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Sous la direction de Gérard Tourot, président de la FNAME et Place et réle de la métacognition dans l'aide spécialisée ‘Armetle Balas-Chanel, Britt-Mari Barth, Rémi Brissiaud, Sylvie Cebe, Gérard Chauveau, Philippe Cormier, Anne-Marie Doly, Frank Jamet, Denis Legros, Emmanuelle Maitre de Pembroke, Jean-Michel Zakhartchouk, Marie-Thérase Zerbato-Poudou Fi 20 RET tm, OCG RETZ 22, rue Saint-Michel RUE ou Déragr 66490 Saint-Jean-Pla-de-Corts 75014 PARIS La métacognition: de sa définition par la psychologie a sa mise en oeuvre a l’école ee 83- [24 Anne-Marie Doly Introduction La métacognition ~ qui est d’abord & comprendre dans le champ de la psychologie d'oit elle est issue et qui la définie et expérimentée comme un processus cognitif en jeu dans la résolution de problémes favo- risant a la fois les apprentissages, le transfert et la motivation - peut étre comprise, aussi et plus philosophiquement, du cOté de la distanciation et de la conscience de soi, c'est dire d’une pensée qui peut fonctionner de fagon critique et réflexive: c'est dans cette double acception qu’apparalt son intérét pédagogique, en particulier pour les éleves en difficulté scolaire puisqu‘elle favorise a la fois la réussite et la motivation. La métacognition apparait en effet avec la notion de «controle inteme», ds le début du xx° sidcle, & travers les travaux sur la méta- compréhension' ~ le sujet qui veut comprendre ce qu'il lit étant appelé 1. Voir, par exemple: Baker L, « How Do we Know when we Don't Understand? Standarts For Evaluating Text Comprehension, in ForrestPresley D. L. & co (ed), Metacognition, Cognition, and Human Performance, vl. 1, Academic Pres, 985; Gombert JoE, «Le tle des capacités métalingustiques dans Vacquisition de la langue éerite», Repéres, 9" 3, 1983 [Ehrlich M-F.,Cahour B., « Contrdle métacognitit de la compréhension: cohésion d'un texte ‘expostif et autoévaluation de la compréhension », Bulletin de paychologe, n° 399, 199 -Métacognition,remédiation a etre & la fois celui qui lit et celui qui surveille son activité de lecture pour en assurer la réussite. Elle s'affirme ensuite, pendant et aprés la guerre, avec les travaux sur la métamémoire et la méta-attention, avec Vapprentissage de stratégies de mémoire et d’attention, en particulier chez les sujets en difficulté dapprentissage*. Souvent mise en rapport avec la notion piagétienne de «prise de conscience» ~ Piaget ne parle pas de métacognition - qui s’exerce aprés coup, selon des niveaux abstraction différents avec la maturation, elle ne peut lui étre assimilée puisque ce processus de contr6le indispensable & la résolution de probleme slexerce avant, pendant et aprés la gestion de la téche. On retrouve son Ole dans des travaux de didacticiens sur Papprentissage de la lecture, la compréhension, Pécriture de texte, Vorthographe ou la résolution de problémes en mathématiques ot le contréle du sujet sur son activité est indispensable. Elle est découverte également comme caractéristique des Elaves en réussite scolaire qui sont dits «experts en apprentissage», «métacognitifs», «transféreurs» et motivés (Wong, 1985; Bouffard- Bouchard et al., 1991). Cette dimension de réussite scolaire et de motivation de la métaco- gnition, associée & la distanciation et au contréle qu’exige 'appropriation des savoirs de culture, se retrouve chez des sociologues de I’école comme Hlizabeth Bautier et Jean-Yves Rochex, dans leurs analyses des rapports des éldves de banlieues difficiles & la scolarité et au savoir, des facteurs déchec social et langagier de jeunes adultes, ainsi que chez Bernard Lahite, qui utilise pour comprendre Péchec des enfants de milieux popu laires & réussir dans une école qui transmet une culture & tradition écrite. 1a tradition philosophique, qui définit depuis Platon et Descartes ce ‘quest penser par une capacité de distanciation réflexive et critique, permet d’éclairer cette analyse. Ainsi, chez Kant, tout acte de connaitre exige une conscience de soi comme condition premigre et nécessaire, chez Hegel, cette conscience de soi, significative dhumanité et de liberté se construit et cela, dans la dynamique d’un rapport du sujet & autre, au travail et & la culture (rapports que l'on retrouve & I’école) ~ la culture tant comprise comme une sorte de pensée du monde des hommes et des choses, qui reconstruit ce monde selon différents modes de repré- 2 Voir, en particulier: Cullen J. L, «Children’s ability to cope with failure: implica. tion of a metacognitive approach for classroom», in Forrest-Presley D. L. & ¢0. (ed), Metacognition, Cognition and Human Performance, vol-2, Academic Pres, 1985; Wong B. ¥.1, ‘ (Cullen, 1985). Ainsi, pour pouvoir mettre en ceuvre des compétences métacognitives, il faut en avoir et savoir qu’on les, posséde, ce qui demande des modalités d’apprentissage spécifiques, la question étant: comment peut s'apprendre une stratégie comme la méta- ‘La métacognition : de sa défnition parla psychologle sa mise en ceuvre & Técole cognition de telle sorte quielle soit consciente et transférable? Et, plus généralement, & quelles conditions la métacognition peut elle s apprendre et étre mise en ceuvre dans les apprentissages ?” Les conditions de fonctionnement de la métacognition décrites ici sont A mettre en rapport avec ce que doit faire Penseignant lorsqu'il vise 2 faire utiliser la métacognition par ses éleves et & leur en apprendre l'usage question centrale sur laquelle nous reviendrons (voir « Caractérstiques de ta tutelle langagitre dans son contenu et dans sa forme», pp. 9699) Ces conditions sont les suivantes: 1. Le sujet doit posséder au départ des métaconnaissances utiles sur le domaine concemé. 