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Diagnostic différentiel
par arbres décisionnels
Le diagnostic différentiel se situe au cœur de toute rencontre clinique initiale et il
représente le début de tout projet thérapeutique. Le clinicien doit déterminer quels
troubles sont des candidats possibles devant être pris en considération pour le diag-
nostic différentiel, puis choisir parmi eux le trouble (ou les troubles) qui rend(ent) le
mieux compte du tableau clinique. Le problème principal rencontré dans le diagnos-
tic différentiel est la tendance à vouloir conclure de manière précipitée pour arriver
à un diagnostic inal. Des études en sciences cognitives ont montré que les cliniciens
arrivent typiquement à une conclusion diagnostique dans les 5 premières minutes de
leur rencontre avec le patient, et passent ensuite le reste du temps d’évaluation à inter-
préter (et souvent à interpréter faussement) les informations relevées, à travers le iltre
de leurs a priori. Il peut être utile de formuler des impressions initiales car cela aide à
suggérer les questions qui doivent être posées et les hypothèses qui doivent être tes-
tées. Malheureusement, les premières impressions peuvent être erronées – notamment
parce que l’état actuel du patient peut ne pas reléter idèlement son évolution longitu-
dinale. Un diagnostic correct requiert de prendre méthodiquement en considération
tous les candidats possibles pour le diagnostic différentiel.
La meilleure manière d’éviter de se précipiter prématurément vers une conclusion
diagnostique est d’approcher le problème à partir d’en bas : c’est-à-dire en élaborant
un diagnostic différentiel fondé sur les symptômes du tableau clinique. Cette section
du manuel, qui comporte 29 arbres décisionnels orientés vers des symptômes, facilite
ce processus. Chaque arbre décisionnel commence par un symptôme de présentation
spéciique et fournit ensuite des points de décision pour déterminer par quel diagnos-
tic ce symptôme peut être expliqué de la manière la plus satisfaisante. Pour tout patient
donné, il peut être utile d’appliquer plusieurs arbres décisionnels (qui sont souvent
tous pertinents). Dans plusieurs cas, le fait de suivre les arborescences de différents
arbres décisionnels pertinents aboutira au même diagnostic, ce qui suggère que les
symptômes du tableau clinique constituent en fait un seul syndrome. Dans d’autres
cas, plus d’un diagnostic sera indiqué.
La première étape dans l’utilisation de ces arbres décisionnels est de déterminer
lequel s’applique au tableau clinique. Les listes d’arbres décisionnels qui igurent
dans ce manuel sont organisées de trois façons différentes ain de faciliter le choix
de l’arbre décisionnel pertinent. Deux listes sont présentées à la in de cette introduc-
tion du chapitre 2. La première liste répertorie les arbres décisionnels selon l’ordre des
regroupements diagnostiques dans le DSM-5 (les arbres décisionnels liés aux tableaux
neurodéveloppementaux sont classés en première place, ceux qui sont en rapport avec
les tableaux psychotiques en deuxième place, et ainsi de suite). La deuxième liste est
organisée selon la logique des domaines de l’examen de l’état mental (arbre décisionnel
en rapport avec l’humeur/les affects, arbres ayant trait au comportement, et ainsi de

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18 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

suite). Enin, à la in du manuel, igurent un index alphabétique des arbres décision-


nels, ainsi qu’un index alphabétique des tableaux pour le diagnostic différentiel qui
sont présentés dans le chapitre 3.
Tous les arbres décisionnels sont disposés d’une manière standardisée. Le symp-
tôme de présentation pour chaque arbre décisionnel est indiqué en lettres grasses dans
un cadre en haut à gauche. Les cadres situés tout à droite contiennent les diagnostics
inaux, qui sont écrits sur un fond ombré entouré par une bordure épaisse ; ils indiquent
tous les troubles qui doivent être pris en considération dans le diagnostic différentiel
du symptôme de présentation. Les codes numériques entre parenthèses indiquent les
tableaux de diagnostic différentiel correspondants dans le chapitre 3. Les cases inter-
médiaires sont des points de décision qui indiquent comment différents troubles sont
conirmés ou exclus. Il faut étudier l’afirmation qui apparaît dans la case puis suivre
la lèche « oui » si la réponse est positive et la lèche « non » si elle est négative. Parfois,
des cases intermédiaires ne représentent pas véritablement des points de décision mais
plutôt des conclusions diagnostiques intermédiaires et il n’est pas nécessaire dans ce
cas de répondre par oui ou par non. Par exemple, l’arbre décisionnel de l’humeur éle-
vée ou expansive (2.8) inclut des cases intermédiaires dans lesquelles la présence d’un
épisode maniaque ou hypomaniaque est afirmée, ce qui relète le fait que les épisodes
maniaques et hypomaniaques sont des concepts élémentaires qui entrent dans l’élabo-
ration d’un diagnostic de trouble bipolaire de type I ou de type II.
Il faut toujours garder présent à l’esprit le fait que les arbres décisionnels représentent
seulement une synthèse du système diagnostique du DSM-5 et qu’ils sont un guide
pour le diagnostic différentiel. Le jugement clinique reste toujours indispensable dans
l’évaluation de chaque point de décision. De plus, une fois parvenu au terme d’un arbre
décisionnel (c.-à-d. au « diagnostic inal »), il est important de passer en revue pour le
trouble en question l’ensemble de critères dans le DSM-5 lui-même, ain de s’assurer
que l’ensemble des critères pour ce trouble a bien été satisfait. Cette conirmation est
nécessaire pour deux raisons. Premièrement, les arbres décisionnels ne contiennent
qu’une version résumée des critères diagnostiques du DSM-5 au lieu du texte complet
des critères. Deuxièmement, les arbres décisionnels incluent seulement des critères
sélectionnés parmi l’ensemble des critères – c’est-à-dire les critères diagnostiques parti-
culiers qui permettent de faire un choix entre divers troubles du DSM-5. Il est indispen-
sable de passer en revue la totalité des groupes de critères du DSM-5 pour s’assurer que
le cas clinique satisfait absolument toutes les caractéristiques diagnostiques requises
ainsi que les exigences quant à l’évolution (p.  ex. persistance, durée minimale)  ; ces
exigences ne sont généralement pas incluses dans les arbres décisionnels.
De nombreux arbres décisionnels suivent un format standard reproduisant le rai-
sonnement séquentiel qui est suivi quand on fait un diagnostic différentiel, comme
cela a été détaillé dans le chapitre 1 de ce manuel. La première considération est de
savoir si le symptôme donné résulte des effets directs de la consommation d’une sub-
stance (y compris un médicament) ou d’une affection médicale (étapes 2 et 3 dans le
chapitre 1). Les étapes suivantes dans l’arbre décisionnel s’intéressent typiquement aux
troubles mentaux primaires susceptibles d’expliquer le symptôme (étape 4). Les points
de décision inaux dans la plupart des arbres décisionnels s’intéressent au diagnostic
différentiel pour les tableaux cliniques qui ne sont pas conformes à un diagnostic spé-
ciique dans le DSM-5 ou bien qui restent en deçà du seuil diagnostique. Ces points de
décision permettent donc de différencier un trouble de l’adaptation, une catégorie rési-
duelle comme « autre trouble spéciié » ou « trouble non spéciié », ou bien de conclure
à l’absence de trouble mental (étapes 5 et 6). L’étape importante qui est de déterminer
Diagnostic différentiel par arbres décisionnels 19

si le symptôme de présentation a été feint ou simulé (comme dans la simulation ou les


troubles factices) n’a pas été incluse dans la plupart des arbres décisionnels car, comme
cela a été discuté à l’étape 1 du chapitre 1, cette tâche s’applique potentiellement à l’éva-
luation de tous les symptômes de présentation mais seulement dans certains contextes
et dans des cas particuliers (p. ex. en médecine légale).
Comme cela a été noté plus haut, l’ordre des 29 arbres décisionnels dans ce manuel
correspond globalement à l’organisation des troubles dans le DSM-5. Les listes sui-
vantes répertorient les arbres décisionnels classés 1) selon les regroupements diagnos-
tiques du DSM-5 et 2) en fonction des domaines de l’examen de l’état mental.

Arbres décisionnels classés selon


les regroupements diagnostiques du DSM-5

Tableaux neurodéveloppementaux
2.1 Mauvaises performances scolaires
2.2 Problèmes comportementaux chez un enfant ou un adolescent
2.3 Perturbations du discours
2.4 Inattention
Schizophrénie et autres tableaux psychotiques
2.5 Idées délirantes
2.6 Hallucinations
2.7 Symptômes catatoniques
Tableaux bipolaires
2.8 Humeur élevée ou expansive
2.9 Humeur irritable
Tableaux dépressifs
2.10 Humeur dépressive
2.11 Idéation ou comportement suicidaires
2.12 Ralentissement psychomoteur
Tableaux anxieux
2.13 Anxiété
2.14 Attaques de panique
2.15 Comportement évitant
Tableaux en rapport avec des traumatismes et des facteurs de stress
2.16 Implication de traumatismes ou de facteurs de stress psychosociaux dans
l’étiologie
Tableaux avec des symptômes somatiques
2.17 Plaintes somatiques ou anxiété concernant une maladie/l’apparence
Tableaux en rapport avec l’alimentation et l’ingestion d’aliments
2.18 Modiications de l’appétit et comportements alimentaires inhabituels
Tableaux en rapport avec l’alternance veille-sommeil
2.19 Insomnie
2.20 Hypersomnolence
20 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

Tableaux en rapport avec des dysfonctions sexuelles


2.21 Dysfonctions sexuelles chez la femme
2.22 Dysfonctions sexuelles chez l’homme
Tableaux en rapport avec des comportements disruptifs, le contrôle des impulsions
et des conduites
2.23 Comportement agressif
2.24 Impulsivité ou problèmes de contrôle des impulsions
2.25 Automutilations ou lésions auto-inligées
Tableaux en rapport avec des substances
2.26 Usage excessif de substances
Tableaux neurocognitifs
2.27 Pertes de mémoire
2.28 Altérations cognitives
Tableaux ayant des étiologies médicales
2.29 Tableaux cliniques dus à des étiologies médicales

Arbres décisionnels classés selon


les domaines de l’examen de l’état mental

Humeur/affects
2.8 Humeur élevée ou expansive
2.9 Humeur irritable
2.10 Humeur dépressive
2.13 Anxiété
2.14 Attaques de panique
Comportement
2.2 Problèmes comportementaux chez un enfant ou un adolescent
2.7 Symptômes catatoniques
2.11 Idéation ou comportement suicidaires
2.12 Ralentissement psychomoteur
2.15 Comportement évitant
2.23 Comportement agressif
2.24 Impulsivité ou problèmes de contrôle des impulsions
2.25 Automutilations ou lésions auto-inligées
2.26 Usage excessif de substances
Cognition
2.4 Inattention
2.27 Pertes de mémoire
2.28 Altérations cognitives
Discours/expression de la pensée
2.3 Peturbations du discours
Contenu de la pensée
2.5 Idées délirantes
2.11 Idéation ou comportement suicidaires
Diagnostic différentiel par arbres décisionnels 21

Perturbations des perceptions


2.6 Hallucinations
Symptômes somatiques
2.14 Attaques de panique
2.17 Plaintes somatiques ou anxiété concernant une maladie/l’apparence
Caractéristiques de la personnalité
2.24 Impulsivité ou problèmes dans le contrôle des impulsions
2.25 Automutilations ou lésions auto-inligées
Sommeil/alimentation/sexe
2.18 Modiications de l’appétit et comportements alimentaires inhabituels
2.19 Insomnie
2.20 Hypersomnolence
2.21 Dysfonctions sexuelles chez la femme
2.22 Dysfonctions sexuelles chez l’homme
Fonctionnement
2.1 Mauvaises performances scolaires
Facteurs étiologiques
2.16 Implication de traumatismes ou de facteurs de stress psychosociaux dans
l’étiologie
2.26 Usage excessif de substances
2.29 Tableaux cliniques dus à des étiologies médicales
22 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.1 Arbre décisionnel pour les mauvaises


performances scolaires
Les mauvaises performances scolaires sont une manifestation très fréquente et peu
spéciique de l’enfance et de l’adolescence. D’une part, le clinicien ne doit certainement
pas penser que chaque mauvais élève souffre d’un trouble mental qui expliquerait ses
mauvais résultats scolaires. D’autre part, la plupart des troubles mentaux (voire tous)
survenant chez l’enfant ont un impact négatif probable sur les résultats scolaires et, très
souvent, les plaintes concernant l’école sont le principal motif de consultation.
La recherche des étiologies de mauvaises performances scolaires inclura habituelle-
ment des tests pour évaluer le QI total et pour rechercher des déiciences dans des
compétences scolaires spéciiques (p.  ex. lecture, mathématique, écriture, langage
expressif et réceptif). Un diagnostic déinitif de trouble neurodéveloppemental selon
le DSM-5 requiert que les dificultés d’apprentissage ou de communication soient
de façon importante et quantiiable inférieures à ce qui serait attendu en fonction de
l’âge de la personne et qu’elles interfèrent signiicativement avec le fonctionnement
scolaire, professionnel ou social. L’étape suivante est une évaluation soigneuse de la
présence de divers troubles mentaux pouvant avoir pour conséquence une altération
des performances scolaires. Cela implique un recueil soigneux de l’anamnèse (en ayant
également recours à des informations provenant des parents, des enseignants et des
pédiatres), une observation clinique et la recherche du rôle éventuel d’un usage de
substances. Par exemple, y a-t-il des déicits signiicatifs dans l’utilisation sociale de la
communication verbale et non verbale (comme dans le trouble du spectre de l’autisme
et dans le trouble de la communication sociale [pragmatique]) ? Y a-t-il des symptômes
cliniquement signiicatifs d’inattention et/ou de comportements hyperactifs-impulsifs
survenant dans au moins deux cadres différents (comme dans le déicit de l’attention/
hyperactivité)  ? Y a-t-il un mode de comportements antisociaux comme l’école buis-
sonnière (comme dans le trouble des conduites) ? Y a-t-il un refus de l’école fondé sur
une incapacité de se séparer des igures d’attachement (comme dans l’anxiété de sépa-
ration)  ? Comme les troubles neurodéveloppementaux et d’autres troubles mentaux
surviennent souvent ensemble, il est important d’évaluer toutes les possibilités dans
l’arbre décisionnel (ce qui peut nécessiter de repasser plusieurs fois par l’arbre décision-
nel) et de porter tous les diagnostics qui semblent adaptés.
La présence d’un trouble mental ne garantit pas qu’il soit la cause des problèmes
scolaires. D’autres facteurs (p. ex. mauvaises habitudes de travail, temps excessif passé
devant la télévision ou avec des jeux vidéo, manque de motivation, mauvais système
scolaire, cadre défavorable à la maison ou dans le quartier) peuvent également jouer un
rôle signiicatif. Parfois, le trouble psychiatrique est plutôt la conséquence que la cause
des mauvaises performances scolaires (p. ex. trouble de l’adaptation, trouble opposi-
tionnel avec provocation, trouble dépressif caractérisé).
2.1 Arbre décisionnel pour les mauvaises performances scolaires 23
24 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.2 Arbre décisionnel pour les problèmes comportementaux... 25

2.2 Arbre décisionnel pour les problèmes


comportementaux chez un enfant
ou un adolescent
Une raison fréquente pour orienter un enfant ou adolescent vers un professionnel de
santé mentale est la demande d’une évaluation et d’un traitement éventuel pour un
problème comportemental qui est signalé. Il est bien évident, toutefois, que de nom-
breux problèmes comportementaux survenant chez des enfants ou des adolescents ne
sont pas dus à un trouble mental. Dans certains cas, les problèmes comportementaux
ne sont pas d’une sévérité ou d’une durée sufisante pour justiier un tel diagnostic.
Dans d’autres cas, le problème est plus une perturbation des relations au sein de la
famille qu’un problème lié principalement à l’enfant. Enin, il existe quelques problèmes
comportementaux très sérieux (p. ex. utilisation d’armes à feu, vol à main armée, viol)
qui surviennent pour des raisons qui sont en dehors du champ des troubles mentaux
répertoriés dans le DSM-5 (p. ex. gains inanciers, statut, revanche).
Les problèmes comportementaux qui débutent tôt dans l’enfance sont le plus souvent
associés à un déicit de l’attention/hyperactivité, un trouble oppositionnel avec provo-
cation, un trouble disruptif avec dysrégulation de l’humeur, un trouble du spectre de
l’autisme, des mouvements stéréotypés et un handicap intellectuel (trouble du déve-
loppement intellectuel). Le diagnostic différentiel entre ces troubles est habituellement
clair et il est déterminé par la considération des symptômes associés.
L’apparition initiale des problèmes comportementaux à l’adolescence suggère forte-
ment que des substances peuvent jouer un rôle important. Les problèmes comporte-
mentaux peuvent résulter des effets directs d’une substance sur le cerveau (comme
dans l’intoxication par une substance), être un effet collatéral du trouble de l’usage de
substances (p. ex. des activités illégales pour se procurer les produits) ou être motivés
par l’appât du gain (p. ex. le projet de s’enrichir rapidement en vendant de la drogue).
D’autres troubles qui débutent souvent chez des enfants plus grands ou chez des jeunes
adolescents sont le trouble des conduites de type à début pendant l’adolescence (de
meilleur pronostic que le type à début pendant l’enfance, survenant avant l’âge de
10 ans), le trouble dépressif caractérisé, le trouble bipolaire, la schizophrénie, la klepto-
manie et la pyromanie. Le trouble des conduites apparaissant pendant l’enfance (c.-à-d.
avant l’âge de 10 ans) est particulièrement inquiétant car il est associé à une incidence
supérieure de violence, de mauvaises relations avec les pairs, et un risque majoré que
l’enfant évolue vers une personnalité antisociale à l’âge adulte.
Les problèmes comportementaux survenant en réponse un facteur de stress psycho-
social suggèrent soit 1) un diagnostic de trouble stress post-traumatique ou trouble
stress aigu si le facteur de stress est de nature particulièrement traumatique et si les
problèmes comportementaux sont accompagnés par des symptômes de reviviscence
intrusive liés aux événements traumatisants, un évitement de ce qui rappelle les événe-
ments et des modiications de la cognition, de l’humeur et de l’éveil, soit 2) un diagnos-
tic de trouble de l’adaptation.
Si les problèmes comportementaux n’ont pas été couverts par l’un des points de déci-
sion jusqu’à ce stade et s’ils sont cliniquement signiicatifs et représentent un dysfonc-
tionnement psychologique ou biologique chez la personne, une catégorie résiduelle –
«  autre trouble disruptif, du contrôle des impulsions et des conduites, spéciié  » ou
bien «  trouble disruptif, du contrôle des impulsions et des conduites, non spéciié  »
– s’applique. Le choix entre ces deux catégories dépend de la décision du clinicien
de noter le tableau symptomatique dans le dossier (dans ce cas, le diagnostic « autre
trouble disruptif, du contrôle des impulsions et des conduites, spéciié  » est utilisé,
suivi de la raison spéciique) ou pas (dans ce cas on a recours au diagnostic « trouble
26 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

disruptif, du contrôle des impulsions des conduites, non spéciié  »). Sinon, les per-
turbations comportementales peuvent être considérées comme problématiques sans
indiquer pour autant un trouble mental ; elles peuvent alors justiier éventuellement
un code V ou Z (selon que l’on emploie la CIM-9-MC ou la CIM-10-MC respectivement)
pour le comportement antisocial de l’enfant de l’adolescent, qui est répertorié dans les
« autres situations pourront faire l’objet d’un examen clinique » dans le DSM-5.
2.2 Arbre décisionnel pour les problèmes comportementaux... 27
28 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.2 Arbre décisionnel pour les problèmes comportementaux... 29
30 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.3 Arbre décisionnel pour les perturbations


