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Fondements et grands Chapitre 3 déc. 2020


concepts de la psychologie La biologie des comportements Ludovic DICKEL

1. Les approches en Sciences des comportements


On peut séparer les disciplines qui abordent les sciences des comportements dans deux grands
champs : les sciences biomédicales (psychologie/médecine/pharmacie) = on peut regrouper tout
ce qui soigne, ce qui améliore, ce qui répare. Et la biologie des comportements et sous
disciplines.

Sciences Biomédicales : tout ce qui soigne, améliore, répare (psychologie, médecine, pharmacie)
- Psychologie et sous disciplines
- Psychiatrie et sous disciplines
- Psychopharmacologie
- Sociologie, ethnologie, sciences de l’éducation…

La nalité de ces sciences est de soigner.


Biologie des comportements et sous disciplines (éthologie et ses sous disciplines)
- Neuro-éthologie : s’intéresse au cerveau
- Ethologie cognitive : à la cognition
- Ecologie comportementale : adaptations des espèces à di érents milieux
- Sociobiologie : comportements altruistes

Il ne faut pas penser que les sciences biomédicales ne s’intéressent pas à la compréhension
des comportements et que ce qui intervient sous la biologie des comportements ne s'intéresse
pas aux soins des comportements et des pathologies puisque, dans les sciences biomédicales, il
y a beaucoup de collègues qui sont très intéressés par les recherches fondamentales sur les
comportements animaux (psychologie comparée, psychopharmacologie.. s'intéressent aux
modèles animaux) mais la nalité est tout de même centrée sur l’humain.

Du côté de la biologie des comportements, ce ne sont pas que des spécialistes des animaux et
des aspects fondamentaux des comportements puisque beaucoup de collègues font de
l’éthologie humaine, mais on est ici centrés sur l’aspect fondamental bien qu’il existe de
l’éthologie appliquée.

2. L’éthologie
Comme expliqué plus tôt, les principales questions de l’éthologie sont des questions
fondamentales de compréhension des comportements, pas forcément des pathologies
comportementales mais il y en a aussi. La seconde caractéristiques est que l’éthologie peut
di érer de la psychologie de part l’absence de barrière des espèces. On va s’intéresser, par
exemple pour les soins parentaux donnés aux petits, au rapport mère/enfant chez le chimpanzé,
le canard, les araignées, l’humain.. Il n’a pas de barrière de l’espèce, on va s’intéresser aux
phénomènes comportementaux qu’ils interviennent chez l’humain ou pas. L’intelligence collective
des fourmis est, par exemple, un phénomène qui intervient de façon beaucoup plus marginale
chez d’autres espèces notamment l’espèce humaine.

3. Les courants fondamentaux de l’éthologie


A l’origine, ces courants fondamentaux proviennent de la philosophie. Et on peut dire que les
racines beaucoup de sciences en occident, et en particulier l’éthologie, proviennent de deux
courants antagonistes :
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- Le courant platonicien de PLATON : philosophie centrée sur l’humain, la nature n’existe que
par et pour lui (anthropocentrée).
DESCARTES suivra ce courant avec le dualisme cartésien : l’humain possède une âme, pas
l’animal, il existe une di érence âme/corps (héritage platonicien).

- Le courant aristotélicien de ARISTOTE : philosophie de la nature dans laquelle l’humain est


une de ses pièces, mais toujours au-dessus des autres espèces (nature = puzzle).
MONTAIGNE suivra ce courant : il existe chez l’animal des traces de l’état de l’homme, de
l’âme que l’on trouve chez l’humain. Il prenait l’étude de la nature pour mieux comprendre
l’humain.

Il existe donc chez Platon une distinction très nette humain/animal, quand on observe chez
Aristote une certaine forme de continuité entre l’homme et l’animal.

Ces deux courants se sont confrontés :

-> Le premier étant un courant platonicien, c’est un courant mécaniste (courant qui va
s’intéresser essentiellement aux fonctions des organes) et réductionniste (courant des chercheurs
qui vont trouver des solutions en disséquant le plus possible la matière et les organes).

Ex : certains pensent qu’en comprenant les mécanismes moléculaires intervenant au seins des
neurones, on peut comprendre le fonctionnement du cerveau.