2. Il doit pouvoir les activer au moment voulu, ce qui dépend de: _ = Vige. Les jeunes enfants seraient en effet incapables de métacogni- tion, mais ily a discussion sur ce point. Des travaux* centrés sur la notion de «tutelle» montrent que des méres d’enfants trés jeunes savent leur apprendre a étre métacognitifs (voir « Caractéristiques de la tutelle langa gitre dans son contenu et dans sa forme’, pp. 96-99), et que le controle rmétacognitif est pris en charge par des enfants tr jeunes dans leurs jeux ’autant plus quis y ont été habitués par les adultes. La question qui subsiste est celle du degré de conscience auquel Penfant? parvient pour opérer ce contrOle: il est tr8s difficile & évaluer, mais il augmente avec Vage et avec Vaide de Tadulte qui le sollicite; ~ Fentrainement; ~ du fait que le sujet sait quil Tes a; 7.31 ade sources sux contons énnckes: es travaux de recherche enpychooge cognitive notamment sur la métamémore, ql font appara cette pee de ates apprses ds que cee Yenrsnement (lot ct Conover, 99); ks tava que nos os efecnés dans quate cases de cle 2 estou delet Gans deus clas de lige, Pendant = ‘& quatre ans sur les apprentissages scolaires, " Bouflar-ouchard , Gagne Dupult Ny (Bruner, 1983). Caractéristiques de la tutelle langagitre dans son contenu et dans sa forme La grande majorité de ces recherches (Day, 1985; Doly, 19962, 1996b) se situe, aprés la référence au dialogue socratique et sa «maieu- tique», dans le méme cadre théorique vygotskien dont on peut rappeler les principales idées & travers les extraits empruntés au texte de Vygotski (Shneuwly et Bronckard, 1985): « Chaque fonction apparaft deux fois dans Te développement culturel de Yenfant, d'abord entre les individus puis dans Venfant. Cela s'applique aussi bien & Vattention volontaire qu’a la imémoire logique et & la formation des concepts. Toutes Jes fonctions supérieures (& savoir “conscientes et volontaires”) débutent comme des relations effectives entre individus humains.» Ce qui est affirmé ici, ce sont les conditions sociales et culturelles du développement de V'intelli- ‘La métacognition : de sa déinition par la paychologe & sa mise en ceuvre A ecole gence de enfant comprise du c6té de ses « fonctions» comme des connais- sances, «les concepts». Autrement dit, cest parce que l'enfant apprend, dans et par une relation sociale d’abord asymétrique, culturelle et langa. gitre — le langage étant & la fois moyen et fin de cette relation éduca- tive - que son intelligence peut se développer. Vygotski insiste sur le role des adultes dans ce qui le définit comme «aide» 2 apprendre, c'est -dire a aller audela de ce que Venfant sait faire seul, en «zone proximale» ainsi que sur Paspect transmissif de cette relation: «Ce que l'enfant est en mesure de faire aujourd’hui a l'aide des adultes, il pourra V'accomplir seul demain.» Ce qui va permettre a cette aide transmissive de produire lun apprentissage est le fait qu’elle est langagitre: le langage remplit la double fonction de signification (construire le sens des actes plus exac- tement, mettre les actes en sens) et de communication”, et il est ce qui permet 4 l'enfant «d'intérioriser ces significations et leurs modes de construction que Padulte était seul & mattriser au départ et qu’il a «mis» dans la communication: «L’apprentissage anime chez Venfant [...] des Processus qui, & un moment donné, ne lui sont accessibles que dans le cadre de la communication avec l'adulte et de la collaboration avec des camarades mais qui, une fois intériorisés, deviendront une conquéte propre de enfant [.... » Par cette médiation spécifique, enfant peut Passer d'une dépendance de la régulation par Padulte de ce qu'il fait & ‘une co-régulation puis a une autorégulation, autrement dit, a ce que ’on appelle aussi un contréle métacognitif, par «Iautolangage » ~ l'enfant se disant peu a peu & luiméme ce que V’adulte disait pour Vaider: « L’enfant apprend d'abord & conformer son comportement & un ensemble de regles externes [..] et ce n’est qu’ensuite qu’apparait 'autorégulation volontaire du comportement comme une fonction intérieure de l'enfant lu-méme.» Et Bruner (1983) @ajouter: «Bien que les adultes assistent l'apprentis- sage des enfants de facon systématique, ceux-ci doivent pouvoir s'aider eux-mémes et, pour ce faire, doivent prendre conscience de leurs propres activités.» L’aide langagitre de Padulte sous forme de «tutelle», comme Bruner en développe Tidée (1983), étant ce qui permet cette prise de conscience en méme temps que appropriation progressive de ses moda- lités et donc le désétayage. Ainsi, le sujet construit-l son intelligence par des apprentissages effectués sous la conduite d’une tutelle sociolangagiére 1, Contraivement & la these piagétienne, les ates de Venfant ne portent pas en eux mémes tout ce qui permet de les comprendre, méme sil en portent le substat: c'est le langage de Vadulte qui médiatise le rapport au monde de Tenfant et & ses propres actes, dui construit ce sens et le communique ® Venfant. ‘Métacognition, remédiston des adultes qui permet & enfant dopérer une intériorisation progressive de cette tutelle et de la culture qui Paccompagne, d'une hétéro- et d’une corégulation a une autorégulation. + Objectifs et forme de la tutelle™* Concernant les objectifs de la tutelle, il s'agit de faire opérer, pour <»), conduite chacun le plus loin possible dans sa zone proximale, aurdela de ce quill aurait fait seul mais sans pour autant faire & sa place. Ce guidage requiert du professeur une grande disponibilité, une écoute lige a la conflance quill a dans la compétence des éleves, ce qui se développe chez les enset, gnants au fur et a mesure quils avancent dans ce travail. A la finde cette séance, les éléves ont donc une fiche de critéres d’évaluation qui décrit Je produit & viser. Le plus souvent, ils demandent qu’une fiche supple mentaire, souvent appelée «Attention!» soit faite concernant les diff cultés quis ont du mal a vainere ou méme a percevoir (par exemple Pusage de mots familiers, la déperdition ou émergence brutale de person ages, le changement de temps, et.)