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Chapitre 7 :
Quelle est l’action de l’Ecole sur les destins individuels
et sur l’évolution de la société
Attentes du programme :
Comprendre que, dans les sociétés démocratiques, l’Ecole transmet des savoirs et vise à favoriser l’égalité
des chances ; comprendre l’évolution, depuis les années 1950, des principaux indicateurs mesurant l’accès à
l’école et à l’enseignement supérieur (taux de scolarisation, taux d’accès à un diplôme ou à un type de
formation en distinguant les processus de massification et de démocratisation.
Comprendre la multiplicité des facteurs d’inégalités de réussite scolaire (notamment, rôle de l’Ecole, rôle du
capital culturel et des investissements familiaux, socialisation selon le genre, effets des stratégies des
ménages) dans la construction des trajectoires individuelles de formation.
Problématiques d’ensemble
Quels sont les principaux rôles de l’école ? Les évolutions de l’école depuis les années 1950 permettent-elles de
parler de démocratisation ou de massification ? Quels sont les facteurs d’inégalités de réussite scolaire dans la
construction des trajectoires individuelles de formation ?
Notions à retenir :
Ecole, égalité des chances, massification scolaire, taux de scolarisation, démocratisation scolaire, inégalités de
réussite scolaire, capital culturel, investissements familiaux, socialisation genrée, stratégies scolaires.
Plan de l’intervention
I. Quels rôles pour l’Ecole dans les sociétés démocratiques ?
II. Les évolutions de l’école : démocratisation ou massification ?
III. Comment expliquer les inégalités de réussite scolaire ?
Définition de l’école :
Utilité Socialisation
Employabilité, mobilité sociale Citoyenneté, vivre ensemble
1. L’école, se contente-t-elle de transmettre des connaissances en vue d’obtenir un diplôme ?
L’objectif est que tout soit harmonisé afin que chaque enfant/
jeune accède au mêmes savoirs et compétences. Tout le
territoire enseigne les mêmes disciplines en les organisant de
manière proche.
2. Montrez que le domaine souligné permet de remplir chaque rôle de l’école évoqué dans le document
précédent.
Synthèse :
L’école remplit plusieurs rôles dans la société : elle contribue à
la socialisation commune à toute la société, à l’apprentissage
de connaissances visant à développer l’esprit critique, à la
formation de l’individu pour son avenir professionnel en
compétence rédactionnelles, connaissances, compétences
scientifiques…
Elle doit favoriser la cohésion sociale par la culture commune.
B. L’Ecole vise à favoriser l’égalité des chances
Activité 3 : L’école et l’égalité des chances
L’école républicaine de la troisième République n’a pas été construite comme l’école de l’égalité des chances. Ce fut d’abord
l’école de l’égalité d’accès de tous les enfants à l’école élémentaire afin d’instruire les citoyens de la République et de la Nation.
Mais la moitié des élèves n’obtenait pas le certificat d’études primaires (examen de fin d’école primaire, entre 1866 et 1987) en
1950, quand 5% d’une classe d’âge seulement accédait au baccalauréat. […] Cependant, avec l’élitisme républicain, cette école a
mis en marche un ascenseur social réservé aux quelques enfants du peuple particulièrement « doués » et « vertueux » qui […]
pouvaient rejoindre le lycée. En fait, cet ascenseur montait haut mais très peu d’élèves l’empruntaient. Ce n’est que dans les
années soixante que cet ascenseur a été réellement efficace sous l’effet d’une double conjoncture. D’abord, les portes du lycée
ont été plus largement ouvertes dès la fin des années cinquante et le taux de bacheliers atteignaient près de 15% en 1965.
