et qui par l’usage approprié
de cette raison peut améliorer son sort. Mais c’est aussi nous l’avons vu la
synthèse du Moyen Age et la fameuse révolution papale. En fait c’est plus
à cette dernière que l’on doit les institutions de la liberté.

North (1994, Nobel Prize lecture) : (365) : Le développement remarquable


de l’Europe de l’Ouest-- depuis l’état relativement primitif qui était le sien
au 10ème siècle jusqu’à l’état d’hégémonie économique mondiale atteint au
18ème -- est l’histoire d’un système de croyances qui évolue graduellement

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dans un contexte de concurrence entre des unités économiques et
politiques fragmentées, produisant des institutions économiques et des
structures politiques qui produirent à leur tour la croissance économique
moderne.

C’est là l’enseignement principal de ce voyage à travers l’histoire des faits


et des idées.

Mais, attention ! L’évolution institutionnelle n’est pas linéaire. Certaines


sociétés demeurent engluées dans des croyances qui bloquent toute
évolution favorable. On a vu le cas de la Chine. Il y a aussi de véritables
marches arrière. Souvenons-nous de Rome

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ANNEXE 1 : Socialisme/rousseau

Le monde change ainsi que nous l’avons vu. Cette évolution


institutionnelle et l’évolution économique qui s’en suit, ne sont pas sans
provoquer de réactions.

Retour en arrière ? Sans doute, mais avec souvent une admiration non
voilée pour le progrès technique. La communauté et les sciences : tels sont
les deux piliers de ces révolutionnaires réactionnaires.

Ils puisent bien entendu chez les Anciens :


Platon, Sparte…

Thomas More (1478-1535)


Némo, page 785, vol. 2
Conseiller privé de Henri 8.
Avait pris position contre son divorce en 1527 et refuse de se rétracter.
Condamné à mort et exécuté en 1535. Canonisé par l’Eglise catholique.

Utopie = ou topos (non-lieu)


Ouvrage de 1516
Critique de l’Angleterre ? Ironie ou réelle aspiration ?
Pas de propriété, pas d’argent. Souci expansionniste.
Suppression du luxe. Journée de travail de 6 heures.

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Thomas Campanella
La cité du Soleil (1602)
Moine dominicain né à Calabre en 1568.
Provoque une insurrection contre les Espagnols avec l’aide des turcs.
Sa cité est plus centralisée encore que celle de More. La liberté en est
presque totalement absente. La propriété est collective. Les familles sont
dissoutes, et les rapports sexuels sont gérés par les magistrats.
Comme d’habitude, il suffira de travailler quatre heures par jour…

Le mythe du bon sauvage

C’est une façon de réfléchir sur la société moderne que d’imaginer le


regard d’une personne venue d’une autre société qui jugerait la nôtre. On
retrouve l’idée tant chez Montaigne (Essais) que chez Montesquieu
(Lettres persanes) ou encore Diderot (Supplément au voyage de
Bougainville).

Pour certains, c’est aussi une façon de montrer ce qu’ils perçoivent comme
une perversion dans nos sociétés modernes.

Notez au Paraguay, entre 1583 et 1768 l’expérience menée par des jésuites
qui créent la République de Guaranis, comptant jusqu’à 130 000 personnes
organisées en « réduction », c’est-à-dire en phalanstères.

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ROUSSEAU ou l’anti économique ou anti humaniste

« Par sa protestation contre l’absolutisme royal, par sa théorie de l’Etat


républicain, Rousseau partage certaines des conception de la tradition
démocratique libérale. » Némo (801)

Mais il n’est pas en faveur du pluralisme démocratique, et surtout il est


contre les droits individuels à commencer par la propriété privée.

Né à Genève, alors République indépendante, le 28 Juin 1712. Son père


modeste artisan, mais instruit. Mais il est exilé pour raisons politiques.
Rousseau se retrouve chez un pasteur pendant deux ans, puis apprenti. A
16 ans il quitte Genève et reçoit la protection d’une dame charitable,
Madame de Warens. Elle le convertit pour un temps au catholicisme (il
retournera au Calvinisme). En 1741 il se rend à Paris, devient l’ami de
Diderot et intègre les cercles intellectuels. Lié avec Thérèse Levasseur, il
aura des enfants qui seront confiés aux enfants perdus.

En 1750, il devient célèbre après avoir remporté un concours organisé par


l’Académie de Dijon et pour lequel il avait écrit un Discours sur les
sciences et les Arts.

Peu de temps après (1755) il écrit son Discours sur les origines et les
fondements de l’inégalité parmi les hommes. Il se retire alors des milieux
mondains et écrit La Nouvelle Héloïse, l’Emile, le Contrat Social. Notons
encore que c’est lui qui écrit l’article Economie Politique pour
l’Encyclopédie.

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Mais ces écrits sont condamnés par les Parlements de Paris et le Conseil
de Genève. Commence alors une vie errante, qui le conduit en Suisse, puis
en Angleterre (invitation de Hume), pour terminer à Paris où il meurt en
1778.

Discours sur les sciences et les arts

La question posée par l’Académie de Dijon était la suivante : « Le


rétablissement des Sciences et des Arts a-t-il contribué à épurer les
mœurs ? »

La réponse de Rousseau est surprenante : Non, non et non !

S’opposant à l’esprit des lumières, Rousseau dresse dans sa réponse un


réquisitoire extrêmement sévère à l’encontre de la société, du progrès, de
tout ce qui est advenu depuis ces derniers millénaires.

Ecoutons : « La science est contraire à la vertu, au cœur, au sentiment, et


finalement, ce qui est un comble, à la vérité »

Pour lui, toutes les grandes civilisations, Egyptiens, Grecs (Athènes),


Romains, Constantinople, se sont effondrées dès lors qu’elles ont cherché
à développer les sciences.

« Jusqu’alors les Romains s’étaient contentés de pratiquer la vertu ; tout


fut perdu quand ils commencèrent à l’étudier ».

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« Dieux : que sont devenus ces toits de chaume et ces foyers rustiques
qu’habitaient jadis la modération et la vertu ? Quelle splendeur funeste a
succédé à la simplicité romaine ? Quel est ce langage étranger ? Quelles
sont ces mœurs efféminées ? Que signifient ces tableaux, ces statues, ces
édifices ? Insensés, qu’avez-vous fait ? »

Et voici la prière finale pour conclure ce sujet : « Dieu tout-puissant, toi qui
tiens dans ta main les esprits, délivre-nous des Lumières et des funestes
arts de nos pères, et rends-
rends-nous l’ignorance, l’innocence et la pauvreté,
pauvreté les
seuls biens qui puissent faire notre bonheur et qui soient précieux devant
toi ».

Plutôt édifiant de la part de celui qui est parfois considéré comme le père
de l’école laïque républicaine !!

La chose est tellement surprenante que l’on s’est parfois demandé si ce


cynisme n’était pas feint, n’était pas ironie. Rousseau ne serait-il pas en
train de se moquer de nous ? Ses écrits à venir allaient montrer que non.

Discours sur l’origine et les fondements


fondements de l’inégalité parmi les hommes

Là encore, il s’agissait de répondre à une question soumise par l’Académie


de Dijon : « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes, et si elle
est autorisée par la loi naturelle ? »

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La réponse de Rousseau est que les hommes naissent égaux, que l’inégalité
est contraire à la loi naturelle, et que cette inégalité est un produit
malheureux du développement des sociétés modernes.

L’homme originaire, personne ne l’a rencontré, ainsi que l’admet


Rousseau. Pourtant, il pense pouvoir discerner que cet homme était bon. Il
songeait à se préserver lui-même (amour de soi) et montrait une certaine
pitié pour les autres. Mais cette pitié n’est pas à confondre avec une
quelconque sociabilité. En cela Rousseau rejoints Hobbes et Machiavel.

Cet homme naturel (le bon sauvage) n’est pas soumis aux passions. Il ne
songe pas non plus à se perfectionner. « Ses désirs ne dépassent pas ses
besoins physiques ; les seuls biens qu’il connaisse dans l’univers sont la
nourriture, une femelle et le repos. »

L’amour est considéré en effet comme un sentiment factice. Les femmes


« développent beaucoup d’habileté et de soin pour établir leur empire, et
rendre dominant le sexe qui devrait obéir. » No comment !

L’homme naturel est donc un être de simples besoins. Pas de passion et


donc pas de conflits (sauf si les femelles viennent à manquer, ce qui n’est
pas notre cas remarque Rousseau…)

Dans ce contexte simple et rude (cf. Sparte) les plus robustes résisteront.
La médecine n’a rien apporté à ce sujet. Ecoutons plutôt :

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« La médecine, de toute façon, ne rallonge pas la vie humaine. Et la
civilisation fait que les riches mangent trop et les pauvres pas assez, tous
vivent moins longtemps qu’ils ne vivraient à l’état de nature. On ne trouve
guère d’animaux infirmes : les animaux blessés soit meurent, soit
guérissent parfaitement. D’ailleurs les animaux domestiques sont
beaucoup moins beaux et bien portants que les animaux sauvages ».

Mais ce n’est pas tout. Autre vertu des hommes à l’état naturel : ils ne
pensent pas !!
« J’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature, et
que l’homme qui médite est un animal dépravé. »

Voilà donc notre homme naturel. Il n’est pas sauvage au sens de Hobbes.
Rousseau insiste : « N’allez pas conclure avec Hobbes que pour n’avoir
aucune idée de la bonté, l’homme soit naturellement méchant ».
Cet homme n’est ni bon, ni méchant. Il est instinctif, farouche, sain, …
heureux ?

Notons enfin que dans cet état de nature les hommes sont égaux. Certes, il
y en a de plus forts que d’autres ! Mais le plus faible peut toujours fuir. Ce
sont les institutions de la société qui vont réellement nous aliéner.

Mais d’où vient justement l’inégalité ? Comment les choses se sont-elles


gâtées ?

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« Il me reste à considérer et à rapprocher les différents hasards qui ont pu
perfectionner la raison humaine, en détériorant l’espèce, rendre un être
méchant en le rendant sociable.
sociable »

Et le premier des hasards fut l’invention funeste de la propriété. Voici le


fameux passage auquel Say répondra quelques décennies plus tard :
« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi,
et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la
société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et
d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les
pieux ou comblant le fossé eût crié à ses semblables : gardez-vous d’écouter
cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous,
et que la terre n’est à personne. »

Rousseau imagine de plus que l’homme fut contraint de vivre en société


suite à des catastrophes naturelles qui l’isolèrent sur des îles. Il fut ainsi
contraint à la promiscuité. Haine, passion, amour-propre allaient alors
faire des ravages.

Les choses vont ensuite s’aggraver avec la division du travail !!


« Dès qu’un homme eut besoin du secours des autres ; dès qu’on s’aperçut
qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité
disparut, la propriété s’introduit, le travail devint nécessaire et les vastes
forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la
sueur des hommes, et dans lesquelles ont vit bientôt l’esclavage et la
misère germer et croître avec les moissons. »

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On se retrouve alors dans la situation de Hobbes. Et d’après Rousseau,
tout du moins ici, les lois vont alors être dictées par les puissants, les
riches, qui vont fixer dans la loi leur pouvoir usurpateur.

Il y a donc nécessité de se révolter. Car la loi actuelle est contre nature.


C.Q.F.D.

Le contrat social (1762)

C’est la seule partie achevée d’un grand traité sur les Institutions
Politiques que projetait Rousseau.

Le contrat de notre société n’est fondé ni sur la nature, ni sur la force,


mais sur une convention.

Il y a eu une première convention unanime par laquelle un peuple a été


formé. Dans cette convention, tous les individus acceptent de remettre
toutes leurs libertés dans les mains de l’Etat. C’est la seule façon d’avoir
l’égalité parfaite. En suite l’Etat pourra redonner, s’il le juge bon, certaines
libertés aux individus.

« Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous


la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps
chaque membre comme partie indivisible du tout. »

Ce corps moral et politique a un « moi », « une volonté »,

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Son rôle va être de passer un second contrat social. Ce second contrat doit
pallier les défauts dus à l’éloignement de la nature.
« Efforçons nous de tirer du mal même le remède qui doit le guérir »,
cherchons « dans l’art perfectionné, la réparation des maux que l’art
commencé a fait à la nature ».

L’Etat ainsi créé est infaillible et souverain. Rousseau dote le Souverain


peuple du plus absolu des pouvoirs. C’est bien sur ce qui l’éloigne des
droits de l’homme, du constitutionnalisme et des thèses libérales.
« Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout
le corps : ce qui ne signifie autre chose, sinon qu’on le forcera à être
libre.
libre »

Mais l’Etat ne peut-il pas se tromper. Non répondra Rousseau. Mais même
si tel était le cas « s’il lui plaît de se faire mal à lui-même, qui est-ce qui a
le droit de l’en empêcher ? »

La volonté générale

« La volonté générale est toujours droite et tend toujours vers l’utilité


publique » écrit Rousseau. Elle ne doit pas être confondue avec la volonté
collectivement exprimée.

Némo offre une belle démonstration qui permet de voir la cohérence, à dire
pas si facile à déceler, de Rousseau.

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Tout passe par la distinction entre amour de soi et amour propre. L’amour
de soi va dans le bon sens, celui des instincts naturels. L’amour propre
part dans tous les sens. Lors d’un vote collectif, les amours propres
s’annulent et dominent l’amour de soi, commun à tous les hommes.

C’est pour cette raison que l’on doit me forcer, pour mon bien, à me plier à
la décision du peuple.

Mais, attention, cette décision peut être faussée par l’existence de partis
politiques qui ôtent à la diversité des points de vue et peuvent faire
ressortir l’amour propre. C’est pourquoi Rousseau sera contre les
« brigues » comme il les appelle. On retrouve une technique bien connue de
la suppression des états intermédiaires.

La mise en œuvre

Comment mettre en œuvre ce gouvernement de la volonté générale. LE


problème de l’œuf et la poule. Les bonnes lois font le bon peuple, et seul un
bon peuple peut faire de bonnes lois.
Rousseau en sort en faisant appel à l’homme providentiel, le leader éclairé,
Le Législateur ainsi qu’il le nomme. Evidemment c’est là une entorse très
profonde à son système. (Rappelons qu’il a écrit une Constitution pour la
Corse et la Pologne).

Notons encore que Rousseau est contre le système représentatif. Il se


moque des Anglais :

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« Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant
l’élection des membres du Parlement : sitôt qu’ils sont élus, il est esclave,
il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait
mérite bien qu’il la perde. »

Enfin, Rousseau préconise une religion civile et une éducation publique


pour éduquer le peuple.

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CHAPITRE 1
LES DEVELOPPEMENTS DE L’ECONOMIE POLITIQUE
LIBERALE (LES CLASSIQUES)

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Section 1
L’école anglaise

Situation en Angleterre: (Némo, Volume 2, 569-571)


Début 19eme, le système politique est encore largement dominé par l’aristocratie :
administration locale, parlement, chambres des Lords (évidemment) mais aussi
chambre des communes. Les grandes villes n’ont quasiment aucune représentation
dans ces instances. La bourgeoisie (classe moyenne) et les ouvriers se sentent lésés.
L’aristocratie, composée des grands propriétaires fonciers, est en faveur d’une
protection pour le prix du blé et fait passer les Corn Laws en 1815. Les
manufacturiers supportent les conséquences.
Des lois électorales vont progressivement conduire à une répartition plus juste du
pouvoir.

En 1793 débute une série de conflits armés contre la République française, puis contre
Napoléon. Le financement de ces conflits conduit à une plus grande inflation. En
1797, de nombreuses banques locales font faillites ou suspendent la convertibilité de
leur monnaie (The Restriction Act). La panique touche même les clients de la Banque
d’Angleterre. Le gouvernement décide de suspendre la convertibilité.
S’en suit une très longue période de cours forcé de la livre sterling: 1797-1821.

Cela permet la poursuite d’une politique inflationniste. Les résultats sont sans surprise.
Le change britannique se détériore (la monnaie anglaise perd de sa valeur dans les
échanges).

Malthus et Ricardo : les deux Dioscures du libéralisme de Manchester. (enfants de


Zeus, surnom de Castor et Polux) (cité dans Gonnard) Mais aussi J.S. Mill.

Sont ils effectivement les enfants de Smith ?

Différences :
• ils sont plus déductifs qu’inductifs,
• économie = gestion de la rareté,
• ils sont plus radicalement encore industrialiste (la nature est avare).
Physiocratie à rebours (Gonnard)

Similitudes :

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• foi dans les lois naturelles,
• confiance en l’individu,
• cosmopolitanisme.

Bilan :
« Un pessimisme ‘quiétiste’ qui, pratiquement, aboutit aux mêmes conclusions
que l’optimisme Smithien, puisqu’il considère que le meilleur ordre (ou le moins
mauvais) est celui qui s’établit de lui-même sous un régime de liberté. » Gonnard
158
Libéralisme « subi ».

Section 1.1. Le pasteur Malthus


A. Biographie et bobliographie
B. Le principe de population
C. Les Principes d’économie politique (1820): Malthus II

A. Biographie et bibliographie

MALTHUS Thomas Robert (1766-1834)

l'homme :
- fils d’un gentilhomme campagnard
- études à Cambridge
- Pasteur protestant, en charge d'une paroisse
- nommé en 1805 professeur d’histoire moderne et d’économie politique au
collège d’Hayleibury près d’Hertford (première chaire d’économie
politique créée en Angleterre) (Bourcier de C., p. 121) Collège fondé par
la Compagnie des Indes Orientales.
- marié à 38 ans
- élu membre de nombreux clubs d’intellectuels à Londres, Paris et Berlin.
- Meurt subitement en 1834

Outre l’Essai sur le Principe de Population, dans ses effets sur le bonheur futur de la
Société, accompagné de remarques sur les idées de M. Godwin, M. Condorcet et
autres écrivains publié pour la première fois en 1798 sans nom d’auteur et suivi de 5
nouvelles éditions, il a aussi écrit des Principes d’économie politique, considérés sous

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le rapport de leur application pratique en 1820 et des Définitions en économie
politique (1827).

Son père, ami de Hume et de Rousseau, exécuteur testamentaire de Rousseau, est


« socialiste » (Godwin et Condorcet). Pour Godwin comme pour le père de Malthus, le
mal vient d’une mauvaise organisation de la société. Il faut donc mettre en oeuvre des
réformes sociales.

Godwin (anarchiste) : droit à l'assistance, contre la propriété pour une hausse de la


population (hommes deviendront immortels)

Les problèmes des Poor Laws (cf. en particulier la discussion dans Smith)
Exemple de loi (Malthus, p.224) texte d’un édit

Réaction de Malthus : alors qu'il avait écrit un 1er livre (que son père l’avait dissuadé
de publier) The Crisis en faveur des Poor Laws réaffirmées par Pitt (1er ministre de
1783 à 1801 puis 1804-1806) dans lequel il développait essentiellement les idées de
son père, Godwin le pousse à prendre le contre-pied, car, étant pasteur, il connaît le
problème des pauvres. "Essai sur le principe de la population" (1798) puis 2ème
édition en 1803. Pour lui les réformes sociales proposées seront vaines, voire
désastreuses.

Ce qu’il faut c’est un appel à la responsabilité personnelle.

Et son célèbre ouvrage va donc être construit pour « faire peur » aux réformateurs
sociaux. C’est ainsi qu’il est plus déductif qu’inductif. Malthus sait ce qu’il cherche à
démontrer par les données. D’ailleurs la première édition ne contient que des faits
recueillis de façon indirecte dans les travaux de Hume, Wallace, Smith, Price (il le dit
lui-même dans la préface de la seconde édition).

B. Le principe de population

B1. La méthode

Pour beaucoup Malthus est remarquable par sa méthode qui est nettement plus
« scientifique » que celle utilisée par ses prédécesseurs.
Ainsi, il reprochera à Ricardo (Principes publiés en 1817) et à Say de ne pas être assez
rigoureux,

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• soit parce que, par désir de simplification, ils recherchent une cause unique là
où il peut bien y en avoir plusieurs,
• soit parce qu’ils répugnent à confronter leurs théories au feu de la vérité,
révélée par les faits.
On peut se demander toutefois s’il a bien appliqué cette méthode à lui-même.

B2. Le principe

Malthus écrit sur la pauvreté des nations, après Smith qui lui avait écrit sur la richesse
des nations…

« L’homme le plus funeste de son siècle » écrit Molinari (voir la citation complète
page 125, 126 de BdC)

En 1856 la Sacrée Congrégation de l’Index mettait en interdit le Dictionnaire de


l’économie politique infesté de malthusianisme.

Les faits économiques en 1798:


La grande industrie vient de naître (Watt—un écossais encore me semble-t-il !),
Arkwright, Hargraves, Crompton)
Découverte de mines de fer et de charbon au Nord de l’Angleterre
L’ingénieur Brindley améliore les voies de transports (canal Liverpool Manchester)
Une frange des ouvriers se trouve dans l’impossibilité de s’adapter.
Le statut d’Elisabeth prévoit une assistance aux pauvres. De 1,7 millions de livres
sterling en 1776, la taxe des pauvres s’élèvera à 2,1 millions en 1783 et 5,2 millions en
1803. Soit 1/7 du budget de l’Etat.

La Révolution française fut d’abord accueillie avec enthousiasme en Angleterre.


L’idée forte qui en ressortait était qu’il suffit de réformer les institutions. C’est cette
piste que suit Godwin.

Mais les excès de la Révolution vont provoquer une réaction. L’ouvrage typique de
cette réaction est celui de Edmond Burke : Réflexions sur la Révolution de France.
Malthus s’inscrit dans cette réaction (Molinari dit de son ouvrage que ce n’est à la
base qu’un pamphlet anti-socialiste).

Les deux progressions :


« La nature a été avare de place et d’aliments. Si elle ne rencontre pas d’obstacles, la
population croîtra selon une progression géométrique, doublant approximativement

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tous les vingt-cinq ans, tandis que les moyens de subsistance augmentent au mieux
selon une progression arithmétique. »

subsistances : arithmétiques (2-4-6-8..) loi des rendements non proportionnels.


L’amélioration des terres « par la nature de toute espèce de sol, ne peut faire des
progrès toujours croissants ; mais ceux qu’elle fera, au contraire, seront de moins en
moins considérables » (Gonnard, 165)
géométrique (2-4-8-16...). Cf. Les tables (les seules) que l’on trouve dans l’ouvrage.
Mais ces tables ne démontrent rien.

« le malthusianisme » :
« Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille ne peut le nourrir, ou si
la société ne peut utiliser son travail, n’a pas le moindre droit à réclamer une portion
quelconque de nourriture, et il est réellement de trop sur la terre. Au grand banquet de
la nature, il n’y a point de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s’en aller,
et elle ne tarde pas à mettre elle-même cet ordre à exécution » (Gonnard 162)
BdC nous dit qu’il enleva cette phrase des éditions qui suivirent la première édition.

Les conclusions politiques


Deux types d’obstacles :
1. Les obstacles préventifs (preventive checks) : contrainte morale (moral
restraint) pas de néo-malthusianisme car pasteur, marié, 35 ans, 3 enfants
2. Les obstacles destructifs (positive checks) : famines, guerres, maladies,etc. idée
de régulation automatique

Abolition des lois sociales

La misère des classes les plus pauvres est à attribuer à leur faiblesse morale…

Il est plus pour la concurrence intérieure qu’extérieure (ce qu le rapprocherait de List)

L’héritage légué :
- Il a fondé l'économie sur la rareté disent certains
- Père de la démographie moderne disent d’autres ?
Père des thèses catastrophistes ?
Surtout nous apprenons de son erreur

B3. L’erreur malthusienne

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explication de son erreur : Chiffres pour l’Angleterre

Annéé Population Taux de Taux de


(Millions) natalité mortalité
1700 5 31% 35,8%
1800 11 37% 28,2%

- victime d'une extrapolation (rappel Club de Rome)


- thèse des démographes modernes = période de transition de natalité forte vers
mortalité faible

N.B : 2ème édition beaucoup plus optimiste (1803 ; Paix D'Amiens)


P.T dans l'agriculture, + colonie, + il a voyagé = nouvelles terres.

De toutes façons, Malthus reste un libéral car l'Etat ne peut rien changer par son
intervention.
Il a, de l’avis même de l’intéressé, inspiré Darwin qui croit à un processus de sélection
naturel (les + intelligents trouvent à se nourrir) chose que rejetait Malthus.
Mentionner Becker et Lemennicier - voir de Molinari, p.129.
Keynes fervent admirateur de Malthus car il voit le remède du chômage — qui
succède à Waterloo (1815) — dans une augmentation de la demande effective.

C. Les Principes d’économie politique (1820): Malthus II

Ouvrage quelque peu oublié, éclipsé par l’Essai sur le principe de population. Keynes
a contribué à sa réhabilitation.
C’est une synthèse de ses réflexions, et de ses discussions avec ses collègues : James
Mill, Ricardo, Say.
C’est un ouvrage écrit en temps de crise (tout comme celui de Keynes). La crise est
celle que traverse l’Angleterre après les guerres Napoléoniennes (1815)
« Je ne puis tomber d’accord avec vous, écrit-il à Ricardo, que, selon votre
observation, le désir d’investir créera une demande aussi effectivement que le désir de
consommer ».

Livre 1 : Considérations analytiques et dynamiques sur la répartition

Il faudrait pour bien faire présenter les Principes de Ricardo avant cet ouvrage, tant il
est vrai que Malthus tient compte des écrits de Ricardo (en particulier sa théorie de la

26
rente). Il tient aussi compte des deux ouvrages de Sismondi que nouys croiserons plus
tard dans ce cours.

Ce qui ne change pas par rapport à Smith c’est l’idée des profits décroissants. Par
contre, il relativise très ingénieusement la théorie du salaire de subsistance.

Sur le salaire de subsistance, il note à juste titre qu’une hausse des salaires ne conduira
pas nécessairement à une hausse de la population. Ce n’est qu’une possibilité, l’autre
étant que les individus cherchent à accroître leur niveau de vie.
Nous avons là un Malthus très « libéral optimiste ». Les individus chercheront à
accroître leur niveau de vie s’ils sont dans le bon contexte institutionnel (ce n’est plus
le Malthus de sa jeunesse). En particulier, les libertés civils, qui vont de pair avec les
libertés politiques, sont indispensables (p. 137).
L’éducation joue également en ce sens.

Sur le profit, il est moins bon. Pour ce qui est des profits dans l’agriculture, il reprend
essentiellement la thèse de Ricardo basée sur les rendements décroissants. Mais cette
baisse des profits va être contagieuse. Les capitaux moins rentables dans l’agriculture
vont se diriger vers l’industrie et le commerce. Ils vont là permettre d’accroître les
productions et donc vont conduire à la baisse des profits par la baisse des prix.

Notons encore une position intéressante sur ce que l’on appelle encore le travail
improductif (celui qui ne concourt pas directement à la production d’un produit
matériel): les soins personnels (médecin, avocats, etc.). Ils gonflent la demande
effective et ainsi servent à promouvoir le développement.

Livre 2 : Des progrès de la richesse

• la demande effective. « le désir qu’un individu quelconque peut avoir de


posséder les choses nécessaires, utiles ou purement agréables, quelque fort
qu’il soit, ne contribuera en rien à les faire produire, s’il n’existe par ailleurs
une demande correspondante pour quelques-unes des choses que cet individu
possède ». Le travail est bien entendu l’une de ces choses. Ainsi est posé le
principe de la demande effective.

• Donc, les produits ne s’échangent pas contre des produits. S’il n’y a pas un
pouvoir d’achat correspondant, ces produits resteront sans acquéreur. Malthus
s’oppose donc à Say. Malthus voit bien la dynamique de l’économie : la
richesse entraîne des dépenses qui entraînent de la production qui est distribuée
et génère des dépenses et de la production supplémentaire. Et ainsi de suite.

27
Mais, pour lui, le moteur c’est la dépense. Sans dépense la machine peut
s’arrêter. C’est pourquoi il n’a rien contre les dépenses « de luxe », et supporte
les programmes de travaux publics.

• D’où son animosité à l’égard de l’épargne : « L’épargne…signifie non-


consommation et non-consommation porte en soi le déclin de la demande
effective, des profits et de l’investissement ». Car bien entendu, les industriels
n’investiront pas en l’absence de demande (investissement induit).

• Il faut cependant noter que Malthus n’est pas obtu au point de ne pas percevoir
le rôle de l’épargne. Il pense seulement qu’en ce domaine il faut trouver le
juste milieu. « Je crois qu’il faut admettre comme une vérité que tous les
grands résultats en économie politique, relativement à la richesse, tiennent à
des proportions. » (142)

En dernière analyse, Malthus croît dans les mécanismes d’ajustement du marché. Il


écrit dans son dernier ouvrage : « Il faut se rappeler que relativement à un
encombrement, la question n’est pas de savoir s’il est temporaire ou permanent,
mais bien s’il est particulier ou général. Les causes indiquées plus haut tendent
puissamment à prévenir la permanence d’une disette ou d’un trop plein, et à régler
l’offre des marchandises d’une manière qu’elle amène toujours le prix naturel.
Mais cette tendance vers un équilibre parfait ne prouve en aucune façon que la
surabondance et la disette des marchandises soient chose inouïe. » (148)

Section 1.2. David Ricardo

A. Biographie et bibliographie

RICARDO David (1772-1823)

- né de parents juifs hollandais, courtier et boursier, venus à Londres faire fortune


- très tôt dans les affaires (14 ans)
- très indépendant (conversion au protestantisme suite à son mariage)

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- fait fortune dès 25 ans (il deviendra quarante fois millionnaire) (connaît bien la
question bancaire)
- se consacre alors aux "études"
- connaît Bentham, James Mill, Malthus et Say
- membre du Parlement
- le"théoricien" des classiques - esprit plutôt déductif - abstrait diront certains
- champion des industrialistes (# avec Smith)
- 1815 : "Essai sur l'influence du bas prix du blé sur les profits"
idée : faciliter les importations de grains c'est briser le cercle fatal de la chute des
profits car on arrête ainsi la hausse des salaires
- Principes d’Economie Politiqueet de Fiscalité (1918) : "Peut-être le livre le plus
puissant de toute l'histoire des doctrine économiques" (Villey, p.92) mais d'autres
diront "le plus clair dans ce livre ..... c'est l'index !" (cf. Carbon)

Quelques développements théoriques de Ricardo

B - Répartition
C - Commerce international
D - La monnaie

B - La théorie de la répartition et la loi des rendements décroissants

* reprend et précise la théorie de Smith.. MAIS N’Y—A-T-IL PAS


APAUVRISSEMENT ?
* 3 grandes catégories : salaires, profits, rentes
* une théorie de la valeur sous-jacente ... qui fit couler beaucoup d'encre à cause de
Marx :

Théorie de la valeur-travail

" Les choses, une fois reconnues utiles par elles-mêmes, tirent leur valeur échangeable
de deux sources : la rareté, la quantité de travail nécessaire pour les acquérir".