®. Le professeur interroge enfin les ves sur les procédures mises en ceuvre: «Comment vous yétes vous pris?» Comment avez-vous commencé?»; «Qu'estce qui vous a aides?» : Comment vous étes vous assurés que vous aviez fait ce qui fllait?» de cee eso debe oe cena a a>, seénario déja décrit pour les criteres d’évaluation), doit mener 2 I'éeri ture d'une seconde fiche, centrée sur les «critéres de procedure» ou «de réalisation>, Ce qui tessort de cette réflexion est quil y a deux grands types de procédures: 1. «J'ai imaging histoire dans ma tete et je Pai crite ensuite» (ce qui correspond a la «planification>) avec des préci sions comme «J'ai pensé tres vite a la fin de mon histoire», «J'ai pensé a des personnages», «Je me suis inspiré de tell histoire», «Pai cherché de jolis mots», etc); 2. «J'ai écrit petits bouts par petits bouts». Cette demitre procédure ayant été reconnue comme peu effcace, elle a été complétée par : «Quand on écrit petits bouts par petits bouts, Il faut relire le tout & chaque petit bout nouveau pour étre sar quills vont ensemble» ou encore «Il faut faire des phrases de transition pour ier les bouts». 18, Cela sest produit dans toutes les clases, 2, Cette fiche peut étre plus ou moins personnalisge et permet & chacun de mieux se comnaitre, Métacogniton, remiédiation ing objectifs ont été visés dans cette évaluation collective: prendre conscience des procédures utilisées spontanément par chacun (et le plus souvent ignorées au départ); prendre conscience qu'il y en a d'autres (par comparaison); prendre conscience qu'il y en a de plus efficaces que d'autres (en comparant procédures et performances); prendre conscience de la différence entre ordre de réalisation de procédures (sélection q'infor- mations, introduction, conclusion, plan, relecture, etc.) et ordre de présen- tation pour les lecteurs (ce qui exige une logique différente); faire évoluer sa procédure (il ne sert & rien d’obliger un éléve & mettre en ceuvre une procédure totalement extérieure a ses compétences actuelles; cela retarde au contraire son efficacité), 8. Les éleves évaluent individuellement leur copie avec leurs fiches pour prendre conscience de leurs propres erreurs et se donner des objec- tifs de réécriture. Ce travail individuel est difficile et demande l'aide du professeur: il faut éviter la surcharge cognitive, et le controle de trois, quatre erreurs est déja exigeant. 9. Les éléves réécrivent leur texte individuellement avec Vaide-tutelle systématique et différenciée du professeur. Ce dernier les aide surtout & partir de leurs questions, qui sont beaucoup plus précises ct pertinentes apts ce travail: ils ont appris a «se faire aider», ils peuvent dire quelque chose de leurs difficultés, ils ont une référence commune avec le profes- seur, & savoit la fiche de critéres. Cette réécriture est totale ou partielle ‘selon les conseils du professeur et le choix de I’éleve. 40. Le professeur évalue cette réécriture en annotant la copie elleméme de telle sorte que I'éléve sache sur quels critétes il a progressé et ceux qui restent a travailler. L’éleve pourra ainsi se connaitre comme «scripteur», et pourra éventuellement réécrire une seconde fois, ce qui a été le cas le plus souvent et & leur demande. 1 convient d’éviter les évaluations néga- tives et sanctionnantes du type «charabia», «hors sujet», «incompré- hensible», «incohérent», etc., et préférer les formules comme: «Réécris, cette phrase plus clairement», «Ajoute une phrase pour que Yon comprenne», «Trouve un plus joli mot», «Annonce Varrivée du person- nage dans une phrase précédente>, etc. Il sagit en effet d’aider Véleve & repérer ses erreurs par rapport aux critéres connus afin qui puisse réécrire, et non de le sanctionner par rapport & une norme non dite. Il n’est pas nécessaire (et peu possible, surtout au collége) de reproduire ce schéma complet & chaque écriture, mais les éléves qui s'habituent & ce travail Yeffectuent avec plus de rapidité. Ce travail développe clairement la moti- vation et la persévérance des éléves qui se découvrent compétents et capables de progrés, en développant une internalité du controle et un {a métacognition : de sa défnition par la psyehologe & sa mike en ceure A ecole sentiment dautoefficacité. Une évaluation de ce travail auprés des éléves fait en effet apparaitre ~ leur progrés dans la compétence a l’écriture elle-méme; = leur progres dans la conscience de leurs compétences, la connais- sance d’euxmémes (défauts, progrés). Ils ont davantage confiance en eux our écrire, d'autant plus quills ont le sentiment de maitriser les regles et donc les moyens du progres; ils sont également beaucoup plus persé- vérants et ont nettement développé une motivation («On devient plus intelligents!», ce que notent aussi les professeurs, lorsqu'ils déclarent, par exemple: «Je les vois devenir intelligents >»); ~ leur appréciation positive de cette forme de travail: «La fiche nous aide; «Elle nous sécursem; «C'est pls facile décrire avec la fiche», ~ la fiche est une sorte d’intermédiaire de tutelle et un outil: «On s‘en sert beaucoup au début et puis aprés on la connait»; «Aprés, Ia fiche est trop raide et on devient meilleur que la fiche » Apprendre & contréler son orthographe Ce travail d'apprentissage de Vorthographe chez les éléves par déve- loppement de leur capacité de contréle métacognitif a fait Vobjet de trois séries de recherche: en CMi et en CM2 (1998/1999), en CE (2000/2001), en CM et au collége (ZEP) (2003/2004). Il peut étre mis en rapport avec la réflexion d’Anne-Marie Chartier, qui attribue la supériorité en dictée des éleves des années 1920 sur ceux de 1995 & «de meilleures capacités autocorrection, [...] d’autocontrdle en dictée», autrement dit de compé- tences métacognitives et «au progrés dans I’intériorisation d'une conscience orthographique», autrement dit & acquisition de métacon- naissances en orthographe. D’oit elle conclut que «pour améliorer les performances des éléves [...], il faudrait jouer tout autant sur la capacité @autocontréle [...]. La vigilance attentionnelle conditionne les capacités dautoévaluation, exige concentration, retour sur la tache, distanciation, dissociation entre contenu et forme. Or c'est une compétence dont on peut supposer qu’elle s‘investit dans d’autres activités scolaires et qu’elle constitue un atout important pour rendre tous les apprentissages effi- caces, une fois les savoirs compris et acquis». La mise en ceuvre de ce 20, Chartier A.