Ce courant a essentiellement été appuyé par WATSON et SKINNER, s‘inspirant de PAVLOV, et


selon lui, tous les comportements qui s’expriment chez des individus sont acquis par
l’expérience, c’est-à-dire que les animaux, et dans une certaine mesure les humains, sont des
pages blanches à la naissance qui vont se remplir au fur et à mesure des expériences. Les
comportements répondent tous à des lois universelles et élémentaires : la base de ces lois est les
conditionnements (=quand on demande à un animal/humain d’associer 2 évènements ; ex :
nourriture/son). L’histoire de l’espèce n’intervient pas pour ces spécialistes dans le sens où les
comportements qu’on observe ont tous été acquis. Alors, seuls les e ets observables et
objectivables sont à considérer, et les comportements sont prévisibles. En d’autres termes, si on
connaît le stimulus perçu, on peut prévoir les comportements qui seront produits.

La boîte noire représente le cerveau de l’animal, c’est une machine à faire des associations. Cette
équation est machiniste : on va essayer de rechercher les mécanismes qui vont aller du stimulus à
la réponse. Selon ces spécialistes qu’on appelle behavioristes, en psychologie, tous les
comportements sont explicables par la combinaison d’unités comportementales qu’on appelle les
conditionnements. Donc, en connaissant les stimuli, on en déduit les associations que la boîte
noire va construire et on peut prévoir les réponses. Or, pour les behavioristes, comme il faut
connaître les stimuli perçus pour prévoir les réponses, il est fondamental de ne travailler qu’en
conditions contrôlées.

Également, puisque les comportements répondent à des lois universelles, il est inutile de
s’embêter à travailler sur toutes les espèces, il su t de travailler sur un petit nombre d’espèces
a n de déterminer les équations qui vont amener tel ou tel comportement et à l’appliquer à toutes
les espèces. Donc on va travailler sur un tout petit nombre d’espèces, en particulier les souris et
les rats mais on peut également entendre parler de pigeons et P. travaillait sur des chiens. En
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général, ils travaillaient sur des espèces faciles à élever et à maintenir en élevage. On rappelle que
l’on travaille en conditions contrôlées donc avec des dispositifs extrêmement rigoureux qui
permettent de mesurer des comportements (labyrinthe, cage..).

En même temps que ce courant mécaniste et réductionniste, on observe l’émergence d’un


courant préexistant depuis le 16/17ème siècle mais qui ne s’est pas vraiment développé dans les
sciences biologiques. C’est un courant naturaliste et évolutionniste qui a pris beaucoup d’essor
avec les travaux de DARWIN et l’idée de sélection naturelle. LORENZ, TINBERGEN.. en font
partie et se nomment eux-mêmes les “objectivistes”. Ils ont proposé des alternatives à
l’interprétation des comportements par les behavioristes : les naturalistes et évolutionnistes
considèrent l’existence d’instincts et de prédisposition aux apprentissages.
Ils ne disent pas qu’il n’y a pas d’apprentissage mais simplement que chaque espèce est
prédisposée à apprendre certaines choses.
Ex : humain prédisposé à apprendre le langage.
Ces prédispositions étant spéci ques à chaque espèce, elles ne sont pas transposables chez une
autre.
L’autre source théorique était donc qu’il existe des instincts. Par exemple, les comportements du
chat et de la souris ne sont pas explicable par une expérience sensorielle préalable ni par un
apprentissage. Donc les objectivités vont étudier les apprentissages, la mémoire, mais aussi
s’intéresser aux instincts, aux prédispositions à l’apprentissage et vont les mettre en parallèle
avec l’environnement dans lequel l’animal a évolué : ils vont s’intéresser aux mécanismes
évolutifs des espèces.

Exemple de divergence entre ces deux courants :


Les béhavioristes = qui pensent que les comportements sont acquis.
Les objectivistes = qui pensent que les comportements sont un mélange d’acquis et d’inné.

Les méthodes développées par les objectivistes sont très di érentes de celle des behavioristes :

L’approche objectiviste consiste donc à faire une grande partie des études sur les
comportements des animaux dans leur milieu naturel a n de connaître dans quels milieux
ces comportements se sont développés.

Expérience de Kuo : exemple de divergence entre ces deux courants

K. s’est demandé pourquoi les poussins picorent-ils juste après l’éclosion : comportements
instinctifs ou acquis par l'apprentissage ?

