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DR A.

AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Chez le même éditeur

Dans la collection Pedia


Cardiologie du fœtus et de l’enfant, par R. Hénaine et J.-B. Thambo, 2020, à paraître.
Néphrologie de l’enfant, par Justine Bacchetta et Olivia Boyer, 2020, 512 pages.
Soins palliatifs du nouveau-né à l’adolescent, par S. Frache et M. Schell, 2019, 368 pages.
La bouche de l’enfant et de l’adolescent, par B. Thivichon-Prince et B. Alliot-Licht, 2019, 356 pages.
Diabétologie de l’enfant, par M. Nicolo et R. Coutant, 2019, 344 pages.
Hépatologie de l’enfant, par A. Lachaux et F. Lacaille, 2018, 288 pages.
Les enfants DYS, par P. Fourneret, D. Da Fonseca, 2018, 296 pages.
Cancérologie de l’enfant, par Y. Pérel et D. Plantaz, 2017, 448 pages.
Troubles des conduites alimentaires chez l’enfant et l’adolescent, par N. Peretti et A. Bargiacchi, 2017,
282 pages.
Pathologie orthopédique de l’enfant, par G. Penneçot et D. Mouliès, 2017, 324 pages.
ORL de l’enfant, par P. Fayoux et V. Couloignier, 2016, 384 pages.

Autres ouvrages :
Urgences pédiatriques, 4e édition, par G. Chéron, 2018, 992 pages.
Alimentation de l’enfant de 0 à 3 ans, 3e édition, par P. Tounian, 2017, 224 pages.
Le développement de l’enfant, Du normal aux principaux troubles du développement, par A. de Broca,
2017, 272 pages.
Réanimation et soins intensifs en néonatologie, coordonné par P.-H. Jarreau, 2016, 776 pages.
Infections néonatales. Bactériennes, mycosiques, parasitaires et virales, par Y. Aujard, 2015,
272 pages.
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Collection Pεdia
dirigée par Pierre Cochat

La drépanocytose
de l’enfant et l’adolescent
Coordonné par

Mariane de Montalembert
Service de pédiatrie générale, hôpital Necker-Enfants malades, Paris
et
Slimane Allali, Valentine Brousse, Melissa Taylor Marchetti
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent, 1re édition, coordonné par Mariane de Montalembert,


Slimane Allali, Valentine Brousse et Melissa Taylor Marchetti.
© 2020 Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-76049-5
e-ISBN : 978-2-294-76141-6
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Liste des coordinateurs


■ Mariane de Montalembert, professeur associé-praticien hospitalier, service
de pédiatrie générale et maladies infectieuses, hôpital Necker-Enfants malades,
AP-HP, Paris ; Université Paris Descartes, Paris
■ Slimane Allali, praticien hospitalier, service de pédiatrie générale et maladies
infectieuses, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris ; Université Paris Des-
cartes, Inserm U1163
■ Valentine Brousse, praticien hospitalier, service de pédiatrie générale et maladies
infectieuses, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP  ; Université Paris Descartes,
Paris
■ Melissa Taylor Marchetti, service de pédiatrie générale, Hôpital Necker-Enfants
malades, AP-HP, Paris
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Liste des collaborateurs


■ Bichr Allaf, praticien hospitalier, laboratoire de biochimie-hormonologie, unité
de dépistage néonatal de la drépanocytose, Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris
■ Jean-Benoît Arlet, département de médecine interne, Hôpital européen
Georges Pompidou (AP-HP), Paris ; Centre national de référence drépanocytose,
thalassémie, autres maladies rares des globules rouges et de l’érythropoïèse  ;
faculté de médecine Paris Descartes, Sorbonne Paris-Cité
■ Vincent Audard, professeur des universités-praticien hospitalier, service de
néphrologie et transplantation, Hôpital Henri-Mondor, Créteil  ; Centre de réfé-
rence syndrome néphrotique idiopathique, Unité INSERM U955, Équipe 21, Uni-
versité Paris Est Créteil, Créteil
■ Dora Bachir, ancien praticien hospitalier en hématologie clinique
■ Françoise Bernaudin, service de pédiatrie, centre de référence de la drépano-
cytose, centre hospitalier intercommunal de Créteil
■ Olivia Boyer, praticien hospitalier, service de néphrologie pédiatrique, Hôpital
Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris ; Centre de référence des maladies rénales
héréditaires de l’enfant et de l’adulte (MARHEA), Centre de référence syndrome
néphrotique idiopathique, Institut Imagine, Université de Paris, Paris
■ Ricardo Carbajal, service des urgences pédiatriques, Hôpital Armand-Trousseau,
AP-HP, Paris ; Sorbonne Université, Inserm UMR 1153, Équipe EPOPE
■ Marina Cavazzana, professeur, chef de service de biothérapie, Hôpital Necker-
Enfants malades, AP-HP, Paris
■ Philippe Connes, Laboratoire LIBM EA7424, Équipe « Biologie vasculaire et du
globule rouge », Université Lyon 1, Lyon ; Institut Universitaire de France, Paris ;
Laboratoire d’excellence sur le globule rouge (Labex GR-Ex), PRES Sorbonne, Paris
■ Nathalie Couque, praticien hospitalier, laboratoire de génétique moléculaire,
Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris
■ Jean-Hugues Dalle, professeur, directeur du programme de greffe de CSH, service
d’hémato-immunologie, Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris  ; Université Paris 7 –
Denis Diderot, Paris
■ Stéphane Dauger, professeur des universités-praticien hospitalier, service de
réanimation et surveillance continue pédiatriques, Hôpital Robert-Debré, AP-HP,
Paris ; Université Paris Diderot, Paris 7
■ Christophe Delacourt, service de pneumologie et allergologie pédiatrique, centre
de référence des maladies respiratoires rares de l’enfant, Centre de ressource et de
compétence pour la mucoviscidose, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
XIV
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Jean-Sébastien Diana, chef de clinique assistant, service de biothérapie, Hôpital


Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
■ Éléna Foïs, unité des maladies génétiques du globule rouge, Hôpital Henri-Mondor,
Créteil
■ Corinne Guitton, praticien hospitalier, Centre de référence des syndromes
drépanocytaires majeurs, Hôpital Bicêtre, AP-HP, Le Kremlin-Bicêtre
■ Alice Hadchouel-Duvergé, service de pneumologie et allergologie pédiatrique,
centre de référence des maladies respiratoires rares de l’enfant, centre de ressource
et de compétence pour la mucoviscidose, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP,
Paris
■ Isabelle Hau, praticien hospitalier, service de pédiatrie générale, centre hospitalier
intercommunal de Créteil
■ Bérengère Koehl, maître de conférence des universités-praticien hospitalier, ser-
vice de réanimation et surveillance continue pédiatriques, Hôpital Robert-Debré,
AP-HP, Paris ; Université Paris Diderot, Paris 7
■ Manoëlle Kossorotoff, service de neuropédiatrie, centre national de référence
de l’AVC de l’enfant, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
■ Florence Lacaille, praticien hospitalier, service de gastro-entérologie-hépatologie-
nutrition pédiatriques, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris ; Université Paris
Descartes
■ Marie-Pierre Lehougre, psychologue clinicienne, Centre de référence syndromes
drépanocytaires majeurs, unité des maladies génétiques du globule rouge, Hôpital
Henri Mondor, AP-HP, Créteil
■ Michael Levy, chef de clinique assistant, service de réanimation et surveillance
continue pédiatriques, Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris ; Université Paris Diderot,
Paris 7
■ Gilles Martin, interne des Hôpitaux de Paris, service d’ophtalmologie, centre de
référence en maladies rares ophtalmologiques, Hôpital Necker-Enfants malades,
AP-HP, Paris
■ Pierre Mary, chirurgien des hôpitaux, praticien hospitalier, Hôpital d’enfants
Armand Trousseau, AP-HP, Paris
■ Sandrine Mensah, médecin coordinateur, Réseau francilien de soin des enfants
drépanocytaires, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
■ Thierry Peyrard, biologiste médical, Institut national de la transfusion sanguine,
centre national de référence pour les groupes sanguins, UMR-S1134 Inserm/Uni-
versité de Paris
■ Matthieu Robert, maître de conférence des universités-praticien hospitalier,
service d’ophtalmologie, Centre de référence en maladies rares ophtalmologiques,
Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
XV
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Frédéric Sorge, praticien attaché, service de pédiatrie générale et maladies


infectieuses, Hôpital Necker-enfants malades, AP-HP, Paris ; service de pédiatrie
générale et maladies infectieuses, Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris
■ Alizée Sterlin, infirmière coordinatrice, Réseau francilien de soin des enfants
drépanocytaires, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
■ Julie Toubiana, maître de conférence des universités-praticien hospitalier,
service de pédiatrie générale et maladies infectieuses, Hôpital Necker-Enfants
malades, AP-HP, Paris ; Université Paris Descartes, Paris
■ Léon Tshilolo, chef de service, centre hospitalier Monkole, Kinshasa, République
Démocratique du Congo
■ Marie Vandaele, psychologue clinicienne, Réseau francilien de soin des enfants
drépanocytaires, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
■ Suzanne Verlhac, service d’imagerie médicale, centre de référence de la drépa­
nocytose, centre hospitalier intercommunal de Créteil  ; Hôpital Robert-Debré,
AP-HP, Paris
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Abréviations
AA acide aminé
AFDPHE Association française pour le dépistage et la prévention des handi-
caps de l’enfant
AINS anti-inflammatoire non stéroïdien
AJA adolescents et jeunes adultes
ALD affection de longue durée
AMM autorisation de mise sur le marché
ANSM Agence nationale de sécurité du médicament et des produits
de santé
ARA2 antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2
ARM angiographie par résonance magnétique
ARS Agence régionale de santé
AVC accident vasculaire cérébral
CFH concentration en fer hépatique
CG conseil génétique
CNRGS Centre national de référence pour les groupes sanguins
CPDPN Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal
CRDN Centre régional de dépistage néonatal
CRP protéine C réactive
CRS Clinical Respiratory Score
CSH cellules souches hématopoïétiques
CSP cellules souches périphériques
CVO crise vaso-occlusive
DFG débit de filtration glomérulaire
DN dépistage néonatal
DPI diagnostic pré-implantatoire
DPN diagnostic prénatal
DS déviation standard
DTC Doppler transcrânien
EDTC écho-Doppler transcrânien
EN échelle numérique
ETP éducation thérapeutique du patient
EVA échelle visuelle analogique
FPS-R Faces Pain Scale-Revised
GMPc guanosine monophosphate cyclique
GNMP glomérulonéphrite membranoproliférative
XVIII
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HAS Haute autorité de santé


Hb hémoglobine
HbF hémoglobine fœtale
HbS hémoglobine S
HC hydroxycarbamide
HPTR hémolyse post-transfusionnelle retardée
HSF hyalinose segmentaire et focale
HTA hypertension artérielle
HTP hypertension pulmonaire
IEC inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
IMC indice de masse corporelle
IMG interruption médicale de grossesse
IRA insuffisance rénale aiguë
IRC insuffisance rénale chronique
IRM imagerie par résonance magnétique
IRT insuffisance rénale terminale
IV intraveineux(se)
IVC intraveineuse continue
IVL intraveineuse lente
LDH lactates déshydrogénases
MAT microangiopathie thrombotique
MDPH maison départementale des personnes handicapées
MRC maladie rénale chronique
NCA nurse-controlled analgesia (analgésie contrôlée par l’infirmière)
NFS numération formule sanguine
NO monoxyde d’azote
OR odds ratio
PCA patient-controlled analgesia (analgésie contrôlée par le patient)
PDE phosphodiestérase
PHHF persistance héréditaire de l’hémoglobine F
PNDS protocoles nationaux de diagnostics et de soins
PNN polynucléaires neutrophiles
RAI recherche d’anticorps irréguliers
RD rétinopathie drépanocytaire
RoFSED Réseau francilien de soin des enfants drépanocytaires
RVP résistance vasculaire pulmonaire
SA semaines d’aménorrhée
SDM syndrome drépanocytaire majeur
SI spirométrie incitative
SSA séquestration splénique aiguë
STA syndrome thoracique aigu
XIX
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TAMV time-averaged mean of maximum velocities


TLR Toll like receptor
TRV tricuspide regurgitant velocity (flux de régurgitation tricuspide)
VGM volume globulaire moyen
VNI ventilation non invasive
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CHAPITRE

1
Physiopathologie
de la drépanocytose

Philippe Connes

Points clés

La drépanocytose est une maladie de l’hémoglobine et du globule rouge.

La physiopathologie est complexe et débute par la polymérisation de
l’hémoglobine en condition désoxygénée à l’origine d’une falciformation
des globules rouges conduisant à une anémie hémolytique chronique et
à des épisodes vaso-occlusifs.

Le contexte pro-oxydant, pro-adhérent et pro-inflammatoire module la
sévérité clinique de la maladie.

La drépanocytose est aussi une maladie vasculaire qui touche à la fois la
micro- et la macrocirculation.

Définition
■ La drépanocytose (anémie falciforme) est une hémoglobinopathie autoso-
mique récessive.
■ C’est la maladie génétique la plus fréquente dans le monde avec environ
300 000 naissances par an [1], dont les deux tiers surviennent en Afrique [2].
■ Elle est causée par une mutation ponctuelle survenant sur le gène β-globine
à l’origine de la production d’une hémoglobine (Hb) anormale, l’hémoglobine S
(HbS).
■ La forme la plus fréquente et sévère associe la mutation HbS à l’état homozy-
gote, mais il existe d’autres formes de drépanocytose (hétérozygotie composite),

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
2 La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

associant l’HbS à une autre Hb mutée (HbC, D-Punjab, O-Arab par exemple) ou
produite en quantité insuffisante (mutation β-thalassémique).
■ En condition désoxygénée, l’HbS polymérise, ce qui conduit à la falciformation
des globules rouges.
■ Les globules rouges falciformés sont fragiles et rigides, ce qui explique d’une
part l’anémie hémolytique chronique des patients et d’autre part la survenue de
crises vaso-occlusives douloureuses.

Vaso-occlusion
■ Les complications vaso-occlusives (crises vaso-occlusives douloureuses, ostéo-
nécrose, etc.) étaient classiquement considérées comme la conséquence directe
de la perte de déformabilité des globules rouges à l’origine d’un blocage dans la
microcirculation et d’une ischémie d’aval.
■ Ce modèle physiopathologique simple ne rendait cependant pas compte de
la grande variabilité clinique de la maladie, ce d’autant que le délai à la polymé-
risation de la désoxyHbS est théoriquement supérieur au temps de transit des
globules rouges dans la microcirculation.
■ Il a été montré que ce temps de transit était en réalité allongé en raison d’une
adhérence accrue de plusieurs populations de cellules circulantes (neutrophiles,
monocytes, plaquettes, globules rouges denses, réticulocytes) à l’endothélium.
Ces phénomènes d’adhérence vasculaire accrue sont responsables d’un ralentisse­
ment circulatoire, favorisant la falciformation dans ces zones vasculaires au dia-
mètre réduit.
■ Ces phénomènes d’adhérence vasculaire accrue sont en partie liés au contexte
pro-inflammatoire et pro-oxydant exacerbé dans la drépanocytose [3, 4].
■ Il a également été montré que les patients avec un hématocrite, un taux d’Hb
et une viscosité sanguine élevés étaient plus enclins à développer des crises vaso-
occlusives fréquentes [5]. En effet, la diminution de la réserve vasomotrice liée à
la diminution de la biodisponibilité en monoxyde d’azote (un puissant vasodi-
latateur) ne permet pas de compenser l’hyperviscosité sanguine observée chez
certains patients, augmentant ainsi le risque de crise vaso-occlusive [6].
■ Le traitement par hydroxycarbamide (HC) augmente la proportion d’Hb
fœtale (HbF) dans les globules rouges drépanocytaires, réduisant ainsi la propor-
tion d’HbS et sa polymérisation, ainsi que la tendance à la falciformation érythro-
cytaire. De plus, l’HC agit comme un donneur de monoxyde d’azote, améliorant
ainsi la fonction vasculaire [7]. Le monoxyde d’azote provenant de l’HC semble
également améliorer la rhéologie des globules rouges, et notamment leur défor-
mabilité [8]. Enfin, l’HC limite les phénomènes d’adhérence vasculaire [7]. Pour
ces raisons, l’HC réduit la survenue des événements vaso-occlusifs (crises vaso-
occlusives et syndrome thoracique aigus) et améliore l’anémie des patients [7, 9].
Physiopathologie de la drépanocytose 3
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Anémie et hémolyse
■ La drépanocytose est caractérisée par une anémie hémolytique chronique : le
taux d’Hb moyen se situe à environ 7 à 8 g/dl pour les patients de génotype SS ou
Sβ0. Les patients SC et Sβ+ sont moins anémiques.
■ Les patients dont les globules rouges sont les plus rigides ont un taux d’hémo-
lyse plus important [10].
■ L’hémolyse intravasculaire exacerbée conduit à la libération d’Hb et d’hème
plasmatique. Ces deux phénomènes perturbent le métabolisme du monoxyde
d’azote en limitant sa biodisponibilité et stimulent la production d’espèces oxygé-
nées réactives de l’oxygène. De plus, l’hème est responsable d’une activation des
cellules endothéliales via son interaction avec TLR4 (Toll like receptor 4), aboutis-
sant à la surexpression de molécules d’adhérence telles que la P-sélectine [11],
et à un état pro-inflammatoire [12]. Ainsi, les patients développent progressive­
ment une vasculopathie chronique marquée par une perte de réactivité du tonus
micro- et macrovasculaire et une modification du phénotype endothélial qui
devient pro-adhérent.
■ Ainsi, l’hémolyse chronique participe à la survenue de complications vas-
culaires chez les patients drépanocytaires [13].

