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INTRODUCTION A L’ANTHROPOLOGIE DE LA SANTE

PAR

Dr Alexandre NDJALLA (PhD)


Anthropologue

Yaoundé

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MODULE 1 : OBJECTIF DU COURS ET DEFINITION DE L’ANTHROPOLOGIE
1. Objectif du cours
L’objectif du présent cours est de démontrer que la santé n’est pas exclusivement un phénomène
biomédical, mais qu’est aussi un problème socioculturel.
2. Qu’est-ce que l’anthropologie ?
Le terme anthropologie dérive de deux mots grecs : anthropos : qui signifie homme et logos qui
veut dire science ou étude. Etymologiquement, anthropologie signifie la science qui étudie
l’homme. L’homme dans sa diversité, sa diversité, sa complexité et sa pluri-dimensionnalité.
Mais, de nos jours il est plus indiqué de dire que l’anthropologie de considérer que
l’anthropologie est l’étude des cultures et des civilisations humaines. Pour cette raison,
l’anthropologie est considérée comme étant la culturologie, parce que son champ d’étude est
focalisé sur la culture. Pourquoi doit-on étudier l’anthropologie lorsqu’on est étudiant en
sciences de la santé ? Il est important de nos jours que les spécialistes des sciences de la santé
s’intéressent aux sciences sociales que sont l’anthropologie, la sociologie, la psychologie dans
la mesure où la maladie ou la souffrance ne constitue pas uniquement une expression du
châtiment physique ou corporel. Comme le dit l’OMS, la santé est état de complet bien être qui
intègre des paramètres sociaux, psychologiques. Sur ce point de vue, anthropologie, le malade
n’est pas seulement un être humain souffrant d’une pathologie quelconque et recevant les soins
de santé au sein d’un établissement hospitalisé. Mais, c’est aussi tout être tout homme en proie
à des difficultés qui peuvent être d’ordre moral, psychologique. Ainsi, une fille célibataire
aspirant au mariage est une malade, tout comme un étudiant n’ayant pas encore payé sa pension
est un malade.
3. La notion de culture en anthropologie
En anthropologie, la notion de culture est capitale. Les recherches menées sur ce concept
ont permis de recenser plus de deux cent définitions du concept d’anthropologie. Pour
l’anthropologue américain Raph Linton (1945), « la culture est le mode de vie global d’un
peuple ». Cette définition permet de constater que la culture n’est pas innée, mais plutôt un
phénomène acquis par l’homme par le processus de socialisation et d’apprentissage. Le
processus d’enculturation permet à chaque individu d’acquérir les éléments culturels de son
groupe. Ce qui signifie qu’un enfant est culturellement vierge à la naissance. C’est son
entourage, sa société qui le modèle, qui le structure ou qui le « formate ». L’être humain est
donc le produit de sa société, le reflet de son éducation et de sa socialisation. Pour Robert Lowie
(1936), la culture est la totalité de la tradition sociale. Pour Sigmund Freud (1885), la culture
est la somme des relations et dispositifs par lesquels, notre vie s’éloigne de celle de nos ancêtres
animaux et qui servent à des fins de protection de l’homme contre la nature et de règlementation
des relations des hommes entre eux. Pour Emile Durkheim (1985), la culture est l’ensemble des
manières de penser, de sentir et d’agir. Elle s’adresse selon lui à toute activité humaine et se
veut d’abord vécu par des personnes au sein d’un groupe. L’UNESCO (1945), quant à elle,
définit la culture comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et
affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe outre les arts et lettres,
les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs ; les
traditions et les croyances. Mais, la définition qui semble satisfaire tous les anthropologues est
celle d’Edward Butner Tylor (1871). Dans son célèbre ouvrage intitulé primitive culture,
l’anthropologue britannique définit la culture comme « un tout complexe qui inclut les
croyances, les lois, les coutumes, l’art, la morale et tout autre attitude et aptitude acquise par
l’homme entant que membre d’une société ».
2.1. La notion de culture selon l’archéologie
L’archéologie entant qu’une science qui étudie les sociétés aujourd’hui disparues a, à
travers l’une de ses figures les plus illustres en la personne d’André Leroy Ghouran (1986)
(archéologue français), a subdivisé la notion de culture en deux grands groupes à savoir :

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a) La culture matérielle
Elle est l’ensemble des productions et des inventions humaines qui sont visibles ou matérielles.
On peut citer à ce titre : l’habitat, les routes, les voitures, le téléphone, l’ordinateur, les meubles,
l’habillement, la coiffure, la montre, les bijoux, les chaussures, les lunettes, l’alliance,
l’agriculture, l’élevage…
b) La culture immatérielle
Elle représente l’ensemble des productions et des inventions humaines qui sont invisibles,
spirituelles ou immatérielles. Il s’agit des chants, de la politique, de la philosophie, de la
pensée, de la langue, des contes, de la religion, de la sorcellerie, des mythes, de la magie, de la
cosmogonie, de la paix…
4. Qu’est-ce que l’anthropologie médicale ?
C’est l’étude de :
 La représentation de la maladie
 Des itinéraires des malades
 Du rôle des thérapeutes
 Des pratiques thérapeutiques de toute sorte dont les rituels de guérison ;
étudiés en fonction du système socio-culturel dans lequel ils s’insèrent. Certains font de la
question de l’efficacité thérapeutique la question première et n’envisagent éventuellement la
relation au social que sous cet aspect (anthropologie « médicale »); d’autres s’intéressent
d’abord à la place des représentations de la maladie et des institutions qui leur sont associées
(anthropologie de la santé / de la maladie) n’envisageant leur efficacité que par rapport au
fonctionnement d’ensemble de la structure sociale hiérarchisée. Dans ce dernier cas, les
représentations de la maladie sont très directement associées à celles qui concernent, par
exemple, la notion de personne ou les croyances à la sorcellerie. Du point de vue de
l’anthropologie, il est plus important de déceler et de définir la part du symbolique dans le
rapport de nos sociétés à la maladie que de définir la part effectivement et objectivement
thérapeutique des médecines différentes.
Deux approches différentes : anthropologie interprétative et anthropologie critique.
Pour l’anthropologie de la santé classique (anthropologie interprétative), qui s’intéresse aux
discours, aux représentations indigènes (« folk interpretation »), il n’y a pas de but particulier
en dehors de celui de comprendre comment fonctionne la société. Comprendre l’expérience
vécue de la maladie du point de vue du patient (« medical narratives »).
L’anthropologie critique est animée d’un but particulier, celui de comprendre les causes
des transformations, des changements sociétaux et leurs impacts sur la santé, afin d’améliorer
les conditions, la santé des gens.
Question de justice sociale.
Anthropologie appliquée : (santé, environnement éducation…) renvoie à plusieurs
caractéristiques, on répond à une demande (ONG par exemple) qui veut monter un projet à
l’étranger ou en France auprès de populations étrangères. Il s’agit d’adapter ce savoir-faire aux
particularités culturelles de ces pays/ pop.
5. L’importance de l’anthropologie de la santé
La thèse hyperbiomédicalité ne semble pas avoir considérablement contribué à la
résolution des problèmes de santé. L’on pense aussi que l’anthropologie de la santé est
relativement récente. Elle est née aux Etats unis dans les années 60 sous l’appellation de médical
anthropology. Cette expression est remise en cause aujourd’hui dans la mesure où elle semble
réduire la santé à sa seule dimension biomédicale. En effet, tous ces qui tentent de définir la
santé où la maladie sous un prisme exclusivement physique vont à l’encontre de la
problématique de la santé au sens anthropologique car, la santé est un « tout complexe » qui
surpasse la souffrance physique ou corporelle. Cette conception a amené l’OMS, la banque
mondiale, les Nations Unis, les Etats et autres organisations non gouvernementales à intégrer