Plus précisément ; il faut distinguer 2 types de biens :


* biens non renouvelables (peinture, grand cru) : c'est la rareté qui détermine la valeur
* biens renouvelables "à souhait" : c'est la quantité comparative de travail qui a été
employée à la production de chacun d'eux qui déterminera la valeur d'échange.

Mais noter que cette théorie n'est pas naïve : car

29
* il inclut dans la valeur le travail nécessaire à la production des machines et le travail
incorporé dans le capital de façon plus générale (capital fixe et circulant)
* il reconnaît comme Smith qu'il existe différentes qualités de travail et que celui-ci
peut être plus ou moins abondant.

Le salaire dans la répartition

dans le L.T. : taux de subsistance et de reproduction (i.e. ; coût de production du


travail...) c'est le prix naturel du travail.
En effet, de deux chose l’une :
• si le salaire < taux naturel  baisse de la m.d.o.  + grande rareté  salaire
monte
• si salaire > taux naturel alors accroissement de la population (cf. Malthus)
Noter que cette théorie (selon Villey) était peut être cohérente avec les données de
l'époque.
cf. Becker : arbitrage entre "utilité" d'avoir des enfants (plaisir, bonheur, services
rendus ...) et coût de l'enfant supplémentaire.
Noter également que les salaires montent dans le temps car le prix du blé monte
inexorablement (malgré P.T. et colonies).

dans le C.T. : offre de travail est fixe - (fonds de salaire ?) fluctuations de la demande.

Bémol :
"L'ouvrier anglais regarderait son salaire comme au-dessous du taux
naturel et insuffisant pour maintenir sa famille, s'il ne lui permettait
d'acheter d'autre nourriture que des pommes de terre, et d'avoir pour
demeure qu'une misérable hutte de terre ; et néanmoins cela paraît
suffisant aux habitants des contrées où la vie est bon marché", et où
l'homme n'a que des besoins aussi modérés que faciles à satisfaire".(les
principes, Flammarion, p..86)

La rente dans la répartition

Rente veut dire fermage ; c'est la rémunération du propriétaire foncier.

Elle s'explique par trois facteurs :


1. la quantité de terres cultivables est limitée
2. et ces terres sont d'inégales qualités

30
3. la population augmente ce qui nécessite le défrichage et la mise en culture d'un
nombre toujours plus grand des terres.

Les dernières terres mises en culture vont réclamer pour la production d'une quantité
de blé donnée une plus grande quantité de travail car elles sont moins fertiles que les
premières terres exploitées.
Or le prix du blé est unique ! (Jevons : loi du prix unique, arbitrage).
Donc il devra être tel que l'exploitation de la terre la moins fertile soit profitable (i.e.,
aussi profitable que les autres activités envisageables pour le fermier).
Donc les exploitants des terres les plus fertiles, à ce prix là, réalisent une rente.

Il découle de ce raisonnement une vision de la rente :


- c'est le fruit du monopole de la bonne terre
- c'est le fruit d’aucun travail.
Il n’est don cpas surprenant que
- les classiques soient favorables à un impôt sur la rente
- que, alors que pour les physiocrates terre est symbole d'abondance, pour eux elle est
symbole d'avarie, de rareté.

Ricardo, à travers cette ressource particulière annonce la théorie des rendements


décroissants.(et on peut dire, la théorie de la rémunération à la productivité marginale)

Le profit dans la répartition

C'est la rémunération du fermier (ou, dans un modèle à plusieurs secteurs, du fermier


et de l'industriel).
C'est un résidu chez Ricardo :
Profit = prix - coût de production, avec coût de production = fermage + salaires.

Les profits tendent à disparaître d’où pessimisme


• car : rente et salaires en hausse (car le prix du blé monte)
• car : les opportunités d'investir diminuent

Il y a quand même des contre-poids ou ballon d'oxygène : P.T. et colonies

Pour résumer : Plus de terres étant mises en culture et nécessitant plus de travail, le
prix du blé augmente. La rente des propriétaires de bonnes terres augmente de même.
Le prix du blé se renchérissant, les salaires nominaux augmentent (pas les salaires
réels). Quant au profit, étant un résidu, il souffre de l’accroissement des salaires.

31
Notons l’absence du rôle de l’entrepreneur, et de façon générale, une place moins
grande (comparée à Say et Smith) pour le problème de la connaissance. On tombe
dans le mécanicisme. Ricardo prépare le terrain pour les néoclassiques.

La tendance générale est que « la condition de l’ouvrier empirera, tandis que celle du
propriétaire foncier s’améliorera ».
« Voilà donc les lois qui règlent les salaires et qui régissent le bonheur de l’immense
majorité de la société. Ainsi que tout autre contrat, les salaires doivent être livrés à la
concurrence, franche et libre, du marché et n’être jamais entravés par l’action du
gouvernement ». (deux citations que l’on trouve chez Gonnard, 172)

C. Théorie des coûts comparatifs et le libre-échange

Villey : Sa théorie de la répartition l'avait rendu pessimiste, sa théorie du commerce va


le rendre optimiste.
- Aujourd'hui encore point de départ de toute théorie du commerce
international
- Là encore il construit sur Smith (à quoi bon fabriquer du Bourgogne en
Ecosse  avantages absolus)

Généralisation : même si un pays est désavantagé pour la production de tous les biens
il a intérêt à commercer, exportant les produits pour lesquels il est comparativement
moins désavantagé et important les autres :

Il est à noter que ce résultat, si essentiel à la compréhension des mécanismes


marchands, est néanmoins contreintuitif. C’est pourquoi je me permettrai de le
reprendre avec vous.

1. Assume that we have two countries, England and Portugal, which can
produce one of two products, wool or wine, or both. Each country has
the necessary technology to produce each item, but England is not as
efficient as Portugal. As indicated in the table below, in an hour of time
England produces 2 kilos of wool, while Portugal can produce 3
kilograms. And the same holds for Wine: while England can produce 2
litters of wine an hour, Portugal can produce three times more.

Production per hour of labour


Wool Wine

32
in England 2 kilos 2 litters
in Portugal 3 kilos 6 litters

If labour is the only thing it takes to produce wool and wine,1 then why
should Portugal trade with England? After all, whatever they would buy
from England would be cheaply produced in Portugal. England has
nothing interesting to sell to Portugal, it has no advantage. This is what
our intuition tells us. But this is plainly wrong! As we will show (or
rather as Ricardo showed), a “technologically backwarded” country
gains from trading with a most advanced one, and the reverse is equally
true.

Une notion importante : celle de coût d'opportunité que nous avons déjà mentionnée
pour évaluer le temps (ressource rare). Mais tout coût est un coût d’opportunité !

Coût d'opportunité = la valeur de ce à quoi je renonce. (choisir c'est renoncer...)

Coût d'opportunité : Angleterre : 1 litre de vin, je renonce à 1 kilo de laine


Portugal : 1 litre de vin, je renonce à ½ kilos de laine

Le Portugal a donc un avantage comparatif dans la production de vin.


Portugal spécialisé en vin et Angleterre en toile...

2. If you are not convinced, it might be useful to use some graphs. On the
graph we draw what economists call the production frontier for each
country assuming each country is endowed with 100 hours of labour.
With those 100 hours, England can produce everything on the blue line
or below. Portugal, on the other hand, can produce everything which lies
on the red line, or below. What they will decide to produce depends upon
their preferences. Let us assume that England choose to produce 100
litres of wine and 100 kilograms of wool. This is the brown point E on
the graph. Meanwhile, Portugal may choose to produce 180 litres of

1
Or, if you prefer, we assume that for England and Portugal, labour is the only scarcity constraint in the
sense that they have a huge amount of land, sun, water, grass, and everything necessary to make wool
and wine.

33
wine and 210 kg of wool. This is the brown point P. So far, no trade is
taking place. Each country lives in autarky.

If England specializes in the production of wool and trade, what will


happen? England can produce E’(0l, 200kg). England will then be better
off if Portugal accepts to trade 100kg of English wool against, let us say
110l of wine. Indeed, if Portugal accepts such a deal, England ends up
with a basket E*(110l, 100kg) which is better than E. Actually, E* lies
beyond England’s production frontier. So that would be amazing! But
will Portugal accepts?
Wool (kg)

P*(190, 250)

200 E’ P(180, 210)


P’(300, 150)
E*(110,100)
E (100,100)

600
200

Well, Portugal, in order to maintain its level of consumption


(corresponding to its initial position P), will have to produce 110kg of
wool (since it will receive 100kg from England) and 290l of wine (the
110l it gives to England, and the 180l necessary to maintain its own level
of consumption). So can Portugal produce a basket made of (290l,
110kg) ? Some basic calculus shows that this is feasible. Actually you
can easily check that Portugal can produce 300l of wine and 150kg of
wool with its allocation of 100hours of labour, which is point P’ on the
graph.
So let us summarize: If England and Portugal accept to trade, England
produce E’, Portugal produce P’, then England gives 100kg of wool to
Portugal against 110l of wine. So that England ends up in E* and
Portugal in P*, both being well above their production frontier.

34
Améliorations apportées :
• rôle des facteurs de production (sans valeur travail) (Heckscher et Oblin,
suédois)
• introduction de la demande internationale (J.S. Mill)
• plusieurs biens et plusieurs pays et recherche du prix international (J.S.Mill)

Problèmes avec cette théorie :


• Elle insiste sur l’aspect technologique. Une fois encore le problème de la
connaissance est au mieux au second plan (pour expliquer les différences de
productivité).
• Elle contribue à faire de l’analyse du commerce international quelque chose de
spécifique. Or il n’en est rien. Ce ne sont pas des pays qui échangent, ce sont
des individus. Et il n’y a rien de fondamentalement différent entre les deux
situations (cf. Paolo Conté). On comprend l’intérêt de Ricardo : il veut montrer
que des lois tel les lois sur les grains, sont néfastes. Mais avait on besoin de
développer une théorie du commerce internationale ?

L'autre volet Ricardien de la théorie des échanges c'est la théorie de l'équilibre


automatique de la balance du commerce.
importation > exportation
 sortie de monnaie du pays globalement importateur et baisse des prix dans
le pays
 entrée de monnaie dans l'autre pays où les prix vont donc augmenter
 les produits nationaux sont plus compétitifs
 amélioration des exportations et diminution des importations (produits trop
chers)
 retour à l'équilibre de la balance.

Notez, qu'à la base de cette théorie se trouve la théorie quantitative de la monnaie. Une
augmentation de la monnaie se traduit tôt ou tard par une augmentation des prix (ce
qui n'est, comme nous le verrons plus tard, qu'en partie vrai).

Conséquences politiques de ces développements théoriques :


1828 : Anti-Corn law League de Richard Cobdem et John Bright  victoire en 1846 :
Robert Peel supprime droit de douane sur le blé.

35
D. Les controverses monétaires

Banque d’Angleterre, créée en 1694. Elle n’avait pas le monopole de l’émission, mais
elle avait néanmoins de nombreux privilèges.
. elle recevait tous les fonds publics
. elle était la seule corporate bank a pouvoir exister. Les autres étaient limitées
à des « partnership » de moins de 7 personnes
Les autres banques pouvaient émettre des billets, utilisant la monnaie de la Banque
d’Angleterre pour réserve (il y avait près de 400 banques locales dans les années 1790)

. La Banque d’Angleterre quant à elle avait une monnaie convertible en or, mais
maintes fois avait suspendu cette convertibilité au cours du 18ème siècle. Ses privilèges
(d’après Rothbard) lui donnaient la possibilité de faire de l’inflation.

En 1793 débute une série de conflits armés contre la République française, puis contre
Napoléon. Le financement de ces conflits conduit à une plus grande inflation. En
1797, de nombreuses banques locales font faillite ou suspendent la convertibilité de
leur monnaie (The Restriction Act). La panique touche même les clients de la Banque
d’Angleterre. Le gouvernement décide de suspendre la convertibilité.
S’en suit une très longue période de cours forcé : 1797-1821 de la livre sterling.
Cela permet la poursuite d’une politique inflationniste. Les résultats sont sans surprise.
Le change britannique se détériore (la monnaie anglaise perd de sa valeur dans les
échanges).

N.B. : le billet Banque d’Angleterre n’est pas « valeur l’égale » (legal tender) avant
1812)

Deux thèses s'affrontent alors :


• pour les bullionistes (Fox-Sheridan), en faveur du Bullion Report de 1810, la
cause de l’inflation et de la perte de valeur de la monnaie est dans l’expansion
de la monnaie fiduciaire. C’est donc la Banque d’Angleterre la première
fautive.
• Les anti bulionistes (William Pitt le jeune), mettaient plutôt cela sur des
facteurs « réels » : la guerre, la hausse de la demande d’or, etc. La Banque
d’Angleterre n’est pas menacée. Il n’y aura pas un phénomène semblable à
celui des assignats ne serait-ce que parce que la BdA est privée.

Schumpeter has a different approach: according to him, the Bank of England was an
easy target.

La controverse va prendre une nouvelle ampleur avec la lettre de Boyd à Pitt.

36
La lettre renferme une analyse monétaire avancée : définition plus claire de la masse
monétaire, analyse des effets (asymétriques) d’une création monétaire, théorie de la
parité des pouvoirs d’achat des monnaies dans un régime de monnaies fiduciaires. La
conclusion est que la Banque d’Angleterre et la suspension de la convertibilité sont
responsables de tous les maux.

(Notons que Boyd en écrivant cette lettre retournait sa veste puisqu’il avait pendant
plusieurs années supplié la Banque d’Angleterre de lui accorder un prêt pour le sauver
de la faillite. C’est l’opposition de Pitt qui fit que le prêt ne fut pas accorder et Boyd
qui du liquider son affaire).

La réplique ne tarda pas. Francis Baring s’opposa à Boyd (1801). Il était d’abord un
marchand extrêmement riche, puis un banquier. Bien que prudent dans un premier
temps, il décide de prendre la défense de la Banque d’Angleterre.

Le clan des bullionistes allait par la suite se renforcer avec King et Ricardo. Il allait
aussi recevoir l’appui, beaucoup plus modéré de Henri Thornton (qui fut directeur de
Banque), pourtant dans un premier temps anti-bullioniste (son ouvrage fit reference
dans le camp des anti bullionistes).

Real-bill doctrine et la banking school

C’est le secteur réel qui commande les prix et la monnaie doit suivre l’évolution du
secteur réel en réduisant l’émission monétaire on bride le secteur réel
les banques doivent être libre d’émettre en fonction de la demande
les banques s’autorégulent pour éviter la faillite

Bullionistes et la currency school

Ricardo en fait partie. En 1809 il publie un article sur « The Price of Gold »,
suivi d’un court ouvrage regroupant ses articles : « « The High Price of Bullion ». Son
objectif : convaincre Thornton, alors un anti-bullioniste.
• c’est la quantité de monnaie qui détermine le niveau des prix
• l’idée d’une pénurie de liquidité est fausse : tout niveau de monnaie est
optimal.

C’est suite à la publication de cet ouvrage que sera formé au Parlement le « bullion
commettee » qui doit examiner les causes de l’inflation du prix de l’or.
C’est à ce moment que Thornton va passer dans le camp des bullionistes modérés.

37
contrôle de l’émission est nécessaire
réserves métalliques importantes
séparation émission et activité bancaire.
Ricardo voudrait maintenir la convertibilité mais en la limitant :
convertibilité en lingot (Gold bullion standard)

Le Bullion Commettee Report de 1811 réclame le retour au gold standard.

La victoire pour les bullionistes intervient avec le resumption act de 1819. Mais
l’Angleterre traverse alors une période de crise et l’or se fait rare. Il s’apprécie donc.
Certains blâment de nouveau la Banque d’Angleterre pour sa mauvaise gestion. C’est
le marasme. Les choses iront mieux en 1830-35. C’est la reprise et les découvertes
d’or : Californie, Australie, Russie.

Ricardo défend ses positions en prenant une position de long terme. Il écrit à Malthus
entre 1811 et 1813 : « Vous avez toujours à l’esprit les effets immédiats et
temporaires. Je fixe mon attention sur l’état permanent des choses qui en résultera ».
Ce faisant, Ricardo exagère sans doute la dichotomie entre le réel et le monétaire.
Le taux de change est quant à lui, toujours d’après Ricardo, entièrement déterminé par
la quantité de papier monnaie dans le cas d’une monnaie non-convertible. Si la
monnaie est convertible alors ce taux sera déterminé par la quantité de métaux
précieux disponible.
NB ! Les Principes sont publies en 1817 et Ricardo rentre au parlement en 1819. Il est
alors l economiste le plus fameux en Angleterre.

De 1821 à 1825 il y a une période de boom. La Banque d’Angleterre prêtant de


nouveau avec largesse, entre autres à des investisseurs en Amérique Latine. En 1825 la
panique bancaire réapparaît.

En peu de temps les réserves de la Banque d’Angleterre passent de 9 millions de livres


à un million.

En réaction, une partie des monopoles de la Banque d’Angleterre sont retirés, et on


interdit l’impression de petites coupures (inférieures à 5 pounds) pour que les petites
transactions se fassent en espèce.

C’est alors que sera développé le « currency principle ».

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Pennington est le premier à avoir énoncé ce principe. L’idée est que la convertibilité
est insuffisante pour assurer la stabilité monétaire. Il conseille l’octroi d’un monopole
d’émission à la Banque d’Angleterre et une politique de réserve qui la contraigne à
adopter une gestion équivalente à celle d’une émission sans réserve fractionnaire
(c.à.d., avec une réserve à 100%). Ainsi la valeur du billet suivra la quantité du stock
d’or dont dispose la Banque centrale.
Cet argument s’appuie entre autres choses sur l’idée que la création monétaire va au-
delà de l’émission de papier monnaie ; en accordant des crédits on arrive au même
résultat.

* currency school (Bullion Report)


* acte de Peel après sa mort

Anti-Corn Law league se forme après sa mort (1828) sous le règne de Victoria (1846)
Victoire : Acte de Peel, 1844 : séparation des activités commerciale et d'émission
monétaire de la banque d'Angleterre.

Ricardo : "Le meilleur des impôts est celui dont le montant est le plus faible"...
Pour ceux qui doutent de son libéralisme !

Comment ne pas comprendre la révolte qui va suivre !

« Dans l ‘ensemble, l’économie politique s’est comme rétrécie » (Gonnard, 178)

39
Section 1.3. John SUTART MILL :

(1806-1873) fils de James MILL, un ami de Bentham et Ricardo.


Son père était un personnage très spécial.

"le dernier des grands classiques"


1848 : Principles of Political Economy - réédité jusqu'à la fin du XIXè
Sources : • Bentham Jeremy - pour l'individualisme (atomisme) et
l'utilitarisme (recherche du bonheur), la courroie de transmission était son père
(expérience d'éducation)
• les classiques (a séjourné à 14 ans chez Say)
• les socialistes (Saint Simon, Comte, Sismondi et sa
femme Harriett Taylor, épousée après 20 ans de cour..)
- Parce qu'il est individualiste, il regrette les méthodes du socialisme : "Tout ce
qui limite la concurrence est un mal ; tout ce qui l'étend est un bien".
- Mais pour abolition du salariat, la socialisation de la rente foncière, limitations du
droit d'hériter
- Confirme la marche inexorable vers un état stationnaire (où l'on cultivera l'art et la
philosophie, où la population stagnera

On pourra mentionner « On Liberty » et en profiter pour faire un clin d’œil à


Humboldt, grande figure allemande du libéralisme.

Liberté des anciens et liberté des modernes

Chez les anciens il y a l’idée de deux classes aux intérêts conflictuels : les
gouvernants et les gouvernés. Le gouvernant est toléré mais on sait qu’il peut
être tenté de jouer ses intérêts contre ceux du peuple. La liberté se définit alors
comme un affranchissement du pouvoir arbitraire du gouvernant. C’est la
possibilité de ne pas souffrir d’un régime autoritaire, de contrôler,
éventuellement par des Chartes ou des constitutions les droits des gouvernés
face aux gouvernants.
Mais cette situation est jugée insatisfaisante et il va être avancé que la véritable
liberté consisterait à être son propre gouvernant. Si le peuple gouverne, il serait
par essence libre puisque aucun conflit d’intérêt ne saurait intervenir entre le
peuple et lui-même. Malheureusement, cette liberté des modernes présente des
dangers évidents puisque le gouvernement n’est plus du tout contrôlé. (Mill a à
l’esprit le cas français, et en particulier l’épisode de la Terreur).

40
Section 2
L’école française

Nous nous sommes arrêtés la fois dernière sur J.S. Mill et sa brillante
distinction entre deux conceptions de la liberté : celle des anciens et celle
des modernes. Mill : le dernier des classiques dit-on parfois (j’aurais pour
ma part envie de clamer : Smith, le dernier des classiques!)
A présent nous revenons en arrière pour découvrir l’école libérale
française. Mais avant d’aborder les deux grands piliers de cette école que
sont Say et Bastiat, revenons une fois encore sur Rousseau, afin de mieux
comprendre ce que Mill appelle la liberté des modernes. Après Rousseau
nous retracerons rapidement l’histoire d’un autre grand mouvement
intellectuel qui marque ce début du 19ème : les idéologues.

41
Préambule à la section :
Le paysage intellecuel du début du 19ème
ème

A. Le contrat social (1762)2

C’est la seule partie achevée d’un grand traité sur les Institutions
Politiques que projetait Rousseau.

Le contrat de notre société n’est fondé ni sur la nature, ni sur la force,


mais sur une convention.

Il y a eu une première convention unanime par laquelle un peuple a été


formé. Dans cette convention, tous les individus acceptent de remettre
toutes leurs libertés dans les mains de l’Etat. C’est la seule façon d’avoir
l’égalité parfaite. En suite l’Etat pourra redonner, s’il le juge bon, certaines
libertés aux individus.

« Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous


la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps
chaque membre comme partie indivisible du tout. »

Ce corps moral et politique a un « moi », « une volonté »,

Son rôle va être de passer un second contrat social. Ce second contrat doit
pallier les défauts dus à l’éloignement de la nature.

2
Rousseau : Né à Genève, alors République indépendante, le 28 Juin 1712. Son père
modeste artisan, mais instruit. Mais il est exilé pour raisons politiques. Rousseau se
retrouve chez un pasteur pendant deux ans, puis apprenti. A 16 ans il quitte Genève et
reçoit la protection d’une dame charitable, Madame de Warens. Elle le convertit pour un
temps au catholicisme (il retournera au Calvinisme). En 1741 il se rend à Paris, devient
l’ami de Diderot et intègre les cercles intellectuels. Lié avec Thérèse Levasseur, il aura
des enfants qui seront confiés aux enfants perdus.
En 1750, il devient célèbre après avoir remporté un concours organisé par l’Académie de
Dijon et pour lequel il avait écrit un Discours sur les sciences et les Arts.
Peu de temps après (1755) il écrit son Discours sur les origines et les fondements de
l’inégalité parmi les hommes. Il se retire alors des milieux mondains et écrit La Nouvelle
Héloïse, l’Emile, le Contrat Social. Notons encore que c’est lui qui écrit l’article Economie
Politique pour l’Encyclopédie.
Mais ces écrits sont condamnés par les Parlements de Paris et le Conseil de Genève.
Commence alors une vie errante, qui le conduit en Suisse, puis en Angleterre (invitation
de Hume), pour terminer à Paris où il meurt en 1778.

42
« Efforçons nous de tirer du mal même le remède qui doit le guérir »,
cherchons « dans l’art perfectionné, la réparation des maux que l’art
commencé a fait à la nature ».

L’Etat ainsi créé est infaillible et souverain. Rousseau dote le Souverain


peuple du plus absolu des pouvoirs. C’est bien sur ce qui l’éloigne des
droits de l’homme, du constitutionnalisme et des thèses libérales.
« Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout
le corps : ce qui ne signifie autre chose, sinon qu’on le forcera à être
libre.
libre »

Mais l’Etat ne peut-il pas se tromper. Non répondra Rousseau. Mais même
si tel était le cas « s’il lui plaît de se faire mal à lui-même, qui est-ce qui a
le droit de l’en empêcher ? »

La volonté générale

« La volonté générale est toujours droite et tend toujours vers l’utilité


publique » écrit Rousseau. Elle ne doit pas être confondue avec la volonté
collectivement exprimée.

Némo offre une belle démonstration qui permet de voir la cohérence, à dire
pas si facile à déceler, de Rousseau.

Tout passe par la distinction entre amour de soi et amour propre. L’amour
de soi va dans le bon sens, celui des instincts naturels. L’amour propre
part dans tous les sens. Lors d’un vote collectif, les amours propres
s’annulent et domine l’amour de soi, commun à tous les hommes.

C’est pour cette raison que l’on doit me forcer, pour mon bien, à me plier à
la décision du peuple.

Mais, attention, cette décision peut être faussée par l’existence de partis
politiques qui ôtent à la diversité des points de vue et peuvent faire
ressortir l’amour propre. C’est pourquoi Rousseau sera contre les
« brigues » comme il les appelle. On retrouve une technique bien connue de
la suppression des états intermédiaires.

La mise en œuvre

43
Comment mettre en œuvre ce gouvernement de la volonté générale. Le
problème de l’œuf et la poule. Les bonnes lois font le bon peuple, et seul un
bon peuple peut faire de bonnes lois.
Rousseau en sort en faisant appel à l’homme providentiel, le leader éclairé,
Le Législateur ainsi qu’il le nomme. Evidemment c’est là une entorse très
profonde à son système. (Rappelons qu’il a écrit une Constitution pour la
Corse et la Pologne).

Notons encore que Rousseau est contre le système représentatif. Il se


moque des Anglais :
« Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant
l’élection des membres du Parlement : sitôt qu’ils sont élus, il est esclave,
il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait
mérite bien qu’il la perde. »

Enfin, Rousseau préconise une religion civile et une éducation publique


pour éduquer le peuple.

Il est dans la lignée, et le père de tous les dictateurs de Robespierre à Lénine en


passant par Mao.

44
B: Les idéologues et la (les) Révolution(s)

(d’après Némo, cahiers de l’ESCP-EAP)


Voir aussi Hayek, The Counter-Revolution of science. Among other things
Hayek gives the origin of the word and the explain the change in its
meaning.

Un groupe d’intellectuels libéraux qui connut des importances diverses


entre la Révolution, l’Empire, les II et IIIème Républiques. Ils sont le trait
d’union entre les Physiocrates et les libéraux de la Restauration (Dunoyer,
Bastiat).

Ils sont connus pour avoir jouer un rôle important dans les premiers écrits
constitutionnels (droits de l’homme), mais aussi pour leurs idées sur le
développement des sciences et l’éducation.

Origine de l’appellation :
C’est Destutt de Tracy, auteur des Elements d’idéologie qui donna le nom
à l’école. Pour Tracy, l’idéologie est la science des idées (physiologie,
psychologie, logique de la connaissance. Il s’agit donc d’une réflexion
épistémologique devant déboucher sur une méthode pour l’enseignement
des sciences, voire même pour développer les bonnes institutions
politiques.
« La connaissance de la génération de nos idées est le fondement de la
grammaire, de la logique, de l’instruction et de l’éducation, de la morale et
de la politique » Tracy.

Les différentes générations d’idéologues :

1ère génération :
Rappel historique : Rappel sur les causes de la révolution (Hilton Root : La
construction de l’Etat moderne en Europe,
Europe, chap.8)
Incapacité du gouvernement à lever l’impôt.
Pourquoi ?
Pouvoir discrétionnaire engendre incertitude, qui engendre une méfiance de la
part des préteurs. Cela se traduit par des taux d’intérêts anormalement élevé et
donc un frein à l’investissement.
Les détenteurs d’offices ou de titres d’Etat vivaient toujours sous la menace de
paiement différé des gages ou intérêts qui leur étaient dus.
Smith et plus tard Say ont noté que la capacité guerrière des français n’avait pour
seule limite que leur incapacité à financer ces guerres.

45
La leçon est que l’absence de gouvernement représentatif aggrave le problème
financier en diminuant la confiance.

Les Etats Généraux sont réunis pour tenter de mettre fin à la crise financière.Très
vite, les États généraux ouverts à Versailles le 5 mai 1789 échappent à l'intention
première du roi et de ses ministres : imaginer de nouvelles ressources financière
pour la monarchie. Le 17 juin 1789, 1789 les députés bourgeois du tiers-état,
"considérant qu'ils représentent 96% de la nation", se proclament Assemblée
nationale.
nationale Louis XVI tente de disperser l'Assemblée par la force, ce qui suscite le
Serment du Jeu de Paume de donner une Constitution au royaume, avant de
céder et d'ordonner aux députés du clergé et de la noblesse de se fondre dans
l'Assemblée nationale. Le 9 juillet, celle-
celle-ci se proclame Assemblée constituante.
Assemblée constituante : Sieyès, Destutt de Tracy, Cabanis, Roederer (disciple de
Turgot), Dupont de Nemours et d’autres moins connus

C'est le premier acte - politique - de la Révolution : au nom de leur représentativité,


les députés du tiers ont affirmé l'existence politique de la nation, le droit de dire la
loi. C'est la fin de la monarchie absolue.
A cette révolution politique succède rapidement une révolte populaire. D'abord à
Paris où le peuple et les "patriotes" bourgeois, alarmés par une possible contre-
offensive des troupes royales, s'insurgent et mettent sur pied une nouvelle
municipalité et une milice bourgeoise, la garde nationale. Ensemble, ils partent à
l'assaut de la prison royale de la Bastille,
Bastille symbole de la monarchie absolue, le 14
juillet.
juillet Louis XVI cède à nouveau, et lors d'une visite à Paris, reconnaît la nouvelle
autorité municipale et accepte la cocarde tricolore qui unit le blanc, couleur du roi,
au rouge et au bleu de la ville de Paris.

Dans les provinces, d'autres municipalités, dotées de leur garde nationale, ont
succédé à l'administration royale. Surtout, en juillet, la Grande Peur s'empare des
campagnes. Alarmés par des rumeurs de brigandage, de destruction de leur récolte,
les paysans s'en prennent au château voisin pour y brûler les terriers, les registres
recensant les droits seigneuriaux. Pour tenter de couper court aux désordres, les
députés, à l'initiative d'une noblesse effrayée, décident dans la nuit du 4 août
l'abolition des privilèges.
privilèges Certes, seule la servitude personnelle est immédiatement
supprimée, les autres droits seigneuriaux devant être rachetés par les paysans,
mais c'est la fin de la division de la société en trois ordres qui est proclamée. Une
véritable révolution sociale vient de succéder à la révolution politique. D'autant
plus que l'assise financière du premier ordre du royaume est ébranlée, avec la
nationalisation, autrement dit la confiscation en novembre 1789 des biens fonciers
et immobiliers du clergé.