-M, «Epreuves du cemtificat d'études primaires en 1995. frudes de quelques facteurs ayant pu agir sur les résultats des eves, Education et Formation, n* 53, Mars 1998, p.1934 _Métacognition,remédiaton controle métacognitif exige que les éléves apprennent & se connaitre en orthographe (Quelles fautes fontils? Quelles procédures de correction utilisentils? Qu’estce qui est su, ignoré? Etc.). C’est dans ce sens que nous avons mis en ceuvte le travail dans les classes qui a ensuite conduit ala modélisation proposée ici Llobjectif didactique général est de faire progresser les éléves en ortho- graphe par usage du contréle métacognitif, Vobjectif opérationnel étant de conduire les éléves a prendre conscience de leurs lacunes, des types de fautes qu’ils font, autrement dit de construire des métaconn: sances en orthographe pour favoriser la mise en ceuvre et Papprentis- sage du contrOle orthographique. 11 s'agit par 1 de développer une motivation pour lorthographe par le développement d'une attribution inteme et d’un sentiment d'autoefficacité. Une premitre modalité péda- gogique de ce travail a été de faire construire aux éléves deux outils: ~ un tableau d’évaluation des fautes soumises au contréle dans lequel chaque éleves note celles qu'il fait & chaque dictée; 7 une fiche-outil qui constitue une ressource facilement utilisable pour que les éléves «s'aident eus-mémes» a effectuer le contréle. Les différentes éapes de la démarche; la construction et Vusage du tableau d’évaluation 1. Au départ, le professeur fait faire une dictée non préparée, choisie parce qu’elle présente des problémes orthographiques en zone proximale, Cesta-dire déja rencontrés mais non maitrisés, sur lesquels le professeur veut faire progresser les éléves, 2. Il écrit Je texte au tableau, Avec les éléves, il identifie et nomme toutes les fautes faites par la classe: on veillera & travailler la dénomi- nation des fautes pour qu'il n'y ait pas d’ambiguité pour les éléves. Par exemple, les éleves reperent les confusions «et/est» ou «on/ont». Le professeur interroge: «Comment peut-on les désigner dans les colonnes de notre tableau? » Une discussion s‘engage, qui conduit a la désignation par »), en signalant en rouge les fautes non percues (elles sont soulignées, ou signalées dans la marge, ou encore désignées en tte de page par le nom des fautes en question) et en cortigeant (en bleu) les fautes non soumises au contréle des éléves. I peut mettre une premiére note (en cycle 3 ou au college); ~ il redonne les-copies et fait refaire une correction soit individuelle, soit collective, voire les deux. Dans le cas d'une correction individuelle, le professeur offre une aide- tutelle différenciée. Au moment de la correction collective - qui n'a pas toujours lieu -, il fait une synthase des fautes qui disparaissent et de celles ui subsistent. 11 fait revenir les éléves sur les connaissances qui étaient nécessaires 8 la correction; il leur demande de trouver des moyens mnémotechniques pour ne pas se tromper dans Vorthographe de tel ou tel mot. Tout cela pourra figurer dans outil-ressource. Alla fin de chaque séquence, chaque éléve doit noter, avec Vaide du professeur, dans son tableau, les fautes qui n'ont pas été repérées et corrigées aprés la premitre relecture, et supprimer les colonnes deve- rues inutiles. Chacun doit pouvoir prendre conscience des progrés qu’il a effectués et des fautes qui subsistent: chacun apprend ainsi & se connaitre en construisant des «métaconnaissances> sur son rapport & Vorthographe. Au troisiéme trimestre, le professeur n’aidera plus que ceux qui sont Ie plus en difficulté. 1 mettra deux notes (avant relec- ture et aprés) pour faire percevoir les progrés faits par chaque éleve (la perception du progrés, méme minime, est facteur d'internalité du _Métacognition,remédiaion contrOle et de sentiment d’autoefficacité, et donc de motivation), mais aussi des erreurs restantes. L’expérience et les difficultés rencontrées dans ce travail nous ont conduit a repérer des modalités pédagogiques qui facilitent la tache du professeur et des éléves. Les facteurs pédagogiques facilitants ~ Le professeur peut produire luiméme ses dictées en fonction de ses objectifs et des difficultés des éleves. Il pourra ainsi éviter leur surcharge cognitive et aussi faire répéter et réinvestir des apprentissages effectués. = Il proposera au moins deux dictées de suite sur les memes objectifs, puis il fera une pause et reprendra le travail afin ’évaluer le transfert de Vapprentissage. = Il peut viser 4 automatiser certains apprentissages nécessaires pour faciliter le contr6le en faisant faire des dictées de mots d’usage ou de tout autre élément de Voutil-ressource: un éléve est chargé de réperto- rier cing ou six mots/expressions repérés comme difficiles, et les dicte aux autres, & la manire du calcul mental que font certains enseignants. ~ Le professeur méne en paralléle des activités didactiques sur les objec- tifs fixés & partir des évaluations: ces activités sont pédagogiquement variées (magistrale, situation-probléme, entrainement, etc.) et doivent donner aux éléves les connaissances qui permettront aussi leur contrdle. Le type de travail proposé permet justement aux éléves de prendre conscience quills ont, ou n’ont pas, assimilé ces connaissances : c'est une forme de métaconnaissances. + Faire élaborer un outilressource pour faciliter le contréle métacognitif des éleves Loutil le plus communément utilisé par Jes enseignants est un carnet de mots et de régles, le plus souvent trop important en particulier pour les élves auxquels il devrait étre le plus utile. Il faut donc construire un uti] facilement utilisable et, pour cela: le construire avec les éleves en. plusieurs fois; le construire et le faire évoluer a partir d’une réflexion sur leurs dictées, sur les textes qu’ils font en lecture et les éléments qu'lls y rencontrent le plus souvent; I'élaborer sur une feuille ou deux, divisée en cases distinctes et inégales dévolues & des rubriques