du discours
L’arbre décisionnel pour les perturbations du discours passe en revue trois types d’ano-
malies : la désorganisation du discours, les altérations de la production du langage et
le discours insolite. La désorganisation du discours est caractérisée par le fait que la per-
sonne passe d’un sujet à l’autre, sans qu’il n’y ait de lien perceptible entre les différents
thèmes, ou bien qu’elle fournisse des réponses à des questions qui n’ont qu’un lien
indirect, voire aucun lien, avec les demandes de l’interlocuteur. Les altérations de la pro-
duction du langage peuvent être en rapport avec des problèmes concernant l’acquisition
ou l’utilisation du langage, la capacité d’articuler des mots de façon intelligible, ou la
luidité du discours. Le discours insolite désigne des déiciences dans la compréhension
ou le respect des règles de la communication verbale, un discours ralenti ou logor-
rhéique, ou un discours répétitif ou stéréotypé.
La désorganisation du discours est l’un des symptômes les plus ardus à diagnos-
tiquer car il n’existe pas de règles permettant de déterminer à partir de quel moment un
discours est « désorganisé ». Ce jugement dépend en partie des capacités de compré-
hension du clinicien et des modes de production du langage du patient. De plus, per-
sonne ne parle constamment avec des phrases logiques, cohérentes et correctes gram-
maticalement. De nombreux cliniciens conirmés ou bien en formation ont tendance
à diagnostiquer de façon excessive un « relâchement des associations » cliniquement
signiicatif devant un discours légèrement illogique. Ce que l’on appelle « désorganisa-
tion du discours » dans cet arbre décisionnel doit avoir une intensité évidente pour tout
observateur. Si l’on a des dificultés à décider si le discours du patient est désorganisé
ou non, cela signiie que ce dernier ne doit probablement pas être considéré comme
pathologique.
Une fois que l’on a établi que la personne présente un discours désorganisé, altéré ou
insolite, l’étape suivante consiste à déterminer, parmi plusieurs troubles mentaux pos-
sibles, lequel explique le mieux le tableau clinique. Cela impose habituellement d’éva-
luer le contexte et les symptômes associés. Une altération du discours causée par une
affection médicale pourra conduire un diagnostic d’aphasie, d’état confusionnel, ou de
trouble neurocognitif majeur ou mineur, en fonction des autres symptômes associés.
L’altération du discours dans l’état confusionnel est accompagnée par une perturbation
de l’attention et de la conscience, tandis que l’altération du discours dans le trouble
neurocognitif majeur ou mineur est associée à d’autres déicits cognitifs. Une aphasie
(altération de la compréhension ou de la transmission des idées par la parole, causée
par une lésion ou une maladie des centres cérébraux impliqués dans le langage) qui
survient en l’absence d’autres symptômes cognitifs peut être diagnostiquée avec le
code 784.3 dans la CIM-9-MC (ou bien avec le code R47.10 selon la CIM-10-MC).
La désorganisation du discours est une manifestation courante de l’usage de sub-
stances. Un diagnostic d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance
sufira habituellement, mais une désorganisation grave du discours suggère un diag-
nostic d’état confusionnel dû à l’intoxication par une substance ou au sevrage d’une
substance, ou un trouble neurocognitif majeur induit par une substance/un médica-
ment sous-jacent. Le diagnostic différentiel de la désorganisation du discours dans un
épisode maniaque et celle dans la schizophrénie ont fait l’objet de nombreux débats.
La désorganisation du discours dans un épisode de schizophrénie (p. ex. ce que l’on
appelle relâchement des associations) est théoriquement distinguée de la « fuite des
idées » dans la manie par le fait que, dans cette dernière, l’observateur peut parvenir
2.3 Arbre décisionnel pour les perturbations du discours 31

à suivre l’enchaînement des idées. En principe au moins, on peut discerner comment


le patient est passé d’un thème à l’autre dans la fuite des idées, alors que les « déraille-
ments » dans le discours des patients souffrant de schizophrénie sont beaucoup moins
compréhensibles. Bien que cette distinction puisse être utile dans les cas les plus clas-
siques, il existe de nombreuses situations incertaines où il est dificile, voire impossible,
de différencier un relâchement des associations d’une fuite des idées. De même, bien
qu’un discours logorrhéique ou accéléré soit souvent caractéristique de la manie, le dis-
cours d’un patient souffrant de schizophrénie, qui est excité ou agité, peut également
être débordant. Il est donc plus judicieux de fonder le diagnostic différentiel entre la
schizophrénie et les épisodes maniaques sur les symptômes associés et sur l’évolution
globale plutôt que sur une appréciation isolée des types de discours.
L’arbre décisionnel comporte également les diagnostics différentiels pour plusieurs
troubles qui sont caractérisés par une altération du langage apparaissant durant le
développement. Un diagnostic de trouble du langage peut être justiié si la personne
a des symptômes comme une dificulté à comprendre des mots, des phrases ou des
types particuliers de mots, un vocabulaire manifestement limité et/ou des dificultés
à former des phrases. Des dificultés avec la production de phonèmes interférant avec
l’intelligibilité du discours peuvent justiier un diagnostic de trouble de la phonation.
Des perturbations de la luidité verbale et du rythme de la parole ne correspondant
pas à l’âge du sujet et aux compétences langagières suggèrent un diagnostic de trouble
de la luidité verbale apparaissant durant l’enfance (bégaiement). On observe dans le
trouble du spectre de l’autisme et dans le trouble de la communication sociale (pragma-
tique) des déicits dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale.
Ces problèmes peuvent se manifester par le fait que la personne a des dificultés à
comprendre et à suivre les règles sociales de la complication verbale et non verbale
dans des contextes naturels, à changer de registre de langage en fonction des besoins
de l’interlocuteur ou selon la situation, et à suivre les règles pour une conversation ou
pour raconter une histoire. Des émissions vocales inappropriées dans le contexte d’un
discours qui est par ailleurs normal suggèrent des tics.
32 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.3 Arbre décisionnel pour les perturbations du discours 33
34 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.4 Arbre décisionnel pour l’inattention 35

2.4 Arbre décisionnel pour l’inattention


L’inattention désigne l’incapacité d’éliminer des stimuli étrangers lorsque l’on essaye
de se concentrer sur une tâche ou sur une activité particulière. Il s’agit d’un symp-
tôme très peu spéciique qui survient dans une large gamme de troubles mentaux,
ainsi que chez des personnes indemnes de trouble mental. Le diagnostic différentiel
repose sur l’âge de début, la sévérité, les symptômes associés à l’inattention, et sur le
fait qu’il s’agit ou non d’une réaction à un facteur de stress externe. Une inattention
cliniquement signiicative apparaissant durant la petite enfance suggère un diagnos-
tic de déicit de l’attention/hyperactivité. Une inattention qui apparaît à l’adolescence
suggère plusieurs diagnostics possibles, notamment la récurrence d’intoxications par
une substance ou de sevrages d’une substance, un trouble dépressif caractérisé ou
bipolaire, et une schizophrénie. Quand l’inattention apparaît plus tard dans la vie, il est
particulièrement important d’envisager le rôle étiologique possible d’un médicament,
d’une drogue donnant lieu à abus, ou d’une affection médicale.
Il faut envisager le diagnostic d’état confusionnel (delirium) lorsque l’inattention
est grave et qu’elle est associée à d’autres symptômes cognitifs ou perceptuels (p. ex.
désorientation, hallucinations). La caractéristique distincte d’un état confusionnel est
une perturbation de l’attention et de la conscience – le patient est incapable d’évaluer
ou de répondre de manière adaptée à l’environnement externe, d’éliminer les stimuli
non pertinents, et de suivre des instructions ou de répondre à des questions. Comme
l’état confusionnel est souvent une urgence médicale, il est capital d’identiier (puis
de corriger) les facteurs étiologiques sous-jacents qui peuvent être liés à une affection
médicale, à l’usage d’une substance (y compris les effets secondaires des médicaments)
ou à l’association de ces différents facteurs.
L’inattention est rarement le symptôme de présentation de troubles autres que le
déicit de l’attention/hyperactivité ou l’état confusionnel. L’évaluation du diagnostic
différentiel dépend des symptômes associés (p. ex. une humeur élevée dans l’épisode
maniaque, une anxiété et des soucis excessifs dans l’anxiété généralisée, des symp-
tômes psychotiques persistants dans la schizophrénie). Il est également toujours utile
de déterminer si le patient a été confronté à des facteurs de stress psychosociaux qui
peuvent entraîner ou aggraver l’inattention.
Enin, chacun de nous a des capacités diverses à éliminer les stimuli étrangers de
l’environnement. De plus, la nature et le niveau des stimulations caractéristiques
de  l’environnement peuvent augmenter ou bien réduire notre capacité à maintenir
notre attention. On ne peut répondre à la question de savoir si une manifestation don-
née d’inattention relète un trouble mental ou bien doit être considérée comme faisant
partie de la normalité qu’en prenant en compte sa sévérité et sa persistance et en recher-
chant si elle entraîne une détresse ou une altération du fonctionnement cliniquement
signiicatives.
36 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.4 Arbre décisionnel pour l’inattention 37
38 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.5 Arbre décisionnel pour les idées


délirantes
Une erreur fréquente concernant le diagnostic différentiel des idées délirantes consiste
à supposer qu’une croyance qui est inhabituelle (au moins du point de vue du clinicien)
est nécessairement une idée délirante. Cette erreur peut être évitée grâce à une applica-
tion rigoureuse de la déinition des idées délirantes selon le glossaire du DSM-5 :

Croyance erronée fondée sur une déduction incorrecte concernant la réalité exté-
rieure, fermement soutenue en dépit de l’opinion très généralement partagée et de
tout ce qui constitue une preuve incontestable et évidente du contraire. Il ne s’agit
pas d’une croyance habituellement acceptée par les autres membres du groupe ou
du sous-groupe culturel du sujet (p. ex. il ne s’agit pas d’un article de foi religieuse).
Quand une croyance erronée implique un jugement de valeur, on ne la considère
comme une idée délirante que si le jugement est tellement excessif qu’il dépasse
toute crédibilité. Il est souvent dificile de distinguer une idée délirante d’une
idée surinvestie (dans laquelle une croyance ou une idée déraisonnable existe
mais sans être aussi fermement soutenue que dans le cas d’une idée délirante).
(DSM-5, p. 970)

Il est utile de garder à l’esprit certains aspects de cette déinition lorsque l’on tente
de déterminer si un patient présente des idées délirantes. Les convictions délirantes
sont hermétiques à des preuves indiscutables sur leur manque de plausibilité, et la
personne reste totalement persuadée de leur véracité, en rejetant d’emblée d’autres
explications possibles. Avant de décider si une croyance est assez igée et fausse pour
être considérée comme une idée délirante, on doit d’abord chercher s’il y a une erreur
importante dans le système de déductions et dans l’interprétation de la réalité et déter-
miner ensuite l’intensité de cette conviction. Il peut être utile de discuter longuement
avec le patient à propos de ses convictions parce que c’est souvent uniquement dans les
détails que les erreurs d’attribution deviennent apparentes. Lorsque l’on évalue la force
de la conviction délirante, il faut proposer des explications alternatives (p. ex. la pos-
sibilité que des appels téléphoniques où l’interlocuteur raccroche tout de suite sont le
fait de personnes qui ont composé un numéro erroné). Le patient qui ne peut même pas
envisager la possibilité de ces explications est fort probablement délirant. Il convient de
noter que l’évaluation des croyances religieuses en tant qu’idées délirantes est un sujet
particulièrement sensible car on ne peut pas typiquement établir que des croyances
religieuses sont « vraies » ou « fausses » et elles ne peuvent pas donc être remises en
question avec des preuves incontestables ou avec la preuve du contraire. Dans ces cas,
le clinicien doit tenir compte des paramètres du système de croyance qui est caractéris-
tique pour la religion de la personne et déterminer si les croyances de cette dernière
présentent des écarts importants par rapport à ce qui serait considéré comme « nor-
mal » dans sa religion. Si le clinicien n’a pas une bonne connaissance des croyances
religieuses ou culturelles caractéristiques du milieu du patient, il est souvent néces-
saire qu’il consulte d’autres personnes familiarisées avec la culture et la religion du
sujet, ain d’éviter de porter un diagnostic erroné d’idée délirante devant une croyance
religieuse. Comme il est indiqué dans la première étape de cet arbre décisionnel, les
croyances ixes qui sont sanctionnées par la culture ou la religion de cette personne ne
doivent pas être considérées comme des idées délirantes.
Une fois que l’existence d’une idée délirante est établie, la tâche suivante consiste à
déterminer de quel trouble il s’agit parmi les nombreuses possibilités du DSM-5. La
forme et le thème particuliers d’une idée délirante sont beaucoup moins importants
2.5 Arbre décisionnel pour les idées délirantes 39

pour le diagnostic que le contexte dans laquelle elle se produit. L’erreur de diagnostic
la plus fréquente ici est de négliger le rôle très important des substances (y compris des
médicaments) et des affections médicales dans l’étiologie des idées délirantes. Chez
les jeunes patients présentant des idées délirantes, il est important d’exclure un abus
de substances au moyen d’une anamnèse minutieuse et d’un dépistage de drogues.
L’apparition d’idées délirantes à un âge avancé doit toujours attirer l’attention vers une
éventuelle affection médicale sous-jacente ou des effets secondaires de médicaments.
Une fois que des étiologies telles qu’une affection médicale ou une substance ont
été écartées, la tâche suivante consiste à déterminer si des symptômes thymiques cli-
niquement signiicatifs sont également présents. La présence d’un épisode maniaque
ou dépressif caractérisé évoque la possibilité que les idées délirantes font partie d’un
trouble bipolaire de type I avec caractéristiques psychotiques, d’un trouble bipolaire
de type II avec caractéristiques psychotiques, d’un trouble dépressif caractérisé avec
caractéristiques psychotiques, ou d’un trouble schizoaffectif. Le diagnostic différentiel
dans ce cas dépend de la relation temporelle entre les idées délirantes et les épisodes
thymiques. Si les idées délirantes sont limitées exclusivement aux épisodes thymiques,
alors le diagnostic est trouble bipolaire de type I avec caractéristiques psychotiques,
ou trouble bipolaire de type II avec caractéristiques psychotiques, ou trouble dépres-
sif caractérisé avec caractéristiques psychotiques. En revanche, si les idées délirantes
et autres symptômes psychotiques se produisent aussi avant ou après les épisodes
thymiques, le diagnostic pourrait être la schizophrénie, le trouble schizophréniforme,
le trouble délirant ou le trouble schizoaffectif, en fonction du chevauchement entre
les épisodes thymiques et les idées délirantes, et de la durée relative des épisodes
thymiques par rapport aux idées délirantes. Le diagnostic porté est la schizophrénie,
le trouble schizophréniforme ou le trouble délirant soit s’il n’y a pas de période de
chevauchement entre les épisodes thymiques et les idées délirantes, soit, quand il y
a une période de chevauchement, si les épisodes thymiques sont présents pendant
une part mineure de la durée totale de la psychose (p. ex. plusieurs mois d’épisodes
thymiques pendant une perturbation psychotique chronique durant plusieurs années).
En revanche, le diagnostic porté est celui du trouble schizoaffectif si les épisodes thy-
miques se chevauchent avec les épisodes délirants et si les épisodes thymiques sont
présents la plupart du temps par rapport à la durée totale de la psychose (p. ex. une
affection psychotique pendant 2 ans avec 1 an ½ de symptômes thymiques). À noter que
dans certains cas de schizophrénie, de trouble schizophréniforme ou de trouble déli-
rant dans lesquels il y a des épisodes thymiques qui soit 1) ne se chevauchent pas avec
les symptômes psychotiques, soit 2) ne sont présents que pendant une part mineure de
la durée totale de la psychose, on peut porter un diagnostic de comorbidité de trouble
bipolaire de type I, de trouble bipolaire de type II ou de trouble dépressif caractérisé.
On note ce changement par rapport au DSM-IV-TR, du fait que la hiérarchie entre schi-
zophrénie – trouble schizophréniforme – trouble délirant et trouble bipolaire – trouble
dépressif caractérisé a été éliminée dans le DSM-5, rendant possible pour un individu
d’avoir deux diagnostics comorbides : 1) schizophrénie, trouble schizophréniforme ou
trouble délirant et 2) trouble bipolaire ou trouble dépressif caractérisé.
Une fois que des épisodes thymiques signiicatifs ont été éliminés, le diagnostic dif-
férentiel dépend du schéma des symptômes et de leur durée. La distinction entre la
schizophrénie et le trouble délirant est généralement fondée sur la présence dans
la schizophrénie d’un ou plusieurs autres symptômes caractéristiques (p. ex. des hal-
lucinations, un discours désorganisé, un comportement grossièrement désorganisé ou
catatonique, des symptômes négatifs). La durée de l’épisode est la caractéristique qui
différencie la schizophrénie (une durée de plus de 6 mois), du trouble schizophréni-
forme (une durée entre 1 et 6 mois) et du trouble psychotique bref (moins de 1 mois).
40 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.5 Arbre décisionnel pour les idées délirantes 41
42 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.5 Arbre décisionnel pour les idées délirantes 43
44 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.6 Arbre décisionnel pour les hallucinations


Les hallucinations sont des perceptions sensorielles qui surviennent sans stimulus
externe. Lorsque l’on tente de déterminer l’étiologie d’une hallucination, il est important
de considérer la modalité sensorielle concernée (c.-à-d. si l’hallucination est auditive,
visuelle, gustative, olfactive ou tactile). En règle générale, les hallucinations visuelles,
gustatives et olfactives sont en faveur d’une étiologie en lien avec l’utilisation d’une
substance ou avec une affection médicale et requièrent un bilan médical approfondi.
De la même façon, un début tardif des hallucinations, quelles que soient les modalités
de celles-ci, impose un bilan médical particulièrement approfondi. Les hallucinations
peuvent survenir dans plusieurs situations  : dans le contexte d’un état confusionnel
(delirium) (induit par une substance/un médicament ou dû à une affection médicale),
dans le contexte d’un trouble neurocognitif majeur ou léger dû à une autre affection
médicale (auquel cas on doit utiliser la spéciication « avec perturbations du compor-
tement »), en l’absence de déicit cognitif associé, comme conséquence physiologique
directe de l’effet d’une substance ou d’une affection médicale (on porte alors le diag-
nostic de trouble psychotique induit par une substance/un médicament ou de trouble
psychotique dû à une affection médicale) ou comme une caractéristique typique d’un
syndrome d’intoxication ou de sevrage d’une substance.
Après avoir éliminé une affection médicale ou une substance comme facteur étiolo-
gique, on doit considérer l’éventualité que l’hallucination est un symptôme d’un trouble
psychotique. Il existe quatre circonstances dans lesquelles les « hallucinations » ne doi-
vent pas orienter le diagnostic vers un trouble psychotique : 1) celles qui surviennent
dans le contexte d’une conversion (ce que l’on appelle des pseudo-hallucinations), qui
ont tendance à toucher plusieurs modalités sensorielles en même temps et à avoir des
contenus psychologiquement compréhensibles, présentées au clinicien sous la forme
d’une histoire intéressante ; 2) les expériences hallucinatoires qui font partie d’un rituel
religieux ou sont une expérience culturellement acceptée (p. ex. entendre la voix d’un
parent décédé donnant des conseils) ; 3) les hallucinations induites par des substances
qui surviennent dans le contexte d’une perception intacte de la réalité (p. ex. un sujet
conscient que les perturbations perceptuelles sont dues à une utilisation récente d’hal-
lucinogènes) ; et 4) les hallucinations hypnopompiques ou hypnagogiques qui survien-
nent au début ou à la in d’épisodes de sommeil.
La tâche suivante consiste à déterminer si des symptômes thymiques cliniquement
signiicatifs sont présents et, le cas échéant, la relation entre les hallucinations et les
symptômes thymiques. La présence d’un épisode maniaque ou dépressif caractérisé
soulève la possibilité que les hallucinations font partie d’un trouble bipolaire de type I
avec caractéristiques psychotiques, d’un trouble bipolaire de type  II avec caractéris-
tiques psychotiques, d’un épisode dépressif caractérisé avec caractéristiques psycho-
tiques ou d’un trouble schizoaffectif. Dans ce cas, le diagnostic différentiel dépend
de la relation chronologique entre les hallucinations et les épisodes thymiques. Si les
hallucinations surviennent uniquement pendant les épisodes thymiques, on porte
le diagnostic de trouble bipolaire de type  I avec caractéristiques psychotiques, de
trouble bipolaire de type II avec caractéristiques psychotiques ou d’épisode dépressif
caractérisé avec caractéristiques psychotiques. De telles hallucinations peuvent être
congruentes à l’humeur (p.  ex. des voix accusatrices et punitives chez un individu
déprimé) ou non congruentes à l’humeur (c.-à-d. des hallucinations qui n’ont pas de
lien avec l’humeur dominante).
En revanche, si les hallucinations ou les autres symptômes psychotiques sur-
viennent avant ou après les épisodes thymiques, on peut porter les diagnostics de
2.6 Arbre décisionnel pour les hallucinations 45

schizophrénie, de trouble schizophréniforme ou de trouble schizoaffectif, en fonction


du chevauchement entre les épisodes thymiques et les hallucinations, et de la durée
relative des épisodes thymiques par rapport à la durée totale du trouble psychotique.
On porte le diagnostic de schizophrénie ou de trouble schizophréniforme s’il n’y a
pas de chevauchement entre les épisodes thymiques et les hallucinations ou, en cas de
chevauchement, si les épisodes thymiques ont été présents pendant une part mineure
de la durée totale de la psychose (p. ex. quelques mois d’épisodes thymiques dans le
cadre d’un trouble psychotique chronique durant plusieurs années). En revanche, on
porte le diagnostic de trouble schizoaffectif si les épisodes thymiques se chevauchent
avec les hallucinations et si les épisodes thymiques sont présents pendant une part
majeure de la durée totale de la perturbation (p. ex. une perturbation psychotique de
2 ans avec 1 an ½ de symptômes thymiques). Il convient de noter que dans certains cas
de schizophrénie ou de trouble schizophréniforme durant lesquels soit 1) les épisodes
thymiques ne se chevauchent pas avec les symptômes psychotiques, soit 2) tous les
épisodes thymiques sont présents pendant une durée mineure par rapport à la durée
totale de la perturbation psychotique, on peut porter le diagnostic de comorbidité
de trouble bipolaire ou de trouble dépressif caractérisé. Cela est un changement par
rapport au DSM-IV-TR, dans le sens où la hiérarchie entre la schizophrénie et le trouble
bipolaire/trouble dépressif caractérisé a été éliminée dans le DSM-5, rendant possible
la comorbidité entre la schizophrénie et le trouble bipolaire ou le trouble dépressif
caractérisé.
Les illusions sont différentes des hallucinations ; l’illusion est une perception erronée
d’un stimulus réel. Lorsque des illusions surviennent en l’absence d’hallucinations,
elles ne sont pas considérées comme un symptôme psychotique et suggèrent plutôt un
état confusionnel (delirium), une intoxication par une substance ou un sevrage d’une
substance, une personnalité schizotypique ou l’absence d’un trouble mental.
46 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.6 Arbre décisionnel pour les hallucinations 47
48 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.7 Arbre décisionnel pour les symptômes catatoniques 49