En ayant fini avec ce que les révolutionnaires appellent l'Ancien Régime, les
députés s'attellent à définir les principes de la société nouvelle, contenus dans la
Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789. 1789 Les Français ne
sont donc plus des sujets, mais des citoyens. Ils bénéficient de l'égalité des droits
(abolition des privilèges), de la liberté, d'aller et de venir, d'exprimer son opinion, de
pratiquer ou non une religion (le protestantisme est reconnu), de posséder (y
compris des esclaves, dans les colonies, malgré les efforts abolitionnistes de

46
Robespierre et de la Société des Amis des Noirs). Tous ces principes sont garantis
par la Loi, qui émane nécessairement de la nation souveraine (et non plus du roi ou
de Dieu).

Tous ces principes animent non seulement l'Assemblée, où apparaissent des


tendances de " gauche " et de " droite " (par rapport au pupitre du président), où le
public est présent. Mais les Français inventent aussi à cette époque la politique,
avec leurs débats autour des affiches, des journaux qui se multiplient (L'Ami du
peuple de Marat), des clubs politiques qui prolifèrent (les Cordeliers, où figurent les
premiers républicains, les Jacobins où intervient Robespierre). Les Parisiens
restent des acteurs de premier plan, les Parisiennes aussi, lorsqu'ils ramènent au
château des Tuileries à Paris Louis XVI et sa famille, lors d'une expédition
expédition armée
à Versailles les 5 et 6 octobre,
octobre pour tenir sous leur surveillance un roi qui refuse
d'approuver la décision du 4 août.

Assemblée Législative : Condorcet

Condorcet (1743-1793) Mathématicien, Astronomes, théologien, en bref


homme de pensée, il est élu à l’Académie des sciences puis à l’Académie
française. Il a écrit une Vie de Turgot (1786) ainsi qu’une Vie de Voltaire
(1787) et annoté une traduction d’Adam Smith. Il sera élu en 1789 à
l’Assemblée Législative de Paris. Il rédige un Projet sur l’Instruction
publique. Il s’opposera à la condamnation à mort de Louis XVI. Réfugié il
écrit sa dernière œuvre : Esquisse d’un tableau historique des progrès de
l’esprit humain. Il se donne ensuite la mort pour éviter la guillotine.
Vous l’entendrez peut-être cité dans un cours d’Economie publique.
Son épouse, Madame Sophie de Condorcet traduisit la Théorie des
Sentiments moraux.

Abbé Sieyès (1748-1836) Cette grande figure de la Révolution était Grand


vicaire de l’évêque de Chartres.
C’est un libéral pur qui fréquente les groupes libéraux : Condorcet, La
Fayette, Dupont de Nemours, Mirabeau, Madame de Staël.
Ses premiers écrits sont essentiels à la construction de la Révolution :
1788 : Essai sur les privilèges, 1789 Qu’est-ce que le tiers-état ?
L’un des rédacteurs de la déclaration des Droits de l’homme, il participe
activement au serment du jeu de Pomme et à la nuit du 4 Août.
Elu à la Convention, il siège plutôt du côté des Girondins. Il vote dans un
premier temps contre le procès du roi, mais lorsque celui-ci à lieu, il sera
en faveur de la condamnation (contrairement à la plupart des Girondins).
Il participe au Directoire et joue un rôle important dans le 18 brumaire.
Eliminé de la vie politique, il finira sa vie exilé et oublié.

47
Marquis de Laplace
Laplace (1749-1827). Le célèbre Mathématicien, astronome et
physicien était également un homme politique actif. Il entre au Sénat en
1799 et en est élu Président en 1803. Il sera fait Comte de l’Empire et
Louis XVIII le fera marquis et pair de France.

2ème génération d’idéoloques

Destutt de Tracy (1754-1836)


Auteur nous l’avons dit plus haut de Elements d’idéologie. Mais aussi
Traité sur la volonté). +Arrêté en 1793, il échappe de justesse à la
guillotine. Il se rallie un temps à Napoléon mais votera sa déchéance en
1814.

Cabanis, Médecin

Benjamin Constant
Nous y reviendrons

Jean-Baptiste Say
Nous y reviendrons

Lamark
L’un des pères de la pensée évolutionniste. Il est botaniste et zoologiste de
formation.

Augustin Thierry

Stendhal

Sainte-Beuve

John Stuart Mill

(N.B. C’était le temps où les milieux littéraires étaient libéraux ???)

3ème génération (à partir de la Restauration)


Portalis
Sicard
Taine

48
Vie intellectuelle des idéoloques

Les idéologues, comme leurs prédécesseurs, se réunissent dans des salons


ou des cafés. L’un des lieux de rendez-vous fréquents est au départ la
maison de Madame Helvetius, à Auteuil, maison que cette dame cédera à
sa mort à Cabanis. Mais les idéologues se retrouvent aussi à la rue du Bac,
à Paris dans le quartier latin. Là ils complotent contre le Premier Consul.
Mais le complot étant éventé (Fouché), les réunions de la rue du Bac
doivent cesser.

Les idéologues ont leur journal de liaison : La Décade philosophique qui


sera éditée entre autre par Jean-Baptiste Say. Dans cette revue sont
présentées les nouvelles contributions des membres du groupe. C’est aussi
un lien entre les différentes écoles centrales.

Action politique

Les idéologues seront extrêmement actifs durant toute la période


révolutionnaire et au-delà, ne s’éclipsant de la scène politique que lorsque
une dictature (jacobine ou bonapartiste) les y contraint.

Ils furent confrontés à un mouvement beaucoup plus contructiviste que


nous verrons plus tard. Celui que dénoncera plus tard Hayek.

49
Section 2.1 Jean-
Jean-Baptiste
Baptiste Say

A1. Biographie
Biographie
Jean-Baptiste Say, 1767-1832

Nbp 102 : C'est l'ignorance de l'économie politique qui a conduit Bonaparte


à Sainte-Hélène !!!!
(dirige une filature (qu'il a créée) dans le Pas de Calais (Certains auteurs
disent qu’il a fait faillite, d’autres qu’il a eu du succès !!)
- 1814 rentre à Paris, réédition sur Traité, enseigne au Conservatoire
National des Arts et Métiers puis au Collège de France (1er à enseigner
l'Eco. Po dans "le supérieur" en France, faisait lire son cours par son fils...)

Major Works of Jean-


Jean-Baptiste Say

• Olbie, ou essai sur le moyens de réformer les moeurs d'une nation,


1800.

• Traité d'économie politique, ou simple exposition de la manière dont


se forment, se distribuent, et se composent les richesses, 1803 (copy)
• A Treatise on Political Economy, or the production, distribution and
consumption of wealth, 1803 (Engl. transl.)
• De l'Angleterre et des Anglais, 1815.
• Cathechism of Political Economy, 1815. (French version)
• Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la
société, 1817.
• Des canaux de navigation dans l'état actuel de la France, 1818
• De l'importance du port de la Vilette, 1818
• Cours à l'Athénée de Paris, 1819.
• Lettres à M. Malthus sur différent sujets d'économie politique,
notamment sur les causes de la stagnation générale du commerce,
1820.

50
• "Letters to Thomas Robert Malthus on Political Economy and
Stagnation of Commerce", 1821, (transl. of 1820), The Pamphleteer

• "Sur la balance des consommations avec les productions", 1824,


Revue Encyclopédique.
• "Examen Critique du discours de M. MacCulloch sur l'économie
politique", 1825, Revue Encyclopédique.

• "De l'économie politique moderne, esquisse générale de cette


science, de sa nomenclature, de son histoire et de sa bibliographie",
1826, Encylopédie progressive.

• "De la crise commerciale", 1826, Revue Encyclopédique

• "Compte rendu de Malthus "Definitions in Political Economy", 1827,


Revue Encyclopédique
• "Discours d'ouverture au cours d'économie industrielle", 1828

• Cours complet d'économie politique pratique, 1828.


• Mélange et correspondence d'economie politique, 1833.
• Oeuvres diverses de J.-B. Say, 1848.

Le reste de cette présentation sur Say sera essentiellement centré sur son
traité :
- se veut une vulgarisation de Smith mais c'est plus que cela
- pour Schumpeter c'est le maillon entre Cantillon-Turgot et
Walras
Notre plan sera :

A2. La méthode de Say


A3. Création et distribution des richesses : contributions à l’analyse
économique
A3. La loi de Say
A4. Say et l’Etat

51
A2. La méthode de Say

Source : « Discours préliminaire » du Traité.

• Il ne faut pas confondre Economie Politique et Politique.


Politique
L’Economie Politique s’intéresse à la formation, distribution et
consommation des richesses, la Politique est la science de
l’organisation des sociétés.

• L’Economie est une science expérimentale. La statistique une


science descriptive.

• La notion de loi ou de principe.


principe Les principes de l’économie sont
des principes généraux. « La science ne peut prétendre à faire
connaître toutes ces modifications qui se renouvellent chaque jour et
varient à l’infini ; mais elle en expose les lois générales et les
éclaircit par des exemples dont chaque lecteur peut constater la
réalité. »

• Exemple de la plume, et de l’intérêt de l’argent : (12) C’est un fait


général que l’intérêt de l’argent s’élève en proportion des risques… »

• « C’est une opposition bien vaine que celle de la théorie et de la


pratique… ». En fait, on pourrait prolonger cette affirmation en
disant que, pour Say, l’opposition déductivisme, inductivisme
semble tout aussi vaine. Say semble vouloir partir de l’observation,
et en même temps les principes de l’économie sont « au-delà de tout
soupçon » et donc indémontrables. En bref, si on insiste pour le
classer dans les catégories méthodologiques, Say semble pratiquer
l’hypothetico déductif : on part de quelques axiomes (hypothèses)
qui relèvent de l’observation et du bon sens. On en déduit parfois
quelques principes « de bon sens ». Et il ne faut pas oublier que ces
principes sont « généraux ». On retrouve ici la distinction « économie
pure », « économie appliquée », ou encore « praxéologie », « histoire ».

• Le danger des contre-


contre-factuals : C'est ainsi qu'après avoir vu le
système exclusif en matière de commerce (c'est-à-dire l'opinion
qu'une nation ne peut gagner que ce qu'une autre perd), adopté
presque généralement en Europe dès la renaissance des arts et des
lumières ; après avoir vu des impôts. constants, et toujours

52
croissants, s'étendre sur certaines nations jusqu'à des sommes
effrayantes; et après avoir vu ces nations plus riches, plus
populeuses, plus puissantes qu'au temps où elles faisaient librement
le commerce, et où elles ne supportaient presque pas de charges, le
vulgaire a conclu qu'elles étaient riches et puissantes, parce qu'on
avait surchargé d'entraves leur industrie, et parce qu'on avait grevé
d'impôts les revenus des particuliers ; et le vulgaire a prétendu que
cette opinion était fondée sur des faits, et il a relégué parmi les
imaginations creuses et systématiques toute opinion différente.
(page 13)

• Un Traité d'économie politique se réduira alors à un petit nombre de


principes, qu'on n'aura pas même besoin d'appuyer de preuves,
parce qu'ils ne seront que l'énoncé de ce que tout le monde saura,
arrangé dans un ordre convenable pour en saisir l'ensemble et les
rapports.

• Mais ce serait vainement qu'on s'imaginerait donner plus de


précision et une marche plus sûre à cette science, en appliquant les
mathématiques à la solution de ses problèmes. Les valeurs et les
quantités dont elle s'occupe, étant susceptibles de plus et de moins,
sembleraient devoir entrer dans le domaine des mathématiques ;
mais elles sont en même temps soumises à l'influence des facultés,
des besoins, des volontés des hommes ; or, on peut bien savoir dans
quel sens agissent ces actions diverses, mais on ne peut pas
apprécier rigoureusement leur influence; de là l'impossibilité d'y
trouver des données suffisamment exactes pour en faire la base d'un
calcul 3. L'observateur ne peut même acquérir la certitude
qu'aucune circonstance inconnue ne mêle son influence à toutes les
autres. Que doit donc faire un esprit sage en s'occupant de ces
matières compliquées? Ce qu'il fait dans toutes les circonstances qui

3
On sait, par exemple, que le prix d'une marchandise est d'autant plus élevé qu'elle est offerte en
moins grande quantité relativement à la quantité qu'on en demande; mais pour déterminer d'après cette
règle le prix auquel se vendront les vins l'année prochaine, quelle foule de données ne faudrait-il pas
réunir ! L'abondance de la récolte pendante, les variations de l'atmosphère, les capitaux des marchands,
les droits d'entrée que les étrangers établiront ou supprimeront, les provisions qui resteront des années
précédentes, les variations qui peuvent survenir dans le nombre, les goûts et la richesse des
consommateurs; et une foule d'autres circonstances dont quelques-unes même sont impossibles à
prévoir. Si, dans l'impossibilité de réunir les données nécessaires, on se borne à en admettre seulement
quelques-unes et avec l'influence qu'on leur suppose, on ne peut tirer aucune application utile de ces
suppositions gratuites.

53
déterminent la plupart des actions de la vie. Il posera nettement les
questions, cherchera les éléments immédiats dont elles se
composent, et, après les avoir établis avec certitude, il évaluera
approximativement leurs influences réciproques avec le coup d'œil
d'une raison éclairée, qui n'est elle-même qu'un instrument au
moyen duquel on apprécie le résultat moyen d'une foule de
probabilités qu'on ne saurait calculer exactement 4.

• La dette envers les prédécesseurs : une liste impressionnante. Ne


serait-ce que pour l’Italie : Au 16ème, Botero, en 1613 Serra,
Davanzati, Bandini de Sienne, Carli, Genovesi, Galiani (les fesses
pincées de Madame de Pompadour « Madame si votre tempérament
est aussi ferme que votre postérieur, je suis un homme mort » !!) en
1750

• Son opinion sur les physiocrates : « Vers le milieu du XVIIIe siècle,


quelques principes sur la source des richesses, mis en avant par le
médecin Quesnay, firent un grand nombre de prosélytes. L'enthou-
siasme de ceux-ci pour leur fondateur, le scrupule avec lequel ils ont
toujours depuis suivi les mêmes dogmes, leur chaleur à les défendre,
l'emphase de leurs écrits, les ont fait considérer comme une secte, et
ils ont été appelés du nom d'Économistes. Au lieu d'observer d'abord
la nature des choses, c'est-à-dire la manière dont les choses se
passent, de classer leurs observations, et d'en déduire des
généralités, ils commencèrent par poser des généralités abstraites,
qu'ils qualifiaient du nom d'axiomes, et où ils croyaient voir briller
par elle-même l'évidence. Ils cherchaient ensuite à y ramener les

4
Cabanis, en décrivant les révolutions de la médecine, fait une remarque parfaitement analogue
à celle-là : « Les phénomènes vitaux, dit-il, dépendent de tant de ressorts inconnus, tiennent à tant de
circonstances, dont l'observation cherche vainement à fixer la valeur, que les problèmes, ne pouvant être
posés avec toutes leurs données, se refusent absolument au calcul ; et quand les mécaniciens ont voulu
soumettre à leurs méthodes les lois de la vie, ils ont donné au monde savant le spectacle le plus étonnant
et le plus digne de toute notre réflexion. C'est par les procédés uniformes et rigoureux de la vérité, mais
employés hors de saison, qu'ont été établis les systèmes les plus faux, les plus ridicules et les plus
divers. »
D'Alembert, dans son Hydrodynamique, convient que la vitesse du sang et son action sur les
vaisseaux se refusent à toute espèce de calcul. Senebier fait des observations analogues dans son Essai
sur l'Art d'observer (tome I, page 81).
Ce que de savants professeurs, des philosophes judicieux disent, relativement aux
sciences physiques, s'applique, à plus forte raison, à une science morale, et explique pourquoi l'on s'est
égaré en économie politique toutes les fois qu'on a voulu s'en rapporter aux calculs mathématiques. C'est
dans ce cas la plus dangereuse des abstractions.

54
faits particuliers, et en déduisaient des règles ; ce qui les engagea
dans la défense de maximes évidemment contraires au bon sens et à
l'expérience des siècles (En note de bas de page il donne un
exemple : Lorsqu'ils soutiennent, par exemple, que la baisse des
denrées de première nécessité est une calamité publique).

• Mais Turgot reçoit un traitement à part : Turgot était trop bon


citoyen pour ne pas estimer sincèrement d'aussi bons citoyens que
les économistes ; et lorsqu'il fut puissant, il crut utile de les
soutenir. Ceux-ci à leur tour trouvaient leur compte à faire passer
un homme aussi savant et un ministre d'État pour un de leurs
adeptes ; mais Turgot ne jugeait pas d'après leur code : il jugeait
d'après les choses ; et, bien qu'il se soit trompé sur plusieurs points
importants de doctrine, ses opérations administratives, faites ou
projetées, sont au nombre des plus belles qu'aucun homme d'État ait
jamais conçues ; aussi rien n'accuse plus le défaut de capacité de son
prince que de n'avoir pas su les apprécier, ou, s'il a pu les apprécier,
de n'avoir pas su les soutenir.

• Et puis il y a Smith, bien sur : « Lorsqu'on lit Smith comme il mérite


d'être lu, on s'aperçoit qu'il n'y avait pas avant lui d'économie
politique. » Mais aussi, plus loin : Après avoir montré, autant qu'on
peut le faire dans une esquisse aussi rapide, les progrès que
l'économie politique doit à Smith, il ne sera peut-être pas inutile
d'indiquer aussi sommairement quelques-uns des points sur
lesquels il parait s'être trompé, et de ceux qu'il a laissés à éclaircir.

• Il critique aussi la méthode de Smith : (29) « La forme de son livre,


c'est-à-dire la manière dont la doctrine y est présentée, donne lieu à
des reproches non moins graves…. Smith manque de clarté en
beaucoup d'endroits, et de méthode presque partout. Pour le bien
entendre, il faut être habitué soi-même à coordonner ses idées, à
s'en rendre compte ; et ce travail met le livre hors de la portée de la
plupart des lecteurs, du moins dans quelques-unes de ses parties ;
tellement que des personnes éclairées d'ailleurs, faisant profession
de le connaître et de l'admirer, ont écrit sur des matières qu'il a
traitées, sur l'impôt, par exemple, sur les billets de banque, comme
supplément de la monnaie, sans avoir entendu un seul mot de sa
théorie sur ces matières, laquelle forme cependant une des plus
belles parties de son livre. »

55
Pour terminer cette exposé de la méthode suivie par J.B. Say, j’ai envie de
dire que c’est celle du Prof. d’université ! Un mélange d’érudition, de
reformulation, de création, d’observation ; un mélange aussi d’hardiesse et
de prudence ; le tout guidé par le désir de rendre la réalité un peu plus
compréhensible à ses interlocuteurs.

56
A3. Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se
forment, se distribuent et se consomment les richesses.

Comme l’indique son titre, Say se propose d’identifier les sources de la


richesse et la façon dont celle-ci « circule » dans l’économie. C’est donc
l’éternelle quête de l’économiste qu’il fait sienne. Mais, ainsi que vous le
savez, on ne s’engage pas dans une telle aventure, sans dans un premier
temps préciser ce que nous entendons par richesse.

Théorie de la valeur utilité (Livre 1, chapitre 1)

• Tout ce qui est utile mérite d'être appelé richesse (agri, industrie,
services du médecin...) page 43 : La valeur que les hommes
attachent aux choses a son premier fondement dans l'usage qu'ils en
peuvent faire. ce qui n'est bon à rien, ils n'y mettent aucun prix.
Page 44 : Cette faculté qu'ont certaines choses de pouvoir satisfaire
aux divers besoins des hommes, qu'on me permette de la nommer
utilité.
• Je dirai que créer des objets qui ont une utilité quelconque, c'est
créer des richesses, puisque l'utilité de ces choses est le premier
fondement de leur valeur, et que leur valeur est de la richesse. (44)
• Critique de Smith auquel il reproche d’avoir une vision encore trop
matérialiste de la valeur, et ce, bien qu’il ait correctement perçu
l’erreur mercantiliste. Paradoxalement, nous dit Say, Smith ne voit
pas de valeur dans les choses immatérielles, et pourtant,
curieusement, il veut choisir le travail comme mesure de la valeur !
Page 28 : « Smith a borné le domaine de cette science en réservant
exclusivement le nom de richesses aux valeurs fixées dans des
substances matérielles. Il devait y comprendre aussi des valeurs
qui, bien qu'immatérielles, n'en sont pas moins réelles, comme sont
tous les talents naturels ou acquis. De deux personnes également
dépourvues de biens, celle qui a le plus de talent est moins pauvre
que l'autre. Celle qui a acquis un talent au prix d'un sacrifice annuel
jouit d'un capital accumulé ; et cette richesse, quoique immatérielle,
est néanmoins si peu fictive qu'on échange journellement l'exercice
de son art contre de l'argent et de l'or. » ((capital humain, dirions
nous dans notre jargon moderne)

57
• (page 109) « Smith a combattu les Économistes qui n'appelaient du
nom de richesse que ce qu'il y avait dans chaque produit de valeur
en matière brute ; il a fait faire un grand pas à l'économie politique,
en démontrant que la richesse était cette matière, plus la valeur
qu'y ajoutait l'industrie ; mais puisqu'il a élevé au rang des
richesses une chose abstraite, la valeur, pourquoi la compte-t-il pour
rien, bien que réelle et échangeable, quand elle n'est fixée dans
aucune matière ? Cela est d'autant plus surprenant qu'il va jusqu'à
considérer le travail, en faisant abstraction de la chose travaillée,
qu'il examine les causes qui influent sur sa valeur, et qu'il propose
cette valeur comme la mesure la plus sûre et la moins variable de
toutes les autres » 5.

Rôle de l’entrepreneur

Il existe, explique Say, trois formes d’industrie : industries agricole,


manufacturière et commerciale.

Ce qu’il est important de noter c’est que le commerçant est ici mis au
même niveau que l’agriculteur où l’industriel (au sens moderne du terme).

Le commerçant, semble-t-il n’est pas à confondre avec l’entrepreneur. Nous


verrons un peu plus bas ce qu’est l’entrepreneur.

Note de bas de page très instructive page 50 : « C'est à quoi M. de


Sismondi n'a pas fait attention lorsqu'il a dit : « Le commerce se plaça
entre le producteur et le consommateur pour rendre service à l'un et à
l'autre, et se faire payer ce service par l'un et par l'autre. » (Nouveaux
principes d'Économie politique, livre Il, ch. 8.) Il semblerait que le
commerçant ne vit que sur les valeurs produites par l'agriculteur et le
manufacturier, tandis qu'il vit sur une valeur réelle ajoutée par lui aux
marchandises, en leur donnant une façon de plus, une faculté de servir. Ce

5
Quelques auteurs, qui n'ont peut-être pas donné une attention suffisante à ces démonstrations,
ont persisté à nommer les producteurs des produits immatériels des travailleurs improductifs. Mais on
ne gagne rien à lutter contre la nature des choses. Ceux qui entendent un peu l'économie politique sont
forcés de rendre, malgré eux, hommage aux principes. M. de Sismondi, par exemple, après avoir parlé
des dépenses qu'on fait en salaires d'ouvriers improductifs, ajoute : Ce sont des consommations rapides
qui suivent immédiatement la production. (Nouveaux principes d'Économie politique, tome II, p. 203.)
Ainsi, voilà des ouvriers improductifs qui produisent!

58
préjugé est le même que celui qui soulève la populace contre les négociants
en grains. »

La répartition ; page 63
Le paiement d'une industrie prêtée se nomme un salaire.
Le paiement d'un capital prêté se nomme un intérêt.
Le paiement d'un fonds de terre prêté se nomme un fermage ou un
loyer.

Ici on pourrait croire qu’il n’y a pas de place pour le profit entrepreneurial.
Sauf si c’est un résidu. Une autre possibilité est qu’il donne au terme
salaire un sens large. Je crois que c’est le cas.

Le passage le plus explicit sur l’entrepreneur est sans doute celui-ci que
l’on retrouve à la page 65-66 au début d’un chapitre 6 intitulé : Des
opérations communes à toutes les industries.
« En observant en eux-mêmes les procédés de l'industrie humaine,
quel que soit le sujet auquel elle s'applique, on s'aperçoit qu'elle se
compose de trois opérations distinctes.
Pour obtenir un produit quelconque, il a fallu d'abord étudier la
marche et les lois de la nature, relativement à ce produit. Comment
aurait-on fabriqué une serrure, si l'on n'était parvenu à connaître les
propriétés du fer, et par quels moyens on peut le tirer de la mine,
l'épurer, l'amollir et le façonner ?
Il a fallu ensuite appliquer ces connaissances à un usage utile, juger
qu'en façonnant le fer d'une certaine façon on en ferait un produit qui
aurait pour les hommes une certaine valeur.
Enfin il a fallu exécuter le travail manuel indiqué par les deux
opérations précédentes, c'est-à-dire forger et limer les différentes pièces
dont se compose une serrure.
Il est rare que ces trois opérations soient exécutées par la même
personne.
Le plus souvent un homme étudie la marche et les lois de la nature.
C'est le savant.
Un autre profite de ces connaissances pour créer des produits
utiles. C'est l'agriculteur,
l'agriculteur, le manufacturier ou le commerçant ; ou,
pour les désigner par une dénomination
dénomination commune à tous les trois,

59
c'est l'entrepreneur d'industrie, celui qui entreprend de créer pour son
compte, à son profit et à ses risques, un produit quelconque 6.
Un autre enfin travaille suivant les directions données par les deux
premiers. C'est l'ouvrier. »

La création de valeur n’est pas nécessairement le fruit d’un travail. Et le


profit ne saurait en conséquence être confondu avec le salaire.

J'ai donc lieu de croire que Smith n'a pas en ce point donné une idée
complète du phénomène de la production ; ce qui l'a entraîné dans cette
fausse conséquence : c'est l'idée que toutes les valeurs produites
représentent un travail récent ou ancien de l'homme, ou, en d'autres
termes, que la richesse n'est que du travail accumulé ; d'où, par une
seconde conséquence qui me paraît également contestable, le travail est la
seule mesure des richesses ou des valeurs produites. (60)

. Ce n'est pas la nature qui borne le pouvoir productif de l'industrie ; c'est


l'ignorance ou la paresse des producteurs et la mauvaise administration
des États. (61)

Même la spéculation est productrice (89):

Il y a un commerce qu'on appelle de spéculation, et qui consiste à


acheter des marchandises dans un temps pour les revendre au même lieu
et intactes, à une époque où l'on suppose qu'elles se vendront plus cher. Ce
commerce lui-même est productif : son utilité consiste à employer des
capitaux, des magasins, des soins de conservation, une industrie enfin,
pour retirer de la circulation une marchandise lorsque sa surabondance
l'avilirait, en ferait tomber le prix au-dessous de ses frais de production, et
découragerait par conséquent sa production, pour la revendre lorsqu'elle
deviendra trop rare, et que son prix étant porté au-dessus de son taux
naturel (les frais de production) elle causerait de la perte à ses

6
Les Anglais n'ont point de mot pour rendre celui d'entrepreneur d'industrie; ce qui les a peut-
être empêchés de distinguer dans les opérations industrielles, le service que rend le capital, du service
que rend, par sa capacité et son talent, celui qui emploie le capital ; d'où résulte, comme on le verra plus
tard, de l'obscurité dans les démonstrations où ils cherchent à remonter à la source des profits.
La langue italienne, beaucoup plus riche à cet égard que la leur, a quatre mots pour
désigner ce que nous entendons par un entrepreneur d'industrie : imprenditore, impresario,
intraprenditore, intraprensore.

60
consommateurs. Ce commerce tend, comme on voit, à transporter, pour
ainsi dire, la marchandise d'un temps dans un autre, au lieu de la
transporter d'un endroit dans un autre. S'il ne donne point de bénéfice, s'il
donne de la perte, c'est une preuve qu'il était inutile, que la marchandise
n'était point trop abondante au moment où on l'achetait, et qu'elle n'était
point trop rare au moment où on l'a revendue. On a aussi appelé les
opérations de ce genre commerce de réserve, et cette désignation est
bonne. Lorsqu'elles tendent à accaparer toutes les denrées d'une même
espèce, pour s'en réserver le monopole et la revente à des Prix exagérés, on
nomme cela des accaparements. Ils sont heureusement d'autant plus
difficiles que le pays a plus de commerce, et par conséquent plus de mar-
chandises de tout genre dans la circulation.

La nature du savoir de l’entrepreneur :

Il convient d'observer que les connaissances du savant, si nécessaires


au développement de l'industrie, circulent assez facilement d'une nation
chez les autres. Les savants eux-mêmes sont intéressés à les répandre ;
elles servent à leur fortune, et établissent leur réputation qui leur est plus
chère que leur fortune. Une nation, par conséquent, où les sciences
seraient peu cultivées, pourrait néanmoins porter son industrie assez loin
en profitant des lumières venues d'ailleurs. Il n'en est pas ainsi de l'art
d'appliquer les connaissances de l'homme à ses besoins, et du talent de
l'exécution. Ces qualités ne profitent qu'à ceux qui les ont ; aussi un pays
où il y a beaucoup de négociants, de manufacturiers et d'agriculteurs
habiles, a plus de moyens de prospérité que celui qui se distingue
principalement par la culture de l'esprit. A l'époque de la renaissance des
lettres en Italie, les sciences étaient à Bologne; les richesses étaient à
Florence, à Gênes, à Venise. (68)

A3. La loi de Say

Chapitre 15, Des débouchés, page 122 :

Les entrepreneurs des diverses branches d'industrie ont coutume de


dire que la difficulté n'est pas de produire, mais de vendre; qu'on
produirait toujours assez de marchandises, si l'on pouvait facilement en
trouver le débit. Lorsque le placement de leurs produits est lent, pénible,
peu avantageux, ils disent que l'argent est rare ; l'objet de leurs désirs est

61
une consommation active qui multiplie les ventes et soutienne les prix.
Mais si on leur demande quelles circonstances, quelles causes sont
favorables au placement de leurs produits, on s'aperçoit que le plus grand
nombre n'a que des idées confuses sur ces matières, observe mal les faits
et les explique plus mal encore, tient pour constant ce qui est douteux,
souhaite ce qui est directement contraire à ses intérêts, et cherche à
obtenir de l'autorité une protection féconde en mauvais résultats.

Notons ce passage sur les hommes d’affaires qui comprennent mal


l’économie. La chose est toujours vrai aujourd’hui…

(123) L'homme dont l'industrie s'applique à donner de la valeur aux


choses en leur créant un usage quelconque ne peut espérer que cette
valeur sera appréciée et payée que là où d'autres hommes auront les
moyens d'en faire l'acquisition. Ces moyens, en quoi consistent-ils ? En
d'autres valeurs, d'autres produits, fruits de leur industrie, de leurs
capitaux, de leurs terres : d'où il résulte, quoique au premier aperçu cela
semble un paradoxe, que c'est la production qui ouvre des débouchés aux
produits.
produits

De la difficulté de vendre : certes une crise peut exister, mais elle


elle ne peut
être générale et a souvent son explication dans un blocage institutionnel,
une lourdeur administrative, une protection accordée par le
gouvernement

Cela étant ainsi, d'où vient, demandera-t-on, cette quantité de


Marchandises qui, à certaines époques, encombrent la circulation, sans
pouvoir trouver d'acheteurs ? pourquoi ces marchandises ne s'achètent-
elles pas les unes les autres ?