Le modèle des deux phénotypes clinicobiologiques


■ Pour expliquer la variabilité d’expression clinique de la drépanocytose, mais
aussi la variabilité pour un même patient au cours du temps, plusieurs équipes
ont proposé un modèle physiopathologique fondé sur deux phénotypes clinico-
biologiques : un phénotype hémolytique-dysfonction endothéliale et un phéno-
type visqueux-vaso-occlusif [13].
■ Le phénotype hémolytique-dysfonction endothéliale serait principalement
lié aux conséquences délétères de l’Hb libre circulante sur la biologie vasculaire.
L’Hb libre a une affinité 1 000 fois supérieure pour le monoxyde d’azote que l’Hb
encapsulée dans les érythrocytes. La présence d’Hb libre, en diminuant la biodis-
ponibilité du monoxyde d’azote, est à l’origine d’une perturbation du tonus vas-
culaire caractérisée par une diminution locale des capacités de vasodilatation.
Ainsi, les patients les plus anémiés et les plus hémolytiques développeraient plu-
tôt les complications suivantes : accident vasculaire cérébral ischémique, ulcères
de jambes, priapisme et hypertension artérielle pulmonaire.
■ En revanche, les patients les moins anémiés et marqués par une viscosité
sanguine plus importante développeraient plus fréquemment des complications
vaso-occlusives telles que les crises vaso-occlusives douloureuses, le syndrome
thoracique aigu et l’ostéonécrose.
■ La présence d’une alpha-thalassémie associée (un gène ou deux gènes alpha
délétés), en réduisant l’hémolyse, est un facteur de risque pour les complications
4 La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

vaso-occlusives, mais un facteur protecteur pour les complications liées à l’hémo-


lyse [14]. La réduction de l’hémolyse chez les patients drépanocytaires avec une
alpha-thalassémie associée se traduit par une augmentation de la viscosité san-
guine qui, si elle dépasse les capacités de vasodilatation de la microcirculation,
peut se traduire par la survenue de crises vaso-occlusives [15, 16].
■ En réalité, ces deux phénotypes coexistent et ne sont pas exclusifs.

La vasculopathie cérébrale : un exemple


de physiopathologie complexe
La figure 1.1 décrit les mécanismes impliqués dans le développement de la vas-
culopathie cérébrale (sténose) au niveau d’une artère.

Figure 1.1. Anomalies biologiques et mécanismes physiopathologiques


de la vasculopathie cérébrale.
D’après [17].
Physiopathologie de la drépanocytose 5
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Références
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of neutrophils to the endothelium in sickle cell disease. Haematologica 2017;102(7):1161-72.
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Engl J Med 1991;325(1):11-6.
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12. Conran N, Belcher JD. Inflammation in sickle cell disease. Clin Hemorheol Microcirc 2018;
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14. Bernaudin F, Verlhac S, Chevret S, et  al. G6PD deficiency, absence of alpha-thalassemia, and
hemolytic rate at baseline are significant independent risk factors for abnormally high cerebral
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painful vaso-occlusive crisis in children with sickle cell disease. Haematologica 2012;97(11):1641-7.
16. Renoux C, Connes P, Nader E, et al. Alpha-thalassaemia promotes frequent vaso-occlusive crises
in children with sickle cell anaemia through haemorheological changes. Pediatr Blood Cancer
2017;64(8.). doi:10.1002/pbc.26455. Epub 2017 Jan 18.
17. Connes P, Verlhac S, Bernaudin F. Advances in understanding the pathogenesis of cerebrovas-
cular vasculopathy in sickle cell anaemia. Br J Haematol 2013;161(4):484-98.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

2
Conseil génétique

Dora Bachir, Marie-Pierre Lehougre

Points clés

Du fait de la fréquence de la drépanocytose en France, le dépistage pré-
coce des adultes jeunes porteurs du trait doit être proposé par les pro-
fessionnels de santé et le résultat explicité idéalement avant leur projet
parental.

L’identification précoce des couples à risque doit permettre l’accès
à un diagnostic prénatal (DPN) par ponction de trophoblaste avant
12  semaines d’aménorrhée avec comme corollaire une interruption
médicale de grossesse par aspiration.

La consultation de conseil génétique est encadrée par la loi ; elle permet
l’identification du statut de couple à risque de syndrome drépanocytaire
majeur  ; elle constitue le préalable à toute demande de DPN pour ces
couples.

Introduction
■ Le dépistage néonatal (DN) de la drépanocytose, généralisé à partir de 2000
en France mais ciblé selon l’origine des parents, permet de dépister chaque année
un peu plus de 400  nouveau-nés atteints de syndrome drépanocytaire majeur
(SDM) parmi les 250 000 testés, correspondant à 1 600 grossesses à risque de SDM
chaque année [1]. Dans 70 % des cas, il s’agit d’une forme homozygote SS.
■ Près de deux couples sur trois ignoraient être à risque de SDM pour leur
descendance.
■ L’information et le dépistage des parents de nouveau-nés dépistés hétérozy-
gotes AS permettraient, s’ils étaient réalisés, d’identifier 75 % des couples à risque
[2, 3].

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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10 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ La particularité du dépistage des porteurs du trait S doit être rappelée : c’est une
simple analyse biochimique de l’hémoglobine (Hb) qui n’étudie pas directement
le gène ; la procédure ne nécessite donc pas de consentement écrit spécifique du
sujet [4].

La consultation de conseil génétique en milieu


spécialisé
■ La consultation de conseil génétique (CG) est assurée par un médecin spécia-
liste de la drépanocytose et/ou un généticien, en binôme avec un psychologue si
cela est possible.
■ Éventuellement, un conseiller en génétique sous la responsabilité d’un méde-
cin qualifié en génétique peut y contribuer.

Motifs de la consultation
Les motifs de consultation en CG peuvent être secondaires :
■ à la démarche active d’un individu ayant connaissance de cas de SDM dans sa
famille et voulant connaître son statut, en situation préconceptionnelle. Il n’y a pas
de contrainte de temps et l’information sera « intégrée » sur le moyen terme pour
des projets parentaux futurs avec possibilité d’information de la parentèle (autres
membres de la famille) ;
■ au dépistage réalisé chez une femme enceinte par un professionnel de santé
impliqué dans le suivi de la grossesse. Le couple est adressé en CG si une anomalie
de l’Hb est détectée. Le CG a lieu alors le plus souvent tardivement, après 5 à
6 mois de grossesse, délai lié à l’organisation des consultations en maternité et à
l’attente des résultats des analyses ;
■ à un risque de SDM connu pour le couple : consultation lors d’une nouvelle
grossesse par l’intermédiaire du pédiatre suivant un enfant atteint ou à la demande
des parents eux-mêmes s’ils se savent à risque et veulent éviter la naissance d’un
enfant drépanocytaire.

Spécificités de la consultation de conseil génétique


Il s’agit d’une consultation particulière avec un impact psychologique fort pour le
sujet et le couple concerné [5]. Se découvrir porteur et transmetteur non malade
interroge l’héritage familial et la descendance. L’ajustement du vocabulaire est
indispensable mais ne garantit pas, à lui seul, une bonne compréhension. En effet,
la drépanocytose concerne des populations très hétérogènes, et suscite des repré-
sentations particulièrement catastrophiques (souffrance et mort), notamment
en Afrique. Elle présente, en outre, une grande variabilité phénotypique qui rend
difficile tout discours prédictif sur sa sévérité.
Conseil génétique 11
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Étapes de la consultation en conseil génétique


Expertise du risque génétique
Les examens biologiques réalisés requièrent une attention particulière  : numé-
ration formule sanguine (NFS), volume globulaire moyen (VGM), bilan martial,
étude de l’hémoglobine selon les recommandations [4, 6], avec test de solubilité,
et contrôles au moindre doute. Une étude de l’ADN peut se justifier si l’un des
deux parents est hétérozygote pour la β-thalassémie, afin de préciser la gravité du
risque encouru d’hétérozygotie composite Sβ° ou Sβ+-thalassémie [7]. Cela peut
alors retarder le rendu du résultat.
Phase d’information
Cette phase permet la communication du risque et l’information sur la maladie :
physiopathologie, signes cliniques, modalités de prise en charge thérapeutique,
espérance de vie. Elle précise les représentations éventuelles selon l’existence d’un
vécu dans la famille et/ou l’entourage.
Conséquences personnelles et familiales
Les choix qui s’offrent au couple confronté à cette situation de risque doivent être
exposés clairement : diagnostic prénatal (DPN), dépistage néonatal (DN) et suivi
dans des centres spécialisés  ; diagnostic pré-implantatoire (DPI). L’information
aux autres membres de la famille est encouragée mais sera néanmoins laissée à
l’appréciation des consultants [8].
Phase d’accompagnement vers une décision autonome de la femme
et/ou du couple
■ Il s’agit d’un véritable échange sur les enjeux des différentes possibilités qui
s’offrent, sans prise de position directive de la part du médecin.
■ La réflexion sur la demande de DPN est indissociable de celle sur l’interrup-
tion médicale de grossesse (IMG). Outre le risque (minime) de fausse couche
provoquée par le geste diagnostique, il existe en effet un risque psychologique à
demander ce DPN sans réelle anticipation d’un possible résultat défavorable.
■ Le terme de la grossesse, au moment de la consultation, intervient évidem-
ment dans la décision que prendra la future mère de réaliser ou non le DPN, et il
est indispensable que le CG ait lieu le plus tôt possible.

Cadre juridique du diagnostic prénatal


Le diagnostic prénatal est encadré par les lois de bioéthique promulguées en 1994,
révisées en 2004, en 2011 et en 2019. La loi du 23 juillet 2019 relative à la bioéthique,
article 19, précise : « Le DPN s’entend des pratiques médicales y compris l’échogra-
phie obstétricale et fœtale ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou
le fœtus une affection d’une particulière gravité. » Les centres pluridisciplinaires de
12 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

diagnostic prénatal (CPDPN) autorisés par l’Agence de la biomédecine encadrent


l’activité de DPN et de DPI sur le territoire national et assurent aussi une activité
de conseils diagnostiques, thérapeutiques et de formation.

Indications du diagnostic prénatal


dans la drépanocytose
Le DPN est proposé en cas de risque de SDM sévère (en France essentiellement
homozygotie S, Sβ°-thalassémie, rarement forme SDPunjab). Le DPN n’est qu’excep-
tionnellement indiqué pour les risques SC, Sβ+-thalassémie avec présence d’hémo-
globine A de plus de 20 %, et doit être dans ce cas argumenté auprès du CPDPN [9].
Il est important de privilégier dans la mesure du possible un DPN précoce par
ponction de trophoblaste avant 12 semaines d’aménorrhée (SA) pour permettre
une IMG dans les meilleures conditions (par aspiration sous anesthésie générale
comme pour une interruption volontaire de grossesse [IVG]). Au-delà de 14 SA,
le DPN a lieu par amniocentèse. L’IMG, proposée en cas de résultat défavorable,
équivaut à un accouchement.
Le parcours de soins en CG en cas de risque SS est résumé dans la figure 2.1 et la
procédure du traitement du prélèvement de DPN par le laboratoire de biologie
dans la figure 2.2.

Figure 2.1. Parcours de soins en diagnostic prénatal d’un couple à risque


de drépanocytose SS chez l’enfant.
CG : conseil génétique ; DPN : diagnostic prénatal ; Hb : hémoglobine ; IMG :
interruption médicale de grossesse. * L’IMG peut être refusée par la mère. Modalités
de l’IMG : comme une IVG si terme < 14 SA ; comme un accouchement si > 17 SA.
Conseil génétique 13
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Figure 2.2. Aspects biologiques du diagnostic prénatal de la drépanocytose


pour risque SS.

Cryopréservation de sang de cordon


Lorsqu’il y a déjà un enfant atteint au sein du couple, se pose lors de la CG la ques-
tion de la congélation de sang de cordon en vue d’une allogreffe de moelle. Il est
important de faire considérer au couple l’étape préalable du résultat possiblement
défavorable du DPN avec mise en perspective de l’IMG qui en découle.

Situations particulières
■ Lorsque la mère est AS et le résultat de l’électrophorèse de l’Hb du père
inconnu, un DPN peut se justifier si ce dernier est originaire d’une région où la
prévalence du trait S est élevée. Seul le risque SS sera testé.
■ Grossesse gémellaire et jumeaux dizygotes : l’identification d’un jumeau atteint
pour l’IMG requiert une équipe entraînée.
■ Lorsque l’un des deux parents est atteint de forme SS et le conjoint est AS, la
décision de recourir à un diagnostic et la méthode (DPN, DPI, DN) appartiennent
au couple et varient selon divers paramètres (âge, vécu du parent malade, parité,
etc.).

Diagnostic pré-implantatoire (DPI)


Le DPI consiste à faire une analyse génétique sur une ou deux cellules prélevées
sur un embryon après une fécondation in vitro et avant son transfert dans l’utérus
14 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

maternel [10]. La lourdeur du processus et ses contraintes de calendrier rendent le


parcours compliqué. Néanmoins, le DPI peut être proposé aux femmes de moins
de 35 ans, a fortiori lorsque l’un des deux parents est atteint de SDM (risque de
50 %) ou lorsqu’il y a eu une ou plusieurs IMG, notamment tardives.
Le double DPI avec sélection d’embryons sains et HLA compatibles a été aban-
donné en France car la procédure est très lourde et très peu couronnée de succès.

Conclusion
Il est important que le pédiatre informe les parents régulièrement, dès le début
de suivi d’un enfant atteint de syndrome drépanocytaire majeur (SDM) sévère,
de la possibilité de diagnostic prénatal précoce après consultation de génétique
pour les grossesses ultérieures. Néanmoins, il est souhaitable de ne pas mélanger
les enjeux de santé de l’enfant à naître et la recherche de compatibilité HLA pour
l’enfant malade déjà né. Il est aussi primordial de favoriser le dépistage par les
professionnels de santé du trait S compte tenu de la fréquence de cette affection
en France.

Références
1. Bardakdjian-Michau J. Le dépistage néonatal de la drépanocytose en France. Bull Épidémiol
Hebd 2012;28:313-6.
2. Bachir D, Sakka M, Allaf B, Bardakdjian J. Données actuelles du dépistage néonatal de la drépano-
cytose en France ; autres anomalies de l’hémoglobine dépistées et éléments de prise en charge.
Mt Pédiatrie 2017;20(4):233-42.
3. Christopher SA, Collins JL, Farrell MH. Effort required to contact primary care providers after
newborn screening identifies sickle cell trait. J Natl Med Assoc 2012;104:528-34.
4. De Torhout Lehougre MP, Gérard B. Drépanocytose : aspects actuels du conseil génétique en
France. Bull Épidémiol Hebd 2012;28:328-9.
5. Couque N, De Montalembert M. Diagnostic d’une hémoglobinopathie. Feuill Biol 2013;311:5-18.
6. Wajcman H. Hémoglobines anormales. EMC Hématologie 2014;10(1):1-7. [Article 13-006-D-15].
7. Aguilar-Martinez P, Badens C, Bonello-Palot N, et al. Flowcharts for the diagnosis and the mole-
cular characterization of hemoglobinopathies. Ann Biol Clin (Paris) 2010;68:455-64.
8. Lainé A, Bardakdjian J, Prunelle F, et al. The impact of screening sickle-cell carriers in the gene-
ral population. A retrospective study in the Paris screening center. Rev Épidémiol Sante Publ
2015;63(2):77-84.
9. Touboul C, Bachir D, Pissard S. Le diagnostic prénatal de la drépanocytose. Mt Pédiatrie
2008;11(1):12-6.
10. Oyewo A, Salubi-Udu J, Khelaf Y, et al. Preimplantation genetic diagnosis for the prevention of
Sickle cell disease. Current trends and barriers to uptake in a London teaching hospital. Hum
Fertil 2009;12(3):153-9.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

3
Dépistage néonatal
et diagnostic biologique

Bichr Allaf, Nathalie Couque

Points clés

Le dépistage néonatal de la drépanocytose, maladie génétique la plus
fréquente en France, permet d’identifier précocement toutes les formes
de syndromes drépanocytaires majeurs.

Les résultats des nouveau-nés possiblement atteints sont adressés aux
pédiatres référents avec une fiche d’identification d’un nouveau cas.

La confirmation diagnostique du dépistage est biologique et nécessite un
nouveau prélèvement sanguin.

Le dépistage néonatal n’est utile que lorsqu’il s’inscrit dans un système de
soins organisé pour la prise en charge efficace des enfants atteints.

Introduction
Les hémoglobinopathies sont de deux types :
■ les anomalies de structure, caractérisées par la présence d’une hémoglobine
(Hb) « anormale » entraînant ou non des signes fonctionnels, parmi lesquelles
l’HbS tient une place prépondérante ;
■ les anomalies de synthèse, avec production diminuée ou absente d’Hb de
structure normale, ces dernières constituant le groupe des thalassémies.
La drépanocytose, ou plus largement les syndromes drépanocytaires majeurs
(SDM), regroupent les différentes formes existantes de la maladie (tableau 3.1).
Il s’agit d’une maladie génétique liée à la présence de la mutation βS responsable
de l’expression du variant HbS, dont la transmission est autosomique récessive.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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16 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Tableau 3.1. Les différentes formes de syndrome drépanocytaire majeur (SDM)


(adapté d’après [8]).
SDM sévère
S/S Forme la plus fréquente
S/β° thalassémie Environ 5 % des SDM
S/β+ thalassémie sévère Présence d’HbA < 5 %
S/OArab
S/DPunjab
SDM sévérité intermédiaire
S/C
S/β+ thalassémie intermédiaire Présence d’HbA : 6 à 15 %
SDM modérée
S/β+ thalassémie modéré Présence d’HbA : 16 à 30 %
S/E
S/Lepore

La maladie ne se manifeste que chez les patients qui présentent une mutation sur
les deux allèles du gène β-globine. On distingue les sujets homozygotes avec la
mutation βS en double copie, et les sujets hétérozygotes composites avec associa-
tion de la mutation βS avec une autre mutation sur le gène β-globine. À l’inverse,
les sujets qui présentent la mutation βS à l’état hétérozygote, c’est-à-dire sur un
seul des deux allèles, ne sont pas symptomatiques et sont des porteurs sains.

