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Par rapport au cadre de la concurrence parfaite, on ne se place plus dans un cadre d'équilibre
général mais dans celui d'un équilibre partiel. On se concentre sur un ou plusieurs marchés mais
pas sur l'économie dans sa totalité. Par ailleurs, dès lors qu'on sort du cadre de la concurrence
parfaite, l'entreprise n'est plus preneuse de prix ("price taker") et fait face à ce qu'on appellera
des interactions stratégiques. Les stratégies des autres firmes du marché (en termes de prix, de
quantité,) vont alors impacter ses propres choix.
La question est alors de savoir pourquoi les opérateurs de téléphonie se sont-ils entendus sur les
prix. Enfin nous aborderons aussi les diverses stratégies de barrières à l'entrée, c'est-à-dire les
méthodes que l'entreprise peut mettre en place pour empêcher l'entrée de nouveaux
concurrents.
Πi = f(CRi; BEi; …)
Où Πi est une mesure de la profitabilité (de la firme ou du secteur) ; CRi est le taux de
concentration (mesure de la compétition dans le secteur, ...) ; et BEi est une mesure des
barrières à l'entrée.
Ainsi une nouvelle méthodologie s'est développée depuis les années 1970. Elle est appelée
"tradition de Chicago". Cette tradition s'appuie sur le besoin d'une théorie rigoureuse
analysant les différents liens de causalité liés à l'économie industrielle. Elle utilise ensuite
des études plus empiriques pour identifier les différentes théories concurrentes.
On ne souhaite en effet pas se limiter à des entités trop petites. On ne peut pas se
restreindre aux biens homogènes (càd identiques). En effet, toutes les firmes proposent des
biens ne serait-ce que légèrement différents et pourtant toutes ne possèdent pas un pouvoir
de monopole. On a donc besoin d'une définition plus large.
Il n'y a donc pas de définition simple du marché. Plusieurs critères utiles ont toutefois
été dénis : Tout d'abord, un marché peut être déni comme une chaîne de substituts. En partant
d'un bien, on englobe ses substituts, puis les substituts de ces substituts, etc, jusqu'à ce qu'il
existe un écart assez important entre les substituts. Cette définition possède toutefois quelques
problèmes. Hyundai et Rolls Royce appartiennent en effet à la même chaine de substituts mais
peut-on considérer qu'ils appartiennent au même marché ?
On ignorera dans la suite du cours ces difficultés en supposant que le marché est bien
déni et que soit (i) les biens à l'intérieur du marché sont homogènes soit (ii) qu'il s'agit de
biens différenciés substituables avec des interactions limitées avec le reste de l'économie.
4- La structure de marché
On a vu qu'un des déterminants principaux du fonctionnement d'un marché était la structure de
ce même marché. Le tableau suivant résume la terminologie qui sera utilisée
dans la suite du cours, en fonction du nombre de vendeurs et d'acheteurs sur le marché.
Nombre d’acheteurs
1 Nombre fini ∞
1 Monopole Enchères Monopole
Nombre de bilatéral
vendeurs Nombre Appel d’offre Oligopole bilatéral Oligopole
fini
∞ Monopsone Oligopole CPP
Les structures notées en vert (monopole bilatéral, enchères, appel d'offre) concernent
principalement les marchés des biens d'équipement ou de production alors que celle en bleu
(monopsone, oligopsone) sont surtout présent sur les marchés agricoles, le marché du travail ou
les services à la personne. On se concentrera lors de ce cours sur les structures apparaissant en
rouge (monopole et oligopole) qui concernent principalement le marché des biens de
consommation.
CHAPITRE I : La remise en cause du modèle de concurrence
pure
L’objectif du chapitre :
Plan du chapitre :
En 1933, deux auteurs, J. V. Robinson et E. H. Chamberlin, publient deux ouvrages qui restent des
références sur ce sujet. Élève d’A. Marshall, J.V. Robinson publie The Economic of Imperfect
Competition et, la même année, E. H. Chamberlin publie The Theory of Monopolistic
Competition.
