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Moïra Mikolajczak

Jordi Quoidbach

Ilios Kotsou

Delphine Nélis

Les compétences

émotionnelles

Maquette de couverture :

Le Petit Atelier

© Dunod, 2014 pour la précédente présentation

© Dunod, nouvelle présentation, 2020

11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff

ISBN 978-2-10-081287-5

Livre9782100532810.book Page V Mardi, 8. septembre 2009 4:24 16

À Cécile

À Cornélie

À Caroline

Liste des auteurs

Ouvrage réalisé sous la direction de :

Moïra MIKOLAJCZAK

Professeure à l’Université catholique de Louvain,


elle y enseigne la psychologie générale, la psycho-

logie des émotions, la psychologie médicale et

la psychologie de la santé. Spécialiste inter-

nationalement reconnue des compétences

émotionnelles, elle a dirigé plusieurs livres de

référence à ce sujet.

Avec la collaboration de :

Jordi QUOIDBACH

Professeur de management à l’ESADE Business

School, il est l’un des chefs de file de l’étude

scientifique du bonheur en Francophonie. Il est

également l’auteur de « Comment augmenter

votre bonheur » (Dunod, 2013) et il a animé

l’émission de télévision « J’ai décidé d’être

heureux » sur M6.

Ilios KOTSOU

Docteur en psychologie, il est maître de confé-

rences à l’Université Libre de Bruxelles où il mène

des recherches sur le mindfulness, le bien-être

et les comportements prosociaux. Il a cofondé


l’association Emergences (www.emergences.org)

qui œuvre pour une société plus solidaire et

consciente et finance des projets humanitaires.

Delphine NÉLIS

Chercheur en psychologie à l’Université de Liège

(Belgique), elle se consacre à la mesure et au

développement des compétences émotionnelles.

Livre9782100532810.book Page VIII Mardi, 8. septembre 2009 4:24 16

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS XVII

AVANT-PROPOS XIX

CHAPITRE 1

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES :

HISTORIQUE ET CONCEPTUALISATION (Moïra Mikolajczak)

Historique de la notion de « compétences émotionnelles »

Vers une définition des compétences émotionnelles


7

CHAPITRE 2

LES ÉMOTIONS (Moïra Mikolajczak)

11

Introduction 13

Qu’est-ce qu’une « émotion » ? 14

2.1

Un système à cinq composantes

14

2.2

Émotion, humeur et tempérament

15

Les déclencheurs de l’émotion 16

Les fonctions des émotions 18

4.1

L’émotion comme source d’information


18

4.2

L’émotion comme facilitateur de l’action

18

4.3

L’émotion comme support à la décision

21

4.4

L’émotion comme outil indispensable à l’adaptation

23

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les bases neurobiologiques de l’émotion 26

5.1 Les substrats neuronaux

26

5.1.1 L’amygdale 26

5.1.2 Le cortex préfrontal 29

5.1.3 Le noyau accumbens 30

5.2
Les substrats neuro-endocriniens

31

5.2.1 Le système (ortho)sympathique 31

5.2.2 L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien 33

Conclusion 34

CHAPITRE 3

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS (Delphine Nélis)

37

L’importance de l’identification de ses émotions 39

1.1

L’identification comme prémisse à la régulation

39

1.2

L’identification comme prémisse à l’utilisation

40

1.3

L’identification indispensable à l’adaptation

à l’environnement : la preuve par l’alexithymie


40

Les processus sous-jacents

à l’identification des émotions 42

2.1

Les prérequis

42

2.1.1 L’ouverture aux émotions 42

2.1.2 La richesse du vocabulaire émotionnel 44

2.2

L’identification de l’émotion proprement dite

48

2.2.1 L’identification de l’émotion à partir des cognitions 49

2.2.2 L’identification de l’émotion à partir des modifications

biologiques 53

2.2.3 L’identification de l’émotion à partir des tendances

à l’action

55

Différents niveaux de conscience émotionnelle 56


4

Conclusion 57

CHAPITRE 4

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

(Delphine Nélis)

59

L’importance de l’identification des émotions d’autrui 61

Identifier les émotions d’autrui au travers de la communication

verbale 63

Identifier les émotions d’autrui au travers de la communication

non verbale 65

TABLE DES MATIÈRES

XI

3.1

Les fonctions du message non verbal

66

3.2
Les différents signaux non verbaux

67

3.2.1 Les expressions faciales

67

3.2.2 Le regard

77

3.2.3 Les postures

80

3.2.4 Les gestes

81

3.2.5 Le paralangage

82

3.2.6 La distance

85

Conclusion

87

CHAPITRE 5

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS (Ilios Kotsou)

89
1

L’expression des émotions

91

1.1

L’expression des émotions : un débat controversé

91

1.2

Les éléments en faveur de l’expression des émotions

92

1.2.1 L’importance de l’expression des émotions

sur le plan individuel

92

1.2.2 L’importance de l’expression des émotions sur le plan social 95

1.2.3 Les mécanismes sous-jacents aux bénéfices de l’expression

des émotions

97

1.3

Les éléments en faveur de la non-expression

des émotions

98
1.4

Concilier les résultats sur l’expression

et la non-expression

99

1.5

L’apprentissage de l’expression des émotions

100

1.6

L’expression adaptée des émotions en pratique

101

1.6.1 Exprimer ses émotions oralement

101

1.6.2 Exprimer ses émotions en situation difficile

101

1.6.3 Exprimer ses émotions par écrit

104

L’écoute des émotions d’autrui

108

2.1
L’importance de l’écoute des émotions

108

2.2

Les différents modes d’écoute

109

2.2.1 Le mode d’intervention orienté solutions

109

2.2.2 Le mode d’intervention orienté vers le jugement,

l’évaluation

110

2.2.3 Le mode d’intervention orienté vers l’interprétation

110

2.2.4 Le mode d’intervention orienté vers la consolation

111

2.2.5 Le mode d’intervention orienté vers l’investigation

111

2.2.6 Le mode d’intervention orienté vers la compréhension

112

XII

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


3

Conclusion 114

CHAPITRE 6

LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS (Ilios Kotsou)

115

La perspective théorique 117

1.1

L’émotion comme information sur les besoins

117

1.2

Besoins et valence de l’émotion

118

1.3

Les théories des besoins humains

120

1.4

En résumé

122

2
La dimension pratique du travail sur les besoins 125

2.1

Les apports du travail sur les besoins

125

2.2

L’accueil des émotions

126

2.3

La reconnaissance des besoins

127

2.4

La satisfaction des besoins

130

Conclusion 132

CHAPITRE 7

INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

(Moïra Mikolajczak)

133

1
Émotions fonctionnelles et dysfonctionnelles 136

L’objet de la régulation émotionnelle 138

Les différentes formes de régulation émotionnelle 139

L’importance de la régulation émotionnelle 141

4.1

Les relations sociales

141

4.2

La performance (académique ou professionnelle)

141

4.3

Le bien-être et les troubles psychologiques

142

4.4

La santé physique

143

4.5
La gestion des ressources matérielles

144

Les sources de différences entre les individus 145

5.1

Les facteurs génétiques

146

5.2

Les facteurs environnementaux

146

Une configuration et un fonctionnement particuliers du cerveau 147

Réactivité et régulation émotionnelle 149

Conclusion 150

TABLE DES MATIÈRES

XIII

CHAPITRE 8

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES


(Moïra Mikolajczak)

153

Les stratégies de régulation fonctionnelles 156

1.1

La régulation a priori

156

1.1.1 La sélection de la situation 156

1.1.2 L’évaluation de la situation 161

1.2

La régulation a posteriori

163

1.2.1 La gestion de la situation 165

1.2.2 La ré-orientation de l’attention 167

1.2.3 Le changement cognitif 169

1.2.4 L’expression des émotions 175

1.2.5 Les techniques physio-relaxantes 180

1.3

En résumé

183
2

Les avatars de la régulation émotionnelle :

les stratégies dysfonctionnelles 183

2.1

Les avatars de la régulation a priori

184

2.1.1 La confrontation dysfonctionnelle 184

2.1.2 L’évitement dysfonctionnel 184

2.1.3 La procrastination 185

2.2

Les avatars de la régulation a posteriori

185

2.2.1 La gestion de la situation 185

2.2.2 L’orientation de l’attention 186

2.2.3 Le changement cognitif 186

2.2.4 L’expression des émotions 187

2.2.5 Les techniques physio-relaxantes 189

Conclusion 190

CHAPITRE 9
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

(Jordi Quoidbach)

193

L’importance des émotions positives 195

1.1

Les émotions positives du point de vue de l’évolution

195

1.2

Les bénéfices des émotions positives dans la vie quotidienne

199

Les stratégies de régulation des émotions positives 202

2.1

Les stratégies de régulation « a priori » : doper son humeur !

202

2.1.1 La modification de l’environnement 203

2.1.2 L’« auto-priming » positif 203

2.1.3 Supprimer les petites contrariétés 204

XIV
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.1.4 Les expériences de flow 204

2.1.5 La gratitude 207

2.1.6 L’activité physique 208

2.1.7 La méditation 209

2.2

Les stratégies de régulation a posteriori : savourer 210

2.2.1 L’expression physique des émotions : agir comme

quelqu’un d’heureux 210

2.2.2 Être présent 213

2.2.3 Le voyage mental dans le temps 215

2.2.4 Le partage social 216

2.3

Les stratégies délétères

218

Conclusion 219

CHAPITRE 10

L’UTILISATION DES ÉMOTIONS (Moïra Mikolajczak

et Jordi Quoidbach)
221

L’influence de l’humeur sur les processus cognitifs 223

1.1

La perception et l’attention

224

1.2

La pensée divergente-convergente

225

1.3

Le jugement

226

1.4

La perception et la prise de risque

228

1.5

Les choix (ou l’exposition sélective)

230

1.6

L’interprétation des événements


231

1.7

La mémoire

231

1.8

Les répertoires de pensées et d’actions

232

L’influence de l’humeur sur les comportements 233

De la théorie à la pratique… 234

3.1

Optimiser l’effet des émotions

235

3.2

Identifier et corriger les sources de biais

235

Conclusion 236

CHAPITRE 11
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES

ÉMOTIONNELLES (Jordi Quoidbach)

239

La nature du changement 241

1.1

Le changement est difficile : déterminisme génétique

et ligne de base

242

1.2

Le changement est possible : motivation et neuro-plasticité

244

TABLE DES MATIÈRES

XV

Comment changer ? 248

2.1

Choisir un plan d’action global : 3 stratégies possibles

249

2.1.1 La stratégie de remédiation 249


2.1.2 La stratégie d’excellence 250

2.1.3 La stratégie de polyvalence 250

2.2

Identifier les freins et leviers

250

2.3

Petits changements et réactions en chaîne

253

2.4

Se fixer des objectifs calibrés et opérationnels :

la méthode « PEACE »

254

2.5

Des activités adaptées

256

Conclusion 258

CHAPITRE 12

LES PERSPECTIVES D’AVENIR DANS LE DOMAINE

DES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES (Moïra Mikolajczak,


Jordi Quoidbach, Delphine Nélis et Ilios Kotsou)

259

BIBLIOGRAPHIE 267

INDEX DES NOTIONS

305

INDEX DES AUTEURS

307

REMERCIEMENTS

Ce livre n’aurait pas pu voir le jour sans la collaboration et le soutien de nos


proches, de nos collègues et de notre éditeur. Nous remercions chaleureuse-
ment Dunod, et plus particulièrement Jean Henriet et Marie-Laure Davezac-
Duhem, pour leur enthousiasme, leur temps et leurs conseils avisés. Merci
également à nos promoteurs de thèse respectifs – Olivier Luminet, Michel
Hansenne et Jacques Grégoire – d’avoir soutenu nos recherches sur les
compétences émotionnelles. Ces recherches ont été menées dans un
environnement riche et stimulant, et nous remercions à ce titre tous nos
étudiants et collègues de l’Université catholique de Louvain et de
l’Université de Liège.

Nos remerciements s’adressent également à Cécile Husquet, Magali Lahaye,


Astrid Mikolajczak, Josette et Martin Husquet, Huguette Nelis, Joëlle Gode-
froid, Sophie Suttor, Rachel Parotte, Cécile Mathys, Ivan Toussaint,
Delphine Grynberg, Bernard Rimé, Caroline Lesire et Françoise Hecquard
pour leurs relectures minutieuses et leurs remarques constructives.
Finalement, nous ne pouvons manquer de remercier nos proches pour leur
soutien indéfectible. Merci d’avoir enrichi notre pensée, soutenu nos projets,
et fait preuve de tant de patience et de compréhension.

AVANT-PROPOS
Après avoir été longtemps considérées comme des phénomènes perturbant
l’exercice de la raison, les émotions ont finalement acquis leurs lettres de
noblesse. Les recherches menées à la fin du XXe siècle ont en effet mis en
évidence que les émotions remplissent un ensemble de fonctions
indispensables à l’adaptation de l’être humain à son environnement. Les
émotions facilitent ainsi la détection du danger (ex. Öhman, 2001), préparent
l’organisme à faire face à une série de situations (ex. Frijda, 1986),
accélèrent et orientent les processus de prise de décision (ex. Bechara et
Damasio, 2005), guident les interactions sociales (ex. Keltner et Kring,
1998) et améliorent la mémoire des événements importants (ex. Luminet et
Curci, 2009 ; Phelps, 2006).

Si les théories actuelles mettent l’accent sur le caractère fonctionnel des


émotions, il est aisé de constater que les émotions sont loin d’être toujours
fonctionnelles. La colère peut conduire à dire des choses que l’on regrette
par la suite, la jalousie risque de provoquer un comportement possessif, et un
excès d’enthousiasme peut amener l’individu à acquérir un bien qui dépasse
son budget. La vie quotidienne regorge d’exemples d’émotions
potentiellement dysfonctionnelles.

Comment concilier dès lors les recherches qui montrent que les émotions
sont fondamentalement adaptatives (ex. Damasio, 1994 ; Oakley et Johnson-
Laird, 1987) avec celles qui suggèrent que les émotions sont au cœur de
nombreux problèmes et désordres psychologiques (ex. Philippot, 2007 ;
Power et Dalgleish, 1997) ? La notion de compétence émotionnelle
réconcilie précisément ces points de vue. Ce qui détermine l’adaptation, ce
ne sont pas tant les émotions, mais ce que l’individu en fait (ou n’en fait
pas). Les individus capables d’identifier leurs émotions, d’en extraire la
valeur informative, de les réguler si elles sont inadaptées au contexte ( i.e.
ayant des compétences émotionnelles élevées) optimiseront leur adaptation à
l’environnement tandis que les autres l’hypothéqueront.

De nombreuses recherches supportent cette idée et montrent que de piètres


compétences émotionnelles sont associées à un risque accru de déve-

XX

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


lopper des troubles psychologiques (Gross et Levenson, 1997), à des
relations sociales et conjugales de moins bonne qualité (Lopes, Salovey,
Côté et Beers, 2005 ; Schutte et al. , 2001), et à une moindre performance
académique et professionnelle (ex. Leroy et Grégoire, 2007 ; Van Rooy et
Viswesvaran, 2004). Un déficit au niveau des compétences émotionnelles
participe également à la genèse ou au pronostic de nombreuses maladies
somatiques, telles que le diabète (ex. Bastin, Luminet, Buysschaert et Luts,
2004), les troubles gastro-intestinaux (ex. Porcelli et al. , 2003) ou encore les
maladies coronariennes (ex. Suls, Wan et Costa, 1995). Une étude
prospective sur cinq ans a montré que de faibles compétences émotionnelles
sont associées à un risque accru de mortalité (Kauhanen, Kaplan, Cohen,
Julkunen et Salonen, 1996).

Le rôle crucial des compétences émotionnelles dans l’adaptation nous a


conduits à y consacrer l’essentiel de nos travaux. Cet ouvrage vise à partager
les connaissances que nous avons acquises dans ce domaine. Il est à noter
que les premiers chapitres sont essentiellement théoriques et utilisent par
conséquent un langage très technique. Les chapitres qui suivent sont
nettement plus pratiques ; ils ont été rédigés en langage vulgarisé et sont
agré-

mentés de multiples exemples de la vie quotidienne. Ces chapitres ont été


conçus pour fournir des clés pratiques aux lecteurs soucieux de développer
leurs compétences émotionnelles (ou celles d’autrui) sur une base
scientifiquement fondée. Outre son utilité dans un processus de
développement individuel, ce livre trouve des applications multiples en
psychothérapie, psychologie de la santé et psychologie des apprentissages.

Avant de laisser au lecteur le soin de découvrir l’ouvrage, il nous incombe de


préciser que la présente tentative reste modeste dans la mesure où il nous
était impossible de tout couvrir. Les compétences émotionnelles sont en lien
avec de nombreux autres domaines des sciences affectives et de la
psychologie en général. Nous avons donc dû effectuer des choix, parfois
douloureux.

Nous avons ainsi fait l’impasse sur les substrats neurobiologiques des
compétences émotionnelles, ne présentant que les notions de base
nécessaires à la compréhension de notre propos. Le lecteur désireux
d’approfondir le volet neurobiologique pourra consulter, par exemple,
l’ouvrage de Belzung (2007). De même, nous avons privilégié une
présentation générale des compétences émotionnelles, sans évoquer les
spécificités liées aux pathologies particulières. La grande majorité des
désordres psychologiques sont associés à un déficit des compétences
émotionnelles. Toutefois, leur remé-

diation dans le cadre d’un trouble nécessite une compréhension approfondie


de la pathologie consacrée. Nous renvoyons le lecteur soucieux d’en savoir
davantage sur ce sujet vers les ouvrages spécialisés (ex. Philippot, 2007).

Chapitre 1

LES COMPÉTENCES

ÉMOTIONNELLES :

HISTORIQUE ET

CONCEPTUALISATION1

1. Par Moïra Mikolajczak.

Aussi prototypiques soient-elles, ces histoires sont véridiques. Nous les


rapportons ici parce qu’elles illustrent l’importance de ce qu’on appelle
aujourd’hui les «

compétences émotionnelles

» (aussi appelées

« intelligence émotionnelle »). Les compétences émotionnelles désignent la


capacité – mise en pratique – à identifier, à comprendre, à exprimer, à gérer
et à utiliser ses émotions et celles d’autrui. Elles jouent un rôle essentiel dans
la santé mentale, la santé physique, la performance au travail et les relations
sociales.

Xavier est marié depuis quinze ans et a deux enfants. Il a une belle situation,
une belle voiture et une belle maison. Certains diraient de lui qu’il a « tout
pour être heureux ». Néanmoins, depuis quelque temps, sa vie familiale
tourne au désastre.

Sa femme se plaint qu’il ne l’a jamais comprise et demande le divorce. Ses


enfants, jeunes adolescents, se détournent de lui. L’ambiance familiale se
détériore jour après jour et il a le vague sentiment que les raisons de cet
échec lui échappent. Dieu sait qu’il aime pourtant ses proches… mais il ne
sait ni le leur montrer ni comment leur parler. Au bureau, c’est pareil. Alors
que certains de ses collègues sont adulés par leurs collaborateurs, Xavier
n’arrive pas à instaurer un rapport sympathique avec son équipe. On lui a
rapporté qu’il était perçu comme froid et distant. Depuis quelques mois, son
rôle de manager lui semble malaisé : il voit bien que Françoise quitte
l’entreprise plus tôt depuis la naissance de son enfant, que l’efficacité de
Jean a diminué après qu’un cancer a été diagnostiqué chez sa femme, et que
Martine est absente depuis la rupture avec son fiancé… Mais, ici encore, il
n’arrive pas à se mettre dans leur peau et ne sait pas comment réagir.

Marie a vingt-sept ans. Malgré une enfance perturbée, elle semble en


apparence avoir réussi sa vie. Elle a un travail passionnant et Marc, son
fiancé, l’a récemment demandée en mariage. Pourtant, Marie ne va pas bien.
Elle est régulièrement en proie au désespoir et souffre quotidiennement de
violents maux de tête.

Elle se sent dépassée par sa charge de travail, et reporte son stress sur son
fiancé, qui ne sait plus comment réagir. Leur relation se détériore de jour en
jour alors que Marc est la personne à qui Marie tient le plus. Tout serait si
simple si Marie arrivait à gérer son stress et à faire la paix avec son passé…

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


Vincent a trente-cinq ans, il est physiquement très séduisant et, à défaut de le
qualifier de génie, son QI est sans conteste au-dessus de la moyenne. Il est
issu de la classe moyenne, ses parents sont professeurs et ses quatre frères et
sœurs ont une vie stable, sans problème particulier. Vincent a le don pour
séduire les femmes et, en ce sens, on pourrait dire que lui aussi « a tout pour
être heureux »… Seulement voilà, Vincent est accro à l’alcool et à la cocaïne
et il est seul car ses amis se sont éloignés de lui. Il fait actuellement face à
deux procès pour violence, vient de perdre son travail et n’a plus de voiture
suite à un énième accident où il est en tort… La vie de Vincent a toujours été
chaotique. Tout petit déjà, il accumulait les renvois, changeait d’école
chaque année et ne cessait de se chamailler avec ses frères et sœurs.

Comment Vincent en est-il arrivé là ? Lorsqu’il est triste, déçu ou frustré, il


boit ou se drogue pour oublier. Lorsqu’il est en colère, il frappe ou, au
mieux, il déverse un flot d’insultes et de menaces sur son interlocuteur, avant
de sortir en claquant la porte. Vincent a pourtant le cœur sur la main… mais
il est incapable de gérer ses émotions…

L’objectif de cet ouvrage est de fournir aux lecteurs une synthèse des
connaissances disponibles à ce jour sur les compétences émotionnelles.

Dans ce chapitre, nous exposerons les facteurs historiques ayant conduit à


l’émergence de cette notion, et en approfondirons la définition. La suite de
l’ouvrage consistera en une présentation détaillée des différentes compé-

tences émotionnelles. Nous découvrirons, d’une part, les processus qui sous-
tendent chaque compétence et, d’autre part, en quoi celles-ci sont
essentielles au bon fonctionnement de l’individu. À l’issue de la lecture, le
lecteur disposera donc d’un ensemble de connaissances théoriques sur les
compétences émotionnelles mais, également, d’une base pratique pour les
développer.

1 HISTORIQUE DE LA NOTION

DE « COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES »

Bien que certains se soient déjà intéressés aux compétences émotionnelles


dans les années vingt, la recherche dans ce domaine n’a pris son essor que
dans les années quatre-vingt-dix, à la suite de la naissance du concept d’
intelligence émotionnelle. L’intelligence émotionnelle [IE] est un terme
hybride qui fut considéré au départ comme un oxymoron, c’est-

à-dire un terme fédérant des concepts/idées perçu(e)s comme


contradictoires. L’intelligence est en effet traditionnellement associée à
l’idée de

HISTORIQUE ET CONCEPTUALISATION

raison, de processus évolués et de haut niveau, tandis que les émotions sont
volontiers associées à l’idée de passion, d’irrationalité et considé-

rées à ce titre comme des processus primaires, voire inférieurs. La notion


d’intelligence émotionnelle renvoie à l’idée que la capacité à identifier, à
comprendre, à gérer, et à utiliser ses émotions (et celles d’autrui) est au
moins aussi importante pour la réussite que les capacités dites intellectuelles.

Différents auteurs peuvent être considérés comme précurseurs du concept de


compétence émotionnelle. On peut tout d’abord citer Thorndike qui, dès
1920, souligne l’importance de « l’habileté à identifier ses propres états
internes, motivations et comportements (ainsi que ceux des autres), et à
interagir avec autrui de manière optimale sur base de ces informations »

(Thorndike, 1920) . Vient ensuite Gardner, qui propose en 1983 d’adjoindre


à l’intelligence classique (QI) une intelligence « personnelle » à deux
versants : l’intelligence intra personnelle et l’intelligence inter personnelle.

Il définit la première comme étant « la connaissance introspective de soi : le


sentiment d’être vivant, l’expérience de ses émotions, la capacité à les
différencier puis à les nommer, à en tirer les ressources pour comprendre et
orienter son comportement » (Gardner, 1983 ; traduction française de 1993,
p. 40) et la seconde comme « la capacité à repérer ce qui distingue les
individus, et en particulier les différences d’humeur, de tempérament, de
motivation et d’intention. L’intelligence interpersonnelle permet de déceler
les projets et désirs de l’autre, même s’ils sont dissimulés » (1993, p. 38-39).
L’idée fait son chemin dans la communauté scientifique et conduit Salovey
et Mayer1 à suggérer en 1990 l’idée d’une « intelligence émotionnelle ».
Celle-ci renverrait à « la capacité à raisonner au sujet des émotions et à les
utiliser afin d’enrichir la pensée » et inclurait « la capacité à identifier les
émotions, à générer les émotions adéquates pour faciliter la pensée, à
comprendre les émotions et à gérer ses émotions de manière à promouvoir la
croissance émotionnelle et intellectuelle »

(Mayer, Salovey et Caruso, 2004, p. 197). Mayer et Salovey construisent un


test pour mesurer l’intelligence émotionnelle et sont les premiers à mener
des recherches scientifiques sur la question.

Le concept serait peut-être resté lettre morte si Daniel Goleman – journa-


liste scientifique de son état – ne l’avait pas popularisé dans son livre
L’Intelligence émotionnelle (Goleman, 1995). Le succès fut immédiat et
dépassa les attentes les plus folles de son auteur dans la mesure où ce livre
figure aujourd’hui parmi les plus grands best-sellers du XXe siècle ! Le
succès de 1. Bien qu’on crédite typiquement la naissance du concept
d’intelligence émotionnelle à Salovey et Mayer (1990), le terme avait déjà
été utilisé auparavant par d’autres auteurs tels que Leuner (1966), Payne
(1986) et Greenspan (1989). Toutefois, aucun de ces auteurs ne l’avait
vraiment

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

défini, ni n’avait proposé d’instruments de mesure.

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

cet ouvrage et du concept qui le sous-tend est attribuable à plusieurs phéno-


mènes, dont l’un des plus saillants est sans doute le fait qu’il constitue une
réponse au pessimisme généré par l’ouvrage The Bell Curve (Hernstein et
Murray, 1994). Ce dernier, à l’origine d’intenses controverses, affirme que le
quotient intellectuel (QI) est normalement distribué dans la population1,
qu’il a une forte composante génétique, qu’il est difficile à modifier, et qu’il
différerait selon l’appartenance ethnique. Il montre également que le QI
diffère en fonction de la classe socio-économique, et qu’il détermine
fortement le degré de succès professionnel. Hernstein et Murray contredisent
ainsi l’idée – fondatrice des USA puisque figurant dans leur Déclaration
d’indépendance – que « tous les hommes sont créés égaux ». Dès le début,
Goleman positionne son ouvrage en réponse à celui de Hernstein et Murray.

Selon lui, l’intelligence émotionnelle est aussi, si pas même deux fois, plus
importante que le QI dans la prédiction du succès professionnel et personnel
(Goleman, 1998, p. 34) ; en outre elle peut être apprise. Il n’en fallait pas
plus pour susciter l’enthousiasme. Comme le soulignent certains,
l’intelligence émotionnelle est un concept rassurant à bien des égards car elle
confirme ce que beaucoup pensent tout bas : la réussite est loin de dépendre
uniquement des capacités intellectuelles.

L’intelligence émotionnelle a donné lieu à un véritable engouement et au


développement parallèle d’un « marché des émotions » : livres, tests,
formations, conférences, etc. Les tests d’intelligence émotionnelle ont atteint
des prix jamais atteints dans le domaine de l’évaluation psychologique
(jusqu’à 25 € par tête pour certains tests). S’il est effectivement important de
souligner l’influence des compétences émotionnelles dans la prédiction du
succès, il faut toutefois rester vigilant et ne pas verser dans la tendance
opposée, celle de surestimer leur importance. Les recherches actuelles (voir
par exemple Van Rooy et Viswesvaran, 2004) tendent à montrer que
l’intelligence émotionnelle est aussi, mais pas plus, importante que le QI
dans l’adaptation et la réussite de l’individu.

Il est à noter que l’appellation « intelligence émotionnelle » a suscité


d’intenses controverses dans la communauté scientifique, celle-ci préférant
réserver le statut d’intelligence aux habiletés purement cognitives. Dans la
suite de notre propos, nous préférerons dès lors le terme de compétences
émotionnelles (originellement proposé par Saarni, 1988) à celui d’
intelligence émotionnelle.

1. La distribution de l’intelligence émotionnelle suit une courbe en cloche (=


dite courbe de Gauss) : la plupart des individus ont un QI moyen, une
minorité un QI très élevé et une autre minorité un QI très faible.

HISTORIQUE ET CONCEPTUALISATION
7

2 VERS UNE DÉFINITION

DES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le nombre et la nature des compétences émotionnelles diffèrent selon les


modèles (voir pour exemple Bar-On, 1997 ; Lane, Quinlan, Schwartz,
Walker et Zeitlin, 1990 ; Mayer et Salovey, 1997 ; Petrides et Furnham,
2003), de sorte qu’il est difficile de donner une définition des compétences
émotionnelles qui soit acceptée par tous. Cette absence de consensus n’a rien
de surprenant puisque plusieurs décennies de recherches n’ont pas non plus
abouti à une définition consensuelle de l’intelligence générale (pour une
revue des définitions, modèles et controverses dans le domaine de
l’intelligence, voir Matthews, Zeidner et Roberts, 2002, p. 86-131) ni de la
personnalité (voir par exemple Block, 1995 ; Goldstein, Zedeck et Goldstein,
2002 ; Hansenne, 2007 ; Ones et Anderson, 2002).

En dépit des différences, un relatif consensus se dégage toutefois autour de


l’idée que les compétences émotionnelles (CE) réfèrent aux différences dans
la manière dont les individus identifient, expriment, comprennent, utilisent et
régulent leurs émotions et celles d’autrui. Ces cinq grandes compé-

tences (voir tableau 1.1) semblent former le cœur autour duquel s’articulent
ou duquel découlent toutes les autres.

Tableau 1.1

Les cinq compétences émotionnelles de base

Versant intrapersonnel (soi)

Versant interpersonnel (autrui)

Les personnes ayant des compétences émotionnelles élevées…

… sont capables d’identifier leurs … sont capables d’identifier Identification

émotions
les émotions d’autrui

… comprennent les causes et

… comprennent les causes et con-

Compréhension

conséquences des émotions

séquences de leurs émotions

d’autrui

… sont capables d’exprimer leurs

… permettent aux autres

Expression

émotions, et de le faire de manière

d’exprimer leurs émotions

socialement acceptable

… sont capables de gérer leur

… sont capables de gérer les

Régulation

stress et leurs émotions (lorsque cel- émotions et le stress d’autrui les-ci sont
inadaptées au contexte)

… utilisent les émotions des

… utilisent leurs émotions pour

autres pour accroître leur effi-


accroître leur efficacité (au niveau

Utilisation

cacité (au niveau de la

de la réflexion, des décisions,

réflexion, des décisions,

des actions)

des actions)

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LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ces compétences se déclinent sur trois niveaux (Mikolajczak, 2008 b ;


Mikolajczak, 2008 a) : connaissances, habiletés et dispositions.

Le premier niveau est le niveau des connaissances. Ce niveau renvoie aux


connaissances implicites et explicites de l’individu à propos de chacune des
cinq dimensions1. Si l’on prend l’exemple de la dimension « régulation des
émotions », ce premier niveau comprend les connaissances que possède
l’individu quant à l’efficacité de différentes stratégies de gestion des
émotions. Les recherches ont montré que les individus diffèrent
sensiblement à ce sujet (Loewenstein, 2007). De nombreuses personnes ne
savent pas, par exemple, que face à une situation difficile, il est plus efficace
de réévaluer positivement la situation que de chercher à « masquer » son
émotion.

Le second niveau est le niveau des habiletés. Ce niveau correspond à la


capacité de l’individu à appliquer ses connaissances en situation
émotionnelle. Pour reprendre l’exemple de la régulation des émotions, le
niveau des habiletés correspond à la capacité de l’individu à implémenter
une stratégie donnée. Par exemple, ce dernier est-il capable de réévaluer
positivement une situation initialement perçue comme hautement négative ?
La question n’est pas ici de savoir si l’individu a tendance à réévaluer
positivement les situations au quotidien, mais bien s’il est capable de le faire
si on le lui demande.

Le troisième niveau est celui des dispositions (ou traits). Ce niveau réfère à
la propension de l’individu à se comporter de telle ou telle manière dans les
situations émotionnelles en général. Par exemple, l’individu a-t-il tendance à
réévaluer positivement les situations négatives ? Utilise-t-il régulièrement
cette stratégie ?

Ces trois niveaux de compétence interagissent entre eux mais ne sont que
modérément corrélés. Ainsi, les connaissances ne se traduisent pas toujours
en habilités, lesquelles ne sont pas toujours utilisées au quotidien. On peut
très bien savoir que la meilleure stratégie pour diminuer son stress avant un
examen est de réévaluer la situation positivement, et être pourtant totalement
incapable de réévaluer positivement sa propre session. De même, on peut
être capable de réévaluer positivement une situation si quelqu’un (ex. un
ami, un psy, un coach) nous le demande, et pourtant ne pas penser spontané-

ment à utiliser ce type de stratégie.

L’utilité de distinguer ces trois niveaux n’est pas que théorique. Un tel
modèle a au moins deux grandes implications pratiques. La première
concerne le diagnostic. Les praticiens (recruteurs, coaches, formateurs ou
thérapeutes) confrontés à un individu ayant un déficit au niveau des compé-

tences émotionnelles devront déterminer si l’origine du problème réside dans


un déficit au niveau des connaissances, dans un déficit au niveau des habile-
1. En langage scientifique, ce niveau correspond au nombre de nœuds et au
nombre de liens dans la toile multimodale des concepts en lien avec les
émotions.

HISTORIQUE ET CONCEPTUALISATION

tés, ou dans une difficulté à utiliser ses connaissances et habiletés au


quotidien. Seule la mesure distincte des trois niveaux permettra de le
déterminer.

La seconde implication pratique concerne la formation. Dès lors que les


connaissances ne se traduisent pas forcément en habiletés et, surtout, que les
habiletés ne sont pas nécessairement utilisées au quotidien, tout processus de
formation devra, s’il veut être efficace, obligatoirement impliquer un suivi
des participants. Quelques jours de formation suffiront en effet à fournir des
connaissances et à enseigner de nouvelles habiletés. Un suivi des
participants à plus long terme sera toutefois nécessaire afin de maximiser les
chances que ceux-ci mettent en pratique ce qui leur aura été enseigné en
formation.

Traits = dispositions

(Propension à se

comporter de telle ou

telle manière en situation

émotionnelle)

Habiletés

(Habileté à appliquer

ses connaissances en

situation émotionnelle et

à implémenter une

stratégie donnée)

Connaissances

(Complexité et étendue

du réseau conceptuel
émotionnel)

Figure 1.1

Modèle des compétences émotionnelles à trois niveaux

À présent que nous avons défini ce que l’on entend par compétences
émotionnelles et que nous avons exposé les implications pratiques d’une
telle définition, nous allons nous arrêter un instant sur la notion d’émotion.

Qu’est-ce qu’une émotion ? À quoi les émotions servent-elles ? Quels sont


leurs corrélats neurobiologiques ? Le chapitre suivant s’attachera à répondre
à ces questions et fournira au lecteur les bases nécessaires à la
compréhension de la suite de notre propos.

Chapitre 2

LES ÉMOTIONS1

1. Par Moïra Mikolajczak.

1 INTRODUCTION

Comme nous le soulignions en introduction de cet ouvrage, les émotions ont


longtemps été considérées comme des phénomènes passionnels, susceptibles
d’entraver le bon fonctionnement de la raison. Dans l’Antiquité déjà, les
stoïciens mettaient en exergue la supériorité de la raison et exhortaient leurs
pairs à réprimer leurs émotions.

Ne laisse aucune émotion de la chair, qu’elle soit de douleur ou de plaisir,


affecter la partie suprême et souveraine de l’âme [c’est-à-dire la raison].
Assure-toi qu’elles n’interagissent pas : la raison doit se limiter au domaine
qui est le sien et confiner les émotions à leur territoire propre.

(Marc Aurèle, Méditations, V, 26, cité par Matthews et al. , 2002) Un


changement progressif dans la perception des émotions a eu lieu à la
Renaissance (ex. Érasme, Éloge de la folie) et puis au XIXe, le siècle des
romantiques. Les émotions ont non seulement pu s’exprimer, mais on a
également pris conscience que celles-ci pouvaient conduire l’homme à faire
de grandes choses. L’idée que les émotions puissent être fonctionnelles a fait
son chemin depuis les romantiques, mais ce n’est que depuis une vingtaine
d’années que l’intérêt pour les émotions s’est accru dans le monde
scientifique. Cet intérêt est à mettre en lien avec les travaux du neurologue
Antonio Damasio. Ce chercheur portugais, immigré aux États-Unis, a en
effet mis en évidence que les émotions, loin de colorer seulement la vie des
individus, étaient absolument indispensables à leur survie (Damasio, 1994).
Dans les lignes qui suivent, nous allons tenter de donner un aperçu de ce que
sont les émotions, des situations dans lesquelles elles apparaissent et du rôle
qu’elles jouent en regard de l’adaptation de l’être humain à son
environnement.

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14

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 QU’EST-CE QU’UNE « ÉMOTION » ?

2.1 Un système à cinq composantes

Lorsque l’on parle d’ émotion, on pense habituellement à la conscience


subjective et immatérielle qu’on a du phénomène, au ressenti (ex. « je
ressens que j’ai peur »). L’émotion est toutefois bien plus qu’un phénomène
impalpable. Il s’agit en réalité d’un phénomène à multiples facettes, dont
certaines sont parfaitement objectivables. Parmi ces facettes, on retrouve
l’activité neuronale (ex. activation de l’amygdale cérébrale, voir point 5.1.1

ci-dessous), l’activation physiologique (ex. augmentation du rythme


cardiaque), les pensées qui traversent l’esprit, les sensations corporelles (ex.
boule dans le ventre), l’expression faciale (ex.

expression de peur,

rougissement, etc.), la modification de la posture (ex. retrait), etc. La


conscience subjective est probablement un produit émergeant de ces
différents phénomènes.
Klaus Scherer, un chercheur suisse, a proposé de catégoriser les différentes
manifestations de l’émotion en cinq grandes dimensions (Scherer, 2001).

Afin de les illustrer, prenons l’exemple d’une frayeur survenant à la vue d’un
chien se précipitant sur nous.

La première dimension renvoie aux pensées suscitées par la situation (ex.


ce chien aboie et n’a pas l’air commode, je n’ai rien pour me défendre).

La seconde dimension renvoie aux modifications biologiques. Nous y


reviendrons en détail plus avant dans ce chapitre mais précisons d’ores et
déjà que celles-ci recouvrent trois types de manifestations, en cascade : (1)
les modifications neuronales (ex. activation de l’amygdale), (2) les
modifications physiologiques (ex. variations du rythme cardiaque, de la
pression sanguine, de la conductance cutanée, de la température corporelle,
du rythme respiratoire) et (3) les manifestations neuro-végétatives (ex. dans
le cas de la peur : sueurs, palpitations et oppression respiratoire).

La troisième dimension concerne les tendances à l’action. Nous


reviendrons également ultérieurement sur ce point, mais notons déjà que
chaque émotion induit une impulsion, une envie pressante de faire quelque
chose.

Ainsi, la peur induit généralement l’envie de fuir ( dans notre exemple,


prendre ses jambes à son cou), la honte, le désir de se volatiliser ou de
rentrer sous terre, la colère, la tentation de frapper, etc. Le fait que ces
tendances à l’action donnent ou non lieu à l’action proprement dite est
fonction de sa faisabilité, des contraintes sociales, ou de contraintes d’ordre
personnel. Par exemple, certaines personnes auront envie de pleurer en
situation de détresse mais ne le feront pas parce que le lieu n’est pas
approprié (ex. au bureau), qu’elles souhaitent paraître fortes ou qu’elles sont
pudiques.

LES ÉMOTIONS

15

La quatrième dimension réfère aux modifications expressives et


comportementales. Si l’individu ne cherche pas à la dissimuler aux yeux
d’autrui, l’émotion s’accompagne d’une modification au niveau de
l’expression faciale (ex. expression de peur : sourcils levés, bouche ouverte),
de la gestuelle (ex. mains levées), de la posture (ex. en retrait) et de la voix
(ex. chevrotante). Ces modifications expressives et comportementales
constituent la composante la plus saillante pour l’œil extérieur.

Finalement, la cinquième et dernière dimension renvoie à l’expérience


subjective, au ressenti (ex. je ressens que j’ai peur).

Ces cinq composantes vont souvent de pair, mais pas toujours (voir encart
ci-dessous).

La dissociation des composantes : le cas des répresseurs Les différentes


composantes de l’émotion sont corrélées entre elles. Cela signifie que
lorsqu’une composante est présente, les autres le sont souvent aussi. La
corré-

lation n’est toutefois pas parfaite car l’être humain a la possibilité d’agir sur
certaines composantes, comme par exemple la gestuelle ou l’expression
faciale.

On peut être très triste ou en colère, et masquer cette émotion aux yeux
d’autrui si le contexte n’invite pas à l’expression émotionnelle.

Néanmoins, au-delà des considérations stratégiques qui peuvent conduire à


une dissociation des composantes chez n’importe quel individu, il existe
également des formes pathologiques de dissociation. La répression, par
exemple, consiste en une dissociation des composantes physiologiques et
subjectives (Derakshan et Eysenck, 1997). Les individus répresseurs n’ont
pas conscience d’être stressés ou d’éprouver une émotion, alors qu’ils
présentent paradoxalement une activation physiologique importante
(Derakshan et Eysenck, 1999). Ces individus sont particulièrement
vulnérables aux maladies psychosomatiques car leur absence de conscience
émotionnelle les empêche de réguler leurs émotions et de diminuer
l’activation physiologique correspondante.

2.2 Émotion, humeur et tempérament


Émotions, humeurs, affects, tempérament… Les mots qui décrivent nos états
émotionnels sont nombreux et souvent indistinctement utilisés dans le
langage courant. Dans la littérature scientifique cependant, ces termes
renvoient à des concepts différents qu’il convient de définir brièvement.

Selon Luminet (2002), les émotions sont des états relativement brefs (de
quelques secondes à quelques minutes) provoqués par un stimulus ou par
une situation spécifique (ex. je suis heureuse parce je vais me marier).

Comme nous l’avons vu ci-dessus, elles s’expriment tant au niveau


physiolo-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

gique, que comportemental et subjectif.

16

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les humeurs, en revanche, persistent longtemps (quelques heures à quelques


jours) et sont d’intensité faible à modérée (impression diffuse, tendance à
demeurer à l’arrière-plan de la conscience). Elles sont déclenchées par un
élément qui n’est pas nécessairement identifiable (ex. je me sens d’humeur
joyeuse en général) et elles n’ont pas de corrélat comportemental ou
physiologique saillant. Il a parfois été avancé que les émotions seraient plus
complexes et comporteraient davantage de catégories que les humeurs.

L’ affect est un terme plus général reprenant à la fois les émotions et les
humeurs.

Finalement, le tempérament réfère à la toile de fond, l’état émotionnel de


base de l’individu, sa prédisposition naturelle à éprouver tel ou tel type
d’émotions et d’humeurs.

Certains individus sont, par exemple, caractérisés par un tempérament dit

« négatif ». Ces individus sont plus réactifs aux aspects aversifs des
situations et tendent à éprouver beaucoup plus d’affects négatifs que positifs.
Sur cette toile de fond négative, l’individu pourrait, à la suite d’une injustice
majeure dont il ne se remettrait pas immédiatement, être d’humeur colérique.
Sans être manifestement en colère, cette humeur diffuse va le rendre plus
réactif aux situations potentiellement génératrices de colère.

Le tempérament influence l’humeur, qui influence à son tour les émotions.

L’inverse est vrai également, mais dans une moindre mesure. Il faudra que
les émotions incongruentes1 avec l’état d’humeur soient plus intenses pour
avoir un impact en retour sur celui-ci.

3 LES DÉCLENCHEURS DE L’ÉMOTION

Les émotions apparaissent dans deux grandes classes de situations : celles


qui mettent à mal (ou à bien) les objectifs de l’individu et celles qui mettent
à mal ses croyances fondamentales.

Les premières situations ont trait à l’atteinte des buts. Il s’agit de l’ensemble
des situations pertinentes en regard des objectifs de l’individu. Les émotions
négatives apparaissent dans les situations qui menacent l’atteinte des buts.
La fonction des émotions positives n’est pas totalement établie, mais il
semblerait que la plupart d’entre elles apparaissent dans des situations où
l’individu réalise ses objectifs. Comme le souligne Gross (2007), 1. Une
émotion incongruente avec l’état d’humeur est une émotion qui n’a pas la
même valence que celui-ci (ex. émotion positive survenant sur une humeur
négative, émotion négative survenant sur une humeur positive).

LES ÉMOTIONS

17

ces objectifs peuvent être durables et essentiels à l’image de soi (ex. vouloir
être une bonne mère) ou transitoires et secondaires (ex. vouloir manger des
pâtes à la bolognaise ce soir). Ces objectifs peuvent être conscients et
complexes (ex. vouloir grimper les échelons dans son entreprise) ou
inconscients et simples (ex. vouloir retirer sa main d’une taque chaude). Ils
peuvent être largement partagés et compris au sein d’une même culture (ex.
vouloir réussir à l’école) ou particuliers et quelque peu mystérieux aux yeux
des autres (ex. vouloir acheter un tournevis de collection). Quels que soient
l’objectif et la situation, c’est leur signification pour l’individu qui donne
lieu à l’émotion. Si la personne, la situation, ou ce que cette situation signifie
pour la personne change, l’émotion changera également (ou disparaîtra).

Exemple : l’émotion de peur survenant à la vue d’un pitbull L’émotion


de peur survenant à la vue de ce chien provient du fait que l’animal menace
l’un des objectifs de l’individu (la préservation de son intégrité physique). Il
est à noter que ce n’est pas la situation elle-même qui cause l’émotion mais
bien la perception subjective que l’individu en a. Si l’individu possède lui-
même un pitbull et ne craint pas cette race de chien, il n’aura pas peur. Dans
le cas qui nous occupe, l’individu perçoit le chien comme menaçant un de
ses objectifs (intégrité) parce que (1) le chien est perçu comme dangereux («
On m’a dit que les pitbulls étaient dangereux et celui-ci aboie et a l’air
agressif ») (2) les ressources pour faire face à la situation sont perçues
comme insuffisantes (« je n’ai rien pour me défendre ») et (3) les tendances
à l’action générées par la situation sont socialement inacceptables (« je ne
peux pas prendre mes jambes à mon cou devant tout le monde ! »).

Le second type de situations déclenchant prototypiquement des émotions a


trait aux croyances fondamentales (Janoff-Bulman, 1992). Les croyances
fondamentales sont des croyances de base qui aident l’humain à fonctionner
et à donner sens au chaos. Ces croyances, mises en évidence par Janoff-
Bulman, sont au nombre de trois : (1) le monde environnant est globalement
bienveillant (personne ne fait le mal par pur plaisir), (2) le monde est
globalement juste (chacun reçoit ce qu’il mérite) et (3) je suis globalement
meilleur(e) que la moyenne des individus de mon groupe d’appartenance.

Ces croyances sont implicites. Elles sont là pour nous permettre de donner à
la réalité un semblant de cohérence et de survivre sans sombrer dans la folie.

Toute situation qui constitue un démenti à l’une de ces croyances va


provoquer une émotion. Ainsi, si nous voyons à la télévision l’image d’un
pédophile arrêté pour le meurtre sauvage d’un enfant de 4 ans, nous
éprouve-rons une émotion car cela contredira la croyance selon laquelle le
monde est bienveillant. Si nous apprenons qu’un individu qui a travaillé
dur, élevé 4

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.


enfants et fait le bien toute sa vie, est décédé d’un cancer fulgurant trois
mois

18

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

après avoir pris sa retraite alors qu’il n’avait jamais fumé, nous aurons une
émotion parce que cette histoire contredit la croyance selon laquelle le
monde est juste et que chacun y reçoit ce qu’il mérite. Finalement, si l’on
nous dit qu’en regard de l’humanité, ce n’est pas très grave si nous mourons
demain, nous aurons une émotion car cela contredit la croyance selon
laquelle nous sommes meilleur(e) et donc plus utile à la planète que la
majorité des gens.

4 LES FONCTIONS DES ÉMOTIONS

En dépit des conceptions des stoïciens grecs, il semble peu probable que les
émotions soient une aberration de la nature (Matthews et al. , 2002). En
réalité et comme nous allons le voir ci-après, les émotions sont cruciales et
indispensables à notre survie et à notre adaptation.

4.1 L’émotion comme source d’information

La première fonction de l’émotion est le corollaire direct du point précédent.

Nous avons vu que l’émotion n’apparaissait que dans les situations


pertinentes pour l’individu. L’émotion et sa nature informent donc l’individu
sur la réalisation de ses objectifs, sur la satisfaction de ses besoins. Nous
reviendrons amplement sur cette question au chapitre 6 mais retenons dès à
présent que l’émotion est TOUJOURS porteuse d’un message (Clore,
Gasper et Garvin, 2001). Une émotion négative signale qu’un obstacle
entrave l’atteinte de l’objectif tandis qu’une émotion positive signale que
l’objectif est atteint ou est en bonne voie de l’être. Par exemple, l’échec à un
examen ou le refus d’une promotion seront généralement accompagnés de
colère ou de tristesse. À l’inverse, l’obtention d’un diplôme ou d’une
promotion sera le plus souvent accompagnée de joie ou de fierté.
L’émotion ne sert toutefois pas qu’à nous informer sur notre rapport au
monde. Comme nous l’exposerons ci-dessous, elle sert aussi à faciliter le
passage à l’action.

4.2 L’émotion comme facilitateur de l’action

Lorsque nous avons défini l’émotion, nous avons vu que l’une de ses cinq
composantes était la « tendance à l’action ». Le propre d’une émotion est
ainsi de faciliter certains comportements, tout en en inhibant d’autres (Frijda,
1986).

LES ÉMOTIONS

19

Pour quoi faire ? Comme nous le verrons ci-dessous de manière plus


approfondie, l’ultime fonction des émotions est de faciliter l’adaptation de
l’individu à son environnement. L’émotion constitue un guide de
comportement, dont l’objectif est de permettre à l’individu d’agir vite et
bien. La peur facilite ainsi la fuite et inhibe toute une série de
comportements inappropriés tels que sauter de joie, rire, etc. De même, la
colère encourage l’individu à lutter pour se défendre. Nous avons répertorié
les tendances à l’action associées à sept émotions de base1 (Plutchik, 1980).
Elles sont résumées dans le tableau 2.1.

Tableau 2.1

Tendances à l’action et fonctions adaptatives de sept émotions de base


Fonction

Stimulus

Émotion

Comportement

Corrélat biologique

adaptative
déclencheur

Le corps est paralysé

l’espace d’un instant afin de

laisser à l’individu le temps

de décider de la réaction

Peur

Protection

Menace

S’enfuir

appropriée. Simultané-

ment, le sang est dirigé vers

les muscles afin de préparer

l’organisme à la fuite.

L’énergie est également

dirigée vers les muscles,

Obstacle,

Mordre,

afin de décupler la force de

Colère

Destruction
injustice

frapper

l’individu et de lui permet-

tre de se défendre vigou-

reusement.

La tristesse induit un ralen-

tissement et une baisse de

Échec, perte

Pleurer,

motivation pour les activités

Réinsertion/

d’une per-

Tristesse

appeler à

de la vie quotidienne, per-

réflexion

sonne aimée

l’aide

mettant de mesurer les con-

ou d’un objet
séquences de la perte et de

réorienter ses buts.

Le dégoût s’accompagne

Objet/subs-

Vomir,

fréquemment de nausées,

tance

jeter au loin, ce qui refléterait une tenta-

Dégoût

Rejet

immonde/per-

rejeter du

tive primitive de rejeter les

sonne nuisible

groupe

substances toxiques.

1. Les émotions de base sont les émotions que l’on retrouverait dans toutes
les cultures et qui auraient un pattern d’expression faciale et physiologique
relativement spécifique et distinctif.

Les émotions secondaires seraient formées par la combinaison d’émotions


de base. Contraire-
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ment aux émotions primaires, elles seraient culturellement déterminées.

20

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La surprise provoque un

haussement des sourcils qui

élargit le champ visuel et

Objet nou-

S’arrêter,

Surprise

Orientation

permet à l’individu de dis-

veau, soudain

alerter

poser de davantage

d’informations sur l’événe-

ment inattendu.

La joie s’accompagne

d’une inhibition des senti-


ments négatifs et d’un

accroissement de l’énergie

Atteinte d’un

Sauter de

Joie

Exploration

disponible. L’individu se

objectif

joie, explorer

donne des buts plus variés

et accomplit avec plus de

facilité les objectifs qu’il

s’assigne.

L’amour s’accompagne

Amour,

Affiliation,

Présence d’un

Partager,

d’une sécrétion d’hormones

tendresse reproduction
être cher

prendre soin

propices à la confiance en

l’autre et à la coopération.

Avant de clôturer ce point, deux éléments doivent être soulignés.

Tout d’abord, il faut noter qu’une émotion particulière ne correspond pas


toujours à un challenge adaptatif particulier. La joie, par exemple, est
présentée ici comme étant la tendance à l’action suivant un succès. Il va de
soi qu’elle peut aussi s’éprouver dans d’autres contextes, tels que le
soulagement d’avoir échappé à un danger. Le tableau ci-dessus vise à
présenter les choses telles qu’elles se présentent en général.

Ensuite, s’il est vrai que l’émotion facilite certains comportements, il s’agit
bien de tendances à l’action, pas de prescriptions. Il est donc important de ne
pas confondre émotion et instinct. L’émotion crée une tendance en faveur
d’un certain type de comportement, l’instinct impose un certain type de
comportement. Au contraire de l’instinct, l’émotion permet une
accommodation particulièrement flexible à l’environnement, et ce via un
découplage du stimulus et du comportement1. Nous verrons plus loin que
c’est précisément ici que les différences individuelles prendront tout leur
sens. Ainsi, là où tel individu en colère se laissera emporter par les tendances
de réponse qui lui sont associées (frapper, détruire) et cognera sur son
adversaire, tel autre utilisera le temps de latence que la nature lui a imparti
afin de 1. Le cortex préfrontal (centre de la réflexion et du contrôle) a la
possibilité de modérer la projection amygdale (centre des émotions) – cortex
moteur (contrôle des réponses motrices).

LES ÉMOTIONS

21

mettre en œuvre une stratégie d’ajustement plus constructive (s’éloigner et


reporter la conversation à plus tard).
4.3 L’émotion comme support à la décision

Les études de Damasio (pour une synthèse, voir Damasio, 1994) sur les
patients présentant une lésion cérébrale au niveau des circuits neuronaux de
l’émotion1 montrent que les émotions sont indispensables aux processus de
décision. C’est l’accident tragique d’un certain Phineas Gage qui a permis de
mettre en évidence l’importance des émotions dans la prise de décision.

En 1848, Phineas P. Gage est âgé de 25 ans. Il est en bonne santé et en


parfaite possession de ses moyens. C’est un chef d’équipe respecté par ses
hommes et ses supérieurs. Il dirige à cette époque une partie des travaux de
construction des voies ferrées en Nouvelle-Angleterre. Sa tâche n’est pas
aisée : il faut maintenir un tracé le plus rectiligne possible mais les couches
rocheuses sont extrêmement dures. Il faut dès lors faire exploser la roche.
C’est Phineas Gage en personne qui tasse la poudre au moyen d’une barre de
fer. Cette barre de fer mesure un mètre dix de long, trois centimètres de
diamètre et pèse 6 kg. Cet après-midi-là, Phineas commence à tasser la
poudre sans que son collègue ait eu le temps de verser le sable protecteur. La
poudre explose et la barre de fer traverse le crâne de Phineas, avant d’atterrir
30 mètres plus loin, couverte de sang et de tissu cérébral.

La barre a pénétré sous la joue gauche de Phineas pour ressortir par le


sommet de son crâne. Nonobstant ce traumatisme, Phineas n’est pas mort. Il
est capable de parler et de s’extraire, presque sans aide, de la charrette qui l’a
mené chez le Docteur Harlow. Ce dernier soignera Phineas durant de long
mois. Gage se réta-blit et s’en sort à première vue parfaitement indemne : il
parle bien, ne souffre d’aucun déficit neurologique apparent et d’aucune
paralysie. Il ne voit plus de l’œil gauche mais a conservé la vue du côté
droit.

Nous avons dit « à première vue » parce qu’en dépit de son excellent
rétablissement physique général, Gage n’est plus le même. Il se ruine et perd
sa famille, ses amis et son travail. Malgré son intelligence, Gage est devenu
incapable de gérer son argent, de maintenir des relations sociales de qualité
et de conserver un emploi stable. Il décède le 21 mai 1861 (13 ans après
l’accident) des suites d’une crise d’épilepsie.
1. Ces lésions concernaient le cortex préfrontal ventro-médian, l’amygdale,
ou encore le cortex insulaire/somato-sensoriel.
22
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Figure 2.1

Quatre représentations de Phineas Gage

( Source : « Four representations of Phineas Gage », in M. Macmillan


(2006),

« Restoring Phineas Gage : A 150th Retrospective », J. Hist. Neurosci. 9,


46-66) Dans un ouvrage devenu célèbre ( L’Erreur de Descartes, 1994), le
neurobiologiste Antonio Damasio a réanalysé le cas « Phineas Gage » et
étudié de nombreux patients ayant une lésion cérébrale analogue1. Alors que
les fonctions cognitives (attention, mémoire, raisonnement…) de ces patients
sont relativement préservées, Damasio observe que ces patients deviennent,
comme Gage, incapables de s’adapter au monde qui les entoure : ils
prennent des décisions systématiquement désavantageuses, leurs relations
sociales et conjugales se détériorent rapidement, leur vie professionnelle se
dégrade et ils se ruinent financièrement. Le contraste entre la qualité de leur
raisonnement et la pauvreté de leurs décisions est frappant. Ces patients sont
en effet capables de détailler les différentes réponses possibles dans une
situation, de considérer les conséquences de 1. C’est-à-dire touchant le
cortex orbito-frontal ou le cortex préfrontal ventro-médian.

LES ÉMOTIONS

23

chaque option et de juger de la valeur de chacune d’elles. Toutefois, même


en possession de l’information nécessaire, ces patients sont incapables
d’implémenter la bonne décision.

Comment expliquer cet apparent paradoxe ? Aussi curieux que cela puisse
paraître, la réponse est à rechercher du côté des émotions. Le centre nerveux
des émotions ayant été touché chez ces patients, ceux-ci sont incapables de
traiter l’information émotionnelle et ne génèrent donc quasiment plus de
réponse physiologique en situation émotionnelle. Chez un individu
« normal », toute situation de choix constitue une situation émotionnelle,
surtout si l’une des options est risquée. Une option risquée déclenche donc
une réponse physiologique plus marquée (augmentation du rythme
cardiaque, mains moites, etc.) qu’une option sûre. Cette différence
d’activation physiologique peut être très marquée (ex. si l’on hésitait entre
sauter d’un pont et rester sur le bord) ou extrêmement légère et non
perceptible consciemment par l’individu (ex. si l’on hésite entre aller au
cinéma ou faire une ballade). La réponse physiologique représente un
indicateur du niveau de risque associé à chaque option. Ces réponses
physiologiques constituent donc un système automatique (il n’est pas
indispensable d’en être conscient pour qu’elles soient efficaces) permettant
d’accélérer le processus de choix (nous ne devons pas peser le pour et le
contre de chaque option pendant des heures) et de faire pencher la balance
en faveur des options biologiquement avantageuses.

Privés de cette activation physiologique, les individus cérébro-lésés au


niveau des circuits émotionnels ne disposent plus de ces « messagers » qui
permettent d’orienter le comportement et la prise de décision. Par exemple,
sans émotion de honte, ces patients peuvent continuer à se ridiculiser en
public sans que cela ne les touche. De la même manière, sans préférence
émotionnelle pour un choix ou un autre, ils se voient incapables de choisir
entre deux options équivalentes sur le plan rationnel. En outre, privées de
l’émotion « stress/peur » qui empêche de prendre un ensemble de voies

« risquées » (ex. jouer au casino, spéculer dangereusement en bourse, etc.),


ces personnes posent de nombreux choix dont l’issue se révèle le plus
souvent désastreuse.

4.4 L’émotion comme outil indispensable à l’adaptation Se basant sur la


théorie de l’évolution de Darwin (1959), la psychologie évolutionnaire
conçoit les émotions comme l’héritage d’une sélection naturelle opérée
durant le pléistocène. Deux chercheurs américains, Leda Cosmides et John
Tooby, ont synthétisé un impressionnant corpus de recherche en psychologie
et en anthropologie des émotions (voir Cosmides et Tooby, 2000). Ils
modélisent l’esprit comme une sorte de « boîte » bondée de

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.


programmes très spécifiques, chaque programme étant né et spécialement

24

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

conçu pour traiter un problème adaptatif particulier (ex. vigilance face aux
prédateurs, mise en sommeil, etc.). Pour ces auteurs, l’existence de ces
micro-programmes crée toutefois un problème adaptatif plus large dans
certaines circonstances : s’ils sont simultanément activés, ils peuvent
délivrer des ordres contradictoires. Prenons l’exemple de notre ancêtre
montant la garde durant la nuit devant sa grotte. Les programmes qui
président à l’endormissement (c’est la nuit) sont en conflit avec ceux
qu’appelle la vigilance par rapport aux prédateurs (il doit monter la garde).
Afin d’éviter ce type de problème adaptatif, l’humain doit être équipé de
programmes d’ordre supérieur qui coordonnent les sous-programmes (en
activent certains, et en désactivent d’autres) en fonction des demandes de
l’environnement. Selon Cosmides et Tooby (2000), les émotions constituent
de tels programmes. Ainsi, la peur que génère l’idée d’un possible prédateur
crée une priorité biologique : elle accélère le rythme cardiaque, empêchant
ainsi la mise en sommeil (on remarque tous qu’il est difficile de dormir si le
cœur bat la chamade parce que l’on a peur). La peur possède donc une
fonction adaptative : il eût en effet été désastreux pour nos ancêtres que les
signaux proprioceptifs activent la mise en sommeil alors qu’au même
moment, la vue d’un lion aurait exigé la mise en œuvre du programme de
fuite. Les émotions représentent donc une réponse fonctionnelle au problème
adaptatif posé par l’ orchestration des programmes d’ordre inférieur. Les
émotions orchestrent ainsi les réponses des différents systèmes (cognitif,
physiologique, etc.) afin que l’organisme puisse répondre de manière
optimale lors de la confrontation à certaines situations.

Le rôle d’orchestration joué par les émotions

Cosmides et Tooby (2000) illustrent le rôle d’orchestration joué par les


émotions par l’exemple suivant. Imaginons que vous dormiez seul(e) chez
vous, et que vous perceviez soudain des indices (ex. bruits) suggérant la
présence possible d’un voleur. L’émotion qui s’ensuit est la peur (d’être volé,
attaqué, etc.). Lorsque les caractéristiques de la situation indiquent que
l’individu est confronté à une situation où son intégrité est menacée,
l’émotion orchestre l’activation ou la modification du fonctionnement d’un
ensemble de programmes. On observe ainsi les modifications suivantes.

1. Un changement dans la perception et l’attention. Ce changement


concerne essentiellement deux choses : l’orientation de l’attention et le seuil
de perception. Premièrement, on observe un biais dans l’orientation de
l’attention en faveur des stimuli ayant une valeur informative quant à la
menace que représente la situation. Le temps mis pour détecter les stimuli
négatifs sera considérablement réduit et ils seront détectés prioritairement
aux stimuli positifs. Deuxièmement, le seuil de perception d’un ensemble de
stimuli est abaissé, de sorte que l’acuité visuelle et auditive augmente. Vous
verrez ainsi des ombres et entendrez des bruits (ex. mouvements de
branches, craquements de plancher) que vous ne percevez pas d’ordinaire.

LES ÉMOTIONS

25

2. Une modification des motivations et priorités. Votre sécurité devient


prioritaire et toutes les autres motivations passent au second plan : vous
n’avez plus faim, plus soif, plus mal, plus de désir sexuel, et la réussite de
vos examens ou de ceux de vos enfants importe peu. En résumé, seuls les
objectifs à court terme (la survie) comptent et tous les autres passent au
second plan. C’est le cas même si l’examen a lieu le lendemain matin et
qu’il a été votre principale source de préoccupation pendant des semaines.

3. Un biais de mémoire en faveur des souvenirs potentiellement utiles dans


la situation. Vous vous remémorerez le contenu de cet article que vous avez
lu il y a cinq ans et qui expliquait les 10 manières de se défendre lors d’une
agression.

Vous vous souviendrez soudain du numéro de votre voisine que vous croyiez
avoir oublié, et vous vous rappellerez en un éclair de tous les endroits de
votre maison qui pourraient potentiellement servir de cachette.

4. Un changement dans la catégorisation des choses. Telle pièce


précédemment classée comme sûre (ex. le salon) devient dangereuse (parce
que le voleur pourrait vite vous y trouver) alors que tel petit recoin sombre et
invisible au fond du jardin auparavant catégorisé comme « dangereux »,
devient maintenant « sûr » (parce que vous pourriez vous y cacher).

5. Une hyper-activation des systèmes d’inférence spécialisés. Quelle est la


trajectoire de l’individu ? Quelle est la direction de son regard ? À partir de
ces informations, votre cerveau va inférer s’il est possible que le voleur vous
ait aperçu, et en tirer les conséquences.

6. L’activation de systèmes d’apprentissage spéciaux. D’une part, la


situation sera enregistrée comme dangereuse et tous les éléments qui y ont
contribué seront également catégorisés comme tels. Vous admettrez ainsi
pour sûr et pour longtemps qu’il faut fermer la porte d’entrée à double tour
et ne pas laisser de fenêtre entrouverte dans le salon. D’autre part, vous
apprendrez bien plus facilement à faire quelque chose qui pourrait vous tirer
de ce mauvais pas (ex. utiliser un pistolet ; grimper sur un mur, etc.) que si
vous n’étiez pas sous l’emprise de la peura.

7. Des changements physiologiques. Nous reviendrons ultérieurement sur


ce point mais précisons déjà que la peur stimule la production de diverses
hormones, telles que l’adrénaline et le cortisol, qui ont pour fonction de
fournir à l’organisme l’énergie nécessaire pour faire face à l’ennemi. Cette
augmentation de l’apport énergétique se fait, entre autres, via une
augmentation du rythme cardiaque (pour que l’oxygène et le sucre soient
acheminés plus rapidement vers les tissus), une transformation des graisses
en sucres dans le foie, et une mise au repos des systèmes alors inutiles tels le
système reproducteur ou digestif (afin que le sang soit orienté en priorité
vers les muscles et le cerveau).

a. Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que, si la peur est un


meilleur motivateur d’apprentissage qu’une humeur neutre, ses bénéfices
sont inférieurs à ceux d’une humeur positive. Nous sommes donc loin de
préconiser la coercition comme motivateur d’apprentissage.
26

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

En conclusion, on voit clairement comment ces différents changements


augmentent la probabilité de survie. Nous avons pris ici l’exemple de la
peur, mais chaque émotion de base est associée à des changements
physiologiques, cognitifs et comportementaux qui visent à optimaliser
l’adaptation du sujet à son environnement.

5 LES BASES NEUROBIOLOGIQUES

DE L’ÉMOTION

Cette section vise à donner au lecteur un aperçu des substrats


neurobiologiques de l’émotion. Dans un souci pédagogique, nous nous
limiterons au strict nécessaire. En d’autres mots, nous présenterons les
principales structures céré-

brales et hormones impliquées, laissant volontairement les autres de côté.

5.1 Les substrats neuronaux

Le circuit émotionnel de l’humain implique des connexions uni- ou bidirec-


tionnelles entre un ensemble de structures. Nous exposerons, de manière
volontairement simplifiée, le rôle des trois principales d’entre elles :
l’amygdale, le cortex préfrontal et le noyau accumbens. Nous invitons le
lecteur souhaitant un exposé exhaustif de la circuiterie émotionnelle à
consulter des ouvrages spécialisés et, en particulier, les travaux de Kevin
Ochsner (ex. Ochsner et Gross, 2005 ; Ochsner, Bunge, Gross et Gabrieli,
2002).

5.1.1

L’amygdale

Comme l’illustre la figure 2.2, l’amygdale appartient à un ensemble de


structures situées sous le cortex. L’amygdale est souvent perçue comme étant
LE
siège par excellence de l’émotion. C’est partiellement correct dans la mesure
où l’amygdale s’active lorsque nous éprouvons une émotion (Costafreda,
Brammer, David et Fu, 2008 ; Phan, Wager, Taylor et Liberzon, 2002). Il
faut garder à l’esprit, néanmoins, que d’autres structures peuvent s’activer en
parallèle, telles que les ganglions de la base pour les émotions positives ou
encore l’ insula dans le cas de la tristesse (Lane, Reiman, Ahern, Schwartz et
Davidson, 1997). Le rôle de l’amygdale est d’assigner une valeur de
récompense ou de punition aux stimuli qui lui arrivent au travers de nos cinq
sens.

Ainsi, l’amygdale s’active chaque fois que l’être humain est confronté à un
stimulus potentiellement pertinent, qu’il soit aversif ou hédonique. Plus le
stimulus est pertinent (en d’autres termes, plus l’individu doit y faire atten-
Livre9782100532810.book Page 27 Mardi, 8. septembre 2009 4:24 16

LES ÉMOTIONS

27

tion), plus l’amygdale s’active. Elle s’active donc particulièrement en cas de


danger et représente ainsi une zone clé dans le déclenchement de la peur
(LeDoux, 1998). Une suractivation de l’amygdale a été observée dans le
cadre des troubles anxieux, des phobies sociales et du stress post-
traumatique (Phan, Fitzgerald, Nathan et Tancer, 2006 ; Rauch, Shin et
Wright, 2003 ; Shin, Rauch et Pitman, 2006 ; Stein, Goldin, Sareen, Zorrilla
et Brown, 2002). Une lésion de l’amygdale conduit à une incapacité à
éprouver certaines émotions (spécifiquement la peur, qui est peu représentée
dans d’autres structures que l’amygdale). L’individu privé d’amygdale est
ainsi capable d’ identifier le danger (ex. percevoir qu’il y a un voleur devant
lui et qu’il devrait avoir peur) mais incapable de ressentir la peur qui y est
normalement liée. Cette incapacité à ressentir la peur est hautement
problématique puisque les réponses comportementales1, cognitives2 et
physiologiques3

nécessaires à la survie ne sont pas déclenchées.

Figure 2.2

Localisation de l’amygdale, du cortex préfrontal et du noyau accumbens (


Source : http://thebrain.mc-
gill.ca/flash/i/i_03/i_03_cr/i_03_cr_que/i_03_cr_que.html) 1. Ex. tendance à
s’enfuir.

