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#HAPITRE

L’AGILITÉ

 /âDJLOLWÒFRPPHYDOHXUGXPDQDJHPHQWUHVSRQVDEOH  

7.2 Quelques jalons pour un management agile 


7.2.1 L’agilité au quotidien 
7.2.2 La gestion des entreprises agiles et opales  
7.2.3 Gérer le changement dans les entreprises 
7.2.4 Gérer les crises dans les entreprises 
7.2.5 Rendre compte de la complexité et la gérer 

&onFlusion /âagilitÒ Fomme sourFe GâeIðFaFitÒ 


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L’
agilité est une qualité que l’on attribue volontiers aux une compréhension élargie qui s’applique au contexte du mana-
chats, aux singes ou aux artistes de cirque, mais gement responsable. Elle renverra alors à la souplesse et à la
rarement aux comptables, aux commis ou aux conseils flexibilité de l’esprit. Dans cette perspective, elle permet de
d’administration. Pourtant, elle fait partie intégrante du surmonter les obstacles. Devant le changement constant qui
quotidien des personnes, des entreprises et des collectivités. caractérise le monde dans lequel nous vivons, les individus, les
Comme l’illustre l’exemple suivant, elle nécessite de tenir entreprises et les communautés ne peuvent rester accrochés à
compte simultanément de plusieurs forces et variables : des manières de faire et de penser qui les cantonneraient dans le
Rouler en monocycle devient agréable à partir du moment où l’on passé. Il ne s’agit cependant pas seulement d’une capacité à
accepte que l’on soit constamment en train de tomber. La tâche s’adapter aux changements. Même dans sa définition purement
consiste à opposer continuellement une force à une autre, à physiologique, elle demande de savoir analyser les situations
contrer une traction par un mouvement inverse et à adapter la afin de choisir judicieusement les mouvements à effectuer. Elle
roue sous soi afin de rester en mouvement tout en maintenant son
équilibre et en évitant de chuter. Quand cela fonctionne, on est implique également la virtuosité et la vivacité d’esprit qui
porté par une forme de déséquilibre soutenu qui semble parfois permettent d’être en phase avec son environnement pour mieux
maladroit, mais parfois élégant1. y réagir. Enfin, elle favorise la résilience, c’est-à-dire la capacité à
accepter les bouleversements inattendus et à y passer outre afin
L’image du monocycle mène à une conclusion surprenante : de recouvrer un nouvel état d’équilibre.
loin d’être en opposition avec le déséquilibre, la stabilité
s’obtient plutôt en en tirant profit, en l’utilisant d’une manière Sur le plan individuel, l’agilité se manifeste par l’intelligence
mesurée. L’équilibre est donc un usage intelligent du déséqui- émotionnelle, qui renvoie à une intelligence sociale reposant sur
libre, et l’agilité est la disposition de la personne qui maîtrise ce la capacité à gérer ses émotions et celles des autres. Elle se traduit
savoir-faire. ensuite en agilité émotionnelle, c’est-à-dire en capacité à ne pas
se laisser accaparer par ses expériences personnelles intérieures,
L’agilité est une valeur cruciale dans le milieu des affaires en particulier négatives, mais plutôt à les transformer en ressorts
contemporain2. Elle renvoie au premier chef à la capacité de positifs de l’action. Ces notions mettent en évidence que le
s’adapter aux conditions changeantes de son environnement. monde des affaires n’est pas un lieu strictement rationnel : les
Transposée dans le domaine du management responsable, elle émotions y jouent un rôle crucial, comme dans tout environne-
est l’habileté à naviguer entre les obstacles et à éviter les récifs ment humain, et elles doivent donc être prises en compte. Au
afin d’assurer la performance à court terme et la survie à long cœur de l’agilité se trouve aussi une posture fondamentalement
terme des entreprises. Pour les gestionnaires, il s’agit d’une vertu apprenante. L’apprenance est un néologisme qui représente la
qui leur permet de mieux interagir avec leurs collègues, de gérer volonté de rester continuellement en phase avec son environne-
avec efficacité les transformations de l’entreprise et de composer ment, ce qui implique d’apprendre constamment pour évoluer
avec la complexité en général. En cela, l’agilité représente autant de concert avec les changements continuels qui surviennent
une valeur à promouvoir qu’une habileté à développer. autour de soi3. Elle fait référence à l’attitude de la personne
apprenante face aux apprentissages : adopter une posture active,
 3»(.030;i*644,=(3,<9 plutôt que passive, à l’égard des défis4.
+<4(5(.,4,5;9,:765:()3, Sur le plan organisationnel, l’agilité constitue la capacité de l’en-
treprise à s’adapter à son environnement interne et externe. Les
On définit généralement l’agilité comme la légèreté et la
souplesse dont quelqu’un fait preuve dans ses mouvements.
Partant de cette définition physiologique, on peut en proposer 3. Carré (2005, p. 108) définit l’apprenance comme « un ensemble durable de
dispositions [affectives, cognitives et conatives] favorables à l’action d’ap-
prendre dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon
1. Montgomery (1993, p. 221). expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite ».
2. Horney et coll. (2010). 4. Carré (2005).
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concepts d’entreprise agile et de résilience organisationnelle nécessaire de s’adapter continuellement. Dans les prochaines
sont deux manières complémentaires d’aborder le sujet. L’entre- pages, nous présenterons différentes facettes de l’agilité :
prise agile renvoie à un mode d’organisation du travail sous la 1) L’agilité comme habileté à développer : elle est analysée
forme de petites équipes flexibles, autonomes et transversales qui sur le plan individuel sous l’angle des notions d’intelli-
visent à maximiser la valeur créée pour la clientèle. La résilience gence et d’agilité émotionnelles.
organisationnelle, pour sa part, a comme objectif de mettre au
2) L’entreprise agile : d’abord associée au développement de
point des mécanismes d’adaptation aux bouleversements inat-
logiciels, elle s’étend à tout le monde organisationnel.
tendus auxquels une entreprise est susceptible de faire face.
L’agilité organisationnelle s’exprime notamment dans la gestion 3) La gestion du changement dans les entreprises : dans une
du changement et des crises en entreprise. En contexte de chan- perspective située et dynamique, un changement est
gement comme de crise, l’agilité implique de tenir compte de la toujours introduit dans un contexte déjà lui-même en
constante fluidité et du caractère évolutif des entreprises. constante évolution.
4) La gestion des crises en entreprise : elle est utilisée lorsque
Sur le plan sociétal, de plus en plus d’environnements sont
des évènements bouleversent irrémédiablement l’entre-
qualifiés de volatiles, d’incertains, de complexes ou d’ambigus5.
prise au point qu’un retour à l’équilibre antérieur n’est
Dans ces environnements, l’agilité est la capacité d’une commu-
plus possible.
nauté à gérer les paradoxes auxquels elle est confrontée. La
gestion des paradoxes inhérents à la complexité des environne- 5) La gestion des paradoxes inhérents à la complexité du
ments contemporains constitue l’un des principaux déterminants monde : elle est notamment liée à la question du dévelop-
de l’efficacité à court, à moyen et à long termes des personnes, pement durable.
des entreprises et des collectivités. Les enjeux du développement
durable, qui exigent de tenir compte simultanément des consi-  3»HNPSP[tH\X\V[PKPLU
dérations économiques, sociales et environnementales, doivent
être gérés dans une perspective paradoxale. Le développement Pendant longtemps, et encore aujourd’hui, l’intelligence a été
de la pensée paradoxale6, qui consiste en la capacité à appré- circonscrite aux seules capacités cognitives, mesurées à l’aide du
hender les interrelations complexes entre des éléments opposés, fameux test de quotient intellectuel (QI). Dès les années 1980-
notamment en les restituant dans leur contexte plus général 1990, plusieurs théories ont pourtant remis en question cette
(historique, idéologique, politique et social), permet de repérer, insistance sur les capacités cognitives comme unique facteur de
de comprendre et de gérer les paradoxes. l’intelligence et de sa mesure. Howard Gardner, par exemple, a
proposé une théorie des intelligences multiples qui a eu beaucoup
d’échos dans les systèmes éducatifs. Sa théorie, qui compte neuf
 8<,38<,:1(365:76<9<54(5(.,4,5;(.03,
types d’intelligence dans sa version la plus complète, montre que
L’agilité se pose comme une valeur fondamentale du manage- les intelligences corporelle-kinesthésique (impliquant le toucher
ment responsable. Elle n’est pas seulement une habileté à et la maîtrise du corps) et visuelle-spatiale (impliquant la vue et
développer, elle est également une posture, un état d’esprit au l’orientation spatiale) jouent un rôle au moins aussi important
regard d’un environnement mouvant auquel il apparaît que l’intelligence cognitive dans l’acte d’apprendre. C’est pour
prendre en compte ces manières complémentaires d’apprendre
que l’acte d’enseigner s’est depuis diversifié, en systématisant
5. Bennet et Lemoine (2014a, 2014b). entre autres les activités de manipulation à l’école primaire, et les
6. Audebrand et coll. (2017) montrent que l’enseignement des modèles organi-
sationnels alternatifs (p.  ex., coopératives, OBNL) constituent un angle
d’entrée particulièrement approprié pour aborder la pensée paradoxale. Ils
proposent quatre stratégies expérientielles pour ce faire : l’étude de cas, les
jeux sérieux, les simulations et des projets d’intervention dans la commu-
nauté.
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désormais traditionnels supports visuels (p.  ex., PowerPoint, des émotions dans un domaine qui s’est historiquement
Prezi) dans les formations en entreprise7. construit sur une vision de l’acteur rationnel12, met en évidence
que l’intelligence émotionnelle fait partie intégrante des
La théorie des intelligences multiples de Gardner fait également
rapports humains, que les émotions s’expriment chez les diri-
apparaître le rôle des intelligences, intrapersonnelle (compréhen-
geants, les gestionnaires ou les employés. Elles sont donc
sion de soi et contrôle de soi) et interpersonnelle (compréhension
nécessaires et souhaitables selon les circonstances13.
des autres et interactions avec les autres). Ces dernières mettent
en évidence le rapport à soi et aux autres dans l’intelligence
;()3,(<
humaine et font écho à un concept qui continue d’avoir un
#OMPÏTENCESRELATIVESÌLEMPLOYABILITÏ
succès substantiel dans les entreprises : l’intelligence émotion-
nelle (IE). La plupart des entreprises d’aujourd’hui, au-delà des
COMPÉTENCES COMPÉTENCES COMPÉTENCES
savoirs techniques et des capacités cognitives, insistent en effet DE BASE PERSONNELLES POUR LE
sur ce qu’on appelle communément le savoir-être (soft skills), EN GESTION TRAVAIL D’ÉQUIPE
qu’on peut relier à l’intelligence émotionnelle8. Les entreprises Il s’agit des compétences Il s’agit des compétences, Il s’agit des compétences
essentielles à votre attitudes et comporte- et des qualités nécessaires
ne recherchent plus des collaborateurs compétents uniquement développement. ments qui favorisent pour contribuer de façon
sur le plan cognitif, mais également sur le plan affectif. Faire le potentiel de croissance. productive.
Vous êtes davantage en Vous augmentez vos Vous améliorez les résultats
preuve d’écoute, d’empathie, savoir communiquer, gérer des mesure d’évoluer dans ƱǹźȪƱǀɤ͗Ƹǀ͗ɜǂʀɤɤǾɰǀ͗ Ƹ͒ʀȪ͗ɰɜźʗźǾȖ̯͗Ƹ͒ʀȪ͗əɜȵȐǀɰ͗ȵʀ͗
le monde du travail si si vous pouvez : Ƹǀ͗Ȗź͗əǀɜǰȵɜȨźȪƱǀ͗Ƹ͒ʀȪǀ͗
conflits et démontrer du leadership sont autant de qualités vous pouvez : ǂɛʀǾəǀ͗ɤǾ͗ʗȵʀɤ͗əȵʀʗǀʶ̮͗

personnelles très prisées en entreprise. Il suffit d’ailleurs de s’in- ̭͗ƱȵȨȨʀȪǾɛʀǀɜ ̭͗ƸǂȨȵȪɰɜǀɜ͗Ƹǀɤ͗źɰɰǾɰʀƸǀɤ ̭͗ɰɜźʗźǾȖȖǀɜ͗źʗǀƱ͗Ƹ͒źʀɰɜǀɤ
̭͗Dzǂɜǀɜ͗Ȗ͒ǾȪǰȵɜȨźɰǾȵȪ ͗ ǀɰ͗Ƹǀɤ͗ƱȵȨəȵɜɰǀȨǀȪɰɤ ̭͗əźɜɰǾƱǾəǀɜ͗źʀʢ͗əɜȵȐǀɰɤ
téresser un tant soit peu aux compétences utiles à développer ̭͗ʀɰǾȖǾɤǀɜ͗Ȗǀɤ͗ƱǹǾǰǰɜǀɤ ͗ əȵɤǾɰǾǰɤ ͗ ǀɰ͗źʀʢ͗ɰƊƱǹǀɤ
̭͗NJɰɜǀ͗ɜǀɤəȵȪɤźưȖǀ
pour le XXIe  siècle pour prendre conscience qu’on attend ̭͗ɜǂˊǂƱǹǾɜ͗ǀɰ͗ɜǂɤȵʀƸɜǀ
des problèmes ̭͗NJɰɜǀ͗ɤȵʀəȖǀ
désormais des individus bien davantage que la seule maîtrise de ̭͗źəəɜǀȪƸɜǀ͗ƱȵȪɤɰźȨȨǀȪɰ
̭͗ɰɜźʗźǾȖȖǀɜ͗ǀȪ͗ɤǂƱʀɜǾɰǂ
savoirs (Tableau 7.1).
Si elle a surtout été popularisée par les ouvrages de Daniel (Adapté de Le Conference Board du Canada)
Goleman au milieu des années  1990, la notion d’intelligence
émotionnelle a d’abord été proposée par Peter Salovey et John En résonance avec les compétences intrapersonnelles et inter-
Mayer, qui la définissent comme « une forme d’intelligence personnelles mise en avant par Howard Gardner, l’intelligence
sociale qui implique l’aptitude à contrôler ses propres émotions émotionnelle renvoie, d’une part, à la conscience de soi et,
et celles des autres, à discriminer entre elles et à utiliser ces infor- d’autre part, à la conscience des autres14. L’évolution de cette
mations pour guider à la fois sa pensée et son action9 ». Associée théorie a donné naissance à la notion parente des compétences
au leadership10, à la prise de décision11 et aux rapports humains émotionnelles, c’est-à-dire des aptitudes personnelles et sociales
en général, on comprend pourquoi l’intelligence émotionnelle a qui contribuent à la formation de l’intelligence émotionnelle.
eu de grands retentissements en management. L’introduction Ces aptitudes se manifestent selon deux mécanismes particu-
liers, la reconnaissance et la régulation, qui donnent naissance à