Je répondrai que des marchandises qui ne se vendent pas, ou qui se


vendent à perte, excèdent la somme des besoins qu'on a de ces
marchandises, soit parce qu'on en a produit des quantités trop
considérables, soit plutôt parce que d'autres productions ont souffert.
Certains produits surabondent, parce que d'autres sont venus à manquer.

62
En termes plus vulgaires, beaucoup de gens ont moins acheté, parce
qu'ils ont moins gagné 7 ; et ils ont moins gagné, parce qu'ils ont trouvé des
difficultés dans l'emploi de leurs moyens de production, ou bien parce que
ces moyens leur ont manqué.

Aussi l'on peut remarquer que les temps où certaines denrées ne se


vendent pas bien sont précisément ceux où d'autres denrées montent à des
prix excessifs 8 ; et comme ces prix élevés seraient des motifs pour en
favoriser la production, il faut que des causes majeures ou des moyens
violents, comme des désastres naturels ou politiques, l'avidité ou
l'impéritie (NB : Le terme impéritie désigne l’ignorance de l’art que l’on pratique) des
gouvernements, maintiennent forcément d'un côté cette pénurie, qui cause
un engorgement de l'autre. Cette cause de maladie politique vient-elle à
cesser, les moyens de production se portent vers les routes où la
production est demeurée en arrière ; en avançant dans ces voies-là, elle
favorise l'avancement de la production dans toutes les autres. Un genre de
production devancerait rarement les autres, et ses produits seraient
rarement avilis, si tous étaient toujours laissés à leur entière liberté 9.

7
Les gains se composent, dans tous les États, depuis le plus gros négociant jusqu'au plus simple
manœuvre, de la part qu'on obtient dans les valeurs produites. Les proportions suivant lesquelles cette
distribution se fait forment la matière du second livre de cet ouvrage.
8
Il est facile à tout lecteur d'appliquer ces observations générales aux pays et aux époques dont
il a connaissance. Nous en avons eu un exemple bien frappant en France, dans les années 1811, 1812 et
1813, où l'on a vu marcher de front le prix exorbitant des denrées coloniales, du blé, et de plusieurs
autres produits, avec l'avilissement de beaucoup de denrées qui ne trouvaient que des débouchés
désavantageux.
9
Ces considérations, qui sont fondamentales pour tout Traité ou Mémoire écrit sur des matières
commerciales, et pour toute opération de l'administration relative aux mêmes objets, y sont restées
jusqu'à présent presque entièrement étrangères. Il semble qu'on n'ait rencontré la vérité que par hasard,
et qu'on n'ait pris la bonne route (quand par bonheur on l'a fait) que par un sentiment confus de ce qui
convenait, sans être convaincu, et sans avoir le moyen de convaincre les autres.
M. de Sismondi, qui paraît n'avoir pas bien entendu les principes établis dans ce
chapitre et dans les trois premiers chapitres du livre Il de cet ouvrage, cite, comme une preuve que l'on
peut trop produire, cette immense quantité de produits manufacturés dont l'Angleterre surcharge les
marchés étrangers. (Nouveaux Principes, etc., livre IV, chap. 4.) Cette surabondance ne prouve autre
chose que l'insuffisance de la production aux lieux où les marchandises anglaises surabondent. Si le
Brésil produisait assez pour acheter les produits anglais qu'on y porte, ces produits ne s'y engorgeraient
pas. Il faudrait pour cela que le Brésil fût plus industrieux, qu'il possédât plus de capitaux, que ses
douanes laissassent toute latitude sur le choix des marchandises qu'on juge à propos d'y porter, que les
douanes anglaises ne fussent plus un obstacle à l'entrée en Angleterre des marchandises du Brésil, et
laissassent toute liberté sur le choix des retours.
Le sens de ce chapitre-ci n'est pas qu'on ne puisse pas produire d'une certaine
marchandise trop en proportion des besoins, mais seulement que ce qui favorise le débit d'une
marchandise, c'est la production d'une autre.

63
La monnaie n’est qu’un voile
Lorsque vous ne vendez pas facilement vos produits, dites-vous que
c'est parce que les acquéreurs manquent de voitures pour les emporter ?
Eh bien ! l'argent n'est que la voiture de la valeur des produits. Tout son
usage a été de voiturer chez vous la valeur des produits que l'acheteur
avait vendus pour acheter les vôtres ; de même, il transportera, chez celui
auquel vous ferez un achat, la valeur des produits que vous aurez vendus
à d'autres.

« C'est donc avec la valeur de vos produits, transformée


momentanément en une somme d'argent, que vous achetez, que tout le
monde achète les choses dont chacun a besoin. Autrement comment ferait-
on pour acheter maintenant en France, dans une année, six ou huit fois
plus de choses qu'on n'en achetait sous le règne misérable de Charles VI ?
Il est évident que c'est parce qu'on y produit six ou huit fois plus de choses,
et qu'on achète ces choses les unes avec les autres. »

Le long terme est un peu flou. Son analyse est valide dans la mesure où
il ne présente les choses que comme une possibilité. Il est certain que
d’après lui un phénomène de productivité marginale décroissante est à
l’œuvre. Mais son erreur, voir le dernier paragraphe, semble surtout être
de nature psychologique (par opposition à économique) qu’il croît que les
gens vont se lasser de consommer, que l’intensité des besoins va baisser
une fois
fois les besoins essentiels satisfaits.
On voudra savoir peut-être quel serait le terme d'une production
croissante et où des produits, chaque jour plus considérables,
s'échangeraient constamment les uns contre les autres ; car enfin ce n'est
que dans les quantités abstraites qu'il y a des progressions infinies, et
dans la pratique la nature des choses met des bornes à tous les excès. Or,
c'est l'économie politique pratique que nous étudions ici.

Le traducteur de cet ouvrage en anglais, M. C. R. Prinsep, a joint à cette note une


autre note que voici :
« Les vues de Sismondi à cet égard ont été adoptées par Malthus, et celles de notre
auteur par Ricardo. Il en est résulté une discussion intéressante entre notre auteur et Malthus. Si les
arguments contenus dans ce chapitre avaient besoin de confirmation, on la trouverait dans les Lettres
adressées à Malthus sur ce sujet et sur quelques autres points de la science, par J.-B. Say. Sismondi,
dans les Annales de Législation, a vainement essayé de répondre à Ricardo, et il a passé sous le silence
son premier antagoniste. »

64
L'expérience ne nous a jamais offert encore l'exemple d'une nation
complètement pourvue de tous les produits qu'elle est en état de créer et
de consommer ; mais nous pouvons étendre par la pensée à tous les
produits, successivement, ce que nous avons observé sur quelques-uns. Au-
delà d'un certain point, les difficultés qui accompagnent la production, et
qui sont en général surmontées par les services productifs, s'accroissent
dans une proportion plus rapide, et ne tardent pas à surpasser la satis-
faction qui peut résulter de l'usage qu'on fait du produit. Alors on peut
bien créer une chose utile, mais son utilité ne vaut pas ce qu'elle coûte, et
elle ne remplit pas la condition essentielle d'un produit, qui est d'égaler
tout au moins en valeur ses frais de production. Quand on a obtenu d'un
territoire toutes les denrées alimentaires qu'on en peut obtenir, si l'on fait
venir de plus loin de nouvelles denrées alimentaires, leur production peut
se trouver tellement dispendieuse que la chose procurée ne vaille pas ce
qu'elle coûte. Si le travail de trente journées d'hommes ne pouvait les
nourrir que pendant vingt jours, il ne serait pas possible de se livrer à une
semblable production ; elle ne favoriserait pas le développement de
nouveaux individus, qui par conséquent ne formeraient pas la demande de
nouveaux vêtements, de nouvelles habitations, etc.

A la vérité, le nombre des consommateurs étant borné par les denrées


alimentaires, leurs autres besoins peuvent se multiplier indéfiniment, et
les produits capables de les satisfaire peuvent se multiplier de même et
s'échanger entre eux. Ils peuvent se multiplier également pour former des
accumulations et des capitaux. Toutefois, les besoins devenant de moins
en moins pressants, on conçoit que les consommateurs feraient
graduellement moins de sacrifices pour les satisfaire ; c'est-à-dire qu'il
serait de plus en plus difficile de trouver dans le prix des produits une
juste indemnité de leurs frais de production. Toujours est-il vrai que les
produits se vendent d'autant mieux que les nations ont plus de besoins, et
qu'elles peuvent offrir plus d'objets en échange ; c'est-à-dire qu'elles sont
plus généralement civilisées.

In Say's language, "products are paid for with products" (1803: p.153) or "a
glut can take place only when there are too many means of production
applied to one kind of product and not enough to another", (1803: p.178-
9.). Or:

65
"It is worth while to remark, that a product is no sooner created, than it,
from that instant, affords a market for other products to the full extent of
its own value. When the producer has put the finishing hand to his
product, he is most anxious to sell it immediately, lest its value should
diminish in his hands. Nor is he less anxious to dispose of the money he
may get for it; for the value of money is also perishable. But the only way
of getting rid of money is in the purchase of some product or other. Thus
the mere circumstance of creation of one product immediately opens a vent
for other products." (J.B. Say, 1803: p.138-9)

Ou théorie des débouchés.


"L'offre génère sa propre demande" "les produits s'échangent contre des
produits"
idée : (Sowell) : la production d'une marchandise donnée génère
nécessairement un revenu suffisant pour acheter cette production.
problème : le revenu suffisant sera-t-il dépensé ? (Non répond
Malthus et Keynes après lui). Page 28 : C'est ainsi que, ne caractérisant
pas les deux sortes de consommations, l'improductive et la reproductive, il
ne prouve point d'une manière satisfaisante que la consommation des
valeurs épargnées et accumulées pour former des capitaux est aussi réelle
que la consommation des valeurs qu'on dissipe.

Page 98 il y revient :

Il est bien essentiel qu'on remarque que, de manière ou d'autre, soit


qu'on dépense improductivement une épargne, soit qu'on la dépense
productivement, elle est toujours dépensée et consommée ; et ceci détruit
une opinion bien fausse, quoique bien généralement répandue, c'est que
l'épargne nuit à la consommation. Toute épargne, pourvu qu'on en fasse
l'objet d'un placement, ne diminue en rien la consommation, et, au
contraire, elle donne lieu à une consommation qui se reproduit et se
renouvelle à perpétuité, tandis qu'une consommation improductive ne se
répète point. On voit que l'accumulation, présentée sous ses véritables
traits, n'a rien qui doive la rendre odieuse ; on sentira tout à l'heure au
contraire les bons effets dont elle est suivie.

Il ne nie pas l’existence de capitaux improductifs et suggère que leur


présence s’explique en général par le manque de fiabilité des institutions
(Ottomanes)

66
Parmi beaucoup d'autres causes de la misère et de la faiblesse où l'on
voit des États soumis à la domination ottomane, on ne peut douter que la
quantité de capitaux qui y sont retenus dans l'inaction n'en soit une des
principales. La défiance, l'incertitude où chacun est sur son sort futur,
engagent les gens de tous les ordres, depuis le pacha jusqu'au paysan, à
soustraire une partie de sa propriété aux regards avides du pouvoir ; or, on
ne peut soustraire une valeur à la vue que par son inaction. C'est un
malheur partagé à différents degrés par tous les pays soumis au pouvoir
arbitraire, surtout lorsqu'il est violent. Aussi remarque-t-on dans les
vicissitudes que présentent les orages politiques un certain resserrement
de capitaux, une stagnation d'industrie, une absence de profits, une gêne
universelle, lorsque la crainte s'empare des esprits ; et, au contraire, un
mouvement, une activité très favorables à la prospérité publique, du
moment que la confiance tenait. (106)

Commentaire : Supply-Sider, il a dit : "L'argent n'est que la voiture


de la valeur des produits"
Friedman lui fait écho : "Rien n'est moins important que la
monnaie... quand elle est bien gérée".
Processus d'équilibrage (et non pas d'équilibre) empêche crise
généralisée de surproduction. Erreur : il oublie les politiques monétaires et
le mal investissement qui peut en résulter (Hayek).

A4. Say et l’Etat

La propriété

Le philosophe spéculatif peut s'occuper à chercher les vrais fondements du


droit de propriété; le jurisconsulte peut établir les règles qui président à la
transmission des choses possédées; la science politique peut montrer
quelles sont les plus sûres garanties de ce droit; quant à l'économie
politique, elle ne considère la propriété que comme le plus puissant des
encouragements à la multiplication des richesses. (117)

Plus loin… les mérites de la propriété sont expliqués

67
Il y a des vérités tellement évidentes, qu'il parait tout à fait superflu
d'entreprendre de les prouver. Celle-là est du nombre. Qui ne sait que la
certitude de jouir du fruit de ses terres, de ses capitaux, de son labeur, ne
soit le plus puissant encouragement qu'on puisse trouver à les faire valoir
? Qui ne sait qu'en général nul ne connaît mieux que le propriétaire le
parti qu'on peut tirer de sa chose, et que nul ne met plus de diligence à la
conserver ? Mais en même temps combien, dans la pratique, ne s'écarte-t-
on pas de ce respect des propriétés qu'on juge si avantageux en théorie!
Sur quels faibles motifs n'en propose-t-on pas souvent la violation ! Et
cette violation, qui devrait exciter naturellement quelque indignation,
qu'elle est facilement excusée par ceux qui n'en sont pas victimes ! tant il y
a peu de gens qui sentent avec quelque vivacité ce qui ne les blesse pas
directement, ou qui, sentant vivement, sachent agir comme ils savent
penser !

Il n'y a point de propriété assurée partout où un despote peut


s'emparer, sans leur consentement, de la propriété de ses sujets. La
propriété n'est guère plus assurée, lorsque le consentement n'est
qu'illusoire. Si, en Angleterre, où les impôts ne peuvent être établis que
par les représentants de la nation, le ministère disposait de la majorité des
votes, soit au moyen de l'influence qu'il exerce sur les élections, soit en
raison de la multitude de places dont on lui a imprudemment laissé la
distribution, alors l'impôt ne serait réellement pas voté par des
représentants de la nation ; ceux qu'on qualifierait ainsi ne seraient, dans
le fait, que les représentants du ministère; et le peuple anglais ferait
forcément des sacrifices énormes pour soutenir une politique qui ne lui
serait nullement favorable 10.

L’impôt viole la propriété : C’est une spoliation

Les contributions publiques, même lorsqu'elles sont consenties par la


nation, sont une violation des propriétés, puisqu'on ne peut lever des
valeurs qu'en les prenant sur celles qu'ont produites les terres, les

10
Ce passage a été écrit à une époque où l'or du peuple anglais contribuait à enchaîner et à abrutit
les nations de l'Europe. Postérieurement son cabinet a suivi les conseils d'une politique plus sage, mais
qui n'empêche pas que de très lourds abus ne pèsent sur les classes les plus nombreuses de la société, et
ne les exposent à plus de privations que les mêmes classes n'en éprouvent chez des nations moins
industrielles et moins opulentes.

68
capitaux et l'industrie des particuliers ; aussi toutes les fois qu'elles
excèdent la somme indispensable pour la conservation de la société, il est
permis de les considérer comme une spoliation.

C’est pourquoi les violations doivent être aussi rares que possible : (120)

Say et le développement durable ?!

Il y a quelques autres cas excessivement rares, où l'on peut, avec


quelque avantage, intervenir entre le particulier et sa propriété. C'est
ainsi que, dans les pays où l'on reconnaît ce malheureux droit de l'homme
sur l'homme, droit qui blesse tous les autres, on pose cependant certaines
bornes au pouvoir du maître sur l'esclave ; c'est encore ainsi que la crainte
de provoquer le dessèchement des cours d'eau, ou la nécessite de procurer
à la société des bois de marine ou de charpente dont on ne saurait se
passer, fait tolérer des règlements relatifs à la coupe des forêts
particulières 11 ; et que la crainte de perdre les minéraux qu'enferme le sol
impose quelquefois au gouvernement l'obligation de se mêler de
l'exploitation des mines. On sent en effet que, si la manière d'exploiter
restait entièrement libre, un défaut d'intelligence, une avidité trop
impatiente, ou des capitaux insuffisants, pourraient conseiller à un
propriétaire des fouilles superficielles qui épuiseraient les portions les plus
apparentes et souvent les moins fécondes d'une veine, et feraient perdre la
trace des plus riches filons. Quelquefois une veine minérale passe au-
dessous du sol de plusieurs propriétaires, mais l'accès n'en est praticable
que par une seule propriété ; il faut bien, dans ce cas, vaincre la volonté
d'un propriétaire récalcitrant, et déterminer le mode d'exploitation 12 ;
encore n'oserais-je pas répondre qu'il ne fût préférable de respecter son
travers, et que la société ne gagnât davantage à maintenir inviolablement
les droits d'un propriétaire qu'à jouir de quelques mines de plus.

11
Peut-être, au reste, que, sans les guerres maritimes dont les unes ont pour cause des vanités
puériles, et les autres des intérêts mal entendus ; peut-être, dis-je, que le commerce fournirait à très bon
compte les meilleurs bois de marine, et que l'abus de réglementer les forêts particulières n'est que la
conséquence d'un autre abus plus cruel et moins excusable. On peut faire des réflexions du même genre
sur les vexations et le monopole auxquels donnent lieu en France l'extraction du salpêtre et la
fabrication de la poudre. En Angleterre, où ces abus n'existent pas et où le gouvernement achète sa
poudre aux particuliers, il n'en a jamais manqué et elle ne lui revient pas aussi cher.
12
Le traducteur américain de cet ouvrage observe en cet endroit, dans une note, qu'il convient de
se méfier beaucoup des motifs sur lesquels on s'appuie quand il s'agit de gêner une exploitation
quelconque; car des motifs tout aussi spécieux peuvent être allégués pour opposer des entraves à une
multitude d'autres travaux.

69
Le caractère pervers et improductif de la protection des emplois

Certes, la dynamique économique nécessite des ajustements, parfois


pénibles. Lisons ce passage sur les effets de l’introduction de nouvelles
machines : L'introduction des nouveautés les plus précieuses est toujours
accompagnée de quelques inconvénients; quelques intérêts sont toujours
liés à l'emploi d'une méthode vicieuse, et ils se trouvent froissés par
l'adoption d'une méthode meilleure. Lorsqu'une nouvelle machine, ou en
général un procédé expéditif quelconque, remplace un travail humain déjà
en activité, une partie des bras industrieux dont le service est utilement
suppléé, demeurent momentanément sans ouvrage. Et l'on a tiré de là des
arguments assez graves contre l'emploi des machines; en plusieurs lieux,
elles ont été repoussées par la fureur populaire, et même par des actes de
l'administration. Ce serait toutefois un acte de folie que de repousser des
améliorations à jamais favorables à l'humanité, à cause des inconvénients
qu'elles pourraient avoir dans l'origine; inconvénients d'ailleurs atténués
par les circonstances qui les accompagnent ordinairement.

1° C'est avec lenteur que s'exécutent les nouvelles machines, et que


leur usage s'étend; ce qui laisse aux industrieux dont les intérêts peuvent
en être affectés, le loisir de prendre leurs précautions et à l'administration
le temps de préparer des remèdes 13.

2° On ne peut établir des machines sans beaucoup de travaux qui


procurent de l'ouvrage aux gens laborieux dont elles peuvent détruire les
occupations. Si l'on remplace par une machine hydraulique le travail des
porteurs d'eau employés dans une grande ville, il faut, par exemple,
donner, pour un temps du moins, de l'occupation aux ouvriers
charpentiers, maçons, forgerons, terrassiers, qui construiront les édifices,
puis poseront les tuyaux de conduite, les embranchements, etc.

13
Sans restreindre pour un temps et dans certains endroits l'emploi des nouveaux procédés et des
nouvelles machines, ce qui serait une violation de la propriété acquise par l'invention et l'exécution des
machines, une administration bienveillante peut préparer d'avance de l'occupation pour les bras
inoccupés, soit en formant, à ses frais, des entreprises d'utilité publique, comme un canal, une route, un
grand édifice; soit en provoquant une colonisation, une translation de population d'un lieu dans un autre.
L'emploi des bras qu'une machine laisse sans occupation est d'autant plus facile que ce sont pour
l'ordinaire des bras accoutumés au travail.

70
3° Le sort du consommateur, et par conséquent de la classe ouvrière qui
souffre, est amélioré par la baisse de la valeur du produit même, auquel
elle concourait.

Au surplus, ce serait vainement qu'on voudrait éviter le mal passager


qui peut résulter de l'invention d'une machine nouvelle, par la défense
d'en faire usage. Si elle est avantageuse, elle est ou sera exécutée quelque
part; ses produits seront moins chers que ceux que vos ouvriers
continueront à créer laborieusement ; et tôt ou tard leur bon marché
enlèvera nécessairement à ces ouvriers leurs consommateurs et leur
ouvrage. Si les fileurs de coton au rouet qui, en 1789, brisèrent les
machines à filature qu'on introduisait alors en Normandie, avaient
continué sur le même pied, il aurait fallu renoncer à fabriquer chez nous
des étoffes de coton; on les aurait toutes tirées du dehors ou remplacées
par d'autres tissus ; et les fileurs de Normandie, qui pourtant finirent par
être occupés en majeure partie dans les grandes filatures, seraient demeu-
rés encore plus dépourvus d'occupation.

Voilà pour ce qui est de l'effet prochain qui résulte de l'introduction des
nouvelles machines. Quant à l'effet ultérieur, il est tout à l'avantage des
machines. (vers 74)

Inconvénients de la division du travail :

Après avoir examiné les avantages et les bornes de la subdivision des


différents travaux de l'industrie, si nous voulons avoir une vue complète
du sujet, il convient d'observer les inconvénients qu'elle traîne à sa suite.

Un homme qui ne fait, pendant toute sa vie, qu'une même opération,


parvient à coup sûr à l'exécuter mieux et plus promptement qu'un autre
homme; mais en même temps il devient moins capable de toute autre
occupation, soit physique, soit morale ; ses autres facultés s'éteignent, et il
en résulte une dégénération dans l'homme considéré individuellement.
C'est un triste témoignage à se rendre, que de n'avoir jamais fait que la
dix-huitième partie d'une épingle; et qu'on ne s'imagine pas que ce soit
uniquement l'ouvrier qui, toute sa vie, conduit une lime ou un marteau,
qui dégénère ainsi de la dignité de sa nature ; c'est encore l'homme qui,
par état, exerce les facultés les plus déliées de son esprit. (84)

Financement de la recherche
recherche par l’impôt :

71
Ici Say développe un argument du type externalité positives financées par
l’impôt.

Un gouvernement éclairé sur ses devoirs, et qui dispose de ressources


vastes, ne laisse pas aux particuliers toute la gloire des découvertes
industrielles. Les dépenses que causent les essais, quand le gouvernement
les fait, ne sont pas prises sur les capitaux de la nation, mais sur ses
revenus, puisque les impôts ne sont, ou du moins ne devraient jamais être
levés que sur les revenus. La portion des revenus qui, par cette voie, se
dissipe en expériences, est peu sensible, parce qu'elle est répartie sur un
grand nombre de contribuables ; et les avantages qui résultent des succès
étant des avantages généraux, il n'est pas contraire à l'équité que les
sacrifices au prix desquels on les a obtenus soient supportés par tout le
monde. (70)

Mais attention, pas de dérapage ! Pas d’angélisme !

En résultat, on peut dire que la séparation des travaux est un habile


emploi des forces de l'homme ; qu'elle accroît en conséquence les produits
de la société, c'est-à-dire sa puissance et ses jouissances, mais qu'elle ôte
quelque chose à la capacité de chaque homme pris individuellement

Cet inconvénient, au reste, est amplement compensé par les facilités


qu'une civilisation plus avancée procure à tous les hommes pour
perfectionner leur intelligence et leurs qualités morales. L'instruction de
la première enfance mise à la portée des familles d'ouvriers, l'instruction
qu'ils peuvent puiser dans des livres peu chers, et cette masse de lumières
qui circule perpétuellement au milieu d'une nation civilisée et
industrieuse, ne permettent pas qu'aucun de ses membres soit abruti
seulement par la nature de son travail. Un ouvrier d'ailleurs n'est pas
constamment occupé de sa profession ; il passe nécessairement une partie
de ses instants à ses repas et ses jours de repos au sein de sa famille. S'il
se livre à des vices abrutissants, c'est plutôt aux institutions sociales qu'à
la nature de son travail qu'il faut les attribuer. (85)

Sur l’Acte de Navigation (91)

72
Say dit que l’Acte pouvait avoir deux buts : militaire ou économique.
(Rappelons que pour Smith, c’est avant tout militaire). Il dit que du point
de vue militaire cela avait peut-être sa raison d’être (voir surtout la note
de bas de page à ce sujet). Mais d’un point de vue économique cela n’a pas
de sens.

Il en est résulté que toujours on a vu des considérations militaires


et politiques se mêler aux vues industrielles et commerciales dans ce
qui a eu rapport à la navigation ; et lorsque l'Angleterre, par son acte
de navigation, a interdit à tout bâtiment dont les armateurs et
l'équipage ne seraient pas au moins pour les trois quarts Anglais, de
faire le commerce de transport pour elle, son but a été non pas autant
de recueillir le bénéfice qui en pouvait résulter que d'augmenter ses
forces navales et de diminuer celles des autres puissances,
particulièrement de la Hollande, qui faisait alors un grand commerce
de transport, et qui était à cette époque le principal objet de la
jalousie anglicane.

On ne peut nier que cette vue ne soit celle d'une habile


administration, en supposant toutefois qu'il convienne à une nation
de dominer sur les autres14. Toute cette vieille politique tombera.
L'habileté sera de mériter la préférence, et non de la réclamer de
force. Les efforts qu'on fait pour s'assurer la domination ne
procurent jamais qu'une grandeur factice qui fait nécessairement de
tout étranger un ennemi. Ce système produit des dettes, des abus,
des tyrans et des révolutions; tandis que l'attrait d'une convenance
réciproque procure des amis, étend le cercle des relations utiles ; et la
prospérité qui en résulte est durable, parce qu'elle est naturelle.

Sur les illusions des citoyens qui croient bénéficier du protectionnisme

Mais des mesures telles que l’Acte de Navigation reçoivent souvent le


soutien du peuple qui ne comprend pas son intérêt. En fait, les plus
affectés par ce type de mesure ne sont pas les étrangers mais les
consommateurs nationaux.

14
Aux États-Unis, le traducteur de cet ouvrage, M. Biddle; en Angleterre, M. Horner et les
auteurs de la Revue d'Édimbourg nient que l'acte de navigation ait en rien contribué à la puissance
maritime de l'Angleterre. Je conviens, qu'à parler dans le sens des intérêts de l'Angleterre, c'était une fort
mauvaise mesure; mais je ne conviens pas qu'il n'ait rien servi à sa prépondérance militaire.

73
(154) Un gouvernement qui défend absolument l'introduction de
certaines marchandises étrangères établit un monopole en faveur de
ceux qui produisent cette marchandise dans l'intérieur, contre ceux
qui la consomment ; c'est-à-dire que ceux de l'intérieur qui la
produisent, ayant le privilège exclusif de la vendre, peuvent en élever
le prix au-dessus du taux naturel, et que les consommateurs de
l'intérieur, ne pouvant l'acheter que d'eux, sont obligés de la payer
plus cher 15.

Et il est bon de remarquer que chacun se croit plutôt dupeur que que
dupé; car, quoique chacun soit consommateur en même temps qu'il
dupé
est producteur, les profits excessifs qu'on fait sur une seule espèce de
denrée, celle qu'on produit, sont bien plus sensibles que les pertes
multipliées, mais petites, qu'on fait sur mille denrées différentes que
l'on consomme.

Il reprend cette idée un peu plus loin, en y ajoutant une analyse du


comportement de l’Etat. On est déjà dans l’esprit de l’école des choix
publics :

C'est pourquoi les gens exerçant une profession quelconque sont


ordinairement portés à solliciter des règlements de la part de
l'autorité publique ; et l'autorité publique, y trouvant toujours de son
côté l'occasion de lever de l'argent, est fort disposée à les accorder.

15
David Ricardo, dans un livre qu'il a publié en 1817, sous le titre de Principes de l'Économie
politique de l'impôt, observe avec raison, à l'occasion de ce passage, que le gouvernement ne saurait,
par une prohibition, élever un produit au-dessus de son taux naturel; car alors les producteurs de
l'intérieur, en se livrant à ce genre de production, en ramèneraient bientôt, par leur concurrence, les
profits au niveau de tous les autres. Je dois donc, pour expliquer ma pensée, dire que je regarde le taux
naturel d'une marchandise comme étant le prix le plus bas auquel on peut se la procurer, sois par la voie
du commerce ou par toute autre industrie. Si l'industrie commerciale peut la donner à meilleur marché
que les manufactures, et si le gouvernement force à la produire par les manufactures, il force dès lors à
préférer une manière plus dispendieuse. C'est un tort qu'il fait à ceux qui la consomment, sans qu'il
résulte pour le fabricant indigène un profit équivalent à ce que le consommateur paie de plus; car la
concurrence intérieure force le fabricant à réduire ses profits au taux général des profits qu'on peut faire
sur ce genre de manufactures. Il ne jouit d'aucun monopole. C'est sous ce point de vue que la critique de
Ricardo est fondée; mais la mesure que je combats n'en est que plus mauvaise. Elle augmente, au
détriment des consommateurs, la difficulté naturelle qui s'oppose à la satisfaction de nos besoins, et c'est
sans profit pour personne.

74
Même les traités de baisse des tarifs, dans la mesure où ils sont bilatéraux
et non généraux, sont dangereux.

Je ferai observer encore que les traités de commerce offrant à une


nation étrangère des faveurs spéciales sont des actes sinon hostiles,
du moins odieux à toutes les autres nations. On ne peut faire valoir
une concession qu'on fait aux uns qu'en la refusant aux autres. De là
des causes d'inimitiés, des germes de guerre toujours fâcheux. Il est
bien plus simple, et j'ai montré qu'il serait bien plus profitable, de
traiter tous les peuples en amis,
amis, et de ne mettre, sur l'introduction
des marchandises étrangères, que des droits analogues à ceux dont
est chargée la production intérieure.

