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Introduction

Y. Rouxeville

Comment s’est développée l’auriculothérapie?


Paul Nogier a réalisé l’auriculothérapie par étapes successives : la découverte du fait
en 1951, la compilation de faits anecdotiques, l’idée géniale directrice pour expliquer
les faits, la confrontation des faits de façon empirique puis expérimentale. Nogier
était passionné par la recherche, avec un manque de barrières ou de limites.
Les risques étaient grands pour cette technique médicale innovante et alternative.
Il fallait contourner trois obstacles : la tentation d’un réductionnisme de type scien-
tiste, la tentation de l’intégrisme de la pensée et de la doctrine, la tentation de l’éso-
térisme. Paul Nogier était éclectique, ayant opté pour une formation scientifique
(l’École centrale) avant ses études médicales. Il avait aussi une grande connaissance
de l’acupuncture.
L’analyse à distance permet de comprendre notre chance : il menait ses recherches
avec une pensée irrationnelle, intuitive, de type « cerveau droit ». Cette façon offre
plus de perspectives que les recherches menées avec une pensée de type « cerveau
gauche ».
En effet, la pensée de type « cerveau droit » est plus riche et plus ouverte, mais
moins ordonnée et à la limite fantaisiste. Alors que la pensée de type « cerveau gau-
che » est plus directive, mais paralyse et limite le domaine de la recherche.
Il en est autrement quand il s’agit de soigner : la rigueur doit dominer la fantaisie !

La genèse de cet ouvrage


L’idée de la collection « Médecines d’Asie, Savoirs et Pratiques » est née de rencontres
entre Christian Rempp (président du Collège français d’acupuncture [CFA]) et Guy
Mazars. Le désir de Christian Rempp était de réaliser la publication de livres indépen-
dants et de qualité.
Dans son premier contact, M. Mazars nous a précisé les trois directions de sa col-
lection : être didactique, réaliser une synthèse technique, devenir une référence. À
titre personnel, je tiens à remercier le Pr Jean Bossy, M. Guy Mazars et le Dr Christian
Rempp de m’avoir coopté en 2004.
2 Auriculothérapie

Je remercie également les éditions Springer-Verlag France de leur ouverture d’es-


prit. En effet, dans le monde entier, on sait que l’auriculothérapie n’est pas d’origine
asiatique, puisqu’elle a été créée en France ! De plus, les concepts utilisés pour expli-
quer l’auriculothérapie (microsystème de l’acupuncture) ne sont pas les lois avancées
pour comprendre l’acupuncture chinoise.
On m’avait proposé de rédiger seul cet ouvrage ; j’ai proposé d’associer une
dizaine d’auteurs. L’accord final s’est porté sur une équipe resserrée, homogène et
amicale.
Mes remerciements à Yunnat Meas, frère de Yunsan, pour sa collecte d’informa-
tions sur la Chine, ce qui permet de présenter un texte documenté, original et authen-
tique.
Je remercie également le Pr Pierre Rabischong qui a autorisé la reproduction
d’une photographie des recherches menées à l’unité 103 de l’Institut national de la
santé et de la recherche médicale (Inserm) (fig. 2 du chapitre sur les données scienti-
fiques p. 66).

Qui sont les auteurs ?


Tous les trois ont été les élèves directs du Dr Paul Nogier. Tous les trois sont des auri-
culothérapeutes expérimentés. Tous les trois sont membres du Collège français d’acu-
puncture. Leurs textes ont ainsi une légitimité et un poids indéniables.
Le Pr Jean Bossy
Professeur honoraire à la Faculté de médecine de Nîmes,
Ancien chef de service d’explorations fonctionnelles du système nerveux et d’acu-
puncture au CHU de Nîmes,
Ancien président du Conseil de coordination du diplôme inter-universitaire
d’acupuncture,
Prix 1999 de l’école internationale Paul Nogier.
Le Dr Yunsan Meas
Praticien hospitalier au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur au CHU
de Nantes,
Chercheur (laboratoire de psychologie « éducation cognition, développement »
(EA 3259 Université de Nantes),
Capacité d’évaluation et de traitement de la douleur,
CES de biologie et médecine du sport,
DIU de médecine manuelle-ostéopathie,
Directeur de la Commission acupuncture auriculaire de la FAFORMEC.
Introduction 3