2. Ex. biais attentionnel dans la détection d’un autre danger potentiel, tel un
complice ; remémora-tion rapide des informations utiles dans la situation,
etc.

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3. Ex. apport accru d’énergie aux muscles et au cerveau.

28

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

L’amygdale est en effet en relation avec les différentes structures qui sont
responsables de l’augmentation des réflexes, des expressions faciales, de
l’activation du système sympathique (aboutissant à l’augmentation du
rythme cardiaque) et hypothalamo-hypophyso-surrénalien (aboutissant à
l’augmentation des réserves de glucose de l’organisme et sa distribution
privilégiée au cerveau et aux muscles). Nous reviendrons en détail plus loin
sur ces deux derniers systèmes.

Il est à noter que l’activation de l’amygdale peut se faire de deux maniè-


res, que LeDoux (1998) a appelées « voie courte » et « voie longue » (voir
figure 2.3). Dans la voie courte, rapide mais imprécise, le thalamus sensoriel
active directement l’amygdale en réponse à un stimulus en provenance d’un
des cinq sens. Dans la voie longue, plus lente mais plus précise,
l’information est envoyée du thalamus au cortex sensoriel, lequel « décidera
ou non »

d’activer l’amygdale.

Cortex sensoriel

Voie longue

Thalamus sensoriel

Amygdale

Voie courte

Stimulus potentiellement

Réponse émotionnelle

dangereux

Figure 2.3

La voie courte et la voie longue

Afin de bien saisir les implications respectives de ces voies, prenons un


exemple. Imaginons que nous rentrions du travail et que nous appelions nos
enfants afin que ceux-ci descendent nous dire bonjour. Aucun d’entre eux ne
répond. Nous trouvons cela curieux et pénétrons dans le salon. Au moment
où nous passons la porte, un individu se jette sur nous, par-derrière, en
hurlant. Dans ce cas, l’information en provenance de nos sens (toucher,
audition) est directement envoyée à l’amygdale afin que celle-ci déclenche
les réponses cognitives, comportementales et physiologiques nécessaires
pour faire face au danger (voir point 4.4. ci-
LES ÉMOTIONS

29

dessus). Nous allons donc détecter plus rapidement les autres stimuli
menaçants, notre cœur va battre la chamade, et nous allons nous apprê-

ter à courir ou à frapper. Toutefois, parallèlement à sa communication à


l’amygdale, le thalamus sensoriel va également informer le cortex sensoriel.
Ce dernier va procéder à une analyse beaucoup plus raffinée de l’information
sensorielle que le thalamus, et déterminer que le cri et le toucher de la
personne qui s’est jetée sur nous est celui de notre fils de 14 ans. Nous allons
donc nous rendre compte que ce que nous avions pris pour une tentative
d’agression n’était que la dernière blague de notre fils cadet. Notre cœur va
cesser de s’emballer et nous allons reprendre nos esprits. Cette voie longue
prenant davantage de temps, il se peut que la voie courte nous ait conduit(e)
à agir impulsivement et à frapper notre fils dans une tentative de défense
dans l’intervalle.

Blagueurs, attention…

La voie courte permet donc de se préparer au danger avant même de savoir


de quoi il s’agit (il vaut mieux prendre notre fils pour un voleur que
l’inverse). C’est ainsi que nous pouvons retirer notre main d’une plaque
brûlante avant même d’avoir consciemment réalisé qu’elle était chaude, ou
freiner brutalement et réaliser seulement après qu’une voiture allait nous
percuter. La différence de temps de réaction de la voie courte et de la voie
longue est extrêmement brève (moins d’une seconde) mais elle peut
clairement faire la différence en termes de survie.

À présent que nous avons présenté la zone responsable de l’activation


émotionnelle, nous allons nous tourner vers la zone responsable de sa
modulation. Nous avons vu ci-dessus que le cortex sensoriel avait la
possibilité de moduler l’activité de l’amygdale si le stimulus sensoriel ne
correspondait pas à ce qu’avait « perçu » le thalamus (ex. si nous avons pris
notre fils pour un voleur, ou un bout de caoutchouc pour un scorpion). Si le
cortex sensoriel décide qu’il s’agit d’une fausse alerte, l’activation de
l’amygdale va de facto cesser. Si le cortex confirme la perception du
thalamus (si l’individu est bien un voleur, s’il y a bien un scorpion),
l’activation de l’amygdale va perdurer ou s’amplifier, et le cortex sensoriel
ne pourra plus rien y changer. Une autre zone pourra toutefois entrer en jeu
et moduler le niveau d’activité afin de nous permettre de garder un minimum
de sang-froid. Il s’agit du cortex préfrontal.

5.1.2

Le cortex préfrontal

Le cortex préfrontal est situé, comme son nom l’indique, derrière le front.

Cette zone est responsable de nombreuses fonctions cognitives supérieures,


telles que la mémoire de travail, le traitement linguistique, la pensée
abstraite, l’apprentissage de règles, l’attention sélective, et la sélection

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

des réponses motrices adéquates (Fuster, 2008). En réalité, le cortex

30

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

préfrontal est LE centre de contrôle de l’individu. Il permet d’analyser une


situation-problème, d’élaborer un plan d’action, de le maintenir en mémoire,
d’initier les étapes nécessaires à la réalisation de l’objectif, d’inhiber les
actions ou les informations qui entravent l’atteinte de celui-ci, et de contrôler
finalement si le but est atteint. Bref, c’est dans le cortex préfrontal que tout
se planifie et que tout se contrôle ! Nos études, nos courses, notre chemin,
etc. C’est là aussi que se détermine la résistance à la tentation et, assez
logiquement… le contrôle des émotions (Davidson, 2004 ; Ochsner et al. ,
2002) ! Si une émotion n’est pas appropriée au contexte, la partie antérieure
du cortex cingulaire va s’activer et signaler au cortex préfrontal la présence
d’un conflit, d’un problème à résoudre (Botvinick, Cohen et Carter, 2004 ;
Kerns et al. , 2004). Ce dernier va nous permettre d’analyser la situation et
de décider de la stratégie de régulation appropriée.

5.1.3
Le noyau accumbens

À l’instar de l’amygdale, le nucleus accumbens est chargé de signaler à


l’individu la présence de stimuli pertinents dans l’environnement. Toutefois,
contrairement à l’amygdale qui s’active préférentiellement – bien que non
exclusivement – en réponse aux stimuli négatifs, le nucleus accumbens
signale plutôt la présence de stimuli appétitifs (Cooper et Knutson, 2008). Le
nucleus accumbens s’active donc particulièrement quand nous mangeons ou
avons des rapports sexuels, ainsi que lorsque nous anticipons ces activités
(ex. Kelley et al. , 2002).

C’est la raison pour laquelle les chercheurs l’ont surnommé « le centre du


plaisir ».

Des chercheurs (Olds et Milner, 1954) ont montré que si l’on stimulait le
nucleus accumbens chez un rat à chaque fois que ce dernier pressait un
levier, il ne s’arrêtait plus de le presser, pas même pour boire ou manger. Les
rats de cette expérience sont ainsi morts de faim et de soif, tout en étant
paradoxalement au comble de l’extase ! Sachant que des drogues telles que
la cocaïne ou les amphétamines sont de puissants stimulateurs du nucleus
accumbens, on comprend sans peine la puissance des addictions à ces
substances, ainsi que le fait que certains individus dépendants préfèrent
consacrer le peu d’argent qu’il leur reste à leur dose plutôt qu’à manger.

LES ÉMOTIONS

31

5.2 Les substrats neuro-endocriniens

Dans la section précédente, nous avons tenté de comprendre comment le


cerveau générait et modulait nos émotions. Dans la présente section, nous
nous intéresserons aux systèmes responsables des manifestations
physiologiques de l’émotion (ex. augmentation du rythme cardiaque, etc.).
Comme nous l’avons vu ci-dessus, l’amygdale envoie en effet des signaux
aboutissant à la mise en activité de deux systèmes : le système sympathique
et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (ex. Feldman et Weidenfeld,
1998).
5.2.1

Le système (ortho)sympathique

Le système sympathique – ou orthosympathique – est l’un des deux systè-

mes responsables des manifestations physiologiques de l’émotion. Son


action repose sur la libération de la noradrénaline et de l’adrénaline. Celles-
ci agissent principalement au niveau cardio-pulmonaire, en induisant une
dilatation des bronches, une accélération du rythme cardiaque et une
constriction des vaisseaux sanguins. L’objectif de ces réactions est de
faciliter la respiration (afin d’absorber un maximum d’oxygène) et d’amener
un maximum de sang (et donc d’énergie, sous forme d’oxygène et de sucre
essentiellement) le plus rapidement possible aux tissus. Parallèlement à son
action cardio-respiratoire, l’activation du système sympathique conduit
également à l’érection des poils (« chair de poule1 ») et à une augmentation
de l’activité des glandes sudoripares (production plus importante de sueur)
afin d’éviter la surchauffe de l’organisme.

En résumé, c’est l’activation du système sympathique qui est responsable


des sensations corporelles qui accompagnent nos émotions : le cœur qui bat
la chamade, la sueur, la chair de poule, etc.

Si l’action du système sympathique est indéniablement avantageuse à court


terme, elle est clairement délétère à long terme. Des émotions trop intenses
et à des fréquences trop rapprochées (ex. en temps de guerre) ou des
émotions qui se prolongent exagérément (parce qu’elles sont mal régu-lées)
constituent des facteurs de risque dans le déclenchement et l’aggravation des
maladies cardiovasculaires (hypertension, infarctus du myocarde, etc.).

1. Il est à noter que le rôle de la chair de poule n’est pas totalement compris
aujourd’hui. Certains prétendent qu’il s’agirait d’un mécanisme archaïque
permettant aux mammifères (et donc à l’être humain) d’apparaître plus large
face aux prédateurs. C’est ce qui expliquerait pourquoi on a la chair de poule
lorsqu’on a peur. Ce mécanisme n’est toutefois plus utile aux être humains,
qui ont perdu l’essentiel de leur pilosité au cours de l’évolution.

32
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Stimuli physiques (ex.

froid) ou psychologiques

(ex. examens)

Stimuli biologiques

Stress perçu

(ex. virus, bactérie,…)

Système

nerveux

central

Hypothalamus

Stimulation du système

Libère la corticolibérine

nerveux périphérique

(CRH Cortico-Releasing

sympathique

Hormone)

L'hypophyse libère

l'ACTH (hormone

adrénocorticotrope) et
de la STH (hormone

somatotrope)

Les glandes médullo-

Les glandes cortico-

surrénales libèrent les

surrénales libèrent les

catécholamines

corticoïdes (gluco-

(adrénaline,

corticoïdes) [cortisol et

noradrénaline,…)

cortisone] et minérallo-

corticoïdes [aldostérone

et corticostérones]

– accélération du

– augmentation de

– transformation des graisses

rythme cardiaque

l'activité des glandes

en sucres dans le foie


– constriction des

sudoripares (–› sueur)

– baisse de l'immunité

vaisseaux sanguins

– pilo-érection

– ralentissement de la

– dilatation des

(–› chair de poule)

cicatrisation des plaies

bronches

– mise au repos de divers

– diminution de la

systèmes

motilité du gros

intestin

Figure 2.4

Activation des systèmes sympathique (en gris foncé) et hypothalamo-


hypophyso-surrénalien (en gris clair) en réponse au stress

LES ÉMOTIONS

33

Le système parasympathique et le malaise vagal


Il est à noter que le système (ortho)sympathique a un homologue : le
système parasympathique, qui a un effet presque point pour point opposé.
L’action du système parasympathique repose en grande partie sur le nerf
vague, dont la stimulation entraîne la production d’acétylcholine. Celle-ci
induit une diminution du rythme cardiaque, une dilatation des vaisseaux
sanguins, une augmentation des sécrétions digestives et de la motilité
intestinale, etc.

Ainsi, alors que l’amygdale recrute le système (ortho)sympathique pour nous


permettre de faire face à l’événement inducteur d’émotion, le cortex
préfrontal mobilise quant à lui le système parasympathique pour réguler
l’émotion (Thayer et Brosschot, 2005).

Une rupture d’équilibre entre le système sympathique (qui accélère le


rythme cardiaque) et le système parasympathique (qui ralentit le rythme
cardiaque) peut provoquer un malaise vagal (aussi appelé « syncope vagale
»). La perte de connaissance est due à la chute de tension provoquée par une
trop forte vasodi-latation et un ralentissement exagéré du rythme cardiaque.
Les maux de ventre, vomissements et/ou diarrhées qui l’accompagnent sont
dus aux effets de l’acétylcholine au niveau digestif. La syncope vagale peut
avoir de multiples causes, dont certaines sont d’ordre psychologique. Des
efforts excessifs dans le but de contrôler ses émotions ou une mise en jeu
excessive du système parasympathique en réponse à une émotion forte sont
de nature à causer ce trouble.

5.2.2

L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien

L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) est le système


responsable des autres manifestations de l’émotion. Il est à noter que,
contrairement au système sympathique, l’axe HHS ne s’active pas pour
toutes les émotions.

Celles qui l’activent le plus sont le stress, la peur et l’anxiété (Dickerson et


Kemeny, 2004). Ceci n’a rien d’étonnant dans la mesure où l’axe HHS
permet d’augmenter l’apport énergétique de l’organisme et que ceci est
surtout nécessaire lorsque ce dernier se sent menacé et doit fournir une
réponse de type « fight or flight1 ». Le stress donne donc typiquement lieu à
une activation de l’axe HHS, parallèlement à l’activation du système
sympathique (Kemeny, 2003).

Le rôle de l’axe HHS est, d’une part, de permettre à l’organisme de disposer


de suffisamment d’énergie pour faire face à la situation et, d’autre part,
d’assurer que cette énergie soit distribuée prioritairement aux tissus les plus
utiles pour fuir ou se battre. L’action du système HHS repose sur la
libération du cortisol, aussi appelé « hormone de stress ». La libération de
celui-ci induit tout d’abord une transformation des graisses en sucres dans le
foie. Le

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1. « Combat » ou « fuite ».

34

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

sang sera ainsi plus sucré, ce qui permettra d’augmenter l’apport énergétique
aux tissus. Ensuite, le cortisol va mettre un ensemble de systèmes au repos,
afin de s’assurer que le sang (et donc l’énergie) soit distribué en priorité là
où l’individu en a le plus besoin : le cerveau (pour réfléchir tactiquement où
frapper et/ou où fuir) et les muscles (pour frapper ou courir). Parmi les systè-

mes mis au repos, on retrouve le système digestif, le système reproducteur,


et autant de systèmes qui ne sont pas directement utiles dans la situation
et/ou dont l’action consommerait de l’énergie plus profitable ailleurs.
Parallèlement à cette mise à disposition d’énergie, le cortisol induit
également une baisse des réponses immunitaires, ainsi qu’un ralentissement
de la cicatrisation des plaies. Ici encore, l’explication est à rechercher du
côté de l’évolution. Lorsque nos ancêtres couraient pour échapper à un
danger et qu’ils s’écorchaient à une branche dans leur fuite, il ne fallait
absolument pas que l’énergie nécessaire à la course soit consommée par la
blessure. Les réactions immunitaires et de cicatrisation sont ainsi reportées à
plus tard, lorsque l’individu sera en zone sûre et que son niveau de stress (et
donc de cortisol) sera redescendu.

Nous n’avons pas exposé l’ensemble des effets du cortisol mais cette brève
présentation laisse pressentir combien ces effets, tellement adaptatifs à court
terme, peuvent devenir nocifs si le stresseur se prolonge ou si le stress est
mal régulé (Selye, 1978). Parmi ces conséquences délétères, on retrouve,
entre autres, une altération de la glycémie (facteur d’aggravation du diabète),
des troubles gastro-intestinaux (ex. syndrome du colon irritable), une plus
grande sensibilité aux virus (en raison de la baisse d’immunité), et des
troubles sexuels – baisse du désir – (voir Thurin et Baumann, 2003 pour une
revue).

6 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons montré que les émotions étaient loin d’être
dysfonctionnelles et qu’elles avaient même une valeur adaptative. Nous
avons ainsi vu qu’elles constituaient une source d’information précieuse,
qu’elles facilitaient l’action en fournissant un guide de comportement,
qu’elles assistaient la prise de décision, et qu’elles nous permettaient d’agir
vite et bien dans toute une série de situations. Nous avons vu également que
les émotions nous permettaient de réagir face au danger avant même que
nous ayons consciemment perçu et analysé la nature de celui-ci.

Dans la seconde partie du chapitre, nous avons abordé la manière dont les
émotions sont représentées dans le cerveau. Nous avons ainsi expliqué le
rôle de l’amygdale, du nucleus accumbens (deux structures centrales dans la
génération des émotions négatives et positives) et du cortex préfrontal (struc-

LES ÉMOTIONS

35

ture essentielle à la régulation de l’émotion). Nous avons ensuite passé en


revue les modifications neuro-endocrines responsables des manifestations
physiques de l’émotion (cœur qui bat la chamade, mains moites, etc.) en
nous attardant plus spécifiquement sur le système sympathique et l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Tout ceci constitue une base qui nous permettra de mieux comprendre les
chapitres ultérieurs. Il nous permet, par exemple, d’entrevoir pourquoi
certains éprouvent des difficultés à gérer leurs émotions, et d’anticiper les
conséquences potentielles de ces difficultés en termes de santé.

Chapitre 3

L’IDENTIFICATION

DES ÉMOTIONS1

1. Par Delphine Nélis.

L’identification des émotions est la première compétence émotionnelle que


nous aborderons dans cet ouvrage. Le présent chapitre sera consacré au
versant intrapersonnel (identification de ses propres émotions) de celle-ci,
tandis que le chapitre suivant se focalisera sur son versant interpersonnel
(identification des émotions d’autrui).

D’apparence basique, la capacité à identifier ses émotions est une compé-

tence fondamentale. Elle constitue en effet le pilier sur lequel se développent


les compétences émotionnelles complexes, telles que la régulation ou
l’utilisation des émotions.

1 L’IMPORTANCE DE L’IDENTIFICATION

DE SES ÉMOTIONS

1.1 L’identification comme prémisse à la régulation

Afin d’illustrer l’importance de l’identification de ses propres émotions,


voici le témoignage de Claire, 35 ans.

Claire, 35 ans

Mon mari et moi séjournions à Barcelone. Un soir, nous nous sommes


rendus à un spectacle grand public dont l’affiche était assez exceptionnelle.
Une foule impressionnante se pressait aux portes du théâtre. Tout à coup,
j’eus l’impression de mourir ! Je n’arrivais plus à respirer, j’avais la
sensation d’avoir le « souffle coupé », d’étouffer. J’étais envahie par de
grosses bouffées de chaleur, j’avais des vertiges, je pensais m’évanouir. Mon
corps tremblait, les battements de mon cœur s’accéléraient, etc. Je ne savais
pas du tout ce qu’il m’arrivait, j’avais l’impression de perdre la tête ! Mon
mari essayait de me calmer, mais en vain.

Cet épisode m’a terrorisée et restera le souvenir le plus pénible de notre


voyage.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

40

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ce témoignage nous montre à quel point il est important de pouvoir


identifier ce que l’on ressent afin d’être capable de le gérer. Claire n’a pas
compris ce qu’il lui arrivait ce soir-là. Ce n’est que bien après qu’elle a pris
conscience que les symptômes ressentis étaient des signes d’anxiété liés à la
situation (la foule). Si elle avait identifié à cet instant que l’accélération des
battements de son cœur, ses vertiges, et ses bouffées de chaleur, étaient des
signes d’anxiété, elle aurait pu anticiper et gérer la crise beaucoup plus
adéquatement. Aujourd’hui, Claire peut identifier ces symptômes et gérer
efficacement les émotions provoquées par ces situations anxiogènes.

1.2 L’identification comme prémisse à l’utilisation

Comme nous le verrons en détail au chapitre 11 consacré à l’utilisation des


émotions, certaines émotions facilitent certaines formes de pensée ou
certains comportements. Nous pouvons ainsi optimiser notre fonctionnement
en choisissant d’effectuer prioritairement les tâches qui sont congruentes
avec notre état émotionnel. Une utilisation judicieuse des émotions requiert
toutefois l’identification préalable de celles-ci.

1.3 L’identification indispensable à l’adaptation

à l’environnement : la preuve par l’alexithymie


L’identification de ses propres émotions est essentielle pour l’adaptation de
l’être humain à son environnement. Les recherches menées sur l’alexithymie
ont montré que pouvoir identifier correctement ses émotions est primordial
pour la santé mentale, la santé physique et les relations sociales.
L’alexithymie se caractérise par (1) une difficulté à identifier ses émotions et
à les distinguer des sensations corporelles, (2) une difficulté à exprimer les
états émotionnels, (3) un mode de pensée opératoire tourné vers les aspects
concrets de l’existence (Bastin et al. , 2004 ; Taylor, Bagby et Parker, 1997).

Il est difficile pour l’alexithymique de mettre des mots sur ce qu’il éprouve,
d’identifier et de distinguer les états émotionnels dans lesquels il se trouve.

Son vocabulaire émotionnel est plutôt limité. Quand il doit décrire son état
émotionnel, il donnera plutôt une impression générale de bien-être ou de
mal-être.

Ce déficit au niveau de l’identification et de l’expression des émotions n’est


pas sans conséquences sur la santé dans ses dimensions physiques,
psychologiques et sociales, toutes trois en interactions réciproques (Bastin et
al. , 2004). Au niveau de la santé mentale, des études montrent que des
personnes ayant un niveau élevé d’alexithymie ont plus de risque de tomber
en dépression que les individus n’ayant pas de difficultés à identifier leurs

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

41

émotions. L’alexithymie augmente aussi la vulnérabilité vis-à-vis d’autres


psychopathologies telles que l’anxiété, l’hypocondrie, les troubles de la
dépendance ou les troubles alimentaires. Au niveau de la santé physique,
l’alexithymie accroît le risque d’hypertension (Jula, Salminen et Saarijarvi,
1999 ; Todarello, Taylor, Parker et Fanelli, 1995), de douleur chronique
(Papciak, Feuerstein, Belar et Pistone, 1986), de problèmes intestinaux (Fava
et Pavan, 1976), et la sévérité du diabète (Abramson, McClelland, Brown et
Kelner, 1991). Finalement, l’alexithymie entretiendrait une relation négative
avec la longévité (Kauhanen et al. , 1996).
Comment un problème d’identification de ses émotions peut-il conduire à
des problèmes de santé ? Quatre explications ont été avancées (Lumley,
Stettner et Wehmer, 1996). Premièrement, le déficit dans l’identification des
émotions pourrait conduire à un déficit dans la régulation des émotions,
laquelle se traduirait par une hyper-réactivité physiologique.

Deuxièmement, l’alexithymie pourrait indirectement endommager la santé.


L’incapacité des alexithymiques à réguler leurs émotions via des stratégies
de régulation adaptées (comme par exemple le partage social des émotions)
les conduirait à chercher à anesthésier leurs émotions via des comportements
addictifs ou compulsifs ( i.e. fumer, abuser de substances, etc.). Des études
montrent que la prévalence de l’alexithymie est plus élevée chez les
alcooliques et les cocaïnomanes (Haviland, Hendryx, Shaw et Henry, 1994 ;
Kauhanen, Julkunen et Salonen, 1992). Troisièmement, l’alexithymie
pourrait engendrer une perception perturbée du fonctionnement somatique
(ex. confondre les manifestations physiologiques d’une émotion avec les
indicateurs d’une maladie) et augmenter ainsi la fréquence des plaintes
somatiques. Dans ce cas de figure, l’alexithymique ne serait pas plus souvent
malade mais aurait simplement l’impression subjective d’être plus souvent
malade. Enfin, l’alexithymie pourrait indirectement influencer la santé via
des difficultés au niveau social. L’individu alexithymique a en effet tendance
à s’isoler, à développer de faibles compétences sociales, à nouer peu de
relations et à bénéficier de ce fait d’un support social restreint (Lumley,
Ovies, Stettner, Wehmer et Lakey, 1996). L’alexithymique ne bénéficie donc
pas de l’effet protecteur du support social sur la santé.

Nous pouvons maintenant comprendre aisément pourquoi l’alexithymie est


liée à une espérance de vie plus courte (Kauhanen et al. , 1996). Le fait
d’éprouver des difficultés à nommer ses émotions conduit à toute une série
de problèmes psychologiques et physiques ainsi qu’à des relations sociales
plutôt difficiles. Il est donc primordial de pouvoir identifier ses propres
émotions afin de se sentir bien psychologiquement, physiquement et
socialement. Il est à noter que ce trouble provoque une grande souffrance
pour

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’alexithymique mais également pour son entourage.


42

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 LES PROCESSUS SOUS-JACENTS

À L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

La suite de ce chapitre sera consacrée à la présentation des différents


processus participant à l’identification des émotions. Nous évoquerons
d’abord les prérequis en termes d’ouverture aux émotions et de richesse du
vocabulaire émotionnel. Nous verrons ensuite comment les cognitions, les
tendances à l’action et les réponses physiologiques peuvent être utilisées
comme indicateurs de notre état émotionnel.

2.1 Les prérequis

2.1.1

L’ouverture aux émotions

En général, nous sommes ouverts à certaines émotions ou à certains états


comme la joie, la fierté ou la satisfaction, alors que nous tentons de nier
l’existence ou d’éliminer systématiquement la colère, la peur ou encore la
tristesse. Cependant, tant les émotions négatives que les émotions positives
nous informent sur nous-mêmes, sur le monde extérieur et sur les rapports
que nous entretenons avec ce dernier. L’émotion est donc une source capitale
d’informations ( i.e. la culpabilité m’informe que je me suis probablement
mal conduit avec quelqu’un). Si nous tentons de supprimer l’émotion, nous
allons éliminer le message véhiculé par celle-ci, mais cette négation ne
changera rien à la situation (si je me suis mal comporté(e), ignorer ma
culpabilité ne va rien changer à la situation). Ignorer l’émotion empêche
d’agir de manière appropriée (aller m’excuser). Une émotion négative est un
signal d’alarme indiquant qu’il y a un problème et qu’une action doit être
initiée pour le résoudre. Refouler ses émotions est dangereux parce que cela
conduit à se priver du message qu’elles véhiculent (voir figure 3.1).

Le fait d’être ouvert à ses émotions, tant positives que négatives, est donc
une prémisse indispensable à tout processus d’identification. Le fait d’être
ouvert à ses émotions n’implique pas forcément de laisser perdurer une
émotion dysfonctionnelle. Être ouvert à ses émotions signifie simplement
accepter leur existence et en extraire la valeur informative avant de décider
de les utiliser ou de les réguler.

Les thérapies dites « de la troisième vague » ( mindfulness, dialectical


behavioral therapy, acceptance and commitment therapy) mettent toutes un
accent prononcé sur l’ouverture aux émotions1. Selon ce courant, nous
chercherions trop souvent à éviter d’emblée nos émotions négatives. Ceci
nous aboutirait à un cercle vicieux, résumé par Barlow et Allen (2004), et
Philippot (2007).

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

43

2. Tentative

1. Émotion

de suppression/

perçue comme

d'évitement

intolérable ou

ou de refoulement

inacceptable

3. Difficulté

de régulation

et amplification

de l'émotion
Figure 3.1

Le cercle vicieux de l’évitement émotionnel

Bon nombre de difficultés d’identification des émotions proviennent d’une


attitude défensive par rapport aux émotions. Les personnes qui éprouvent
des difficultés à identifier leurs émotions perçoivent souvent ces dernières
comme un ennemi de la raison ou de l’équilibre psychique. Ainsi en allait-il
de cet homme d’affaires au bord de la dépression qui nous dit un jour : « Je
ne peux pas me permettre d’identifier mes émotions, sous peine de
m’écrouler. » Cet homme pensait qu’en ignorant ses émotions, il se sentirait
mieux (ou, alternativement, qu’en identifiant ses émotions, son état empire-
rait). Mais les émotions sont comparables à un enfant qui pleure. Ce n’est
pas parce que nous l’ignorons qu’il arrêtera de pleurer. Et s’il arrête, ce sera
probablement pour faire une bêtise afin d’attirer notre attention d’une autre
manière – à l’instar des émotions, qui choisiront d’autres voies (ex.
somatiques) pour se faire entendre.

Nous l’avons vu dans cette section, l’ouverture aux émotions est la première
étape nécessaire à leur identification. Il s’agit toutefois d’une condition
nécessaire mais non suffisante. Certaines personnes peuvent être ouvertes à
leurs émotions et éprouver des difficultés par ailleurs. Disposer d’un
vocabulaire émotionnel suffisamment étendu – afin de pouvoir discriminer
finement entre les différentes émotions que l’on éprouve – est une autre
condition indispensable. Nous aborderons ce point ci-dessous.

1. Il existe un instrument de mesure permettant de mesurer l’ouverture aux


émotions : le

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

« Mindfulness Attention Awareness Scale » (MAAS) (Brown et Ryan,


2003).

44

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.1.2
La richesse du vocabulaire émotionnel

Un autre prérequis nécessaire à l’identification de ses émotions est de


disposer d’un vocabulaire émotionnel suffisamment riche et complexe. En
effet, le langage ne permet pas seulement d’exprimer aux autres ce que l’on
ressent, il est également indispensable à la compréhension personnelle de ses
propres états émotionnels. Peu importe dans ce cas si les mots sont ceux
communé-

ment partagés pour désigner telle ou telle émotion ; ce qui compte, c’est que
l’individu ait à sa disposition un nombre suffisant de signifiants pour
désigner l’ensemble des nuances de sa vie affective. S’il ne dispose que de
quatre termes pour désigner ses émotions (ex. joie-tristesse-honte-colère), il
ne pourra identifier et distinguer que ces quatre émotions. En revanche, s’il
dispose d’un vocabulaire émotionnel riche et complexe, il sera en mesure de
discriminer finement entre une multitude d’états émotionnels distincts.

Dans cette section, nous présenterons le travail des principaux auteurs ayant
cherché à représenter et à nommer le nuancier émotionnel des êtres humains.
Si les nuanciers de Plutchik (1980) et de Feldman-Barrett et Russell (1998)
apparaîtront élémentaires aux lecteurs qui identifient facilement leurs
émotions, il faut garder à l’esprit qu’il n’en va pas de même pour les
personnes sévèrement alexithymiques. Ces dernières ont en effet de grandes
difficultés à discriminer entre différentes émotions de même valence (ex.
faire la distinction entre la colère, la peur ou la tristesse).

De l’Antiquité au siècle des Lumières, des philosophes tels qu’Aristote ou


Descartes avaient déjà essayé de dresser une liste des principales émotions.

Plus récemment, divers chercheurs (Ekman, 1992 a ; Izard, 1977 ; Panksepp,


1989 ; Plutchik, 1980 ; Tomkins, 1980) ont tenté de dresser une liste des
émotions primaires, ou encore appelées émotions de base. Pour ces
scientifiques, il existerait un certain nombre d’émotions qui diffèrent les
unes des autres de manière importante. La variabilité entre les théories est
importante : Ekman recense six émotions primaires tandis qu’Izard en
compte dix (voir tableau 3.1). Les émotions telles que la colère et la peur se
retrouvent dans chaque théorie tandis que d’autres sont spécifiques à chaque
auteur. Les émotions dites primaires sont présentes dans toutes les cultures et
elles ont un support biologique.

Tableau 3.1

Les émotions primaires selon différentes théories

Panksepp

Izard (1977)

Plutchik (1980) Tomkins (1980)

Ekman (1992)

(1989)

Colère

Colère

Colère

Colère

Colère

Détresse

Dégoût

Dégoût

Peur

Dégoût

Joie

Joie
Joie

Attente

Joie ☞

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

45

☞ Peur

Peur

Peur

Panique

Peur

Surprise

Surprise

Surprise

Surprise

Tristesse

Tristesse

Mépris

Tristesse

Mépris

Acceptation
Honte

Honte

Anticipation

Intérêt

Intérêt

Détresse

Culpabilité

Amour

Comme nous venons de le voir, les émotions primaires sont peu nombreuses.
L’ensemble des autres émotions que nous ressentons sont appelées émotions
secondaires ou émotions complexes. Elles ne sont pas universelles et
résulteraient de la combinaison d’émotions primaires.

Comment identifier une émotion de base ? Ekman propose neuf critères afin
de détecter une émotion de base (Ekman, 1992 a) :

– elle possède une expression faciale universelle ;

– elle est présente chez d’autres primates que l’humain ;

– elle a un pattern de réponses physiologiques spécifiques ;

– elle est rapidement déclenchée ;

– elle apparaît spontanément ;

– elle est associée à des stimuli déclencheurs universels distincts ;

– elle est évaluée automatiquement ;

– elle a une durée limitée ;


– elle a des réponses émotionnelles ou des composantes convergentes.

Selon Plutchik, les émotions secondaires résultent de la combinaison


d’émotions primaires (Plutchik, 1980). Les émotions primaires (au nombre
de huit selon cet auteur) se situent au second niveau de son modèle (voir
figure 3.2) et correspondent aux couleurs primaires. Elles forment quatre
paires opposées : joie-tristesse, acceptation-dégoût, peur-colère, surprise-
anticipation. Les sections inférieures et supérieures au second niveau reflè-

tent des intensités différentes d’une même émotion. Par exemple, l’irritation
(intensité faible), la colère (intensité moyenne) et la rage (intensité élevée).

Chaque émotion primaire peut être vue au milieu d’un continuum avec, aux
extrémités de ce dernier, la même émotion variant en intensité. Les émotions
secondaires résulteraient d’une combinaison d’émotions primaires. Par

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

exemple, le mépris résulte de la colère et du dégoût (voir figure 3.2).


46

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

optimisme

sérénité

amour
intérêt

acceptation

joie

agression

anticipation

confiance

extase

soumission

vigilance

admiration

irritation,

rage,

colère

stu terreur

peur

appréhension

agacement

fureur

péfaction

crainte, effroi
répugnance

détresse,

mépris

dégoût

chagrin

surprise

tristesse

distraction

ennui

déce

ption

remords

souci

Figure 3.2

Le modèle de Plutchik (Plutchik, 1980)

Une autre approche consiste à considérer les émotions comme un point dans
un espace bidimensionnel (voir figure 3.3) (Feldman-Barrett et Russell, 1998
; Posner, Russell et Peterson, 2005). En général, deux axes suffisent à
représenter un grand nombre d’états émotionnels. Un premier axe est celui
de la valence. Elle désigne le degré selon lequel l’émotion est jugée plaisante
ou déplaisante (agréable/désagréable ; positive/négative). Le deuxième axe
correspond à l’activation physiologique1. Ce dernier se rapporte au niveau
de vigilance ou d’activation produit par l’émotion, c’est-à-dire le niveau de
sensations suscité par l’émotion. Ces dimensions sont indépendantes.
Par exemple, la joie se caractérise par une activation et une valence élevées.
Le stress est représenté par une valence négative et une activation plutôt
élevée. L’approche dimensionnelle permet de représenter facilement des
émotions nuancées mais également des transitions entre différents états
émotionnels.

1. Arousal en anglais.

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

47

ACTIVATION

tendu

alerte

nerveux

excité

stressé

joyeux

contrarié

heureux

DÉPLAISANT

PLAISANT

triste

content

déprimé
serein

ennuyé

détendu

épuisé

calme

DÉSACTIVATION

Figure 3.3

Modèle multidimensionnel de Feldman-Barrett et Russell (1998) ( Source :


Feldman-Barrett et Russell (1998), « Independence and bipolarity in the
structure of current affect », Journal of Personality and Social Psychology,
p. 4, figure 1 »).

Ainsi, ces deux modèles peuvent nous aider à nommer l’émotion ressentie et
à évaluer son intensité. Si nous avons des difficultés pour identifier nos
émotions, nous pouvons essayer de décrire ces émotions selon les deux axes

– activation physiologique/valence – afin de pouvoir les nommer


correctement. N’oublions pas qu’une même émotion peut varier en intensité
et dès lors se nommer différemment.

Il est à noter que l’étendue du vocabulaire émotionnel est à la fois une cause
et une conséquence de l’aptitude à identifier ses émotions. Une personne qui
dispose d’un vocabulaire étendu sera plus à même de discriminer finement
entre différents états émotionnels. Mais la réciproque est vraie également.
Un individu qui parvient à faire la différence entre des états émotionnels
proches mais néanmoins distincts sera certainement plus à même de retenir
les signifiants associés.

48

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


Les différences culturelles au niveau du vocabulaire émotionnel
Certaines émotions présentes dans notre culture ne se retrouvent pas dans
d’autres. Les Esquimaux utka n’ont pas de mots pour nommer la colère et ne
l’expriment pas. À l’inverse, des émotions absentes de notre culture sont
présentes dans d’autres. Par exemple, l’ amae est un terme présent dans la
culture japonaise. Il désigne une émotion qui correspond à l’attachement, au
fait de se livrer à l’autre. Verguenza ajena est un mot employé en Espagne. Il
décrit une émotion que l’on peut ressentir lorsque quelqu’un fait preuve d’un
comportement inadé-

quat. Les habitants de l’île de Tahiti (Levy, 1984) n’ont que très peu de mots
pour décrire les émotions liées à la tristesse.

Nous venons d’évoquer deux prérequis indispensables à l’identification de


ses émotions : l’ouverture à ces dernières et la richesse du vocabulaire
émotionnel. Dans les sections qui suivent, nous partirons du principe que
l’individu satisfait à ces deux conditions : il est ouvert à ses émotions et il
dispose d’un nombre de signifiants suffisant pour traduire l’ensemble des
nuances de ses états affectifs. Nous allons à présent examiner comment
l’individu peut identifier l’émotion en jeu, c’est-à-dire mettre en
correspondance un état émotionnel donné avec le signifiant correspondant.

2.2 L’identification de l’émotion proprement dite

Les recherches menées jusqu’à ce jour se sont essentiellement concentrées


sur les conséquences d’un déficit dans l’identification des émotions (voir
point 1.3. sur l’alexithymie, ci-dessus). Elles n’ont, en revanche, pas ou peu
investigué comment un individu donné parvenait à identifier ses émotions
(sur quoi se base-t-on ? quels sont les mécanismes impliqués ?) et, par voie
de conséquence, par quels moyens il était possible de remédier à d’éventuels
déficits dans l’identification des émotions. Les sections qui suivent sont par
conséquent partiellement spéculatives dans la mesure où les thèses sur
lesquelles elles se basent n’ont pas encore été testées empiriquement. Nous
jugeons toutefois celles-ci suffisamment pertinentes pour être présentées ici,
et gageons que leur diffusion augmentera la probabilité qu’elles soient mises
à l’épreuve des faits. Il est, en effet, marquant de constater à quel point la
littérature est muette sur les pistes de traitement d’un trouble que l’on sait
pourtant incommodant à de multiples niveaux.
Bellighausen (2007) propose une remédiation basée sur le modèle de Scherer
(2001). Pour rappel, Scherer définit l’émotion comme un système à cinq
dimensions. La première dimension renvoie aux pensées suscitées par la
situation. La seconde dimension correspond aux modifications biologiques.

La troisième dimension concerne les tendances à l’action. La quatrième

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

49

dimension se réfère aux modifications expressives et comportementales.

Enfin, la cinquième et dernière dimension renvoie à l’expérience subjective,


au ressenti de l’individu. Selon Bellinghausen, si l’identification des
émotions est déficitaire – c’est-à-dire si la composante subjective du modèle
de Scherer fait défaut – on devrait pouvoir apprendre à l’individu à utiliser
les autres dimensions comme autant de portes (ou d’indicateurs) de
l’émotion en jeu (voir figure 3.4).

Cognitions : la vie est

injuste, je ne suis pas

respecté…

Identification

de l'émotion

ĆOLÈRE »

Modifications

biologiques :

Tendances à

augmentation du rythme
l'action : frapper,

cardiaque, bouffées

de chaleur, tension

détruire,

musculaire…

grommeler,…

Figure 3.4

Identifier l’émotion à partir des différentes composantes émotionnelles 2.2.1

L’identification de l’émotion à partir des cognitions La première dimension


renvoie aux pensées (ou « cognitions ») qui accompagnent l’épisode
émotionnel. Selon Bellinghausen (2007), identifier ces pensées (ex. « la
manière dont il se comporte à mon égard est terriblement injuste ») peut
faciliter l’identification des émotions (ex. la colère). Ce sont en effet ces
pensées, c’est-à-dire l’évaluation cognitive entourant un événement, qui
induisent l’émotion (Arnold, 1960).

Selon les théories cognitives de l’évaluation ( appraisal theory) (Frijda,


1986 ; Roseman, Spindel et Jose, 1990 ; Scherer, 1984, 1998 ; Smith et
Ellsworth, 1985), la perception et l’évaluation cognitive d’une situation
déterminent le type et l’intensité de l’émotion éprouvée par un individu
(Scherer, 2000). Dans les années quatre-vingt, les théories de l’évaluation se
sont multipliées et ont dégagé un ensemble de critères d’évaluation jouant un

50

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

rôle dans la différenciation des émotions (voir tableau 3.2). Tous ces
modèles varient quant au nombre de critères d’évaluation qu’ils proposent
mais la convergence des dimensions entre les différents modèles est
importante.
L’idée principale des théories de l’évaluation est que les émotions sont
produites et différenciées à partir de l’évaluation cognitive que l’individu fait
de la situation. C’est donc notre évaluation cognitive de l’événement qui
produit une émotion spécifique et c’est ce qui explique que deux individus
puissent ressentir des émotions différentes en réponse à une situation
identique. Le conflit peut provoquer de la colère chez un individu et de la
tristesse ou de la culpabilité chez un autre. L’objectif des théories cognitives
de l’évaluation est de déterminer les critères d’évaluation qui amènent un
individu à ressentir une émotion spécifique. L’évaluation de ces critères sera
différenciée pour chacun et amènera à une émotion particulière.

Selon Scherer, l’évaluation de la situation se base sur cinq grands critères : la


nouveauté (elle correspond à l’évaluation du caractère nouveau ou inhabituel
d’un stimulus), l’agrément intrinsèque (qui repose sur l’évaluation du
caractère agréable ou désagréable du stimulus), la pertinence par rapport aux
buts et besoins de l’individu (l’évaluation de l’opportunité de l’événement en
termes de besoins, de buts), le potentiel de maîtrise (dans quelle mesure
puis-je faire face à la situation ?) et l’accord avec les standards (dans quelle
mesure les actions et les conséquences des émotions face à la situation sont-
elles en accord avec les standards internes – personnels – et externes –

normes sociales – de l’individu ?).

Ces théories de l’évaluation ont été testées à maintes reprises. Généralement,


on demande aux participants de se remémorer un épisode émotionnel et
ensuite ils doivent répondre à des questions concernant les critères
d’évaluation (Roseman, 2001 ; Scherer, 1998 ; Smith et Ellsworth, 1985).

Une alternative est de demander aux participants de lire des scénarios


construits sur base des profils d’évaluation prédits et par rapport auxquels les
participants doivent indiquer leurs réactions émotionnelles probables (Smith
et Lazarus, 1993). Une autre possibilité est d’induire des émotions pour
ensuite analyser les processus d’évaluation (Folkman et Lazarus, 1985 ;
Smith et Ellsworth, 1987). On peut également étudier ces processus sur le
terrain. Par exemple, dans une célèbre étude, Scherer et Ceschi (1997) ont
interviewé et filmé des voyageurs ayant perdu leurs bagages. Bien que les
voyageurs fussent soumis à la même expérience émotionnelle, ils
rapportaient des émotions et sentiments variés. Plus l’événement était perçu
comme un obstacle aux objectifs du voyageur, plus ce dernier se montrait en
colère et inquiet.

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

51

Tableau 3.2

Critères d’évaluation de différents modèles

( Source : Niedenthal, Krauth-Gruber et Ric (2008), Comprendre les


émotions, Wavre, Mardaga, p. 25, tableau 1.3)

Scherer

Frijda

Roseman

Smith/Ellsworth

Nouveauté

Changement

– Soudaineté

Activité

– Familiarité

attentionnelle

Familiarité

– Prévisibilité

Agrément
Valence

Agrément

intrinsèque

Importance

Rapports aux buts

Focus

Appétitif/aversif

Certitude

– Pertinence

Certitude

Motivation

– Degré de certitude

Certitude

dans la prédiction

des conséquences

Présence

– Attente

Ouvert/fermé

Obstacle

– Opportunité
Urgence

Consistance

perçu/effort anti-

– Urgence

cipé

Potentiel de maîtrise

Action humaine

– Causalité : interne

Intention/soi-autrui

Action

– Causalité : externe

– Contrôle

Modificabilité

Contrôle

– Puissance

Contrôlabilité

Potentiel de contrôle

situationnel

– Ajustement

Accord avec les stan-


dards

Pertinence des

Légitimité

– Standards externes

valeurs

– Standards internes

52

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Tableau 3.3

Exemples de prédictions de profils d’évaluation générées pour trois


émotions spécifiques

( Source : Scherer et Sangsue (2004), « Le système mental en temps que


composant de l’émotion », in Kirouac, G. (éd.), Cognition et Émotions, PUL,
Québec, p. 16, tableau 2)

Critères d’évaluation

Colère/Rage

Peur/Panique

Tristesse

Nouveauté

- Soudaineté

Élevée

Élevée
Basse

- Familiarité

Basse

Ouvert

Basse

- Prévisibilité

Basse

Basse

Ouvert

Agrément intrinsèque

Ouvert

Rapports aux buts

- Pertinence

Ordre

Corps

Ouvert

- Degré de certitude

Très élevé

Élevé

Très élevé
dans la prédiction des

conséquences

- Attente

Dissonante

Dissonante

Ouvert

- Opportunité

Enrayée

Enrayée

Enrayée

- Urgence

Élevée

Très élevée

Basse

Potentiel de maîtrise

- Causalité : interne

Autrui

Autrui/nature

Ouvert

- Causalité : externe
Intentionnelle

Ouvert

Chance/négative

- Contrôle

Élevée

Ouvert

Très bas

- Puissance

Élevée

Très basse

Basse

- Ajustement

Élevé

Bas
Moyen

Accord avec les

standards

- Standards externes

Bas

Ouvert

Ouvert

- Standards internes

Bas

Ouvert

Ouvert

(Note : « ouvert » signifie que ce critère n’inclut pas une évaluation


spécifique) Le modèle de Roseman définit 5 critères d’évaluation
(évaluation de la situation, certitude de l’événement, perception de soi,
origine de l’événement et état de motivation) qui, suivant leurs valeurs,
caractérisent 13 émotions distinctes (Roseman, 2001). Par exemple, l’espoir
correspond à l’état mental où un événement a été évalué comme incertain et
consistant avec les buts de l’individu. La simplicité du modèle permet de le
traduire facilement en un ensemble de règles déterminant quels états
mentaux déclenchent quelles émotions chez un individu.

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

53

En résumé, selon ces théories de l’évaluation cognitive, l’émotion ressentie


par l’individu dépend de l’évaluation qu’il fait de la situation sur les
différents critères. Selon Bellinghausen (2007), si l’individu ne parvient pas
à identifier son émotion, il devrait être possible de lui apprendre à déduire
celle-ci à partir des différents critères mis en évidence dans les théories de
l’évaluation. Les recherches futures devront mettre cette idée à l’épreuve et
déterminer dans quelle mesure les théories de l’évaluation pourraient servir
de base à une remédiation des compétences d’identification.

2.2.2

L’identification de l’émotion à partir des modifications biologiques La


deuxième dimension du modèle de Scherer regroupe les modifications
biologiques (Scherer, 2001). Afin de déterminer si cette dimension peut
constituer un indicateur de l’émotion en jeu, il faut préalablement répondre à
la question suivante : « Existe-t-il des patterns de réponses physiologiques
spécifiques à chaque émotion ? » L’examen de la littérature révèle qu’il
existe des différences physiologiques en fonction de la valence de l’émotion
ressentie (Cacioppo et Berntson, 1999). Les émotions négatives sont
caractérisées par une activation du système nerveux autonome plus
importante (rythme cardiaque plus élevé, pression sanguine supérieure,
constriction des pupilles, etc.) que les émotions positives. On ne dispose pas
de suffisamment de preuves scientifiques à ce jour pour déterminer avec
certitude qu’il existe un pattern physiologique caractéristique de chaque
émotion de base. En effet, bien que des patterns physiologiques spécifiques
à certaines émotions aient été mis en évidence dans plusieurs études
(Cacioppo, Klein, Berntson et Hatfield, 1993 ; Zajonc et McIntosh, 1992),
les résultats sont loin d’être définitifs et généralisables. C’est Ekman qui fut
l’un des premiers à suggérer que l’activité du système nerveux autonome
était spécifique à chaque émotion. Dans une de ses études (Ekman,
Levenson et Friesen, 1983), il montre que le rythme cardiaque est plus élevé
pour les émotions de peur, de colère et de tristesse que pour les émotions de
dégoût, de surprise et de joie. La colère se caractériserait par une
température corporelle plus élevée, à la différence de la peur et de la
tristesse. La tristesse se distinguerait également des autres émotions par une
réponse électrodermale basse par rapport aux émotions de colère, de peur et
de dégoût.

Des chercheurs (Stemmler, Heldmann, Pauls et Scherer, 2001) ont induit en


laboratoire l’émotion de peur et de colère chez des participants. Pour induire
la peur, ils ont utilisé des menaces réalistes ( i.e. devoir parler en public dans
des conditions d’évaluation sévères ou subir une prise de sang). Pour la
colère, les participants étaient insultés et harcelés par l’expé-

rimentateur. Les résultats montrent des profils de réponses physiologiques

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

différentes pour la peur et la colère. Ces chercheurs expliquent les résultats

54

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

par les exigences fonctionnelles et adaptatives dans des situations suscitant


ces deux émotions. La peur est caractérisée par une accélération du rythme
cardiaque et de la respiration visant à augmenter l’approvisionnement de
sang dans le cœur et le cerveau pour pouvoir fuir. La colère se caractérise en
revanche par une augmentation de la pression sanguine et de la résistance
périphérique, visant à accroître la force musculaire nécessaire lors d’un
combat.

Ces recherches permettent de supposer qu’il existe un pattern physiologique


spécifique à certaines émotions. Elles ne permettent toutefois pas d’affirmer
qu’il existe une configuration typique et spécifique des paramètres
physiologiques propres à chaque émotion (si c’était le cas, les recherches ne
l’ont pas encore mis en évidence). De plus, des différences inter-
individuelles et/ou culturelles dans les patterns physiologiques propres à
chaque émotion ont été rapportées par différents auteurs (Levenson, Ekman,
Heider et Friesen, 1992 ; Philippot et Rimé, 1997).

Au vu de ces données, il apparaît plausible que les individus capables


d’identifier leurs émotions se basent sur un pattern d’activation
partiellement spécifique pour déterminer la nature de celles-ci (ce qu’ils font
probablement conjointement avec d’autres indicateurs). Il apparaît
aujourd’hui prématuré d’utiliser les données issues de la recherche sur les
corrélats physiologiques afin de mettre au point des outils de remédiation
pour les personnes souffrant d’un déficit dans l’identification de leurs
émotions. Il s’agira toutefois d’une voie de recherche prometteuse lorsque
les patterns d’activation spécifiques auront été clairement mis en évidence.
Le Massachusetts Institute of Techno-logy (MIT) a récemment mis au point
un système d’identification des émotions à l’attention des personnes autistes,
basé sur les patterns d’expression faciale des émotions (voir les travaux du
Affect Media Lab au MIT). Le système analyse l’expression faciale de la
personne autiste, et lui renvoie un feedback vocal sur l’émotion qu’elle
ressent. L’objectif est d’aider la personne autiste à mettre des mots sur ses
émotions (c’est-à-dire à mettre des mots sur ses états internes). Il est possible
que les patterns d’activation physiologiques puissent un jour servir de base à
la conception d’outils similaires.

L’interprétation erronée des sensations physiologiques Des erreurs


d’interprétation de nos sensations physiologiques peuvent être commises,
comme le démontre l’étude ci-dessous (Dutton et Aron, 1974). Trente-quatre
hommes étaient répartis en deux conditions. Dans la première condition
(anxiété forte), ils devaient traverser un pont suspendu formé de planches en
bois, situé au-dessus d’un canyon. Dans la deuxième condition (anxiété
faible),

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

55

ils devaient simplement traverser un pont en béton, facile d’accès. À la fin


de la traversée, une tierce personne (homme ou femme) jouant le rôle du
compère les attendait afin de leur poser quelques questions d’ordre
démographique et de les interroger sur l’interprétation d’une planche d’un
test projectif (TAT) (Murray, 1943). Cette interprétation fournissait un indice
de l’imaginaire sexuel des participants. Le compère proposait également son
numéro de téléphone aux participants, prétextant que celui-ci pourrait leur
être utile s’ils souhaitaient des informations complémentaires relatives à
l’étude. Les résultats montrent que les scores de l’imaginaire sexuel des
sujets ayant traversé le pont suspendu sont plus élevés que les scores des
participants ayant traversé le pont non suspendu et ce, principalement,
lorsque le participant était abordé par une dame. Le constat est identique en
ce qui concerne le taux d’acceptation du numéro de téléphone du compère
féminin et, ensuite, le nombre d’appels émis par les participants vers le
compère féminin. Cette étude montre que le fait d’avoir vécu une émotion
forte augmente l’attirance sexuelle vers le comparse lorsqu’il s’agit d’une
femme. Ces participants ont interprété leur émotion de peur ou d’anxiété liée
à la traversée du pont comme une attraction sexuelle envers le compère
féminin. Ceci nous indique que nous pouvons ressentir une émotion et
identifier cette dernière comme un autre état émotionnel.

2.2.3

L’identification de l’émotion à partir des tendances à l’action La troisième


dimension du modèle de Scherer (2001) regroupe les tendances à l’action.
Comme nous l’avons vu auparavant, chaque émotion incite à agir d’une
certaine manière (ex. fuir dans le cas de la peur, frapper dans le cas de la
colère, rire dans le cas de la joie). Bellinghausen (2007) suggère
qu’identifier nos tendances à l’action peut aider à identifier nos émotions.
Ainsi, si j’ai envie de fuir, je ressens probablement de la peur ou de la honte.
Si j’ai envie de frapper quelqu’un, je suis vraisemblablement envahi par la
colère. Il est à noter que tant le désir de poser certains comportements (sans
qu’ils soient nécessairement posés) que les comportements effectivement
posés peuvent servir d’indicateurs de l’émotion que nous ressentons.

Ainsi, ces différentes dimensions (cognitions, sensations physiologiques,


tendances à l’action1) peuvent être vues comme des portes d’entrée pour
nous aider à identifier les différents états émotionnels dans lesquels nous
nous trouvons.

1. La quatrième dimension renvoie aux modifications expressives et


comportementales. Cette dimension nous servira à identifier les émotions
qu’autrui ressent plutôt que les nôtres.

56

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

3 DIFFÉRENTS NIVEAUX DE CONSCIENCE


ÉMOTIONNELLE

Dans les sections précédentes, nous avons insisté sur l’importance


d’identifier ses émotions et présenté différents moyens pour y parvenir.
Selon Lane et Schwartz (1987), l’identification des émotions ne
fonctionnerait toutefois pas sur le mode du « tout ou rien ». Ils proposent un
modèle de conscience émotionnelle (Lane et Schwartz, 1987). Selon ce
modèle, l’habileté à reconnaître et à décrire ses émotions et celles des autres
est une habileté cognitive qui se développe. Le modèle implique donc un
processus développemental similaire à ceux que Piaget décrivait pour
d’autres habiletés cognitives. Le processus développemental consiste en la
transition d’un traitement inconscient à un traitement conscient de ce que
nous ressentons.

Lane et Schwartz (1987) décrivent cinq niveaux de conscience émotionnelle


: (1) l’individu a conscience des sensations corporelles associées à
l’émotion, (2) il reconnaît les tendances à l’action suscitées par l’émotion,
(3) il est capable d’identifier et de nommer les émotions, (4) l’individu prend
conscience des émotions complexes ou des mélanges d’émotions et (5) il est
capable de se représenter et d’apprécier la complexité de ses expériences
émotionnelles et de celles d’autrui. Ces cinq niveaux décrivent l’organisation
cognitive de l’expérience émotionnelle et varient en complexité. Ces niveaux
sont hiérarchiquement liés, c’est-à-dire que le fonctionnement de chaque
niveau complète et modifie le fonctionnement des niveaux antérieurs.

Ces cinq stades se distinguent par les différents niveaux de conscience qu’ils
impliquent.

Les niveaux 1 (sensations physiques) et 2 (tendances à l’action) sont des


composantes fondamentales de l’émotion. Ces deux dimensions impliquent
des processus implicites car ils se produisent automatiquement la plupart du
temps mais peuvent également se produire de manière consciente. Il s’agit
dès lors de la conscience primaire. Les niveaux 3, 4 et 5 impliquent un
certain degré de conscience, c’est-à-dire une conscience émotionnelle
secondaire qui se construit à partir de la conscience primaire (Philippot,
2007).
Ces niveaux de conscience sont sur le même continuum bien qu’il soit
nécessaire de les distinguer afin de pouvoir se situer au niveau de notre
capacité de conscience émotionnelle.

Sur cette base, un questionnaire a été développé, le « Levels of Emotional


Awareness Scale » (LEAS) (Lane et al. , 1990). Cette échelle mesure la
capacité à décrire ce que nous ressentons et ce que ressentent les autres en
situation émotionnelle. Le LEAS est composé de 20 scénarios impliquant
deux personnes. Chaque scénario est suivi de deux questions : « Comment te

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS

57

sentirais-tu dans cette situation ? », « Comment est-ce que l’autre personne


se sentirait ? »

Voici un exemple de situation : « Vous et votre ami travaillez dans le même


service. Un prix de la meilleure performance est attribué chaque année. Vous
avez travaillé dur pour obtenir cette distinction. Le gagnant est annoncé,
c’est votre ami. Comment vous sentez-vous ? Comment se sent votre ami ? »

La personne répond aux deux questions librement et il n’y a pas de


limitation de mots. Le système de cotation est fondé sur le récit des réponses
verbales. Les réponses sont cotées de la manière suivante :

0 : l’individu ne fournit pas de réponses émotionnelles. Il utilise le mot « se


sentir » pour décrire une pensée plutôt qu’une émotion (« je me sens stupide
»).

1 : l’individu a conscience des sensations physiologiques (« je me sens


malade »).

2 : l’individu utilise des mots qui ne différencient pas les émotions (« je me


sens mal »).

3 : l’individu utilise des mots qui différencient les émotions ressenties («


triste, en colère »).
4 : l’individu emploie plus d’un mot pour désigner une émotion, ce qui
témoigne d’une conscience émotionnelle et d’un vocabulaire plus riche.

Cette mesure semble fidèle et elle montre des corrélations modérées avec
différentes mesures d’intelligence émotionnelle (Ciarrochi, Chan, Caputi et
Roberts, 2001). Le niveau de conscience émotionnelle prédit également la
capacité à reconnaître les émotions d’autrui, que ce soit à travers la
communication verbale ou non verbale (Lane et al. , 1996). Finalement, des
niveaux élevés de conscience émotionnelle sont associés à une meilleure
gestion du stress (Stanton, Kirk, Cameron et Danoff-Burg, 2000) et à une
activation plus importante du cortex cingulaire antérieur (Lane et al. , 1998).

Ces recherches corroborent donc l’idée que les aptitudes d’identification


sont une base nécessaire au développement de compétences émotionnelles
plus complexes (ex. régulation des émotions).

4 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous nous sommes centrés sur une compétence


émotionnelle de base – et pourtant non moins fondamentale – : la capacité à
identifier

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ses émotions. Dans un premier temps, nous avons montré en quoi l’identifi-

58

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

cation de ses propres émotions était importante. D’une part, nous avons vu
que la capacité à identifier ses émotions était nécessaire au développement
de compétences émotionnelles plus complexes, telles que la régulation ou
l’utilisation des émotions. D’autre part, nous avons découvert que des
difficultés au niveau de la reconnaissance d’émotions peuvent avoir des
répercus-sions négatives dans différents domaines tels que la santé mentale,
la santé physique et les relations sociales. Dans la seconde partie de ce
chapitre, nous avons passé en revue les différents processus sous-jacents à
l’identification des émotions. Nous avons souligné l’importance d’être
ouvert aux émotions et de ne pas les réprimer. Nous avons également vu
qu’enrichir notre vocabulaire émotionnel nous permettait de décrire plus
efficacement ce que nous ressentions. Enfin, nous avons proposé d’utiliser
les différentes composantes de l’émotion (pensées, sensations
physiologiques et tendances à l’action) comme autant de clés afin de faciliter
l’identification de nos émotions.

Chapitre 4

L’IDENTIFICATION

DES ÉMOTIONS

D’AUTRUI1

1. Par Delphine Nélis.

Dans le chapitre précédent, nous nous sommes penchés sur la capacité à


identifier nos propres émotions. Ce chapitre-ci abordera l’identification des
émotions d’autrui. Cette compétence émotionnelle est nécessaire et utile car
elle nous renseigne sur l’état de(s) (l’)individu(s) avec lequel/lesquels nous
interagissons. Comme nous le verrons ci-après, elle nous permet d’optimiser
non seulement la qualité de nos interactions avec nos interlocuteurs, mais
également notre adaptation à l’environnement.

1 L’IMPORTANCE DE L’IDENTIFICATION

DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

L’exemple ci-dessous illustre l’importance de l’identification des émotions


d’autrui.

Vous décidez de demander à votre patron une augmentation salariale,


justifiée de votre point de vue. Vous pénétrez dans son bureau afin de lui
faire part de votre requête. Il vous informe du peu de temps dont il dispose et
vous remarquez qu’il semble agité. Il ne vous accorde que peu d’attention,
fait les cent pas pendant que vous lui parlez, fronce les sourcils, se tourne les
pouces, parle fort, etc.
L’instant choisi pour solliciter une augmentation n’est pas optimal et ne vous
permettra probablement pas d’atteindre votre objectif. Quels sont les indices
qui auraient pu vous permettre d’anticiper que le moment pour formuler
votre requête était mal choisi ? Deux types d’indicateurs coexistent dans
cette situation : les indices verbaux et non verbaux. Au niveau verbal, votre
patron vous informe du peu de temps dont il dispose. Cette réponse vous
indique d’ores et déjà que vous

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

62

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

n’êtes probablement pas le/la bienvenu(e). D’autre part, de nombreux


signaux non verbaux sont émis lors de l’interaction. Ceux-ci sont de nature à
vous renseigner sur l’état émotionnel de votre supérieur (agitation, regard,
expression faciale, gestes, intonation de la voix). Un individu sensible à ces
différents signaux aurait sans doute postposé sa demande d’augmentation.

La capacité à percevoir et à identifier les émotions d’autrui a été étudiée de


longue date en psychologie sociale, clinique, cognitive et développementale.

Cette capacité est fondamentale pour un ensemble de raisons, synthétisées


par Keltner et Kring (1998).

Tout d’abord, les émotions constituent un indicateur de l’état de nos


relations avec autrui. Des émotions négatives peuvent refléter une tension
relationnelle, là où des émotions positives indiquent généralement que la
relation fonctionne présentement bien. Ensuite, les émotions informent sur
les besoins et attentes de l’interlocuteur. En effet, et comme nous le
verrons plus avant dans cet ouvrage, les émotions sont le plus souvent
associées à un besoin. L’embarras vise à éliciter le pardon (Keltner et
Buswell, 1997), la tristesse vise à éliciter l’affection et/ou l’aide (Campos,
Campos et Barrett, 1989 ; Eisenberg et al. , 1989), et la colère vise à éliciter
la peur et/ou la réparation (Dimberg et Öhman, 1996). Identifier les
émotions de nos congénères permet donc de connaître leurs besoins/attentes,
et d’y répondre.

Les émotions permettent en outre d’informer rapidement autrui sur


l’état de l’environnement. Un simple changement d’expression faciale
suffira à communiquer une menace imminente à notre interlocuteur et à le
faire réagir en conséquence en quelques dixièmes de secondes à peine.
Finalement, les émotions permettent de renforcer ou, au contraire, de
décourager certains comportements chez l’interlocuteur. Les parents
renforceront ainsi certains comportements de leurs enfants par un sourire et
en répriman-deront d’autres par un haussement de sourcils.

La capacité à décoder les émotions d’autrui est primordiale dans la


régulation des échanges interpersonnels et dans l’adaptation sociale. Les
recherches ont montré que les individus ayant un déficit dans la capacité à
décoder les émotions de leurs congénères éprouvaient des difficultés à
maintenir des relations sociales de qualité. Dès le plus jeune âge, ces enfants
sont moins appréciés par leurs pairs et développent des relations moins
profondes avec leurs camarades (Nowicki et Duke, 1994). Des difficultés
dans la reconnaissance des émotions d’autrui sont associées à la rumination,
à la dépression et à l’anxiété (Lahaye, Luminet, Van Broeck, Bodart et
Mikolajczak, soumis à publication ; Rieffe, Oosterveld, Miers, Meerum
Terwogt et Ly, 2008). Ces difficultés relationnelles persistent à l’âge adulte
et se manifestent tant au niveau des relations amicales que conjugales et
professionnelles.

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

63

Sachant que l’homme est un être social et que le support social joue un rôle
protecteur en regard de la santé mentale et physique (Bruchon-Schweitzer,
2002 ; Rosenthal, Hall, DiMatteo, Rogers et Archer, 1979), il est probable
qu’un déficit dans l’identification des émotions d’autrui aura des
conséquences qui dépasseront largement le cadre des relations sociales.

2 IDENTIFIER LES ÉMOTIONS D’AUTRUI


AU TRAVERS DE LA COMMUNICATION

VERBALE

Dans l’introduction, nous avons insisté sur la fonction de communication des


émotions. Au travers de leurs émotions, nos interlocuteurs nous transmettent
une information qu’il importe de décoder adéquatement.

Avant d’exposer comment les expressions faciales, les gestes, la posture


nous renseignent sur l’état émotionnel de notre interlocuteur, nous allons
nous attarder un instant sur cette notion de communication.

Communiquer signifie échanger de l’information. La communication nous


permet de nous adapter à l’environnement et d’y fonctionner de manière
optimale. On distingue deux modes de communication : la communication
digitale et la communication analogique. Selon Watzlawick, l’un des plus
grands spécialistes de la communication, « on ne peut pas ne pas
communiquer, qu’on le veuille ou non. Parole ou silence, activité ou
inactivité, tout a valeur de message » (Watzlawick, Beavin et Jackson, 1972)
. Un passager assis dans un train, les yeux fermés, communique un message :
il ne veut parler à personne et n’a pas envie qu’on lui adresse la parole. Dans
cette situation, il y a communication, tout autant que lors d’un débat animé.

La communication digitale réfère aux mots que nous utilisons pour


transmettre de l’information. Elle repose sur une convention sémantique que
chacun connaît, mais la relation entre l’objet et le mot est arbitraire : il n’y a
aucun rapport entre les deux en dehors de cette convention. En effet, il n’y a
aucune raison particulière pour que les lettres « c, h, i, e, n » désignent un
animal spécifique. Pourquoi « chien » et pas « caput », « cient » ou encore

« tulit » ? Néanmoins, cet accord arbitraire nous est très utile car il nous
permet d’échanger de l’information.

Le deuxième type de communication est la communication analogique.

Elle a un rapport plus direct avec ce qu’elle représente. Si une personne nous
demande l’heure en chinois (communication digitale), nous risquons de ne
rien comprendre. En revanche, si cette même personne nous montre son
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

poignet (communication analogique), nous serons certainement en mesure

64

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

de l’aider. Le mode analogique regroupe toute forme de communication non


verbale. Cette dernière ne se restreint pas aux mouvements corporels ; elle
englobe les gestes, les postures, les mimiques, l’intensité de la voix, etc.
Tout individu utilise ces deux modes de communication.

La communication digitale, les mots, nous permettent d’échanger des idées,


des savoirs ; ce type de communication nous renseigne sur le contenu du
message. En revanche, la communication analogique, le non-verbal, nous
renseigne davantage sur le cadre relationnel de l’échange (émotions,
rapport hiérarchique, etc.). Certains d’entre nous pensent qu’un animal de
compagnie peut nous comprendre parfaitement. Un chien, un chat ou tout
autre animal ne comprend bien sûr pas le sens des mots mais il peut sans
doute comprendre la communication analogique qui accompagne nos paroles
(intonation de la voix, gestes, etc.).

Tableau 4.1

Les deux types de communications et leurs canaux

( Source : Salem (2005), L’Approche thérapeutique de la famille, Paris,


Masson, p. 48, tableau 2.1)

Type de communication

Canal

Exemple

Parole

Communication digitale
Verbal

Écriture

Expressions faciales

Mimiques

Gestes

Non verbal

Postures

Communication analogique

Mouvements corporels

Intonation de la voix

Paraverbal

Débit de paroles

Pauses

Silences

Il est à noter que ces deux modes de communication (voir tableau 4.1)
peuvent se compléter ou se contredire. Nous pouvons ainsi accepter
verbalement une requête alors que notre langage non verbal traduit une
réticence. La plupart des êtres humains peuvent efficacement travestir leur
communication digitale mais peu parviennent à travestir leur communication
analogique.

Certains arriveront encore à masquer l’expression faciale de leur émotion


mais, la plupart du temps, cette dernière se traduira subtilement dans la voix
ou la posture. De manière générale, le moyen le plus sûr d’identifier
l’émotion de notre interlocuteur est d’observer son langage non verbal. C’est
la raison pour laquelle nous y consacrerons la plus grande partie de ce
chapitre. Qu’on ne s’y trompe pas toutefois. Il importera, si possible, de
confirmer cette impression verbalement auprès de notre interlocuteur par la
suite. Il

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

65

existe en effet un certain nombre de biais – sur lesquels nous reviendrons


plus loin dans ce chapitre – par lesquels nous avons tendance à projeter notre
propre état émotionnel sur notre interlocuteur (Forgas, 2002).

3 IDENTIFIER LES ÉMOTIONS D’AUTRUI

AU TRAVERS DE LA COMMUNICATION

NON VERBALE

Comme nous venons de le mentionner, l’importance du message non verbal


dans le décodage des émotions est supérieure à l’importance du message
verbal. Le langage non verbal inclut l’expression faciale, les gestes,
l’intonation de la voix, etc. Contrairement à la communication verbale,
l’émetteur n’est pas toujours conscient qu’il envoie un message non verbal.
Lorsque nous émettons un message, nous avons tendance à nous focaliser
sur les mots que nous employons et à oublier que notre discours
s’accompagne de gestes, de mimiques, etc. Pourtant, ces signaux constituent
de précieux indicateurs pour l’interlocuteur averti.