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les anthropologues dans tous les projets de santé. La réalité est que la médecine conventionnelle
n’a pas toujours été capable de résoudre les problèmes de santé en réduisant systématiquement
le taux de morbidité et de mortalité. Après son introduction dans le continent africain avec le
phénomène de la colonisation, l’Afrique n’a pas vu ses problèmes de santé résolus. Au
contraire, le continent continue à faire face à des pandémies et épidémies les plus meurtrières
et le les plus endémiques. Ces échecs de la médecine dite moderne, son incapacité à lutter
efficacement contre les grandes endémies va amener les décideurs, les Etats à envisager de
nouveaux paradigmes. A ce titre, on va convoquer la psychologie, la philosophie, la sociologie,
l’anthropologie… Chacune de ces sciences apporte sa contribution à la lutte contre les maladies.
Mais, la contribution de l’anthropologie est plus palpable et plus concrète. Dans leur ouvrage
commun intitulé medical anthropology (1980), Foster and Anderson, développent un cas
palpable de la réussite d’une intervention des anthropologues dans la résolution d’un cas de
maladie. Cet exemple magnifie la contribution de l’anthropologie dans le domaine de la santé.
Les deux anthropologues ont travaillé en Nouvelle Calédonie sur un cas d’une maladie appelée
le Kuru. Cette maladie n’attaquait que les femmes et quelques bébés. Elle se manifestait par les
tremblotes. Les médecins commis par l’OMS pour apporter une solution à ce problème ont
conclu qu’il s’agissait d’une attaque cérébrale qui se manifestait par les tremblotes et puis, la
mort de la patiente s’en suivait quelques jours après. Pour y faire face, l’OMS a mobilisé des
grands médecins et professeurs de médecine à travers le monde, mais sans suite. Car, leurs
actions et interventions sur le terrain sont restées sans succès. Cet échec lamentable de la
médecine conventionnelle a obligé les responsables de l’OMS à faire appel aux anthropologues
dans le but d’explorer le rapport qui pourrait exister entre cette maladie du kuru et la culture
des populations qui en étaient victimes. Les recherches des anthropologues vont conduire à des
découvertes et conclusions étranges. Ces recherches qui ont été menées dans le domaine de la
culture de la nouvelle Calédonie, vont découvrir que le kuru était lié à la pratique d’un rite
funéraire et anthropophagique. En effet, la culture de cette société autorisait les femmes à
extraire le cerveau du roi, du chef après son décès, à le préparer et à le consommer dans
l’optique d’incarner sa sagesse. Etant accompagné de leurs bébés, les femmes leur faisaient
goûter ce cerveau préparé. Pour les anthropologues, ce rite était incontestablement le vecteur
du kuru. Ils ont aussitôt demandé son interdiction. Ainsi, la maladie du kuru a aussitôt pris fin
en nouvelle Calédonie.
MODULE 2 : LES DIFFERENTES BRANCHES DE L’ANTHROPOLOGIE
L’anthropologie se divise en plusieurs sous branches ;
- Anthropologie sociale et culturelle
Elle est née en Angleterre sous l’appellation de « social anthropology », au Etats-Unis sous
l’appellation de « cultural anthropology », en France on l’appelle « Ethnologie ». Elle étudie le
mode de vie des populations dans une société donnée ; les échanges, les interactions, la vie
sociale et culturelle, le mode de vie et l’organisation de dites sociétés.
- Anthropologie économique
C’est la branche de l’anthropologie qui étudie les modes de production, d’échanges et de
consommation des biens.
- Anthropologie physique
Elle étudie les formes physiques de l’homme, les races, les chevelures, la forme de dents, la
forme des pieds. Elle étudie aussi la circoncision, les formes sexuelles, excision.
- Anthropologie religieuse
Elle étudie les systèmes de croyances des êtres humains, les religions dites révélées, africaines,
l’animisme. Les travaux des anthropologues ont permis de comprendre qu’il existe des religions
sans Dieu. Dans ce cas, l’homme croit tout simplement à un être transcendantal qui est supérieur
et peut être un animal, arbre, statue. L’être humain est naturellement polythéiste parce que les
africains vont à l’église le chapelet en main, l’écorce dans la poche.

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- Anthropologie appliquée
L’anthropologie appliquée est une branche qui est récente. Elle est née au XXème siècle. Elle
utilise les connaissances de l’anthropologie pour provoquer le développement. Depuis cette
époque, les anthropologues sont recrutés par les états, les organisations internationaux, les
communes pour accompagner la réalisation de leur projet de développement. Tout véritable
anthropologue est d’abord un expert consultant auprès de son état, de la banque mondiale, des
Nations Unies (COMS, UNICEF, ONU FAM, …), plan international, GIZ, … s’il sollicite des
anthropologues, c’est parce que ces derniers maitrisent les phénomènes culturels qui influencent
positivement ou négativement leurs projets de développement.
- Anthropologie de la santé
Elle est récente. Elle est née aux USA et s’est répandue dans les autres continents. Son objectif
est d’aborder les problèmes de santé sous un angle holistique (global) mais surtout
socioculturel. L’anthropologie est en accord avec l’OMS qui définit la santé comme « un état
de complet bien-être physique, mental, psychologique et social, ne consistent pas tout
simplement en l’absence de maladie ou d’infirmité ». L’anthropologie est bien consciente que
la sante n’est pas l’absence de maladie, mais plutôt un équilibre total et un bien être général de
l’être humain. Dans ce cas, l’être humain peut être sain du point de vue physiologique mais
malade du point de vue socioculturel ou psychologique. C’est d’ailleurs la démonstration qui
sera faite. Avant d’y arriver, qu’il nous soit permis d’élucider la place de l’ancêtre en Afrique.
Anthropologie de la santé et ses domaines En effet, les travaux des anthropologues ont permis
de réaliser que plusieurs maladies ont une relation avec notre culture et qu’il est important
d’étudier la culture si l’on veut expliquer ou traiter ces maladies.
Exemple de la maladie de Kuru : Dans l’ouvrage collectif, les anthropologues américains
FOSTER et ANDERSON évoquent la maladie du Kuru en Nouvelle Calédonie dans Medical
anthropology. Les deux décrivent la maladie du Kuru comme une pathologie qui ravageait les
femmes. Celles-ci développaient la tremblote après une attaque du cerveau et en mouraient
quelques jours plus tard. La gravite de cette situation a emmenée l’état de la Calédonie et l’OMS
à faire appel aux plus grands médecins du monde dons le but d’éradiquer la maladie.
Malheureusement, ces médecins de renom n’ont pas pu trouver une solution adéquate à ce
problème de santé. C’est alors que les anthropologues ont été appelés en renfort. Leurs
recherches ont permis de découvrir la pratique d’un rite anthropologique qui consistait en ce
que, après la mort des rois ou des chefs, les femmes recueillaient leurs cerveaux, le cuisinait et
les consommait dans le but d’hériter de la sagesse et le pouvoir du chef ou du roi. Les
anthropologues ont établi un rapport étroit entre ce rite anthropologique et la maladie du Kuru.
Comme solution, ils ont proposé la dissolution de ce rite dangereux. Immédiatement, la maladie
du Kuru a pris fin en Nouvelle Calédonie.
MODULE 3 : HISTORIQUE DE L’ANTHROPOLOGIE DE LA SANTE
Histoire de la discipline
L’ethnologie a pris en compte dès ses débuts les représentations et pratiques populaires relatives
à la maladie et à ses traitements, en s’intéressant en particulier aux féticheurs, shamans, prêtres,
guérisseurs et autres spécialistes magico-religieux dont la pratique a de fortes composantes
thérapeutiques. Mais l’anthropologie de la santé en tant que sous discipline est relativement
récente. Elle s’est constituée aux USA dans les années 60, « medical anthropology », plus
particulièrement axée sur le traitement des maladies. Le terme français « anthropologie de la
santé » témoigne d’un souci de prise en compte de l’ensemble des composantes sociales et
culturelles qui interviennent dans la santé.
Le SIDA a engendré une importante vague d’études anthropologiques, dans un 1er temps sur
les perceptions de la maladie, les comportements sexuels des populations ou le recours à des
guérisseurs ou thérapies parallèles, dans un 2e temps sur l’observance des ARV ou sur l’attitude
des personnels de santé. Deux grands chantiers de l’anthropologie de la santé, d’un côté les