Dans son ouvrage, J. V. Robinson remet en question la théorie de l’équilibre général de L. Walras,
contestant les hypothèses sur laquelle elle repose, et plus particulièrement celle de la CPP. Il
propose alors une analyse plus réaliste des structures de marché. À la différence de L.Walras, son
analyse part du monopole et non de la CPP, non pas pour en faire la structure référente, mais
pour contester l’idée selon laquelle le monopole n’est qu’un cas extrême, une exception de la
CPP. Cette démarche l’a conduit à faire de la concurrence imparfaite une structure de marché où
les entreprises sont bien en concurrence, sans que soient autant vérifiées toutes les hypothèses
du modèle de CPP.E. H. Chamberlin aboutit aux mêmes conclusions, mais à partir d’une critique
du modèle de CPP et de la remise en cause d’une de ses hypothèses : celle de l’homogénéité du
produit. Ce qui va l’amener à définir une nouvelle structure de marché : la concurrence
monopolistique, structure où cohabitent à la fois monopole et concurrence. L’analyse d’E.H.
Chamberlin trouvera un relais avec P. Krugman, prix Nobel 2008, qui va proposer, dans les années
1980, un modèle du commerce international fondé sur la concurrence monopolistique.
En résumé, ces deux auteurs se complètent, la concurrence monopolistique n’étant que la
conséquence d’une concurrence imparfaite. À ce titre, la contribution d’E. H. Chamberlin est sans
doute plus importante pour l’économie industrielle que celle de J. V. Robinson, cette dernière
s’inscrivant davantage dans une contestation du modèle macroéconomique. Régime hybride
entre le monopole et la concurrence pure et parfaite, la concurrence monopolistique répond aux
trois conditions suivantes, réunies simultanément :
On peut regrouper les différentes formes qu’elle peut prendre, en distinguant la différenciation
spatiale, la différenciation verticale et la différenciation horizontale.
La différenciation spatiale
On doit à H. Hotelling, dès 1928, l’approche de la différenciation spatiale. Dans son modèle, il
prend l’exemple de deux blanchisseries qui ne se distinguent que par leur localisation (le long
d’une rue, par exemple). Le service proposé, ainsi que le prix qui s’y rattache, sont identiques. La
problématique à laquelle nous allons être soumis est double : la détermination de la clientèle de
chacune des deux blanchisseries et la localisation optimale des offreurs (en l’occurrence, ici, les
blanchisseries). L’analyse du coût des transports des clients est nécessaire pour déterminer la
clientèle de ces deux blanchisseries. H. Hotelling fait une autre hypothèse concernant le
comportement des acheteurs : celle de la minimisation du coût de transport, ce qui va permettre
de déterminer une clientèle, dans la partie de la ville où il est moins cher de se rendre. En amont,
les entreprises devront être le plus près possible l’une de l’autre et du centre-ville (principe de
différenciation minimale). En 1979, cinquante ans après H. Hotelling, d’autres économistes (C.
d’Aspremont, J. J. Gabszewicz et J.-F. Thisse) vont proposer un principe de différenciation
maximale, les producteurs se situant près des extrémités de cette route.
La différenciation horizontale
Dans son analyse de la concurrence monopolistique, c’est cette approche que retient E. H.
Chamberlin. Dans cette représentation, chaque offreur est considéré comme disposant d’une
partie de la demande totale. Une variation du prix de l’un des biens aura peu d’effets sur la
demande des autres biens.
La différenciation verticale
Quelle que soit la forme de différenciation, elle va permettre à chaque entreprise de passer d’une
demande individuelle à élasticité infinie, à une demande a élasticité finie. De plus, la
différenciation va permettre de fidéliser une clientèle : l’élasticité finie de la demande sera le plus
souvent faible en valeur absolue. À court terme, l’entreprise pourra donc privilégier un rapport
prix-quantité tenant compte de cette demande fidélisée, ce qui aura pour conséquence de
générer un super profit à court terme, et ce, malgré une augmentation des coûts de production
induite par les coûts engendrés par la différenciation (coûts des dépenses publicitaires, par
exemple). En conséquence, plus l’entreprise différencie son produit, moins la demande qui
s’adresse à elle est sensible au prix. L’élasticité prix est plus forte qu’en monopole, mais moins
forte qu’en concurrence pure, et le degré de différenciation devient un déterminant important
de la demande. Le marché n’est plus un lieu d’échange de biens strictement homogènes, mais
devient un lieu d’échange de l’ensemble des biens différenciés. Il n’existe donc plus un prix
unique sur le marché, mais un prix différent pour chaque bien différencié. À court terme, comme
en CPP, le nombre d’entreprises est donné. Chacune d’entre elles maximise son profit sans
prendre en compte les décisions des concurrents. Du fait de la fidélisation au produit, elle se
comporte comme un monopole, avec un prix d’équilibre supérieur au coût marginal. Comme en
monopole, les quantités produites sont plus faibles que celles obtenues en CPP. Pour autant,
l’entreprise dispose alors d’un véritable pouvoir de marché. La concurrence prend une autre
dimension, et ne se résume plus à la seule concurrence par les prix, mettant en évidence le rôle
de la publicité.