Albert Mehrabian est mondialement connu pour ses travaux sur l’importance
des messages verbaux et non verbaux. Ceux-ci ont mené à la célèbre règle 7
% – 38 % – 55 % (Mehrabian, 1981). Selon Mehrabian, il y aurait
essentiellement trois éléments dans la communication : les mots, la voix et le
langage du corps. Dans une conversation, 7 % du message serait transmis
par les mots, 38 % du message serait transmis par le paralangage qui se
réfère à la dimension vocale mais non verbale de la parole (ex. intonation de
la voix, vitesse de débit, pauses) et 55 % par le langage corporel (ex.
expressions faciales, gestes, postures). Bien que les mots ne comptent que
pour un infime pourcentage, il est néanmoins nécessaire d’en tenir compte
pour pouvoir répondre de manière efficace. Les éléments non verbaux sont
particulièrement importants pour communiquer les émotions, spécifiquement
lorsqu’il y a une divergence entre les mots et le langage corporel.

Les recherches de Mehrabian, et spécifiquement les pourcentages accordés


aux trois éléments de la communication, ont été fortement critiquées.

Chaque situation est particulière et cette règle ne correspond pas à toutes les
situations que nous rencontrons. Pour certains spécialistes en communication
non verbale (Burgoon, Buller et Woodall, 1996), les recherches de
Mehrabian minimisent l’importance des mots. Selon eux, la proportion du
langage non verbal et verbal dépend du contexte. S’il n’y a pas de consensus
sur les pourcentages exacts, les spécialistes s’accordent toutefois sur le fait

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

que plus de la moitié de la communication se fait de manière non verbale.

66

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La capacité à lire les messages non verbaux est dès lors essentielle. Elle
permet de mieux comprendre l’autre, et de s’adapter à nos interlocuteurs,
mais également à notre environnement. Imaginez que vous êtes en train de
marcher dans un bois avec un ami. Soudainement votre ami perçoit un
danger. Son comportement va changer immédiatement : ses yeux vont
s’écarquiller, il va reculer ou s’immobiliser, l’intonation de sa voix va
changer, etc. Ces manifestations non verbales vont vous communiquer la
présence du danger avant même qu’il ait eu le temps – ni même la nécessité

– de vous la communiquer verbalement.

3.1 Les fonctions du message non verbal

Lorsque nous communiquons, les messages non verbaux vont interagir avec
les messages verbaux de différentes façons. Le message non verbal peut
avoir six fonctions : il remplace, répète, complète, accentue, contredit ou
régule le message verbal (Knapp et Hall, 1992).
Les messages non verbaux peuvent tout d’abord se substituer à certains
messages verbaux. Notre culture nous fournit un répertoire de gestes et
d’expressions qui sont des équivalents de certains messages verbaux comme

« oui », « non », « bonjour », « au revoir », etc. Nos préférences et nos


répulsions peuvent aussi être exprimées sans mots, en souriant, en frappant
dans les mains, en fronçant les sourcils, etc.

Un message non verbal peut ensuite répéter, compléter, ou accentuer la


communication verbale, afin d’en faciliter la compréhension. Parfois, un
mouvement des mains ou une longue pause pendant une conversation donne
une importance particulière à une partie du message afin que nous puissions
discerner ce qui est le plus important pour l’émetteur.

Il arrive aussi que le message verbal contredise le non-verbal.

Imaginez cette conversation entre un couple qui vient de se quereller. La


femme demande à son mari : « Tu es toujours fâché ? ». Le mari répond : «
Non, pas du tout. ». Sa femme réplique : « J’ai pourtant l’impression que tu
es toujours en colère contre moi. — Je te dis que je ne suis plus en colère ! »,
répond-il. Les paroles du mari fournissent un message tandis que
l’intonation de sa voix en laisse entendre un autre. Lorsque les signaux non
verbaux contredisent le message verbal, nous pouvons penser qu’il y a un
certain malaise dans la relation. Dans ce cas, l’interlocuteur sera invité à
porter une attention particulière aux signaux non verbaux. Le canal non
verbal fournit en effet des informations à propos (1) des intentions de la
personne et de son état émotionnel et (2) de l’état de la relation.

La dernière fonction du comportement non verbal est de réguler nos


conversations. On peut ainsi, par exemple, toucher le bras de quelqu’un pour
signaler que l’on voudrait prendre la parole.

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

67

3.2 Les différents signaux non verbaux


Nous allons maintenant passer en revue les différents signaux non verbaux
qui peuvent nous renseigner sur l’état émotionnel d’autrui. La plupart des
études portant sur l’identification des émotions se sont centrées sur les
expressions faciales, raison pour laquelle une importante partie de ce
chapitre sera consacrée à ce sujet. Nous aborderons également d’autres
signaux non verbaux comme le regard, les gestes, la posture, le paralangage,
ou encore la distance. Il importe de préciser à ce stade que nous ne
considérons pas que les signaux non verbaux soient les seuls à même de
nous informer avec certitude sur l’état de notre interlocuteur et de la relation.
Nous pensons plutôt qu’il est nécessaire de prendre en compte l’interaction
des différents messages (verbaux et non verbaux). Les signaux non verbaux
ne doivent pas être observés de manière isolée ; ils font partie de la relation
et doivent être pris en compte au même titre que le message verbal ou le
contexte.

3.2.1

Les expressions faciales

Un premier moyen d’identifier l’émotion d’autrui est d’observer l’expression


faciale. Les capacités d’identification des expressions faciales émotionnelles
sont présentes dès la naissance (voir encart ci-dessous). L’expression faciale
fait partie intégrante du comportement d’un individu et représente un aspect
important de la communication non verbale. En effet, si nous voyons
quelqu’un éclater de rire, nous pourrons en déduire dans la majorité des cas
qu’il ressent de la joie ou, tout du moins, une émotion positive. De même,
des yeux écarquillés, une bouche légèrement entrouverte et des sourcils
levés peuvent nous laisser supposer que l’individu éprouve de la peur ou de
la surprise. Nous pouvons ainsi connaître l’état émotionnel des différents
intervenants d’un débat télévisé même après avoir coupé le son de la
télévision !

Mais attention, un visage peut en cacher un autre. L’information provenant


des comportements non verbaux peut être ambiguë et peut ne pas toujours
communiquer l’intention véritable ou l’état émotionnel authentique de
l’individu qui les adopte. Par exemple, un des comportements non verbaux
les plus fréquents est le sourire. Celui-ci peut exprimer – ou se mélanger
avec – différents états émotionnels. En effet, le sourire peut communiquer un
état de contentement, d’extase, d’approbation (ou encore un comportement
de séduction) mais il peut aussi exprimer le mépris, la soumission ou encore
l’anxiété. Ainsi, il est communément admis qu’un comportement non verbal
ne peut pas être entièrement compris si l’information contextuelle n’est pas
prise en compte.

68

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le développement de la reconnaissance des expressions faciales


émotionnelles

Le développement de la capacité à décoder l’expression faciale des émotions


s’étend sur toute la durée de l’enfance. L’aptitude à reconnaître les
expressions rudimentaires d’autrui apparaît tôt après la naissance (Izard et
Ellis, 1971).

Certaines cellules du cortex temporal, une région impliquée dans la


reconnaissance des visages, seraient présentes dès six semaines après la
naissance (Rodman, Skelly et Gross, 1991). D’autres aires du cortex
temporal associées également à la reconnaissance des visages sont
développées totalement six mois après la naissance (Rodman, 1994). Le
nourrisson, dès dix semaines, serait capable de distinguer les expressions de
joie, de colère et de tristesse (Haviland et Lelwica, 1987). Des niveaux
élevés de testostérone, plus communs chez les garçons, peuvent entraver le
développement des régions temporales, ce qui les conduit à être moins aptes,
en moyenne, à reconnaître les expressions faciales que les filles
(Bachevalier, Hagger et Bercu, 1989). La capacité à discriminer des
expressions émotionnelles authentiques d’expressions émotionnelles
inauthentiques ne survient qu’à la fin de l’enfance (Gosselin, 2005). La
capacité à identifier les émotions déclinerait avec l’âge. Les personnes âgées
feraient plus d’erreurs dans l’identification des expressions d’émotions
négatives et neutres que les jeunes (McDowell, Harrison et Demaree, 1994).
Les seniors auraient également des difficultés à discriminer les différentes
émotions produites par d’autres canaux non verbaux comme la voix (Allen
et Brosgole, 1993).
■ Les expressions faciales universelles

Les recherches relatives à l’identification d’expressions faciales


émotionnelles sont nombreuses. Le débat portant sur le caractère universel
ou non des expressions faciales a commencé il y a plus de cent ans. C’est
Charles Darwin qui fut l’un des premiers à s’intéresser à cette question.
Dans The Expression of the Emotions in Man and Animals (1872/1998), il
présente une théorie portant sur l’universalité des expressions faciales
émotionnelles.

Darwin a mené une série de recherches qui le conduisent à affirmer que : « le


même état d’esprit s’exprime à travers le monde avec une remarquable
uniformité … ». Selon lui, les expressions faciales émotionnelles sont innées
et adaptatives. Cependant, la rigueur et la méthodologie avec lesquelles ont
été menées ces études peuvent être critiquées sur différents plans.

Un psychologue social, Otto Klineberg, a remis en cause la théorie de


Darwin. Bien qu’il reconnaisse que quelques patterns de comportements
sont universels comme les pleurs ou les rires, Klineberg soutient que les
expressions faciales de colère, de peur, de dégoût, de tristesse, sont
spécifiques à la culture et non universelles. Par exemple, il montre que les
descriptions d’expressions faciales émotionnelles décrites dans la littérature
chinoise sont différentes de celles du peuple occidental (Klineberg, 1954).

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

69

Des dizaines d’années après The Expression of the Emotions in Man and
Animals et à la suite des travaux de Klineberg, les psychologues se sont à
nouveau penchés sur cette même question : « Les expressions faciales
émotionnelles sont-elles universelles ou spécifiques à chaque culture ? »

Pour tenter de répondre à cette question, Ekman, un psychologue américain


considéré comme un des pionniers dans l’étude des émotions et de leurs
expressions faciales, se rend en Papouasie/Nouvelle-Guinée. La tribu papoue
est si isolée que personne n’y a jamais vu de photos d’allochtones, de
magazines ou de télévision. Les Papous n’ont donc pas pu apprendre les
expressions faciales

« universelles » via les médias. Ekman adopte la méthodologie suivante. Il


raconte une histoire aux individus (ex. « un ami vient vous rendre visite et
vous êtes content ») et leur demande ensuite de choisir parmi trois
expressions faciales émotionnelles celle qui correspond le mieux à la
situation décrite. Six histoires étaient racontées, exprimant six émotions
différentes (joie, tristesse, peur, colère, dégoût et surprise). Les résultats
montrent que les Papous choisissent, pour chaque histoire, la même
expression faciale que les personnes testées dans 21 cultures alphabétisées
(Ekman et Friesen, 1971). La seule exception est que les Papous n’ont pas
distingué (ils confondent) les expressions exprimant la peur de celles
exprimant la surprise. Inversement, les expressions faciales émotionnelles
des membres de la tribu sont reconnues correctement par une population
d’étudiants américains.

Ces résultats appuient l’hypothèse selon laquelle l’association entre certaines


expressions faciales et certaines émotions est universelle. Ce caractère
universel peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs non exclu-sifs
tels que l’évolution, l’existence d’un programme de neurones innés ou
encore les expériences d’apprentissage communes au développement
humain indépendantes de la culture (Allport, 1924 ; Asch, 1952 ; Darwin,
1872/1998 ; Izard, 1969 ; Tomkins, 1963).

Les preuves croissantes du caractère universel des expressions faciales


émotionnelles n’impliquent pas l’absence de différences culturelles dans
l’expression faciale de l’émotion. Les différences culturelles peuvent se
manifester au niveau des déclencheurs d’une émotion, au niveau des consé-

quences du comportement suscité par l’émotion ainsi qu’au niveau des


règles de conventions sociales (Ekman et Friesen, 1969).

Indépendamment des différences culturelles dans les déclencheurs ou les


conséquences de l’émotion, il existerait six expressions faciales
émotionnelles universelles. Cela ne veut pas dire, toutefois, que les
expressions faciales se produisent à chaque fois que nous ressentons une
émotion car nous sommes, en général, capables d’inhiber nos expressions
faciales émotionnelles lorsque cela est nécessaire. D’autre part, lorsque nous
affichons une

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

expression faciale donnée, cela ne signifie pas que l’émotion soit toujours

70

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

réellement ressentie. Nous sommes en effet capables de générer une


expression faciale factice si la situation le requiert (même si des études
montrent qu’une expression spontanée est différente d’une expression
fabriquée) (Ekman, 1992 b).

Depuis les premières études publiées sur les expressions faciales, les travaux
se sont multipliés plaidant en faveur du caractère universel des expressions
faciales. Différents arguments appuient cette hypothèse :

– Des études ont montré que les expressions faciales émotionnelles


apparaissent chez des enfants aveugles (Charlesworth et Kreutzer, 1973). Ce
résultat suggère que les émotions et leurs expressions sont innées et géné-

tiquement programmées.

– Des recherches menées sur les primates ont montré que les expressions
faciales qui sont universelles chez les humains le sont également chez les
singes (Chevalier-Skolnikoff, 1973 ; Hauser, 1993). Ces travaux plaident
également en faveur du caractère inné et biologique des émotions et de leurs
expressions.

– Les émotions représentées par les expressions faciales universelles


correspondent aux taxinomies des émotions retrouvées dans les différents
langages à travers le monde (Romney, Boyd, Moore, Batchelder et Brazill,
1996 ; Shaver, Murdaya et Fraley, 2001).

En résumé, pouvons-nous déterminer le nombre d’émotions possédant une


expression faciale particulière ? Des preuves solides sont avancées pour les
émotions de joie, de colère, de dégoût, de tristesse, de peur et de surprise.

Ekman pense que la peur et la surprise ont des expressions faciales distinctes
(Ekman, 1999). Cette distinction est uniquement rapportée dans les cultures
alphabétisées. Certains auteurs (Ekman et Friesen, 1986 ; Ekman et Heider,
1988 ; Matsumoto, 1992) ont aussi mis en évidence que le mépris (émotion
dans laquelle on se sent moralement supérieur à une autre personne) possède
une expression faciale universelle bien que cette évidence se vérifie
uniquement dans les cultures alphabétisées. La fierté répondrait également à
une expression non verbale se caractérisant par un petit sourire, la tête
légèrement inclinée vers l’arrière et les bras qui se soulèvent au-dessus de la
tête ou les mains sur les hanches (voir figure 4.1) (Tracy et Robins, 2004). Il
reste à déterminer le caractère universel ou non de l’expression non verbale
de la fierté. Selon Keltner, il existerait également une expression faciale
universelle de l’embarras (Keltner, 1995).
L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

71

Figure 4.1

Posture exprimant la fierté

( Source : Tracy et Robins (2004), « Show your pride : Evidence for a


discrete emotion expression », Psychologica Science, 15, 194-197)

■ Caractéristiques des expressions faciales universelles Le tableau 4.2


résume les principales caractéristiques des différentes expressions faciales
émotionnelles. Ce sont ces caractéristiques qui permettent d’identifier – et de
différencier – les expressions faciales de nos interlocu-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

teurs. Par souci pédagogique, les photos présentées sont caricaturales :


72

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

l’émotion est exprimée à son intensité maximale. Même si nous exprimons

rarement nos émotions de manière aussi intense dans la vie quotidienne (un
ensemble de contraintes sociales pèse sur l’expression de nos émotions), les

différents ingrédients sont pourtant présents. L’art consiste à les repérer,

même lorsqu’ils sont exprimés extrêmement brièvement (durant seulement

quelques millisecondes) ou très subtilement (à très faible intensité).

Tableau 4.2

Les six émotions univer selles et leurs caractéristiques faciales

( Source : illustrations d’expressions faciales (neutre, tristesse, joie, peur,


dégoût,

colère) issues du « Montreal Set of Facial Displays of Emotion » (MSFDE),


images

téléchargées à partir de l’adresse suivante :


http://www.psychophysiolab.com,

« Illustration de l’expression faciale de surprise provenant du site internet :

http://www.neurologicalcorrelates.com »)

Émotion

Caractéristiques de l’expression faciale

Expression neutre

Tous les muscles du visage sont détendus

Tristesse

Visage tombant

Abaissement des commissures des lèvres

Sourcils en position oblique


Éventuellement pleurs

Joie

Sourire

Éventuellement rire

Visage détendu

Coins des lèvres tirés vers l’arrière (par

les muscles zygomatiques)

Pommettes relevées

Plissements au coin des yeux


L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

73

Surprise

Sourcils levés

Yeux écarquillés

Bouche entrouverte

Peur

Yeux grands ouverts

Bouche légèrement entrouverte

Lèvres légèrement tendues et tirées vers

l’arrière
Sourcils levés

Dégoût

Visage fermé

Sourcils en « V »

Yeux plissés

Lèvre supérieure tirée vers le haut

Nez froissé

Pommettes relevées

Colère

Sourcils plissés par le muscle corrugateur

(muscle se situant le long de l’arcade

sourcilière)

Lignes verticales entre les sourcils

Soulèvement des paupières

Bouche fermée

Lèvre inférieure vers l’avant et lèvres

serrées

Afin de définir au mieux les expressions faciales correspondant aux


émotions de base et de pouvoir ensuite les mesurer, Ekman a mis au point un
système nommé « Facial Action Coding System » (FACS) (Ekman, Friesen
et Hager, 1978). Le FACS est un guide qui permet de classifier les
comportements faciaux en se basant sur les muscles qui produisent ces
mouvements.
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74

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le FACS décrit l’expression émotionnelle à partir de 43 mouvements des


muscles du visage. Chaque mouvement correspond à une unité d’action (
action unit, AU) et est symbolisé par un nombre. Par exemple, AU17 se
réfère au muscle mentalis qui correspond à la contraction du menton,
laquelle peut apparaître en situation de doute ou de mécontentement.

L’AU12 se réfère à l’activation du muscle zygomatique, qui caractérise le


sourire. Les scientifiques utilisent le FACS dans leurs recherches pour
déterminer avec exactitude les émotions exprimées par les sujets
d’expérimenta-tion. Ce programme permet également de déterminer les
expressions émotionnelles exprimées très brièvement ou très subtilement. Le
FACS a ainsi été utilisé à de nombreuses reprises pour faciliter l’analyse
d’entretiens filmés dans le cadre d’enquêtes judiciaires. L’expertise que Paul
Ekman a développée au travers du FACS l’a récemment conduit dans
l’industrie du cinéma, où il a travaillé avec les graphistes de chez Pixar sur
l’expression émotionnelle de personnages de dessins animés.

■ Différences individuelles et culturelles dans l’expression des émotions : les


règles d’affichage (display rules)

Malgré l’existence d’expressions faciales émotionnelles universelles, il


existe des différences individuelles et culturelles importantes dans
l’expression des émotions (Ekman, Friesen et Ellsworth, 1972).

Ekman et al. (1972) ont comparé des individus japonais et américains. Des
données de l’anthropologie suggèrent que les Japonais ont des règles
d’expression différentes, notamment en ce qui concerne la non-expression
d’affects négatifs en présence d’une personne représentant l’autorité. Dans la
première partie de l’expérience, les sujets étaient seuls dans une pièce et
regardaient des extraits de films suscitant différentes émotions. Une caméra
enregistrait leurs expressions faciales pendant qu’ils regardaient les films.
Les expressions de dégoût, de tristesse, de peur et de colère étaient
exprimées de manière identique dans les deux groupes. Ces résultats plaident
en faveur du caractère universel des émotions.

Dans la deuxième partie de l’étude, un expérimentateur était présent dans la


pièce avec les sujets. Les expressions des Américains étaient identiques à
celles exprimées lorsqu’ils étaient seuls, tandis que les Japonais masquaient
leurs affects négatifs et souriaient, comme le veut la culture japonaise. En
une seule expé-

rience, Ekman a montré que les expressions faciales étaient universelles


mais que les modalités d’expression de celles-ci différaient selon la culture.

Ekman et Friesen ont introduit le terme « cultural display rules » pour


rendre compte des différences culturelles dans les expressions faciales
émotionnelles (Ekman et Friesen, 1969). Ces règles d’expression relèvent
d’un apprentissage concernant ce qui peut-être exprimé, à qui, quand et dans
quelles circonstances. Dans notre culture, les hommes apprennent à ne pas

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

75

pleurer. Les vendeurs apprennent à masquer leur irritation face à un client


désagréable. Nous apprenons tous à sourire lorsque nous recevons un
cadeau, même lorsque celui-ci nous déplaît. Ces règles d’expressions
seraient apprises de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte. Elles varient d’une
culture à l’autre, d’une ethnie à l’autre, d’une famille à l’autre, etc.

Il importe de garder ces règles d’expression à l’esprit lorsque nous


cherchons à identifier l’état émotionnel de notre interlocuteur. Ce n’est pas
parce que notre subordonné nous sourit qu’il est heureux. En effet, les règles
d’expression émotionnelle imposent à une personne de niveau hiérarchique
inférieur de « faire bonne figure » en présence d’un supérieur hiérarchique.
Il faudra dès lors aller à la recherche d’indices plus subtils permettant de
connaître l’état émotionnel authentique de notre collaborateur. C’est ce que
nous évoquerons au point suivant.

Déficits dans l’identification des émotions d’autrui


De nombreuses recherches ont étudié les troubles de l’identification des
émotions (Borod, 2000 ; Davidson, 2003). Ces troubles s’observent chez des
individus atteints de traumatismes crâniens, de lésions cérébrales droites
et/ou frontales (Bechara, Damasio et Damasio, 2000) mais aussi chez des
personnes atteintes de psychopathologie ou d’un syndrome particulier (Blair
et al. , 2004 ; Phillips, Drevets, Rauch et Lane, 2003).

Par exemple, des difficultés dans la reconnaissance des émotions sont


présentes dans la schizophrénie (Brune, 2005 ; Kohler et al. , 2003). Cette
dernière est un trouble neuropsychiatrique affectant l’unité psychique,
intellectuelle et émotionnelle du sujet. Les travaux sur le fonctionnement
émotionnel de la personne schizophrène montrent que celle-ci éprouve des
difficultés non seulement à exprimer et à ressentir ses propres émotions mais
aussi à identifier celles des autres. Des explications différentes ont été
avancées quant à la nature de ce déficit. Pour certains, cette carence
représenterait une anomalie dans le traitement de l’information à caractère
émotionnel. Pour d’autres, elle serait le reflet d’anomalies cognitives déjà
répertoriées comme des capacités attentionnelles réduites, l’alté-

ration de la mémoire de travail, etc. Des études ont rapporté que les
individus atteints de schizophrénie ont un déficit plus prononcé pour le
traitement des émotions négatives que pour le traitement des émotions
positives (Bryson, Bell, Lysaker et Zito, 1997). La présence d’anomalies
dans le traitement des expressions faciales émotionnelles se retrouve chez les
patients dépressifs. La reconnaissance chez ces individus serait biaisée par
leur humeur du moment. Ces déficits semblent s’améliorer après un
traitement par antidépresseurs (Bediou, Saoud, Harmer et Krolak-Salmon,
2008). Des difficultés dans le décodage des expressions faciales se
retrouvent également chez les alcooliques. Ces derniers auraient tendance à
surestimer l’intensité des expressions émotionnelles et commettraient plus
d’erreurs dans la reconnaissance des expressions de colère et de mépris
(Philippot et al. , 1999).

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76

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les enfants atteints de troubles envahissants du développement (TED)


éprouvent également de grandes difficultés à interpréter leurs propres
émotions et celles d’autrui (Celani, Battacchi et Arcidiacono, 1999). Les
troubles envahissants du développement se divisent en 5 catégories : trouble
autistique, syndrome de Rett, syndrome désintégratif de l’enfant, syndrome
d’Asperger et troubles envahissants du développement non spécifiés.

Les TED se caractérisent par des altérations au niveau des relations sociales,
du langage, de la communication verbale et non verbale. Les enfants atteints
de TED

ont du mal à déchiffrer les émotions, particulièrement les émotions dites


sociales qui se traduisent par une expression faciale particulière telle qu’un
sourire ou un froncement de sourcils. Ces déficits représentent un handicap
sévère pour l’enfant, qui a de nombreuses difficultés à s’adapter au monde
social. Elles peuvent priver l’enfant de communication avec les autres et le
conduire à l’isole-ment social.
■ Expression authentique et inauthentique

Peut-on masquer délibérément une expression faciale ? Peut-on arriver à


tromper les autres en exprimant une expression faciale adéquate à la
situation mais qui ne reflète pas notre propre émotion ? Autrement dit, des
efforts volontaires permettent-ils d’inhiber une expression faciale non
désirable dans un certain type de situation ?

Regardez un instant la photo ci-dessous, voyez-vous quelque chose de


particulier ?

Figure 4.2

Sourire authentique et inauthentique

( Source : Time Magazine (2005), « The science of happiness », USA, p. 25)


Duchenne, un neurologue français, a distingué le sourire qui reflète la joie
d’autres types de sourires (Duchenne, 1862). Ekman a repris les travaux de
Duchenne et répliqué ses résultats (Ekman, Davidson et Friesen, 1990). Il
baptisa le vrai sourire « sourire de Duchenne », en hommage à celui qui

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

77

l’avait mis en évidence pour la première fois. Lorsque notre sourire exprime
une joie sincère, le grand muscle zygomatique et le muscle orbicularis oculi,
situé autour des yeux se contractent (voir figure 4.2, photo de droite).
Lorsque nous sourions par politesse, l’ orbicularis oculi n’est pas contracté
(voir photo de gauche). Il n’est pas aisé de produire un vrai « faux sourire »,
parce qu’il est difficile de contracter volontairement l’orbicularis oculi.
Ekman soutient en outre que même si nous y arrivions, la contraction ne se
ferait pas au même moment de chaque côté de l’œil.

Des travaux en neurologie (Myers, 1976 ; Tschiassny, 1953) ont montré que
les expressions faciales volontaires et involontaires impliquaient des trajets
neuronaux différents. Des patients atteints de certains types de lésions
cérébrales sont incapables de sourire sur demande mais ils sont capables de
sourire lorsqu’ils sont joyeux. Des lésions dans d’autres régions du cerveau
produisent le pattern inverse. Le patient est capable de sourire sur demande
mais pas spontanément.

Qui d’entre nous n’a jamais dû sourire par politesse, que ce soit avec ses
collègues, avec ses proches, ou en réponse à une blague idiote d’un supérieur
hiérarchique ? Maintenant, vous connaissez une astuce qui vous permettra de
savoir si votre humour est réellement drôle ou non !

Une première clé pour identifier l’émotion d’autrui est donc l’expression
faciale. L’expression du visage nous renseigne sur l’état émotionnel de la
personne que nous avons en face de nous. Si nous demandons à une
personne comment elle va et qu’elle nous répond : « ça va fort bien, merci »
avec une expression faciale de tristesse (abaissement des commissures des
lèvres, sourcils obliques), nous pouvons supposer que la réponse de la
personne est en incohérence avec son expression faciale. Il est probable que
cette personne soit triste et que la norme sociale l’ait contrainte à répondre
positivement. Néanmoins, avant de juger définitivement, il nous faudra dès
lors partir à la recherche d’autres indices afin de confirmer notre hypothèse.

3.2.2

Le regard

C’est à Argyle, un psychologue social, que nous devons la plupart des


recherches effectuées sur le regard. Il semblerait que le regard indique
davantage l’intensité de l’émotion que la nature de l’émotion. Dans une
étude portant sur des interactions en face-à-face, les regards de chaque
interlocuteur occupent 60 % du temps de la conversation, 30 % sont alloués
aux regards mutuels. Chez les couples se disant heureux, il y a une plus
grande proportion de regards mutuels que chez les couples présentant
certaines diffi-

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cultés (Argyle et Cook, 1976).

78

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


Le regard a plusieurs fonctions (Argyle et Cook, 1976). Une de ses fonctions
est de faire savoir que le canal de communication est ouvert (en regardant
l’autre, je l’invite à parler ou je montre que je l’écoute). Une autre fonction
est de demander une rétroaction (je te regarde pour que tu réagisses à mes
propos). Le regard peut également nous informer sur la nature de la relation
(relation positive : regard attentif ; relation négative : évitement du regard).
Celui qui écoute regarde en moyenne deux fois plus que celui qui parle.
Celui qui écoute regarde celui qui parle afin d’obtenir des informations
visuelles qui complètent les informations verbales. Celui qui parle regarde
celui qui écoute dans le but d’obtenir une réaction par rapport à ses propos.

Sans ce regard, le récepteur peut ne pas répondre. Le regard permet donc à


l’émetteur d’envoyer des signaux et permet au récepteur d’obtenir des
informations quant au discours. La durée, la direction et la nature des regards
seraient dépendantes de la culture (Argyle et Cook, 1976).

Le professeur Baron-Cohen, mondialement réputé pour ses recherches sur


l’autisme, a mis au point avec d’autres collaborateurs un test qui évalue la
capacité à décoder les émotions complexes et les intentions d’autrui
uniquement via le regard. Ce questionnaire est conçu pour évaluer comment
un individu peut interpréter l’état mental d’autrui. Ce test, appelé le «
Reading the Mind in the Eyes Test » (RMET – Baron-Cohen, Jolliffe,
Mortimore et Robertson, 1997), se compose de 36 items. Chaque item est
une photographie d’un regard et l’individu doit choisir entre quatre
propositions quel est l’état ou l’émotion représenté(e) par le regard (voir ci-
dessous). Ce test aide au diagnostic de l’autisme et du syndrome d’Asperger.
Il est aussi utilisé avec d’autres populations cliniques telles que les
personnes présentant des lésions cérébrales (Stone, Baron-Cohen et Knight,
1999). Ce test n’est pas corrélé avec le QI (Baron-Cohen, Wheelwright, Hill,
Raste et Plumb, 2001). Il est surtout utilisé afin d’évaluer les difficultés
sociales inhérentes à certaines pathologies. Les recherches portant sur les
liens entre le RMET et des indicateurs de santé, de performance et de
bonheur n’en sont pas à leurs débuts.

Dans une de ses études, le professeur Baron-Cohen évalue la capacité à


décoder les émotions de base (colère, dégoût, joie, etc.) et les états mentaux
complexes (arrogance, culpabilité, séduction, etc.) à travers trois indices non
verbaux : l’expression faciale complète, le regard et la bouche (Baron-
Cohen, Wheelwright et Jolliffe, 1997). Les participants doivent reconnaître
l’état émotionnel présenté via le visage, les yeux et la bouche. Lorsqu’il
s’agit de détecter une émotion de base, les scores de reconnaissance sont
plus élevés quand l’expression faciale complète est présentée. Les yeux et la
bouche sont des indicateurs moins puissants. En revanche, lorsqu’un état
émotionnel complexe est proposé, les deux indicateurs les plus efficaces sont
les yeux et l’expression faciale. Les scores d’identification sont semblables
lorsque l’expression faciale ou les yeux seuls sont présentés. Lorsque seule
la bouche est proposée, les scores de reconnaissance sont inférieurs. Cette
expérience a été répliquée avec des personnes autistes et des individus
atteints du syndrome

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI


79

d’Asperger. Ces deux groupes ont des scores inférieurs au RMET et leur
amygdale n’est pas activée lorsqu’ils complètent ce test, contrairement à des
personnes sans trouble particulier (Baron-Cohen et al. , 1999).

Au niveau de l’œil, la taille de la pupille refléterait également le désir (Hess


et Polt, 1960). Lors d’une expérience, la pupille se dilatait chez les
participants qui regardaient des photos de mannequins. L’attraction sexuelle
ou le plaisir seraient indicés par la taille de la pupille.

Figure 4.3

Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)

Items téléchargés à partir de http://www.autismresearchcen-

tre.com/tests/eyes_test_adult.asp : Préoccupé ; Reconnaissant ; Exigeant ;

Implorant. Réponse : voir note de bas de page1.

Figure 4.4

Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1. Préoccupé.
80

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Items téléchargés à partir de http://www.autismresearchcen-

tre.com/tests/eyes_test_adult.asp : Joueur ; Réconfortant ; Exaspéré ; Lassé.

Réponse : voir note de bas de page1.

Figure 4.5

Exemple d’item du RMET (Baron-Cohen et al., 2001)

Items téléchargés à partir de http://www.autismresearchcen-

tre.com/tests/eyes_test_adult.asp : Plaisantin ; Déconcerté ; Envieux

Convaincu. Réponse : voir note de bas de page2.

3.2.3

Les postures
Les postures et les gestes sont des indices non verbaux importants, ils sont
les premiers indicateurs perceptibles à l’approche d’autrui. Darwin décrivait
déjà certains mouvements et postures associés à des émotions spécifiques
(Darwin, 1872/1998 ; voir tableau 4.3). Par la suite, d’autres chercheurs ont
également spécifié des mouvements particuliers associés à diverses émotions
(ex. Bloch, Orthous et Santibáñez, 1987 ; Wallbott, 1998). Wallbott décrit
une série de mouvements accompagnant certaines émotions. Par exemple, la
colère s’illustrerait par le rehaussement des épaules, des mouvements laté-

raux, rapides et dynamiques. La tristesse s’accompagnerait d’une posture


repliée, de mouvements lents. Aussi des postures droites sont-elles jugées
positives, tandis que des postures penchées vers l’avant sont perçues comme
négatives (Schouwstra et Hoogstraten, 1995). L’expression du corps fournit
une information à propos de l’état émotionnel de l’individu mais signale
aussi ses tendances à l’action. À titre d’exemple, les expressions corporelles
associées à la peur peuvent signaler la présence d’une menace mais elles 1.
Joueur.

2. Envieux.

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

81

nous renseignent aussi sur les intentions comportementales que l’individu va


adopter afin de traiter cette menace : fuir, se battre ou encore ne pas bouger.

Ainsi, les expressions corporelles révèlent un lien étroit entre émotions et


comportements adaptatifs.

Les mouvements corporels et les postures sont-ils des indicateurs fiables de


l’émotion ressentie ? La question est toujours débattue. Tandis que certaines
études ont montré que des mouvements corporels spécifiques accompagnent
certaines émotions, d’autres soutiennent que les mouvements corporels sont
des indicateurs de l’intensité de l’émotion et non de sa spécificité. Selon
Ekman, les expressions faciales nous renseignent à un niveau qualitatif ( i.e.
quelle émotion est ressentie) tandis que les mouvements corporels nous
renseignent à un niveau quantitatif ( i.e. l’intensité ressentie) (Ekman, 1965).
3.2.4

Les gestes

La perspective ontogénique soutient l’idée que les gestes sont un système


d’expression différent et indépendant du système de la parole. Le langage
gestuel se serait progressivement transféré aux vocalisations et donc aux
expressions verbales. Les gestes seraient un mode primitif de représentation
cognitive. Il y aurait une continuité entre les signaux préverbaux et verbaux
(Hewes, 1976). Ceci est évident avec les enfants, qui arrivent d’abord à
pointer du doigt avant de pouvoir parler. Les interactions au cours desquelles
la densité d’informations rapportée est importante sont accompagnées de
plus de gestes que les interactions peu denses en informations (Bull et
Brown, 1977). Le comportement gestuel dépend aussi de la nature de
l’information communiquée (Riseborough, 1982). Lorsqu’un individu parle
dans une langue étrangère, son discours est accompagné de plus de gestes
que lorsqu’il parle dans sa langue maternelle (Grand, Marcos, Freedman et
Barroso, 1977). Il y a donc une relation positive entre complexité du
discours et gestes.

Ekman et Friesen ont répertorié cinq grandes catégories de gestes (Ekman et


Friesen, 1969). La première catégorie est celle des gestes emblématiques.

Cette gestuelle est directement traduisible en mots. Elle est le plus souvent
émise de manière consciente et délibérée. Notons que ces gestes varient
d’une culture à l’autre. Par exemple, le geste signifiant OK (un rond avec les
doigts) fait référence à l’argent au Japon et à une obscénité en Grèce et au
Brésil. Le deuxième groupe fait référence aux gestes illustratifs. Ces
derniers renforcent les messages verbaux qu’ils accompagnent. Par exemple,
tout en disant non, tourner la tête de gauche à droite. Les gestes régulateurs
contrôlent, règlent ou coordonnent les propos des interlocuteurs. Hocher la
tête pour signifier à son interlocuteur de continuer son discours, diriger le
bras vers la personne qui doit prendre la parole. Il existe également des

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

gestes adaptatifs. Ils permettent de satisfaire un besoin personnel. Ils


82

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

peuvent être dirigés vers soi ou vers les autres. Par exemple, se frotter les
yeux parce que nous avons sommeil, retirer un cheveu de la veste de son
interlocuteur. La dernière catégorie regroupe les gestes affectifs, qui
communiquent une signification émotionnelle comme sauter de joie, tendre
les bras vers quelqu’un. Ces gestes peuvent être conscients et intentionnels
ou apparaître inconsciemment.

Tableau 4.3

Observations de Darwin quant aux gestes et postures associés aux émotions


les plus courantes (Darwin, 1872/1998)

Divers mouvements sans but particulier :

sauter, danser, frapper dans les mains,

Joie

taper des pieds, hochement de la tête,

secousses du corps

Immobilité, passivité, tête penchée en

Tristesse

avant, repliée sur la poitrine

Fierté

Tête et corps droits

Mouvements nerveux, maladresse, évite-

Honte
ment, regard vers le bas

Tête enfoncée dans les épaules, immobi-

lité, mouvements convulsifs, mains entou-

Peur, terreur, horreur

rant le visage, corps en recul, bras

tendus, soulèvement des épaules avec

repliement des bras sur la poitrine

Gestes frénétiques, agitation des poings

et des mains, tête droite, allongement du

Colère, rage

buste, poings serrés, tension des jambes,

redressement des épaules

Gestes de protection, d’éloignement,

buste ou corps en recul, soulèvement des

Dégoût

épaules, comme si on voulait pousser plus

loin ou se protéger

Éloignement, gestuelle des mains

Mépris

3.2.5
Le paralangage

Le paralangage se rapporte à la dimension vocale mais non verbale de la


parole. Il fait donc référence au timbre de la voix, au débit, aux pauses
pendant un discours. Une enquête menée sur les cinq continents a révélé des
changements au niveau de la voix pour les différentes émotions

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

83

étudiées (Wallbott et Scherer, 1986 a). Ce résultat n’est pas surprenant.

Darwin déjà pressentait l’importance des indicateurs vocaux comme


informations renseignant sur l’état émotionnel d’autrui. À l’inverse des
études sur les expressions faciales, il a fallu de nombreuses années avant que
l’étude de la voix soit réellement prise en compte. Ceci peut s’expliquer par
le fait qu’il est difficile de capturer et d’analyser les vocalisations. Ces
dernières années, le développement de la technologie a rendu ces
explorations plus faciles. Différentes études ont été entreprises et montrent
que nos performances de reconnaissance vocale sont supérieures au hasard
(Scherer, Johnstone et Klasmeyer, 2003). En outre, la reconnaissance
d’émotions exprimées vocalement ne serait pas contrainte par des frontiè-

res langagières et culturelles : nous sommes capables d’identifier les


émotions d’individus s’exprimant dans une langue que nous ne compre-nons
pas (Scherer, Banse et Wallbott, 2001). Chez les animaux, la colère,
l’hostilité, les états dominants sont généralement exprimés par des
vocalisations fortes et discordantes alors que les états de peur, de tristesse,
d’impuissance se caractérisent par une augmentation des vocalisations
aiguës à faibles résonances. Ces patterns de vocalisations se retrouveraient
également chez l’homme (Scherer, 1985). Les études menées dans le
domaine de la voix sont assez nombreuses mais manquent souvent de
rigueur théorique et méthodologique. Nous présenterons ci-dessous les
résultats les plus robustes.

Plusieurs études ont mis en relation certaines émotions spécifiques et


différents paramètres vocaux liés à la fréquence (intonation), au temps
(nombre de syllabes produites par minute), ou à l’amplitude (intensité de la
voix). À titre d’exemple, l’irritation est caractérisée par une fréquence et une
intensité élevées (Eldred et Price, 1958 ; Roessler et Lester, 1976). La
tristesse se caractérise par une diminution de la fréquence (Wallbott et
Scherer, 1986 b) et de l’intensité (Eldred et Price, 1958 ; Van Bezooijen,
1984). Nous ne nous attarderons pas sur les caractéristiques spécifiques de la
voix car les paramètres relèvent d’un langage complexe qui ne sera pas
détaillé ici. Plus simplement, il a été montré que lors d’une émotion de peur,
des changements au niveau de la mélodie, du rythme et au niveau d’autres
caractéristiques du discours se produisent (Bonner, 1943).

Plusieurs études ont examiné les caractéristiques vocales du discours dans


l’espoir de définir une signature vocale pour chaque émotion de base. Ces
recherches n’ont pas (encore) abouti puisque, par exemple, la joie et la
colère peuvent produire toutes les deux des sons à amplitude et fréquence
élevées. Néanmoins, la fréquence d’un son semble refléter l’éveil (calme –

excitation). Les études confirment le lien de l’expression vocale avec le


niveau général d’éveil ressenti par la personne qui parle (Streeter, MacDo-
nald, Apple, Krauss et Galotti, 1983).

Le rythme du discours peut également nous renseigner sur l’état émotion-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

nel d’autrui. Le rythme renvoie au nombre de mots prononcés en un laps de

84

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

temps donné. Un rythme rapide semblerait être lié à la peur ou à la colère


alors qu’un rythme lent apparaîtrait dans la douleur ou la dépression (Barn-
lund, 1968). Certaines personnes peuvent contrôler leur rythme mais
l’émotion est alors transmise via d’autres canaux non verbaux (expressions
faciales, etc.).

Les changements au niveau de la voix ont également été étudiés dans des
populations psychopathologiques, comme par exemple les personnes
dépressives. Les études montrent des différences entre un discours provenant
d’une personne non dépressive et un discours émis par une personne
dépressive.

Les dépressifs parlent à une intensité très basse (Eldred et Price, 1958 ;
Moses, 1954 ; Whitman et Flicker, 1966 ; Zuberbier, 1957) et leur discours
est ralenti (Zuberbier, 1957). Après une thérapie, l’intensité tend à
augmenter (Hargreaves et Starkweather, 1964). D’autres études (Moses,
1954

Newman et Mather, 1938) ont montré que les individus dépressifs ont
tendance à employer, de manière répétitive, les mêmes intonations (plutôt
basses), ce qui donne une impression d’un discours monotone. Au niveau de
l’articulation, elle est imprécise et molle. Le stress influencerait clairement
certains paramètres vocaux et en particulier provoquerait une augmentation
de la fréquence des mots dans le discours (Ekman, Friesen et Scherer, 1976 ;
Scherer, 1981).

L’intonation de la voix ne nous renseigne pas uniquement sur l’état


émotionnel d’autrui mais elle donne aussi de l’information quant au sens de
la phrase (Knapp, 1978).

1. Il a donné cet argent à Jacques. (C’est le seul à avoir donné de l’argent ;


personne d’autre).

2. Il a donné cet argent à Jacques. (Il a donné l’argent, il ne l’a pas prêté).

3. Il a donné cet argent à Jacques. (C’est cet argent qu’il a donné en


particulier).

4. Il a donné cet argent à Jacques. (C’est de l’argent, pas un chèque).

5. Il a donné cet argent à Jacques. (Le receveur est Jacques, pas Éric ou
Jean-Pierre).

6. Il a donné cet argent à Jacques ? (Pourquoi donner cet argent à Jacques et


pas à Marc ?).
Le paralangage (intonations, fréquence de débit, pauses, etc.) aide à
reconnaître l’état émotionnel dans lequel l’individu se trouve. Cet indicateur
est particulièrement utile lorsque aucun autre signal non verbal n’est
disponible, comme c’est le cas pour la radio et le téléphone. Lorsque deux
informations non verbales sont à disposition, les individus ont tendance à
attribuer l’état émotionnel de l’orateur à partir de son expression faciale
(Ekman et Friesen, 1969 ; Zaidel et Mehrabian, 1969). Notons que le

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

85

contexte joue également un rôle important dans l’attribution d’une émotion


aussi bien à partir de l’expression faciale que de l’expression vocale
(Wallbott, 1988).

Le silence fait également partie du paralangage. Dans notre société, le


silence est souvent perçu comme négatif et nous avons tendance à essayer de
le combler au plus vite. Le silence sera privilégié dans les moments
d’écoute. Le silence peut être positif dans certaines situations et négatif dans
d’autres. Il faut adapter son silence aux situations. Il existerait plusieurs
types de silence (Myers et Myers, 1990). Le silence qui fait preuve d’intérêt,
le silence de la réflexion, le silence qui souligne que deux personnes ne
s’apprécient pas, le silence des personnes qui n’ont rien à dire, le silence
peut aussi signifier le refus de coopération ou encore une contrariété. Le
silence communique donc de l’information émotionnelle (intérêt, irritation,
indifférence) mais sa signification sera à rechercher du côté du contexte ou
des indicateurs connexes (expression faciale, gestuelle) fournis par
l’interlocuteur.

Les expressions vocales émotionnelles sont-elles universelles ou


spécifiques à une culture donnée ?

Il semblerait que les expressions vocales émotionnelles soient en partie


universelles et en partie culturelles. Van Bezooijen, Otto et Heenan montrent
qu’un groupe de Néerlandais et de Japonais est capable de reconnaître à
travers la voix d’un orateur allemand les différentes émotions suscitées par
ce dernier (Van Bezooijen, Otto et Heenan, 1983). Des chercheurs (Scherer
et al. , 2001) ont demandé à des habitants de neuf pays (Allemagne, Suisse,
Royaume-Uni, Pays-Bas, États-Unis, Italie, France, Espagne et Indonésie)
de juger l’émotion ressentie par un orateur prononçant différentes phrases.
Les résultats montrent 66 % de bonnes réponses, toutes émotions (joie, peur,
colère, tristesse et expression neutre) et tous pays confondus. Ainsi, un
Italien reconnaît la peur à partir de la voix aussi bien qu’un Anglais.
Toutefois, l’Allemagne a un taux de réponses correctes de 74 %

alors que l’Indonésie présente un taux de 52 %. Nous pouvons donc


constater une certaine variabilité culturelle au niveau des réponses correctes.
Bien que le taux d’exactitude pour les émotions de colère, de peur, de
tristesse et l’expression neutre soit très élevé (de 74 % à 88 %), il y a une
considérable baisse du taux de réponses correctes pour la joie (48 %). Les
différents pays font les mêmes erreurs ; ils confondent la joie avec
l’expression neutre. La peur est fréquemment confondue avec la tristesse
ainsi que la tristesse avec l’expression neutre.

3.2.6

La distance

Edward Hall, anthropologue américain, assied les bases de la proxémique


dans les années soixante. Pour Hall, la communication passe par des données

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

spatiales dont le contenu est propre à chaque culture.

86

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La proxémique s’intéresse aux distances physiques entre deux personnes lors


d’une interaction. Quatre types de distances pouvant intervenir dans les
relations interpersonnelles sont décrits par Hall : les distances intime,
personnelle, sociale et publique (Hall, 1966/1971).

La distance intime est égale ou inférieure à 45 cm. À cette distance très


proche, les messages sont confidentiels puisque l’on considère que les
personnes murmurent. Chacun partage ses secrets et ses émotions. Nous
pouvons toucher l’autre aisément, sentir son odeur et son parfum.

La distance personnelle varie entre 45 cm et 1 m 20. C’est la distance que


nous prenons lorsque nous parlons à des amis, des collègues. Nous
échangeons des opinions, des idées, etc. Si, en revanche, un de nos
interlocuteurs veut nous confier une information privée, il va se rapprocher
et le ton de sa voix va diminuer. Ceci est le signe qu’un secret est en train de
se révéler.

La distance sociale correspond à 3 m 60 maximum. Elle sépare deux


personnes ne se connaissant pas particulièrement mais en relation
momentanée. Les informations échangées sont non personnelles et peuvent
être entendues par un autre public. Il s’agit par exemple de la distance
classique établie entre les commerçants et les clients. Dès que le vendeur
vous accompagne dans le magasin la distance diminue, ce qui favorise des
échanges plus spontanés.

La distance publique se situe entre 3 m 60 et plus de 7 m. Il s’agit de la


distance entre un orateur et son public. Celle-ci caractérise une relation entre
personnes qui ne se connaissent pas du tout. L’information communiquée est
publique et destinée à un nombre de personnes limité.

Ces différentes distances ont été observées chez des individus américains
masculins et féminins de classe moyenne. Pour Hall, chaque culture humaine
définit de façon différente la dimension des bulles et des activités qui y sont
appropriées. Il n’y a pas de convention quant aux bonnes distances
interpersonnelles requises. Les distances d’interaction varient selon les
cultures. Les habitants des pays nordiques et les Japonais interagissent à des
distances plus grandes que les citoyens des pays latins. Le contact physique
est également beaucoup plus rare (Forston et Larson, 1968 ; Watson et
Graves, 1966).

Les distances varient aussi selon l’image que nous avons de l’autre. Si je
n’apprécie pas la personne que je dois rencontrer, lors de l’interaction,
j’aurai tendance à garder mes distances. Ce ne sera pas le cas si je pense que
la personne que je vais rencontrer est sympathique et chaleureuse. Les statuts
des interlocuteurs déterminent également la distance. Lors d’une interaction
avec notre patron ou avec un ami, la distance ne sera pas la même. Enfin, la
distance varie selon la tâche à accomplir. Les individus seront plutôt côte à
côte si la tâche nécessite une coopération, face-à-face s’il s’agit de
compétition (Hargie, 1997).

L’IDENTIFICATION DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

87

Les biais dans le décodage des comportements non verbaux Notre


humeur influence considérablement nos pensées, nos jugements et nos
comportements interpersonnels (Forgas, 2002). Ce phénomène est appelé

« affect congruence » (congruence avec l’humeur. Il est établi que l’humeur


joue un rôle important dans beaucoup de nos jugements et de nos
comportements.

Elle influence nos attitudes et nos croyances, nos impressions à propos de


nous-mêmes et des autres, la façon de nous exprimer et aussi la façon de
négocier (Forgas, 1995 ; Forgas, 1999, 2002 ; Forgas et George, 2001 ;
Moylan, 2000 ; Sedikides, 1995). Au niveau interpersonnel, nous aurons
tendance à interpréter le comportement de l’autre selon notre humeur. Par
exemple, le même sourire est évalué comme amical par des personnes
d’humeur positive et il est jugé peu commode lorsque l’individu est
d’humeur négative (Forgas, Bower et Krantz, 1984). Les conjoints d’humeur
positive sont plus sensibles et plus conscients des états émotionnels de leur
partenaire que les époux d’humeur négative.

Lorsqu’une personne se sent anxieuse, elle aura tendance à juger les autres
comme plus agressifs (Feshbach et Singer, 1957). D’autres facteurs peuvent
entraver l’identification des émotions d’autrui (Flury et Ickes, 2001). Si
l’individu est incapable d’exprimer ce qu’il ressent, que ce soit par le
langage verbal ou non verbal, l’interlocuteur aura des difficultés à cerner son
état émotionnel. Il s’agira de faire preuve de motivation pour identifier les
émotions d’autrui. Si l’individu n’est pas motivé et attentif à autrui, son
identification ne sera pas optimale. Enfin, les soucis, le stress peuvent
accaparer l’individu, ce qui l’empêchera de décoder les émotions d’autrui
car ses pensées et son attention sont focalisées sur ses problèmes.
4 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous nous sommes intéressés à l’identification des


émotions d’autrui. Dans la première partie, nous avons vu que les émotions
d’autrui communiquent un éventail d’informations qu’il est essentiel de
pouvoir décoder. Les individus qui ont des difficultés à identifier les
émotions de leurs congénères ont non seulement des relations sociales de
pauvre qualité, mais présentent également une moins bonne adaptation à
l’environnement. Dans la seconde partie de ce chapitre, nous avons passé en
revue les différents moyens par lesquels nous pouvons décoder l’état
émotionnel d’autrui. Au vu du poids relatif des indices verbaux et non
verbaux dans la communication, nous nous sommes centrés essentiellement
sur le langage non verbal. Nous avons montré que les expressions faciales,
les mouvements corporels, les gestes et les différents paramètres de la voix

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

constituent autant d’indicateurs de l’état émotionnel de nos interlocuteurs.

88

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Nous avons présenté les caractéristiques des différentes émotions sur chacun
de ces indices non verbaux. Finalement, nous avons invité le lecteur à la
prudence ; les règles d’expression émotionnelle et/ou les objectifs de
l’individu à un moment donné influencent la manière dont les émotions sont
exprimées. Il importe donc de ne pas se fier à un seul indicateur, mais de
considérer l’ensemble des indicateurs disponibles. Lorsque cela est possible,
il convient toujours d’essayer de se voir confirmer verbalement l’impression
ressentie. C’est en effet l’une des seules manières de s’assurer que nous
n’avons pas projeté notre propre état émotionnel sur notre interlocuteur.

Chapitre 5

L’EXPRESSION

ET L’ÉCOUTE
DES ÉMOTIONS1

1. Par Ilios Kotsou.

La capacité à exprimer ses émotions est la deuxième grande compétence


émotionnelle. On peut la diviser en deux selon qu’elle s’applique à nos
émotions ou à celles des autres. Intimement liée à la première compétence,
qui consiste à identifier les émotions, cette deuxième compétence nous
permet, lorsque nous la maîtrisons, d’exprimer nos émotions de manière
adaptée au contexte et à nos objectifs, et de faciliter l’expression des
émotions de nos interlocuteurs.

Ce chapitre sera structuré en deux parties. Dans la première, nous


aborderons l’expression des émotions, en commençant par la question du
caractère adaptatif de l’expression. Nous envisagerons tant les éléments en
faveur de l’expression des émotions que les éléments en faveur de la non-
expression.

Nous conclurons cette première partie par quelques pistes pratiques pour une
expression plus adaptée.

Dans la deuxième partie, consacrée à l’écoute des émotions d’autrui, nous


nous intéresserons à l’importance de l’écoute, puis aux difficultés qu’elle
entraîne, et nous illustrerons ces points par une application pratique inspirée
des travaux de Carl Rogers (Rogers et Dymond, 1954) .

1 L’EXPRESSION DES ÉMOTIONS

1.1 L’expression des émotions : un débat controversé

Est-il plus bénéfique pour le bien-être d’un individu d’exprimer ou de ne pas


exprimer ses émotions ? Cette question n’est pas simple et fait toujours
débat. L’expression des émotions est un processus complexe qui ne nous
semble pas offrir de réponse univoque.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

92
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Exprimer ou ne pas exprimer ses émotions se justifie en fonction du


contexte.

Au-delà des réponses simples qui caractérisent certaines prises de positions,


la recherche nous montre qu’exprimer, comme dissimuler (ou supprimer) ses
émotions, peut être adaptatif, et que ces deux comportements peuvent aussi
avoir un coût (Bonanno, 2001 ; Bonanno, Papa, Lalande, Westphal et
Coifman, 2004). Les émotions ne sont pas un phéno-mène unidimensionnel
mais font partie de processus complexes en interaction avec
l’environnement. Pour aborder cette complexité, nous présenterons d’abord
les études en faveur de l’expression des émotions.

Nous passerons ensuite très brièvement en revue quelques études qui


montrent que l’expression des émotions n’est pas toujours bénéfique. Nous
tenterons ensuite de présenter un modèle intégratif permettant d’expliquer
ces résultats contradictoires. Nous nous intéresserons aussi à l’apprentissage
de l’expression des émotions avant de conclure par quelques pistes pour une
expression plus adaptée. Cette dernière partie se veut résolument pratique.
Nous présenterons tout d’abord comment exprimer oralement au mieux ses
émotions, particulièrement dans les situations émotionnellement tendues.
Nous terminerons ensuite par quelques réflexions sur l’expression écrite des
émotions.

1.2 Les éléments en faveur de l’expression des émotions 1.2.1

L’importance de l’expression des émotions sur le plan individuel

■ Les effets délétères de la non-expression des émotions La capacité à


exprimer ses émotions affecte aussi bien la santé physique que mentale. À ce
niveau, les travaux de James Gross sur les effets de la suppression des
émotions sont particulièrement éloquents. La plupart de ses recherches
incluent une comparaison entre deux stratégies de régulation, qui sont, d’une
part, la suppression de l’émotion et, d’autre part, la réévaluation cognitive,
dont nous parlerons plus en détail au chapitre 8. Ainsi par exemple, à la suite
de la projection d’un film suscitant le dégoût, les participants à qui l’on avait
demandé de masquer leur émotion afin qu’elle ne soit pas perceptible de
l’extérieur ont vu leur réponse physiologique augmenter (Gross, 2002), en
comparaison du groupe à qui l’on avait demandé de réévaluer le film
cognitivement. La suppression semble également avoir des conséquences sur
les plans social et relationnel : dans un contexte d’échange interpersonnel,
les personnes confrontées à des interlocuteurs à qui on avait demandé de
masquer leurs émotions ont vu leur pression artérielle augmenter (Butler et
al. , 2003).

Gross et ses collègues ont aussi observé que les individus ayant tendance à
éviter de manifester leurs émotions vivent et expriment moins d’émotions

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

93

positives et font état de plus d’expériences émotionnellement négatives


(John et Gross, 2007). La suppression des émotions est également associée à
un moins bon fonctionnement interpersonnel, ainsi qu’à une qualité de vie
inférieure (Gross et John, 2003). Dans le même ordre d’idées, une étude
récente (Caska et al. , 2009) montre que la suppression de la colère est
associée à une mauvaise qualité de sommeil chez des patients souffrant de
cardiopathie coronarienne.

Par ailleurs, la suppression des émotions semble également avoir un impact


négatif sur la mémoire des stimuli émotionnels (Richards et Gross, 2006).
Dans leur étude, Richards et Gross ont montré que les personnes qui
supprimaient leurs expressions émotionnelles durant la projection d’un film
induisant le dégoût se rappelaient moins bien les détails visuels du film que
les personnes qui ne cherchaient pas à supprimer l’expression de leurs
émotions.

Toujours en ce qui concerne les effets délétères de la non-expression des


émotions, certaines études ont fait le lien entre l’axe 2 du trait d’alexithymie,
qui concerne la difficulté à verbaliser ses émotions, et certaines pathologies.

Dans le cas du diabète, des chercheurs de l’Université catholique de Louvain


ont ainsi montré que les enfants qui ont des difficultés à exprimer leurs
sentiments présentaient un moins bon contrôle glycémique (Housiaux,
Luminet, Van Broeck et Dorchy, 2008). Ces résultats viennent confirmer
ceux qui ont déjà été observés pour la même pathologie chez les adultes
(Luminet, de Timary, Buysschaert et Luts, 2006 ; Manfrini et al. , 2006 ;
Manfrini et al. , 2005 ; Topsever et al. , 2006). Enfin, il semble que
l’inhibition des émotions pendant de longues périodes peut exacerber le
stress et avoir un impact négatif sur le fonctionnement du système
immunitaire ainsi que, de manière générale, sur la santé (Berry et
Pennebaker, 1993).

■ Les effets positifs de l’expression des émotions

Instructions pour l’écriture expressive des émotions selon le paradigme


de Pennebaker (2000)

– Trouver un endroit et un moment où nous ne serons pas dérangés.

– Écrire au sujet de ce qui nous préoccupe, de ce que nous avons tendance à


éviter et qui influence notre vie négativement.

– Écrire au minimum 15 minutes par jour pendant au moins 3 jours


consécutifs.

– Écrire continuellement sans s’inquiéter de la grammaire et sans se


censurer.

– Si c’est plus facile, utiliser un dictaphone pour parler au lieu d’écrire.

– Revoir ce que l’on a écrit de temps en temps afin de voir comment notre
pensée a pu changer par rapport à nos émotions.

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94

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Partant du constat des aspects délétères de la non-expression ou de


l’inhibition des émotions, de nombreuses recherches se sont intéressées aux
liens entre l’expression des émotions liées aux expériences traumatiques et la
santé physique et mentale. Ces recherches tendent à montrer que la santé
peut être améliorée par l’expression (écrite ou orale) des émotions. Un des
chercheurs les plus connus dans ce domaine est le professeur James
Pennebaker, de l’université d’Austin au Texas. Ce chercheur est à l’origine
du writing paradigm (littéralement, « paradigme de l’écriture »), qui est
utilisé dans la plupart de ces recherches.

Dans une expérience prototypique basée sur le writing paradigm


(Pennebaker, Kiecolt-Glaser et Glaser, 1988), les auteurs ont demandé à des
étudiants d’écrire, durant quatre jours consécutifs, soit sur une expérience
traumatique soit sur un sujet superficiel. Le but de l’étude était d’évaluer
l’effet de l’expression des émotions sur les fonctions immunitaires et la
santé. Conformément aux hypothèses des chercheurs, les résultats montrent
qu’exprimer verbalement ou par écrit une expérience traumatique améliore
la santé physique, accroît les fonctions immunitaires et est associé à un
nombre moins important de consultations médicales dans les mois qui
suivent. Une autre étude a montré que l’expression des émotions pouvait
également être associée à de meilleurs résultats académiques et à une baisse
des plaintes somatiques (Lumley et Provenzano, 2003).

Par ailleurs, une étude récente de l’université de Californie (Lieberman et al.


, 2007) a montré que le simple fait de nommer les émotions ressenties
diminuait la réactivité de l’amygdale aux images émotionnellement
négatives. Les chercheurs ont demandé aux participants de regarder des
photos exprimant diverses émotions (peur, colère ou joie). Une partie de
l’exercice consistait à associer les photos exprimant les mêmes émotions,
l’autre à nommer les émotions exprimées. Il est ressorti que quand les
participants devaient nommer les émotions, l’activité cérébrale s’intensifiait
dans la région du langage et diminuait dans la zone associée à la détresse.

La majorité des études réalisées sur l’expression des émotions ont analysé
l’expression du stress ou d’autres émotions dites « négatives ». On a ainsi
observé, par exemple, que l’expression constructive de la colère était en
relation avec un meilleur contrôle de la douleur physique (Graham, 2008).

Cependant, de plus en plus d’études soulignent un effet comparable en ce


qui concerne les émotions positives. Les personnes exprimant des émotions
positives font le constat d’une meilleure humeur et de moins de problèmes
de santé (Burton et King, 2008). Elles se rendent également moins
fréquemment chez le médecin (Burton et King, 2004).

Nous n’allons que très brièvement aborder ici les bénéfices spécifiques de
l’expression des émotions positives, le concept d’émotions positives étant
abordé de manière extensive dans le chapitre 9. On peut néanmoins citer ici
plusieurs exemples significatifs :

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

95

– dans les relations de couple, lorsque l’un des partenaires exprime des
émotions positives et que l’autre y réagit de manière enthousiaste, on
observe un plus grand bien-être relationnel, plus d’intimité, ainsi qu’une
satisfaction mutuelle plus grande (Gable, Reis, Impett et Asher, 2004) ;

– dans un contexte organisationnel, Barsade a montré que l’expression


d’émotions positives peut influencer favorablement la performance d’un
groupe (Barsade, 2002) ;

– par ailleurs, il a été démontré qu’exprimer régulièrement une émotion


positive, comme la gratitude, avait des conséquences positives, tant sur la
santé physique que sur la santé mentale de l’individu (Emmons, 2007).

Il apparaît donc qu’exprimer et partager des émotions positives présente des


bénéfices importants, tant sur le plan personnel que sur le plan social.

De manière plus globale, plusieurs méta-analyses se sont penchées sur


l’efficacité globale de l’expression des émotions (Frattaroli, 2006 ; Frisina,
Borod et Lepore, 2004 ; Smyth, 1998). Ces études confirment toutes, à des
degrés divers, l’efficacité de cette compétence. Que ce soit oralement ou par
écrit, exprimer ses émotions semble engendrer de nombreux bénéfices.

1.2.2

L’importance de l’expression des émotions sur le plan social L’expression


des émotions contribue à résoudre les problèmes de la vie en société. Les
expressions émotionnelles sont cruciales pour le développement et la
régulation des relations interpersonnelles et ont un impact sur l’ensemble de
notre vie sociale (Frijda et Mesquita, 1994 ; Keltner et Kring, 1998).

Les expressions émotionnelles d’un individu vont induire des réponses


émotionnelles chez les autres. Ces réponses sont des éléments centraux
d’interactions sociales importantes comme la séduction, la création de liens,
l’apaisement ou la réconciliation (Keltner et Haidt, 2001).

L’émotion est donc un facteur régulateur des relations sociales : la manière


dont nous exprimons nos émotions fournit de nombreuses informations à nos
interlocuteurs. Elle les renseigne sur les antécédents de la situation, la
signification de nos réactions, ainsi que sur les comportements potentiels à
venir (Keltner et Kring, 1998). Par l’expression de nos émotions,
l’interlocuteur reçoit des informations sur l’effet qu’a son comportement sur
notre relation, ce qui doit donc aussi lui permettre, en fonction de ses
objectifs, d’éventuellement réajuster son comportement, s’il n’est pas
adapté. Les émotions servent aussi à motiver ou à décourager certains
comportements chez les autres. L’expression d’émotions positives tant chez
les parents que leurs enfants permet de renforcer et d’accroître la fréquence
de comportements désirés (Tronick, 1989). Par contraste, l’expression
d’émotions négatives a l’effet opposé (Klinnert, Campos, Sorce, Emde et
Svejda, 1983).

L’expression des émotions influence les relations en participant au dévelop-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

pement et à la communication de normes de comportement.

96

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

L’expression des émotions joue également un rôle dans la construction des


liens affectifs et de l’intimité entre les personnes. Collins et Miller ont
montré que les personnes qui se livrent de manière plus intime ont tendance
à être plus appréciées que les personnes qui se dévoilent moins. Ces mêmes
personnes apprécient également davantage la personne qui les écoute
(Collins et Miller, 1994). Les bénéfices de l’expression des émotions vont
donc dans les deux sens, entre celui qui exprime et celui qui écoute (Rimé,
2009). La figure 5.1 illustre ce phénomène.

Personne A

Personne B

Besoin de partager

une émotion

Exprime des

Éprouve

émotions

de l'intérêt

Exprime encore

Vit des émotions

plus d'émotions

Sentiment d'unité – Empathie – Similarités perçues

Reçoit compréhension,

Ressent de la

aide

compréhension

et soutien

et l'envie de soutien

Aime B davantage
Aime A davantage

Figure 5.1

La dynamique interpersonnelle du partage social des émotions (d’après


Rimé, 2009)

L’expression et le partage d’émotions semblent également jouer un rôle


extrêmement important au niveau sociétal en renforçant la cohésion sociale.

Les émotions elles-mêmes ont une caractéristique fondamentalement sociale


qui est leur propension à être communiquées. Bernard Rimé (Rimé,
Philippot, Boca et Mesquita, 1992) parle du « partage social des émotions »

pour rendre compte de ce phénomène. « Le partage social de l’émotion


concerne la réévocation de l’épisode émotionnel dans un langage sociale-

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

97

ment partagé et implique, au moins à un niveau symbolique, la présence


d’un destinataire » (Luminet, 2002). Les études de l’équipe de Bernard Rimé
(voir Rimé, 2005 pour une synthèse) démontrent que, lorsque un individu vit
une émotion, il la partage dans près de 80 % des cas avec au moins une autre
personne. Cette autre personne relatera l’événement à quelques intimes, qui
répercuteront sans doute également l’information. Ces partages successifs
entraînent une diffusion très importante des expériences émotionnelles dans
l’entourage social d’un individu.

L’émotion motive un processus de partage et de communication, ce qui


explique que la plupart des secrets soient dévoilés et portés à la connaissance
d’un nombre relativement important de personnes. L’équipe de Bernard
Rimé a aussi mis en évidence que le partage social des émotions produisait
des bénéfices plus sociaux qu’individuels. Ce processus aurait un rôle
fondamental dans la cohésion sociale : il renforcerait les liens sociaux et
aurait une action positive sur les croyances fondamentales de l’individu.
Dans cette perspective, le partage social contribue à l’intégration sociale et à
la construction d’une mémoire collective de certains événements (Rimé,
2005, 2009).

L’expression et le partage social des émotions seront également abordés dans


d’autres chapitres, notamment dans les chapitres 8 et 9, qui traitent de la
régulation des émotions positives et négatives.

1.2.3

Les mécanismes sous-jacents aux bénéfices de l’expression des émotions

Une littérature solide supporte l’idée que l’expression des émotions est béné-

fique mais les mécanismes qui expliquent ces bénéfices restent encore à
explorer. Plusieurs théories tentent d’y apporter une explication.

L’hypothèse de la théorie de la catharsis postule que l’expression de


sentiments refoulés dans le subconscient suffit à avoir un effet salutaire sur
l’individu. Bien qu’elle soit l’une des croyances les plus populaires, peu
d’éléments factuels supportent cette théorie. Au contraire, il semble que
livrer ses émotions oralement ou par écrit provoque une augmentation des
affects négatifs à court terme plutôt qu’un soulagement et que les bénéfices
physiques de l’expression ne soient pas reliés à la quantité d’émotions ou de
détresse exprimée ou rapportée juste après l’écriture (Smyth, 1998).

Très proche de la théorie précédente, la théorie des processus inhibi-teurs


attribue à l’inhibition de nos pensées, comportements et émotions des effets
délétères sur la santé, par un mécanisme comparable au fonctionnement du
stress. Encourager un individu à parler ou à écrire à propos d’un événement
inhibé devrait donner lieu à une amélioration de sa santé.

Plusieurs études se sont penchées sur cette théorie sans résultats probants

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

jusqu’à aujourd’hui (Greenberg et Stone, 1992 ; Pennebaker et al. , 1988).

98
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Une autre hypothèse attribue ces effets au travail cognitif. Le fait


d’exprimer permettrait à l’individu de réorganiser cognitivement les
représentations de son expérience émotionnelle (Kennedy-Moore et Watson,
1999). En inté-

grant les pensées et émotions qui y sont reliées de manière cohérente,


l’événement pourrait être traité et oublié de manière plus efficace. Cette
théorie est aujourd’hui supportée par de nombreuses recherches (Campbell
et Pennebaker, 2003 ; Klein et Boals, 2001).

La théorie de l’intégration sociale, quant à elle, met en exergue les effets


potentiels de l’expression des émotions sur l’intégration sociale (Rimé,
1995), qui, à son tour, aurait des conséquences positives sur l’individu. Cette
théorie, dont nous avons parlé au paragraphe précédent, est largement
supportée empiriquement.

Enfin, l’hypothèse de l’exposition explique les bénéfices obtenus par les


effets positifs de la confrontation (Wolpe, 1968). Une exposition répétée au
stimulus émotionnel pourrait conduire à l’extinction du lien conditionné
entre l’événement et les réactions de l’individu. Parallèlement, l’individu
changerait sa représentation de l’événement (Foa et Kozak, 1986 ; Meadows,
1999).

1.3 Les éléments en faveur de la non-expression

des émotions

Si, comme nous venons de le voir, de très nombreuses recherches supportent


la thèse de l’importance de l’expression des émotions, d’autres études
montrent que l’expression des émotions s’avère délétère dans certaines
circonstances. Au niveau individuel, l’expression chronique de la colère est,
par exemple, un facteur de risque pour les maladies cardio-vasculaires
(Adler et Matthews, 1994). L’expression des émotions peut augmenter la
détresse (Laird, 1974) et interférer avec les tentatives de « coping » (Nolen-
Hoeksema, 1991). Au niveau interpersonnel, une expression incontrôlée des
émotions peut avoir un effet négatif sur les relations (Tavris, 1989). La
colère, par exemple, peut affecter négativement l’issue d’une tentative de
résolution de conflit. L’expression de la colère dans le couple peut amener
les conjoints à se sentir plus mal et avoir, in fine, des conséquences négatives
sur la relation (Bradbury et Fincham, 1990 ; Gottman, 1993 ; Gottman et
Levenson, 1986).