différentes et inha- bituelles: mots d’usage, expressions fréquentes, fautes spécifiques et réc- ‘La métacognition : de sa défnition pa ls psychologe sa mise en cewe & Técole divantes du type homonymes, exemples de fautes fréquentes, mots inva- riables, etc.; moyens mnémotechniques, régles de référence (pour diffé- rencier d et a, ou et oil, verbe conjugué et participe passé, participe passé et infinitif, etc.); revoir Poutil réguliérement: pour le connaitre (on peut le faire réciter), pour le faire évoluer: supprimer des éléments acquis, les remplacer par autres. + Mettre en ceuvre une tutelle pédagogique adaptée Pour intervenir auprés des éléves, comme on I’a vu & propos de la tutelle, il faut éviter & ta fois d’étre non-directif et de faire & leur place, de «laisser faire» et d’étre «sanctionneur» et prescriptif afin de conduire chacun vers une meilleure connaissance de soi et vers la possi- Dilité de contréler sa propre activité en utilisant les outils. Dans cette perspective, le professeur peut aider: en faisant anticiper les él@ves sur les erreurs possibles au moment de la lecture du texte qui va étre dicté; en dictant phrase par phrase (ou deux phrases par deux phrases) pour éviter la surcharge cognitive et laisser le temps du controle ; en facili tant usage du tableau pour relire et en signalant le type de faute effectuée dans telle ou tele phrase. Pour ceux qui sont le plus en diffi- culté, il pourra diminuer le nombre’ de fautes & controler (moins de colonnes dans le tableau), voire la longueur de Ia dictée; pointer le liew et le nom de la faute lors de Vautoévaluation ; faire un groupe de besoin permettant d'entrainer les éléves sur les types de faute qui les concernent. Evaluation de ce travail Les Evaluations régulidres de ce travail montrent un progrés de ensemble des éléves en orthographe, méme si ce progrés est plus lent our les éléves de trés bas niveau: il n’y a aucun éléve qui ne progresse pas du tout. Elles montrent aussi, et avec évidence, un progrés général de la motivation, qui devient forte et trés inhabituelle en orthographe pour ce type de travail (« Chic, on va faire une dictée, je vais voir combien je fais de fautes en moins», dit un éléve de CM2), qui dédramatise le rapport de Péleve & Vorthographe en permettant dinternaliser le contréle, en développant un sentiment d’autoefficacité, en particulier chez les laves qui progressent trés lentement. Cependant, un probléme subsiste: la difficulté & évaluer le transfert de ces progrés & long terme. Métacognition,remeédiation Les ateliers d’écriture en maternelle ou l’écriture inventée Apprendre a écrire reléve de deux types d’apprentissage, qui corres- pondent & deux grandes orientations et perspectives dans ce domaine: Vapprentissage du geste graphique de type perceptivomoteur, construit & partir des travaux de Lurcat et la perspective de Ferreiro, Jaffré et Zerbato- Poudou, selon laquelle apprendre a écrite, ce n’est pas seulement apprendre un geste graphique, est apprendre & écrire une langué, c'est a-dire un systdme de signes signifiants. Le choix d'une perspective n’exclut pas Vautre, et les deux types d'objectifs poursuivis nous paraissent devoir étre développés: dans un cas comme dans Vautre, comme le montre Marie~ ‘Thérése Zerbato-Poudow, il s’agit de mettre en ceuvre une démarche utili sant le controle métacognitif, et de faire prendre conscience aux éleves de ce qui constitue Vécriture: des mots et des lettres écrits selon des régles ordre et des formes qui traduisent des sons, et sont signifiants. Cette perspective suppose un travail sur la conscience phonique et n’exclut pas, bien au contraire,.d’autres travaux sur le geste graphique comme sur la lecture, la reconnaissance de mots, de lettres, etc. Le travail proposé se présente sous forme de situation-probléme: 'éleve a A écrire alors qu’il ne sait pas écrire mais qu’il a des acquis, variables selon les éléves et les niveaux de classe, qui concernent la langue orale, la langue écrite et leurs rapports et qui servent de point de départ. Nous avons modélisé un travail effectué dans deux classes de mater- nelle, une petite section et une grande section, aprés deux années succes- sives de mise en ceuvre. = Procédure pédagogique: un objectif didactique vise 8 apprendre aux éléves des connaissances et des compétences sur la langue écrite, et, en particulier, le rapport entre écrit et oral. L'objectif opérationnel vise faire apprendre controler son écriture en apprenant et en utilisant des métaconnaissances sur Pécriture et la langue écrite. ~ Déroulement des séances: on place les éléves (en atelier de 6 & 8) en situation-probléme:: ils ont & écrire quelque chose, un mot, une phrase, ce quiils ne savent pas faire, mais sur quoi ils ont des ressources. Ils ont en effet des acquis: ils connaissent des mots, des lettres, pour les plus grands; ils savent différencier mots et images, ils ont des compétences orales et quelques connaissances sur oral pour les plus jeunes. Is ont ‘21 « Lapprentssage de 'écriture en maternelle: re de la médiationsémiotique ,Stholé, 1 2, 1995, PP. 5783; «A quol servent les exercices graphiques», Rep2res, n® 2627, 2003, pp. 6471 {La métacogniton: de sa défiition par la psychologle & sa mise en oeuvre & Vécoke des ressources avec les divers outils constitués en classe (atffichages, fiches, productions écrites diverses, etc.), et, surtout, l'aide-tutelle du professeur gui intervient pour aider au contréle métacognitif avant, pendant et aprés la gestion de la tache, pour les faire progresser dans la représentation de Vécriture et du but a atteindre, c'est-rdire dans leurs connaissances de écrit et leurs compétences a écrire. Il intervient pour faire verbaliser et analyser leur procédure et leurs résultats: en effet, ils inventent des régles, font des analogies pour construire une procédure, parvenir & produire quelque chose qui «resemble» la représentation quills ont de Pécriture. Le professeur vise & leur faire expliciter ces procédures et résultats, afin de leur en faire prendre conscience, le but étant qu’ils saisissent