Mais il s’agit de rester prudent dans l’effort de libéralisation :

Malgré les inconvénients que j'ai signalés dans les prohibitions de


denrées étrangères, il serait sans doute téméraire de les abolir
brusquement. Un malade ne se guérit pas dans un jour. Une nation
veut être traitée avec de semblables ménagements, même dans le
bien qu'on lui fait. Que de capitaux, que de mains industrieuses
employés dans des fabrications monopoles, qu'il faut dès lors
ménager, quoiqu'elles soient des abus ! Ce n'est que peu à peu que ces
capitaux et cette main-d'œuvre peuvent trouver des emplois plus
avantageusement productifs pour la nation. Peut-être n'est-ce pas
trop de toute l'habileté d'un grand homme d'État pour cicatriser les
plaies qu'occasionne l'extirpation de cette loupe dévorante du système
réglementaire et exclusif ; et quand on considère mûrement le tort
qu'il cause quand il est établi, et les maux auxquels on peut être
exposé en l'abolissant, on est conduit naturellement à cette réflexion :
s'il est si difficile de rendre la liberté à l'industrie, combien ne doit-
doit-
on pas être réservé lorsqu'il s'agit de l'ôter !

Et il termine enfin avec cette fabuleuse image de Fénelon

75
(159) Le commerce, suivant une expression de Fénelon, est
semblable aux fontaines naturelles qui tarissent bien souvent quand
on veut en changer le cours16.

L’optimisme

Conclusion du discours préliminaire : l’optimisme de Say, le savoir


et le bon sens vaincront, nous ne ferons plus les mêmes erreurs.
« Mais ce qui a surtout contribué aux progrès de l'économie politique,
ce sont les circonstances graves dans lesquelles le monde civilisé s'est
trouvé enveloppé depuis quarante ans. Les dépenses des
gouvernements se sont accrues à un point scandaleux ; les appels que,
pour subvenir à leurs besoins, ils ont été forcés de faire à leurs sujets,
ont averti ceux-ci de leur importance; le concours de la volonté
générale, ou du moins de ce qui en a l'air, a été réclamé, sinon établi,
presque partout. Des contributions énormes, levées sur les peuples
sous des prétextes plus ou moins spécieux, n'ayant pas même été
suffisantes, il a fallu avoir recours au crédit; pour obtenir du crédit, il
a fallu montrer les besoins comme les ressources des États ; et la
publicité de leurs comptes, la nécessite de justifier aux yeux du
public les actes de l'administration, ont produit dans la politique
une révolution morale dont la marche
marche ne peut plus s'arrêter.

Dans le même temps, de grands bouleversements, de grands


malheurs ont offert de grandes expériences. L'abus des papiers-
papiers-
monnaies,
monnaies des interruptions commerciales,
commerciales, et d'autres encore ont fait
apercevoir les dernières conséquences de presque tous les excès. Et
tout à coup des digues imposantes rompues, de colossales invasions,
des gouvernements détruits, d'autres créés, des empires nouveaux
formés dans un autre hémisphère, des colonies devenues
indépendantes, un certain élan général des esprits, si favorable à tous
les développements des facultés humaines, de belles espérances et de
grands mécomptes, ont certainement beaucoup étendu le cercle de nos

16
La convention nationale de France défendit l'entrée des cuirs bruts d'Espagne, sous prétexte
qu'ils nuisaient au commerce de ceux de France. Elle ne fit pas attention que la France renvoyait en
Espagne ces mêmes cuirs après qu'ils étaient tannés. Les Espagnols, obligés de consommer eux-mêmes
leurs cuirs bruts, s'appliquèrent à les tanner, et cette industrie passa en Espagne avec une bonne partie
des capitaux et des ouvriers français. Il est presque impossible qu'un gouvernement puisse, je ne dis pas
se mêler utilement de l'industrie, mais éviter, quand il s'en mêle, de lui faire du mal.

76
idées, d'abord chez les hommes qui savent observer et penser, et par
suite, chez tout le monde.

C'est ainsi que les espérances marchent de front avec les obstacles, et
que l'impulsion qui porte les sociétés humaines vers un meilleur
avenir aura tout son effet. »

Ou encore

Remarquez en outre qu'il est impossible d'assigner une limite à la


puissance qui résulte pour l'homme de la faculté de former des
capitaux ; car les capitaux qu'il peut amasser avec le temps, l'épargne
et son industrie, n'ont point de bornes. (105)

Un grand Monsieur, un grand professeur (qui envoyait son fils lire ses
notes aux étudiants). Un penseur d’une grande clarté.

77
Section 2.2 Frédéric BASTIAT

1801-1850

- Né à Bayonne, juge de paix à Mugron (orphelin à 9ans)


- 1831, élu au Conseil Général du département des Landes
- abonné par hasard au The Globe and Traveller (dispute dans un cercle d'amis
amateurs d'économie), découvre l'existence de l'Anti-Corn-Laws-League de Cobden et
Bright
 enthousiasme  écrit un article pour le Journal des Economistes félicité par
Chevalier et Dunoyer.
On est en 1844, il allait donc mourir 6 ans plus tard :
Entre temps : pour lutter contre protectionnisme et socialisme
Sophismes économiques (pamphlets)
Cobden et la Ligue (livre)
1846 : fonde une association pour la liberté des échanges
1848 : révolution - IIè Rep - Louis Napoléon dans un premier temps président de la
république se fait proclamer empereur en 1952.
Déçu par la politique de ceux-ci il entreprend une oeuvre importante

Harmonies économiques
C'est un libéral croyant (cf. Libéral et Croyant) dont au delà d'un optimisme
sans faille et d'un libéralisme humanitaire, on notera :
* la primauté du consommateur sur l'Etat et les producteurs "Pétition des
marchands de chandelles ... contre la concurrence déloyale du Soleil" (mandarines
espagnoles)
* une excellente analyse de la vie politique, et des décisions administrées.
* peut être un pressentiment du rôle de l'information et des connaissances : "Ce
qu'on voit et ce qu'on ne voit pas"

Les mêmes fins que les socialistes de son temps, mais des moyens opposés.

78
Charles Dunoyer
1786-
A fondé et dirigé avec Charles Comte Le Censeur. Les libéraux contre la Restauration
des Bourbons.
« L’économie politique est la science de la liberté » écrivait saint Simon dans le
Censeur.
La morale comme pièce essentielle de l’appareil économique.
L’Etat n’a qu’un rôle, celui de producteur de sécurité.
Dénonce une nouvelle forme de Colbertisme issu de la Révolution française et de
l’Empire.
1845 : De la liberté du travail (période du rapport Villermé)
Moralisme bourgeois et conservatisme social le caractèrisent d’après Villey.

D’après Rothbard, Dunoyer et Comte (et Augustin Thierry, leur disciple) auraient
développé une théorie de la fragmentation de la société en classes. Mais ici, le critère
de démarcation serait entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l’ont pas, entre ceux
qui tiennent les reines de l’Etat et ceux qui subissent.

On m’a parlé de l’analyse des marchés de Coquelin qui serait très proche de celle de
kirzner.

Conclusion sur les classiques délibérés:


Main invisible, équilibration, harmonie… uns même analyse.

→ des pensées très diverses (cf. Bastiat et John Stuart Mill), mais une même
conclusion quand à l'éco. politique : "Longtemps après eux, on ne pourra parler
d'"économiste libéral" sans paraître faire un pléonasme" (villey). S'il n'en n'est plus de
même aujourd'hui (quoique .. aux Etats Unis cela demeure vrai) en grande partie) ;
c'est que les socialistes - sutout français - sont passés par là.

→ rôle de l'échange et de la division du travail pour promouvoir le progrès

→ même si l'ordre d'une éco. de marché n'est pas parfait (et ils le reconnnaissent) ;
l'intervention de l'Etat ne peut qu'aggraver le mal (à quelques exceptions prêts, ex. :
Smith et L'acte de Navigation, Ricardo et le contrôle de l'émission ...)

79
Annexer : extraits de F Bastiat

Ce qu'on voit
et
ce qu'on ne voit pas

Frédéric Bastiat
http://bastiat.org/

• Introduction
• I. La vitre cassée
• II. Le licenciement
• III. L'impôt
• IV. Théâtres, Beaux-Arts
• V. Travaux publics
• VI. Les Intermédiaires
• VII. Restriction
• VIII. Les Machines
• IX. Crédit
• X. L'Algérie
• XI. Épargne et Luxe
• XII. Droit au Travail, Droit au Profit
Dans la sphère économique, un acte, une habitude, une institution, une loi
n'engendrent pas seulement un effet, mais une série d'effets. 1 De ces effets, le premier
seul est immédiat; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres
ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas; heureux si on les prévoit.

80
Entre un mauvais et un bon Économiste, voici toute la différence: l'un s'en tient à
l'effet visible; l'autre tient compte et de l'effet qu'on voit et de ceux qu'il faut prévoir.

Mais cette différence est énorme, car il arrive presque toujours que, lorsque la
conséquence immédiate est favorable, les conséquences ultérieures sont funestes, et
vice versa. — D'où il suit que le mauvais Économiste poursuit un petit bien actuel qui
sera suivi d'un grand mal à venir, tandis que le vrai économiste poursuit un grand bien
à venir, au risque d'une petit mal actuel.

Du reste, il en est ainsi en hygiène, en morale. Souvent, plus le premier fruit d'une
habitude est doux, plus les autres sont amers. Témoin: la débauche, la paresse, la
prodigalité. Lors donc qu'un homme, frappé de l'effet qu'on voit, n'a pas encore appris
à discerner ceux qu'on ne voit pas, il s'abandonne à des habitudes funestes, non-
seulement par penchant, mais par calcul.

Ceci explique l'évolution fatalement douloureuse de l'humanité. L'ignorance entoure


son berceau; donc elle se détermine dans ses actes par leurs premières conséquences,
les seules, à son origine, qu'elle puisse voir. Ce n'est qu'à la longue qu'elle apprend à
tenir compte des autres 2. Deux maîtres, bien divers, lui enseignent cette leçon:
l'Expérience et la Prévoyance. L'expérience régente efficacement mais brutalement.
Elle nous instruit de tous les effets d'un acte en nous les faisant ressentir, et nous ne
pouvons manquer de finir par savoir que le feu brûle, à force de nous brûler. À ce rude
docteur, j'en voudrais, autant que possible, substituer un plus doux: la Prévoyance.
C'est pourquoi je rechercherai les conséquences de quelques phénomènes
économiques, opposant à celles qu'on voit celles qu'on ne voit pas.

I. La Vitre cassée

Avez-vous jamais été témoin de la fureur du bon bourgeois Jacques Bonhomme,


quand son fils terrible est parvenu à casser un carreau de vitre? Si vous avez assisté à
ce spectacle, à coup sûr vous aurez aussi constaté que tous les assistants, fussent-ils
trente, semblent s'être donné le mot pour offrir au propriétaire infortuné cette
consolation uniforme: « À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller
l'industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l'on ne
cassait jamais de vitres? »

Or, il y a dans cette formule de condoléance toute une théorie, qu'il est bon de
surprendre flagrante delicto, dans ce cas très-simple, attendu que c'est exactement la
même que celle qui, par malheur, régit la plupart de nos institutions économiques.

81
À supposer qu'il faille dépenser six francs pour réparer le dommage, si l'on veut dire
que l'accident fait arriver six francs à l'industrie vitrière, qu'il encourage dans la
mesure de six francs la susdite industrie, je l'accorde, je ne conteste en aucune façon,
on raisonne juste. Le vitrier va venir, il fera besogne, touchera six francs, se frottera
les mains et bénira de son cœur l'enfant terrible. C'est ce qu'on voit.

Mais si, par voie de déduction, on arrive à conclure, comme on le fait trop souvent,
qu'il est bon qu'on casse les vitres, que cela fait circuler l'argent, qu'il en résulte un
encouragement pour l'industrie en général, je suis obligé de m'écrier: halte-là! Votre
théorie s'arrête à ce qu'on voit, ne tient pas compte de ce qu'on ne voit pas.

On ne voit pas que, puisque notre bourgeois a dépensé six francs à une chose, il ne
pourra plus les dépenser à une autre. On ne voit pas que s'il n'eût pas eu de vitre à
remplacer, il eût remplacé, par exemple, ses souliers éculés ou mis un livre de plus
dans sa bibliothèque. Bref, il aurait fait de ces six francs un emploi quelconque qu'il ne
fera pas.

Faisons donc le compte de l'industrie en général.

La vitre étant cassée, l'industrie vitrière est encouragée dans la mesure de six francs;
c'est ce qu'on voit. Si la vitre n'eût pas été cassée, l'industrie cordonnière (ou toute
autre) eût été encouragée dans la mesure de six francs; c'est ce qu'on ne voit pas.

Et si l'on prenait en considération ce qu'on ne voit pas parce que c'est un fait négatif,
aussi bien que ce que l'on voit, parce que c'est un fait positif, on comprendrait qu'il n'y
a aucun intérêt pour l'industrie en général, ou pour l'ensemble du travail national, à ce
que des vitres se cassent ou ne se cassent pas.

Faisons maintenant le compte de Jacques Bonhomme.

Dans la première hypothèse, celle de la vitre cassée, il dépense six francs, et a, ni plus
ni moins que devant, la jouissance d'une vitre. Dans la seconde, celle où l'accident ne
fût pas arrivé, il aurait dépensé six francs en chaussure et aurait eu tout à la fois la
jouissance d'une paire de souliers et celle d'une vitre.

Or, comme Jacques Bonhomme fait partie de la société, il faut conclure de là que,
considérée dans son ensemble, et toute balance faite de ses travaux et de ses
jouissances, elle a perdu la valeur de la vitre cassée.

Par où, en généralisant, nous arrivons à cette conclusion inattendue: « la société perd
la valeur des objets inutilement détruits, » — et à cet aphorisme qui fera dresser les
cheveux sur la tête des protectionnistes: « Casser, briser, dissiper, ce n'est pas
encourager le travail national, » ou plus brièvement: « destruction n'est pas profit. »

82
Que direz-vous, Moniteur industriel, que direz-vous, adeptes de ce bon M. de Saint-
Chamans, qui a calculé avec tant de précision ce que l'industrie gagnerait à l'incendie
de Paris, à raison des maisons qu'il faudrait reconstruire?

Je suis fâché de déranger ses ingénieux calculs, d'autant qu'il en a fait passer l'esprit
dans notre législation. Mais je le prie de les recommencer, en faisant entrer en ligne de
compte ce qu'on ne voit pas à côté de ce qu'on voit.

Il faut que le lecteur s'attache à bien constater qu'il n'y a pas seulement deux
personnages, mais trois dans le petit drame que j'ai soumis à son attention. L'un,
Jacques Bonhomme, représente le Consommateur, réduit par la destruction à une
jouissance au lieu de deux. L'autre, sous la figure du Vitrier, nous montre le
Producteur dont l'accident encourage l'industrie. Le troisième est le Cordonnier (ou
tout autre industriel) dont le travail est découragé d'autant par la même cause. C'est ce
troisième personnage qu'on tient toujours dans l'ombre et qui, personnifiant ce qu'on
ne voit pas, est un élément nécessaire du problème. C'est lui qui bientôt nous
enseignera qu'il n'est pas moins absurde de voir un profit dans une restriction, laquelle
n'est après tout qu'une destruction partielle. — Aussi, allez au fond de tous les
arguments qu'on fait valoir en sa faveur, vous n'y trouverez que la paraphrase de ce
dicton vulgaire: « Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cassait jamais de vitres? » 3

V. Travaux publics

Qu'une nation, après s'être assurée qu'une grande entreprise doit profiter à la
communauté, la fasse exécuter sur le produit d'une cotisation commune, rien de plus
naturel. Mais la patience m'échappe, je l'avoue, quand j'entends alléguer à l'appui d'une
telle résolution cette bévue économique: « C'est d'ailleurs le moyen de créer du travail
pour les ouvriers. »

L'État ouvre un chemin, bâtit un palais, redresse une rue, perce un canal; par là, il
donne du travail à certains ouvriers, c'est ce qu'on voit; mais il prive de travail certains
autres ouvriers, c'est ce qu'on ne voit pas.

Voilà la route en cours d'exécution. Mille ouvriers arrivent tous les matins, se retirent
tous les soirs, emportent leur salaire, cela est certain. Si la route n'eût pas été décrétée,
si les fonds n'eussent pas été votés, ces braves gens n'eussent rencontré là ni ce travail
ni ce salaire; cela est certain encore.

Mais est-ce tout? L'opération, dans son ensemble, n'embrasse-t-elle pas autre chose?
Au moment où M. Dupin prononce les paroles sacramentelles: « L'Assemblée a
adopté », les millions descendent-ils miraculeusement sur un rayon de la lune dans les

83
coffres de MM. Fould et Bineau? Pour que l'évolution, comme on dit, soit complète,
ne faut-il pas que l'État organise la recette aussi bien que la dépense? qu'il mette ses
percepteurs en campagne et ses contribuables à contribution?

Étudiez donc la question dans ses deux éléments. Tout en constatant la destination que
l'État donne aux millions votés, ne négligez pas de constater aussi la destination que
les contribuables auraient donnée — et ne peuvent plus donner — à ces mêmes
millions. Alors, vous comprendrez qu'une entreprise publique est une médaille à deux
revers. Sur l'une figure un ouvrier occupé, avec cette devise: Ce qu'on voit; sur l'autre,
un ouvrier inoccupé, avec cette devise: Ce qu'on ne voit pas.

84
EXTRAIT DE BALANCE DU COMMERCE

Or, un négociant de mes amis, ayant fait deux opérations dont les résultats ont été fort
différents, j'ai été curieux de comparer à ce sujet la comptabilité du comptoir à celle de
la douane, interprétée par M. Lestiboudois avec la sanction de nos six cents
législateurs.

M. T... expédia du Havre un bâtiment pour les Etats-Unis, chargé de marchandises


françaises, et principalement de celles qu'on nomme articles de Paris, montant à
200,000 fr. Ce fut le chiffre déclaré en douane. Arrivée à la Nouvelle-Orléans, il se
trouva que la cargaison avait fait 10 % de frais et acquitté 30 % de droits, ce qui la
faisait ressortir à 280,000 fr. Elle fut vendue avec 20 % de bénéfice, soit 40,000 fr., et
produisit au total 320,000 fr., que le consignataire convertit en coton. Ces cotons
eurent encore à supporter, pour le transport, assurances, commission, etc., 10 % de
frais: en sorte qu'au moment où elle entra au Havre, la nouvelle cargaison, revenait à
352,000 fr., et ce fut le chiffre consigné dans les états de la douane. Enfin, M. T...
réalisa encore, sur ce retour, 20 % de profit, soit 70,400 fr.; en d'autres termes, les
cotons se vendirent 422,400 fr.

Si M. Lestiboudois l'exige, je lui enverrai un extrait des livres de M. T... II y verra


figurer au crédit du compte de profits et pertes, c'est-à-dire comme bénéfices, deux
articles, l'un de 40,000, l'autre de 70,400 fr., et M. T... est bien persuadé qu'à cet égard
sa comptabilité ne le trompe pas.

Cependant, que disent à M. Lestiboudois les chiffres que la douane a recueillis sur
cette opération? Ils lui apprennent que la France a exporté 200,000 fr. et qu'elle a
importé 352,000 fr.; d'où l'honorable député conclut « qu'elle a dépensé et dissipé les
profits de ses économies antérieures, qu'elle s'est appauvrie, qu'elle a marché vers sa
ruine, qu'elle a donné à l'étranger 452,000 fr. de son capital. »

Quelque temps après, M. T... expédia un autre navire également chargé de 200,000 fr.
de produits de notre travail national. Mais le malheureux bâtiment sombra en sortant
du port, et il ne resta autre chose à faire à M. T... que d'inscrire sur ses livres deux
petits articles ainsi formulés:

Marchandises diverses doivent à X fr. 200,000 pour achats de différents objets


expédiés par le navire N.

Profits et pertes doivent à marchandises diverses fr. 200,000 pour perte définitive et
totale de la cargaison.

85
Pendant ce temps-là, la douane inscrivait de son côté fr. 200,000 sur son tableau
d'exportations et comme elle n'aura jamais rien à faire figurer en regard sur le tableau
des importations, il s'ensuit que M. Lestiboudois et la Chambre verront dans ce
naufrage un profit clair et net de 200,000 fr. pour la France.

86
Chapitre 2 :
Les réactions
à l’économie politique libérale

2.1. Les socialistes français


2.2. Les socialistes allemands
2.3. Autres réactions à la pensée économique libérale

87
2.1. Les socialistes français

Introduction : deux idées

Sont-ils contre le libéralisme ou contre ce qu’ils pensent être le libéralisme, i.e., une
forme de bouleversement, parfois miséreux, qu’ils interprètent comme étant le résultat
du libéralisme (urbanisation, nouvelles formes de travail, éclatement de certains tissus
sociaux (comme les corporations)) ?
Sont-ils socialistes ? Tout dépend de la définition du socialisme.
Socialisme plus difficile à définir que le capitalisme…. L’ambiguïté peut parfois faire
la force, surtout lorsqu’il faut rassembler contre quelque chose ou quelqu’un.

« Doctrine qui affirme la primauté du social sur l’individuel, ma subordination de


l’individu à la société » (Gonnard)
Pourtant, comme le fait remarquer Gonnard, l’objectif ultime de ces socialistes est
bien le bonheur des individus. Ce qui différencie les deux courants c’est donc plutôt
les moyens qui selon chacun permettent d’atteindre ce but. Pour les socialistes, le
moyen est une forme de soumission à la « société », pour les autres il s’agit de
privilégier les initiatives privées dans un univers dont les limites seraient données par
les droits de propriété.

Trois thèmes :
1. La propriété. Saint-Simon n’est pas favorable à l’égalité des conditions.
Proudhon a horreur de l’Etat.
2. L’organisation ; pas de main invisible, l’harmonie des intérêts n’est pas
naturelle.
3. Les inégalités. Mais l’égalité n’est pas spontanée. D’où autorité. Problème de
fond : si l’homme est profondément bon et si l’égalité est profondément
souhaitable, pourquoi ce besoin d’autorité.

Sont-ils anti-cléricaux ? Oui bien souvent ils recherchent une « nouvelle religion ».
Nouveaux temps, nouvelle religion ! Mais il y a aussi des catholiques socialistes au
19eme.

La révolution a voulu faire table-raze de l’ancienne structure de la société. Après la


Terreur, 17c’est-à-dire, après 1793, les « penseurs » vont essayer de construire une

17
La Terreur fut d’abord économique ! Elle est en effet précédée par le vote, par la convention, du
« Maximum général » (29 Septembre 1793). Une loi qui impose des prix maximums pour les prix et les
salaires et qui donne lui à une véritable panique. Les contrevenants sont sévèrement punis. Cette

88
nouvelle société, ou peut-être un nouvel homme... Ces individus se retrouvent à
l’Institut National, fondé en 1795, et se nomment eux-mêmes : les « idéologues ».

Parmi leurs chefs on trouve : Destutt de Tracy. Parmi les inspirateurs admirés :
Condorcet. Mais leur pensée emprunte également beaucoup à Descartes.

Pour eux, la société, y compris la moral, doit être étudiée de façon « scientifique », en
s’attachant aux observations (ils s’inspirent bien entendu des sciences naturelles). Ils
sont donc des promoteurs des sciences humaines (l’économie étant une branche des
sciences humaines).

Ils cherchent également un principe qui unifierait toutes les sciences.


Cabanis : « belle et grande est l’idée de considérer toutes les sciences et tous les arts
comme des rameaux d’une même tige, unis par une origine commune et par le résultat
qu’ils sont destinés à produire, le perfectionnement et le bonheur de l’homme. »

L’un des traits importants de cette philosophie est le rejet de tout ce qui est religieux.
La religion abrutit et oppresse l’individu.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k23534s voir ce lien pour un texte de Dupont


White (1807-1878): L’individu et l’Etat.

première tentative d’économie administrée tourne à la catastrophe. 10 0ctobre Saint-Just fait inscrire la
Terreur comme nouvelle politique de la convention. Cela consacre la dictature du Comité de Salut
Public. Les Montagnards avaient quelques mois auparavant fait voté le cours forcé des assignats et lancé
un « emprunt forcé ».

89
A. Le Saint-Simonisme

A1. Biographie et Œuvre : voir les notes manuscrites

Claude Henry de Rouvroy, Comte de Saint-Simon (1760-1825)


Descendant de Charlemagne (lui apparaît à Sainte Pélagie)
S’engage à 16 ans dans l’armée pour l’Amérique. (Il a déjà un projet d’un canal inter-
océanique : le canal de Panama…)
Il devient amoureux de la liberté et de l’industrie.
Durant la révolution il s’enrichit en spéculant sur les biens nationaux (Gonnard). Elu à
la Révolution, renonce à son titre, se lance dans l’industrie.
Emprisonné à Sainte Pélagie pendant la Terreur.
Après sa vie sera une succession de grands projets qu’il échafaudera sans jamais les
mettre en œuvre. Il finira d’ailleurs très vite ruiné et quémandant la gentillesse de ses
proches.
Cette « mégalomanie » se retrouve à travers les titres de ses ouvrages :
• Lettres d’un habitant de Genève (1802)
• Esquisse d’une nouvelle Encyclopédie (1803)
• Introduction aux travaux scientifiques du XIXe siècle (1803)
• Mémoire sur la science de l’homme (1813)
• Vues sur la propriété et la législation (1814)
• Réorganisation de la société européenne (1814)
• De l’Industrie (1817-1818)
• Politique (1819)
• Catéchisme des industriels (1823-24)
• Nouveau Christianisme (1825)

Etudie à Polytechnique (ami de Gaspard Monge, mathématicien, un des fondateurs de


polytechnique, 1794)
Tente de se marier à Madame de Staël en 1802 (après qu’elle ai divorcé et qu’il soit
veuf : « Vous êtes la femme la plus intelligente, je suis l’homme le plus extraordinaire,
faisons un enfant ! »)

Analyse
1. Des classiques (Smith, Say) il tire la foi dans le progrès, grâce à l’industrie.
C’est ainsi qu’il participe au Censeur. « L’économie Politique c’est la science
de la liberté » écrit-il. Cet enthousiasme le démarque totalement des futurs
collectivistes, en particulier de Marx. Mais quoi qu’il en soit, Saint-Simon
n’est pas un libéral cohérent. Il affirme : « On administrera les choses au lieu
de gouverner les hommes » (cité par Gonnard).

90
2. Ainsi donc son enthousiasme le conduira à faire de l’industrialisme une
religion. Il va aussi abandonner l’idée d’ordre spontané pour basculer dans le
constructivisme. Il n’est pas libéral.
3. 1803 : Lettre d’un habitant de Genève. Il faut organiser les Sciences avec une
hiérarchie : les conseils de Newton. Et Temple de Newton. Il faut de la
rationalité, de l’organisation dans les sciences. La parabole des 500 plus grands
notables et des 500 plus grands scientifiques : la technocratie.
4. Le pouvoir ne doit pas appartenir aux ouvriers : Lettre à Messieurs les ouvriers
(1821). Voici le langage à tenir à votre patron : « Vous êtes riches et nous
sommes pauvres : vous travaillez de la tête et nous des bras. Il résulte de ces
deux différences fondamentales que nous sommes et que nous devons être vos
subordonnés ».
5. Sur la propriété : elle doit être au service du progrès. Reconnaissance du
mérite. Egalité au point de départ mais pas nécessairement à l’arrivée. « A
chacun selon sa capacité », « A chacun selon ses oeuvres ». Il est contre
l’héritage.
6. Concurrence= gaspillage. La concurrence c’est l’anarchie. Il faut organiser tout
cela : rôle des banquiers, rôle de la formation technique.

Gonnard parle de « plutocratie ». Saint-Simon aime le milieu des affaires. Il verrait


bien les grands industriels dans l’antichambre du pouvoir. Un dirigeant du parti
communiste discutant avec un business man au long cigare, c’est quelque chose que
Saint-Simon aime. C’est le type de société dont il rêve.

A2. Les disciples


Facteurs de son succès :
Polytechnique (cf. Hayek) : Bazard (Saint-Amand Bazard) et Prosper Enfantin.
Enfantin est présenté comme un charlatan.
Bazard est l’auteur de Doctrine de Saint-Simon
Ce sont eux qui vont donner une connotation plus socialiste à l’école.
Les véhicules : Le Producteur, L’Organisateur, Le Globe.
Le recrutement : Plytechnique

La propriété privée des capitaux est alors considérée comme le dernier vestige de la
féodalité. Saint-Simon voulait « organiser » la propriété, eux veulent la supprimer.

Leurs attaques se font particulièrement virulentes contre l’héritage : comment peut-on


tolérer que soit laissé au hasard de la succession l’outil de production ?

91
Enfanin s’en prendra de plus en plus aux deux « erreurs » que sont selon lui l’égalité et
la liberté.

A noter aussi que ces saint-simmoniens sont contre les élections : quel gâchi que de
laisser des ignorants choisir les chefs ! C’est ainsi que Enfantin se raprochera sans
vergagne de napoleon III quand il verra en lui un bon chef !

N.B : Ils vont même fonder un monastère : le « couvent » de Menilmontant –vœu


d’obeissance à Enfantin, de pauverté , de chasteté, …)on chante les hymnes compsés
par l’un d’entres-eux… (Procès et fermeture de la maison en 1832.
Le monastère et ‘armée sont les organisations révées de nos saint-simoniens.

Les réalisations :
Canal de Suez : tout un symbole, unité de l’Orient et de l’Occident, développement du
monde nouveau indstriel. Cela ne marche pas. Fredinand de Lesseps (qui n’est pas de
leur bod) reprendra le projet.

La colonie d’Algérie : Enfanin est membre de la « Commission scientifique de


l’Algérie » et se voit bien faire de l’Algérie un terrain d’expérimentation. Les tribus
travailleuses et militaures. »

Les chemins de fer : Enfantin favorise la fusion permettant la ligne PLM.


De façon générale, en faveur des nationalisations.

Le crédit doit être nationalisé aussi. Jacob-2mile Péreire fonde le Crédit mobilier.
Paris : Haussman, préfet de Police de Napoleon III)
l’industrie, sauf les protestants (Schneider, Peugeot)
les innovations financières : Credit Mobilier de Pereire, Crédit Lyonnais de Germain
l’emprunte technocratique
• effet sur l’enseignement et au delà sur l’éducation : A ce propos, Gonnard
remarque que cette pensée est bien celle d’hommes qui ont négligé les
humanités. Il écrit (273) : « Les hommes dont la formation intellectuelle a
été principalement technique ou scientifique, dès qu’ils portent leur
pensée vers les grands problèmes métaphysiques, versent aisément dans
les pires divagations : ils n’ont pas, pour se garer de ces feux follets de
l’ombre, le clair flambeau des humanités.
prolongement en Angleterre avec la Fabian Society

Enfantin meurt en 1864.

Quelques mots sur Comte

92
Auguste Comte (1798-1857), Montpelliérain, Secrétaire de Saint-Simon.
Polytechnicien, interné en 1820, rédige un Cours de philosophie positive.
Distingue trois âges : théologique (Dieu est la source), métaphysique (la Nature),
positif (loi = constatation, pas de principe absolu)
Saint-Simon distinguera quant à lui les périodes organiques (du Moyen Age à Saint-
Simon,…) et les périodes critiques (le 19ème).