L’approche behavioriste de cette question est de se dire que l’apprentissage/le comportement est
acquis, donc cela veut dire qu’il se passe quelque chose dans l'œuf avant l’éclosion qui fait que
l’animal, dès la naissance, va se mettre à picorer. K. faisait partie des chercheurs qui ont émis
cette hypothèse. Pour répondre à cette question, ils ont percé une fente dans l'œuf pour observer
l’embryon et son comportement et ont remarqué que, pour des raisons d’encombrement, un
embryon d’oiseau à la tête repliée sur le thorax pendant son développement. Or, dans le thorax, le
coeur bat et de temps en temps le bec va s’ouvrir et ingérer un peu de vitelus (=le jaune d’oeuf,
ce à partir de quoi l’embryon se nourrit). Leur conclusion a donc été que l’embryon, en n de
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développement, à la tête qui oscille à cause des battements de coeur, il ingère alors un peu de
nourriture et cela va constituer un conditionnement au cours duquel l’animal va associer une
oscillation de la tête avec un renforcement positif qui est l’ingestion de nourriture. Donc, après la
naissance, les poussins picorent parce que la première chose qu’ils vont faire c’est osciller la tête
pour trouver leur nourriture : pour les behavioristes, le comportement est acquis.

Mais ce point de vue pose problème aux objectivistes parce qu’il existe d’autres espèces qui
montrent exactement les mêmes phénomènes durant le développement embryonnaire (nid qui
colle, tortues, reptiles..) et pourtant ceux-ci ne montrent pas de comportements de picorage. Or,
on ne peut pas avoir un même apprentissage qui ne donne pas les mêmes comportements : cela
a mis à l’eau l’hypothèse des behavioristes.

Ainsi, beaucoup de comportements trouvaient des interprétations di érentes entre les


behavioristes qui cherchaient des apprentissages et les objectivistes qui les considéraient comme
des comportements innés. Néanmoins, au bout du compte, il y a énormément de comportements
qui n’ont pas pu trouver d’explications par les conditionnements. Les objectivistes ont donc
“gagné” puisque 3 chercheurs éminents de ce courant (Tinbergen : abeilles, oiseaux, mollusques ;
Lorentz : oiseaux ; Von Frisch : abeilles) ont obtenu un prix nobel de médecine en 1973, et, en
général, recevoir un prix nobel signi e que vos théories sont acceptées par la communauté
scienti que.

C’est la naissance de l’éthologie objectiviste, qui est maintenant enseignée dans les universités
au plan international : pas de barrières d’espèces, au moins une partie du travail doit se faire sur
le terrain pour comprendre les comportements. Il est cependant compliqué de réaliser tout le
travail dans le milieu de l'animal puisque l'éthologie moderne est une éthologie objectiviste qui
considère qu’il existe des instincts, des comportements innés et beaucoup de prédispositions à
l’apprentissage, il est donc nécessaire d’étudier toutes les espèces pour comprendre un
comportement. Mais l’éthologie objectiviste a également repris des méthodes behavioristes donc,
lorsque l’on travaille en laboratoire, on va travailler dans des milieux extrêmement contrôlés avec
des protocoles d’apprentissage standardisés.

L’éthologie moderne est un compromis entre l’éthologie objectiviste et les méthodes


behavioristes.

➢ Quelles sont les questions que l’on se pose en éthologie ? Comment aborde-t-on les
comportements en éthologie objective ?

Les questions de l’éthologie ont été listées par Nicolas TINBERGEN, elles sont une interprétation
des questions sur la nature d’ARISTOTE (Antiquité). Un éthologue ne va pas essayer de lister tous
comportements de toutes les espèces (impossible) mais va s’intéresser à un comportement en
particulier et se poser 4 questions par rapport à ce comportement en particulier.

● Quelles sont les causes à e ets immédiats ?


Pourquoi j’observe ce comportement à l’instant où je l’observe ? Donc quelles sont les
modi cations dans l'environnement intérieur ou extérieur de l’individu qui vont déclencher ce
comportement ?
Ex : anxiété, peur (modi cations externes), physiologie, neurophysiologie (internes).
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● L’ontogenèse ?
Qu’est-ce-qui, dans l’histoire de l’individu, va pouvoir expliquer qu’il exprime les comportements
qui m’intéressent ?

