Vous êtes sur la page 1sur 30

Cours de l’économie

industrielle

PROF : LHARTI REDA


EMSI-RABAT
Introduction
1- Qu'est-ce que l'économie industrielle ?
L'économie industrielle est un champ de l'économie consacré à la compréhension du
fonctionnement d'un marché en fonction de sa structure (pas toujours compétitive).
Cette étude dépend de nombreuses variables décrivant le marché, notamment le nombre
de vendeurs ou le degré d'intégration verticale (il s'agit d'analyser si l'entreprise produisant
le bien étudié possède également l'entreprise qui fournit les biens intermédiaires ou celle
qui distribue le bien).

En fonction de cette structure, il s'agira d'analyser la stratégie de l'entreprise en termes


de prix et de quantités mais aussi en termes de qualité, de discrimination, de dépenses en
recherche et développement, de publicité ou d'innovation.

Par rapport au cadre de la concurrence parfaite, on ne se place plus dans un cadre d'équilibre
général mais dans celui d'un équilibre partiel. On se concentre sur un ou plusieurs marchés mais
pas sur l'économie dans sa totalité. Par ailleurs, dès lors qu'on sort du cadre de la concurrence
parfaite, l'entreprise n'est plus preneuse de prix ("price taker") et fait face à ce qu'on appellera
des interactions stratégiques. Les stratégies des autres firmes du marché (en termes de prix, de
quantité,) vont alors impacter ses propres choix.

Lors de ce cours nous étudierons principalement les phénomènes de monopole et d'oligopole.


Nous aborderons notamment les questions de politique tarifaire. L'objectif sera par exemple de
comprendre pourquoi une firme propose autant de tarifs différents. Un autre sujet de l'économie
industrielle est d'analyser les phénomènes d'entente ou collusion tacite.

La question est alors de savoir pourquoi les opérateurs de téléphonie se sont-ils entendus sur les
prix. Enfin nous aborderons aussi les diverses stratégies de barrières à l'entrée, c'est-à-dire les
méthodes que l'entreprise peut mettre en place pour empêcher l'entrée de nouveaux
concurrents.

2- Un peu d'histoire : Théorie vs Empirique


Historiquement, deux "traditions" d'économie industrielle s'opposent et se complètent.
La première, appelée tradition d'Harvard, date des années 1920 et est principalement
empirique. Elle s'est développée autour d'un modèle "structure procédé performance".
La structure du marché (le nombre de vendeurs, le degré de différenciation des produits, la
structure des coûts, le degré d'intégration verticale, …) définit les procédés (prix, qualité,
R&D, investissement, publicité, ...) qui vont eux-mêmes définir la performance du marché
(efficacité, innovation, profit, ...).
Cette première vision de l'économie industrielle se construit principalement autour
d'études statistiques, sans support théorique. Il s'agit d'identifier au moyen d'une relation
(souvent linéaire) l'impact de diverses variables sur le profit. En formalisant, les relations
testées sont du type :

Πi = f(CRi; BEi; …)

Où Πi est une mesure de la profitabilité (de la firme ou du secteur) ; CRi est le taux de
concentration (mesure de la compétition dans le secteur, ...) ; et BEi est une mesure des
barrières à l'entrée.

Ce type de méthodologie pose toutefois de nombreux problèmes. Outre le problème


de mesure (il faut être capable de mesurer correctement le taux de concentration ou les
barrières à l'entrée), il est apparu que ce type de méthodes identifiait uniquement les
corrélations et non les liens de causalité. On peut en effet imaginer que des effets vont dans
l'autre sens, c'est-à-dire par exemple de la profitabilité vers les barrières à l'entrée (plus un
marché est profitable, plus les firmes vont pouvoir mettre en place des stratégies coûteuses pour
empêcher l'entrée de nouveaux concurrents).

Ainsi une nouvelle méthodologie s'est développée depuis les années 1970. Elle est appelée
"tradition de Chicago". Cette tradition s'appuie sur le besoin d'une théorie rigoureuse
analysant les différents liens de causalité liés à l'économie industrielle. Elle utilise ensuite
des études plus empiriques pour identifier les différentes théories concurrentes.

3- Qu'est-ce qu'un marché ?


On a vu que le "sujet" d'étude de l'économie industrielle était le marché. Avant de
commencer cette étude, il est donc nécessaire de définir, de comprendre ce qu'on appellera
un marché. Le plus difficile sera en fait de délimiter le marché.

On ne souhaite en effet pas se limiter à des entités trop petites. On ne peut pas se
restreindre aux biens homogènes (càd identiques). En effet, toutes les firmes proposent des
biens ne serait-ce que légèrement différents et pourtant toutes ne possèdent pas un pouvoir
de monopole. On a donc besoin d'une définition plus large.

On peut donc imaginer définir le marché comme un ensemble de biens substituables. En


économie, on dira que deux biens sont substituables si quand le prix de l'un augmente, les
quantités demandées de l'autre bien augmente également. Cependant tous les biens sont
potentiellement substituables les uns aux autres. L'augmentation du prix de n'importe quel
bien, fait que les consommateurs vont se tourner (en partie) vers d'autres biens. Or, on ne
veut pas que "notre" marché représente l'économie toute entière. Il faut donc que notre
définition du marché ne soit pas trop large.
Finalement, la définition du marché dépend en fait de ce qu'on veut en faire. Si on veut
étudier la politique énergétique, il faut prendre le marché de l'énergie dans sa globalité :
charbon, pétrole, électricité, ... Au contraire si on veut étudier les effets sur la concurrence
d'une fusion entre deux producteurs de charbon, on doit uniquement considérer le marché
du charbon.

Il n'y a donc pas de définition simple du marché. Plusieurs critères utiles ont toutefois
été dénis : Tout d'abord, un marché peut être déni comme une chaîne de substituts. En partant
d'un bien, on englobe ses substituts, puis les substituts de ces substituts, etc, jusqu'à ce qu'il
existe un écart assez important entre les substituts. Cette définition possède toutefois quelques
problèmes. Hyundai et Rolls Royce appartiennent en effet à la même chaine de substituts mais
peut-on considérer qu'ils appartiennent au même marché ?

On peut également définir un marché en fonction de la corrélation entre les prix,


comme indicateur de la compétition. Une telle définition possède également quelques
défauts : NSTAR (fournisseur d'électricité sur la côte est des États-Unis) et EDF
qui distribuent toutes les deux de l'électricité ne sont en aucun cas en compétition
mais leurs prix sont fortement corrélés puisque tous les deux liés au prix du fuel.

On ignorera dans la suite du cours ces difficultés en supposant que le marché est bien
déni et que soit (i) les biens à l'intérieur du marché sont homogènes soit (ii) qu'il s'agit de
biens différenciés substituables avec des interactions limitées avec le reste de l'économie.

4- La structure de marché
On a vu qu'un des déterminants principaux du fonctionnement d'un marché était la structure de
ce même marché. Le tableau suivant résume la terminologie qui sera utilisée
dans la suite du cours, en fonction du nombre de vendeurs et d'acheteurs sur le marché.

Nombre d’acheteurs

1 Nombre fini ∞
1 Monopole Enchères Monopole
Nombre de bilatéral
vendeurs Nombre Appel d’offre Oligopole bilatéral Oligopole
fini
∞ Monopsone Oligopole CPP
Les structures notées en vert (monopole bilatéral, enchères, appel d'offre) concernent
principalement les marchés des biens d'équipement ou de production alors que celle en bleu
(monopsone, oligopsone) sont surtout présent sur les marchés agricoles, le marché du travail ou
les services à la personne. On se concentrera lors de ce cours sur les structures apparaissant en
rouge (monopole et oligopole) qui concernent principalement le marché des biens de
consommation.
CHAPITRE I : La remise en cause du modèle de concurrence
pure

L’objectif du chapitre :

• Connaître le modèle de concurrence pure.


