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LES POLITIQUES EDUCATIVES

&
L'EDUCATION NATIONALE
Patrick ROBO
Avril 1996
site : http://probo.free.fr/
courriel : patrick.robo@laposte.net

ESSAI D'EXPLICITATION DE LA DEMANDE :

Ce texte répond à la demande d'un professeur en Sciences de l'Education de l'Université Paul


Valéry (Montpellier) de faire un exposé dans un cours de licence sur les "Politiques éducatives".
Bien. Mais que dire ? Essayons de clarifier :
Une politique :
- "Enoncé général ou énoncé de principes indiquant la ligne de conduite adoptée par un
organisme privé ou public, dans un secteur donné, pour la gestion de ses affaires."
- "Ensemble des ambitions, des principes et des objectifs fournissant la base de la
planification détaillée et de l'action effective, constituant le guide de la prise de décision"[1]
Une politique est donc au service de quelqu'un (chef, patron, élu...) ou de quelque chose
(organisme, parti, gouvernement...)
Une politique éducative concerne bien entendu...
l'éducation que l'on prendra ici comme "Ensemble de valeurs, de concepts, de savoirs, et de
pratiques dont l'objet est le développement de l'être humain et de la société"[2].
De fait, la politique éducative désignera la détermination de finalités, puis d'objectifs, l'octroi
des moyens, l'évaluation des résultats par rapport aux objectifs.
Nous pourrons donc considérer une politique et l'éducation comme des "moyens au service
de..." et le fait de préciser au service de qui ou de quoi nous entraîne directement dans la
dimension téléologique des politiques éducatives. Je vous renverrai ici au cours de M.
PATURET sur les "Philosophies de l'Education" et pourquoi pas à l'excellent "Que sais-je ?"
d'Olivier REBOUL ayant le même titre.
Une politique éducative est-elle au service d'un dirigeant (dictateur ?), d'un parti politique,
d'une société, d'une économie, de l'Homme, de l'Humanité... ? Et suivant la réponse apportée
nous pouvons mieux essayer de comprendre comment fonctionne une institution comme
l'Education "Nationale" dans tel ou tel pays où elle existe. A l'inverse, par une analyse
herméneutique, il sera possible de comprendre quels sont les finalités et les enjeux d'une
politique éducative.
Avant d'aborder les politiques éducatives actuelles, faisons un rapide retour dans le passé pour
appréhender quelques dires et faits significatifs de quelques finalités éducatives.
LUTHER (1524) : "Il nous faut en tout lieu des écoles pour nos filles et nos garçons
afin que l'homme devienne capable d'exercer convenablement sa profession et la
femme de diriger son ménage et d'élever chrétiennement ses enfants."
LOUIS XIV (1669) abandonne à l'Église, aux villes et aux communautés rurales
toutes initiatives et toutes dépenses relatives à l'enseignement élémentaire, MAIS
supprime les écoles protestantes. Et la Déclaration royale de 1698 pose le principe
d'une obligation scolaire sous l'égide de l'État et le contrôle de l'Église catholique.
Objectifs de l'enseignement : les vérités de la foi, le rituel catholique, la messe
quotidienne et "apprendre à lire et même à écrire à ceux qui pourraient en avoir
besoin".
Jean-Baptiste de LA SALLE (1678) se consacre à la scolarisation gratuite des pauvres.
LA CHALOTAIS (siècle des Lumières) dans son Essai d'Éducation Nationale écrit :
"Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s'étendent pas
plus loin que ses occupations".
En 1747 l'État créée des écoles d'ingénieurs pour former les élites de son
administration civile ou militaire.
LAMOIGNON (1783), premier président du parlement de Paris, déclare :
"L'éducation doit être sous l'inspection de la puissance publique parce qu'elle doit
être toute dirigée pour l'utilité générale et pour le bien de l'État". Les Jésuites sont
mis à l'écart.
CONDORCET écrit en 1792 : "Former d'abord la raison, instruire à n'écouter
qu'elle, (...) tel est le principe sur lequel l'instruction publique doit être combinée".
NAPOLÉON 1er fonde en 1806 "sous le nom d'Université impériale, un corps
exclusivement chargé de l'enseignement et de l'éducation publics dans tout l'Empire".
Il écrit : "Tant qu'on n'apprendra pas dès l'enfance s'il faut être républicain ou
monarchique, catholique ou irréligieux, l'État ne formera point une nation (...) il sera
constamment exposé aux désordres et aux changements".
L'Etat, sous la première Restauration (1814), veille à ce que "l'instruction primaire
soit fondée sur la religion, le respect pour les lois, et l'amour dû au souverain".
GUIZOT (1833) : "L'instruction primaire universelle est désormais une des garanties
de l'ordre et de la stabilité sociale".
etc. avec ensuite la période Jules FERRY et ses successeurs.
De ce propos introductif il apparaît clairement que "politique éducative" et "pouvoir" sont
intiment liés. Essayons aujourd'hui d'appréhender les enjeux, la mise en place de politiques
éducatives en France et les phénomènes qui s'y rattachent.