La capacité à dissimuler ses sentiments peut également être utile dans un très
grand nombre de situations sociales (lors d’une présentation en public ou
lors d’une médiation dans un conflit). Cette idée est reprise dans les thèses
évolutionnistes sur la valeur adaptative du mensonge (de Waal, 1989).

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

99

1.4 Concilier les résultats sur l’expression

et la non-expression

Il apparaît donc qu’exprimer ou supprimer ses émotions peut être adaptatif et


que ces deux options peuvent aussi avoir un coût. Comment alors concilier
ces postulats en faveur de l’expression ou de la non-expression ? À l’instar
de Bonanno, nous pensons que le plus important n’est pas d’exprimer ou de
supprimer ses émotions mais la flexibilité à adopter le comportement le plus
adapté au contexte (Bonanno, 2001 ; Bonanno et al. , 2004 ; Parrott, 1993).

Bonanno et ses collègues (2004) ont testé empiriquement cette hypothèse.


Les sujets – des étudiants en première année d’Université – ont été soumis à
une tâche où ils devaient successivement augmenter l’expression de leur
émotion, la supprimer, et enfin réagir naturellement. L’hypothèse était que
les individus les plus flexibles (qui pouvaient le mieux et augmenter et
supprimer l’expression de leurs émotions) seraient ceux qui s’adapteraient le
mieux à leurs deux premières années d’Université et présenteraient le plus
bas niveau de détresse à l’issue de ce cycle. L’étude a montré que les sujets
les plus flexibles tendaient à avoir une meilleure adaptation à long terme
alors que les sujets les moins flexibles semblaient moins bien s’adapter.
Partant de ces recherches, nous défendons l’importance de l’adaptation à
l’environnement et appelons à développer la capacité des individus à choisir,
en fonction de la situation, d’exprimer avec plus ou moins d’intensité ou de
ne pas exprimer leurs émotions.

Outre l’importance de cette notion de flexibilité, nous pensons que les


bénéfices potentiels de l’expression des émotions sont également liés à la
manière dont les émotions sont exprimées.

Nous ne prétendons en effet pas qu’il serait souhaitable d’exprimer toutes


ses émotions de n’importe quelle manière. Comme l’a souligné Bernard
Rimé, l’expression de ses émotions ne peut directement induire des
bénéfices sur l’état émotionnel d’un individu (Rimé, 2005). Le bénéfice lié à
l’expression des émotions dépend de ce qui est exprimé, à qui et de quelle
manière. L’expression de la colère dans un couple peut amener les
partenaires à mieux se comprendre et à résoudre leur conflit si l’émotion est
exprimée de manière adaptée. A contrario, la même émotion mal exprimée
peut contribuer à détériorer la relation (Kennedy-Moore et Watson, 1999).
Une expression adaptée se définit toujours en relation au contexte dans
lequel elle prend place et aux individus impliqués. Une expression adaptée
au contexte doit l’être tant du point de vue du contenu du message que de sa
forme (intensité, durée, ton, etc.).

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100

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

1.5 L’apprentissage de l’expression des émotions

L’expression des émotions est définie par des règles. Celles-ci définissent ce
qui peut être exprimé, à qui, quand et dans quelles circonstances. Inté-

grées dans le processus de socialisation, ces règles sont également


influencées par l’expérience personnelle de chaque individu. Des chercheurs
ont montré que dans des familles où l’expression de la colère et du stress
était moins élevée, les enfants avaient plus de facilité à s’exprimer par
rapport aux situations difficiles qu’ils pouvaient vivre. Lorsqu’un événement
émotionnel négatif survenait, ils en parlaient plus facilement avec leurs
parents (Dunn et Brown, 1994). La capacité à exprimer ses émotions semble
donc fortement corrélée au contexte relationnel et à la manière dont
l’émotion a été perçue et vécue dans le contexte familial. Une recherche a
montré que les parents qui exprimaient leurs émotions de manière plus
élaborée avaient des enfants qui géraient mieux leurs propres affects
(Denham, Bassett et Wyatt, 2008).

À l’âge scolaire, l’enfant a déjà intériorisé qu’il n’est pas bon d’exprimer
tout ce qu’il ressent. Cet apprentissage se développe en même temps que
celui du contrôle volontaire des expressions faciales et du mensonge
(Philippot, 2007). Par ces processus, l’enfant apprend ce qui, dans son
contexte social, est souhaitable, bienvenu voire attendu, en matière
d’expression des émotions. En fonction de ses expériences, il apprend aussi
à remplacer l’expression de certaines émotions, considérées comme
inacceptables, par d’autres qui sont admises. Il apprend à exprimer des
émotions qu’il ne vit pas réellement pour en tirer des bénéfices particuliers.

Par exemple, même s’il est insatisfait par le cadeau qu’il vient de recevoir à
son anniversaire, un enfant apprendra à feindre la joie plutôt que la
déception pour ne pas heurter un parent ou passer pour un capricieux. Autre
exemple : un garçon aura souvent tendance à manifester de la colère
lorsqu’il a peur car c’est ce qui est encore généralement attendu d’un homme
dans notre culture. En fonction de notre éducation et de nos expé-

riences, exprimer ce que nous ressentons et le faire de manière adaptée n’est


pas une chose aisée. Si exprimer ses émotions a été découragé dans notre
contexte de développement, nous n’aurons pas les mêmes comportements
que si nous avions grandi dans un environnement où les émotions étaient
facilement accueillies et partagées.

Heureusement, les études sur la plasticité neuronale montrent que


l’apprentissage émotionnel est possible à tout âge (Davidson et al. , 2003 ;
Lazar et al. , 2005) et pas uniquement dans l’enfance.

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

101

1.6 L’expression adaptée des émotions en pratique


1.6.1

Exprimer ses émotions oralement

■ En général

Exprimer ses émotions nécessite la mise au point d’un message. Parler à la


première personne est le seul moyen d’assumer la responsabilité de ses
émotions et permet d’être plus authentique et proche de ce qu’on vit.

À cet égard, il est intéressant d’utiliser la formule « Je me sens », afin de


bien distinguer les émotions qui nous appartiennent, des jugements – qui
sont tournés vers autrui et culpabilisateurs. Cette formule permet une
expression consciente des affects et évite de donner naissance à un jugement
(je sens que tu es désagréable). Les messages de projection et de
généralisation (c’est désagréable, personne ne m’apprécie) ou ceux qui
imputent la responsabilité à l’autre (tu es désagréable, agressif) risquent de
leur côté d’être reçus comme des accusations.

La manière la plus simple de commencer cet apprentissage est de se


comporter comme avec une langue étrangère, au moyen de simples énoncés,
comme dans le modèle suivant :

Je ME sens…

Je me sens en colère

Ou

Je me sens joyeux

Ou

Je me sens frustré

Ou

Je me sens apaisé
Ou

Je me sens triste

Nous allons développer ce point plus en détail dans le paragraphe suivant,


consacré à la communication en situation émotionnellement difficile.

1.6.2

Exprimer ses émotions en situation difficile

Comment communiquer lorsque la situation à laquelle nous devons faire


face est émotionnellement difficile ?

Lorsque nous sommes face à un nœud, à une tension relationnelle,

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

pouvoir s’affirmer s’avère fondamental. Comme nous l’avons dit précédem-

102

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

ment, une des fonctions de nos émotions est de faire passer un message, de
communiquer avec notre environnement. Lorsque nous n’exprimons pas
clairement ce que nous ressentons, nous privons nos interlocuteurs d’une
information essentielle pour nous comprendre et réagir en conséquence dans
la relation.

En se basant sur de nombreuses recherches et travaux dans le domaine,


notamment ceux de Rogers (Rogers, 1961 ; Rogers et Farson, 1987) et de
Rozenberg (2003), nous proposons de découper la compétence d’affirmation
de soi en quatre grandes capacités :

– la capacité à décrire sans jugement ce qui déclenche l’émotion ;

– la capacité à exprimer les émotions de manière adaptée ;


– la capacité à exprimer ce qui motive l’expression des émotions : les
besoins ;

– la capacité à proposer des solutions.

Il existe de nombreux ouvrages consacrés à l’affirmation de soi. Dans ce


chapitre, nous avons décidé de nous limiter aux aspects qui sont directement
liés à l’expression des émotions : nous nous intéresserons donc aux deux
premières étapes. Le thème de l’importance des besoins sera exploré dans le
chapitre suivant, consacré à la compréhension des émotions.

■ La capacité à décrire sans jugement ce qui déclenche l’émotion Chaque


être humain perçoit le monde différemment : la grille de référence avec
laquelle il donne du sens à son univers d’aujourd’hui se construit à travers
l’ensemble de ses expériences passées. L’idée de ce qui est bon ou mauvais,
triste ou joyeux, beau ou laid le conditionne à travers ses apprentissages.
Même si ce biais est pris en compte par l’individu, celui-ci n’en a pas moins
tendance à croire que sa vision du monde est la bonne (Haidt, 2006 ; Snyder
et Swann, 1978). Nous détestons certains aliments que d’autres peuvent
trouver délicieux et décrétons que c’est l’aliment qui est mauvais alors que
c’est nous qui n’en apprécions pas le goût. Classifier, catégoriser et juger est
un processus de fonctionnement habituel et automatique, mais il n’en est pas
moins à la base de nombreux conflits (Haidt, 2006). Quand un individu se
sent jugé, critiqué ou évalué, il risque de se mettre en position défensive, ce
qui rend la communication difficile (Rogers et Farson, 1987).

Une des compétences de base, en situation d’affirmation de soi, sera donc de


savoir décrire une situation sans porter de jugement. Savoir observer et
décrire sans jugement implique une attitude plus empathique, une moindre
tendance à être contaminé par la détresse émotionnelle et une meilleure
capacité à décrire ses sentiments (Dekeyser, Raes, Leijssen, Leysen et
Dewulf, 2008). C’est une des compétences de base travaillées dans
l’approche « mindfulness » (Kabat-Zinn, 1990).

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

103
Application

Imaginons que vous ayez prêté votre appartement à un ami pendant les
vacances. À votre retour, vous le trouvez sens dessus dessous. Vous décidez
de lui en parler car cette situation vous a réellement mis hors de vous.

Voilà la manière dont vous pourriez envisager de vous exprimer :

« Tu n’as vraiment aucun respect pour les choses qu’on te confie »

Jugement

« On voit bien que la propreté, ce n’est pas ton truc »

Supposition

« On ne t’a sûrement pas appris ça quand tu étais jeune »

Supposition

« Tu aurais pu faire attention »

Moralisation

« L’appartement est vraiment dégoûtant »

Jugement

Ces réflexions, même si elles semblent justifiées, risquent de créer une


relation tendue et de mettre votre interlocuteur sur la défensive.

Une description objective de la situation pourrait ressembler à :

« Je t’ai confié mon appartement bien rangé, il y a 15 jours, et, maintenant,


je ne le reconnais plus. »

« Quand je t’ai confié mon appartement, je l’avais rangé et nettoyé.


Maintenant, je vois de la vaisselle sale dans l’évier et la poubelle ne semble
pas avoir été sortie. »
Une description objective se base uniquement sur les faits, sur ce qui est
concrètement observable, sur des dates et des objets précis. Faire cet
exercice, dans le cadre de situations qui nous dérangent, permet de bien
différencier les comportements extérieurs qui ne nous conviennent pas et nos
interprétations et jugements personnels sur ces comportements. En évitant de
mélanger les deux, nous serons plus clairs et plus efficaces dans nos
relations. En outre, la description la plus factuelle possible des actes
reprochés permet de faire un premier constat objectif, sur lequel l’autre peut
tomber d’accord. Il est plus difficile en effet d’argumenter sur le fait qu’un
évier contient de la vaisselle sale que sur une affirmation subjective telle que
« la propreté, ce n’est pas ton truc ». C’est donc une première étape vers la
recherche d’un accord avec l’autre.

■ La capacité à exprimer ses émotions de manière adaptée Nous venons de


voir que l’expression des émotions a un rôle social fondamental. Cette
expression est au cœur de l’affirmation de soi : si nous n’exprimons pas
clairement nos émotions à nos interlocuteurs, il y a peu de chances qu’ils
nous comprennent réellement. Cette compétence demande de faire la
différence entre expression d’émotions et expression de pensées, opinions ou
jugements. En situation difficile ou conflictuelle, les individus expriment

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plus facilement leurs impressions, suppositions, jugements – ce qu’ils

104

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

pensent de leurs émotions et sentiments – plutôt que ce qu’ils ressentent


réellement (Shearouse, 2003).

Comme cela a été évoqué plus haut, remplacer le pronom « tu » par le


pronom « je » peut également être une piste de solution pour exprimer ses
émotions de manière plus juste et sans heurter autrui. En effet, lorsque nous
utilisons le « tu », nous attaquons directement la personne et non son
comportement indésirable. Séparer la personne du problème est un gage de
communication plus efficace (Steinel, Van Kleef et Harinck, 2008). Selon
Gottman et Levenson, ce sont les attitudes insultantes, dominatrices ou
défensives et non les conflits en eux-mêmes qui sont dommageables pour les
relations (Gottman et Levenson, 1999, 2000). En évitant un langage accusa-
teur, notre message devient plus facile à entendre par l’autre et le risque de le
blesser est réduit. De plus, si l’interlocuteur est de mauvaise foi, nous
donnons beaucoup moins de prise à une contre-attaque.

Parvenir à l’expression authentique des émotions n’est pas une chose facile :
ce n’est pas seulement une question de mots. Si l’on utilise une formule
toute faite pour s’exprimer, il y a toutes les chances que cela ne fonctionne
pas (Rogers et Farson, 1987). Cette attitude doit provenir d’une intention
sincère, qui transparaîtra aussi au travers du langage non verbal.

Pour la dimension non verbale de la communication, nous vous renvoyons


au chapitre 2, où elle a été abordée de manière extensive.

Exemple

« Tu es vraiment énervant » (message en « tu », qui peut être perçu comme


une agression).

« Je me sens nerveux(se) » (message en « je », dans lequel nous prenons la


responsabilité de nos sentiments).

Les quelques étapes que nous venons de décrire permettent d’utiliser les
émotions afin de créer des relations plus saines et plus harmonieuses à long
terme. Une relation authentique est possible dès lors que l’individu est
connecté à ses émotions, qu’il peut les conscientiser, les vivre et les
communiquer (Rogers, 1983).

1.6.3

Exprimer ses émotions par écrit

L’écriture est un bon moyen d’identifier et d’exprimer ses émotions pour


leur donner du sens et mieux les comprendre. Ceci peut permettre également
de conscientiser les dynamiques personnelles et relationnelles que nous
avons tendance à répéter. Selon Pennebaker, retranscrire des situations
stressantes est une manière simple et efficace de maîtriser ses problèmes et
de se libérer

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

105

de leurs effets néfastes. Non seulement cela clarifie l’esprit, mais cela aide
également à acquérir et à retenir de nouvelles informations et facilite les
processus de résolution de problèmes (Pennebaker, Kiecolt-Glaser et Glaser,
1997). Écrire peut nous aider à mieux nous connaître, à comprendre les
messages de nos émotions et à prendre soin de nos besoins de manière plus
efficace. En nous appuyant sur les travaux de Pennebaker, nous proposons
ici quelques points de repères sur l’utilité que peut avoir la tenue d’un
journal.

Tenir un journal de bord nous permet notamment de :

■ Clarifier notre vécu

Que se passe-t-il en moi maintenant ? Qu’est-ce qui est important pour moi
maintenant ?

Exprimer par écrit son vécu aide à le clarifier. L’écriture permet d’identifier,
de discriminer dans nos expériences de vie les événements qui nous ont
marqués. Écrire rend ce que nous ressentons plus concret et plus précis. Cela
nous permet de prendre du recul. Même quand nous croyons ne pas savoir ce
que nous ressentons, il est possible d’écrire sans réfléchir. L’écriture finit par
faire sens, sans qu’on l’ait anticipé, « comme si » notre main ne nous appar-
tenait pas vraiment et savait mieux que nous. Une autre variante possible est
d’écrire comme si nous nous adressions à quelqu’un en qui nous avons entiè-

rement confiance.

■ Prendre conscience de nos réussites et de nos apprentissages De la même


façon qu’un parent peut ne pas avoir conscience des changements quotidiens
lorsque son enfant grandit, nous avons rarement une image claire de notre
parcours et de nos apprentissages. Écrire nos objectifs, nos difficultés et nos
succès, nous permet de mesurer l’ampleur du chemin accompli, de faire le
bilan, de nous réorienter, de rechercher une certaine cohérence.

■ Préparer un entretien

Lorsque nous voulons parler à quelqu’un mais que la charge affective risque
d’être trop forte, écrire avant la rencontre peut s’avérer être d’une grande
utilité. Cela nous permet de mieux nous comprendre et de clarifier ce que
nous voulons exprimer. De cette façon, face à la personne, nous serons
capables de communiquer de manière plus juste et plus sereine et, si nous
perdons un peu nos moyens, les notes prises pourront nous aider.

■ Souligner ce qui est important

Un journal peut aussi nous servir à noter une idée, une citation, une phrase
qui nous touche particulièrement. Il n’y a pas de règles précises pour un
jour-

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nal de bord, chacun peut l’utiliser de la manière qui lui convient le mieux.

106

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Certaines personnes aiment y dessiner, d’autres y faire des collages ou des


montages, etc. En relation d’aide, le journal de bord s’avère être un outil
important d’observation, recueil d’informations privilégiées.

■ Identifier et nommer son ressenti

Dans le but d’exprimer nos émotions et de les gérer, nous pouvons nous
entraîner à les identifier et à les nommer. Cela permet de prendre une
distance par rapport à l’émotion et de se sentir capable d’agir plutôt que de
subir (Greenberg, 2002).

Le tableau 5.1 ci-après n’est pas exhaustif mais permet d’élargir son
vocabulaire émotionnel. Avoir un lexique plus étendu aide à préciser sa
pensée et à trouver les mots qui correspondent le mieux à l’expérience
vécue.

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

107

Tableau 5.1

Lexique associé aux émotions de base

Joie

Joie (suite)

Colère

Tristesse

Dégoût

Surprise

Peur

agréable

heureux 

agacé

abattu

amer

alerte

affolé 

allègre
hilare 

contrarié

accablé

dégoûté

abasourdi 

alarmé 

amusé

jouette 

crispé

affecté

désabusé

atterré

angoissé 

béat

joueur

de mau-

affligé

désen-

baba 

anxieux 
bien dis-

jovial

vaise

anéanti

chanté 

confondu 

apeuré

posé

joyeux

humeur

atterré

désillu-

confus 

choqué 

charmé

radieux

courroucé

attristé

sionné

consterné 
craintif

captivé

ravi

enragé

bouleversé

écœuré

décon-

déconcerté

comblé

réjoui

écœuré

cafardeux  horripilé

certé 

dérouté

confiant

regonflé

en colère

chagriné 

incom-

désorienté  désemparé content


remonté

énervé

consterné 

modé

ébahi

désorienté

de bonne

revigoré

enragé

déchiré

ulcéré

ébaubi 

déstabilisé

humeur

riant

exaspéré

défait

ébouriffé

effaré

décon-
rieur

excédé

déprimé

embar-

effarouché 

tracté

satisfait

fâché

désabusé 

rassé 

épouvanté

délivré

serein

frustré

désen-

émerveillé  glacé de détendu

stimulé

furieux

chanté 

épaté 
peur

ébloui

stupéfait

haineux

désespéré 

époustouflé

horrifié

égayé

surexcité

irrité

désolé

estomaqué

inquiet

émerveillé

touché

mécontent

ému

étonné 

intimidé

émoustillé
vibrant

nerveux

éploré

étourdi

mal à

ému

vivant

remonté

lugubre

frappé

l’aise

en extase

vivifié

malheu-

interdit 

mal assuré

enjoué

reux 

interloqué 

paniqué
en harmo-

maussade 

médusé 

sur le qui-

nie

mélancoli-

pantois 

vive

enchanté

que

penaud 

terrifié

encouragé

morose

quinaud 

transi

enjoué

navré 

renversé

tremblant
enthou-

nostalgique

saisi

siaste

peiné

sidéré

épanoui

sombre 

sot

euphorique

soucieux

soufflé 

exalté

taciturne

stupéfait 

excité

stupéfié 

folâtre

stupide

fou
suffoqué

gai

surpris

gaillard

guilleret

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108

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS D’AUTRUI

Nous venons de voir l’importance de la capacité à exprimer ses émotions. Le


versant complémentaire de cette faculté est de savoir aussi écouter et
faciliter l’expression émotionnelle de ses interlocuteurs. Nous allons aborder
cette deuxième capacité en nous intéressant d’abord brièvement à
l’importance d’être capable d’écouter les émotions d’autrui. Puis, nous
verrons les difficultés que sa mise en œuvre peut entraîner, thème que nous
illustrerons ensuite de manière plus pratique.

2.1 L’importance de l’écoute des émotions

Être capable d’écouter les émotions d’autrui est une compétence sociale très
importante. Selon Carl Rogers, une écoute adaptée contribue à la création
d’une relation positive : elle aide l’interlocuteur à ne pas rester en position
défensive, ce qu’il ferait s’il se sentait critiqué, évalué ou moralisé. L’écoute
s’avère un moyen efficace de montrer que l’on respecte quelqu’un et, à
l’instar d’autres comportements, elle est contagieuse (Rogers et Farson,
1987). Les études en psychologie du développement montrent que les
enfants régulent mieux leurs émotions et acquièrent des attitudes plus
constructives lorsque les parents ont une attitude d’acceptation et
d’encourage-ment face à leurs émotions négatives. Les effets sont opposés
lorsque les parents dénigrent, disqualifient, punissent ou lorsque les
émotions négatives de l’enfant induisent un stress chez les parents (Denham,
1998 ; Denham et al. , 2008). Il a aussi été constaté que, quand les parents
répondent de manière agressive, minimisent ou punissent les émotions de
l’enfant, les enfants expriment des émotions négatives plus intenses avec
leurs pairs (Fabes, Leonard, Kupanoff et Martin, 2001). Ces effets délétères
du déni, de la disqualification ou encore de la minimisation des émotions se
retrouvent dans les théories de la gestion des émotions en relation d’aide
(Porter et Dutton, 1987 ; Rogers, 1951 ; Rogers et Dymond, 1954).

L’importance d’écouter les émotions d’autrui est aussi à mettre en relation


avec la difficulté que peuvent avoir nos interlocuteurs à s’exprimer. Même si
un individu pense qu’il est important d’exprimer ses émotions, il peut être
difficile pour lui de faire, par peur d’être incompris, voire même rejeté ou
trahi (Kennedy-Moore et Watson, 1999). Les qualités d’écoute et de
facilitation de l’interlocuteur peuvent alors faire toute la différence.

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

109

2.2 Les différents modes d’écoute

Exprimer son vécu émotionnel implique que notre interlocuteur soit capable
d’écouter et d’accueillir notre message. Or, il est fréquent que l’entourage
exprime une certaine résistance. Des études réalisées sur des patients cancé-

reux ont montré qu’une majorité de ceux-ci ont l’impression que leurs
proches refusent, d’une manière ou d’une autre, d’entendre leurs difficultés.

Ces patients rapportent de nombreux comportements négatifs de la part de


leur entourage, comme la minimisation de leur vécu ou des remarques
blessantes, qui les découragent de partager leur expérience (Lehman, Ellard
et Wortman, 1986). Chez les patients souffrant de douleur chronique, le
manque de compréhension et d’écoute de la part des proches est également
considéré comme un problème récurrent (Herbette, 2002 ; Herbette et Rimé,
2004). Rimé (1999) montre qu’à l’exception de liens d’attachement intimes,
les personnes qui expriment leur souffrance sont davantage rejetées par leurs
proches que par le personnel soignant.
Ces réactions défensives s’expliquent entre autres par le fait que la situation
vécue par l’autre nous renvoie à notre propre vulnérabilité. La prise de
distance et le refus d’écouter constituent en fait des moyens de protection.

Sur base des travaux de Rogers, Porter et son équipe (Porter et Dutton, 1987)
se sont penchés sur les difficultés à écouter les émotions d’autrui lors de nos
interactions. À l’aide d’enregistrements de centaines d’entretiens conduits
dans le cadre de relations thérapeutiques, ces chercheurs ont analysé les
comportements et attitudes typiques des relations interpersonnelles. Ainsi,
selon Porter (Porter et Dutton, 1987), nous pouvons typiquement réagir de
six façons différentes lorsqu’un interlocuteur nous fait part de son vécu
émotionnel : proposer des solutions, juger, interpréter, consoler, investiguer,
et comprendre ( i.e. écouter les émotions). À l’exception du dernier, ces

« modes d’intervention1 », peuvent freiner la bonne compréhension du vécu


affectif de l’interlocuteur.

2.2.1

Le mode d’intervention orienté solutions : dire à l’autre ce qu’il doit faire

Face à quelqu’un qui vit une émotion, l’une des attitudes les plus courantes
consiste à proposer directement des solutions ( Il faut, vous devriez, si j’étais
vous, dans cette situation, je…). C’est un mode d’intervention très présent
dans les entreprises et autres organisations axées sur les résultats.
L’orientation vers les solutions est un mode d’intervention extrêmement utile
s’il est 1. Le terme « mode d’intervention » est plus complet que celui de
comportement. Il fait référence

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non seulement au discours mais aussi à notre regard sur l’autre.

110

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

utilisé au bon moment, en tenant compte des spécificités, des besoins et de la


vision du monde de l’interlocuteur. Dans certaines situations, il est important
de donner la solution sans attendre, par exemple en situations d’urgence ou
en cas de demande explicite de l’interlocuteur.

Cependant, la plupart du temps, cette façon de faire est utilisée de manière


précoce et sans que l’autre ne le demande, ce qui lui enlève son autonomie
de décision. Le mode d’orientation vers les solutions n’est efficace que
lorsque la personne s’est réellement sentie écoutée et que l’intensité
émotionnelle a baissé. Dans ce cas, la solution provient d’ailleurs souvent de
la personne elle-même.

2.2.2

Le mode d’intervention orienté vers le jugement, l’évaluation : dire à l’autre


ce qui est vrai/faux, bon/mauvais

Une deuxième attitude courante est de juger la personne qui expose son
problème. La moralisation constitue l’une des formes les plus subtiles et les
plus communes de jugement. Ce dernier définit l’autre par rapport à une
règle. Nous avons recours en permanence au jugement pour évaluer le
monde qui nous entoure. L’attitude d’évaluation est souvent moralisatrice, de
type « Je sais ce qui est bon, à privilégier et ce qui est mauvais, à éviter ou à
proscrire ». Elle renvoie à nos perceptions, à nos a priori et à nos idées
toutes faites sur les situations et sur les gens.

Juger est utile, en tant que fonction, puisque les catégories bâties à partir de
notre système de valeurs nous permettent de reconnaître rapidement les
situations, pour mieux nous y adapter. Cela s’avère néanmoins très destruc-
teur dans le domaine des relations, en particulier face à quelqu’un qui vit une
émotion. Le jugement est souvent vécu comme une agression qui menace
l’identité de la personne et il provoque des réactions défensives (contre-
attaque, fuite, communication fermée). Une telle attitude a rarement pour
effet de permettre à la personne de se sentir comprise dans son ressenti et
renforce plutôt les émotions négatives. Une écoute sans jugement se
distingue par l’absence de commentaire personnel (approbation ou
désapprobation) ou de connotation morale.

2.2.3
Le mode d’intervention orienté vers l’interprétation : dire à l’autre quelles
sont ses raisons d’agir

Dans ce cas de figure, l’intervenant interprète le ressenti de son


interlocuteur.

Il relit ses propos à partir d’une grille de lecture personnelle, en cherchant


une signification aux comportements ou aux émotions de l’autre. « À mon
avis, tu agis comme cela car tu as un problème avec l’autorité. » Par ce type
d’intervention, le message que l’on donne à son interlocuteur est que l’on
connaît mieux que lui ses raisons d’agir. Le risque est alors grand d’auto-

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

111

alimenter une hypothèse de départ à l’aide d’indices permettant de la


confirmer. Si on veut aider réellement une personne à exprimer et à
comprendre ce qu’elle vit, il est donc recommandé d’éviter d’interpréter. Au
lieu d’égarer la conversation sur des interprétations de contenu, il est
essentiel de garder l’émotion et la personne au centre de l’échange.

2.2.4

Le mode d’intervention orienté vers la consolation : dire à l’autre que cela


va aller

Ce type d’intervention trouve son origine dans notre malaise face aux
émotions de l’autre et dans notre tendance à nous identifier à son ressenti.

Ce type d’intervention part d’une bonne intention mais son efficacité est
limitée. En disant à l’autre que « ça va aller », on nie la gravité du problème
et, ce faisant, l’émotion correspondante. Cela peut donner l’impression à
l’autre que l’on minimise sa souffrance. L’effet peut être aussi de le
déresponsabiliser, de le pousser à se sentir victime et de le priver ainsi de ses
possibilités de prise de conscience et de meilleure compréhension de la
situation. Ce mode d’intervention peut rassembler des comportements très
différents, qui ont cependant tous en commun l’intention de consoler. Être à
l’écoute du vécu de quelqu’un implique de comprendre ce qu’il vit sans
s’identifier à lui.

2.2.5

Le mode d’intervention orienté vers l’investigation : creuser en fonction de


nos intérêts personnels

Adopter une attitude d’investigation consiste à se transformer en enquêteur


et à analyser les faits au lieu de se centrer sur le vécu de son interlocuteur.

Procéder à un interrogatoire poussé présente le désavantage de mettre une


forte pression sur la personne interrogée et risque de noyer le véritable enjeu
sous trop de détails. En outre, le questionnement reflète souvent une
curiosité personnelle, plutôt qu’une attention centrée sur l’autre.
L’interrogation est une phase importante de l’entretien mais une réflexion
sur le choix et la pertinence de chaque question doit guider le processus.
Bien utilisée, la démarche vise à obtenir uniquement des éléments
nécessaires à la compré-

hension et reste en rapport avec le vécu et la vision du monde de


l’interlocuteur. Quelques questions, bien orientées et posées dans le respect
et l’écoute de l’autre, ouvrent un dialogue constructif, là où un interrogatoire
trop poussé aura l’effet inverse.

Pour éviter ces possibles dérives, il apparaît plus efficace, face à une
émotion, d’intervenir sur un mode d’orientation basé sur la compréhension
(Rogers et Farson, 1987).

112

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.2.6

Le mode d’intervention orienté vers la compréhension : montrer que l’on


entend et comprend ce que l’autre vit
Le mode d’intervention orienté vers la compréhension a pour objectif de
saisir le vécu émotionnel de l’interlocuteur, tout en lui faisant ressentir que
nous avons compris ce vécu. La première étape de cette compréhension est
de prendre conscience de nos tendances à juger, à moraliser, à amener nos
propres solutions ou à consoler. Lorsque nous les avons repérées, nous
pouvons nous pencher sur le vécu de l’autre sans nous y laisser aller.

De nombreux outils existent pour mettre en œuvre cette démarche de


compréhension :

• Poser des questions ouvertes sur le vécu émotionnel : « Qu’as-tu ressenti


à ce moment-là ? », « Quel impact cela a-t-il eu sur toi ? », ou encore

« Comment as-tu vécu la situation ? ».

• Offrir à l’autre une reformulation de son vécu, consistant à mettre en


évidence dans son discours ce qui relève directement du registre des
émotions. Reformuler le vécu de son interlocuteur est différent d’une simple
répétition des propos tenus, cette dernière offrant le risque de l’irriter.

Exemple

Expression de l’interlocuteur :

« Il n’y a plus rien qui va, je suis vraiment nul, je vais faire échouer le projet
…»

Reformulation simple (comportant le risque d’irriter) :

« Tu me dis que tu te sens nul et que tu vas faire échouer le projet, c’est cela

Reformulation du vécu :

« Apparemment les choses sont difficiles pour toi en ce moment et cela


affecte ta confiance en toi ? »

La reformulation du vécu replace les émotions au premier plan. La forme


interrogative permet à l’autre de refuser la formulation ou de la corriger. Les
risques d’incompréhension et de fermeture sont ainsi réduits.

• Utiliser le silence. Prendre le temps de s’accorder des pauses silencieuses


(par exemple, après une question ouverte sur les sentiments) a pour effet de
créer un espace dans lequel l’autre peut entrer en contact avec son ressenti et
parvenir à l’exprimer. En observant des entretiens, nous avons constaté que
l’intervenant brisait fréquemment le silence, juste au moment où son
interlocuteur était sur le point d’exprimer quelque chose d’important.
Utiliser le silence avec pertinence n’est pas chose facile : un silence peut
sembler une éternité, même quand il ne dure que quelques secondes.

L’EXPRESSION ET L’ÉCOUTE DES ÉMOTIONS

113

• Focaliser et repréciser. Insister sur un mot ou une expression qui semble


contenir une information importante sur le vécu de l’interlocuteur est un
moyen notable d’amener l’autre à se connecter à une émotion. Souligner le
dernier mot peut déjà suffire à encourager l’interlocuteur à développer et à
préciser sa pensée.

Exemple : « L’entretien a été très difficile. À la fin de la journée, je me


suis senti vraiment déçu. »

Proposition 1 : « Tu me dis que tu t’es senti déçu, c’est ça… ? »

Proposition 2 : « Déçu ? »

• Reformuler positivement. Cela consiste à faire ressortir la dimension


positive des messages. Cela paraît simple mais la mise en pratique est
difficile, en raison de nos tendances à souligner les aspects négatifs et à
prendre les choses personnellement. Reformuler positivement revient à
mettre en évidence les besoins de la personne, au lieu de répéter sa plainte
ou sa critique.

Exemple : « Il n’y a jamais personne qui écoute ici… »

Reformulation simple : « Personne ne t’écoute ?… »


Reformulation positive : « Tu aimerais te sentir plus écouté ? »

Cette grille d’analyse est bien sûr loin d’être exhaustive et représente une
simplification de la diversité des interactions possibles. Elle permet
cependant de prendre un certain recul par rapport à notre manière d’interagir
avec quelqu’un qui vit une émotion, en identifiant notamment les attitudes
qui peuvent être vécues comme une minimisation ou une disqualification de
l’émotion par l’interlocuteur.

Par ailleurs, une écoute véritable des émotions, telle qu’envisagée ici, peut
sembler passive car elle peut donner l’impression de ne pas agir. Pourtant,
cette écoute a un impact important et représente un véritable catalyseur de
changement. Selon Rogers (Rogers, 1961 ; Rogers et Dymond, 1954), une
personne qui vit une situation émotionnellement difficile peut passer par
différentes phases, si elle est écoutée de manière empathique :

– Au début, la personne se définit de façon plutôt négative, elle vit mal ses
émotions.

114

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

– Elle perçoit ensuite que son interlocuteur ne la juge pas et elle peut
commencer à explorer plus librement ses sentiments. Elle peut commencer à
accepter son ressenti.

– La personne se comprend mieux elle-même.

– Elle entame enfin une dynamique de changement.

Un interlocuteur qui se sent compris sera plus disposé à appliquer les outils
de régulation émotionnelle que nous aborderons notamment aux chapitres 6,
8 et 9.

3 CONCLUSION

L’expression et l’écoute des émotions sont les deux facettes d’une même
compétence clé qui concerne les processus de communication et se trouve
donc au cœur de nos vies.

L’expression des émotions est cruciale pour le développement et la


régulation des relations interpersonnelles : elle fournit des informations
essentielles à nos interlocuteurs, permet la construction des liens affectifs et
contribue à l’intégration sociale. Au niveau individuel, elle est associée à de
très nombreux bénéfices, notamment en termes de santé physique et mentale,
et ceci bien que les mécanismes qui expliquent ces bénéfices soient encore
largement inconnus. Ceci étant posé, nous avons également vu que
l’expression des émotions n’est pas toujours fonctionnelle : dans certains
cas, l’expression de l’émotion n’est pas adaptative. C’est donc la flexibilité à
pouvoir exprimer ou ne pas exprimer, ainsi que la capacité à moduler son
expression de manière adaptée aux circonstances qui nous semble
caractériser une expression fonctionnelle. En ce qui concerne la compétence
d’écoute des émotions d’autrui, nous avons défini un certain nombre
d’attitudes qui peuvent gêner l’expression de notre interlocuteur et certaines
autres qui peuvent faciliter cette expression.

Dans le chapitre suivant, nous allons explorer comment mieux comprendre


ses émotions afin d’être moins réactifs face aux situations les plus difficiles.

Chapitre 6

LA COMPRÉHENSION

DES ÉMOTIONS1

1. Par Ilios Kotsou.

Dans ce chapitre, nous nous intéresserons à la compréhension des émotions.


Comment expliquer ce qui provoque en nous de l’émotion ?

Comprendre les causes profondes de nos émotions permet-il de modifier les


conséquences de ces dernières ? Comprendre nos émotions peut-il nous
rendre moins réactifs émotionnellement ? Si oui, comment ?

Dans la première partie de ce chapitre, nous nous pencherons


successivement sur la valeur informative de l’émotion en regard de la
satisfaction de nos besoins, et sur la théorie des besoins. Dans la deuxième
partie nous verrons comment l’accueil des émotions, la reconnaissance des
besoins sous-jacents, et la prise en charge de ces derniers permettent de
diminuer la réactivité émotionnelle.

1 LA PERSPECTIVE THÉORIQUE

1.1 L’émotion comme information sur les besoins

Comme nous l’avons vu au chapitre

2, l’émotion a une fonction

informative : elle véhicule un message. L’émotion fonctionne comme un


baromètre de notre capacité d’adaptation et de notre état d’équilibre par
rapport à l’environnement. Tel un voyant lumineux sur le tableau de bord
d’un véhicule, l’émotion nous indique, entre autres, si nos besoins sont
satisfaits ou non. L’émotion est donc un indicateur du niveau de satisfaction
de nos besoins.

La nécessité de satisfaire des besoins n’est pas propre à l’être humain.

Depuis les organismes les plus simples, tous les êtres vivants ont des besoins
à satisfaire pour survivre et se développer. La plupart des plantes ont besoin

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’eau, de sels minéraux, de lumière pour survivre. Si ces besoins ne sont pas

118

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

satisfaits, les plantes meurent sans état d’âme. Les êtres humains ont
également des besoins physiologiques indiscutables, comme se nourrir, boire
ou dormir. L’insatisfaction de ces besoins engendrera chez l’être humain un
ensemble d’émotions (ex : anxiété, frustration, colère…), visant à stimuler la
satisfaction des besoins et à augmenter ainsi les chances de survie.
À la différence d’organismes plus simples, les besoins physiologiques ne
sont pas les seuls paramètres indispensables à notre équilibre. Au-delà de la
satisfaction des besoins biologiques, notre ajustement requiert également la
satisfaction de besoins psychologiques (ex. relationnels et affectifs).
L’insatisfaction de ces besoins engendrera une émotion, afin d’augmenter la
probabilité qu’ils soient satisfaits et de restaurer ainsi notre équilibre.

Il est intéressant de noter la différence entre besoins de survie et besoins


psychologiques.

Les besoins de survie de base (boire, manger, etc.) sont facilement


identifiables et leur satisfaction peut être objectivée (boisson, nourriture,
etc.). Les besoins psychologiques (stimulation, activité, estime, amitié,
connexion, intimité) sont non seulement moins facilement identifiables, mais
l’impact de leur insatisfaction ne sera pas identique ni même immédiat et
leurs conditions de satisfaction sont également moins objectivables. Par
exemple, ce qui répond au besoin d’estime de soi varie en fonction des
individus et des contextes. La complexité de nos émotions peut être mise en
relation avec les nombreux besoins nécessaires à notre équilibre.

Perception et

évaluation

Facilitation à l'action

Besoins

Émotion

Situation déclenchante

Information

Figure 6.1

L’interaction émotion/environnement

1.2 Besoins et valence de l’émotion


La valence de l’émotion (positive ou négative) dépend de la satisfaction ou
non du besoin et son intensité nous renseigne sur l’importance du besoin et
sur son degré de satisfaction.

LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS

119

L’intensité de l’émotion est directement liée à la pertinence (ou à


l’importance) de l’événement pour l’individu : si un événement n’est pas
significatif pour un individu, il ne générera pas d’émotion (voir chapitre 2).

Les émotions dites « négatives », comme la peur, la colère ou la tristesse,


sont des expériences qui nous signalent que nos besoins sont insatisfaits. À

l’opposé, les émotions agréables, dites « positives », comme la joie, le ravis-


sement ou l’amusement, nous signalent que nos besoins sont satisfaits.

Tableau 6.1

Exemples de relations entre émotions et satisfaction des besoins Émotion

Besoin

État du besoin

Joie

Partage, échange

Satisfait

Tristesse

Partage, échange

Menacé

Contentement
Sécurité, protection

Satisfait

Peur

Sécurité, protection

Menacé

Colère

Croissance

Menacé

Fierté

Croissance

Satisfait

Il est à noter que le tableau 6.1 n’est qu’un exemple ; la dynamique


émotion/besoin est situationnelle.

La théorie de l’autorégulation

La théorie de l’autorégulation de Carver et Scheier (Carver et Scheier, 1990)


illustre bien ce concept. Selon cette théorie, les émotions font partie d’un
système complexe orienté vers des buts qui autorégulent les actions des
individus en fonction de leurs objectifs. Le comportement d’une personne
est régulé par un processus de feed-back : l’individu compare les résultats
qu’il obtient à une valeur de référence (ses buts). Si la comparaison révèle un
écart entre la valeur de réfé-

rence et l’état présent, l’individu ajuste son comportement en conséquence.

Dans la vie quotidienne, nous rencontrons souvent des difficultés dans


l’atteinte de nos objectifs et nous devons agir en fonction de ces difficultés.
Certains de nos objectifs sont contradictoires. L’évaluation de
rapprochement ou d’éloignement par rapport à ces buts expliquerait
l’activation d’émotions positives ou négatives.

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120

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Valeur de

référence

COMPARATEUR

Input :

perception

Impact sur

Output :

l'environnement

Comportement

Influences extérieures

Figure 6.2

La théorie de l’autorégulation

1.3 Les théories des besoins humains

Plusieurs chercheurs d’horizons conceptuels très différents se sont intéressés


aux besoins. Dans les années trente, un psychologue de Harvard, Henry
Murray, décrivait déjà un modèle complet des besoins et processus de
motivation (Murray, 1938). Le psychanalyste américain Erich Fromm
considérait les besoins comme étant de nature existentielle, et il en dénombre
huit : représentation mentale, relation, attachement, identité, unité,
transcendance, effectivité et stimulation (Fromm, 1947). Proche de la pensée
de Fromm, la théorie des besoins la plus répandue est celle d’Abraham
Maslow (1954).

Figure marquante de la psychologie humaniste1, il considère que l’homme


n’atteint le plein développement de son psychisme que s’il satisfait ses
besoins sur différents plans : physiologie, sécurité, amour (appartenance),
estime (reconnaissance) et accomplissement de soi (créativité). Ces besoins
sont généralement représentés de manière hiérarchisée sous la forme d’une
pyramide découpée en cinq niveaux (figure 6.3).

1. Abraham Maslow (1908-1970) est considéré le père de l’approche


humaniste. Il est surtout connu pour son explication de la motivation par la
hiérarchie des besoins. Son approche, très originale pour son époque, était
plus centrée sur la psychologie positive que sur l’anormalité.

LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS

121

Besoins d'accomplissement de soi

Apprendre, se développer, évoluer, créer

Besoins d'estime de soi

Être respecté, se sentir utile et compétent, réussir,…

Besoins d'amour et d'appartenance

Être accepté, aimé, compris

Appartenir à un groupe (famille, couple, nation,…)

Besoins de sécurité (physique et psychologique)


Santé, emploi, confiance, propriétés personnelles, stabilité,…

Besoins physiologiques

Survie, faim, soif, repos, abris, sexualité,…

Figure 6.3

La pyramide de Maslow

Selon ce modèle, une personne ne peut accéder à la satisfaction d’un besoin


de niveau supérieur que si ceux du niveau inférieur sont raisonnablement
satisfaits. Par exemple, un individu ne peut se sentir en sécurité (niveau 2)
que si son besoin de trouver à manger est satisfait (niveau 1).

Maslow s’est surtout intéressé aux motivations supérieures de l’homme


(accomplissement de soi), aux états de plénitude ainsi qu’aux fondements de
la santé psychique.

Dans la théorie des besoins de David McClelland, fondée sur les travaux de
Murray (1938), trois types de besoins sont liés à la motivation au travail : les
besoins de réalisation, de pouvoir et d’affiliation (McClelland, 1958).

Harmer et Henderson, dans la lignée du travail de Maslow, ont développé un


modèle hiérarchique de quatorze besoins fondamentaux dans le cadre des
soins infirmiers (Harmer et Henderson, 1939).

C’est essentiellement la hiérarchisation des besoins (à la base du modèle de


Maslow) qui a été remise en question. De nombreuses études ont montré que
l’individu pouvait chercher à satisfaire des besoins d’ordre supérieur même
lorsque ceux du niveau inférieur demeuraient insatisfaits. Le besoin d’estime
(niveau 4) ou de reconnaissance (niveau 3) pourrait, par exemple, amener un

122

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

employé à négliger le besoin de sécurité ou de santé (niveau 2) par un


investissement excessif dans son travail qui serait socialement valorisé.
D’autres théories, plus contemporaines, ont repris cette conception des
besoins fondamentaux, mais sans établir de hiérarchie entre eux. Parmi
celles-ci, nous pouvons citer la théorie ERG ( Existence, Relatedness et
Growth) de Clayton P. Alderfer (1972). Ce dernier reprend les catégories de
Maslow et les répartit entre besoins d’existence, besoins relationnels et
besoins de développement.

Citons aussi la théorie de l’échelle de développement humain de Max-Neef


et collègues (Max-Neef, Elizalde et Hopenhayn, 1986). Ces auteurs ont
défini neuf besoins universels : la subsistance, l’affection, la protection, la
compréhension, la participation, le temps pour soi, la créativité, l’identité et
enfin la liberté. Chacun de ces besoins peut être satisfait sur quatre modes
existentiels, celui de « l’avoir » (les biens), du « faire » (les actions) de

« l’être là » et de « l’être » (voir tableau 6.2 ci-après). Selon Max-Neef, le


besoin n’est pas défini seulement de manière négative, comme un vide, mais
il révèle également notre humanité et nos potentialités.

La théorie de l’auto-détermination de Ryan et Deci (Ryan, 1995 ; Ryan et


Deci, 2000) représente également une approche contemporaine de la
motivation et de la personnalité expliquant l’équilibre et le bien-être en
fonction de la satisfaction de trois types de besoins fondamentaux que sont
l’autonomie, la compétence et la relation. Ces derniers sont considérés
comme étant innés, universels et essentiels. Ils s’appliquent à tous les êtres
humains quels que soient leur genre, leur groupe d’appartenance ou leur
culture. Lorsqu’ils sont satisfaits, ils mènent au développement
psychologique, à l’intégrité et au bien-être. Dans le cas contraire, les
individus manifestent des signes de mal-

être et de dysfonctionnement. Selon cette théorie, la satisfaction de ces


besoins favorise un fonctionnement optimal dans les registres du
développement social et du bien-être personnel. De très nombreuses
recherches se font actuellement dans ce courant, dans des domaines aussi
divers que la santé, la motivation au travail, l’éducation ou la confiance en
soi.

1.4 En résumé
Tout en nous démarquant du principe de hiérarchisation, nous postulons, à la
suite de Maslow, Max-Neef, Ryan et Deci, que les besoins biologiques et
psychologiques :

– sont fondamentaux et universels ;

– se différencient des moyens (à rapporter aux buts et ressources) utilisés


pour les satisfaire et qui sont situationnels. Nous prenons les buts en
considération mais les envisageons comme autant de moyens possibles de

LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS

123

répondre à nos besoins. Les besoins sont donc pour nous à un niveau
conceptuellement supérieur à celui des buts.

– n’ont pas de valence : ils ne sont ni bons, ni mauvais par nature ;

– sont des paramètres indispensables à l’équilibre et au bien-être des


individus : si les émotions négatives sont activées par des besoins menacés
ou insatisfaits, et les émotions positives déclenchées par la satisfaction des
besoins, alors à long terme, l’insatisfaction répétée des besoins risque
d’avoir un impact sur la santé mentale et physique.

Un certain nombre de recherches apportent des arguments dans ce sens.

Parmi ces études, celle de Timmerman et Acton sur les relations entre
insatisfaction des besoins et désordres alimentaires émotionnels a montré
que moins une personne était satisfaite dans ses besoins fondamentaux, plus
elle avait de chance de s’engager dans des comportements boulimiques
(Timmerman et Acton, 2001). Les recherches montrent aussi que plus les
individus satisfont leurs besoins fondamentaux, moins ils ont de chances de
consommer des stupéfiants (García-Aurrecoechea, Díaz-Guerrero et
Medina-Mora, 2007), plus ils sont motivés à réussir académiquement (Faye
et Sharpe, 2008) et plus ils rapportent un niveau élevé de bien-être, tant
personnel que relationnel (Bettencourt et Sheldon, 2001 ; Patrick, Knee,
Canevello et Lonsbary, 2007).
Selon d’autres chercheurs, un grand nombre de difficultés et de pathologies
psychologiques trouvent leur origine dans la non-réalisation de ces besoins
(Ryan et Deci, 2005 ; Ryan, Deci, Grolnick et La Guardia, 2006). La notion
de besoin est également centrale dans la gestion des conflits. Pour de
nombreux auteurs, l’origine des conflits se trouve dans l’insatisfaction des
besoins fondamentaux. Un travail sur ces besoins apparaît comme un
élément central de la résolution des conflits (Burton, 1990 ; Kelman, 1996) .

124

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Tableau 6.2

La matrice des besoins de Max-Neef

Besoins

Être

Avoir

Faire

Interagir

fondamentaux

(qualités)

(choses)

(actions)

(situations)

Subsistance

Santé physique Nourriture, toit,


Nourrir,

Environnement

et mentale

travail

habiller, se

social et de vie

reposer,

travailler

Protection

Soin, adaptabi- Sécurité sociale, Coopérer, pla-

Environnement

lité, autonomie

système de

nifier, prendre

social, foyer

santé, travail

soin de, aider

Affection

Respect, sens de Amitiés, famille, Partager, pren-

Espaces
l’humour,

relations avec la

dre soin de,

d’intimité et de

générosité,

nature

faire l’amour,

rencontres

sensualité

exprimer son

vécu

Compréhen-

Esprit critique,

Littérature,

Analyser,

Écoles, familles,

sion

curiosité,

professeurs,

étudier, méditer,
universités,

intuition

éducation

investiguer

communautés

Participation

Réceptivité,

Responsabilités,

Coopérer,

Associations,

dévouement,

devoirs, travail,

contredire,

fêtes, églises,

sens de

droits

exprimer son

voisinages

l’humour

opinion
Loisir

Imagination,

Jeux, fêtes, paix

Se relaxer,

Paysages,

tranquillité,

d’esprit

s’amuser, se

nature, espaces

spontanéité

rappeler

intimes, espa-

ces de solitude

Création

Imagination,

Compétences,

Inventer,

Espaces

audace, inventi-

outils, travail,
construire,

d’expression,

vité, curiosité

techniques

travailler,

ateliers, public

composer,

interpréter

Identité

Sens de l’appar-

Langage, reli-

Se connaître, se Lieux de notre

tenance, estime

gions, travail,

développer,

vie quotidienne

de soi, consis-

coutumes,

s’engager

tance
valeurs, normes

Liberté

Autonomie, pas- Égalité des droits Être en désac-

Partout

sion, estime de

cord, choisir,

soi, ouverture

prendre des

d’esprit

risques,

développer sa

conscience

LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS

125

2 LA DIMENSION PRATIQUE DU TRAVAIL

SUR LES BESOINS

2.1 Les apports du travail sur les besoins

Travailler sur nos besoins permet de diminuer notre réactivité à


l’environnement et de devenir plus résilients. Cet apprentissage est un
processus progressif qui doit être envisagé sur le moyen et le long terme, et
qui ne remplace donc pas les outils de régulation que nous verrons au
chapitre 7.
Le concept de besoins fondamentaux est utile à bien des égards : il permet
aux individus de donner du sens à leur expérience et de disposer d’indica-
tions pour prendre soin de leur bien-être. Mais il donne en outre un sens
différent aux émotions dites négatives, lequel peut permettre aux individus
d’accepter celles-ci au lieu de les éviter.

Cet éclairage nouveau – qui présente les émotions comme un indicateur du


degré de satisfaction des besoins – disqualifie la catégorisation entre bonnes
et mauvaises émotions. Cette catégorisation, qui attache une connotation
morale aux émotions négatives (peur, colère, envie, etc.) a pour effet
d’amplifier les effets d’évitement des émotions négatives et est à la base de
nombreuses difficultés émotionnelles. La présente théorie conçoit au
contraire toutes les émotions comme potentiellement utiles en vertu du
message qu’elles délivrent en regard de nos besoins. Nous soutenons qu’une
telle conception contribue à faire baisser le caractère conflictuel des
émotions « négatives » et à en faciliter l’accueil (Kotsou, 2008).

Dans cette partie pratique, nous verrons comment utiliser ces concepts afin,
d’une part, de mieux accueillir nos émotions et, d’autre part, de prendre soin
de ce qui les motive, c’est-à-dire nos besoins fondamentaux. Nous le ferons
à partir de trois compétences de base : (1) la capacité à accueillir nos
émotions, (2) la capacité à reconnaître nos besoins et (3) la capacité à agir
pour satisfaire nos besoins.

Nous illustrerons ces compétences à partir de trois exemples sur lesquels


nous reviendrons tout au long du chapitre. Il s’agit des cas de Géraldine, de
Bert et de Chantal.

Le cas de Géraldine, Bert et Chantal

– Géraldine vient d’emménager dans une maison commune avec trois autres
personnes. Depuis le début, elle a d’énormes difficultés avec Marc, un des
colo-cataires. Elle a l’impression que celui-ci la méprise et essaye de la
diminuer devant les autres. Ce soir elle se trouve au salon, Marc rentre et lui
dit : « Tiens, tu as une vraiment une drôle de tête ce soir ! »

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.


126

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

– Bert vient de se faire convoquer par son directeur, Albert. Celui-ci lui
annonce qu’il est licencié, parce que ses résultats ne sont pas à la hauteur de
ce que l’entreprise attend, surtout dans ce contexte économique difficile.

– Chantal a été nommée responsable d’un nouveau projet et travaille


énormé-

ment depuis un an. Elle se sent très fatiguée et réagit à fleur de peau. Son
collè-

gue Pierre vient de lui faire un commentaire sur le dernier rapport qu’elle a
défendu en réunion. Elle le prend mal et lui répond en haussant le ton. Il
s’ensuit un échange vif qui débouche sur un conflit.

2.2 L’accueil des émotions

Envisager les émotions négatives comme ayant une fonction positive (nous
renseigner sur nos besoins) est un moyen puissant de se réconcilier avec
elles. La démarche d’accueil des émotions sans jugement est un processus
clinique bien connu qui, pour utiliser le langage paradoxal cher à l’école de
Palo Alto, permet « d’éviter l’évitement » (Fisch, Weakland et Segal, 1982).

Il tient d’ailleurs une place centrale dans diverses approches


psychothérapeutiques, notamment dans la thérapie centrée sur les émotions
de Greenberg (Greenberg, 2002), les thérapies basées sur la pleine
conscience (Kabat-Zinn, 2003 ; Segal, Williams et Teasdale, 2002) ou la
thérapie d’acceptation et d’engagement (Hayes, 2004).

Le choix du terme « accueil » et non « acceptation » vise à souligner le


processus actif et conscient d’attention et d’ouverture. La plupart des
individus n’adoptent cette attitude d’accueil que face aux émotions
identifiées comme positives (amour, joie, contentement) car leurs signaux
sont agréables, alors qu’ils cherchent au maximum à se débarrasser des
émotions

« négatives ». Cependant, ce n’est pas parce que le message n’est pas


agréable qu’il faut pour autant supprimer le messager. L’objectif est
d’adopter la même attitude d’accueil face aux émotions négatives, que les
individus sont d’ordinaire enclins à éviter.

Pour Barlow et ses collègues, l’évitement émotionnel peut entraîner de


nombreux troubles psychopathologiques (Barlow, Allen et Choate, 2004).

L’évitement, s’il peut être fonctionnel face à une menace physique externe
(j’évite un quartier dangereux ou une route où la circulation est par trop
chaotique), s’avère inefficace face aux émotions. Comme l’évitement nous
empêche de prendre conscience du message porté par nos émotions, un
cercle vicieux risque de s’instaurer : non seulement l’émotion persiste et se
renforce, mais la situation ne se règle pas et le mal-être interne augmente
(Philippot, 2007). Accueillir les émotions permet de mieux connaître nos
besoins importants. Savoir que celles-ci nous parlent de nos besoins nous
permet de les accepter plus facilement. Cela nous permet donc aussi de
mieux vivre nos émotions.

LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS

127

Émotion perçue

Tentative de

Échec de la

comme intolérable,

suppression de

suppression
inacceptable

l'émotion

Affect négatif

Émotion perçue

Rétablissement

Accueil de

comme tolérable,

naturel de

l'émotion

acceptable

l'humeur

Figure 6.4

Conséquences respectives de la suppression et de l’accueil des émotions


(adaptation de Barlow et al. , cités dans Philippot, 2007) Émotion et
comportement

Notre difficulté à accueillir certaines émotions se pose surtout lorsque nous


les considérons comme négatives. Or, il est important de bien comprendre
qu’aucune émotion n’est négative en tant que telle. Par définition, elles nous
renseignent sur le niveau de satisfaction de nos besoins et, dans cette
optique, elles sont toutes utiles. Néanmoins, il est important de différencier
l’émotion du comportement qu’elle induit. En effet, ce n’est pas parce que
l’émotion est utile que les comportements qu’elle provoque le sont
également. Contrairement à ce que pensent beaucoup d’entre nous, la colère
n’est pas une émotion négative dans l’absolu car elle nous renseigne sur nos
frustrations et nous insuffle l’énergie nécessaire pour réagir à la situation. En
revanche les comportements violents qui résultent d’une colère mal gérée
sont délétères.

2.3 La reconnaissance des besoins

Dans notre exemple, il serait intéressant que Géraldine, après avoir pris le
temps d’identifier son émotion (la colère), se pose la question des besoins
sous-jacents à ce sentiment. Peut être a-t-elle besoin de respect et d’estime
d’elle-même et qu’elle sent ces besoins menacés par le comportement de
Marc ?

Bert sent de l’anxiété et du dégoût. L’anxiété est reliée à son besoin de


sécurité face à la perspective de perdre son emploi, le dégoût à la nécessité
de se protéger de comportements qu’il considère comme nuisibles (l’entre-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

prise qui le remercie après 15 ans de loyaux services).

128

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Chantal a besoin de repos et de prendre soin d’elle-même. Elle a


certainement aussi besoin de reconnaissance, ce qu’elle espère trouver en
s’investis-sant à fond dans ce nouveau projet.

Différencier le déclencheur de l’émotion du besoin insatisfait aide à


comprendre ce qui motive nos états affectifs. L’émotion est souvent
déclenchée par un stimulus externe (les remarques de Marc, le licenciement,
le commentaire de Pierre). Ce déclencheur est à distinguer de la cause de
l’apparition de l’émotion (le besoin d’estime, le besoin de sécurité, le besoin
de repos et de reconnaissance), qui résulte de l’insatisfaction ou de la
menace qui plane sur nos besoins. Dans des situations de survie, face à une
émotion de base (comme la peur), le stimulus déclencheur de l’émotion et la
cause de l’émotion se confondent. En revanche, dans des situations ou pour
des émotions plus complexes, les besoins ne sont pas directement liés au
déclencheur. Le risque d’interprétation est alors plus grand, tout comme le
risque de mal identifier le besoin sous-jacent.
Exemple 1 (simple)

La peur à la vue d’un scorpion (élément déclencheur) se confond avec le


besoin menacé (sécurité).

Exemple 2 (complexe)

Une remarque blessante sur notre efficacité professionnelle (élément


déclencheur) fera naître en nous une émotion dont les racines sont peut-être
à chercher dans le besoin de reconnaissance ainsi contrecarré.

Quand nous ressentons une émotion désagréable, nous nous focalisons


souvent sur l’événement déclencheur sans travailler au niveau du besoin
(voir figure 6.5). Nous devrions pourtant procéder de manière opposée. En
effet, la focalisation sur le déclencheur amplifiera l’émotion, tandis que la
recherche et la compréhension du besoin à l’origine de celle-ci la
diminueront.

Émotion

Besoins

Événement

déclencheur

Figure 6.5

Déclencheur, émotion et besoin

LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS

129
Seligman, un des pères de la psychologie positive, pense que notre cerveau a
tendance à fonctionner de manière négative (2005). Pour lui, notre système
attentionnel s’oriente d’abord vers les aspects négatifs de l’environnement
afin d’affronter rapidement les dangers. Lors d’un épisode émotionnel, nous
avons tendance à nous focaliser en priorité sur le déclencheur de l’émotion,
qui correspond à un processus négatif relié à l’évitement (« que faire pour
éviter le danger ? ») plutôt que sur nos besoins, qui correspondent davantage
à un processus d’approche (« que faire pour les satisfaire ? »).

Identifier nos besoins n’est pas facile car c’est un raisonnement auquel nous
ne sommes pas habitués. Nous cherchons le plus souvent la « cause »

de notre émotion à l’extérieur. Ce processus facilite la recherche de la cause


(ou du « coupable ») – que l’on identifie beaucoup plus rapidement – mais a
pour effet pervers nous priver de toute emprise sur elle. Dans notre exemple,
Géraldine se sent remontée contre Marc, Bert en veut à Albert et Chantal
estime que le commentaire de Pierre est la cause de son mal-être. Si nos
personnages restent ainsi focalisés sur le déclencheur, ils auront beaucoup de
mal à mobiliser leurs moyens pour répondre efficacement à leurs besoins.

INT

Situation

déclenchante

RPRÉTA Émotion

TION Besoins

Figure 6.6

Composantes du processus de déclenchement de l’émotion La manière dont


nous interprétons le déclencheur a aussi toute son importance. Pouvoir
travailler sur la manière dont nous évaluons les événements (la manière dont
Géraldine interprète la remarque de Marc dans notre exemple) est un point
qui sera traité au chapitre 7, plus particulièrement dans la partie sur la
réévaluation cognitive.

Le schéma ci-dessus décrit le contexte dans lequel se déroule l’émotion :

– stimulus ou élément déclencheur (externe ou interne) ;

– évaluation cognitive (ou interprétation) de l’impact potentiel du stimulus

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

sur le besoin et du besoin sur lequel l’émotion apporte une information ;

130

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

– émotion déclenchée par le stimulus.

Comprendre mes besoins

– Qu’est-ce qui est réellement important pour moi dans cette situation ?

– De quel aspect fondamental de ma vie me parle cette émotion ?

– Quel est le message apporté par cette émotion ?

2.4 La satisfaction des besoins

Lorsque nous avons compris quel était le besoin en jeu, se pose alors la
question de la manière d’en prendre soin. Pour ce faire, il est fondamental de
distinguer les besoins des moyens mis en place pour les satisfaire. Alors que
les besoins sont universels mais limités, les moyens sont illimités mais
contextuels et culturellement influencés (le besoin de reconnaissance est un
besoin universel, et on pourrait imaginer une multitude de moyens pour y
répondre : une promotion, les remerciements du responsable, le
développement de nos propres compétences, etc.). Comme il y a de
nombreuses façons de satisfaire un besoin, il est bon de laisser notre
créativité s’exprimer pour choisir le moyen le plus efficace ou le plus
accessible, au lieu de se focaliser sur un moyen impossible à mettre en
œuvre. (Chantal a besoin de repos et aimerait partir en vacances,
malheureusement sa situation professionnelle ne le lui permet pas pour
l’instant. De quelle autre manière pourrait-elle répondre à ce besoin ?) Dans
le cas où nous ne trouvons pas le moyen qui apporte-rait un bien-être
concret, nous pouvons travailler sur nos pensées et nos croyances, comme
nous le verrons au chapitre 7.

La distinction entre besoins et moyens a toute son importance. Les moyens


que nous cherchons à mobiliser peuvent se trouver en nous (pratiquer la
relaxation) mais sont le plus souvent dans notre environnement et dépendent
de facteurs externes. Souvent, nous ne les maîtrisons pas totalement et nos
buts peuvent se révéler inaccessibles (attendre de la reconnaissance d’un
responsable qui n’estime pas devoir la donner, vouloir partir en vacances
alors que nous n’en avons pas les moyens). À ce moment-là, il est essentiel
de ne pas se focaliser sur l’échec de la stratégie mais d’en envisager une
autre (pour répondre à notre besoin de reconnaissance et d’estime de soi,
nous pouvons peut-être faire du théâtre, travailler à reconnaître nos propres
qualités, nous engager dans des activités qui ont du sens pour nous ; pour
prendre soin de nous, nous pouvons nous offrir un massage, faire une séance
de relaxation, aller parler avec un(e) ami(e) réconfortant(e), prendre un
bain…). Les recherches montrent que les individus qui accordent une grande
importance à des buts extrinsèques (apparence, popularité, richesse) tendent

LA COMPRÉHENSION DES ÉMOTIONS

131

à être en moins bonne santé mentale que ceux qui se centrent sur des
paramètres intrinsèques (intimité, développement personnel) (Kasser, Ryan,
Zax et Sameroff, 1995). D’autres études ont également montré que lorsque
leurs besoins sont contrariés, les individus orientés vers des buts
extrinsèques ont tendance à se tourner vers des substituts (comme le tabac et
l’alcool) plutôt que d’être conscients de l’importance de ces besoins
(Williams, Cox, Hedberg et Deci, 2000).

Avoir assez
Changer de

d'argent pour ne

travail,

pas devoir

d'habitation, etc.

y penser

LIBERTÉ

Ne pas travailler

Travailler à son

propre compte

(Besoin)

Partir en

Travailler sa

vacances

confiance en soi

sac à dos

Figure 6.7

Différents moyens possibles pour répondre au même besoin Distinguer


besoins et moyens permet de se responsabiliser et d’être plus autonomes.
Pour pouvoir agir de manière efficiente, il est important d’être centrés et de
diriger notre énergie vers ce qui est sous notre contrôle. Barlow a mis en
évidence que la perte de contrôle était un des éléments déclencheurs du cycle
de l’anxiété (Barlow, 2002). Nous centrer sur les ressources disponibles
contribue à diminuer notre anxiété et permet de développer la confiance en
nos ressources et notre sentiment d’auto-efficacité (Bandura, 1982).

Distinguer besoins et moyens

Lorsque nous sommes contrariés devant un besoin insatisfait, il est utile de


réévaluer la frontière entre besoin et moyen.

– « Quel besoin se cache derrière ce que je désire ? »

– « Ai-je plusieurs alternatives pour y répondre ? »

– « De quelle autre manière pourrais-je satisfaire ce besoin ? »

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

132

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

3 CONCLUSION

Comprendre l’origine de nos émotions permet de diminuer notre


réactivité émotionnelle et d’améliorer notre équilibre émotionnel à long
terme. Il est capital d’accueillir l’émotion parce que l’évitement émotionnel
est à la base de nombreuses pathologies. Identifier le besoin sous-jacent à
l’émotion facilite l’accueil de celle-ci car cela lui confère un sens positif :
l’émotion nous informe que notre équilibre est menacé et qu’une action doit
être entreprise afin de le restaurer. L’étape de l’identification des besoins
permet aussi de clarifier nos objectifs. Dans le choix de l’action à
entreprendre, on attachera une importance toute particulière au paramètre de
contrôlabilité. Il est important de nous centrer sur les moyens et ressources
qui sont en notre pouvoir plutôt que sur les éléments qui échappent à notre
influence.

Dans cette optique, les émotions, et plus singulièrement les émotions


négatives, ne sont plus un élément gênant dont il faut se débarrasser. Elles
font partie d’un système régulateur qui nous informe sur ce qui est
réellement important pour notre bien-être – nos besoins – et nous donne des
indications essentielles pour mieux les satisfaire.

Chapitre 7

INTRODUCTION

À LA RÉGULATION

DES ÉMOTIONS1

1. Par Moïra Mikolajczak.

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, les émotions constituent des


systèmes très efficaces. Il s’agit néanmoins de mécanismes très anciens. Si
les émotions étaient probablement parfaitement ajustées à l’existence de nos
ancêtres des cavernes, l’homme moderne doit, quant à lui, les réguler
beaucoup plus souvent.

Tout d’abord, notre espérance de vie est trois fois plus longue que celle de
nos prédécesseurs, ce qui fait autant d’épisodes émotionnels en plus.

Ensuite, la société moderne offre bon nombre de situations génératrices


d’émotions auxquelles nos ancêtres n’étaient pas confrontés. Par exemple,
ces derniers n’avaient pas d’argent et ne connaissaient donc nullement les
tentations y afférant. En outre, nul besoin pour eux de réguler
l’enthousiasme lié à la vue d’un vêtement ou d’un cabriolet magnifiques
mais impayables !

De la même manière, ils ne connaissaient pas les émotions très particulières


que génèrent certains chauffards, ni non plus la colère mêlée d’impuissance
que nous ressentons dans les embouteillages !

Bref, la vie quotidienne nous fournit notre lot d’émotions et certaines d’entre
elles doivent être régulées. En effet, aussi fonctionnelles soient-elles, les
émotions peuvent incontestablement nous amener à avoir des paroles ou à
poser des actes regrettables (Gross, 2008). C’est le cas, par exemple, lorsque
l’ennui nous conduit à procrastiner au lieu d’avancer ou lorsqu’un accès de
colère à l’encontre d’un agent communal ne fait qu’aggraver notre situation.
Le présent chapitre constitue une introduction à la régulation émotionnelle.
Nous y découvrirons quand les émotions doivent être régulées, quelles sont
les différentes formes de régulation et pourquoi il est si important d’être
capable de réguler ses émotions. Nous tenterons également d’expliquer
pourquoi certains individus parviennent relativement aisément à réguler
leurs émotions, alors que d’autres se retrouvent littéralement submergés par

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ces dernières.