93
B. L’utopisme de Charles Fourier

• petit employé de commerce de province, pauvre, autodidacte, célibataire…


maniaque
• caractère néfaste des intermédiaires (3 pommes) critique de la concurrence
associationisme : socialisme volontaire. Concilier socialisme et liberté.
• la cité modèle : Harmonie (phalanstères)
1. doit prendre en compte les pulsions (ou passions humaines) pour obtenir à la
fois l’harmonie des intérêts et des passions
2. environ 1600 hommes et femmes, pas de famille, pas d’autorité, union libre,
choix du travail libre (jamais plus de 2 heures)
3. pas de monnaie. Répartition des richesses en fonction du travail, du capital et
du talent
4. durée de vie moyenne = 144 ans, anti requin , pôles se réchauffent. Précurseur
de Jules Verne…

Adeptes : Victor Considérant (polytechnicien !), expérience en France et au Texas.

Commentaire : cf. Platon : la petite société = refus de la Grande Société.


Voir aussi une expérience semblable avec Robert Owen en Angleterre

94
C. Le dilemme de Proudhon

Pierre Joseph Proudhon (1809-1865) : le dilemme égalité-liberté

Différence avec Fourrier : la raison l’emporte sur les passions.


Né en 1809 à Besançon
Famille modeste
18 ans : ouvrier typographe puis comptable
Autodidacte
Un tournant : 1839 bourse de l’Académie de Besançon.
Ecrits :
1840 : Mémoire sur la propriété
Contradictions économiques, (Dieu c’est le Mal)
Théorie de la propriété, œuvre posthume

Analyse
« Entre la propriété et la communauté, c’est-à-dire entre l’économie libérale et le
socialisme d’association, je construirai un monde »
Justice = égalité. Y compris égalité économique.
La propriété perpétue les inégalités. La propriété c’est le vol !
Qui a fait la terre ? Dieu ! En ce cas, propriétaire, retire-toi !
L’intérêt et la rente sont des droits d’aubaine.
Violente hostilité à l’intérêt : l’argent ne fait pas de petits.
Il faut se débarrasser de l’intermédiaire monétaire et revenir au troc…. (cf. Owen)
Ne voit pas le rôle de la monnaie et, plus grave encore, le rôle des prix.

Rejeter la propriété est une chose. Mais que mettre à la place. Mais le vol ne nécessite-
t-il pas une définition de la propriété ?
Proudhon n’apprécie pas les communistes : « Loin de moi, communistes, vous m’êtes
une puanteur et votre vue me dégoûte !».
D’où l’idée de possession. L’usus et le fructus mais pas l’abusus.
Qui sera le propriétaire en dernier ressort ? Dans un premier temps (année 1840),
Proudhon pense que ce peut être l’Etat.
Mais Proudhon n’a guère de respect pour l’Etat qu’il trouve amorale. Il est en effet,
contrairement à Proudhon, très moraliste et traditionnel et défenseur de la famille.
C’est pourquoi il rendra dans un premier temps la possession héréditaire.
Et puis, après le coup d’Etat de Napoléon III qui incarne pour Proudhon l’autorité
arbitraire, il fait volte-face et redevient un apologiste de la propriété (cf. son ouvrage
posthume).

95
Les suites

Autres socialistes
Blanqui (à ne pas confondre avec le libéral du même nom)
Cabet (Voyage en Icarie)

96
2.2. Les socialistes allemands

2.2. A. Friedrich List

Situation : Avance de l’Angleterre dans le développement économique


(et particulièrement, industriel).

Biographie :
Né en 1789 (Würtemberg)
Vie agitée : exil, prison
1816 : fonctionnaire de rang moyen
1817 : professeur d’administration publique à Tubingen, élu à la
Diette. Trop contestataire, il doit immigrer.
1825-1832 : aux USA. Il est un écrivain journaliste agitateur.
Revient comme conseil des Etats-Unis à Hambourg.
Il œuvre pour le Zollverein (artisan de l’unité allemande). Fondé en
1834, il s’agit d’une union douanière constituée autour de la Prusse.
Une de ses grandes batailles sera les chemins de fer.
1841 : Le Système National d’Economie Politique (publié en France
où il séjourne) : rencontre un grand succès.
Suicide en 1846.

Théorie
Libéral, mais la « théorie de l’Ecole », comme il aime à dire, doit être
adaptée.
Rois reproches sont adressés à Smith :
1. Mettre l’intérêt « du monde » davant celui de la Nation
2. Smith gave mor importance to the consommuners’ needs while
what should come first is the economic power of the nation.
3. Le libre échange est souhaitable seulement une fois un certain
stade de développement attaint!

Protectionnisme de sécurité nationale : protéger l’industrie


naissante. Protectionnisme éducateur.
Parallèle entre l’enfant et la Nation.

97
Une dimension sociale doit être ajoutée. L’homo oeconomicus fait
partie, est porté par un groupe, une patrie.
A la production matérielle il faut rajouter des choses telles que
l’éducation.

Dans son livre l’histoire passe avant la théorie.


Les Anglais se seraient développés grâce au
protectionnisme (Commonwealth, Cromwell)

« List a exercé sur les politiques économiques des nations un


influence qui ne fut surpassée que par celle d’Adam Smith en son
temps et par celle de Marx auourd’hui ». (Robbins, 240)

J.S. Mill a accepté une partie de l’argument sur l’industrie naissante


en faisant remarquer que , de sonpoint de vue, mieux vat aider
l’industrie par des subventions que par des tarifs douaniers.

Il fautnoter que l’argument est toujours d’actualité… même dans des


pays fortement avancés !

98
2.2. B. Karl MARX et le socialisme doctrinaire

Avec Karl Marx nous sommes toujours bien en Allemagne, où la


philosophie est en pleine effervescence : il suffit de citer les noms de Kant
(1724-1804) qui reprochait à la science économique d'être immorale - et de
Hegel (Friedrich - 1770-1831). C'est ce dernier qui exerça une influence
indirecte, mais importante sur les écrits de Marx.

C'est d'ailleurs pourquoi j'ai choisi comme sous-titre de cette partie le


socialisme doctrinaire. C'est en effet une véritable doctrine économique -
au sens de Villey - que propose Marx. Ce n'est pas seulement une ou des
théories économiques. En fait, d'un point de vue purement théorique, Marx
n'apporta pas grand-chose à l'économie, si ce n'est des erreurs et des
extrapolations pour le moins douteuses. Par contre sa pensée, reposant
solidement sur une dialectique hégélienne, est d'une rare force. Et il
semble que ce soit cet aspect de la doctrine de Marx qui en ait fait le
charme : toutes les considérations de Marx, quelles soient économiques,
sociologiques, historiques ou philosophiques relèvent du même principe : le
déterminisme fondé sur le matérialisme historique.
Tous ces termes méritent quelques explications, mais voyons d'abord
brièvement quelle fut la vie de cet homme. Nous expliciterons ensuite ses
vues philosophiques et enfin ses contributions plus spécifiquement
économiques.

a - L'homme :

Né à Trèves (Rhénanie) en 1818 dans une famille juive récemment


convertie au luthéranisme. Son père, avocat, avait la charge de huit
enfants. Fait des études de Droit, à Bonn puis Berlin.
En 1843 il se marie avec Jenny, la fille du baron Ludwig von Westphalen,
haut fonctionnaire et Conseiller d'Etat.
De 1840 à 1843 il sera journaliste à la Gazette Rhénane, dont il sera
rédacteur en chef avant que celui-ci soit interdit pour les thèses trop
libérales qu'il défendait et qui n'étaient guère du goût des gouverneurs
prussiens (cf. Friedrich List à qui on avait proposé également la direction
de la revue).
Il se rend alors à Paris où il rencontre en 1844 celui qui allait être jusqu'à
la fin de ses jours à la fois l'ami, le protecteur, et le collaborateur :
Friedrich Engels (1820-1895). Le père d'Engels est un industriel dirigeant

99
des manufactures en Prusse et à Manchester. Engels dirige la branche
Manchestérienne des affaires familiales. Il est profondément touché par la
misère des ouvriers, en particulier la pauvreté urbaine. Bien que lui-même
soit un théoricien (dès 1844 il avait rédigé une "Ebauche d'une critique du
nationalisme économique" et en 1845 un ouvrage intitulé "la condition de
la classe ouvrière en Angleterre", mais il fut parfois accusé de plagiat - cf.
Carbon p.406) ; Engels laissa à Marx le travail théorique et se consacra
plus nettement que Marx à l'agitation politique.

La Condition de la classe ouvrière en Angleterre. Ecrit alors qu’il n’a que


24 ans.
En 1843 il contacte les leaders de la ligue des justes en Allemagne qui
deviendront en 1847 Ligue Communiste.

Si Marx rencontra Engels à Paris il ne peut cependant y rester plus


longtemps. Dès 1845, expulsé de France à la demande des prussiens, il se
rendit en Belgique.

Pour la Ligue communiste naissante ils écrivent en 1848 le fameux


Manifeste du Parti communiste. Mais les divers soulèvements ouvriers de
1848 qui éclatent un peu partout en Europe sont contenus par les autorités
en place. Marx et sa famille s'exilent en Angleterre, à Londres, où il finira
sa vie.
Vivant longtemps dans une grande pauvreté (il perdit deux de ses quatre
enfants légitimes - Engels en avait adopté un illégitime); il s'impose
comme chef des révolutionnaires et se concentre sur ses écrits.
Le premier volume du Capital sera publié avant sa mort (il mourut en
1883). Les deux derniers seront "achevés" et publiés après sa mort par
Engels.

b - La philosophie :Dialectique
: et matérialisme historique

Il nous faut à présent tenter une intrusion dans la philosophie de Hegel et


de ses disciples car, ainsi que je l'expliquais en introduction, toute la
pensée de Marx se nourrit de cette philosophie.

Commençons donc par Hegel.


Hegel Pour lui toutes les choses vivantes évoluent
à travers la contradiction : "Les choses sont contradictoires en soi".

100
D'où la dialectique, succession de thèse, d'antithèse et de synthèse. C'est
l'exemple de la dialectique du maître et de l'esclave. Ce système porte en
lui-même sa contradiction. Car le maître vit du travail de l'esclave.
L'esclave pourra donc se révolter, dépensant ainsi la contradiction qui
existait entre maître et esclave. Il sera alors citoyen libre et assurera sa
propre protection physique. Cette approche se retrouvera chez Marx.

Mais alors que Hegel pensait que l'idée était toujours première et que les
institutions, le droit, les rapports de production en découlaient, Marx
inversera l'ordre hégélien. Il suivra en en cela les travaux d'un autre
philosophe allemand, disciple de Hegel lui aussi : Ludwig Feuerbach.
Feuerbach Pour
ce dernier, et donc pour Marx : "L'être est sujet, et la pensée attribut".
Alors que chez Hegel la thèse c'était l'Idée, pour Feuerbach à l'origine de
toute chose se trouve l'homme : l'homme créa Dieu à son image... L'homme
s'est aliéné lui-même à une pensée.

Marx aussi placera l'homme à l'origine, mais ce ne sera pas "l'homme


penseur" de Feuerbach ; ce sera l'homme social, l'homme immergé dans
une histoire, dans une infrastructure.
C'est cela le matérialisme historique de Marx : l'infrastructure (c'est à dire
la réalité historique de l'homme) détermine les superstructures (idées,
système politique, organisation de la société). Plus précisément : la
civilisation technique détermine une structure sociale qui détermine à son
tour une constitution politique à laquelle est attachée une culture
intellectuelle, à laquelle est attachée une religion !

"Dans toutes les sociétés de l'histoire ayant existé, disait Engels, la façon
dont la richesse est répartie et la société divisée en classes ou en ordres,
dépend des produits, du mode de production, et de l'échange des produits.
C'est à partir de là qu'on doit chercher les causes politiques : non dans les
cerveaux des hommes, ni dans la connaissance humaine plus approfondie
de la vérité éternelle et de la justice, mais dans les transformations des
modes de production et d'échange" (cité par Carbon p.385)

L'idée d'une infrastructure économique déterminant une superstructure ne


manque pas de séduction. Elle soulève cependant deux problèmes
importants : tout d'abord, il y a bien des modes de production qui ont
donné lieu à des superstructures différentes et inversement. Ainsi la
religion judéo-chrétienne a traversé tant bien que mal des "révolutions
tehnologiques" bien différentes. Mais surtout, ce que n'explique pas Marx

101
ni Engels c'est la façon dont évolue le système de production (comparer à
Schumpeter..). Par hasard ? Déterminisme absolu ? C'est sans doute là,
dans ce que l'on nomme le déterminisme historique,
historique que la cassure avec
les classiques et néoclassiques est consommée. Car pour ces derniers,
l’économie est avant tout la science des choix mis en oeuvre pour lutter
contre toutes formes de rareté. C'était en filigrane chez des classiques tel
Smith ou Say, ce sera évident chez les auteurs de 1870 jusqu'à nos jours, à
l'exception peut-être de quelques macroéconomistes.

Chez Marx au contraire - comme chez beaucoup de sociologues qui ont bâti
leurs théories dans le sillage des études de Marx - l'homme est aliéné et ne
peut guère que freiner ou accélérer, par la résistance de l'ordre bourgeois
et par la révolution, le déroulement inéluctable de l'histoire. C'est la
résistance des superstructures.

Pour reprendre l'expression de Villey, on ne sait pas à la lecture de Marx si


le capitaliste mourra d'angoisse à la lecture des oeuvres de Marx qui lui
assure crises de sous-consommation, baisse tendancielle des profits et
autres catastrophes ; ou bien s'il mourra sur les barricades. Mais une
chose est certaine : le capitalisme disparaîtra !

Il est bon d'ailleurs d'insister sur un point souvent occulté : Pour Marx,
non seulement les prolétaires (pour reprendre ses termes) mais aussi bien
les capitalistes sont aliénés. Les premiers, car ils sont obligés de vendre
leur force de travail, c'est à dire de se vendre eux-mêmes car le travail est
ce qui fait la valeur de l'homme. Les seconds car "n'ayant perdu ou bien
n'ayant jamais trouvé le sens de l'activité humaine première qu'est le
travail, ils sont amenés à reporter illusoirement leur liberté sur des
activités inférieures et animales". Le capitaliste accumule et exploite mais
il est lui aussi victime. Il sera plus heureux, car libéré, dans le monde
futur sans classe, sans propriété ; une société ou à un travail
essentiellement collectif (voulu par la division du travail) correspondra
enfin une superstructure appropriée c'est-à-dire basée sur une propriété
collective.

c. Les lois économiques de Marx

Ainsi que je le rappelais plus haut, Marx n'est pas un grand


économiste au sens strict du terme. Il s'intéressa à l'économie "sur le tard"

102
et sur les conseils de Engels (vers l'âge de 27 ans). Et l'un des "manuels"
d'économie les plus populaires de l'époque c'est bien sûr les Principes
d'Economie Politique de Ricardo. C'est donc à partir d'une charpente
classique, évidemment quelque peu modifiée, que Marx tentera d'illustrer
sa philosophie en montrant que la superstructure capitaliste - dont il
analyse les mécanismes - est vouée à l'autodestruction, car elle porte,
comme dirait Hegel, sa contradiction en soi....

A la base de la construction marxiste on trouve bien entendu une


théorie de la valeur qui réaffirme ce que nous appellerons la loi du salaire
de subsistance (loi
loi d’airain des salaires-
salaires- Lassalle).
Lassalle Comment s'articule
cette théorie ? Comment Marx en arrive-t-il à cette loi ? Tout d'abord s'il
s'accorde avec les classiques pour distinguer valeur d'usage et valeur
d'échange, il maintient que cette seconde ne doit rien à la première. Il le
déplore mais n'en démord pas ! Ce qui importe c'est donc de connaître
l'origine de la valeur d'échange. Pour lui les choses sont simples : le travail
est source (et non pas simplement mesure) unique de la valeur. Le capital
est improductif. (notons le caractère certes faux, mais généreux, humain
de cette approche). C'est donc la fameuse théorie de la valeur-travail. De là
Marx va en déduire sa loi du salaire de subsistance ou loi d'airain. En
effet, l'ouvrier va vendre, non pas son travail, mais sa force de travail au
patron. Quelle est la valeur de cette force de travail : c'est le travail
nécessaire pour la produire, c'est à dire nourrir, habiller, former l'ouvrier.
Ainsi si l'ouvrier "se vend" pour une journée, il sera rémunéré à un niveau
juste nécessaire à sa subsistance. "La valeur de cette force de W est
déterminée par la valeur des choses de première nécessité qu'il faut pour
produire, développer, maintenir et perpétuer la force de W". Donc, si ce
niveau correspond à 4 heures de travail, le travail qu'il fournira dans la
journée au-delà de ces 4 heures sera du surtravail, du travail non-
rémunéré. Ce sera la source de la plus-value.

Cette théorie, on le voit, est donc assez proche de la théorie de la


valeur et de la rente Ricardienne. Comme elle, elle rencontrera un certain
nombre de problèmes en particulier quant à la mesure de la valeur de
travaux hétérogènes. Pour contourner ce problème Marx définira le
concept de travail social cristallisé ; c'est à dire la quantité, en heures, qu'il
faut en moyenne, eu égard aux techniques de production et habileté
moyenne, pour produite cette chose. Mais comment connaître cette valeur
moyenne ? La question reste sans réponse, à moins qu'il ne faille, comme
suggère Pareto, s'en remettre au marché pour indicateur ...

103
Deuxième loi centrale chez Marx la baisse tendancielle des profits
profits.
rofits
De cette loi, nous le verrons, découlent la plupart des prédictions
catastrophiques de l'auteur. (sous-entendu, catastrophiques dans le moyen
terme). Pour exposer cette loi, il nous faut dans un premier temps
introduire une distinction centrale chez Marx : Celle entre capital variable
et capital constant (là encore Marx reprend en la modifiant la distinction
de Ricardo entre capital circulant - qui inclut les matières premières -, et
capital fixe).
Le capital variable (V) c'est le capital qui permet de rémunérer le travail ;
c'est le fonds des salaires.
Le capital constant c'est le reste : matières premières, machines, terrain et
locaux (notons le C).
Si K désigne le capital dans son ensemble alors K = C+ V.
Notons encore P, la plus-value accumulée par le capitaliste grâce au
surtravail des ouvriers.
P
Marx définit le taux de profit comme étant le rapport .
C +V
Une fois ces termes définis il nous faut, pour en arriver à la loi de la baisse
tendancielle des profits, introduire les effets du progrès technique (dont, je
le rappelle, on ne connaît pas l'origine).
Ce progrès technique va avoir deux effets : il augmentera la quantité de
capital constant utilisée dans la production, c'est à dire C, il augmentera
également la productivité de sorte que la quantité de travailleurs
employés et donc de salaires versés augmentera moins vite que C. En
d'autres termes la production devient plus "capitalistique", augmente
(composition organique du k).
P
p
Le taux de profit, t = , pouvant aussi s'écrire t = V , on voit que ce
c+v C
+1
V
c p
taux diminuera lorsque augmente, à moins que n’augmente à son
v v
tour, c’est-à-dire, à moins que la plus-value augmente de façon à
c
compenser l'augmentation de .
v
Mais le taux de plus-value peut-il augmenter indéfiniment ? Non, bien sûr,
car le sur-travail sera tôt ou tard limité par le temps disponible dans une
journée ! Si la force de travail est rémunérée au taux de 4 heures de
travail par jour, alors, même en exploitant le travailleur 24 heures par
jour, la plus-value plafonnera à une valeur de 20 heures de travail.

104
p
Donc l'accroissement de ne pourra éternellement compensé la
v
c
croissance de et le taux de profit va progressivement baisser. Ainsi
v
s'obtient la loi de la baisse tendancielle des profits.

Quels en sont les prolongements ? Accumulation, concentration,


chômage, paupérisation et crise de sous-consommation. Le capitaliste
accumule du capital pour faire face à la concurrence et pour accroître son
pouvoir et ce, malgré la baisse de profits : Marx écrit dans Le Capital :
"accumuler pour accumuler, produire pour produire, tel est le mot d'ordre
de l'économie politique proclamant la mission historique de la période
bourgeoise" (cité par Carbon, p. 401).
Le "corollaire obligé" (expression de Marx) de cette accumulation
c'est la concentration. Selon Marx la classe moyenne doit rejoindre en
grande partie la masse prolétarienne, masse qui au demeurant
s'appauvrie continuellement. La part du capital variable baissant, l'armée
de chômeurs grossit, s'enfle, et le prolétariat s'enfonce dans la misère.
Mais alors qui pourra consommer les biens produits ? Le prolétariat
ne le peut faire ; peut-être la colonisation permettra-t-elle de trouver, pour
un temps, de nouveaux débouchés ; mais l'état permanent de sous-
consommation dans lequel se trouve l'économie débouchera
inexorablement sur une crise.
Et comment pourrait-il en être autrement dans un système tel que
le décrit Marx, où le marché ne joue aucun rôle informationnel, où les
agents, capitalistes ou ouvriers semblent plus pilotés par un destin fatal,
désincarné, que par leurs propres choix !

d - Quelques observations sur la pensée de Marx

Peut-on sauver Marx ? Voilà la question que bien des femmes et des
hommes se sont posée pendant plus d'un siècle. Non que Marx ait été le
seul à promulguer des lois dont le démenti par les faits est difficilement
contestable. Malthus avec sa loi de la population ou Ricardo avec sa loi de
la valeur-travail ont eux aussi fait fausse route. Mais Marx était plus
rigoureux, ou du moins se voulait-il plus rigoureux dans son approche.
D’ailleurs il qualifiait son socialisme de scientifique pour le démarquer du
socialisme de Proudhon et autres rêveurs français. Avec la survie du

105
capitalisme, c'est toute l'économique de Marx et la philosophie qu'elle
prétendait illustrer qui semblent s'effondrer.
Et cependant il ne fait aucun doute que cette pensée a laissé son
empreinte sur les générations à venir qui retiendront de Marx un idéal,
certes éternel mais réaffirmé avec force, et une vision dynamique de nos
sociétés.
L'idéal est celui d'un monde où les fruits du progrès seraient
partagés équitablement par des hommes généreux, sans convoitise. Inutile
d'insister, mais il me semble évident que cette vision du paradis terrestre
n'est pas sans paternité ! La nouveauté c'est que Marx nous décrit cet état
comme éminent.

Il faut noter cependant que Marx dit très peu de choses sur l’après
capitalisme. Il semble que le socialisme, en tant qu’oppression par le
peuple, ne soit qu’une étape intermédiaire guère préférable à l’oppression
par les bourgeois. L’idéal arriverait... après le socialisme. (Voir Rothbard
à ce sujet).

La seconde empreinte laissée sera celle d'une vision dynamique du


capitalisme. C'est en tous les cas ce qu'affirmait Joseph Schumpeter. Mais
c'est une dynamique dont on ne connaît pas le moteur ! Alors que sous la
plume de Schumpeter le capitalisme évoluera grâce aux "coups de pieds"
que lui donnera le capitaliste-entrepreneur - le chevalier des temps
modernes, le capitaine d'industrie - toujours à la recherche d'innovations,
source certes de profits, mais aussi de progrès ; Marx voit l'accumulation
du capital comme un automatisme désorienté : on n'accumule pas pour
mieux satisfaire des besoins, mais "survivre" et/ou maintenir sa puissance.
La vision marxiste est dynamique mais semble-t-il, une dynamique
d'automates.

Il faudrait ici inclure un passage sur le développement du catholicisme


social.

106
2.2. C. L’école historique : contre l'abstraction et les lois

Je le disais en introduisant la longue section sur Marx, la pensée


allemande est très active en ce XIXè siècle. L'école historique allemande
est un autre exemple de réaction contre l'école classique anglaise. Cette
école est intéressante par la radicalisation progressive de ses positions ;
allant d'une réaction humaniste contre l'abstraction anglaise jusqu'à un
rejet de toute théorie et de toute loi économique.

C’est aussi peut-être, « Une manifestation du nationalisme académique »


(Robbins, 242).

L'école commence avec les travaux de Guillaume (Wilhelm) Roscher (1817-


1894). Principles of Political economy (1854). Roscher est "smithien" mais,
comme beaucoup, il n'a pas apprécié la dérive ricardienne. Il veut donc
revitaliser, redonner vie à la théorie de Smith. Et pour ce faire il se tourne
vers l'étude des faits historiques (d'où le nom de l'école). Il découvre ainsi
l'existence d'un capitalisme antique, et en déduit que le développement de
l'histoire n'est point linéaire comme le penseraient Malthus, Ricardo ou
Marx. [Il faut noter au passage que ces auteurs allemands sont de grands
académiciens : rigueur et connaissances encyclopédiques]. Mais si Roscher
se tourne vers l'histoire, il ne peut être qualifié pour autant d'historiciste :
non, pour lui la lecture de l'histoire se fait à la lumière des principes
théoriques.
Ceux sur quoi ils insistent c’est que la connaissance ne peut-être
déconnectée du contexte institutionnel.

Bruno Hildebrand (1812-1878) : reconnaît lui aussi la contribution de


Smith, mais en critique les fondements : sa philosophie des lois naturelles
et l'instinct d'égoïsme. De façon générale il ne voit des lois, des régularités
que dans l'évolution. C'est avant tout un philosophe de l'histoire. (En
économie : l'évolution serait : troc→ monnaie →crédit)

Karl Knies (1821-1898) va plus loin dans le rejet des lois. Pour lui, il n'y a
même pas de lois dans l'évolution. L'histoire procède par analogies. On
rassemble des données, de façon aussi précise que possible et on les classe.
Epoque des monographies. Toujours rigueur et connaissance. Sa spécialité
c’est l’histoire des monnaies et des banques (1885) et bien sur des écrits
sur la méthode (1853) .

107
N.B. : Max Weber wrote an essay on Rscher and Knies.

Ainsi une dimension de pluridisciplinarité : ils tentèrent d'endiguer


l'éclatement des disciplines. Eclatement qui fut consacré par le recours à
des méthodes différentes :
La sociologie, par ex., suivant Marx, approche holiste. L'économie optant
pour une démarche de méthodologie individualiste. Ce qui fit dire à
Durkheim : "L'économiste dit ce que l'homme devrait faire, le sociologue
explique pourquoi il ne le fait pas".
- Mais cet éclatement n'est pas inévitable, et fut effectivement
- autre chose intéressante avec cette école : étude des institutions
- prolongement de cette école avec : Schmoller Gustav (1838-1917) et
Carl Menger :
la querelle des méthodes.

Voir Robbins page 47 pour une bonne citation de Schmoller.


Robbins dit avoir du rspect pour la première école historique (Roscher,
Knies) et bien moins pour la seconde ;

En 1890, John Neville Keynes écrit un ouvrage dans lequel il reprend ces
débats méthodologiques : « The Scope and Method of Political economy ».
Un ouvrage considéré comme un classique sur la question (Robbins, 251)

L’ouvrage de Popper « La Pauvreté de l’Historicisme » (1960) était


essentiellement tournée contre Schmoller.

Mentionner encore que cette école a fait des économistes allemands une
classe à part, pratiquement jusqu'à la seconde guerre mondiale. Cette
école à eu des prolongements en particulier aux Etats-Unis avec les
« institutionnalistes » : Veblen, en particulier.
(Il faudrait des infos sur le lien entre école historique et naissance de
l’Etat Allemand).

Ne peut on aussi voir dans cette pensée Allemande (avec List déjà) une
expression nouvelle du pragmatisme en matière de politique économique
qui déboucherait ici sur un pragmatisme en économie politique : il n’y a
pas de loi pour la politique économique, il n’y a pas plus de loi en matière
d’économie politique ?

108
Conclure sur la figure de Bismark
Bismark

109
2.3. Les Autres réactions à la pensé libérale classique

A. Simonde de Sismondi (1773-1842)

Récation humaniste : le « garantisme »


L’homme : d’origine italienne (Florence), chassée de France (Huguenots). C’est
pourquoi il redoute l’autorité, la centralisation.
Reproche à Ricardo son industrialisme aveugle, son optimisme amoral car dénué de
toute compassion.
A beaucoup voyagé –Toscane, Angleterre, France
Tiraillé entre non-refus du progrès et condamnation de la perte du niveau de vie (les
charmes du pré-capitalisme agricol toscan)
Principal ouvrage : « Nouveaux principes d’Economie Politique (1819)

Analyse :
1. désaccord avec Say. Redoute une crise de sur-consommation : ce qui ont des
besoins n’ont pas d’argent. Il ne croit pas dans les mécanismes régulateurs, il
les juge en tout cas trop lents.
2. Dénonce le machinisme. La machine prend du travail aux hommes, la division
du travail en diminue la valeur humaine. La valeur d’échange prime sur la
valeur d’usage.
3. Théorie de la paupérisation et de la concentration croissante

Solution
Les Suisses n’aiment pas l’idée d’un Etat fort…
La solution c’est la législation sociale. Le garantisme. Exemple : le salarié rattaché
durablement à son entreprise, y compris dans les périodes de crise.
Il influencera de nombreux penseurs ; y compris John Stuart Mill.

B. Carey

On Hamilton, see Robins 239-240


Hamilton was one of the author of The Federalist, the great work on political
science. In 1791, il écrit “Report of Manufacturers”, ou il demande une
protection pour l’industrie américaine dans un commerce avec l’Angleterre
qu’il juge injuste car l’industrie américaine est moins avancée ; J.S. Mill
acceptera l’argument tout comme plus tard Sidgwick ou Marshall.

110
Henri Charles CAREY sera l'avocat du protectionnisme dans les Etats-unis naissants.
(4 juillet 1776 = Indépendance, 1787 = Constitution fédérale, 1848 = conquête du
Texas, Nouveau-Mexique et Californie sur les mexicains). Aux Etats-Unis la pensée
libérale était largement divulguée : le Traité de Jean-Baptiste Say fut réédité 13 fois
entre 1821 et 1859 ... Aussi Carey était-il libéral optimiste, du moins à ses débuts.
Mais sa pensée allait faire volte-face suite à une prise de position ouverte en faveur du
libéralisme. En effet, alors que les Etats-Unis s'orientaient vers un plus grand
protectionnisme (r 1842), Carey en bon libéral, prédisait une période de récession pour
l'économie nationale. Or cette récession ne vint pas.
Il se lança alors dans des études empiriques et crut découvrir une loi selon laquelle
protectionnisme et prospérité seraient inséparables. Le tarif devenait alors pour Carey
un mal nécessaire. Et puis, après tout, Adam Smith n'avait-il pas approuvé l'Acte de
Cromwell ! Carey va même jusqu'à développer une nouvelle théorie dans le but
d'asseoir le protectionnisme qu'il préconise maintenant : Il existe une masse constante
de matière organique qui suit un cycle du sol - produit agricole - animaux - hommes -
sol de nouveau. Donc, en exportant nos matières premières au Royaume-Uni et en
important leurs produits manufacturés, nous nous vidons de notre matière organique. Il
faut donc que ce commerce cesse.
Ainsi Carey développe-t-il une théorie toute aussi "conjoncturelle", et même plus, que
celle des classiques anglais qui préconisaient le libre-échange. Ce ne sera pas la
dernière fois que cette fédération si riche se repliera sur elle-même.