BREF RAPPEL HISTORIQUE :


A titre de mémoire voyons également rapidement quelques grands moments qui ont marqué
l'histoire de l'Education en France depuis la Renaissance :
François 1er 1530 le Collège Royal
Jean-Baptiste de la Salle 1678 l'Institut des frères des écoles chrétiennes
Révolution 1789 Rapport TALLEYRAND sur l'instruction publique
1792 Rapport CONDORCET
Restauration 1815 Société pour l'instruction élémentaire
Louis Philippe 1833 Loi GUIZOT : Obligation pour les collectivités de créer des
établissements
1835 Création du corps des Inspecteurs primaires
II° République (1848) 1850 Loi FALLOUX : Liberté de l'enseignement ; accroissement
II° Empire (1852) des prérogatives scolaires de l'église
1865 Loi DURUY : Création de l'enseignement (secondaire)
spécial court
1866 Fondation de la Ligue Française de l'enseignement
1867 Loi DURUY : enseignement primaire et pour les jeunes filles
III° République (1870) 1875 Institution de la liberté de l'enseignement supérieur
Commune de Paris (1871)
1879 Loi CAMILLE SÉE : création des lycées de jeunes filles
1880 Loi PAUL BERT : création des E.N.I.
1881 Loi JULES FERRY : gratuité écoles primaires publiques,
E.N., et salles d'asile
1882 Obligation scolaire (6-13 ans) ; laïcisation des programmes
1886 Loi GOBLET : (loi organique) Organisation générale de
l'école primaire ; laïcisation du personnel des écoles
publiques
1889 Les maîtres des écoles publiques deviennent fonctionnaires
de l'Etat
1905 Loi COMBES : Interdiction de l'enseignement aux
congrégations ; Séparation de l'église de l'Etat
1909 Création de classes de perfectionnement pour "enfants
arriérés"
1926 Uniformisation des programmes des écoles primaires et ceux
des classes élémentaires des lycées et collèges
1930 Gratuité de l'enseignement secondaire
1936 Loi JEAN ZAY : Obligation scolaire jusqu'à 14 ans
1937 Uniformisation des programmes des écoles primaires
supérieures et du premier cycle des lycées et collèges
1939 Création des centres de formation professionnelle
Gouvernement de VICHY 1940 Suppression des E.N. ; autorisation d'enseigner aux
1944 congréganistes ; suppression de la gratuité au second cycle ;
subventions aux écoles libres
IV° République 1944 Plan LANGEVIN-WALLON :
- Projet d'un nouveau système éducatif comportant deux
degrés de trois cycles chacun
- Projet de formation des maîtres du premier degré,
appartenant à un corps unique (2 ans E.N. + 2 ans université)
- Projet de perfectionnement continu
1959 Réforme BERTHOIN :
- Obligation scolaire jusqu'à 16 ans
- Réforme de l'enseignement public (cycle élémentaire 6-11
ans ; cycle d'observation 11-13 ans ; premier cycle 13-15 ans
; second cycle 15-18 ans)
- Création des C.E.T, des C.E.G.
1959 Loi DEBRÉ : Possibilité pour les écoles privées de passer un
contrat avec l'Etat
1963 Instauration de la carte scolaire
Réforme FOUCHET : création des C.E.S. et des filières dans
le secondaire
1968 Grèves et émeutes
Loi EDGAR FAURE : réorganisation de l'université
1969 Réforme de réorganisation pédagogique des écoles primaires
; "discipline d'éveil"
1970 Mathématiques modernes
1975 Réforme HABY : Création du "Collège unique" ; suppression
des filières ; instauration du soutien ; les C.E.T. deviennent
L.E.P. ; création des conseils d'école
1977 Loi GUERMEUR : Financement par l'Etat de la formation
des instituteurs du privé sous contrat
1982 Mise en place des Z.E.P. (SAVARY)
1984 Projet de loi SAVARY : "grand service public" ; abandon du
projet et démission
1985 - Loi de décentralisation (CHEVÈNEMENT)
- Création du Bac professionnel
1989 - Loi d'orientation (JOSPIN)
- Création du conseil national du programme
- Création des I.U.F.M.
- Autonomie pédagogique des écoles, collèges et lycées
(projet d'établissement)
1995 Nouveau Contrat pour l'Ecole (BAYROU)