136

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

1 ÉMOTIONS FONCTIONNELLES

ET DYSFONCTIONNELLES

Outre le fait qu’elles facilitent l’adaptation à l’environnement, les émotions


colorent l’existence. C’est grâce à elles que nous nous sentons pleinement
vivants. Il serait dès lors absurde de prôner une répression ou une régulation
à tout va ! Il est au contraire fondamental de pouvoir s’ouvrir aux émotions,
de jouir des bénéfices qu’elles apportent. Nous devons en revanche être en
mesure de réguler nos émotions lorsqu’elles sont dysfonctionnelles, c’est-à-

dire quand elles sont en désaccord avec nos objectifs ou qu’elles sont
inappropriées au contexte.

(1) Il existe un ensemble de situations dans lesquelles l’émotion doit être


régulée parce qu’elle est en désaccord avec les objectifs de l’individu. Les
plus fréquentes sont les suivantes :

– l’émotion nuit au bien-être de l’individu. Le sentiment de honte qui suit un


faux pas doit ainsi être régulé afin de préserver le bien-être ;

– l’émotion nuit à la performance au travail. La tristesse liée à une dispute


avec le conjoint ou l’excitation à la perspective d’une bonne soirée doivent
être régulées si elles nuisent à la concentration ;
– l’émotion a un effet délétère sur autrui, effet que l’individu souhaite éviter.
Il est utile, par exemple, de réguler la colère que l’on éprouve vis-à-vis de
son employeur afin de ne pas la reporter sur ses proches en rentrant à la
maison.

(2) Il existe d’autres situations dans lesquelles l’émotion doit être régulée
parce qu’elle ne concorde pas avec les règles d’expression émotionnelle.

Considérons un instant la situation suivante. Vous faites la file à la poste


pour réceptionner un colis. Comme la majorité des employés du pays, vous
vous y rendez sur le temps de midi car les guichets sont fermés à l’heure où
vous quittez le bureau. La file paraît longue mais, avec un peu de chance,
vous disposerez de juste assez de temps pour courir acheter un sandwich
avant de retourner travailler. Après 25 minutes d’attente, c’est bientôt votre
tour. C’est malheureusement le moment choisi par une personne âgée pour
envoyer un recommandé.

Entre les « je ne sais pas lire le formulaire, les caractères sont trop petits » et
les

« vous ai-je dit que mon fils cadet, vous savez celui qui est parti en France,
etc. », vous perdez patience et vous sentez monter en vous la colère. Votre
cœur s’accélère, votre tension grimpe, le feu vous monte aux joues et vos
poings se crispent. Vous préparez une remarque cinglante à l’attention de
cette personne.

Pourtant au dernier moment, vous pincez vos lèvres et vous vous abstenez.
Vous réalisez qu’un accès de colère ne ferait qu’aggraver la situation, pour
vous, pour la cliente et pour l’employé.

INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

137

Ainsi que l’illustre l’exemple ci-dessus, le bon fonctionnement des rapports


sociaux dépend en grande partie de la manière dont les individus expriment
et régulent leurs émotions. Il s’agit même là d’une condition sine qua non à
la pérennité de la civilisation (Gross et Thompson, 2007). On a vite fait
d’imaginer, en effet, le désordre qui régnerait si chacun exprimait à loisir sa
colère, sa tristesse ou encore sa jalousie, etc.

Les règles d’expression émotionnelle (Ekman, Sorenson et Friesen, 1969)


renvoient aux normes en matière d’expression des émotions : quelle(s)
émotion(s) peut-on ou doit-on exprimer dans tel contexte ? Chaque culture,
chaque famille, chaque entreprise possède ses propres normes. Les
différences culturelles au niveau émotionnel sont relativement connues et
l’on oppose souvent, à raison, les Asiatiques – de nature plus réservée – aux
Américains – plus expressifs (Matsumoto, 1990). Il en va de même au
niveau des entreprises et, notamment, des secteurs professionnels. Ainsi, les
agences de publicité sont connues pour avoir des normes émotionnelles très
labiles : on n’hésite pas à y afficher ses émotions ni à y exprimer des
émotions extrêmes (surtout si l’on fait partie du team créatif !). Les banques
prescrivent au contraire un environnement relativement dénué d’émotions (à
l’exception d’occasions telles que drinks, family days, team buildings, etc.).
Une caractéristique commune à de nombreuses entreprises, surtout dans les
services en contact avec la clientèle, réside néanmoins en la valorisation de
l’expression des émotions positives et l’inhibition des émotions négatives –

notons que c’est l’inverse dans les entreprises de pompes funèbres et d’huis-
siers de justice – (Hochschild, 1983). On retrouve de telles différences de
normes entre les familles. Alors que certaines familles valorisent
l’expression des émotions, ces dernières constituent un sujet tout à fait tabou
dans d’autres. Il existe aussi des familles dans lesquelles il est permis
d’exprimer des émotions positives (joie, intérêt, enthousiasme) mais où
l’expression d’émotions négatives (ex. tristesse, colère, peur) est proscrite.
Dans d’autres familles, c’est l’inverse.

En résumé, les normes sociales imposent de réguler les émotions qui ne


cadrent pas avec les règles d’expression émotionnelle propres au groupe
d’appartenance. Nous avons tous dû, au moins une fois dans notre vie,
réguler notre colère afin de ne pas nous emporter en public, ne pas laisser
percevoir notre agacement face à des clients particulièrement contrariants,
ou conserver notre sourire à la vue d’un cadeau qui ne nous plaisait
absolument pas. Les exemples et les situations qui attestent de la nécessité
de réguler ses émotions abondent.

138

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 L’OBJET DE LA RÉGULATION

ÉMOTIONNELLE

Comme nous l’avons suggéré dans les lignes qui précèdent, ce que l’on
entend par « régulation émotionnelle » ne se limite pas simplement à « se
défaire de ses émotions négatives ». En réalité, la régulation émotionnelle
recouvre l’ensemble des processus par lesquels l’individu va modifier son
émotion. La régulation émotionnelle peut servir à modifier différents
paramètres (Gross et Thompson, 2007).

• Le type d’émotion
Le cas le plus classique de régulation est de tenter de passer d’une émotion
négative à une absence d’émotion, voire à une émotion positive. Par
exemple, essayer de transformer l’ennui (pour une tâche, une conversation)
en intérêt. Ceci étant dit, on choisit aussi parfois, mais plus rarement, de
changer de type d’émotion au sein de la même valence1 affective. C’est le
cas lorsque l’on essaye de convertir sa tristesse ou sa déception en colère
après avoir été trompé par son (sa) partenaire.

• L’ intensité de l’émotion

On peut rester dans le même registre émotionnel mais choisir de diminuer


simplement l’intensité de l’émotion ressentie. On peut ainsi réguler
l’excitation que l’on ressent à la perspective des vacances afin de pouvoir se
concentrer et clôturer les dossiers en cours. De même, on peut choisir de
rester en colère à l’égard d’un(e) subordonné(e) qui a abusé du système mais
décider de modérer cette colère afin qu’elle ne handicape pas notre propre
travail.

• La durée de l’émotion

Il s’agit ici de prolonger ou au contraire d’écourter une émotion. Nous


pouvons, par exemple, savourer un moment de bonheur afin de le prolonger
un maximum. On peut aussi tourner la page et écourter la tristesse que l’on a
éprouvée à la suite de la perte d’un emploi.

• Une ou plusieurs composantes de l’émotion Il est possible de modifier


toutes les composantes de l’émotion, de sorte de ne plus rien ressentir du
tout, ou de modifier uniquement la composante expressive afin que l’on ne
puisse pas deviner de l’extérieur ce que l’on ressent à l’intérieur.

1. La valence renvoie au caractère positif (plaisante) versus négatif


(déplaisante) d’une émotion.

Les émotions de valence négative sont la tristesse, la colère, la peur, la


honte, etc. Les émotions de valence positive sont la joie, l’intérêt, la fierté,
etc.

INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS


139

3 LES DIFFÉRENTES FORMES

DE RÉGULATION ÉMOTIONNELLE

Bien que les individus tentent le plus souvent de se défaire de leurs émotions
négatives, la régulation émotionnelle ne se limite pas aux émotions
négatives. Il arrive ainsi que l’on doive réduire l’intensité d’émotions
positives, par exemple diminuer la joie liée à la réussite d’un examen en
présence d’un ami qui a échoué.

Pour complexifier encore les choses, la régulation émotionnelle ne vise pas


toujours à diminuer l’intensité des émotions, elle peut également viser à
maintenir ou à augmenter l’intensité des émotions.

Il existe donc 4 grands types de régulation émotionnelle, selon que l’on


augmente ou diminue l’émotion, et selon que cette dernière est de valence
positive ou négative (Gross, 2008). Le tableau 7.1 schématise ces quatre
formes de régulation.

Tableau 7.1

Les quatre formes de régulation émotionnelle

Diminuer

Augmenter

Diminuer l’anxiété liée à une

Augmenter l’expression de tris-

Émotion

échéance imminente, ou la tris-

tesse dans le cas des employés


négative

tesse occasionnée par une rupture

de pompes funèbres, etc.

sentimentale, etc.

Masquer sa joie lorsqu’on a

Essayer de profiter un maxi-

obtenu une promotion qu’un collè- mum du dernier jour des vacan-

Émotion positive gue espérait ou lorsqu’on a réussi ces, augmenter son


intérêt pour un examen qu’un ami a raté, etc.

un cours, etc.

Les deux formes de régulation les plus fréquentes sont la diminution des
émotions négatives et l’augmentation des émotions positives (Gross,
Richards et John, 2006). La diminution des émotions négatives est la forme
de régulation la plus fréquente ( id.). Nous la pratiquons dans de nombreuses
situations, certaines tout à fait banales comme le stress des embouteillages
ou celui d’avoir perdu nos clés, d’autres dont les enjeux sont beaucoup plus
importants comme une rupture sentimentale ou la colère d’avoir été traité
injustement. Dans toutes ces situations, nous essayons de diminuer
l’intensité de nos émotions négatives afin de maintenir un fonctionnement
normal.

Le chapitre 8 sera entièrement consacré à cette question. Nous y


découvrirons quelles sont les stratégies les plus efficaces pour gérer nos
émotions

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négatives.

140
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La seconde forme de régulation émotionnelle la plus fréquente est la


maintenance ou l’augmentation de l’intensité des émotions positives.

Différentes raisons nous conduisent à pratiquer cette forme de régulation.

Ce peut être (a) par pur hédonisme, lorsque nous essayons de prolonger un
moment de bonheur, (b) pour répondre à des contraintes sociales comme
lorsque nous nous efforçons de trouver drôle la dernière blague racontée par
notre collègue ou (c) pour soutenir la performance, lorsque nous tentons
d’augmenter son intérêt pour un cours ou une tâche. Le chapitre 9

détaillera les stratégies les plus efficientes pour maximaliser ou prolonger


ses affects positifs.

La diminution des émotions positives et l’augmentation des émotions


négatives sont plus rares, mais elles sont néanmoins utiles dans certaines
situations. La plupart des individus ne pratiquent l’augmentation des
émotions négatives que dans des situations spécifiques et à des dessins bien
particuliers. Les exemples les plus classiques sont l’augmentation ou la
maintenance d’un certain niveau d’anxiété afin de soutenir la performance
avant une évaluation importante (voir Tamir, 2005). Un autre exemple
fréquent consiste à augmenter les manifestations de tristesse afin de recevoir
du soutien ou de l’affection (Shipman, Zeman, Nesin et Fitzgerald, 2003), ou
à augmenter les manifestations de colère afin d’intimider l’adversaire et
d’arriver à ses fins (Clark, Pataki et Carver, 1996 ; Tiedens, 2001). Comme
nous l’avons souligné ci-dessus, certaines professions requièrent
l’expression d’émotions négatives et exigent des employés qu’ils soient
capables de générer et d’augmenter facilement des émotions négatives. C’est
le cas, par exemple, des huis-siers de justice à qui l’on demande de se mettre
en colère afin d’intimider les débiteurs et d’augmenter ainsi la probabilité
que ceux-ci remboursent leurs dettes.

Finalement, il existe des situations qui requièrent de diminuer, voire de


supprimer ses émotions positives. On utilise cette forme de régulation afin
de faciliter sa performance (ex. lorsque l’on essaye de différer son excitation
à l’idée du week-end afin de finir les tâches en cours), afin de s’aligner aux
normes en matière d’expression émotionnelle (ex. on ne saute pas de joie en
comité de direction ou lors d’un examen oral, même si l’on vient
d’apprendre une bonne nouvelle) ou afin de répondre à des contraintes
sociales. Ainsi, même si vous débordez de bonheur et de fierté après
l’obtention d’une promotion ou la réussite d’un examen, il sera
indispensable de masquer votre joie si votre ami n’a pas obtenu la même
promotion ou a échoué à l’examen.

En dépit de l’existence de ces quatre formes de régulation émotionnelle,


nous nous centrerons sur les deux formes les plus fréquentes. Le chapitre 8

se focalisera sur la diminution des émotions négatives. Le chapitre 9


abordera l’augmentation des émotions positives.

INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

141

Avant de développer notre propos, il est important de préciser que la


régulation peut être faite de manière contrôlée (consciente) ou automatique
(inconsciente). En fait, la plupart des épisodes de régulation se déroulent en
dehors du champ de la conscience. À force d’être répétés, les processus de
régulation s’automatisent. Cette automatisation facilite grandement la vie de
l’individu parce qu’elle rend la régulation rapide et peu coûteuse en termes
de ressources investies. Néanmoins, comme nous le verrons plus loin, cette
automatisation joue aussi parfois contre l’individu parce qu’elle rend tout
changement à ce niveau beaucoup plus difficile.

4 L’IMPORTANCE DE LA RÉGULATION

ÉMOTIONNELLE

Nous avons vu que les émotions devaient être régulées lorsqu’elles ne sont
pas en accord avec les normes en matière d’expression émotionnelle ou
lorsqu’elles ont des conséquences négatives pour le bien-être de l’individu,
pour sa performance ou pour autrui.

De manière plus générale, les recherches ont montré que la capacité à


réguler ses émotions était une aptitude essentielle, et que cette aptitude avait
des conséquences fondamentales dans au moins cinq grands domaines de la
vie.

4.1 Les relations sociales

Les individus qui gèrent mal leurs émotions ont moins d’amis, ont des
relations sociales et conjugales de moindre qualité, et rencontrent plus
fréquemment des conflits interpersonnels (ex. Lopes et al. , 2005 ; Schutte et
al. , 2001). Ces personnes sont aussi moins appréciées par leurs pairs (ex.
Gross, 2002). Tout cela est relativement logique : si nous nous mettons
constamment en colère envers nos proches, si nous sommes perpétuellement
tristes, si nous ne parvenons pas à contrôler notre jalousie, les gens finiront
par nous tourner le dos !

4.2 La performance (académique ou professionnelle)

Les étudiants qui éprouvent des difficultés à gérer leurs émotions réussissent
significativement moins bien à l’école et à l’Université (ex. Gumora et
Arsenio, 2002 ; Leroy et Grégoire, 2007). Deux processus participent sans

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doute à cet effet : la gestion des émotions négatives (anxiété, ennui) et la

142

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

gestion des émotions positives (intérêt, enthousiasme). Les étudiants qui ne


parviennent pas à diminuer l’anxiété ou l’ennui que leur inspire un cours
passent souvent plus de temps à ruminer ou à procrastiner qu’à étudier. De
même, les étudiants qui n’arrivent pas à maintenir leur intérêt pour une
matière ou leur enthousiasme à l’égard d’un projet abandonneront plus
facilement.

Les mêmes processus restent d’application dans le monde professionnel.

Les personnes qui gèrent bien leurs émotions sont ainsi plus performantes
dans les tâches qu’elles doivent effectuer. Ainsi, les équipes hospitalières
dans lesquelles les infirmier(e)s ont de bonnes capacités à gérer leurs
émotions prodiguent des soins de meilleure qualité et respectent plus
volontiers les normes d’hygiène de l’hôpital (Quoidbach et Hansenne, 2009).
La capacité à gérer ses émotions joue également un rôle majeur dans les
professions de service. Les vendeurs qui gèrent bien leurs émotions voient
leurs clients plus satisfaits et plus enclins à refaire appel aux services de
l’entreprise (Grandey, 2003).

Finalement, les recherches ont montré que les personnes qui gèrent mal leurs
émotions ont statistiquement plus de risques de se retrouver au chômage que
les autres (Mikolajczak, Luminet, Leroy et Roy, 2007). Il y a, ici aussi, au
moins deux explications possibles à cet effet : l’une est relative à l’obtention
d’un travail, l’autre concerne la perte de son travail. Les personnes qui ont
du mal à gérer leur anxiété (ex. lors d’un entretien d’embauche) éprouvent
plus de difficultés à obtenir du travail. Celles qui ont du mal à gérer leur
colère ont plus de difficultés à garder leur emploi (altercations avec le
supérieur, les clients, etc.).

4.3 Le bien-être et les troubles psychologiques

De manière peu surprenante, les personnes qui ne parviennent pas à gérer


leurs émotions rapportent être moins heureuses et avoir une qualité de vie
inférieure aux autres. Les études indiquent que ces dernières sont en outre
beaucoup plus à risque de développer des troubles psychologiques que les
autres (ex. tomber en dépression, souffrir de crises d’angoisse, développer
des phobies multiples ou faire un burn-out) (ex. Gross et Munoz, 1995 ;
Mikolajczak, Luminet et al. , 2007 ; Mikolajczak, Luminet et Menil, 2006 ;
Mikolajczak, Menil et Luminet, 2007). À nouveau, ceci apparaît
relativement logique : il n’y a rien d’étonnant à ce que les personnes qui ne
parviennent pas à réguler leur tristesse finissent par faire une dépression, que
les personnes qui ne parviennent pas à réguler leur peur finissent par
développer l’une ou l’autre phobie, que celles qui ne parviennent pas à
réguler leur colère finissent par présenter des troubles du comportement, etc.

INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

143
4.4 La santé physique

La difficulté à réguler ses émotions, et spécifiquement la difficulté à


diminuer ses émotions négatives, constitue un facteur de risque dans le
développement ou l’aggravation de différentes maladies, telles que l’asthme,
le diabète, les maladies gastro-intestinales, les maladies cardiovasculaires et,
même, certains cancers (ex. Blumenthal et al. , 2005 ; Lehrer, Isenberg et
Hochron, 1993 ; Spiegel et Giese-Davis, 2003 ; Thurin et Baumann, 2003).

La raison est simple : les émotions ont une contrepartie biologique. Lorsque
l’on est en colère, on ne se dit pas simplement « je suis en colère » mais on
éprouve physiquement cette colère : on a le cœur qui s’accélère, les muscles
des bras et des mains qui se crispent, les joues en feu, etc. Ces
manifestations sont le résultat de changements au niveau de l’activité de
différents neuro-transmetteurs et de la libération de certaines hormones.

Comme nous l’avons vu au chapitre 2, le stress engendre une cascade de


réactions qui aboutissent à la libération d’une hormone appelée cortisol. À

court terme, la libération du cortisol est fonctionnelle car elle fournit à


l’organisme l’énergie nécessaire (sucres, oxygène) pour faire face au
stresseur. Le cortisol permet ainsi la transformation des graisses en sucres
dans le foie, l’orientation prioritaire du sang vers le cerveau et les muscles
(afin de pouvoir réfléchir et, le cas échéant, se battre ou courir), la mise au
repos des systèmes qui ne sont pas directement utiles à la gestion de la
menace (comme par exemple les systèmes digestif et reproducteur). De
même, les réactions immunitaires sont temporairement amoindries afin que,
si l’individu se blesse durant sa fuite, l’énergie ne soit pas consommée par la
blessure mais reste disponible pour l’action. Aussi fonctionnelle que soit
l’action du cortisol à court terme, elle pose problème lorsqu’elle est
prolongée. Ainsi, lorsqu’un stress persiste ou qu’il n’est pas régulé, on
observe, entre autres, un dérèglement de la glycémie (facteur d’aggravation
du diabète), des troubles gastro-intestinaux, une baisse du désir sexuel (à
cause de la mise au repos de ces systèmes), et une vulnérabilité accrue aux
virus (en raison de la baisse prolongée de l’immunité). Parallèlement à la
libération du cortisol, le stress engendre la libération d’adrénaline, laquelle a
pour fonction d’accélé-
rer le rythme cardiaque afin de dépêcher l’apport d’oxygène et de sucre dans
les tissus.

Ces mêmes médiateurs chimiques et/ou d’autres interviennent dans diffé-

rentes émotions, avec le même résultat : un effet positif à court terme et un


effet délétère si l’émotion n’est pas régulée. Ainsi, les personnes qui se
mettent en colère pour un rien ont significativement plus de risques de
développer des troubles cardio-vasculaires (en raison de l’accélération
prolongée du rythme cardiaque).

144

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

4.5 La gestion des ressources matérielles


La gestion des ressources matérielles et financières constitue un aspect
important de notre vie, parce qu’il est directement lié à notre subsistance.

Contrairement à ce qu’ont longtemps cru les économistes, les individus ne


gèrent pas leur argent de manière rationnelle. Ce phénomène s’observe dans
la vie quotidienne mais également, et de manière plus surprenante peut-être,
au niveau des investissements en bourse. Comme l’ont montré les
psychologues Kahneman et Tversky, les investisseurs ne réagissent pas de la
même manière aux pertes qu’aux gains. Ce déséquilibre a fait l’objet d’une
des théories les plus influentes en économie : la théorie des perspectives ou

« prospect theory » (Kahneman et Tversky, 1979), pour laquelle les auteurs


ont d’ailleurs reçu le prix Nobel d’économie. Son principe est illustré dans la
figure 7.1.

Figure 7.1

Le rapport entre valeur objective et valeur subjective dans la théorie des


perspectives

On observe principalement deux choses dans cette figure (Salovey, 2001).

Premièrement, la valeur subjective d’une unité de gain est inférieure à celle


d’une unité de pertes. Le sentiment positif qui suit un gain X est inférieur au
sentiment négatif qui suit la perte de la même somme. En d’autres termes,

INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

145

« gagner 10 000 €, c’est chouette, mais en perdre 10 000 est une catastrophe
».

Nous allons donc tâcher d’éviter les pertes plutôt que de maximiser les
gains.

Deuxièmement, la manière dont la courbe s’aplanit avec le temps, tant pour


les gains que pour les pertes, indique qu’après avoir atteint un certain seuil,
le sentiment positif ou négatif qui suit les gains ou les pertes n’augmente
plus de manière significative, et ce quelle que soit la valeur de ces gains ou
de ces pertes. Ainsi, une fois que nous nous sentons bien après un certain
gain, il est peu probable que nous nous sentions beaucoup mieux en gagnant
plus. De même, une fois que nous nous sentons mal après un certain niveau
de perte, il est peu probable que nous nous sentions beaucoup plus mal en
perdant plus. Cette théorie rend ainsi compte d’une observation que les
modèles rationnels économiques ne pouvaient expliquer : la tendance des
investisseurs à vendre prématurément les actions qui rapportent, et à
conserver trop longtemps celles qui déclinent.

D’un point de vue émotionnel, la théorie des perspectives ( prospect theory)


peut être conceptualisée en termes de fierté et de regret (Salovey, 2001). Les
individus tendent à rechercher la fierté et à éviter le regret. Lorsque nous
vendons une action qui rapporte, nous pouvons être fiers de nos gains. Nous
pouvons également nous féliciter d’avoir eu raison sur la qualité de l’action.
En revanche, si nous vendions une action qui périclite, nous accuserions une
perte tangible regrettable. Nous devrions également admettre nous être
trompés quant à la qualité de cette action. Tant que nous ne vendons pas, la
perte n’est pas réelle et nous ne nous sommes pas encore

« vraiment » trompés. Pas de vente, pas de regret.

L’influence des émotions sur les comportements des investisseurs met en


évidence l’utilité d’une bonne gestion émotionnelle. Les individus capables
de réguler leur joie et leur regret auront davantage tendance à poser les bons
comportements.

Nous venons de voir pourquoi il était capital de pouvoir réguler ses


émotions. Il suffit toutefois de regarder autour de soi pour se rendre compte
que les individus diffèrent considérablement dans leur capacité à gérer leurs
émotions. Dans la section suivante, nous allons examiner la provenance de
ces différences.

5 LES SOURCES DE DIFFÉRENCES

ENTRE LES INDIVIDUS


Les facteurs qui influencent les aptitudes de régulation d’un individu
peuvent être regroupés en deux grandes classes : les facteurs génétiques et
les

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

facteurs environnementaux.

146

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

5.1 Les facteurs génétiques

Des chercheurs ont récemment découvert l’existence de deux gènes


impliqués dans les troubles de la régulation émotionnelle. Le premier, 5-
HTT, détermine en partie la réactivité de l’amygdale (voir Munafo, Brown et
Hariri, 2008 pour une méta-analyse). Les sujets porteurs de l’allèle court
sont plus réactifs émotionnellement. Le second, COMT, est davantage en
lien avec les zones frontales et détermine en partie la qualité de la régulation.

Ainsi, 5-HTT expliquerait que certains aient plus vite peur que d’autres et
COMPT expliquerait pourquoi certains ont du mal à réguler cette peur (voir
point 7. ci-dessous : « Réactivité et régulation ») (Lonsdorf et al. , 2009).

Il est important de bien comprendre cette notion de vulnérabilité. Être


vulnérable veut dire être à risque. Une personne dite « à risque » ne va pas
automatiquement présenter le problème. Elle ne le présentera que si elle
combine ce facteur de risque génétique avec des facteurs de risques
environnementaux. Une personne qui possède l’allèle court du transporteur
5-HTTLPR est plus vulnérable : elle risque plus de présenter des troubles
émotionnels qu’une personne avec un allèle long. Néanmoins, une personne
avec un allèle court peut gérer ses émotions de manière efficace si les
facteurs environnementaux lui sont favorables. Ainsi, une personne porteuse
de l’allèle court qui n’est pas confrontée à des événements de vie
excessivement stressants dans l’enfance, qui a des parents chaleureux, qui
gèrent bien leurs émotions et qui lui apprennent à bien gérer les siennes,
régulera probablement mieux ses émotions qu’une personne porteuse de
l’allèle long mais qui a été abusée durant son enfance, dont les parents
parlaient peu et régulaient mal leurs émotions.

5.2 Les facteurs environnementaux

Nous avons dit plus haut qu’une personne avec un allèle court pouvait gérer
ses émotions de manière efficace si les facteurs environnementaux lui étaient
favorables. De la même manière, une personne possédant l’allèle long pourra
mal gérer ses émotions si les facteurs environnementaux lui sont
défavorables.

Quels sont les principaux facteurs environnementaux déterminant la capacité


à gérer ses émotions ?

– Le premier facteur est ce qu’on appelle l’attachement, c’est-à-dire la


qualité du lien entre l’enfant et ses parents (Bowlby, 1973). L’affection que
les parents témoignent à l’enfant, la tendresse physique, la sécurité du lien,
la capacité des parents à identifier les besoins de l’enfant et à y répondre
adéquatement, etc., contribueront à déterminer ce que l’on appellera la «

réactivité émotionnelle

» de l’enfant. Un enfant dit

INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

147

« sécurisé » éprouvera moins d’émotions négatives et les ressentira de


manière beaucoup moins intense qu’un enfant dit « insécurisé » (Cassidy,
1994 ; Thompson, 1994). Le travail de régulation sera donc moins difficile
pour le premier que pour le second.

– Le second facteur concerne la capacité des parents à gérer leurs


émotions. L’enfant apprend dès son plus jeune âge par observation
(Bandura, 1965). Le comportement des parents a ainsi une grande
importance sur le développement de l’enfant. Un enfant qui voit ses parents
se mettre en colère régulièrement, casser des objets quand ils sont énervés,
boire pour anesthésier leurs émotions retiendra ces manières d’agir et aura
tendance à les reproduire (voir Thompson, 1994).

– Le troisième facteur est relatif aux événements traumatiques. De


nombreuses études ont montré que l’exposition précoce à un événement
traumatique affecte profondément le fonctionnement cérébral et endocrinien
de l’enfant, le rendant plus vulnérable face aux événements de vie ultérieurs
(ex. Schore, 2001 ; Heim et Nemeroff, 2001). Une dépression ou un stress
chronique et élevé chez la mère durant la grossesse rendra également
l’enfant plus vulnérable (ex. Essex, Klein, Cho et Kalin, 2002).

Il est à noter que nous parlons ici des facteurs qui vont façonner les capacités
d’un individu à réguler ses émotions dans l’absolu. Nous ne parlons pas des
événements qui, au cours de la vie, vont faciliter ou au contraire dégrader la
capacité d’un individu à gérer ses émotions. Il va de soi, par exemple,
qu’une accumulation d’événements de vie difficiles rendra la gestion des
émotions difficile chez toute personne en raison de l’épuisement de ses
ressources (Baumeister, 2002).

6 UNE CONFIGURATION

ET UN FONCTIONNEMENT PARTICULIERS

DU CERVEAU

L’interaction des facteurs génétiques et environnementaux aboutit à une


configuration et à un fonctionnement particuliers du cerveau.

Les corrélats cérébraux des différences individuelles dans la régulation


émotionnelle sont encore, à l’heure actuelle, très peu connus. Néanmoins, un
chercheur américain, Richard Davidson, a découvert que les personnes qui
régulaient bien leurs émotions avaient le cortex préfrontal gauche
proportionnellement plus activé que le droit, même au repos (ex. Davidson,
2004 ;

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Davidson, 1998).
Livre9782100532810.book Page 148 Mardi, 8. septembre 2009 4:24 16

148

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Figure 7.2

Situation du cortex préfrontal dans le cerveau

( Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ed/BrainLobes-

Labelled.jpg)
Les hémisphères gauche et droit du cortex préfrontal correspondraient à
deux systèmes fondamentaux, chacun sous-tendant différentes formes de
motivations et d’émotions. L’hémisphère gauche du cortex préfrontal
faciliterait les comportements appétitifs et générerait des affects liés à
l’approche, comme par exemple l’enthousiasme, la fierté. À l’inverse,
l’hémisphère droit du cortex préfrontal faciliterait le retrait des sources de
stimulation aversives et générerait des affects liés à l’évitement, comme la
peur ou le dégoût.

Un ensemble d’études a montré qu’une asymétrie gauche du cortex


préfrontal (c’est-à-dire un hémisphère gauche proportionnellement plus
actif) a des conséquences significatives sur l’affectivité et la régulation
émotionnelle. Par exemple, les personnes qui présentent une asymétrie
gauche éprouvent plus d’émotions positives que leurs pairs ayant une asymé-

trie à droite, récupèrent plus vite suite à un événement négatif, présentent un


niveau de cortisol plus bas ainsi qu’une réponse immunitaire plus élevée,
tant au repos qu’en réponse à un stresseur (voir Davidson, 2004 pour une
revue). L’induction expérimentale d’une asymétrie via une stimulation
magnétique transcrânienne produit les mêmes effets, suggérant que c’est

INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

149

l’asymétrie préfrontale qui cause les différences d’affectivité et de


régulation, et non l’inverse (Allen, Harmon-Jones et Cavender, 2001 ;
Schutter, Van Honk, Postma et de Haan, 2001).

7 RÉACTIVITÉ ET RÉGULATION

ÉMOTIONNELLE

L’interaction des facteurs génétiques et environnementaux influence :

– la réactivité émotionnelle, c’est-à-dire la réaction initiale de l’individu à


une situation potentiellement émotionnelle. Cette réactivité dépend
essentiellement de l’activation des aires sous-corticales (c’est-à-dire du
système limbique) et, en particulier, de l’amygdale (voir chapitre 2).
L’amygdale a en quelque sorte un rôle de radar. Il s’agit en effet d’une
structure ayant pour but d’attirer l’attention de l’individu, de lui signaler la
présence de stimuli pertinents dans l’environnement. L’amygdale s’active
ainsi particulièrement en présence de stimuli menaçants ou désagréables,
mais elle s’active également dans le cas de stimuli appétitifs (Costafreda et
al. , 2008 ; Phan et al. , 2002). Tout comme il y a des radars plus
perfectionnés que d’autres, il y a aussi des amygdales plus réactives que
d’autres. Le degré de réactivité de l’amygdale est le produit des gènes de
l’individu et de son environnement. Les personnes très anxieuses sont
souvent caracté-

risées par une hyper-vigilance : leur amygdale est en quelque sorte

« hyper-perfectionnée » et s’active au quart de tour (Etkin et Wager, 2007).


Elle prend parfois même du « bruit » pour un stimulus pertinent !

Même s’il est possible qu’elle leur sauve un jour la vie, cette hyper-vigilance
a beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages car elle génère de très
nombreuses fausses alertes (Stein, 2003). L’amygdale des personnes
anxieuses crie beaucoup plus vite au danger et génère donc davantage
d’émotions à réguler ;

– la capacité à réguler le niveau de réactivité initial. Cette modulation se


fait, au niveau cérébral, via l’activation du cortex préfrontal. C’est dans cette
zone que l’on retrouve également la mémoire de travail, le traitement
linguistique, etc. (Fuster, 2008). Le cortex préfrontal est le principal centre
de contrôle des émotions (Davidson, 2004 ; Ochsner et al. , 2002).

Cependant, là encore, des différences individuelles existent : certaines


personnes activent automatiquement et aisément leur cortex préfrontal alors
que d’autres non.

150

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Un exemple pour illustrer la réactivité et la régulation Prenons la peur,


celle de ne pas être performant lors de la présentation orale des résultats
annuels d’une entreprise. Le radar (l’amygdale) informe l’individu de la
présence d’une situation pertinente (ce que nous ressentons subjectivement
par de l’anxiété), et le corps se met parallèlement et immédiatement en état
d’alerte (augmentation du rythme cardiaque, etc.). Le cortex préfrontal a
toutefois la possibilité de diminuer, voire de supprimer l’émotion. C’est ce
qui se passe lorsque nous nous disons « allons, une petite présentation orale,
ce n’est quand même pas la mort ! Il y a des choses bien plus graves que cela
dans la vie, des gens qui risquent leur vie en Irak », etc. Lorsque nous tenons
ce genre de monolo-gue intérieur, nous activons notre cortex préfrontal, ce
qui s’accompagne d’une désactivation progressive de l’amygdale.

Les individus qui éprouvent le plus de difficultés à gérer leurs émotions sont
ceux qui ont à la fois une réactivité émotionnelle élevée et des capacités de
régulation faibles. Diminuer sa réactivité par rapport aux situations
émotionnelles est possible mais au prix d’un travail important. Le chapitre 6

a été entièrement consacré à cette question. Le chapitre 8 sera consacré aux


stratégies de régulation proprement dites.

8 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons commencé par expliquer ce qu’était la


régulation émotionnelle, à quoi elle servait et quelles en étaient les
différentes formes. Nous avons ainsi mis en évidence que l’on pouvait
modifier la nature même de l’émotion ou seulement son intensité, sa durée
ou sa composante expressive. Nous avons vu également que, même si l’on
cherche le plus souvent à diminuer ses émotions négatives, il existe d’autres
formes de régulation, telles que l’augmentation d’émotions positives ou
l’augmentation d’émotions négatives. Ensuite, nous avons exposé les
conséquences d’une bonne/mauvaise gestion des émotions et observé que la
qualité de la gestion émotionnelle avait des conséquences dans les cinq
domaines majeurs de la vie des individus, à savoir leur santé mentale, leur
santé physique, leur performance au travail, leurs relations sociales et la
gestion de leurs ressources matérielles. En dépit de l’importance de la
régulation, nous avons montré que les individus différaient fortement dans
leurs capacités à réguler leurs émotions et que ces différences avaient une
origine tant génétique qu’envi-ronnementale. Ces différences trouvent leur
expression dans le choix de stratégies de régulation très distinctes face à un
même événement émotionnel.
INTRODUCTION À LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

151

Ces stratégies seront exposées dans les chapitres suivants. Le chapitre 8

approfondira les stratégies les plus efficaces (et, brièvement, les plus délétè-

res) lorsqu’il s’agit de diminuer ses émotions négatives. Le chapitre 9

présentera les stratégies les plus efficientes (et, brièvement, les plus délétè-

res) pour augmenter ses affects positifs.

Chapitre 8

LA RÉGULATION

DES ÉMOTIONS

NÉGATIVES1

1. Par Moïra Mikolajczak.

Ce chapitre sera consacré à l’exposé des différentes stratégies de gestion


émotionnelle étudiées dans la littérature. Dans une première partie, nous
présenterons un modèle fonctionnel de la régulation émotionnelle. Nous
découvrirons les stratégies qui permettent de diminuer l’émotion négative (à
court terme) et d’améliorer la santé mentale et physique (à long terme). Afin
de faciliter la lecture et l’organisation conceptuelle de ces stratégies, nous les
avons organisées sous forme d’un modèle. Il est à noter qu’aucune stratégie
ne peut être qualifiée d’efficace pour tout le monde et dans toutes les
situations. Les stratégies que nous présentons dans ce chapitre ont été
retenues parce que ce sont celles qui ont démontré les effets les plus forts,
pour le plus grand nombre de personnes, dans un grand nombre de
situations. Dans une seconde partie, nous présenterons les avatars de la
régulation émotionnelle : nous exposerons brièvement les stratégies
dysfonctionnelles et leurs effets.
Dans la suite de notre propos, nous partirons de l’hypothèse que l’émotion
n’est pas fonctionnelle dans le contexte où se trouve l’individu (d’où la
nécessité de la réguler) et que celui-ci souhaite la réguler. Ce dernier point
peut sembler aller de pair avec le premier, mais c’est loin d’être toujours le
cas. Il existe en effet une série de raisons qui peuvent conduire un individu à
délibérément choisir de maintenir une humeur négative. Outre les situations
de maintien stratégique (ex. choisir de ne pas réguler la tristesse due à un
comportement irrespectueux du conjoint afin que ce dernier comprenne qu’il
est allé trop loin), certaines personnes ne se sentent vivre que si elles
éprouvent des émotions négatives (recherche de l’émotionnalité), et d’autres
se complaisent même dans la douleur (ex. masochisme). Nous ne nous
attarderons pas sur ces cas ici ; ils sont trop complexes que pour pouvoir être
traités brièvement avec le respect qui leur est dû. En outre, ces individus
sortent du cadre de la régulation émotionnelle puisque tel n’est pas leur
objectif. Nous renvoyons donc le lecteur vers les théories psychanalytiques
et systémiques, plus à même d’éclairer ces problématiques.

Les individus qui choisissent délibérément de ne pas réguler leurs

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

émotions négatives – en dépit de leur capacité à le faire – sont à distinguer


de

156

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

ceux qui souhaitent les réguler, mais qui en sont incapables. On peut en effet
souhaiter sincèrement se défaire d’une émotion négative et ne pas y arriver.

Ceci peut être dû soit à un répertoire de régulation composé de stratégies


essentiellement dysfonctionnelles (voir la seconde partie du chapitre) ou à un
manque de ressources. La régulation a en effet un coût et, si les ressources
ont été appauvries précédemment, l’individu n’en disposera pas
suffisamment pour la régulation. Les études montrent ainsi que l’on gère
moins bien ses émotions lorsqu’on est extrêmement fatigué (voir Dahl,
1999), lorsqu’on a épuisé ses ressources à la gestion d’autres émotions
(Stucke et Baumeister, 2006 ; ex. il est plus difficile de gérer la perte de son
emploi si l’on vient de subir une rupture sentimentale) ou lorsque l’on
manque physiquement d’énergie (voir Gaillot et Baumeister, 2007 pour une
revue ; il est ainsi plus difficile de gérer ses émotions si l’on a faim ou soif).
Ainsi, il peut arriver à tout le monde, même aux personnes ayant
d’ordinaires de très bonnes capacités de gestion émotionnelle, d’être «
émotionnellement dépassé ».

1 LES STRATÉGIES DE RÉGULATION

FONCTIONNELLES

Il existe deux grandes familles de stratégies de régulation : la régulation a


priori et la régulation a posteriori.

1.1 La régulation a priori

La « régulation a priori » correspond aux efforts menés afin de désamorcer


l’émotion AVANT qu’elle ne se manifeste (Gross, 2007). Il existe deux
grandes familles de régulation a priori : la sélection de la situation et
l’évaluation de la situation.

1.1.1

La sélection de la situation

Ceci concerne essentiellement l’ anticipation des émotions induites par une


situation et la prise en compte de ces émotions dans la sélection des
situations auxquelles on va s’exposer. Par exemple, si les personnes
nonchalantes m’insupportent, ce n’est peut-être pas une bonne idée
d’engager un collaborateur nonchalant dans mon équipe. Pouvoir anticiper
les émotions que l’on va ressentir dans différentes situations1 et en tenir
compte au moment de prendre une décision facilite la régulation des
émotions (Loewenstein, 2007). C’est ce qu’on appelle la gestion préventive
des émotions.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

157

Des études ont révélé qu’alors que certaines personnes sélectionnaient


avantageusement les situations, d’autres se retrouvaient systématiquement
dans des situations pénibles. En d’autres termes, la probabilité que ces
dernières soient exposées à des événements négatifs était beaucoup plus
élevée que la probabilité due au hasard (Bolger et Schilling, 1991 ; Suls et
Martin, 2005). Il existe deux mécanismes qui peuvent conduire ces
personnes à sélectionner systématiquement des situations qui ne favorisent
pas leur épanouissement personnel. Soit elles anticipent mal les émotions
que la situation risque de provoquer, soit elles ne les prennent pas en compte
au moment de prendre leur décision (Hsee et Hastie, 2006).
La figue 8.1 illustre ce processus.

Figure 8.1

Processus de sélection d’une situation et biais potentiels

■ Les problèmes liés à l’anticipation

Il existe de nombreuses sources d’erreurs lorsque nous anticipons nos


émotions futures. Par souci de concision et de clarté nous nous limiterons

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1. C’est ce que les Anglo-Saxons appellent l’ affective forecasting.

158

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

à détailler ici trois biais de prédiction majeurs : les biais d’impact, les biais
de projections et les biais de mémoire1. Nous sommes tous victimes de ces
biais. Ceci dit, les recherches montrent que les individus les plus sensibles à
ces biais sont également ceux qui ont le plus de difficultés à gérer leurs
émotions (Dunn, Brackett, Ashton-James, Schneiderman et Salovey, 2007).

Les biais d’impact. Si nous sommes généralement capables de prédire la


valence et le type d’émotion qu’une situation future produira, les recherches
montrent que nous sur-estimons souvent l’intensité et la durée de ces
émotions. Ainsi, les personnes engagées dans une relation sentimentale
surestiment l’intensité et la durée de tristesse qu’engendrerait une rupture.
C’est l’une des raisons qui expliquent que certaines personnes engagées dans
une relation nuisible persévèrent malgré tout. De même, les jeunes chargés
de cours à l’Université ont tendance à surestimer la joie d’être nommés à
titre définitif et la tristesse s’ils n’obtiennent pas le poste convoité (Wilson et
Gilbert, 2003). C’est également ce qui les conduit à travailler excessivement,
certains allant jusqu’à mettre leur santé en danger pour obtenir ledit poste.

Les biais de projection. Le biais de projection consiste dans le fait de


confondre notre état physiologique (viscéral) au moment de faire une
prédiction avec ce que nous ressentirions lors de l’événement en question
(Loewenstein, O’Donoghue et Rabin, 2003). Ainsi, lorsque des participants
doivent prédire juste après avoir dîné combien ils apprécieraient un délicieux
petit-déjeuner le lendemain matin, la majorité sous-estiment leur plaisir réel.

Ces participants projettent leur état de satiété actuel dans le futur


(Loewenstein et al. , 2003 ; Gilbert, Gill et Wilson, 2002 ; Read et Van
Leeuwen, 1998). Ces biais de projections peuvent conduire à des choix que
nous regretterons par la suite. Par exemple, les personnes qui font leurs
courses lorsqu’elles ont faim achètent plus de nourriture que nécessaire.

Les biais de mémoire. Nos prédictions du futur sont très largement basées
sur nos souvenirs du passé (Quoidbach, Hansenne et Mottet, 2008 ; Sudden-
dorf et Corballis, 2007). Cependant, notre mémoire est loin d’être parfaite et
les biais qui affectent nos souvenirs affectent par conséquent également nos
prédictions (Karney et Coombs, 2000 ; Wirtz, Kruger, Scollon et Diener,
2003).

1. Nous renvoyons le lecteur intéressé par l’ affective forecasting aux


travaux de Daniel Gilbert et Tim Wilson.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

159

Une étude de Kahneman et collègues illustre ce phénomène (Kahneman,


Fredrickson, Schreiber et Redelmeier, 1993). Les participants étaient amenés
à vivre deux expériences déplaisantes successives : plonger leur main dans
un basin d’eau glacée pendant 60 secondes et plonger leur main dans un
bassin d’eau glacée pendant 60 secondes puis 30 secondes dans un bassin
d’eau moyennement froide. De manière purement objective, cette deuxième
expérience est la pire des deux puisqu’elle implique 60 secondes d’inconfort
sévère plus 30 secondes d’inconfort modéré (au lieu de 60 d’inconfort
sévère). Cependant, lorsque l’on demandait ensuite aux participants de
choisir laquelle des deux expériences ils préféraient revivre ( prédiction),
ceux-ci déclaraient préférer la deuxième plutôt que la première ; ils basaient
ainsi leur jugement uniquement sur la fin de l’événement.
■ Les problèmes liés à la non-prise en compte des anticipations Afin de
maximiser notre bien-être émotionnel, nous devons non seulement nous
prémunir des différents biais afin d’imaginer le plus précisément possible les
conséquences d’une situation, mais également être capables d’utiliser ces
prédictions au moment de choisir entre différentes options. Les études
indiquent que nous ne faisons qu’un usage limité de nos prédictions. Ainsi,
au lieu de choisir les situations qui maximisent les émotions positives (ou
minimisent les émotions négatives), nous avons tendance à choisir les
situations qui rapportent le plus à court terme (impulsivité), qui sont en
accord avec nos règles de décision, ou encore dont les critères de décisions
nous semblent les plus objectifs.

L’impulsivité. S’il est fondamental d’anticiper nos émotions futures et de les


prendre en compte dans nos décisions, il faut bien évidemment TOUJOURS
évaluer les choses à court et à long terme. Certaines situations déclenchent
des émotions négatives à court terme mais ont un bénéfice –

c’est-à-dire contribuent à la présence d’émotions positives – à long terme.

C’est le cas d’un exposé oral ou d’une session d’examen par exemple.

Éviter ces situations parce qu’elles déclenchent des émotions négatives serait
hautement dysfonctionnel car cela équivaudrait à se priver de la possibilité
d’obtenir la promotion ou le diplôme convoité. Ce serait donc se rendre la
vie plus difficile, ce qui générerait à long terme plus – et non moins –
d’émotions négatives.

Il importe donc d’anticiper et de prendre en compte les émotions futures ET


d’évaluer les coûts/bénéfices émotionnels à court et à long terme avant de
décider de se confronter ou d’éviter la situation. On privilégiera la
confrontation si celle-ci engendre plus de bénéfices que de coûts à long
terme ; on

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

optera pour l’évitement dans le cas contraire.

160
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les règles de décision. Dans bon nombre de cas, nous basons nos choix sur
des règles de décision (« ne pas gaspiller », « rechercher la diversité ») plutôt
que sur nos prédictions affectives.

Ainsi, par exemple, dans une étude sur la règle « ne pas gaspiller », des
chercheurs ont demandé à des participants d’imaginer qu’ils avaient, par
erreur, réservé deux week-ends de ski aux mêmes dates : un week-end à 100
dollars dans le Michigan et un week-end à 50 dollars dans le Wisconsin. Ne
pouvant effectuer les deux voyages en même temps ni se faire rembourser,
les participants étaient forcés de choisir entre les deux destinations. Malgré
le fait que les chercheurs avaient dit préalablement aux participants que le
voyage au Wisconsin était de loin le plus agréable, la majorité des
participants choisissaient le Michigan (destination pour laquelle ils avaient
dépensé le plus d’argent) (Arkes et Blumer, 1985).

De même, dans une étude sur la règle « rechercher la diversité » un


chercheur a demandé à des étudiants de prédire le plaisir qu’ils
éprouveraient s’ils pouvaient manger pendant plusieurs jours consécutifs
leur friandise préférée ou un mélange de différentes variétés de friandises
(une différente chaque jour). Alors que la plupart des étudiants prédisaient
qu’ils retireraient davantage de plaisir à manger leur bonbon préféré, au
moment de sélectionner une des deux options, la majorité d’entre eux
choisissaient le mélange de friandise (Simonson, 1990). Ils basaient ainsi
leur choix sur une règle de décision selon laquelle il est bon de choisir la
diversité, plutôt que sur l’anticipation de leurs émotions futures.

Le désir d’être rationnel. La plupart des individus essayent de prendre les


décisions les plus rationnelles possibles (Shafir, Simonson et Tversky, 1993 ;
Simonson et Nowlis, 2000). Paradoxalement, ce désir de rationalité peut
amener à prendre des décisions… irrationnelles.

Ainsi, lorsque l’on demande à des participants d’indiquer lequel de deux


morceaux de chocolat ils préfèrent manger (un chocolat à 50 centimes en
forme de cœur ou un chocolat à 2 dollars en forme de cafard), la majorité des
sujets choisissent le chocolat en forme de cœur. Cependant, lorsque les
participants ont la possibilité de repartir avec l’un des deux morceaux, la
plupart d’entre eux sélectionnent le morceau le plus cher. Ils se basent donc
sur un critère « objectif »

( i.e. le prix) plutôt que sur le plaisir que leur apportera l’expérience (la
prédiction affective) pour prendre leur décision (Hsee, Yu, Zhang, Xi et Bay,
2003).

De la même manière, nous aurons souvent tendance à baser nos choix (de
partenaire, de travail) sur des attributs observables ou mesurables et néglige-

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

161

rons souvent les attributs moins mesurables qui sont pourtant beaucoup plus
importants pour notre bien-être.

■ Résumé

Une première manière de gérer ses émotions implique d’anticiper les


émotions que différentes situations futures sont susceptibles de provoquer, et
de les prendre en compte dans notre décision de nous confronter ou non à
ces situations. Ce faisant, on tâchera toujours d’évaluer les coûts/bénéfices
émotionnels à court et à long terme. On privilégiera la confrontation si celle-
ci engendre plus de bénéfices que de coûts à long terme ; on optera pour
l’évitement dans le cas contraire.

1.1.2

L’évaluation de la situation1

Ce point-ci vise la gestion de situations que d’aucuns trouveraient négatives


mais que l’individu va s’efforcer de percevoir positivement afin de ne pas
laisser à l’émotion le temps de l’envahir totalement (d’où sa place dans la
catégorie « régulation a priori »). En effet, ce n’est pas la situation ellemême
qui déclenche l’émotion mais la perception que l’individu a de l’événement
(Lazarus & Folkman, 1984) ou de ses ressources pour y faire face (Bandura,
1997). Il en résulte qu’il n’existe aucun stimulus ou aucune situation sur
terre ayant le pouvoir de déclencher uniformément la même émotion, avec la
même intensité chez tous les individus. Même des situations que l’on
imagine consensuelles, comme la mort des parents ou la vue d’une grosse
mygale, donnent lieu à des différences importantes entre les individus. Les
personnes ayant été maltraitées ou abusées par leurs parents pourront être
soulagées – plutôt qu’affligées – par le décès de ceux-ci. De même, les
passionné(e)s de mygales ne les craignent pas et en possèdent souvent chez
eux dans un vivarium. Si des stimuli/situations comme celles-là ne donnent
pas lieu aux mêmes émotions, imaginez les situations de la vie de tous les
jours ! D’aucuns vivront la perspective d’un exposé oral comme une torture
là où d’autres y verront un challenge enthousiasmant ; certains se réjouiront
à l’idée de sauter en parachute alors que ce même saut constituerait un
cauchemar pour bien d’autres ; les uns n’aiment rien de plus qu’une
promenade en hiver alors que les autres détestent marcher dans le froid.

1. Alors que la sélection de la situation relève clairement de la gestion a


priori, cette section-ci se situe entre la gestion a priori et la gestion a
posteriori. Comme nous le verrons par la suite, la frontière entre évaluation
et réévaluation est floue. Dans un souci de clarté conceptuelle et péda-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

gogique, nous distinguerons toutefois les deux.

162

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Si une même situation peut donner lieu à des émotions différentes chez des
individus différents, aucune situation n’a donc, intrinsèquement, le pouvoir
de déclencher une émotion1.

L’émotion dépend donc, non pas de la situation en tant que telle, mais de la
perception que l’individu en a. Une situation a priori négative, telle que la
vue d’une énorme tarentule, peut ainsi ne déclencher aucune émotion chez
un passionné d’arachnoïdes. De même, une situation a priori neutre peut
induire des émotions fortement négatives si elle est évaluée comme une
menace. Une convocation chez son supérieur hiérarchique (événement
neutre tant qu’on ne s’y est pas rendu) fera ainsi craindre d’emblée le pire à
certains.

Si l’émotion est le fruit de la perception de la situation et non de la situation


per se, cela signifie que nous disposons d’un moyen très puissant pour
modifier nos émotions : changer notre perception de la situation (Ochsner et
Gross, 2005) ou des ressources dont nous disposons (Bandura, 1997).

La régulation a priori via la perception de la situation est le résultat de


l’automatisation de réévaluations répétées. Autrement dit, une personne qui
s’efforce, via un processus de régulation a posteriori (voir plus loin), de
réévaluer positivement les sessions d’examen, les présentations orales, etc.,
va finir par percevoir ces situations différemment avec le temps.

Les moines bouddhistes, par exemple, sont des grands spécialistes de la


régulation a priori. D’une part, ils réfléchissent à chacune de leurs actions
afin de s’assurer qu’elle contribuera à leur épanouissement à long terme.

D’autre part, leur philosophie de vie leur permet de prendre du recul vis-à-

vis des événements, d’accepter les choses comme elles viennent, de ne


jamais juger une situation comme étant bonne ou mauvaise sans avoir pu
constater les bénéfices futurs qu’elle pourrait éventuellement apporter
(Chödrön, 2002).

Avant de conclure, il est à noter que cette section peut être mise en lien avec
le chapitre 6 parce que l’automatisation de réévaluations répétées aboutira à
une évaluation spontanée différente et, par là même, à un niveau de
réactivité différent.

1. Il est à noter, toutefois, que des situations peuvent automatiquement


donner lieu à des émotions chez un individu donné par effet de
conditionnement.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

163

L’évaluation comme menace et comme défi


Deux types d’évaluations de la situation ont retenu plus particulièrement
l’attention des chercheurs : l’évaluation d’une situation comme menace (
threat) et l’évaluation de celle-ci comme un défi ( challenge). L’évaluation
d’un événement a priori stressant tel que la création et le lancement d’une
société peut être en effet perçue comme une menace ou un défi. Les
personnes qui l’évaluent comme une menace auront tendance à se focaliser
sur les pertes potentielles inhérentes à la situation (pertes financières, perte
de l’estime de soi si la société ne marche pas, etc.). A contrario, les
personnes qui l’évaluent comme un défi auront conscience des pertes
potentielles mais se focaliseront sur les gains (augmentation du pouvoir
d’achat, augmentation de l’estime de soi si la société marche, etc.).

L’évaluation comme menace augmente le stress (tant au niveau


psychologique que biologique), tandis que l’évaluation comme défi le
diminue (à ces deux niveaux également) (ex. Gaab, Rohleder, Nater et
Ehlert, 2005 ; Tomaka, Blas-covich, Kelsey et Leitten, 1993). Des études ont
également montré que l’évaluation comme défi était associée à une meilleure
performance financière subséquente (ex. Drach-Zahavy et Erez, 2002).

1.2 La régulation a posteriori

La « régulation a posteriori » correspond aux efforts menés dans le but de


moduler l’émotion après qu’elle a émergé.

Cette régulation a posteriori concerne typiquement trois grandes classes de


situations :

– Les situations imprévues1 qui déclenchent une émotion négative.

– Les situations que l’individu savait génératrices d’émotions négatives mais


qu’il ne pouvait raisonnablement éviter parce que les bénéfices à long terme
étaient plus importants que leur coût à court terme.

– Les situations qui déclenchent une évaluation négative conditionnée


(Kotsou, 2008, communication personnelle). La perception que l’individu a
d’une situation est, au moins la moitié du temps, un processus automatique
qui résulte d’un apprentissage (LeDoux, 1998). Cet apprentissage peut se
faire :
• soit par transmission orale, si on nous dit par exemple : « Le serpent à
sonnette est un animal dangereux. Si tu en vois un, prends garde. »
L’individu qui n’aura pas été plus loin dans la découverte des serpents aura
une réaction de peur à la vue de n’importe quel serpent puisqu’il sera
incapable de différencier l’inoffensif du venimeux.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1. Ou non correctement anticipées.

164

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


• soit par observation. Si nous voyons quelqu’un se faire agresser rue Haute
par une personne vêtue d’un pantalon rouge et d’une veste verte, nous
aurons probablement peur chaque fois que nous traverserons la rue Haute ou
que nous nous trouverons face à une personne portant un pantalon rouge et
une veste verte.

• soit par expérience personnelle. L’apprentissage pourra se faire en une


fois si l’émotion déclenchée par la situation est suffisamment forte (ex. si
l’on se brûle au troisième degré avec une friteuse, la vue de l’huile bouillante
déclenchera une réaction affective automatique) ou en plusieurs fois si
l’expérience émotionnelle n’est pas suffisamment forte (ex. si quelqu’un
nous agace répétitivement par le manque de nuance de ses propos, un jour le
seul son de sa voix dans le couloir risque de déclencher de l’agacement).

Lorsqu’il est nécessaire de réguler ses émotions, diverses stratégies peuvent


être utilisées (voir figure 8.2). Afin de bien comprendre le schéma et les
différentes stratégies de régulation émotionnelle a posteriori, nous avons
choisi de les exposer à travers la métaphore de la stratégie militaire. L’idée
générale de la stratégie militaire est que pour abattre l’ennemi, il faut
l’attaquer de toutes parts. Pour la régulation a posteriori, l’idée est la même :
si l’émotion est jugée dysfonctionnelle, il faut mettre en œuvre autant de
straté-

gies qu’il est nécessaire pour l’atténuer. Ces stratégies peuvent être mises en
place simultanément ou successivement.

Figure 8.2

Les différentes familles de stratégies de régulation a posteriori

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

165

Comme indiqué sur le schéma, il existe cinq grandes familles de stratégies


de régulation a posteriori : la modification de la situation, la ré-orientation
de l’attention, le changement cognitif, le partage avec autrui, et les
techniques physio-relaxantes. Nous les présentons tour à tour ci-dessous.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est peut-être nécessaire de préciser
pourquoi il est nécessaire d’avoir plusieurs – et non pas une – stratégies de
régulation dans son répertoire. Disposer d’une seule stratégie, si efficace
soit-elle, est très risqué. Supposons que nous ayons un(e) excellent ami(e) à
qui nous confions tous nos tracas depuis l’enfance. Chaque fois que nous
sommes confrontés(e) à une difficulté, nous l’appelons. Il/elle a toujours été
là pour nous et trouve toujours les mots pour nous apaiser. Appeler notre
ami(e) est sans nul doute une stratégie fonctionnelle. Toutefois, si c’est la
seule stratégie que nous avons à notre disposition, nous courons un risque
sérieux : celui de nous retrouver en bien mauvaise posture s’il lui arrivait
quelque chose. Si caricatural que cet exemple puisse paraître, les individus
qui n’ont qu’une seule stratégie dans leur répertoire ne sont pas si rares. De
nombreuses personnes ne peuvent gérer leurs émotions qu’en les partageant
(ex. raconter leurs soucis à leurs amis) et se retrouvent complètement
déconcertées le jour où leurs amis leur font comprendre qu’ils en ont assez
de porter leurs problèmes. D’autres personnes gèrent leurs émotions en se
réfu-giant dans leur travail et perdent totalement pied le jour où elles
prennent leur retraite… Il est par conséquent fondamental d’avoir non pas
une, mais plusieurs stratégies à sa disposition. Ainsi, si une technique n’est
pas/plus applicable, d’autres sont disponibles. Il est à noter que l’ordre dans
lequel nous présenterons les différentes stratégies n’a pas réellement
d’importance.

Les recherches n’ont, en effet, pas encore montré que certaines d’entre elles
soient préférables à d’autres1. La seule chose importante est de vérifier si la
situation peut ou non être modifiée.

1.2.1

La gestion de la situation

Comme son nom l’indique, l’objectif visé est de se libérer de l’émotion en se


débarrassant du problème qui l’induit2 (Gross, 1998 b ; Lazarus et Folkman,
1984). On distingue typiquement les méthodes directes des méthodes
indirectes.

• Les méthodes directes visent à modifier directement la source de l’émotion


indésirable. Par exemple faire enfin réparer cette imprimante qui ne marche
qu’une fois sur deux, ou répéter un exposé afin d’être plus compétent(e) – et
donc moins stressé(e) – le jour J. Les personnes qui 1. Cette question n’a pas
encore été étudiée.

2. Cette méthode est connue sous le nom de problem-focused coping dans la


littérature sur le

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

stress.

166

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

posent des actions concrètes afin de modifier les situations génératrices


d’émotions indésirables sont plus heureuses (ex. Billings et Moos, 1981) et
ont également une meilleure santé physique (ex. Penley, Tomaka et Wiebe,
2002). Cette stratégie conduit également à une meilleure performance
académique et professionnelle (ex. Lee, Ashford et Jamieson, 1993 ;
Struthers, Perry et Menec, 2000), probablement parce qu’en solu-tionnant
plus rapidement les problèmes, les personnes sont moins – et moins
longtemps – parasitées par leurs émotions négatives.

• Les méthodes indirectes visent également à modifier la situation, mais elles


nécessitent l’intervention d’une tierce personne. C’est le cas lorsqu’on fait
appel à son entourage afin de solutionner un problème qu’on ne parvient pas
à résoudre seul(e) (ex. on éprouve des difficultés dans la rédaction d’un
rapport et on demande l’aide d’un collègue/camarade). Dans les deux cas,
modifier la situation implique que l’on exprime sa requête, ses besoins à un
tiers. La meilleure manière d’exprimer ses besoins a été exposée au chapitre
5.

Demander de l’aide : est-ce toujours bénéfique ?

Demander de l’aide pour résoudre un problème qu’on ne peut solutionner


seul(e) est sans conteste une stratégie efficace. Les psychologues ont de
longue date mis en évidence les effets positifs de la capacité à demander et
obtenir un support en cas de difficulté. Les personnes qui sont capables de
faire appel et de recevoir l’aide d’autrui sont moins stressées et ont une
meilleure santé physique (voir Bruchon-Schweitzer, 2002 pour une revue).
Néanmoins, solliciter constamment l’aide de ses proches et/ou collègues
peut avoir des effets pervers. Nous soulignions au début de ce chapitre
l’importance d’avoir non pas une, mais plusieurs stratégies de régulation
dans son répertoire. Cette recommandation trouve ici une autre illustration.
Les personnes qui comptent systématiquement sur les autres pour
solutionner leurs problèmes (et, par là même, diminuer leurs émotions
négatives) sont perçues par autrui (et finissent par se percevoir elles-mêmes)
comme moins compétentes, moins indépendantes, moins fortes et plus
immatures (Rosen, 1983, Shapiro, 1983 ; voir Newman, 1994 pour une
revue).

Si la modification de la situation est une stratégie de choix pour se défaire


d’une émotion, elle n’est toutefois pas toujours envisageable. C’est le cas,
par exemple, des maladies incurables. À plus petite échelle, on ne trouve pas
toujours les moyens de faire cesser les pleurs de son enfant et on ne se
débarrasse pas facilement d’un collaborateur imbuvable.

Outre les situations qu’il est objectivement impossible à modifier, il existe


également toute une série de situations désagréables qui pourraient être
modifiées, mais que l’individu va laisser perdurer parce qu’elles apportent
certains bénéfices secondaires.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

167

Prenons le cas de difficultés sexuelles dans un couple. Imaginons – premier


cas de figure – qu’elles proviennent de Madame, trop inhibée au lit.
Supposons –

deuxième cas de figure – qu’elles viennent de Monsieur, qui éjacule


précoce-ment. Dans chacun des cas, les deux partenaires pourraient être
insatisfaits de la qualité de leur vie sexuelle. La confiance en soi de Madame
pourrait même gravement en pâtir dans le premier cas de figure, celle de
Monsieur dans le second cas de figure. Ce couple pourrait décider de
consulter… ou non. Les théories systémiques (voir par exemple Albernhe et
Abernhe, 2008 ou Dessoy, 1997) mettent en avant qu’il existe souvent un
ensemble de bénéfices secondaires expliquant la perpétuation des situations
problématiques, malgré l’immense souffrance que ces dernières peuvent
engendrer. Dans le premier cas de figure, Madame pourrait trouver un
certain bénéfice à devoir « passer à la casserole »

moins souvent… et Monsieur pourrait se dire que tant que son épouse est
inhibée, elle ne sera pas tentée d’aller voir ailleurs. Le même raisonnement
pourrait être effectué dans le second cas de figure. Madame pourrait se dire
que l’éjaculation précoce diminue le risque que son époux la trompe. De son
côté, Monsieur pourrait finalement y trouver son compte et se dire qu’on est
bien moins fatigué le lendemain après des relations sexuelles de cinq
minutes qu’après avoir batifolé pendant une heure…

Si, à l’instar de cet exemple, la situation perdure en raison de bénéfices


secondaires, il faudra (1) mettre ceux-ci en évidence, (2) déterminer si ceux-
ci justifient ou non la persistance du problème et (3) agir en conséquence. Si
la situation est objectivement impossible à modifier, il faudra envisager
l’utilisation d’une autre stratégie de régulation.

Nous décrivons les autres familles de stratégies ci-dessous.

1.2.2

La ré-orientation de l’attention

Le propre d’une émotion est de donner lieu à un mécanisme d’attention


sélective. L’émotion agit ainsi comme une sorte de « torche attentionnelle » :
elle éclaire certaines choses, les mettant ainsi à l’avant-plan et en laisse
d’autres dans l’ombre. Une émotion négative focalise ainsi l’attention sur les
éléments négatifs tandis qu’une émotion positive focalise l’attention sur les
éléments positifs. C’est ce type de spirale qui a donné lieu, dans le langage
commun, aux expressions «

voir tout en noir

» et «

voir tout en
rose ». Comme nous l’avons vu plus haut, ce mécanisme est adaptatif dans la
mesure où il permet un traitement plus rapide de la menace en situation de
danger. Néanmoins, si fonctionnelle soit-elle, cette torche attentionnelle
n’aide évidemment pas à la restauration d’une humeur positive puisqu’elle
maintient l’individu dans un état morose. L’individu qui n’y prend pas garde
risquera donc facilement de tomber dans un état de rumination dans lequel il
ressassera encore et encore la situation – n’en percevant que les aspects

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

négatifs – et où une pensée négative en entraînera une autre.

168

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Un moyen efficace de réguler son émotion consistera donc à briser cette


spirale et à la faire repartir dans l’autre sens. Comment ? En orientant son
attention sur autre chose, c’est-à-dire en se distrayant (Gross, 2007). Il existe
deux grandes formes de distraction (McKay, Wood et Brantley, 2007) :

– La distraction interne, qui consiste à penser à autre chose. Par exemple,


repenser à un souvenir heureux, imaginer les vacances à venir, etc.

– La distraction externe, qui consiste à faire autre chose, par exemple une
activité qui procure du plaisir (faire du sport, regarder la télévision, lire,
sortir, etc.).

Dans les deux cas, initier le processus de distraction réclamera un effort de la


part de l’individu puisque cela requerra de briser la spirale dans laquelle
l’émotion l’a entraîné.

Ne vaut-il pas mieux affronter les problèmes plutôt que s’en distraire ?

La question est loin d’être triviale et fait encore aujourd’hui débat parmi les
psychologues. Alors que certains avancent que la distraction est une stratégie
hautement délétère, d’autres soutiennent qu’il s’agit au contraire d’une
stratégie extrêmement efficace. Une manière de solutionner le débat est de
considérer les preuves scientifiques à l’appui de l’une et l’autre conceptions.
Les partisans de la vision dysfonctionnelle avancent comme principal
argument

« l’effet rebond » : plus nous chercherions à nous distraire d’un événement


négatif, plus celui-ci reviendrait (rebondirait) ultérieurement à la conscience
(Wenzlaff et Wegner, 2000). Une méta-analyse récente a toutefois nuancé cet
effet, en montrant qu’il s’appliquait effectivement pour les personnes
souffrant de troubles cliniques, mais pas aux autres (Baeyens, 2006). Un
second argument avancé par les tenants de la vision dysfonctionnelle est que
faire face à la situation et aux émotions qu’elle suscite engendre moins
d’émotions négatives à long terme que de s’en distraire (Philippot, Neumann
et Vrielynck, 2008 ; Vrielynck et Philippot, sous presse).

Les partisans de la vision fonctionnelle montrent quant à eux que la


distraction conduit à une réduction de l’intensité de l’émotion et à une
meilleure récupération cardiovasculaire (ex. Morrow et Nolen-Hoeksema,
1990 ; Neumann, Waldstein, Sellers 3rd, Thayer et Sorkin, 2004 ; Nolen-
Hoeksema et Morrow, 1993 ; Nolen-Hoeksema, Morrow et Fredrickson,
1993).

Une manière de réconcilier ces points de vue est de prendre en compte la


nature du problème et son rapport à l’individu. La distraction est une
stratégie particuliè-

rement efficace pour (1) les problèmes mineurs (ex. nous passons une
excellente soirée au restaurant en compagnie de notre conjoint(e) mais notre
voisine de table nous regarde avec mépris) ; (2) les problèmes insolubles (ex.
la fête annuelle du quartier bat son plein en face de notre maison et le bruit
nous empêche de dormir ; nous avons préparé et répété au mieux notre
présentation orale du lendemain mais nous sommes encore anxieux) ; (3) les
événements suscitant des émotions intenses

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

169

qui nécessitent d’être solutionnés sereinement (ex. nous sommes en rage


contre notre conjoint et nous risquons de dire des choses qui dépassent notre
pensée).

Dans ce type de cas, la distraction s’avérera être une stratégie optimale. En


revanche, la distraction risque d’avoir des effets secondaires (si elle est
l’unique stratégie employée) dans le cas d’événements majeurs faisant
fréquemment intrusion à la conscience (ex. dans le cas de traumatismes) ou
dans le cas d’événements nécessi-tant un traitement plus complexe (ex.
querelles fréquentes avec le conjoint, etc.).

Ces problèmes-là demandent en effet à être traités en profondeur, sous peine


de voir la situation empirer à long terme.