• Comprendre les raisons de sa remise en cause et en tirer les conséquences.

Plan du chapitre :

• DES HYPOTHÈSES DE MOINS EN MOINS RÉALISTES


• CONCURRENCE IMPARFAITE ET CONCURRENCE MONOPOLISTIQUE
• L’APPORT DE LA CONCURRENCE MONOPOLISTIQUE AUCOMMERCE INTERNATIONAL
1.1 DES HYPOTHÈSES DE MOINS EN MOINS RÉALISTES
Parmi les cinq conditions nécessaires pour que l’on puisse parler de concurrence parfaite, il suffit
qu’une seule d’entre elles ne soit pas vérifiée pour que la concurrence devienne imparfaite.
Comme nous allons le voir, aucune d’entre elles n’est véritablement en phase avec la réalité
industrielle d’aujourd’hui.
• L’atomicité est l’une des conditions rarement atteintes. Elle suppose En effet que les PME
et les entrepreneurs individuels constituent l’essentiel du monde de l’entreprise, ce qui
n’est pas le cas dans un marché mondialisé où cohabitent monopoles et oligopoles. De
fait, le libéralisme et la déréglementation ont eu raison de la CPP.
Dans tous les milieux industriels – des médias à la distribution –, la réalité de ce début de
XXI -ème siècle est celle de la concentration et de la fusion, afin de constituer des pôles
industriels suffisamment puissants pour répondre à la mondialisation des marchés.
Fusions et concentration pourront s’arrêter au stade des oligopoles ou devenir des
monopoles de fait. Dans le cas des oligopoles, la tentation sera grande, pour un certain
nombre d’entre eux, de limiter davantage encore la concurrence en constituant des
cartels, officiellement interdits, ou en pratiquant des ententes.
• La transparence, condition essentielle pour accéder à toutes les informations du marché,
et ce gratuitement, permet théoriquement aux consommateurs comme aux autres
producteurs de prendre en toute connaissance la bonne décision. Aujourd’hui, si le
progrès technique a considérablement amélioré l’accès à l’information, en réduisant plus
particulièrement le temps d’accès, on est cependant loin de la gratuité : l’information a
un coût de plus en plus important. Par ailleurs, si le consommateur est de mieux en mieux
informé, il faut noter qu’il est souvent influencé par les campagnes publicitaires et que
l’asymétrie d’information est la règle.
• La fluidité des marchés est une autre condition nécessaire du modèle de la concurrence
parfaite. Elle permet à de nouveaux producteurs de bénéficier de la profitabilité du
secteur et/ou de la filière, mais aussi à ceux existants déjà sur le marché de sortir de la
filière, considérée par eux comme insuffisamment rentable, pour se reconvertir dans
d’autres activités. Cette fluidité est aujourd’hui principalement remise en cause par la
recherche d’économie d’échelle, qui seule permet d’atteindre la capacité de produire
dans une économie mondialisée, où la part belle du marché est faite aux entreprises qui
ont les coûts de production les plus bas. Mais les économies d’échelle ont un coût, et des
conséquences directes contraires au principe d’atomicité. Ce coût s’identifie aux besoins
de capitaux, à leur mobilisation seule capable de permettre d’atteindre la taille optimale
leur permettant d’affronter la concurrence. Toutes les entreprises ne disposent pas des
moyens financiers capables de les réaliser. Dans un marché dominé par la petite
entreprise, un petit nombre d’entre elles sera capable de mobiliser les capitaux
nécessaires. Les autres devront disparaître à long terme. Parmi les conséquences directes
de cette recherche d’économie d’échelle, il y aura donc d’une part une diminution
importante de PME et, d’autre part, l’arrivée sur le marché d’entreprises de taille de plus
en plus importante. On s’éloigne ainsi à grands pas du principe d’atomicité, ce qui se
vérifie particulièrement dans la grande distribution, avec l’avènement de véritables
oligopoles dominés par des enseignes comme Auchan, Carrefour, Casino ou Leclerc. De
même, on ne saurait oublier les obstacles d’ordre administratif, réglementaire,
technique, etc., qui sont autant d’obstacles à la fluidité.
• L’homogénéité des produits n’est plus aujourd’hui qu’une hypothèse d’école que l’on
retrouve encore, par exemple, sur le marché financier avec l’action ou l’obligation. Dans
la quasi-totalité des cas, la différenciation des produits est la règle. En effet, elle permet
de mieux affronter la concurrence directe, pour une même branche d’activité. Cette
différenciation peut dépasser le produit lui-même et se traduire dans le service après-
vente, l’emballage, le conditionnement, etc. L’homogénéité a fait donc place à
l’hétérogénéité.
• Enfin, la mobilité des facteurs est souvent contradictoire. En ce qui concerne la mobilité
du capital technique, elle est souvent rendue difficile par les coûts qu’elle génère – ce qui
n’empêche pas pour autant de constater des mouvements importants de délocalisations
d’entreprises. Pour ce qui est de la mobilité du facteur travail, elle est souvent constatée
dans les pays émergents comme la Chine et l’Inde, et, à un degré moindre, dans les pays
anglo-saxons où la pratique du contrat à durée déterminée est souvent la règle. Par
contre, dans les pays de l’UE, les contraintes sociales et le droit du travail sont souvent
des obstacles à la fluidité. En conséquence, la réalité industrielle d’aujourd’hui, c’est tout
sauf la concurrence pure et parfaite. De modèle de référence, elle est devenue modèle
d’exception (voir le marché à la criée et le marché au cadran, par exemple). L’économie
industrielle en a tiré les conséquences et n’entend privilégier aucune structure de marché
mais, au contraire analyser toutes celles qui s’identifient au mieux à la réalité de
l’entreprise. Parmi ces nouvelles structures, il y a, bien sûr, celles qui sont directement la
conséquence de la remise en cause des hypothèses de la CPP : la concurrence
monopolistique et la concurrence imparfaite.
1.2 CONCURRENCE IMPARFAITE ET CONCURRENCE MONOPOLISTIQUE

En 1933, deux auteurs, J. V. Robinson et E. H. Chamberlin, publient deux ouvrages qui restent des
références sur ce sujet. Élève d’A. Marshall, J.V. Robinson publie The Economic of Imperfect
Competition et, la même année, E. H. Chamberlin publie The Theory of Monopolistic
Competition.