UNE INSTITUTION : LE MINISTERE DE L'ÉDUCATION NATIONALE


La France s'est dotée depuis la fin du XIX° siècle d'une institution au service de l'Education, à
savoir une "administration centrale" qui, au fil du temps a changé d'appellation, ce qui est
peut-être intéressant à analyser :
(164 ministres depuis 1928)
Révolution 1789 Divers projets d'un service de l'instruction publique
NAPOLEON 1er 1802 Direction de l'instruction publique sous autorité du Ministère de
l'Intérieur.
1806 L'Université impériale
1808 Administration de l'enseignement
Chute de l'Empire 1815 Conseil royal de l'Instruction publique
1824 Ministère des affaires ecclésiastiques et de l'instruction publique
1828 Premier Ministère de l'instruction publique
1932 Ministère de l'Education Nationale
1974 Ministère de l'Education et secrétariat d'Etat aux universités
(HABY)
1981 Ministère de l'Education Nationale (SAVARY)
1988 Ministre de l'Education Nationale de la Jeunesse et des Sports
(JOSPIN)
1992 Ministre de l'Education Nationale et de la Culture (LANG)
1995 Ministère de l'Education Nationale (BAYROU)
Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur,
de la Recherche et de l'Insertion Professionnelle

Cette institution est, schématiquement, de type pyramidal avec au sommet un MINISTRE et