7. On ne saurait attribuer ces changements à Gardner seul. Le psychologue


suisse Jean Piaget, notamment, a joué un rôle fondamental dans la compré- 12. En effet, la conception dominante dans les entreprises fut longtemps que les
hension de l’apprentissage et a largement contribué à l’émergence des théories émotions n’avaient pas leur place sur les lieux de travail, particulièrement
constructivistes selon lesquelles l’apprenant est actif, construit ses apprentis- dans les plus hauts échelons hiérarchiques (David et Congleton, 2013).
sages et ne se borne pas à être passif selon l’image classique d’un récipient vide 13. Dejoux et coll. (2011).
qu’il conviendrait de remplir (Legendre, 2005). 14. Nuançons tout de même en précisant, comme le font justement remarquer
8. Dejoux et coll. (2011). Mignonac et coll. (2003), que ce que recouvrent les compétences intraper-
9. Salovey et Mayer (1990) dans Chanlat (2003, p. 117). sonnelles et interpersonnelles ne concernent pas uniquement les émotions.
10. Walter et coll. (2011). Autrement dit, ces compétences et l’intelligence émotionnelle se recoupent,
11. Dejoux et coll. (2011) ; Magne et coll. (2017). mais ne se confondent pas.
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un ensemble de compétences émotionnelles identifiables sous la 1) L’intelligence émotionnelle est un meilleur indicateur de
forme d’un diagramme à quatre quadrants (Tableau 7.2). la performance au travail que le quotient intellectuel.
2) Les qualités sociales et émotionnelles sont associées au
;()3,(< succès personnel, car ceux qui savent mieux gérer leurs
Les compétences liées à l’intelligence émotionnelle émotions et interpréter celles des autres sont plus suscep-
tibles de connaître des réussites professionnelles.
SOI AUTRUI
Compétences personnelles Compétences sociales 3) Les compétences émotionnelles sont liées à l’efficacité
CONSCIENCE DE SOI CONSCIENCE SOCIALE
organisationnelle par l’entremise de la satisfaction au
RECONNAISSANCE ̭͗úɜǾɤǀ͗Ƹǀ͗ƱȵȪɤƱǾǀȪƱǀ͗Ƹǀ
͗ ɤǀɤ͗ǂȨȵɰǾȵȪɤ
̭͗GȨəźɰǹǾǀ travail et parce qu’elles peuvent être acquises.
̭͗×ɜǾǀȪɰźɰǾȵȪ͗ɤǀɜʗǾƱǀ
̭͗ʀɰȵ͇ǂʗźȖʀźɰǾȵȪ͗əǀɜɰǾȪǀȪɰǀ ̭͗6ȵȪɤƱǾǀȪƱǀ
̭͗6ȵȪˈźȪƱǀ͗ǀȪ͗ɤȵǾ ̭͗×ɜDzźȪǾɤźɰǾȵȪȪǀȖȖǀ 4) Dans la mesure où les individus influencent la dynamique
̭͗úɜǾɤǀ͗Ƹǀ͗ƱȵȪɤƱǾǀȪƱǀ͗Ƹǀ͗Ȗ͒ǾȪˊʀǀȪƱǀ ̭͗=ǂʗǀȖȵəəǀȨǀȪɰ͗Ƹ͒źʀɰɜʀǾ
͗ Ƹǀɤ͗źʀɰɜǀɤ͗ɤʀɜ͗ɤǀɤ͗ǂȨȵɰǾȵȪɤ ̭͗ŠȪˊʀǀȪƱǀ et les résultats des entreprises dans lesquelles ils évoluent,
̭͗6ȵȨȨʀȪǾƱźɰǾȵȪ
ces dernières devraient prendre davantage conscience de
RÉGULATION ̭͗ƸźəɰǾưǾȖǾɰǂ ̭͗wǀɤɰǾȵȪ͗Ƹǀɤ͗ƱȵȪˊǾɰɤ l’existence et des bienfaits de l’intelligence émotionnelle,
̭͗ŠȪǾɰǾźɰǾʗǀ ̭͗²ǀźƸǀɜɤǹǾə
̭͗þǂźȖǾɤźɰǾȵȪ ̭͗6źɰźȖʣɤǀʀɜ la rechercher et la développer chez tous leurs collabora-
̭͗ʀɰȵƱȵȪɰɜȸȖǀ ̭͗6ɜǂźɰǾȵȪ͗Ƹǀ͗ȖǾǀȪɤ
̭͗6ȵȪɤƱǾǀȪƱǾǀʀʢ ̭͗ĔɜźʗźǾȖ͗Ƹ͒ǂɛʀǾəǀ͗ǀɰ͗ƱȵȖȖźưȵɜźɰǾȵȪ teurs21.

(Adapté de Chanlat, 2003, p. 119)


L’intelligence émotionnelle présente un réel intérêt pour les
entreprises parce qu’elle peut être développée. À ce sujet, le
consensus scientifique est beaucoup moins bien établi. Évidem-
Une série de méta-analyses récentes ont confirmé les liens ment, les cabinets de consultants et autres institutions de
jusque-là supposés entre l’intelligence émotionnelle, la perfor- formation se sont rapidement emparés du sujet et ont élaboré
mance au travail et la satisfaction au travail15. Les impacts des programmes destinés au développement de l’intelligence
positifs de l’intelligence émotionnelle sur le leadership16 et la émotionnelle22. Néanmoins, ces formations renvoient surtout
prise de décision17 ont été attestés récemment. À titre d’exemple, au développement personnel au sens large et travaillent des
Chao Miao et ses collaborateurs montrent que les employés compétences parfois peu liées aux émotions. L’intelligence
dont le niveau d’intelligence émotionnelle est élevé18 présentent émotionnelle relève probablement d’un mélange d’aptitudes
également un niveau plus élevé de satisfaction au travail, ce qui innées et de dispositions construites par l’histoire de la personne.
entraîne un engagement plus grand et un taux d’intention de Ainsi, il est difficile de développer l’intelligence émotionnelle en
quitter leur emploi plus bas19. Leur analyse met également en tant que telle. On peut plutôt l’améliorer grâce à des compé-
évidence que l’intelligence émotionnelle agit sur le taux de satis- tences émotionnelles.
faction au travail selon trois mécanismes parallèles : diminuer les
sentiments négatifs, augmenter les sentiments positifs et Cela étant dit, le concept d’intelligence émotionnelle est encore
améliorer la performance de travail. débattu23. Jean-François Chanlat résume à son endroit cinq
critiques qu’il est utile de considérer :
Jean-François Chanlat avance quatre liens entre l’intelligence 1) Le contexte social dans lequel se déroule la relation n’est
émotionnelle et la performance des entreprises20 : pas pris en considération. Ainsi, en considérant la relation
affective sous l’angle des seules qualités individuelles, elle
15. Miao et coll. (2017) ; O’Boyle et coll. (2011) ; Joseph et Newman (2010).
16. Walter et coll. (2011).
17. Dejoux et coll. (2011). 21. Miao et coll. (2017) proposent d’ailleurs que l’intelligence émotionnelle fasse
18. Pour une mesure de l’intelligence en langue française, voir Kempenaers et partie intégrante du processus de recrutement, de la mise à niveau et du déve-
coll. (2008). loppement professionnel de tous les membres de l’entreprise.
19. Miao et coll. (2017). 22. Mignonac et coll. (2003).
20. Chanlat (2003). 23. Mignonac et coll. (2003) ; Walter et coll. (2011).
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ne rend pas entièrement compte de ce qui se joue dans les 2) Nommer nos pensées et nos émotions, de manière à
relations humaines, dont les rapports hiérarchiques, les avoir un regard plus objectif sur la situation. L’important
rapports sociaux de sexe ou encore toute la question des n’est pas de chercher à être purement rationnel, mais bien
réseaux. de nous détacher émotionnellement pour pouvoir passer
2) Elle apparaît comme un concept dépolitisé dans la mesure à la prochaine étape.
où elle ne rend pas compte des relations et des enjeux de 3) Accepter nos pensées et nos émotions, c’est-à-dire faire
pouvoir qui animent les relations humaines. preuve de compassion envers nous-mêmes et accepter
3) Elle ne prend pas en considération les ressorts inconscients avec ouverture nos propres vécus intérieurs.
de la conduite humaine. 4) Agir selon nos valeurs, en choisissant un cours d’action
4) Elle se présente comme un concept universel, sans prendre qui redirige les pensées et émotions négatives vers un
en compte l’aspect culturel selon lequel les émotions ne usage plus en phase avec et plus approprié professionnel-
s’expriment pas de la même façon partout dans le monde. lement.
5) Elle manque d’un horizon éthique pour penser les relations En définitive, qu’il s’agisse d’intelligence émotionnelle, de
humaines, dans la mesure où les valeurs morales qui compétences émotionnelles ou d’agilité émotionnelle, on
guident l’action ne sont pas explicitées ni considérées24. comprend que les émotions – les nôtres et celles des autres –
jouent un rôle important dans les relations humaines. Par
En dépit de ces critiques, on comprend que l’intelligence
conséquent, la gestion des émotions améliore la gestion des
émotionnelle demeure un outil intéressant pour penser la place
situations difficiles avec lesquelles chacun doit composer au
des émotions dans un contexte organisationnel qui les a
travail. En ce sens, accepter la part émotive de l’intelligence
longtemps négligées. Il est important d’apprendre à gérer ses
humaine, chercher à améliorer sa capacité à reconnaître les
émotions en contexte professionnel, en particulier les émotions
émotions et à les utiliser à bon escient, et viser la transformation
négatives, qui peuvent avoir des conséquences néfastes pour
de ses expériences intérieures négatives en ressorts positifs pour
soi-même et les autres. En entreprise, les individus vivent effec-
l’action représentent autant de leviers de développement
tivement des émotions négatives, mais trop souvent de manière
personnel et professionnel. Les émotions positives augmentent
intériorisée, ce qui a pour effet de monopoliser une part impor-
les ressources physiques (p. ex., développement de la coordina-
tante de ressources cognitives qui pourraient être utilisées à
tion, renforcement de la santé, accroissement de l’énergie),
meilleur escient. Il faut développer son agilité émotionnelle, soit
psychologiques (p.  ex., développement de la résilience, de
la capacité à gérer ses propres pensées et émotions, au lieu de se
l’optimisme, d’une identité positive, d’un sens des priorités) et
laisser accaparer par ses expériences intérieures25.
intellectuelles (p. ex., développement des compétences de réso-
Susan David et Christina Congleton proposent ainsi un lution de problèmes et de la créativité)26.
processus en quatre étapes simples pour prendre le contrôle de
ses émotions et les utiliser de manière positive :  3HNLZ[PVUKLZLU[YLWYPZLZHNPSLZL[VWHSLZ
1) Reconnaître nos propres schémas émotifs en prenant
conscience des situations et des moments où les pensées Les entreprises du XXe siècle, héritées de l’ère industrielle, sont
et les émotions négatives nous empêchent de bien fonc- basées sur un fonctionnement hiérarchisé et relativement auto-
tionner. Avant d’agir sur un phénomène, il est essentiel de ritaire. Ce fonctionnement n’est plus le moyen le plus approprié
bien l’observer. pour mettre constamment en place l’innovation nécessaire à
leur survie dans des contextes en perpétuelle mutation27. Pour

24. Chanlat (2003). 26. Kotsou (2016, p. 121).


25. David et Congleton (2013) ; David (2017). 27. Denning (2016a).
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reprendre l’image de Stephen Denning28, les entreprises indus- 1) Les projets logiciels devraient être construits autour d’in-
trielles sont comme des bateaux de guerre géants, puissants mais dividus motivés à qui l’on accorde les ressources et la
difficiles et lents à manœuvrer. Les changements auxquels les confiance nécessaires pour les mener à terme.
entreprises doivent aujourd’hui faire face sont mieux pris en 2) Les équipes de projet devraient avoir une vision d’en-
charge par une flottille de hors-bord autonomes, rapides et semble et planifier seulement les tâches qui ne sont pas
capables d’explorer simultanément plusieurs routes. L’économie susceptibles de changer avec le temps afin de rester
du XXIe siècle est caractérisée par des changements constants, ouvertes aux changements en cours de route.
des environnements imprévisibles, mouvants et complexes.
3) Les équipes devraient tester régulièrement des proto-
S’ensuit le besoin, pour les entreprises, d’innover constamment
types de leur travail auprès de quelques utilisateurs et
afin de rester en phase avec les besoins et les attentes de leurs
utilisatrices afin de valider les développements en cours.
clientèles actuelles et potentielles. Les entreprises qui parviennent
à relever le défi de l’innovation continue prennent dès 4) Les équipes devraient collaborer de façon constante
aujourd’hui la forme de réseaux organiques composés de avec le client pour comprendre l’évolution de ses besoins
multiples équipes plus performantes. C’est ce qu’on appelle les afin de rester concentrées sur ce à quoi il accorde vraiment
entreprises agiles, appuyées par leur pendant managérial : le de la valeur30.
management agile. Après avoir conquis les départements d’informatique, ces
L’idée d’agilité dans les entreprises émane du monde de la principes ont petit à petit percolé dans le monde organisationnel
programmation et plus particulièrement du secteur de la mise au en général, conduisant à la création d’un ensemble de pratiques
point de logiciels. Elle tire en effet son origine de la critique du managériales dites « agiles », dont la plus connue est probable-
modèle communément accepté en matière de développement ment le Scrum.
logiciel, dit en cascade (waterfall model), qui consiste en une suite Stephen Denning propose donc trois lois inhérentes à une pers-
logique et séquentielle d’étapes prédéterminées à la suite de pective agile :
l’analyse initiale des besoins d’un client. La méthode a fait ses
1) La loi des petites équipes se fonde sur la conviction que
preuves, mais présente aussi plusieurs lacunes29. Elle ne prend
le travail doit être réalisé par de petites équipes autonomes
notamment pas en compte le fait que les besoins de la clientèle
et transversales, aux compétences variées, travaillant selon
puissent évoluer entre le moment de l’analyse initiale et la
des cycles courts sur des tâches relativement simples dans
livraison du logiciel, souvent plusieurs mois plus tard. La méthode
le but de créer de la valeur pour la clientèle tout en
manque également de flexibilité dans la mesure où chaque
obtenant des rétroactions continues sur le travail accompli
nouvelle fonctionnalité dépend des précédentes et ne peut donc
de la part de l’utilisateur ou du client final (Tableau 7.3).
être ajoutée n’importe quand ni sans conséquence sur l’ensemble
du code informatique qui sous-tend un logiciel donné. 2) La loi du client est au cœur même des entreprises agiles,
dont l’objectif est de créer de la valeur pour la clientèle31.
Devant ces limitations, un regroupement de développeurs dissi- Dans les entreprises agiles, chaque membre doit chercher
dents a conduit à la rédaction, en 2001, du manifeste Agile (The à contribuer à cette valeur, au lieu de chercher à satisfaire
Agile Manifesto), qui propose quatre nouveaux principes au des actionnaires ou encore à respecter pour elles-mêmes
cœur du développement – agile plutôt que séquentiel – de des attentes ou des procédures internes à l’entreprise.
logiciels :