Ensuite, la croissance économique a garanti une forte utilité des diplômes quand la France avait un besoin impératif de travailleurs
bien formés, de cadres, de techniciens et d’employés qualifiés. C’est à ce moment-là que s’est installée l’image de l’ascenseur
social, celle d’une école capable d’offrir à tous l’égalité des chances de s’élever dans la société. La promesse scolaire n’était plus
seulement cette de l’instruction commune, elle est devenue celle de l’égalité des chances méritocratique, celle d’une école capable
d’abolir les obstacles économiques et sociaux à la réussite scolaire. Depuis cette période, qui a duré une vingtaine d’années,
l’égalité des chances est devenue la figure cardinale et indiscutée de la justice scolaire.
François Dubet, « Egalité des chances scolaires : le paradoxe français », Après-demain 2016/2 (N°38, NF), avril 2016.
1. Pourquoi l’école, dès la Troisième République, n’était-elle pas l’école de l’égalité des chances ?
Synthèse :
L’école s’est construite autour de l’idéal méritocratique selon
lequel les meilleures places de la société sont attribuées au
plus méritants. L’institution va évaluer ce mérite. Pour cela, il
faut une égalité des droits à l’accès à l’institution. Au-delà sont
créés des dispositifs prenant en compte les inégalités les plus
fortes (avènement des ZEP (Zone d’éducation prioritaire), REP
(Réseaux d’éducation prioritaire)…) dans le but de gommer les
inégalités.
Mme TERMONIA Cours de Terminale 2023-2024 Chapitre 7
Le mot d'ordre de « 80 % d'une génération au bac », lancé en 1985 comme objectif de l'enseignement secondaire, entraîne une
croissance rapide du nombre de lycéens et de bacheliers dans la décennie qui suit (c'est la « seconde explosion scolaire »). La
proportion d'une génération dotée d'un baccalauréat général passe de près de 20 % en 1985 à environ un tiers à partir de 1993,
proportion qui restera stable jusqu'en 2010. La loi programme sur les enseignements technologiques et professionnels de 1985
crée en outre le baccalauréat professionnel, qui s'impose rapidement. En 1997, soit dix ans après la première délivrance de
baccalauréat professionnel, près de 10 % d'une génération est titulaire de ce diplôme. Parallèlement, le nombre de baccalauréats
technologiques augmente également et atteint son maximum historique en 2000 : les bacheliers technologiques représentent alors
18,5 % d'une génération. La proportion de bacheliers dans une génération, toutes filières confondues, passe ainsi de 29,4 % en
1985 à 62,8 % en 2000. Après une période de stagnation entre 1995 et 2010, le taux de bacheliers augmente à nouveau à partir
de 2010, suite à la disparition du brevet d'études professionnelles (BEP) au profit de la préparation du baccalauréat professionnel
en 2009. En 2017, près de 80 % d'une génération obtient un baccalauréat, dont une moitié de bacheliers généraux et un quart de
bacheliers professionnels.
Massification et démocratisation de l'accès à l'école et à l'enseignement supérieur
Publié le 01/09/2020, Auteur(s) : Barbara Mettetal
1. Donnez les différentes étapes statistiques de la massification
2. Reliez les réformes à l’augmentation du nombre d’élèves
Activité 5 : La massification en image
https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000801/l-allongement-de-la-scolarite-jusqu-a-16-ans.html#eclairage
1. Pour quelle raisons, le gouvernement déplace l’âge minimal de fin de la scolarité de 14 à 16 ans ?
Définition de démocratisation :
Mme TERMONIA Cours de Terminale 2023-2024 Chapitre 7
1. Quel constat ?
Activité 8 : Niveau de diplôme des 25-34 ans selon le milieu social, en 2018 (en %)
Note : la catégorie socioprofessionnelle d’un retraité ou d’un chômeur est celle de son dernier emploi. La profession du père est privilégiée, celle de la
mère y est substituée lorsque le père est absent, décédé, ou n’a jamais travaillé. Champ : France métropolitaine + DOM (hors Mayotte), données
provisoires., Sources : DEPP, L’Etat de l’Ecole 2019 d’après Insee, enquêtes Emploi ; traitement MENJ-MESRI-DEPP
Comparez les niveaux de diplôme des enfants ouvriers et des enfants de cadres et professions intellectuelles
supérieures.