à la base des Enseignants et des Agents chargés de mettre en oeuvre, d'appliquer les directives
ministérielles. Dans le milieu enseignant le Ministère est encore appelé aujourd'hui "la
centrale" ! Significatif.
Si l'on observe l'organigramme actuel (distribué) de notre Ministère E.N., nous pouvons y
voir, sous la direction du Ministre, entouré de son "cabinet" dont les membres sont qualifiés de
"politiques" (en opposition aux autres que l'on nommera "administratifs"), quatre sous-systèmes
composés chacun de "bureaux", de "comités", de "directions", et à côté un service nommé
"contrôle financier".
Dans la pyramide, sous la "centrale" nous trouverons d'autres systèmes tels les RECTORATS
(28) avec à leur tête un Recteur nommé par le Président de la République par décret pris en
conseil des Ministres. Le Recteur, en tant que représentant du Ministre, doit transmettre ses
ordres et veiller à l'exécution de ses décisions ainsi qu'à la mise en oeuvre de toutes les
dispositions législatives et réglementaire relatives à l'enseignement. Il doit diriger, organiser,
contrôler.
Sous les Rectorats nous trouvons les ACADEMIES (100), avec à leur tête un Inspecteur
d'Académie, directeur des services départementaux de l'Education Nationale, représentant le
Recteur et nommé par décret du Président de la République sur proposition du Ministre. L'I.A.
est "chargé d'animer et de mettre en oeuvre dans le département la politique éducative du
Ministre". Il reçoit du Recteur toutes directives et instructions pour administrer l'enseignement
dans le département. Il lui adresse en retour toute information utile et lui rend compte de son
activité et de celle des établissements et écoles qu'il contrôle. L'I.A. peut être assisté d'I.A.
adjoint(s) et d'I.E.N. adjoint(s).
Sous les Académies nous trouvons les SERVICES DEPARTEMENTAUX avec :
- les I.E.N. avec une fonction de contrôle et d'animation pédagogique.
- des Inspecteurs spécialisés (A.I.S. ; Information et Orientation ; Enseignement Technique ;
Jeunesse et Sports ; Apprentissage).
- un chef des services administratifs.
Dans chaque département nous trouvons :
- des Circonscriptions au niveau du primaire (maternelle et élémentaire) avec à leur tête un
Inspecteur de l'E.N. ;
- des Etablissements du second degré, avec à leur tête des chefs d'établissements.
Sans entrer dans le détail nous comprenons qu'il s'agit d'une "machine" au service d'une
politique éducative dictée par un Ministre. Donc des décideurs et des exécutants. Dans le
système "taylorien" de notre société jusque dans les années 1970, les exécutants étaient avant
tout des Agents (au sens où le précise J. ARDOINO) sans aucun pouvoir, obéissant à des
"Instructions". Depuis 1970 nous sommes passés dans un système social que l'on pourrait
qualifier de "régulationniste" où les exécutants sont considérés comme des Acteurs devant
mettre en oeuvre des directives, des orientations d'une politique. Ceci s'est encore plus
développé avec la loi de décentralisation de 1982 qui a établi une nouvelle répartition des
compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat.
Il faut aussi préciser que cette "machine" est dotée de "contrôleurs", des inspecteurs, chargés de
vérifier la transmission, l'application des instructions, ou, maintenant, de vérifier l'adéquation
entre les directives et les pratiques sur le terrain, dans les classes.