Dépistage néonatal
Objectifs
Le dépistage néonatal (DN) permet d’identifier les nouveau-nés susceptibles
d’être atteints d’une pathologie grave, sans signe visible à la naissance, afin de leur
proposer au plus tôt une prise en charge spécialisée adaptée, qui permettra à
l’enfant d’avoir une vie normale ou meilleure. En France, la drépanocytose fait
partie des cinq maladies dépistées à la naissance. La liste des maladies dépistées à
la naissance est fixée par arrêté ministériel [1].
L’objectif principal du DN de la drépanocytose est de repérer les nouveau-nés
atteints de SDM. Les nouveau-nés drépanocytaires sont en bonne santé à la nais-
sance et deviennent symptomatiques lorsque le taux d’Hb fœtale (HbF) protectrice
diminue et celui de l’HbS augmente. Les complications de la drépanocytose peu-
vent survenir dès l’âge de 3 mois et menacer la vie de l’enfant. Les nouveau-nés
dépistés vont bénéficier d’une prise en charge médicale précoce, avant l’âge de
Dépistage néonatal et diagnostic biologique 17
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

3 mois, avec mise en place d’une antibioprophylaxie antipneumococcique amélio-


rant significativement la mortalité et la morbidité de la maladie [2].
Pour l’année 2017 en France, 317  005  nouveau-nés ont bénéficié du DN de la
drépanocytose (277 008 en métropole et 39 997 outre-mer) : 496 enfants atteints
de SDM ont été dépistés, soit une incidence de la maladie à la naissance de 1/658
des nouveau-nés à risque [3].
D’autres hémoglobinopathies sévères, telles que les syndromes β-thalassémiques
et les hémoglobines H, font également parties des maladies dépistées par ce pro-
gramme. En 2017, 8 syndromes β-thalassémiques ont été identifiés [3].
De façon secondaire, le DN identifie les sujets hétérozygotes. Ces nouveau-nés
ne sont pas malades et n’ont pas de bénéfice direct à avoir été dépistés. En 2017,
13 078 nouveau-nés hétérozygotes A/S ont été identifiés, soit une incidence de
1/33 dans la population ciblée.

Organisation
Le DN de la drépanocytose a été intégré au programme national de dépistage
néonatal systématique déjà existant. Jusqu’en 2018, l’Association française pour le
dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE) était responsable
de son organisation. Depuis mars 2018, le DN est géré de manière régionale par
les agences régionales de santé (ARS) qui, par délégation, confient aux centres
régionaux de dépistage néonatal (CRDN) l’organisation du dépistage.
Le dépistage de la drépanocytose a débuté par des expériences pilotes en Guadeloupe
et en Martinique dès 1981, et il est réalisé depuis 1992 chez tous les nouveau-nés des
départements et régions d’outre-mer (DROM). En métropole, il a été étendu progressive­
ment à partir de 1995 pour atteindre l’ensemble du territoire en 2000.
Actuellement, le DN de la drépanocytose est systématique pour tous les nouveau-
nés des DROM et collectivités d’outre-mer (COM) et est ciblé en métropole. Le
ciblage concerne les nouveau-nés dont les parents appartiennent à un groupe à
risque pour la drépanocytose selon des critères définis par l’AFDPHE (encadré 3.1).
En 2017, 38  % des naissances ont bénéficié du dépistage de la drépanocytose
en métropole. Il existe une importante disparité de dépistage régionale allant de
9,6 % en Bretagne à 69,7 % en Île-de-France [3].
Le ciblage, fondé sur l’origine géographique, est régulièrement remis en question
par les professionnels de santé impliqués, en raison notamment de la difficulté à
identifier les sujets à risque : imprécision des réponses des couples interrogés sur
leurs origines géographiques, brassage des populations, procréations médicale-
ment assistées, adoptions, etc. Par ailleurs, il existe une difficulté du maintien de la
formation des professionnels de santé au ciblage.
Une généralisation du DN de la drépanocytose permettrait une simplification du
processus, limitant le ressenti de stigmatisation et facilitant la reconnaissance de la
drépanocytose comme un problème de santé publique en France.
18 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Encadré 3.1
Critères utilisés en métropole pour le ciblage d’un nouveau-né
à risque de drépanocytose (données AFDPHE)
1. Les deux parents sont originaires d’une région à risque :

départements d’outre-mer (Antilles, Guyane, Réunion, Mayotte)

tous les pays d’Afrique subsaharienne, Cap-Vert

Amérique du Sud (Brésil), Afro-Américains d’Amérique du Nord

Inde, océan Indien : Madagascar, île Maurice, Comores

Afrique du Nord : Algérie, Tunisie, Maroc

pourtour méditerranéen : Italie du Sud, Sicile, Grèce, Turquie

Moyen-Orient : Liban, Syrie, Arabie Saoudite, Yémen, Oman
2. Un des parents est originaire d’une région à risque et l’autre d’un pays d’Asie
3. La mère est à risque mais le père n’est pas connu
4. Un des parents a connaissance d’une anomalie de l’hémoglobine chez lui ou dans
sa famille

En 2014, la Haute autorité de santé (HAS), interrogée sur la pertinence de la


généralisation du DN de la drépanocytose en métropole, avait conclu à l’absence
d’élément actuel justifiant le DN systématique [4]. Cet avis sera rediscuté en 2020,
notamment à la suite d’une étude montrant le risque de faux négatifs [5] qui
sous-estimerait donc le nombre de nouveau-nés réellement atteints.

Techniques
Le DN de la drépanocytose fait appel à des techniques d’analyse de l’Hb spéci-
fiques, permettant la caractérisation de l’HbS, validées pour leurs usages dans ce
cadre particulier [1].
En pratique, le DN est réalisé à partir d’un échantillon de sang total déposé sur
papier buvard, obtenu par piqûre au talon du nouveau-né. Le prélèvement est
réalisé à la maternité, après accord des parents, idéalement 72  heures après la
naissance.
L’analyse est fondée sur des techniques séparatives, électrophorèse et chromato-
graphie, permettant d’une part de séparer les Hb en fonction de leurs caractéris-
tiques physicochimiques et d’autre part de quantifier les différentes fractions d’Hb.
Les Hb « anormales » ou variants de l’Hb sont dus à des mutations ponctuelles
qui modifient un acide aminé (AA). Pour l’HbS par exemple, la mutation est res-
ponsable du remplacement d’un acide glutamique, AA chargé négativement, par
une valine, AA apolaire. Cette modification de charge est à l’origine d’une différence
de migration électrophorétique permettant l’identification présomptive du variant
(figure  3.1). De même, cette modification d’AA modifie la force d’interaction de
l’HbS sur colonne chromatographique, permettant aussi l’identification présomp-
tive du variant en chromatographie liquide haute performance (CLHP) (figure 3.2).
D’autres techniques émergent actuellement, notamment la spectrométrie de masse.
Dépistage néonatal et diagnostic biologique 19
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Figure 3.1. Analyse de l’hémoglobine par isoélectrofocalisation.


Électrophorégramme observé chez un nouveau-né, né à terme et sain (profil FA),
présentant un syndrome drépanocytaire majeur (profils FS et FSC), porteur sain de
l’anomalie génétique (profil FAS).
Source : Allaf B, Laskri M, Nguyen C, Couque N. Actualités du programme de dépistage néonatal de la drépanocytose en
France. Rev Biol Méd 2019 ; 350. Reproduction autorisée.

Figure 3.2. Analyse de l’hémoglobine par chromatographie liquide haute


performance (CLHP) sur variant NBS® (Bio-rad).
Chromatogramme observé chez un nouveau-né, né à terme et sain (a, profil FA),
présentant un syndrome drépanocytaire majeur (b, profil FS ; c, profil FSC), porteur
sain de l’HbS (d, profil FAS).
20 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Tout profil d’Hb anormal doit systématiquement être vérifié à l’aide d’une tech-
nique différente de celle utilisée en première intention [1]. L’utilisation sur un
même échantillon d’un second test différent du premier limite le nombre de faux
positifs et augmente la spécificité du dépistage.

Résultats
Les résultats sont rendus qualitativement selon l’arbre décisionnel établi (figure 3.3).
■ Un nouveau-né sans hémoglobinopathie présente une majorité d’HbF et un
taux d’HbA en rapport avec le terme de naissance.
■ Un nouveau-né atteint de SDM présente une majorité d’HbF, de l’HbS et soit
une absence d’HbA (S/S ou S/β0-thalassémie), soit une faible quantité d’HbA
(S/β+-thalassémie), soit de l’HbC (S/C), soit de l’HbO-Arab (S/O-Arab), etc.
Comme les autres dépistages néonataux, le DN de la drépanocytose doit faire
face à des risques de faux négatifs (inversion d’échantillons, transfusion non signa-
lée de culots globulaires avant prélèvement, etc.), auxquels s’ajoute le défaut de
ciblage. Depuis l’an 2000, 16 cas de SDM diagnostiqués a posteriori ont été signalés
à l’AFDPHE. Ces SDM non dépistés correspondaient soit à des nouveau-nés non
prélevés, soit à des erreurs de ciblage [3]. La transfusion en culots globulaires du
nouveau-né en apportant de l’HbA constitue un des risques de faux négatifs.
Il faut faire en effet le diagnostic différentiel entre un profil normal et un profil de

Figure 3.3. Arbre décisionnel : contrôle sur un nouveau buvard à distance


de la transfusion (3 mois au minimum).
Dépistage néonatal et diagnostic biologique 21
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nouveau-né transfusé. Il s’agit donc d’une information importante que le service


préleveur doit mentionner.
Dans une étude réalisée dans notre laboratoire, un antécédent de transfusion n’était
pas mentionné chez 31 % des nouveau-nés transfusés [6]; à contrario, 23 % des nou-
veau-nés sont signalés à tort comme transfusés en culot globulaire, alors qu’ils ne le
sont pas. Le laboratoire de dépistage doit donc mettre en place une stratégie pour
dépister les nouveau-nés transfusés afin d’en informer en retour les prescripteurs
(pédiatres) qui devront réaliser un nouveau dépistage au minimum 3 mois après la
dernière transfusion en culot globulaire afin de ne pas méconnaître un éventuel SDM.
Il est parfois difficile de faire le diagnostic différentiel entre un porteur sain hétérozy-
gote A/S et un SDM de type S/β+-thalassémie. L’interprétation est fondée sur la quan-
tification des pourcentages d’HbA et d’HbS. Dans le cas d’un SDM, le taux d’HbS est
toujours supérieur au taux d’HbA. En pratique, pour rendre un résultat pathologique
en cas de suspicion de S/β+-thalassémie, le seuil utilisé est de HbA/HbS < 0,5.

Rendu
■ En raison du nombre important de nouveau-nés dépistés, les résultats nor-
maux ne sont pas communiqués aux familles. Ces résultats restent disponibles
auprès des laboratoires de dépistage et du CRDN pendant 20 ans dans le cas où
les familles souhaitent connaître le statut de leurs enfants.
■ Les résultats de nouveau-nés hétérozygotes, qui ne sont pas malades, sont
rendus aux parents par simple courrier ou au décours d’une consultation selon les
organisations locales.
■ Les résultats des nouveau-nés possiblement atteints sont adressés au pédiatre
référent avec une fiche d’identification d’un nouveau cas. Celui-ci organise une
consultation d’annonce avec les parents et le nouveau-né. Le DN permet de repé-
rer les nouveaux cas, mais une confirmation diagnostique est nécessaire. Cette
confirmation s’effectue sur prélèvement sanguin chez l’enfant et ses parents au
décours de la première consultation.

Confirmation du dépistage néonatal : diagnostic


biologique de la drépanocytose
La confirmation diagnostique du dépistage est biologique. Des renseignements
complémentaires sont nécessaires à l’interprétation : absence de transfusion dans
les 3  mois précédant le prélèvement, données hématologiques (résultat de la
numération sanguine avec indices érythrocytaires), bilan martial (au minimum la
ferritine et la CRP ou protéine C réactive).
Le diagnostic utilise les mêmes techniques séparatives que le DN, à savoir l’élec-
trophorèse et la chromatographie. Tout comme pour le dépistage, l’association
de techniques différentes est nécessaire pour permettre de confirmer la pré-
sence de variants cliniquement significatifs : S, C, D-Punjab, E, O-Arab et Lepore.
22 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

D’autres techniques non séparatives, mais mettant en évidence des propriétés


spécifiques des Hb anormales, sont aussi utilisées : test d’Itano par exemple pour
identification de l’HbS [7]. Une quantification précise des différentes fractions
normales (HbA, HbA2 et HbF) et des éventuels variants est nécessaire. L’inter-
prétation tient compte de l’évolution physiologique des différentes fractions d’Hb
au cours du développement. L’HbF majoritaire à la naissance va décroître et l’HbA
va s’accroître pour atteindre des valeurs « adultes », respectivement HbF < 2 %
et HbA =  95-98  %, entre l’âge de 8  mois et 1  an. La fraction d’HbA2, fraction
minoritaire, est difficilement interprétable chez l’enfant de moins de 6 mois. Elle
atteint des valeurs « adultes », HbA2 = 2,2-3,4 %, entre 8 mois et 1 an.
Suite au DN, l’interprétation d’une étude de l’Hb chez l’enfant est résumée dans
les tableaux 3.2 et 3.3.
L’étude de l’Hb des parents est importante pour préciser l’hémoglobinopathie de
l’enfant. En effet, il est difficile, chez l’enfant de moins de 1 an, de faire le diagnostic
différentiel entre S/S, S/β0-thalassémie ou encore S/PHHF (persistance héréditaire
de l’hémoglobine F). Le diagnostic différentiel est essentiel car cette dernière asso-
ciation S/PHHF ne constitue pas un SDM.
La confirmation diagnostique permet d’éliminer les rares faux positifs générés par
le DN. Il d’agit essentiellement d’associations difficiles à dépister à la naissance : S/
PHHF, S/Hope, S/K-Woolwich, etc.
Les indications de diagnostic moléculaire sont limitées et la réalisation préalable
d’une étude de l’Hb précise est indispensable. Sont concernés les syndromes
pathologiques sévères qui nécessitent une confirmation moléculaire  : SDM
en l’absence d’étude familiale complète, syndrome β-thalassémique et hémo-
globinose H. Le diagnostic moléculaire sera également nécessaire à un éventuel
diagnostic prénatal, qui permet aux couples qui le désirent de choisir de ne pas
donner naissance à un enfant atteint.

Prise en charge médicale


Après confirmation du diagnostic, un suivi rapproché des enfants atteints de
SDM est organisé par les pédiatres spécialisés pour assurer la surveillance clinique,
l’adhésion aux mesures thérapeutiques et préventives associée à l’éducation
continue des enfants et des parents [8].
Les enfants hétérozygotes  A/S ne nécessitent pas de prise en charge médicale
spécifique. La révélation du trait drépanocytaire peut cependant avoir des
conséquences pour la famille, si le statut des parents n’était pas antérieurement
connu et s’ils envisagent d’avoir d’autres enfants. Un complément d’informations
doit être proposé à la famille afin de déterminer le risque du couple d’avoir un
enfant atteint de SDM. Compte tenu du grand nombre de familles concernées,
la nécessité de disposer des ressources humaines suffisantes pour informer les
parents reste une préoccupation d’actualité.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
Tableau 3.2. Interprétation d’une étude de l’hémoglobine chez l’enfant en l’absence de variant.
Numération globulaire Normale Microcytose (sans carence martiale)
Profil du dépistage Normal (FA) FA + HbBart’s FA avec HbA basse FF ou FA avec HbA
néonatal basse
Enfant < 1 mois HbF = 55-95 %1 HbF = 55-95 %1 HbF = 55-95 %1 HbF = 55-95 %1 HbF=55-95 %1
HbA = 5-45 %1 HbA = 5-45 %1 HbA = 5-45 %1 HbA = limite inférieure HbA absente ou ↓
HbA2 = NI HbBart’s < 20 %1 HbBart’s > 20 %1 pour l’âge1 pour l’âge1
HbA2 = NI HbA2 = NI HbA2 = NI HbA2 = NI
Enfant 6 mois HbA > 80 %1 HbA > 80 %1 HbA > 80 %1 HbA > 80 %1 HbA ↓
HbF < 20 %1 HbF < 20 %1 HbF variable HbF < 20 %1 HbF ↑
HbA2 < 3,4 % HbA2 < 3,4 % HbA2 < 3,4 % HbA2 > 3,5 % HbA2 variable
HbH

Dépistage néonatal et diagnostic biologique


Enfant 1 an (norme HbA = 95-98 % HbA = 95-98 % HbA = 95-98 % HbA = 95-98 % HbA ↓
adulte) HbF < 2 % HbF < 2 % HbF variable < 10 % HbF variable < 10 % HbF ↑
HbA2 < 3,4 % HbA2 < 3,4 % HbA2 < 3,4 % HbA2 > 3,5 % HbA2 variable
HbH
Interprétation Profil d’étude de l’Hb Profil d’étude de l’Hb Hémoglobinose H. À Profil d’étude de l’Hb Profil d’étude de
normal compatible avec un confirmer par analyse compatible avec un l’Hb compatible
Avant l’âge de 6 mois, trait α-thalassémique moléculaire et étude trait β-thalassémique. avec un syndrome
un éventuel trait de l’Hb chez les À confirmer sur un β-thalassémique. À
β-thalassémique ne parents nouveau prélèvement confirmer par étude
peut pas être exclu chez l’enfant moléculaire et par
< 6 mois une étude de l’Hb
chez les parents
1. Taux à interpréter en fonction du terme de naissance [5] ; NI : non interprétable. Les points clés sont indiqués en gras.

23
24
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
Tableau 3.3. Interprétation d’une étude de l’hémoglobine chez l’enfant en présence d’HbS.

La drépanocytose « vie entière »


Profil du dépistage FAS FSa (HbS > HbA) FS FSC FSX
néonatal
Résultat confirmation – Présence HbF1 – Présence HbF1 – Présence HbF1 – Présence HbF1 – Présence HbF1
diagnostique – Présence HbA – Présence HbA – Absence HbA – Absence HbA – Absence HbA
en l’absence en l’absence de – Présence HbS – Présence HbS – Présence HbS
de transfusion transfusion en – HbA2 = variable – Présence HbC – Présence HbX
en culots globulaires culots globulaires – HbA2 = variable – HbA2 = variable
dans les trois dans les trois
derniers mois derniers mois
(y compris in utero) (y compris in utero)
– Présence HbS – Présence HbS avec
avec HbA > HbS HbA < HbS
– HbA2 = variable – HbA2 = variable
Interprétation Patient SDM : hétérozygote SDM : homozygote S ou SDM : hétérozygote Hétérozygote
hétérozygote A/S composite  hétérozygote composite composite S/C composite S/X
S/β+-thalassémique S/β-thalassémique Étude moléculaire
Étude moléculaire Diagnostic précisé nécessaire pour
recommandée pour par l’étude de l’Hb caractériser l’HbX
caractériser le défaut chez les parents et/ou afin de caractériser
β-thalassémique par étude moléculaire. En un éventuel SDM
impliqué l’absence de complément (S/D-Punjab,
d’étude, l’éventuelle S/O-Arab, etc.)
rare association
S/PHHF ne peut pas être
formellement éliminée
chez l’enfant
1. Taux à interpréter en fonction du terme de naissance [5].
Dépistage néonatal et diagnostic biologique 25
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Conclusion
Le dépistage néonatal (DN) de la drépanocytose, avec des techniques présen-
tant une sensibilité et une spécificité dépassant les 99  %, est fiable et efficace.
Comme les autres dépistages, il doit faire face aux risques de faux négatifs (trans-
fusion récente non signalée, etc.) auxquels s’ajoute pour la métropole le défaut
de ciblage. La confirmation diagnostique permet d’éliminer les rares faux positifs
du dépistage. Le DN n’est utile que lorsqu’il s’inscrit dans un système de soins
organisé pour assurer la prise en charge efficace des enfants atteints.