Le Dr Yves Rouxeville
CES de biologie et médecine du sport,
DU de pathologie de l’appareil locomoteur appliquée au sport,
Ancien directeur de la Commission d’acupuncture auriculaire de la FAFORMEC,
Président-Fondateur d’Auriculo. Sans Frontières,
Prix 2002 de l’école internationale Paul Nogier,
Responsable d’enseignement au module optionnel d’auriculothérapie (DIU
d’Acupuncture de Nantes).
Le Pr Youenn Lajat est le préfacier
Professeur honoraire à la Faculté de médecine de Nantes,
Ancien président du Conseil de coordination du DIU d’acupuncture,
Ancien chef du service de neurochirurgie et du Centre d’évaluation et de traite-
ment de la douleur au CHU de Nantes.
Les uns et les autres ont accepté l’humble tâche de la relecture des différents tex-
tes. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés. Mes remerciements vont particuliè-
rement au Pr Youenn Lajat, qui écrit dans sa préface auriculothérapie avec un A
majuscule !

Mes liens avec le Pr Jean Bossy


En 1990, à la réunion de l’OMS, il a tenté de concilier les Français et les Chinois.
Il s’est également opposé aux cartographies représentant le système nerveux central.
Nous tentons ici de faire comprendre sa position.
En 1991, à Alba-la-Romaine, il nous a précisé l’importance des mots et surtout
l’importance de ne pas employer « projection » à la place de « représentation »
comme René Bourdiol l’avait fait dans son livre Éléments d’auriculothérapie.
En 1998, le collège d’auriculothérapie de la FAFORMEC était créé ; nous ne
savions pas très bien comment nous organiser. Nous n’étions que trois (Chantal
Vulliez, Michel Marignan et moi) à rendre visite au Pr Llorca, Président du Conseil
de coordination du DIU d’acupuncture. Il nous reçut pendant deux heures, en com-
pagnie du Pr Bossy, son prédécesseur.
Dans les couloirs, le Pr Bossy a insisté pour relire mes éventuels manuscrits du
livre qui m’avait été demandé1.
Sa rigueur paternelle, exprimée par le crayon rouge du correcteur, m’a été profi-
table. Elle me conduit à lui vouer une reconnaissance à la fois amicale et respectueuse.

1- Rouxeville Y (2000) Acupuncture auriculaire personnalisée. Sauramps médical, Montpellier


4 Auriculothérapie

Les particularités de l’ouvrage


Ce livre diffère des livres d’auriculothérapie existants. Il se réfère avant tout à des tex-
tes fondamentaux, en tenant compte des plus récentes publications. Il apporte le
strict nécessaire au plan de la théorie, et délivre de nombreux conseils pratiques sans
être un catalogue de recettes. Il établit un pont avec l’auriculothérapie pratiquée en
France et l’auriculopuncture pratiquée en Chine.
Son contenu est en adéquation avec l’enseignement dispensé au module option-
nel d’auriculothérapie du DIU d’acupuncture à Nantes. La matière enseignée en cette
formation initiale facultaire est très proche de l’enseignement associatif actuel. On y
développe les diverses possibilités de diagnostic et de soins, en restant très pratique.
C’est un enseignement d’auriculothérapie fondé sur les neurosciences et non un
cours de neurosciences appliquées à l’auriculothérapie.
Notre souhait est que ce livre soit utile, qu’il puisse apporter à la connaissance et
à la compréhension de cette merveilleuse méthode qu’est l’auriculothérapie. Les lec-
teurs visés sont essentiellement les membres du corps médical et les personnels para-
médicaux, afin qu’ils puissent satisfaire leurs légitimes souhaits de comprendre et de
connaître. Comme la connaissance scientifique, les livres ne sont pas limités à une
corporation : dès leur parution, ils entrent dans le domaine public. Nous espérons
que cet ouvrage puisse être consulté avec bénéfice par tous, malades ou bien portants,
érudits ou simples curieux.
Les cartographies représentées sont classiques ; elles sont sans doute la représen-
tation des informations transmises par le faisceau spino-thalamique. D’autres carto-
graphies (dites des phases) sont évoquées. Un cheminement complexe relie les termi-
naisons nerveuses de la peau et l’auricule. L’oreille devient ainsi, comme la peau, un
miroir des organes, selon l’expression du Pr Rabischong.
Nous avons limité notre propos à la médecine humaine. L’auriculothérapie est
connue et pratiquée en art vétérinaire. Des cartographies ont été établies chez le che-
val et le chien. Et l’on peut même analyser les variations du pouls chez l’animal,
comme le pratiquait le regretté Mac Kibbin, spécialisé dans les chevaux : il obtenait
des résultats surprenants chez les chevaux de course. Pour détecter les points, ce vété-
rinaire canadien palpait une artère à l’arrière de l’oreille du cheval !