2.7 Arbre décisionnel pour les symptômes


catatoniques
Les symptômes catatoniques traités ici comprennent la stupeur (c.-à-d. pas d’activité psy-
chomotrice, pas de relation active avec l’environnement), la catalepsie (c.-à-d. induction
passive d’une posture maintenue contre la gravité), la lexibilité cireuse (c.-à-d. résistance
légère ou nette lors du positionnement induit par l’examinateur), le mutisme (c.-à-d. absence
ou quasi-absence de réponse verbale), le négativisme (c.-à-d. opposition ou absence de
réponse à des instructions ou des stimuli extérieurs), la prise de posture (c.-à-d. maintien
actif, contre la pesanteur, d’une posture adoptée spontanément), le maniérisme (c.-à-d. cari-
catures bizarres ou solennelles d’actions ordinaires), les stéréotypies (c.-à-d. mouvements
non dirigés vers un but, répétitifs et anormalement fréquents), l’agitation (non inluencée
par des stimuli externes), l’expression faciale grimaçante, l’écholalie (c.-à-d. répétition des
paroles d’un autre), et l’échopraxie (c.-à-d. reproduction des mouvements d’un autre).
La tâche initiale consiste à déterminer s’il existe un « syndrome » catatonique. Cela peut
être dificile du fait qu’un certain nombre de manifestations peuvent ressembler à d’autres
types de symptômes caractéristiques de divers troubles du DSM-5 (p. ex. l’excitation cata-
tonique peut ressembler à l’agitation psychomotrice d’un épisode maniaque ou dépres-
sif caractérisé, la stupeur catatonique peut ressembler au ralentissement psychomoteur
extrême d’un épisode dépressif caractérisé ou d’un état confusionnel [delirium], le mutisme
catatonique peut ressembler à l’alogie et à l’aboulie de la schizophrénie). La distinction entre
ces troubles repose en partie sur le contexte dans lequel les symptômes surviennent (c.-à-d.
la présence des multiples symptômes catatoniques versus la présence des symptômes
caractéristiques d’un autre trouble) et sur la présentation (c.-à-d. que les sujets ayant des
symptômes catatoniques semblent indifférents aux stimuli extérieurs, même s’ils peuvent
s’avérer ultérieurement capables de décrire avec précision ce qui se passait autour d’eux).
Si des symptômes catatoniques sont présents mais sans constituer un syndrome cata-
tonique, il faut d’abord rechercher s’ils ne sont pas induits par l’usage d’une substance/
d’un médicament. Si les symptômes sont dus aux effets physiologiques directs d’une
substance, par exemple à une intoxication par la phencyclidine, on porte le diagnostic
d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance. Si des symptômes
d’allure catatonique sont attribués à l’utilisation d’un traitement neuroleptique, on
porte le diagnostic de l’un des troubles des mouvements induits par des neuroleptiques
(c.-à-d. syndrome malin des neuroleptiques, dystonie induite par des neuroleptiques
ou parkinsonisme induit par des neuroleptiques).
Une fois que l’existence d’un syndrome catatonique a été établie, l’étape suivante
consiste à en déterminer l’étiologie. Un syndrome catatonique peut être dû aux effets
physiologiques directs d’une affection neurologique ou d’une autre affection médicale
(dans ce cas on porte le diagnostic de trouble catatonique dû à une autre affection médi-
cale), une manifestation d’un épisode maniaque ou d’un épisode dépressif caractérisé
(dans ce cas on porte le diagnostic de catatonie associée à un trouble bipolaire de type I,
à un trouble bipolaire de type  II ou à un trouble dépressif caractérisé), ou peut sur-
venir dans le contexte d’autres symptômes psychotiques tels que des idées délirantes,
des hallucinations ou un discours désorganisé (dans ce cas on porte le diagnostic de
catatonie associée avec [le trouble psychotique approprié]).
Si des symptômes catatoniques cliniquement signiicatifs sont présents, n’ont
pas été expliqués par l’un des repères de décision décrits jusqu’ici et représentent
un dysfonctionnement psychologique ou biologique du sujet (répondant ainsi aux
exigences de la déinition d’un trouble mental), on portera le diagnostic résiduel de
catatonie non spéciiée. Dans le cas contraire, les symptômes moteurs seront considé-
rés comme faisant partie du répertoire des variations normales dans l’activité ou le
comportement psychomoteur et non comme le signe d’un trouble mental.
50 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.7 Arbre décisionnel pour les symptômes catatoniques 51
52 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.8 Arbre décisionnel pour l’humeur élevée


ou expansive
La plupart des gens ont connu au moins certaines périodes d’humeur élevée ou expan-
sive pendant leur vie, généralement en réponse à une expérience ou à un événement
particulièrement gratiiants, comme tomber amoureux, avoir un enfant, obtenir un
diplôme, décrocher un emploi convoité, être victorieux à un événement sportif ou
gagner de l’argent à un jeu de hasard. Ces états d’humeur deviennent une préoccupa-
tion seulement lorsqu’ils sont anormalement élevés ou expansifs et qu’ils sont déconnec-
tés des facteurs contextuels, en ce sens que la personne se sent constamment eupho-
rique sans aucune raison particulière.
La première étape du diagnostic différentiel consiste à s’assurer que la perturbation
de l’humeur n’est pas causée par une affection médicale ou par l’utilisation d’une sub-
stance. Le premier rélexe du clinicien, particulièrement lorsque le début des symptômes
est tardif, doit être d’effectuer un bilan médical approfondi et d’évaluer si la personne
utilise des médicaments (ou des substances donnant lieu à abus) qui peuvent avoir
comme effet secondaire des changements d’humeur. Chez les sujets les plus jeunes, il
existe toujours une forte possibilité que les modiications de l’humeur soient causées
par les effets d’une intoxication par une substance ou d’un sevrage d’une substance.
L’étape suivante consiste à déterminer si l’humeur élevée ou expansive s’intègre
dans le cadre d’un épisode maniaque ou hypomaniaque. Ces épisodes ne sont pas
codés séparément dans le DSM-5 mais forment plutôt les composantes fondamentales
des troubles bipolaires. Il convient de noter que les déinitions symptomatiques des
épisodes maniaques et hypomaniaques sont essentiellement identiques. La frontière
entre les deux dépend du jugement clinique quant à la sévérité et au dysfonctionne-
ment causé par la perturbation de l’humeur. Par déinition, un épisode hypomaniaque
n’entraîne pas une altération ou une détresse notables et peut même être compatible
avec une amélioration de la performance sociale et professionnelle. Les troubles bipo-
laires sont constitués par des combinaisons d’épisodes maniaques, hypomaniaques et
dépressifs caractérisés. Le trouble bipolaire de type I consiste en au moins un épisode
maniaque et (facultativement) en un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés. Le
terme bipolaire est utilisé même pour ceux et celles qui ont eu uniquement des épisodes
maniaques unipolaires (sans épisodes dépressifs) parce que la grande majorité de ces
personnes présentera ultérieurement des épisodes dépressifs caractérisés, et que l’évo-
lution, l’anamnèse familiale et les questions thérapeutiques sont les mêmes que dans
les cas où il y a eu à la fois des épisodes maniaques et dépressifs caractérisés. Le trouble
bipolaire de type II consiste en un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés avec
des épisodes hypomaniaques intercurrents.
Si le sujet présente des antécédents d’idées délirantes ou d’hallucinations, il faut
s’assurer de distinguer le trouble bipolaire de type  I ou II avec caractéristiques psy-
chotiques d’autres troubles psychotiques, tels que la schizophrénie, le trouble délirant
ou le trouble schizophréniforme. Si les symptômes psychotiques sont limités aux
épisodes maniaques ou dépressifs caractérisés, on porte alors le diagnostic de trouble
bipolaire de type I ou de type II avec caractéristiques psychotiques. Mais s’il y a des
idées délirantes et des hallucinations cliniquement signiicatives au-delà des épisodes
thymiques, on portera un diagnostic de trouble psychotique non lié à l’humeur pour
tenir compte des symptômes psychotiques. Pour afiner le diagnostic différentiel, on
doit dans ces cas consulter les arbres décisionnels pour les idées délirantes (2.5) ou les
hallucinations (2.6).
2.8 Arbre décisionnel pour l’humeur élevée ou expansive 53

Le trouble cyclothymique est un trouble relativement rare du spectre bipolaire, carac-


térisé par l’alternance de périodes d’hypomanie et de dépression moins sévères que
lors d’épisodes maniaques, hypomaniaques ou dépressifs caractérisés. Enin, comme
des périodes d’humeur élevée et expansive sont courantes par intermittence chez la
plupart des personnes s’adonnant aux jeux d’argent (c.-à-d. au moins quand le sujet
gagne), il est important de ne pas diagnostiquer de tels symptômes comme preuve de
manie s’ils sont limités aux périodes de jeu. Néanmoins, étant donné que certaines
personnes peuvent s’engager dans des jeux d’argent (souvent irréléchis) aux cours des
épisodes maniaques, l’association d’une humeur euphorique et du jeu d’argent n’exclut
pas le diagnostic de trouble bipolaire.
54 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.8 Arbre décisionnel pour l’humeur élevée ou expansive 55
56 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.9 Arbre décisionnel pour l’humeur irritable


Chaque personne peut devenir plus ou moins irritable dans certaines circonstances
(p.ex. manque du sommeil, être pris dans un embouteillage, être sous la pression de
délais). Cet arbre décisionnel pour l’humeur irritable n’est pas destiné à être appliqué
aux expériences d’humeur irritable de la vie quotidienne mais plutôt aux périodes
d’irritabilité qui sont sufisamment persistantes ou graves pour entraîner une détresse
ou une altération du fonctionnement cliniquement signiicatives.
La première étape du diagnostic différentiel consiste à s’assurer que l’irritabilité
n’est pas causée par une affection médicale ou par l’utilisation d’une substance/d’un
médicament. Le premier rélexe du clinicien, particulièrement lorsque le début des
symptômes est tardif, doit être de mener un bilan médical approfondi et d’évaluer si la
personne utilise des médicaments (ou des substances donnant lieu à abus) qui peuvent
avoir comme effet secondaire de l’irritabilité. Chez les sujets les plus jeunes, il existe
toujours une forte possibilité que l’irritabilité soit causée par les effets d’une intoxica-
tion par une substance ou d’un sevrage d’une substance.
L’étape suivante consiste à déterminer si l’humeur irritable fait partie d’un épisode
maniaque ou hypomaniaque. Un épisode maniaque ou hypomaniaque est déini par
une période nettement délimitée d’humeur irritable de façon anormale et persistante,
accompagnée par une augmentation de l’activité ou de l’énergie et par au moins quatre
autres symptômes caractéristiques. Il est à noter qu’en l’absence d’une humeur élevée ou
expansive, il est nécessaire d’avoir quatre symptômes maniaques ou hypomaniaques (à
la place des trois nécessaires habituellement) ain que l’épisode puisse plus facilement
être différencié d’un épisode dépressif caractérisé associé à une irritabilité. Ces épi-
sodes ne sont pas codés séparément dans le DSM-5 mais forment les composantes de
base des troubles bipolaires. Le trouble bipolaire de type I consiste en au moins un épi-
sode maniaque et (facultativement) un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés. Le
trouble bipolaire de type II consiste en un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés
avec des épisodes hypomaniaques intercurrents. Dans le trouble cyclothymique, qui
est caractérisé par un mode persistant d’alternance entre des périodes d’hypomanie
et de dépression, l’humeur irritable peut survenir durant les périodes d’hypomanie.
L’irritabilité est aussi une caractéristique associée fréquente de l’humeur dépressive.
D’ailleurs, selon la déinition originale du DSM-III, l’épisode dépressif majeur a été déini
en termes d’« humeur dysphorique », qui était caractérisée par des symptômes tels que
se sentir déprimé, triste, avoir le blues, sans espoir, bas, au fond du trou ou irritable. De
ce fait, les étapes suivantes de l’arbre décisionnel impliquent d’examiner si l’humeur
irritable se produit dans le contexte d’un épisode dépressif caractérisé, d’un trouble
dépressif persistant (dysthymie) ou d’un trouble dysphorique prémenstruel.
La suite dans le diagnostic différentiel considère deux troubles qui débutent durant
l’enfance et présentent de l’irritabilité au premier plan : le trouble disruptif avec dys-
régulation émotionnelle, caractérisé par des crises de colère sévères récurrentes, qui
sont nettement hors de proportion avec la situation, avec une humeur irritable de façon
persistante ou colérique entre les crises, et le trouble oppositionnel avec provocation
qui est également caractérisé par un mode persistant d’humeur colérique et irritable
associée à un comportement querelleur, provocateur et à un esprit vindicatif. Si l’irrita-
bilité fait partie intégrante du répertoire caractéristique des états thymiques de la per-
sonne, alors le diagnostic le plus approprié peut être celui de trouble de la personnalité.
De plus, deux des troubles de la personnalité du DSM-5, la personnalité borderline et
la personnalité antisociale, incluent l’irritabilité chronique parmi leurs particularités
caractéristiques.
2.9 Arbre décisionnel pour l’humeur irritable 57

Pour terminer, une irritabilité cliniquement signiicative non traitée par les questions
précédentes pourrait être un élément de diagnostic pour un trouble de l’adaptation
si elle survient comme une réponse inadaptée à un stress psychosocial. Autrement,
une irritabilité cliniquement signiicative qui ne répond pas aux critères d’un autre
trouble mental mais qui est estimée représenter un dysfonctionnement psychologique
ou biologique de la personne pourrait justiier un diagnostic d’autre trouble bipolaire
ou apparenté spéciié ou de trouble bipolaire ou apparenté non spéciié.
58 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.9 Arbre décisionnel pour l’humeur irritable 59
60 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.10 Arbre décisionnel pour l’humeur dépressive 61

2.10 Arbre décisionnel pour l’humeur


dépressive
L’humeur dépressive ou dysphorique est l’un des symptômes les plus fréquemment
retrouvés dans la présentation des troubles mentaux et elle est une composante de
nombreuses affections psychiatriques. Le diagnostic différentiel de l’humeur dépres-
sive exige d’examiner à la fois le contexte d’apparition de la dépression, et l’ensemble et
la durée des symptômes.
On doit tout d’abord éliminer un usage de substances (en incluant à la fois les sub-
stances donnant lieu à abus et les effets secondaires de médicaments). Une dépression
peut survenir au cours d’une intoxication par certaines substances (p. ex. le cannabis),
après la prise d’un médicament ou au cours d’un sevrage (p. ex. la cocaïne). Comme
l’humeur dépressive est fréquemment un symptôme concomitant d’une intoxication
ou d’un sevrage, elle ne requiert habituellement pas un diagnostic séparé. Néanmoins,
si les symptômes dépressifs prédominent dans la présentation clinique et sont sufi-
samment graves pour justiier une prise en charge clinique, le diagnostic de trouble
dépressif induit par une substance/un médicament peut être plus approprié. Le diag-
nostic différentiel entre un trouble dépressif induit par une substance/un médicament
et un trouble dépressif non induit par une substance peut être établi en fonction de
l’anamnèse si l’on démontre que l’humeur dépressive survient uniquement en rela-
tion avec l’utilisation d’une substance/d’un médicament. Quand ces informations
anamnestiques ne sont pas disponibles, une période d’abstinence est habituellement
requise ain de déterminer si l’humeur dépressive disparaît une fois que les effets de
la substance s’estompent. Le DSM-5 suggère d’attendre « environ 1 mois » après l’arrêt
de l’utilisation de la substance pour juger si les symptômes thymiques disparaissent
spontanément, bien que ce délai puisse varier en fonction du médicament et de la situa-
tion clinique. Les autres facteurs qui doivent être pris en compte sont les antécédents
d’épisodes dépressifs caractérisés, les antécédents familiaux et la probabilité que ce
type de substance à la dose absorbée ait pu causer les symptômes dépressifs. Si les
symptômes thymiques persistent après un délai raisonnable de sevrage, alors le diag-
nostic de trouble dépressif induit par une substance/un médicament est peu probable
et le diagnostic porté doit être celui de trouble dépressif non induit par une substance.
L’un des aspects les plus dificiles du diagnostic différentiel en psychiatrie est la
distinction entre les troubles dépressifs primaires et ceux qui sont une conséquence
physiologique directe d’une affection médicale. Des nombreuses affections médicales
sont connues pour être à l’origine de dépressions du fait de leurs effets directs sur le
cerveau. Si une détérioration grave des fonctions cognitives est également présente, on
doit envisager le diagnostic de trouble neurocognitif majeur dû à une autre affection
médicale, avec perturbation du comportement. Néanmoins, il est important de ne pas
considérer que la sévérité de la détérioration cognitive indique nécessairement un diag-
nostic de trouble neurocognitif dû à une autre affection médicale. L’altération cognitive
qui survient lors d’un épisode dépressif caractérisé peut être assez sévère pour simuler
un trouble neurocognitif majeur. Souvent, seuls le temps, les évaluations répétées et les
essais thérapeutiques consécutifs permettront de juger si le tableau clinique est mieux
expliqué par un trouble neurocognitif majeur ou par un épisode dépressif caractérisé
avec des symptômes cognitifs graves.
L’étape suivante du diagnostic différentiel consiste à déterminer si l’humeur dépres-
sive fait partie d’un épisode thymique (p.  ex. un épisode dépressif caractérisé ou
un épisode maniaque avec caractéristiques mixtes). Ces épisodes ne sont pas codés
62 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