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représentations et pratiques populaires, de l’autre le système de santé moderne. Chronologie:
Fin 19e et début 20e : monographies. A la fin des ouvrages, on traite dans un chapitre «
fourretout » de la religion, magie, sorcellerie et la maladie.
Années 30-40 : Rivers, en 1924 publie un ouvrage dans lequel il présente une classification des
croyances sur les causes de la maladie, dans une perspective diffusionniste. Psychiatre, il
travaille sur les soldats de retour de la guerre, il met à jour le « stress post traumatique ». Un
des 1ers à prendre en compte l’environnement.
Cléments, en 1932, affirme que les systèmes médicaux indigènes st des institutions sociales qui
doivent être étudiées de la même façon que les autres institutions comme parties intégrantes.
R.Benedict, « culture et personnalité » : étudie la personnalité de base dans diverses sociétés,
montre l’impact des modes d’éducation sur la personnalité.
Années 40- 50, Ackernecht : marqué par le fonctionnalisme, il s’intéresse aux causes sociales
de certaines maladies. Défend que les conceptions autour de la maladie sont culturellement et
sociologiquement construites.
Années 1960, Shirley.L : travaille en Papouasie Nouvelle Guinée, chez les Fore, avec un
généticien. Les Fore étaient cannibales (mangeaient le cerveau de leurs proches une fois
décédés). –> Les gens mourraient et ils savaient pas pourquoi. Ils s’aperçurent que c’était
surtout les femmes qui étaient victimes car se sont-elles qui s’occupaient de la préparation des
cerveaux. Les hommes ne tombaient pas malades car ils n’étaient en contacts qu’avec le cerveau
cuit, et donc pas avec le virus actif. Les gens ne tombaient pas malades immédiatement après
avoir été en contact avec le virus mais des années plus tard : on avait alors jamais entendu parler
d’un tel virus. Concept de « slow virus ». Shirley met à jour le processus qui conduisait à la
maladie. Elle est une des premières anthropologues modernes.
Richard Lee – dans le Kalahari avec les « Sun people », une société égalitaire de chasseurs
cueilleurs. Chez ces gens la pression artérielle ne montait pas avec l’âge, pas de problème de
cholesterol, leur audition ne baisse pas avec le temps. Pourquoi? Ils ne mangent pas de graisse,
font beaucoup d’exercice (20km par jour), pas de sons élevés… Certaines maladies ou
dégradations du corps avec la vieillesse ne sont pas si normales et inévitables, ce n’est pas
toujours « naturel » comme on le pense. Notre mode de vie et notre environnement « fabriquent
» nos maladies.
=> Création de nos maladies : création des conditions pour certaines maladies (cancers, obésité,
diabète dans nos sociétés modernes).
=> l’anthropologie se situe bien au-delà du cabinet du médecin. C’est une autre façon de
comprendre la maladie et la guérison. Il s’agit de comprendre le processus, comprendre
l’organisation sociale, les problèmes de la communauté… Il n’y a pas qu’une seule façon de
soigner, l’anthropologie respecte la médecine scientifique mais s’intéresse aux autres manières
de comprendre les causes de la maladie et de la soigner.
MODULE 4 : DIMENSION SOCIOCULTURELLE DE LA MALADIE
La dimension socioculturelle de la maladie
En Afrique, la maladie a toujours un rapport avec la sorcellerie, le surnaturel. Une simple
bagarre dans la rue, un accident de route due à une inconduite du chauffeur, une noyade d’un
enfant après une pluie torrentielle sont toujours attribués à la sorcellerie. Pour étudier ou prendre
en charge les maladies en Afrique, il est conseillé de toujours prendre en compte, leur dimension
mystique et métaphysique. En Afrique par exemple, l’on pense que le paludisme est la
conséquence d’un acte mystique perpétré par un sorcier tapis dans l’ombre. Certaines personnes
pensent que le paludisme est causé par la consommation d’une eau sale, par la consommation
des premières mangues. Les experts en sciences de la santé doivent donc intégrer cette
conception endogène, cette perception « emic » de la maladie. Car, ces considérations
influencent les itinéraires thérapeutiques et orientes les choix thérapeutiques des malades. En
Afrique, il y a la maladie du médecin ou de l’infirmier et la maladie du malade. Chez les

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Africains, les symptômes de la maladie n’ont pas souvent un rapport avec la maladie réelle. Les
maux de ventre ne sont pas nécessairement causés par les vers intestinaux ou par l’intoxication
alimentaire. Il s’agit généralement selon les considérations populaires et ethnologiques des
pathologies causées par une action maléfique des méchants dans le but de nuire. La maladie est
aussi la conséquence de la violation d’un interdit alimentaire ou d’une règle sociale importante
(Essomba, 2011). Dans ce même ordre d’idée, Marc Augé (1984 : 36) fait observer que : « C’est
le paradoxe de la maladie qu’elle est à la fois la plus individuelle et la plus sociale des choses,
chacun d’entre nous l’éprouve dans son corps et parfois en meurt ; de la sentir en lui menaçante
et grandissante, un individu peut se sentir coupé de tous les autres, de tout ce qui faisait sa vie
sociale ; en même temps tout en elle est social, non seulement parce qu’un certain nombre
d’institutions la prennent en charge aux différentes phases de son évolution, mais parce que les
schèmes de pensée qui permettent de la reconnaître, de l’identifier et de la traiter sont
éminemment sociaux : penser sa maladie, c’est déjà faire référence aux autres ». Nous
illustrons cette situation en présentant les causes de l’infécondité selon les traditions Beti, une
ethnie située dans le Centre et le Sud du Cameroun. Dans ce groupe ethnique, l’infécondité
d’une femme, d’un homme ou d’un couple est justifiée par quatre raisons. L’on évoque
premièrement la malédiction parentale suite à un mauvais comportement, ou le manque de
respect à l’égard de sa famille ou des aînés. Les paroles de malédiction prononcées par un parent
à l’égard de son fils ont force de pouvoir car, la parole chez les Beti et chez la plupart des
peuples Bantu a un pouvoir. Deuxièmement, les rapports incestueux peuvent entraîner
l’infécondité chez les sujets concernés. La loi de l’inceste est une règle sociale universelle et sa
violation entraîne de multiples conséquences parmi lesquelles, le défaut de procréation
(Ndzana, 1999). De nos jours, plusieurs individus iconoclastes sont victimes de cette
conséquence qui est le résultat de leur insoumission sociale et mènent des actions réparatrices
qui existent au sein de la même société grâce aux rites « djiba ». Dans un troisième temps, nous
évoquons les rapports sexuels avec les maris de nuit. D’après Mbonji Edjenguèlè (2009 : 206),
ce phénomène concerne autant les hommes que les femmes, une petite enquête qu’il a menée
auprès de ses étudiantes lui a permis de dire que plus de 50% de jeunes filles interrogées
affirment être victimes des rapports sexuels pendant le sommeil. « Ces filles se sont réveillées
le matin avec des blessures à l’intérieur de leurs organes sexuels, du sperme sur elles alors que
la porte était fermée ». La plupart des femmes souffrent des problèmes liés à ce type de pratiques
devenues courantes dans nos sociétés. Enfin, le mariage par rapt qui se caractérise par le
racketage des femmes est une pratique observée chez certains jeunes qui, de ce fait violent de
façon flagrante les règles sociales de base qui reposent sur les pratiques et les divers rites
matrimoniaux, ayant un rôle de cohésion sociale fondamentale au sein de deux groupes alliés.
Ceux qui sont coupables de cette pratique sont forcés de rentrer faire la paix avec la famille de
la fiancée, s’ils tiennent à résoudre leur situation. En somme, ceux qui ont épousé leurs femmes
par la technique du rapt ou sans verser la dot, exposent leur couple à une longue infécondité qui
s’explique par la colère de la famille de la fiancée. En Afrique, tout couple stérile est l’objet de
moqueries et des railleries. Il s’agit là d’une maladie sociale dangereuse. Les longues maladies
qualifiées d’incurables par la médecine hospitalière sont quelques fois expliquées par les cas de
violations des règles sociales élémentaires établies au sein d’un groupe, et qui sont des faits
sociaux coercitifs selon Durkheim (1987). Pour le sociologue français, le fait social exerce une
contrainte sur l’individu. Cette contrainte se vérifie à partir des sanctions qui sont opposées à
son non observance. Le fait social s’impose aussi par la force de persuasion utilisée pour sa
diffusion parmi les membres de la société. L’on peut donc comprendre aisément que l’égoïsme
dans les sociétés où le bonheur et le malheur se partagent est une inconduite socialement
sanctionnée. Cette dimension socioculturelle de la maladie se caractérise par l’aspect mystique
ou métaphysique de la maladie. Ces considérations indiquent l’opportunité d’intégrer forcément
ces paradigmes socioculturels dans les livres de médecine et la nécessité de repenser la maladie