Le profit est maximisé en E (Rm= Cm), au prix PE pour des quantités QE. PEABC représente le
profit pur de l’entreprise. C’est un prix d’équilibre, parce que pratiqué par l’ensemble des
entreprises. Libre à elles de le modifier, mais aussi de différencier le produit, afin de réduire son
coût moyen, ou de l’augmenter en justifiant cette augmentation par une qualité supérieure du
produit. À long terme, l’existence de profits purs et la libre entrée sur le marché vont justifier
l’accroissement du nombre d’entreprises et de marques concurrentes, ce qui entraîne une
réduction de la demande à chaque firme, D →D1(cf. graphique 1.3).
Le partage de la production va conduire à une annulation des profits purs, lorsque D1est tangente
en B, à la courbe de coût moyen de longs termes. On retrouve l’une des caractéristiques de la
CPP. Par contre, une autre conséquence est celle de l’existence d’une capacité de production
inutilisée : on parle alors d’excès de capacité, représentée par QE– QC, QC étant l’optimum
concurrentiel. Cette fois, on n’est plus dans l’efficience concurrentielle pure, bien au contraire,
puisque ce graphique montre l’existence d’un coût social, dont l’annulation ne peut venir que de
la renonciation à différencier les produits. On retrouve alors la CPP.
Dans les faits, les meilleurs exemples de concurrence monopolistique se retrouvent dans les
activités, où les économies d’échelle sont faibles –les activités de services, par exemple.
Prix Nobel d’économie en 2008, P. Krugman propose, dès 1980, un modèle original du commerce
international fondé sur la concurrence internationale. En 1977, A. Dixit et J. Stiglitz avaient déjà
proposé un modèle de concurrence monopolistique qui intègre l’effet positif de la variété dans
l’offre des produits sur le bien-être, et l’augmentation des coûts fixes, qui en est la consistance.
Dans son modèle, P. Krugman va partir des hypothèses suivantes :
Dans un article fondateur paru dans le Journal of International Economics, P. Krugman constatait
que, si la spécialisation existe bien, l’essentiel du commerce international a lieu entre pays de
même niveau de développement et s’adresse, le plus souvent, à des produits similaires : la France
exporte des Renault en Allemagne et importe des Volkswagen d’Allemagne. Comment expliquer
ce phénomène ? Pour cela, deux concepts vont être mis en avant : les économies d’échelle, d’une
part, et l’avènement d’un marché de concurrence monopolistique, d’autre part. L’existence
d’économie d’échelle explique pourquoi plus on produit en grandes quantités, plus le coût
unitaire diminue. La concurrence monopolistique se traduit par un nombre très limité de
producteurs au niveau national (deux constructeurs automobiles en France, trois ou quatre en
Allemagne, etc.). En réduisant le nombre d’entreprises sur le marché, la ou les entreprises
restantes vont devoir diversifier leur offre. La concurrence prend une autre forme : ce ne sont
plus nécessairement les avantages comparatifs qui vont être déterminants, mais l’antériorité
dans la spécialisation (avantage au premier parti), la taille du marché intérieur, les économies
d’échelle, etc. P. Krugman en tirera une conclusion très importante : ce ne sont pas des pays qui
commercent entre eux, mais des groupes industriels, des firmes. C’est donc à leur niveau qu’il faut
chercher les raisons du commerce international.
Aujourd’hui, parmi les rares marchés qui vérifient globalement les hypothèses de la concurrence
pure et parfaite, deux sont le plus souvent cités : le marché au cadran et le marché à la criée.