1. Quels constats ?
exigeantes. Les inégalités d'apprentissage et de réussite précoces liées au milieu d'origine et aux contextes, que
l'école ne parvient pas à compenser, sont alors redoublées d'inégalités sociales (et sexuées) d'orientation.
A. Le rôle des familles
1. Le capital culturel et des investissements familiaux
Activité 11 : Le rôle du capital culturel familial dans la réussite scolaire
Certes, tous les milieux sociaux ont autant de « culture » les uns que les autres, au sens où les anthropologues parlent de la
culture « touareg » ou de la « culture japonaise », par exemple. Mais les cultures spécifiques (cultures populaires pour les classes
populaires, cultures bourgeoises pour les classes supérieures) se distinguent par leurs plus ou moins fort ajustement à la culture
proprement scolaire. Celle-ci correspond aux différents savoirs, savoir-faire et valeurs promus par l’école et/ou considérés comme
légitimes par elle. Or, les milieux les plus favorisés sont tendanciellement les plus scolarisés et diplômés. Ils sont ceux dont les
pratiques culturelles s’ajustent le mieux à la culture scolaire. […]
Les enfants issus des milieux dotés en capitaux culturels héritent ainsi, par le simple fait de « baigner » dans leur famille, des
pratiques et des références culturelles (lecture, écriture, musique, etc.), mais aussi d’une gamme de vocabulaire et de façons de
construire des phrases, ou encore d’habitudes d’argumenter longuement et de démontrer en passant par l’abstraction, ou bien de
manières de se tenir, ou de poser leur voix…ajustées aux formes imposées par l’ « excellence scolaire ».
C’est ainsi, affirment Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, que les élèves issus de milieux les plus favorisés peuvent
manifester une vaste « culture légitime » (c’est-à-dire reconnue comme telle par l’école), « acquise sans intention ni effort et
comme par osmose ».
L. PROUILLOU et R. BODIN, « A l’école, tu bosses, tu réussis ? »,
Manuel indocile de sciences sociales, La Découverte, 2019.
1. Quels sont les éléments qui traduisent le niveau de capital culturel parental dans cet extrait ?
« Le capital culturel peut exister sous trois formes : à l’état incorporé, c’est-à-dire sous la forme de dispositions
durables de l’organisme ; à l’état objectivé, sous la forme de biens culturels, tableaux, livres, dictionnaires,
instruments, machines, qui sont la trace ou la réalisation de théories ou de critiques de ces théories, de
problématiques, etc. ; et enfin à l’état institutionnalisé, forme d’objectivation qu’il faut mettre à part parce que,
comme on le voit avec le titre scolaire, elle confère au capital culturel qu’elle est censée garantir des propriétés tout à
fait originales ».
Définition de capital culturel :
En étant « indifférente aux différences », l’Ecole légitime les inégalités sociales en laissant croire que l’échec scolaire
est lié à des propriétés intellectuelles et non sociales. Elle est une instance de reproduction sociale qui permet aux
classes dominantes de maintenir leur domination de génération en génération.
Activité 13 : Bernard Lahire : une illustration avec la lecture
Inégalités dès l'enfance : la lecture, Claude Ponti et l'ironie, par Bernard Lahire - Vidéo Dailymotion
1. Comment les parents des familles favorisées incitent-ils leurs enfants à la lecture ?
Dans L’inégalité des chances, Raymond Boudon rejette l’analyse de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron qu’il
juge déterministe : si seuls les héritiers issus des classes dominantes sont dotés de capital culturel comme le
soutiennent Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, comme expliquer la réussite de certains enfants issus de
milieux populaires ?