30. Rigby et coll. (2016).


31. Cette loi est la plus centrale, mais aussi la plus difficile à saisir, car le manage-
ment du siècle dernier nous avait déjà habitués à la maxime selon laquelle « le
client est roi ». Or, selon Stephen Denning (2016c, p. 5), cette maxime n’est
28. Denning (2016c). qu’une façade qu’utilisent les entreprises pour parer aux éventuelles protesta-
29. Rigby et coll. (2016). tions de la clientèle.
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3) La loi du réseau consiste, quant à elle, à envisager l’entre- fois efficace pour la clientèle et rentable pour l’entreprise.
prise comme un réseau fluide, interactif et transparent de Dans les entreprises agiles, les profits sont considérés
personnes et d’équipes qui collaborent dans l’optique de comme un résultat et non une fin en soi : la fin, l’objectif
satisfaire la clientèle32. que chacun garde en tête, c’est la création de valeur pour
le client35.
Pour Denning, la première loi est la plus connue, la deuxième
est celle qui donne leur sens aux deux autres, et la troisième 2) L’état d’esprit agile implique un leadership fort de la part
représente le défi auquel doit faire face toute entreprise qui des gestionnaires. En effet, harmoniser le travail d’une
souhaite devenir agile. En effet, pour être véritablement agile, myriade de petites équipes relativement autonomes qui
une entreprise ne peut pas se contenter de structurer seulement travaillent à des projets tantôt complémentaires, tantôt
une partie de son fonctionnement selon des principes agiles33. divergents, est nettement plus complexe que la gestion
d’une entreprise hiérarchisée. En cela, le management
;()3,(< agile requiert un leadership de haut niveau.
Le travail d’équipe agile 3) Alors que certaines entreprises ont été créées sur la base
même des principes de l’agilité (p.  ex., Spotify, Netflix),
1. Le travail est divisé en cycles courts.
des entreprises préexistantes ont démontré la possibilité
2. La direction n’interrompt pas l’équipe pendant un cycle de travail.
de se transformer progressivement pour devenir agiles
3. L’équipe a des comptes à rendre au client, pas au gestionnaire.

4. L’équipe estime elle-même combien de temps une tâche va prendre.


(p. ex., Microsoft, Ericsson).
5. L’équipe décide elle-même de la somme de travail qu’elle peut accomplir durant une itération.

6. L’équipe décide elle-même de la méthode de travail durant l’itération.


;()3,(<
7. L’équipe mesure elle-même sa performance et livre une version finale à la fin de chaque itération. L’état d’esprit agile
8. Les objectifs de travail sont définis avant chaque cycle sous la forme de résultats grâce aux témoignages des utilisateurs.
1. Objectifs, attitudes et valeurs axés sur la valeur ajoutée et l’innovation pour les clients
9. Les gestionnaires lèvent systématiquement les obstacles. et les utilisateurs plutôt que sur les bénéfices à court terme.

10. L’équipe évalue et adapte sans cesse sa performance pour s’améliorer en continu. 2. Gestionnaires qui se considèrent et agissent comme des facilitateurs plutôt que des contrôleurs,
afin de tirer pleinement parti du talent et des aptitudes de travailleurs intellectuels.

3. Recours à des équipes autonomes et à des réseaux d’équipes, intervenant parfois à grande échelle
(Adapté de Denning, 2016c, p. 4) pour effectuer des tâches complexes et hautement stratégiques.

4. Organisation du travail au moyen de pratiques structurées, itératives et centrées sur le client,


plutôt que de la bureaucratie.
Dans un article récent, Denning met en évidence les principales
5. Incarnation quotidienne des valeurs de transparence et d’amélioration continue des produits,
découvertes d’un consortium (The Learning Consortium) réservé des services et des méthodes de travail.

au partage d’expériences managériales agiles34. Trois d’entre elles 6. Communications ouvertes et décontractées plutôt que hiérarchisées (verticales).

méritent particulièrement notre attention : 7. Promotion d'espaces de travail réellement ouverts, égalitaires et propices à la collaboration.

1) L’agilité est avant tout un état d’esprit (Tableau 7.4). On


l’a dit, un objectif central des entreprises agiles consiste à (Adapté de Denning, 2016a, p. 13)
créer continuellement de la valeur pour leurs clients.
Cette préoccupation constante implique à son tour une L’intérêt des entreprises agiles ne se borne pas à la création de
approche qui vise l’habilitation des membres de l’entre- valeur accrue pour la clientèle ni à leur capacité à survivre en
prise, une confiance accordée à leurs talents et à leurs
capacités, et la conviction que ce fonctionnement sera à la
35. Si le fondement de l’agilité, qui consiste à maximiser la valeur créée pour la
clientèle plutôt que pour les actionnaires, est évidemment intéressant, il n’en
présente pas moins certaines dérives possibles. En effet, les attentes ou les
32. Denning (2016c). besoins de la clientèle peuvent être diamétralement opposés aux orientations
33. Charbonnier-Voirin (2011) propose une échelle de mesure de l’agilité organi- d’un développement durable, sur les plans social et environnemental,
sationnelle. notamment. En ce sens, chercher à satisfaire la clientèle ne peut se passer
34. Denning (2016a). d’une réflexion éthique sur les tenants et aboutissants de ses désidérata.
# ( ! 0 ) 4 2 %  s , ! ' ) , ) 4 ³  

innovant constamment dans des environnements instables. constamment reclassées en fonction de leur potentiel de
L’agilité organisationnelle est une source d’efficacité. Comme le création de valeur. Il est ultimement responsable de livrer
relèvent Darrell Rigby et ses collaborateurs, le management la valeur aux clients, même s’il ne s’occupe pas de la
agile augmente la productivité des équipes de travail de même gestion des équipes agiles proprement dites.
que la satisfaction des employés36. Il minimise les pertes de 2) Le maître de mêlée (Scrum Master) agit comme facilita-
temps inhérentes aux réunions redondantes, à la planification teur entre le responsable de produit et une équipe. Il ne
excessive, aux recherches chronophages préalables à l’action ou gère pas l’équipe, mais lisse plutôt les obstacles suscep-
encore aux projets qui présentent peu de valeur ajoutée. En tibles de la freiner lors des sprints, facilite l’expression de
intégrant la clientèle et ses besoins changeants tout au long du l’intelligence collective et participe aux mêlées quoti-
processus de création, les entreprises agiles améliorent leur enga- diennes au cours desquelles l’équipe se rencontre
gement et leur satisfaction, commercialisent plus rapidement les brièvement pour faire état des avancées et des obstacles.
produits ou fonctionnalités ayant une forte valeur ajoutée et, ce Son leadership s’exerce sur le processus, mais il ne dispose
faisant, réduisent les risques relatifs à l’innovation. En favorisant pas d’autorité sur les membres de l’équipe.
la collaboration au sein d’équipes multidisciplinaires, le mana-
3) L’équipe porte la responsabilité d’atteindre les objectifs
gement agile élargit et renforce l’expérience organisationnelle,
de chaque sprint. Elle se gère elle-même de manière
en plus de contribuer à créer et à maintenir un climat de
autonome, et son travail se concentre normalement sur
confiance et de respect généralisé37. Enfin, en déchargeant les
un seul produit ou une seule fonctionnalité (Figure 7.1).
gestionnaires des tâches de micromanagement de projets, il leur
fournit davantage de temps pour la réflexion stratégique. Implanter un état d’esprit et des pratiques managériales agiles
38 ne va cependant pas de soi : cela présente son lot de défis.
L’approche Scrum illustre ces réflexions . Au moment de saisir
Stephen Denning en identifie plusieurs, dont trois apparaissent
une occasion d’affaires favorable, une entreprise forme une
particulièrement significatifs39. D’abord, adopter des pratiques
équipe multidisciplinaire de trois à neuf membres, généralement
agiles ne suffit pas pour insuffler un état d’esprit agile à l’en-
assignés à temps plein. On peut se représenter l’approche comme
semble d’une entreprise. Selon Denning, « doing agile is not the
une suite de boucles itératives qui découpent un projet en courtes
same as being agile40 ». Ensuite, bien que la technologie soit un
étapes, généralement de deux semaines, appelées « sprints ».
moyen privilégié par les entreprises agiles pour créer de la valeur
Chaque sprint se compose, au début, d’une planification opéra-
instantanée, personnalisée, souple et à grande échelle, elle ne
tionnelle et, à la fin, d’une démonstration de ce qui a été produit
présente un avantage compétitif que si les valeurs et les principes
(une « revue de sprint »), de même que d’une rétrospective (encore
inhérents à l’état d’esprit agile la sous-tendent. Finalement, les
une fois, de « sprint ») visant à améliorer les pratiques.
entreprises agiles présentent des structures en réseaux fonda-
La méthode Scrum exige d’assigner trois rôles centraux : mentalement différentes de celles des entreprises traditionnelles.
1) Le responsable de produit (Product Owner) est la Elles sont conçues pour s’adapter à un flux constant d’opportu-
personne qui porte la vision et les priorités du client, qu’il nités afin de créer de la valeur, nouvelle ou ajoutée41, pour la
communique à l’équipe. Cette personne agit comme pivot
entre les différentes parties prenantes internes (p.  ex., 39. Denning (2016b).
cadres supérieurs, directeurs commerciaux) et externes 40. Denning (2016b, p. 18).
(p.  ex., clients, fournisseurs). Le responsable de produit 41. Baškarada et coll. (2016) montrent que développer l’ambidextrie des entre-
prises, c’est-à-dire leur capacité à la fois à exploiter des opportunités
tient également à jour un portfolio d’occasions favorables (conduisant à des innovations incrémentales) et à en explorer de nouvelles
(pouvant conduire à des innovations de rupture), est fondamental pour
assurer leur compétitivité à long terme. Ainsi, les entreprises agiles, si elles
travaillent certes à la création de valeur immédiate pour la clientèle, doivent
36. Rigby et coll. (2016). également allouer des ressources à l’exploration d’opportunités susceptibles
37. Voir le chapitre 5 pour une discussion sur le climat de respect généralisé. de créer de la valeur à plus long terme. Voir aussi Havermans et coll. (2015) ;
38. Rigby et coll. (2016). O’Reilly et Tushman (2013).
  ,%- ! .! ' %- %.42 % 3 0/.3 ! " ,% s 5 .%! 002 /# ( %! 8)/,/ ')1 5%

FIGURE 7.1
#ADREDETRAVAILPROPOSÏPARScrum.org

PROCESSUS D’UNE MÊLÉE

Rétrospective
du sprint

Mêlée
quoti-
dienne

Planification Révision
d’un sprint du sprint

Backlog Backlog Équipe Implantation


de produit d’un sprint de mêlée

clientèle. Leur état d’esprit n’est pas dirigé vers la préservation d’aspects d’une entreprise, par exemple dans les projets
d’un avantage compétitif acquis, mais plutôt vers le changement marketing, les activités stratégiques, les défis inhérents à la
continu et la capacité à inspirer chez tous leurs employés une chaîne d’approvisionnement ou encore les décisions relatives à
culture d’innovation à valeur ajoutée pour la clientèle. l’allocation des ressources.
Malgré tout, Darrell Rigby et ses collaborateurs mettent en Néanmoins, des activités plus routinières comme la mainte-
évidence que l’agilité n’est pas la panacée. L’agilité requiert nance de l’équipement, les achats ou la comptabilité
certaines conditions pour être véritablement efficace. Selon ces correspondent moins aux conditions idéales pour l’implanta-
auteurs, les conditions requises sont normalement présentes tion de pratiques managériales agiles. En outre, certaines
dans le cadre des innovations logicielles : pratiques sont par elles-mêmes susceptibles de nuire à l’agilité,
1) le problème à résoudre est complexe ; parmi lesquelles :
2) les solutions sont initialement inconnues ; 1) lancer de multiples initiatives avec des échéances serrées
plutôt que d’assigner deux ou trois priorités sur lesquelles
3) les livrables sont susceptibles d’évoluer en cours de route ;
concentrer les efforts ;
4) le travail peut être modulé.
2) organiser de trop nombreuses rencontres qui perturbent
Dans ce contexte, une collaboration rapprochée avec les utilisa- le travail des équipes ;
teurs finaux ainsi que leurs rétroactions rapides et fréquentes 3) être trop impliqué dans le travail quotidien des équipes ;
sont nécessaires. Des équipes flexibles et créatives sont plus
4) s’immiscer dans leurs décisions ou leurs procédures de
performantes pour mener ce genre de projet que des équipes
travail.
classiques42. De telles conditions se retrouvent dans beaucoup