UNE TERMINOLOGIE PARTICULIERE

La mise en oeuvre d'une politique éducative se traduit par des "textes officiels" publiés dans un
B.O.E.N. (que les établissements doivent acheter ! 460 F.) qui utilisent une terminologie dont
l'observation est aussi intéressante. Ainsi nous trouvons des :
- Lois (cadres, d'orientation, organiques...)
Loi : Règle de droit suprême dans la hiérarchie des normes ; ensembles des règles émises par une autorité
qualifiée.
Règle écrite, générale et permanente, élaborée par le parlement ; acte voté par le parlement selon la procédure
législative et dans l’une des matières que la Constitution lui réserve expressément.
Loi cadre : qui se borne à poser des principes généraux et laisse au Gouvernement le soin de les développer en
utilisant son pouvoir réglementaire.
Loi organique : Qui se rapporte à un organe. Loi votée par le Parlement pour préciser ou compléter les
dispositions de la Constitution.
Loi d’orientation : loi qui, pour l’ensemble, fixe une politique globale à réaliser en un temps plus ou moins long et
prend les dispositions législatives nécessaires à cet effet dès ce moment.
- Décrets : décisions du pouvoir gouvernemental dont les effets sont semblables à ceux des lois.
Terme générique désignant une catégorie d’actes administratifs unilatéraux pris par les deux plus hautes autorités
exécutives de l’Etat : le Président de la République et le 1er Ministre. Décision exécutoire à portée générale.
- Arrêtés : décision écrite de l'autorité administrative
Actes généraux, collectifs ou individuels, pris par différentes autorités administratives comportant en général un
dispositif rédigé en articles.
- Programmes : ensemble d'instructions nécessaires pour atteindre les objectifs d'une politique
éducative ; programme d'activités (concernant les enseignants et les élèves) conçu de manière à
ce que les élèves atteignent dans toute la mesure du possible certains objectifs éducatifs.
- Règlement :
Acte de portée générale et impersonnelle édicté par les autorités exécutives compétentes.
Un règlement d’application est destiné à assurer l’application d’une loi sans pouvoir l’enfreindre.
- Circulaires :
Instructions de service écrites adressées par une autorité supérieure à des agents subordonnés en vertu de son
pouvoir hiérarchique. Dépourvues de force obligatoire, elles jouent un rôle majeur dans les relations de
l’Administration avec les administrés.
Destinée à guider l’action des fonctionnaires et agents dans l’application des lois et règlements. Mesure d’ordre
intérieur.
- Instructions officielles : ensemble des textes régissant la mise en oeuvre d'une politique
éducative
Prescription pratique donnée à un subordonné pour l’exécution d’un ordre ou l’application d’une règle : norme
d’application ; directive.
-†Notes de service : informations, instructions communiquées au sein d'un service.
Terme neutre désignant un document explicatif généralement bref

LES DETERMINANTS D'UNE POLITIQUE EDUCATIVE


Un Ministre n'élabore jamais seul une politique éducative. Cette dernière s'inscrit dans un
programme politique présenté par le Président de la République qui choisit son Gouvernement
avec un 1er Ministre qui choisit (en principe) le Ministre de l'E.N. Donc, les grands axes de la
politique éducative sont tracés au niveau du chef de l'Etat.
Le Ministre élabore un projet éducatif avec l'aide d'organes consultatifs, d'experts politiques et
parfois pédagogiques. Si nécessaire il commande des "rapports" à des "chargés de mission".
Dans une démarche de type "centralisation" ce travail est mené en commissions relativement
fermées. Dans une démarche de type "décentralisation" cela se fait par consultations (experts,
chercheurs, praticiens, partenaires...)
Cette politique éducative sera influencée par divers déterminants que l'on pourrait repérer
par une analyse systémique. Repérons-en quelques-uns :
- déterminants sociaux (chômage, immigration, progrès, grèves, structure familiales...)
- déterminants économiques (crises, développements, finances...)
- déterminants technologiques (de l'imprimerie à internet...)
- déterminants philosophiques (humanisme, exploitation, respect de l'autre...)
- déterminants démographiques (augmentation / baisse des effectifs, immigration...)
- déterminants scientifiques (étude sur les rythmes, travaux sur la mémoire...)
- déterminants idéologiques (libéralisme, positivisme, communisme, socialisme...)
- déterminants moraux (la morale laïque...)
- déterminants juridiques (la C.I.D.E...)
- ...