À ce stade, il nous semble fondamental d’adresser brièvement la question du


déni et, surtout, de le distinguer de la distraction. Un exemple nous aidera à
saisir rapidement la différence entre les deux, ainsi que les implications de
celle-ci. Prenons-le cas d’un parent qui apprend que son fils est dépendant de
l’héroïne. Le parent qui dénie partira faire du sport en refusant de
reconnaître la réalité de la situation. Il refusera d’accepter que son enfant
puisse se droguer et, en conséquence, ne prendra aucune mesure pour aider
son fils, épauler son conjoint ou empêcher que ses autres enfants ne se
droguent eux aussi. Le parent qui se distrait partira faire du sport afin de
s’empêcher de réagir sur le coup de la colère et d’apaiser, au moins
temporairement, sa tristesse. Il sera ainsi en mesure de réfléchir plus
calmement à ce qu’il y a lieu de faire et d’aller discuter avec son fils sans
s’énerver. En résumé, la grande différence entre la distraction et le déni est
que la personne qui dénie refuse de reconnaître l’existence même du
problème, sa gravité ou ses conséquences potentielles, alors que la personne
qui se distrait a pleinement conscience de la réalité de la situation. Pour
prendre un exemple relatif au monde du travail, la personne qui dénie la
réalité d’une annonce de restructuration ne ressentira certes pas d’émotion,
mais cette réaction sera hautement dysfonctionnelle car elle l’empêchera de
s’adapter à la réalité de cette situation, de commencer à rechercher un nouvel
emploi ou de se renseigner pour négocier au mieux sa prime de
licenciement.
1.2.3

Le changement cognitif

Nous l’avons vu précédemment, l’émotion dépend non pas de la situation en


tant que telle, mais bien de la perception que l’individu en a. C’est donc
l’évaluation de la situation et non la situation elle-même qui détermine
l’émotion (Lazarus et Folkman, 1984).

La conséquence est évidente : changer notre perception permet de changer


notre émotion (Ochsner et Gross, 2005). Il existe différentes manières de
modifier notre perception de la situation. Les deux plus communes sont la

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

réévaluation de la situation et l’acceptation.

170

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

■ La réévaluation de la situation

Par définition, si une situation donne lieu à une émotion, c’est que nous la
percevons d’une certaine manière. Réévaluer la situation correspond à
modifier la perception que nous en avons. Une telle réévaluation requiert un
effort cognitif. Il faudra d’ailleurs un certain temps avant que ce processus
ne s’automatise (voir point 1.1.2, « L’évaluation de la situation »).
Néanmoins, les efforts de l’individu qui essayera systématiquement
d’appliquer cette stratégie seront récompensés. Tout processus suffisamment
répété finit par s’automatiser, même s’il est extrêmement complexe. Les
automobilistes en savent quelque chose : ils apprennent à conduire au prix de
temps, d’efforts et de sueur mais, peu après, ils conduisent en mode
purement automatique et parviennent même à téléphoner simultanément !

Différentes techniques peuvent aider à réévaluer la situation. Nous les


détaillons ci-dessous.

1. Examiner ses croyances


Cette technique consiste à examiner les arguments en faveur de ce que nous
pensons et ressentons ET à rechercher les arguments qui, au contraire,
contredisent nos pensées et notre ressenti (McKay et al. , 2007).

Mon supérieur hiérarchique vient de m’envoyer un courriel relativement sec,


me demandant de modifier différentes choses dans le projet que je lui ai
remis. Il n’y a aucun commentaire sur les aspects positifs de mon travail. Je
me sens dévalorisé(e).

L’examen de mes pensées me conduit à identifier la croyance suivante : « Il


pense que je suis nul(le). »

Les arguments en faveur de ce que je pense et ressens sont les suivants :

– Normalement, quelqu’un qui pense quelque chose de positif devrait le dire.

Les arguments en défaveur de ce que je pense et ressens sont les suivants :

– Les supérieurs pointent souvent le négatif mais ne soulignent pas


forcément le positif.

– Cela allait peut-être de soi pour mon patron que le reste du projet était bon.

– Mon supérieur était peut-être pressé et il serait par conséquent allé à


l’essentiel, ce que je devais modifier, réservant les commentaires généraux
sur la qualité de mon travail pour l’évaluation de fin d’année.

Bref, si je me décentre quelques instants de ma personne, il existe des


arguments qui contredisent ce que je pense et donc ce que je ressens. Si mon
supérieur pensait que j’étais nul(le), m’aurait-il confié ce projet ? S’il pensait
que mon travail était médiocre, ne m’aurait-il pas convoqué dans son bureau
pour un entretien beaucoup plus sérieux que ces deux ou trois modifications
?

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

171
Comme le suggère cet exemple, nos émotions sont souvent le fruit d’une
perception partielle ou distordue de la réalité. C’est ce que soutenaient déjà
Aaron Beck et Albert Ellis en leur temps (Beck, 1976 ; Ellis, 1974), et c’est
également l’idée défendue par David Burns, un célèbre professeur de Stan-
ford. Ce dernier a mis en évidence différents processus de distorsion de la
réalité, que nous résumons dans le tableau 8.1 (Burns, 1999). Selon Burns,
nous serions beaucoup plus heureux si nous faisions systématiquement la
chasse à nos distorsions cognitives.

Tableau 8.1

Les principaux processus de distorsion cognitive (Burns, 1999) Processus de


distorsion

Explication

Exemple

Si je mange une cuillère de

crème glacée alors que je suis

supposé(e) être au régime et

que je me dis : « J’ai complè-

Percevoir les choses selon

tement raté mon régime. »

La pensée du « tout ou

un mode binaire, en noir

Cette pensée – erronée – est

rien »

ou blanc ou en mode « ça
dysfonctionnelle, tant au

passe ou ça casse ! ».

niveau des émotions

(ex. désespoir) qu’au niveau

des comportements (ex. finir

par manger toute la crème

glacée) qu’elle engendre.

Si je n’obtiens pas le rendez-

vous souhaité avec le parte-

Généraliser à partir d’un naire convoité et que je pense La sur-généralisation

élément, d’un événement.

que je suis nul(le), que c’est

toujours comme ça, que je ne

plairai jamais à personne.

– Se centrer sur un détail

Je reçois de nombreux com-

négatif et s’y attarder de

mentaires positifs au sujet de

sorte que l’ensemble appa-

ma présentation, à l’excep-
raisse négatif.

tion d’une petite remarque

Le filtre mental

– Se centrer sur un détail

négative. Je suis obsédé(e)

hors contexte, en occultant par cette remarque et j’ignore des faits plus
importants et

les nombreux commentaires

en lui ôtant sa signification

favorables.

réelle.

On me félicite pour mon tra-

vail mais je me dis : « ce n’est

Rejeter les expériences

pas encore assez bon » ou

Le rejet du positif

positives en se disant

« n’importe qui aurait pu faire

qu’elles ne comptent pas.

ce que j’ai fait ».

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.


172

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

« Mon supérieur ne m’a pas

Tirer des conclusions défini-

regardé, il pense sûrement

Tirer des conclusions

tives en l’absence de preu-

que je suis incompétent(e). »

hâtives

ves suffisantes ou à partir

« Je vais rater mon entretien,

d’un seul fait.

j’en suis sûr(e) ! »

Exagérer l’importance de

Je pense « c’est certain, je

La catastrophisation et

ses problèmes et/ou mini-

vais me faire virer » parce


la minimisation

miser l’importance de ses

que mon supérieur m’a fait

qualités.

une remarque sur un détail.

« Je me sens coupable, donc

Penser que les émotions

cela prouve que je suis une

négatives reflètent nécessai-

Le raisonnement émo-

personne détestable » ou :

rement la réalité des

tionnel

« Je me sens en colère, donc

choses : « Je ressens ça,

cela prouve que je suis

donc cela doit être vrai. »

traité(e) injustement. »

« Si le projet n’aboutit pas, ce

sera entièrement de ma
Se sentir responsable des

faute », « Si mon équipe a

La personnalisation

échecs et attribuer les réus-

réussi, c’est par chance, pas

sites au hasard

grâce à mes compétences de

manager ».

Si l’examen des croyances ne conduit pas à l’identification de distorsions et


que l’événement est «

objectivement

» potentiellement stressant

(ex. examen, surcharge de travail, etc.), il reste encore trois façons de


réévaluer la situation : relativiser, rechercher les points positifs et rechercher
les bénéfices à long terme.

2. Relativiser

Relativiser consiste à examiner si l’on ne donne pas trop d’importance à la


situation et/ou à comparer la situation actuelle à des situations bien pires.
Les questions suivantes sont typiques du processus de relativisation :

« Est-ce vraiment si important ? »

« Ne suis-je pas en train de faire une montagne d’une souris ? »

« Me mettrais-je dans cet état si je devais mourir demain ? »


« Comparée à ce que j’ai vécu de pire, cette situation n’est-elle pas
accessoire ? »

« Comparée à la guerre, aux soldats qui se battent en Irak, aux personnes qui
meurent de faim, ma situation est-elle vraiment si pénible ? »

Un moine bouddhiste prenait la métaphore suivante pour symboliser le


processus de relativisation. Lorsque vous êtes dans une situation pénible,
disait-il, par exemple une situation qui suscite en vous beaucoup d’émotions
négatives, comme de la colère, de la déception et de la tristesse, il est aisé de
se représenter ce type

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

173

de situation comme une mer agitée. Vous vous trouvez au milieu de l’océan
et avez l’impression d’être submergé(e) par les vagues, etc. Celles-ci vous
apparaissent hautes et hostiles et vous ne voyez qu’elles. Vous avez
l’impression que vous ne vous en sortirez jamais. Essayez toutefois, l’espace
d’un instant, d’imaginer que vous montez à bord d’un avion et que vous
prenez de la hauteur. Vous survo-lez à présent l’océan. Que voyez-vous ? En
réalité, vous voyez un peu de remous à un endroit précis mais, globalement,
la mer vous apparaît calme…

3. Chercher les points positifs

La sagesse populaire renferme bon nombre d’adages très utiles à la


régulation émotionnelle. Le premier stipule que « tout est une question de
perspective ». C’est ce que nous avancions précédemment. Selon que nous
sommes en pleine mer ou que nous la survolons, nous ne percevons pas du
tout les vagues de la même manière. Mais, même dans l’eau, nous ne ressen-
tirons pas les choses de la même façon, suivant que nous nous laissons porter
par le courant ou que nous nageons contre celui-ci. Une même vague peut
ainsi être perçue comme un obstacle ou comme un coup de pouce.
Prenons l’exemple des embouteillages. Nous pouvons certes pester sur le
temps perdu, la laideur de l’autoroute, l’odeur des gaz d’échappement, etc.
Mais nous pouvons également modifier notre perception de la situation, en
essayant de voir le bon côté des choses, de trouver un sens positif à la
situation. Le bon côté des embouteillages est qu’en nous empêchant d’ agir,
ils nous forcent à prendre le temps de réfléchir. Ils nous accordent peut-être
aussi un moment de répit entre le travail et les enfants, moment que nous
pouvons mettre à profit pour écouter de la musique, téléphoner à nos amis,
etc.

Le second précepte : « À quelque chose malheur est bon » est, au fond, assez
proche du premier. Il indique que, contrairement à l’impression qui se
dégage lorsque l’on est au cœur d’une situation que l’on estime négative, la
plupart des événements, si noirs ou douloureux soient-ils, comportent un
aspect positif. Ce dicton, qui s’accorde parfaitement avec les recherches
scientifiques menées à ce sujet, nous encourage également à nous décentrer
du négatif et à regarder le bon côté des choses : quel est le point positif de la
situation ? Quel bénéfice puis-je en retirer ? Si mon supérieur me fait une
remarque, ce n’est certes pas très gai ; mais le positif, c’est que cela me
donne l’occasion de m’améliorer. De même, se disputer avec son conjoint
n’est jamais agréable mais ce peut être l’occasion de mettre certaines choses
au point afin d’éviter des difficultés plus graves à l’avenir. Qu’on ne s’y
trompe pas, toutefois. Alors qu’elle peut paraître simple à effectuer « à froid
», la recherche des points positifs « à chaud » requiert un effort cognitif
important. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, les émotions
négatives attirent l’attention sur les éléments négatifs de la situation

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(ex. Bradley, Mogg et Lee, 1997).

174

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

4. Chercher les bénéfices à long terme


Il se peut que les aspects positifs de la situation ne se manifestent pas
immédiatement mais qu’ils constituent une conséquence à nettement plus
long terme de l’événement. Si la recherche des aspects positifs se révèle
infructueuse dans le présent, une manière fonctionnelle de penser est de
s’abstenir de juger de la valeur de l’événement. Plutôt que de le catégoriser
comme totalement négatif, mieux vaut lui laisser le bénéfice du doute. Les
bouddhistes1 illustrent ceci au travers de l’exemple suivant.

Après 70 ans de dur labeur, un paysan chinois et sa femme espéraient


pouvoir arrêter de travailler et que leur fils unique subvienne à leurs besoins.
Peu de temps avant de prendre leur retraite, le fils fit une grave chute et fut
amputé d’une jambe. Les paysans furent abattus : ils chérissaient leur fils
plus que tout au monde et ne pouvaient supporter de le voir comme ça. Ils se
demandèrent en outre comment ils trouveraient encore la force de travailler
dès lors qu’il leur fallait subvenir à la fois à leurs besoins et à ceux de leur
fils.

La situation leur paraissait injuste et dramatique, et elle l’était certainement.


Néanmoins, peu de temps après, la guerre éclata et les hommes valides du
pays furent réquisitionnés. À l’exception du fils en question, tous les
hommes du village quittè-

rent leur famille et nombre d’entre eux ne revinrent jamais. Les paysans
furent ravis de garder leur fils près d’eux et de pouvoir lui choisir une
magnifique épouse, ce qui aurait été difficile en présence de concurrents
valides. La présence de leur fils à leurs côtés leur donna la force de travailler
jusqu’à leur mort.

Cet exemple peut paraître éloigné de nos préoccupations quotidiennes, mais


il n’en est rien. Les exemples fourmillent de divorces aboutissant à une vie
conjugale et sexuelle plus épanouissante. De même, combien de
licenciements ne permettent-ils pas des réorientations de carrière fructueuses
?

■ L’acceptation

Les stratégies évoquées ci-dessus s’appliquent pour bon nombre de


situations. Toutefois, il existe malheureusement certains événements
parfaitement incontrôlables, abominables et monstrueux, tels que les
génocides, les viols, ou la perte d’un proche dans des circonstances
particulièrement atroces. De tels événements sont difficiles à réévaluer
positivement et on ne peut pas forcément en attendre de bénéfices à long
terme. Pour de tels événements, la meilleure solution – en termes de
changement cognitif – est l’acceptation.

Accepter ne signifie pas adhérer à ce qui s’est passé, ou se rendre complice.

Il s’agit simplement de cesser de se battre dans le vide, d’arrêter de se


blâmer ou de blâmer autrui/la vie pour quelque chose que l’on ne peut
pas/plus changer. Il est à noter que l’acceptation ne s’apparente en rien à de
l’impuis-1. Exemple communiqué par Tania Manfredini, sur base d’une
conférence de Pema Chödrön.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

175

sance acquise, laquelle est une acceptation fataliste, désespérée, et


conduisant à l’adoption d’une attitude passive lors d’événements négatifs
ultérieurs (Seligman, 1972). L’acceptation dont on parle ici est un processus
actif. Il s’agit en effet d’accueillir totalement l’événement douloureux et les
émotions qu’il provoque, mais en gardant à l’esprit que, si douloureux soit-
il, l’événement présent ne présage en rien du futur (Linehan, 1993).

L’acceptation requiert un double processus cognitif. Il s’agit tout d’abord


d’accepter l’existence de choses que l’on ne peut pas changer. La réussite de
ce processus engendre des pensées du type : « Il ne sert à rien d’essayer de
se battre contre le passé : ce qui est fait est fait », « Essayer de changer le
passé m’empêche seulement de vivre pleinement le présent », « Le moment
présent est le résultat de toutes mes décisions passées. Le futur sera le
résultat de mes décisions présentes » (McKay et al. , 2007) . Il s’agit ensuite
d’accueillir pleinement les émotions suscitées par la situation. L’individu est
ainsi amené à prendre une position d’observateur par rapport à son émotion,
à constater et à prendre acte de l’émotion présente, sans chercher à la fuir.
L’acceptation peut paraître simple en apparence mais elle demande un effort,
tout comme les autres stratégies de gestion émotionnelle. Accepter requiert
en effet de lâcher prise, d’accepter que l’on ne puisse pas tout contrôler et
que l’on éprouve des émotions désagréables. Ce travail sur soi confère
toutefois de nombreux bénéfices. Les recherches ont en effet montré
qu’accepter pleinement les événements difficiles et les émotions qu’ils
engendrent améliorait le bien-être (accepter ses émotions négatives permet
paradoxalement de les diminuer) et la santé physique ( via une meilleure
immunité et une meilleure résistance à la douleur) (Burns, Carroll, Ring,
Harrison et Drayson, 2002 ; McCracken et Eccleston, 2003). C’est sans
doute la raison pour laquelle différentes formes de thérapies se centrent sur
cette capacité d’acceptation. Les plus connues sont la mindfulness (Baer,
2003

; Langer, 1989

; Segal et al. , 2002) la «

Dialectical Behavior

Therapy1 » (DBT ; Linehan, 1993) et l’« Acceptance and Commitment


Therapy » (ACT ; Hayes, Strosahl et Wilson, 1999).

Dans la présente section, nous avons examiné une famille de stratégies


visant à modifier nos pensées afin de changer nos émotions. La section
suivante abordera une autre manière de réguler ses émotions : les exprimer.

1.2.4

L’expression des émotions

Il faut, en réalité, distinguer deux stratégies dans cette famille, selon que
l’interlocuteur est ou n’est pas la cause de l’émotion. La littérature désigne
sous le nom de « partage social » le partage d’émotions avec un interlocuteur

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1. Thérapie comportementale dialectique.


176

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

qui n’est pas à l’origine de l’émotion (ex. lorsque l’on raconte à une amie la
dernière dispute que l’on a eue avec notre conjoint, ou lorsque l’on rediscute
entre amis d’un accident auquel on vient d’assister). Nous désignerons sous
le nom d’« expression clarificatrice » le partage de l’émotion avec la
personne qui en est la cause (ex. lorsque l’on dit à un ami/son conjoint que
l’on s’est senti(e) blessé(e) par son comportement).

■ Le partage social de l’émotion

Considérons un instant les situations suivantes : vous profitez de votre


vendredi soir pour vous détendre devant la télévision lorsque vous être saisi
par le bruit d’une déflagration. Vous éteignez le poste et entendez des cris.
Vous vous préci-pitez dehors et voyez un individu s’enfuir, une arme au
poing. La scène est totalement surréaliste dans la mesure où vous habitez un
quartier paisible. Votre voisin d’en face vous explique alors qu’un individu a
fait irruption chez lui, qu’il semblait avoir bu et/ou être sous l’influence
d’une substance. Cet individu récla-mait de l’argent et a tiré plusieurs fois au
plafond, sans doute pour l’intimider…

Votre voisin, tétanisé, lui a donné tout son argent et l’individu s’est ensuite
enfui…

Vous calmez votre voisin et restez à ses côtés jusqu’à l’arrivée de la police.
Vous retournez chez vous très remué…

Cela fait plusieurs semaines que votre partenaire a un comportement


bizarre…

vous ne le/la reconnaissez plus. D’ordinaire attentionnée(e), il/elle est


devenu(e) distant(e), etc. Au début, vous avez mis cela sur le compte du
stress : il/elle travaille beaucoup et n’a peut-être pas la tête à votre couple
pour le moment…

Ces derniers jours, vos soupçons s’étaient toutefois portés ailleurs et vous
venez de découvrir le pot aux roses : votre partenaire a « craqué » pour
quelqu’un d’autre. Vous avez eu une violente dispute avec lui/elle et vous
êtes à présent complètement dévasté(e), etc.

Les études montrent que, dans des situations émotionnelles de ce type, 80 %


des personnes interrogées éprouvent le besoin de raconter ce qu’ils viennent
de vivre à un proche (Rimé, 2005). Dans ces deux situations, il eût donc été
fort probable que vous eussiez appelé un(e) ami(e) afin de raconter ce qui
vous était arrivé. C’est ce qu’on appelle le partage social (Rimé, Mesquita,
Philippot et Boca, 1991).

Tant les événements positifs que les événements négatifs suscitent ce besoin
de parler. Par ailleurs, le partage social est d’autant plus marqué (plus
impératif, plus fréquent et impliquant un plus grand nombre de personnes)
que l’émotion causée par l’événement est forte (Rimé, Finkenauer, Luminet,
Zech et Philippot, 1998).

Le partage social est un excellent outil de régulation parce qu’il prolonge les
émotions positives et diminue les émotions négatives (Rimé, 2005, 2007).

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

177

Toutefois, les raisons pour lesquelles le partage social est bénéfique ne


sont pas celles que l’on croit. C’est ce qu’a montré Bernard Rimé, un
chercheur belge qui a consacré toute sa carrière à l’étude du partage social.
Une croyance largement répandue stipule qu’il est bénéfique de parler à la
suite d’un épisode émotionnel afin de « se décharger », de « cracher le
morceau », de « sortir ce que l’on a sur le cœur », ou encore d’« ouvrir le
couvercle de la marmite à pression ». En réalité, un impressionnant corpus
de recherches a démontré qu’il n’en était rien : ce prétendu effet cathartique
n’existe purement et simplement pas. Parler n’a, en soi, aucun effet
bénéfique. Le partage social n’a donc pas d’impact direct sur la diminution
de l’émotion. Qu’on ne s’y trompe pas, toutefois. Si le partage social n’a pas
d’effet direct (cathartique), il a toutefois de nombreux effets bénéfiques
indirects. Nous les résumons ci-après (à partir de Rimé, 2007).
Restauration du sentiment d’appartenance, du lien social. L’expérience
d’événements très négatifs ou traumatiques conduira fréquemment à un
sentiment de rupture avec l’environnement social : nous nous sentons coupés
du monde, nous avons l’impression que nous sommes les seuls à vivre ce
que nous vivons, que les autres ne peuvent pas comprendre ce que nous
ressentons. Lorsque nous sommes extrêmement tristes (ex. après une rupture
amoureuse, lors de la perte d’un être cher), il arrive même que nous ne
comprenions pas comment les autres peuvent continuer à vivre normalement
alors que nous sommes si malheureux. Nous sommes comme « hors de la
réalité

: les autres nous apparaissent comme des pantins s’agitant frénétiquement ;


nous avons le sentiment d’être les seuls à percevoir l’absur-dité du monde,
l’infinie tristesse de la réalité. Le fait de partager l’événement avec autrui
contribue à restaurer le lien social et le sentiment d’appartenance : en parlant
de l’événement, nous re-tissons autant de ponts avec autrui.

Obtention d’affection, de chaleur, de tendresse. Le partage social permet à


autrui de prendre connaissance de la situation et d’anticiper les besoins qui
pourraient y être liés. Les émotions négatives telles que la tristesse ou la peur
s’accompagnent fréquemment d’un besoin accru de réassurance, d’affection,
de chaleur humaine. Partager son émotion augmente la probabilité d’être
rassuré(e) et/ou entouré(e).

Expression d’estime, valorisation. Toutes les émotions négatives dites « à


caractère social » s’accompagnent généralement d’une baisse de l’estime de
soi. C’est typiquement le cas de la honte, de l’embarras, de la culpabilité, de
la jalousie, et de l’envie. Outre ces grands classiques, d’autres émotions
négatives peuvent s’accompagner d’une baisse de l’estime de soi. C’est, par
exemple, le cas des hommes qui ne s’accordent pas le droit à la peur. Dans
ces cas-là, faire du partage social peut permettre d’être revalorisé. Si l’on

178

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


reprend l’exemple des coups de feux ci-dessus, cette valorisation pourrait se
manifester comme suit : « Allons, c’est normal que tu aies eu peur. Des
coups de feu en bas de chez soi, ce n’est pas tous les jours que ça arrive ! À

ta place, je n’aurais même pas osé sortir de chez moi de peur que le voleur
revienne… C’est dire comme tu es courageux ! »

Assistance dans la modification de la situation. Faire du partage social


permet à autrui de fournir une aide concrète (ex. fournir un logement le
temps que la crise de couple s’apaise) ou de donner des conseils ou des
informations qui pourront faciliter ou accélérer la mise en place d’une
solution (ex. donner le nom d’un thérapeute de couple ou donner des
conseils sur la manière dont on peut gérer la question du désir
extraconjugal).

Aide à la réévaluation cognitive. Nous avons vu ci-avant que l’une des


meilleures manières de modifier son émotion consistait à modifier la
perception que l’on avait de la situation. Il est parfois difficile de modifier
soi-même la manière dont on voit les choses et c’est précisément là que le
partage social peut s’avérer utile. Nos proches, extérieurs à la situation,
peuvent nous suggérer une autre manière de considérer la situation et nous
offrir ainsi un autre regard sur les choses (ex. « C’est normal d’avoir du désir
pour quelqu’un d’autre après 14 ans de mariage, toi aussi tu as eu du désir
pour d’autres personnes, et puis, ce n’est pas parce qu’il/elle a du désir pour
quelqu’un d’autre qu’il/elle va passer à l’acte », etc.).

Aide à la distraction. Le partage social permet à autrui de savoir que « nous


ne sommes pas dans notre assiette » et qu’il serait peut-être nécessaire de
nous changer les idées. Nos proches pourront ainsi nous aider à nous
distraire (ex. nous emmener au cinéma, au restaurant, etc.) et contribuer ainsi
utilement à nous tirer vers le haut.

Tous ces bénéfices contribueront au sentiment d’apaisement, de consolation


que l’on ressent après s’être engagé dans le partage social de nos émotions.
Le bénéfice du partage social est donc bien réel. Il ne vient simplement pas
d’un effet de catharsis mais de l’ensemble des autres bénéfices énumérés ci-
dessus.
Avant d’exposer la dernière famille de stratégies de régulation (les
techniques physio-relaxantes), il semble indispensable de préciser que le
partage social ne peut être efficace que si l’interlocuteur est bien choisi. Il
faut donc éviter de partager ses émotions avec des personnes qui sont
susceptibles de réagir maladroitement ou qui ne peuvent pas entendre ce que
l’on a à dire (soit parce qu’elles sont peu réceptives de nature, soit parce
qu’elles sont momentanément indisponibles pour écouter). Notons que ceci
est vrai également pour l’expression clarificatrice, que nous présentons ci-
après.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

179

■ L’expression clarificatrice

Prenons l’exemple suivant : un couple se rend à une soirée au cours de


laquelle la jeune femme se fait aborder par une autre personne. Son époux
juge que, même si elle ne répond pas franchement aux avances qui lui sont
faites, elle ne met pas assez clairement ses limites. Il sent monter en lui la
jalousie et la colère.

De retour à la maison, il sait qu’il a deux possibilités : s’énerver et faire une


scène, ou exprimer posément ce qu’il a ressenti. Il opte pour cette dernière
possibilité.

Comme nous l’avons souligné antérieurement, ce qui distingue l’expression


clarificatrice du partage social, c’est l’origine de l’émotion. Dans le premier
cas, l’émotion est indépendante de l’interlocuteur alors que, dans le second,
ce dernier en est la cause. Ainsi que l’illustre cet exemple, l’expression
clarificatrice consiste à exprimer à son interlocuteur, de manière posée et
constructive, les émotions induites par son comportement.

Comme nous l’avons vu au chapitre 5, l’expression clarificatrice pour-suit


un double objectif : d’une part, permettre à l’individu de prendre
connaissance de l’état émotionnel de son partenaire d’interaction et, d’autre
part, de favoriser la résolution du problème. L’idée est donc d’exprimer
constructivement ses émotions afin de permettre à l’autre (1) d’en prendre
connaissance (l’autre n’a pas nécessairement perçu ou identifié l’émotion) et
(2) de réagir en conséquence. L’interlocuteur pourra alors soit démontrer que
l’émotion n’a pas lieu de perdurer (ex. malentendu), soit rectifier le tir et
adapter son comportement, ou encore décider de ne rien faire. Si l’on
reprend l’exemple ci-dessus, l’épouse pourrait soit expliquer à son mari que
l’homme qui la « séduisait » visait uniquement à rendre sa propre femme
jalouse et que le jeu de séduction était donc feint.

Étant donné qu’elle n’était pas vraiment visée et qu’elle ne trouvait pas du
tout cet homme attirant, elle n’a pas jugé bon de mettre outrancièrement ses
limites. Dans ce cas, l’expression des émotions du mari a permis à l’épouse
de lui expliquer que sa jalousie était compréhensible, mais qu’elle n’avait
pas lieu de perdurer. Dans le second cas de figure, l’épouse pourrait
reconnaître que son comportement prêtait à confusion et qu’elle aurait dû
mettre plus clairement ses limites. Elle pourrait promettre d’essayer d’éviter
l’ambiguïté la prochaine fois. Dans le troisième cas de figure, l’épouse
pourrait dire à son mari qu’il n’a qu’à l’accepter comme elle est et que, tant
qu’elle ne le trompe pas, il n’a rien à dire. Dans ce dernier cas, il incombera
sans doute au mari d’utiliser une autre stratégie de régulation !

L’expression clarificatrice ne résout donc pas automatiquement le

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

problème, mais elle augmente fortement la probabilité qu’il le soit.

180

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Notons qu’afin que ses effets soient optimaux, l’expression émotionnelle


doit être effectuée diplomatiquement ET au bon moment. Nous avons
exposé au chapitre 5 différentes techniques permettant d’exprimer son
ressenti de manière acceptable pour l’interlocuteur. Outre la forme, le choix
du moment est primordial. Si l’interlocuteur n’est pas en état d’entendre ce
qu’on a à lui dire (ex. trop alcoolisé, trop occupé ou trop tendu), cette
technique n’aura aucun effet, quelle que soit la forme employée.
Nous avons à présent exposé quatre familles de stratégies de régulation. Il
reste dès lors une dernière branche du modèle à développer : les techniques
physio-relaxantes.

1.2.5

Les techniques physio-relaxantes

Les techniques physio-relaxantes ont pour but d’agir directement sur le


corps, en induisant un relâchement musculaire, une baisse du rythme
cardiaque et de la tension artérielle. En résumé, elles visent à supprimer la
composante physiologique de l’émotion. Cela ne supprime pas forcément les
pensées négatives mais, lorsque notre corps est détendu et que nous sommes
ainsi ressourcés, il est plus facile de faire face aux difficultés (McKay et al. ,
2007). Les techniques physio-relaxantes visent à retrouver l’énergie
nécessaire pour modifier la situation et/ou pour changer notre manière de la
percevoir.

Le relâchement de la tension musculaire et physiologique peut se faire de


différentes manières. Il existe 2 grandes techniques : la relaxation dirigée et
la relaxation personnelle.

■ La relaxation dirigée

Il existe de nombreuses techniques de relaxation dirigée, mais les deux plus


connues sont sans aucun doute celle de Schultz et celle de Jacobson. Ces
techniques, dont les protocoles peuvent être retrouvés sur Internet, visent à
détendre tour à tour les différents muscles du corps afin d’aboutir à un état
de relâchement complet (Schultz, 1958 ; Jacobson, 1987).

De nombreuses personnes s’estiment trop actives pour pratiquer la relaxation


ou pensent qu’« elles n’ont pas la personnalité pour pratiquer ce genre de
choses ». Une étude a récemment testé la véracité de ces stéréotypes et
montré qu’ils étaient infondés : l’effet de la relaxation ne dépend pas de la
personnalité (Sulmon, 2003). En d’autres termes, nous pouvons tous
bénéficier des effets de la relaxation, à condition de nous y mettre ! Et ces
bénéfices ne sont pas des moindres. On a montré, il y a longtemps déjà, que
la pratique quotidienne de la relaxation avait un effet positif sur la
performance au travail (Peters, Benson et Porter, 1977) et qu’elle réduisait
les manifestations psychologiques et physiques du stress (voir Murphy, 1996
pour une revue). La relaxation augmente également significativement le
bien-être, les

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

181

indicateurs de santé des personnes souffrant de maladies telles que le cancer,


les céphalées, ou encore l’hypertension (voir Carlson et Hoyle, 1993 et
Luebbert, Dahme et Hasenbring, 2001 pour des méta-analyses). Il est à noter
que, pour être efficaces en situation de stress, les techniques de relaxation
doivent avoir été pratiquées et automatisées en situation de repos. En effet,
ce n’est qu’après un entraînement suffisant qu’elles deviennent efficaces.

La respiration diaphragmatique : prudence !

La respiration diaphragmatique est une méthode de respiration parfois


proposée par les psychothérapeutes dans le cadre de la gestion du stress et de
l’anxiété.

Cette technique consiste à remplir les poumons d’air en gonflant le bas du


ventre plutôt que le thorax. L’objectif est de diminuer le rythme de la
respiration et augmenter son amplitude. Les recherches menées sur le sujet
démontrent toutefois que son efficacité n’est que relative (ex. Schmidt et al. ,
2000) et qu’elle est même contre-indiquée chez les personnes ayant des
troubles respiratoires (Cahalin, Braga, Matsuo et Hernandez, 2002).

■ La relaxation personnelle

Nous avons évoqué dans la section précédente les réticences de certaines


personnes à faire usage de techniques de relaxation. Les preuves
scientifiques ne viennent pas à bout de toutes les résistances et il ne sert à
rien de forcer les individus à pratiquer des activités qu’ils n’apprécient
guère. Si un individu n’est pas sensible à la relaxation dirigée, il pratiquera
toutefois spontanément des activités qu’il juge relaxantes : prendre un bain,
écouter de la musique, etc. Ces activités peuvent être utilisées à des fins de
régulation également.
Les techniques de relaxation personnelle sont les techniques individuelles,
non dirigées et non méthodiques, que les individus adoptent spontanément
pour se relaxer. McKay, Wood et Brantley (2007) ont répertorié un ensemble
d’activités relaxantes « naturelles » pouvant être pratiquées à des fins de
régulation. Elles sont basées sur des sens différents, mais visent toutes à
induire un relâchement de la tension musculaire et/ou physiologique. Nous
reprenons certains de leurs exemples dans le tableau 8.2 et renvoyons le
lecteur à leur ouvrage pour une description complète.

182

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Tableau 8.2

Exemples de techniques de relaxation personnelle

À chaque sens, sa technique (adaptation de McKay et al. , 2007, p. 24-28).

Techniques basées sur l’odorat

L’odeur est un sens très puissant. Beaucoup d’odeurs ont été


inconsciemment conditionnées à des choses positives ou négatives et il est
dès lors important d’identifier et de choisir des odeurs qui nous apaisent.

– Se blottir contre son partenaire si son odeur est apaisante.

– Faire brûler des bâtons d’encens.

– Se rendre dans un parc, s’étendre sur l’herbe et s’imprégner de l’odeur.

Techniques basées sur la vision

La vision est un sens important chez l’humain et une large portion du


cerveau est dédiée au traitement de l’information en provenance de nos
yeux.

– Se rendre dans un endroit que l’on aime et admirer le paysage.


– Regarder le soleil se coucher ou admirer un ciel étoilé.

– Allumer un feu ou des bougies et observer les flammes.

Techniques basées sur l’ouïe

De nombreux sons ont des propriétés relaxantes. Bien que certains sons aient
des propriétés relaxantes particulières, les goûts varient selon les individus.
Une musique qui n’est pas appréciée ne sera pas relaxante.

– Mettre de la musique apaisante (musique lounge, musique classique,


celtique, etc.).

– Écouter ses CD favoris.

– Écouter la nature si l’on habite à la campagne.

Techniques basées sur le toucher

Notre peau recouvre entièrement notre corps et elle recouvre un ensemble de


termi-naisons nerveuses qui envoient les sensations directement au cerveau.
Il s’agit donc d’une porte d’entrée de choix pour se relaxer !

– Prendre une douche chaude (ou tiède en été) et apprécier la sensation de


l’eau qui coule sur le corps (ou balnéothérapie, etc.).

– Demander un massage à sa/son partenaire ou à un(e) ami(e).

– Caresser son animal domestique.

Techniques basées sur le goût

Manger et boire peuvent être des actes apaisants. Néanmoins, manger ou


boire à des fins de régulation peut s’avérer très délétère : si l’on se met à
manger ou à boire chaque fois que l’on souhaite se calmer, on court le risque
de développer, tôt ou tard, des troubles alimentaires et/ou alcooliques.

Il va de soi que cette liste ne constitue nullement un relevé exhaustif des


techniques physio-relaxantes. Elle vise simplement à donner au lecteur un
bref aperçu de la myriade de possibilités qui s’offrent à celui ou celle qui
souhaite se détendre. Des combinaisons sont possibles – et même
souhaitables – telles que prendre un bain aux huiles essentielles dans une
salle de

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

183

bain éclairée à la bougie et avec un fond sonore apaisant. On peut aussi


regarder un bon film, emmitouflé(e) dans une couette.

Les techniques physio-relaxantes évoquées ci-dessus ont une efficacité


indubitable, mais la plupart d’entre elles requièrent de disposer d’un
minimum de temps. Elles peuvent donc être remplacées par des techniques
plus rapides (mais souvent plus coûteuses en termes d’efforts cognitifs),
telles la distraction interne (penser à quelque chose de plaisant) ou le
changement cognitif (réévaluation, acceptation de la situation).

1.3 En résumé

Les stratégies présentées dans les sections qui précèdent constituent autant
d’outils de gestion émotionnelle ayant fait preuve de leur efficacité.
Néanmoins, chaque individu aura des affinités particulières avec certaines
straté-

gies plutôt que d’autres. L’essentiel est cependant d’avoir plusieurs stratégies
à sa disposition, afin de pouvoir faire face au plus grand nombre de
situations possibles. De manière générale, il est à noter que la régulation
émotionnelle sera d’autant plus efficace qu’elle intervient tôt. La métaphore
des chutes du Niagara1 illustre bien ce point. Lorsque le bateau se trouve
loin de la chute, il a tout le loisir de modifier sa trajectoire et de rejoindre le
bord. Plus il se rapproche de la chute, plus il devient difficile à maîtriser.
Juste avant la chute, il atteint un point irréversible au-delà duquel il n’est
plus maîtrisable et est condamné à tomber. Il en va de même avec nos
émotions. Si nous ne régulons pas notre colère rapidement, nous atteignons
un point de non-retour au-delà duquel il devient très difficile de la maîtriser.

2 LES AVATARS DE LA RÉGULATION


ÉMOTIONNELLE : LES STRATÉGIES

DYSFONCTIONNELLES

Dans la section précédente, nous avons présenté un modèle de régulation


fonctionnel ou « adaptatif ». En d’autres termes, nous avons présenté les
stratégies qui ont été démontrées efficaces dans la littérature scientifique.
Les recherches ont ainsi montré que l’utilisation des stratégies exposées ci-
dessus était associée à une baisse de l’activation physiologique, à de
meilleurs indicateurs de santé (mentale et physique), à des relations sociales

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1. Extraite de McKay, Wood et Matthews (2007).

184

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

de meilleure qualité et à une meilleure performance au travail que


l’utilisation des stratégies présentées ci-après. Ces dernières ont quant à elles
été qualifiées de dysfonctionnelles parce qu’associées à de mauvais
indicateurs sociaux, de santé et de performance.

Ces stratégies dysfonctionnelles peuvent être placées dans le même modèle


que les stratégies fonctionnelles. Ainsi, à côté des stratégies fonctionnelles
susmentionnées, chaque famille de stratégies comporte un certain nombre de
stratégies dysfonctionnelles. Nous les présentons ci-dessous.

2.1 Les avatars de la régulation a priori

Les individus qui n’anticipent pas les émotions que telle ou telle situation
pourrait induire et/ou qui ne prennent pas ces émotions en compte au
moment de leur décision courent le risque d’éprouver des émotions
particulièrement pénibles par la suite. Il existe trois formes dysfonctionnelles
de régulation a priori.

2.1.1
La confrontation dysfonctionnelle

La confrontation dysfonctionnelle désigne la confrontation à une situation


évitable, dont l’issue négative était prévisible, et dont la confrontation n’est
pas susceptible d’apporter des bénéfices substantiels à long terme. On
pourrait parler de confrontation dysfonctionnelle lorsque quelqu’un s’engage
dans une relation amoureuse avec un(e) partenaire réputé(e) violent(e).

2.1.2

L’évitement dysfonctionnel

S’il est fonctionnel d’éviter les situations susceptibles d’amener plus de


souffrances que de bonheurs, il est dysfonctionnel d’éviter les situations
anxiogè-

nes à court terme mais susceptibles d’amener des bénéfices à long terme
(Luminet, 2002). Il est ainsi néfaste d’éviter de se confronter à ses examens
sous prétexte qu’ils induisent des émotions négatives. Il en va de même avec
les phobies. Éviter l’objet de sa phobie (ex. araignées) ou les lieux qui y sont
liés (ex. caves, greniers, certains pays) permet de réduire les manifestations
d’anxiété à court terme mais augmente drastiquement l’anxiété lors de la
confrontation inattendue avec l’objet ou la situation phobogène, et conduit à
se priver de certaines possibilités (ex. visiter certains pays).

Le fait d’éviter systématiquement les situations anxiogènes (en négligeant


les bénéfices que leur confrontation pourrait amener) est lié à de piètres
indicateurs de santé, tant au niveau psychologique que physique (voir Penley
et al. , 2002 et Suls et Fletcher, 1985 pour revues).

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

185

2.1.3

La procrastination
La procrastination renvoie au fait de remettre à plus tard des tâches qui
devraient être effectuées immédiatement (ex. différer l’étude d’un cours, la
préparation d’un exposé, la résolution d’un problème, etc.). La
procrastination constitue une stratégie de réponse à l’ennui (ex. ne pas
arriver à se mettre au travail lorsque la tâche est ennuyante) ou au stress (ex.
reporter à plus tard afin d’éviter de se confronter au problème). Elle peut
également provenir d’une gestion déficiente des impulsions (ex. lorsque l’on
remet une tâche à plus tard parce qu’on lui préfère une activité qui procure
une gratifi-cation immédiate) (Cornil, 2008 ; Steel, 2007).

Même si elle permet une diminution du stress à court terme, la


procrastination conduit le plus souvent à davantage de stress et de problèmes
de santé à long terme (Sirois et Pychyl, 2002 ; Tice et Baumeister, 1997). La
relation avec la performance au travail est, quant à elle, complexe. Dans la
majorité des cas, la procrastination mène à une moins bonne performance
académique et professionnelle (ex. Steel, Brothen et Wambach, 2001 ; Tice
et Baumeister, 1997). On observe l’inverse toutefois chez certains individus :
ces adeptes de la « dernière minute » ne semblent travailler efficacement que
sous pression (Steel, 2007). Pour de telles personnes, la procrastination
représente un outil stratégique de maximisation de la performance (Chun
Chu et Choi, 2005).

2.2 Les avatars de la régulation a posteriori

En ce qui concerne la régulation a posteriori, les stratégies dysfonctionnelles


à chaque étape sont les suivantes :

2.2.1

La gestion de la situation

■ L’impuissance acquise

L’impuissance acquise désigne l’état d’un individu qui pense qu’il n’a aucun
contrôle sur la situation et que toute tentative de solution sera vaine.

L’impuissance acquise est souvent le résultat de traumatismes répétés (ex.


abus sexuels), sur lesquels l’individu n’avait pas de prise au départ (ex. parce
que trop jeune). Les individus qui souffrent d’impuissance acquise adoptent
une position passive par rapport à l’adversité, de sorte qu’ils ne cherchent
plus à modifier les situations problématiques, même quand ils en auraient
objectivement le pouvoir. Les individus souffrant d’impuissance acquise
sont très vulnérables à la dépression (Peterson, Maier et Seligman,

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1993).

186

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.2.2

L’orientation de l’attention

■ La rumination

Ruminer équivaut à ressasser sans arrêt les mêmes pensées, à tourner et


retourner un événement dans son esprit. La rumination peut être
fonctionnelle lorsqu’elle est orientée vers l’action, c’est-à-dire lorsqu’elle
vise à trouver des solutions et qu’elle permet de générer plusieurs pistes,
dont les

« pour et contre » sont ensuite soupesés. La rumination est toutefois


dysfonctionnelle lorsqu’elle est effectuée passivement, que l’on ressasse un
épisode négatif sans vraiment essayer de trouver de solution ou d’appliquer
celles que l’on a dégagées, que l’on se focalise sur les émotions ou les
aspects négatifs, que l’on recherche des responsables ou que l’on s’engage
dans un questionnement du type « pourquoi moi ? ».

La rumination est à proscrire parce qu’elle augmente l’intensité et la durée


des émotions négatives (Bushman, 2002 ; Morrow et Nolen-Hoeksema,
1990). Une étude sur 2 ans menée sur des individus initialement non
dépressifs a montré que la tendance à ruminer prédit non seulement le risque
de tomber en dépression mais également le nombre d’épisodes dépressifs
ainsi que la durée de ceux-ci (Robinson et Alloy, 2003). Outre son impact
négatif sur le bien-être, la rumination entrave également la performance,
probablement parce qu’elle réduit les ressources cognitives disponibles
(Watkins et Brown, 2002).

■ Le déni

Nous avons mentionné précédemment qu’il était important de distinguer la


distraction du déni. Le déni implique un refus de reconnaître l’existence
même du problème, sa gravité ou ses conséquences potentielles, alors que la
distraction implique une prise de distance momentanée par rapport à un
problème dont l’existence est reconnue. Si le déni est temporairement
protecteur au niveau émotionnel (en déniant le problème, l’individu se
protège de la souffrance y afférente), il entrave la recherche de solution (ex.
dans le cas d’une relation de couple qui se détériore ou d’une annonce de
restructuration) et peut ainsi conduire à une aggravation de la situation (ex.
divorce ou chômage).

2.2.3

Le changement cognitif

■ La catastrophisation

Elle renvoie à une dramatisation de la situation actuelle ou à l’anticipation de


conséquences négatives résultant d’un épisode futur. Il s’agit en quelque
sorte de l’inverse de la réévaluation positive puisque l’individu focalise ici
son attention sur ce qui pourrait mal tourner.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

187

■ La recherche d’un bouc émissaire

Cette stratégie consiste à blâmer un tiers pour l’occurrence du problème


et/ou pour son incapacité à le résoudre (ex. blâmer son employé ou son
conjoint pour une erreur dont on est personnellement responsable ; reporter
sur ses proches l’énervement accumulé au travail). Il s’agit d’une stratégie
particulièrement délétère dans la mesure où elle entrave fortement la qualité
des rapports sociaux. C’est probablement pour cette raison que les études
montrent que l’utilisation répétée de cette stratégie est associée à de piètres
indicateurs de bien-être sur le long terme (ex. Affleck, McGrade, Allen et
McQueeney, 2003 ; Bulman et Wortman, 1977).

2.2.4

L’expression des émotions

■ La suppression expressive

Cette stratégie consiste à réguler les manifestations visibles de l’émotion (ex.


expression faciale, posture, voix) afin de « masquer » son ressenti aux yeux
d’autrui. Cette technique est dysfonctionnelle pour deux raisons. D’une part,
supprimer la composante expressive de l’émotion ne change rien aux autres
composantes de celle-ci, de sorte que l’intensité de l’émotion ressentie ne
diminue pas, pas plus d’ailleurs que l’activation physiologique
correspondante (en réalité, ces dernières augmentent même !) (Gross, 1998 a
; Gross et Levenson, 1997). D’autre part, les émotions feintes sont souvent
ressenties comme telles par les partenaires de l’interaction sociale. Des
études ont ainsi montré que les individus présentaient une augmentation de
la pression arté-

rielle lorsque l’expression émotionnelle de leur interlocuteur était


inauthentique. Cette augmentation de la pression artérielle va de pair avec
une diminution de la satisfaction ressentie dans l’interaction, et une
réduction de l’envie d’interagir à nouveau (Butler et al. , 2003 ; Grandey,
Fisk, Mattila, Jansen et Sideman, 2005).

Étant donné qu’un certain nombre d’émotions ne peuvent s’exprimer sous


peine de déroger aux normes d’expression émotionnelle ou de blesser son
interlocuteur, il faut essayer de réévaluer la situation ou d’utiliser une autre
technique de régulation des émotions plutôt que de simplement « masquer
son émotion » aux yeux d’autrui (voir chapitre 5 pour les exceptions).

■ Le retrait social

Le retrait social constitue tout autant une stratégie de régulation qu’une


tendance à l’action naturellement associée à certaines émotions (ex. honte,
tristesse). Certaines émotions, telles que la honte ou la tristesse, induisent en
effet une tendance vers le retrait social. Dans le cas de la honte ou de la
tristesse, le retrait est initialement fonctionnel car il permet de prendre du
recul, de réfléchir sur soi et, le cas échéant, de déterminer ce qu’il y a lieu de
faire

188

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

pour éviter que de telles situations se reproduisent. Cette réponse est


néanmoins dysfonctionnelle si elle perdure car elle favorise alors la
rumination, contribuant à maintenir l’émotion négative.

Le retrait social comme stratégie de régulation est utilisé par les individus
pensant qu’ils parviendront à mieux gérer leur émotion en se mettant
temporairement à l’écart (ex. s’en aller afin d’éviter d’exploser de colère). Il
s’agit d’une stratégie fonctionnelle dès lors que l’individu met réellement ce
retrait à profit pour laisser l’émotion retomber, prendre distance par rapport à
la situation et réfléchir. Il vaut ainsi parfois mieux sortir de la pièce
qu’exploser de colère sur son enfant ou s’énerver sur son conjoint et dire des
choses que l’on pourrait regretter. Notons que si le retrait est clairement plus
fonctionnel que la violence physique/verbale ou l’abus d’alcool, il comporte
le risque de blesser ou d’offenser l’interlocuteur, qui peut se sentir rejeté ou
privé de la possibilité de discuter (DeLongis et Preece, 2002 ; Repetti, 1992).
Dans de telles situations, il vaut mieux prévenir l’interlocuteur des raisons
pour lesquelles on s’éloigne temporairement et du temps que ce retrait est
supposé durer (ex. « j’ai besoin de prendre l’air pour me calmer, je reviens
dans deux heures »).

■ L’expression inadéquate

Cette stratégie réfère à l’expression des émotions à un moment ou d’une


manière qui ne soit pas acceptable pour l’interlocuteur. Ainsi, il ne serait pas
approprié pour un individu financièrement aisé d’exprimer sa colère d’avoir
perdu de l’argent en bourse en présence d’une personne démunie.

De même, il n’est sans doute pas judicieux d’exprimer à son conjoint la


tristesse qu’a occasionné le départ d’une collègue alors que celui-ci a un
travail urgent à rendre ou qu’il est en colère après avoir eu un agent des
services publics en ligne. Si l’interlocuteur et/ou le moment est mal choisi, la
personne sera ignorée ou rabrouée par son interlocuteur, ce qui ne fera
qu’aggraver son état émotionnel. Comme exposé en détail au chapitre 5, la
manière et le moment choisi d’exprimer ses émotions est aussi importante
que l’expression elle-même.

■ L’agression verbale

L’agression constitue souvent une tentative de réponse aux émotions de


colère, culpabilité et honte. Il s’agit d’une stratégie délétère pour deux
raisons. La première est évidente : l’agression demeure rarement sans suite.

L’individu court donc le risque de voir ses interlocuteurs se détourner de lui


ou lui répondre vertement, engendrant une spirale sans fin. La seconde
raison est davantage contre-intuitive. Si l’agression est généralement utilisée
dans le but de décharger l’émotion et de réduire l’activation physiologique,
elle a en réalité l’effet exactement opposé. Ainsi, les personnes agressives
présen-

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

189

tent davantage de risque de développer des maladies cardio-vasculaires (voir


Miller, Smith, Turner, Guijaro et Hallet, 1996 pour une méta-analyse).

2.2.5

Les techniques physio-relaxantes

À côté des techniques physio-relaxantes fonctionnelles, il existe au moins


deux techniques dites « à double tranchant » qui sont très délétères
lorsqu’elles sont utilisées comme stratégies de régulation. L’utilisation
d’alcool ou d’anxiolytiques afin d’anesthésier des émotions négatives que
l’on ne parvient pas à gérer autrement représente, à court terme, une straté-

gie d’une efficacité redoutable. L’individu y recourra généralement par


mesure d’économie : boire un verre (ou prendre un calmant) permet de se
défaire plus rapidement de l’émotion indésirable et requiert moins d’effort.

Toutefois, celui qui n’y prend pas garde pourra être tenté de recourir à ce
type de stratégie de plus en plus fréquemment et de tomber, tôt ou tard, dans
l’abus.

■ L’abus d’alcool

Nous ne parlons pas ici de l’abus d’alcool festif, c’est-à-dire des soirées un
peu trop arrosées qui suivent une bonne nouvelle. L’abus d’alcool comme
stratégie de régulation désigne une consommation excessive d’alcool en vue
d’oublier un problème ou d’anesthésier les émotions qu’il engendre. Si cette
stratégie est relativement inoffensive lorsqu’elle est utilisée exceptionnelle-
ment, elle est délétère lorsque l’alcool est l’une des stratégies de régulation
privilégiées de l’individu. L’abus d’alcool endommage la santé mentale et
physique à long terme (ex. Single, Rehm, Robson et Van Truong, 2000). Il
altère en outre significativement la performance au travail (Mangione et al. ,
1999).

■ L’abus d’anxiolytiques

Tout comme l’alcool, les anxiolytiques sont inoffensifs dès lors qu’ils sont
utilisés occasionnellement ou durant de courtes périodes, par exemple pour
combattre l’anxiété liée à une opération chirurgicale ou à la suite d’un
événement qui dépasse momentanément les ressources de l’individu (ex.
agression). L’utilisation d’anxiolytiques de manière prolongée n’est pas
recommandée, et ce, pour au moins deux raisons. Premièrement, en dépit de
leur effet myorelaxant (détente musculaire), les anxiolytiques, à l’instar de la
relaxation classique, n’induisent pas de modification des pensées. Ils doivent
dès lors être conjugués avec l’application d’autres stratégies de régulation
(ex. modification de la situation ou réévaluation positive). La dépendance
aux anxiolytiques provient souvent de l’adoption par l’individu d’une
position passive : il attend que le médicament fasse effet. Et cette attente
dépasse

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

fréquemment le cadre du seul relâchement musculaire : l’individu attend que


190

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

le médicament le libère de ses émotions négatives, voire même résolve le


problème. Ces attentes irréalistes conduisent l’émotion négative à perdurer,
appelant la prise d’un autre médicament et ainsi de suite. Cette dépendance
psychique est aggravée par le fait que les anxiolytiques ont, sur le plan
pharmacologique, une forte tolérance (c’est-à-dire que les doses doivent être
augmentées pour obtenir le même effet). La plupart des molécules
anxiolytiques engendrent une dépendance à moyen terme. L’arrêt devient
alors difficile, impliquant un véritable processus de sevrage.
3 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons proposé un modèle de la régulation


émotionnelle et explicité en détail les stratégies les plus efficaces et, plus
brièvement, celles à proscrire (voir tableau de synthèse 8.3, ci-contre). Ce
modèle a une visée tant descriptive qu’utilitaire. Au niveau descriptif, il vise
d’une part à fournir un cadre de classification théorique des processus de
régulation émotionnelle et, d’autre part, à offrir une grille d’analyse et de
compréhension des processus à l’œuvre chez un individu donné. Au niveau
utilitaire, il peut servir de base à un travail d’amélioration de ses
compétences émotionnelles, via une démarche de développement personnel,
thérapeutique ou de coaching. Dans le chapitre suivant, nous allons aborder
la régulation des émotions positives. La capacité à prolonger et/ou à
intensifier nos états d’humeur positifs est en effet au moins aussi importante
pour le bien-être que la capacité à réguler nos émotions négatives.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS NÉGATIVES

191

Tableau 8.3

Synthèse des principales stratégies de régulation des émotions Famille de


stratégie de

Stratégies généralement

Stratégies généralement

régulation

fonctionnelles

dysfonctionnelles

Anticipation des émotions

que des situations futures


Non-anticipation des émo-

(prévisibles) pourraient

tions que des situations

provoquer et :

futures (prévisibles) pour-

– confrontation aux situa-

raient provoquer et :

tions susceptibles d’apporter

– confrontation à

des bénéfices à court ou à

Régulation a priori

des situations délétères

long terme (même si elles

à long terme ;

induisent des émotions

– évitement de situations

négatives à court terme) :

susceptibles d’apporter des

– évitement des situations

bénéfices à long terme ;


qui ne sont pas susceptibles

– procrastination.

d’apporter des bénéfices à

court ou à long terme.

Régulation

a posteriori

Modification

Modification directe

Impuissance acquise

de la situation

ou indirecte

Ré-orientation

Distraction

Rumination

de l’attention

Déni

Changement cognitif

Réévaluation de la situation

Catastrophisation

( via un examen des croyan-


ces, une relativisation, une

recherche de sens positif)

Recherche de boucs émis-

Acceptation

saires

Expression des émotions

Partage social

Retrait social

Expression clarificatrice

Suppression des émotions

Expression inadéquate

Agression verbale

Techniques physio-

Relaxation dirigée

Abus d’alcool

relaxantes

Relaxation personnelle

Abus d’anxiolytiques

Chapitre 9

LA RÉGULATION
DES ÉMOTIONS

POSITIVES1

1. Par Jordi Quoidbach.

Dans le chapitre précédent, nous avons abordé l’importance de bien gérer


nos émotions négatives. En effet, nous avons vu qu’une mauvaise régulation
émotionnelle pouvait avoir un impact majeur dans les quatre grands
domaines de la vie : relations sociales, performance, bien-être, santé mentale
et physique.

De la même manière qu’il est bénéfique d’apprendre à gérer nos émotions


négatives, il est intéressant d’apprendre à augmenter l’intensité et la durée de
nos émotions positives afin d’en tirer le meilleur. Mais pourquoi ? Pourquoi
devrions-nous faire « des efforts » pour être plus heureux ?

1 L’IMPORTANCE DES ÉMOTIONS

POSITIVES

1.1 Les émotions positives du point de vue de l’évolution On comprend


facilement pourquoi des émotions telles que la peur, la jalousie ou la colère
ont perduré au cours des siècles. Prenons le cas d’un homme des cavernes
doté de gènes « de la peur » particulièrement développés : moins enclin à
partir taquiner le mammouth, il avait beaucoup plus de chances de survivre
que celui qui en était dépourvu. Vivant plus longtemps, il avait par
conséquent plus de chances de se reproduire et de transmettre ses gènes de la
peur à sa progéniture. C’est la théorie de l’évolution. Mais à quoi servent la
joie, la fierté ou l’intérêt d’un point de vue évolutionniste ? Pourquoi un
homme des cavernes heureux aurait-il eu plus de chances de survivre et de
se reproduire ? Tout simplement parce que les émotions positives apportent
de nouvelles ressources qui augmentent les chances de survie (voir figure
9.2).

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Comment expliquer cela ?


196

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Dans sa désormais célèbre théorie des émotions positives, la théorie de


l’élargissement et de la construction, le professeur Barbara Fredrickson
montre qu’à l’inverse des émotions négatives qui recentrent notre attention
sur des éléments particuliers pour limiter nos comportements à ceux
initialement utiles à notre survie – la peur, par exemple, nous pousse à
centrer notre attention sur les éléments menaçants et nous prépare à fuir – les
émotions positives élargissent notre façon de penser et notre répertoire
de comportements (Fredrickson, 1998, 2001). En effet, nous ressentons
typiquement des émotions positives dans des situations où nous ne sommes
pas en danger. Les processus psychologiques qui recentrent notre attention et
facilitent une réponse rapide et décisive ne sont pas dominants dans pareilles
circonstances. Les émotions positives qui peuvent alors se manifester – la
joie, la fierté, le contentement ou l’amour par exemple – nous indiquent en
quelque sorte que « tout va bien », que nos besoins sont satisfaits ou en
bonne voie de l’être. Ces émotions ont donc un effet complémentaire et
antagoniste à celui des émotions négatives : elles nous disposent à être plus
ouverts.

Concrètement, les émotions positives agissent principalement à trois niveaux


: sur nos pensées, sur nos comportements et sur nos relations sociales.

Au niveau des pensées (aussi appelées cognitions), les émotions positives


poussent les individus à faire de nouvelles connexions entre leurs idées, à
mieux intégrer et organiser les informations, et à générer de nouvelles
solutions face aux problèmes (Isen, 1999). Imaginons par exemple que nous
soyons amenés à résoudre le problème suivant : « Reliez ces 9 points en
quatre traits seulement. Vous ne pouvez pas lever le crayon de la feuille. »

Figure 9.1

Problème des 9 points

De nombreuses études montrent que les personnes de bonne humeur (qui ont
par exemple été exposées au préalable à une séquence vidéo amusante)
résolvent plus facilement et plus rapidement ce genre de problème que les

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

197

personnes chez qui on a induit une humeur négative ou neutre (Isen,


Daubman et Nowicki, 19871).

Au niveau des comportements, les émotions positives augmentent la


tendance à s’engager dans des activités variées : la joie et le bonheur par
exemple poussent les individus à interagir et à jouer ; l’intérêt motive à
explorer l’environnement (Frijda et Mesquita, 1994). Ainsi, les personnes
chez qui on a induit des émotions positives portent un intérêt plus marqué à
se lancer dans un grand nombre d’activités sociales, physiques ou de loisirs
(Cunningham, 1988 a) et sont plus enclines à initier la conversation avec
autrui que les personnes dans un état négatif ou neutre (Cunningham, 1988
b). Par ailleurs, les émotions positives permettent de récupérer plus
rapidement des émotions négatives et d’augmenter la capacité de résilience.
Ainsi, par exemple, une étude a montré que lorsque l’on demandait à des
participants de regarder un film induisant des émotions négatives,
directement suivi soit d’un film amusant, soit d’un film neutre, les sujets
récupéraient un rythme cardiaque normal plus rapidement lorsque le second
film était amusant (Fredrickson et Levenson, 1998). Une autre recherche
portant sur les personnes en deuil, a également montré que les individus qui
souriaient véritablement (sourire de Duchenne) en parlant de leur conjoint
décédé étaient davantage à même de prendre de la distance par rapport au
chagrin et de se remettre plus rapidement de cette perte que les personnes
qui n’étaient pas capables de sourire (Keltner et Bonanno, 1997).

Enfin, les émotions positives apportent également de nombreux bénéfices au


niveau des relations sociales.

Les études ont montré que le sourire des nouveau-nés provoque


automatiquement un sentiment d’amour et d’attachement chez les personnes
qui s’en occupent, ce qui contribue à assurer la survie de l’enfant
(Lyubomirsky, King et Diener, 2005). Le sourire de Duchenne et le rire
apportent des informations sur nos intentions amicales, invitant ainsi les
autres à se rapprocher (Frijda et Mesquita, 1994). Les recherches sur les
interactions mère-enfant illustrent comment les personnes qui interagissent
avec un individu exprimant des émotions positives commencent elles-mêmes
à sentir et à exprimer ce type d’émotions (Haviland et Lelwica, 1987).

Les émotions positives facilitent également les comportements d’aide et de


coopération (Isen, 1999).

1. La solution nécessite d’être « créatif » en pensant autrement. Pour


résoudre le problème, il faut

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

sortir du cadre formé par les neuf points.

198

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


Isen et Levin (1972) ont par exemple réalisé une étude à ce sujet dans les
cabines téléphoniques publiques des centres commerciaux. L’expérience
était la suivante : à certains moments, un expérimentateur plaçait
discrètement une pièce de 10 centimes à l’endroit où l’on récupère la
monnaie, et, à d’autres, il ne plaçait rien. Les clients du centre commercial
qui utilisaient la cabine téléphonique pouvaient donc trouver « par chance »
une pièce de monnaie (groupe émotions positives) ou ne rien trouver (groupe
contrôle). Un complice de l’expérimentateur suivait les personnes juste après
leur coup de téléphone et laissait tomber une farde remplie de papiers sur le
sol. Conformément aux hypothèses des chercheurs, les personnes qui avaient
préalablement trouvé une pièce de monnaie dans la cabine aidaient
davantage à ramasser les papiers que les personnes du groupe contrôle.

Ainsi que le montrent ces études, les émotions positives contribuent à


construire et à renforcer les liens sociaux.

En conclusion, les émotions positives favorisent la créativité, motivent les


individus à s’engager dans des activités qui améliorent leurs compétences
personnelles, aident à se remettre plus rapidement des émotions négatives et
renforcent les liens sociaux. Notre homme des cavernes qui dispose des
gènes le programmant à ressentir la joie, le contentement ou la gratitude va
donc, via l’expérience de ces émotions, construire ses ressources
intellectuelles, sociales et physiques. Ces nouvelles ressources augmenteront
non seulement sa satisfaction dans la vie mais aussi ses chances de survie
(voir figure 9.2). Plus fort, plus intelligent et bénéficiant de relations
agréables et durables avec les autres, il trouvera plus facilement une
partenaire pour se reproduire et transmettra dès lors ses gènes du bonheur
aux générations suivantes.

Opportunités

Émotions

Construction

Satisfaction

positives
de ressources

dans la vie et

Survie

• Événements

• Joie

• Connaissances

positifs

• Intérêt

• Compétences

• Activités

• Gratitude

• Support social

agréables

• Fierté

• Santé

• Capacité à

•…

prendre du

plaisir

Figure 9.2
Mécanisme adaptatif des émotions positives

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

199

Notons qu’émotions positives et nouvelles ressources sont également reliées


entre elles dans un cercle vertueux : les émotions positives conduisent
l’individu à construire de nouvelles ressources qui, à leur tour, élargissent les
opportunités de vivre des émotions positives.

Une étude récente de Barbara Fredrickson illustre ce phénomène


(Fredrickson, Cohn, Coffey, Pek et Finkel, 2008). Les participants devaient
suivre un programme de 10 semaines basé sur la méditation « loving-
kindnessa » visant à induire quotidiennement des émotions positives. Au fur
et à mesure des semaines, ces émotions amenaient les participants à se sentir
plus compétents, mieux dans leur peau et à envisager un plus grand nombre
de manières d’atteindre leurs objectifs. En outre, leurs relations avec les
autres s’amélioraient et ils recevaient davantage de support social. Ces
nouvelles ressources augmentaient quant à elles la satisfaction et la qualité
de vie des participants sans que les émotions positives n’aient un effet direct
sur celles-cib.

Par ailleurs, les nouvelles ressources conduisaient également à de nouvelles


opportunités de vivre des émotions positives, et ainsi de suite…

a. Le lecteur trouvera des explications plus détaillées sur ce type de


méditation dans les sections qui suivent.

b. En langage statistique, on parle de « médiation ». L’effet des émotions


positives sur la satisfaction dans la vie n’est pas direct. La variable
indépendante « émotions positives » influence la construction de ressources
(médiateur) qui, à son tour, agit sur la variable dépendante

« satisfaction dans la vie ».

1.2 Les bénéfices des émotions positives

dans la vie quotidienne


Au-delà de leur caractère adaptatif pour la survie et la reproduction, les
émotions positives jouent également un rôle crucial dans notre vie de tous
les jours. Voici une petite liste non exhaustive de leurs bénéfices, telles qu’ils
ressortent des études scientifiques menées sur la question (Lyubomirsky et
al. , 2005).

Comparés aux personnes maussades ou neutres, les gens heureux sont plus
sociables, plus énergiques, plus charitables, plus coopératifs et sont plus
appréciés des autres. On apprendra donc sans surprise que les gens heureux
ont davantage de chances de se marier et de le rester. Dans une étude où ils
suivaient des étudiantes sur plusieurs années, des chercheurs de l’université
de Californie ont notamment montré que les filles qui souriaient sur la photo
de fin d’année étaient, en comparaison avec les autres filles de leur
promotion, proportionnellement plus nombreuses à être mariées à vingt-sept
ans et, à cinquante-deux ans, à être satisfaites de leur mariage et ce,
indépendam-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ment de leur apparence physique (Harker et Keltner, 2001).

200

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Les gens plus heureux ont également un réseau d’amis plus étendu et
bénéficient d’un support social plus important. Ainsi, 26 % des gens qui
disent avoir moins de cinq amis proches se considèrent comme très heureux
alors que ce nombre passe à 40 % pour les personnes qui ont plus de cinq
amis (Myers, 20001).

De plus, contrairement à l’expression populaire « imbécile heureux », les


recherches montrent que les personnes heureuses sont en fait plus flexibles,
plus inventives, plus ingénieuses et plus productives au travail. Elles sont
meilleures leaders, meilleurs négociateurs et gagnent davantage d’argent.

Une étude a montré que les étudiants qui se disaient heureux en première
année d’Université avaient, seize ans plus tard (aux alentours de trente-cinq
ans), des salaires significativement plus élevés que leurs condisciples moins
heureux. Cet effet était, par ailleurs, indépendant du statut socio-économique
initial des étudiants (Diener, Nickerson, Lucas et Sandvik, 2002).

Enfin, les émotions positives renforcent notre système immunitaire : les gens
heureux sont en meilleure santé et vivent plus longtemps ! La célèbre

« Nun study » de Danner, Snowdon et Friesen (2001) présente à cet égard


des résultats surprenants. Ces auteurs ont analysé les lettres de motivation
que cent quatre-vingts religieuses avaient envoyées à la mère supérieure lors
de leur entrée au couvent dans les années trente. Deux juges indépendants
(ne connaissant pas les hypothèses de l’étude) avaient pour mission de
classer ces lettres selon le type de mots à caractère émotionnel qu’elles
contenaient (positif, négatif ou neutre). Alors que les conditions de vie de
ces sœurs étaient parfaitement identiques, l’espérance de vie des différents
groupes était drastiquement différente. C’est ce qu’illustre la figure 9.3.

Le côté obscur des émotions positives ?

Si les émotions positives offrent de nombreux bénéfices et sont très


largement adaptatives de manière générale, il existe un nombre restreint de
situations spécifiques pour lesquelles elles se révèlent contre-productives.
Ainsi, l’humeur positive nous rend par exemple moins critiques face à la
qualité de certains arguments, augmente notre recours à l’utilisation de
stéréotypes et nous amène à prendre plus de risques. Ces effets délétères
seront largement abordés dans le chapitre 10.

1. Notons toutefois que la nature corrélationnelle des données ne permet pas


de déterminer le sens de la causalité.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

201

Figure 9.3

Pourcentage de sœurs ayant atteint l’âge de 75, 85 et 95 ans sur base des
émotions exprimées dans leur lettre de motivation à 20 ans Savoir tirer le
meilleur profit de nos émotions positives, c’est donc non seulement agréable,
mais c’est aussi améliorer bien d’autres aspects de notre vie : énergie,
confiance et estime de soi, efficacité relationnelle, productivité au travail,
santé mentale et même physique.

Enfin, le dernier bénéfice, et non des moindres, des émotions positives, c’est
qu’en devenant plus heureux nous faisons profiter notre partenaire, notre
famille, notre communauté et la société dans son ensemble, des avantages
que nous-mêmes tirons de cette situation. Des chercheurs de la presti-gieuse
Harvard Medical School ont récemment trouvé que le bonheur se répandait
dans les réseaux sociaux de la même manière qu’un virus (Fowler et
Christakis, in press).