Dans son ouvrage, J. V. Robinson remet en question la théorie de l’équilibre général de L. Walras,
contestant les hypothèses sur laquelle elle repose, et plus particulièrement celle de la CPP. Il
propose alors une analyse plus réaliste des structures de marché. À la différence de L.Walras, son
analyse part du monopole et non de la CPP, non pas pour en faire la structure référente, mais
pour contester l’idée selon laquelle le monopole n’est qu’un cas extrême, une exception de la
CPP. Cette démarche l’a conduit à faire de la concurrence imparfaite une structure de marché où
les entreprises sont bien en concurrence, sans que soient autant vérifiées toutes les hypothèses
du modèle de CPP.E. H. Chamberlin aboutit aux mêmes conclusions, mais à partir d’une critique
du modèle de CPP et de la remise en cause d’une de ses hypothèses : celle de l’homogénéité du
produit. Ce qui va l’amener à définir une nouvelle structure de marché : la concurrence
monopolistique, structure où cohabitent à la fois monopole et concurrence. L’analyse d’E.H.
Chamberlin trouvera un relais avec P. Krugman, prix Nobel 2008, qui va proposer, dans les années
1980, un modèle du commerce international fondé sur la concurrence monopolistique.
En résumé, ces deux auteurs se complètent, la concurrence monopolistique n’étant que la
conséquence d’une concurrence imparfaite. À ce titre, la contribution d’E. H. Chamberlin est sans
doute plus importante pour l’économie industrielle que celle de J. V. Robinson, cette dernière
s’inscrivant davantage dans une contestation du modèle macroéconomique. Régime hybride
entre le monopole et la concurrence pure et parfaite, la concurrence monopolistique répond aux
trois conditions suivantes, réunies simultanément :

• Il y a libre entrée et libre sortie des firmes dans la filière ;


• Chaque firme dispose de sa propre clientèle ;
• Chaque entreprise considère les prix de ses concurrents comme une donnée.

L’hypothèse centrale, celle de la différenciation du produit, remet totalement en cause


l’hypothèse d’homogénéité. La différenciation d’un produit se traduit par le fait que des firmes
différentes offrent, pour satisfaire des besoins identiques, des produits qui ne sont pas
totalement identiques, même s’ils portent souvent le même nom. Cette différenciation devient
un élément du marché pouvant constituer une barrière à l’entrée et, à ce titre, contribuer à
rendre difficile la pratique concurrentielle.

a) Les différentes formes de différenciation

On peut regrouper les différentes formes qu’elle peut prendre, en distinguant la différenciation
spatiale, la différenciation verticale et la différenciation horizontale.

La différenciation spatiale

On doit à H. Hotelling, dès 1928, l’approche de la différenciation spatiale. Dans son modèle, il
prend l’exemple de deux blanchisseries qui ne se distinguent que par leur localisation (le long
d’une rue, par exemple). Le service proposé, ainsi que le prix qui s’y rattache, sont identiques. La
problématique à laquelle nous allons être soumis est double : la détermination de la clientèle de
chacune des deux blanchisseries et la localisation optimale des offreurs (en l’occurrence, ici, les
blanchisseries). L’analyse du coût des transports des clients est nécessaire pour déterminer la
clientèle de ces deux blanchisseries. H. Hotelling fait une autre hypothèse concernant le
comportement des acheteurs : celle de la minimisation du coût de transport, ce qui va permettre
de déterminer une clientèle, dans la partie de la ville où il est moins cher de se rendre. En amont,
les entreprises devront être le plus près possible l’une de l’autre et du centre-ville (principe de
différenciation minimale). En 1979, cinquante ans après H. Hotelling, d’autres économistes (C.
d’Aspremont, J. J. Gabszewicz et J.-F. Thisse) vont proposer un principe de différenciation
maximale, les producteurs se situant près des extrémités de cette route.

La différenciation horizontale

La différenciation horizontale se caractérise par l’existence, sur un même marché, de produits


ayant un usage identique ou similaire, une appellation souvent identique et une apparence
différente.

Figure : La différenciation horizontale

Dans son analyse de la concurrence monopolistique, c’est cette approche que retient E. H.
Chamberlin. Dans cette représentation, chaque offreur est considéré comme disposant d’une
partie de la demande totale. Une variation du prix de l’un des biens aura peu d’effets sur la
demande des autres biens.

La différenciation verticale

La différenciation verticale (ou différenciation qualitative) peut se définir comme la situation où


des produits présentent les mêmes structures de caractéristiques, mais avec un nombre de
caractéristiques différent. Le produit ayant le plus grand nombre de caractéristiques sera
considéré comme étant de meilleure qualité : cette différenciation est donc subjective, et résulte
souvent de l’action persuasive résultant des techniques de vente, comme la publicité.

b) Les conséquences de la différenciation

Quelle que soit la forme de différenciation, elle va permettre à chaque entreprise de passer d’une
demande individuelle à élasticité infinie, à une demande a élasticité finie. De plus, la
différenciation va permettre de fidéliser une clientèle : l’élasticité finie de la demande sera le plus
souvent faible en valeur absolue. À court terme, l’entreprise pourra donc privilégier un rapport
prix-quantité tenant compte de cette demande fidélisée, ce qui aura pour conséquence de
générer un super profit à court terme, et ce, malgré une augmentation des coûts de production
induite par les coûts engendrés par la différenciation (coûts des dépenses publicitaires, par
exemple). En conséquence, plus l’entreprise différencie son produit, moins la demande qui
s’adresse à elle est sensible au prix. L’élasticité prix est plus forte qu’en monopole, mais moins
forte qu’en concurrence pure, et le degré de différenciation devient un déterminant important
de la demande. Le marché n’est plus un lieu d’échange de biens strictement homogènes, mais
devient un lieu d’échange de l’ensemble des biens différenciés. Il n’existe donc plus un prix
unique sur le marché, mais un prix différent pour chaque bien différencié. À court terme, comme
en CPP, le nombre d’entreprises est donné. Chacune d’entre elles maximise son profit sans
prendre en compte les décisions des concurrents. Du fait de la fidélisation au produit, elle se
comporte comme un monopole, avec un prix d’équilibre supérieur au coût marginal. Comme en
monopole, les quantités produites sont plus faibles que celles obtenues en CPP. Pour autant,
l’entreprise dispose alors d’un véritable pouvoir de marché. La concurrence prend une autre
dimension, et ne se résume plus à la seule concurrence par les prix, mettant en évidence le rôle
de la publicité.

c) L’équilibre de l’entreprise en concurrence monopolistique

La concurrence monopolistique n’exige pas seulement une différenciation du produit, mais


suppose implicitement des économies d’échelle limitées. C’est à cette condition que les
entreprises peuvent oublier leur interdépendance avec les entreprises concurrentes. La courbe
de demande à la branche DD est celle de la production totale pour un seul prix, prix unique du
marché. La part de marché de chaque entreprise dépend bien sûr du nombre d’entreprises
présentes et du prix pratiqué. Toute entreprise présente peut décider d’accroître sa part de
marché en proposant un prix moins élevé. À court terme, l’équilibre de la firme est représenté
par le graphique ci-dessous :

Graphique 1-2 La firme à court terme

Le profit est maximisé en E (Rm= Cm), au prix PE pour des quantités QE. PEABC représente le
profit pur de l’entreprise. C’est un prix d’équilibre, parce que pratiqué par l’ensemble des
entreprises. Libre à elles de le modifier, mais aussi de différencier le produit, afin de réduire son
coût moyen, ou de l’augmenter en justifiant cette augmentation par une qualité supérieure du
produit. À long terme, l’existence de profits purs et la libre entrée sur le marché vont justifier
l’accroissement du nombre d’entreprises et de marques concurrentes, ce qui entraîne une
réduction de la demande à chaque firme, D →D1(cf. graphique 1.3).
Le partage de la production va conduire à une annulation des profits purs, lorsque D1est tangente
en B, à la courbe de coût moyen de longs termes. On retrouve l’une des caractéristiques de la
CPP. Par contre, une autre conséquence est celle de l’existence d’une capacité de production
inutilisée : on parle alors d’excès de capacité, représentée par QE– QC, QC étant l’optimum
concurrentiel. Cette fois, on n’est plus dans l’efficience concurrentielle pure, bien au contraire,
puisque ce graphique montre l’existence d’un coût social, dont l’annulation ne peut venir que de
la renonciation à différencier les produits. On retrouve alors la CPP.