Références
1. JORF n° 0049 du 28 février 2018, texte n° 18. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=5-
C0175A7FB2EA8051569E9C6C5B757D4.tplgfr35s_2?cidTexte=JORFTEXT000036650121&date-
Texte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000036649859.
2. Vichinsky E, Hurst D, Earles A, et al. Newborn screening for sickle cell disease: effect on mortality.
Pediatrics 1988;81:749-55.
3. Allaf B, Laskri M, Nguyen C, Couque N. Actualités du programme de dépistage néonatal de la
drépanocytose en France. Rev Biol Méd 2019;350.
4. Haute autorité de santé. Dépistage néonatal de la drépanocytose. Questions/Réponses, mars
2014. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-03/qrdnn_drepano_
vf_10032014.pdf.
5. Cavazzana, Stanislas A, Rémus C, et al. Evidence for the widespread use of neonatal screening for
sickle cell disease. Med Sci (Paris) 2018;34(4):309-11.
6. Allaf B, Patin F, Elion J, Couque N. New approach to accurate interpretation of sickle cell disease
newborn screening by applying multiple of median cutoffs and ratios. Pediatr Blood Cancer
2018;65:e27230.
7. Itano HA. Solubilities of naturally occurring mixtures of human hemoglobin. Arch Biochem Bio-
phys 1953;47:148-59.
8. Rees DC, Williams TN, Gladwin MT. Sickle-cell disease. Lancet 2010;376:2018-31.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

4
Organisation des soins

Au décours du dépistage néonatal


Mariane de Montalembert

Points clés

Tout enfant doit être au cœur d’un réseau des soins maillant des acteurs
de proximité et des équipes soignantes expertes.

Un traitement par phénoxyméthylpénicilline (Oracilline®) et acide folique
est commencé dès la première consultation, après en avoir expliqué la
nécessité aux parents.

Les parents doivent apprendre à reconnaître les signes imposant une
consultation en urgence à l’hôpital : une fièvre supérieure à 38,5 °C, une
pâleur brutale, la persistance de la douleur malgré le paracétamol. Les
circuits pour se rendre aux urgences sont organisés dès les premières
consultations.

Le dépistage néonatal de la drépanocytose permet une prise en charge précoce,


en général dès 2 à 3 mois de vie. À cet âge, les nourrissons drépanocytaires ont un
taux encore très élevé d’hémoglobine fœtale qui les protège en grande partie des
complications. La première consultation a bien sûr pour objectifs l’explication du
diagnostic et la mise en place du traitement prophylactique des complications,
mais aussi l’organisation du parcours de soins et l’instauration d’une collaboration
avec les familles [1].

Le premier contact avec les parents


Les enfants diagnostiqués porteurs d’un syndrome drépanocytaire majeur sont
signalés par courrier aux médecins d’un centre expert (centre de référence ou de
compétence pour les syndromes drépanocytaires majeurs). C’était l’Association

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
28 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant qui assurait


cette mission jusqu’en 2018. Elle est assurée depuis par le Comité national de pilo-
tage du dépistage néonatal.
Le premier rendez-vous avec un médecin expert est proposé par téléphone,
entretien pendant lequel le mot « drépanocytose » n’est pas prononcé car il est
souvent vecteur d’une angoisse importante. Il ne sera énoncé qu’au cours de la
consultation et lié à un discours rassurant.

La première consultation
Il est important de concilier à la fois la proximité vis-à-vis du domicile des parents
et l’expertise dans la prise en charge des enfants. Les objectifs de cette consulta-
tion sont les suivants.

Annoncer le diagnostic
La qualité des techniques de dépistage permet d’annoncer le diagnostic sans atten-
dre les résultats de l’électrophorèse de l’hémoglobine de confirmation, sauf dans
les rares cas où le dépistage a montré un pourcentage élevé d’hémoglobine A,
faisant hésiter entre une drépanocytose hétérozygote et une Sβ+-thalassémie.
Apprendre que son enfant a une drépanocytose est toujours un traumatisme
majeur, même dans les cas assez rares où les parents se savaient porteurs du trait
drépanocytaire. Il faut demander aux parents quelles représentations ils ont de la
maladie (le mot « drépanocytose » n’est souvent pas connu par les parents, qui
connaissent en revanche souvent l’expression « il est SS »). Pour la majorité des
parents africains, être SS implique un décès dans l’enfance. Il faut présenter les
progrès faits dans la prise en charge et inscrire l’enfant dans un projet de vie. Au
mieux, cette annonce se fait en présence d’un psychologue [2].

Confirmer le diagnostic
Un prélèvement en sang veineux est obligatoire pour vérifier le diagnostic sus-
pecté par le dépistage néonatal. L’électrophorèse de l’hémoglobine doit être
renvoyée au laboratoire qui a fait le dépistage néonatal. On doit aussi faire une
électrophorèse de l’hémoglobine et une numération-formule sanguine (NFS) aux
deux parents, et programmer une étude de l’hémoglobine chez les autres enfants
éventuels du couple parental.

Expliquer les grands principes de la physiopathologie


Le risque d’occlusion des vaisseaux par des hématies en forme de faucille est expli-
qué, ainsi que les principaux facteurs favorisant cette transformation en faucille (le
froid, la fièvre, la déshydratation, etc.).
Organisation des soins 29
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Expliquer la transmission génétique


Cette explication est le plus souvent difficile car beaucoup de parents n’admet-
tent pas avoir transmis cette maladie alors qu’ils sont eux-mêmes bien portants.
La notion d’hétérozygotie et d’homozygotie est très difficile à comprendre et doit
être régulièrement réexpliquée. Les mères sont particulièrement vulnérables car,
dans beaucoup de cultures, la transmission des maladies du sang leur est imputée.
L’existence d’un diagnostic prénatal est expliquée ; cependant, nous conseillons
d’attendre la deuxième consultation pour le faire, sauf en cas de demande paren-
tale spécifique, pour ne pas lier au moment même de l’annonce la notion de
drépanocytose à celle d’indication possible d’interruption de grossesse.

Examiner l’enfant
On note si l’enfant est pâle, ce qui est rare avant 3 mois, et on apprend aux parents
à examiner les conjonctives. Un ictère ou une hépatosplénomégalie sont rares à
cet âge.

Prélever un bilan sanguin


Les examens à réaliser sont indiqués dans le tableau 4.1.

Prescrire un traitement prophylactique


L’importance d’une hydratation large est expliquée. La prophylaxie par phé-
noxyméthylpénicilline (Oracilline®) quotidienne est commencée dès la première
consultation, ainsi que la supplémentation en acide folique (un comprimé/jour
10 jours par mois, ou un comprimé un jour sur deux). La nécessité d’adapter le
calendrier vaccinal est expliquée [3].

Tableau 4.1. Examens complémentaires à pratiquer au moment de l’annonce


diagnostique.
Nature de l’examen Fréquence des contrôles
Électrophorèse de l’hémoglobine Pas de contrôle
À renvoyer au laboratoire qui a fait le dépistage
NFS-plaquettes-réticulocytes Environ tous les 6 mois la première année
Activité G6PD Pas de contrôle
Groupe sanguin phénotypé Contrôle entre l’âge de 6 mois et 1 an
étendu 2 contrôles après l’âge de 6 mois pour permettre
l’établissement de la carte de groupe sanguin définitive
Ferritinémie et CRP Environ tous les 6 mois la première année
CRP : protéine C réactive ; G6PD : glucose-6-phosphate-déshydrogénase.
30 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Organiser le parcours de soins


C’est un des points majeurs de cette consultation. Tout enfant doit être au cœur
d’un réseau de soins maillant des acteurs de proximité et des équipes soignantes
expertes. Les parents doivent être formés à devenir les premiers acteurs de soins,
et notamment à reconnaître les signes exigeant une consultation dans un service
hospitalier d’accueil des urgences :
■ des symptômes potentiellement liés à la drépanocytose :
• une fièvre supérieure à 38,5 °C ;
• des signes évocateurs d’anémie sévère : pâleur brutale, refus de boire, som-
nolence ;
• la persistance de la douleur malgré la prise de paracétamol.
■ ainsi que les symptômes d’alerte pour tous les nourrissons : détresse respira-
toire, diarrhée, vomissements, etc.
On doit aussi vérifier que les parents pourront se rendre dans ce service dans les
situations d’urgence, c’est-à-dire qu’ils savent appeler le SAMU ou les pompiers,
et ont prévu un mode de garde pour les autres enfants éventuels vivant au foyer.
Des séances d’éducation thérapeutique ont été organisées dans de nombreux
centres pédiatriques.
Les parents doivent au mieux avoir un médecin traitant qu’il est utile de contacter
pour lui rappeler les éléments principaux du suivi d’un enfant drépanocytaire. Des
brochures d’information pour les médecins traitants sont disponibles auprès du
réseau de soin ville-hôpital RoFSED (Réseau francilien de soin des enfants drépa-
nocytaires) [4]. Les protections maternelles et infantiles (PMI) sont aussi des relais
essentiels pour le suivi préventif. Les médecins de crèche seront informés de la
pathologie par un document de type « protocole d’accueil individualisé ».
La plupart des familles habitent loin d’un centre de référence de la drépanocy-
tose. Beaucoup de centres hospitaliers de proximité ont établi des réseaux avec
les centres hospitaliers de référence, avec au mieux une circulation des dossiers
informatisés entre eux. En outre, le carnet de santé est un outil très utile où il est
important de noter des faits marquants (génotype, taux d’hémoglobine à l’état
basal, taille de la rate, etc.) avec l’accord des parents.
Apporter un soutien psychologique
Le soutien psychologique débute au mieux dès l’annonce du diagnostic. Beau-
coup d’hôpitaux organisent des groupes de parole. Il est utile aussi d’informer les
familles de l’existence d’associations de patients.
Point sur les conditions de vie des familles
Il convient de faire ce point et de faciliter si nécessaire l’acquisition de leur titre de
séjour et leur accès aux droits.
Un entretien avec les services sociaux est souvent nécessaire. La drépanocytose
est prise en charge par l’Assurance maladie à 100 %.
Organisation des soins 31
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Suivi ultérieur
Les nourrissons drépanocytaires de génotypes SS et Sβ0-thalassémique doivent
voir un médecin formé en drépanocytose environ tous les 3  mois dans leur
première année de vie, ce rythme pouvant être moins fréquent, mais au moins
annuel, chez les enfants  SC et Sβ+-thalassémiques. La croissance est en règle
normale. L’examen clinique recherche l’existence d’une pâleur, d’un ictère, d’une
hépatosplénomégalie. Le rythme ultérieur de suivi dépend du génotype et de la
sévérité de la maladie.
Des séances d’éducation thérapeutique, en groupe ou en individuel, doivent être
systématiquement proposées. La connaissance du circuit d’urgence est contrôlée
à chaque consultation.

Environnement et drépanocytose
On attribue classiquement aux variations brutales de température le déclanche­
ment de crises douloureuses. Cette relation n’est pas, en fait, étayée par la litté-
rature. Des études rétrospectives ont en revanche identifié les responsabilités
de la force du vent, de la pluviosité et de la pollution dans la genèse des crises
douloureuses [5].

Particularités des enfants migrants primo-arrivants


Frédéric Sorge

Points clés

L’augmentation des flux migratoires d’Afrique vers l’Europe majore la
probabilité de diagnostiquer la drépanocytose chez des enfants migrants
primo-arrivants.

L’interrogatoire de l’enfant et/ou de son accompagnant non francophone
devrait être traduit et interprété par un professionnel.

Les incertitudes sur les antécédents médicaux et les vaccinations peuvent
être palliées par un bilan biomédical et un rattrapage vaccinal.

Contexte de la consultation des enfants migrants


primo-arrivants
L’augmentation progressive des flux migratoires d’Afrique vers l’Europe [6] majore
la probabilité de diagnostiquer la drépanocytose chez des enfants migrants
primo-arrivants. Cette maladie peut soit être connue préalablement et être une
des motivations principales du regroupement familial, soit être découverte à
32 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

l’occasion d’une complication, parfois inaugurale, de la drépanocytose, soit encore


être dépistée dans le cadre d’un bilan médico-psycho-social d’un mineur étranger
isolé (ou non accompagné) [7, 8].

Particularités de la consultation d’un enfant migrant


primo-arrivant
L’interrogatoire de l’enfant et/ou de son accompagnant (parents, etc.) peut être
peu contributif en cas de difficultés de communication et de compréhension
avec un mineur isolé ou une famille non francophone. Il est alors important
d’avoir recours à un interprétariat professionnel (type Inter service migrants). Le
carnet de santé ou les documents relatifs aux antécédents médicaux font souvent
défaut. En cas de difficulté interculturelle concernant par exemple la représenta-
tion de la maladie ou le psychotraumatisme, une médiation ethnopsychiatrique
devrait être programmée afin de faciliter les échanges d’information et l’examen
clinique.
La prise en charge sociale est acquise lorsque l’enfant devient ayant droit de son
parent résident (délai plus ou moins rapide). Elle existe théoriquement du fait que
l’enfant est mineur. Celui-ci pourra être pris en charge par la permanence d’accès
aux soins de santé (PASS) avec la collaboration essentielle du service social du
centre de soins [9].
Les incertitudes sur les antécédents médicaux et les vaccinations peuvent être
palliées par certains indicateurs du bilan biomédical (tableau 4.2) et un rattrapage
vaccinal (encadré 4.1).

Tableau 4.2. Bilan médical initial des enfants « migrants » primo-arrivants.


Examen Systématique Optionnel Commentaire
Clinique complet + Rechercher une
excision
Psychologique + Apport de
l’ethnopsychiatre
IDR tuberculine +
Interféron γ BK ± + Systématique si IDR
positive
Radiographie du thorax ± + Systématique si IDR
positive et si signes
respiratoires
Urine
Bandelette urinaire +
ECBU + 
Organisation des soins 33
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

 Examen Systématique Optionnel Commentaire


Sang
Créatininémie, urée, protidémie +
Glycémie +
NFS +
Ferritinémie +
Dépistage (test de Guthrie) : +
mucoviscidose, hypothyroïdie,
hyperplasie congénitale des
surrénales, hémoglobinopathies
Électrophorèse hémoglobine ± Si population à risque
Sérologie hépatite B Ag HBs, +
Ac HBs, Ac HBc
Sérologie hépatite C +
Sérologie hépatite A +
Sérologie VIH +
Sérologie syphilis +
Sérologies Chlamydia, gonocoque + Si abus sexuel
Sérologie anguillule + Si exposition
et région à risque
Sérologie schistosome + Si hématurie
et région à risque
Sérologie filariose + Si exposition
et région à risque
Anticorps antitétaniques +
Frottis sanguin + goutte épaisse + Si exposition
++ TDR paludisme et région à risque
Plombémie +
β-HCG + Si risque de grossesse
Selles
Parasitologie + bactériologie + 3 examens
ou traitement
antiparasitaire
présomptif
Radiographie du poignet gauche ± Si date de naissance
(âge osseux) incertaine (limites
médico-judiciaires)
AC : anticorps ; Ag : antigène ; β-HCG : gonadotrophines chorioniques ; BK : bacille de Koch ; IDR : intradermoréaction.
34 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Encadré 4.1
Règles du rattrapage vaccinal (d’après [11])

Rattrapage le plus tôt possible

Ne tenir compte que des « preuves » vaccinales

Priorité aux vaccins anti-infections invasives avant 2  ans  : coqueluche <  3  mois,
rougeole

Compléter rapidement et profiter de toutes les occasions de vacciner, même si
infection banale

Tous les vaccins peuvent être donnés le même jour, dans des sites différents, mais
avec plus de 2 cm d’écart entre les sites d’injection (les vaccins vivants viraux doivent
être injectés en respectant au moins 24 heures d’intervalle entre les injections)

Les intervalles minimaux de temps entre deux doses d’un vaccin en primovaccina-
tion doivent être de 1 à 2 mois (minimum validé : 3 semaines)

Pour être considérée comme dose de rappel, une dose doit être faite au moins 5 à
6 mois après la dernière dose de primovaccination (minimum toléré validé : 4 mois)

Respecter la tolérance de l’enfant et des parents (dates, nombre de doses/séance), mais
assurer la protection de l’enfant avant tout, en commençant par les vaccins prioritaires

L’expérience des consultations de mineurs isolés montre que les comorbidités


les plus fréquentes à l’anémie sont les psychotraumatismes, la malnutrition et les
infections (hépatite B, tuberculose et parasitoses intestinales) [10].
Le suivi des enfants migrants est rendu difficile par les aléas de leur insertion psy-
chosociale.

Références
1. Syndromes drépanocytaires majeurs de l’enfant et de l’adolescent. Protocole national de diag-
nostic et de soins pour une maladie rare. Haute autorité de santé, 2 avril 2010.
2. Niakaté A, Cavazza F, Perrin A, et al. L’annonce aux parents du diagnostic de drépanocytose chez
leur enfant. Arch Pédiatr 2009;16(5):405-8.
3. Ware RE, de Montalembert M, Tshilolo L, Abboud MR. Sickle cell disease. Lancet
2017;390(10091):311-23.
4. Réseau francilien de soin des enfants drépanocytaires. www.rofsed.fr.
5. Piel FB, Tewari S, Brousse V, et  al. Associations between environmental factors and hospital
admissions for sickle cell disease. Haematologica 2017;102(4):666-75.
6. Flux d’immigration par continent d’origine. Ined  ; accès. https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-
population/chiffres/france/flux-immigration/annee-continent.
7. ECDC issues-migrant-screening-and-vaccination-guidance. https://www.hcsp.fr/explore.cgi/
avisrapportsdomaine?clefr=753.
8. Bourdillon F. Éclairage sur l’état de santé des populations migrantes en France. BEH 2017;19-
20:373-4.
9. Comité médical pour la santé des exilés. Le guide Comède 2015. http://www.comede.org/guide-
comede/.
10. Monpierre O, Baudibo P, Rio-René P, et al. État de santé Mineurs isolés étrangers en Gironde entre
2011 et 2013. Bull Soc Pathol Exot 2016;109:99-106.
11. Le calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2018. DGS. https://solidarites-
sante.gouv.fr/IMG/pdf/calendrier_vaccinal_mars_2019.pdf.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

5
Croissance et puberté

Slimane Allali

Points clés

La croissance pondérale est généralement normale chez les nourrissons
drépanocytaires, puis un retard tend à s’installer au cours de la petite
enfance pour persister à l’âge adulte, et ce de façon plus marquée chez les
hommes que chez les femmes.