égale- ment la différence avec celles et ceux qui sont justes et, ce faisant, de les leur faire acquérir progressivement. Il vise aussi A faire prendre conscience aux éléves qu’ls progressent dans leurs compétences & écrite, ce qui permet de développer leur motivation a apprendre & écrire et & lire. ~ Etapes du travail: Situation de départ: on apprend a écrire son prénom; on écrit la phrase qui suit une lecture arrétée; on écrit un mot 2 notre marotte pour lui dire que nous sommes au cinéma, etc. Le maitre choisit un énoncé dans lequel de nombreux mots sont connus des éléves ou que ces demniers peuvent retrouver facile ment. Premier jet: chacun écrit la méme chose. Le professeur rappelle ou fait rappeler des ressources utiles : mots connus, affichages, dictionnaire, etc Cette étape lui permet de savoir ott en sont les éléve dans la connais- sance de Ja langue (ordre des lettres, des mots? segmentation? rapport sraphie/phonie? principe alphabétique?), de constater leurs procédures (ils se disent lentement les mots pour bien articuler tous les sons); il les aide 4 les reformuler, a identifier certaines erreurs (il peut aussi évaluer le transfert d'autres activités sur V’écrit), = Evaluation: Le professeur demande a chacun de lite en suivant avec le doigt: il vise & faire prendre conscience a l'enfant du rapport entre ce qu'il a écrit et ce quill entendait et voulait écrire: «De ce qu'on a dit, qu'estce qui est écrit?» (Compter les mots, montrer tel mot, telle partie de mot...) 1 vise aussi a faire expliciter aux éleves les procédures qu’ils ont utilisées, @autant quil les aura aidés & en prendre conscience pendant Vécriture. 1 fait opérer des comparaisons entre les différentes productions des *, pour se concentrer sur ces systémes qui portent leurs «raisons», c'est-adire pour y consacrer une pensée qui réftéchit, «cogite», les psychologues diraient qui «contréle de fagon métacogni. tive»: en d'autres termes, une pensée qui se distancie du monde, revient sur elle-méme ~ et non sur le monde ou sur les autres’ ~ pour le comprendre et juger. Ainsi, la compréhension de T'idée de culture, telle gue école doit en assurer en grande partie la transmission, permet de saisir Vimportance des comportements métacognitifs de contréle, distan- cigs et réfléchis. Et Cest justement dans ce rapport ala transmission culturelle par 'école gue la métacognition nous paratt prendre & la fois sens et valeur: en donnant & la notion de «conscience » des philosophes, qui définit ce qu’est Penser, un mouvement dynamique, la métacognition permet de comprendre ce que peut vouloir dire « apprendre a penser» dans ce milieu spécifique et unique qu’est 'école, dévolu a «I’éducation par Vinstruc- tion» «A la raison», comme dit Hannah Arendt. La métacognition Pécole, si elle n'est pas rapportée aux savoirs et & la culture & transmettre, mais utilisée seulement «psychologiquement », laisse espace de la rela. 23. Voir Condorcet, « Rapport et projet de déeret sur Vorganisation générale de Finstruc- tion publique» (1792), in Vive I'eolerépublicaine, Texts et discours fondateus, Pais, Libvio, 1999. ‘24, Volr Elizabeth Bautler et Jean-Yves Roche, pp. 168. 25. La pensée «critique» et réflenive qu'es la raison nest pas une pensée «qui extique » ‘mais une pensée qui est capable de «se critiquer», c'est--dite de différencer en ellesméme croyance et connaissance, wérité et fausseté bien et mal et, par Ia, de juger. 26, Arendt H., «La crise de Tdueation», in La crise de la culture, Pars, PUF, 1972 Métacogniton,remédition tion él’ve-professeur vacant, ce qui fait courir & ’éléve, redevenut une Personne privée (qui n'est plus définie et protégée par le rapport insti- tutionnel au savoir et au professeur qui en est la figure), le risque d'etre », a gn ond temps par la recherche et la valorisation chez les Eléves de cc ay ments «sociaux», «créatifs», «épanouissants », qui font passer au se oy plan, voire effacent, les objectifs de I’école et, du méme coup, apie cation. Ces analyses font apparaitre que ces choix eae q eae une meilleure intégration et une meilleure réussite de ces el ves: an culté a l’école, aboutissent en réalité a inverse: ceux qui en pl ae sont «les bons éléves», qui sont capables de la réflexion aes nécessaire pour lire, au-dela des projets et derriére la Sen a chée, les objectifs des professeurs et, par 1a, le sens de Vécole. 4 ae on se apace nye scl one ae de savoir & quel type 'apprentissage (les Leal area deeb ont donné lieu pour les éléves: le produi vo sément rocessus de fabrication, et il n’est pas évident que la téal lise en apprentissage. [...] La profusion des réalisations {...] ne ae ee de rendre plus difficile aux éléves l’identification des. objets re ae eeprom on tg eee se a sur un registre métacognitif ou métalangagier, a faire la eases taches et objets d’apprentissage apparaft comme Tun Oe te i ze différenciateurs tant du point de vue social que cogniti f entre ns élaves» et «éléves en difficultés» et donc comme l'un a Ea enjeux d’une démarche réellement démocratisante. Le probléme ee alors de la nécessité de ne pas confondre le souci de donner aux act aan scolaires un caractére attractif et celui de faire que Tes éléves reconné se ar pte to ti pa tp plus «concret», censé étre plus «signifiant» pour ces éléves qu vont [La métacognition : de sa défntion par la psychologe& sa mise en ceuvre & Pécole de ce qu’ils visent, de ne faire que renchérir sur leur échec scolaire. Le souci de motiver les apprentissages, sil fait confondre aux éléves ce qui motive et épanouit avec ce qui apprend, risque de laisser les éleves dans Timmédiateté béate du rapport aux «habillages» pédagogiques, qui leur cachent le sens réel de Pécole et le moyen de leur progres, sil nest pas compensé par la volonté d’apprendre, en méme temps que les savoirs, les compétences métacognitives qui en permettent appropriation, Lapprentissage de la métacognition, comme moyen de prendre le recul nécessaire pour penser la réalité au-dela de ses apparences, pour la comprendre et la maitriser, apparait comme une condition nécessaire de la réussite scolaire. Bautier et Rochex poursuivent sur cette exigence de distanciation du réel et de refus d'une immédiateté alignante: «Le réel en Tubméme n’apprend rien, c'est activité de pensée sur le réel, en Tupture avec le donné et avec Vaction immédiate, qui est productrice apprentissage et de progres {...] Les conceptions trop exclusivement expressives, épanouissantes, ou réctéatives [..] s'exercent trop souvent aut détriment de la nécessité de faire que les éleves s'y approprient les contenus de savoirs ...]