A Biography of Henry Carey 1793-1879

C. Les socialistes anglais

Robbins nous fait découvrir un Professeur Anglais, Richard Jones, qui, un


peu plus tôt (1831) avait publié un ouvrage : Distribution of Welath. Dans
cet ouvrage il insiste sur l’importance des insitutions. Il faut être prudent
lorsque l’on veut appliquer les théories Ricardiennes car la réalité est plus
complexe,plus riche.

111
Conclusion sur le rejet du libéralisme

1. Remarquons tout d'abord que la réaction a deux cibles, souvent complémentaires :


→ les auteurs que nous venons de présenter dénoncent les maux de leur temps
: misère (qui existait auparavant mais qui prend à présent d'autres formes) ;
→ ils s'en prennent donc aux classiques qui semblent, à leurs yeux,
soit d'un optimisme "inconscient" (Say)
soit d'une passivité cynique (Malthus) qui ne convient pas à des constructivistes
comme St Simon.

2. Cette réaction peut prendre des formes différentes :


→ humaniste (Sismondi ; Proudhon)
→ utopistes (Owen, Fourier, St Simon)
→ nationalistes, constructivistes (Carey, List, St Simon Marx ?)
→ théoriques (historique, Marx ?)

3. Notons enfin que dans l'ensemble ces auteurs "réactionnaires" restent assez
silencieux sur le rôle de l'Etat. L'individu demeure le personnage central. C'est
curieusement alors que se développent les démocraties modernes que le rôle de l'Etat
va devenir prépondérant, jusqu'à centraliser, et orienter, si ce n'est diriger, la majorité
des activités économiques.
Un auteur socialiste français de la deuxième moitié du 19ème Charles Brook Dupont-
White, commencera à vanter les mérites de l'Etat dans l'esprit de la fin du XIXè, début
XXè :
"L'humanité est meilleure dans l'Etat que dans les
individus ; elle s'épure, parce qu'elle s'élève, dans cet
être collectif".
Cette idée selon laquelle l'Etat serait meilleur que les individus sera réexaminée plus
tard dans le cours.
Mais, même parmi les opposants à la pensée classique, l'image dominante de l'Etat
semble plutôt être celle de Bastiat :
"L'Etat, cette grande fiction à travers laquelle tout le
monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde".
4. Force est de constater que dans le L.T., ce sont les classiques qui avaient raison : au
cours du 19ème il y a une très forte amélioration du niveau de vie de la population. La
pensée libérale régnera en maître des années de1848 à 1870 (période victorienne,
dernière partie du règne de Napoléon III)

112
3ème Partie : Pensée économique au 20ème
Chapitre 1 : La révolution marginaliste : une unanimté trompeuse
1.1. Les causes et la nature de la révolution
1.2. Les trois écoles
1.3. Une unité trompeuse
Chapitre 2 : Les débats théoriques
2.1. Les questions monétaires
2.2. Le rôle de l’Etat
Chapitre 3 : Les grands débats d’économie politique
3.1. La question de la monnaie
3.2. Le New Deal
3.3. L’économie d’après guerre
3.4. La gobalisation du 20ème

113
Préambule

3.1. La nature de la rupture et ses causes

Une rupture profonde (N.B. nous y reviendrons dans la section suivante)

Le regard de l’économiste sur les phénomènes sociaux est modifié.


Même s’il n’y a pas homogénéité après 1870, la tendance est la suivante.

114
Point de vue classique Point de vue début 20ème
Economie = science de la Economie = science du « bien-
richesse être ». ce qui nous intéresse ce
(objets matériels qui satisfont n’est plus l’objet mais la
les satisfaction
Besoins
Valeur est fondée sur les coûts= Valeur est fondée sur l’utilité,
la signification économique doit l’usage qui sera fait de l’objet.
être cherché dans le passé Valeur tournée vers le futur
(donc incertaine)
Vue macroéconomique : la Vue microéconomique :
valeur-travail sert de base à Economie est la science des
l’agrégation des carottes et des choix
porcelaines !
Vue dynamique : à la recherche Vue statique : prédominance
des sources du progrès du concept d’équilibre
Recherche de lois à partir d’une Recherche de lois exactes à
méthode hypothético-déductive partir de l’outil mathématique
laissant une marge place à
l’observation des faits

Pourquoi ce nouveau regard ?

Mark BLAUG propose quatre explications :

1) évolution philosophique : les économistes jusqu'alors pluridisciplinaires


veulent à présent, sans référence philosophique développer avec force
détails une science dont ils ont restreint le champ d'étude : "Plus d'effort
sur un moins grand périmètre".

2) changement dans l'environnement économique. (du style la crise de


1929 explique Keynes). Peu convaincant car tout le 19ème a été secoué

3) réaction à Marx : Marx est classique donc il faut dépasser le classicisme.

4) trop d'erreurs dans la théorie classique. Il y avait d'ailleurs des


précurseurs.

115
C'est un peu la thèse de Khun. En particulier la théorie de la valeur
semblait boiteuse.

C'est cette 4ème hypothèse qui me semble la plus sérieuse et d'ailleurs il y a


des traces d'une contestation du dogme classique chez de nombreux
auteurs.

Les précurseurs

EN France :

- Nicolas CANARD (mort en 1833) ; mathématicien ; écrit sur la nation


d'équilibre entre offre et demande, et perçoit le rôle de la marge dans cette
position d'équilibre (mais toujours valeur-travail)

- Jules DUPUIT
DUPUIT (1804-1866) : théorie de l’utilité marginale, courbe de
consommation, équilibres partiels et l'optimum. Beaucoup de Marx aussi.
C’est un ingénieur civil qui avait eu à se pencher sur la tarification de
certains « services publics » comme les ponts. En 1844 il écrit un article
« De la mesure de l’utilité des travaux publics »

Augustin COURNOT (1807-1877) + rôle des probabilités. Théorie de la


demande, du monopole, du duopole, du change
Il était professeur de mathématique, recteur de l’université de
grenoble.
Son bouquin : Recherche sur les principes mathématiques de la théorie
des richesses, (1838, Traduit plus tard par Irving Fisher).
Voir une citation dans Stigler, Histoire de la concurrence parfaite, 243.
Il commence par un exposé de la loi de la demande, et pour la première
fois on voit imprimé la demande exprimée comme une fonction du prix
(avec les courbes et l’algèbre). J.S. Mill avait sur des notes utilisé
auparavant la même courbe.
Il se penche ensuite sur l’analyse du monopole et trouve la formule
(reprise plus tard par Marshall) de l’égalisation entre revenu marginal
et coût marginal.
Il ajoute ensuite un producteur et développe un modèle de duopole qu’il
résout sous certaines hypothèses. (cf. Cournot-Nash). Et puis il
continue jusqu’à arriver au cas limite de la concurrence parfaite.
(Source ici = Robbins)

116
En Allemagne :

- Von THÜNEN
THÜNEN (1783-1850) en Allemagne, avait attaqué la théorie de la
rente de Ricardo (son contemporain ... mais THUNEN est fermier en
Allemagne de l’Est !) Un ouvrage en deux volumes : L’Etat isolé (vol. 1,
1826, vol. 2 1850). Dans le premier volme il développe un modèle
permettant de comprendre les mécanismes de la rente. Le marché se
trouve au centre et des terres d’égale fertilité se trouvent situées dans des
bandes circulaires plus ou moins éloignées du centre. Dans le second
volume on trouve la théorie selon laquelle le travail est rémunéré à sa
productivité marginale (il était si fière de sa formule qu’il voulait qu’elle
soit gravée sur sa tombe !)

- Herman GOSSEN (1810-58) :


Ecrit un livre en 1854 : « Le développement des lois des échanges
commerciaux » (raduction approximative).
Il avait trouvé 2 grands piliers de l'analyse néoclassique :
* postulat de l'utilité marginale décroissante
* le principe de l'égalité de l'utilité marginale
Ses travaux restèrent méconnus jusqu’au jour où un collègue de Jevons les
porta à son attention. Jevons, très honnête, reconnut dans la seconde
édition de son ouvrage la paternité du concept de la loi de l’utilité
marginale décroissante et du lien entre utilité marginale et valeur. Walras
en fut informé par Jevons et lui aussi rendit à Gossen l’hommahe mérité.

En Angleterre :

Robbins parle encore de John Rae (1796-1872) selon lui le père de la


théorie du capital et de l’intérêt moderne. Irving Fisher lui dédicaça son
fameux ouvrage : Le taux d’intérêt (1907).

- THORNTON avait rejeté la théorie du fonds des salaires (chez Marx : le


capital variable)

- BAGEHOT avait attaqué la loi de la population de Malthus.

117
Le fruit classique était mûr !

118
Une nouvelle théorie de la valeur

Si tous les historiens s'accordent sur un point, et c'est rare, c'est pour
reconnaître à 3 auteurs le mérite d'avoir découvert les fondations de la
science économique moderne : le calcul à la marge.

A. Valeur et utilité : Rappelez-vous combien les économistes ont


tergiversé sur la valeur : valeur travail, valeur coût, valeur rareté ?

B. Utilité marginale :

Tout nos calculs économiques débouchent sur une réflexion à la marge :


* Un objet, un service, en lui même n'a pas de valeur ; c'est une unité
supplémentaire de cet objet qui fait l'objet de mon jugement de valeur
* le verre de Pastis ...
* l'achat d'une machine supplémentaire, etc.

Daniel Villey (page 232) : « Un individu qui consomme plusieurs doses


successives d’un même bien économique trouve à la consommation de
chacune d’elles une satisfaction décroissante ; or c’est la satisfaction que
procure la dernière dose consommée—la moins utile—qui détermine la
valeur du bien ».

L’utilité marginale est une mesure psychologique de la valeur.


Paradoxe du diamant et de l'eau.

C. Utilité marginale et prix (valeur)

TMS = prix relatifs

- les 3 auteurs : un anglais : Stanley Jevons, un français "exilé" en Suisse :


Léon WALRAS, et un autrichien professant à Vienne : Carl MENGER
- s'ils ont fait cette même découverte, ils ont cependant donné naissance à
3 écoles assez distinctes. D'où le plan...

119
1. 2. Les trois écoles

A. JEVONS Stanley (1835-1882)

- toujours eux !
- le plus grand nom n'est pas JEVONS mais Alfred MARSHALL dans cette
école
- MARSHALL se voit continuateur des classiques
- tel n'est pas le cas de JEVONS.

Sa vie : famille de Liverpool. Difficultéd financières en 1948. Il accepte un


poste en Australie en 1852 où il travaille comme « assayer » in precious
metal (un chimiste qui évalue la qualité d’un métal). L’Australie est en
pleine découvete de mines d’or. Il rentre et obtient un MA à Université
College en 1862. Il sera en suite professeur à Manchester puis à
Universyty College.

(d’après Backhouse essentiellement)

Connu de ses contemporains avant tout comme statisticien.


Il y a unité dans sa pensée qui vient de l’adhésion à une philosophie
Benthamienne.

Entre induction et déduction il ne veut pas choisir. « L’induction n’est que


l’emploi inversé de la déduction »
On a besoin des deux types de connaissance. Elles se complètent. Seule
l’accumulation de données statistiques peut déboucher un jour sur des lois
exactes.
Il est très critique de Ricardo et Mill.

a. Sa contribution à la théorie de l’utilité


On la trouve dans sa Théorie d’Economie Politique (1871)
Benthamien, il pense que peine et plaisir sont les forces qui nous poussent
à agir.
Il sait que ces peines et plaisirs sont subjectifs. Il n’est donc pas question
de se livrer à des comparaisons d’utilités inter-personnelles objectives.
Il distingue clairement, à l’aide de notation mathématique, la différence
entre utilité totale et marginale.
Il s’intéresse en suite aux trois sources d’accroissement de l’utilité.

120
i. l’échange : à ce propose il suppose qu’une même marchandise ne
saurait commander deux prix (Loi de Jevons). Il poursuit ensuite
pour montrer comment, dans un échange bilatérale, on va
atteindre le point où les TMS des différents individus sont égaux
et cela même est égal au rapport des quantités échangées.
ii. Le travail : A l’équilibre, la désutilité marginale du travail doit
être égale à la productivité de ce travail. (voir le graphique dans
Robbins)
iii. Le capital : là encore il raisonne à la marge. Le capital peut
accroître la production et donc l’utilité par sa quantité et la
durée de son emploi. Cela le conduit à une théorie mi-
autrichienne (préférence pour le présent), mi-néoclassique
(productivité marginale). Le taux d’intérêt est la productivité
marginale du temps (de la durée de l’investissement).

b. En statistique :
Il a deux ouvrages The Coal Question (1865), « A serious fall in the value
of gold ascertained, and its social effects set forth » (1863)
Le premier le rendît célèbre.
Le ton et le contenu sont totalement Malthusien (cela fait toujours
recette !). Depuis Malthus la libéralisation du commerce des grains a
éloigné la perspective d’une pénurie de blé. Mais l’Angleterre va voir sa
marche en avant stoppée par une autre avarice, peut-être plus grave
encore car la chose est non renouvelable : la pénurie de Charbon. Jevons
l’affirme « les nouvelles utilisations du charbon sont d’un caractère
illimité”. La solution préconisée est sans surprise : « Dans la mesure ou
notre progrès et notre richesse dépendent du contrôle que nous avons sur
le charbon, un retour en arrière est inévitable. »
Dans son étude sur l’influence de l’accroissement de l’or (Californie) sur le
prix des denrées, il tente, ce qui est remarquable pour l’époque de mettre
au point un indice des prix. Sa conclusion est que le pouvoir d’achat de l’or
a chuté de 10% entre 1845 et 1850.

Enfin, mentionnons sa fameuse Sunspot theory, théorie des tâches


solaires. En fait pas si ridicule si l’on sait que l’agriculture était encore une
part majeure de l’économie, et qu’elle dépend bien sur des conditions
climatiques.

c. Terminons par les réformes sociales envisagées par Jevons.

121
En 1882 il rédige : The State in Relation to Labour.
Ses positions sont assez hétéroclites. Il demeure largement en faveur du
libre échange et d’un impôt proportionnel. Il sait également que les
opinions quant à ce qui accroîtrait le bonheur général sont subjectives.
Cela ne l’empêche pas de développer un pragmatisme dans le domaine de
l’intervention de l’Etat. « L’Etat est fondé lorsqu’il vote une loi, ou lorsqu’il
agit, si cela, sans conséquence ultérieure, accroît la somme totale de
bonheur humain ».
Ainsi, en principe, et pour reprendre ses propres termes : « il n’y a
pratiquement aucune limite aux interventions du législateur ».
Il supportera la nationalisation des services postaux, les chemins de fer
nationaux en Russie (mais s’opposera à la nationalisation des chemins de
fer en Angleterre).

Son disciple le plus proche est Wicksteed.

B. Walras (Marie Esprit Léon...)

a. Biographie rapide

- des Hollandais, immigrés à ...Montpellier


- son père Auguste: Normale Sup – Il exerce une grande influence.
Walras y aurait pris sa philosophie et son économie.
- Léon échoue Polytechnique (2 fois et 3 fois aux mines)
- nommé à Lausanne en 1871 (par 4 voix contre 3 !)
- écrit un roman en 1858 puis un autre en 1859
- entre au Jal des économistes (articles refusés ...)
- plusieurs métiers
- 2 mariages..

1871 : Eléments d’économie pure


1896 Eléments d’Economie Politique Appliquée
1898 Etudes d’Economie Sociale

(Villey note l’absence d’unité entre les thèses théoriques et les idées plus
politiques.)

122
Sa philosophie n’est pas Benthamienne, mais plutôt naturelle. Ce qui
l’intéresse c’est de décrire le fonctionnement d’une économie qui
fonctionnerait selon des principes justes.

b. L’économie pure

L’influence, en sus de celle de son père, est ici celle de Cournot. Walras se
propose comme lui d’utiliser les mathématiques. Mais il va aller plus loin
que Cournot : il explique la demande, et il s’intéresse à l’équilibre général,
général
non plus seulement l’équilibre sur un marché.
Pour lui les mathématiques permettent d’arriver directement à la solution
que les marchés atteindront par un processus de tâtonnement.
Il mentionne l’entrepreneur comme élément important dans ce processus
de tâtonnement. A l’équilibre, les profits sont nuls.
A noter qu’il rejette, comme Jevons, la théorie du fond des salaires. Le
salaire est déterminé par la productivité du travail, ou plus précisément,
par la satisfaction que ce travail permet d’obtenir.

Pour lui, une concurrence libre conduira au maximum de satisfaction.


Mais par là il ne faut pas entendre le plus grand bonheur pour le plus
grand nombre. Walras n’est pas Benthamien, mais il croit dans un droit
naturel. L’équilibre est bon car il convient à la justice commutative.
Walras ne va pas aussi loin que Pareto dans la formalisation de cette idée
mais l’idée est déjà là. Avec elle donc la croyance que l’on peut, via des
redistributions, améliorer les choses.

En matière monétaire, Walras est assez novateur (pour ce qui est d’insérer
la monnaie dans un modèle d’équilibre). Il mentionne plusieurs concepts
qui allaient être repris, ou redécouverts, par la suite : l’idée que la
monnaie est demandée car elle rend des services, l’idée d’une demande
d’encaisse réelle (keynes).

Sur la méthode :

Villey : « Walras va mettre le marché en équations. »


Après tout l’économique semble être du domaine du quantifiable.
Mais attention ! Les équations cela signifie aussi l’abandon de la causalité.

123
Villey : « Prenons par exemple la question des rapports entre le coût et le
prix. Les classiques enseignent que le coût est la cause du prix ; Menger et
son école, que le prix est la cause du coût. Grâce à l’algèbre, les
économistes de l’école de Walras peuvent écrire que le coût égale le prix,
sans préjuger comment cette égalité s’établit, ni par quelles relations,
réciproques ou à sens unique. »
Chez Gonnard on trouve aussi dans le chapitre sur l’économie
mathématique un auteur qui présente l’abandon de la causalité comme un
progrès. L’économie est complexe et très souvent A influence B comme B
influence A…

c.Les réformes sociales

Il croyait dans une réforme de la société appuyée sur l’usage de la raison.


En cela il est socialiste, bien dans l’esprit du 19ème.
La maxime de son père était : « égalité des conditions, égalité de
positions ».
L’inégalité des positions est acceptée si on y parvient via un processus
juste (justice commutative) qui nécessite au départ l’égalité des conditions,
les mêmes droits pour tous.
Si l’on entre dans le détail des propositions les choses sont un peu moins
claires.
Ainsi, Walras est partisan d’un contrôle des marchés : laissez-faire et
concurrence libre sont pour lui deux choses différentes. Il supporte
seulement la dernière.
Il propose dans cet esprit de contrôler ce que nous appelons aujourd’hui les
monopoles naturels, mais aussi la publicité qui risque de désinformer le
consommateur.
Enfin, il est surtout connu en ce domaine par sa proposition de
nationalisation des terres. Reprenant l’idée bien répandue au 19ème, la
rente est conçue comme un vol, ou presque. Il appartient de taxer ou de
confisquer les terres. En fait il optera pour une taxation des plus-values
réalisées sur la terre afin de ne pas léser une partie de la population dans
un changement de système.

Blaug : « La quasi totalité de la science économique moderne est


Walrasienne ».

124
C.Carl
C.Carl Menger (1840-
(1840-1921)

Il est tuteur du Prince (que l’on retrouve dans Mayerlin, il se suicide avec
sa femme à la fin)

a. Les Principes d’économie (1871)

Première chose. Il faut définir un bien.

« Une chose deviendra un bien… si les trois quatre conditions suivantes


sont remplies simultanément :
i. un besoin humain
ii. des propriétés qui sont telles que la chose est capable par une
chaîne de causalité de satisfaire ce besoin
iii. la connaissance humaine de ce lien de causalité
iv. le contrôle des éléments nécessaires pour orienter cette chose
vers la satisfaction des besoins

Deuxième chose : les autres choses, celles qui ne satisfont pas directement
un besoin, peuvent néanmoins être considérées comme des biens. Mais ce
sont des biens d’ordre supérieur.
supérieur Ces choses sont des biens car elles
permettent de produire d’autres choses qui satisfont des besoins.

Notons que l’incertitude et le problème de la connaissance sont intégrés au


tableau dès le départ.

Partant de là on déduit la notion de valeur. Les biens ont de la valeur


parce qu’ils permettent (et seulement pour cette raison) de satisfaire des
besoins.

Le lien avec l’utilité marginale est alors évident : la première quantité de


ce bien servira à répondre aux besoins les plus urgents, les quantités
suivantes serviront nécessairement à répondre à des besoins moins
urgents. Pour connaître la valeur d’un bien il faut savoir quels besoins
sont à satisfaire.

Bien Bien Bien Bien


I 2 3 4

125
1ère 10 9 6 5
unité
2ème 8 7 4 3
unité
3ème 6 5 3 2
unité
4ème 5 2 1 0
unité

Cette idée est présente aussi bien chez Walras et Jevons.


Là où il est plus original c’est dans le prolongement de cette idée aux biens
d’ordre supérieur.
« La valeur des biens d’ordre supérieur dépend de la valeur espérée des
biens d’ordre inférieur qu’ils permettent de produire »
On voit se dessiner à l’horizon une théorie de la distribution basée sur la
productivité marginale. (cf. J.B. Clark)

La terre, le travail et le capital n’échappent pas à cette logique.

En ce qui concerne le capital, Menger le décrit comme un bien permettant


des détours de production. Le capital est nécessaire si l’on veut s’engager
dans la production de biens d’ordre supérieur.

Prix et échange
L’échange crée de la valeur puisque l’échange permet de satisfaire des
besoins qui ne seraient pas satisfaits sinon. L’échange s’arrête lorsque
l’une des parties ne perçoit plus de gain à l’échange.
Le prix ne fait pas l’objet d’une attention particulière. Dans le cas d’un
échange simple, il se situera quelque part entre les deux valeurs de
réservation. Dans le cas d’un monopole il correspondra à la maximisation
du profit. Dans le cas de la concurrence il aura tendance à être plus bas.

b. Connaissance, institutions et progrès

126
Ces thèmes sont également développés dans les principes, mais ils sont
tellement originaux—on pourrait presque dire révolutionnaires—qu’ils
nécessitent un traitement à part.

Tout d’abord la connaissance. Pour Menger, la qualité « bien » des choses


nécessite d’être découverte. D’où l’importance d’une dimension
entrepreneuriale. Dans cet esprit, la concurrence est présentée comme une
dynamique. Une dynamique de la découverte dira plus tard Hayek. C’est
pour cette raison qu’il ne s’arrête pas longuement, contrairement à Walras,
sur une théorie des prix.

Dans la même vaine, il se démarque de ses compères en ne prenant pas les


institutions comme des données de l’analyse. Les institutions économiques
sont endogènes. Elles apparaissent au cours de la recherche d’une
meilleure satisfaction des besoins.
Cela est vrai avant tout de la propriété.
« La propriété n’est pas une invention arbitraire, mais la seule solution
pratique à un problème qui s’impose à nous par la nature des choses : la
disparité entre les utilisations possibles et les quantités disponibles des
biens économiques. »
La monnaie est un autre exemple célèbre donnée par Menger (Elle fait
l’objet du 8ème et dernier chapitre des principes) : il commence par décrire
une économie de troc, puis apparaît un bien qui est le plus « marketable ».
La monnayabilité d’un bien. Lire page 260/261/262.

Enfin , il faut bien noter que ces institutions n’ont pas été inventées. Elles
sont organiques : le fruit de l’action humaine mais non pas d’un dessein
humain. On retrouve l’idée de conséquence non intentionnelle.

Cette idée sera reprise dans ses « Investigations » (p. 146) :

Le progrès, se définit comme l’extension des connaissances. Il résulte de


l’amélioration des institutions et de la concurrence.
Il se traduit par un allongement des processus de production.

c. Méthode

Au départ de son ouvrage sur la méthode il y a la déception de voir ses


« Principes » totalement ignorés par les économistes allemands dominés
par l’école historique (cf. Schmoller).

127
Contre eux il va soutenir l’existence de lois exactes (donc irréfutables). Le
débat n’est don pas tant un débat entre induction et déduction, mais un
débat sur la nature du savoir de l’économiste.

Menger est un Aristotélicien, il pense que le rôle de l’économiste est de


découvrir la nature des phénomènes. Pour lui, l’économie étudie en
particulier la façon dont des ordres spontanés peuvent servir à satisfaire
les besoins des individus.

On comprend aussi pourquoi Menger est passionné de causalité


(téléologie). Il ouvrait ses « Principes » avec la phrase suivante : « Toute
chose est sujette à la loi de cause à effet ». Comprendre (verstehen) c’est
trouver la cause.

D’où son opposition aussi avec Walras. 1. Les mathématiques ne sont pas
le langage de la causalité et 2. Walras travaille avec des systèmes
d’équations simultanées. Là encore on passe à côté de l’essentiel.

Notons enfin que Menger n’est pas un naïf. Il sait que les lois exactes
dégagées par l’économiste ne suffisent pas à prédire. Il y a place pour
l’erreur dans les comportements humains. Plus tard Mises opposera
praxéologie (le domaine des lois exactes) et histoire.

- pour les autrichiens dans le concept d'Utilité, ce qui compte les plus c'est
l'utilité qui est subjective.
c'est pourquoi on appelle cette école : l'école psychologique. Alors que
Walras s’intéresse au quantitatif, les autrichiens sont intéressés par le
qualitatif.

128
1.3. Une unité trompeuse

A. Alfred MARSHALL (1842 - 1924)

Personne incontournable. Personnage aussi difficile à classer. Ce qui le


caractérise le plus c’est peut-être le fait qu’il ne voit pas de rupture entre
les classiques (il a d’ailleurs un style, une méthode qui n’est pas sans
rappeler celle de Smith) et ses travaux.

Il critique JEVONS en 1872 (voir Schumpeter à ce sujet). Je crois que c’est


parce que Jevons voyait ses travaux en rupture complète avec les
classiques, alors que Marshall insistait sur la continuité. D’ailleurs son
premier travail a consisté à réécrire les théories de Mill en s’aidant des
travaux de Cournot et von Thünen. Il s'excusera dans son ouvrage
principal "Principes d'Economie" 1890 de sa réaction première aux travaux
de Jevons.

Il exercera une influence énorme (même aujourd'hui).


KNIGHT fut son disciple aux E.U.

Chaire à Cambridge en 1885

Publie les Principes d’économie politique, en 1890. (Mais il aurait fait la


plupart des recherches avant 1870). La cinquième édition paraît en 1907.

Caractéristiques de son approche :


1. Tout d’abord il s’intéresse à la croissance et à la distribution,
comme les classiques.
2. Il ne donne qu’un rôle mineur à la théorie de la valeur.
« Marshall n’a jamais voulu considérer les besoins comme étant
donnés » (Backhouse, page 95)
3. Les coûts de production et l’offre jouent par contre un rôle
essentiel. Il est le théoricien des économies d’échelle et des
rendements croissants.
4. Il s’intéresse avant tout à la dynamique. A l’évolution. Ses héros
sont Spencer et Hegel. Pour cette raison, il rejette l’équilibre
général (mais non l’idée que les prix sont interdépendants) et

129
développe ce concept d’analyse partielle. La clause ceteris
paribus devient symbolique de cette approche.

Quelques analyses :
1. Le prix des denrées. Marshall n’a pas une théorie des prix, mais
plusieurs selon l’horizon temporel que l’on donne à l’analyse.
Ainsi, dans le très court terme, les quantités produites sont
données et l’ajustement se fera entièrement sur la demande
(courbe d’offre verticale), sauf si le bien peut être stocké. Dans ce
cas la courbe d’offre devient plus élastique. Sa forme sera
déterminée par les anticipations de prix des offreurs. Dans le
court terme, les entreprises ne peuvent pas modifier les
investissements fixes, mais peuvent modifier le niveau de
production. Le prix dépendra du coût marginal de court terme.
Enfin dans le long terme, il y a la possibilité de rendements
croissants et d’économie d’échelle (courbe d’offre décroissante).
décroissante
Mais, il faut bien noter que pour Marshall, le long terme n’est
pas synonyme d’équilibre où plus rien ne se passe. Le long terme
est tout autant l’occasion de changements, d’évolution. C’est
pourquoi il introduit le concept de la firme représentative.
2. La distribution. Sa théorie est basée essentiellement sur la
productivité marginale des facteurs de production. Il critique
aussi la théorie du fond des salaires pour en venir à une théorie
que certains rapprochent de celle de la demande effective de
Keynes. La demande dépend de l’offre. Il est souvent considéré
comme le père du concept du surplus du consommateur qu’il
appelle « rente du consommateur » en faisant un parallèle avec la
rente du propriétaire terrien. Mais attention : il ne recherche pas
une mesure « précise » de l’accroissement du bien-être.
3. Le progrès économique dépend d’une façon intéressante du
progrès morale. C’est là une théorie originale de Marshall
tentant de réconcilier tous les classiques. Comme Smith il pense
que le progrès est lié à la division du travail et à l’accumulation
du capital. Mais il y a la logique Malthusienne qu’il ne faut pas
oublier : si la crainte de la famine s’est définitivement éloignée, il
y a toujours le risque pense Marshall d’une hausse des salaires
qui produirait un recul car elle serait non couplée avec un
accroissement de la productivité (cf. Sa théorie de la
rémunération à la productivité marginale) et conduirait en toute
logique à la baisse des profits et à la fuite des capitaux. La

130
solution se trouve dans la nature de la consommation : il faut
que la richesse nouvelle soit consacrée à l’éducation, à
l’amélioration des capacités productives. C’est donc des valeurs
morales, en dernier recours, que dépendront notre survie et notre
développement. Les valeurs morales sont la source du
développement durable dirait-on aujourd’hui !
4. Le rôle de l’Etat :
i. Il y a des arguments en faveur de l’intervention.
Comme Edgeworth après lui, il développe l’idée qu’en
prenant au riche pour donner au pauvre on accroît la
satisfaction globale en raison de la décroissance de
l’utilité marginale du revenu. De plus une bonne
fiscalité devrait pouvoir encourager les secteurs à
rendements croissants aux dépens des secteurs à
rendements décroissants. Enfin, il faut éviter les
monopoles qui tendent à accroître les prix et baisser les
quantités (la fameuse théorie…)
ii. Mais pour autant Marshall n’est pas un apologiste de
l’Etat. Car il ne faut pas limiter l’homme à sa
dimension économique. On retrouve la l’inspiration
Smithienne : l’homme recherche l’approbation de son
entourage. Et précisément la liberté d’entreprendre va
lui donner la possibilité de développer cette dimension.
Il y a un sens du devoir et un altruisme qu’il convient
d’encourager. C’est ainsi qu’un monopole n’est pas
forcément mauvais. Les employeurs ne forment-ils pas
les employés ? Les parents n’éduquent-ils pas leurs
enfants ? C’est pourquoi il demeure opposé au
socialisme administrateur, à une régulation étatique de
la production et aux nationalisations. Il faut rappeler
que Marshall voit d’autres puissances (tel l’Allemagne
ou les US, en pleine expansion : ce n’est pas le moment
de freiner l’esprit d’entreprise en Angleterre !)
iii. La liberté d’entreprendre forge le caractère. Même si
d’un point de vue purement économique elle était
imparfaite, il importe de la préserver pour des raisons
morales. C’est l’entrepreneur de la période victorienne :
sobre, travailleur, précautionneux qui fait l’admiration
de Marshall. Pour les pauvres, il suggère une fiscalité
progressive (qui ne doit pas cependant freiner

131
l’entreprise). Les plus démunis seront pris en charge
soit par la charité privée soit par un « filet social
minimum ».
iv. S’il reconnaît les dangers que décrivait Malthus, il
pense que la loi du salaire minimum vital, n’est ni une
loi, ni quelque chose de désirable. Il importe par contre
de faire en sorte que les individus développent leur
« standard de vie » (pour lui, éducation, intelligence,
raison) plus que leur standard de confort.