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en l’insérant dans son contexte africain, qui repose sur une dimension holistique ou
globalisante. La maladie s’inscrit dans une dimension de vengeance dans la mesure où elle est
aussi le fruit des conflits sociaux, lorsqu’on sait que le conflit est consubstantiel à chaque
société. La divergence d’intérêts, les litiges fonciers, les luttes de succession sont autant de
sources de division humaine. Parfois, l’arbitrage de ces conflits est assuré par les tribunaux
coutumiers ou civils. Dans d’autres cas, les armes de vengeance sont métaphysiques ou
spirituelles. Elles se manifestent par l’utilisation des fétiches, le poison mystique, les mauvais
sorts, les prières de vengeance. On cherche à éliminer son ennemi, à l’abri de tout soupçon, on
cherche à déjouer la justice des hommes, en évitant les procès judiciaires (Ndzana, 2013). C’est
dans cette perspective qu’Ela (2006), faisait comprendre qu’à l’heure où le médicament du
blanc ne peut plus soigner la maladie du noir, il faut réinventer la science pour participer à la
construction des sociétés où l’être humain peut s’épanouir. C’est effectivement dans la logique
d’une réinvention de la science en contexte africain, que le CODESRIA a vu le jour. Le
CODESRIA est une institution née en Afrique de l’Ouest dans l’optique de promouvoir les
sciences sociales en Afrique à partir des savoirs des sociétés africaines qui ont été pendant
longtemps considérés comme des superstitions. Cette institution sur laquelle reposent les
espoirs d’une renaissance africaine, un cadre institutionnel dont l’objectif est la réhabilitation
du savoir des peuples africains à l’heure où les africains sont conviés à « posséder
scientifiquement l’Afrique ». (Ela, 2006). La solution à ces problèmes peut aussi être apportée
par le personnel soignant (infirmiers, médecins, tradipraticiens, psychiatres, psychologues),
grâce à la capacité de développer les techniques d’accueil et d’écoute. La question lancinante
est celle de savoir pourquoi faut-il accorder de l’importance à l’écoute et à l’accueil des soignés.
Concepts de maladie et de santé selon l’anthropologie
Si la maladie est l’absence de santé, il faut savoir que cette dernière (santé) est d’abord
un sentiment personnel. Donc, seul l’individu peut parfaitement connaitre son état de santé.
La santé est donc d’abord un état personnel qui ne devient collectif que lorsque vous
l’avez fait savoir aux autres membres de la communauté.
• Vision sociale de la santé et de la maladie
• La maladie est généralement conçue comme l’absence de bonne santé. C’est donc non
seulement la souffrance dans les organes mais aussi dans les différents rapports qu’on
entretien avec les autres membres de la société.
• « à côté des précompréhension de la maladie qui sont vécues plus que pensées et qui ne
se présente pas sous forme de système, il existe dans toute société des modèles
interprétatifs, construit, théorisés, façonnés ou comme le dit Claude Levi Strauss « fait
à la maison » par les différentes cultures ». (François Laplantine)
- Maladie
Illness : On parle de l’expérience de la maladie quand elle affecte un individu donné. Il
se pose donc ici le problème de l’individualisation de la maladie. Cela signifie que quand on
est malade on l’est d’abord seul. Pour une même maladie, deux personnes peuvent la décrire de
manière différente. Exemple : si deux personnes souffrent du paludisme et que les symptômes
de cette maladie sont : le froid et les maux de tête, l’un des deux peut plus mettre l’accent sur
le froid pendant que l’autre mettra l’accent sur les céphalées.
Sickness : La maladie sociale est plus reconnue par la médecine traditionnelle ou
ethnomédecine. Il s’agit de partir de l’individualisation de la maladie à sa socialisation. Pour
l’africain, l’homme n’est pas séparé des autres et de son univers. Aussi la maladie est-elle plus
sociale qu’individuelle. Il y a dès lors une interprétation magico-religieuse de la maladie. La
maladie est donc un désordre social. On va assister pour le traitement de la maladie à des
sacrifices, des communications avec les ancêtres, à des prières et la participation de tout le
groupe est nécessaire. L’un des défis de l’anthropologie médicale est de découvrir les devises
et les processus qui connectent les sphères individuelles et sociales. Aussi dans la médecine

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traditionnelle même si l’individu est seul à pouvoir dire ce qu’il ressent ; la réaction à son mal
est toujours sociale.
Desease : C’est le mal dont souffre le malade et que le médecin diagnostique et cherche
à traiter grâce à son savoir médical. La souffrance est donc le mal qu’il faut traiter chez le
patient à partir de certains caractéristique prodromique qui permettent aux spécialistes de
trouver l’étiologie de la maladie, d’émettre des appréciations nosologiques et de trouver le
médicament adéquat. Ce qu’il faut cependant retenir est qu’aucun système de santé n’est
meilleur que l’autre. Car, même si pour telle ou telle maladie, un système peut être plus
approprié que les autres, il existe des maladies que seul un système peut traiter et les autres pas.
La multitude des systèmes de santé ne devrait donc pas être un handicap mais plutôt une
richesse pour les individus d’une société donnée.
Facteurs influençant la santé
De nombreux facteurs influences la santé des individus et des groupes sociaux. Parmi
ces facteurs nous pouvons citer entre autres :
a) Les facteurs biologiques
Ces facteurs sont endogènes à l’individu et /ou au groupe. Nous pouvons dans cet ensemble
avoir :
- le patrimoine génétique,
- les prédispositions de certaines personnes face à certaines affections,
- les tares congénitales.
b) Les facteurs physiques ou environnementaux
Ils sont liés au milieu de vie naturel (faste ou néfaste pour la santé) entre autres nous avons :
- les conditions climatiques,
- le relief et l’état du sol,
- l’hydrographie et la végétation,
- l’état de salubrité,
- la divagation des bêtes….
c) Les facteurs psychosociaux
Ce sont pour la plupart :
- le sentiment d’insécurité,
- les émotions vives et les angoisses,
- les surmenages,
- les dépressions,
- la solitude,
- l’instabilité conjugale,
- les conflits interpersonnels et familiaux,
- les fléaux tels que la drogue, la prostitution.
d) Les facteurs socioculturels
Ces facteurs sont généralement liés à des éléments comme :
- Les tabous,
- Les interdits
- La superstition
- La pratique de la sorcellerie
- L’organisation sociale
- Les régimes matrimoniaux
- La taille de la famille
- Etc.
e) Les facteurs socioéconomiques
Il s’agit de :
- La démographie avec la promiscuité, le surpeuplement