Dans les faits, les meilleurs exemples de concurrence monopolistique se retrouvent dans les
activités, où les économies d’échelle sont faibles –les activités de services, par exemple.

1.3 L’APPORT DE LA CONCURRENCE MONOPOLISTIQUE AU COMMERCE INTERNATIONAL :


L’ANALYSE DE P. KRUGMAN

Prix Nobel d’économie en 2008, P. Krugman propose, dès 1980, un modèle original du commerce
international fondé sur la concurrence internationale. En 1977, A. Dixit et J. Stiglitz avaient déjà
proposé un modèle de concurrence monopolistique qui intègre l’effet positif de la variété dans
l’offre des produits sur le bien-être, et l’augmentation des coûts fixes, qui en est la consistance.
Dans son modèle, P. Krugman va partir des hypothèses suivantes :

• Les entreprises peuvent bénéficier de rendements d’échelle croissants ;


• Les produits sont différenciés ;
• Chaque producteur détient sur un produit différencié un véritable pouvoir de monopole;
• Les consommateurs aiment la variété ;
• Le coût du transport est un coût qu’il faut intégrer dans l’analyse de la différentiation.

L’ouverture du commerce au niveau mondial va conduire les consommateurs à importer des


produits en plus grand nombre. Se développe alors un commerce intra-branche, où chaque
entreprise doit faire face à un marché de plus en plus vaste. Mais, si les consommateurs sont
sensibles à la diversité de l’offre, pour autant l’élargissement des choix conduit aussi,
paradoxalement, à l’uniformisation, conduisant à une double application. Tout d’abord, compte
tenu des coûts de transport et des rendements d’échelle, les entreprises ont un avantage
compétitif sur leur propre territoire. Ensuite, les mêmes entreprises implantées sur un grand
marché bénéficient d’économies d’échelle importantes, ce qui renforce leur compétitivité.

Dans la théorie traditionnelle de l’échange international, l’hypothèse de base était la CPP : on en


déduisait que le libre-échange était profitable à toutes les nations qui échangeaient (cf. D.
Ricardo). Dès 1989, P. Krugman constatait que la CPP est l’exception et que, dans la majorité des
cas, les marchés sont en situation de concurrence imparfaite, avec un nombre d’entreprises
réduit agissant sur le marché. Ce nouvel environnement stratégique est vérifié aujourd’hui avec
l’émergence d’oligopoles industriels.

Dans un article fondateur paru dans le Journal of International Economics, P. Krugman constatait
que, si la spécialisation existe bien, l’essentiel du commerce international a lieu entre pays de
même niveau de développement et s’adresse, le plus souvent, à des produits similaires : la France
exporte des Renault en Allemagne et importe des Volkswagen d’Allemagne. Comment expliquer
ce phénomène ? Pour cela, deux concepts vont être mis en avant : les économies d’échelle, d’une
part, et l’avènement d’un marché de concurrence monopolistique, d’autre part. L’existence
d’économie d’échelle explique pourquoi plus on produit en grandes quantités, plus le coût
unitaire diminue. La concurrence monopolistique se traduit par un nombre très limité de
producteurs au niveau national (deux constructeurs automobiles en France, trois ou quatre en
Allemagne, etc.). En réduisant le nombre d’entreprises sur le marché, la ou les entreprises
restantes vont devoir diversifier leur offre. La concurrence prend une autre forme : ce ne sont
plus nécessairement les avantages comparatifs qui vont être déterminants, mais l’antériorité
dans la spécialisation (avantage au premier parti), la taille du marché intérieur, les économies
d’échelle, etc. P. Krugman en tirera une conclusion très importante : ce ne sont pas des pays qui
commercent entre eux, mais des groupes industriels, des firmes. C’est donc à leur niveau qu’il faut
chercher les raisons du commerce international.

Dans la théorie du commerce extérieur de D. Ricardo, l’échange concerne deux pays de


développement économique différent, alors que celle de P. Krugman privilégie l’échange entre
deux pays de même niveau de développement. Dans les années 1980, P. Krugman ira encore plus
loin, en justifiant les aides qu’un État peut apporter à une grande entreprise nationale, en
l’occurrence l’industrie aéronautique. Son argumentation s’appuie sur l’idée qu’un seul
constructeur d’avions sera plus efficace que plusieurs. Pour devenir le seul, cela vaut la peine
qu’un État aide son champion national. À partir de 1991, il va apporter une contribution décisive
à l’économie géographique, avec la publication de Geography Trade, en 1991.Pour lui,
l’important n’est pas la frontière d’un pays, mais les zones économiques et les déséquilibres entre
zones économiques prospères et non prospères. Et là encore, les économies d’échelle jouent un
rôle essentiel, associées à des coûts de production jusqu’alors ignorés de la CPP, à savoir : les
coûts de transport et les coûts de transaction. Les coûts de transport sont intégrés au concept de
différenciation et les coûts de transaction font partie de l’apport de l’économie industrielle par
rapport, par exemple, à la microéconomie. Si ces coûts n’existaient pas, toutes les entreprises
finiraient par cheminer vers une même région.

Aujourd’hui, parmi les rares marchés qui vérifient globalement les hypothèses de la concurrence
pure et parfaite, deux sont le plus souvent cités : le marché au cadran et le marché à la criée.
(Voir l’exemple 1)
CHAPITRE II : Le oligopoles

L’objectif du chapitre :

• Appréhender l’originalité de la structure oligopolistique et sa diversité.


• Analyser les mécanismes de fusion et de concentration qui y sont associés.

Plan du chapitre :

• Les duopoles
• La place des oligopoles dans l'économie industrielle
• Une stratégie duale : Fusions et ententes

En situation de concurrence imparfaite, ou de concurrence pure, le nombre d’entreprises est


suffisamment important pour que l’on ne s’inquiète pas des conséquences des décisions prises
sur les entreprises rivales ou concurrentes. Tel n’est pas le cas d’un marché oligopolistique,
regroupant quelques entreprises.
2.1 LES DUOPOLES

Structure de marché réduite à deux entreprises, le duopole est une structure théorique où
l’analyse simplifiée permet de proposer des conclusions qui pourront être généralisées à un
marché, toujours oligopolistique, mais plus large. L’analyse théorique revient à distinguer celles
qui aboutissent à une situation d’équilibre (A.-A. Cournot et J. Bertrand), de celles du déséquilibre
(H. von Stackelberg).

a- Les duopoles en situation d’équilibre

Le duopole de Cournot

Très en avance sur les théories de son époque, A.-A. Cournot va s’efforcer de formaliser le
comportement des entreprises sur un marché. Pour cela, il va faire deux hypothèses
simplificatrices, à savoir :

• Le marché est celui d’un bien homogène à coût nul de production ;


• La variable stratégique est le volume de production, et non le prix.

Pour donner une meilleure crédibilité à sa démarche, il prend l’exemple de deux entreprises
exploitant deux sources minérales, côte à côte, alimentées par des puits artésiens auxquels les
consommateurs viennent s’approvisionner. Sous réserve de ces hypothèses, on peut alors
formaliser l’analyse.