séparément dans le DSM-5 mais ils constituent des parties constitutives des troubles
thymiques (p. ex. trouble dépressif caractérisé, trouble bipolaire de type I, trouble bipo-
laire de type  II). Un épisode dépressif caractérisé requiert une durée minimale d’au
moins 2 semaines d’humeur dépressive présente quasiment toute la journée, presque
tous les jours. De plus, l’humeur dépressive doit être accompagnée d’au moins quatre
autres symptômes pendant la même période (p.  ex. modiication de l’appétit ou du
poids, du sommeil, du niveau de l’activité motrice et idéation suicidaire). Si les critères
sont simultanément réunis pour un épisode maniaque, alors la coexistence de symp-
tômes dépressifs et maniaques est considérée comme un épisode maniaque dans le
DSM-5 et on utilise la spéciication « avec caractéristiques mixtes » pour indiquer la
symptomatologie dépressive concomitante.
Les trois étapes suivantes de l’arbre décisionnel permettent d’identiier les sujets dont
la présentation actuelle est dépressive mais dont l’évolution globale est caractéristique
de l’un des troubles de la classe diagnostique des troubles bipolaires et apparentés du
DSM-5. Les symptômes dépressifs associés à des antécédents d’épisodes maniaques
évoquent un trouble bipolaire de type  I, l’association d’épisodes hypomaniaques
et d’épisodes dépressifs caractérisés évoque un trouble bipolaire de type  II, et des
symptômes dépressifs persistants alternant avec des périodes de symptômes hypoma-
niaques justiient le diagnostic de trouble cyclothymique.
Une fois que des antécédents personnels de symptômes maniaques ou hypoma-
niaques ont été écartés, les points restants dans l’arbre décisionnel servent à déinir
quel trouble dépressif explique le mieux les symptômes présentés. Le diagnostic spéci-
ique dépend de la présence d’épisodes dépressifs caractérisés, auquel cas le diagnostic
porté est soit celui de trouble dépressif caractérisé, soit celui d’un trouble du spectre
de la schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique (p.  ex. quand les symptômes
psychotiques persistent en l’absence d’une dépression marquée). La permanence de
l’épisode dépressif caractérisé actuel pendant au moins 2  ans justiie un diagnostic
additionnel de trouble dépressif persistant (dysthymie). Un diagnostic indépendant de
trouble dépressif persistant est justiié pour des présentations caractérisées par une
dépression chronique qui persiste pendant au moins 2 ans et dont la symptomatologie
est toujours en dessous du seuil d’un épisode dépressif caractérisé. On porte le diag-
nostic de trouble dysphorique prémenstruel pour les périodes d’humeur dépressive
qui surviennent régulièrement dans la semaine précédant les règles et qui disparais-
sent dans la semaine après les règles.
Enin, même si la dépression n’est pas expliquée d’une manière adéquate par les
éléments précédents de cet arbre décisionnel, elle peut encore justiier un diagnostic
selon le DSM-5. Si la dépression est la manifestation symptomatique d’une réponse ina-
daptée à un stress psychosocial, le diagnostic de trouble de l’adaptation avec humeur
dépressive peut s’appliquer. Dans le cas contraire, et si la dépression est cliniquement
signiicative et représente un dysfonctionnement psychologique ou biologique de
l’individu (pouvant ainsi être qualiiée de trouble mental), une catégorie résiduelle
peut être applicable, selon que le clinicien souhaite enregistrer la présentation symp-
tomatique dans le dossier (dans ce cas on porte le diagnostic d’autre trouble dépressif
spéciié, suivi par un motif spéciique) ou non (dans ce cas on porte le diagnostic de
trouble dépressif non spéciié). Dans le cas contraire, la dépression peut être considérée
comme faisant partie des périodes de tristesse « normale » de la vie et non pas comme
l’indice d’un trouble mental.
2.10 Arbre décisionnel pour l’humeur dépressive 63
64 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.10 Arbre décisionnel pour l’humeur dépressive 65
66 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.11 Arbre décisionnel pour les idées ou les comportements suicidaires 67

2.11 Arbre décisionnel pour les idées


ou les comportements suicidaires
Lorsque l’on évalue le risque suicidaire, il est important de déterminer le caractère
pressant des pensées suicidaires actuelles, à quel point des projets suicidaires ont été
préparés et concrétisés, la disponibilité des moyens permettant un geste suicidaire, le
caractère létal de la méthode envisagée, la force des impulsions, la présence de symp-
tômes psychotiques, les antécédents personnels de pensées et de tentatives de suicide,
les antécédents familiaux de comportements suicidaires, et l’utilisation de substances
actuelle ou passée. Le risque suicidaire varie selon un continuum qui va des souhaits
récurrents de mourir, des sentiments que les autres seraient soulagés par sa propre mort
(« pensées suicidaires passives »), de la verbalisation de projets suicidaires, jusqu’aux
comportements suicidaires manifestes.
La plupart des gens associent étroitement le suicide aux troubles de l’humeur, pro-
bablement parce que le comportement suicidaire est l’un des critères déinissant les
épisodes dépressifs caractérisés. C’est pour cette raison que le 3e embranchement de cet
arbre décisionnel propose un « mini-diagnostic différentiel » des affections du DSM-5
associées à une humeur dépressive, et que le 4e embranchement couvre les affections
qui présentent simultanément des symptômes dépressifs et maniaques (ce que l’on
appelle les états mixtes). Comme cela est illustré par cet arbre décisionnel, même si
l’idéation suicidaire est l’une des caractéristiques principales des troubles de l’humeur,
elle doit être prise en compte dans la prise en charge d’un vaste ensemble de troubles
du DSM-5. De plus, le risque de suicide augmente considérablement quand un patient
présente plus d’un trouble, car chacun de ces troubles peut contribuer indépendam-
ment au risque (p. ex. une association particulièrement fréquente et à haut risque inclut
le trouble dépressif caractérisé, le trouble de l’usage de l’alcool et la personnalité bor-
derline).
Le comportement suicidaire peut être la conséquence de symptômes autres que
l’humeur dépressive. Par exemple, un comportement suicidaire peut survenir sous
l’inluence d’idées délirantes ou d’hallucinations donnant des ordres (p.  ex. dans la
schizophrénie, le trouble bipolaire avec caractéristiques psychotiques ou le trouble
dépressif caractérisé avec caractéristiques psychotiques), peut être lié à une confusion
ou à d’autres altérations cognitives (p. ex. dans un état confusionnel, un trouble neuro-
cognitif majeur, une intoxication par une substance ou le sevrage d’une substance),
ou encore peut être le résultat d’une désinhibition (p. ex. dans un épisode maniaque ou
dans une intoxication par une substance). La personnalité borderline et la personnalité
antisociale comportent un risque de mort par suicide de 5 à 10 %, résultant probablement
de l’impulsivité, de la labilité de l’humeur, de la faible tolérance à la frustration, et des
fréquences élevées d’utilisation de substances, caractéristiques des sujets atteints de ces
troubles. De même, le trouble des conduites est un facteur prédictif important de sui-
cide chez les adolescents, en particulier lorsqu’il est associé à l’utilisation de substances
et à des symptômes thymiques.
L’évaluation des idées et des comportements suicidaires doit prendre en compte le
fait que de tels symptômes sont souvent feints pour obtenir une hospitalisation ou
pour « résoudre » d’autres problèmes existentiels. Les patients apprennent rapidement
l’eficacité d’une phrase telle que « je veux me tuer » pour inluencer des cliniciens, les
membres de leurs familles et d’autres personnes importantes dans leur vie. Dans la
simulation, la motivation du patient est un gain externe manifeste (p. ex. être transféré
de la prison à l’hôpital, trouver un endroit où passer la nuit). En revanche, la motivation
68 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

présumée dans le trouble factice est un besoin psychologique de jouer le rôle de malade,
particulièrement pour les sujets qui tentent de faire de l’hôpital leur domicile plus ou
moins permanent. On porte le diagnostic de trouble de l’adaptation chez les personnes
qui présentent des idées ou des comportements suicidaires en réponse à des facteurs
de stress psychosociaux, en l’absence d’autres symptômes qui pourraient satisfaire les
critères d’un trouble spéciique du DSM-5. Ce diagnostic est le plus souvent utilisé pour
décrire les comportements suicidaires des adolescents.
Une autre possibilité est que dans certaines circonstances extrêmes (p. ex. une mala-
die incurable en phase terminale), le désir de se tuer ne relève pas nécessairement d’un
trouble mental. Néanmoins, avant d’arriver à cette conclusion, une évaluation clinique
rigoureuse est nécessaire ain d’éliminer les autres causes d’idées suicidaires pouvant
bénéicier d’un traitement (p. ex. dépression, douleur, insomnie, psychose, état confu-
sionnel [delirium]).
2.11 Arbre décisionnel pour les idées ou les comportements suicidaires 69
70 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.11 Arbre décisionnel pour les idées ou les comportements suicidaires 71
72 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.12 Arbre décisionnel pour le ralentissement


psychomoteur
Le ralentissement psychomoteur est déini comme un ralentissement visible et généralisé
des mouvements et de la parole. Dans sa forme extrême, le ralentissement psychomo-
teur peut être caractérisé par une absence de réponse et un mutisme impossibles à dis-
tinguer de la stupeur catatonique. Le ralentissement psychomoteur doit être distingué
d’autres symptômes similaires. L’épuisement est une sensation subjective de manque
d’énergie ou de fatigue permanente, mais elle n’est pas accompagnée de preuves visibles
d’un ralentissement des mouvements. Les « membres en plomb » correspondent à la
sensation subjective d’avoir les bras et les jambes «  aussi lourds que du plomb  » et
font partie d’un ensemble de symptômes « atypiques » déinissant l’épisode dépressif
caractérisé avec caractéristiques atypiques. L’aboulie (un des symptômes négatifs de la
schizophrénie) est caractérisée par un manque de motivation à poursuivre des activités
plutôt qu’un ralentissement physique.
Les affections médicales peuvent être à l’origine d’un ralentissement psychomoteur
qui ne justiie pas habituellement un diagnostic indépendant de trouble mental. Il est
important de se rappeler que les modiications psychomotrices associées à l’état confu-
sionnel (delirium) vont dans les deux sens. Très peu de cliniciens passent à côté du
diagnostic des tableaux spectaculaires de l’état confusionnel (delirium) associé à une
agitation psychomotrice (p. ex. le patient arrachant sa perfusion). Mais les cas « tran-
quilles » d’état confusionnel (delirium) avec ralentissement psychomoteur ont plus de
risques de ne pas être diagnostiqués. Dans de tels cas, on note comme spéciication
du niveau d’activité psychomotrice qu’il est « hypoactif ». Une autre cause fréquente
non diagnostiquée de ralentissement psychomoteur est le syndrome parkinsonien
induit par des neuroleptiques. Cette distinction est compliquée par le fait que de nom-
breux troubles pour lesquels la prescription des neuroleptiques est justiiée peuvent
présenter par eux-mêmes un ralentissement psychomoteur (p. ex. la schizophrénie, le
trouble bipolaire ou le trouble dépressif caractérisé avec caractéristiques psychotiques,
l’état confusionnel). Un changement de traitement (p. ex. une diminution des doses de
neuroleptique ou la prescription d’un traitement anticholinergique) peut souvent être
utile pour faire cette distinction.
2.12 Arbre décisionnel pour le ralentissement psychomoteur 73
74 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.13 Arbre décisionnel pour l’anxiété 75

2.13 Arbre décisionnel pour l’anxiété


Comme c’est toujours le cas, la première étape du diagnostic différentiel consiste à
éliminer une affection médicale ou l’usage d’une substance/d’un médicament comme
cause physiologique directe de l’anxiété. Étant donné que l’anxiété peut être une carac-
téristique associée de l’état confusionnel (delirium) et du trouble neurocognitif majeur
ou léger, ces pathologies plus spéciiques sont également prises en compte dans cette
partie de l’arbre décisionnel.
Lorsque l’anxiété survient sous la forme d’épisodes distincts avec un début brutal
et qu’elle est accompagnée par un certain nombre des symptômes somatiques (p. ex.
palpitations, dyspnée, vertiges) et cognitifs (p. ex. peur de devenir fou ou d’avoir une
crise cardiaque), on porte le diagnostic d’attaque de panique (ou celui d’« attaques pau-
cisymptomatiques » si le nombre de symptômes caractéristiques reste en deçà du seuil
de quatre). Du fait des implications thérapeutiques spéciiques de l’attaque de panique,
un arbre décisionnel séparé (2.14) leur est consacré.
Les étapes restantes du diagnostic différentiel dans cet arbre décisionnel visent à
distinguer les troubles anxieux les uns des autres à partir de plusieurs questions : de
quoi l’individu a-t-il peur, quelles sont les situations évitées, et l’anxiété survient-elle
en réponse à un facteur de stress ? Dans le trouble panique, l’anxiété est liée à la crainte
d’avoir d’autres attaques de panique et aux conséquences possibles de ces attaques.
L’agoraphobie est similaire dans le sens où la personne a peur des endroits ou des
situations d’où il pourrait être dificile ou embarrassant de s’échapper en cas de sur-
venue d’une attaque de panique ou de symptômes de type panique, mais l’accent est
mis sur la peur et l’évitement de ces endroits ou situations plutôt que sur les attaques
de panique elles-mêmes. Ain de reléter le caractère plus large de l’évitement dans
l’agoraphobie (par rapport à celui plus limité dans des pathologies telles que la phobie
spéciique), le diagnostic d’agoraphobie requiert que l’individu craigne des situations
d’au moins deux «  clusters agoraphobogènes  »  : les transports publics, les espaces
ouverts, les espaces fermés, être dans une ille d’attente ou dans une foule, et être seul
à l’extérieur de chez soi. L’anxiété de séparation, l’anxiété sociale (phobie sociale), la
phobie spéciique et la crainte excessive d’avoir une maladie se focalisent chacune
sur des peurs et des évitements spéciiques (c.-à-d., respectivement, la séparation des
principales igures d’attachement, les situations où la personne peut être exposée
à l’observation attentive d’autrui, l’exposition à un objet craint [p. ex. une araignée] ou à
une situation redoutée [être dans un avion], avoir une maladie grave). Les affections
appartenant au groupe du trouble obsessionnel-compulsif et des troubles apparentés
peuvent aussi être associées à de l’anxiété (p. ex. anxiété associée à la préoccupation
concernant un défaut corporel imaginé dans l’obsession d’une dysmorphie corporelle,
au fait d’être contaminé dans le trouble obsessionnel-compulsif, au fait d’être obligé de
jeter des objets personnels dans la thésaurisation pathologique [syllogomanie]). Bien
que non incluse dans la classe diagnostique des troubles obsessionnels-compulsifs et
apparentés, l’anxiété généralisée est phénoménologiquement similaire dans le sens où
elle est caractérisée par des ruminations et inquiétudes excessives à propos d’événe-
ments désagréables, qui accompagnent l’anxiété chronique.
L’anxiété qui se développe en réponse à un facteur de stress traumatisant peut indi-
quer un trouble stress post-traumatique ou un trouble stress aigu si d’autres symp-
tômes caractéristiques sont également présents (c.-à-d. des symptômes envahissants
et d’évitement en lien avec l’événement stressant ou ses circonstances, des altérations
négatives de l’état cognitif et thymique, et des altérations de l’éveil et de l’activité).
76 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

La distinction entre les deux troubles est fondée sur la durée (c.-à-d. un mois ou moins
pour le trouble stress aigu, et plus d’un mois pour le trouble stress post-traumatique).
De l’anxiété se manifeste si souvent durant des épisodes dépressifs caractérisés, des
épisodes maniaques ou des épisodes hypomaniaques que cette association est plutôt la
règle que l’exception. Ain d’indiquer la présence de l’anxiété comme une comorbidité,
le DSM-5 a introduit la spéciication « avec détresse anxieuse » qui permet au clinicien
d’indiquer la sévérité de l’anxiété comorbide (allant de légère à grave). Enin, si l’anxiété
n’est pas expliquée de manière adéquate par l’une des étapes de l’arbre décisionnel,
un diagnostic selon le DSM-5 peut encore être indiqué. Si l’anxiété est une manifes-
tation symptomatique d’une réponse inadaptée à un facteur de stress psychosocial, le
diagnostic est trouble de l’adaptation avec anxiété. Dans le cas contraire, et si l’anxiété
est cliniquement signiicative et représente un dysfonctionnement psychologique ou
biologique de l’individu (pouvant ainsi être qualiiée de trouble mental), une catégorie
résiduelle peut être applicable. Dans ce cas, si le clinicien souhaite enregistrer la pré-
sentation symptomatique dans le dossier, il peut porter le diagnostic d’« autre trouble
anxieux spéciié », suivi par le motif spéciique, sinon il peut porter le diagnostic de
« trouble anxieux non spéciié ». Autrement, l’anxiété peut être considérée comme fai-
sant partie du répertoire normal des expressions émotionnelles et non pas comme la
marque d’un trouble mental.
2.13 Arbre décisionnel pour l’anxiété 77
78 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.13 Arbre décisionnel pour l’anxiété 79
80 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.14 Arbre décisionnel pour les attaques


de panique
Les attaques de panique sont des épisodes distincts de peur ou de malaise intenses,
accompagnés par des symptômes tels que des palpitations, des sensations de « soufle
coupé », de la transpiration, des tremblements, une déréalisation et une peur de perdre
le contrôle de soi ou de mourir. Bien que la présence d’attaques de panique soit requise
pour le diagnostic de trouble panique, ces attaques surviennent également dans
d’autres troubles du DSM-5 énumérés dans l’arbre décisionnel. Par exemple, un patient
ayant une phobie des serpents qui met le pied sur un serpent lors d’une randonnée
pourrait facilement présenter une attaque de panique qui serait en faveur d’une phobie
spéciique plutôt que d’un trouble panique.
La première étape du diagnostic différentiel d’une attaque de panique consiste à
éliminer l’utilisation d’une substance/d’un médicament comme facteur étiologique.
Un certain nombre des substances et de médicaments peuvent induire des attaques
de panique si les doses sont sufisamment importantes ou lors du sevrage. La caféine
étant une cause fréquente mais méconnue dans ce domaine, il est indispensable d’avoir
une anamnèse détaillée sur la consommation de boissons caféinées. On porte le diag-
nostic de trouble anxieux induit par une substance/un médicament si les attaques de
panique en lien avec l’utilisation de substances justiient une prise en charge clinique ;
autrement, les diagnostics d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une sub-
stance peuvent sufire. Parfois, des personnes présentent leur première attaque de
panique après une prise de substance et développent ensuite des nouvelles attaques
de panique en dehors de toute prise de substances. De telles attaques ultérieures ne
doivent pas être considérées comme induites par des substances mais peuvent plutôt
justiier un diagnostic de trouble panique.
Ensuite, il faut rechercher si l’étiologie est en rapport avec des affections médicales,
telles qu’une hyperthyroïdie ou un phéochromocytome. Si des arguments indiquent
qu’une affection médicale est la cause directe des attaques de panique (p. ex. le début
des attaques de panique coïncide avec le début de l’affection médicale, et les attaques
de panique cessent après l’initiation d’un traitement eficace de l’affection médicale),
on peut porter le diagnostic de trouble anxieux dû à une autre affection médicale. Bien
que le prolapsus de la valve mitrale semble être plus fréquent chez les personnes ayant
des attaques de panique, une connexion étiologique directe n’a pas été établie  ; par
conséquent, un individu présentant un prolapsus de la valve mitrale et des attaques de
panique est considéré comme ayant un trouble panique primaire.
Une fois qu’il est clair que les attaques de panique ne sont pas la conséquence physio-
logique directe d’une substance ou d’une affection médicale, l’étape suivante consiste
à rechercher un lien entre les attaques de panique et une éventuelle situation déclen-
chante. Par déinition, dans le trouble panique, au moins deux attaques de panique
n’ont pas de facteur déclenchant – c’est-à-dire qu’il n’existe aucun lien entre les attaques
de panique et un indice situationnel (c.-à-d. que les attaques surviennent à l’impro-
viste). En revanche, les attaques de panique qui surviennent chez les patients ayant une
anxiété sociale (phobie sociale), une phobie spéciique, une anxiété de séparation, un
trouble stress post-traumatique ou un trouble stress aigu, une crainte excessive d’avoir
une maladie, un trouble obsessionnel-compulsif et une anxiété généralisée sont étroi-
tement liées à une situation déclenchante particulière (p. ex. respectivement, des situa-
tions sociales comme parler en public, des situations particulières comme les espaces
fermés, être séparé des principales igures d’attachement, être exposé à des stimuli
associés à un traumatisme, la possibilité d’avoir une maladie grave, des préoccupations
2.14 Arbre décisionnel pour les attaques de panique 81

obsessionnelles comme des peurs de contamination, des inquiétudes à propos de cer-


tains événements ou situations). Si les attaques de panique ne représentent pas une
caractéristique associée à un trouble spéciique du DSM-5 mais semblent néanmoins
cliniquement signiicatives, on peut porter le diagnostic de trouble de l’adaptation (si
les attaques de panique surviennent en réponse à un facteur de stress psychosocial)
ou le diagnostic d’une catégorie résiduelle (autre trouble anxieux spéciié ou trouble
anxieux non spéciié). Enin, les attaques de panique déclenchées par une menace
réelle (p. ex. être menacé par une arme à feu) ou l’expérience d’une attaque de panique
unique et isolée (ou des attaques de panique très occasionnelles) ne justiient pas un
diagnostic de trouble mental.
82 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.15 Arbre décisionnel pour le comportement évitant 83