Une nette diminution de la prévalence du retard de croissance pondérale
a été rapportée en Europe et aux États-Unis, probablement secondaire
à l’amélioration de la prise en charge médicale des patients au cours des
dernières années.

Le retard de croissance staturale observé chez les adolescents drépa-
nocytaires est la conséquence d’un retard pubertaire d’origine centrale,
n’impactant pas la taille adulte.

Introduction
■ La croissance somatique est un indicateur clé de la santé globale des patients.
■ L’existence chez les patients drépanocytaires d’un retard de croissance staturo-
pondérale a été rapportée dès les années 1930 [1].

Croissance pondérale et indice de masse corporelle


(IMC)
■ Un retard de croissance pondérale a été décrit au début des années 1970 chez
100 patients drépanocytaires jamaïcains âgés de 12 à 21 ans, en comparaison à des
contrôles appariés sur l’âge et le sexe [2].
■ Il a ensuite été rapporté dans une large cohorte américaine de 2 115 patients
drépanocytaires âgés de 2 à 25 ans un retard de croissance prédominant sur le

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
36 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

poids, en comparaison aux courbes de référence de sujets afro-américains, et ce


de façon plus marquée à partir de l’âge de 7 ans [3].
■ Cette observation d’un retard de croissance pondérale et de l’IMC chez les
patients drépanocytaires a par la suite été décrite dans de nombreuses études
réalisées en Amérique du Nord, Amérique du Sud, aux Antilles, en Europe, en Inde
ainsi que dans plusieurs pays d’Afrique [4].
■ La croissance pondérale est généralement normale chez les nourrissons, puis
un retard tend à s’installer entre l’âge de 2 et 5 ans [5–7].
■ Ce retard semble persister à l’âge adulte et serait plus marqué chez les hommes
que chez les femmes [4, 8].
■ Son origine serait multifactorielle avec une participation de l’anémie et de
l’inflammation, à l’origine d’un hypercatabolisme et de dépenses énergétiques
accrues nécessitant des apports nutritionnels optimaux [4, 9–11].
■ Les études les plus récentes ont rapporté une nette diminution de la préva-
lence du retard de croissance pondérale, qui toucherait désormais moins de 10 %
des enfants et des adolescents drépanocytaires afro-américains, suggérant un rôle
probable de l’amélioration de la prise en charge médicale des patients au cours
des dernières années [12].
■ Il a d’ailleurs été montré que l’hydroxyurée à forte dose ainsi que les échanges
transfusionnels mensuels permettraient une normalisation de la croissance des
patients drépanocytaires [13, 14].
■ Enfin, une augmentation de l’incidence du surpoids et de l’obésité a été
rapportée, pouvant concerner respectivement jusqu’à 50 % et 20 % des patients
afro-américains à l’âge adulte [15].

Croissance staturale et retard pubertaire


■ Un retard de croissance staturale a été classiquement décrit chez les adoles-
cents drépanocytaires [16].
■ Il est en fait la conséquence d’un retard pubertaire à l’origine d’un retard de
fusion des épiphyses des os longs.
■ Toutefois, la taille adulte n’est pas impactée dans la mesure où la survenue
retardée du pic de croissance pubertaire permet l’obtention d’une taille définitive
égale à celle des sujets sains [2, 17, 18].
■ Des anomalies de la production des gonadotrophines et un défaut de produc-
tion de testostérone ont été décrits en début de puberté, suggérant une altération
des mécanismes de régulation de l’axe gonadotrope secondaire aux dépenses
énergétiques accrues chez des patients drépanocytaires [19, 20].
■ Une production de testostérone normale a par ailleurs été rapportée à l’âge
adulte, confortant l’hypothèse d’un hypogonadisme central et non périphérique
au cours de la puberté [21, 22].
Croissance et puberté 37
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Références
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2. Ashcroft MT, Serjeant GR, Desai P. Heights, weights, and skeletal age of Jamaican adolescents
with sickle cell anaemia. Arch Dis Child 1972;47(254):519-24.
3. Platt OS, Rosenstock W, Espeland MA. Influence of sickle hemoglobinopathies on growth and
development. N Engl J Med 1984;311(1):7-12.
4. Al-Saqladi AW, Cipolotti R, Fijnvandraat K, et al. Growth and nutritional status of children with
homozygous sickle cell disease. Ann Trop Paediatr 2008;28(3):165-89.
5. Rana S, Houston PE, Wang WC, et al. Hydroxyurea and growth in young children with sickle cell
disease. Pediatrics 2014;134(3):465-72.
6. Kramer MS, Rooks Y, Washington LA, et al. Pre- and postnatal growth and development in sickle
cell anemia. J Pediatr 1980;96(5):857-60.
7. Zemel BS, Kawchak DA, Ohene-Frempong K, et  al. Effects of delayed pubertal development,
nutritional status, and disease severity on longitudinal patterns of growth failure in children with
sickle cell disease. Pediatr Res 2007;61(5 Pt 1):607-13.
8. Modebe O, Ifenu SA. Growth retardation in homozygous sickle cell disease: role of calorie intake
and possible gender-related differences. Am J Hematol 1993;44(3):149-54.
9. Heyman MB, Vichinsky E, Katz R, et al. Growth retardation in sickle-cell disease treated by nutri-
tional support. Lancet 1985;1(8434):903-6.
10. Jesus A, Konstantyner T, Lobo IKV, et al. Socioeconomic and nutritional characteristics of children
and adolescents with sickle cell anemia: a systematic review. Rev Paul Pediatr 2018;36(4):491-9.
11. Wolf RB, Saville BR, Roberts DO, et al. Factors associated with growth and blood pressure pat-
terns in children with sickle cell anemia: Silent Cerebral Infarct Multi-Center Clinical Trial cohort.
Am J Hematol 2015;90(1):2-7.
12. Mitchell MJ, Carpenter GJ, Crosby LE, et al. Growth status in children and adolescents with sickle
cell disease. Pediatr Hematol Oncol 2009;26(4):202-15.
13. Hankins JS, Ware RE, Rogers ZR, et al. Long-term hydroxyurea therapy for infants with sickle cell
anemia: the HUSOFT extension study. Blood 2005;106(7):2269-75.
14. Wang WC, Morales KH, Scher CD, et al. Effect of long-term transfusion on growth in children
with sickle cell anemia: results of the STOP trial. J Pediatr 2005;147(2):244-7.
15. Pells JJ, Presnell KE, Edwards CL, et  al. Moderate chronic pain, weight and dietary intake in
African-American adult patients with sickle cell disease. J Natl Med Assoc 2005;97(12):1622-9.
16. Whitten CF. Growth status of children with sickle-cell anemia. Am J Dis Child 1961;102:355-64.
17. Lowry MF, Desai P, Ashcroft MT, et al. Heights and weights of Jamaican children with homozy-
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18. Singhal A, Thomas P, Cook R, et al. Delayed adolescent growth in homozygous sickle cell disease.
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19. Olambiwonnu NO, Penny R, Frasier SD. Sexual maturation in subjects with sickle cell ane-
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20. Singhal A, Gabay L, Serjeant GR. Testosterone deficiency and extreme retardation of puberty in
homozygous sickle-cell disease. West Indian Med J 1995;44(1):20-3.
21. Taddesse A, Woldie IL, Khana P, et al. Hypogonadism in patients with sickle cell disease: central
or peripheral? Acta Haematol 2012;128(2):65-8.
22. Martins PR, Kerbauy J, Moraes-Souza H, et  al. Impaired pubertal development and testicular
hormone function in males with sickle cell anemia. Blood Cells Mol Dis 2015;54(1):29-32.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

6
Éducation thérapeutique

Sandrine Mensah, Alizée Sterlin

Points clés

L’accès à l’éducation thérapeutique est un droit du patient malade chro-
nique.

Elle permet au patient d’utiliser ses compétences et d’en acquérir de nou-
velles pour arriver à une autonomie vers un nouvel équilibre de vie avec
sa maladie.

Pour développer l’offre d’éducation thérapeutique du patient (ETP), les
équipes de soignants proposent un programme d’ETP validé par l’agence
régionale de santé.

La transition du patient en service pour adulte est un des thèmes utilisés
par le RoFSED en ETP.

Définition et généralités
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est une discipline relativement
récente à la croisée du soin, de la médecine et de l’éducation. Sa finalité est l’acqui-
sition, la mobilisation et le maintien de compétences d’autosoin et d’adaptation.
Il s’agit pour le patient de prendre conscience de toutes les ressources (intrin-
sèques et extrinsèques), dont il dispose pour faire face à toutes sortes de situa-
tions en lien avec la maladie au quotidien.
Pour le professionnel, il s’agit de pouvoir se dégager des contraintes profession-
nelles, structurelles et organisationnelles pour comprendre et respecter la tempo-
ralité et les équilibres du patient.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
40 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

En 2008, Christian Saout, Bernard Charbonnel et Dominique Bertrand proposent


une définition de l’ETP qui
« s’entend comme un processus de renforcement des capacités
du malade et/ou de son entourage à prendre en charge l’affection
qui le touche, sur la base d’actions intégrées au projet de soins.
Elle vise à rendre le malade plus autonome par l’appropriation
de savoirs et de compétences afin qu’il devienne l’acteur de
son changement de comportement, à l’occasion d’événements
majeurs de la prise en charge (initiation du traitement,
modification du traitement, événements intercurrents, etc.) mais
aussi plus généralement tout au long du projet de soin, avec
l’objectif de disposer d’une qualité de vie acceptable par lui » [1].

Ce que dit la loi


L’ETP est un droit du patient inscrit dans la loi hôpital, patients, santé et territoires
(HPST) du 21 juillet 2009.
Les programmes sont encadrés par l’agence régionale de santé (ARS), qui les
valide pour une durée de 4 ans renouvelables.
Des évaluations annuelles et quadriennales sont obligatoires.

Et en pratique ?
En pratique, les actions menées sont cadrées par la Haute autorité de santé (HAS).
Dans le guide méthodologique, «  Structuration d’un programme d’éducation
thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques » que cette
dernière propose, la démarche en ETP se divise en quatre étapes :
■ dans un premier temps, l’élaboration du diagnostic éducatif ou du bilan édu-
catif partagé est réalisée avec le patient ;
■ il s’agira ensuite de définir un programme personnalisé d’ETP avec des priorités
d’apprentissage ;
■ la troisième étape consiste en la planification et la mise en œuvre des séances ;
■ la dernière étape prévoit la réalisation d’une évaluation des compétences
acquises et du déroulement du programme.

Précisions sur l’éducation thérapeutique


du patient (ETP)
■ Si la majorité des programmes validés par l’ARS sont actuellement hospitaliers,
les professionnels libéraux peuvent tout à fait proposer des séances d’ETP.
■ L’un des prérequis de l’ETP est la pluridisciplinarité. Le travail en équipe et
l’apport de différents champs de compétences sont essentiels pour proposer aux
patients un programme riche correspondant à leurs besoins.
Éducation thérapeutique 41
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Une formation est nécessaire pour pouvoir animer des séances d’ETP. Un mini-
mum de formation de 40 heures est indispensable. Il est également possible de
suivre un diplôme universitaire, un master et une thèse.
■ Il y a parfois un mésusage du terme d’éducation thérapeutique. Prendre le
temps de donner toutes les informations concernant son nouveau traitement
à un patient n’est pas synonyme d’éducation thérapeutique. Si l’information est
indispensable et obligatoire, elle ne constitue pas en soi de l’éducation thérapeu-
tique. Il en va de même pour l’écoute active ; ce sont des outils au service d’un
projet.
■ L’observance thérapeutique n’est pas obligatoirement l’objectif principal pour
un patient qui prend mal son traitement. Celle-ci est très souvent un objectif
que les soignants désirent voir atteint, mais ce n’est un objectif d’ETP que si elle
correspond à un besoin du patient. Il convient d’aider le patient à trouver ou
retrouver des équilibres de vie acceptables par lui. De nombreuses étapes pré-
liminaires peuvent donc être nécessaire avant d’arriver à une prise régulière des
traitements.
■ Un patient peut dispenser de l’ETP. Avec une formation, un patient peut en
effet devenir ce qu’on appelle un patient expert. Celui-ci a pu prendre du recul
sur sa situation et connaît la pathologie. Il peut aussi suivre une formation pour
dispenser de l’ETP.
■ L’une des grandes spécificités de la pédiatrie est le travail en trinôme avec les
parents. Il en va de même en ETP. Des programmes peuvent être pensés pour les
parents, les enfants, ensemble ou séparément.
■ Les contenus éducatifs doivent pouvoir s’adapter aux spécificités liées à l’âge,
mais aussi aux particularités individuelles. C’est pour cela que le bilan éducatif
partagé est essentiel ; il permet un premier point sur les freins, les leviers, les res-
sources, les besoins, les envies et le vécu de chaque patient sur sa situation.
■ Il existe déjà des outils et programmes disponibles et adaptables. OSCARS
(http://www.oscarsante.org/occitanie/etp), CART’EP (https://leps.univ-paris13.fr/
fr/4-cart-ep.html), EPHORA (http://ephora.fr/ind/m.asp) sont des sites de partage
d’informations sur les programmes d’ETP autorisés en régions.
■ Le Réseau francilien de soin des enfants drépanocytaires (RoFSED) est un
exemple de structure qui développe des programmes d’ETP et de nombreux
outils (figure 6.1) [2].
■ De même, l’association EVAD (Et vivre adulte avec la drépanocytose) est
constituée d’un groupement de services hospitaliers qui porte un programme
d’ETP chez le patient adulte drépanocytaire.
■ Tous les patients ne « doivent » pas participer à un programme d’ETP. Il est en
effet essentiel de s’accorder à la temporalité du patient, d’aller à son rythme en
fonction de ses besoins et de ses attentes. L’ETP est une bulle où l’on peut laisser
du temps, où l’on accepte les réticences et les pas en arrière. Chaque personne est
la bienvenue au moment le plus opportun pour elle.
42 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Figure 6.1. a-c. Exemples d’outils d’ETP.


Source : RoFSED. Reproduction autorisée.

Les modalités de l’ETP – l’exemple des enfants


au RoFSED
L’ETP peut être proposée à tout patient atteint d’une maladie chronique. Elle est
réalisée en collectif ou en individuel.
■ Dans le cas de l’individuel, l’ETP est dispensée au patient lui-même accompa-
gné ou non de sa famille (parents, conjoint, enfant, etc.). L’intervenant est l’infir-
mière ou le médecin. L’ETP est dispensée au domicile, au RoFSED, dans un service
hospitalier ou une protection maternelle et infantile (PMI).
■ En ce qui concerne les séances collectives, nous estimons que l’âge minimal
pour en bénéficier est 5 ans ; au-dessous, l’ETP ne concerne que les parents qui
seront sollicités jusqu’au passage en service pour adulte de leur enfant. Chez
l’adulte, le conjoint, considéré comme un aidant, peut aussi être concerné. Dans
chaque cas, les individus sont invités par groupes de pairs.
Nous présentons ici ce que peut être l’éducation thérapeutique des enfants
atteints de drépanocytose pendant des séances collectives. Il existe une grande
variété de possibilités dans le choix des groupes et du recrutement des patients.
Sont indiquées ci-dessous les étapes essentielles de tout atelier d’ETP.
Éducation thérapeutique 43
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■ L’accueil : c’est le moment idéal pour créer une atmosphère conviviale. Il est
bienvenu de proposer des boissons. Les enfants sont invités à s’installer où ils le
souhaitent. La réalisation de badges personnalisés peut être une première activité
réunissant les enfants tout en leur permettant d’exprimer leur créativité.
■ Les présentations  : un temps de présentation des participants ainsi que des
animateurs est essentiel pour permettre à chacun de faire connaissance, d’expri-
mer ses attentes. C’est également l’occasion pour les animateurs d’instaurer un
climat de bienveillance et d’exposer le déroulement de la séance. De nombreuses
activités existent pour rendre ce moment ludique.
■ L’activité : l’atelier peut ensuite démarrer. Il est évidemment essentiel d’adapter
la durée et le contenu de celui-ci au public visé. Les patients atteints de drépa-
nocytose peuvent être fatigables  ; des pauses doivent donc être anticipées. La
présence d’au moins deux encadrants est importante pour permettre aux enfants
de se séparer du groupe si besoin, d’aller aux toilettes, de revoir une notion non
comprise, etc. L’accès à l’eau doit être facile et libre.
■ La conclusion : il est important de garder un temps pour récapituler les points
clés de la séance. C’est également le moment d’échanger, pour ceux qui le dési-
rent, sur les bénéfices perçus à l’issue de l’atelier. Enfin, une évaluation des connais-
sances et/ou de la satisfaction pourra être proposée.
■ Le retour d’informations pour les parents  : une synthèse (collective ou indi-
viduelle si nécessaire) de ce qui s’est fait dans le groupe est importante car les
parents font partie du processus en éducation thérapeutique. Cela permet aussi
de faciliter les échanges entre parents et enfants à distance de la séance et de
poursuivre l’élaboration des savoirs de toute la famille.