● Fonction, valeur adaptative ?


Pourquoi l’individu exprime ce comportement ? Quel est l’avantage que cela lui procure par
rapport à un individu qui ne l’exprimerait pas ?

● Évolution ?
Quel est le poids de l’histoire de l’espèce dans l’apparition de ce comportement ? On se met à
l’échelle de l’évolution de l'espèce et on va regarder ce qui, dans son environnement, a fait que
comportement est apparu.

Les questions en jaune, c’est ce que N. TINBERGEN a appelé la causalité proximale du


comportement, et celles en vert la causalité ultime.

Or, sans que ce soit extrêmement illustrant de la di érence psychologie/éthologie, les


psychologues, vétérinaires, psychiatres.. vont plutôt s’intéresser à la causalité proximale car ce
sont des questions qui vont permettre d’étudier et de guérir une pathologie par exemple. Donc on
va s’intéresser à la physiologie, à la neurologie.. on va regarder ce qui se passe au niveau du
cerveau, des hormones.. on va regarder ce qui va causer un comportement et on va se poser des
questions à propos du développement de l’individu.

Alors que les biologistes vont plus s’intéresser à la causalité ultime. Lorsqu’on s’intéresse à une
pathologie, de la mémoire par exemple, on peut en e et regarder ce qui se passe dans le cerveau
et l’individu..et c’est ce que l’on fait en psychologie. Mais le biologiste lui ajoute des questions sur
la fonction (à quoi ça peut servir de ne pas se rappeler lorsqu’on est vieux ?) et sur l’évolution
(pourquoi on observe ça maintenant ? Quel est le poids de l’histoire de notre espèce pour
observer ces comportements et ces caractéristiques maintenant ?). Donc, pour aborder les
fonctions et l’évolution des comportements, la seule manière va être de comparer des espèces
proches qui vivent dans des environnements très di érents ou de comparer des espèces très
éloignées qui vivent dans des environnements similaires puis de voir le lien entre l’environnement
et les comportements. C’est une approche naturaliste.

Ex : le mal de mer

On peut s’intéresser à la causalité proximale du mal de mer, c’est ce que font les médecins, on
sait ce qui va le déclencher, quels stimuli, quelles structures du cerveau et quels médiateurs
chimiques sont impliqués, on sait même le soigner.

Mais, pour autant, on ne le comprend pas dans un sens biologique : à quoi ça sert ? quelle est sa
fonction ? pourquoi notre espèce a-t-elle développé le mal de mer ? Quelqu’un s’est alors
intéressé à la causalité ultime du mal de mer : TREISMAN. Il va alors écrire un article dans lequel il
émet une hypothèse : l’humain étant à l’origine chasseur-cueilleur, il a peut-être développé des
mécanismes adaptatifs à ce régime alimentaire.

Il faut savoir que, l’une des raisons pour lesquelles l’humain a un succès évolutif aussi
spectaculaire, c’est parce qu’il arrive à se nourrir de choses extrêmement di érentes et donc à
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s’adapter aux di érentes régions du monde. Il a donc fallu, à un moment de leur évolution, que
certains humains goûtent et testent de nouvelles choses (baies, champignons..) et T. dit que,
lorsqu’on s’intéresse aux toxines végétales, on remarque que 95% d’entre elles, ont pour
premiers symptômes, lorsqu’elles sont ingérées, des vertiges. Donc, quand l’organisme a des
vertiges, le ré exe est de se vider l’estomac : c’est un ré exe adaptatif à notre régime alimentaire.
En fait, pour T., lorsqu’on a le mal de mer, on mime ces vertiges qui pourraient être
caractéristiques d’une intoxication donc on se vide
l’estomac. T. a alors essayé de comprendre le mal de mer au-delà des mécanismes intervenant
dans le mal de mer.

Comment tester son hypothèse ?

Il su t de scanner di érentes espèces, de regarder celles qui montrent le mal de mer ou non et
de comparer leur régime alimentaire. On remarque alors que les espèces manifestant le mal de
mer ont des régimes alimentaires extrêmement variés, comme l’être humain. Donc, T. pourrait
bien avoir raison lorsqu’il parle des causes ultimes du mal de mer.

Remarque : certains poissons ont le mal de mer.


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