Dans une étude considérant le bonheur de cinq mille personnes sur une
période de 20 ans, ces chercheurs ont montré que lorsqu’une personne
devient plus heureuse, cet accroissement de bonheur se propage dans son
réseau social jusqu’à trois degrés de séparation. Ainsi le bonheur déclenche
une réaction en chaîne : lorsque le degré de bonheur d’une personne
augmente significativement, ses amis vivant dans un périmètre d’environ 2
kilomètres ont 25 % de chance de devenir plus heureux aussi. Les amis de
ses amis ont quant à eux environ 10 % de chance de devenir plus heureux et
les amis des amis de ses amis environ 5,6 %a ! Comparativement, la
probabilité d’être durablement plus heureux après une augmentation
financière de 5 000 dollars (environ 3 500 euros) par an se chiffre à 2 %.
Notre bonheur peut ainsi dépendre des fluctuations émotionnelles de
personnes que nous ne connaissons même pas ! Pour paraphraser Boris Vian
: « Le bonheur de tous est fait du bonheur de chacun. »

a. Paradoxalement, l’inverse n’est pas vrai pour la tristesse, qui a tendance à


se répandre beaucoup

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

moins facilement.
Livre9782100532810.book Page 202 Mardi, 8. septembre 2009 4:24 16

202

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2 LES STRATÉGIES DE RÉGULATION

DES ÉMOTIONS POSITIVES

Comme pour les émotions dites « négatives », il est possible de distinguer


différents types de stratégies de régulation pour les émotions positives.

Nous envisagerons d’abord les stratégies de régulation a priori, qui


correspondent aux actions que nous pouvons mener en amont pour améliorer
notre humeur générale et être ainsi plus réceptifs aux déclencheurs
d’émotions positives (voir chapitre précédent). Nous aborderons ensuite les
stratégies de régulation a posteriori, qui renvoient aux actions que nous
pouvons entreprendre pour profiter au maximum de nos émotions positives
au moment où nous les vivons et pour les faire durer le plus longtemps
possible (figure 9.4).
Figure 9.4

La régulation des émotions positives

2.1 Les stratégies de régulation « a priori » :

doper son humeur !

Nous l’avons vu tout au long de ce livre, l’état de satisfaction de nos besoins


et notre humeur de base nous rendent plus ou moins réceptifs aux différents
déclencheurs émotionnels, c’est-à-dire aux différents événements qui nous
arrivent. Dès lors, la première stratégie pour vivre plus d’émotions positives
sera d’essayer d’améliorer notre humeur générale afin d’être plus sensible
aux petits plaisirs de la vie. Voici une liste non exhaustive d’activités et de
conseils issus des recherches pour y parvenir.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

203

2.1.1

La modification de l’environnement

Nul besoin d’être scientifique pour s’en convaincre, notre environnement a


un effet indéniable sur nos émotions et sur notre humeur. En fait, le pouvoir
de l’environnement est si puissant qu’il peut véritablement nous transformer
mentalement et physiquement.

En 1979, le professeur de Harvard Ellen Langer a mené une étude


remarquable à ce sujet (voir Ben-Sharar, 2006). Elle a emmené un groupe de
personnes âgées de plus de 75 ans pour un séjour un peu particulier dans
lequel les personnes devaient prétendre avoir 20 ans de moins. L’ensemble
de l’environnement avait été soigneusement reconstitué pour simuler l’année
1959 : les vêtements, la musique, les journaux et même de fausses cartes
d’identité d’époque. En une seule semaine, l’âge mental et physique de ces
personnes a réellement diminué ! Leurs doigts se sont allongés (le
raccourcissement des doigts est un signe de vieillesse).
Leur niveau d’intelligence, leur force musculaire et leur souplesse ont
augmenté.

Enfin, ces participants ont été jugés plus jeunes que leur âge par un panel de
juges indépendants.

L’influence des choses qui nous entourent et le pouvoir de l’esprit sont


formidables. C’est pourquoi 40 % des personnes que l’on déguise en pilotes
de chasse et que l’on place dans un simulateur de vol voient leur vue
s’améliorer (Langer, 1989). C’est pourquoi aussi les personnes à qui l’on
présente de manière subliminale des mots liés à la vieillesse ont de moins
bonnes performances aux tests de mémoire et quittent le laboratoire plus
lentement et en marchant de manière plus voûtée que les gens à qui l’on
présente des mots associés à la réussite et au succès (Bargh et Chartrand,
1999 ; Bargh, Chenet Burrows, 1996).

2.1.2

L’« auto-priming » positif

Comment mettre à profit ce pouvoir de l’environnement ? Partant


notamment des recherches mentionnées précédemment, Tal Ben Sharar nous
recommande de nous « primer1 » positivement, c’est-à-dire de préparer
notre cerveau à la joie, l’énergie et l’efficacité (Ben-Sharar, 2006). Pour ce
faire, le professeur du cours le plus populaire de Harvard, nous conseille de
nous 1. Le priming ou « amorçage » en français renvoie au phénomène bien
connu des psychologues selon lequel l’exposition préalable (souvent
inconsciente) à un stimulus peut influencer la réponse aux stimuli suivants.
Ainsi, les participants exposés préalablement, de manière subliminale, à des
images plaisantes (ou déplaisantes) jugent plus (ou moins) favorablement
des images

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

neutres qui suivent ( e.g. Murphy et Zajonc, 1993).

204

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


entourer de choses positives. On peut ainsi agrémenter notre environnement
de travail ou notre lieu de vie de photos des gens ou des lieux qui nous sont
chers, de peintures que nous aimons, d’images de nos héros ou des
personnes qui nous inspirent, d’objets qui nous mettent de bonne humeur.
Nous pouvons également, par exemple, imprimer nos citations favorites et
les coller sur le mur de notre bureau. Même si au bout d’un moment, nous ne
faisons plus attention aux choses qui nous entourent, celles-ci continuent à
nous influencer de manière inconsciente. En fait, l’influence des stimuli
affectifs est d’autant plus forte que ceux-ci ne sont pas conscients (Murphy
et Zajonc, 1993). Combien d’entre nous n’ont pas déjà passé des mois voire
des années dans un environnement de travail triste et déprimant, préparant
ainsi notre cerveau à de sombres pensées ?

L’auto-priming positif consiste à façonner son environnement pour qu’à son


tour, il façonne nos actions et nos pensées.

2.1.3

Supprimer les petites contrariétés1

Qui parmi nous n’a jamais « pesté » à répétition contre un robinet qui ferme
mal, une lampe qui ne fonctionne plus ou un ordinateur capricieux, sans
pourtant se résoudre à régler définitivement le problème, si ce n’est après
des semaines, des mois voire des années ? L’être humain a certes une
capacité d’adaptation hors du commun, mais le revers de la médaille, c’est
qu’il est également capable de laisser perdurer des situations légèrement
désagréables pendant très longtemps. Petit à petit, ces situations peuvent
affecter notre moral, parfois même de manière inconsciente. Quand on
regarde tous les bénéfices que nous procurent les émotions positives, le jeu
n’en vaut pas la chandelle ! Les recherches montrent que la capacité d’agir
rapidement sur nos petites contrariétés est reliée au bien-être (Billings et
Moos, 1981) et à la santé (Penley et al. , 2002). Alors, dans la mesure du
possible, appelons rapidement le plombier, remplaçons sans tarder nos
ampoules usagées et ache-tons une clé USB pour sauvegarder nos fichiers
importants. Bref, simplifions-nous la vie en prenant l’habitude de faire
régulièrement le point sur nos petites contrariétés quotidiennes. Dans bon
nombre de cas, celles-ci peuvent être réglées en une demi-journée.
2.1.4

Les expériences de flow

Avez-vous jamais été à ce point absorbé par ce que vous étiez en train de
faire – en écrivant, en dessinant, en surfant sur Internet, en jouant aux
échecs, ou tout simplement en discutant – que vous en avez totalement perdu
la 1. Voir à ce sujet le point « modification de la situation » (chapitre 8).

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

205

notion du temps ? Peut-être n’avez-vous même pas remarqué dans ce genre


de situation que vous aviez faim, mal au dos, ou besoin d’aller aux toilettes
depuis un bon moment ! Si la réponse à cette question est oui, alors vous
avez déjà vécu ce que Mihaly Csikszentmihalyi (1990) a appelé une expé-

rience de flow. Le flow (en français : « flux, courant ») est cet état de
concentration et de maîtrise d’une activité passionnante dans laquelle nous
sommes profondément absorbés jusqu’à oublier le temps qui passe et
l’environnement extérieur. Lorsque nous sommes dans un état de flow, nous
nous sentons généralement forts et efficaces, au top de nos capacités.
Complètement inconscients de ce qui nous entoure, nous faisons les choses
pour le simple plaisir de les faire.

La clé pour vivre des expériences de flow est de s’engager dans des activités
parfaitement équilibrées entre compétence personnelle et exigence de la
tâche (voir figure 9.5). Une tâche trop compliquée (vouloir jouer les
morceaux de Jimmy Hendricks alors que l’on est à son premier cours de
guitare) entraînera très souvent de la frustration ou de l’anxiété. À l’inverse,
une tâche trop simple (ex. jouer Jeux interdits pour le guitariste émérite) sera
mortellement ennuyeuse.

Figure 9.5

Expériences de flow

En quoi le flow favorise-t-il les émotions positives ?

La première raison est évidente : parce qu’une expérience de flow repré-

sente en soi un mélange d’émotions positives : amusement, sentiment


d’épanouissement et d’accomplissement. Deuxièmement, puisque les expé-

riences de flow sont intrinsèquement gratifiantes, elles nous poussent à


vouloir les répéter. Et plus ces expériences se répéteront, moins nous les
trouverons difficiles. En d’autres termes, notre compétence augmentera. Par

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

conséquent, pour continuer à retirer du plaisir de ces activités, il faudra en

206

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

augmenter la difficulté à chaque fois. Les expériences de flow nous poussent


ainsi vers le haut dans un cercle vertueux. Plus compétents, nous nous senti-
rons plus forts, plus utiles, ayant plus de contrôle sur notre vie et sur notre
environnement. Tous ces facteurs contribuent à donner du sens et de la
richesse à notre existence, à améliorer notre humeur quotidienne et par là
même à augmenter notre bonheur (Lyubomirsky, 2008).

Comment augmenter ses expériences de flow au quotidien ? (Selon


Lyubomirsky, 2008)

1. S’efforcer d’accomplir quelque chose de difficile, de nouveau ou qui nous


tient à cœur et découvrir que la récompense vient plus du processus, du
chemin parcouru que la destination : atteindre des expériences de flow
implique de pousser son esprit et/ou son corps jusque dans ses derniers
retranchements.

S’engager dans des activités (travail, maison, hobbies…) qui mobilisent nos
compétences et notre expertise.

2. Faire attention à bien faire attention !

Trop souvent nos pensées ne sont pas directement dirigées vers ce que nous
faisons, et notre attention est perturbée par des pensées parasites (« quelle
heure est-il ? », « quand mange-t-on ? », « dure journée hier au boulot ! »).
Avec un peu d’entraînement et d’effort, il est possible d’augmenter notre
contrôle sur nos facultés attentionnelles. Nous pouvons apprendre à repérer
nos pensées automatiques et à recentrer notre attention sur la tâche que nous
effectuons.

3. Il est également possible de vivre des expériences de flow lors de nos


conversations avec autrui.

Nous avons certainement tous déjà fait l’expérience d’une discussion


tellement captivante que nous n’avions plus conscience du temps qui passait
ou du monde alentour. D’après Martin Seligman (cité par Lyubomirsky,
2008), la clé de ce type de conversation est de s’intéresser profondément et
authentiquement à l’autre. Posons des questions ouvertes (« que s’est-il
passé ensuite ? », « qu’en as-tu pensé ? » ) plutôt que fermées (« c’était bien
? ») en essayant d’en apprendre le plus possible sur notre interlocuteur, sur
ce qui le préoccupe, sur ses émotions, etc.

4. Le lieu de travail est par essence un lieu de prédilection pour déployer nos
compétences et être amené à vivre le flow. Nul besoin pour cela d’être
musicien, chirurgien ou homme d’affaires. Les recherches montrent en effet
qu’il est possible d’envisager son travail de trois manières différentes et que,
contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces optiques dépendent
largement de l’individu et non uniquement de la profession considérée. On
peut ainsi considérer son travail : 1˚ comme une obligation purement
alimentaire, 2˚ comme une étape dans un plan de carrière ou 3˚ comme une
vocation (Wrzesniewski, McCauley, Rozin et Schwartz, 1997). Ainsi, on
trouvera aussi bien parmi les chirurgiens que parmi les éboueurs des
personnes qui considèrent leur job comme ennuyeux et purement alimentaire
(« j’en ai marre de devoir tout expliquer à ces patients »,

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

207

« ramasser les poubelles est vraiment dégradant, heureusement que cela paye
bien… ») ou des personnes qui le trouvent au contraire important et porteur
de sens (« sauver des vies », « maintenir les rues propres et servir ses
concitoyens »).

Les recherches montrent bien entendu que ce sont les travailleurs


appartenant à cette troisième catégorie qui sont les plus heureux. Changer la
vision que nous avons de notre travail est donc en partie de notre ressort ; de
même, nous pouvons nous fixer des objectifs ou des challenges personnels
afin de rendre notre travail plus enrichissanta et mobiliser nos compétences
pour atteindre ainsi ces fameuses expériences de flow (Wrzesniewski et
Dutton, 2001).

a. Ce que les Anglo-Saxons appellent job crafting (Wrzesniewski et Dutton,


2001).

2.1.5

La gratitude
Exprimer de la gratitude est une stratégie très efficace pour atteindre le
bonheur. La gratitude peut prendre de nombreuses formes selon les contextes
et les personnes : c’est l’émerveillement, c’est la reconnaissance, c’est
prendre conscience de l’abondance dans laquelle nous vivons, c’est
remercier quelqu’un d’important dans notre vie, remercier Dieu ou la Vie en
général, etc. C’est aussi savourer les choses et ne pas les prendre pour
acquises. La gratitude est un antidote contre les émotions négatives (Froh,
Sefick et Emmons, 2008 ; Sheldon et Lyubomirsky, 2006 ; Wood, Maltby,
Gillett, Linley et Joseph, 2008). Elle protège de l’envie, de la jalousie, de
l’hostilité, du stress et de la tristesse. Communément associée au fait de dire
« merci » à quelqu’un qui nous fait un cadeau, la gratitude est en fait
beaucoup plus large. La gratitude, c’est par exemple remercier ce vieil ami,
cet ancien professeur, ce collègue qui nous a soutenu ou conseillé dans les
moments difficiles ; c’est chérir les bons moments passés avec notre famille,
c’est passer en revue tous les aspects positifs de notre existence et en
remercier la vie, autrement dit porter notre attention sur la part de chance
que nous avons, en mesurant combien notre sort pourrait être moins
enviable.

Des recherches récentes ont pu mettre en évidence les nombreux bénéfices


de la gratitude. Les gens qui éprouvent beaucoup de gratitude sont en
moyenne plus heureux (Watkins, Woodward, Stone et Koths, 2003 ; Wood,
Joseph et Maltby, 2009) et dorment mieux (Wood, Joseph, Lloyd et Atkins,
2009). Ils ont plus d’espoir dans la vie, vivent plus fréquemment des
émotions positives, sont plus empathiques, moins matérialistes et pardonnent
plus facilement que les autres (McCullough, Emmons et Tsang, 2002). La
propension à éprouver de la gratitude est également reliée au fonctionnement
de la mémoire autobiographique : les individus reconnaissants sont capables
de se remémorer davantage de souvenirs positifs (Watkins, Grimm et Kolts,
2004). En outre, plus une personne a tendance à éprouver de la gratitude,
moins elle se sent déprimée, anxieuse, seule ou envieuse (McCullough et al.
,

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2002 ; Wood et al. , 2008).

208
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Le lien entre la gratitude et les bénéfices mentionnés ci-dessus ne s’observe


pas uniquement au niveau des corrélations mais également de manière
causale.

Ainsi, dans une des premières études sur la gratitude, Emmons et


McCullough (2003) ont demandé à un groupe d’étudiants d’énumérer,
chaque semaine pendant trois mois, cinq choses pour lesquelles ils
ressentaient de la gratitude dans leur vie : parents aimants, petit(e) ami(e),
moment passé entre amis, etc.

Comparé aux autres groupes de participants – un groupe devait citer cinq


événements arrivés au cours de la semaine et l’autre cinq choses qui les
avaient irrités –, le groupe « gratitude » rapportait être plus optimiste et plus
satisfait dans la vie au terme de l’étude. De plus, la pratique de la gratitude a
également eu un effet sur la santé. Ainsi le groupe « gratitude » a rapporté
moins de symptômes tout au long de l’étude (moins de maux de tête, de
maux de gorge, de nausées, de problèmes de peau, etc.) et a passé en
moyenne plus de temps à faire du sport que les deux autres groupes.

Par ailleurs, les personnes chez qui l’ont induit de la gratitude s’engagent
plus volontiers dans des comportements pro-sociaux, même à l’égard de
parfait inconnu (Bartlett et DeSteno, 2006).

2.1.6

L’activité physique

Clamer les nombreux bénéfices de l’exercice physique sur la santé semble


aujourd’hui une évidence. L’activité physique nous protège contre de
nombreuses maladies (maladies cardiaques, diabète, cancer du colon,
hypertension…), améliore notre qualité de sommeil et notre vie sexuelle ;
elle nous protège également contre les dégénérescences cognitives telles que
les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson et nous aide à contrôler notre
poids (voir par exemple Biddle, Fox et Boutcher, 2000 ; Kahn et al. , 2002).

Mais les effets positifs de l’activité physique ne se limitent pas à la santé.


Dans une étude remarquable de la Duke Medical School, cent cinquante-six
patients dépressifs ont été affectés de manière aléatoire dans trois groupes.
Les patients du premier groupe devaient pratiquer une activité physique
encadrée (vélo ou jogging) trente minutes trois fois par semaine pendant
quatre mois. Le second groupe était placé sous un traitement
pharmacologique classique : la sertraline. Enfin, le troisième groupe
combinait activité physique et antidépresseur.

Après quatre mois, les chercheurs ont constaté que les trois groupes
montraient une amélioration dans des proportions équivalentes : l’activité
physique avait exactement la même efficacité que les antidépresseurs ! Mais
ce n’est pas tout.

Six mois plus tard, les patients qui s’étaient remis de leur dépression
montraient un taux de rechute significativement plus bas dans le groupe «
activité physique »

que dans le groupe « antidépresseur » (Babyak et al. , 2000).

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

209

2.1.7

La méditation

Pratiquée par les bouddhistes depuis des millénaires, la méditation a


récemment attiré l’attention des scientifiques. En effet, un nombre
grandissant d’études semblent indiquer que la méditation est reliée au bien-
être (Baer, 2003 ; Kabat-Zinn, 2003 ; Segal et al. , 2002 ; Wallace et Shapiro,
2006).

Ainsi, la méditation aiderait les personnes à gérer le stress, l’anxiété, les


douleurs chroniques et un grand nombre d’autres maladies (voir Kabat-Zinn,
2003). La méditation est maintenant incluse dans diverses formes de
thérapies et donne d’excellents résultats dans le traitement et la prévention
de la dépression (Teasdale et al. , 2000).
Le professeur Richard Davidson et ses collègues ont étudié les effets de la
méditation sur le cerveau et le système immunitaire (Davidson et al. , 2003).
Des participants volontaires étaient repartis aléatoirement en deux groupes :
un atelier quotidien de médiation ou une liste d’attente. Après seulement huit
semaines de pratique, l’activité du cerveau des personnes du « groupe
méditation » avait changé. Plus précisément, les tracés électro-
encéphalographiques révélèrent que la partie antérieure gauche de leur
cerveau – zone dédiée aux émotions positives et aux comportements
d’approche – était plus active qu’avant l’entraînement et significativement
différente de celle du groupe contrôle (qui, lui, n’avait pas évolué). De plus,
la méditation avait également un effet positif sur le système immunitaire : les
participants du « groupe méditation » produisaient plus d’anti-corps que les
participants affectés à liste d’attente après qu’on leur eut injecté un vaccin
contre la grippe.

Il existe de nombreuses formes de méditation. Nous avons choisi de détailler


ici une technique plus particulièrement centrée sur les émotions positives,
facile à pratiquer et dont les effets sur le bien-être, les relations sociales et la
santé ont été scientifiquement démontrés (Fredrickson et al. , 2008 ;
Hutcherson, Seppala et Gross, 2008 ; Johnson et al. , 2009 ; Pace et al. ,
2009) : la LKM ( loving-kindness meditation).

Pratiquer la LKM

1. S’installer dans une position confortable et fermer les yeux. Le dos est
droit sans être trop tendu ni courbé.

2. Respirer profondément par le ventre et se détendre.

3. Continuer à respirer profondément pendant quelques minutes tout en


centrant l’attention sur le centre de la poitrine, là où se trouve le cœur. Il est
parfois difficile de maintenir l’attention sur la respiration et les sensations
corporelles. Lorsque l’esprit s’égare vers d’autres pensées, ce n’est pas
grave, il suffit simplement d’en prendre conscience et de recentrer son
attention sur le moment présent.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.


210

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

4. Tout en continuant l’exercice de respiration, imaginer une personne que


nous aimons et qui nous aime ou nous aimait profondément (un ami très
proche, un parent, etc.) ; imaginer cette personne se tenant à côté ou en face
de nous.

5. Visualiser la personne et laisser venir à l’esprit tout l’amour, la tendresse


et la reconnaissance que nous avons pour elle. Une fois imprégné de ces
sentiments positifs, souhaiter à la personne imaginée d’être en sécurité,
d’être heureuse et d’être en bonne santé.

6. Imaginer ensuite toute l’affection que cette personne à pour nous.


Visualiser qu’elle projette ces émotions positives directement sur nous (ex :
rayonnement, nuage, chaleur, lumière…).

7. Imaginer une personne que nous ne connaissons pas bien et pour laquelle
nous éprouvons des sentiments relativement neutres (un nouveau collègue,
une personne récemment rencontrée, une connaissance…) et rediriger les
émotions positives offertes et reçues vers cette personne tout en lui
souhaitant d’être en sécurité, d’être heureuse et d’être en bonne santé.

8. Imaginer une personne pour laquelle nous éprouvons des sentiments


négatifs pour le moment (un collègue difficile, une personne avec laquelle
nous nous sommes disputés…) et rediriger les émotions positives offertes et
reçues vers cette personne tout en lui souhaitant d’être en sécurité, d’être
heureuse et d’être en bonne santé.

9. Visualiser enfin nos émotions positives s’étendre à tous les êtres humains
en leur souhaitant d’être en sécurité, d’être heureux et d’être en bonne santé.

2.2 Les stratégies de régulation a posteriori : savourer Un repas arrosé


entre amis, des vacances en amoureux, un projet enfin fina-lisé, un service
rendu par un ami, trois cases de 100 euros sur un ticket de loterie à gratter…
Les occasions de vivre des émotions positives sont nombreuses. Que faire
pour en tirer un maximum de profit ?

La régulation a posteriori, nous l’avons vu, correspond aux efforts menés


dans le but de moduler l’émotion après qu’elle a émergé. Il existe quatre
grands moyens de profiter au mieux de nos émotions positives : l’expression
physique de l’émotion, le fait d’« être présent », le voyage mental dans le
temps et le partage social1.

2.2.1

L’expression physique des émotions : agir comme quelqu’un d’heureux


Aussi simple que cela puisse paraître, agir comme quelqu’un d’heureux
(sourire, s’investir, faire semblant d’être énergique et enthousiaste, etc.) peut
1. Outre les éléments théoriques sur lesquels elles se fondent, ces stratégies
ont systématiquement été associées au bonheur et à la satisfaction de vie
dans nos propres recherches (voir Nelis, Quoidbach, Hansenne et
Mikolajczak, en préparation).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

211

non seulement nous rapporter certains des avantages liés au bonheur


(sourires en retour, renforcement de l’amitié, réussite à l’école ou au travail ;
Lyubomirsky et al. , 2005) mais peut également nous rendre réellement plus
heureux.

En effet, l’expression physique d’une émotion en augmente l’intensité : c’est


la théorie du feedback corporel (Adelmann et Zajonc, 1989). Selon ce
principe, notre visage, notre corps et notre voix envoient des signaux à notre
cerveau, l’informant sur ce que nous sommes en train de vivre et nous
conduisant, de ce fait, à ressentir l’état en question. Ainsi, lorsque nous
manifestons les expressions physiques de la joie, de la peur ou du dégoût, il
est probable que nous commencions à les ressentir, à tout le moins de
manière modérée. Relâcher ou froncer les sourcils, sourire ou faire la moue,
ouvrir les mains ou les serrer, nous conduit généralement à faire l’expérience
de plus de joie ou au contraire de plus d’irritation.

Une célèbre étude de Strack, Martin et Stepper (1988), illustrée dans la


figure 9.6 ci-après, a par exemple montré que les personnes à qui l’on
demandait de regarder un dessin animé amusant tout en tenant un stylo entre
leurs dents (simulant ainsi le sourire) trouvaient rétrospectivement le dessin
animé plus drôle que les participants à qui on avait demandé de regarder la
même séquence vidéo en tenant le stylo entre leurs lèvres (simulant ainsi un
air renfrogné).

Figure 9.6

Illustration de la tâche dans l’étude de Strack, Martin et Stepper (1998) Un


autre type de preuve de cet effet du feedback facial vient des recherches
menées sur des personnes dont les expressions faciales sont totalement

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figées. Le syndrome de Mobius est une affection de naissance qui provoque

212

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

chez les individus qui en souffrent une impossibilité de bouger les muscles
faciaux. Ces personnes ont ainsi en permanence une expression neutre sur le
visage. Bon nombre de ces patients déclarent qu’ils sont incapables de
ressentir les émotions. Ils peuvent seulement les penser. « Je pense de
manière heureuse ou triste… mais je ne me sens pas réellement heureux ou
triste » déclare ainsi un homme souffrant du syndrome de Mobius (Cole,
1998, p. 127). On constate donc que l’incapacité d’exprimer physiquement
une émotion influence la capacité à la ressentir.

Une autre étude étonnante de Finzi et Wasserman (2006) apporte également


des éléments en faveur de la théorie du feedback corporel. Partant du
principe que les personnes profondément dépressives affichent en
permanence des expressions faciales de tristesse, ces chercheurs ont enrôlé
dans une recherche expérimentale 10 femmes cliniquement déprimées qui ne
répondaient pas aux traitements psychothérapeutiques et pharmacologiques
classiques. La dépression de ces patientes durait depuis deux à dix-sept ans
selon les cas. Les chercheurs leur ont injecté la forme A de la toxine
paralysante botulique, plus connue sous le nom de Botox au niveau des rides
du front. Deux mois plus tard, neuf des dix participantes n’étaient plus
déprimées, et la dixième montrait une amélioration de l’humeur. Les
conclusions de cette étude n’en sont toutefois encore qu’au stade
préliminaire. En effet, les chercheurs n’ont pas utilisé de « groupe contrôle »

(c’est-à-dire un groupe de patientes déprimées à qui l’on aurait injecté un


placebo par exemple). De plus, on ne peut pas exclure le fait qu’une partie
des résultats pourraient être dus à l’effet du regard des autres : sans rides, les
patientes étaient peut-être perçues comme plus sympathiques et plus
attirantes, ce qui améliorait leurs relations sociales et par là même leur
humeur.

Malgré ces limites, les résultats de cette première étude n’en demeurent pas
moins surprenants !

Enfin, notons que dans le monde réel, à l’extérieur du laboratoire, si nous


sourions, le monde à tendance à sourire avec nous. Les gens nous répondent
plus positivement, entament plus facilement la conversation, se confient plus
facilement, nous donnent plus volontiers un coup de main… Ainsi dans une
étude déjà ancienne, des chercheurs ont demandé à certains serveurs de bar
de sourire légèrement et à d’autres de sourire très largement lorsqu’ils
s’adressaient aux clients. Les résultats ont montré que plus les serveurs
souriaient, plus les pourboires qu’ils percevaient étaient importants (Tidd et
Lockard, 1978).

En résumé, sourires et rires, même lorsqu’ils ne sont pas spontanés,


procurent tout de même un léger sentiment de bien-être en envoyant à notre
cerveau un signal qu’il interprète comme celui d’une véritable émotion. De
plus, nous nous attirons ainsi la sympathie et l’affection des autres, ce qui en
retour augmente également nos émotions positives.

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

213

2.2.2

Être présent
Les parents disent à leurs enfants d’être sages pour obtenir des cadeaux à
Noël. Les professeurs disent à leurs élèves d’étudier beaucoup afin d’avoir
de bonnes notes, d’aller à l’Université et de trouver un bon travail. Les
managers incitent leurs employés à se surpasser afin d’obtenir des
promotions et des augmentations. Les retraités disent à leurs amis qui
travaillent toujours que les années dorées de la retraite ne sont plus bien
loin… Il semble que nous vivions et que nous savourions très rarement le
moment présent, pensant que ce qui compte le plus est pour le futur : « Je
serai tellement heureux le jour de ma promotion », « Si je fais tout ça, c’est
pour pouvoir acheter ma maison l’année prochaine », etc. Bien souvent, nous
postposons notre bonheur immédiat, en tâchant de nous convaincre que
demain sera meilleur qu’aujourd’hui.

Figure 9.7

Vivre au présent… Pas facile !

( Source : http://www.cartoonbank.com/product_details.asp ?sid=120707)

Mais l’habileté à savourer les expériences présentes positives de notre vie est
un des ingrédients les plus importants du bonheur (Bryant, 1989 ; Meehan,
Durlak et Bryant, 1993). La plupart des gens comprennent réellement ce que
savourer veut dire après l’arrêt soudain d’une douleur ou après

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

avoir eu extrêmement peur. Quand nous avons horriblement mal à une dent

214

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

et que la douleur s’arrête, nous sommes soudainement ravis de ne plus rien


sentir. Quand nous sommes en pleine crise d’allergie et que les symptômes
se calment, nous réalisons à quel point il est agréable de respirer
normalement. Après une expérience de mort imminente ou un diagnostic
médical alarmant, la plupart des gens sont capables (du moins
temporairement) d’apprécier et de prendre du plaisir aux choses banales de
leur vie, de vivre chaque jour comme si c’était le premier et le dernier
(Lyubomirsky, 2008).

Les chercheurs définissent le fait de savourer l’instant présent comme la


direction délibérée de l’attention et de la conscience vers l’expérience
positive en cours (Bryant, 1989). Quand nous nous arrêtons pour sentir des
fleurs au lieu de marcher devant, nous savourons ! Quand nous émergeons
soudainement d’une conversation entre amis en prenant conscience du
plaisir que nous avons à partager ce moment, nous savourons ! C’est la
différence subtile entre savourer et vivre une expérience de flow : savourer
implique de faire un pas de côté hors de l’expérience (« que les roses sentent
bon ! »), alors que le flow implique une complète immersion dans
l’expérience1.

La capacité à savourer l’instant présent a été associée au bien-être dans


plusieurs recherches empiriques (Bryant, 1989 ; Meehan et al. , 1993). Ainsi,
savourer est positivement relié à l’optimisme, à un locus de contrôle interne
efficient, à l’estime de soi ainsi qu’à la satisfaction de vie. De plus, les
personnes capables de capturer la joie du moment présent sont moins
susceptibles de tomber en dépression et de vivre des émotions telles que le
stress, la culpabilité ou la honte (Bryant, 2003). Par ailleurs, les personnes
qui pratiquent les formes de méditation d’inspiration bouddhiste de type
mindfulness, dont l’essentiel consiste à diriger son attention sur le moment
présent et les sensations corporelles, voient leur qualité de vie s’améliorer
(Shapiro, Astin, Bishop et Cordova, 2005 ; Surawy, Roberts et Silver, 2005),
leur stress diminuer (Kabat-Zinn et al. , 1992 ; Weinstein, Brown et Ryan,
sous presse) et leur santé s’améliorer (voir Grossman, Niemann, Schmidt et
Walach, 2004).

Bien sûr, « c’est plus facile à dire qu’à faire ».

Comme pour toutes les stratégies visant à augmenter le bonheur, il faut faire
preuve d’efforts et de motivation afin de savourer l’instant présent.

Notre attention est souvent accaparée par des pensées persistantes et


intrusives au sujet du passé (anciennes conversations, tâches non réalisées,
problè-
mes non résolus…) ou du futur (soucis, projets à mener à bien…) ; il faut
faire preuve d’efforts réels pour rediriger notre attention vers l’expérience
positive « ici et maintenant ».

1. Bien sûr, dans l’idéal, savourer requiert de ne pas trop sortir de


l’expérience présente. En effet, se demander trop fréquemment « est-ce que
je suis en train de savourer ? » ou « suis-je en train de prendre assez de
plaisir ? » conduit inévitablement à se distraire de l’amusement !

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

215

En outre, selon le processus d’ adaptation hédonique (Brickman et


Campbell, 1971), nous prenons de moins en moins de plaisir aux choses qui
nous exaltaient au début : le fait de traverser un superbe parc sur le chemin
du travail, la dernière chanson à la mode à la radio, l’odeur de notre nouvelle
veste en cuir. Avec le temps ces sensations de plaisir finissent par se fondre
dans notre quotidien. Il faut beaucoup d’efforts pour apprendre à apprécier
ces choses à nouveau et arrêter de les considérer comme acquises.

Les recherches montrent cependant que prendre quelques minutes par jour
pour réapprendre à apprécier une activité agréable que nous avons l’habitude
d’« expédier » rapidement (ex : manger notre sandwich de midi, prendre une
douche, marcher jusqu’à l’arrêt de bus, écouter la radio en voiture, etc.)
permet d’augmenter significativement le sentiment de bonheur et de réduire
les symptômes dépressifs (Seligman, Rashid et Parks, 2006).

2.2.3

Le voyage mental dans le temps

La capacité à voyager mentalement dans le temps, c’est-à-dire à se replonger


dans un souvenir ou à imaginer notre futur, est un élément clé de notre vie
émotionnelle (MacLeod et Conway, 2005 ; MacLeod et Salaminiou, 2001 ;
Quoidbach et al. , 2008).

Les recherches scientifiques ont montré que la capacité à voyager


mentalement dans le temps augmentait significativement le bonheur.
Dans une étude de Bryant, Smart et King (2005), les participants devaient
établir une liste de souvenirs positifs et se replonger deux fois par jour dans
un moment décrit. La consigne suivante leur était donnée :

« Tout d’abord, consultez votre liste de souvenirs et choisissez-en un dans


lequel vous replonger. Asseyez-vous, respirez profondément, relaxez-vous,
fermez les yeux et commencez à repenser à votre souvenir. Laissez les
images associées à ce souvenir envahir votre esprit. Essayez de vous
représenter les événements associés à celui-ci. Laissez votre esprit
vagabonder librement à travers tous les détails de votre souvenir. »

Conformément à l’hypothèse des chercheurs, les participants qui ont réalisé


cet exercice régulièrement ont vu leur niveau de bonheur augmenter
considérablement. En outre, plus les participants imaginaient leurs souvenirs
de manière détaillée et précise, plus ils ressentaient d’émotions positives.

Ce n’est pas tout ! Se replonger dans d’heureux souvenirs permet aussi de


mieux apprécier le présent, d’augmenter son estime de soi et de vivre des
émotions positives plus intenses de manière générale (Bryant et al. , 2005 ;
Lyubomirsky, Sousa et Dickerhoof, 2006). Ces résultats statistiques sont
remarquablement illustrés et synthétisés dans le témoignage d’une partici-

216

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

pante de recherche (Bryant et al. , 2005, p. 237) : « Repenser aux bons


moments du passé me permet de me sentir mieux dans le présent. Cela
m’aide à apprécier davantage les choses. Cela me donne une idée de où j’en
étais à ce moment-là, d’où j’en suis maintenant et, au final, d’où j’aimerais
être. Cela m’aide à comprendre le présent et à le gérer […]. Ces souvenirs
me donnent aussi confiance en moi. Je me dis en quelque sorte “tu l’as déjà
fait avant, tu peux le refaire maintenant”. Si les choses vont mal, j’utilise
mes souvenirs afin de déterminer comment je pourrais améliorer les choses
plutôt que de penser à tout ce qui ne va pas ».

Dans une autre étude, sur les couples cette fois, les chercheurs ont également
montré qu’il pouvait être particulièrement bénéfique de se souvenir
conjointement des moments heureux. Ils ont demandé à des couples de se
souvenir ensemble le plus précisément possible d’un grand moment de rire
commun. Cette simple manipulation suffisait à augmenter significativement
le niveau de satisfaction des couples par rapport à leur relation (Bazzini,
Stack, Martincin et Davis, 2007).

Enfin, l’effet positif du voyage mental dans le temps fonctionne également


lorsque nous imaginons le futur. Une étude récente montre que le simple fait
d’imaginer tous les soirs avec le plus de détails possible quatre événements
positifs qui pourraient arriver le lendemain suffit à augmenter
significativement le niveau de bonheur des participants (Quoidbach, Woodet
Hansenne, sous presse).

2.2.4

Le partage social

Les psychologues sociaux ont montré qu’un des éléments permettant de


distinguer les relations amoureuses durables n’était pas la manière dont les
partenaires réagissaient mutuellement aux difficultés de l’autre mais bien la
manière dont ils réagissaient aux bonnes nouvelles (Gable et al. , 2004) !

Comment avons-nous réagi la dernière fois que notre partenaire (ou qu’un
ami) nous a annoncé une bonne nouvelle ? Étions-nous excités et
enthousiastes ou au contraire avons-nous ignoré, minimisé ou critiqué cet
événement positif ? La réussite et la chance des autres peuvent parfois nous
mettre mal à l’aise, nous rendre jaloux (« pourquoi est-ce lui qui a gagné ce
voyage et pas moi ? ») ou nous angoisser (« cette promotion signifie-t-elle
que je la verrai moins ? »).

Apprenons à nous réjouir des bonnes choses qui arrivent à nos proches.

Les études montrent que si un partenaire ou un ami proche reçoit de notre


part un soutien et perçoit un plaisir authentique quand il partage une bonne
nouvelle, la relation, la confiance et l’intimité s’en trouvent renforcées. Nous
pouvons commencer dès aujourd’hui à répondre avec intérêt et enthousiasme
aux événements positifs qui arrivent aux gens que nous aimons. Une étude a
montré que les gens qui s’y essayaient trois fois par jour, même pour de peti-
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

217

tes nouvelles, étaient significativement plus heureux et moins déprimés après


une semaine seulement (Lyubomirsky, 2008) !

La prochaine fois qu’un proche nous annonce quelque chose avec


enthousiasme, accordons-lui toute notre attention, posons-lui des questions,
revi-vons l’expérience avec lui et, si l’occasion se présente, n’hésitons pas à
lui faire un petit cadeau pour célébrer la bonne nouvelle. En effet, Dunn,
Aknin et Norton (2008) ont montré que dépenser de l’argent pour les autres
induisait davantage d’émotions positives que de le dépenser pour soi. Ces
chercheurs ont ainsi distribué de l’argent à des étudiants en leur demandant
soit de le dépenser pour se faire plaisir, soit pour faire plaisir à quelqu’un
d’autre (petit cadeau, don à une œuvre de charité, etc.). Alors que
préalablement à l’étude, la grande majorité des participants déclaraient
préférer dépenser de l’argent pour eux, les résultats montrent que les
dépenses « pro-sociales »

augmentent le niveau de bonheur de manière significativement plus


importante que les dépenses personnelles. Par ailleurs, cette étude montre
également que le montant du cadeau importe peu : 5 euros suffisent à nous
rendre plus heureux !

Le fait de partager ses propres succès avec ses proches est par ailleurs
associé à un niveau élevé d’émotions positives et de bien-être (Langston,
19941). Ne minimisons pas notre bonne fortune, nos efforts, nos forces ou
notre ingéniosité. Les recherches montrent que, loin d’être un péché mortel,
l’émotion de fierté est associée à de nombreuses conséquences positives2.
Dans une étude récente, Williams et DeSteno (2009) ont ainsi induit de la
fierté authentique chez certains participants en prétendant que leur
performance lors d’une tâche d’acuité visuelle était absolument hors du
commun. Dans une seconde partie de l’expérience, les sujets devaient
résoudre un problème en groupe. Les résultats montrent que les participants
fiers avaient davantage d’influence et étaient plus appréciés par les autres
membres du groupe que les participants contrôles (humeur neutre).
1. Signalons bien sûr qu’il convient d’éviter de tomber dans la vantardise. Si
promouvoir une image particulièrement positive de soi peut être efficace
lorsque nous rencontrons quelqu’un pour la première fois, cette stratégie
s’avère délétère pour les relations avec des personnes plus proches (Tice,
Butler, Muraven et Stillwell, 1995).

2. À ce niveau, il est important de distinguer la fierté authentique (fierté


bêta), qui survient à la suite d’un accomplissement ou d’un succès réel, de la
fierté hubristique (d’après le concept grec d’ hubris) (fierté alpha), qui
provient d’une surestimation générale de sa propre valeur (Tracy et Robins,
2007 b). Les recherches montrent que la fierté authentique est associée à de
nombreuses variables positives (ex : estime de soi, agréabilité) alors que la
fierté hubristique corrèle avec des traits moins enviables comme le
narcissisme ou la disposition à ressentir de la honte (Tracy et Robins, 2007
a).

218

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

2.3 Les stratégies délétères

Si les quatre types de comportements exposés précédemment nous


permettent de maintenir ou d’augmenter nos émotions positives, bon nombre
d’entre nous ont également recours à des stratégies de régulation
dysfonctionnelles. Nous aborderons ces stratégies délétères de manière
relativement succincte car elles représentent, pour la plupart, le corollaire
opposé des stratégies fonctionnelles. On distingue typiquement quatre
stratégies délétères, quatre mauvaises habitudes face aux événements positifs
qui nous arrivent.

L’inhibition de l’expression émotionnelle (vs. l’expression physique de


l’émotion) consiste à cacher ses émotions positives aux yeux des autres (par
pudeur, timidité ou peur de susciter la jalousie, par exemple).

L’inattention (vs. être présent) renvoie à la tendance à s’engager dans des


activités ou des pensées non reliées – voire contre-productives – à
l’événement positif en cours (ex : penser à ses tracas, aux choses à faire plus
tard…).

Le focus négatif peut lui aussi être opposé, dans une certaine mesure, au fait
d’être présent. Ce comportement consiste à orienter son attention sur les
éléments négatifs ou non optimaux d’une situation. Certaines personnes
semblent en effet particulièrement habiles à « tiquer » sur LE détail négatif
d’un événement agréable (ex. lenteur du service lors d’un excellent repas
entre amis). Si l’orientation systématique de l’attention vers le négatif est
connue pour être une des caractéristiques les plus saillantes de la dépression
(ex. Teasdale, 1983), les formes moins extrêmes de focus négatif sont
également nuisibles à nos émotions positives. Ainsi, la simple tendance à
maximiser les situations, c’est-à-dire à rechercher systématiquement le «
meilleur coup » possible (ex. visiter 30 appartements avant de choisir le
meilleur, rechercher assidûment le job idéal, etc.) est négativement reliée aux
émotions positives, à l’optimisme, à l’estime de soi et à la satisfaction dans
la vie (Schwartz et al. , 2002).

Les attributions externes (vs. voyage mental positif dans le temps) se


rapportent au fait d’attribuer les causes d’un événement positif à des raisons
sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Certaines personnes repenseront
ainsi à leur succès en termes de chance ou minimiseront leur rôle (ex : « Si
j’ai obtenu 19/20 à cet examen, c’est parce que les questions étaient très
faciles », « Cette personne doit être désespérée pour m’inviter à boire un
verre car je ne suis pas une personne très séduisante »). Les recherches ont
montré que cette tendance à attribuer les événements à des causes externes
était largement associée à la dépression (voir Sweeney, Anderson et Bailey,
1986 pour une méta-analyse sur le sujet).

LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS POSITIVES

219

3 CONCLUSION

Nous avons débuté ce chapitre en soulignant l’importance des émotions


positives. Nous avons exposé leur raison d’être en regard de l’évolution, puis
nous avons montré les avantages que nous en retirions dans la vie
quotidienne. Nous avons vu qu’un nombre important d’études démontrent
les effets bénéfiques des émotions positives sur nos cognitions (ex :
créativité), nos comportements (ex

: résilience), sur nos relations sociales (ex

altruisme) et sur notre santé (ex : meilleure réponse immunitaire).

Nous avons ensuite proposé un modèle de la régulation des émotions


positives en présentant les stratégies les plus efficaces pour améliorer notre
humeur au quotidien (régulation a priori) et pour savourer les émotions
positives en tant que telles (régulation a posteriori).

Outre sa visée théorique et scientifique, ce chapitre a un objectif pratique.

Il peut en effet servir de base au lecteur intéressé pour mettre en place des
interventions et/ou plans de développement personnel afin d’augmenter la
fréquence, l’intensité et/ou la durée de ses propres émotions positives.

Chapitre 10

L’UTILISATION

DES ÉMOTIONS1

1. Par Moïra Mikolajczak et Jordi Quoidbach.

Nous avons vu que les émotions étaient indispensables à l’adaptation de


l’être humain à son environnement et l’avons illustré à maintes reprises (voir
chapitre 2, point 4 pour une synthèse). D’un autre côté, nous avons montré
que les émotions n’étaient pas toujours fonctionnelles et qu’elles devaient
par conséquent être fréquemment régulées. L’art est évidemment de pouvoir
distinguer les émotions qui optimisent notre fonctionnement de celles qui
l’entravent. Pour cela, il est essentiel de comprendre comment les émotions
influencent nos pensées et notre comportement.
L’objectif de ce chapitre sera de fournir au lecteur un aperçu de l’influence
des émotions sur les processus cognitifs et les comportements, afin de lui
permettre d’en tirer le meilleur parti.

1 L’INFLUENCE DE L’HUMEUR

SUR LES PROCESSUS COGNITIFS

Dans les chapitres précédents, nous avons déjà réfuté une vision dichotomi-
que de l’être humain, dans laquelle les émotions et les cognitions seraient
indépendantes. Dans les lignes qui suivent, nous appuierons notre propos et
montrerons que les processus cognitifs « froids » et désincarnés n’existent
pour ainsi dire pas. Les émotions exercent en effet une influence
considérable sur notre pensée. Elles influencent ce que nous percevons, ce
dont nous nous souvenons, la manière dont nous traitons l’information et
dont nous interprétons les événements, les jugements que nous posons et les
décisions que nous prenons.

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224

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

1.1 La perception et l’attention

Les émotions influencent tant ce sur quoi nous allons diriger notre attention
que la manière dont nous allons percevoir ce qui fait l’objet de notre
attention.

Tout d’abord, les émotions biaisent l’orientation de l’attention, de sorte que


les personnes d’humeur positive prêtent plus attention aux stimuli positifs
dans l’environnement, alors que l’inverse est vrai pour les individus
d’humeur négative (voir Eich, Kihlstrom, Bower, Forgas et Niedenthal, 2000
pour une revue). D’une part, les personnes d’humeur positive détectent
prioritairement les stimuli positifs alors que les individus de mauvaise
humeur détectent prioritairement les stimuli négatifs. D’autre part, les
recherches ont montré que si l’on présente des images plaisantes ou
déplaisantes à des participants chez qui l’on a précédemment induit une
humeur gaie ou triste, les participants d’humeur joyeuse passent plus de
temps à regarder les images plaisantes tandis que les participants d’humeur
triste passent plus de temps à regarder les images déplaisantes. Un
questionnaire post-test a révélé que les participants n’avaient pas conscience
de cet effet.

Ces biais d’orientation et de durée d’attention expliquent en partie que les


personnes amoureuses « voient tout en rose » et que les individus déprimés

« voient tout en noir ». Il est à noter toutefois que ces biais sont plus
manifestes chez les individus qui régulent mal leurs émotions que chez ceux
qui les régulent bien. Lorsqu’ils sont d’humeur négative, ces derniers ont en
effet – à cause ou en conséquence de leurs aptitudes supérieures de
régulation – une tendance à transformer rapidement les biais congruents avec
l’humeur en biais incongruents. Focaliser son attention sur des stimuli
positifs quand on est d’humeur maussade facilite en effet la régulation de
l’humeur.

Ensuite, les émotions influencent la manière dont nous allons percevoir les
choses. Dans une étude expérimentale prototypique du genre, des chercheurs
(Fredrickson et Branigan, 2005) ont présenté à des participants différentes
formes telles que celle représentée sur la figure 10.1 ci-dessous.

Les sujets devaient décider laquelle des deux formes du bas était la plus
similaire à la forme du dessus. En réalité, il n’existe pas de bonne réponse
car l’une (celle de gauche) est similaire par sa forme globale (c’est un
triangle) tandis que l’autre (celle de droite) est identique au niveau du détail
(elle est composée de carrés). Notons que les positions respectives des
formes étaient contrebalancées dans l’étude, de sorte qu’une réponse à droite
ne signifiait pas toujours une réponse « détail ». L’étude a montré que les
participants chez qui l’on avait induit une humeur positive avaient tendance
à considérer les choses dans leur globalité (et choisissaient donc les
triangles) tandis que les individus chez qui l’on avait induit une humeur
négative avaient tendance à percevoir les choses dans le détail (et
choisissaient donc les carrés).

L’UTILISATION DES ÉMOTIONS


225

Figure 10.1

Exemple de stimuli utilisés dans l’étude de Fredrickson et Branigan (2005)


1.2 La pensée divergente-convergente

Le style de pensée varie également en fonction de notre humeur. Ainsi, les


individus d’humeur positive ont-ils une pensée divergente et heuristique,
tandis que les individus d’humeur négative ont une pensée convergente,
analytique et systématique (Schwarz et Bless, 1991). Les individus joyeux
sont plus créatifs, font plus d’associations inhabituelles, catégorisent les
choses de manière plus large et plus inclusive. Ainsi, là où les individus
tristes ne percevraient pas de similitude entre un chameau et un ascenseur,
les individus joyeux vous diraient plus facilement que les deux appartiennent
à la catégorie « transport » (Isen et Daubman, 1984). En revanche, si l’on
demandait à ces personnes de relire un texte et de repérer les erreurs, les
individus heureux passeraient plus facilement à côté des fautes
d’orthographe que les individus tristes.

L’humeur positive va donc augmenter la performance pour les tâches qui


requièrent de la créativité mais diminuer la performance pour les tâches
requérant un traitement systématique de l’information (par exemple, des
corrections d’examens). L’inverse sera vrai pour l’humeur négative
(Schwarz et Bless, 1991).

Pensée systématique… certes… mais pas toujours concentrée !

L’humeur négative facilite le traitement systématique de l’information. Il


semble toutefois que l’individu maussade n’analyse pas toujours celle-ci en
étant pleinement concentré. Une récente étude montre que, dans une tâche
requérant une attention soutenue, l’humeur négative conduit à plus de «
décrochages » attentionnels que l’humeur positive. De plus, les participants
chez qui l’on avait induit

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226

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

une humeur triste parvenaient plus difficilement à « raccrocher » après un


moment de distraction que les participants chez qui l’on avait induit une
humeur gaie (Smallwood, Fitzgerald, Miles et Phililips, 2009). Les auteurs
expliquent cela par un phénomène de rumination : l’humeur négative
induirait davantage de ruminations, lesquelles empêcheraient l’individu de
se focaliser pleinement sur la tâche en cours.

1.3 Le jugement

L’humeur influence tant les éléments sur lesquels nous fondons notre
jugement que la nature de ce jugement (positif ou négatif).

Lorsqu’on présente à des participants des messages publicitaires, on constate


que les individus d’humeur positive prêtent plus attention aux aspects
superficiels de l’annonce, tels que l’attractivité ou le statut de l’émetteur
(Petty, DeSteno et Rucker, 2001). Ils seront ainsi fort influencés par les
publicités qui présentent un beau graphisme, un beau mannequin ou une
figure d’autorité (ex. un médecin qui vous dit que la crème usqua est bonne
pour votre peau). A contrario, les personnes d’humeur négative ont tendance
à se focaliser sur le contenu du message et à répondre en fonction de la
qualité des arguments (ex. la crème usqua est bonne parce qu’elle contient
tels et tels agents actifs, qui ont telles et telles propriétés). Les personnes
d’humeur maussade traitent donc les messages persuasifs de manière
beaucoup plus approfondie que les personnes de bonne humeur (voir
Mackie, Asuncion et Rosselli, 1992 ; Schwarz, Bless et Bohner, 1991 pour
revues).

Les publicitaires utilisent aujourd’hui ces résultats de recherche pour


optimiser leur communication. Ainsi, lorsqu’ils conçoivent une publicité qui
figu-rera lors d’un concert, ils privilégient en général un « emballage
attractif »
plutôt qu’une communication exposant les arguments rationnels en faveur du
produit.

Outre son impact sur le traitement de l’information disponible, l’humeur


influence également la nature du jugement, de sorte que celui-ci est
généralement congruent avec l’humeur. Une étude a ainsi montré que les
individus réagissaient plus positivement à des slogans sociopolitiques
lorsqu’ils étaient de bonne humeur (par exemple, après avoir reçu un repas
gratuitement) que quand ils étaient de mauvaise humeur (après avoir été
exposés à des odeurs désagréables) (Razran, 1940). Dans le même ordre
d’idée, les personnes qui ont reçu un petit cadeau gratuit dans un magasin
jugent ensuite leur vie et leurs biens (ex. le fonctionnement de leur
téléviseur) de manière plus positive que ceux qui n’ont rien reçu (Isen,
Shalker, Clark et Karp, 1978). Il en va de même avec nos relations
interpersonnelles. Après avoir subi une induction d’humeur (ex. via des
extraits de films drôles ou tristes), les participants chez qui on a induit une
humeur positive décrivent leurs amis d’une manière beau-

L’UTILISATION DES ÉMOTIONS

227

coup plus favorable et bienveillante que lorsqu’ils sont d’humeur négative,


où ils ont tendance à être plus critiques et moins indulgents.

C’est ce qu’illustre également une recherche menée dans le monde du


travail. Des participants devaient juger de la qualité d’un candidat pour un
poste. Durant l’« entretien d’embauche », le candidat (comparse) se
présentait de telle sorte qu’il y ait autant d’arguments favorables que
défavorables à son endroit. Les résultats ont montré que les participants de
bonne humeur jugeaient le candidat positivement et se disaient prêts à
l’engager, alors que leurs pairs de mauvaise humeur considéraient ce même
candidat comme médiocre et refusaient de l’engager (Baron, 1987).

Cette influence de l’humeur sur le jugement ne concerne pas que notre vie,
nos relations ou nos biens matériels, mais également nous-mêmes. Dans une
étude à ce sujet, des individus étaient filmés durant une interaction avec un
comparse et seuls les individus ayant émis un nombre équivalent de
comportements positifs et négatifs (évalués par des juges indépendants)
étaient retenus pour la seconde partie de l’étude. Ces participants-là faisaient
ensuite l’objet d’une induction d’humeur positive ou négative puis devaient
visionner leur interaction et juger leur performance. Les résultats indiquent
que les individus d’humeur positive se jugent plus sympathiques et plus
compétents que les individus d’humeur négative (Forgas et al. , 1984).

Ces études expérimentales viennent ainsi confirmer un ensemble


d’observations de la vie quotidienne. En effet, qui n’a jamais souhaité que
son professeur soit de bonne humeur le jour de l’examen ? Qui ne s’est
jamais senti(e) laid(e) et peu attirant(e) en passant devant le miroir après
avoir reçu une mauvaise nouvelle, et sexy et séduisant(e) en passant devant
le même miroir après avoir reçu une bonne nouvelle ?

Il est à noter que l’humeur exerce un effet d’autant plus puissant que la
personne ou la chose à juger requiert un traitement long et complexe de
l’information (Forgas, 1994). Ainsi, si l’on vous demande de vous former
une opinion à propos de couples moyennement attractifs mais bien assortis
(partenaires de même niveau d’attractivité) et de couples d’attractivité
moyenne mais mal assortis (un partenaire beau et un laid), l’effet de
l’humeur sur le jugement sera beaucoup plus puissant dans le cas des
couples mal assortis (Forgas, 1993). Ceci s’explique par le fait que les
couples mal assortis sont plus « surprenants » et que, pour donner sens à une
telle situation, nous devons davantage faire appel à nos propres expériences
et souvenirs. C’est comme lorsque nous devons juger la relation que nous
entretenons avec notre partenaire : un tel jugement est complexe et demande
de faire la synthèse d’un grand nombre d’expériences stockées en mémoire.

Dans ce cas, l’humeur exercera une influence importante sur notre jugement
parce qu’elle influencera fortement la nature des événements rappelés. Les
personnes d’humeur positive se souviendront d’événements plus agréables et

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se formeront donc une meilleure impression de leur couple que les personnes

228
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

d’humeur négative, qui souffriront du biais inverse. Il en va de même


lorsque nous devons porter un jugement sur nous-mêmes : l’influence de
l’humeur sera d’autant plus saillante lorsque l’on devra juger des aspects
périphériques (et donc moins familiers) de nous-mêmes. Elle sera réduite
lorsque nous devrons juger des composantes centrales (et donc familières) de
nous-mêmes (Sedikides, 1995).

Les émotions positives augmentent le recours aux stéréotypes La bonne


humeur n’a pas que des effets bénéfiques ! Nous avons vu que les émotions
positives conduisent les individus à envisager les choses de manière plus
globale et moins analytique. Cela conduit également les individus d’humeur
positive à utiliser davantage de stéréotypes pour fonder leur jugement. Ainsi,
dans une étude de Bodenhausen, Kramer et Süsser (1994), les participants
devaient juger de la culpabilité de l’auteur d’un crime sur base d’une
description ambiguë après que leur humeur eut été manipulée ou non. Pour
une moitié des participants, l’auteur des faits se nommait Juan Garcia alors
que pour l’autre, il s’appelait John Garner. Hormis les noms, la description
des faits était exactement identique. La figure 10.2 illustre les résultats de
Bodenhausen et de ses collègues.

Coupable

Juan Garcia

Humeur

Humeur

John Garner

positive
neutre

Induction d'humeur

Figure 10.2

Effet de l’humeur sur le jugement de la culpabilité d’un criminel en fonction


de l’origine de son nom

Les résultats montrent qu’alors que le jugement des participants est préservé
en condition neutre, il est fortement biaisé lorsque les participants sont
d’humeur positive : les participants d’humeur positive jugent la culpabilité
du suspect plus probable lorsque celui-ci est d’origine hispanique.

1.4 La perception et la prise de risque

Tout d’abord, notre humeur influence notre perception du risque et, en


particulier, notre perception de la probabilité d’occurrence d’un certain
nombre d’événements désagréables. Ainsi, les personnes chez qui l’on induit
une émotion négative estiment qu’ils ont une plus grande probabilité de
perdre

L’UTILISATION DES ÉMOTIONS

229

leurs amis, d’être victimes d’un crime, de divorcer dans les cinq ans ou
encore de vivre une guerre atomique que les participants chez qui l’on induit
une humeur positive (Mayer, Gaschke, Braverman et Evans, 1992). De
manière générale, les personnes d’humeur négative surestiment les risques
tandis que les personnes d’humeur positive les sous-estiment.

Outre son influence sur la perception des risques, l’humeur influence aussi la
prise de risque. Néanmoins, la direction des effets n’est pas claire à ce jour.
Selon certaines études, l’humeur positive augmenterait la prise de risque
tandis que l’humeur négative la diminuerait (Spies, Hesse et Brandes, 1997 ;
Yuen et Lee, 2003). Étant donné que d’autres études obtiennent des résultats
radicalement opposés (Mittal et Ross, 1998 ; Leith et Baumeister, 1996), il
semble que les effets soient plus complexes qu’attendus. Des études récentes
(voir encart ci-après) sur l’effet des émotions spécifiques fournissent une
première piste d’explication à ces résultats mitigés. Elles devront toutefois
être complétées par des recherches ultérieures.

Au-delà de l’humeur positive versus négative : l’effet différentiel des


émotions spécifiques

L’influence des émotions sur la perception du risque et la prise de décision


ne se limite pas à l’humeur en général. Les émotions spécifiques (joie, peur,
colère, etc.) ont chacune un effet particulier. Considérez par exemple le
problème suivant.

Un dangereux virus venu d’Asie menace de tuer 600 personnes et le


gouverne-ment vous sollicite par referendum afin de choisir entre deux
solutions pour combattre ce fléau (A et B). Si le programme A est adopté,
200 personnes seront sauvées. En revanche, si le programme B est choisi, il
y a une chance sur trois que les 600 personnes soient sauvées et deux
chances sur trois que personne ne soit sauvé. Quel programme choisissez-
vous ?

Tout dépend de vos émotions ! Des chercheurs (Lerner et Keltner, 2001) ont
ainsi trouvé que les personnes anxieuses ou chez qui ils ont induit une
émotion de peur préfèrent largement le programme A, c’est-à-dire celui où
l’incertitude est la plus faible. À l’inverse les personnes de nature colérique
ou chez qui on induit de la colère, choisissent majoritairement le programme
B, plus incertain. Il est intéressant de noter que la joie provoque le même
effet que la colère : les personnes heureuses choisissent également le
programme B. Comment cela se fait-il ?

Lerner et Keltner expliquent ce phénomène par un processus qu’ils nomment

« tendance à l’évaluation » ( appraisal tendency). Pour comprendre cet effet,


il faut avoir en tête deux éléments. Premièrement, une émotion se déclenche
communément à la suite de l’évaluation que nous faisons de la situation (ou
appraisal). Nous évaluons les situations non seulement en termes de valence
(positive-négative), mais également en prenant en compte d’autres
dimensions comme le contrôle (contrôlable-incontrôlable) ou la certitude
(issue certaine-incertaine). Des situations de même valence (ex. négatives)
peuvent ainsi différer

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

230

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

en termes de certitude et induire ainsi des émotions différentes. Une situation


évaluée comme négative et dont l’issue est incertaine provoquera
généralement de la peur, tandis qu’une situation évaluée comme négative
mais dont l’issue est certaine provoquera typiquement de la colère (ex.
Roseman, 1984 ; Scherer, 2001). Deuxièmement, l’émotion subjective
s’accompagne de changements physiologiques, cognitifs et
comportementaux destinés à aider l’individu à faire face à l’événement
déclencheur. Ces changements persistent cependant souvent au-delà de la
situation déclencheuse et continuent à guider les pensées et le comportement
des individus (voir Gasper et Clore, 1998 ; Raghunathan et Pham, 1999).

C’est ce qui explique la « tendance à l’évaluation » : chaque émotion active


une prédisposition à évaluer les caractéristiques des situations futures
comme similaires aux caractéristiques de la situation déclencheuse. Ainsi, la
joie et la colère, bien que de valence opposée, impliquent toutes deux des
situations déclencheuses où notre degré de certitude est relativement élevé.
Les participants joyeux ou en colère jugeront donc l’issue du programme B
(une chance sur trois de sauver tout le monde) comme plus certaine. À
l’inverse, les individus chez qui l’on induit la peur percevront le programme
B comme comprenant trop d’incertitude et préféreront le programme A.

1.5 Les choix (ou l’exposition sélective)

L’humeur influence aussi nos choix et, comme pour les jugements, ceux-ci
tendent à être congruents avec notre état émotionnel. Ainsi, les personnes
d’humeur négative ont-elles tendance à choisir des musiques et des films
tristes alors que les personnes de bonne humeur préfèrent écouter des
musiques et regarder des films gais (Synder, 1988 communication
personnelle à Bower, cité dans Bower, 1991). Il en va de même lorsque l’on
demande à des individus ayant subi une induction d’humeur d’indiquer
combien de temps ils comptent consacrer à différents types d’activités la
semaine suivante. Les personnes temporairement joyeuses rapportent vouloir
consacrer davantage de temps à des activités légères et plaisantes tandis que
leurs pairs temporairement déprimés prévoient de consacrer plus de temps à
des activités sérieuses, lourdes et solitaires. Finalement, les individus de
bonne humeur préfèrent la compagnie d’individus de bonne humeur, et vice
versa (Wenzlaff et Prohaska, 1989).

Ces résultats, répliqués dans de nombreuses études et combinés à ceux


présentés plus haut sur l’attention, indiquent que l’humeur du sujet façonne
en partie son environnement. Comme nous le verrons ci-dessous, ces
recherches ont d’importantes implications pour la régulation émotionnelle.
Elles ont également des implications interpersonnelles : si l’on veut faire
pencher quelqu’un en faveur d’un choix plutôt qu’un autre, il peut être utile
de jouer sur son humeur…

L’UTILISATION DES ÉMOTIONS

231

1.6 L’interprétation des événements

L’humeur influence de manière considérable l’interprétation que nous


faisons des événements, le sens que nous donnons au monde qui nous
entoure. Assez logiquement, plus les choses sont floues et/ou ambiguës, plus
l’influence de l’humeur est importante. Nous avons vu ci-dessus que
l’humeur influençait l’interprétation des dires d’un candidat ambigu et
l’appréciation que l’« employeur » s’en faisait (Baron, 1987). Ces résultats
ont été répliqués, sous une forme ou une autre, dans plusieurs études. Dans
l’une d’elle, on induisait un état négatif chez la moitié des participants puis
on demandait à tous les participants d’écouter et de retranscrire simultané-

ment sur papier une liste de mots. Les mots étaient des homophones dont le
sens était soit neutre (ex. cent), soit négatif (sang). Les participants
maussades retranscrivaient – et donc interprétaient – beaucoup plus
fréquemment les mots dans leur sens négatif que les participants n’ayant pas
subi d’induction d’humeur (ex. Halberstadt, Niedenthal et Kushner, 1995 ;
Richards, Reynolds et French, 1993).

1.7 La mémoire

L’humeur exerce une double action sur la mémoire : elle affecte tant la
nature du rappel ( mood-congruent memory) que la qualité de celui-ci (
mood-dependent memory).

Tout d’abord – et sans surprise en regard de ce que nous avons vu ci-dessus


– l’humeur affecte la nature du rappel, de sorte que les souvenirs seront plus
fréquemment congruents avec l’humeur. Ainsi, si l’on demande à des
individus d’étudier une liste de mots et puis qu’on procède à une induction
d’humeur positive ou négative, les participants joyeux se rappelleront mieux
des mots positifs, tandis que les participants tristes se souviendront
davantage des mots négatifs (Ucros, 1989). D’autres recherches ont répliqué
cet effet et montré, par exemple, que les personnes de bonne humeur se
remémorent plus facilement les souvenirs heureux de leur enfance ou leurs
souvenirs positifs de la semaine précédente. C’est l’inverse que l’on observe
chez les personnes d’humeur négative. Lorsqu’on ne va pas bien, non
seulement on voit tout en noir (voir points A, C et E ci-dessus) mais on a
également tendance à se rappeler davantage d’événements négatifs (Matt,
Vazquez et Campbell, 1992). C’est la fameuse spirale négative du dépressif.

Notons que, comme pour l’attention, ces biais sont plus manifestes chez les
individus qui régulent mal leurs émotions que chez ceux qui les régulent
bien. Lorsqu’ils sont d’humeur négative, ces derniers ont en effet tendance à
transformer rapidement les biais congruents avec l’humeur en biais incon-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

gruents (Josephson, Singer et Salovey, 1996). Se remémorer de bons souve-

232

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES


nirs quand on est de mauvaise humeur facilite en effet la restauration d’une
humeur positive.

Outre son influence sur les éléments rappelés, l’humeur influence également
la qualité du rappel. La mémoire est meilleure lorsque l’humeur au moment
du rappel concorde avec l’humeur au moment de l’encodage (Ucros, 1989 ;
voir Eich et Macaulay, 2000 pour une revue). En d’autres termes, on se
rappelle plus facilement une information quand on est dans le même état
d’humeur au moment du rappel que celui dans lequel on était lorsque l’on a
mémorisé l’information. Se remettre dans l’état d’humeur de l’encodage est
donc utile pour faciliter le rappel.

Les pages qui précèdent pourraient laisser croire que l’humeur positive est
toujours bénéfique. Même si c’est souvent vrai, c’est loin d’être toujours le
cas. Nous venons de voir qu’être d’humeur négative pouvait faciliter le
rappel d’informations encodées dans un état maussade. Ainsi, si nous étions
déprimé(e) le jour où nous avons étudié notre examen de philo, mieux vaut
nous remettre dans le même état d’humeur le jour de l’examen. Nous
améliorerons ainsi la qualité de notre performance.

Outre le cas de la congruence d’humeur encodage-rappel, il semble que


l’humeur négative protège contre un certain nombre de distorsions lors du
rappel. C’est ce que nous illustrons par le cas du témoignage oculaire ci-
dessous.

L’humeur positive n’est pas toujours bénéfique !

Le cas du témoignage oculaire

Un chercheur (Forgas, 2000) a montré à des participants des extraits vidéo


de scènes complexes (tels que des mariages ou des vols). Une semaine plus
tard, il a induit une humeur positive ou négative chez ces mêmes
participants. Il a ensuite demandé à ceux-ci de re-raconter ce qu’ils avaient
vu en répondant à différentes questions qui contenaient ou non de
l’information erronée au sujet de la scène. Il a observé que les participants
d’humeur positive avaient davantage tendance à incorporer l’information
erronée dans leur récit. Les mêmes résultats ont été observés dans une étude
de terrain où des étudiants devaient raconter à l’expérimentateur un accident
mis en scène durant un cours. À nouveau, les témoignages des étudiants
d’humeur positive étaient davantage déformés.

1.8 Les répertoires de pensées et d’actions

En accord avec les effets démontrés aux points A et B, les émotions


positives élargissent les répertoires de pensées et d’actions, tandis que les
émotions négatives les restreignent. Si l’on induit une humeur positive ou
négative à des participants et qu’on leur demande ensuite de dresser une liste
des choses qu’ils souhaitent faire, les participants d’humeur joyeuse
établiront

L’UTILISATION DES ÉMOTIONS

233

une liste significativement plus longue que les participants maussades


(Fredrickson et Branigan, 2005).

Il est à noter que si notre répertoire de pensées et/ou d’actions est plus
étendu lorsque nous sommes d’humeur joyeuse, la qualité de nos pensées
n’est peut-être pas proportionnelle à leur nombre. Une étude suggère en effet
que lorsqu’il s’agit d’être persuasif, les personnes d’humeur négative
produisent des arguments de meilleure qualité que les personnes d’humeur
positive (Forgas, Ciarrochi et Moylan, 2000). Ces résultats sont en accord
avec l’idée que les émotions négatives favorisent un traitement analytique et
systématique de l’information. Les individus d’humeur maussade trouvent
peut-être plus facilement les failles du raisonnement de l’autre et
construisent sans doute leur argumentation à partir d’une analyse plus
systématique de la question.

2 L’INFLUENCE DE L’HUMEUR

SUR LES COMPORTEMENTS

Notre humeur n’influence pas seulement notre manière de penser ou de


planifier nos comportements. Elle a également un impact considérable sur
les comportements que nous posons effectivement.
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, les émotions encouragent
l’individu à adopter certains comportements plutôt que d’autres (voir tableau
2.1, p. 19-20). La colère prédispose ainsi à l’agressivité tandis que la joie
prédispose à l’exploration. Connaître ces effets est important. Cela permet en
effet de générer stratégiquement les émotions utiles dans telle ou telle
situation. Par exemple, un boxeur a tout intérêt à susciter en lui de la colère
juste avant de monter sur le ring. Cela lui permettra d’accroître son niveau
d’énergie, de décupler sa force1 et d’augmenter ses chances de vaincre son
adversaire.