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- L’existence ou non des infrastructures sociales de développement : écoles, centres de
santé, voies de communication, adductions d’eau et d’électricité, marchés, agro-
industrie
- Le chômage, la pauvreté, la famine, l’oisiveté.
La disponibilité et l’accessibilité aux services de santé pour la population sont de grands
facteurs qui influencent la santé
f) Les facteurs politiques
Nous avons ici des facteurs comme :
- Les conflits,
- La guerre
- Le tribalisme
- L’injustice sociale,
- Les choix et les méthodes de gouvernement
A côté de ses facteurs nous avons aussi un ensemble de facteurs considérés comme des acteurs
de risque :
- communauté à risque (bas niveau scolarisation, beaucoup de drogués, en zone enclavé,
victimes de calamités naturelles, ne bénéficiant pas d’un système de santé)
- groupes à risque (les enfants en âge préscolaire, certaines professions : mineurs et
usiniers, les femmes enceintes et allaitantes
- femmes enceinte (primipare jeune (-18 ans), primipare âgées (-30ans), multiparité
(+5naissances), rapprochement des grossesses, grossesses gémellaires, femmes de
petites tailles (-1m50), antécédents grossesses compliquées (anémie, éclampsie, mort-
né, prématuré, malformation congénitale) ; antécédents d’accouchements dystociques
(placenta, prævia rupture utérine, césarienne, hémorragie post partum
- les familles à risque : les familles incomplète (divorce, célibat, séparation), famille avec
parents irresponsables ou drogués, famille avec parent très jeunes, famille avec des tares
génétiques ou affections chroniques)
Santé et croyance
Définition de la croyance
La croyance peut être définie comme : une pensée, une idée qui a été confirmée par une autorité,
un expert ou l’expérience personnelle ou groupale.
A quoi sert la croyance ?
Les croyances et théories permettent généralement d’attribuer un sens aux évènements. Elles
déterminent non seulement notre compréhension du monde mais également la vision que nous
en avons.
Comment s’expriment les croyances ?
Certaines sont plus conscientes et exprimées facilement. D’autres par contre sont plus
inconscientes et très difficiles à reconnaître. Avec une bonne écoute, et un peu d’habitude, on
peut cependant en entendre beaucoup lorsque le patient parle de sa maladie ou de ses problèmes.
Diversité des croyances
Les croyances touchent tous les domaines de la vie de l’homme, elles concernent son
rapport à l’environnement, aux autres, et à lui-même. Selon leur origine, on peut les classer en
croyance individuelles, familiales, culturelles, ethniques, religieuses, et cétéra. De manière
subjective nous pouvons les classer catégories :
- Les croyances aidantes
Qui vont aider dans la récupération, dans le traitement
- Les croyances limitantes
Qui vont plutôt bloquer le processus de guérison ou de guérison.
Il n’est pas souvent facile de repérer si une croyance est aidante ou limitante et le patient
en est en dernier recours le meilleur juge.

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Certaines croyances sont fortement enracinées (celles partagées par une majorité de la
population, les médias, pas « la science ». d’autres par contre sont plus prêtes à être mises en
doute. Les croyances ne sont pas inscrites dans le code génétique mais sont le fruit d’un
processus d’enculturation. Elles peuvent être modifiées et recadrées par des suggestions, la
conversation thérapeutique. Et si par la suite le patient va mieux, il peut changer de croyance.
Les déterminants de la santé
Nous pouvons énumérer :
1) La population : sur le plan individuel, nous avons les facteurs biologiques et
constitutionnels (hérédité, prédispositions, potentiel de réserve) ; sur le plan collectif, sa
taille, sa répartition dans l’espace, son organisation sociale, son système de gestion
2) L’environnement : avec ses facteurs de nuisance (facteurs liés à l’environnement
physique, socio-économique, culturel et politique, etc)
3) Le comportement : qui est le reflet de la personnalité et de la culture d’une communauté ;
il est aussi appelé facteur relié aux habitudes et modes de vie
4) Les soins de santé ou services de santé : les réponses aux problèmes de santé des
populations ; ils doivent être disponiblles et accessibles sur tous les plans ; ce qui
suppose une bonne politique de dévéloppement du secteur de la santé, un système de
santé performant avec un sous système de soins dispensant des prestations de
restauration et de rehabilitation de qualité. Les soins de santé qui constitue parmi les
déterminants de la santé, le seul domaine priviligié des personneks de santé ne sauraient
à eux seuls assurer la santé physique, mentale et sociale des populations.
Besoins essentiels de l’équilibre humain
Pour Abraham Maslow l’être humain est un tout présentant des aspects physiologiques,
psychologiques, sociologiques et spirituels. Nous avons donc selon ces dernières cinq grandes
catégories :
1) Besoins physiologiques, de maintien de la vie (manger, dormir, se vêtir, se loger, faire
l’amour) ou besoins de base
2) Besoins de protection et de sécurité
3) Besoins sociaux (d’amour, d’appartenance)
4) Besoins d’estime (reconnaissance, sentiment d’être utile)
5) Besoin de réalisation de soi, de dépassement
Typologie des malades
Il existe quatre façons différentes de nommer un même individu :
- Le malade : personne souffrant d’une maladie
- Patient : personne recevant une attention médicale ou à qui sont prodigués des soins
- Client : personne qui achète un savoir médical, un conseil, un avis
- Usager : personne qui utilise un service public en occurrence l’hôpital.
MODULE 5 : ANTHROPOLOGIE ET LUTTE CONTRE LA STERILITE
- Anthropologie et stérilité
La problématique de la stérilité ne s’aurait être appréhendée sous un prisme essentiellement
biomédical. Ce qui signifie que le gynécologue n’est pas le seul spécialiste pouvant résoudre ce
problème. Mais il s’agit bien plus d’une question psychologique, spirituelle, et socioculturelle.
Il existe des cas de stérilité que la science n’a pas été en mesure soit d’expliquer, soit de
résoudre. Les chercheurs reconnaissent qu’il y a au moins 20% des cas de stérilité qui ne sont
pas explicable du point de vue scientifique. Plusieurs facteurs socioculturels permettraient peut-
être d’en expliquer :
o La violation de la loi de l’inceste
L’inceste est une règle sociale universelle parce que les recherches sociologiques et
anthropologiques n’ont pas permis de trouver une société ou la loi de l’inceste n’est pas
appliquée. Pour le sociologue c’est cette loi qui fait la différence entre l’homme est l’animal
parce que les enfants du chien s’accouplent avec leur mère pour donner naissance à des chiots.
C’est pourquoi, plusieurs sociétés africaines sont exogamiques dans la mesure où je dois trouver
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ma femme/partenaire sexuel dans un groupe social qui est diffèrent du mien (Dans le cas
contraire, on parlera d’endogamie). Chez les Béti du centre-sud Cameroun, la parenté repose
sur la double loi de l’exogamie parce qu’elle s’applique aussi bien du côté paternel que maternel
et ce jusqu’à la 4eme génération. En cas de violation de la Loi de l’Inceste, les conséquences
peuvent être nombreuses et peuvent provoquer la stérilité des personnes Iconoclastes (ne
respectent pas les lois de la société). Pour les anthropologues, l’inceste provoque des maladies
culturelles et entrainent la stérilité.
o Les mariages mystiques
Il existe des mariages mystiques que certains êtres humains entretiennent dans le monde
spirituel. Ce qui sont mariés dans le haut delà et qui ont fondé une famille dans ce monde
invisible auraient des difficultés à fonder une autre famille dans le monde visible. Par ailleurs,
certaines femmes sont victimes de rapports sexuels mystiques. Une étude, réalisée par
l’anthropologue MBONJI EDJENGUELE à Université de Yaoundé 1, a révélé que plus de 50%
d’étudiants de cette institution universitaire sont victime des rapports sexuels mystiques
pendant leurs sommeils. Elles reconnaissent avoir fermé leurs portes à clé et de s’être retrouvée
au milieu de la nuit toute nue avec du sperme sur elles. Ces filles deviennent plus tard stériles
et victimes de certaines maladies telles que les Kystes, Myomes. Le traitement de ces styles de
stérilités peut se faire soit dans la médecine traditionnelle soit par les hommes de Dieu (pas les
hommes d’église).
o Le non-respect des interdits alimentaires
En Afrique, l’on pense que le non-respect des interdits alimentaires peut être cause de la
stérilité.
o La non-conformité du mariage
Le mariage par rap peut entrainer la colère de la famille de la fiancée et provoquer ainsi la
stérilité du couple.
o La pratique de la sorcellerie
Dans certaines concessions ou certains villages, les gens gardent leurs totems dans les toilettes.
Il n’est donc pas rare d’entendre qu’il y a des serpents dans tel ou tel toilette. Le rôle des dits
totems est d’aspirer les fœtus mais aussi d’envouter les utilisateurs de ces toilettes.
MODULE 6 : LA CONTRIBUTION DE L’ANTHROPOLOGIE A LA LUTTE
CONTRE LE VIH/SIDA
Le VIH/SIDA est une maladie qui se contamine par des rapports sexuels à risque non protégés
ou par des objets souillés. Le virus du SIDA a été découvert en 1983 par le chercheur français
Luc Montagnier. Depuis lors, le virus ne cesse de se propager dans les quatre coins du monde
et plus particulièrement en Afrique noire. Le Cameroun est l’un des pays les plus touchés avec
une prévalence d’environ 4%. C’est pourquoi l’Etat du Cameroun à travers le Ministère de la
Santé Publique a créé un Comité National de lutte contre le Sida (CNLS) dont la mission est
d’élaborer les stratégies et de mener les actions permettant de réduire la propagation. -
Anthropologie est lutte contre le VIH/SIDA Après la découverte du VIH/SIDA dans les années
80 par le Pr. LUC MONTANIER, cette maladie a toujours été considérée comme étant
essentiellement biomédicale. On comprend pourquoi les médecins et les infirmiers vont
s’approprier cette lutte jusque dans les années 2000. Après 20 ans de combat sans succès, la
lutte contre le VIH/SIDA va changer de paradigme. Cette révolution paradigmatique va
permettre d’intégrer d’autres catégories d’acteurs dans ce combat. C’est ainsi que les
sociologues, anthropologues, psychologues, historiens, géographes vont de plus en plus être
impliqués dans les programmes et projets de lutte contre cette pandémie. Grâce a leurs travaux,
l’on va comprendre que le VIH/SIDA en dehors du fait qu’il soit une maladie biomédicale, est
aussi une maladie socio-culturelle et psychologique.
Facteurs socioculturels et psychologiques entravant la lutte contre le VIH/SIDA