42. Rigby et coll. (2016).


# ( ! 0 ) 4 2 %  s , ! ' ) , ) 4 ³  

Darrell Rigby et ses collaborateurs affirment qu’en définitive le 2) Le paradigme conformisme/ambre fonctionne par la
succès de l’entreprise agile repose en grande partie sur la partici- recherche de stabilité et de rigidité que l’on trouve dans
pation de personnes motivées43 disposant d’un environnement les institutions religieuses, gouvernementales, militaires et
approprié et de la confiance nécessaire pour relever les défis qui éducatives. Son symbole est l’armée et son moteur est la
se présentent à elles. soumission.
Dans l’ouvrage Reinventing Organization, Frédéric Laloux 3) Le paradigme réussite/orange se concentre sur les aspects
appréhende aussi le concept d’agilité, mais en revoyant de fonds objectifs et tangibles de l’organisation, à savoir sa
en comble la manière d’organiser et de gérer les entreprises et structure, ses procédures, ses pratiques et le comporte-
d’y travailler. En s’inspirant de la théorie intégrale du philo- ment de ses employés. Son symbole est la machine et son
sophe américain Ken Wilber44, il propose de développer moteur est la règle.
l’entreprise opale. Celle-ci se situe dans la lignée des entreprises 4) Le paradigme pluralisme/vert se focalise sur les aspects
libérées45 et s’appuie sur les principes de l’holacratie46. L’entre- subjectifs et intangibles de l’organisation comme la
prise opale fait face à la complexité du monde moderne en étant culture d’entreprise, les motivations et les croyances des
consciente de sa connectivité à son milieu, de sa dynamique et individus. Son symbole est la famille et son moteur est
de son imprévisibilité, c’est-à-dire et du fait qu’elle est un l’espoir.
organisme vivant ayant la capacité de s’adapter et d’évoluer. 5) Les contours du paradigme le plus récent, évolution/
En adoptant une perspective historique, Laloux suggère que opale, sont encore en construction, et quelques entre-
cinq grands paradigmes ont successivement rythmé l’organisa- prises tentent de l’appliquer. Son symbole est l’organisme
tion des entreprises. À chacun des paradigmes sont associées sa vivant et son moteur est la confiance.
caractéristique principale et une couleur : Laloux s’est inspiré de plusieurs cas d’entreprises pionnières
1) Le plus ancien, le paradigme impulsivité/rouge est régi dans divers pays, incluant des hôpitaux, des écoles, des
par le pouvoir, par la force et la domination, par la cruauté entreprises privées et des OBNL, pour décrire les structures,
et par l’arbitraire d’un chef sur un groupe. Son symbole systèmes, processus, pratiques et la culture de l’entreprise opale
est la meute de loup et son moteur est la peur. (Figure 7.2). Selon lui, les entreprises opales revendiquent trois
avancées qui remettent en cause le management actuel leur
permettant d’être plus agiles :
1) L’autogouvernance invite à transformer les hiérarchies
43. Crocitto et Youssef (2003). pyramidales et bureaucratiques en systèmes fluides et
44. La théorie intégrale est la tentative du philosophe Ken Wilber d’insérer une
grande diversité de théories dans un cadre intégratif afin de montrer qu’elles
efficaces d’autorité distribuée et d’intelligence collective.
forment un réseau interdépendant de perspectives qui s’enrichissent mutuelle- 2) La plénitude consiste à inviter les membres de l’entre-
ment. Il suggère que les connaissances en sciences humaines et sociales peuvent
être placées dans une grille à quatre quadrants, selon les axes « intérieur-exté-
prise à ne pas montrer seulement un moi « professionnel »
rieur » et « individuel-collectif ». La perspective individuelle intérieure tronqué, à laisser tomber leur masque, à revendiquer leur
(quadrant supérieur gauche) se concentre sur les expériences intérieures des intégrité et à venir au travail tels qu’ils sont.
personnes, le « je ». La perspective collective intérieure (quadrant inférieur
gauche) se concentre sur la conscience collective d’une société, sur le « nous ». 3) La raison d’être évolutive invite les membres de l’entre-
La perspective individuelle extérieure (quadrant supérieur droit) se concentre prise à écouter et à comprendre ce qu’elles sont appelées à
sur les comportements observables et envisage l’être humain comme un devenir et implique qu’ils arrêtent d’essayer de prévoir et
spécimen à examiner, ou « il ». La perspective collective extérieure (quadrant
inférieur droit) se concentre sur les comportements des collectifs en tant de maîtriser l’avenir.
qu’entités fonctionnelles vues de l’extérieur, donc « eux » (Paulson, 2008).
45. Getz (2009). Voir le chapitre 5.
46. L’holacratie est une vision de la gouvernance de l’entreprise inspirée de la
notion d’intelligence collective et qui consiste à disséminer les mécanismes de
prise de décision au sein d’équipes auto-organisées (Robertson, 2015).
  ,%- ! .! ' %- %.42 % 3 0/.3 ! " ,% s 5 .%! 002 /# ( %! 8)/,/ ')1 5%

FIGURE 7.2
Reinventing Organization Map

INTÉRIEUR – Ce que je ressens Ce que je fais – EXTÉRIEUR


INDIVIDUEL

INDIVIDUEL
PENSÉES CONSCIENCE STYLE DE CONNAISSANCES
DE SOI LEADERSHIP
SENTIMENTS PRISE DE COMPÉTENCES
ATTITUDES DÉCISION COMPORTEMENTS
MOTIVATION
PROFONDE

pleine favorise DÉVELOP-


conscience l'autogouvernance
PEMENT DU
but évolutif PERSONNEL
authenticité pensées et favorise
émotions l'autonomisation
ATTITUDE conscientes
RELATION- valeurs espace ouvert
au-delà
NELLE harmonie pensées de l'entreprise
conscientes, favorise
émotions l'imputabilité RÉSOLUTION
inconscientes objectifs mentorat,
regard réseautage DES CONFLITS
positif stratégiques
inconditionnel performance donne des
pensées et
émotions instructions formation occasions de
empathique refoulées adaptées non- développement
sécurité transparente
É tient compte
stratégique pensées et manuel des besoins
émotions le chef d'instructions de chacun
P inconscientes décide solution la
prudente commande plus efficace
PEUR R survie loi du
…est plus fort se conforme
porteuse C égocentrique aux règles RÉUNIONS
de sens …du rejet exercice de est ouvert deaccorde
…de …de la I l'autorité l’espace
l’échec perte de est orienté à la
maintient sur diversité
pouvoir …de agit avec l’ordre l'efficience
l'arbitraire autorité

…au chef autocra- divisions


…au tique des
…aux
…à départe- rôles matricielle en
…aux l’organi- ment provisoires réseaux fractale,
valeurs sation
valeurs communes combatif holacratie
écocen- improvisée STRUCTURE
LOYAUTÉ triques coexistence
indéter- à n’importe standardisés
minées quel prix centrés
STADES DE pragmatique manipu- à n’importe réunions
sur les centrés sur
objectifs la culture
lation quel prix
DÉVELOPPEMENT accueillant imposées
polarisantes
informel
respect
organisation-
nelle
et d'en haut fluides
communautaire des lois stratégique
ouvert …permettent obéissante copiés ou
et créatif l'atteinte des établis selon
le tarif transparente
É ÉVOLUTION - OPALE objectifs
hiérarchiques rentabilité PROCESSUS
instruments centrée sur
CLIMAT de prise de les résultats axé sur les
consultation
DE TRAVAIL décision réalisations chaîne des pairs
raisonnées d’approvisionnement
P PLURALISME - VERT raison
d'être
tendances durable
idéaliste axé sur la
évolutive
participation systèmes COMMUNI-
partenariales significatifs intelligents
et durables CATION
R RÉUSSITE - ORANGE
VALEURS vision axé sur
globale les potentialités
FONDAMEN- innovation
TALES cocréatives perturbatrice EFFICIENCE
(disruptive)
C CONFORMISME - AMBRE DES
RESSOURCES
COLLECTIF

COLLECTIF
VALEURS ATTITUDE PRODUITS
I IMPULSIVITÉ - ROUGE AU TRAVAIL RELATIONS
CULTURE SALAIRE PROCESSUS
AVEC LES PRODUITS ET
RELATIONS PARTIES SERVICES STRUCTURES
PRENANTES

INTÉRIEUR – Ce que nous ressentons Ce que nous faisons – EXTÉRIEUR

(Adaptée de Reinventing Organizations Map, s. d.)


# ( ! 0 ) 4 2 %  s , ! ' ) , ) 4 ³ 

Comme le montre la figure 7.2, le paradigme opale se distingue convient donc d’expliciter ce que recouvre effectivement la
des paradigmes précédents sur de nombreux aspects. Cela se gestion du changement, et les moyens d’améliorer sa mise en
remarque, d’une part, dans les attitudes (quadrant supérieur œuvre efficace.
gauche) et les comportements (quadrant supérieur droit) des
Aucune entreprise ne présente exactement le même contexte
personnes et, d’autre part, dans  la culture (quadrant inférieur
initial préalable à un changement ni les mêmes conditions
gauche) et la structure (quadrant inférieur droit) de l’entreprise.
externes auxquelles elle doit s’adapter, dans la mesure où l’adap-
Cela étant dit, le passage d’un paradigme à un autre au sein
tation de l’entreprise dépend de son identité et de ce qu’elle
d’une entreprise n’est pas un changement à prendre à la légère.
offre comme services. Autrement dit, ce qui a marché ici ne
Dans la prochaine section, nous aborderons justement la gestion
fonctionnera pas nécessairement ailleurs. En outre, un change-
du changement.
ment progresse rarement comme prévu au départ. Des
conséquences inattendues, dépendant du contexte de chaque
 .tYLYSLJOHUNLTLU[KHUZSLZLU[YLWYPZLZ entreprise, ne manquent jamais d’apparaître, ce qui affecte le
plan d’action. Il faut aussi prendre en considération qu’à l’inté-
L’agilité d’une entreprise lui permet de mieux faire face aux
rieur même d’une entreprise où un changement est établi, ses
changements rapides qui caractérisent les environnements
différents membres ne se représenteront pas le changement, ses
complexes et turbulents de l’économie du XXIe siècle. La quête
causes ou les manières de l’implanter de façon identique.
de l’agilité organisationnelle force les entreprises à se trans-
former, à se réinventer constamment et à absorber un grand Heureusement, il est possible de se donner quelques balises
nombre de transformations à l’intérieur de leurs murs. L’agilité pour mieux comprendre la dynamique du changement et son
organisationnelle va ainsi logiquement de pair avec la gestion du implantation – plus efficace – en contexte organisationnel. Il
changement organisationnel, c’est-à-dire la gestion des transfor- apparaît d’abord primordial de circonscrire sa nature, soit ce
mations au cœur même des entreprises. La gestion du que l’entreprise se propose de transformer ou de changer. Alain
changement est un thème très étudié en management, et ne se Rondeau pointe à cet effet quatre types de transformations qui
réduit pas aux seules entreprises dites agiles47. En effet, comme sont autant de manières de rendre l’entreprise plus efficace dans
le note Alain Rondeau, toutes les entreprises, qu’elles soient sa gestion des compétences de son personnel ou d’améliorer son
publiques ou privées, grandes ou petites, font face à des boule- positionnement dans le marché (Figure 7.3) :
versements constants, au carrefour de forces économiques, 1) Le réaménagement émane du constat de l’inadéquation
politiques, technologiques et sociales qui éprouvent sans cesse la de certains processus de gestion de l’entreprise pour
qualité, la pertinence et l’efficience de leur prestation de services atteindre des résultats souhaités. Il s’agit ici pour l’entre-
et qui, conséquemment, les contraignent à s’adapter de façon prise de chercher à faire autrement, en optimisant ou en
continue48. revoyant – parfois en profondeur – les processus qu’elle
On considère parfois que la gestion du changement est un met en œuvre. C’est pour l’entreprise l’opportunité
phénomène relevant de la seule volonté de la haute direction de d’améliorer sa capacité à s’adapter à son environnement.
l’entreprise, et qui se déploierait de façon planifiée et contrôlée. Ce type de transformation recourt à des approches ration-
Au contraire, la recherche sur le sujet montre qu’il s’agit plutôt nelles (p. ex., le changement planifié, la gestion de projet)
d’un processus systémique et complexe produisant par ailleurs qui font appel à des expertises techniques bien établies.
plus d’échecs ou de demi-réussites que de succès complets. Il 2) Le renouvellement découle du constat que les pratiques
organisationnelles usuelles ne permettent pas de servir
adéquatement la clientèle. Il s’agit ici pour l’entreprise de
47. Il existe cependant un courant récent de la gestion du changement organisa- modifier sa culture organisationnelle et ses pratiques,
tionnel qui propose d’intégrer les valeurs et les principes de l’agilité (Autissier notamment en mobilisant son personnel. Ce type de
et Moutot, 2015).
48. Rondeau (2008).
transformation recourt à des approches plus relationnelles
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(p. ex., développement organisationnel), qui font appel à Toutefois, cette perspective ne rend pas justice à la complexité
des spécialistes en ressources humaines habilités à inter- du changement en entreprise.
venir sur le plan psychosocial.
3) Le réalignement émane du constat d’une perte de perfor- FIGURE 7.3
mance organisationnelle ou d’une dégradation de son Les types de transformation

{ {
positionnement stratégique. Il s’agit ici pour l’entreprise
de corriger sa trajectoire, notamment pour éviter une Faire autrement Revoir ses valeurs et sa culture
Améliorer la productivité Favoriser l’implication
situation difficile ou pour éliminer des activités sans
RÉAMÉNAGEMENT RENOUVELLEMENT
valeur ajoutée, et ce, en vue d’assurer sa pérennité. Ce Accent sur : Accent sur :
type de transformation est généralement soutenu par des PROCESSUS
Intégration
PRATIQUES
Développement
stratégies plus politiques (p.  ex., une restructuration) et Optimisation
Agilité
Professionnalisation
Responsabilisation
s’appuie sur une utilisation plus optimale des ressources,
de même que sur une plus grande imputabilité des RÉORGANISATION

{ {
personnes qui en usent, ce qui nécessite des mécanismes
de surveillance et de contrôle.
Resserer sa façon de faire Revoir son offre de services
4) Le redéploiement découle du constat que l’environne- Réduire les coûts Accroître la pertinence

ment d’affaires de l’entreprise évolue, que sa clientèle se RÉALIGNEMENT REDÉPLOIEMENT


Accent sur : Accent sur :
modifie ou encore que la concurrence progresse. Il s’agit RESSOURCES POSITIONNEMENT
ici pour l’entreprise de revoir son offre de service afin de Contrôle
Imputabilité
Différentiation
Niche distinctive
renforcer ses liens avec la clientèle et éventuellement d’ac-
croître sa pertinence. Ce type de transformation revêt un
caractère plus opportuniste et est bien soutenu par des (Adaptée de Rondeau, 2008, p. 3)
approches évolutionnistes (p.  ex., fusions, acquisitions,
partenariats, alliances) qui cherchent à mieux saisir l’envi-
Langley et Denis proposent donc plutôt une « perspective
ronnement d’affaires de l’entreprise en vue d’explorer des
située » du changement organisationnel qui prend mieux en
avenues pour développer de nouvelles capacités ou pour
compte la constante fluidité et le caractère évolutif des entre-
renforcer les liens avec ses clients.
prises. Dans cette perspective, l’entreprise est envisagée comme
Ann Langley et Jean-Louis Denis proposent des balises complé- une entité d’emblée dynamique, c’est-à-dire comme un
mentaires pour mieux comprendre la dynamique du changement ensemble d’activités traversées par des changements continus.
organisationnel49. Ces auteurs montrent que le changement Autrement dit, elle est déjà l’objet d’adaptations progressives et
organisationnel est habituellement appréhendé comme un continues avant même l’implantation de changements inten-
phénomène épisodique, relevant d’une transformation plus ou tionnels. C’est particulièrement le cas au niveau opérationnel,
moins radicale. Dans cette perspective, l’entreprise – c’est-à-dire puisque les employés ne font pas que se plier à des routines,
l’ensemble de ses structures, ses processus, ses pratiques, sa mais réinventent quasi quotidiennement de petits aspects de
culture, etc. – est considérée comme une entité stable au sein de leur travail. Ces adaptations, considérées de manière cumula-
laquelle des configurations cohérentes agissent en symbiose et tive, peuvent déjà par elles-mêmes aboutir à des changements
de manière convergente. En ce sens, le changement pourrait être organisationnels importants, notamment sur les plans des
implanté de manière volontaire, sur une période relativement pratiques et des processus existants.
courte, pour transformer un aspect précis de l’entreprise.