Soient deux entreprises (I et II) ; la demande qui s’adresse à ce marché est linéaire = P = a – bQ
avec Q = Q1+ Q2, où Q1 est la production de l’entreprise (I) et Q2 la production de l’entreprise
(II). En l’absence de coûts de production, le profit réalisé est égal à la recette totale, soit :

Profit = P × Q = π1+π2

Avec : π1=profit réalisé par (I)

Et : π2=profit réalisé par (II)

Soit pour π1= (a − b(Q1+ Q2)) × Q1

et pour π2= (a − b(Q1+ Q2)) × Q2


En développant ces deux équations, on obtient :

π1= a − Q1−bQ²2−bQ2Q1

π 2= a − Q2−bQ²2−bQ2Q1

Chez A.-A. Cournot, ce que produit l’autre entreprise est une donnée pour celle qui cherche à
maximiser son profit, nous aurons donc dans le cas de la maximisation du profit de (I).

Π1 maximum, si :

𝑑π1
=0
dQ1

Soit encore : a − 2bQ1−bQ2= 0


Et pour (II) : a − 2bQ2 − bQ1 = 0
Et : Q1=a/2b−Q² /2 (1)

Q2=a/b−Q1/2 (2)

(1) est la fonction de réaction de l’entreprise I compte tenu de la production de l’entreprise II.
(2) est la fonction de réaction de l’entreprise II compte tenu de la production de l’entreprise I.
Le marché est en équilibre lorsque les quantités offertes permettent de résoudre de façon
simultanée les équations (1) et (2), soit pour (1) :
𝑎 𝑄2
𝑎 𝑄2 𝑎 2𝑏 − 2
𝑄1 = − = − = 𝑎/3𝑏
2𝑏 2 2𝑏 2
Et pour (2) : 𝑄 = 𝑎/3𝑏
Les conclusions de cette modélisation sont les suivantes :
Le profit de (I) dépend des quantités Q1et Q2produites par (I) et (II), et réciproquement, pour le
profit de (II).
L’interdépendance entre (I) et (II) est ainsi mise en évidence.
Les quantités de (I) et de (II) qui maximisent leur profit sont égales.
À l’équilibre, la demande n’est pas totalement satisfaite, ce qui ne peut que contribuer à faire
monter les prix. Le duopole de Cournot est un duopole symétrique à double satellitisme. Pour I,
la quantité Q2 est une donnée, de même pour II la quantité Q1. Les fonctions de réaction (1) et
(2) sont symétriques et le comportement des entreprises est identique. Par la suite, on dira que
le duopole de Cournot est symétrique, à double satellitisme. Bien que reposant sur des
hypothèses restrictives, l’analyse d’A. -A.Cournot est particulièrement novatrice. C’est l’une des
premières, voire la première tentative de formalisation mathématique des comportements de
l’entreprise. Elle est, par voie de généralisation, une contribution référente et directe à l’étude
de l’oligopole. Elle annonce aussi la théorie des jeux (cf. encadré suivant). Enfin, ce n’est pas en
introduisant les coûts de production dans le modèle que l’on va modifier, ou annuler, la
conclusion essentielle à laquelle on aboutit, à savoir l’interdépendance des entreprises.
L’hypothèse de coûts de production nuls a permis de simplifier la démonstration, mais n’est pas
à l’origine des conclusions auxquelles elle aboutit. Parmi les critiques essentielles faites à cette
analyse, la première porte sur la variable explicative retenue, la quantité produite, et non le prix.
Un autre économiste français, J. Bertrand, va faire l’hypothèse inverse, privilégier la variable prix
et ignorer la variable quantité. La seconde critique concerne le caractère statique de la démarche
qui suppose l’instantanéité des ajustements.
Le duopole de Bertrand
Comme A.-A. Cournot, J. Bertrand est français, économiste et mathématicien, et s’est intéressé
au duopole. Cependant, la variable stratégique retenue diffère, puisque le prix est cette fois la
variable privilégiée, même si la demande est la même. En effet, dans le duopole de Bertrand,
chacune des deux entreprises fixe son prix en considérant le prix de l’autre comme une donnée.
On retrouve alors des fonctions de réactions à partir des prix. Elles se déduisent des courbes
d’iso-profit, définies comme le lien des combinaisons de prix, de deux entreprises qui réalisent le
même profit.
Que se passe-t-il alors si les entreprises choisissent de faire jouer la concurrence par les prix,
sachant qu’elles sont capables de satisfaire la demande qui répond au prix fixé ? C’est à cette
question que va répondre J. Bertrand, partant d’un autre principe qui est que le consommateur
retient toujours le producteur qui pratique le prix le plus bas. Dans sa réponse, les entreprises
choisissent le prix et les consommateurs réagissent par rapport au prix proposé. De même, les
entreprises sont supposées agir de façon symétrique et la décision sur les prix est prise, parelles,
de façon simultanée.
Hypothèse : deux entreprises (A) et (B)
Question : Si A propose un prix PA supérieur à un prix PB de B, que se passe-t-il ?
Cela va continuer ainsi jusqu’au moment où le dernier prix proposé est égal au minimum de la
fonction de Cm, soit PE, qui est aussi un prix d’équilibre. Ce prix est nécessairement un prix
d’équilibre commun aux deux entreprises. Si ce n’était pas le cas, comme les produits sont
homogènes, l’entreprise ayant le prix le plus bas prendrait toute la demande. Nous ne serions
plus alors en duopole, mais en monopole.
Toute la demande va à B
et le profit de A est nul.
Aucun intérêt pour A de
fixer PA.

B baisse son prix avec P'B Réaction de A avecP'(A) <


< P'A PB.

Même constat que


précédemment,mais
cette fois aux dépens de
B.

Figure : Le duopole de Bertrand

Contrairement au duopole de Cournot, le duopole de Bertrand aboutit à une solution