Outre les tendances à l’action associées aux émotions spécifiques, les


émotions positives et négatives ont une série d’autres effets au niveau
interpersonnel. Nous décrirons ci-dessous ceux qui sont les mieux
documentés.

Tout d’abord, on observe que les personnes chez qui on a induit une humeur
positive sont plus communicatives, plus chaleureuses, plus à l’aise et plus
constructives en situation sociale que les personnes chez qui l’on a induit
une humeur négative (Forgas, 2002 ; Forgas et Gunawardene, 2000).

1. Il est à noter que cette colère doit se limiter au ring, sous peine de
gaspiller de l’énergie utile par

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ailleurs.

234

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ces effets sont également saillants dans la vie quotidienne. Combien de fois
nos proches ne font-ils pas les frais de notre mauvaise humeur lorsque nous
avons eu une mauvaise journée ? Ce qui est intéressant, toutefois, c’est que
la majorité des participants de ces études n’avaient pas conscience de
l’influence de leur humeur sur leur comportement.

Avoir conscience que même de légères différences d’humeur peuvent


affecter profondément la manière dont nous agissons avec autrui – et par
conséquent la manière dont nous sommes perçus socialement – est un
avantage indéniable. En effet, les recherches montrent que l’on se forge une
opinion sur base d’un petit nombre d’éléments et que l’on tend ensuite à
sélectionner l’information qui confirme cette première impression
(Dougherty, Turban et Callender, 1994 ; Leyens et Yzerbyt, 1997 pour une
revue). Dès lors, avoir conscience de l’influence de notre humeur sur notre
comportement est fondamental, surtout lorsque nous interagissons pour la
première fois avec quelqu’un.

En dépit des effets exposés ci-dessus, l’humeur positive n’a pas que des
effets bénéfiques. Lorsqu’il s’agit de formuler une requête, les personnes
d’humeur positive sont beaucoup plus directes – voire même parfois impo-
lies – que les personnes d’humeur négative, qui sont beaucoup plus circons-
pectes et courtoises dans leur demande. Ces effets apparaissent être d’autant
plus puissants que la demande est complexe (Forgas, 1998, 1999).

Néanmoins, et peut-être paradoxalement, les individus d’humeur positive


sont plus efficaces en situation de négociation. Ils sont en effet plus
optimistes quant à l’issue de celle-ci et utilisent des stratégies plus positives
et coopératives que leurs pairs d’humeur négative, lesquels sont plus
pessimis-tes et par conséquent moins coopératifs.

3 DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE…

Nos émotions influencent ce que nous percevons, ce dont nous nous


souvenons, la manière dont nous traitons l’information, la façon dont nous
interprétons les événements, les jugements que nous faisons, les décisions
que nous prenons et la manière dont nous agissons.

Il est fondamental de connaître et de repérer ces effets afin de s’en servir


lorsqu’ils peuvent optimiser notre fonctionnement et de s’en libérer
lorsqu’ils peuvent compromettre notre jugement ou notre performance. Des
exemples nous permettront d’illustrer notre propos.

L’UTILISATION DES ÉMOTIONS

235

3.1 Optimiser l’effet des émotions


Utiliser ses émotions implique de choisir, parmi les tâches que nous devons
faire, celles qui peuvent être optimisées par notre humeur du moment.

Supposons que nous ayons plusieurs tâches à réaliser à l’approche des fêtes,
par exemple décorer le sapin et la maison pour le réveillon, faire notre
comptabilité et rédiger une lettre condoléances pour un(e) ami(e) qui a perdu
un proche. Les recherches présentées ci-dessus suggèrent que nous devrions
privilégier la décoration de la maison si nous sommes de bonne humeur et
réserver la comptabilité et la lettre de condoléances pour un moment où nous
serons moins gais. L’humeur négative nous permettra d’être plus
systématique et consciencieux dans l’établissement de nos comptes ou d’être
plus en phase avec l’état émotionnel de notre ami(e) endeuillé(e) et de
trouver ainsi les mots justes.

3.2 Identifier et corriger les sources de biais

Nous avons vu ci-dessus que les émotions biaisaient la pensée. Cet effet
n’est pas toujours problématique, cependant. Il est normal que notre
jugement soit biaisé en défaveur d’un candidat à l’embauche qui se
comporterait étrangement durant l’entretien. En outre, dans des
circonstances où l’on doit juger sur base d’un minimum d’informations
objectives et où bon nombre de candidats ont un profil équivalent, les
émotions ont une valeur informative indéniable. On « sent » mieux tel ou tel
candidat (ce candidat suscite plus d’émotions positives que les autres) et ce
que l’on appelle « l’intuition »

n’est en réalité rien d’autre qu’une préférence émotionnelle pour un choix ou


un autre. L’information fournie par les émotions est extrêmement utile dans
ces situations. Si deux candidats ont un profil quasi équivalent mais que l’on

« sent » paradoxalement mieux le candidat un rien plus faible, mieux vaut


laisser son jugement se biaiser en faveur de ce candidat. Il faut être très
vigilant, en revanche, lorsque l’humeur précède la chose/personne à juger
(ex. si l’on était de bonne ou de mauvaise humeur avant l’entretien). Dans ce
cas, l’émotion n’est pas déclenchée par la situation ou la personne à juger
(dans ce cas-ci, le candidat), mais elle risque pourtant d’affecter tout autant
notre jugement.
Lorsque des décisions importantes doivent être prises, il importe d’analyser
la source de l’émotion. Si celle-ci est causée par la personne ou la situation
en question, alors elle constitue une source d’information précieuse. En
revanche, si l’émotion préexistait avant la décision à prendre ou le jugement
à poser, elle risque de biaiser indûment notre jugement. Fort heureusement,
les études ont montré qu’identifier son humeur et la source de celle-ci suffit
à faire disparaître les biais1 dans bon nombre de cas (voir par exemple

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Berkowitz et Troccoli, 1990).

236

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

4 CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons vu que les émotions influençaient tant nos
pensées que nos comportements. Nos émotions colorent notre perception,
notre mémoire, notre jugement, etc., pour le meilleur et pour le pire. De
manière générale, les émotions provoquent des biais de congruence, de sorte
que nous tendons à percevoir prioritairement les stimuli positifs lorsque nous
sommes heureux et les stimuli négatifs lorsque nous sommes malheureux. Il
en va de même avec nos souvenirs, nos choix, nos interprétations et nos
jugements. Nous avons noté toutefois que ces biais dits « biais de
congruence avec l’humeur » se muaient fréquemment en biais
d’incongruence chez les personnes ayant des aptitudes de régulation élevées.

Outre ces biais de congruence, il existe un ensemble d’autres biais, affectant


le style de pensée (ex. divergente et créatrice en cas d’humeur positive ou, au
contraire, convergente et analytique en cas d’humeur négative), les
répertoires de pensées et d’actions (plus étendus mais de moindre qualité en
cas d’humeur positive), et les comportements (plus assertifs mais souvent
plus constructifs en cas d’humeur positive).

Nous avons conclu en soulignant la nécessité de connaître l’existence et la


nature de ces biais afin de pouvoir tirer le meilleur parti de nos émotions
(maximiser les effets lorsque l’émotion est utile pour la tâche en cours ;
supprimer ces biais lorsque l’émotion est non pertinente). Le tableau 10.1 ci-
contre reprend les principales situations où nous pouvons tirer profit de la
force de nos émotions.

1. Prendre conscience de l’influence potentielle de l’humeur sur le jugement


peut éliminer le biais dans certains cas, mais peut le renverser dans d’autres.
Par crainte de mal juger un candidat en raison de notre mauvaise humeur,
nous pouvons tomber dans le travers inverse et finir par trop bien le juger.

L’UTILISATION DES ÉMOTIONS

237

Tableau 10.1

Tableau de synthèse pour une meilleure utilisation des émotions Exemples

Humeur

Thématique

Conseils

d’activités

privilégiée

Organiser

Regarder un film amusant avant

une fête,

d’organiser l’enterrement de vie de

conduire un

garçon d’un ami. Commencer par

Créativité
Positive

brainstorming

une blague ou une distribution de

dans une

nourriture avant d’entamer une

équipe…

séance de brainstorming en équipe.

Travail de

groupe,

Mettre ses collaborateurs de bonne

demande

humeur (offrir un petit cadeau,

Coopération

Positive

d’aide,

diffuser une musique d’ambiance,

appel à la

valoriser les autres, etc.).

générosité…

Faire adhérer
autrui à des

Mettre les autres de bonne humeur

Manipulation

arguments

Positive

pour diminuer leur capacité

simplistes ou

d’analyse

fallacieux…

Choisir une journée où nous sommes

Acheter une

de relativement mauvaise humeur

nouvelle TV,

Évaluation de la

avant d’effectuer un achat important.

mener un

Négative

qualité

Éviter de juger de la qualité d’une

entretien
personne ou d’un objet lorsque nous

d’embauche…

sommes particulièrement joyeux.

Corriger un

Rien de tel qu’une après-midi

Travail

texte, remplir Négative

maussade pour traquer les fautes

de précision

une déclara-

d’orthographe !

tion d’impôt

Nous sommes plus chaleureux

Demande

Demander une

lorsque nous sommes de bonne

Neutre

délicate

augmentation

humeur… mais la bonne humeur


amène souvent à manquer de tact.

Mettre les autres de bonne humeur

Résolution de Positive et

si l’on veut favoriser le compromis.

Négociation

conflit

négative

Mettre les négociateurs de mauvaise

humeur si l’on veut figer les positions.

Étudier,

Positive

Se remettre dans l’état d’humeur

Mémoire

passer

et

de l’encodage facilite le rappel.

un examen

négative

238
LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Adapter le message à l’humeur

du public cible.

Un vendredi après-midi sous un soleil

radieux, nous préférerons un contenu

humoristique, un PowerPoint

attrayant, un message résumé en

quelques grandes idées attractives.

Au contraire, par un lundi matin gris

et pluvieux, nous privilégierons un

Convaincre

Positive

message plus détaillé, basé sur des

un auditoire,

Persuasion

et

faits précis.

vendre

négative
L’inverse est vrai également ! Si notre

un produit

contenu est léger et nos arguments

discutables, veillons à accompagner

notre message d’une bonne dose

d’humour (démarrer la présentation

par une blague, inclure des illustra-

tions amusantes…). Au contraire, si

nous désirons exacerber le sens criti-

que de nos interlocuteurs, privilé-

gions un « emballage » plus sombre.

Prendre conscience de notre état

émotionnel afin de prendre

Investir

la meilleure décision possible.

en bourse,

Émotions

La joie ou la colère nous amènent-

Évaluation

miser tous
spécifi-

elles à sous-estimer les risques ?

des risques

ses jetons

ques

Au contraire, un épisode de peur

au poker

vécu quelques minutes auparavant

nous conduira peut-être à

une prudence excessive…

Chapitre 11

VERS UN

DÉVELOPPEMENT

DURABLE DES

COMPÉTENCES

ÉMOTIONNELLES1

1. Par Jordi Quoidbach.

Tout au long de ce livre, nous avons approfondi les différentes compétences


émotionnelles et montré leur importance pour le bon fonctionnement des
individus.

À travers de nombreuses recherches scientifiques et des exemples de la vie


quotidienne, nous vous avons livré certaines clés pour une vie émotionnelle
plus harmonieuse et des relations sociales plus efficaces.

Mais peut-on réellement changer, ou sommes-nous voués à retomber tôt ou


tard dans nos vieux travers ? Comment, après la lecture de ce livre, passer de
la théorie à une amélioration durable de nos compétences émotionnelles ?

Et comment, après les premières semaines d’enthousiasme, maintenir sa


motivation et continuer à progresser ?

1 LA NATURE DU CHANGEMENT

Nombre d’entre nous – scientifiques compris – doutent de la capacité des


êtres humains à changer véritablement. Ne dit-on pas « chassez le naturel…

il revient au galop » ? En effet, qu’il s’agisse de tenir cette bonne résolution


de ne plus boire autant, d’arrêter de fumer, de perdre enfin ces fichus kilos
en trop, ou de lutter contre notre tendance à la timidité, la colère, le désordre,
etc., les exemples d’échecs sont nombreux.

Pourtant certains individus y arrivent, et souvent on les entend dire que telle
personne, telle expérience ou tel livre a profondément transformé leur vie.

Changer est donc possible.

Un petit récapitulatif de l’état de la connaissance scientifique sur la nature du


changement devrait nous aider à déterminer plus précisément notre marge

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de manœuvre.

242

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Nous commencerons par présenter les recherches montrant que changer


n’est pas facile. Dans un deuxième temps, nous montrerons que changer est
malgré tout possible.
1.1 Le changement est difficile : déterminisme

génétique et ligne de base

Changer est difficile, ce n’est pas nouveau ! De nombreuses études


scientifiques menées au niveau individuel, groupal ou encore sociétal
viennent confirmer ce constat.

Ainsi, il apparaît que notre capacité à changer est en partie déterminée


biologiquement. Des décennies de recherche en génétique comportementale
montrent que notre caractère et nos comportements sont profondément
déterminés par notre bagage génétique. On estime ainsi globalement que 40
% de notre personnalité est déterminée à la naissance par nos gènes
(Hansenne, 2007).
Ces estimations sont principalement obtenues grâce à la « méthode des
jumeaux ». En effet, puisqu’ils ont le même génome, toute différence
constatée entre une paire de jumeaux monozygotes (ou « vrais jumeaux »)
est forcément due à l’effet de l’environnement.

Dans les études classiques de jumeaux, les chercheurs calculent la


corrélation entre une mesure qui les intéresse chez les deux membres de
plusieurs paires de jumeaux monozygotes. On calcule aussi la même
corrélation chez des paires de jumeaux dizygotes, lesquels n’ont pas le
même génome. Les deux corrélations sont ensuite comparées. Si les jumeaux
monozygotes sont davantage semblables que les jumeaux dizygotes pour la
mesure en question, les chercheurs peuvent conclure (et quantifier) que la
ressemblance observée est due à des facteurs génétiques. On a par exemple
constaté que les mesures d’extraversion corrèlent fortement chez les
jumeaux monozygotes (.51) tandis qu’elles ne corrèlent que faiblement chez
les jumeaux dizygotes (.18). Cela veut dire que les « vrais »

jumeaux se ressemblent d’avantage pour ce trait de personnalité, ce qui


indique que l’extraversion est partiellement génétiquement déterminée (voir
Hansenne, 2007 pour une présentation détaillée de la méthode des jumeaux).

Des études sur les jumeaux monozygotes aux recherches d’ingénierie


génétique sur les rats de laboratoire, un nombre grandissant d’études mettent
en évidence le rôle clé joué par le gène 5-HTT dans la capacité de régulation
des émotions (Hariri et Holmes, 2006). Comme nous l’avons vu
précédemment dans cet ouvrage, ce gène impliqué dans le transport de la
sérotonine existe sous deux formes : la forme à allèle long et la forme à
allèle court. Les

VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES…

243

personnes possédant la forme courte sont plus sensibles au stress et à la


dépression que les personnes possédant la forme longue du gène 5-HTT. Par
exemple, lorsqu’elles sont exposées à des images de visages menaçants dans
un scanner, les personnes pourvues d’allèles courts montrent une activation
de l’amygdale presque cinq fois supérieure à celle des personnes pourvues
de la version longue du gène 5-HTT (Hariri et al. , 2002).

Ces différences génétiques ne déterminent pas à elles seules la vie


émotionnelle d’un individu mais interagissent fortement avec
l’environnement. Ainsi, les personnes possédant la forme courte du gène 5-
HTT qui subissent plusieurs traumatismes tels qu’une perte d’emploi ou un
divorce sont 33 % à tomber en dépression. Dans les mêmes conditions,
seulement 17 % des personnes aux allèles longs feront une dépression. Les
gènes ne déclenchent pas la dépression mais abaissent son seuil de
déclenchement (Caspi et al. , 2003).

Parallèlement, de nombreux chercheurs s’accordent sur le fait que 50 %

de notre bonheur est imputable à des facteurs génétiques qui déterminent en


quelque sorte l’aptitude de chacun à être heureux, certains étant mieux dotés
que d’autres par dame Nature (Lyubomirsky, 2008). Certains auteurs vont
même jusqu’à clamer que vouloir être plus heureux est aussi futile que de
vouloir augmenter sa taille (Lykken et Tellegen, 1996).

Pour certains chercheurs, les gènes détermineraient la ligne de base de la vie


affective de l’individu, à laquelle il aurait tendance à retourner
indépendamment des événements qu’il vit. Ainsi, si le mariage, les gains
financiers, la perte d’emploi ou les accidents peuvent nous rendre plus
heureux ou malheureux à court terme, l’influence de ces événements sur
notre bonheur à long terme apparaît comme relativement faible. Une célèbre
étude de Brickman, Coates et Janoff-Bulman (1978) montre que les gagnants
de la loterie nationale auraient une augmentation seulement transitoire de
leur niveau de bonheur et que, les premiers moments d’euphorie passés, ils
ne sont en fin de compte pas plus heureux que les autres. De même, les
prisonniers incarcérés pour de longues périodes s’adaptent eux aussi
étonnamment bien à leurs nouvelles conditions de vie (Flanagan, 1980). La
capacité des êtres humains à s’adapter aux situations les plus extrêmes est
donc remarquable et, selon ces études, il semble qu’elle les amène à revenir
à une situation émotionnelle en adéquation avec leur « potentiel de départ ».
D’une manière générale, Suh, Diener et Fujita (1996) estiment que seuls les
événements positifs ou négatifs récents ( i.e. survenus moins de trois mois
auparavant) affectent notre bien-être1.
1. Il existe cependant un certain nombre d’événements pour lesquels nous ne
nous adaptons jamais complètement. Pour une discussion détaillée du
principe d’adaptation hédonique, nous

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

renvoyons à la revue de Frederick et Loewenstein (1999).

244

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

En conclusion, les recherches sur le caractère inné de certaines de nos


réactions permettent d’expliquer que nous ne pouvons pas changer du jour
au lendemain ou du tout au tout. Nous bénéficions cependant d’une four-
chette d’amélioration que nous pouvons exploiter…

1.2 Le changement est possible :

motivation et neuro-plasticité

Si les études exposées précédemment montrent que changer nos


comportements et nos habitudes est difficile, un examen attentif des données
de ces recherches révèle cependant que le changement est malgré tout
possible.

En effet, ces chercheurs tombent dans un piège classique que l’on peut
typiquement qualifier d’« erreur de la moyenne » : ils concluent que le
changement est impossible car, en moyenne, les personnes ne changent pas.
Mais si l’on regarde les données dans le détail, on s’aperçoit qu’un certain
nombre de personnes changent pourtant.

Ainsi, par exemple, si en moyenne les gagnants de la loterie ou les couples


qui se marient retournent à leur ligne de base de bien-être après quelques
années, certains voient leur niveau de bonheur à jamais transformé. Un
changement personnel durable est donc possible et la question que se posent
les scientifiques du courant positif aujourd’hui n’est plus de savoir si oui ou
non il est possible d’améliorer nos compétences émotionnelles ou de devenir
plus heureux, mais comment ces changements sont possibles.
À quoi ressemble le changement d’un point de vue physiologique ?

Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, bon nombre de scientifiques


pensaient que les structures de notre cerveau étaient définitivement fixées.

Pour certains ces structures se fixaient de manière définitive à trois ans, pour
d’autre à sept ans mais, dans l’ensemble, le cerveau se « figeait » tôt ou tard
durant le développement. Ces conceptions ne faisaient que renforcer le doute
des scientifiques quant à la capacité de l’individu à changer durablement sa
personnalité, son estime de soi ou son niveau général de bien-être.

Ces conceptions ont cependant été balayées vers la fin des années quatre-
vingt-dix avec l’avènement de l’IRMf (ou imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle).

Ces dix dernières années, un nombre grandissant d’études ont montré que le
cerveau d’un individu évoluait jusqu’au jour de sa mort. Ce phénomène est
connu sous le nom de « neuro-plasticité ».

Ainsi, par exemple, dans une de ces études, le professeur Maguire et son
équipe de l’University College London ont passé le cerveau de seize
chauffeurs de taxi londoniens au scanner. Leurs résultats montrent que
certaines parties de l’hippocampe (zone du cerveau dédiée à la navigation
dans
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES…

245

l’espace) de ces chauffeurs sont plus larges que celles des participants
contrôles et qu’il existe une relation directe entre le nombre d’année d’expé-

rience et la taille de l’hippocampe. Afin de stocker la multitude de nouvelles


informations spatiales, le cerveau adulte de ces personnes a vu sa structure
se modifier au fil des ans (Maguire et al. , 2000).

Ces recherches ont par la suite été répliquées de nombreuse fois sur des
musiciens (Gaser et Schlaug, 2003 ; Munte, Altenmuller et Jancke, 2002),
des patients en cours de psychothérapie (Linden, 2006), des personnes prati-
quant la méditation (Brefczynski-Lewis, Lutz, Schaefer, Levinson et
Davidson, 2007)…

Les résultats sont unanimes : le cerveau humain est conçu pour apprendre
sans cesse. Il apparaît donc qu’à force d’entraînement, nous pouvons
véritablement transformer notre cerveau.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Notre cerveau comprend une multitude de voies neuronales. En fait, chacun


ou chacune de nos réflexes, de nos habitudes, de nos façons de nous
comporter ou de penser peut être envisagé(e) sous la forme de voies
neuronales. Certaines sont larges et épaisses, constituées d’une multitude de
neurones, d’autres sont plus fines et moins développées (voir figure 11.1).

Voies peu

renforcées

Voies

renforcées

Figure 11.1

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Illustration des différentes voies neuronales

246

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Pour expliquer le fonctionnement de ces voies neuronales, on peut prendre


l’analogie de la dynamique des cours d’eau.

En cas de forte pluie, l’eau coule en créant d’abord de petits ruisseaux. Au


fur et à mesure qu’elle s’y écoule, l’eau entraîne sur son passage des
morceaux de terre et de rochers. Petit à petit, les ruisseaux se creusent et
s’élargissent pour se transformer en rivière. Plus l’eau s’écoule et plus la
rivière s’élargit. En grandissant, la rivière augmente sa capacité à capter
l’eau aux alentours : encore plus d’eau vient alors s’écouler et elle grandit de
plus belle. La rivière se transforme en fleuve.

La plasticité cérébrale… pour le meilleur et pour le pire Si les exemples


ci-dessus montrent à quel point la neuroplasticité est essentielle pour l’être
humain, il est important de signaler qu’elle peut également nous desservir.
Trop de stress peut ainsi par exemple altérer les structures du cerveau en
réduisant la taille de l’hippocampe (Glaser, 2000). Parallèlement, les
recherches sur les troubles de l’humeur montrent que les patients dépressifs
présentent des différences structurales dans différentes régions du cerveau
telles que l’hippocampe et plusieurs zones du cortex préfrontal. Certaines de
ces différences sont directement proportionnelles à la durée des épisodes
dépressifs, ce qui laisse suggérer que c’est la dépression qui altère ainsi les
structures du cerveau (Sheline, 2003).

Notre cerveau fonctionne un peu de la même manière. Lorsque nous posons


un nouveau comportement (ex : nous exprimons clairement nos émotions et
nos besoins) ou une nouvelle façon de penser (ex : nous nous efforçons de
réévaluer positivement une situation), une nouvelle voie neuronale est créée.
Au début, celle-ci est très fine et peu développée, constituée seulement d’une
poignée de neurones. Mais au fur et à mesure que nous cultivons ce
comportement ou ce type de pensée, cette voie se développe. En grandissant,
la probabilité que de plus en plus d’expériences passent par cette voie
augmente également. Le circuit se renforce de lui-même à la manière d’un
cercle vertueux (ou vicieux lorsqu’il s’agit de nos mauvaises habitudes).

Prenons l’exemple d’une personne avec une voie neuronale consacrée à


l’évaluation de « ce qui ne va pas » particulièrement renforcée. Un
événement quelconque comme un repas au restaurant risque d’être « attiré »
dans cette voie et ainsi d’être interprété comme négatif (« le serveur était
désagréable », « le temps d’attente était beaucoup trop long »…).

Parallèlement, toujours comme pour une rivière, une voie neuronale peu
utilisée finit par rétrécir (se remplir de terre). Ce phénomène se produit donc
aussi bien pour nos voies neuronales « positives » que « négatives », pour
nos bonnes et nos mauvaises habitudes.
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES…

247

Comme le disait Charles C. Noble : « Nous déterminons d’abord nos


habitudes et puis nos habitudes nous déterminent. »

Le défi de ce livre est de nous aider à créer et/ou à fortifier nos voies
positives, celles qui nous rendent plus heureux, plus à l’écoute de nos
émotions, plus énergiques, plus optimistes, tout en déforçant les voies qui
nous freinent dans nos relations, nous amènent à nous concentrer sur le
négatif ou diminuent notre estime de nous-mêmes.

Grâce aux progrès en matière d’imagerie cérébrale, nous savons aujourd’hui


situer ces réseaux de neurones positifs et négatifs.

Ainsi, au niveau du cortex préfrontal, les voies neuronales liées aux


interprétations et aux émotions positives se situent principalement dans le
lobe gauche du cerveau. Celles liées aux émotions négatives dans le lobe
droit (voir par exemple Davidson, Jackson et Kalin, 2000). L’analyse des
tracés électro-encéphalographiques des personnes heureuses et positives
montre que leur cortex préfrontal gauche est plus actif que celui des
personnes pessi-mistes, négatives ou déprimées (Urry et al. , 2004). D’autres
évidences proviennent des recherches sur les moines bouddhistes qui
montrent eux aussi une plus forte activation du cortex préfrontal gauche que
du cortex droit (typiquement dédié au traitement des émotions négatives),
même au repos (Flora, 2005). Le célèbre moine bouddhiste français Mathieu
Ricard a récemment participé à une étude IRMf pour l’université du
Wisconsin. Lorsque l’on compare ses images IRMf à celles de 150 autres
personnes contrô-

les, le centre des émotions positives dans le cerveau de ce moine atteint un


niveau d’activation jamais égalé à ce jour (Barasch, 2005).

Ces constatations sont à mettre sur le compte de la pratique quotidienne de la


méditation : une étude récente montre que même les personnes débutantes
qui pratiquent la méditation pendant huit semaines voient l’activation de leur
cortex préfrontal gauche au repos augmenter significativement (Davidson et
al. , 2003).

Nul besoin donc de se retirer vingt ans dans les montagnes du Tibet, pour
modifier l’anatomie de son cerveau !

Parallèlement, un nombre grandissant d’études indique que notre cerveau


peut également changer à la suite d’une psychothérapie (pour une revue voir
Linden, 2006). Seulement quatre heures de thérapie cognitive-
comportementale (TCC) permettent par exemple à des patients
arachnophobes de retrouver une activité cérébrale comparable à celle des
personnes non phobiques lorsqu’elles sont exposées à des vidéos d’araignées
(Paquette et al. , 2003).

Nous pouvons donc changer ! Et pas seulement à un niveau superficiel ;


nous pouvons littéralement transformer l’anatomie de notre cerveau et
ainsi maximiser les chances que les événements que nous vivons, les
situations dans lesquelles nous nous trouvons soient automatiquement
traité(e)s par une voie neuronale plus positive.

248

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

La question qu’il nous reste à traiter à présent est celle du « comment ».

Comment changer ? Comment faire pour modifier durablement nos


structures neuronales afin d’échapper au déterminisme du retour à la ligne de
base ?

C’est ce que nous allons aborder dans la suite de ce chapitre.

2 COMMENT CHANGER ?

Les livres de développement personnel sont extrêmement révélateurs de la


manière dont le changement est perçu dans nos sociétés occidentales.

Stephen Covey (1989) de la Harvard Business School a analysé l’ensemble


de la littérature dédiée au développement personnel au cours des deux cents
dernières années. Les résultats de son travail montrent qu’il existe une
différence majeure entre la façon dont on concevait le changement entre le
début du XIXe siècle et les années trente, et la manière dont il est conçu
depuis cette période.

Entre 1800 et 1930, l’accent était mis sur le travail acharné et la persévé-

rance permettant d’acquérir un caractère plus fort et plus vertueux. C’était


l’approche du changement profond acquis au terme de longs et courageux
efforts. À partir des années trente, la tendance s’inverse : on voit fleurir un
grand nombre d’ouvrages proposant une recette miracle : « Les cinq secrets
du bonheur », « Les trois étapes pour réussir », etc. autrement dit, des
solutions faciles… pour des questions difficiles.

Pour certains auteurs, comme Tal Ben-Sharar (2006), professeur à Harvard,


l’augmentation du taux de dépression constaté ces dernières décennies –
29,5 % dans les années soixante contre 40.5 % actuellement aux États-Unis
– peut être notamment expliquée par cette culture de la recette miracle.

Certes, la dépression est mieux mesurée et plus vite diagnostiquée


qu’autrefois, mais cela n’explique certainement pas l’ensemble du phéno-
mène. Pour Tal Ben Sharar, nous ne sommes plus assez préparés à lutter.

Le célèbre psychologue américain Martin Seligman (2004, p. 84), père de la


psychologie positive, est du même avis et affirme que « la croyance selon
laquelle nous pouvons utiliser des raccourcis pour obtenir ce que nous
désirons en faisant l’impasse sur la pratique assidue des forces et vertus
personnelles est stupide. Cela mène (…) à des légions d’individus déprimés
malgré l’abondance de richesses et mourant littéralement de faim
spirituellement1 ».

1. Traduction libre.

VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES…

249

À l’instar de ces auteurs, nous pensons que changer durablement ses


habitudes ne s’improvise pas. C’est un travail de longue haleine pour lequel
il est préférable d’établir un plan d’action préalable. En effet, si l’intention
de changer est une condition nécessaire pour réussir à mettre en place de
nouveaux comportements, elle n’est certainement pas suffisante (Orbell et
Sheeran, 1998). En fait, les méta-analyses sur la question montrent que
l’intention d’adopter un nouveau comportement ne résulte en un changement
comportemental réel que dans une minorité de cas (Sheeran, Webb et
Gollwitzer, 2005).

Afin de maximiser les chances de succès dans le développement de nos


compétences émotionnelles, nous proposons une méthode en quatre étapes1.

Il s’agira dans l’ordre de :

– choisir un plan d’action global ;

– identifier les freins et leviers ;

– se fixer des objectifs calibrés et opérationnels ;

– choisir des activités adaptées.

2.1 Choisir un plan d’action global :

3 stratégies possibles

La première étape pour développer nos compétences émotionnelles est de


choisir un plan d’action général (Lyubomirsky, 2008).

Les thérapeutes, coaches personnels et formateurs en entreprises distinguent


typiquement trois stratégies de développement personnel : la stratégie de
remédiation, la stratégie d’excellence et la stratégie de polyvalence.

Chacune de ces stratégies répond à un contexte et à des enjeux personnels


différents. Il s’agira donc de choisir celle qui est la plus adaptée à notre
situation.

2.1.1

La stratégie de remédiation
Qu’il s’agisse d’un énième divorce provoqué par la même raison que les
précédents, de licenciements répétés pour un manque d’esprit d’équipe
persistant, d’échecs successifs dus à un trac insurmontable, une ou plusieurs
compétences émotionnelles spécifiques insuffisamment développées sont
souvent à l’origine de souffrances et de problèmes récurrents.

La stratégie de remédiation consiste à travailler ses faiblesses.

1. Notre approche se fonde entre autres sur les travaux de Lyubomirsky


(2008), Locke et Latham

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(1990 ; 2002), Strecher et al. (1995).

250

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Elle consiste en un important travail de fond : ancrées dans des réseaux


neuronaux renforcés depuis des années, nos mauvaises habitudes ont la dent
dure. S’attaquer à nos faiblesses s’avère souvent tellement difficile que
beaucoup se découragent. Cependant, en dépit des difficultés, les bénéfices à
long terme d’une telle stratégie valent largement les efforts fournis.

Cette stratégie est payante :

– lorsque certaines de nos faiblesses nous posent régulièrement problème ou,


plus grave, quand elles sont devenues une réelle source de souffrance ;

– lorsque nous sommes véritablement motivés à transformer positivement


notre vie.

2.1.2

La stratégie d’excellence

La stratégie d’excellence consiste, quant à elle, à concentrer ses efforts pour


améliorer le ou les domaines dans lesquels nous excellons le plus, l’objectif
étant ici de devenir un expert « hyper-spécialisé » dans l’une ou l’autre
compétence.

Cette stratégie est payante :

– quand nous n’avons pas de faiblesses majeures ou que celles-ci ne nous


causent pas vraiment de souci ;

– quand nos compétences favorites sont une importante source de plaisir ou


de ressources (ex. nous adorons écouter et aider nos proches à exprimer leurs
émotions, nous aimons jouer les négociateurs, résoudre les difficultés
relationnelles, etc.) ;

– quand la situation requiert un expert (ex. le poste que nous convoitons


nécessite d’excellentes capacités de gestion de
conflits/communication/gestion du stress, etc.).

2.1.3

La stratégie de polyvalence

Cette dernière stratégie vise à travailler toutes les compétences de manière


égale et relativement modérée. L’idée ici est d’augmenter notre flexibilité
comportementale : savoir faire un peu de tout.

Cette stratégie est payante :

– Quand nous n’avons pas de forces ou de faiblesses majeures.

– Quand nous évoluons dans un contexte changeant.

2.2 Identifier les freins et leviers

Après avoir déterminé la direction globale que nous voulons prendre, il nous
faut nous poser une deuxième question cruciale : voulons-nous réellement
changer ?

VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES…


251

Cette question n’est pas triviale.

Bien sûr, consciemment, nous voulons tous mieux vivre avec nos émotions,
être plus heureux ou plus efficaces dans nos relations, mais il est important
de « poser également cette question à notre inconscient ». Car, parfois,
conscient et inconscient ne sont pas pour ainsi dire… sur la même longueur
d’onde.

À ce propos, dans son célèbre cours de psychologie positive déjà évoqué


plus haut, le professeur de Harvard Tal Sharar évoque une étude non publiée
de Langer et Thompson illustrant bien ce mécanisme inconscient de
résistance au changement (Ben-Sharar, 2006).

Langer et Thomson ont présenté à leurs sujets une liste de traits de


personnalité, en apparence négatifs, et leur ont demandé lesquels ils
souhaiteraient changer en eux. La plupart des participants cochaient la
majorité de ces traits. Ils désiraient, par exemple, être moins rigides, moins
perfectionnistes, culpabiliser moins ou, au contraire, être plus insouciants,
plus joyeux, etc. Les chercheurs ont ensuite demandé aux sujets d’indiquer,
parmi les traits de personnalité proposés, ceux qu’ils avaient réussi à changer
au cours des années précédentes. Dans une seconde partie de la recherche,
les auteurs ont soumis une deuxième liste de traits en demandant aux
participants d’évaluer l’importance que chacun de ceux-ci avait pour eux.
Cette deuxième liste présentait en fait l’aspect positif des traits de
personnalité repris dans la première : par exemple la constance était reprise
comme correspondant positif de la rigidité, l’empathie comme celui de la
culpabilité, le réalisme comme celui de la critique systématique, etc.

Les résultats de l’étude montrent que plus les individus considéraient


l’aspect positif d’un trait de personnalité comme important, plus ils
affirmaient avoir des difficultés à changer ce dernier (voir tableau 11.1).
Ainsi par exemple, ceux qui avaient le plus de mal à dépasser leur rigidité
étaient également ceux qui accor-daient le plus d’importance au fait d’être
constants. En d’autres termes, malgré le désir conscient d’être moins rigides,
ils n’étaient pas prêts à renoncer à être quelqu’un de constant et fiable. Ces
freins inconscients les empêchaient en fait de changer.
252

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Tableau 11.1

Exemples de caractéristiques que les participants désiraient changer et


pertes inconscientes associées

Traits que les participants désiraient

Perte inconsciente associée au

généralement changer

changement

Rigidité

Constance/Fiabilité

Crédulité

Loyauté

Sévérité

Sérieux

Perfectionnisme

Motivation/ambition

Tracas/anxiété

Responsabilité

Culpabilité

Empathie/sensibilité
Se relaxer plus

Avance sur les autres

Tout critiquer

Réalisme

Bonheur

Il faut souffrir pour réussir

Cette étude montre donc l’importance de s’interroger, avant toute entreprise


de changement, sur les éléments positifs, les avantages que nous reti-rons
d’un état donné.

Cette dynamique peut-être schématisée comme un champ de forces en


présence (figure 11.2). Dans un système, forces de changement et forces
antagonistes (de différentes intensités) sont en équilibre. Le changement ne
peut s’opérer que si les forces vers le changement sont plus fortes que celles
vers le statu quo. On peut donc favoriser le changement soit en augmentant
les « forces leviers » soit en diminuant les « forces freins ».

FORCES

FORCES

FREINS

LEVIERS

Vers le statu quo

Vers le changement

ÉQUILIBRE

Figure 11.2

Dynamique du changement
VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES…

253

Ainsi, les personnes tracassées et anxieuses, par exemple, devront peut-

être effectuer un travail psychologique préalable afin de prendre conscience


des caractéristiques positives associées à l’anxiété – comme la prudence ou
le souci attentif du détail, qui ont en général pour elles beaucoup
d’importance – et comprendre que changer ne signifie pas nécessairement
abandonner ce qu’elles considèrent comme des qualités primordiales.

Prendre un moment pour lister l’ensemble des traits que nous voulons
changer, tout en recherchant les caractéristiques positives associées (les

« bénéfices cachés ») que nous voulons conserver, est un premier pas vers le
changement. Cela nous permet de faire tomber les barrières mises en place
par notre inconscient.

2.3 Petits changements et réactions en chaîne

« Le plus petit changement effectué au sein d’un système rigide entraîne une
réaction en chaîne qui finit par modifier le système tout entier » (Paul
Watzlawick).

Pour Paul Watzlawick (ex. Watzlawick, Weakland et Fisch, 1974), l’être


humain a tendance à commettre une erreur fondamentale lorsqu’il conçoit de
grands changements : penser que seule une solution gigantesque et radicale,
à la mesure du problème, a des chances de succès. Ainsi par exemple, on
entendra souvent une personne arachnophobe ou terrorisée par le vide dire
que son trouble est tellement sérieux que seule une journée parmi les
mygales ou un stage intensif de saut en parachute pourront la guérir. Selon
Watzlawick, ces solutions extrêmes sont très souvent vouées à l’échec.
Prévoir de grands bouleversements est le meilleur moyen de ne rien changer
du tout !

Face à l’énormité de la tâche, notre arachnophobe trouvera certainement


toutes les « bonnes raisons » de rester à la maison lorsque l’occasion de
manipuler des mygales se présentera (ex : « trop de travail ce week-end »,
« ce n’est pas le bon moment », « la prochaine fois, c’est sûr ! »…). D’une
manière générale, vouloir bousculer radicalement nos habitudes n’a pour
résultat que d’augmenter les forces de freins.

Nous partageons en grande partie ce point de vue. Augmenter ses compé-

tences émotionnelles requiert une « politique des petits pas ». Si nous


sommes quelqu’un de très anxieux, cela ne sert à rien de vouloir devenir
quelqu’un de décontracté, confiant et serein du jour au lendemain. En se
fixant des objectifs raisonnables, nous réduisons la résistance au
changement. Les nouveaux comportements, même peu spectaculaires,
provoquent néanmoins progressivement un changement de logique, une
nouvelle repré-

sentation des situations et des problèmes. Par le jeu des rétroactions et des
réactions en chaînes, nous augmentons lentement mais sûrement nos compé-

tences émotionnelles.

254

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ainsi, nous échouerons très certainement à devenir serein en un jour. En


revanche, si nous nous efforçons de réévaluer positivement les situations
négatives, et que nous ne renonçons pas à appliquer cette technique, même
dans les moments de découragement, nous deviendrons progressivement
plus détendus et plus heureux.

2.4 Se fixer des objectifs calibrés et opérationnels : la méthode « PEACE


»

L’importance de définir des objectifs réellement opérationnels dans le cadre


d’un plan de développement personnel ou de changement comportemental a
été mise en évidence par de nombreuses recherches empiriques (Cullen,
Baranowski et Smith, 2001 ; Kolb et Boyatzis, 1970 ; Locke et Latham,
1990 ; Strecher et al. , 1995).
Imaginons une personne qui, suite à la lecture de ce livre, déciderait
d’améliorer ses compétences émotionnelles. Un de ses objectifs prioritaires
serait par exemple d’« améliorer ses relations avec les autres ». Avec un
objectif ainsi défini, cette personne a toutes les chances d’échouer et d’être
démoralisée au bout de quelques semaines.

Qui sont «

les autres

? Que signifie réellement «

améliorer une

relation » ? Quand l’objectif est-il supposé être atteint ? Est-il réaliste ?

Souvent, nous nous fixons des objectifs trop flous, trop généraux, ou
simplement inadaptés, lesquels conduisent à une moindre performance
(Latham, 2001 ; Locke, 1968).

Une méthode simple mais particulièrement efficace permet d’affiner


progressivement nos objectifs, afin de mettre toutes les chances de réussite
de notre côté.

Il s’agit de vérifier que chacun de nos objectifs répond aux 5 critères de


l’acronyme P.E.A.C.E.1 repris dans le tableau 11.2 ci-contre.

1. Cette méthode constitue un outil personnel inspiré de la célèbre méthode


des objectifs SMART

(voir par ex.

Doran, 1993

; Rubin, 2002) dont l’efficacité est largement reconnue


(ex. Bovend’Eerdt, Botell et Wade, 2009 ; Bowles, Cunningham, De La
Rosa et Picano, 2007) et des travaux sur la distinction « objectifs
d’approche/objectifs d’évitement » (ex. Darnon, Harackiewicz, Butera,
Mugny et Quiamzade, 2007), la « self-efficacy » (voir Bandura, 1997) et
l’importance des feedbacks dans la fixation d’objectif (ex. Bandura et
Cervone, 1983 ; Becker, 1978 ; Strang, Lawrence et Fowler, 1978).

VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES…

255

Tableau 11.2

Caractéristiques des objectifs dans la méthode PEACE

Positif

L’objectif doit être formulé par une phrase positivea.

Tel le skieur qui doit se concentrer sur son chemin plutôt que sur les arbres à
éviter, des objectifs négatifs (éviter les arbres) sont généralement plus
difficiles P

à atteindre que des objectifs positifs (passer par le chemin visualisé).

Par ailleurs, la formulation doit être la plus spécifique b possible et mettre en


évidence l’action à réaliser, les actes à faire, en précisant qui fait quoi, où, à
quel moment, avec quelles ressources.

Enjoué

Quel est l’enjeu ? Qu’est-ce que nous gagnons à réaliser cet objectif ? En
quoi nous est-il utile, nécessaire ou agréable ?

Savoir ce que nous apporte la réalisation de l’objectif, que ce soit en termes


E

social, émotionnel, financier, symbolique ou autre, nous permet de mieux


mesurer l’énergie que nous sommes prêts à y consacrer, les engagements que
nous prenons. C’est ici également que doit se poser la question des forces
freins définies précédemment. Existe-t-il des bénéfices cachés à l’ancienne
situation ? Que ne sommes-nous pas prêts à sacrifier ?

Accompagné de conditions de réussite

Un objectif est mesurable lorsqu’il existe un – ou plusieurs – indicateur(s)


nous permettant de savoir de façon précise quand l’objectif est atteint. Les
indicateurs permettent également de suivre l’état d’avancement de notre
objectif.

Ces feedbacks sont essentiels pour entretenir notre motivation.

Il doit donc exister un indicateur qui va mesurer le degré de réalisation de


l’objectif, et un seuil à partir duquel l’objectif est réalisé. Par exemple : cette
semaine, le nombre de personnes à qui nous désirons exprimer verbalement
notre gratitude (indicateur) doit être au moins égal à 10 (seuil). Aujourd’hui
nous en sommes à 6 (feedback).

Contrôlable

L’objectif est-il réaliste ? Disposons-nous des moyens nécessaires à la mise


en œuvre ou à la réalisation de l’objectif ? Nous sentons-nous capables c de
le réaliser ?

Un objectif sous contrôle, c’est un souhait sur lequel nous avons prise ou sur
C

lequel nous pensons pouvoir agir de manière déterminante.

Exemple : « Demain, je voudrais faire de la voile avec cinq copains sous le


soleil. » La condition « soleil » n’est pas sous contrôle car, à ce jour, nous ne
disposons pas de techniques nous permettant de contrôler la météo. En
revanche, un objectif tel que « demain, j’emmène cinq copains faire de la
voile »

peut être sous contrôle .


256

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Échelonné dans le temps

Situer l’action dans le temps et fixer des échéances permet de savoir si l’on
s’engage dans le court ou le long terme, et de doser son énergie en fonction
de la durée. Espérons-nous des résultats dès le lendemain, dans une semaine
E

ou dans un mois ? Répondre à une telle question permet d’éviter de


nombreuses frustrations.

La réflexion sur des dates butoirs permet par la suite de suivre la réalisation
de nos objectifs, ce qui entretient notre motivation. Cette réflexion sur les
délais mène à la structuration de notre plan de développement personnel.

a. Voir notamment Darnon, Harackiewicz, Butera, Mugny et Quiamzade


(2007) ; Elliot et Harackiewicz (1996) ; Sideridis (2008) ; Van Yperen, Elliot
et Anseel (sous presse).

b. Voir à ce sujet la méta-analyse de Locke et Latham (1990) qui montre que


les objectifs spécifiques conduisent à une performance plus élevée que les
objectifs du type « faire de son mieux ».

La taille des effets varie de moyenne à large en fonction des études.

c. Le terme « capable » renvoie à la notion d’auto-efficacité de Bandura


(1997) dont de nombreuses recherches ont montré le rôle clé pour l’atteinte
des objectifs (voir Locke et Latham, 2002).

2.5 Des activités adaptées


Après avoir choisi l’orientation globale de notre plan d’action, identifié les
freins et leviers et nous être fixé un ensemble d’objectifs opérationnels, il
nous faut maintenant choisir les moyens d’y répondre.

Tout au long de ce livre, nous avons passé en revue un vaste ensemble de


techniques, d’exercices et d’activités visant à développer les compétences
émotionnelles. Il n’existe cependant pas UNE SEULE recette miracle.

Chacun d’entre nous a des besoins, des intérêts, des valeurs, des ressources
et des affinités personnelles qui lui sont propres. Ainsi, une stratégie de
régulation ou une technique de communication bénéfique pour une personne
peut se révéler inefficace voire contre-productive pour une autre. Par
exemple, une personne extravertie pourra facilement prolonger la durée de
ses émotions positives en les partageant avec autrui. Cet exercice pourra, au
contraire, se révéler particulièrement stressant pour une personne introvertie.

Le fait de tenir un journal de gratitude se révélera certainement plus utile


pour elle. Après tout, nous ne sommes pas tous sensibles ou intéressés par la
méditation, le yoga ou l’écriture d’un journal intime. L’importance de cette
notion d’adéquation entre activités et personnes est mise en évidence par un
nombre grandissant de recherches empiriques (voir Lyubomirsky, 2008).

Certaines personnes réussissent à perdre du poids par la pratique intensive


d’un sport ou à arrêter de fumer à l’aide de patchs alors que pour d’autres,
c’est un régime protéiné ou le dernier livre d’Allen Carr qui constituera la
clé du succès. La notion d ’adéquation personne-activité apparaît comme
évidente et relativement intuitive quand il s’agit de perdre du poids ou de se
débarrasser d’une addiction. Mystérieusement, cette notion n’est presque
jamais prise en considération dans le domaine du développement personnel.

VERS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES COMPÉTENCES…

257

Bon nombre de livres nous proposent en effet d’accroître notre efficacité


relationnelle ou notre bien-être grâce à « dix étapes », « sept conseils » ou
encore deux ou trois « activités miracles ».
En fait, l’unique « secret » pour augmenter durablement ses compétences
émotionnelles, c’est d’établir quels exercices et quels conseils sont faits pour
nous. Il s’agit de sélectionner les activités qui collent le mieux avec notre
personnalité afin de rester motivés dans nos efforts de changement.

C’est précisément parce que bon nombre de livres/formations font l’impasse


sur cette question de l’adéquation personne-activité que nous avons présenté
dans ce livre un grand nombre de techniques. Leur point commun est
qu’elles ont toutes scientifiquement prouvé leur efficacité pour une majorité
de personnes. Mais parce qu’aucune technique n’est efficace chez tout le
monde, il incombe à chacun de déterminer, parmi les activités proposées,
celles qui fonctionnent le mieux pour elle/lui.

Comment choisir parmi les nombreuses stratégies, conseils et exercices


présentés à travers cet ouvrage, les activités optimales pour nous ?

Le professeur Sonja Lyubomirsky, intégrant différentes données issues des


recherches sur la motivation, a récemment créé à cette fin un outil
particulièrement intéressant : le Diagnostic d’Adéquation Personne –
Activité (ou Person-Activity Fit Diagnostic ; Lyubomirsky, 2008).

Le principe consiste à évaluer chaque activité selon les cinq dimensions de


motivation suivantes :

• Facilité : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car elle


me semble totalement naturelle et je pourrais ainsi m’y tenir facilement.

• Plaisir : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car sa


réalisation même me semble agréable. Je la trouve intéressante, amusante ou
stimulante.

• Valeur : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car elle


est en adéquation avec mes valeurs et mes idéaux. C’est quelque chose
d’important pour moi (même si ce n’est pas forcément agréable).

• Culpabilité : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car


je me sentirais coupable, gêné ou stressé si je ne l’utilisais pas.
• Obligation : je pourrais continuer à pratiquer cette activité/technique car
cela ferait plaisir à quelqu’un et/ou la situation dans laquelle je me trouve
m’y oblige.

258

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Ainsi pour chacune des activités ou des techniques proposées il s’agit de : 1.


Attribuer une note de 1 à 7 pour les cinq dimensions selon l’échelle suivante
:

Pas du tout

Relativement

Beaucoup

2. Additionner les notes aux dimensions « FACILITÉ », « PLAISIR » et

« VALEUR » et soustraire ensuite les notes de « CULPABILITÉ » et

« OBLIGATION ».

SCORE D’ADÉQUATION = (FACILITÉ + PLAISIR +


VALEUR) –

(CULPABILITÉ + OBLIGATION).

Le score total de chaque activité représente son niveau d’adéquation pour


nous. En privilégiant les activités aux scores élevés, nous maximisons les
chances de rester motivé et d’atteindre, par conséquent, les objectifs que
nous nous sommes fixés.

3 CONCLUSION

Si des prédispositions génétiques et des comportements ancrés depuis des


années dans nos habitudes rendent le changement difficile, les recherches sur
la plasticité du cerveau offrent de nouvelles perspectives optimistes. Certes,
nous ne changeons pas du tout au tout ou du jour au lendemain, mais la four-
chette d’amélioration dont nous disposons est relativement importante.

Ainsi, 40 % de notre bien-être psychologique seraient entièrement sous notre


contrôle. En planifiant savamment notre plan de développement personnel,
en nous fixant des objectifs bien définis et en choisissant les moyens les plus
adéquats pour nous d’y répondre, nous maximisons nos chances de
développer durablement nos compétences émotionnelles.

Chapitre 12

LES PERSPECTIVES

D’AVENIR DANS

LE DOMAINE

DES COMPÉTENCES

ÉMOTIONNELLES1

1. Par Moïra Mikolajczak, Jordi Quoidbach, Delphine Nelis et Ilios Kotsou.

À l’heure où nous clôturons cet ouvrage, il apparaît clairement que, si un


long chemin a été parcouru depuis les premiers travaux sur les compétences
émotionnelles, de nombreux points d’ombre restent à éclaircir. La présente
conclusion passe en revue les différents chapitres et évoque, pour chacun
d’eux, les principales directions de recherches à venir.

Dans le premier chapitre, nous avons défini l’objet de ce livre, à savoir les
compétences émotionnelles. Bien qu’il n’y ait pas encore de consensus
définitif sur le nombre et la nature des principales compétences
émotionnelles, nous avons vu que cinq compétences semblaient cruciales
pour l’adaptation du sujet à son environnement : (1) l’identification des
émotions, (2) l’expression des émotions, (3) la compréhension des émotions,
(4) la régulation des émotions et (5) l’utilisation des émotions. Les
recherches futures devront examiner dans quelle mesure ces cinq
compétences émotionnelles forment un tout cohérent (par ex. si ces cinq
compétences émotionnelles sont les plus déterminantes de l’adaptation du
sujet à l’environnement ou si d’autres compétences émotionnelles doivent
être ajoutées au modèle ; si ces compé-

tences émotionnelles sont sous-tendues par des différences cérébrales


structurelles communes, etc.). En outre, les chercheurs devront déterminer à
quel point les compétences intra personnelles (ex. capacité à identifier ou à
gérer ses propres émotions) sont liées et déterminantes des compétences
inter personnelles (ex. capacité à identifier ou à gérer les émotions d’autrui).

Le deuxième chapitre consistait en une introduction générale aux émotions.


Nous avons exposé ce que sont les émotions, à quoi elles servent et quels
sont leurs substrats biologiques. Les pistes de recherche futures dans le
domaine des émotions sont multiples mais dépassent le cadre du présent
projet.

Dans le troisième chapitre, nous avons insisté sur l’importance de la capacité


à identifier ses émotions, laquelle constitue une prémisse cruciale au
développement de compétences émotionnelles plus complexes. Ce chapitre a
fait ressortir un étonnant paradoxe. Bien qu’un nombre grandissant d’études

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

souligne l’importance de la compétence d’identification des émotions et les


262

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

conséquences négatives résultant d’un déficit à ce niveau, il n’existe


pratiquement aucune étude mettant au jour les processus par lesquels les
individus identifient leurs émotions. De même, la littérature est pratiquement
muette sur la manière de traiter les déficits d’identification. Les recherches
ultérieures devront nécessairement se pencher sur ces questions. Il
incombera aux chercheurs de déterminer quelles sont les étapes (au niveau
neurologique et cognitif) du processus d’identification des émotions chez
l’individu fonctionnel, quelles sont les origines possibles des pathologies de
l’identification et, finalement, quels sont les moyens de remédier à de tels
déficits.

Le quatrième chapitre portait sur l’identification des émotions d’autrui.

Nous avons exposé les processus verbaux et non verbaux sous-jacents à la


reconnaissance des émotions de nos semblables et avons souligné
l’importance de cette compétence émotionnelle pour l’ajustement social.
Cette compétence émotionnelle est, avec la régulation émotionnelle, l’une
des mieux documentées. Les processus sous-jacents ainsi que les sources de
difficultés dans la reconnaissance des émotions d’autrui ont été largement
investigués. Néanmoins, la manière de remédier à d’éventuels déficits à ce
niveau a été peu étudiée. Il s’agit d’une lacune regrettable dans la mesure où
de nombreuses psychopathologies sont caractérisées par un déficit dans la
reconnaissance des émotions d’autrui (ex. autisme, schizophrénie, etc.).

Le cinquième chapitre a approfondi la compétence d’expression des


émotions. Cette compétence est fondamentale, tant d’un point de vue social
(l’expression des émotions permet la construction des liens affectifs, l’inté-

gration sociale et la communication des dangers et opportunités au groupe)


qu’individuel (l’expression des émotions est associée à une meilleure santé
physique et mentale). Nous avons vu également que l’expression de
l’émotion n’était pas toujours adaptative. La flexibilité entre suppression et
expression ainsi que la capacité d’exprimer ses émotions de manière adaptée
au contexte apparaissent aujourd’hui comme des paramètres déterminants de
l’ajustement. Les recherches futures devront approfondir ces questions et
explorer plus avant la question des formes d’expression et d’écoute des
émotions. Existe-t-il des formes d’expression des émotions plus adaptées
que d’autres ? Si oui, quels sont leurs effets sur la santé et sur la qualité des
relations sociales ?

Dans le sixième chapitre, nous nous sommes intéressés à la compréhension


des émotions. Nous avons vu que comprendre l’origine de nos émotions
contribue à diminuer notre réactivité émotionnelle et à améliorer notre
équilibre émotionnel à long terme. Nos émotions ont en effet un rôle
informateur essentiel. Elles nous signalent qu’une fonction importante – un
besoin – est, ou n’est pas, satisfaite. Percevoir l’émotion comme une source
d’information sur le degré de satisfaction de nos besoins contribue à réduire
le caractère conflictuel des émotions négatives et la tendance à l’évitement
émotionnel, à la base de nombreuses difficultés psychologiques. Les
émotions, et singuliè-

LES PERSPECTIVES D’AVENIR DANS LE DOMAINE DES


COMPÉTENCES…

263

rement les émotions négatives, n’apparaissent plus comme un attribut gênant


mais comme une source d’information et de motivation essentielle à notre
bien-être à long terme. Les relations entre la conscience qu’un individu a de
ses besoins, sa réactivité émotionnelle et ses capacités de régulation
émotionnelle sont un thème porteur pour la recherche. Le lien entre
identification des besoins et évitement émotionnel nous paraît également
intéressant à étudier.

Le septième chapitre visait à introduire la notion de régulation émotionnelle.


Nous avons évoqué l’importance de cette compétence dans les cinq grands
domaines de l’existence (santé mentale, santé physique, relations sociales,
performance au travail et gestion des ressources matérielles), les différentes
formes de régulation émotionnelle (qui comprennent la diminution et
l’augmentation des émotions positives et négatives, respectivement), et
l’origine des différences individuelles dans la capacité à réguler ses
émotions. La principale direction de recherche concerne ce dernier point.
Les études antérieures ont en effet mis en évidence de nombreuses
différences fonctionnelles entre les individus qui gèrent bien leurs émotions
et ceux qui les gèrent moins bien. Les recherches futures devront déterminer
dans quelle mesure ces différences individuelles sont également sous-
tendues par des différences structurelles dans la configuration du cerveau.

Dans le huitième chapitre, nous avons exposé les principales stratégies


permettant d’anticiper ou de réguler les émotions négatives. Nous avons
évoqué cinq grandes familles de régulation (la modification de la situation,
la réorientation de l’attention, le changement cognitif, le partage social et les
techniques physio-relaxantes), et présenté les stratégies les plus étudiées
dans chacune d’elles. Ce chapitre laisse entrevoir deux directions de
recherches majeures. Tout d’abord, l’efficacité des différentes stratégies
fonctionnelles doit être comparée. La littérature a en effet départagé les
stratégies globalement fonctionnelles des stratégies dysfonctionnelles.
Toutefois, on ne sait pas si certaines stratégies dites fonctionnelles doivent
être préférées à d’autres. Une comparaison des tailles d’effet et du
coût/bénéfice des diffé-

rentes stratégies dans différents contextes devrait être réalisée à cette fin.

Ensuite, une attention particulière devrait être portée aux modérateurs de ces
effets. Il n’est pas impossible, par exemple, que la réévaluation cognitive soit
plus facile à mettre en pratique – et donc plus efficace – pour les individus
ayant un QI élevé comparativement à ceux ayant un QI faible. De même,
l’efficacité du partage social pourrait varier en fonction du degré
d’extraversion de l’individu.

Dans le neuvième chapitre, nous avons présenté les principales stratégies


permettant, d’une part, de favoriser l’émergence d’émotions positives et,
d’autre part, d’intensifier ou de prolonger ces dernières. La recherche sur les
émotions positives n’en est encore toutefois qu’à ses débuts. Si un nombre
grandissant d’études indiquent que cultiver la joie, la gratitude ou l’émer-

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

veillement favorise l’ajustement dans de multiples domaines, de nombreuses


264

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

questions restent encore sans réponse. Quelles sont les stratégies les plus
efficaces ? Le sont-elles pour tout le monde ou est-ce que certaines
différences individuelles viennent ponctuer leur effet ? L’effet des émotions
positives authentiques est-il le même que celles que nous cultivons
stratégiquement ?

Les recherches futures devront apporter des réponses à ces questions.

Le dixième chapitre s’est focalisé sur la manière dont nous pouvions utiliser
nos émotions. Nous y avons découvert que nos émotions influençaient la
manière dont nous pensons et agissons. Nous avons vu qu’il existait un
certain nombre de circonstances dans lesquelles nous pouvions tirer parti de
nos émotions – tant positives que négatives – et nous avons appris comment
utiliser celles-ci afin d’optimiser notre pensée et nos comportements. Cette
compétence étant l’une des moins étudiées, de nombreuses questions restent
sans réponse. Par exemple, quels sont ses substrats neuronaux ? La capacité
à utiliser ses émotions implique-t-elle une connaissance explicite des effets
des émotions sur la pensée et le comportement ?

Finalement, le onzième et dernier chapitre a adressé la question du


développement des compétences émotionnelles. Peut-on vraiment améliorer
ses compétences ? Nous avons vu qu’un tel changement était difficile, mais
loin d’être impossible. Nos structures neuronales nous prédisposent à réagir
de certaines manières plutôt que d’autres en situation émotionnelle, et ce
fonctionnement cérébral ne peut être modifié du jour au lendemain. De
nombreuses études montrent toutefois que le cerveau est doté d’une certaine
plasticité, laquelle rend le changement possible. La question majeure
émergeant à l’issue de ce chapitre est : quelles sont les conditions
nécessaires et suffisantes à l’émergence/au maintien du changement ?
Existe-t-il un seuil de compétence en dessous/au-dessus duquel
l’amélioration n’est plus possible ? Comment rendre le changement durable
?
Bien que les lignes qui précèdent aient soulevé l’existence de nombreuses
interrogations en suspens, il serait incorrect de dire que la recherche dans le
domaine des compétences émotionnelles a généré plus de questions que de
réponses. Des progrès majeurs ont été accomplis au cours de la dernière
décennie. Les chercheurs ont montré l’importance des compétences
émotionnelles en regard de l’adaptation de l’individu à son environnement et
ils ont mis en lumière de très nombreux processus cognitifs, physiologiques
et neuroendocriniens sous-jacents à ces compétences. Il incombe maintenant
à la communauté scientifique et aux praticiens de déterminer la meilleure
manière d’utiliser ces connaissances afin d’améliorer le fonctionnement des
individus, et de la société plus largement. En particulier, il nous semble que
la recherche dans le domaine des compétences émotionnelles gagnerait à
passer progressivement d’une perspective descriptive (ex. quelles sont les
conséquences d’un déficit au niveau des compétences émotionnelles ; quels
sont les substrats biologiques de ces compétences) à une perspective
appliquée. Au vu des conséquences individuelles, interpersonnelles et
sociétales délétères engendrées par un déficit des compétences
émotionnelles, les

LES PERSPECTIVES D’AVENIR DANS LE DOMAINE DES


COMPÉTENCES…

265

recherches devraient déterminer, d’une part, s’il est possible de prévenir


certains déficits (ex. en incluant les compétences émotionnelles dans le
cursus scolaire) et, d’autre part, quelles sont les méthodes les plus efficaces
pour remédier aux déficits existants. La demande en prévention et en remé-

diation est en effet croissante et il appartient aux chercheurs de trouver les


moyens de répondre à cette sollicitation.

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INDEX DES NOTIONS

compétences émotionnelles à trois ni-

acceptation 174

veaux 9

accueil 126

connaissance 8

adaptation 13

conscience émotionnelle 56

cortex préfrontal 26

adéquation personne-activité 256

cortisol 143

affective forecasting 157

créativité 225

alexithymie 40

croyances fondamentales 17

amygdale 26

cultural display rules 74

apprentissage 100

auto-détermination 122
D

autorégulation 119

déclencheur 128

axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien

disposition 8

33

distance 85

distorsion cognitive 171

bénéfices

– cachés 253

écoute des émotions 108

– secondaires 166

effet rebond 168

besoins 117

émotions

biais de congruence avec l’humeur 236

– primaires 44

bien-être 142
– secondaires 45

bonheur 198, 244

évitement 126

buts 119

évolution 195

expérience subjective 15

expression

changement 241

– clarificatrice 179

communication

– des émotions 91

– analogique 63

– des émotions positives 94

– digitale 63

– faciales 67

306

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

patterns de réponses physiologiques 53


flexibilité 99

pensée 14

flow 204

– convergente 225

– divergente 225

perception 224

gestes 81

– du risque 228

gratitude 207

performance 141

priming 203

prospect theory 144

habileté 8

humeur 202

réactivité émotionnelle 117, 149

I–J

réévaluation de la situation 170


imagerie par résonance magnétique

regard 77

fonctionnelle 244

règles d’expression émotionnelle 137

intelligence émotionnelle 4

régulation 135, 140

intuition 235

– a posteriori 162

jugement 102

– a priori 156

relations sociales 141

répression 15

méditation 209, 247

résilience 197

méthode des jumeaux 242

respiration diaphragmatique 181

mindfulness 102

modèle de Scherer 48

S
modification

santé physique 143

– biologique 14

savourer 210

– comportementale 15

sourire de Duchenne 76

– expressive 15

système 253

mood-congruent memory 231

– sympathique 31

mood-dependent memory 231

moyens 122, 130

tendance

– à l’action 14

neuro-plasticité 244

– à l’évaluation 229

non-expression des émotions 92

théorie de l’élargissement et
de la construction 196

théories de l’évaluation 49

objectifs 254

ouverture aux émotions 42

vocabulaire émotionnel 44

paralangage 82

partage social des émotions 96, 176

writing paradigm 94

INDEX DES AUTEURS

Allen L.B. 42

Eich E. 224

Argyle M. 77

Ekman P. 45, 69, 74, 76

Ellis A. 171
B

Ellsworth P. 74

Bagby R. 40

Emmons 207

Bandura A. 147, 162

Barlow D.H. 42, 126

Bastin P. XX

Feldman-Barrett L. 46

Baumann N. 143

Fisch R. 126

Baumeister R.F. 156

Folkman S. 161

Forgas J.P. 224

Ben-Sharar T. 203, 248

Fredrickson B.L. 196

Bonanno G.A. 92

Friesen P. 76

Bower G.H. 230

Friesen W. 74
Bruchon-Schweitzer M. 166

Frijda N.H. 18

Bryant F.B. 213

Furnham A. 7

Carver C.S. 119

Gardner H. 5

Cook M. 77

Gilbert D.T. 158

Cosmides L. 24

Goleman D. 5

Côté S. XX

Gottman J.M. 98

Csikszentmihalyi M. 205

Grégoire J. 141

Gross J.J. 16, 92, 139

Damasio A. 13

H
Darwin C. 68

Hall E. 85

Davidson R.J. 30, 76, 147, 247

Hall J. 66

Deci E.L. 122

Hansenne M. 158, 242

Diener E. 197, 243

Hariri A.R. 146

308

LES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES

Hochschild A. 137

Phelps E.A. XIX

Philippot P. 42, 126, 168

I–J

Plutchik R. 45

Isen A.M. 226

Porcelli P. XX

Jacobson E. 180

Porter E. 109

Janoff-Bulman R. 17
K

Kabat-Zinn J. 102, 209

Rimé B. 96

Kahneman D. 144

Rogers C. 91

Kauhanen J. XX

Russell J.A. 46

Keltner D. XIX, 62, 229

Ryan R.M. 122

Kennedy-Moore E. 98

Knapp M.L. 66

Kotsou I. 125

Saarni C. 6

Kring A.M. XIX, 62

Salovey P. 5, 144

Scheier M.F. 119

Scherer K.R. 14, 48, 49, 83


Lane R.D. 56

Langer E.J. 203, 251

Schutte N.S. 141

Latham G.P. 254

Schwartz G.E. 56

Lazarus R.S. 161

Segal L. 126

LeDoux J.E. 27

Seligman M. 129, 175, 248

Lerner J.S. 229

Suls J. XX

Leroy V. XX

Linehan M.M. 175

Locke E.A. 254

Taylor G. 40

Lopes P.N. 141

Tellegen A. 243

Luminet O. 15, 93, 142

Thorndike E.L. 5
Lykken D. 243

Thurin J.-M. 143

Lyubomirsky S. 197, 243

Tooby J. 24

U–V

Maslow A. 120

Matsumoto D. 137

Urry H.L. 247

Matthews G. 7

Van Rooy D.L. XX

Max-Neef M. 122

Viswesvaran C. XX

Mayer J.D. 5

Mikolajczak M. 142

Murray H. 120

Wallbott H.G. 83

Watson J.C. 98

N
Watzlawick P. 63

Niedenthal P.M. 224

Weakland J.H. 126

Nolen-Hoeksema S. 168

Wilson T.D. 158

Wood A.M. 207

Parker J. 40

Pennebaker J.W. 93

Petrides K.V. 7

Zeidner M. 7
Document Outline
Liste des auteurs
Table des matières
Chapitre 1 - Les compétences émotionnelles : historique et
conceptualisation
1 Historique de la notion de « compétences émotionnelles »
2 Vers une définition des compétences émotionnelles
Chapitre 2 - Les émotions
1 Introduction
2 Qu’est-ce qu’une « émotion » ?
3 Les déclencheurs de l’émotion
4 Les fonctions des émotions
5 Les bases neurobiologiques de l’émotion
6 Conclusion
Chapitre 3 - L’identification des émotions
1 L’importance de l’identification de ses émotions
2 Les processus sous-jacents à l’identification des émotions
3 Différents niveaux de conscience émotionnelle
4 Conclusion
Chapitre 4 - L’identification des émotions d’autrui
1 L’importance de l’identification des émotions d’autrui
2 Identifier les émotions d’autrui au travers de la communication
verbale
3 Identifier les émotions d’autrui au travers de la communication
non verbale
4 Conclusion
Chapitre 5 - L’expression et l’écoute des émotions
1 L’expression des émotions
2 L’écoute des émotions d’autrui
3 Conclusion
Chapitre 6 - La compréhension des émotions
1 La perspective théorique
2 La dimension pratique du travail sur les besoins
3 conclusion
Chapitre 7 - Introduction à la régulation des émotions
1 Émotions fonctionnelles et dysfonctionnelles
2 L’objet de la régulation émotionnelle
3 Les différentes formes de régulation émotionnelle
4 L’importance de la régulation émotionnelle
5 Les sources de différences entre les individus
6 Une configuration et un fonctionnement particuliers du cerveau
7 Réactivité et régulation émotionnelle
8 Conclusion
Chapitre 8 - La régulation des émotions négatives
1 Les stratégies de régulation fonctionnelles
2 Les avatars de la régulation émotionnelle : les stratégies
dysfonctionnelles
3 Conclusion
Chapitre 9 - La régulation des émotions positives
1 L’importance des émotions positives
2 Les stratégies de régulation des émotions positives
3 Conclusion
Chapitre 10 - L’utilisation des émotions
1 L’influence de l’humeur sur les processus cognitifs
2 L’influence de l’humeur sur les comportements
3 De la théorie à la pratique…
4 Conclusion
Chapitre 11 - Vers un développement durable des compétences
émotionnelles
1 La nature du changement
2 Comment changer ?
3 Conclusion
Chapitre 12 - Les perspectives d’avenir dans le domaine des
compétences émotionnelles
Bibliographie
Index des notions
Index des auteurs

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