2.15 Arbre décisionnel


pour le comportement évitant
Le comportement évitant est souvent adapté (particulièrement dans certaines situa-
tions réellement dangereuses). Cet arbre décisionnel s’applique uniquement lorsque
l’évitement est expliqué par des craintes excessives et non réalistes et qu’il aboutit à une
détresse ou une altération signiicative du fonctionnement. L’évitement est un symp-
tôme assez omniprésent et non spéciique et il représente une caractéristique associée à
de nombreux troubles. L’évaluation de ce symptôme requiert de déterminer les circons-
tances spéciiques qui l’ont déclenché. Cet arbre décisionnel est l’un des rares dans ce
livre à ne pas comporter des étapes diagnostiques pour éliminer l’usage d’une subs-
tance/d’un médicament ou une affection médicale comme facteurs étiologiques. Cela
est dû au fait que le comportement évitant est presque toujours une réaction psycholo-
gique à une anxiété ou à une peur sous-jacentes. Bien que l’usage d’une substance/d’un
médicament ou une affection médicale puissent provoquer de l’anxiété, le manque
d’associations contextuelles rend improbable le développement d’un comportement
d’évitement lié au trouble anxieux induit par une substance/un médicament ou au
trouble anxieux dû à une affection médicale.
La première étape consiste à déterminer si le comportement évitant concerne des
situations ou des lieux multiples. Le cas échéant, et si les situations sont évitées à cause
de pensées qu’il pourrait être dificile de s’échapper ou que de l’aide pourrait ne pas être
disponible en cas de survenue des symptômes de type panique, on peut porter le diag-
nostic d’agoraphobie. Les personnes associent le risque d’avoir une attaque de panique
ou des symptômes similaires à la panique à des endroits ou des situations particulières
qui deviennent alors des stimuli conditionnés particulièrement susceptibles de déclen-
cher des attaques supplémentaires. Par la suite, les personnes vont éviter ce qui leur
semble être des situations «  déclenchantes  » dans le but de réduire au minimum le
risque d’avoir des attaques de panique ou des symptômes de type panique.
L’évitement dans l’anxiété sociale (phobie sociale) est lié à la crainte d’être embarrassé
socialement. Cet évitement se manifeste sous deux formes : la forme de l’anxiété sociale
qui est liée à la performance concerne l’évitement des activités publiques (p. ex. parler,
jouer de la musique, jouer un rôle, manger, uriner, écrire) qui peuvent être facilement
effectuées par le sujet dans l’intimité de son propre domicile – cette forme peut être
indiquée par la spéciication «  seulement de performance  », et la forme généralisée
qui  comprend pratiquement toutes les situations impliquant une interaction sociale
et qui dans de nombreux cas peut être quasiment identique à la personnalité évitante.
Les phobies spéciiques nécessitent probablement une certaine interaction entre des
peurs innées prédéterminées et la survenue d’expériences de vie précoces aversives qui
renforcent ces peurs. Dans l’anxiété de séparation, qui peut survenir durant l’enfance ou
l’âge adulte, la personne évite les situations dans lesquelles elle est loin des principales
igures d’attachement. Dans le trouble stress post-traumatique ou le trouble stress aigu,
les sujets évitent les situations qui rappellent le facteur de stress traumatisant (p. ex.
quelqu’un qui ressemble à l’assaillant, des bruits intenses qui rappellent la guerre, des
tremblements qui rappellent un séisme). Certaines personnes ayant un trouble obses-
sionnel-compulsif apprennent que l’évitement de certaines situations déclenchantes
préviendra l’apparition des obsessions (p.  ex. le fait d’éviter des poignées de main
permettra de réduire les obsessions de contamination). De même, certains individus
ayant une crainte excessive d’avoir une maladie vont éviter des situations qui selon
84 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

eux pourraient compromettre leur santé (p. ex. rendre visite à des parents malades) de
crainte qu’elles ne déclenchent des ruminations d’avoir contracté une maladie grave.
De nombreux autres troubles psychiatriques peuvent comporter de l’évitement
comme caractéristique associée. Par exemple, un comportement d’évitement peut sur-
venir dans un trouble psychotique dans le contexte d’un système délirant particulier,
comme cela peut être le cas chez un patient délirant qui évite de sortir par crainte
d’être espionné par la police. Une baisse de la motivation, qui peut être due à l’anhé-
donie dans un épisode dépressif caractérisé ou faire partie des symptômes négatifs de
la schizophrénie, peut amener à un évitement généralisé des sorties en dehors de la
maison. Une personne présentant une dysfonction sexuelle peut éviter les situations
intimes à cause de la crainte d’avoir une faible performance sexuelle médiocre. Les
sujets atteints d’anorexie mentale et de restriction ou évitement de l’ingestion d’ali-
ments évitent certains aliments (p. ex. des aliments riches en calories dans l’anorexie
mentale, des aliments tenus en aversion dans la restriction ou l’évitement de l’ingestion
d’aliments), ce qui conduit à une perte de poids cliniquement signiicative et une éven-
tuelle malnutrition. Un mode général d’évitement caractérise la personnalité évitante
qui, par déinition, apparaît au début de l’âge adulte et a tendance à être relativement
persistante et stable durant la vie entière.
Enin, si le comportement évitant n’est pas expliqué d’une manière adéquate par l’une
des étapes de l’arbre décisionnel, un diagnostic selon le DSM-5 peut encore être indi-
qué. Si le comportement évitant est une manifestation symptomatique d’une réponse
inadaptée à un facteur de stress psychosocial, on peut porter le diagnostic de trouble
de l’adaptation. Dans le cas contraire, et si le comportement évitant est cliniquement
signiicatif et s’il représente un dysfonctionnement psychologique ou biologique de
l’individu (pouvant ainsi être qualiié de trouble mental), une catégorie résiduelle peut
être applicable. Le DSM-5 ne comporte pas de catégorie résiduelle pour le comporte-
ment évitant en soi. La catégorie résiduelle la plus proche serait « autre trouble anxieux
spéciié » ou « trouble anxieux non spéciié » parce que l’évitement sert probablement
à empêcher une certaine forme d’anxiété. Le choix de la catégorie dépend du désir du
clinicien d’enregistrer la présentation symptomatique dans le dossier (il peut porter
le diagnostic d’autre trouble anxieux spéciié, suivi par la raison spéciique) ou non (il
peut porter le diagnostic de trouble anxieux non spéciié). Autrement, le comportement
évitant peut être considéré comme faisant partie du répertoire normal des comporte-
ments humains et non pas comme la marque d’un trouble mental.
2.15 Arbre décisionnel pour le comportement évitant 85
86 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.16 Arbre décisionnel pour les étiologies impliquant un traumatisme... 87

2.16 Arbre décisionnel pour les étiologies


impliquant un traumatisme ou un facteur
de stress psychosocial
Les facteurs de stress psychosociaux sont importants dans la pathogenèse de tous
les troubles du DSM-5, mais ils ont un rôle étiologique spéciique qui entre dans la
déinition de quelques troubles seulement. Selon le DSM-5, quatre troubles ne peu-
vent être diagnostiqués que chez des personnes qui ont été exposées à un facteur de
stress extrême  : le trouble stress post-traumatique, le trouble stress aigu, le trouble
réactionnel de l’attachement et la désinhibition du contact social. Le trouble stress
post-traumatique exige l’exposition à un événement qui comporte la mort effective
ou une menace de mort, une blessure grave ou des violences sexuelles, et est caracté-
risé par des symptômes envahissants persistants associés à l’événement traumatique
(p.  ex. souvenirs envahissants de l’événement, rêves provoquant un sentiment de
détresse, lash-backs, détresse lors de l’exposition à des indices évoquant l’événement),
par l’évitement des stimuli associés à l’événement, par des altérations négatives des
cognitions et de l’humeur associées à l’événement (p. ex. croyances négatives concer-
nant soi-même ou le monde, distorsions cognitives poussant à croire que soi-même ou
les autres sont coupables, sentiment de détachement, état émotionnel négatif persistant,
incapacité d’éprouver des émotions positives), et des altérations marquées de l’éveil et
de la réactivité. La symptomatologie du trouble stress aigu ressemble étroitement à
celle du trouble stress post-traumatique, avec la différence que les symptômes durent
moins d’un mois. Le trouble réactionnel de l’attachement et la désinhibition du contact
social sont deux troubles qui supposent d’avoir été longtemps exposé comme jeune
enfant à des niveaux extrêmes de négligence ou de carence éducatives, comme des
changements répétés des personnes qui s’occupent principalement de l’enfant ou le fait
de grandir dans des institutions démunies en personnel.
Bien que cela ne soit pas exigé dans la déinition de ces troubles, le trouble psycho-
tique bref, l’amnésie dissociative et le trouble de conversion (trouble à symptomatologie
neurologique fonctionnelle) se développent souvent en réponse à un facteur de stress
psychosocial grave. Un diagnostic de trouble psychotique bref s’applique si la réaction
un facteur de stress extrême implique le développement de symptômes psychotiques
qui durent moins d’un mois. Le diagnostic d’amnésie dissociative peut s’appliquer si la
personne est incapable de se rappeler des informations autobiographiques importantes
liées à une expérience traumatique. Un diagnostic de trouble de conversion peut s’appli-
quer si la personne développe des symptômes d’altération de la motricité volontaire
ou des fonctions sensorielles qui sont incompatibles avec une étiologie neurologique
reconnue en réponse à un facteur de stress psychosocial. Bien que le développement de
ces trois troubles soit souvent lié à l’exposition à un facteur stressant traumatique, ces
affections peuvent également survenir en l’absence d’exposition à un facteur stressant.
De nombreux cliniciens sont embarrassés par la relation entre les troubles de l’adap-
tation et les autres affections du DSM-5 qui sont souvent déclenchées par la présence
d’un facteur de stress psychosocial. Le trouble de l’adaptation est un diagnostic qui est
porté devant les tableaux cliniques où une réponse inadaptée à un facteur de stress
provoque une détresse ou une altération du fonctionnement cliniquement signiica-
tives, sans que le seuil diagnostique d’un trouble spéciique du DSM-5 ne soit atteint.
Inversement, quand les critères d’un trouble spéciique du DSM-5 sont remplis, ce
trouble est diagnostiqué indépendamment de la présence ou de l’absence d’un facteur
88 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

de stress associé. Par exemple, dans le cas d’une réaction dépressive survenant en
réponse à la perte d’un emploi ou à la découverte d’une maladie grave, le diagnostic
est celui de trouble dépressif caractérisé si la réaction remplit tous les critères d’un
épisode dépressif caractérisé. Une réaction dépressive moins grave, mais cliniquement
signiicative, pourrait être plutôt diagnostiquée comme un trouble de l’adaptation avec
humeur dépressive.
Enin, certaines personnes, suite à la perte d’un être cher, développent une réponse
de deuil persistante, prolongée et anormale, qui a été dénommée «  deuil complexe
persistant » (cf. « Affections proposées pour des études supplémentaires » dans la sec-
tion III du DSM-5). Cette affection implique la persistance pendant au moins 12 mois
de symptômes tels qu’un désir ou une nostalgie extrêmes concernant le défunt, une
douleur émotionnelle et une peine intenses, et des préoccupations à propos du défunt
et des circonstances de sa mort. Bien qu’il existe sans aucun doute des personnes
qui souffrent de ce syndrome et qui pourraient bénéicier d’une prise en charge, les
auteurs du DSM-5 ont estimé que l’on ne disposait pas de données sufisantes sur les
éléments spéciiques de la déinition de cette affection pour justiier son inclusion dans
la partie principale du DSM-5. Les cliniciens souhaitant porter ce diagnostic doivent
indiquer « autre trouble lié à des traumatismes ou à des facteurs de stress, spéciié » et
préciser « deuil complexe persistant ».
2.16 Arbre décisionnel pour les étiologies impliquant un traumatisme... 89
90 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.17 Arbre décisionnel pour les plaintes somatiques ou l’anxiété... 91

2.17 Arbre décisionnel pour les plaintes


somatiques ou l’anxiété concernant
une maladie/l’apparence
Quand un patient présente des plaintes somatiques qui entraînent une détresse,
le diagnostic différentiel se concentre généralement sur la détermination de l’affec-
tion médicale qui explique le mieux les symptômes somatiques. Cependant, quand
les plaintes somatiques sont accompagnées par des pensées, des sentiments et des
comportements anormaux, la présence d’un trouble à symptomatologie somatique ou
d’un autre trouble mental doit être envisagée.
Des plaintes physiques qui sont feintes par le patient justiient le diagnostic soit de
trouble factice, soit de simulation, état qui n’est pas considéré comme un trouble. La
distinction entre ces deux situations repose sur l’examen du contexte dans lequel les
symptômes somatiques se sont développés. Quand la falsiication de symptômes sur-
vient en l’absence de bénéices externes évidents, le diagnostic de trouble factice est
porté. En revanche, l’imitation de symptômes somatiques dans un contexte où leur
présence procure à la personne des avantages inanciers ou autres évidents suggère la
simulation d’une maladie.
Des plaintes somatiques peuvent constituer la manifestation d’une grande variété
d’affections psychiatriques. L’intoxication par une substance ou le sevrage d’une sub-
stance se traduisent typiquement par un syndrome caractéristique comprenant des
symptômes somatiques et comportementaux. Les états d’anxiété intense sont associés
de façon caractéristique avec diverses plaintes somatiques. Par conséquent, les plaintes
somatiques sont couramment associées à de nombreux troubles anxieux. Dans le cas
de certains troubles anxieux, comme le trouble panique et l’anxiété généralisée, les
plaintes somatiques caractéristiques et pénibles sont le motif qui pousse les patients à
demander des soins. Dans d’autres cas, les plaintes somatiques peuvent être liées aux
manifestations d’un trouble psychotique (p.  ex. des idées délirantes somatiques) ou
d’un trouble obsessionnel-compulsif ou apparenté, comme la préoccupation par un
défaut physique imaginé dans l’obsession d’une dysmorphie corporelle.
Quand les plaintes somatiques sont elles-mêmes le souci principal du patient, le
diagnostic le plus approprié est probablement celui de l’un des troubles à symptoma-
tologie somatique et apparentés. Chez les personnes présentant des symptômes neu-
rologiques, comme des paralysies ou des convulsions qui, selon les examens cliniques
et complémentaires, ne se conforment pas au tableau caractéristique d’une affection
neurologique ou médicale connue, on peut porter le diagnostic de trouble de conver-
sion (trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle). D’autres types de plaintes
somatiques, quand elles sont accompagnées par des pensées disproportionnées quant à
la sévérité de la maladie, par des niveaux constamment élevés d’anxiété à propos de la
santé ou des symptômes, ou par une énergie et un temps excessifs consacrés aux symp-
tômes ou aux préoccupations pour la santé, peuvent justiier un diagnostic de trouble
à symptomatologie somatique. À la différence des troubles somatoformes du DSM-IV
où les plaintes somatiques devaient être, par déinition, sans explication médicale, un
diagnostic de trouble à symptomatologie somatique dans le DSM-5 peut être porté chez
des personnes qui ont une affection médicale avérée. Le diagnostic selon le DSM-5
repose sur la présence de cognitions, de sentiments et de comportements qui sont, selon
le jugement du clinicien, « excessifs » par rapport à la nature de l’affection médicale.
Ain d’éviter de « pathologiser » des réactions adaptées à une affection médicale sévère
ou handicapante, ce diagnostic doit être porté avec prudence chez des personnes souf-
frant d’une maladie et il doit être réservé aux cas où les réactions de la personne malade
sont clairement extrêmes et inadaptées.
92 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.17 Arbre décisionnel pour les plaintes somatiques ou l’anxiété... 93
94 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.18 Arbre décisionnel


pour les modiications de l’appétit
et les comportements alimentaires
inhabituels
Cet arbre décisionnel aborde plusieurs symptômes divers qui sont associés à l’ali-
mentation : les modiications du poids et de l’appétit, les accès hyperphagiques (binge-
eating), le mérycisme et le pica. Comme des modiications de l’appétit et du poids sont
couramment entraînées par des affections médicales, il faut tout d’abord exclure la
présence d’un cancer, de perturbations endocriniennes, d’infections chroniques et
d’autres maladies avant de supposer que les symptômes ont une origine psychiatrique.
C’est particulièrement le cas quand la perte ou la prise de poids atteignent des propor-
tions majeures et sont concomitantes d’autres symptômes somatiques. Il faut noter que
l’obésité est répertoriée dans l’arbre décisionnel parmi les causes médicales possibles
dans le diagnostic différentiel d’une prise de poids. Cela traduit le fait que l’obésité
(déinie par un index de masse corporelle [IMC] ≥ 30 kg/m2) n’est pas considérée en
elle-même comme un trouble mental mais plutôt comme une affection médicale. Un
IMC ≥ 30 kg/m2 n’est considéré comme faisant partie d’un trouble psychiatrique que
s’il est la conséquence d’un mode d’alimentation perturbé (comme dans le trouble accès
hyperphagiques [binge-eating disorder]).
Des modiications de l’appétit et du poids (dans les deux sens) sont également sou-
vent causées par l’utilisation de certaines drogues donnant lieu à abus (notamment les
psychostimulants et le cannabis) et de certains médicaments obtenus sur prescription
médicale. En fait, une des principales raisons de mauvaise observance de nombreux
traitements psychotropes (p. ex. inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine,
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, antidépresseurs
tricycliques, lithium, divalproate, inhibiteurs de la monoamine-oxydase, antipsy-
chotiques atypiques) est la peur de l’augmentation de poids qui accompagne souvent
leur prise. Élucider la cause des modiications du poids peut être dificile car de nom-
breuses affections soignées par ces psychotropes sont elles-mêmes associées à des
variations pondérales indépendamment de l’utilisation des médicaments. Par exem-
ple, si un patient déprimé prend du poids alors qu’il est soigné par un antidépresseur,
cela peut être un effet indésirable de l’antidépresseur, un symptôme caractéristique de
dépression, ou encore un effet désirable du traitement (p. ex. un retour de l’appétit chez
quelqu’un qui avait auparavant perdu l’envie de manger).
Comme les modiications de l’appétit et les prises ou pertes de poids sont fréquentes
dans de nombreux troubles mentaux, elles sont relativement peu spéciiques par elles-
mêmes et fournissent peu d’indices pour le diagnostic différentiel. Il faut donc faire
attention à la relation temporelle avec les autres symptômes du tableau clinique avant
de décider quelle est l’explication la plus adaptée pour les modiications de l’appétit
ou du poids. Par exemple, est-ce que la personne ne mange pas à cause de croyances
délirantes que la nourriture est empoisonnée (comme dans le trouble délirant), à cause
de sentiments d’indignité et d’une perte du plaisir de manger (comme dans le trouble
dépressif caractérisé), ou à cause d’un appétit diminué ou parce qu’elle est « trop occu-
pée » (comme dans un épisode maniaque) ?
Chez certaines personnes, la perte ou la prise de poids sont le plus souvent asso-
ciées à un tableau clinique spéciique comprenant des distorsions graves de l’image du
corps et/ou des accès hyperphagiques. Dans l’anorexie mentale, la peur pathologique
2.18 Arbre décisionnel pour les modiications de l’appétit... 95