concurrentielle. Le prix d’équilibre auquel on parvient est celui de la CPP, bien qu’il n’y ait pas
atomicité du marché. Cette tarification au coût marginal entraîne donc la disparition du profit.
Un des paradoxes de la démarche est qu’il suffirait que deux entreprises se livrent à une
concurrence par les prix pour que l’on retrouve le schéma de concurrence pure. La résolution de
ce paradoxe passe par la modification de la qualité des produits et la prise en compte de la
capacité de production. La modification de la qualité des produits proposés va se traduire par la
présence de produits différenciés, se substituant aux produits homogènes.
b) Un duopole de déséquilibre : le duopole de Stackelberg
Présentation du modèle
Avec l’économiste allemand H. von Stackelberg, l’analyse du duopole s’enrichit et répond à
certaines critiques faites aux duopoles de Cournot et de Bertrand. Les hypothèses ne sont plus
les mêmes, même s’il s’agit toujours d’un marché à deux entreprises. Tout d’abord, l’auteur
suppose que ces deux entreprises ne sont pas symétriques, n’étant pas de même taille et n’ayant
pas la même capacité d’intervention sur le marché. L’une sera considérée comme l’entreprise
leader, l’autre étant l’entreprise satellite. L’analyse, ensuite, n’est pas statique, mais se place
dans une logique évolutive, dynamique. Rien n’est figé comme chez Cournot ou Bertrand. Enfin,
les stratégies privilégiées sont conjecturales et non conjoncturelles, on ne se limite plus à
constater l’interdépendance des deux entreprises. Avec H. von Stackelberg, chacune des deux
entreprises anticipe la réaction de l’autre à sa propre décision. Les hypothèses de départ ne sont
pas les mêmes. L’entreprise A et l’entreprise B ne sont pas de même puissance, c’est pourquoi le
duopole de Stackelberg sera dit « duopole asymétrique ». Mais (A) et (B) vont, toutes deux,
anticiper les réactions que leurs propres décisions auront sur les choix de l’autre. L’entreprise
leader est celle qui cherche à maximiser son profit en supposant que l’autre se comporte en
satellite. À l’inverse, l’entreprise satellite suppose que l’autre est leader avec une production
considérée comme une donnée. L’entreprise satellite ne connaît alors que sa fonction de
réaction, et son comportement est celui décrit dans le duopole de Cournot.
⚠ : Les stratégies conjecturales (Stackelberg) diffèrent des stratégies conjecturelles (Cournot,
Bertrand) et ne répondent pas aux mêmes hypothèses.
Les conséquences stratégiques
L’analyse de Stackelberg repose sur une hypothèse forte, celle de la capacité d’anticipation de
l’entreprise aux réactions de l’entreprise concurrente. Cela suppose également que l’on puisse
parfaitement identifier l’entreprise leader et l’entreprise satellite. Dans la réalité, ce n’est pas si
simple. Si nous prenons, par exemple, le duopole Renault/Peugeot, qui est leader ? Qui est
satellite ? Aussi, le duopole de Stackelberg revient à distinguer quatre situations possibles. Deux
sont des situations d’équilibres, et les deux autres des situations de déséquilibre. Dans le schéma
(1), l’entreprise A est leader et l’entreprise B est satellite ; dans le schéma (2), B est leader et A
est satellite. Dans ces schémas, les leaders et les satellites ont bien été identifiés. La firme leader,
si elle veut maximiser son profit, devra tenir compte du comportement de la firme satellite, et
pour cela devra intégrer la fonction de réaction de l’entreprise satellite à sa propre fonction de
profit. La firme satellite aura alors un comportement « à la Cournot ». Dans les deux cas, et à ces
conditions, les schémas (1) et (2) sont des schémas d’équilibre. Dans les deux autres schémas, il
y a erreur d’anticipation : les deux entreprises pensent être leaders (schéma 3), ou pensent être
satellites (schéma 4). Il y a erreur car, dans le duopole de Stackelberg, il y a nécessairement un
leader et un satellite. Cette erreur aura une conséquence indiscutable, celle d’aboutir à une
situation de déséquilibre, de nature différente selon le schéma retenu. Dans le schéma (3), si (A)
et (B) pensent être leader, selon l’hypothèse connue sous le nom d’hypothèse de Bowley, cette
situation, aboutit nécessairement à une surproduction. Cela entraînera, à terme, une baisse des
prix et des profits réalisés par (A) et par (B). Selon A. L. Bowley, trois hypothèses sont alors
possibles. La première est celle où l’une des deux entreprises capitule et devient l’entreprise
satellite. On se retrouve alors dans les schémas (1) et (2). La seconde hypothèse est que (A) et(B)
se retrouvent en double satellisation. Dans ce cas, on sera en situation de Cournot. Dernière
hypothèse, celle d’une entente entre (A) et (B)pour se partager le marché, on parlera alors de
maximisation des profits joints (cf. E. H. Chamberlin).
Dans le schéma (4), l’absence d’entreprise leader identifiée par le marché revient à une situation
de sous-production par rapport à la demande. Les prix vont augmenter, ainsi que les profits.
L’analyse de Stackelberg prend en compte l’asymétrie de l’information. On est très loin du
modèle de transparence pure de la CPP. Comme pour A. -A. Cournot et pour J. Bertrand,
l’utilisation de la théorie des jeux va permettre d’en préciser les conclusions et d’élargir le champ
d’analyse. Dans une certaine mesure, elle est un passage obligé entre la microéconomie et
l’économie industrielle.
2.2 LA PLACE DES OLIGOPOLES DANS L’ÉCONOMIE INDUSTRIELLE
a) L’oligopole différencié de Sweezy
En économie industrielle, la théorie des prix et leur détermination jouent un rôle essentiel.
L’enseignement de la microéconomie est principalement identifié aux structures de marché sur
cette question. En concurrence, les prix baissent ; en monopole, les prix augmentent. Que se
passe-t-il alors en oligopole ? Dans une économie de marché, on sait l’importance de la demande
dans la détermination du prix d’un bien ou d’un service. Aussi, dès 1939, P. M. Sweezy, en
remettant en cause le caractère linéaire de la courbe de demande, posait les bases de la théorie
moderne de l’oligopole.
P. M. Sweezy va rejeter l’hypothèse de l’homogénéité du produit et l’hypothèse de la parfaite
information du consommateur, ce qui va lui permettre de conclure que l’unicité du prix n’est plus
nécessairement la règle. À partir d’un constat, une production Q0pour un prix P0, il s’interroge
sur les conséquences éventuelles d’une modification de P0surQ0. L’interdépendance
conjecturale et les anticipations asymétriques selon que la décision concerne une hausse, ou une
baisse des prix, caractérisent l’oligopole de Sweezy.
La thèse retenue est celle de la dissymétrie des comportements à la hausse et à la baisse du prix
d’une entreprise. Et cette dissymétrie de comportement explique le caractère non linéaire de la
fonction de demande. De linéaire, la droite de demande devient coudée.
L’asymétrie des anticipations est au cœur de l’analyse de P. M. Sweezy. Et ces anticipations sont
celles liées à une hausse, ou à une baisse des prix. On distinguera donc les conséquences d’une
augmentation des prix, de celles consécutives à une baisse des prix. S’il y a augmentation de prix,
c’est à dire si une des entreprises décide d’augmenter ses prix, il y aura une diminution de la
demande, certains renonçant définitivement à acheter le produit, d’autres reportant leur
demande sur celui offert par les autres entreprises présentes sur le marché oligopolistique. Ces
dernières bénéficieront d’une augmentation de leurs ventes et il est donc peu probable qu’elles
décident de répondre à la hausse par la hausse, bénéficiant sans rien faire d’une augmentation
de leur part de marché. On en conclura donc que, dans le cas général, les entreprises ne suivent
pas, à la hausse.
Différente sera la situation des entreprises confrontées à la baisse du prix de l’une d’entre elles.
Si elles veulent conserver leur part de marché, elles devront, toutes choses égales par ailleurs,
suivre à la baisse. Aussi, l’entreprise qui prendra la responsabilité de baisser ses prix ne verra pas
sa demande augmenter, ou alors que faiblement. Elle n’aura donc pas intérêt à le faire.
Certes, que cela soit l’hypothèse de la hausse des prix ou celle de leur baisse, l’intensité des
mouvements dépendra aussi du degré de différenciation du produit, mais la conclusion générale
sera que la dissymétrie des comportements en réaction à une hausse ou à une baisse des prix,
explique pour quoi la fonction de demande n’est plus linéaire et pourquoi la stabilité des prix,
c’est à dire le refus de faire concurrence par les prix, est la conclusion de la démarche de P. M.
Sweezy.
Si la fonction de demande est coudée, la recette marginale est discontinue. En conséquence,
l’oligopoleur ne peut se trouver, de façon durable, que dans une situation où son coût marginal
ne coupe pas sa recette marginale. L’entreprise ne peut donc ni maximiser son profit, ni espérer
l’augmenter en élevant ou en baissant son prix.
En conclusion, si l’on suit la démonstration de P. M. Sweezy, l’oligopoleur n’aurait pas comme
objectif le profit, et sa stratégie concurrentielle ne serait pas celle des prix. Lorsqu’on prend un
secteur oligopolistique comme celui particulièrement représentatif de l’automobile, on constate
que l’objectif recherché par les groupes n’est pas la maximisation du profit, mais bien davantage
la recherche de parts de marché de plus en plus importantes ou, à défaut, le maintien de leur
part de marché. De même, la concurrence par les prix n’est pas la règle dans ce secteur où, par
exemple, les modèles de base, chez Renault ou Peugeot, sont proposés à des prix souvent
identiques. En revanche, la concurrence existe bien, mais elle repose sur d’autres critères :
différenciation du produit, options proposées, service après-vente, garanties, etc. La réalité
industrielle donne donc raison en 2011 à P. M. Sweezy.
b) La contestation de G. J. Stigler
Dès 1947, l’économiste américain G. J. Stigler, prix Nobel en 1982, propose une critique générale
de la théorie de la courbe de demande coudée. Le point fort de sa critique est de proposer une
analyse de la stabilité des prix qui exclut la modification du caractère linéaire de la droite de
demande. Après avoir rappelé que la théorie traditionnelle n’impose pas une modification des
prix chaque fois que la demande varie et que les coûts de production changent, il privilégie, pour
justifier cette affirmation, trois arguments :