(Voir l’exemple 1)
CHAPITRE II : Le oligopoles
L’objectif du chapitre :
Plan du chapitre :
• Les duopoles
• La place des oligopoles dans l'économie industrielle
• Une stratégie duale : Fusions et ententes
Structure de marché réduite à deux entreprises, le duopole est une structure théorique où
l’analyse simplifiée permet de proposer des conclusions qui pourront être généralisées à un
marché, toujours oligopolistique, mais plus large. L’analyse théorique revient à distinguer celles
qui aboutissent à une situation d’équilibre (A.-A. Cournot et J. Bertrand), de celles du déséquilibre
(H. von Stackelberg).
Le duopole de Cournot
Très en avance sur les théories de son époque, A.-A. Cournot va s’efforcer de formaliser le
comportement des entreprises sur un marché. Pour cela, il va faire deux hypothèses
simplificatrices, à savoir :
Pour donner une meilleure crédibilité à sa démarche, il prend l’exemple de deux entreprises
exploitant deux sources minérales, côte à côte, alimentées par des puits artésiens auxquels les
consommateurs viennent s’approvisionner. Sous réserve de ces hypothèses, on peut alors
formaliser l’analyse.
Soient deux entreprises (I et II) ; la demande qui s’adresse à ce marché est linéaire = P = a – bQ
avec Q = Q1+ Q2, où Q1 est la production de l’entreprise (I) et Q2 la production de l’entreprise
(II). En l’absence de coûts de production, le profit réalisé est égal à la recette totale, soit :
Profit = P × Q = π1+π2
π1= a − Q1−bQ²2−bQ2Q1
π 2= a − Q2−bQ²2−bQ2Q1
Chez A.-A. Cournot, ce que produit l’autre entreprise est une donnée pour celle qui cherche à
maximiser son profit, nous aurons donc dans le cas de la maximisation du profit de (I).
Π1 maximum, si :
𝑑π1
=0
dQ1
Q2=a/b−Q1/2 (2)
(1) est la fonction de réaction de l’entreprise I compte tenu de la production de l’entreprise II.
(2) est la fonction de réaction de l’entreprise II compte tenu de la production de l’entreprise I.
Le marché est en équilibre lorsque les quantités offertes permettent de résoudre de façon
simultanée les équations (1) et (2), soit pour (1) :
𝑎 𝑄2
𝑎 𝑄2 𝑎 2𝑏 − 2
𝑄1 = − = − = 𝑎/3𝑏
2𝑏 2 2𝑏 2
Et pour (2) : 𝑄 = 𝑎/3𝑏
Les conclusions de cette modélisation sont les suivantes :
Le profit de (I) dépend des quantités Q1et Q2produites par (I) et (II), et réciproquement, pour le
profit de (II).
L’interdépendance entre (I) et (II) est ainsi mise en évidence.
Les quantités de (I) et de (II) qui maximisent leur profit sont égales.
À l’équilibre, la demande n’est pas totalement satisfaite, ce qui ne peut que contribuer à faire
monter les prix. Le duopole de Cournot est un duopole symétrique à double satellitisme. Pour I,
la quantité Q2 est une donnée, de même pour II la quantité Q1. Les fonctions de réaction (1) et
(2) sont symétriques et le comportement des entreprises est identique. Par la suite, on dira que
le duopole de Cournot est symétrique, à double satellitisme. Bien que reposant sur des
hypothèses restrictives, l’analyse d’A. -A.Cournot est particulièrement novatrice. C’est l’une des
premières, voire la première tentative de formalisation mathématique des comportements de
l’entreprise. Elle est, par voie de généralisation, une contribution référente et directe à l’étude
de l’oligopole. Elle annonce aussi la théorie des jeux (cf. encadré suivant). Enfin, ce n’est pas en
introduisant les coûts de production dans le modèle que l’on va modifier, ou annuler, la
conclusion essentielle à laquelle on aboutit, à savoir l’interdépendance des entreprises.
L’hypothèse de coûts de production nuls a permis de simplifier la démonstration, mais n’est pas
à l’origine des conclusions auxquelles elle aboutit. Parmi les critiques essentielles faites à cette
analyse, la première porte sur la variable explicative retenue, la quantité produite, et non le prix.
Un autre économiste français, J. Bertrand, va faire l’hypothèse inverse, privilégier la variable prix
et ignorer la variable quantité. La seconde critique concerne le caractère statique de la démarche
qui suppose l’instantanéité des ajustements.