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o Stigmatisation/Discrimination des patients : La stigmatisation est un obstacle majeur à la
lutte contre le VIH/SIDA. Les PVVIH font l’objet de moqueries et de railleries. On les
considère comme des personnes qui ont des comportements sexuels déviants et qui souillent la
famille et la société. On comprend donc pourquoi ces personnes sont marginalisées et
stigmatisées. En milieu professionnel, ils sont souvent victime de licenciement abusif parce
qu’on les considère comme des employés improductifs et dangereux pour la santé des autres
employés. Dans les années 80, ces personnes étaient appelées des « Sidéens », une appellation
vraiment péjorative cet état des choses précipitait la mort des malades.
o Le refus d’utiliser le préservatif : Pour éviter le VIH/SIDA, l’utilisation correcte du
préservatif était le seul vrai moyen. Les raisons évoquées nombreuses. Certains estiment que le
préservatif diminue le plaisir sexuel. Pour ces derniers « On ne suce pas le bonbon avec
l’emballage » ; « On ne mange pas la banane avec la peau ». Pour d’autres le préservatif est
un moyen qui empêche les africains de procréer. En mettant le préservatif à la disposition des
africains, certains africains pensent que l’Europe voudrait nous dépeupler. Du point de vue
religieux les églises ont interdit l’utilisation du préservatif en estimant qu’il s’agit d’un péché
mortel.
6.1. Les actions de lutte contre le VIH/SIDA
au Cameroun Jamais de mémoire, aucune maladie n’a mobilisé autant de ressources, autant
d’efforts par l’Etat et ses partenaires. L’on a assisté à une démocratisation et une nationalisation
de la lutte contre cette pandémie. Il y a eu la création du Groupe Technique Central (GTC). Il
y a également eu la création dans les villages et les quartiers, des comités locaux de lutte contre
le sida et la formation des pairs éducateurs. Caque administration publique ou privée a créé en
son sein, une cellule de lutte contre cette pandémie. Au niveau de la prise en charge, il y a eu la
création des Centres de Traitement Agréés (CTA) dans les chefs-lieux des régions, des Unités
de Prise en Charge (UPEC) ceci dans le but de rapprocher les malades des centres de prise en
charge. En dépit de ces efforts, la tendance peine à être inversée. Au Cameroun, l’on a au moins
100 mille nouvelles infections chaque année.
Raisons de l’échec des actions de l’Etat
En effet, la lutte contre le VIH/SIDA avait été confisquée par le personnel de santé (médecins,
infirmiers). C’est cette hyper-biomédicalité qui semble être responsable de l’échec lamentable
de l’Etat. Les anthropologues, les sociologues, les psychologues ont été malheureusement
écartés alors que le SIDA comme toute autre maladie a des accointances avec le mode de vie
des patients, avec la culture des populations.
6.1.1. La dimension anthropologique du VIH/SIDA
Le VIH/SIDA est irréversiblement une maladie socioculturelle. Les études dans les différents
univers culturels ont permis d’identifier plusieurs facteurs socioculturels dont la non prise en
compte pourrait entraver la lutte contre cette maladie.
6.1.2. Facteurs socioculturels liés au VIH/SIDA
SIDA et sorcellerie
En Afrique Dans plusieurs sociétés en Afrique, le VIH/SIDA est considéré comme du « poison
lent », « le poison de nuit » qui est l’œuvre des sorciers. Plusieurs personnes atteintes du
VIH/SIDA ont préféré leur traitement chez les tradipraticiens de santé pace que l’étiologie
qu’elles donnent à cette maladie est mystique.