LA MISE EN OEUVRE D'UNE POLITIQUE EDUCATIVE


Cette mise en oeuvre se traduit par une machine, des textes, des individus, des moyens
(matériels, financiers)...
Cela se traduira aussi par des actions de formation pour les personnels, des projets, des écrits
(I.O. et textes pédagogiques), des pratiques pédagogiques...
Jusque dans les années 1970 cette mise en oeuvre était surtout de type impositif dans un
système axé sur la centralisation plus ou moins "pure"
Aujourd'hui elle est davantage de type participatif plus ou moins dirigé. Ainsi nous
trouverons des demandes d'élaboration, de création de projets formulées aux gens du terrain,
dans les établissements, les circonscriptions, les zones (sensibles, prioritaires), etc. On pourra
trouver des enquêtes de terrain avant l'élaboration de nouvelles directives, orientations
ministérielles ou inspectorales. On pourra même trouver des analyses de besoin en amont
d'actions de formation.
Nous pourrions parler de concertation, de va et vient entre le haut et le bas de la pyramide...
Cela correspond davantage à un système axé sur la décentralisation plus ou moins "pure"
Globalement, aujourd'hui, il y a un projet général qui se traduit par une loi d'orientations de
1989, explicitée dans des programmes qui, par les maillons successifs seront transmis,
explicités puis mis en actes, avec une liberté de pratiques pédagogiques, par les enseignants
auprès (au service) des élèves.
Concrètement sur le terrain, un exemple : notre département au niveau du primaire.
Le cadre général : • La loi d'orientation de 1989
• Le Nouveau Contrat pour l'Ecole (1995)
• Les Nouveaux Programmes de 1995
Ø L'I.A. élabore un Programme d'Actions Départementales (présenté en CTPD et au CDEN)
et mis au point après consultation de partenaires.
Ce P.A.D. est une première mise en application du N.C.E. au niveau départemental. Il est
pluriannuel et est complété par trois documents sectoriels consacrés à la Zone rurale, aux Zones
difficiles, et aux Enfants handicapés pour essayer de répondre aux situations particulières de
notre département.
Ce P.A.D. fixe des objectifs à atteindre (qualitatifs et quantitatifs) et préconise des méthodes
pour travailler.
Ses grandes lignes sont :
- "Volonté d'améliorer la qualité du service public en utilisant au mieux les moyens mis à
disposition par la collectivité nationale
- Développement de l'esprit de l'entreprise "Education Nationale" et à travers lui, volonté
permanente d'améliorer la réussite scolaire et souci constant de le faire savoir
- Renforcer le dialogue social et les solidarités internes pour mieux associer tous les
personnels aux décisions et les aider à faire face aux défis de notre temps."
Ø L'I.A. réunit régulièrement les I.E.N., parfois avec les C.P.A.I.E.N. pour étudier, réfléchir
sur la mise en oeuvre du P.A.D., des Nouveaux programmes. Il peut rédiger des circulaires, des
notes de service pour aider à cette mise en oeuvre.
Ø Les I.E.N., aidés de leur équipe de circonscription vont informer, aider, former les
enseignants à la traduction en actes des Nouveaux programmes.
Ø Un Plan Départemental de Formation est élaboré pour permettre une formation continue en
prise directe avec les N.C.E. et les N.P.
Ø Des enquêtes (sur études dirigées), des évaluations, des inspections sont réalisées pour
vérifier l'adéquation entre les instructions et les pratiques.

DES LIMITES...
Mais une observation fine permet de voir que la mise en oeuvre d'une politique éducative
dépend avant tout des personnes qui se trouvent à la tête, dans les échelons intermédiaires ou à
la base de la grande pyramide. L'éducation est un métier de l'humain !
Les politiques éducatives se mettent en place avec plus ou moins de succès. Elles peuvent
rencontrer des résistances (au changement), des freins (manque de formation, de moyens, de
compétences, de temps), des blocages (désaccords profonds pouvant déboucher sur des
manifestations, des grèves...)
Enfin elles évoluent en fonction des changements politiques...


▲ ▲

MINISTRE(S)

RECTEUR RECTEUR RECTEUR

I.A. I.A. I.A. I.A. I.A. I.A.


I.A. I.A.

I.E.N. I.E.N. I.E.N. I.E.N. I.E.N. I.E.N. I.E.N. I.E.N.


I.E.N. I.E.N.