49. Langley et Denis (2008).


# ( ! 0 ) 4 2 %  s , ! ' ) , ) 4 ³ 

FIGURE 7.4 de luttes de pouvoir et de réajustements52 », conduisant à


Le changement selon une perspective située dépenser une énergie et des ressources considérables pour
faire face au chaos engendré par un changement. Avant de
CHOC EXOGÈNE mettre en place un changement, il faut donc se soucier de
(p. ex., changement
technologique, fusion) ce qu’il risque de détruire, à court, à moyen et à long
terme, et de ce qu’il sera nécessaire de faire pour rétablir
une situation d’équilibre.
2) Le changement est nécessairement dynamique : ses effets
CHANGEMENT
SITUÉ peuvent modifier le contexte dans lequel il a été initiale-
ment implanté, ce qui crée des réactions inattendues
auxquelles il faudra également faire face53. En effet, selon
la perspective située, « chaque action interagit avec le
contexte en place pour donner un résultat qui, à son tour,
(Adaptée de Langley et Denis, 2008, p. 17) modifiera ce qui peut éventuellement se produire par la
suite54 ». Trois types d’effets intermédiaires sont produits
par les initiatives associées à un changement, soit des
Selon cette perspective située, le changement n’a ni début ni fin, effets concrets (p. ex., modifications observables dans les
il n’est pas forcément volontaire, il se produit simultanément en pratiques organisationnelles), des effets symboliques
divers lieux de l’entreprise et ne répond pas à une seule et même (p.  ex., sens attribué au changement et sentiment des
démarche coordonnée. En fait, les entreprises sont constam- membres de l’entreprise à son égard) et des effets poli-
ment en « devenir », elles sont naturellement dans un processus tiques (p. ex., modification des relations de pouvoir). En
de transformation continue (Figure  7.4). On y envisage alors définitive, ces effets soulignent l’importance de prévoir
l’implantation de changements organisationnels majeurs des périodes d’attente pour que les membres de l’entre-
comme des chocs exogènes « qui doivent être intégrés à une prise non seulement apprivoisent le changement, mais
structure d’interactions en cours et en perpétuelle évolution qui également jaugent les effets collatéraux produits par une
possède sa propre dynamique50 ». Cette perspective met en initiative transformationnelle donnée.
évidence quatre aspects généralement négligés du changement
organisationnel : 3) Le changement doit être envisagé de façon endogène,
dans la mesure où il crée des conflits d’intérêts et des résis-
1) Le changement est potentiellement « désintégratif » ou tances dont l’ampleur et la nature dépendront en grande
destructeur, c’est-à-dire qu’il pourrait aggraver la situation partie du type de changement apporté. Par conséquent, il
d’une entreprise avant de l’améliorer. En effet, au-delà des doit prendre en considération les structures de pouvoir et
coûts directs généralement associés au changement les modes d’organisation qu’on souhaite transformer. La
(p. ex., formation du personnel, consultance, intégration perspective située se fonde sur l’idée que « les processus de
technologique, etc.), il faut considérer le coût caché qui a changement continu organiques vont inévitablement
trait au patrimoine des pratiques professionnelles fondé intercepter les interventions liées au changement et les
sur des connaissances tacites et un capital social difficiles transformer en quelque chose de différent de ce qui avait
à créer et à transférer51. La perte de ces atouts organisa-
tionnels peut engendrer « des années de réapprentissage,

52. Langley et Denis (2008, p. 19).


50. Langley et Denis (2008, p. 16). 53. En ce sens, l’ordre des initiatives qui conduisent au changement souhaité et
51. Par ailleurs, la résilience d’une entreprise peut être telle qu’un changement leurs effets sur tous les aspects d’une entreprise jouent un rôle de premier plan
apporte une modification mineure, voire nulle, dans les manières de faire ou sur les résultats obtenus.
de penser des membres de l’entreprise. 54. Langley et Denis (2008, p. 22).
 ,%- ! .! ' %- %.42 % 3 0/.3 ! " ,% s 5 .%! 002 /# ( %! 8)/,/ ')1 5%

été prévu55 ». Et cela est vrai, quelle que soit la méthode sont causées par « la peur, l’insécurité, la confusion ou la crainte
privilégiée pour implanter un changement. Une méthode de perdre des acquis ou de devoir renoncer à des automatismes
coercitive risque de créer des réticences qui impliqueront rassurants56 ». Les réactions du personnel doivent être considé-
la révision du changement désiré. Par ailleurs, une rées par les gestionnaires comme des préoccupations légitimes,
méthode collaborative risque de créer des négociations porteuses d’information et révélatrices des malaises sous-jacents.
sans fin remettant en cause la possibilité même de changer. En conséquence, en période de changement, ou plus générale-
En somme, la démarche adoptée pourrait avoir moins ment en période d’incertitude organisationnelle, les gestionnaires
d’importance que ce qu’on croit habituellement, et le doivent être ouverts et attentifs aux signes symptomatiques de
contexte « politique » de son implantation jouerait un rôle préoccupations émergentes, qu’ils soient explicites (p. ex., dans
au moins aussi important. les conversations) ou plus subtils (p.  ex., dans certaines
4) Les initiatives liées au changement sont asymétriques à attitudes). Elle doit savoir décoder la nature des préoccupations
plusieurs égards. D’une part, ces initiatives ont des inci- du personnel afin d’y répondre adéquatement (Tableau 7.5).
dences différentes sur chacun des membres de l’entreprise. Céline Bareil propose un modèle de la progression des préoccu-
Ainsi, ceux qui prennent les décisions sont généralement pations liées au changement organisationnel57. Celui-ci présente
moins affectés par le changement que ceux qui doivent le sept phases auxquelles sont associées des activités de soutien
mettre en œuvre. En ce sens, plus un changement est pertinentes à mettre en place par les gestionnaires. Ces phases
planifié en vase clos, plus il risque de devoir être renégocié suivent une séquence logique au cours de laquelle tout destina-
lors de son implantation. D’autre part, une décision facile taire d’un changement qui lui est imposé aura tendance à passer.
à prendre peut être difficile à implanter, et vice-versa. Dans tous les cas, le gestionnaire est invité à faire preuve d’em-
Finalement, il est plus facile de détruire ce qui a été bâti pathie, c’est-à-dire à adopter le point de vue de l’autre pour
que de le construire. Cela montre l’importance d’inscrire s’engager dans un dialogue constructif visant à faciliter l’im-
le changement organisationnel dans la durée, plutôt que plantation d’un changement, même si cela peut impliquer pour
dans l’urgence, comme c’est souvent le cas. le gestionnaire de reconsidérer certains aspects du changement
En définitive, si l’approche située peut certes sembler pessimiste, amorcé. Faire fi de ces préoccupations risque de les transformer
elle pose néanmoins un regard plus juste sur la complexité en véritables résistances au changement qui seront beaucoup
inhérente aux dynamiques de changement organisationnel. plus difficiles de gérer.
Cette dynamique est influencée par les questions, les inquié-
tudes et les plaintes du personnel de l’entreprise. Ces dernières

56. Bareil (2009, p. 32).


55. Langley et Denis (2008, p. 23). 57. Bareil (2004).
# ( ! 0 ) 4 2 %  s , ! ' ) , ) 4 ³ 

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Phases de préoccupations à l’égard d’un changement

PHASES DE PRÉOCCUPATIONS ACTIVITÉS DE SOUTIEN

Phase 1. Aucune préoccupation : ̭͗=ǂɤɰźưǾȖǾɤǀɜ͗Ȗǀ͗ƸǀɤɰǾȪźɰźǾɜǀ


źưɤǀȪƱǀ͗Ƹ͒ǾȪɛʀǾǂɰʀƸǀ͗ɤəǂƱǾˈɛʀǀ͗ǰźƱǀ͗źʀ͗ƱǹźȪDzǀȨǀȪɰ ̭͗=ǂȨȵȪɰɜǀɜ͗Ȗ͒ǾȨəȵɜɰźȪƱǀ͗Ƹʀ͗ƱǹźȪDzǀȨǀȪɰ

Phase 2. Préoccupations centrées sur le destinataire : ̭͗þźɤɤʀɜǀɜ͗ɤʀɜ͗Ʊǀ͗ɛʀǾ͗ƱǹźȪDzǀɜź͗ǀɰ͗ɤʀɜ͗Ʊǀ͗ɛʀǾ͗Ȫǀ͗ƱǹźȪDzǀɜź͗əźɤ


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ɤʀɜ͗ɤȵǾ̯͗ɤʀɜ͗ɤȵȪ͗ɰɜźʗźǾȖ͗ǀɰ͗ɤʀɜ͗ɤȵȪ͗ǀȪʗǾɜȵȪȪǀȨǀȪɰ͗Ƹǀ͗ɰɜźʗźǾȖ ̭͗IƱȵʀɰǀɜ͗Ȗǀɤ͗əǀʀɜɤ͗ǀɰ͗Ȗǀɤ͗źɰɰǀȪɰǀɤ

Phase 3. Préoccupations centrées sur l’organisation : ̭͗=ǂȨȵȪɰɜǀɜ͗Ȗ͒ǀȪDzźDzǀȨǀȪɰ͗Ƹǀɤ͗ƸǾɜǾDzǀźȪɰɤ


ǾȪɛʀǾǂɰʀƸǀɤ͗ɜǀȖźɰǾʗǀɤ͗Ɯ͗Ȗź͗ȖǂDzǾɰǾȨǾɰǂ͗Ƹʀ͗ƱǹźȪDzǀȨǀȪɰ͗ǀɰ͗Ɯ͗ ̭͗GʢəȖǾɛʀǀɜ͗Ȗź͗ȖǂDzǾɰǾȨǾɰǂ̯͗Ȗź͗ʗǾɤǾȵȪ̯͗Ȗǀɤ͗ȵưȐǀƱɰǾǰɤ͗ǀɰ͗Ȗǀɤ͗ǀǰǰǀɰɤ
Ȗź͗ƱźəźƱǾɰǂ͗Ƹǀɤ͗ƸǾɜǾDzǀźȪɰɤ͗Ƹǀ͗Ȗǀ͗ȨǀȪǀɜ͗Ɯ͗ɰǀɜȨǀ ͗ əȵɤǾɰǾǰɤ͗Ƹʀ͗ƱǹźȪDzǀȨǀȪɰ͗ɤʀɜ͗Ȗ͒ǀˀƱźƱǾɰǂ̯͗ɤʀɜ͗Ȗź͗ƱȖǾǀȪɰǞȖǀ̯͗ǀɰƱ̵

Phase 4. Préoccupations centrées sur le changement : ̭͗6ɜǂǀɜ͗Ȗ͒źƸǹǂɤǾȵȪ͗ǀȪ͗ǀʢəȖǾɛʀźȪɰ͗Ȗǀɤ͗ƸǂɰźǾȖɤ͗Ƹʀ͗ƱǹźȪDzǀȨǀȪɰ


ǾȪɛʀǾǂɰʀƸǀɤ͗ƱȵȪƴǀɜȪźȪɰ͗Ȗǀɤ͗ƱźɜźƱɰǂɜǾɤɰǾɛʀǀɤ͗ ̭͗6ȵȪɤʀȖɰǀɜ͗Ȗǀ͗ƸǀɤɰǾȪźɰźǾɜǀ͗ȵʀ͗Ȗǀ͗ǰźǾɜǀ͗əźɜɰǾƱǾəǀɜ
Ƹʀ͗ƱǹźȪDzǀȨǀȪɰ͗ǀɰ͗ɤź͗ȨǾɤǀ͗ǀȪ͗œʀʗɜǀ

Phase 5. Préoccupations centrées sur l’expérimentation : ̭͗uźƱǾȖǾɰǀɜ͗Ȗǀ͗ɰɜźȪɤǰǀɜɰ͗Ƹǀɤ͗źƱɛʀǾɤ


ǾȪɛʀǾǂɰʀƸǀɤ͗ɛʀźȪɰ͗źʀ͗ɤȵʀɰǾǀȪ͗ȵǰǰǀɜɰ͗ǀɰ͗Ɯ͗Ȗź͗ƱȵȨəɜǂǹǀȪɤǾȵȪ ̭͗úȖźȪǾˈǀɜ͗Ȗź͗ɰɜźȪɤǾɰǾȵȪ
Ƹʀ͗ɤʀəǂɜǾǀʀɜ ̭͗uȵɜȨǀɜ͗ǀɰ͗źƱƱȵȨəźDzȪǀɜ͗Ȗǀ͗ƸǀɤɰǾȪźɰźǾɜǀ