Raymond Boudon montre que l’Ecole est neutre, l’inégalité des chances étant le produit des stratégies
scolaires des élèves et de leurs parents. Pour lui, l’Ecole est un système de filtrage (selon la formule de Pitirim
Sorokin), une vaste gare de triage, chargé de trier les élèves pour les orienter vers les formations utiles au marché du
travail. La scolarité est ainsi ponctuée par des choix d’orientation (3ème, 2nde...) que Raymond Boudon nomme des
points de bifurcation. A chacun de ces points de bifurcation, l’élève et ses parents doivent effectuer un choix . Ils
mettent alors en œuvre un calcul qui prend en compte trois facteurs : les coûts, les risques et les avantages. Les
coûts sont liés à la poursuite des études : frais de scolarité, coût d’opportunité lié à une perte de salaire... Les risques
concernent principalement l’échec scolaire qui entraîne une perte de temps et d’argent. Les avantages de la
poursuite d’études sont les salaires que le diplôme permet d’obtenir mais aussi le prestige associé à la détention
d’un diplôme (par exemple pouvoir dire que l’on est ancien élève de l’ENS, de l’ENA ou d’HEC).
Ces choix sont influencés par l’origine sociale. Un enfant issu des classes populaires surestime les coûts et les risques
et sous-estime les avantages. Il s’auto exclut alors des filières valorisantes sur le marché du travail (par exemple les
classes préparatoires aux Grandes Ecoles).
A l’opposé, l’enfant issu des classes supérieures connaît bien les avantages, sa famille assume facilement les coûts et
peut compenser les risques (cours particuliers). L’Ecole n’est donc pas responsable des inégalités scolaires. Ce sont
les stratégies des individus qui génèrent cette situation.
Pour lutter contre les inégalités scolaires, il faut réduire le nombre de choix (les points de bifurcation), limiter les
coûts et corriger les erreurs de calcul des familles de milieu populaire en liant les choix scolaires aux résultats
scolaires.
Activité 16: Des choix différents selon le milieu social de la famille
1) Faire une phrase avec les données entourées permettant d’en comprendre le sens.
Par ailleurs, les familles dont le capital culturel est élevé ont une connaissance précise des systèmes scolaires et des
stratégies pertinentes à mettre en œuvre afin de parvenir à des études supérieures prestigieuses. Les familles
modestes possèdent moins cette connaissance.
En effet, ces choix dépendent des moyens économiques pour choisir un établissement privé ou habiter dans la zone
de recrutement d’un établissement public réputé. Certains parents peuvent aussi chercher à contourner la carte
scolaire en choisissant les options adéquates pour rentrer dans certains collèges ou lycées ou alors donnent des
fausses adresses (importance du capital social). Ces choix dépendent également des ressources culturelles
(connaissances de système éducatif et des moyens pour le contourner.
Ces stratégies des familles aboutissent à une faible mixité sociale dans les collèges et les lycées. Dans certains
établissements, 9/10 des élèves proviennent de milieu défavorisé. Ceci accentue le manque de mixité sociale au sein
des établissements scolaires et entraine une ségrégation scolaire (processus de séparation et de concentration des
individus en fonction de critères sociaux (ou ethniques) et en fonction de critère académique (du niveau scolaire)),
nuisible à l’apprentissage et à la réussite des élèves provenant de milieux défavorisés.
B. Le rôle de l’Ecole
b. L’effet-maître (effet-enseignant)
Le professeur participe également à la réussite de l’élève lorsqu’il réussit à le faire travailler efficacement: c’est
l’effet-maître (effet-enseignant).
En CP l’effet-maître l’emporte sur l’influence de l’origine sociale.
Cet effet ne dépend pas des caractéristiques personnelles de l’enseignant: âge, sexe, niveau de formation… Il résulte
de la bonne gestion des interactions en classe. L’enseignant efficace est celui qui arrive à mobiliser tous les élèves le
plus longtemps possible. Il doit pour cela chercher à intéresser les élèves, les stimuler sur le plan intellectuel, réussir
à les maintenir concentrés tout en tenant compte du niveau de chacun (différenciation pédagogique)… Dans le
choix de ses pratiques pédagogiques, le maître doit faire comprendre aux élèves les objectifs à atteindre: les
pratiques pédagogiques visibles sont plus efficaces que les pratiques pédagogiques invisibles.