5. La méthodologie de Marshall : Il cherche à être réaliste, et se


méfie de la doctrine. Il cherche une synthèse entre théorie et
histoire. Mais à la différence de Jevons, il accorde une moindre
place à la théorie pure. Son dernier ouvrage Industrie et
Commerce (1923) contient une grande quantité de faits. S’il a
commencé avec les mathématiques, il s’en méfie également.
L’une des raisons étant qu’il voudrait expliquer le changement et
que les mathématiques se prêtent mieux à l’analyse de
phénomènes déterministes.

Extrait de son annexe matyhématique (où l’on trouve force integrals et calcul
differential)
It would be possible to extend the scope of such systems of equations
as we have been considering, and to increase their detail,
until they embraced within themselves the whole of the demand
side of the problem of distribution. But while a mathematical
illustration of the mode of action of a definite set of causes may
be complete in itself, and strictly accurate within its clearly defined
limits, it is otherwise with any attempt to grasp the whole
of a complex problem of real life, or even any considerable part
of it, in a series of equations. For many important considerations,
especially those connected with the manifold influences
of the element of time, do not lend themselves easily to mathematical
expression: they must either be omitted altogether, or
clipped and pruned till they resemble the conventional birds and
animals of decorative art. And hence arises a tendency towards
assigning wrong proportions to economic forces; those elements
being most emphasized which lend themselves most easily to
analytical methods. No doubt this danger is inherent in every
application not only of mathematical analysis, but of analysis of
any kind, to the problems of real life. It is a danger which more
than any other the economist must have in mind at every turn.

132
But to avoid it altogether, would be to abandon the chief means
of scientific progress: and in discussions written specially for
mathematical readers it is no doubt right to be very bold in the
search for wide generalizations.

Pour des avis différents sur Marshall, voir la citation de Samuelson, très
critique, et celle de Taussig, élogieuse !

- autre nom : EDGEWORTH : bon mathématicien - disciple de


Marshall et surtout Jevons. LA boîte et la courbe des contrats.
Il veut montrer par son économie du bien-être que la fiscalité
progressive est souhaitable.

-B. Vilfredo Pareto :

Cours d’Economie Politique (1896)


Manuel d’Economie Politique (1906)
C’est une économie du bien-être non-utilitarienne qu’il développe.
Opposition à Bentham et Mill.
épuré la science : utilité ordinale, pas de subjectivisme
ophélimité vs. Utilité

* l'optimum : définition :
une situation est optimale si l'on ne peut améliorer la condition d'un ou
plusieurs individus sans aggraver celle d'un ou plusieurs autres individus.
En fait s’il n’y a pas de redistribution à partir de cette situation qui ferait
l’unanimité.
Avantage : ce concept ne nécessite pas de comparaison des utilités de
différents individus.

* déviation sur la sociologie : les hommes sont gouvernés par passion,


habitude, mythes, etc. Il écrit un Traité de sociologie, en 1916.

- prolongement de cette école chez les contemporains : on parle souvent


(voir thèse de Martin) du renouveau de l’économie Parétienne dans les
années 30.
- insister sur l'absence de comparaison des préférences :⇒ Kaldor - Hicks
⇒ Bentham et Bien-être social

133
C. L’école Autichienne

Wieser et Böhm-
Böhm-Bawerk
Bawerk (B-B!,beau-frères, bonjour les repas de famille...)

Frederick Wieser étend à la productivité des facteurs le principe


marginaliste. Les coûts eux-mêmes sont subjectifs. Ce sont des coûts
d’opportunité, et les opportunités—et leurs évaluations—varient d’un
individu à l’autre. (The Relation of Cost to Value, 1876 ; Social Economics,
1914)
Il est connu aussi pour sa théorie des imputations qui est une
reformulation du concept de biens d’ordres supérieurs (ce sont les biens
d’ordre inférieur qui donnent leurs valeurs aux biens d’ordre supérieurs).
On parle aussi de théorie de la demande dérivée.
Il distingue valeur « naturelle » et valeur d’échange. La valeur naturelle
est ce qui prévaudrait dans un monde d’êtres rationnels, un monde idéal.
Seule compte l’utilité marginale. Dans le monde réel, la valeur d’échange
est déterminée par l’utilité marginale, mais aussi par le pouvoir d’achat.
Il utilise ensuite ces notions pour montrer l’aberration de la théorie de la
valeur travail.
Par la suite sa distinction pourra être utilisée pour « défendre » d’une
autre façon le socialisme. Cela fait penser à Pigou, à la distinction entre
coûts sociaux et coûts privés, une distinction qui elle aussi sera utilisée
contre le marché. Nous y reviendrons.

Eugen von Böhm-Bawerk a eu son livre traduit en anglais. C’est alors que
les pays de langue anglaise vont découvrir les analyses Autrichiennes.

Il est également connu à l’époque pour son étude critique des théories de
Marx. Son Karl Marx and the Close of his System, (1896) constituera la
réfutation “classique”.

Il sera aussi réputé pour ses analyses du capital et de l’intérêt dans


lesquelles il accorde une place fondamentale à la période de production
(roundabout ou détour de production) ainsi qu’à la préférence positive
pour le temps (préférence pour le présent) qui implique un agio pour les
pour
biens et revenus présents.

134
Ses travaux sont à relier à ceux de Knut Wicksell (économiste Suédois
comme l’était Gustav Cassel, un disciple de Walras). Chez Wicksell on
trouve une réflexion sur la structure du capital (cf. Lachmann). On trouve
également le désir d’intégrer théorie monétaire et théorie de la production.
Les fluctuations de la masse monétaire affectent les prix indirectement à
travers un écart entre taux naturel de l’intérêt et taux du marché.

Schumpeter,
Schumpeter admirateur aussi de Walras et Marx et quelque peu
socialisant : innovation source de progrès, de dynamique
né en Moravie (Tchécoslovaquie)
étudie à Vienne
Ministre des finances de l'Autriche → banquier malheureux →
Harward (+ 1950)
Théorie du développement économique, 1912.
Le personnage central en est l'entrepreneur innovateur (ni risque, ni
incertain, mais du caractère !).
Les sources du progrès :
nouvelle matière première
produit nouveau (grappes d’innovations)
nouvelle combinaison productive
nouvelle organisation ou débouchés nouveaux

Le cycle expliqué par ces innovations. On s’éloigne des théories de


l’équilibre

- puis Mises L.
- Hayek → L.S.E. → chicago
* économie (capital, prix)
* D.L.L.
- Lachmann → + grand subjectivisme : surtout subjectivisme des
anticipations
- Kirzner. Théorie de l'entrepreneur, prise chez Mises
→ processus de marché

Conclusion : 3 écoles avec des interactions nombreuses, rendues possible


par ces fondements communs : indiviudalisme méthodologique
(terminologie due je crois à J.Schumpeter)
Tel n'est plus le cas de Keynes et des cambridgiens

135
Ce qui était prévu :
Chapitre 2 : Les débats théoriques
2.1. Les questions monétaires
2.2. Le rôle de l’Etat
Chapitre 3 : Les grands débats d’économie politique
3.1. La question de la monnaie
3.2. Le New Deal
3.3. L’économie d’après guerre
3.4. La gobalisation du 20ème

Ce que je vais faire


Chapitre 2 : Les débats d’économie politique
2.1.Débat autour de la possibilité d’un calcul socialiste
scientifique
2.2. Débat autour des crises monétaires
2.3. Débat entre Economie publique et Public Choice

Conclusion du cours

2.1. Débat autour de la possibilité d’un calcul socialiste scientifique

A. Le renouveau de l’analyse Parétienne et ses applications

Enrico Barone (1908) écrit « Ministry of production in a Collective State » dans


le prolongement des travaux de Ricardo. Pour lui, une économie socialiste
pourrait faire aussi bien qu’une économie de marché, puisque les prix ne sont
après tout que la solution d’un système d’équations.

Après la première guerre mondiale, Otto Neurath reprit l’idée en y ajoutant


deux arguments. Tout d’abord, la période de guerre a montré que le
gouvernement peut organiser l’économie de façon efficace (il n’y avait pas de

136
chômage). De plus il est clair que le gouvernement n’est pas perturbé par la
recherche de profit. (contraste avec Kirzner).

En 1929, dans un article de l’AER, Fred Taylor insiste : non seulement une
économie socialiste peut faire aussi bien ; elle peut même faire mieux. L’une
des raisons est qu’elle peut jouer sur la répartition initiale des richesses.

Oskar Lange (1904-1965) Polonais. Etudie à Cracovie. En 1934 une bourse


Rockfeller le conduit en Angleterre et aux USA. Vers la fin de la deuixième
guerre mondiale il change de camp et retourne en Pologne en 1947. Il travaille
pour le gouvernement polonais. Il est alors proche de Staline.
En 1938 il écrit « On the Economic Theory of Socialism ».
Son but est de metre la science économique (en particulier néoclassique) au
profit de la planification et plus généralement du socialisme.

Abba Lerner
Né en Russie, élevé à Londres
1929 entre à LES, à cette époque Fabian Socialists (famille Webb)
Très brillant.
Support de Keynes
P=MC
Lerner était convaincu de la beauté et de l’efficacité du l’équilibre général
parétien.
The Economics of Control (1944)

Programmation linéaire : Leonid Kantorovich


Tjalling C. Koopmans est dans la même vaine.

B. La réponse Autrichienne

Mises
Disciple de Menger, il travaille à la chambre de commerce de Vienne (où il aura
Hayek comme assistant) et donne un sémnaire à l’Université (Schumpeter,
Oskar Morgenstern,…)
Les Autrichiens sont réputés pour leurs études sur les cycles.

137
Exilé autour de la seconde guerre mondiale : Genève (il rencontre Kelsen,
auteur de Théorie positive du Droit). Il resterons amis. Après la Suisse, il se
retrouve comme beaucoup des membres du club de Vienne aux Etats-Unis. Vit
à New York. Séminaire à la Business School de NYU. Meurt dans les années
70.
Ouvrages majeurs : Bureuacracy, Socialism, Human Action

On ne peut appliquer le système de planification si il n’y a pas de prix. Les prix


viennent de l’échange. Et l’échange nécessite la propriété.

Chez Mises, en particulier dans Human Action, il développe sa vision des


marchés avec un rôle primordial donné à l’entrepreneur. On trouve aussi, dans
une ligne très autrichienne, un traitement poussé de la question de l’incertitude.

Au niveau méthodologique, Mises défend une position aprioriste.

Cette apprache « axiomatique » se retrouve dans les discussions de politique


économique. Tout ce qui viole la propriété privée est un mal. Les Misesien
assimile assez souvent la fiscalité à du vol.

Cette approche très « intransigeante » connaît aujourd’hui un regain d’attention.


Murray Rothebard a servi de courroi de transmision et à ancrer cette apprache
dans la scolastique et le thomisme.

Hayek, 1939 et 1945.

De façon plus générale, le problème se déplace vers la question fondamentale


de la connaissance.

Début à Vienne. Ouvrage en psychologie cognitive. Droit. Chambre de


commerce.
Londres (LES, Robbins). Chicago. Francfort. Prix Nobel.
Ouvrages majeurs : Price and Production, The Road to Serfdom, The
Constitution of Liberty, Law and Legislation and Liberty.

On dit parfois qu’il y a deux Hayek… (développer)


Au niveau de la politique économique, son nom reste attaché à celui de la
Société du Mont Pèlerin. Objectif…

138
Citation de Trotsky

Conclusion : il n’y a pas une homogénéité du groupe. Les différences semblent


se confirmer entre « néoclassiques » et « autrichiens ».
Nous avions conclu le chapitre précédent sur une fausse unité dans la science
économique. D’une certaine façon cela se confirme.
Malheureusement le débat ne sera pas tranché de façon définitive au début du
20ème. C’est pourquoi nous le revoyons resurgir à la fin siècle.

139
2.2. Débat autour des crises et de la question monétaire

Introduction : sur la théorie monétaire de grandes choses avaient été écrites


début 19ème et améliorées par Menger, Walras et Jevons. Les contributions
théoriques de la fin 19ème, début 20ème vont plutôt porter sur l’analyse des
fluctuations.
Il faut dire que ces fluctuations ont été nombreuses au 19ème : (Rosier, 24) Crise
de 1825-31, Crise de 36-43, puis 47-52, puis 57-58, 66-69, 73-78, 82-86, 90-
95…
L’histoire monétaire quant à elle est bien connue. Après que la convertibilité fut
restaurée il y eut plusieurs « systèmes » : étalon-or, SMI, SME, Euro…

A. Les théories des cycles

Les faits
Jevons avait « établi » l’existence de cycles de 10-11 ans.
Juglar a introduit la terminologie.
Plus tard, les travaux de Mitchell et du NBER (fondé en 1920)

A. 1. Les explications monétaires

Wicksell Interest and Price (1898). Part de la théorie quantitative de la


monnaie. Mais pour lui cette théorie ne permet pas d’expliquer la façon dont
les prix changent. Pour l’expliquer, il va distinguer le taux normal, ou naturel
de l’intérêt, et le taux monétaire de l’intérêt.

Le taux naturel est celui qui égalise l’offre d’épargne et la demande de prêt pour
investissement. Il est grossièrement égal au taux de rendement espéré des
nouveaux investissements.
Dans une économie de crédit simple, sans intermédiation bancaire, les deux
taux ne risquent pas de diverger. Par contre dans une économie de crédit
organisé, il peut y avoir écart entre les deux. Il peut y avoir une inflation des
crédits.

140
- Dans une économie de crédit simple, si le taux monétaire est inférieur au
taux naturel, les fonds se font plus rares ; les emprunts vont dépasser
l’épargne. La demande de biens va donc dépasser l’offre de biens. Les
prix vont augmenter, et le taux monétaire rejoindre le taux naturel.
- Dans une économie bancaire, les banques vont retarder l’ajustement en
continuant de prêter, se substituant aux épargnants.
Début de l’école Suédoise.

Cette théorie sera par la suite enrichie par les Autrichiens (Böhm-Bawerk,
Mises, Hayek). Pour eux le taux naturel dépend de la préférence pour le temps.
La banque peut déformer ces préférences.

Fisher Appreciation and Interest (1896) The Purchasing Power of Money


(1911)
Comme Wicksell il distingue deux taux d’intérêt, le taux réel et le taux
monétaire.
Il est aussi connu pour nous avoir donné la théorie quantitative sous sa forme
moderne : l’équation des échanges MV=PT.
Comme Wicksell il accordera une grande importance au fait que la création
monétaire se fait en partie par les écritures bancaires.
Comme Wicksell, il attire l’attention sur le fait que cette équation n’est pas
vérifiée en tout instant et que les temps d’ajustement des taux aux variations
de prix sont la cause des cycles.

Marshall. Il y a une version Cambridgienne de cette équation. M/P = kR. C’est


la théorie des encaisses réelles (développée par Pigou et que l’on retrouvera
chez Keynes, un autre Cambridgien). C’est surtout la porte ouverte aux
déterminants psychologiques des fluctuations. Là encore, une approche que
nous retrouvons chez Keynes.

A.2. Les explications secteur réel

La première, celle qui a vraiment donné l’impulsion aux théories modernes des
cycles est celle de Tugan Baranovsky. Son problème est de savoir comment la
Russie peut se développer. Cela le conduit à un réexamen de la dynamique du
capitalisme. Il en conclut, avec Lénine et contre Marx, que le capitalisme peut
très bien perdurer. L’accumulation du capital n’aura pas forcément de fin.

141
Seulement cette accumulation est irrégulière. Il y a en particulier des périodes
récurrentes de sur-production. Elles apparaissent lorsque le taux d’intérêt
s’enflamme suite à un épuisement des fonds prêtables (emprunt de
consommation difficile ?). Il faut alors attendre que ce fonds se reconstitue.
Industrial Crises in England, 1894.

Spiethoff avance la même année une autre explication, basée cette fois-ci sur
des vagues d’innovation. Ces vagues accroissent les perspectives de profit et
donc les investissements en capital. Les prix des biens de consommation
demeurent élevés. Tôt ou tard ces prix vont baisser et les investissements
s’arrêter car les nouvelles machines sont en place, c’est la dépression qui
attendra une nouvelle vague d’innovations.

Dans la foulée de ces deux études vont s’inscrire de nouvelles contributions


théoriques. Par exemple celle d’Albert Aftalion. Accélérateur : I = b∆C avec
b>1. Une variation de la demande de biens de consommation entraîne une
augmentation plus que proportionnelle de la demande de biens de production.
En suite, il y a le fait que l’investissement est composante de la demande et
donc accroît le revenu. C’est la composante multiplicateur.
Albert Aftalion prend l’exemple d’un poêle que l’on allume pour chauffer une
pièce froide (pour expliquer le décalage entre investissement et revenu).

B : La grande Crise et la réaction keynésienne

B .1. Le contexte

Boom des années 20.


Création de la FED
Faut-il retourner à la parité en Angleterre d’avant guerre ? Le retour à lieu en
1925 (Keynes y était fortement opposé).
Mais l’échange or est abandonné en 1931.
Accumulation d’or aux USA.
Y-a-t’il , comme certains l’ont écrit un lien entre crise et réglementation des
marchés ? (en particulier des fusions et acquisitions)

24 Octobre, 13 Millions d’actions vendues

142
Entre 29 et 32, la production industrielle mondiale recule de plus de moitié, les
prix de plus d’un tiers, 30 millions de chômeurs en 1933 dans les pays
industrialisés.
Herbert Clark Hoover : Le new Deal avant l’heure. Taxes douanières.
Franklin D. Roosevelt (élu en 1932) : NIRA (National Industrial Recovery Act)
American Federation of Labour. Wagner Act (nouveau droit social)

B.2. La vie et l’œuvre de Keynes

1) John Meynard Keynes (1883-1946)

-Chercheur du King's Collège - père économiste John Neville


- fonctionnaire à l'Indian Office - 1906-1908 puis au Trésor 1915-1919
- 1923 : Un tract sur la reforme monétaire (critiqué par Hayek)
- Ouvrage principal : 1936 :"Théorie générale de, l'emploi, de l'i, et de la "
- Président Cie Assurance Vie - Directeur Banque d'Angleterre - 1941 -
- Accords de Bretton-Woods (1944)
D'autres ouvrages avec des évolutions (ou contradictions ?)

La charpente de sa théorie générale :


+ point de départ : équilibre de sous-emploi durable (crise de 1929)
Objectif : relancer l'emploi (dans le L.T., tous morts)
Redslob p. 201 (1ère page avant la feuille bleue)

"Cela est probablement vrai à la longue. Mais cette manière d'étudier les choses
est une mauvaise méthode d'étudier les évènements actuels. A la longue nous
serons tous morts. Les économistes se donnent une tâche trop facile et trop
inutile, si dans une période orageuse, ils se contentent de nous dire que lorsque
la tempête est passée, l'océan redevient calme".

2 - La théorie générale

N← Y (revenu) Donc si sous-emploi → il faut ↑ Y (# Say)

or Y = D effective = C + I + G (cf. Malthus)

* C est gouverné par loi psychologique : p.m.c.< 1


donc stable dans le court terme

143
* I gouverné par deux facteurs
a) e.m.c. - variable elle aussi subjective
-↓ dans le temps (cf. les classiques)
- explique les crises car vague pessimisme → e.m.c. ↓ → D ↓ (théorie
psychologique des crises)
b) i = prix de la renonciation à la liquidité
- donc dépend de la préférence pour la liquidité (cf. Marshall, demande
d’encaisses réelles)
- liquidité dépend 3 motifs - transaction
- précaution
- spéculation (Keynes insiste)

Notons bien que la demande de monnaie est très instable dans cette théorie monétaire
(c’est l’opposé chez Friedman).

1ère solution - i bas c'est bien : argent bon marché


D M° ↑ mais i trop faible ⇒ préférence infinie pour L.
⇒ crise sous-emploi
* G = 2ème solution

N.B. : attaque contre l'épargne qui a fait du mal.

B 3- Conséquences : les politiques keynésiennes : (≠ Keynes)

- synthèse de Hicks et mises en application de politiques de relance (GO) ou de


ralentissement (STOP) de la demande

Résultat : le gouvernement doit intervenir : STOP & GO . relance par la D.


renforcé par Phillips (1958) étude 1861-1957
relation taux de chômage / taux d'inflation

- instrument :
* politique budgétaire = augmentation du déficit ou réduction
côté recettes : politique fiscale avec baisse ou hausse des impôts

40 % directs ou indirects 60%


↓ ↓
20 % revenus T.V.A. 40 %
et 12 % bénéfices Pétrole 10 %

144
Tabac
}5%
Alcool

N.B. : les cotisations sociales ne sont pas incluses dans les recettes fiscales. Elles
représentent à elles seules autant que toutes les recettes fiscales combinées (resp. ;
1.400 mds Fcs et 1.500 Mds de Fcs)

Côté dépenses : subventions, ↑ revenus fonctionnaires, travaux financés par


l'Etat ... (i.e., investissement public)

* politique monétaire :
- encadrement du crédit (taux d'i)
- émission de monnaie
- dévaluation (1981-82-83) / réévaluation

- inconvénients :

* on néglige l'offre qui est supposée toujours "suivre" la demande (existence de


rigidités, de goulots d'étranglement, de retards technologiques...)
* le déficit budgétaire coûte cher ...
- inflation si résorbé par émission .. (inflation = impôt général)
- détournement d'épargne (effet d'éviction)
Bastiat
+ service de la dette
* néglige la contrainte extérieure
→ aujourd'hui effort d'harmonisation des interventions
ex. : un asservissement de la D. peut se traduire par une augmentation des
exportations aux dépens de l'O. nationale.

* problèmes des délais : dans combien de temps la relance sera-t-elle effective


? Et sera-t-elle toujours nécessaire à ce moment là, ou créera-t-elle uniquement de
l'inflation ?

Mais l'inconvénient le plus grave est de donner l'impression que l'on peut manipuler
assez aisément l'évolution économique.
La macroéconomie, qui comme nous le verrons peut avoir son utilité tant qu'elle reste
fondée sur la compréhension des comportements individuels, n'est pas à mettre entre
toutes les mains.

145
Keynes , qui dénonçait les illusions et esprits irrationnels (animal des spéculateurs), a
promu la grande illusion de la 2ème moitié de ce siècle : il est possible de gouverner
l'économie.

Cette illusion demeure fortement ancrée aujourd'hui même si la stagflation,


phénomène des années 70, a donné naissance à un contre-courant moins
interventionniste qui tente de se faire entendre et que nous présenterons dans un
instant. Mais il nous faut dire auparavant quelques mots d'autres courants de pensée
plus ou moins proches de la pensée keynésienne.

NB On pourra utiliser ici les transparents basés sur Laffer qui comparent Kennedy et
Nixon.

146
1.3. Monétarisme et nouvelle économie classique : retour à la rationalité

Management monétaire (discretion) ou règle monétaire (rule).


Phillips. Friedman.

De l’absence de règle à la navigation à vue.

La position moderne. Nécessaire stabilité des prix. Monnaie et confiance.


Comment gagner la crédibilité.
Secteur financier et secteur réel = deux mondes opposés ? Pas nécessairement.
Cf. une théorie des biens d’ordre supérieur.

N.B. : On y trouve les néo-classiques et autrichiens ..

1) L'école de Fribourg et l'économie sociale de marché

- le père de l'école : Walter Eucken (papa était Prix Nobel ...)


chaire à Fribourg (1881-1950)
après-nazisme - après école historique
Suivant Max Weber il conduit son analyse en terme de type purs.
Identifié ainsi 2 types purs d'organisation : plan-marché
or, de ces deux, seul le second est à la fois efficace et respectueux des libertés
(les 2 défenses possibles du marché !)
L'Etat devra donc garantir le cadre de la concurrence : les lois mais aussi une certaine
réglementation permettant la convergence vers cet ordre recherché à base de liberté et
de concurrence.
Même si il y a une certaine discussion quant à ces réglementations du socialisme ( à la
base).
- W.Röpke (1899-1960) - effet d'éviction.
- L. Ehard : principe de subsidiarité : l'Etat ne doit intervenir que lorsque
l'individu n'est pas en mesure d'assurer ses besoins.
- influence sur la reconstruction allemande très grande → 1967
L'expérience la plus libérale depuis la seconde W.W.(et peut-être de ce siècle)
- il faut dire que les économistes de l'ordre libéral allemand sont politiquement
engagés (cf. I.Ecco : "parquer, enfermer les intellectuels dans les universités")
- à l'origine du Traité de Rome - loi antitrust - d'une politique de saine
(indépendance Bundes Bank allemand) :prix stables - pas de planification (alors que
c'était la mode, par ex. en France)
- succès éclatant !

147
2 ) L'école de Chicago :

L'étoile la plus brillante de la pensée économique américaine depuis la seconde


guerre mondiale. C'est de là qu'est venue la critique de Keynes (autres écoles : Yale,
Harward,"techniciens" : Princetown, M.I.T)
Avant guerre : Jacob Viner, Frank Knight
Après guerre : deux noms se détachent

F. Hayek :
* Autriche →L.S.E. (Robbins) → Chicago→ Fribourg
* Walter Lipman - société du Mont Pélerin
* théorie monétaire et théorie des cycles (B.B.)
* la route de la servitude
* rôle de l'information
* fondement juridiques et philosophiques de l'ordre spontané
libéral.

Milton Friedman
* réponse à Keynes sur la monnaie qui est "neutre"
* réponse à Keynes sur la consommation
→ effets de multiplicateur ne sont pas aussi efficace que
le pensait Keynes (fondation de consommation)
→ économie de l'offre

- Arthur Laffer : conseiller de Reagan : la cloche


- Stigler : théorie des prix (attaque contre le loyer fixe, le salaire minimum...)
• - G.Becker : élargit le domaine de l'économie Effet Becker.
Il suffit de mentionner les titres de quelques
uns de ses travaux : 1957, l4economie de la
discrimination, 1961, Notes sur l’analyse
économique de la philanthropie, 1962,
Investissement en capital humain : une analyse
théorique, 1965 : un ethéorie de l’allocation
du temps, 1968 : Crime et Sanction, 1974, une
théorie du mariage, 1981, Traité sur la
famille. Notons que Becker n’est pas tant
révolutionnaire. Après tout Malthus, Mill
S’intéressaient à ces thèmes.

148
→ doublé par l'école de Virginie :
* le marché politique
* les mécanismes de vote ...(Buchanan; Tullock)

Face à ces deux grands courants contemporains keynésiens et monétaristes, d'autres


"sensibilités" (ou plusieurs variantes)

Conclure cette section sur la troisième voie et Hayek


L’école de Harvard : Bearls et Means, Galbraith, institutionnaliste

149
2.3. L’économie publique ancienne et nouvelle et le Public
Choice
(de Pigou à Laffont)

• Nouvelle économie publique new welfare


economics (Arrow, Harsanyi, Sen). Les théories
de la justice.
Problématique : le critère de Pareto nous laisse
sur notre fin. Comment aller plus loin ? Vieux
débat. Bentham. Pigou.
Arrow va donner un résultat essentiel, déjà
exprimé chez Condorcet dans son analyse des
votes : il est impossible de passer de
préférences individuelles à des préférences
« collectives ».
L’hypothèse d’une fonction de bien-être social
est donc arbitraire.
DE nombreux auteurs vont prolonger cette
littérature, y compris Amaritha Sen.
Cette littérature a des prolongements avec la
théorie de la justice. Deux noms sont ici à
mentionner.
Tout d’abord John Rawls. Propose un critère
« lexicographique » permettant de classer les
alternatives : 1) le plus de liberté possible 2)
le système où les plus défavorisés sont les
moins mal lotis.
Robert Nozick, dan Anarchie, Etat et Utopie,
optera pour une approche plus résolument
procédurale. Il se rapproche ainsi de John
Locke.

- A.C Pigou (1920) à Cambridge : problème développer les macros-intérêts


recherche d'une fonction d'utilité sociale pour mesurer ce bien être
- rappel L.Robbins sur l'incomparabilité des utilités individuelles
- nous avions déjà vu des critères de mesure
* critère de l'optimalité de Pareto
- il y aura également le critère de la compensation de Kaldor et Hicks

150
- sur la possibilité d'avoir une fonction d'utilité collective dérivée de fonctions
individuelles ; Arow (Prix Nobel 1972), reprenant le paradoxe de Condorcet,
montrera que cela est impossible.
Le problème de l'agrégation des utilités demeurent entier et fait toujours l'obejt
de débats.

1.4. Les nouvelles analyses de l'Etat

• Public choice. Les noms, James Buchanan,


Gordon Tullock, Bill Niskanen, Charles Rowley,
Anthony Downs (The Economic Theory of
Democracry- 1957), Dcan Black (Théorie des
Comités et des élections, 1958). L’Ecole de
Virginie. Les origines : l’école de finances
publiques italienne. Les Pincipaux ouvrages :
Mancur Olson La Logique de l’action
collective, 1965, Bill Niskanen, Bureaucratie
et Gouvernement représentatif, 1971, The
Calculus of consent, 1962.
Idées : ouvrir la boîte noire « Etat ». Les
comportements des électeurs et des élus
n’échappent pas à la logique des choix.
Le marché politique (marchandage
parlementaire)
Les stratégies du candidat
Le comportement de l’électeur
Le comportement du bureaucrate
EN bref le fonctionnement d’une démocratie.
Cela les conduit à s’interroger sur la nature
d’une constitution démocratique.

*Les déterminants de la sphère étatique


*Le fonctionnement du marché politique
*Le fonctionnement de la bureaucratie

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