Le duopole de Bertrand
Comme A.-A. Cournot, J. Bertrand est français, économiste et mathématicien, et s’est intéressé
au duopole. Cependant, la variable stratégique retenue diffère, puisque le prix est cette fois la
variable privilégiée, même si la demande est la même. En effet, dans le duopole de Bertrand,
chacune des deux entreprises fixe son prix en considérant le prix de l’autre comme une donnée.
On retrouve alors des fonctions de réactions à partir des prix. Elles se déduisent des courbes
d’iso-profit, définies comme le lien des combinaisons de prix, de deux entreprises qui réalisent le
même profit.
Que se passe-t-il alors si les entreprises choisissent de faire jouer la concurrence par les prix,
sachant qu’elles sont capables de satisfaire la demande qui répond au prix fixé ? C’est à cette
question que va répondre J. Bertrand, partant d’un autre principe qui est que le consommateur
retient toujours le producteur qui pratique le prix le plus bas. Dans sa réponse, les entreprises
choisissent le prix et les consommateurs réagissent par rapport au prix proposé. De même, les
entreprises sont supposées agir de façon symétrique et la décision sur les prix est prise, parelles,
de façon simultanée.
Hypothèse : deux entreprises (A) et (B)
Question : Si A propose un prix PA supérieur à un prix PB de B, que se passe-t-il ?
Cela va continuer ainsi jusqu’au moment où le dernier prix proposé est égal au minimum de la
fonction de Cm, soit PE, qui est aussi un prix d’équilibre. Ce prix est nécessairement un prix
d’équilibre commun aux deux entreprises. Si ce n’était pas le cas, comme les produits sont
homogènes, l’entreprise ayant le prix le plus bas prendrait toute la demande. Nous ne serions
plus alors en duopole, mais en monopole.
Toute la demande va à B
et le profit de A est nul.
Aucun intérêt pour A de
fixer PA.
• L’étude de l’évolution des prix réels ne conduit pas à une tendance préférentielle
d’imitation à la baisse. Au contraire, l’imitation à la hausse semble avoir la préférence.
• Les situations de collusion ne révèlent aucun accroissement de la flexibilité des prix.
• Les oligopoles où existent des entreprises barométriques (c’est-à-dire inspirant
l’adhésion des autres à leurs propres décisions, car elles sont perçues comme les
entreprises référentes du marché) sont moins flexibles que les autres.
La théorie de la droite de demande coudée ne serait donc, selon lui, qu’une simple conviction
que les faits viennent démentir. Rien d’étonnant, précise-t-il puisque l’existence du coude aurait
pour conséquence première la disparition de la maximisation du profit, et trouverait son origine
dans le comportement des oligopoleurs eux-mêmes. Lorsque G. J. Stigler fait cette constatation,
nous sommes avant la seconde Guerre mondiale et dans l’environnement de la crise de
1929.Depuis, les événements ont beaucoup fait évoluer la théorie et les faits donnent raison à P.
M. Sweezy et non à G. J. Stigler. Entre-temps, Le nouvel État industriel de J. K. Galbraith est venu
apporter un éclairage nouveau sur la société industrielle d’après-guerre. Cette société
industrielle, dominée et représentée par la grande entreprise, vase retrouver et s’identifier à une
technostructure qui a pris le pouvoir. Par ailleurs, le divorce entre la détention du pouvoir
juridique (par les actionnaires) et l’exercice réel du pouvoir (par les managers) vient modifier les
conditions de fonctionnement du marché. Désormais, les prix vont être fixés non pas pour
maximiser le profit, mais pour minimiser les incertitudes du marché (risque de grève, par
exemple). En outre, les apporteurs de capitaux, qui hier décidaient de maximiser le profit, ne sont
plus les managers. Pour ces derniers, la part de marché est la variable objective.
Il faut au mieux l’augmenter, au pire la maintenir. La guerre des prix ne va plus être alors à l’ordre
du jour des priorités. Le nouvel État industriel annonce la mainmise des oligopoles sur le système
industriel de la fin du XXe siècle. La mondialisation des marchés, qui ne cesse de s’accélérer
depuis le début du XXIe siècle, n’a rien changé – bien au contraire.
2.3 UNE STRATÉGIE DUALE : FUSIONS ET ENTENTES
a) Les fusions-acquisitions
La concentration fait partie de la vie des entreprises. Celles-ci peuvent croître sans s’unir : on
parle alors de croissance interne, reposant sur le développement d’une activité existante. Mais
elles peuvent également croître en s’unissant à d’autres groupes : c’est ce qui caractérise la
croissance externe. Cette dernière, dans le cas d’activités nouvelles, peut permettre de réduire
une concurrence exacerbée, en achetant un savoir-faire, en jouant sur la complémentarité, etc.