Au-delà du débat traditionnel entre cours magistral et méthodes actives, c’est bien la mise en activité des élèves qui
est essentielle. L’effet-maître dépend enfin des attentes de l’enseignant vis-à-vis de ses élèves: c’est ce que l’on
appelle l’effet Pygmalion.
Illustration
Mme TERMONIA Cours de Terminale 2023-2024 Chapitre 7
L’effet Pygmalion a été identifié par les psychologues américains Robert Rosenthal et Lenore Jacobson dans une étude célèbre
menée dans un quartier pauvre de San Francisco1. Ils réalisent un test de QI auprès des enfants et transmettent aux enseignants
des résultats qui ne correspondent pas aux performances réelles des élèves car ils les ont distribués de façon aléatoire : 20% des
élèves se sont vu attribuer un résultat surévalué.
Un an plus tard, lorsqu’ils refont passer le test de QI aux élèves, ils constatent que le score des élèves surévalués s’est nettement
amélioré.
L’explication qu’ils fournissent est la suivante: en croyant que ces élèves avaient de forte capacité (leurs attentes sont élevées), les
enseignants ont tout fait pour qu’ils réussissent et cela leur a permis de progresser.
1. Quel constat?
Depuis les travaux pionniers (années 1970) de la pédagogue italienne Elena Gianini Belotti, les différences de socialisation
familiale entre les filles et les garçons sont clairement identifiées. Les parents utilisent de façon consciente ou inconsciente des
modèles de socialisation genrés à l’image des jouets qui sont souvent la reproduction en miniature des objets des adultes : dînette
et poupée pour les filles versus mécano et soldats de plomb pour les garçons.
Dans les sociétés traditionnelles où les rôles masculin et féminin étaient très segmentés, cette socialisation différentielle permettait
aux garçons de se préparer à leur futur rôle instrumental de breadwinner (Monsieur gagne-pain) et aux filles à leur rôle expressif
de care-dealer (pourvoyeuse de soins (typologie des rôles de Talcott Parsons). Avec l’entrée massive des femmes sur le marché
du travail mais aussi grâce aux combats des féministes, on assiste à une remise en cause des rôles sexuels traditionnels.
Pourtant la socialisation familiale continue de peser sur les choix d’orientation des filles dans l’enseignement supérieur où elles
choisissent les filières littéraires et juridiques et délaissent les filières scientifiques. Pour Christian Baudelot et Roger Establet, ce
choix n’est pas affaire de compétence mais d’ambition d’où le titre de leur livre Allez les filles!
Partant des évaluations nationales en CE2, 6e et 3e effectuées en 1990, ils constatent que les filles ne sont pas moins fortes en
mathématiques que les garçons : elles sont aussi fortes qu’eux en mathématiques mais plus fortes en français. L’avantage des
filles est le plus net dans le respect des règles telles que l’orthographe, la ponctuation, les accords grammaticaux : « c’est
précisément dans la soumission à ces règles formelles que les filles distancent le plus nettement les garçons ».
Cette soumission aux règles est le produit de la socialisation familiale : « dans l’éducation familiale, on attend davantage des filles
qu’elles anticipent les attentes d’autrui, qu’elles respectent et intériorisent les règles établies ».
Se pensant plus douées pour le français que pour les mathématiques, à niveau identique les filles choisissent au lycée moins la
filière scientifique (bac S avant la réforme du lycée) et surtout s’orientent moins vers les études scientifiques dans l’enseignement
supérieur. Ils expliquent eux aussi une partie de cette désaffection des filles pour les disciplines scientifiques par la socialisation
familiale: « Loin d’être naturelles, ces différences entre filles et garçons relèvent là aussi des formes de socialisation antérieures à
l’entrée en classe préparatoire – effectuées dans la sphère familiale ou dans le cadre scolaire ». A titre d’exemple, 20% des
garçons de classes préparatoires scientifiques interrogées par les trois sociologues sont abonnés à une revue de vulgarisation
scientifique contre seulement 14% des filles.