Les thèmes de l’ETP dans la drépanocytose –


l’exemple de la transition
Les thèmes abordés en ETP au RoFSED sont la douleur, les activités physiques, le
voyage en Afrique, la transition du suivi dans un service pour adultes.
Ces thèmes, qui sont proches du quotidien et des besoins des patients atteints de
drépanocytose, permettent l’appropriation de savoirs et de compétences menant
à l’autonomie par le changement d’attitude.
Prenons le thème de la transition du jeune adulte vers un service pour adultes. C’est
une période charnière et à risque. En effet, on observe de nombreuses ruptures de
suivi dans les premières années post-transition. Une attention toute particulière
doit donc être portée à ces jeunes adultes. L’expérience montre que le processus
doit commencer très tôt, dès le début de l’adolescence. Les séances d’éducation
thérapeutique spécifiques à cette problématique peuvent être proposées vers
15  ans. Les ateliers autour du parcours de santé, coanimés par une assistante
sociale, sont au cœur des problématiques de nombreux patients. Il est également
essentiel de pouvoir laisser un espace de parole pour que les représentations,
44 La drépanocytose « vie entière »
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Figure 6.2. Livrets sur la transition.


a. À l’usage des professionnels. b. À l’usage des patients.
Source : RoFSED. Reproduction autorisée.

peurs ou espoirs sur la prise en charge adulte puissent être verbalisés. Pour cela,
un outil comme le Photolangage®, technique de médiation groupale utilisant des
photographies afin de faciliter la prise de parole en public, peut être utile et la
présence d’un psychologue est recommandée.
Pour que la transition ne constitue pas une rupture mais une continuité, la mise
en place d’un outil qui suivra le jeune tout au long du processus peut être impor-
tante. Il existe à cette fin un carnet de liaison à remettre au patient. Celui-ci est
accompagné d’un guide pratique à destination des professionnels (figure  6.2).
Le livret a le rôle d’une interface entre le trinôme pédiatre, patient et médecin
d’adulte. Une fiche à destination des parents y figure aussi. Accompagner les
parents dans ce cheminement vers l’autonomie de leur enfant est essentiel, car ils
sont souvent une ressource importante pour les jeunes en transition.
Enfin, il va sans dire qu’une connaissance mutuelle et une interaction a minima
entre médecins et idéalement entre les équipes sont un atout de taille dans ce défi
d’un accompagnement à la transition réussie.

Références
1. Saout C, Charbonnel B, Bertrand D. Rapport. Pour une politique nationale d’éducation thérapeu-
tique du patient. Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Juin 2010.
2. www.Rofsed.fr.
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CHAPITRE

7
Prise en charge
psychologique

Marie Vandaele

Points clés

L’annonce du diagnostic est un événement traumatique.

Les répercussions psychiques des événements douloureux sur l’enfant et
sa famille sont multiples, et portent notamment sur la scolarité.

L’adolescence est une période à risque.

L’annonce du diagnostic
L’annonce se fait quelques semaines après la naissance. Le médecin convoque les
parents par téléphone ou par courrier en proposant un rendez-vous. Il devient
l’acteur de l’annonce. La vie du patient ainsi que celle de sa famille basculent  ;
le diagnostic tombe comme une sentence, empreinte de croyances culturelles
propres, annonçant une vie différente à jamais.
Le moment de l’annonce représente une crise traumatique où chacun est placé
dans une insécurité. La première réaction des parents est souvent la sidération,
comme s’ils n’avaient rien entendu, rien compris. Les mécanismes défensifs
s’intensifient (déni, dénégation, etc.).
Une fois cette phase de sidération et de révolte dépassée, il est primordial d’aider
les parents à maintenir un investissement de leur enfant. Après l’annonce, il faut
qu’ils se réapproprient une nouvelle image, celle d’un enfant qu’il va falloir conti-
nuer à rêver, à projeter dans un avenir.
L’événement traumatique vient réactiver des éléments du passé. Cette maladie a
une histoire, qui, lorsqu’elle est connue dans le pays d’origine, est liée à des repré-
sentations mortifères des parents et de leurs familles. Mme M. déclare ainsi : « Les
enfants ne passent pas 5 ans, ils sont maigres, ont un gros ventre et les mères sont

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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46 La drépanocytose « vie entière »
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pointées du doigt. On dit que c’est le diable qui a donné cette maladie ». Les parents
nous disent qu’il s’agit d’une maladie honteuse, en particulier pour les mères,
jugées coupables d’une faute qu’elles auraient commise ou portée. Dans ces pays
d’origine, la prise en charge est aléatoire, souvent éloignée géographiquement et
coûteuse pour les familles. Les enfants bénéficient rarement de soins adaptés et
cette maladie devient visible, morbide (yeux jaunes, gros ventre, boiterie, etc.),
mortelle. Certains parents rapportent qu’on pousse les familles à ne pas investir
l’enfant malade.
Cette maladie, dont on ne peut pas connaître la fréquence des crises, leur nombre
ou leur cause, plonge les parents dans des interrogations, des angoisses intermi-
nables. Ceux-ci sont dans l’attente de la première crise, qui viendra à 6 mois, 1 an ?
En groupe de parole, les parents parlent des difficultés de vivre l’annonce d’une
maladie dont les complications sont incertaines et imprévisibles. Ils évoquent
l’angoisse de la première crise, l’inquiétude de ne pas la repérer, la façon de l’éviter.
Mme J. indique : « Il va bien mais je dois quand même lui donner des médicaments
qui n’empêcheront pas la crise de venir. C’est paradoxal non ? ».

L’enfant et sa famille
Ces familles ont en commun la drépanocytose mais aussi bien souvent un vécu,
une histoire traumatique familiale. Elles sont fréquemment seules avec cette
maladie (déracinement, impossibilité de le dire au pays, etc.). Elles craignent d’être
confrontées aux réactions de leurs propres parents : « Ton enfant va mourir, c’est
horrible ». De tels propos peuvent les faire douter des paroles rassurantes du
médecin quant à la prise en charge et la qualité de vie. La vie des familles est ryth-
mée par les rendez-vous avec le pédiatre, les bilans annuels, qui sont souvent une
source d’angoisse (« Que va-t-on trouver ? »). Chaque crise, nécessitant ou non une
hospitalisation, réactive une angoisse d’une mort chez l’enfant et chez les parents.
L’enfant se construit avec son entourage, ses liens d’attachement, la place qu’on
lui donne au sein de la famille et la place qu’il va prendre. Pour la famille, l’enfant
atteint de la drépanocytose est toujours plus fragile  ; il faut le protéger, le sur-
protéger. Mme O. déclare : « Je vérifie que mon bébé dort, qu’il est bien en vie… ».
Il est parfois difficile de penser l’enfant autrement que par le statut de « malade »,
l’angoisse étant très présente, et cela même quand, dans la réalité, l’enfant est
asymptomatique. Il est donc important de continuer à soutenir les parents, de
leur montrer qu’ils restent avant tout parents de leur enfant.
La maladie affecte le développement de l’enfant, amène à l’abandon ou à la modi-
fication des projets de vie. Les pensées magiques réveillent des sentiments d’injus-
tice et de culpabilité chez les parents, mais aussi chez l’enfant qui cherche un sens
à ce qui lui arrive, surtout au fur et à mesure qu’il grandit. La maladie n’est pas
toujours évoquée dans la famille et l’enfant peut même prendre des médicaments
sans savoir ni comprendre pourquoi.
Prise en charge psychologique 47
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Les hospitalisations peuvent démobiliser l’enfant dans sa scolarité, mais aussi dans
sa vie sociale, dans sa capacité de se faire des amis, de se projeter dans un avenir
même proche. Les conséquences des absences répétées sont une rupture de la
continuité, à la fois dans les apprentissages et dans les relations. L’enfant peut se
décourager et il est alors difficile d’investir des projets à court ou long terme. La
crise impose une rupture soudaine, brutale et itérative dans la continuité de la vie
de l’enfant.
Après les hospitalisations, il y a une appréhension pour retourner à l’école. Cathy,
10 ans, dit ainsi : « Vais-je réussir à rattraper tout ce que j’ai manqué ? Que vais-je
dire à mes ami(e)s ? Suis-je obligée de parler de ma maladie ? Et si on ne me croyait
pas ? ». Il est en effet difficile d’en parler aux amis qui peuvent croire que la maladie
est contagieuse et qui peuvent avoir peur de l’enfant.
Les enfants disent qu’il est extrêmement difficile de retourner à l’école après une
crise car ils ne savent pas quoi dire. Comment communiquer cette douleur qu’ils
préféreraient oublier ? La mise en mots s’avère bien souvent impossible.
D’autres ont été confrontés à des camarades qui ne les croient pas, les traitent de
menteurs, etc. Thomas, 12 ans, indique : « Lorsque j’ai dit à ma classe que j’avais
été hospitalisé parce que j’avais mal au bras, ils ont ri et un copain a dit : “La grosse
blague, être hospitalisé parce que tu as mal au bras. Moi aussi je viens de me cogner
et si j’allais aux urgences !” Je ne savais pas quoi répondre. Je suis resté figé, bloqué ».
Il faut veiller à ce que l’enfant ne soit pas mis à l’écart et ne s’isole pas. Des aides
à la scolarité existent et peuvent être mises en place, comme le service d’aide
pédagogique à domicile, le soutien scolaire, un réaménagement de l’emploi du
temps si besoin.
Les répercussions psychiques de la maladie peuvent être nombreuses :
■ repli sur soi, mutisme, demandes incessantes d’être soulagé, irritabilité, agres-
sivité, etc. ;
■ perte de confiance en soi ;
■ attente anxieuse de la prochaine crise (soudaineté et répétition des crises) ;
■ sentiment de solitude exacerbé (ne pas pouvoir être compris, honte, etc.) ;
■ apparition parfois des signes d’une dépression.
La rencontre avec un psychologue, puis l’accompagnement (lors et en dehors des
hospitalisations) sont souvent bénéfiques et nécessaires afin que les souffrances,
les difficultés éventuelles puissent trouver leur juste place pour l’enfant et pour
sa famille. Proposer une rencontre à l’enfant et sa famille peut ainsi permettre de
démêler certaines situations.

Le corps et la douleur
L’enfant, par sa maladie, est soumis à une agression à la fois intérieure, par le mal
physique, et extérieure, par les obligations médicales que cela impose. Il est placé
en position de soumission, en position passive.
48 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Pour F. Dolto, la relation à soi est d’abord une relation au corps ; la connaissance
de soi commence par la connaissance du corps [1]. L’image du corps est liée au
sujet, à son histoire propre. La drépanocytose attaque l’image du corps par la dou-
leur qu’elle produit. L’enfant, impuissant, peut vivre son corps comme mauvais,
défaillant. Le corps, au lieu d’être un instrument de plaisir et d’autonomie comme
dans les conditions « habituelles », devient un lieu de souffrance, de douleur, une
occasion de passivité.
Le moment de la crise entraîne un repli narcissique ; il faut avant tout lutter contre
la douleur. La douleur va rester inscrite comme une expérience menaçante. Elle
peut faire perdre confiance en soi et la confiance vis-à-vis des autres. Personne ne
peut protéger l’enfant contre elle. La douleur du corps ne disparaît jamais ; on ne
peut pas l’oublier.
Les enfants et adolescents que nous suivons parlent de « la douleur », la personni-
fiant souvent. Cette douleur particulière, intense, arrive à bas bruit, s’installe pour
s’éterniser dans le corps puis finit par disparaître.
Pour C. Graindorge, il faut être attentif à la façon dont les enfants vont se construire,
se protéger face à leur douleur car la lutte contre celle-ci peut compliquer la mise
en place de repères cruciaux (limites entre soi et l’autre, confiance en soi, en son
corps, en l’adulte, etc.) [2]. La solution est souvent le repli, l’inhibition, la passivité.
Pour D. Anzieu [3], la douleur ne se voit pas, ne s’entend pas, ne se palpe pas. Il
n’y a pas d’accès direct à la douleur d’autrui. La douleur met en faillite la capacité
de communiquer verbalement. Le non-verbal (pleurs, cris, crispation du visage,
agitation, etc.) va être la communication privilégiée.
D. Anzieu nous dit que chacun est seul face à la douleur [3] : « Elle prend toute
la place et je n’existe plus en tant que je : la douleur est ». Ce que nous pouvons
entendre par rapport à la douleur est : « Qui pourrait me comprendre ? ». Il y a
parfois une méfiance vis à vis des soignants : « Va-t-on me croire ? » ou « On ne
me croit pas ! » ; et ce d’autant que les signes de la douleur ne sont pas toujours
évidents. Certains enfants sont douloureux tout en continuant à jouer, regarder
la télévision, etc. Il existe des méthodes alternatives, non médicamenteuses, per-
mettant d’aider le patient douloureux. Par exemple, l’hypnose permet de réduire
la douleur du patient en focalisant son attention sur autre chose.

L’adolescent
L’adolescent avance vers l’appropriation d’un nouveau corps et de nouveaux res-
sentis. Françoise Dolto parle du « complexe de homard » pour décrire l’adoles-
cent : « Les homards quand ils changent de carapace perdent d’abord l’ancienne
et restent sans défense, le temps d’en fabriquer une nouvelle. Pendant ce temps-là
ils sont très en danger. Pour les adolescents c’est un peu la même chose » [1].
La drépanocytose est une maladie qui ne se voit pas  ; pourtant, la prévention
quotidienne (prendre les médicaments, boire, bien se couvrir, etc.) rappelle à
Prise en charge psychologique 49
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

l’adolescent sa maladie tous les jours. De plus, le retard pubertaire est fréquent
chez les enfants atteints de drépanocytose.
À l’adolescence, la maladie renforce les relations de dépendance. L’adolescent va
manifester des besoins d’autonomie, d’indépendance, mais avec la volonté d’avoir
toujours ses parents près de lui. Les parents vont devoir supporter l’agressivité de
l’adolescent tout en devant le protéger et le contenir. L’enfant était pris en charge
par ses parents qui l’accompagnaient aux rendez-vous, étaient présents pendant
les hospitalisations, donnaient les traitements, etc. Petit à petit, l’adolescent va
prendre ses traitements seuls, parfois ne voudra pas les prendre.
P. Jeammet [4] dit que l’adolescent peut avoir besoin de vivre ses propres expé-
riences de la maladie pour se construire et se différencier de ses parents.
L’adolescence reste une période à risque. Des études montrent que les taux les plus
importants de consultations aux urgences et de réhospitalisations concernent les
18-30 ans [5]. Il y a également une augmentation des décès liés à la drépanocytose
chez les patients âgés de 18 à 23 ans [6].

Conclusion
La prise en charge des enfants atteints de drépanocytose et de leur famille doit
être pluridisciplinaire. L’étude de Marie-Hélène Odièvre et d’Adrienne Lerner a
montré la pertinence du binôme médecin-psychologue lors des consultations [7].
De nombreuses familles et de nombreux enfants ont besoin d’être accompagnés.
Lorsqu’ils sont prêts, parler permet de rompre l’isolement dans lequel la maladie
enferme (surtout vis-à-vis de la famille et de l’entourage).
Dans la prise en charge des enfants atteints de drépanocytose, l’objectif est de
proposer un accompagnement permettant à ces derniers de grandir, tout en les
considérant pour ce qu’ils sont : de jeunes êtres en construction physique et psy-
chique permanente. Cet accompagnement doit se faire dans tous les moments
de vie afin de permettre aux enfants de dompter les douleurs, parfois très envahis-
santes, pouvant amener jusqu’à la constitution de troubles psychiques. Ainsi, la
maladie ne doit ni définir qui ils sont, ni représenter totalement ce qu’ils sont.
G.  Canguilhem écrit qu’«  il faut parvenir à admettre que le malade est plus et
autre qu’un terrain où s’enracine la maladie » [8]. Celle-ci fait partie d’eux, ni plus,
ni moins. Les professionnels doivent représenter pour eux des ressources de
confiance sur lesquelles s’appuyer dès que nécessaire.

Références
1. Dolto F. L’image inconsciente du corps. Paris : Le Seuil ; 1984.
2. Graindorge C. Comprendre l’enfant malade. Paris : Dunod ; 2008.
3. Anzieu D. Le moi-peau. Paris : Dunod ; 1985.
4. Jeammet P. Adolescences. Repères pour parents et les professionnels. Paris : La Découverte ; 2012.
50 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

5. Brousseau DC, Owens PL, Mosso AL, et al. Acute care utilization and rehospitalizations for sickle
cell disease. JAMA 2010;303:1288-94.
6. Quinn CT, Rogers ZR, McCavit TL, Buchanan GR. Improved survival of children and adolescents
with sickle cell disease. Blood 2010;115:3447-52.
7. Odièvre MH, Lerner A. Quel accompagnement psychologique dans le suivi des enfants atteints
de drépanocytose? Mt Pédiatrie 2017;20(4):285-94.
8. Canguilhem G. Le normal et le pathologique. Paris : PUF ; 1999.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

8
La transition
de la pédiatrie vers
les soins pour adultes

Corinne Guitton

Points clés

La transition des jeunes patients drépanocytaires est un enjeu capital et
parfois vital.

C’est un processus long qui doit être débuté tôt pendant l’adolescence.

Promouvoir l’autonomie et développer les compétences médicales
d’autogestion de l’adolescent est primordial.

Il est nécessaire de formaliser une procédure de transition qui tient
compte des soins, mais aussi des aspects psychosociaux et éducatifs.

Cultiver des liens étroits et réguliers entre les équipes pédiatriques et
adultes est une des clés du succès de la transition.

Introduction
La stratégie de dépistage néonatal des syndromes drépanocytaires majeurs per-
mettant une prise en charge précoce et l’amélioration des soins médicaux ont
permis de réduire de façon significative la mortalité infantile [1]. Ainsi, plus de
95 % des patients atteignent l’âge adulte dans les pays aux ressources médicales
développées et font l’expérience d’une transition des soins pédiatriques vers les
soins pour adultes. Cependant, ce passage est une période particulièrement
critique chez les malades drépanocytaires, avec un taux important de consulta-
tions aux urgences, d’hospitalisations, un risque accru de décès et, pour certains,

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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52 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

l’apparition des premiers signes d’atteinte d’organe (altération rénale, ophtalmolo-


gique, pulmonaire, etc.) [1, 2]. La gestion de la maladie au quotidien et la prépara-
tion au transfert en secteur de soins pour adultes sont donc des enjeux majeurs.

Les principes de la transition


La transition est définie comme un mouvement continu, complet et coordonné
entre les soins pédiatriques, axés sur le développement et la croissance avec une
grande interface parentale, et les soins aux adultes, centrés sur l’autonomie, l’inser-
tion socioprofessionnelle et la procréation.
Pour être réussie et bien vécue, la transition doit être planifiée, attendue et perçue
comme une étape normale de développement par le patient et son entourage.
Elle doit donc être anticipée en l’abordant tôt à l’adolescence, être préparée et
formalisée entre les équipes pédiatriques et adultes, et s’attacher tout autant aux
aspects médicaux que psychologiques et socio-éducatifs. Le rôle des différents
intervenants et partenaires se modifie lors de cette transition, le patient devenant
progressivement l’acteur principal de sa prise en charge (figure 8.1).
Ce processus est long et s’étend généralement sur une période allant de l’âge de
13 à 19 ans, voire plus.
Le but est d’amener les patients et leurs familles à une maturité idéale permettant
le transfert vers le secteur adulte, plutôt qu’à un âge idéal, généralement établi par
une temporalité administrative institutionnelle. L’éducation thérapeutique ainsi que
les diverses échelles de transition existantes [3, 4] permettent d’évaluer et de déve-
lopper les compétences de l’adolescent malade, mais aussi de promouvoir ses res-
sources psychologiques et de l’aider à déterminer ses objectifs socioprofessionnels.
Ces actions doivent se poursuivre au-delà du passage en secteur adulte, afin
d’étayer un investissement solide et durable du patient auprès de sa nouvelle
équipe désormais référente.
L’objectif d’une transition réussie est donc de garantir la qualité de la prise en
charge pour améliorer le pronostic, l’adhésion aux soins à un âge où la compliance
est souvent difficile et de favoriser une qualité de vie optimale avec une bonne
estime de soi.