Phase 6. Préoccupations centrées sur la collaboration : ̭͗GȪƱȵʀɜźDzǀɜ͗Ȗǀɤ͗ǂƱǹźȪDzǀɤ


ǾȪɛʀǾǂɰʀƸǀɤ͗ɛʀźȪɰ͗źʀ͗ɰɜźȪɤǰǀɜɰ͗Ƹ͒ǀʢəǀɜɰǾɤǀ͗ǀɰ͗ ̭͗=ǀʗǀȪǾɜ͗ʀȪǀ͗ȵɜDzźȪǾɤźɰǾȵȪ͗źəəɜǀȪźȪɰǀ
źʀʢ͗ȵƱƱźɤǾȵȪɤ͗Ƹ͒ǂƱǹźȪDzǀɤ

Phase 7. Préoccupations centrées sur l’amélioration continue : ̭͗ŐźȖȵɜǾɤǀɜ͗Ȗ͒ǀʢəǀɜɰǾɤǀ


ǾȪɛʀǾǂɰʀƸǀɤ͗ɛʀźȪɰ͗źʀʢ͗źȨǂȖǾȵɜźɰǾȵȪɤ͗Ɯ͗źəəȵɜɰǀɜ͗əȵʀɜ͗ɛʀǀ ̭͗uźʗȵɜǾɤǀɜ͗Ȗ͒ǂȨǀɜDzǀȪƱǀ͗Ƹǀ͗əǾɤɰǀɤ͗Ƹ͒źȨǂȖǾȵɜźɰǾȵȪ
Ȗǀ͗ƱǹźȪDzǀȨǀȪɰ͗ɤȵǾɰ͗ȵəɰǾȨźȖ

(Adapté de Bareil, 2009, p. 33)

 .tYLYSLZJYPZLZKHUZSLZLU[YLWYPZLZ La priorité consiste à « colmater les brèches » afin d’éviter une
réaction en chaîne qui rendrait la situation définitivement
L’importance de l’agilité dans la gestion du changement organi- incontrôlable.
sationnel est assez naturellement complétée par celle dont il faut
Selon cette vision traditionnelle, la crise est perçue comme un
faire preuve dans la gestion de crise en entreprise. Néanmoins,
évènement, un genre d’élément déclencheur, auxquels s’op-
là où le changement organisationnel est souhaité et relativement
posent les interventions subséquentes. Cette perspective centrée
peu étendu, la crise présente pour sa part un caractère inattendu,
sur l’évènement est contrebalancée par une approche qui
sa portée étant généralement beaucoup plus large et sa gestion
propose d’envisager la crise comme un processus temporel, où le
s’effectuant dans l’urgence. L’approche traditionnelle pour
« avant » et le « après » la crise sont considérés comme significa-
aborder les crises consiste à les penser comme des évènements
tifs. L’évènement est alors considéré comme le révélateur d’un
majeurs et exceptionnels (p.  ex., un ouragan, un tsunami,
ensemble de dysfonctionnements préalables58. Cette approche
l’attaque terroriste du World Trade Center, le krach boursier de
1929, le naufrage du Titanic, Tchernobyl, etc.) qui bouleversent
le cours normal des choses à un moment et à un endroit précis.
58. Roux-Dufort (2007).
 ,%- ! .! ' %- %.42 % 3 0/.3 ! " ,% s 5 .%! 002 /# ( %! 8)/,/ ')1 5%

processuelle ouvre des perspectives jusque-là peu explorées en La crise représente donc un catalyseur d’apprentissages poten-
matière de compréhension, d’anticipation et de prévention des tiels utiles à des transformations. En entreprise, cette opportunité
crises. Pour se la représenter, on peut penser au phénomène d’apprentissage et de transformation est cependant mitigée par
contemporain des lanceurs d’alertes. L’alerte est bien l’évène- la tentation de rétablir une certaine forme de statu quo. En effet,
ment déclencheur de la crise, mais il ne représente au fond que les gestionnaires ont tendance à gérer ces situations exception-
le révélateur d’un problème sous-jacent depuis parfois plusieurs nelles en utilisant des manières de faire déjà connues et
années (l’avant-évènement) et qui permettra, si une enquête acceptables. En s’intéressant à l’avant-crise, l’approche proces-
sérieuse est menée, de mettre au jour un ensemble de dysfonc- suelle les invite plutôt à reconnaître qu’une certaine part de
tionnements préalables ayant conduit à la crise que l’entreprise responsabilité leur incombe, ce qui les empêche d’adopter une
doit désormais gérer (l’après-évènement). posture fataliste ou de victime. L’approche processuelle rend
visible cette responsabilité et facilite ainsi l’exposition des
Dans une perspective processuelle, l’évènement présente deux
moyens d’agir sur les causes de la crise.
caractéristiques. D’une part, il est exceptionnel et constitue un
point de non-retour. Il crée un bouleversement (disruption) tel L’approche processuelle permet de se pencher sur la genèse
qu’un retour en arrière est impossible. Il marque également une d’une crise, soit la phase d’incubation qui précède son
suspension du temps, suscite un sentiment d’urgence où l’habi- émergence. Christophe Roux-Dufort montre que la propension
leté à agir et à réagir en temps réel et de manière flexible apparaît d’une entreprise à vivre une crise découle d’une accumulation
primordiale. D’autre part, l’évènement constitue une ligne de d’imperfections organisationnelles : de petites négligences, des
faille entre le passé et le futur. En cela, son analyse est impor- erreurs, des déficiences, des faiblesses et d’autres dysfonctionne-
tante dans la mesure où il est porteur à la fois des erreurs ments qui s’additionnent progressivement61. L’auteur illustre la
antérieures ayant conduit à la crise et des possibilités à venir que nature cumulative de ces dysfonctionnements par un modèle en
la crise provoque. De ce fait, l’évènement présente des propriétés quatre phases qui va des anomalies à la crise en passant par les
certes révélatrices, mais également transformationnelles qui vulnérabilités et les bouleversements majeurs. À chacune de ces
appellent une phase transitoire, impliquant une projection phases, c’est avant tout l’inaction des gestionnaires qui aggrave
simultanée dans l’avant-évènement et dans l’après-évènement59. la situation. Lorsque des anomalies surviennent, la simple inat-
tention est suffisante pour que le problème perdure. Lorsque les
Christophe Roux-Dufort précise que la crise n’existe pas par
problèmes s’accumulent et deviennent visibles, le mauvais
elle-même, mais qu’elle dépend plutôt de la façon qu’ont les
réflexe est d’accuser des causes externes et de se déresponsabi-
individus concernés de la vivre et de lui donner du sens60. À cet
liser. Ensuite, lors de bouleversements majeurs ou d’une crise,
égard, au lieu de considérer la crise comme une perte ou une
les gestionnaires se lancent dans des actions frénétiques pour se
déstabilisation, elle est plutôt envisagée comme un déferlement
donner l’impression d’agir, mais se limitent finalement à des
d’occasions favorables qui submerge la capacité des leaders à en
interventions inadéquates.
tirer un sens. L’évènement qui dévoile la crise est en même
temps propice à une « reconfiguration des possibles » pour l’en- Ainsi, l’approche processuelle met en évidence les processus par
treprise. Pour en profiter, il faut prendre le temps de bien lesquels une crise se crée et le rôle prépondérant des gestion-
analyser la période d’incubation de la crise et en tirer des savoirs naires dans ce processus. Carole Lalonde et Christophe
utiles pour améliorer les façons de faire de l’entreprise. Roux-Dufort mentionnent que la gestion inadéquate d’une
crise conduit à des décisions qui peuvent soit ne pas améliorer la
situation, soit l’aggraver. Selon eux, plutôt que d’éteindre des
feux et de distribuer des blâmes, il convient de mettre en place
59. Roux-Dufort (2007) parle de transition, qui implique un ancrage à la fois au
passé et au futur, plutôt que de changement, qui suggère un passage plus
doux entre une période et une autre.
60. Roux-Dufort (2007). 61. Roux-Dufort (2009).
# ( ! 0 ) 4 2 %  s , ! ' ) , ) 4 ³ 

des pratiques qui peuvent prévenir l’apparition de crises62. Si la Carole Lalonde affirme qu’une attention adéquate portée à ces
gestion autocratique et punitive d’une crise (p.  ex., une mise quatre champs d’intervention augmente la résilience des
sous tutelle) peut parfois être nécessaire pour redresser une systèmes, évite les erreurs de gestion les plus communes et
situation difficile ou légitimer l’intervention d’acteurs extérieurs minimise les impacts négatifs des erreurs humaines sur les autres
à l’entreprise (p. ex., le gouvernement) à court terme, elle permet entreprises et la société civile64. Ce modèle repose sur les quatre
rarement de corriger un problème à long terme. champs d’intervention principaux de la gestion de crise,
auxquels sont adjoints des types d’interventions à privilégier :
Les mécanismes de contrôle et de surveillance ordinaires de l’en-
treprise et les plans de gestion de crise doivent être complétés 1) des interventions stratégiques ;
par quatre interventions plus fondamentales : 2) des réponses techno-structurelles ;
1) Élaborer une carte des parties prenantes de l’entreprise 3) des interventions de gestion des ressources humaines ;
qui ont un impact significatif sur son fonctionnement : le 4) des interventions multifacettes, dont l’objectif est d’établir
personnel, les clientèles, les gestionnaires, les gouverne- des ponts avec le reste de la communauté.
ments et la société civile. Cette carte vise à repérer les
acteurs potentiellement problématiques, pour éventuelle- Comme le souligne la figure 7.5, la gestion de crise concerne au
ment mieux les encadrer. premier chef l’amélioration de la résilience individuelle et orga-
nisationnelle65. Le concept de résilience émane de la psychologie
2) Établir quelques scénarios de crise plausibles. Il ne s’agit
et repose sur la capacité d’un individu à répondre à un change-
pas d’anticiper ce qui pourrait se passer pour savoir quoi
ment important qui bouleverse le cours habituel ou attendu des
faire (ce qui est l’objet d’un plan de gestion de crise), mais
évènements sans succomber aux comportements régressifs.
bien de réfléchir à ce que l’on considère comme les garde-
Appliquée à l’entreprise, la résilience désigne la capacité à
fous qui protègent l’entreprise et qui peuvent être qualifiés
prendre en considération et à intégrer des bouleversements inat-
de sources d’immunité illusoires.
tendus provenant de l’environnement externe ou des méthodes
3) À partir de ces scénarios, identifier (plus facilement) les internes de travail, afin de retrouver un état stable66. Une entre-
signaux faibles qui sont précurseurs d’une crise, ceux prise apparaît particulièrement résiliente lorsqu’elle prend la
dont nous avons dit qu’ils sont un terreau fertile. forme d’un système flexible et adaptatif (p. ex., par des pratiques
4) Passer en revue les incidents critiques de la semaine, par de travail non officielles, une autonomie locale des acteurs orga-
exemple lors de la réunion hebdomadaire de direction, ce nisationnels, une gestion privilégiant les rétroactions ainsi
qui permet de rehausser le niveau de vigilance de l’entre- qu’une importance accordée à l’apprentissage et à l’amélioration
prise63. continue). Les entreprises les plus résilientes répondent en outre
aux incidents ou aux anomalies de leur environnement externe
Dans la mesure où aucune prévention n’est infaillible, il arrive
ou interne non pas en créant de nouvelles règles ou procédures,
que la crise ne puisse être évitée. Celle-ci peut alors être
mais bien en profitant des perturbations pour apprendre et
approchée sous quatre angles distincts :
adopter de nouvelles compétences organisationnelles.
1) la planification ;
2) la coordination ;
3) le leadership ;
4) la prise en compte de la société civile.

62. Lalonde et Roux-Dufort (2012).


63. Cet exercice doit se réaliser sur une longue période, de sorte que des évène- 64. Lalonde (2011).
ments critiques récurrents ou des recoupements d’évènements puissent être 65. Williams et coll. (2017).
détectés et analysés comme précurseurs d’une crise. 66. Tillement et coll. (2009).
 ,%- ! .! ' %- %.42 % 3 0/.3 ! " ,% s 5 .%! 002 /# ( %! 8)/,/ ')1 5%

FIGURE 7.5
La résilience au cœur de la gestion de crise

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RÉSILIENCE
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̭͗GȪƱźƸɜǀȨǀȪɰ͗ǀɰ͗ǰȵɜȨźɰǾȵȪ

(Adaptée de Lalonde, 2011, p. 458)