Au plan pédagogique
On s’efforce de guider le lecteur, de le mener où il faut comme on le fait lors des for-
mations. N’étant pas des camelots, nous n’avons pas besoin d’effets de manche pour
emporter la conviction. Nous évitons également à la fois l’anathème et l’encens, en
faisons un emploi limité du « toujours » et du « jamais ».
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Quelques souvenirs liés à l’auriculothérapie


Approchant du terme de mon exercice professionnel, et prenant bien la mesure du
temps qui passe, je ne puis résister à vous faire partager quelques images du film que
j’ai vécu.
En 1969, la découverte de l’acupuncture dans les consultations de traumatologie
sportive, à l’Institut national des sports. En 1972, mon premier essai de traitement
auriculaire à l’aide du Stigmascope®, avec un résultat remarquable pour une névral-
gie sciatique aiguë chez un ancien aviateur de la Grande Guerre2. En 1974, les gran-
des difficultés pour percevoir la RAC, ce pouls activé et dynamique décrit par Nogier.
De 1975 à 1992, les réunions à Lyon autour de Paul Nogier qui étaient un vérita-
ble compagnonnage. En 1990, ce fut la prestigieuse réunion de l’OMS. Nous avions
des réunions annuelles chez le Dr Magdeleine Frimat, en ce lieu magique qu’est le
château d’Alba-la-Romaine, en Ardèche3.
Comment oublier les réunions de travail : en 2003 au centre Propara sous
l’impulsion du Pr Rabischong, en 2005 sur les bords de la Loue à l’initiative du
Pr Magnin ?
L’« inlassable missionnaire » n’a pas rechigné à apporter ses connaissances aux
autres ; il a découvert des collègues ouverts et passionnés, dont beaucoup sont deve-
nus de réels amis : en Bretagne historique comme à Paris, en Auvergne comme à
Toulouse ou dans le Vivarais, ainsi qu’au Portugal, en Europe Centrale et en Tunisie !

Tout cela fut une belle histoire !


L’enseignement facultaire de l’auriculothérapie à Nantes n’aurait pas été possible sans
le dynamisme de la Commission d’acupuncture auriculaire de la FAFORMEC puis
notre engagement dans le CFA. Sans le soutien loyal apporté par Jean Bossy, Éric
Kiener et Philippe Castera, notre entreprise n’aurait pas connu un tel développe-
ment !
Oui, l’auriculothérapie a pris une grande part dans ma vie. La vie de famille et la
vie personnelle en ont souffert. Mon épouse en a pris son parti depuis longtemps…
L’oreille nous conduit à l’art et à la peinture : à la Renaissance, les pinceaux utili-
sés par le peintre Raphaël étaient confectionnés avec des poils d’oreille de bœuf. Plus
près de nous, le Dr Bachmann (qui était à la fois médecin et architecte) ne choisissait
pour collaborateurs que des gens aux oreilles harmonieuses. Cet esthète a publié les
premiers travaux de Nogier, qui furent ainsi connus dans le monde entier.

2- Rouxeville Y (1982) Ma première expérience d’auriculothérapie. Revue Auriculomédecine n° 28 : 1982


3- Actes d’Alba (2003) Un médecin légendaire, une thérapeutique innovante, un château merveilleux. Sauramps médical,
Montpellier
6 Auriculothérapie

Ce qui m’importe désormais, c’est que ce livre puisse permettre d’avoir confiance
en l’auriculothérapie. Dans leur sagesse proverbiale, les Chinois nous disent : « On n’a
pas à croire ou ne pas croire à une thérapeutique ; on en constate ou non ses heureux
effets. »

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