Figure 8.1. Évolution des rôles du médecin, du patient et de sa famille en fonction


de l’âge.
D’après Kieckhefer GM, Trahms CM. Supporting development of children with chronic conditions: From compliance
toward shared management. Pediatric Nursing 2000 ; 26, 354-63.
La transition de la pédiatrie vers les soins pour adultes 53
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

La transition en pratique
Afin d’accompagner les patients durant cette période particulière et à risque, plu-
sieurs équipes ont développé des programmes de soins dédiés à la transition et
certains experts ont émis des recommandations [5, 6] :
■ refaire une annonce du diagnostic de drépanocytose dès le début de l’adoles-
cence ;
■ favoriser l’autonomie du patient (le recevoir seul une partie de la consulta-
tion, respecter la confidentialité, encourager les séjours scolaires et colonies de
vacances, etc.) ;
■ évaluer les connaissances et les croyances du patient et de son entourage
(connaître son type de drépanocytose, la physiopathologie, le mode de transmis-
sion, l’utilisation des antalgiques, etc.) ;
■ développer les aptitudes du patient face aux situations d’urgence (conduite à
tenir en cas de douleur, fièvre, majoration de l’anémie, priapisme, etc.) ;
■ développer les compétences d’autogestion de la maladie au quotidien (prise
des médicaments, renouvellement d’ordonnance, prise des rendez-vous médi-
caux, etc.) ;
■ s’assurer de la bonne connaissance du traitement et de l’indication de chacune
des molécules, ainsi que de l’importance de l’observance, et dépister un mésusage
des antalgiques. La période de transition est parfois l’occasion de réévaluer la prise
en charge thérapeutique en envisageant une intensification ou une désescalade ;
■ discuter de l’impact de la maladie et/ou des traitements sur la sexualité, la
fertilité et la grossesse, et programmer au moins une consultation de gynécologie
à l’adolescence ;
■ s’assurer que la situation administrative est à jour (protocole affection de
longue durée [ALD], mutuelle, dossier de maison départementale des personnes
handicapées [MDPH] dans certains cas, etc.) ;
■ attendre, si possible, que la puberté soit achevée, et une période stable médicale­
ment et psychologiquement avant d’effectuer le transfert du patient vers sa nou-
velle équipe, en tenant compte de sa connaissance de la maladie et du contexte
socioprofessionnel. Il ne faut pas oublier que les adolescents et jeunes adultes
(AJA) vivent également d’autres transitions (de l’école vers le travail, du logement
des parents vers un nouveau lieu de vie, etc.), ce qui requiert une certaine flexibi-
lité de la part des médecins ;
■ identifier clairement le ou les futurs interlocuteurs ainsi que les circuits de
consultations, d’hospitalisations et des urgences (pompiers, centres hospitaliers
de proximité) ;
■ rédiger un compte-rendu de transition médical, paramédical et sociofamilial
synthétique ; l’expliquer et le remettre au patient, et l’adresser au futur médecin du
secteur adulte ainsi qu’au médecin traitant. Le recours à un médecin traitant est
obligatoire dès l’âge de 16 ans, ce dernier étant véritablement un acteur constant
54 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

tout au long du processus et pouvant être une ressource en cas de difficultés au


cours du transfert ;
■ discuter des différences de prise en charge et de fonctionnement entre les
équipes pédiatriques et les équipes adultes (le vouvoiement, les horaires de visites,
la gestion de la douleur, etc.) en les expliquant sans les critiquer ;
■ tenir compte des infrastructures locales pour organiser les modalités de trans-
fert vers le secteur adulte. Une ou plusieurs consultations communes entre
pédiatre et médecin d’adulte avant le transfert définitif est (sont) généralement
d’une grande utilité. Quelques hôpitaux ont des services dédiés de médecine
pour adolescents ou encore des unités spécifiques AJA, ce qui permet d’assurer
une zone tampon entre la pédiatrie et les services d’adultes en tenant compte des
spécificités de cette tranche d’âge. Il existe également quelques unités mobiles de
prise en charge d’AJA composées d’un médecin et/ou d’une infirmière et/ou d’un
psychologue qui coordonnent le transfert du patient de la pédiatrie au secteur
adulte (prise des rendez-vous, explications des différences de prise en charge au lit
du malade lors des hospitalisations, etc.) ;
■ ne pas modifier immédiatement les traitements instaurés par l’équipe pédia-
trique et expliquer les différences de prise en charge thérapeutique comme la
restriction d’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez les
adultes. L’antibioprophylaxie par Oracilline® est généralement arrêtée au plus tard
à l’âge de 16 ans avant le transfert vers le secteur adulte ;
■ faire un retour aux pédiatres en leur adressant les premiers comptes-rendus.
Quelles que soient les modalités proposées, l’existence d’un programme de
transition formalisé est bénéfique, tout comme le sont les séances d’éducation
thérapeutique dédiées à cette problématique du passage de la pédiatrie au sec-
teur adulte, impliquant l’ensemble des équipes et une préparation anticipée des
patients et de leur famille [6].

Pour une transition réussie


Les études dont nous disposons pour évaluer le succès des programmes de
transition concernent souvent des petits effectifs, avec un suivi de seulement
quelques mois dans le secteur adulte après le transfert des patients. Aussi, il est
difficile d’apprécier actuellement si toutes les procédures visant à améliorer la
transition ont un effet à long terme. Une revue Cochrane récente a évalué les dif-
férents programmes éducatifs et actions mis en place pour améliorer les connais-
sances de la drépanocytose, reconnaître les complications de la maladie, améliorer
l’adhérence aux traitements et le bon usage du système de soins [7]. Chez les
patients bénéficiant d’un accompagnement éducatif, seul un impact positif sur les
connaissances des patients et leur niveau de dépression a pu être mis en évidence.
Un groupe de 79 experts de la drépanocytose, incluant des médecins d’adultes,
des infirmières, psychologues, assistantes sociales et patients experts, a récemment
La transition de la pédiatrie vers les soins pour adultes 55
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

établi à l’aide d’une enquête Delphi des indicateurs qualitatifs pour une démarche
de transition réussie [8]. Un item essentiel retenu concerne l’importance des
liens réguliers et la qualité des échanges entre l’équipe pédiatrique et l’équipe
des soignants adultes. La mise en place de référentiels de traitements et de soins
communs entre pédiatre et adultes est un élément à travailler. La capacité du
patient de gérer sa maladie au quotidien, sa qualité de vie, et sa confiance envers
l’équipe de soins d’adultes ont également été retenues comme des indicateurs
positifs (encadré  8.1). Ce groupe d’experts est resté divisé quant au choix du
meilleur moment pour un premier contact du patient avec le médecin d’adultes,
puisque 49 % d’entre eux ont estimé que cette première rencontre devait avoir
lieu avant la dernière visite en pédiatrie, et 51 % après la fin officielle de la prise en
charge pédiatrique, mais dans un délai court de moins de 3 mois.

Encadré 8.1
Indicateurs d’une transition de qualité

Indicateurs liés au processus
– Conseils, informations et préparation préalables au transfert
– Résumé écrit de transition destiné à l’équipe adulte
– Communication et liens directs entre les pédiatres et l’équipe adulte
– Première consultation précoce (au plus tard dans les 3 mois) avec le médecin
adulte à l’arrêt de la prise en charge en pédiatrie

Indicateurs liés aux patients
– Rendez-vous médicaux honorés
– Adhésion aux traitements maintenue

Indicateurs liés au devenir du patient
– Qualité de vie satisfaisante
– Confiance en l’équipe de soins pour adultes
– Bonne capacité d’autogestion de la maladie au quotidien
D’après [8].

Conclusion
La transition n’est pas un simple transfert mais un projet anticipé, annoncé et
planifié qui débute idéalement tôt au cours de l’adolescence. Chaque binôme
pédiatre-médecin pour adultes doit définir un programme de transition qui tient
compte de l’infrastructure existante et des besoins personnels du patient, déter-
minés si possible par l’éducation thérapeutique. Ce programme doit être évalué
par le patient lui-même après son transfert ainsi que par les équipes soignantes,
afin d’améliorer les pratiques et de mieux accompagner les malades durant cette
période de grande vulnérabilité.
56 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Références
1. Quinn CT, Rogers ZR, McCavit TL, Buchanan GR. Improved survival of children and adolescents
with sickle cell disease. Blood 2010;115:3447-52.
2. Blinder MA, Vekeman F, Sasane M, et  al. Age-related treatment patterns in sickle cell disease
patients and the associated sickle cell complications and healthcare costs. Pediatr Blood Cancer
2013;60:828-35.
3. Clay OJ, Telfair J. Evaluation of a disease-specific self-efficacy instrument in adolescents with
sickle cell disease and its relationship to adjustment. Child Neuropsychol 2007;13:188-203.
4. Treadwell M, Johnson S, Sisler I, et al. Development of a sickle cell disease readiness for transition
assessment. Int J Adolesc Med Health 2016;28:193-201.
5. Hankins JS1, Osarogiagbon R, Adams-Graves P, et al. A transition pilot program for adolescents
with sickle cell disease. J Pediatr Health Care 2012;26:e45-9.
6. DeBaun MR, Telfair J. Transition and sickle cell disease. Pediatrics 2012;130:926-35.
7. Asnani MR, Quimby KR, Bennett NR, Francis DK. Interventions for patients and caregivers to
improve knowledge of sickle cell disease and recognition of its related complications. Cochrane
Database Syst Rev 2016;10. CD011175.
8. Sobota AE, Shah N, Mack JW. Development of quality indicators for transition from pediatric to
adult care in sickle cell disease: a modified Delphi survey of adult providers. Pediatr Blood Cancer
2016.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

9
Aspects pratiques
de la première année
de prise en charge
d’un jeune patient
arrivant en médecine
pour adultes

Jean-Benoît Arlet

Points clés

Pour bien préparer la transition, des relations régulières entre les équipes
pédiatrique et adulte sont nécessaires.

Il convient de bien connaître les particularités de la prise en charge adulte
pour pouvoir l’expliquer au patient.

Le passage vers le secteur adulte doit se faire idéalement dans une situa-
tion stable de la maladie.

La durée programmée de la première consultation d’un jeune patient
drépanocytaire en médecine adulte doit être d’environ une heure.

Les traitements de fond ne doivent pas être modifiés lors de la première
consultation.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
58 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Introduction
■ La première année de prise en charge d’un patient drépanocytaire en méde-
cine adulte est essentielle à la relation de confiance qui va se nouer avec l’équipe.
Cette transition doit être anticipée.
■ Il convient que l’équipe pédiatrique prépare le patient à son passage vers le sec-
teur adulte, en lui parlant des différents membres de l’équipe adulte (médecins,
infirmières, etc.) qu’il va bientôt rencontrer. Il faut donc que les équipes pédia-
triques et adultes se connaissent !
■ Pour cela, des interactions régulières entre pédiatres et médecins adultes sont
essentielles. Elles peuvent se développer grâce à :
• des consultations communes (parfois difficiles à organiser, d’autant plus si le
service adulte n’est pas localisé dans le même hôpital que le service pédiatrique
ou à proximité de celui-ci) ;
• des réunions communes régulières (discussion de dossier, organisation de
journées transitions, congrès, etc.) ;
• des projets communs de recherche ou d’éducation thérapeutique.
■ Il faut veiller à ne pas trop noircir le tableau de la médecine d’adultes, ce qui est
parfois un travers des équipes de pédiatrie, lié à la volonté, louable, de préparer le
jeune à de possibles difficultés. Il faut rassurer le patient sur la qualité d’une nouvelle
relation humaine, au-delà de la maladie, qui va se nouer avec le médecin adulte.
■ Même si les patients vont subir de grands changements, parfois difficiles, le
pédiatre doit mettre en avant les points positifs de cette transition :
• plus grande autonomie ;
• possibilité de parler plus librement de sexualité, de paternité et maternité ;
• participation plus active à sa prise en charge voire son implication dans
l’éducation thérapeutique en tant que patient expert, par exemple, ou dans les
associations de lutte contre la drépanocytose ;
• compétences différentes et complémentaires des collègues adultes sur cer-
taines complications de la maladie ;
• regard neuf sur le dossier médical qui peut parfois aboutir à de nouvelles
solutions thérapeutique.
■ Si les grandes lignes de la prise en charge sont communes, le pédiatre doit
connaître les différences par rapport à la médecine pour adultes pour pouvoir les
expliquer à ses patients. Elles sont détaillées ci-après.

Première consultation chez le médecin pour adultes


Données générales
■ La première consultation est longue, une heure en moyenne, et sera sensible­
ment améliorée par la transmission d’un dossier synthétique mais complet
Aspects pratiques de la première année de prise en charge d’un jeune patient... 59
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

résumant les complications de la maladie, le niveau scolaire et les problématiques


sociales et familiales du patient.
■ Un résumé des vaccins reçus (avec les dates) et ceux qui restent à réaliser dans
les 2 ans est indispensable. En effet, la reprise du calendrier vaccinal fait prendre
souvent beaucoup de temps au médecin adulte, avec un risque de renouvelle-
ment de vaccins déjà faits. Le carnet de santé fourni par le patient est rarement
à jour ou bien il est perdu et il est essentiel que les vaccins réalisés soient bien
répertoriés dans le dossier pédiatrique.

Les présentations : commencer par les projets de vie


■ L’interrogatoire occupe la plus grande partie de la consultation d’un patient
drépanocytaire.
■ On évitera de débuter la consultation en parlant des problèmes médicaux,
d’observance médicamenteuse notamment.
■ Une mise en confiance est nécessaire en se présentant, en parlant du service,
de l’hôpital (si différent de l’hôpital pédiatrique) et des principaux changements
dans la prise en charge (résumés dans les tableaux 9.1 et 9.2).
■ Certaines divergences de la médecine adulte par rapport à la pédiatrie s’expli-
quent par la nécessité d’une vision à long terme. L’objectif du médecin adulte
est de suivre les patients pendant de nombreuses années. Ainsi, s’il peut paraître
«  facile » de tutoyer un patient âgé de 18 ou 19  ans, cela deviendra incongru
quand il aura 35 ou 40 ans.
■ L’utilisation plus parcimonieuse des antibiotiques est permise par un risque
infectieux moins important chez l’adulte, par la volonté de minimiser les résis-
tances bactériennes à long terme et celle de ne pas trop modifier le microbiote.

Tableau 9.1. Les divergences dans la prise en charge en consultation


et hospitalisation.
Pédiatrie Adulte
Tutoiement, prénom Vouvoiement, nom
Secret médical partagé avec les parents Secret médical non partagé, hors personne de
confiance désignée et unique (père, mère ou
conjoint[e], ami[e])
Locaux, couleurs, jeux adaptés aux jeunes Locaux souvent non adaptés aux jeunes
Prise de décision thérapeutique : Le patient +++, plus impliqué
parents +++
Prophylaxie par pénicilline V Pas d’indication de l’antibioprophylaxie
AINS régulièrement utilisés AINS peu utilisés (crainte de la toxicité rénale)
60 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Tableau 9.2. Les divergences dans la prise en charge en hospitalisation pour crise
vaso-occlusive (CVO).
Pédiatrie Adulte
Utilisation large du protoxyde Utilisation plus limitée (risque de mésusage
d’azote important, risque de sclérose combinée de la moelle)
Oxygène non systématique Oxygénothérapie systématique (le plus souvent)
Hospitalisation avec des enfants Hospitalisation avec des adultes de tous âges, parfois
dans la même chambre
Antibiothérapie : rapidement Attentisme plus important, antibiothérapie
utilisée en cas de fièvre non conseillée en automédication à domicile
Crises abdominales fréquentes Crises abdominales rarissimes
(jeune enfant ++) Toute douleur abdominale chez l’adulte doit faire
évoquer un autre diagnostic que la CVO
Durée moyenne de séjour : 4 jours Durée moyenne de séjour : 7 jours

■ Il convient de ne pas limiter l’interrogatoire à celui de la pathologie. Ainsi, des


questions sur le parcours scolaire, les ambitions professionnelles, la pratique du
sport et l’alimentation sont des thématiques permettant de mettre en confiance
le jeune patient.

Deuxième partie de l’interrogatoire, axée sur la pathologie


■ Cette deuxième partie permet de mettre à jour les données du dossier médical.
On s’attardera à reprendre des antécédents parfois non clairement notés dans le
dossier pédiatrique : consommation de toxiques, antécédents de priapisme chez
l’homme, ulcères cutanés, fausses couches ou avortement, contraception, antécé-
dents familiaux, etc.
■ On évaluera le nombre de crises vaso-occlusives (CVO) à domicile sur les deux
derniers mois et le nombre d’hospitalisations sur la dernière année.
■ On évaluera le degré de connaissance de la maladie et des traitements. En pra-
tique, cela est très difficile sur les premières consultations par manque de temps
et nécessite idéalement une consultation dédiée, dite de bilan éducatif, qui peut
être menée par un médecin mais aussi tout autre soignant de l’équipe.

Troisième partie de l’interrogatoire, l’examen physique


L’examen physique est relativement limité et rapide chez un patient drépanocy-
taire adulte non en crise. De façon systématique, l’examen physique concerne les
aspects suivants :
■ poids, taille ;
■ pâleur, ictère ;
Aspects pratiques de la première année de prise en charge d’un jeune patient... 61
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ mobilisation des hanches : recherche d’une douleur d’ostéonécrose ou raideur.


À cette occasion, il est important d’éduquer ou de rééduquer le patient sur les
signes d’ostéonécrose : douleur mécanique du creux inguinal, à la marche, diffé-
rente des douleurs de CVO ;
■ recherche d’inégalité de longueur des membres inférieurs (peut être compen-
sée par des semelles) ;
■ auscultation cardiaque et pulmonaire ;
■ recherche d’hépato-splénomégalie.
Le reste de l’examen sera guidé par l’interrogatoire.