Enseignants Enseignants Enseignants Enseignants Enseignants Enseignants Enseignants

élèves élèves élèves élèves élèves élèves élèves élèves élèves élèves élèves élèves

PETITE BIBLIOGRAPHIE PRATIQUE

AUDUC (J.-L.), Profession enseignant, Le système éducatif, Paris, Hachette Éducation, 1994
BOURSIN (J.-L.), L'administration de l'éducation nationale, Paris, P.U.F, 1981
D.A.G.I.C., Le système éducatif de la France, Paris, Ministère de l'E.N., Octobre 1995.
DURAND-PRIMBORGNE (C.), L'éducation nationale, une culture, un service, un système, Paris, Nathan
Université, 1992
GAULUPEAU (Y.), La France à l'école, Paris, Découverte Gallimard, 1992
LEGRAND (L.), Les politiques de l'éducation, Paris, P.U.F, 1988
MINOT (J.), Deux siècles d'histoire de l'Éducation nationale, Paris, Ministère de l'E.N., 1988
PÉRIÉ (R.), Organisation et gestion de l'éducation nationale, Nancy, Berger-Levrault, 1991.

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Quelques pistes
extraites de la lecture du Que sais-je de Louis LEGRAND,
"Les politiques de l’éducation", Paris, 1988

L'éducation comme domaine politique.