d’être (ou de devenir) gros(se) entraîne un poids qui est souvent dangereusement bas.
Certaines personnes ayant une anorexie mentale ont des accès hyperphagiques et des
comportements purgatifs, alors que d’autres parviennent à un poids faible uniquement
par le jeûne et l’exercice physique. À la différence des personnes ayant une anorexie
mentale, celles qui présentent une boulimie (bulimia nervosa) ont un poids qui est nor-
mal ou supérieur à la normale. Elles s’engagent dans des cycles d’accès hyperphagiques
qui sont compensés par le recours à des méthodes inadaptées pour contrecarrer les
effets de leur absorption excessive de calories (p.  ex. vomissements provoqués, abus
de laxatifs, jeûne, exercice physique à outrance). Les personnes présentant des accès
hyperphagiques (binge-eating disorder) ont régulièrement des crises de gloutonne-
rie (c.-à-d. au moins une fois/semaine pendant au moins 3 mois) sans recourir à des
comportements compensatoires inappropriés pour prévenir une prise de poids. Ces
personnes sont donc typiquement en surpoids. Certains individus ont une perte de
poids signiicative (ou bien sont incapables d’atteindre le poids attendu) en l’absence
d’une peur de prendre du poids ou de devenir gros. La perte de poids résulte plutôt
d’un manque d’intérêt pour l’alimentation, ou d’un évitement de la nourriture fondé
sur ses caractéristiques sensorielles (p. ex. aspect, couleur, texture, température ou goût
des aliments), ou encore de l’anticipation de conséquences négatives comme s’étouffer
avec un aliment. On peut porter chez ces individus le diagnostic de restriction ou évi-
tement de l’ingestion d’aliments.
L’arbre décisionnel contient également plusieurs perturbations de l’alimentation qui
surviennent essentiellement chez les nourrissons, les jeunes enfants ou les personnes
présentant un handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel). Le pica
est l’ingestion répétée et non adaptée de substances non nutritives, d’une façon qui ne
correspond pas au niveau de développement de l’individu (p. ex. copeaux de peinture,
icelle, terre, déjections d’animaux). Le mérycisme désigne la régurgitation répétée et
le remâchage de la nourriture. La restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments,
catégorie diagnostique discutée précédemment, s’applique également aux nourrissons
ou aux enfants présentant une perte de poids grave (ou ne parvenant pas à atteindre le
poids attendu) ; ce trouble résulte généralement de l’interaction entre un enfant dificile
à nourrir et un adulte inexpérimenté.
Des modiications cliniquement signiicatives du poids ainsi que des comportements
alimentaires pathologiques qui n’ont pas encore été abordés dans cet arbre décisionnel
peuvent survenir en réponse à des facteurs de stress psychosociaux. Dans ces cas, un
diagnostic de trouble de l’adaptation est éventuellement pertinent. D’autres troubles de
l’alimentation cliniquement signiicatifs mais qui ne répondent pas aux critères de l’un
des troubles des conduites alimentaires spéciiques du DSM-5 (p. ex. comportements
purgatifs répétés sans accès hyperphagiques) peuvent être diagnostiqués au moyen
d’une catégorie résiduelle. Si le clinicien souhaite noter le tableau symptomatique dans
le dossier, il peut porter le diagnostic « autre trouble de l’alimentation ou de l’ingestion
d’aliments, spéciié » et indiquer la raison spéciique ; dans le cas contraire, le diagnos-
tic «  trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments, non spéciié  » est utilisé.
Enin, il est important de se rappeler que les préoccupations concernant l’apparence
du corps et la prise ou perte de poids, ainsi que les régimes alimentaires à la mode,
sont des questions très présentes dans la vie normale. Les diagnostics « autre trouble
de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments, spéciié » et « trouble de l’alimentation
ou de l’ingestion d’aliments, non spéciié » ne doivent être employés que si la perturba-
tion de l’alimentation représente un dysfonctionnement psychologique ou biologique
chez la personne.
96 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.18 Arbre décisionnel pour les modiications de l’appétit... 97
98 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.19 Arbre décisionnel pour l’insomnie 99

2.19 Arbre décisionnel pour l’insomnie


L’insomnie est déinie dans le DSM-5 comme une insatisfaction liée à la quantité ou à la
qualité du sommeil, avec des plaintes concernant la dificulté à trouver le sommeil ou
à rester endormi. Des substances donnant lieu à abus ainsi que de nombreux médica-
ments obtenus avec ou sans ordonnance peuvent engendrer de l’insomnie comme effet
indésirable signiicatif. Pour les substances donnant lieu à abus, le diagnostic d’intoxi-
cation par une substance ou de sevrage d’une substance couvre en général les symp-
tômes d’insomnie. Un diagnostic de trouble du sommeil induit par une substance/un
médicament, type insomnie ne peut être évoqué que si l’insomnie prédomine dans
le tableau clinique et si elle est sufisamment grave pour justiier une prise en charge
clinique. On peut aussi porter le diagnostic de trouble du sommeil induit par une sub-
stance/un médicament pour une insomnie cliniquement sévère induite par des médi-
caments.
Il faut ensuite exclure le rôle étiologique d’autres troubles du sommeil plus spéci-
iques dans l’insomnie ; en effet, les manifestations de ces autres troubles du sommeil
peuvent aussi interrompre le sommeil nocturne. La narcolepsie est caractérisée par
des périodes récurrentes d’un besoin irrépressible de sommeil accompagnées de cata-
plexie (c.-à-d. des épisodes brefs de perte soudaine et bilatérale du tonus musculaire
provoqués par le rire), une déicience en hypocrétine (mesurée dans le liquide cépha-
lorachidien) ou des résultats polysomnographiques caractéristiques (c.-à-d. latence du
sommeil paradoxal inférieure ou égale à 15 minutes, ou test itératif de latence d’endor-
missement avec une latence d’endormissement moyenne de 8  minutes ou moins, et
endormissements en sommeil paradoxal à au moins deux reprises). Le DSM-5 inclut
trois troubles différents dans la section sur les troubles du sommeil liés à la respira-
tion, chacun pouvant être la cause d’une insomnie à cause de réveils au cours de la
nuit. L’apnée/hypopnée obstructive du sommeil, forme la plus fréquente de trouble du
sommeil lié à la respiration, est caractérisée par des épisodes répétés d’obstruction des
voies aériennes supérieures survenant pendant le sommeil. L’apnée centrale du som-
meil est caractérisée par des épisodes répétés d’apnées et d’hypopnées pendant le som-
meil occasionnés par une instabilité de l’effort respiratoire. L’hypoventilation liée au
sommeil est caractérisée par des épisodes de baisse de ventilation pendant le sommeil
associés à des taux élevés de CO2. Les troubles de l’éveil en sommeil non paradoxal sont
caractérisés par des épisodes récurrents de réveil incomplet, survenant habituellement
pendant le premier tiers de la nuit, qui peuvent prendre la forme de terreurs nocturnes
ou de somnambulisme. Les cauchemars et les troubles du comportement en sommeil
paradoxal sont des phénomènes problématiques qui se produisent pendant le sommeil
paradoxal : des rêves prolongés, extrêmement dysphoriques, dont le souvenir persiste
lors de l’éveil pour les cauchemars, et des réveils répétés pendant le sommeil para-
doxal associés à des vocalisations ou des comportements moteurs complexes pour les
troubles du comportement en sommeil paradoxal. Le syndrome des jambes sans repos
est caractérisé par un besoin récurrent et persistant de bouger les jambes en réponse
à des sensations désagréables. Le trouble de l’alternance veille-sommeil lié au rythme
circadien est caractérisé par un décalage entre les horaires de la personne et son rythme
endogène d’alternance veille-sommeil. L’insomnie qui survient exclusivement pendant
l’un de ces troubles du sommeil et qui est correctement expliquée par ce trouble ne
justiie pas un diagnostic séparé d’insomnie. Si la gravité de l’insomnie dépasse ce que
l’on attendrait d’un autre trouble du sommeil ou survient à des moments où ce trouble
du sommeil n’est pas présent, un diagnostic d’insomnie comorbide peut être approprié.
100 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

L’étape suivante consiste à évaluer si l’insomnie est un symptôme d’un autre trouble
mental. Un certain nombre de troubles mentaux, tels que le trouble dépressif carac-
térisé, peuvent inclure des symptômes importants d’insomnie. Si l’insomnie est bien
expliquée par la présence du trouble mental, on porte uniquement le diagnostic de ce
trouble mental et on ne porte pas un diagnostic additionnel d’insomnie. Néanmoins,
si l’insomnie prédomine dans le tableau clinique et si elle est sufisamment grave pour
justiier une prise en charge clinique, on peut porter un diagnostic comorbide d’insom-
nie. De même, un certain nombre d’affections médicales, telles que les dorsalgies, peu-
vent perturber considérablement le sommeil. Un diagnostic additionnel d’insomnie
peut néanmoins être justiié dans ces cas si l’insomnie n’est pas correctement expliquée
par l’affection médicale.
Certaines dificultés d’endormissement (ou de maintien du sommeil) peuvent sur-
venir dans la vie de tout un chacun, particulièrement en rapport avec des facteurs
de stress psychosociaux ou avec l’âge. L’insomnie ne doit être considérée comme un
symptôme d’un trouble mental que si elle est sévère, prolongée et si elle est à l’origine
d’une détresse ou d’une altération du fonctionnement cliniquement signiicatives.
2.19 Arbre décisionnel pour l’insomnie 101
102 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.19 Arbre décisionnel pour l’insomnie 103
104 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.20 Arbre décisionnel


pour l’hypersomnolence
L’hypersomnolence est un terme diagnostique général qui englobe des symptômes liés à
une quantité excessive de sommeil (p. ex. un sommeil nocturne prolongé ou des siestes
diurnes involontaires), une détérioration de la qualité de l’état de veille (c.-à-d. des dif-
icultés à se réveiller et l’incapacité de rester éveillé quand c’est nécessaire) et l’inertie
du sommeil (c.-à-d. une période d’altération des performances et de vigilance réduite
au moment du réveil). On ne peut porter un diagnostic d’hypersomnolence que si la
personne a pu bénéicier régulièrement de quantités sufisantes de sommeil – ce diag-
nostic n’est pas justiié chez des personnes qui présentent une privation de sommeil,
soit du fait d’une insomnie, soit pour répondre à un mode de vie surchargé.
Des substances donnant lieu à abus et de nombreux médicaments obtenus avec ou
sans ordonnance peuvent induire une somnolence diurne comme effet secondaire.
Pour les substances donnant lieu à abus, le diagnostic d’intoxication par une substance
ou de sevrage d’une substance couvre en général les symptômes d’hypersomnolence.
Un diagnostic de trouble du sommeil induit par une substance/un médicament, type
somnolence diurne, ne peut être évoqué que si l’hypersomnolence prédomine dans
le tableau clinique et si elle est sufisamment grave pour justiier une prise en charge
clinique. On peut aussi porter le diagnostic de trouble du sommeil induit par un médi-
cament pour une hypersomnolence cliniquement sévère en lien avec des médicaments.
Il faut ensuite éliminer d’autres troubles du sommeil spéciiques comme cause de
l’hypersomnolence  ; en effet, une somnolence diurne est un élément caractéristique
de certains troubles du sommeil (p. ex. la narcolepsie) ou peut être la conséquence de la
perturbation du sommeil nocturne causée par d’autres troubles du sommeil (p. ex. des
cauchemars). La narcolepsie est caractérisée par des périodes récurrentes d’un besoin
irrépressible de sommeil accompagnées de cataplexie (c.-à-d. des épisodes brefs de
perte soudaine et bilatérale du tonus musculaire provoqués par le rire), une déicience
en hypocrétine (mesurée dans le liquide céphalorachidien), ou des résultats polysom-
nographiques caractéristiques (c.-à-d. latence du sommeil paradoxal inférieure ou égale
à 15 minutes, ou test itératif de latence d’endormissement avec une latence d’endormis-
sement moyenne de 8 minutes ou moins, et endormissements en sommeil paradoxal à
au moins deux reprises). Le DSM-5 inclut trois troubles différents dans la section sur
les troubles du sommeil liés à la respiration, chacun pouvant être la cause d’une som-
nolence diurne. L’apnée/hypopnée obstructive du sommeil, forme la plus fréquente de
trouble du sommeil lié à la respiration, est caractérisée par des épisodes répétés d’obs-
truction des voies aériennes supérieures survenant pendant le sommeil. L’apnée centrale
du sommeil est caractérisée par des épisodes répétés d’apnées et d’hypopnées pendant
le sommeil occasionnés par une instabilité de l’effort respiratoire. L’hypoventilation
liée au sommeil est caractérisée par des épisodes de baisse de ventilation pendant le
sommeil associés à des taux élevés de CO2. Les troubles de l’éveil en sommeil non
paradoxal sont caractérisés par des épisodes récurrents de réveil incomplet, survenant
habituellement pendant le premier tiers de la nuit, qui peuvent prendre la forme de
terreurs nocturnes ou de somnambulisme. Les cauchemars et les troubles du compor-
tement en sommeil paradoxal sont des phénomènes problématiques qui se produisent
pendant le sommeil paradoxal : des rêves prolongés, extrêmement dysphoriques, dont
le souvenir persiste lors de l’éveil pour les cauchemars, et des réveils répétés pen-
dant le sommeil paradoxal associés à des vocalisations ou des comportements moteurs
complexes pour les troubles du comportement en sommeil paradoxal. Le syndrome
2.20 Arbre décisionnel pour l’hypersomnolence 105

des jambes sans repos est caractérisé par un besoin récurrent et persistant de bouger
les jambes en réponse à des sensations désagréables. Le trouble de l’alternance veille-
sommeil lié au rythme circadien est caractérisé par un décalage entre les horaires de
la personne et son rythme endogène d’alternance veille-sommeil. Enin, l’insomnie,
en tant que trouble, est caractérisée par des plaintes portant essentiellement sur une
insatisfaction liée à la qualité ou la quantité du sommeil, des dificultés à s’endormir
ou à rester endormi, ou des réveils matinaux précoces. L’hypersomnolence qui sur-
vient exclusivement pendant l’un de ces troubles du sommeil, et qui est correctement
expliquée par ces troubles, ne justiie pas un diagnostic séparé d’hypersomnolence. Si
l’hypersomnolence dépasse en gravité ce que l’on attendrait d’un autre trouble du som-
meil ou si elle survient à des moments où d’autres troubles du sommeil sont absents,
un diagnostic comorbide d’hypersomnolence peut être approprié.
L’étape suivante consiste à évaluer si l’hypersomnolence est en fait un symptôme
d’un autre trouble mental. Un certain nombre de troubles mentaux peuvent comporter
des symptômes importants d’hypersomnolence, particulièrement les épisodes dépres-
sifs caractérisés avec des caractéristiques atypiques, que l’on peut voir dans le cadre
d’un trouble dépressif caractérisé, ou d’un trouble bipolaire de type  I ou de type  II.
Si la fatigue diurne est correctement expliquée par la présence du trouble mental, on
porte uniquement le diagnostic de ce trouble mental et on ne porte pas un diagnostic
additionnel d’hypersomnolence. Toutefois, si l’hypersomnolence prédomine dans le
tableau clinique et si elle est sufisamment grave pour justiier une prise en charge
clinique, on peut porter un diagnostic comorbide d’hypersomnolence. De même, un
certain nombre d’affections médicales, telles que la mononucléose, peuvent être carac-
térisées par de la somnolence diurne. Un diagnostic additionnel d’hypersomnolence
peut être justiié si sa sévérité n’est pas expliquée d’une manière adéquate par l’affec-
tion médicale.
106 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.20 Arbre décisionnel pour l’hypersomnolence 107
108 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.21 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez la femme 109

2.21 Arbre décisionnel pour les dysfonctions


sexuelles chez la femme
La principale dificulté quand il s’agit d’évaluer des dysfonctions sexuelles chez
l’homme comme chez la femme est le fait qu’il n’existe pas de recommandations vali-
dées permettant de déterminer ce qui est un fonctionnement sexuel «  normal  ». Le
seuil déinissant un fonctionnement sexuel normal varie selon l’âge de la femme et ses
expériences sexuelles antérieures, la disponibilité de partenaires et le degré de familia-
rité avec eux, et les attentes et les normes caractéristiques du milieu culturel, ethnique
et religieux de l’intéressée. Une excitation et un orgasme satisfaisants requièrent un
niveau de stimulation sexuelle qui est adéquat par son objet, sa durée et son intensité.
Le diagnostic de trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle
chez la femme ou de trouble de l’orgasme chez la femme doit être fondé sur le jugement
clinique que l’intéressée a pu ressentir une stimulation adéquate. De plus, des dys-
fonctions sexuelles occasionnelles appartiennent à la sexualité humaine normale et ne
signiient pas qu’un trouble est présent, sauf si elles sont persistantes (c.-à-d. qu’elles
durent au moins 6 mois) ou récurrentes et si elles entraînent une détresse marquée et
des dificultés interpersonnelles.
Une fois que le jugement clinique a permis d’établir que la dysfonction sexuelle est
cliniquement signiicative, l’étape suivante consiste à déterminer son étiologie. Les
étiologies possibles incluent des facteurs psychologiques, des affections médicales, les
effets secondaires de nombreux médicaments prescrits, et les conséquences d’un abus
de drogues. Cette évaluation peut être dificile car il est très fréquent que plusieurs
étiologies contribuent à la dysfonction sexuelle. Avant de conclure qu’une dysfonc-
tion sexuelle repose entièrement sur des facteurs psychologiques, il faut rechercher la
contribution possible d’une affection médicale ou d’une consommation de substance
(y compris les effets secondaires de médicaments), avant tout parce que ces étiologies
entraînent des implications thérapeutiques spéciiques (p.  ex. l’arrêt du médicament
en cause). D’autre part, il ne faut pas oublier que l’identiication du rôle étiologique
spéciique d’une affection médicale, d’un médicament ou d’une drogue donnant lieu
à abus n’empêche pas que des facteurs psychologiques puissent contribuer de façon
importante à l’étiologie de la dysfonction sexuelle.
Les problèmes sexuels sont couramment associés à plusieurs troubles mentaux (p. ex.
troubles dépressifs, troubles anxieux, spectre de la schizophrénie et autres troubles
psychotiques). Un diagnostic additionnel de dysfonction sexuelle n’est pas porté si les
problèmes sexuels sont mieux expliqués par le trouble mental. Par exemple, un faible
désir sexuel survenant seulement durant un épisode dépressif caractérisé ne justiie
pas un diagnostic distinct de trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excita-
tion sexuelle chez la femme. Les deux diagnostics ne peuvent être portés conjointement
que si l’on estime que le faible désir sexuel est indépendant du trouble dépressif (c.-à-d.
qu’il précède le début de l’épisode dépressif caractérisé ou qu’il persiste longtemps
après la rémission de la dépression). De même, une dysfonction sexuelle qui est mieux
expliquée comme étant la conséquence d’une détresse relationnelle sévère sera diag-
nostiquée comme un problème relationnel plutôt que comme une dysfonction sexuelle,
sauf si des éléments prouvent que la dysfonction sexuelle est survenue indépendam-
ment du problème relationnel.
Une fois que la consommation de substances, des affections médicales et des
détresses relationnelles ont été envisagées et éliminées, l’attention doit se tourner vers
les dysfonctions sexuelles primaires elles-mêmes. Ce qui était dénommé dans le DSM-
110 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