• À long terme, l’apparition de produits de substitution et la modification des goûts et des


habitudes font que la demande devient plus sensible aux prix, conduisant le chef
d’entreprise à ne pas les modifier.
• La collusion implicite des entreprises laisse penser que, dans un certain nombre de cas,
le prix ne sera pas modifié.
• Enfin, lorsque le marché du produit est restreint, cela peut entraîner des coûts
significatifs, dans le domaine de la publicité par exemple, en cas de changement de prix.
Notons que G. J. Stigler aboutit à une conclusion générale identique à celle de P. M. Sweezy, à
savoir la stabilité des prix - ce qui vient conforter la démarche de ce dernier quant aux conclusions
auxquelles il aboutit. Il n’y a, à ce niveau de la contestation, rien qui permette de remettre en
cause le caractère non linéaire de la fonction de demande, bien au contraire.
G. J. Stigler soumet ensuite sa triple argumentation à la vérification expérimentale. Pour cela, il
analyse les données portant sur une vingtaine d’oligopoles de taille significative, mais se
rapportant à des secteurs d’activité différents ; et ce, sur la période 1929-1937. Les conclusions
auxquelles il parvient sont les suivantes :

• L’étude de l’évolution des prix réels ne conduit pas à une tendance préférentielle
d’imitation à la baisse. Au contraire, l’imitation à la hausse semble avoir la préférence.
• Les situations de collusion ne révèlent aucun accroissement de la flexibilité des prix.
• Les oligopoles où existent des entreprises barométriques (c’est-à-dire inspirant
l’adhésion des autres à leurs propres décisions, car elles sont perçues comme les
entreprises référentes du marché) sont moins flexibles que les autres.
La théorie de la droite de demande coudée ne serait donc, selon lui, qu’une simple conviction
que les faits viennent démentir. Rien d’étonnant, précise-t-il puisque l’existence du coude aurait
pour conséquence première la disparition de la maximisation du profit, et trouverait son origine
dans le comportement des oligopoleurs eux-mêmes. Lorsque G. J. Stigler fait cette constatation,
nous sommes avant la seconde Guerre mondiale et dans l’environnement de la crise de
1929.Depuis, les événements ont beaucoup fait évoluer la théorie et les faits donnent raison à P.
M. Sweezy et non à G. J. Stigler. Entre-temps, Le nouvel État industriel de J. K. Galbraith est venu
apporter un éclairage nouveau sur la société industrielle d’après-guerre. Cette société
industrielle, dominée et représentée par la grande entreprise, vase retrouver et s’identifier à une
technostructure qui a pris le pouvoir. Par ailleurs, le divorce entre la détention du pouvoir
juridique (par les actionnaires) et l’exercice réel du pouvoir (par les managers) vient modifier les
conditions de fonctionnement du marché. Désormais, les prix vont être fixés non pas pour
maximiser le profit, mais pour minimiser les incertitudes du marché (risque de grève, par
exemple). En outre, les apporteurs de capitaux, qui hier décidaient de maximiser le profit, ne sont
plus les managers. Pour ces derniers, la part de marché est la variable objective.
Il faut au mieux l’augmenter, au pire la maintenir. La guerre des prix ne va plus être alors à l’ordre
du jour des priorités. Le nouvel État industriel annonce la mainmise des oligopoles sur le système
industriel de la fin du XXe siècle. La mondialisation des marchés, qui ne cesse de s’accélérer
depuis le début du XXIe siècle, n’a rien changé – bien au contraire.
2.3 UNE STRATÉGIE DUALE : FUSIONS ET ENTENTES
a) Les fusions-acquisitions
La concentration fait partie de la vie des entreprises. Celles-ci peuvent croître sans s’unir : on
parle alors de croissance interne, reposant sur le développement d’une activité existante. Mais
elles peuvent également croître en s’unissant à d’autres groupes : c’est ce qui caractérise la
croissance externe. Cette dernière, dans le cas d’activités nouvelles, peut permettre de réduire
une concurrence exacerbée, en achetant un savoir-faire, en jouant sur la complémentarité, etc.
Pour cela, l’arme stratégique est la fusion acquisition. Très vite, celle-ci apparaît comme un
moyen rapide de répondre à la mondialisation. Elle consiste, par voie d’acquisition et/ou de prise
de contrôle, à concentrer les activités concernées entre un nombre de producteurs de plus en
plus faible. Au début du XXe siècle, les échanges internationaux étaient essentiellement intra-
européens, le Japon produisant pour son marché intérieur et les États-Unis pour le leur. Il faut
attendre la deuxième moitié du XXe siècle, et surtout les années 1970, pour voir se généraliser
les fusions-acquisitions.
La classification habituelle conduit à distinguer, d’une part, les motivations économiques (dans
le cadre d’une concentration verticale) de celles concernées par le rachat de concurrents (dans
le cadre d’une concentration horizontale) ; d’autre part, les motivations
financières(conglomérats). Les activités concernées ne sont pas nécessairement cohérentes sur
le plan économique (complémentaires ou substituables), mais s’inscrivent dans la recherche, en
cas de difficultés conjoncturelles, de réduction du risque encouru. Dans le cas particulier des
entreprises cotées en bourse, l’opération pourra être amicale (volonté partagée du vendeur et
de l’acheteur), ou inamicale (cf. Hermès/LVMH en 2011). Pour les entreprises non cotées en
bourse, l’accord se fera à partir d’un marché de gré à gré.
Intérêt et avantages des fusions-acquisitions
Acheteur et vendeur ont le plus souvent intérêt à une fusion-acquisition. L’acheteur y verra la
possibilité de réaliser des économies d’échelle (remise sur volume, réduction des doublons dans
l’outil de production, etc.). De même, dans l’hypothèse d’une fusion-acquisition avec intégration
verticale, l’acheteur bénéficiera d’un meilleur contrôle de la chaîne de production et de l’accès
aux matières premières. À cela viendra s’ajouter la synergie des circuits de distribution,
l’acquéreur éventuel pouvant utiliser son propre réseau pour diffuser les produits de ses
nouvelles activités (cf. Pernod-Ricard/Seagram). Enfin, on n’oubliera pas de souligner l’éventuelle
synergie fiscale, dans le cas d’une entreprise fortement bénéficiaire. Cette dernière aura alors
intérêt à se rapprocher d’activités bénéficiant de crédits d’impôts importants, afin de réduire ou
d’annuler les impôts consécutifs à son activité avant fusion. Mais l’avantage des fusions-
acquisitions ne se limite pas à l’acheteur éventuel : le vendeur peut aussi y trouver avantage. Par
exemple, une fusion-acquisition peut permettre à l’entreprise cédante d’améliorer son profit en
se recentrant sur des activités plus à la mode. Elle pourra aussi lui permettre de se séparer d’une
« branche morte ». Enfin, la fusion-acquisition peut répondre à un besoin de trésorerie, comme
ce fut le cas pour Vivendi, en 2001-2002, avec la cession de Moughton Mifflin. En outre, il
convient de ne pas oublier l’effet d’aubaine, le vendeur profitant d’une valorisation élevée de
son entreprise pour la céder à une autre entreprise (cf. EDF en 2006, avec la mise sur le marché
de sa filiale EDF Énergies nouvelles). Freins et limites du processus de fusion-acquisition.
On constate que les fusions-acquisitions ne sont pas des opérations sans risque, puisque leur taux
d’échec dépasse 50 % (cf. les travaux de T. Straub). La raison principale est un prix payé trop cher
par l’entreprise acheteuse. De plus, certains redoutent des concentrations excessives, qui finiront
par être des monopoles. C’est pourquoi le législateur a mis en place, sur le marché, des instances
destinées, si nécessaire, à se protéger des fusions-acquisitions jugées excessives et/ou contraires
au bon respect des règles de concurrence. Parmi les plus connues, citons :
• Les lois anti-trust (le démantèlement de la Standard Oil, par exemple) ;
• La direction générale de la concurrence par la Commission européenne ;
• Le contrôle du capital pour les sociétés par actions, cotées ou non en bourse :
- Pratique de la majorité du capital (Casino),
- Limitation du droit de vote d’un tiers,
- Recours au chevalier blanc. L’entreprise en passe d’être achetée par un concurrent
peut faire appel à une autre entreprise, amie cette fois, pour se substituer à cet
acheteur inamical (par exemple, le choix fait par AGF d’Alliance, et non de Generali),
- Intervention des pouvoirs publics. Souvent, dans le cas d’activités stratégiques, le
législateur peut intervenir pour rendre impossible toute fusac éventuelle les
concernant (par exemple, la décision américaine, en 2006, de rendre impossible
l’acquisition de ports américains par Dubaï).
Le tableau suivant présente les principales fusions-acquisitions des dernières décennies :