. Ainsi, les €valuations fontelles le plus souvent état d'amélioration portant sur le climat scolaire, sur des criteres dlatti- tude, de plaisir ou d’épanouissement des éléves sans pour autant faire apparaitre de progrés concemant les apprentissages et aussi la réconci. Hiation avec Vécole comme lieu d'apprentissage [..] » Le registre des apprentissages et du développement cognitif ne peut il étre en lui-méme Producteur deffets de socialisation? L’évitement de ces questions, qui Sont aussi des questions politiques, nous semble mener tout droit 4 une Ecole & deux vitesses od, d'un cOté, es apprentissages et la culture parti ciperaient du développement des enfants d'origine favorisée, tandis que, de Vautre, on viserait & socialiser et & «consoler les pauvres» plus qu’s leur fournir les instruments intellectuels de leur émancipation. On répon- Grait @ une perte ou une absence de sens des apprentissages de leurs Contenus par la promotion ou le développement d'une sociabilité et d'une convivialité sans objet. N’est-ce pas 1a l'un des moyens les plus sirs d’aller 4 Tencontre des objectifs de démocratisation affichés? Les comportements métacognitifs apparaissent ainsi comme caracté- ristiques des éléves en réussite scolaire et comme condition de démocra- tisation de l'enseignement. Ce sont eux qui permettent d'effectuer les distanciations nécessaires pour opérer les «ruptures épistémologiques > sans lesquelles aucun apprentissage n'est possible ~ l’éléve restant englué dans la «variété colorée> et immédiate du réel au lieu d’étre guidé dans Métacognition, remédiaton la «variation» propre a expression de la pensée réflexive et scient fique. L'éole a donc bien & se préoccuper d’apprendre aux éléves, et particuligrement 2 ceux de miliewx populaires, ces compétences métaco- gnitives mais rapportées aux savoirs visés par la transmission scolaire, sans quoi lécole risque fort ¢’épanouir sans émanciper™, et de manquer 2 sa mission «d’instruction publique». Echec scolaire, langagier et social, et métacognition: Panalyse d’Elisabeth Bautier (1995) Léchec scolaire, social et identitaire de jeunes adultes est mis en rapport avec un apprentissage du langage qui a négligé & la fois le rapport a Padulte et les compétences métacognitives nécessaires. L’auteur fait des constats sur ces jeunes adultes: ; = Ils ne se pergoivent pas comme sujets, producteurs de leur discours. Leur parole est brive, ils ne parviennent pas & accéder au discours long. r, Cest Iui qui permet de dépasser le constat, la désignation, expression du besoin immeédiat et le rapport pragmatique au monde vers Vexplication, le projet, le ciésir, abstraction, Yexpression de la pensée critique et réflexive, autrement dit, c'est lui qui pose T'individu comme sujet de sa parole, capable d'utiliser le langage pour modifier une situation, pour comprendre le monde (et luiméme) et communiquer cette compréhension. = Ils ne manifestent aucune activité métalinguistique, voire la refuse. r, elle est indispensable pour conquérir une maitrise de Ta langue qui suppose a la fois une connaissance de la langue comme objet et une pratique fonctionnelle contr6lée de la langue (comme outil) pour pouvoir Epc ce penn ut as oman re hee ener SP ee espe ae ri cg oe ae Se Eta oat gal choses, des raisons des discours, des raisons des actes et des pensées [...] (ce qui exige {a métacogniton : de sa definition par la psychologe sa mise en ceuvre a Técole la conformer aux régles exigées par l’écriture et donc par ensemble de appropriation de notre culture. Comme le dit Lahire, ces compétences et ces connaissances métacognitives sont indispensables pour faire en sorte que chacun puisse devenir «égislateur de sa propre langage » comme «de sa propre pensée» et produire so-méme du sens étre sujet de sa parole ~et le communiquer & tout individu, quelle que soit sa situation, Elisabeth Bautier fait alors une double hypothese explicative: 1. La non-maitrise du langage viendrait de l'absence de situations @usage, en particulier de situations d’interactions asymétriques enfants/adultes dans lesquelles la langue de ’aduilte sert & la fois de mode en zone proximale (audela de celui du sujet mais accessible), dinterlo- cuteur non connivent capable a la fois de le reconnaitre comme sujet une parole autonome, et de hi servir de miroir évaluatif qui le renvoie a sa propre parole pour en favoriser la prise de conscience et le contréle, pour la modifier et la faire progresser. 2. «Pour apprendre, il faut se penser dans une situation d’apprentis- sage»: il faut savoir que Yon apprend et savoir ce que signifie progresser quand on apprend. Autrement dit, et lorsqu’il s’agit d’apprentissage de la Tangue orale, le sujet doit pouvoir mettre sa parole & distance pour -. Cela suppose qu'il sache ce que sont les criteres qui défi- issent le «savoir parler» ~ et donc de connaiftre la langue comme objet = afin qu'il puisse y rapporter sa parole et savoir comment la faire Drogresser ce qui ne peut se faire que dans un rapport régulier avec des «experts» en parole et en apprentissage de parole (des adultes, des ensei- gnants), qui soient & la fois des modeles, des pédagogues, qui aient la volonté de faire progresser les novices et, pour cela, de jouer les roles ncessaires - évaluateur, interlocuteur ot co-acteur d'une situation, conn vente ou non, etc. - ainsi que des pédagogues experts en métacognition, qui puissent apprendre aux novices a V'utiliser pour progresser dans leur langue comme dans son usage normal. En effet, les situations d'usage entre