IV-TR «  trouble  : baisse du désir sexuel  » chez la femme et «  trouble de l’excitation


sexuelle chez la femme » a été regroupé dans le DSM-5 dans une catégorie diagnos-
tique unique appelée «  trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation
sexuelle chez la femme ». Cette modiication relète des arguments indiquant que le
désir sexuel et l’excitation sexuelle sont souvent des concepts non séparables chez la
femme. Ainsi, le trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle
chez la femme recouvre des problèmes très divers, comprenant une diminution de
l’intérêt pour les activités sexuelles, une réduction de la fréquence des pensées ou des
fantasmes érotiques, une diminution des initiatives d’initier des rapports sexuels, une
diminution de l’excitation ou du plaisir sexuels durant les rapports, un abaissement
de l’intérêt ou de la stimulation en réponse à des stimuli érotiques, et une diminu-
tion des sensations génitales et non génitales durant l’activité sexuelle. Le trouble de
l’orgasme chez la femme comprend un retard marqué pour parvenir à l’orgasme ou
une diminution marquée de l’intensité des sensations orgasmiques. La catégorie du
DSM-5 appelée «  trouble lié à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration  »
regroupe deux catégories du DSM-IV-TR (c.-à-d. le vaginisme et la dyspareunie) et est
caractérisée par des dificultés lors des rapports vaginaux ou de la pénétration ; des
douleurs vulvovaginales ou pelviennes marquées lors des rapports ou des tentatives
de pénétration, une peur ou une anxiété marquées d’une douleur vulvovaginales ou
pelviennes par anticipation, pendant ou résultant de la pénétration vaginale, ou une
tension ou crispations marquées de la musculature du plancher pelvien au cours des
tentatives de pénétration vaginale.
Si une dysfonction sexuelle ne satisfait pas les critères de l’une des dysfonctions
sexuelles décrites ci-dessus (peut-être parce que les critères de fréquence et de durée
ne sont pas remplis) ou survient dans le cadre d’une réponse inadaptée un facteur de
stress psychosocial, un diagnostic de trouble de l’adaptation peut être approprié.
2.21 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez la femme 111
112 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.22 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez l’homme 113

2.22 Arbre décisionnel pour les dysfonctions


sexuelles chez l’homme
La principale dificulté quand il s’agit d’évaluer des dysfonctions sexuelles chez l’homme
comme chez la femme est qui n’existe pas de recommandations validées permettant de
déterminer ce qui est un fonctionnement sexuel « normal ». Le seuil déinissant un fonc-
tionnement sexuel normal varie selon l’âge de l’homme et ses expériences sexuelles anté-
rieures, la disponibilité de partenaires et le degré de familiarité avec eux, et les attentes
et les normes caractéristiques du milieu culturel, ethnique et religieux de l’intéressé.
Une excitation et un orgasme satisfaisants requièrent un niveau de stimulation sexuelle
qui est adéquat par son objet, sa durée et son intensité. Un diagnostic de trouble de l’érec-
tion ou d’éjaculation retardée doit être fondé sur le jugement clinique que l’intéressé a pu
ressentir une stimulation adéquate. De plus, des dysfonctions sexuelles occasionnelles
appartiennent à la sexualité humaine normale et ne signiient pas qu’un trouble est pré-
sent, sauf si elles sont persistantes (c.-à-d. qu’elles durent au moins 6 mois) ou récurrentes
et si elles entraînent une détresse marquée et des dificultés interpersonnelles.
Une fois que le jugement clinique a permis d’établir que la dysfonction sexuelle est
cliniquement signiicative, l’étape suivante consiste à déterminer son étiologie. Les
étiologies possibles incluent des facteurs psychologiques, des affections médicales,
les effets secondaires de nombreux médicaments prescrits, et les conséquences d’un
abus de drogues. Cette évaluation peut être dificile car il est très fréquent que plu-
sieurs étiologies contribuent à la dysfonction sexuelle. Par exemple, il n’est pas rare que
quelqu’un qui développe un trouble léger de l’érection à cause d’une affection médicale
(p. ex. problèmes vasculaires) développe aussi d’autres dysfonctions sexuelles (p. ex.
baisse du désir) comme conséquence psychologique. Avant de conclure qu’une dys-
fonction sexuelle repose entièrement sur des facteurs psychologiques, il faut rechercher
la contribution possible d’une affection médicale ou d’une consommation de substance
(y compris les effets secondaires de médicaments), avant tout parce que ces étiologies
entraînent des implications thérapeutiques spéciiques (p.  ex. l’arrêt du médicament
en cause). D’autre part, il ne faut pas oublier que l’identiication du rôle étiologique
spéciique d’une affection médicale, d’un médicament ou d’une drogue donnant lieu
à abus n’empêche pas que des facteurs psychologiques puissent contribuer de façon
importante à l’étiologie de la dysfonction sexuelle.
Les problèmes sexuels sont couramment associés à plusieurs troubles mentaux (p. ex.
troubles dépressifs, troubles anxieux, spectre de la schizophrénie et autres troubles
psychotiques). Un diagnostic additionnel de dysfonction sexuelle n’est pas porté si les
problèmes sexuels sont mieux expliqués par le trouble mental. Par exemple, un faible
désir sexuel survenant seulement durant un épisode dépressif caractérisé ne justiie pas
un diagnostic distinct de diminution du désir sexuel chez l’homme. Les deux diagnos-
tics ne peuvent être portés conjointement que si l’on estime que le faible désir sexuel est
indépendant du trouble dépressif (c.-à-d. qu’il précède le début de l’épisode dépressif
caractérisé ou qu’il persiste longtemps après la rémission de la dépression). De même,
une dysfonction sexuelle qui est mieux expliquée comme étant la conséquence d’une
détresse relationnelle sévère sera diagnostiquée comme un problème relationnel plutôt
que comme une dysfonction sexuelle, sauf si des éléments prouvent que la dysfonction
sexuelle est survenue indépendamment du problème relationnel.
Les dysfonctions sexuelles primaires chez l’homme sont classées en fonction de la
phase où survient le problème au cours du cycle de la réponse sexuelle. La diminution
du désir sexuel chez l’homme est liée à la phase initiale, le désir sexuel. Le trouble de
l’érection est lié à la seconde phase, l’excitation sexuelle. L’éjaculation retardée et l’éja-
culation prématurée (précoce) sont des problèmes qui surviennent durant la troisième
114 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

phase, l’orgasme. Il n’est pas rare que des problèmes surviennent dans plusieurs phases
du cycle de la réponse sexuelle. Comme les phases du cycle de la réponse sexuelle sur-
viennent l’une après l’autre, un fonctionnement correct dans une phase exige générale-
ment un fonctionnement correct dans les phases précédentes (p. ex. l’orgasme requiert
un certain niveau d’excitation, lequel requiert un certain niveau de désir). Cependant,
l’anticipation de la récurrence de problèmes dans une phase tardive (p. ex. des dificul-
tés d’éjaculation) entraîne souvent des problèmes dans une phase précoce (p. ex. avoir
comme conséquence un trouble de l’érection ou un faible désir sexuel).
2.22 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez l’homme 115
116 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.23 Arbre décisionnel


pour le comportement agressif
Le comportement agressif fait partie de la déinition de seulement quelques troubles du
DSM-5 (c.-à-d. le trouble explosif intermittent, le trouble des conduites, la personnalité
antisociale et le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle) mais il représente
une complication de nombreux troubles mentaux. Il est important de souligner que la
plupart des comportements violents surviennent pour des raisons qui n’ont rien à voir
avec le domaine de la maladie mentale (p. ex. gains matériels, statut, plaisir sadique,
vengeance, défense d’une cause politique ou religieuse). Cela trouve son expression à
la in de l’arbre décisionnel, où le comportement agressif qui ne représente pas un dys-
fonctionnement psychologique ou biologique chez la personne est considéré comme
un comportement antisocial non psychiatrique. De plus, même quand le comporte-
ment agressif est associé à un trouble mental, cela ne rend pas automatiquement la
personne irresponsable des actes commis.
Parmi les troubles du DSM-5, les troubles liés à une substance représentent les
causes de loin les plus fréquentes de comportements agressifs. L’agressivité peut être
également la conséquence de l’altération cognitive et de la diminution du contrôle des
impulsions qui sont caractéristiques de l’état confusionnel (delirium) et du trouble
neurocognitif majeur ou léger dus à une autre affection médicale. Lorsque le compor-
tement agressif est la conséquence physiologique directe d’une affection médicale mais
qu’il survient en l’absence d’altération cognitive, on doit porter le diagnostic de modii-
cation de la personnalité due à une autre affection médicale. Une des questions qui est
parfois débattue dans ce dernier diagnostic est celle de savoir si des signes médicaux
non spéciiques (p. ex. signe neurologiques légers, ralentissement diffus à l’électroencé-
phalogramme) peuvent être considérés comme des preuves du rôle étiologique d’une
affection médicale. La convention dans le DSM-5 est de porter le diagnostic de modi-
ication de la personnalité due à une autre affection médicale seulement si les signes
trouvés prouvent clairement le diagnostic d’une affection médicale déinie. Cependant,
lorsque le jugement clinique suggère fortement qu’un dysfonctionnement du système
nerveux central est présent et qu’il est responsable des modiications de personnalité,
sans qu’un diagnostic spéciique ne puisse être établi, l’affection médicale dénommée
«  affection du cerveau, sans précision  » dans la CIM-10 (G93.9) peut être indiquée
comme étant le trouble étiologique et être codée comme diagnostic additionnel (CIM-
9-MC : 348.9, CIM-10-MC : G39.9).
Bien que l’association soit dans ce cas beaucoup moins importante, des épisodes
de comportement agressif peuvent survenir avec une fréquence légèrement plus éle-
vée chez les personnes atteintes de schizophrénie, d’autres troubles psychotiques et
de troubles bipolaires. Un mode ancien de comportement agressif suggère que ces
conduites rentrent dans le cadre d’un trouble de la personnalité (p.  ex. personnalité
antisociale, personnalité borderline). Des comportements agressifs peuvent survenir
chez l’enfant dans le contexte de plusieurs troubles. Quand ces comportements sur-
viennent au sein d’un ensemble de conduites antisociales chez un enfant, le diagnostic
de trouble des conduites peut être appliqué. Quand les comportements agressifs sur-
viennent dans le contexte de crises de colère sévères qui sont nettement hors de pro-
portion en intensité et en durée avec la situation ou la provocation, avec une humeur
qui est de façon persistante irritable ou colérique entre les crises, on peut envisager
le diagnostic de trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle, nouveau dans le
DSM-5. Beaucoup plus rarement, des comportements agressifs peuvent être associés
2.23 Arbre décisionnel pour le comportement agressif 117

à d’autres troubles de l’enfance, notamment le trouble oppositionnel avec provocation,


le déicit de l’attention/hyperactivité, l’anxiété de séparation, le trouble du spectre de
l’autisme et le handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel).
Des épisodes récurrents de comportements agressifs (c.-à-d. d’agressions verbales
ou physiques contre des personnes, des animaux ou des biens) qui ne sont pas expli-
qués par un autre trouble mental (y compris un trouble de la personnalité) peuvent
justiier un diagnostic de trouble explosif intermittent si les critères minimums sont
remplis pour la fréquence des accès (deux fois/semaine durant 3 mois pour les agres-
sions verbales ou physiques qui n’entraînent pas des blessures ou la destruction de
biens, ou bien trois accès dans une période de 12 mois s’ils causent une blessure ou des
dommages matériels).
Des comportements agressifs peuvent également survenir en réponse à un facteur de
stress. Si le facteur de stress est de nature traumatique, le comportement agressif peut
faire partie d’un trouble stress post-traumatique (ou d’un trouble stress aigu si la durée
est inférieure à un mois). Autrement, le comportement agressif peut être la manifes-
tation d’un trouble de l’adaptation.
118 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.23 Arbre décisionnel pour le comportement agressif 119
120 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.23 Arbre décisionnel pour le comportement agressif 121
122 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.24 Arbre décisionnel pour l’impulsivité


ou les problèmes de contrôle des impulsions
L’arbre décisionnel 2.24 concerne deux symptômes apparentés  : l’impulsivité en tant
que trait, et les problèmes de diminution du contrôle des impulsions. L’impulsivité
désigne la tendance à agir dans l’instant, avec peu ou pas d’anticipation, de rélexion
ou de considération des conséquences. Plusieurs troubles du DSM-5 sont caractérisés
par une impulsivité excessive. D’autres troubles sont caractérisés par des problèmes
à contrôler certaines impulsions (p.  ex. l’impulsion de s’arracher les cheveux dans
la trichotillomanie, celle d’avoir des épisodes de gloutonnerie dans les accès hyper-
phagiques). Tant l’impulsivité excessive que l’altération du contrôle d’impulsions spé-
ciiques peuvent conduire à des comportements impulsifs qui sont dangereux pour la
personne comme pour autrui.
L’usage de substances est une cause fréquente et dévastatrice d’impulsivité et il
doit être envisagé comme cause éventuelle, unique ou associée, dans tout tableau de
comportement impulsif. Des affections médicales peuvent aussi entraîner une désinhi-
bition du contrôle des impulsions, qui est souvent accompagnée par un jugement déi-
cient et par d’autres symptômes cognitifs justiiant un diagnostic d’état confusionnel
(delirium) ou de trouble neurocognitif majeur ou léger. Quand une affection médicale
provoque une impulsivité persistante qui survient en l’absence d’altération cognitive
cliniquement signiicative, on porte le diagnostic de modiication de la personnalité
due à une autre affection médicale (en spéciiant le plus souvent : type désinhibé ou
type agressif).
Certains troubles sont caractérisés par une impulsivité qui se limite exclusivement
aux épisodes de l’affection. Une fois que l’usage de substances et une affection médicale
ont été éliminés, l’étape suivante consiste à déterminer si le tableau clinique comporte
des symptômes pouvant suggérer un diagnostic de trouble bipolaire, de troubles
dépressifs, de schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique, ou de trouble stress
post-traumatique ou de trouble stress aigu. Une impulsivité généralisée qui débute
précocement et suit une évolution persistante est très probablement associée à un déi-
cit de l’attention/hyperactivité, un trouble des conduites, une personnalité antisociale
ou une personnalité borderline.
Des troubles très divers du DSM-5 sont caractérisés par des comportements spéci-
iques qui peuvent être conceptualisés comme des manifestations d’une altération du
contrôle des impulsions. Il s’agit par exemple du jeu d’argent pathologique (trouble lié
au jeu d’argent), où la capacité de la personne à contrôler ses jeux d’argent est altérée, de
la boulimie (bulimia nervosa) et des accès hyperphagiques (binge-eating disorder), caracté-
risés par des accès hyperphagiques non contrôlés, de la pyromanie et de la kleptoma-
nie, caractérisées par l’incapacité de résister aux impulsions d’allumer des incendies ou
de voler des objets sans grande valeur respectivement, de la trichotillomanie et de la
dermatillomanie, caractérisées par l’incapacité de résister aux impulsions de s’arracher
ses propres cheveux ou de se triturer la peau respectivement, et du trouble explosif
intermittent, caractérisé par une incapacité intermittente de résister à des impulsions
agressives.
2.24 Arbre décisionnel pour l’impulsivité ou les problèmes... 123
124 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.24 Arbre décisionnel pour l’impulsivité ou les problèmes... 125
126 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

2.25 Arbre décisionnel


pour les automutilations
et les lésions auto-inligées
Les lésions auto-inligées et les automutilations incluent le fait de se scariier, de se brû-
ler, de se cogner la tête, de s’arracher les cheveux, de se triturer la peau, de se mordre
et de se frapper en différents endroits du corps. Les automutilations sont notablement
plus fréquentes dans les situations où la personne est enfermée (p. ex. dans un hôpi-
tal, en prison, dans un foyer pour mineurs). Un dilemme intéressant se présente donc
quand un patient qui est sur le point de quitter l’hôpital accroît ses conduites d’auto-
mutilation, ces dernières pouvant en réalité en être renforcées par la prolongation du
séjour hospitalier.
Les motifs d’automutilations varient selon les diagnostics qu’elles compliquent. Le
diagnostic le plus souvent associé à des automutilations est la personnalité borderline.
Chez certains individus présentant cette personnalité, les automutilations sont sou-
vent un moyen de « soigner » des états dissociatifs car elles permettent aux patients
de retrouver l’impression de se sentir bien vivants quand ils ressentent la douleur ou
voient du sang. Chez d’autres patients ayant une personnalité borderline, les automuti-
lations sont un moyen de « traiter » une dysphorie profonde ou de contenir une colère
intense. La probabilité d’épisodes d’automutilation est considérablement augmentée en
cas d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance. Le motif des auto-
mutilations chez les patients psychotiques est habituellement une croyance délirante
(p. ex. le besoin de punir des esprits malfaisants) ou la réponse à des hallucinations
donnant des ordres. Dans l’état confusionnel (delirium) ainsi que dans le trouble neu-
rocognitif majeur, les automutilations surviennent parfois comme une conséquence
de la confusion (p.  ex. quand un patient attaché par des liens cherche à se libérer).
Les automutilations qui compliquent rarement les troubles obsessionnels-compulsifs
sont provoquées par l’incapacité de résister au besoin constant d’accomplir un acte
compulsif (p. ex. se laver les mains jusqu’à s’abîmer la peau à cause de compulsions
de lavage des mains). Il existe dans la trichotillomanie une incapacité de résister à
l’impulsion de s’arracher les cheveux, ce qui peut entraîner des plaques de calvitie. La
même incapacité de résister à l’impulsion de se triturer la peau dans la dermatilloma-
nie entraîne des excoriations cutanées visibles. Dans le trouble masochisme sexuel, la
motivation des automutilations est le plaisir sexuel.
Des stéréotypies, susceptibles d’entraîner des automutilations, sont l’élément central
du trouble «  mouvements stéréotypés  ». Quand les mouvements stéréotypés provo-
quent des automutilations cliniquement signiicatives, il est possible de spéciier « avec
comportement d’automutilation ». Les stéréotypies ne sont pas rares dans le handicap
intellectuel (trouble du développement intellectuel)  ; elles ne peuvent être diagnos-
tiquées séparément comme des « mouvements stéréotypés » que si elles ne sont pas
expliquées correctement par la cause sous-jacente du handicap intellectuel.
Des automutilations peuvent parfois être la manifestation d’un trouble factice ou
d’une simulation. Le patient découvre que le fait de se scariier ou de se brûler provo-
quera l’hospitalisation qu’il souhaite, ou préviendra une in d’hospitalisation qu’il ne
désire pas. Le trouble factice et la simulation sont distingués l’un de l’autre par le fait
que les comportements feints surviennent en l’absence ou en présence de bénéices
extérieurs manifestes ; il s’agira dans le premier cas de troubles factices. Si l’imitation
de conduites d’automutilation survient seulement en présence de bénéices externes
manifestes, on parlera de simulation.
2.25 Arbre décisionnel pour les automutilations et les lésions auto-inligées 127
128 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.26 Arbre décisionnel pour l’usage excessif de substances 129