Mais l’intérêt de leur enquête est de montrer que l’Ecole peut contribuer à renforcer ces inégalités de genre.
Fiches éduscol, Ministère de l’éducation
1. Qu’est-ce qui distingue la socialisation des filles et des garçons dans les familles
Pour comprendre ces inégalités de genre, il faut souligner le rôle de la socialisation familiale sur les ambitions et les
compétences scolaires mais aussi interroger le fonctionnement de l’ institution scolaire.
montre que les inégalités scolaires se construisent tout au long du parcours des élèves, et pas seulement au
primaire.
Dans la fabrique des inégalités, plusieurs facteurs interviennent - le genre, l'ascendance migratoire et l'origine
sociale. Mais c'est ce dernier élément qui pèse le plus.
A la crèche et après
France Stratégie rappelle les résultats de l'étude Pisa : selon les tests réalisés sur des élèves de 15 ans, 107 points
séparent un élève d'origine favorisée et un autre d'origine défavorisée dans l'Hexagone. En moyenne dans les pays
de l'OCDE, l'écart n'est que de 88 points.
Les inégalités débutent avant l'école. « La petite enfance pose les fondations de ces inégalités de parcours, explique
Peggy Furic, l'une des auteures de la note. Les bénéfices des crèches, en termes de développement, sont très positifs
et ils sont d'autant plus forts que les enfants sont issus d'une famille défavorisée. Pourtant, ce sont ces derniers qui y
ont le moins accès. « A l'école élémentaire aussi, de nouveaux écarts vont se creuser : la moitié des écarts observés
en CM2 étaient déjà observables au CP, selon la note, qui souligne ainsi que « l'autre moitié des écarts résulte donc
de disparités apparues entre le CP et le CM2 ».
L'étude ne dit rien, toutefois, des effets des dédoublements des petites classes ni de la scolarisation à trois ans en
maternelle. Les élèves arrivent au collège « diversement armés », poursuivent leurs auteures et « le collège unique
l'est moins qu'il y paraît », puisque les élèves d'origine défavorisée sont surreprésentés dans les classes relais, dans
les Segpa - qui accueillent les enfants en grande difficulté - ou en CAP.
« Un mécanisme cumulatif »
Ces inégalités se creusent au lycée avec le choix des spécialités qui débouchent sur « des poursuites d'études aux
rendements différenciés sur le marché du travail », selon France Stratégie. L'enseignement supérieur « prolonge et
cristallise les inégalités de parcours construites par un mécanisme d'accumulation ». A niveau scolaire équivalent,
des élèves issus de milieux défavorisés vont moins s'orienter vers l'enseignement supérieur, relève l'étude
« Les inégalités se construisent donc tout au long du parcours et elles se cumulent à chaque étape et aux moments
de l'orientation qui sont vraiment des points de bifurcation », insiste Gilles de Margerie, commissaire générale de
France Stratégie. « Il se passe des choses à chaque étape. » « Il y a un mécanisme cumulatif important qui
commence très tôt et conduit à mettre le paquet sur le primaire ou à prioriser les étapes précoces de la scolarité,
explique Johanna Barasz, l'une des coauteures. Mais il est important de ne pas reporter systématiquement à l'étape
précédente la cause des inégalités, il y a une vraie réflexion à mener sur l'articulation entre la priorité au primaire
- qu'il faut continuer à alimenter - et les autres étapes de la scolarité, pour résorber les inégalités. »
Cette résorption « dépasse l'enseignement des seuls établissements en éducation prioritaire », conclut-elle. Une
donnée non négligeable, alors que la réforme de la carte de l'éducation prioritaire n'a cessé d'être reportée ces
dernières années.