Pour Kwasi Dartey-Baah, une entreprise résiliente requiert un actuels, et innover en s’adaptant aux changements rapides et
leadership résilient, qu’il définit comme la capacité à soutenir à turbulents des marchés et des technologies67. Le défi principal
long terme l’avantage compétitif d’une entreprise ou d’un des leaders résilients, qui doivent jongler à la fois avec la perfor-
groupe grâce à deux types de tâches simultanées : obtenir d’ex-
cellentes performances au regard des objectifs organisationnels
67. Dartey-Baah (2015, p. 101), traduction libre.
# ( ! 0 ) 4 2 %  s , ! ' ) , ) 4 ³ 

mance et le changement, consiste alors à alterner différents 1) La volatilité renvoie à l’idée que les défis auxquels on doit
types de leadership. Être à la fois ouvert au changement et faire face sont inattendus ou instables et d’une durée
capable de naviguer dans les structures organisationnelles exis- inconnue. Elle évoque tant la difficulté de comprendre les
tantes, du moins jusqu’à ce qu’un changement structurel soit défis qui se présentent que le fait que ces défis sont suscep-
rendu nécessaire par les adaptations de l’entreprise à son envi- tibles d’émerger n’importe quand et sous n’importe quelle
ronnement. Ainsi, la virtuosité du leadership résilient réside forme.
dans la capacité à s’adapter de sorte que les situations très diffé- 2) L’incertitude désigne le manque de prévisibilité des
rentes auxquelles l’entreprise doit faire face soient chaque fois évènements, en l’absence d’information suffisante sur
prises en main de manière efficace. leurs causes ou leurs conséquences.
En conclusion, deux mécanismes complémentaires associés à la 3) La complexité concerne les variables interconnectées
résilience organisationnelle sont particulièrement bien soutenus d’une situation. Le problème n’est pas ici que l’informa-
par des pratiques d’affaires durables : répondre rapidement aux tion n’est pas disponible, mais qu’elle se présente en
signaux de l’environnement, et disposer des ressources flexibles quantité telle qu’il devient difficile de l’analyser et de lui
pour faire face à une grande variété de situations. Natalia donner un sens.
Ortiz-De-Mandojana et Pratima Bansal montrent que les entre- 4) L’ambiguïté correspond aux situations où les relations
prises durables créent des liens de réciprocité et de confiance causales entre des variables ou des évènements ne sont pas
forts avec leurs différentes parties prenantes. D’une part, tisser claires.
des liens serrés avec la clientèle assure une rétroaction d’une
grande valeur, car le changement peut être anticipé68. D’autre Tous les environnements ne présentent pas forcément ces quatre
part, des pratiques respectueuses du personnel (p. ex., offrir la caractéristiques simultanément, mais tous sont susceptibles de
sécurité d’emploi, investir dans ses employés) contribuent à sa présenter l’une ou l’autre, ou bien un certain nombre d’entre
loyauté organisationnelle, ce dernier étant dès lors plus porté à elles, en même temps. Pour paraphraser Stephen Denning70, on
fournir des efforts pour faire face aux perturbations. On peut pourrait ainsi dire que l’acronyme VICA est un concept
donc raisonnablement avancer que les entreprises qui adoptent pertinent pour mettre en évidence le fait que les environne-
une vision et des pratiques d’affaires durables seront plus rési- ments d’affaires contemporains s’éloignent des contextes plus
lientes pour affronter les perturbations majeures qui s’annoncent stables et prévisibles qui caractérisaient l’ère industrielle. Le
sur les marchés économiques. changement est dorénavant reconnu comme un constituant
fondamental du monde dans lequel nous vivons. En consé-
quence, les croyances et les structures sur lesquelles se sont
 9LUKYLJVTW[LKLSHJVTWSL_P[tL[SHNtYLY construites les entreprises de l’ère industrielle apparaissent
L’agilité s’avère particulièrement importante dans les environne- aujourd’hui désuètes pour prendre en compte, intégrer et gérer
ments d’affaires contemporains, qui sont aujourd’hui qualifiés les changements constants qui caractérisent les environnements
de volatiles, incertains, complexes et ambigus (VICA)69. L’acro- VICA (Figure 7.6).
nyme VICA est utilisé avant tout pour signifier que le monde
actuel est complexe : le changement apparaît partout,
simultanément, selon des intensités variables et des perspectives
susceptibles d’être diamétralement opposées :

68. Selon Ortiz-De-Mandojana et Bansal (2015), la clientèle peut agir comme un


« détecteur de fumée » pour sentir les changements avec un temps d’avance
(p. ex., par le partage d’informations sensibles, par des rétroactions sur les
produits ou services de l’entreprise).
69. Bennet et Lemoine (2014a, 2014b). 70. Denning (2016a).
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FIGURE 7.6
&AIREPREUVEDELEADERSHIPDANSUNENVIRONNEMENT6)#!

FACTEURS EFFETS RÉPONSE ACTION CONCRÈTE

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VOLATILITÉ ̭͗=ȵȪȪǂǀɤ͗ǀɰ͗ǾȪǰȵɜȨźɰǾȵȪ͗͗͗͗ ̭͗6ǹźȪDzǀȨǀȪɰ͗ƱȵȪɤɰźȪɰ
VISION ̭͗5ǾǀȪ͗ǀʢəȖǾɛʀǀɜ͗
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INCERTITUDE ̭͗ÁȵʀʗǀȖȖǀɤ͗ɰǀƱǹȪȵȖȵDzǾǀɤ ̭͗=ǾɜǾDzǀɜ͗ȵʀ͗Dzǂɜǀɜ̶ INNOVATION ̭͗=ǀɤǾDzȪ͗ĔǹǾȪȓǾȪDz
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COMPLEXITÉ ̭͗=ʣȪźȨǾɛʀǀɤ͗ɤȵƱǾźȖǀɤ ͗͗ǾȨəɜǂʗʀǀɤ COLLABORATION ͗͗ǾȪɰǀɜƸǂəǀȪƸźȪɰǀɤ͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗͗
̭͗IȨȵɰǾȵȪɤ ̭͗=ʣȪźȨǾɛʀǀɤ͗ ̭͗úźɜɰźDzǀɜ͗Ȗǀ͗ɤʀƱƱǞɤ͗ǀɰ͗
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̭͗úɜȵưȖǞȨǀɤ͗Ɯ͗ƸǾȨǀȪɤǾȵȪɤ͗ ͗͗ǾȪźƸźəɰǂǀɤ RESPONSABILISATION ̭͗ƱɰʀźȖǾɤǀɜ͗Ȗǀɤ͗
AMBIGUÏTÉ
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͗͗ǀɰ͗ǀɜɜǀʀɜ

(Adaptée de Thompson, 2017).

Par ailleurs, la résilience des entreprises passe également par leur sous-jacentes entre divers principes de gestion qui sont par
capacité à reconnaître, à accepter et à gérer les paradoxes qui les ailleurs reconnus. En effet, les pôles d’un paradoxe apparaissent
traversent. En effet, les environnements d’affaires qui se mondia- logiques lorsqu’ils sont considérés isolément, mais deviennent
lisent, s’accélèrent et deviennent de plus en plus compétitifs incohérents, voire absurdes, lorsqu’ils sont envisagés simultané-
exacerbent un ensemble de paradoxes de plus en plus apparents ment. D’autre part, les réponses apportées aux paradoxes
à l’intérieur des entreprises71. Wendy Smith et Marianne Lewis doivent embrasser simultanément leurs deux pôles73 afin d’être
définissent ces derniers comme des éléments contradictoires, efficaces. Selon ces auteures, la notion de paradoxe est bien
néanmoins interreliés, qui existent simultanément et représentée par la figure zen du Yin et du Yang, où deux pôles
perdurent72. Leur définition met en évidence deux de leurs opposés coexistent et doivent être considérés simultanément
éléments constitutifs. D’une part, ils sont révélateurs de tensions sans se réduire l’un à l’autre (Figure 7.7).

71. La recherche sur l’ambidextrie en contexte organisationnel adopte d’emblée


une approche paradoxale en supposant que, dans l’ensemble, les entreprises
doivent à la fois exploiter les bonnes occasions actuelles pour assurer le succès 73. Smith et Lewis (2011) envisagent principalement les paradoxes comme des
présent et explorer les bonnes occasions potentielles pour assurer la perfor- dualités impliquant de ce fait deux pôles opposés. Nous verrons plus loin, à
mance future de l’entreprise (O’Reilly et Tushman, 2013). l’appui de la gestion des paradoxes relatifs au développement durable, qu’ils
72. Smith et Lewis (2011). peuvent faire intervenir plus de deux éléments simultanément.
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FIGURE 7.7
Description du Yin et du Yang

YIN YANG : LE SYMBOLE REPRÉSENTE LES DEUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA PHILOSOPHIE CHINOISE.

LE CERCLE EXTÉRIEUR LA FORME EN « S »


REPRÉSENTE LE « TOUT » qui sépare les sections obscure
(c’est-à-dire l’univers et tout et claire symbolise le mouvement
ce qu’il contient) continuel de ces deux «énergies»

LE YIN
(« RÉGION OMBRAGÉE »)
correspond entre autres à l'ombre,
au froid, à l'hiver, à la contraction,
au silence et à la passivité.
LE YANG
(« RÉGION ÉCLAIRÉE »)
correspond entre autres à
la lumière, à la chaleur, à l’été,
à l’expansion, à la parole et à l'activité.

LES DEUX POINTS CENTRAUX


celui qui est obscur dans la partie claire
et celui qui est clair dans la partie obscure,
rappellent que le yin et le yang ne sont jamais
l'un sans l'autre, que dans chacune des « forces »
opposées se trouvent les germes de l’autre.

Smith et Lewis distinguent quatre catégories de paradoxes manifestent lorsqu’une entreprise met en place des
présents dans toute entreprise (Tableau 7.6)74 : approches concurrentes pour atteindre un objectif donné.
1) Les paradoxes d’appartenance (belonging paradoxes) 3) Les paradoxes d’apprentissage (learning paradoxes)
renvoient aux relations interpersonnelles qui émergent de relèvent de la connaissance et apparaissent lorsqu’un
la coexistence de rôles, d’identités ou de valeurs contra- système dynamique se modifie, se renouvelle et innove.
dictoires au sein de l’entreprise. Ce genre de situation implique à la fois de construire à
2) Les paradoxes d’organisation (organizing paradoxes) partir de ce qui existe déjà et de détruire en partie ce passé
font référence aux processus de l’entreprise et se existant, afin d’assurer le succès présent tout en bâtissant
des capacités pour le futur75.

74. Une même tension peut exister à plusieurs niveaux de l’entreprise (p.  ex.,
individu, dyade, groupe, projet, organisation) ou créer de nouvelles tensions
à d’autres niveaux (Smith et Lewis, 2011). L’application de ces catégories de
paradoxes est aussi pertinente dans différents types d’entreprises, dont les 75. Les tensions entre les innovations incrémentale et radicale ou entre les chan-
coopératives (Audebrand et coll., 2017 ; Audebrand, 2017) et les entreprises gements épisodique et continu sont des illustrations de paradoxes
durables (Hahn et coll., 2018). d’apprentissage.
 ,%- ! .! ' %- %.42 % 3 0/.3 ! " ,% s 5 .%! 002 /# ( %! 8)/,/ ')1 5%

4) Les paradoxes de performance (performing paradoxes) se par ailleurs se chevaucher momentanément. La simultanéité se
rapportent aux objectifs de l’entreprise et font surface comprend alors dans sa dimension temporelle, l’important
lorsque différentes parties prenantes de cette dernière, à demeurant que des réponses soient apportées aux deux pôles
l’interne comme à l’externe, ont des attentes, des straté- contradictoires dans un certain laps de temps. La simultanéité
gies ou des objectifs différents76. peut aussi se comprendre dans sa dimension spatiale, alors que
certaines activités liées à un pôle d’une tension peuvent délibéré-
Plusieurs approches théoriques se sont succédé pour appré-
ment être séparées des activités principales de l’entreprise,
hender et gérer les paradoxes. Les premières théories
notamment dans une filiale ou chez un sous-traitant.
privilégiaient une réflexion dichotomique entre un choix et un
autre (est-ce A ou B qui est le plus efficace ?). Dans cette pers- Les paradoxes sont aussi inhérents au processus entrepreneurial.
pective, la tension est considérée comme un dilemme pour Les choix faits au moment de déterminer les buts de l’entreprise,
lequel il existe une solution meilleure qu’une autre (either/or d’établir son fonctionnement, d’attribuer les rôles et de définir
choice). En réponse à ces premières approches, la théorie des les critères de performance peuvent apaiser temporairement les
contingences stipule plutôt qu’il n’existe pas une manière tensions initiales. Cependant, le besoin de s’adapter au marché
meilleure qu’une autre de s’organiser, mais que tout choix et aux attentes de la clientèle fait ressortir ces tensions et les rend
dépend des conditions dans lesquelles il est effectué (dans visibles. Elles demeurent latentes tant que des facteurs environ-
quelles conditions privilégier A ou B ?). Dans cette perspective, nementaux ou des efforts cognitifs ne révèlent pas leur présence.
les tensions sont résolues par un alignement entre les conditions La présence d’un environnement VICA est susceptible d’exa-
internes et externes de l’entreprise. La perspective des paradoxes cerber les tensions paradoxales au sein de l’entreprise.
propose que les paradoxes non seulement persistent dans l’en-
Dès qu’ils sont devenus visibles et ressentis par les membres de
treprise et ne peuvent donc jamais être complètement résolus,
l’entreprise au quotidien, les paradoxes doivent être gérés.
mais qu’ils sont également potentiellement bénéfiques s’ils sont
Souvent, une mauvaise gestion mène à des cercles vicieux, alors
bien exploités. Par ailleurs, cette approche considère que l’exis-
qu’une bonne gestion produira a contrario un cercle vertueux.
tence même de paradoxes ne constitue pas un aveu d’échec,
Les cercles vicieux peuvent être entraînés et renforcés par des
mais représente plutôt une composante fondamentale et vitale
facteurs humains (p.  ex., recherche de régularité, anxiété
des entreprises77.
émotionnelle, approches défensives comme le déni ou le refou-
Dans cette perspective, on ne cherchera pas à résoudre les lement) ou des facteurs organisationnels (p.  ex., inertie
tensions, mais plutôt à y apporter des réponses cycliques étalées structurelle due aux routines, aux processus ou aux capacités).
dans le temps (comment tenir compte simultanément de A et de Ces attitudes favorisent généralement une résolution dichoto-
B ?). Ainsi, envisager simultanément les deux pôles d’un paradoxe mique des tensions (p.  ex., choix entre A ou B). Les cercles
(both/and perspective) ne signifie pas nécessairement que des vertueux, pour leur part, reposent sur des mécanismes d’accep-
réponses y soient apportées en même temps. L’entreprise peut tation plutôt que de défense pour considérer simultanément des
choisir de s’attaquer à un aspect de la tension un certain temps, demandes a priori incompatibles.
puis à un autre par la suite, et ainsi de suite, ces réponses pouvant

76. Par exemple, certaines parties prenantes pourraient être plus tournées vers la
mission sociale de leur entreprise, là où d’autres pourraient plutôt privilégier
sa profitabilité, ces deux finalités étant susceptibles de générer des tensions.
77. Audebrand et coll. (2017).
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Les quatre grandes catégories de paradoxes dans les entreprises

PARADOXES D’APPARTENANCE PARADOXES D’ORGANISATION PARADOXES D’APPRENTISSAGE PARADOXES DE PERFORMANCE

DÉFINITION « La complexité et le pluralisme suscitent « Un paradoxe d’organisation se manifeste « Un paradoxe d’apprentissage naît de l’évolution, « Un paradoxe de performance naît de la pluralité
des paradoxes d’appartenance ou des tensions quand des systèmes complexes donnent lieu du renouvellement et de l’innovation qui des parties prenantes et donne lieu à des
d’identité. » (Smith et Lewis, 2011, p. 383) à des approches et à des processus concurrents se produisent dans un système dynamique. » stratégies et à des objectifs concurrents. »
pour atteindre un objectif donné. » (Smith et Lewis, 2011, p. 383) (Smith et Lewis, 2011, p. 383)
(Smith et Lewis, 2011, p. 383-384)

TENSIONS SOUS-JACENTES « L’identité alimente les tensions individuelles « L'organisation et la direction encouragent « Les efforts pour s’ajuster, se renouveler, évoluer « Les tensions font surface quand différentes
et collectives entre des valeurs, la collaboration et la concurrence, et innover favorisent les tensions entre parties prenantes internes et externes ont
des appartenances et des rôles concurrents. » l’autonomisation et l’orientation, le contrôle les partisans de la continuité et les partisans des attentes variées et souvent concurrentes. »
(Smith et Lewis, 2011, p. 383) et la souplesse. » (Smith et Lewis, 2011, p. 383) de la rupture, à l’heure de bâtir l’avenir. » (Smith et Lewis, 2011, p. 383)
(Smith et Lewis, 2011, p. 383).