pairs n’ont pas ces vertus: elles visent davantage au maintien de la connivence, du lien et des rituels communs, qui ne permettent de construire et de maintenir qu’une identité «communautaire » conjonc- turelle, qu’au progrés vers un «bien parler» valeur universelle. L& encore, la métacognition apparait comme indispensable au progrés du sujet, dans sa construction identitaire a la fots langagiére, sociale et cultu: relle. Mais ici aussi, la médiation sociale, culturelle et langagiére de Vadulte est indispensable, car les comportements métacognitifs, comme on L'a dit déja, ne sont pas spontanés, en particulier lorsqu'l s'agit de la parole et de celle des enfants de milieux populaires. Métacognition, remediation Dans cette méme perspective danalyse d'une école qui se trompe sur les moyens pédagogiques de sa démocratsation, valovser, dans le cadre d'un apprentssage de la langue, son usage comme outil de communica tion au détriment de étude de sa nature, de son fonctionnement et de ses normes, ce qui exige un travail métacogitf précoce et continy, a Pour conséquences, contrairement & ce quien est attend, de ceuser les Inggaliésscolares et de rendre plus dificil pour ls eves aul en s privés chez eu, le passage & une langue de culture et 8 Yécriture et donc la langue du pouvoir social et culturel®. C'est, [a encore, le role culture ’émancipation et de préparation & la citoyenneté de l'école qui est remis en cause". Conclusion La métacognition telle qu’elle est définie par les psychologues, c'est: a-dire ni au sens de connaissances métacognitives, ni comme autorégu- Tation, ni comme prise de conscience aprés coup, encore moins comme modalté psychanalyique™, mas en tant que caractéristique des éltves «experts en apprentissge>, est prometteuse de motivation = dont nous avons vu Tapport& la construction identiaie par le biais du concept de sol ~ et de réusste dans les apprentisages. Cette fonetion de conte & de ltanciation réflexive apparait chet certains sociologues de Técole comme indispensable a la réusite scolaire dans la mesure ot le re de Vécole est de transmettre& tous ls eves les savois de leur culture, au premier rang desquels figure le langage, & la fois outil et objet de cet 3p. Voir 2 ce propos Youvrage de Bautier &., Pratigues langaeéres, pratiques soctales, Pers, UHarmattan, 1997 tnt tndamemaun fart ape ke de acon dans des arenes fondant comme Faprentsage dee er comprhension metre. Vir oul: Fyo M Davin Duis Dy Retiond M. Meter lecture Pat le Jn 2005 Rémond Quet Fy «Apprenie comprenére Per. Pjcolngusaue et méacogaon: exp ah el, prs o° 999, bs Sur eee de ene eu aie de Prati, 49,1986 Charles M, ofr, «nae des process actionext Inge tiques, ryehologiques et didactiques», pp. 5166; So eee dis processus rédactionel pour une pédagoge de 'érture», pp. 234 52" set poste de woe des pits de comparsion ee pyar t nétacogton, comm, par exemple, Tevgece dela médation langage wine fanalte pour ques fase arle, ce aval ana de Vansant n'a onde commen Foe fe eee aa jet sur lesquels il execs un controle métacognitif wont jamals fat objet d'une censure, ome ete cas des esensinconsclents sr leaquels sexere le tava de analyst. ‘La métacogition : de sa défntion parla psychologie & sa mise en ceuvne a Pécole transmission. Or, alors méme que cette compétence tend a faire défaut aux enfants issus de milieux populaires, I’école Vexige mais ne 'apprend pas de facon spécifique. Le philosophe, et avec lui les fondateurs de T'école qui parlent de conscience de soi, de liberté, de culture et de raison pour définir ce qui humanise individu et le prépare a la citoyenneté, pour- rait bien voir dans la métacognition, une médiation pédagogique ct scolaire capable de permettre aux éléves d’accéder dans le méme temps une culture et & une pensée réflexive. Le pédagogue, particuligrement soucieux des éléves qui n’ont que P’école pour apprendre et qui y sont en difficulté, ne peut pas se désintéresser de la possibilité de faire de ce Processus mental un outil au service des apprentissages scolaires méme s'il sait aussi qu’il n'est pas le seul. Nous avons présenté la métacognition dans ses fondements et dans des modélisations pédagogiques et didactiques possibles qui ont été mises en ceuvre a I'école et évaluées qualitativement™. Ces modéles ne sont que des mises en pratique possibles du concept de la psychologie. Il faut Tappeler deux choses & ce propos: il peut y avoir d'autres réalisations Possibles et il y a d’autres maniéres d’apprendre et d’enseigner qui ne sont nullement contradictoires avec cet usage de la métacognition; les caractéristiques de la médiation par tutelle a la métacognition des éléves ue nous avons définies peuvent étre mises en ceuvre, & quelques nuances prés, dans un groupe classe et dans une situation d’enseignement de type magistrabé, Notre thése est que si la métacognition peut devenir un outil pédago- sique digne d’intérét & école, en particulier pour les éleves en difficulté, cela ne peut se faire que dans certaines conditions: tout @abord, des condi. 33. Notons que, parti les «promesses» de la métacognition, la motivation des éleves est la seule qui ait pu étre clairement mise en évidence, Le rapport entze la métacognition une part, et le transfert et la réussite d'autre part, meme si nous en avons vu des effets certains en comparant plusieurs classes, exigerat une étude quantitative sur Ie long terme, ‘e qui est impossible dans un fonctionnement normal de classe. Mais il n'y pas quiune ‘manigre, qui serait scientifique et quantitative, de rationalise le réel pour le matsiser, Et le pédagogue qui a & poe Bruner Jn Le Développement de Venfant. Savoir Fare, Savoir die, Pais, PU, x PUR, Cauzinile Marméche E, «Apprendre A utiliser sa connalssance pour la résoie ion de probémes: analogie et wanster, Buln de Pycholine, Ago Cullen j.L, «Children's ability to cope with failure: implication of 2 metrcn nitive approach for clastoom>, in Metecaguition Cognition ad ene Performance, wo. 2, eds, Forest Presley, Aacaemie Prot robe Day J.D. 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