Pour cela, l’arme stratégique est la fusion acquisition. Très vite, celle-ci apparaît comme un
moyen rapide de répondre à la mondialisation. Elle consiste, par voie d’acquisition et/ou de prise
de contrôle, à concentrer les activités concernées entre un nombre de producteurs de plus en
plus faible. Au début du XXe siècle, les échanges internationaux étaient essentiellement intra-
européens, le Japon produisant pour son marché intérieur et les États-Unis pour le leur. Il faut
attendre la deuxième moitié du XXe siècle, et surtout les années 1970, pour voir se généraliser
les fusions-acquisitions.
La classification habituelle conduit à distinguer, d’une part, les motivations économiques (dans
le cadre d’une concentration verticale) de celles concernées par le rachat de concurrents (dans
le cadre d’une concentration horizontale) ; d’autre part, les motivations
financières(conglomérats). Les activités concernées ne sont pas nécessairement cohérentes sur
le plan économique (complémentaires ou substituables), mais s’inscrivent dans la recherche, en
cas de difficultés conjoncturelles, de réduction du risque encouru. Dans le cas particulier des
entreprises cotées en bourse, l’opération pourra être amicale (volonté partagée du vendeur et
de l’acheteur), ou inamicale (cf. Hermès/LVMH en 2011). Pour les entreprises non cotées en
bourse, l’accord se fera à partir d’un marché de gré à gré.
Intérêt et avantages des fusions-acquisitions
Acheteur et vendeur ont le plus souvent intérêt à une fusion-acquisition. L’acheteur y verra la
possibilité de réaliser des économies d’échelle (remise sur volume, réduction des doublons dans
l’outil de production, etc.). De même, dans l’hypothèse d’une fusion-acquisition avec intégration
verticale, l’acheteur bénéficiera d’un meilleur contrôle de la chaîne de production et de l’accès
aux matières premières. À cela viendra s’ajouter la synergie des circuits de distribution,
l’acquéreur éventuel pouvant utiliser son propre réseau pour diffuser les produits de ses
nouvelles activités (cf. Pernod-Ricard/Seagram). Enfin, on n’oubliera pas de souligner l’éventuelle
synergie fiscale, dans le cas d’une entreprise fortement bénéficiaire. Cette dernière aura alors
intérêt à se rapprocher d’activités bénéficiant de crédits d’impôts importants, afin de réduire ou
d’annuler les impôts consécutifs à son activité avant fusion. Mais l’avantage des fusions-
acquisitions ne se limite pas à l’acheteur éventuel : le vendeur peut aussi y trouver avantage. Par
exemple, une fusion-acquisition peut permettre à l’entreprise cédante d’améliorer son profit en
se recentrant sur des activités plus à la mode. Elle pourra aussi lui permettre de se séparer d’une
« branche morte ». Enfin, la fusion-acquisition peut répondre à un besoin de trésorerie, comme
ce fut le cas pour Vivendi, en 2001-2002, avec la cession de Moughton Mifflin. En outre, il
convient de ne pas oublier l’effet d’aubaine, le vendeur profitant d’une valorisation élevée de
son entreprise pour la céder à une autre entreprise (cf. EDF en 2006, avec la mise sur le marché
de sa filiale EDF Énergies nouvelles). Freins et limites du processus de fusion-acquisition.
On constate que les fusions-acquisitions ne sont pas des opérations sans risque, puisque leur taux
d’échec dépasse 50 % (cf. les travaux de T. Straub). La raison principale est un prix payé trop cher
par l’entreprise acheteuse. De plus, certains redoutent des concentrations excessives, qui finiront
par être des monopoles. C’est pourquoi le législateur a mis en place, sur le marché, des instances
destinées, si nécessaire, à se protéger des fusions-acquisitions jugées excessives et/ou contraires
au bon respect des règles de concurrence. Parmi les plus connues, citons :
• Les lois anti-trust (le démantèlement de la Standard Oil, par exemple) ;
• La direction générale de la concurrence par la Commission européenne ;
• Le contrôle du capital pour les sociétés par actions, cotées ou non en bourse :
- Pratique de la majorité du capital (Casino),
- Limitation du droit de vote d’un tiers,
- Recours au chevalier blanc. L’entreprise en passe d’être achetée par un concurrent
peut faire appel à une autre entreprise, amie cette fois, pour se substituer à cet
acheteur inamical (par exemple, le choix fait par AGF d’Alliance, et non de Generali),
- Intervention des pouvoirs publics. Souvent, dans le cas d’activités stratégiques, le
législateur peut intervenir pour rendre impossible toute fusac éventuelle les
concernant (par exemple, la décision américaine, en 2006, de rendre impossible
l’acquisition de ports américains par Dubaï).