MOTS CLÉS ̭͗ŠƸǀȪɰǾɰǂɤ ̭͗ĆɰɜʀƱɰʀɜǀɤ ̭͗ȐʀɤɰǀȨǀȪɰ ̭͗×ưȐǀƱɰǾǰ


̭͗þȸȖǀɤ ̭͗úɜȵƱǀɤɤʀɤ ̭͗ƸźəɰźɰǾȵȪ ̭͗ĆʀƱƱǞɤ
̭͗əəźɜɰǀȪźȪƱǀɤ ̭͗²ǀźƸǀɜɤǹǾə ̭͗þǀȪȵʀʗǀȖȖǀȨǀȪɰ ̭͗úǀɜǰȵɜȨźȪƱǀ

TENSIONS SIMILAIRES ̭͗ŠȪɰǂDzɜźɰǾȵȪ͗ʗɤ͗ɤǂəźɜźɰǾȵȪ ̭͗GȪƱźƸɜǀȨǀȪɰ͗ʗɤ͗źʀɰȵȪȵȨǾɤźɰǾȵȪ ̭͗6ǀɜɰǾɰʀƸǀ͗ʗɤ͗ǾȪƱǀɜɰǾɰʀƸǀ ̭͗ĆǾȨəȖǾƱǾɰǂ͗ʗɤ͗ƱȵȨəȖǀʢǾɰǂ


̭͗…ȵȨȵDzǂȪǂǾɰǂ͗ʗɤ͗ǹǂɰǂɜȵDzǂȪǂǾɰǂ ̭͗6ȵȪɰɜȸȖǀ͗ʗɤ͗ɤȵʀəȖǀɤɤǀ ̭͗úźɤɤǂ͗ʗɤ͗źʗǀȪǾɜ ̭͗×ưȐǀƱɰǾʗǾɰǂ͗ʗɤ͗ɤʀưȐǀƱɰǾʗǾɰǂ
̭͗GȪDzźDzǀȨǀȪɰ͗ʗɤ͗ǾȪƸǾǰǰǂɜǀȪƱǀ ̭͗ŐǀɜɰǾƱźȖǾɰǂ͗ʗɤ͗ǹȵɜǾʶȵȪɰźȖǾɰǂ ̭͗ĆɰźưǾȖǾɰǂ͗ʗɤ͗ƱǹźȪDzǀȨǀȪɰ ̭͗GˀƱǾǀȪƱǀ͗ʗɤ͗ǀˀƱźƱǾɰǂ
̭͗ˀȖǾźɰǾȵȪ͗ʗɤ͗ǾȪƸǂəǀȪƸźȪƱǀ ̭͗ŐǾDzǾȖźȪƱǀ͗ʗɤ͗ƱȵȪˈźȪƱǀ ̭͗úɜǂʗǾɤǾưǾȖǾɰǂ͗ʗɤ͗Ȫȵʀʗǀźʀɰǂ ̭͗üʀźȪɰǾɰǂ͗ʗɤ͗ɛʀźȖǾɰǂ

QUESTIONS üʀǾ͗ɤȵȨȨǀɤ͇Ȫȵʀɤ̶͗ 6ȵȨȨǀȪɰ͗ƸǀʗȵȪɤ͇Ȫȵʀɤ͗Ȫȵʀɤ͗ȵɜDzźȪǾɤǀɜ̶ =źȪɤ͗ɛʀǀȖȖǀ͗Ȩǀɤʀɜǀ͗ƸȵǾɰ͇ȵȪ͗ƱǹźȪDzǀɜ̶ üʀǾ͗ȵʀ͗ɛʀ͒ǀɤɰ͇Ʊǀ͗ɛʀǾ͗ǀɤɰ͗Ȗǀ͗əȖʀɤ͗ǾȨəȵɜɰźȪɰ̶


#͗ɛʀǀȖ͗ǀȪɤǀȨưȖǀ͗źəəźɜɰǀȪȵȪɤ͇Ȫȵʀɤ̶ üʀǾ͗ƸǀʗɜźǾɰ͗źʗȵǾɜ͗Ȗǀ͗ƱȵȪɰɜȸȖǀ̶

ACTIVITÉ FONDAMENTALE 6ɜǂǀɜ͗ǀɰ͗ǀȪɰɜǀɰǀȪǾɜ͗Ȗ͒ǾƸǀȪɰǾɰǂ Élaborer des processus et ȨǂȖǾȵɜǀɜ͗Ȗ͒źƸźəɰźɰǾȵȪ͗ǀɰ͗Ȗ͒ǾȪȪȵʗźɰǾȵȪ Ćǀ͗ƱȵȪƱǀȪɰɜǀɜ͗ɤʀɜ͗Ȗǀɤ͗ȵưȐǀƱɰǾǰɤ͗ǀɰ͗Ȗź͗əǀɜǰȵɜȨźȪƱǀ


des structures organisationnels

(Adapté de Audebrand et coll., 2017 ; Audebrand, 2017)

La capacité d’acceptation des paradoxes est renforcée par la Ces réponses dynamiques, que Smith et Lewis qualifient d’inco-
présence de quatre caractéristiques essentielles chez les gestion- hérences cohérentes, contribuent à intégrer encore davantage les
naires d’une entreprise : tensions aux structures, aux routines et aux processus de l’entre-
1) la complexité cognitive, soit l’habileté à reconnaître et à prise, afin qu’elles puissent être bénéfiques à long terme79. Les
accepter les interrelations complexes entre des éléments réponses dynamiques aux tensions sont tout aussi vitales pour
opposés ; les entreprises alternatives, car elles évoluent dans un monde des
affaires qui leur est souvent hostile et dans lequel il leur est
2) la complexité comportementale, c’est-à-dire la facilité à
difficile de conserver leur identité (Figure 7.8)80.
adopter des attitudes et des comportements variés ;
3) le sang-froid sur le plan émotionnel, c’est-à-dire le calme
et la relativisation pour contrer la peur et l’anxiété causées
par des incohérences apparentes.
4) l’agilité et la résilience78.

78. Les cercles vertueux sont toujours temporaires. En effet, le retour aux
pratiques passées, c’est-à-dire aussi aux certitudes et à l’équilibre passés, 79. La gestion itérative des paradoxes permet d’assurer des pics de performance à
constitue un risque constant à éviter, ce qui requiert vigilance et réflexivité de court terme qui nourrissent la viabilité à long terme de l’entreprise.
la part des gestionnaires. 80. Audebrand et coll. (2017) ; Audebrand (2017).
 ,%- ! .! ' %- %.42 % 3 0/.3 ! " ,% s 5 .%! 002 /# ( %! 8)/,/ ')1 5%

FIGURE 7.8
Les tensions dans les entreprises alternatives

Autonomisation
Flexibilité
Horizontalité
Confiance

DÉMOCRATIE

Complexité DEMEURER UN Certitude


Subjectivité
RENDEMENT Passé
Efficacité SOCIAL ACTEUR DE L'ÉCONOMIE Stabilité
Qualité ALTERNATIVE Prévisibilité
Pa
ra
d
ox
es
de
pe
rf
or
m
an
ce

Intégration Séparation
Homogénéité Paradoxes d’appartenance Hétérogénéité
Engagement COMMUNAUTÉ INDIVIDUALITÉ Indifférence
Affiliation Indépendance
ge
sa
tis
en

Paradoxes d’organisation
pr
ap
d’
es
dox
ra
Pa

Incertitude S'INTÉGRER Simplicité


Avenir RENDEMENT Objectivité
Changement AU MARCHÉ Efficience
ÉCONOMIQUE
Nouveauté CONVENTIONNEL Quantité

HIÉRARCHIE

Direction
Contrôle
Verticalité
Vigilance

(Adaptée de Audebrand et coll., 2017 ; Audebrand, 2017)

La gestion des paradoxes trouve un écho particulièrement organisationnelle, les aspects sociaux et écologiques n’étant pas
pertinent dans la notion de développement durable. La triple intrinsèquement valorisés81. Tobia Hahn et ses collaborateurs
considération économique, sociale et environnementale place proposent, pour leur part, d’aborder la durabilité en adoptant
par définition le développement durable en situation de tension. une perspective paradoxale qui invite à embrasser simultané-
Par le passé, cette tension a généralement été résolue en faveur ment les enjeux économiques, sociaux et écologiques du
de la profitabilité, considérée comme l’objectif le plus important développement organisationnel, lesquels résident à différents
des entreprises, ce qui a entraîné bien souvent des compromis, niveaux et agissent selon des processus, des logiques temporelles
sinon des sacrifices, sur les plans social et environnemental. et des échelles spatiales différents (Figure 7.9)82.
L’approche contemporaine consiste plutôt à penser que les
entreprises bénéficient financièrement de leurs actions en
matière sociale et environnementale. Ce faisant, la profitabilité
81. Hahn et coll. (2018).
demeure l’étalon qui permet de jauger la performance 82. Hahn et coll. (2018).
# ( ! 0 ) 4 2 %  s , ! ' ) , ) 4 ³ 

FIGURE 7.9 même des entreprises dont on attend qu’elles contribuent à


#ADREDANALYSEDESTENSIONSDANSLESENTREPRISESDURABLES l’amélioration du bien-être général de la société, et non unique-
ment à leur propre prospérité83.
CONTEXTE
*65*3<:065 
SP

3»(.030;i*644,:6<9*,+»,--0*(*0;i
AT
IAL

Économique L’agilité concerne au premier chef la capacité à faire face au chan-


Environnemental Social gement, qu’il soit modeste ou qu’il crée une rupture, à petite ou
à grande échelle. Elle se présente à la fois comme une sensibilité
CHANGEMENT
au changement et une habileté à y répondre qui s’avèrent primor-
diales pour développer chez les personnes, les entreprises et les
sociétés du XXIe siècle la capacité à affronter des environnements
NIVEAU

Systémique volatiles, incertains, complexes et ambigus84. Le changement


TE
représente une caractéristique inhérente à ces environnements,
MP
ORE
L et la capacité à s’y adapter ressort comme un gage de perfor-
mance à court terme et de survie à long terme. Sur le plan
Organisationnel
individuel, l’intelligence et l’agilité émotionnelles concourent à
l’efficacité organisationnelle par l’entremise de la performance et
de la satisfaction au travail. Sur plan organisationnel, l’agilité
Individuel consiste à maximiser la valeur créée pour la clientèle au moyen
d’une organisation du travail qui se présente sous la forme de
petites équipes autonomes et transversales, réactives et capables
d’exploiter plus rapidement les multiples bonnes occasions qui
(Adaptée de Hahn et coll., 2015, p. 301)
se présentent. L’entreprise agile, souple dans ses processus et ses
structures, apparaît de ce fait plus efficace pour faire face aux
changements constants de l’environnement85.
En conclusion, une gestion paradoxale de la durabilité implique
d’envisager la performance organisationnelle à long terme. En Le changement peut être désiré ou subi, ce qui renvoie respecti-
effet, à court terme, les progrès réalisés sur un aspect de la dura- vement à la gestion du changement et à la gestion de crise.
bilité peuvent se révéler dommageables pour les autres. En Lorsque le changement est désiré, l’entreprise le planifie et
outre, cette perspective oblige à considérer la performance orga- cherche à en tirer profit pour être plus performante86. Lorsqu’un
nisationnelle au-delà de sa stricte définition financière. De plus, changement d’ampleur est subi et ne permet pas de retour à
une gestion paradoxale de la durabilité invite l’entreprise à l’état d’équilibre qui précède son apparition, le bouleversement
répondre à des demandes sociales ou environnementales même (disruption) constitue une occasion pour l’entreprise d’ap-
en l’absence d’intérêts financiers ou commerciaux immédiats, ce prendre et de se transformer. Cela implique d’accepter sa part de
qui sous-entend qu’une valeur intrinsèque soit accordée à ces responsabilité dans la chaîne d’évènements ayant précipité la
demandes. Cela ne veut pas pour autant dire que l’entreprise
doive négliger ou abandonner son objectif de profitabilité. Elle
doit élargir le spectre des initiatives organisationnelles durables,
83. Scwhartz et Carroll (2008) dans Hahn et coll. (2018).
augmenter sa contribution positive aux enjeux planétaires du 84. Bennet et Lemoine (2014a, 2014b).
développement durable et, ce faisant, revenir au fondement 85. Rigby et coll. (2016).
86. Rondeau (2008).
 ,%- ! .! ' %- %.42 % 3 0/.3 ! " ,% s 5 .%! 002 /# ( %! 8)/,/ ')1 5%

situation de crise afin d’en tirer des leçons pour mieux rebondir87. Chanlat, J.-F. (2003). « Émotions, organisation et management : une
Cette approche l’oblige, en outre, à développer la résilience réflexion critique sur la notion d’intelligence émotionnelle ». Travailler,
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organisationnelle88, soit sa capacité à prendre en compte et à
intégrer des bouleversements inattendus, à l’interne comme à Charbonnier-Voirin, A. (2011). « Développement et test partiel des
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l’externe, afin de retrouver un état d’équilibre et de poursuivre sationnelle ». M@n@gement, 14(2), p. 119-156.
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