1998 Travelers / Citicorp (finance) 73 mds de $


1998-1999 Exon Mobil (pétrole) 85 mds de $
1999-2000 Pfizer / Warner-Lambert (pharmacie) 89 mds de $
1999-2000 Vodafone / Manneman (télécommunications) 203 mds de $
2000 Glaxo Wellcome / Smith Kline Beecham (médicaments) 79 mds de $
2000-2001 ACL / Timewarner (médias) 182 mds de $
2007 ABN AMRO (banque) 99.364 mds de $
2007 Alcany / Rio Tinto (mines) 43.922 mds de $
2007 AT & T Belsouth (télécoms) 89 mds de $
2007 Kraft Foods / Altria Consortium (alimentaire 61.4 mds de $
2007 TXU / Holding US Company (finance) 44.922 mds de $
2008 BMP Billinton / Rio Tuito (mines) 147 mds de $

Comme on peut le constater, les principales fusions-acquisitions ont eu lieu entre 1999 et 2000,
ainsi qu’en 2007.
b) L’entente parfaite : le cartel
Le cartel est un oligopole où les offreurs contrôlent le marché par une entente formelle.
On peut assimiler un cartel à une concentration horizontale, où de grandes entreprises
juridiquement et financièrement indépendantes, ayant des activités semblables, s’entendent en
vue de contrôler un marché, en compliquant l’entrée de nouveaux concurrents, et de maximiser
les profits. On parle alors de stratégie coopérative, pouvant naître d’un accord formel ou d’un
accord tacite. L’objectif est donc de maximiser les profits du cartel, ou « profits joints ». Comme
le cartel fixe un prix unique à un produit, chaque unité supplémentaire fabriquée procurera la
même recette marginale, ce qui nous permet d’écrire, N représentant le nombre d’entreprises
constituant le cartel :
(dRT)/(dQA)=(dRT)/(dQB)=(dRT)/(dQN) et CmA= CmB= ... CmN
En règle générale, les cartels agissent sur les prix et sur les quantités produites. Le cartel de l’Opep
est tout à fait représentatif de cette stratégie, agissant tantôt sur les quantités, tantôt sur les prix.
Lorsqu’on agit sur les prix, cela se traduit par la mise en place de quotas de production. En
réduisant l’offre, on maintient ainsi une pression haussière sur les prix. Pratique
anticoncurrentielle, la cartellisation des marchés nuit nécessairement au consommateur,
puisqu’elle revient à lui faire payer un produit plus cher que ne le ferait la libre concurrence.
Les cartels sont théoriquement illégaux (cf. la loi anti-trust aux États-Unis) mais, dans la pratique,
il en existe de célèbres. Outre celui de l’Opep, déjà cité, on rappellera celui, plus ancien, de De
Beers, conglomérat diamantaire sud-africain fondé en 1888. Ce cartel était destiné à monopoliser
la fourniture de diamants bruts à tous les diamantaires de la planète. Dans les années 1980, De
Beers contrôlait la commercialisation mondiale du diamant à hauteur de 80 %. Aujourd’hui, il est
tombé à 40 % – ce qui n’est pas si mal pour un cartel. Rappelons, en effet, que l’Opep ne contrôle
pas l’intégralité, loin s’en faut, de la production mondiale de pétrole.
Le risque reconnu au cartel, c’est son instabilité, conséquence de l’opportunisme des agents
économiques. Pour qu’il y ait stabilité, il faut que les quotas de production et le prix officiel qui
s’y rattache soient respectés.
Mais la firme opportuniste, si elle accepte bien le prix élevé imposé par le cartel, pourra être
tentée de dépasser le quota de production, surtout si ses coûts de production sont faibles,
recueillant ainsi un profit bien supérieur à celui, déjà substantiel, que lui procure le cartel. C’est
pourquoi un cartel sera d’autant plus stable que le nombre de groupes le constituant est faible
et que leurs besoins sont semblables. De plus, pour qu’il soit efficace, il faut que le cartel puisse
faire respecter les accords passés entre ses membres. Pour cela, les sanctions pourront aller des
simples sanctions financières jusqu’à l’exclusion ; mais la sanction la plus efficace est sans doute
celle dite « du prix de déclenchement ». Inspirée du modèle de Green-Porter, cette technique
conduit à autoriser les membres du cartel à baisser leurs prix, du fait de la tricherie de l’un des
membres. Le prix du marché passe alors en dessous d’une valeur dite « prix de déclenchement
», permettant aux membres du cartel de retrouver leur niveau de production antérieure.
POINTS CLEFS

• Le duopole est un oligopole réduit à deux acteurs.


• Dans le duopole de Cournot, la variable stratégique est le volume de production.
• Dans le duopole de Bertrand, la variable stratégique est le prix.
• L’équilibre de Nash est un équilibre de Cournot.
• Le duopole de Stackelberg est un duopole de déséquilibre.
• L’oligopole différencié de Sweezy retient comme hypothèse une fonction de demande
non linéaire, mais coudée.
• G. J. Stigler fait une analyse critique de la courbe de demande coudée.
• Le secteur automobile est le type même du secteur oligopolistique.
• Fusions et acquisitions font partie de la stratégie de l’oligopole.
• Le cartel est un oligopole qui refuse la pratique concurrentielle.
• Les cartels sont théoriquement interdits. L’Opep témoigne du caractère tout relatif de
cette interdiction.

Vous aimerez peut-être aussi