Sororat
En Afrique, lorsqu’une femme meurt étant mariée, sa famille la remplace par l’une de ses sœurs,
de ses cousines ou ses nièces. Ce phénomène s’appelle le sororat. Sa finalité est d’éviter
d’interrompre les relations par alliance qui se sont déjà constituées. Par ce phénomène, on
recherche également le bien être des orphelins, car une autre femme venant d’une famille

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différente de de celle de l’épouse décédée n’aura pas sans doute le même sentiment envers les
orphelins. Le danger de cette pratique est que le test de dépistage du VIH n’st pas une condition
pour ce nouveau mariage. Lorsque la sœur décédée était atteinte par le VIH/SIDA, la nouvelle
épouse n’est pas elle aussi à l’abri de la même maladie.
Lévirat
Lorsqu’un homme marié meurt, l’un de ses frères épouse sa veuve. Le phénomène s’appelle le
lévirat. Son but est de protéger les enfants et les autres biens afin que personne d’autre,
n’appartenant pas à la famille d’en profiter. En Afrique, les enfants constituent un grand bien,
parce qu’ils incarnent la continuité du clan. C’est pour cela que les femmes qui ne procréent
pas, font l’objet des railleries et de déconsidération. Toutefois, il est important de mentionner
que ce type de mariage est source de propagation de VIH/SIDA dans la mesure où le frère
décédé peut avoir souffert de cette maladie. Dans ce cas, son frère qui lui succède dans le foyer
est automatiquement atteint.
Hospitalité sexuelle
Lors des déplacements des étrangers, la société d’accueil a coutume de lui réserver une
compagne avec qui, il doit passer ses nuits pour agrémente son séjour. Ce phénomène s’appelle
l’hospitalité sexuelle. Les sous-préfets, les invités de marque, les autres voyageurs bénéficient
généralement de cette hospitalité. Les anciens chefs traditionnels en Afrique offraient l’une de
leurs épousent à leurs hôtes pour leur prouver leur amitié sans faille, leur grandeur d’esprit.
Lorsque l’une de leur femme n’était pas disponible, il lui offrait l’une de ses filles.
Malheureusement, c’est la même épouse, la même fille qu’on offre à tous les jeunes du fait de
sa disponibilité et de sa beauté, ce qui l’expose à la contamination du VIH.SIDA.
Thérapie sexuelle
Le phénomène de thérapie sexuelle, consiste au fait que le médecin, l’infirmier, le pasteur,
l’iman, le marabout entretiennent les rapports sexuels avec leurs patients, leurs fidèles, leurs
malades avant ou après la consultation. Il faut mentionner que cette période de consultation,
certaines femmes se trouvent dans un état psychologique défaillant. C’est le cas par exemple
de celles qui sont à la recherche d’une maternité après de longues années de stérilité et voient
leur mariage menacé ou une coépouse en train de s’installer. Les auteurs de cette thérapie
sexuelle n’ont pas le temps d’enfiler le préservatif et ces rapports à risque exposent la femme à
un risque de contamination de la maladie.
MODULE 7 : MEDECINE TRADITIONNELLE/DEPERDITION
THERAPEUTIQUE
- La médecine traditionnelle
La médecine traditionnelle africaine bénéficie d’un rayonnement au niveau international.
L’OMS estime qu’environ 90% d’africains y recours. C’est parce qu’elle soulage ses adeptes.
Toute fois la médecine traditionnelle fait l’objet d’une reconnaissance des états et de la
communauté internationale. On a tendance à la comparer à la médecine conventionnelle. On
l’accuse ainsi d’utiliser des méthodes non-scientifiques or, cette médecine est capable des
mêmes prouesses que la médecine conventionnelle. Avant l’introduction de la médecine
conventionnelle en Afrique, la médecine traditionnelle faisait le bonheur des africains. D’autres
estiment qu’elle est meilleure à nos problèmes de santé. La preuve est que nos ancêtres avaient
moins de problèmes de santé et leur espérance de vie était bien meilleure que la nôtre. Nos
ancêtres savaient bien qu’une bonne alimentation contribue au bien-être sanitaire de l’individu.
Ils étaient parfaitement avec Hippocrate, le premier médecin né 7 siècles avant JC qui disait : «
Que ton aliment soit ton médicament et ton médicament soit ton aliment ».
Une partie de leur médecine repose sur les Alicaments (Aliment + Médicament). Nos ancêtres
mangeaient ainsi les produits de la cueillette c’est-à-dire les champignons, chenilles, les
grenouilles, les crapauds, la torture, le miel, le millepatte, les escargots, susongo. En
consommant les escargots, nos ancêtres se protégeaient ainsi de toutes formes de cancers. Les

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champignons, les chenilles sont mille fois plus riches que la viande en éléments nutritifs. Le
miel consommer par nos ancêtres les protégeait contre les multiples maladies parmi lesquelles
; HTA, AVC, Diabètes, IR. D’ailleurs la médecine traditionnelle a un usage plus humaniste.
Les tradipraticiens de santé hospitalisent leurs patients gratuitement et nourrissent leurs
patients. Ils soignent parfois à crédit et la contrepartie est souvent facile à verser. Il s’agit des
objets tels que le vin de palme, la machette, le cola, le sel, l’huile, de palme ou palmiste, ça
dépend de chaque culture. De nos jours personne ne doute de l’efficacité de cette médecine.
Les maladies telles que le paludisme, la typhoïde, rougeole sont traite avec grand efficacité dans
nos traditions. Les couts de traitement de ses maladies par la médecine traditionnelle sont
également bas contrairement aux couts par la médecine conventionnelle.
- Les rites thérapeutiques
en Afrique Pour CLAUDE RIVIERE et MARCEL MAUSS, le rite est essence religieuse. Il
revoit à la spiritualité et à la religiosité. L’ethnologue FRANCOISE MARIE PAULE BOCHET
de THE a soutenu son doctorat sur les rites et associations chez les femmes Bétis du Cameroun.
Elle a identifié plusieurs types de rites parmi lesquels.
Les rites de protection : Les femmes Bétis les subissent avant d’entreprendre un long voyage,
ou avant d’assister à une cérémonie publique. Les rites de protections visent à contrecarrer le
mal d’où il vienne. Les Bétis pensent que tout ressemblant humain est dangereux et peut
occasionner les actes de sorcelleries ou anthropophagie. C’est pourquoi il prodigue les rites «
esob nyol » c.-à-d. le lavage du corps. D’autres considération dans cette culture font penser
qu’avant une cérémonie publique il faut avoir quelque chose sur soit ; une écorce, un grigri, un
talisman, qui pourrait vous protéger de toutes attaques mystiques. Il n’est donc pas surprenant
que pendant une cérémonie certaines personnes s’abstiennent de serrer la main aux autres de
peur d’annuler les effets du rite de protection qu’il aurait subi avant la cérémonie.
Les rites de sanation : Les Bétis organisent les rites de sanation lorsqu’il y a eu un
comportement qui a occasionné de la souillure. Les péchés que nous commettons créent une
facture qui nous éloigne de bonheur, de la réussite et de la joie. En organisant les rites de
sanation, les Bétis se purifient de leurs péchés tout en réparant le mal qui a été commis c’est le
cas après un avortement provoquer (IVG), après un acte inceste.
Les rites de purification : Il s’agit des rites organisés lorsqu’il y eu un acte criminel avec
effusion de sang. En ce moment on organise un rite de purification afin que pareil évènement
ne se reproduise plus jamais. Ainsi après un accident mortel, après la pendaison ou le suicide,
après la chute d’arbre ou d’un palmier les bétis organise les rites « TSOGO » dans le but de
conjurer pareil désastre. Les rites de purification sont organisés pour se purifier, pour se laver
d’une faute lourde telle que l’inceste ou en cas de transgression d’un interdit social et culturel
ou alimentaire. Ceux qui violent ces interdits sont des auteurs d’une inconduite. On les appelle
des personnes iconoclastes, c’est-dire, celles qui ne respectent pas les lois et les normes sociales
établies. Elles sont des potentiels malades Ici, la compétence des rites et des médecins africains
est sollicité pour ramener la sérénité dans la vie de ceux qui sont objet de tels actes. En Afrique,
le non versement de la dot, l’inceste, le non-respect des interdits alimentaires, le mépris de
l’autorité parentale, l’égoïsme…sont considérés comme étant des actes iconoclastes et sont à
l’origine de plusieurs maladies. Ces maladies sont réputées incurables par la médecine
conventionnelles.
Le rite de veuvage. Il est organisé en cas de décès de l’époux ou de l’épouse pour permettre au
conjoint, à la conjointe restant (e) de célébrer le départ d’un ou d’une partenaire d’avoir droit à
une nouvelle vie. Le rite de veuvage permet au veuf ou à la veuve de vivre de façon équilibrée,
une transition difficile/ Chaque société en Afrique a sa manière d’organiser le rite de veuvage.
Dans certaines sociétés, ce rite est une épreuve de brimade pour la veuve une occasion
d’appauvrissement pour celle-ci.
5. Anthropologie-Santé et maladie