L'éducation, réalité institutionnelle est un domaine politique parce qu'il est question d'une organisation collective
réglée par des statuts et des lois et matérialisée par des institutions et des règles, des décrets, des règlements, des
programmes et des instructions qui les régissent. Parce qu'il y a projet consciemment et explicitement défini avec
anticipation et projection dans le temps. Parce qu'il y a liaison avec un pouvoir (exercice, contestation, conquête)
A noter qu'un établissement scolaire peut aussi avoir une politique. généralement on parlera de politique éducative
au niveau d'ensembles institutionnels importants : commune, région, Etat (dans les pays à forte centralisation).
Elle prend la forme la forme de ministère, de bureaux, de gestion et d'impulsion, de corps d'inspection.
L'essentiel d'une politique éducative réside dans un projet, sa détermination et sa mise en oeuvre. L'éducation, est
projet : agir sur l'enfance pour former l'adulte de demain implique nécessairement la détermination de fins
lointaines (il faut au minimum plus de dix ans pour mener un enfant de six ans au terme de ses études) et la
détermination d'objectifs opérationnels à moyen terme. Une telle dimension temporelle donne plus d'importance
à l'anticipation et la planification que dans tout autre domaine politique.
Mais elle en souligne du même coup les difficultés et les aléas : le pouvoir politique est fondamentalement
temporaire surtout dans nos démocraties fondées sur le jeu de l'alternance.
Le poids de la durée dans le domaine de l'éducation est fondamental. C'est probablement la raison pour laquelle la
plupart des projets de réformes éducatives ne parviennent pas à leur terme et subissent, en cours de route, les
transformations profondes qui les dénaturent ou même les font disparaître.
La politique éducative est impulsée et contrôlée par la hiérarchie. Son application exige, des citoyens en général et
des maîtres et administrateurs en particulier, l'obéissance aux lois et règlements.
Comme l'analyse Michel CROZIER, le "système" ne fonctionne et ne se maintien que par l'assentiment des
acteurs qui trouvent leur intérêt à abandonner une part de leur liberté pour un profit plus grand ou qui le font par
habitude jusqu'au moment où la situation venant à changer, ils découvrent la règle comme oppressante et contraire
à leur intérêt.
En matière d'éducation, le pouvoir est soumis aux groupes de pression publics ou occultes (syndicats,
associations) et aux mouvements d'une opinion publique qui, en matière d'éducation, se juge en tout point
compétente.
La détermination des objectifs.
Cette détermination ne peut se faire qu'à partir de choix plus fondamentaux qui sont les finalités affichées dans les
choix politiques. Il s'agit de conception morale et philosophique. C'est pourquoi toute politique éducative
s'enracine dans l'idéologie quelle qu'elle soit, explicite ou non, et le fonctionnement des institutions utilisées pour
la détermination des fins ne prend sa signification véritable qu'à la lumière de ces idéologies.
La détermination des moyens : structures, contenus, méthodes. Rôle de la recherche en éducation.
La détermination des fins et des objectifs qui les concrétisent est un acte spécifiquement politique. Celle des voies
et moyens de les atteindre relève d'un niveau plus technique. (Mais les techniciens proposent et les politiques
disposent et les choix des moyens d'une politique éducative sont toujours, finalement, des choix politiques,
largement inspirés par l'idéologie.)
Les choix de valeurs sont plus forts que les données scientifiques, quand elles existent.
L'arrivée d'un parti au pouvoir et les décisions parlementaires qui suivent ne peuvent que décider de grandes
orientations publiées la plupart du temps sous forme de "lois-cadres". Un travail de traduction opérationnelle doit
succéder au niveau des administrations centrales dans les pays centralisés, au niveau des régions, des communes
ou même des établissements dans le cas des états décentralisés.
A ce niveau d'élaboration on peut distinguer théoriquement trois moments fondamentaux :
1) L'élaboration théorique
A toujours lieu au sein de commissions réunies à l'initiative des pouvoirs. Elles fonctionnent selon les conceptions
idéologiques des commanditaires (confidentielles ou non, intégrant ou non la recherche, dépendantes ou non du
pouvoir)
2) L'expérimentation
Suivant les pays, la mise en place d'innovations ne s'accompagne d'aucune expérimentation ni d'aucun recours à la
documentation scientifique disponible.
3) La généralisation
Suivant les politiques éducatives, la généralisation sera plus ou moins rapide tenant compte ou non de l'évaluation
de l'expérimentation. Or, il n'y a pas de recherche valable sans durée. La mise en place d'une innovation demande
une formation sérieuse du corps enseignant tout comme la généralisation ce qui nécessite du temps et des moyens
financiers importants qui sont rarement disponibles.
Parfois, les manuels sont conçus à la hâte sans être testés de façon rationnelle.
La forte centralisation et surtout la hiérarchisation du système éducatif français rend très difficile l'acceptation par
cette hiérarchie de la délégation de pouvoir que suppose nécessairement l'intervention d'un centre de recherche
scientifique. Et lorsque le pouvoir politique, sous la pression de l'événement, ou parce qu'il se trouve conseillé par
tel ou tel technocrate, décide la prise en compte des résultats de la recherche, il confie la rédaction des
programmes et des instructions qui en découlent aux corps d'inspection.
Dans les années 1970, on a cherché à développer un autre mode de recherche donnant une responsabilité active
aux enseignants jusque là chargés seulement d'appliquer ce que d'autres avaient trouvé pour eux : c'est le domaine
de la recherche-action constituant par là même un modèle pour la formation permanente. Mais le contrôle d'une
telle recherche échappe à la hiérarchie qui perçoit cette créativité comme dangereuse, comme une prise de pouvoir
illégitime. La recherche-action produit une diversité d'interprétations considérées comme susceptibles de porter
atteinte à l'unité nationale de l'enseignement, risque d'autant plus grand que les centres de recherche sont des
centres de formation... Le souci de préserver la norme va de pair avec celui de conserver le pouvoir.
La centralisation, les normes nationales, l'importance de la hiérarchie, l'individualisme des maîtres, la justice
abstraite d'examens anonymes, tout cela fait partie de la personnalité de base du Français façonnée par des
centaines d'années de régalisme. A l'opposé, l'autonomie locale, l'équipe pédagogique dotée de pouvoirs sur les
programmes et les horaires, une hiérarchie recours et conseil, un ministère définissant des orientations générales
non imposées, tout cela appartient à un autre monde : le monde anglo-saxon.
La mise en oeuvre des politiques et la planification.
Les finalités et les objectifs définis, vient la phase de mise en oeuvre qui doit être précédée d'une nouvelle phase
théorique au cours de laquelle l'administration est chargée d'étudier les conditions précises de la réalisation : c'est
le rôle de la planification qui sera à deux niveaux : la planification provisionnelle et la planification

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