Le tableau suivant présente les principales fusions-acquisitions des dernières décennies :
Comme on peut le constater, les principales fusions-acquisitions ont eu lieu entre 1999 et 2000,
ainsi qu’en 2007.
b) L’entente parfaite : le cartel
Le cartel est un oligopole où les offreurs contrôlent le marché par une entente formelle.
On peut assimiler un cartel à une concentration horizontale, où de grandes entreprises
juridiquement et financièrement indépendantes, ayant des activités semblables, s’entendent en
vue de contrôler un marché, en compliquant l’entrée de nouveaux concurrents, et de maximiser
les profits. On parle alors de stratégie coopérative, pouvant naître d’un accord formel ou d’un
accord tacite. L’objectif est donc de maximiser les profits du cartel, ou « profits joints ». Comme
le cartel fixe un prix unique à un produit, chaque unité supplémentaire fabriquée procurera la
même recette marginale, ce qui nous permet d’écrire, N représentant le nombre d’entreprises
constituant le cartel :
(dRT)/(dQA)=(dRT)/(dQB)=(dRT)/(dQN) et CmA= CmB= ... CmN
En règle générale, les cartels agissent sur les prix et sur les quantités produites. Le cartel de l’Opep
est tout à fait représentatif de cette stratégie, agissant tantôt sur les quantités, tantôt sur les prix.
Lorsqu’on agit sur les prix, cela se traduit par la mise en place de quotas de production. En
réduisant l’offre, on maintient ainsi une pression haussière sur les prix. Pratique
anticoncurrentielle, la cartellisation des marchés nuit nécessairement au consommateur,
puisqu’elle revient à lui faire payer un produit plus cher que ne le ferait la libre concurrence.
Les cartels sont théoriquement illégaux (cf. la loi anti-trust aux États-Unis) mais, dans la pratique,
il en existe de célèbres. Outre celui de l’Opep, déjà cité, on rappellera celui, plus ancien, de De
Beers, conglomérat diamantaire sud-africain fondé en 1888. Ce cartel était destiné à monopoliser
la fourniture de diamants bruts à tous les diamantaires de la planète. Dans les années 1980, De
Beers contrôlait la commercialisation mondiale du diamant à hauteur de 80 %. Aujourd’hui, il est
tombé à 40 % – ce qui n’est pas si mal pour un cartel. Rappelons, en effet, que l’Opep ne contrôle
pas l’intégralité, loin s’en faut, de la production mondiale de pétrole.
Le risque reconnu au cartel, c’est son instabilité, conséquence de l’opportunisme des agents
économiques. Pour qu’il y ait stabilité, il faut que les quotas de production et le prix officiel qui
s’y rattache soient respectés.
Mais la firme opportuniste, si elle accepte bien le prix élevé imposé par le cartel, pourra être
tentée de dépasser le quota de production, surtout si ses coûts de production sont faibles,
recueillant ainsi un profit bien supérieur à celui, déjà substantiel, que lui procure le cartel. C’est
pourquoi un cartel sera d’autant plus stable que le nombre de groupes le constituant est faible
et que leurs besoins sont semblables. De plus, pour qu’il soit efficace, il faut que le cartel puisse
faire respecter les accords passés entre ses membres. Pour cela, les sanctions pourront aller des
simples sanctions financières jusqu’à l’exclusion ; mais la sanction la plus efficace est sans doute
celle dite « du prix de déclenchement ». Inspirée du modèle de Green-Porter, cette technique
conduit à autoriser les membres du cartel à baisser leurs prix, du fait de la tricherie de l’un des
membres. Le prix du marché passe alors en dessous d’une valeur dite « prix de déclenchement
», permettant aux membres du cartel de retrouver leur niveau de production antérieure.
POINTS CLEFS