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Il est important de relever que grâce à l’anthropologie, plusieurs problèmes de santé ont été
résolus ou expliqués. Ceci parce que plusieurs problèmes de santé sont rattachés à la culture.
On ne peut donc ni prévenir, ni traiter une maladie sans se référer à sa dimension sociale et
culturelle. Chaque patient appartient à un univers culturel qui a sa conception propre de la
maladie, qui a ses étiologies (causes) de la maladie, ses ethnothéraphies et ses
ethnoprophylaxies. La médecine conventionnelle arrive en Afrique à une période précise, c’est-
à-dire, pendant la période coloniale. Ce qui signifie que l’Afrique avait déjà sa propre médecine.
L’efficacité de cette médecine africaine n’est plus à démontrer dans la mesure où, grâce à celle-
ci, les africains ont su combattre les grandes endémies de leur époque. L’histoire de la santé
atteste que les africains ont enregistré par le passé, un taux de morbi-mortalité moins élevé
avant l’introduction de la médecine conventionnelle. D’après l’OMS plus de 80% d’africains
recourent toujours de nos jours à la médecine traditionnelle sans nul doute du fait qu’ils y
trouvent leur compte. Le paludisme, la rougeole, les vers intestinaux, les abcès, la hernie… sont
traités efficacement par la médecine traditionnelle sans les effets secondaires. Cette médecine
semble économiquement plus accessible parce qu’elle s’incruste dans son conteste. La
médecine traditionnelle africaine traite les maladies en puisant dans les ressources de leur
environnement. Le médecin africain exige laces qu’ poule, la chèvre, le chat. Il utiliser les
herbes et les écorces qu’il recueille dans son environnement. Les africains font également
recours aux rites multiples pour régler leurs problèmes de santé et d’existence. Ces rites sont
d’essence religieuse. Par définition, le rite est une pratique culturelle. C’est un acte répétitif.
Chaque rite vise à atteindre un objectif. Il existe plusieurs rites.
o La place de l’ancêtre en Afrique
Les ancêtres sont considérés comme des personnes décédées aujourd’hui mais qui ont vécus de
manière positive. Ils ont rejoint le royaume des morts et peuvent se mettre au service des
vivants. En effet, nous avons besoin des ancêtres dans les moments de grâces de notre existence
i.e. pendant la circoncision, la fête, la maladie, le deuil, … Nous les invoquons afin qu’ils
viennent nous apporter leur réconfort et leur aide. En Afrique, nos ancêtres sont des êtres vivants
et agissants parce qu’ils nous accompagnent au quotidien. Ils sont aussi capables de malheurs.
Ils sont aussi capables de nous soigner de certaines maladies car selon la cosmogonie africaine,
« les morts ne sont pas morts ».
- La déperdition thérapeutique
Le phénomène de déperditions thérapeutique est fréquent dans le milieu de soin en Afrique.
Certains patients, victime d’une pathologie suivent un traitement bien précis. Par la suite, l’on
constate que ces derniers ont été désorientés. C’est le cas des perdus de vue dans les
programmes du PEV ou plusieurs enfants n’achèvent pas la vaccination. Ce phénomène
perturbe les malades ainsi que les personnels de santé qui manquent d’explications objectives.
Du point de vue anthropologique, plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer cette
situation :
L’offre de santé plurielle : les africains vivent dans un contexte de pluralité médicale. Il existe
une pléthore d’offre de de soin parmi lesquelles :
o La médecine conventionnelle ;
o La médecine traditionnelle ;
o La pharmacopée ;
o Automédication ;
o La médecine chinoise ;
o Les groupes de prières.
La perception de la maladie :
En Afrique, il existe la maladie du médecin et la maladie du patient. Chaque patient a une idée
et une explication de sa maladie. Chaque société interprète donc à sa manière la maladie dont
souffrent ses membres. Cette interprétation est souvent en totale contradiction avec

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l’explication médicale. Cette situation ne permet pas au patient d’avoir un seul itinéraire
thérapeutique car chaque africain face à son problème de santé, a devant lui une diversité
d’itinéraires thérapeutiques. Si l’on prend par exemple le paludisme qui, du point de vue
médical, a pour vecteur le moustique femelle du genre anophèle. Mais pour certains africains,
le paludisme est causé par la consommation des premières mangues. Cette maladie, du point de
vue traditionnel, pourrait être soignée en lavant le malade avec de l’eau tiède. Pour d’autres, le
paludisme est causé par les effets secondaires de la vaccination. La preuve que brandie cette
catégorie de la population est la forte fièvre que développe l’enfant après avoir reçu le vaccin.
Par ailleurs, le paludisme serait la conséquence du mauvais sort lancé par des ennemies sorciers,
méchants et sans remord. Face à ces perceptions, on trouve des patients qui utilisent la poule,
le chat, le mouton pour traiter le paludisme.
L’étiologie de la maladie : chaque maladie a des causes émic (internes, endogènes) ce que les
malades entretiennent eux-mêmes autours de leurs maladies. Il y a également des causes etic
(exogènes, extérieures). Le plus souvent, les causes emics et etics sont contradictoires.
L’ethnothérapie : c’est le traitement qu’un groupe social propose pour faire face à une
pathologie donnée. Tout professionnel de santé doit garder en idée que son traitement n’est pas
le seul qui puisse soigner le patient. Pour par exemple éviter les accidents de circulation, l’état
a travers le ministère des transports recommande la maitrise du code de la route, la prudence,
la patience, la lucidité. Mais l’Afrique traditionnelle propose certains rites anti-accidents.
L’ethno-prophylaxie : Pour éviter d’être victime d’une maladie, il existe des méthodes
préventives. C’est le cas de la rougeole donc le vaccin (VAR) est inoculé aux enfants de moins
de 5 ans. L’efficacité du dit vaccin est avérée. Malgré cette efficacité, certains parents
n’acceptent pas que le VAR soit inoculé à leurs enfants. Ce refus est certes entretenu autours
des rumeurs sur la vaccination : vaccin stérilisant, mais la deuxième raison est que chaque
société a ses ethno-prophylaxies. Pour prévenir ou traiter la rougeole, les Bassas du Cameroun
purgent l’enfant avec du vin de palme et parfois avec des noix de palme.
CONCLUSION
Vers une approche des soins transculturelle La santé est une donnée holistique. Elle est
à la fois l’émanation d’un disfonctionnement physiologique ou corporel et la résultante des
comportements et des représentations des populations. L’infirmier du 21 è siècle devrait donc
être transculturel parce qu’il doit rompre avec l’ancienne médecine qui a focalisé ses
interventions essentiellement sur le plan biomédical. Tant que ces facteurs ne sont pas pris en
compte, il devient difficile de lutter efficacement contre la pandémie. La lutte contre le
VIH/SIDA doit avoir un caractère holistique. Au-delà des actions biomédicales à promouvoir,
il est aussi important d’intégrer la dimension anthropologique, c’est-à-dire, la prise en compte
des facteurs socioculturels qui influencent les comportements à risque. Il importe pour
l’infirmier, le médecin contemporain de sortir de la prison scientifique, en rompant avec les
thèses hyper biomédicales au profit des approches globales d’intervention. C’est dans cette
globalité que l’anthropologie trouve une place centrale.

Orientations bibliographique

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de l’évènement, in Le sens du mal. Anthropologie, histoire, sociologie de la maladie,
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