2.26 Arbre décisionnel pour l’usage excessif


de substances
De nombreuses personnes peuvent consommer des substances sans présenter des
problèmes cliniquement signiicatifs pouvant justiier un diagnostic selon le DSM-5.
Cependant, les troubles liés à une substance igurent parmi les troubles mentaux les
plus fréquents et les plus invalidants. Comme des tableaux cliniques en rapport avec
des substances sont très fréquemment observés dans les lieux de soins psychiatriques,
dans les centres d’addictologie, ainsi que dans les dispositifs de soins primaires, un
trouble lié à une substance doit toujours être envisagé dans le diagnostic différentiel.
Dans le DSM-5, l’expression lié à une substance désigne les troubles associés à des
drogues donnant lieu à abus, les effets secondaires des médicaments et des états
induits par des produits toxiques. Il existe deux types de diagnostics liés à une sub-
stance dans le DSM-5 : les troubles de l’usage d’une substance, qui décrivent un mode
d’usage problématique d’une substance, et les troubles induits par une substance
(comprenant l’intoxication par une substance, le sevrage d’une substance et les troubles
mentaux induits par une substance/un médicament), qui désignent des syndromes
comportementaux causés par les effets directs d’une substance sur le système nerveux
central (SNC). Le plus souvent, les troubles induits par une substance surviennent dans
le contexte d’un trouble de l’usage d’une substance concomitant et, dans ce cas, les deux
troubles doivent être diagnostiqués. La méthode pour coder ces diagnostics dépend
des règles des systèmes de codage de la CIM-9-MC ou de la CIM-10-MC. Quand la
CIM-9-MC était utilisée (c.-à-d. jusqu’au 1er  octobre 2014), deux diagnostics devaient
être portés (p.  ex. trouble de l’usage de l’alcool grave et sevrage de l’alcool). Depuis
l’introduction de la CIM-10-MC (c.-à-d. depuis le 1er octobre 2014), un seul diagnostic
combiné est porté (p. ex. trouble de l’usage de l’alcool grave avec sevrage de l’alcool).
Des informations supplémentaires sont données dans les notes de codage du DSM-5.
Pour cette raison, l’arbre décisionnel débute par une question qui signale que les
troubles de l’usage d’une substance et les troubles induits par une substance sont sou-
vent comorbides, et qui indique clairement que si un trouble de l’usage d’une sub-
stance est présent et s’il existe des éléments probants indiquant que la substance a
causé des symptômes psychiatriques à cause de ses effets directs sur le SNC, le reste
de la décision doit être passé en revue pour déterminer le diagnostic différentiel du
trouble induit par une substance pertinent.
L’intoxication par une substance et le sevrage d’une substance peuvent être carac-
térisés par une symptomatologie qui ressemble à celle d’autres troubles du DSM-5 et
doivent toujours être envisagés dans le diagnostic différentiel de chaque affection (cf.
l’étape 2 dans le chapitre 1). Les troubles mentaux induits par une substance/un médi-
cament (p. ex. les troubles psychotiques induits par une substance/un médicament, les
troubles bipolaires ou apparentés induits par une substance/un médicament, etc.) ont
été inclus dans le DSM-5 pour les tableaux cliniques où des symptômes particuliers,
comme des idées délirantes, des hallucinations ou la manie sont au premier plan et
nécessitent une prise en charge clinique. Par exemple, presque toutes les personnes
subissant un sevrage de la cocaïne ressentiront une certaine humeur dysphorique, et
dans la plupart des cas le diagnostic de sevrage de la cocaïne sufira. Cependant, si la
personne devient déprimée au point d’être suicidaire, le diagnostic de trouble dépres-
sif induit par la cocaïne sera vraisemblablement plus approprié. Souvent, plus d’un
symptôme (p. ex. humeur dépressive et anxiété) peuvent être assez marqués pour jus-
tiier une prise en charge clinique. Dans ces situations, il est généralement préférable
130 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

de porter seulement le diagnostic de trouble induit par une substance/un médicament,


en indiquant le symptôme qui prédomine.
Un usage de substances/médicaments peut entraîner des séquelles psychiatriques
dans quatre situations : 1) un effet aigu de l’intoxication par la substance, 2) un effet
aigu du sevrage de la substance, 3) un effet secondaire d’un médicament qui n’est pas
forcément lié à l’intoxication par la substance ou au sevrage de la substance, et 4) un
effet qui persiste après la correction des symptômes de l’intoxication ou du sevrage
(dans le cas du trouble neurocognitif majeur ou léger induit par une substance/un
médicament, et du trouble persistant des perceptions dû aux hallucinogènes).
L’état confusionnel (delirium) dû à des étiologies multiples et le trouble neurocognitif
majeur ou léger dû à des étiologies multiples ont été inclus dans le DSM-5 (et dans cet
arbre décisionnel) pour souligner que ces conditions sont souvent causées par l’inter-
action d’étiologies multiples, y compris des substances. Une erreur fréquente (et aux
conséquences parfois graves) et de supposer que le travail est ini une fois que l’on a
déterminé qu’une substance contribue à l’étiologie de l’état confusionnel ou du trouble
neurocognitif majeur ou léger et d’ignorer ainsi la contribution associée d’un trauma-
tisme crânien ou d’une autre affection médicale.
2.26 Arbre décisionnel pour l’usage excessif de substances 131
132 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.26 Arbre décisionnel pour l’usage excessif de substances 133
134 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.27 Arbre décisionnel pour les pertes de mémoire 135

2.27 Arbre décisionnel pour les pertes


de mémoire
Les pertes de mémoire peuvent être caractérisées par la dificulté à enregistrer de nou-
veaux souvenirs et/ou à se rappeler des souvenirs antérieurs. Les divers aspects du
fonctionnement de la mémoire peuvent être testés séparément. Ceux-ci comprennent
1) l’enregistrement (capacité du patient de répéter des chiffres ou des mots immédiate-
ment après les avoir entendus), 2) le rappel à court terme (capacité du patient de répéter
les noms de trois objets indépendants après une période de plusieurs minutes), 3) la
reconnaissance (capacité du patient de récupérer des noms précédemment oubliés si on
lui fournit des indices), et 4) la mémoire à long terme (capacité du patient de se rappeler
des événements personnels ou historiques importants). Les diagnostics différentiels
de cet arbre décisionnel sont liés aux questions suivantes  : l’étiologie des pertes de
mémoire est-elle un effet physiologique direct lié à l’utilisation d’une substance/d’un
médicament ou à une affection médicale ? Ou bien est-elle une caractéristique associée
à un autre trouble mental ? Ou encore la perte de mémoire est-elle un phénomène dis-
sociatif (p. ex. dans le trouble stress post-traumatique ou dans le trouble dissociatif) ?
L’altération de la mémoire est l’une des perturbations cognitives qui caractérisent
l’état confusionnel (delirium) ou le trouble neurocognitif majeur ou léger. La caractéris-
tique essentielle de l’état confusionnel est une obnubilation luctuante de la conscience
caractérisée par une perturbation de l’attention (c.-à-d. une diminution de la capacité
de diriger, focaliser, soutenir et déplacer son attention) et de la conscience (c.-à-d. une
diminution de l’orientation dans l’environnement). La déinition de l’état confusionnel
nécessite aussi une perturbation associée de la cognition (qui peut prendre la forme
d’un déicit de la mémoire, du langage, des habiletés visuospatiales ou des perceptions).
Le trouble neurocognitif est déini comme un déclin dans un ou plusieurs domaines
neurocognitifs, spéciiés par le DSM-5 comme incluant l’attention complexe, les fonc-
tions exécutives, l’apprentissage et la mémorisation, le langage, les activités psychomo-
trices et la cognition sociale. Même si de tels troubles cognitifs se manifestent le long
d’un continuum, le DSM-5 a scindé cette dimension en deux troubles catégoriels : le
trouble neurocognitif majeur et le trouble neurocognitif léger. Le trouble neurocognitif
majeur est caractérisé par un déclin cognitif signiicatif, assez sévère pour interférer
avec l’autonomie. Dans le trouble neurocognitif léger, le déclin cognitif est limité uni-
quement à un degré « modeste » de gravité. On porte le diagnostic quand le sujet, un
informateur iable ou le clinicien observent un déclin léger des fonctions cognitives du
patient ; ce déclin doit être accompagné par des preuves d’une altération modeste des
performances cognitives documentée par un bilan neuropsychologique standardisé ou
par une autre évaluation clinique quantiiée.
Les altérations de la mémoire associées à l’utilisation de substances peuvent être soit
temporaires (comme dans l’intoxication par une substance, le sevrage d’une substance,
l’état confusionnel [delirium] dû à une intoxication par une substance ou au sevrage
d’une substance, et d’autres effets secondaires d’un médicament), soit persistantes
(comme dans le trouble neurocognitif majeur ou léger induit par une substance/un
médicament, qui requiert le fait que les altérations cognitives persistent au-delà de la
durée habituelle de l’intoxication aiguë ou du sevrage).
L’altération de la mémoire est aussi une caractéristique associée commune à de nom-
breux troubles mentaux. Par exemple, des altérations de la mémoire survenant dans le
contexte d’un épisode dépressif caractérisé peuvent être assez graves pour ressembler
136 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

à un processus démentiel irréversible. Souvent, il devient clair qu’il n’y avait pas de
trouble neurocognitif majeur comorbide uniquement une fois que les troubles de la
mémoire ont disparu grâce au traitement antidépresseur. Ce diagnostic différentiel
est d’autant plus compliqué que des médicaments (p.  ex. lithium) pris par le patient
peuvent aussi induire des troubles de la mémoire.
La dissociation est une désagrégation du fonctionnement habituellement intégré de
la conscience, de la mémoire, de l’identité ou de la perception de l’environnement. La
perte de mémoire, notamment des événements traumatiques, est une caractéristique
de l’amnésie dissociative et du trouble dissociatif de l’identité, mais aussi du trouble
stress post-traumatique et du trouble stress aigu. En particulier, lorsque quelqu’un a
été exposé à un événement qui est à la fois physiquement et psychologiquement trau-
matisant (p. ex. un accident de voiture), il peut être dificile de démêler si la perte de
mémoire est une réaction psychologique aux événements ou si elle est due à des lésions
cérébrales directes. De plus, dans des situations médico-légales, des fausses plaintes
de perte de mémoire peuvent être utilisées pour échapper à ses responsabilités. Dans
des tels cas, le diagnostic est soit le trouble factice soit la simulation, le trouble factice
étant diagnostiqué lorsque la simulation des pertes de mémoire est évidente, même en
l’absence de bénéices externes manifestes. Dans le cas contraire, on porte le diagnostic
de simulation (qui n’est pas considéré comme un trouble mental).
Il convient aussi de noter que quasiment tout le monde souhaite que sa mémoire soit
meilleure qu’elle ne l’est, et que ce souhait devient habituellement plus pressant au fur
et à mesure que les gens avancent en âge et commencent à avoir plus de dificultés à
gérer leurs souvenirs. Avant de passer en revue les troubles de cet arbre décisionnel, on
doit déterminer si la perte de mémoire est sufisamment grave pour être cliniquement
signiicative et si elle est plus grave que ce que l’on pourrait attendre étant donné le
niveau antérieur de fonctionnement de la personne et les normes pour son âge.
2.27 Arbre décisionnel pour les pertes de mémoire 137
138 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.28 Arbre décisionnel pour les altérations cognitives 139

2.28 Arbre décisionnel pour les altérations


cognitives
Bien que le terme d’altération cognitive soit assez large et qu’il puisse s’appliquer à l’alté-
ration de quasiment toutes les fonctions cognitives, dans le contexte de cet arbre déci-
sionnel, ce terme fait référence aux déiciences dans l’un des domaines cognitifs réper-
toriés dans les critères du trouble neurocognitif majeur ou léger : attention complexe,
fonctions exécutives, apprentissage et mémorisation, langage, activités perceptivomo-
trices ou cognition sociale. Si l’altération cognitive est limitée à la perte de mémoire,
il faut consulter l’arbre décisionnel des pertes de mémoire (2.27) pour le diagnostic
différentiel.
Le modèle des altérations cognitives qui déinissent le syndrome de l’état confusion-
nel (delirium) est assez spéciique. La caractéristique essentielle de l’état confusionnel
(delirium) est une obnubilation luctuante de la conscience caractérisée par une pertur-
bation de l’attention (c.-à-d. une diminution de la capacité de diriger, focaliser, soutenir
et déplacer son attention) et de la conscience (c.-à-d. une diminution de l’orientation
dans l’environnement) qui s’installe en un temps court et tend à luctuer en sévérité
tout au long de la journée. La déinition de l’état confusionnel (delirium) nécessite aussi
une perturbation associée de la cognition (qui peut prendre la forme d’un déicit de
mémoire, du langage, des habiletés visuospatiales ou des perceptions). Une fois que
l’existence du syndrome d’état confusionnel (delirium) est établie, le diagnostic effec-
tif selon le DSM-5 dépend de l’étiologie ; l’état confusionnel peut être la conséquence
d’étiologies multiples (état confusionnel [delirium] dû à des étiologies multiples), des
effets physiologiques de substances ou de médicaments (état confusionnel [delirium]
dû à une intoxication par une substance, état confusionnel [delirium] dû au sevrage
d’une substance, état confusionnel [delirium] induit par un médicament) ou des effets
physiologiques d’une affection médicale (état confusionnel [delirium] dû à une autre
affection médicale).
Une altération cognitive signiicative survient aussi dans le contexte de nom-
breux troubles mentaux. Bien que la détérioration cognitive ne fasse pas partie des
symptômes déinissant la schizophrénie, des symptômes cognitifs, particulièrement
une dégradation de la mémoire de travail et déclarative, de la fonction du langage et
d’autres fonctions exécutives, sont très fréquentes et sont un facteur majeur du mauvais
fonctionnement à long terme qui caractérise souvent la schizophrénie. De même, bien
que de nombreuses personnes puissent, durant un épisode maniaque, se sentir plus
coniantes dans leurs capacités cognitives, on peut retrouver entre les épisodes thy-
miques des altérations cognitives signiicatives ayant un impact négatif sur le fonction-
nement à long terme. Les troubles dépressifs, tels que le trouble dépressif caractérisé et
le trouble dépressif persistant (dysthymie), sont caractérisés par des capacités réduites
à réléchir ou à se concentrer, qui dans certains cas peuvent être assez graves pour res-
sembler à une pathologie démentielle (pseudo-démence). La dificulté à se concentrer
est fréquente durant les périodes dysphoriques du trouble dysphorique prémenstruel,
et fait aussi partie des tableaux symptomatiques du trouble stress post-traumatique,
du trouble stress aigu et de l’anxiété généralisée. L’inattention et la distractibilité sont
des caractéristiques entrant dans la déinition du déicit de l’attention/hyperactivité.
Comme le trouble neurocognitif majeur ou léger peut toujours survenir tant que
comorbidité avec ces pathologies, l’arbre décisionnel aiguille vers le trouble neuro-
cognitif si la totalité des symptômes cognitifs qui font partie du tableau présenté ne
sont pas entièrement expliqués par l’un de ces autres troubles mentaux.
140 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

On distingue parmi les troubles neurocognitifs le trouble neurocognitif majeur et


le trouble neurocognitif léger, puis ils sont typés selon leur étiologie. La distinction
entre majeur et léger est faite selon que la personne présente une altération importante
des fonctions cognitives interférant avec l’autonomie (trouble neurocognitif majeur)
ou qu’elle présente un déclin modeste des fonctions qui n’est pas assez grave pour
gêner l’autonomie dans les actes du quotidien (trouble neurocognitif léger). Du fait de
l’importance clinique supérieure du trouble neurocognitif majeur, cet arbre décision-
nel fournit les éléments de décision pour déterminer le type étiologique uniquement
pour cette affection. Les mêmes éléments de décision seraient également applicables
pour établir le type étiologique pour le trouble neurocognitif léger.
De même que pour l’état confusionnel (delirium), si le trouble neurocognitif majeur a
plusieurs facteurs étiologiques, on porte le diagnostic de trouble neurocognitif majeur
dû à des étiologies multiples. Dans le cas contraire, des éléments de décision sont don-
nés pour les étiologies médicales spéciiques variées, en commençant par la maladie de
Parkinson, suivie ensuite par les lésions cérébrales traumatiques, l’infection par le VIH,
les maladies à prions (p. ex. maladie de Creutzfeldt-Jakob), la dégénérescence lobaire
frontotemporale (p.  ex. maladie de Pick), la maladie à corps de Lewy, les affections
cérébrovasculaires et la maladie d’Alzheimer. Certaines étiologies (c.-à-d. la maladie de
Parkinson, la dégénérescence lobaire frontotemporale, la maladie à corps de Lewy, les
affections cérébrovasculaires et la maladie d’Alzheimer) doivent être ultérieurement
spéciiées comme « probables » ou « possibles », en tenant compte de critères diagnos-
tiques spéciiques. On porte le diagnostic de trouble neurocognitif majeur dû à une
autre affection médicale si une autre étiologie médicale est responsable du trouble neu-
rocognitif majeur (p. ex. la sclérose en plaques). Enin, on porte le diagnostic de trouble
neurocognitif majeur induit par une substance/un médicament si le trouble neuro-
cognitif majeur est causé par des effets physiologiques d’une substance qui persistent
au-delà de l’intoxication aiguë ou du sevrage. S’il est impossible de déterminer l’étio-
logie du trouble neurocognitif majeur, on porte le diagnostic de trouble neurocognitif
non spéciié.
2.28 Arbre décisionnel pour les altérations cognitives 141
142 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.28 Arbre décisionnel pour les altérations cognitives 143
144 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
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146 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.28 Arbre décisionnel pour les altérations cognitives 147
148 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels

1. Les éléments décisionnels spéciiques pour déterminer les divers types étiologiques possibles du
trouble neurocognitif léger ont été supprimés de cet arbre décisionnel pour des raisons de concision. Se
référer aux éléments décisionnels spéciiques pour déterminer les divers types étiologiques possibles du
trouble neurocognitif majeur et consulter les critères du DSM-5.
2.29 Arbre décisionnel pour les tableaux cliniques... 149

2.29 Arbre décisionnel pour les tableaux


cliniques dus à des étiologies médicales
Un élément essentiel dans l’évaluation de chaque patient est d’envisager la possibilité
que les symptômes sont dus aux effets physiologiques d’une affection médicale (cf.
l’étape 3 du chapitre 1). En effet, les symptômes psychiatriques sont parfois les premiers
signes précurseurs d’une affection médicale pas encore diagnostiquée. Établir qu’une
affection médicale est à l’origine de la psychopathologie a des conséquences thérapeu-
tiques évidentes parce que le traitement de l’affection médicale est essentiel et conduit
souvent à la rémission des symptômes psychiatriques.
Tous les symptômes comportementaux ayant pour origine une affection médicale ne
justiient pas un diagnostic de trouble mental dû à une affection médicale. La plupart
des patients anxieux, tristes, fatigués ou insomniaques du fait d’une affection médicale
ne relèvent certainement pas d’un diagnostic de trouble mental au sens de ceux qui sont
décrits dans cet arbre. On ne devrait envisager les troubles de cet arbre que lorsque les
symptômes sont sufisamment graves et prolongés pour justiier une prise en charge
clinique. Assez souvent, les tableaux psychiatriques dus à des affections médicales sont
caractérisés par l’association de symptômes issus de plusieurs registres (p. ex. dépres-
sion, anxiété et sommeil). Dans la plupart des cas, il convient de choisir le diagnostic
qui correspond au tableau symptomatique prédominant.
L’état confusionnel (delirium) dû à des étiologies multiples est inclus dans le DSM-5
(et dans cet arbre décisionnel) pour souligner que ces troubles ont très fréquemment
des étiologies multiples intriquées. De plus, les médicaments utilisés pour traiter les
affections médicales ont souvent des effets secondaires comportementaux qui peuvent
être confondus aussi bien avec des symptômes psychiatriques primaires qu’avec les
manifestations psychiatriques de l’affection médicale elle-même. Cela est particulière-
ment fréquent chez les sujets âgés, qui peuvent être soignés par une polymédication et
avoir des capacités réduites de métabolisation.
Les troubles neurocognitifs majeur et léger, particulièrement lorsqu’ils sont persis-
tants, ont souvent comme cause une affection médicale et sont sous-typés en fonction
des étiologies médicales spéciiques. La distinction entre trouble neurocognitif majeur
ou léger est faite selon que la personne présente une altération importante des fonc-
tions cognitives interférant avec l’autonomie (c.-à-d. trouble neurocognitif majeur) ou
qu’elle présente un déclin modeste des fonctions qui n’est pas assez grave pour gêner
l’autonomie dans les actes du quotidien (c.-à-d. trouble neurocognitif léger). Du fait de
l’importance clinique supérieure du trouble neurocognitif majeur, cet arbre décision-
nel fournit les éléments de décision pour déterminer le type étiologique uniquement
pour cette affection. Les mêmes éléments de décision seraient également applicables
pour établir le type étiologique pour le trouble neurocognitif léger.
Enin, lorsque l’on communique ou que l’on enregistre le diagnostic, il convient d’uti-
liser le nom de l’affection médicale plutôt que le terme générique «  dû à une autre
affection médicale » (p. ex. 293.83 [F06.32] trouble dépressif dû à une hypothyroïdie,
avec épisode de type dépression caractérisée). De plus, il est obligatoire de répertorier
(et de coder) l’affection médicale étiologique sur les formulaires diagnostics immédia-
tement avant le trouble mental dû à une autre affection médicale (p. ex. 244.9 [E03.9]
hypothyroïdie ; 293.83 [F06.32] trouble dépressif dû à une hypothyroïdie, avec épisode
de type dépression caractérisée).
150 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.29 Arbre décisionnel pour les tableaux cliniques... 151
152 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.29 Arbre décisionnel pour les tableaux cliniques... 153

2. Les éléments décisionnels spéciiques pour déterminer les divers types étiologiques possibles du
trouble neurocognitif léger ont été supprimés de cet arbre décisionnel pour des raisons de concision. Se
référer aux éléments décisionnels spéciiques pour déterminer les divers types étiologiques possibles du
trouble neurocognitif majeur et consulter les critères du DSM-5.
154 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels
2.29 Arbre décisionnel pour les tableaux cliniques... 155

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