L’ordonnance
■ De façon générale, l’ordonnance ne sera pas modifiée à la première consul-
tation, mais on doit annoncer ce qui va changer dans les mois à venir (arrêt de
l’Oracilline®, possible modification de dose de l’hydroxyurée, non-recours sys-
tématique aux AINS en cas de CVO, etc.).
■ La morphine à domicile est proscrite, sauf cas exceptionnels.

Les autres consultations au cours de la première année


■ Les autres consultations sont habituellement d’environ 30 minutes, espacées
de 2 à 6 mois selon les situations.
■ Le patient qui manque son rendez-vous doit être contacté d’une manière ou
d’une autre (téléphone ou courrier). Il est important que cette absence soit noti-
fiée dans le dossier ; c’est très utile quand le patient est ensuite hospitalisé.
■ L’interrogatoire occupe encore la majorité du temps de la consultation. On
précisera :
• un problème de surconsommation et/ou de dépendance aux antalgiques ;
• l’adhérence au traitement, qu’on tentera dévaluer assez simplement par la
question : « Combien de fois oubliez-vous votre traitement par semaine ? ».
Il faudra alors comprendre la raison des oublis et trouver avec le patient une
solution pour les diminuer (recours à un pilulier, application smartphone,
séances d’éducation thérapeutique, etc.) ;
• l’état psychologique, les problèmes sociaux et les difficultés au travail ou dans
les études. Il est souvent nécessaire de formuler ou de renouveler une demande
auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ;
• le nombre de CVO à domicile, d’hospitalisations ;
• les épisodes de syndrome thoracique aigu et de transfusion (vérifier que la
recherche d’anticorps irréguliers [RAI] post-transfusionnelle a été réalisée et, le
cas échéant, la contrôler au décours de la consultation).
L’examen physique est identique à celui de la première consultation (voir plus
haut).
62 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Dépistage des complications chroniques


de la drépanocytose
■ Des examens seront systématiquement réalisés, le plus souvent en hospitalisa-
tion de jour ou en ambulatoire, afin de dépister des complications chroniques de
la maladie. Il convient de les réaliser en situation stable, à distance d’une crise. Ils
sont résumés dans le tableau 9.3.
■ L’exploration cérébrale (angio-IRM ± Doppler transcrânien par des opérateurs
entraînés) est réalisée s’il existe des signes neurologiques, dans le cadre du suivi
d’une vasculopathie cérébrale connue, ou si un traitement anticoagulant est envi-
sagé (pour dépister dans ce cas un syndrome de Moya-Moya ou un anévrisme).
■ Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) avec test de marche et la
polygraphie nocturne sont réalisées selon la clinique.

Tableau 9.3. Bilan annuel des complications d’un patient drépanocytaire adulte.
Complications Examen de dépistage
Calculs vésiculaires Échographie abdominale chez des patients
non cholécystectomisés
Rétinopathie Fond d’œil
Cardiopathie, hypertension Échographie cardiaque
artérielle pulmonaire
Atteinte rénale Créatininémie (DFGe par formule CKD-EPI sans ajustement
sur l’origine ethnique)
Ratio microalbuminurie/créatininurie
– > 30 mg/mmol à deux reprises à 6 à12 mois d’intervalle :
IEC (contre-indiqué en cas de grossesse)
– 10-30 mg/mmol : intérêt des IEC débattu
– Génotypage APOL1 si la micro-/macroalbuminurie
persiste
Complications osseuses Radiographie du bassin de face (au moins une tous les
5 ans), radiographie du rachis face et profil (au moins une
tous les 10 ans), autres radiographies en fonction de la
clinique (non systématique)
Ostéodensitométrie osseuse en cas de fractures ou douleurs
rachidiennes inexpliquées (avec radiographie du rachis face
et profil)
Allo-immunisation, hémo- RAI dans les 3 mois suivant une transfusion et systématique
chromatose une fois par an
Ferritinémie (± IRM hépatique pour mesurer la surcharge
en fer)
APOL 1 : apolipoprotéine L1 ; DFGe : débit de filtration glomérulaire estimé ; IEC : inhibiteur de l’enzyme de
conversion ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; RAI : recherche d’anticorps irréguliers.
Aspects pratiques de la première année de prise en charge d’un jeune patient... 63
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Pour en savoir plus


Adams-Graves P, Bronte-Jordan L. Recent treatment guidelines for managing adult patients with
sickle cell disease: challenges in access to care, social issues, and adherence. Expert Rev Hematol
2016;9:541-52.
Gellen-Dautremer J, Brousse V, Arlet JB. [Management of acute complications in sickle cell disease ].
Rev Prat 2014;64:1114-9.
Habibi A, Arlet JB, Stankovic K, et al. [French guidelines for the management of adult sickle cell disease:
2015 update]. Rev Méd Int 2015;36(5 Suppl 1):S3-84. 5.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

10
Conseils sanitaires
pour enfants voyageurs

Valentine Brousse, Frédéric Sorge, Léon Tshilolo

Points clés

Un voyage lointain ou dans un pays à faible niveau sanitaire constitue une
situation à risque de complication(s) de la drépanocytose.

Tout voyage doit être anticipé et préparé par une double consultation
en centre de référence de la drépanocytose et en centre de médecine des
voyages.

Il est important d’identifier avant le départ les centres qui pourront pren-
dre en charge d’éventuelles complications dans le pays où se rend l’enfant.

L’enfant devra apporter avec lui son traitement habituel et avoir avec lui
son carnet de santé ainsi que sa carte de groupe sanguin.

La chimioprophylaxie antipaludique est indispensable pour les enfants
drépanocytaires voyageant en zone d’endémie palustre.

On doit déconseiller un voyage lointain dans le mois suivant une compli-
cation sévère.

Introduction
■ De nombreux enfants drépanocytaires ont de la famille et/ou des amis qui
vivent à l’étranger, en particulier dans des régions intertropicales, et qu’ils seront
amenés à visiter. Ces voyages exposent à des risques sanitaires supplémentaires
qui favorisent les complications de la drépanocytose [1].
■ Tout voyage d’un enfant drépanocytaire devrait être préparé idéalement
au moins 3  mois avant le départ au cours d’une consultation avec le médecin
référent de la drépanocytose, et être complété d’une consultation de pédiatrie
spécialisée des voyages.
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
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66 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Une durée de séjour supérieure à un mois d’un enfant drépanocytaire dans


une région dépourvue de service sanitaire apte à prendre en charge une éven-
tuelle complication médicale n’est pas recommandée [2].

Préparation du voyage
Consultation au centre de référence de la drépanocytose
La consultation au centre de référence de la drépanocytose permettra :
■ d’évaluer la situation clinique et hématologique du patient et les conditions du
voyage. En cas de complication récente et/ou d’anémie marquée (hémoglobine
< 8 g/dl), par exemple, une transfusion préalable peut être discutée ;
■ de préparer le vol aérien :
• expliquer les conditions favorisant les crises vaso-occlusives (CVO) : hypoxie,
déshydratation, immobilisation, froid, facteurs qui sont réunis au cours d’un
vol aérien (≥ 4 heures) – la pressurisation de la cabine équivaut à une altitude
de 2 000 mètres [2, 3] ;
• recommander une hydratation abondante avant, pendant et après le vol ;
avoir à disposition des antalgiques en cas de douleur ; éviter la position assise
prolongée et les jambes croisées ; se déplacer souvent ; porter des vêtements
amples et suffisamment chauds (climatisation).
■ de donner des conseils pour toute la durée du voyage sur place :
• assurer une hydratation abondante, éviter que l’enfant sorte à l’extérieur aux
heures les plus chaudes (11-15 heures) et limiter l’activité physique si la chaleur
est extrême (> 30 °C) ;
• éviter une exposition solaire excessive. La protection solaire principale est
constituée par le port de vêtements, d’un chapeau à bord large, de lunettes
solaires (CE 3-4) et sur la peau découverte, l’application de crème de protec-
tion solaire (CPS ≥ 50) ;
• couvrir l’enfant s’il réside dans un logement climatisé ;
• éviter le bain dans une eau < 25 °C et sécher l’enfant dès la sortie de l’eau ;
• contre-indiquer la plongée sous-marine et les séjours en altitude (> 1 500 mètres).
■ de mettre à jour le calendrier vaccinal habituel de l’enfant drépanocytaire [4].
Le vaccin contre la fièvre jaune est obligatoire dans certains pays. Les vaccins
contre la fièvre typhoïde et le choléra sont discutés ;
■ de communiquer les coordonnées du médecin spécialiste et du centre hospita-
lier locorégional du pays de destination. Il faut informer les familles que les hôpitaux
équipés en Afrique subsaharienne sont pour la plupart concentrés dans les grandes
villes, et qu’il existe très peu de centres dédiés à la drépanocytose. Elles doivent aussi
savoir que pratiquement tous les soins sont payants et à la charge de la famille ;
■ de renouveler le traitement habituel. L’antibioprophylaxie antipneumococ-
cique doit être poursuivie, ainsi que la supplémentation en folates ;
Conseils sanitaires pour enfants voyageurs 67
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ de programmer une consultation de pédiatrie spécialisée des voyages [5] ;


■ de prévoir une consultation de bilan au retour du voyage [1].

Documents à emporter en voyage


Les documents à emporter sont :

le carnet de santé contenant la carte de groupe et de phénotype san-
guin étendu ;

le dernier compte-rendu de consultation médicale spécialisée ;

la dernière ordonnance (en dénomination commune internationale
[DCI]) et les médicaments (à garder en cabine) ;

les coordonnées du centre locorégional de référence de la drépanocytose ;

le contrat d’assistance médicale internationale (incluant le rapatriement
sanitaire).

Il est à noter que les maladies ayant fait l’objet d’une hospitalisation dans les
6  mois précédant le voyage ne sont généralement pas prises en charge par les
contrats d’assistance standard, hormis les assistances des mutuelles. Il existe des
contrats d’assistance médicale adaptés aux malades chroniques mis en place pour
des associations de malades et de parents d’enfant malade [6].

Consultation de pédiatrie spécialisée des voyages


La consultation de pédiatrie spécialisée des voyages permettra :
■ d’informer de manière pratique sur la prévention des infections liées au voyage,
comme la prévention des maladies vectorielles  : paludisme particulièrement,
dengue, chikungunya, etc. ;
■ une prophylaxie d’exposition aux piqûres de moustiques, qui est indispensable
dans toutes les régions endémiques ou épidémiques. Les moustiques anophèles
vecteurs du paludisme piquent de la tombée de la nuit au lever du jour et les
Aedès, vecteurs de la dengue et du chikungunya, piquent en début de matinée et
en fin d’après-midi. Cette prophylaxie repose sur :
• une protection sous moustiquaire imprégnée d’insecticide pyréthrinoïde
pendant le sommeil ;
• le port de vêtements amples et couvrants, imprégnés d’insecticide (permé-
thrine). La toxicité de l’insecticide imprégnant la moustiquaire ou le vêtement
est nulle [7] ;
• l’application de produits insectifuges sur les parties de peau découvertes,
hormis les lèvres, paupières, zones lésées et les mains en raison des risques
d’ingestion et d’irritation. Les quatre substances insectifuges efficaces envi-
ron 6 heures et recommandées sont le PMDRBO (Citriodiol®) 20 %, l’IR535®
20  %, l’icaridine 20  % et le DEET 30  %. Le PMDRBO et l’IR535® sont plus
68 La drépanocytose « vie entière »
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

particulièrement recommandés chez l’enfant de 6 à 24 mois en raison d’une


meilleure tolérance, en particulier pour un usage pendant plusieurs mois [7, 8] ;
• la pose de plaquettes insecticides par chauffage électrique, qui est efficace
dans une pièce close, sous réserve d’une distribution électrique continue ;
• la climatisation sidère les moustiques, mais ne les tue pas, et augmente le
risque de CVO ;
• les serpentins insecticides par combustion ne sont recommandés qu’à
l’extérieur (risque de toxicité des émanations chez le nourrisson).
■ une chimioprophylaxie antipaludique :
• les trois médicaments prescrits sont l’atovaquone-proguanil, la méfloquine
ou la doxycycline chez l’enfant de plus de 8 ans (tableau 10.1). La chloroquine
et le proguanil n’ont presque plus d’indication [9] ;
• on insistera sur l’importance en cas de fièvre, même après le retour de zone
d’endémie, de consulter rapidement en informant le médecin du voyage. Le
paludisme peut apparaître (rarement) en dépit d’une prophylaxie adaptée et
correctement suivie, dès le 8e jour d’exposition au risque [9, 10].
■ d’assurer une vaccination spécifique selon les risques de la région de destina-
tion (tableau 10.2) ;
■ de compléter l’éducation sanitaire :
• prévention contre des soins inadaptés et l’excision. Tout geste chirurgical
non urgent (a fortiori en cas d’anesthésie générale), comme la circoncision, est
contre-indiqué. L’excision, tout comme les autres mutilations sexuelles fémi-
nines, est illégale en France et dans presque tous les pays africains et asiatiques.
Une sensibilisation et une information des parents à ce sujet sont nécessaires ;
• prévention infectieuse [11] :
– lavage fréquent des mains avec du savon et plus particulièrement avant
les repas, avant de toucher les aliments et après passage aux toilettes ;
– désinfecter la moindre plaie avec un antiseptique (chlorhexidine) ;
– prévenir les infections bactériennes ou parasitaires qui peuvent se trou-
ver dans l’eau ou les sols en évitant de marcher pieds nus même sur les
plages, de s’allonger à même le sable, en portant des chaussures fermées
sur les sols humides, en évitant de se baigner dans les eaux douces (mares,
rivières) du fait du risque de bilharziose, en évitant de toucher les animaux,
en particulier les chiens, et en repassant le linge ou en le faisant sécher à
l’intérieur (pour éviter les vers de Cayor).
• alimentation :
– favoriser l’allaitement au sein ;
– consommer et faire les biberons avec de l’eau en bouteille capsulée ou
rendue potable par un produit désinfectant (hypochlorite et/ou filtre) ou
par ébullition (1 minute) ;
– ne pas utiliser de glaçons, et peler les fruits et les crudités, cuire ou bouillir
les autres aliments.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
Tableau 10.1. Antipaludiques.
Antipaludique Présentation Posologie Contre-indications (CI), Durée du traitement
effets secondaires (ES)*
Atovaquone/proguanil Comprimés (cp) à 5-7 kg : ½ cp/j hors AMM CI : poids < 11 kg Durée d’exposition +
Malarone® Enfant 62,5 mg/25 mg 8-10 kg : ¾ cp/j hors AMM Prendre avec repas ou boisson lactée 1 semaine
ES : digestifs, douleur abdominale, céphalée,
vertige, prurit, induction enzymatique +
tétracycline, rifampicine, métoclopramide
Malarone® Adulte Cp à 250 mg/100 mg 1 cp/10 kg/j
(< 40 kg ou < 12 ans)
1 cp/j si > 40 kg)
Méfloquine Cp quadrisécables 5 mg/kg/semaine CI : poids < 15 kg, convulsions, insuffisance Durée d’exposition +
Lariam® à 250 mg 5-14 kg : 1/8 cp/sem hors hépatique 1 mois

Conseils sanitaires pour enfants voyageurs


AMM troubles neuropsychiatriques
15-19 kg : 1/4 cp/sem ES : digestifs, céphalées, vertige, insomnie,
20-30 kg : 1/2 cp/sem cauchemars, convulsions ; chez l’adolescent :
31-45 kg : 3/4 cp/sem hallucinations, troubles de l’humeur
Doxycycline Cp à 50 mg < 40 kg : 50 mg/j CI : âge < 8 ans Durée d’exposition +
Prendre au dîner 1 mois
ES : digestifs, candidoses, allergies et photosen-
sibilisation cutanée (protection UV ++)
Doxypalu® Cp à 100 mg ≥ 40 kg : 100 mg/j
Granudoxy®, etc.
AMM : autorisation de mise sur le marché.
* < 6 ans, écraser les comprimés.

69
70
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
Tableau 10.2. Vaccinations du voyage (d’après [10]).

La drépanocytose « vie entière »


Vaccin Destination(s) Âge Administration Contre-indications(s)
Fièvre jaune Voyages en Afrique Exigible dès l’âge de 1 an, 1 injection valable à vie (si Allergie vraie à l’œuf, déficit
et Amérique du Sud possible dès 9 mois, voire réalisée avant l’âge de 2 ans), immunitaire congénital
intertropicale 6 mois si épidémie sinon rappel avant 10 ans ou acquis, traitement
immunosuppresseur,
pathologie du thymus,
anaphylaxie lors d’une
précédente injection, enfant
de moins de 6 mois
Hépatite A Voyages en pays d’endémie À partir de 1 an 1 injection suivie d’un rappel Hypersensibilité à l’un des
(pays en développement) à > 6 mois composants du vaccin
Durée de protection : 1 dose
au moins 10 ans, 2 doses
à vie
Typhoïde Voyage en pays d’endémie À partir de 2 ans 1 injection tous les 3 ans Hypersensibilité à l’un des
avec hygiène alimentaire composants du vaccin
aléatoire
Méningocoque conjugué Voyages en Afrique À partir de 6 semaines Deuxième dose 2 mois après
A + C + Y + W135 subsaharienne en saison et à l’âge de 1 an, puis rappel
sèche (décembre-avril) tous les 5 ans
Rage Voyage en pays d’endémie, À partir de l’âge de la marche 2 injections à 7 jours Hypersensibilité à l’un des
selon l’isolement du lieu d’intervalle [12] composants du vaccin
de résidence et la durée du En cas d’exposition rabique :
séjour 2 doses vaccinales à faire,
sans sérothérapie
Conseils sanitaires pour enfants voyageurs 71
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ de conseiller sur la conduite à tenir en cas d’infection fébrile :


• il est recommandé de prescrire un traitement de réserve en cas d’infection
fébrile non diarrhéique, à donner à l’enfant dès les premiers symptômes (amoxi-
cilline : 100 mg/kg/j en 3 prises quotidiennes pendant 5 jours, avec arrêt transi-
toire de l’Oracilline®) et de consulter rapidement dans un centre locorégional ;
• en cas de diarrhée fébrile ≥ 38,5 °C et/ou glairosanglante, il faut associer au
soluté de réhydratation orale, un traitement par azithromycine (20 mg/kg/j en
1 prise quotidienne pendant 3 jours) ;
• en cas de fièvre, malaise, piqûre ou morsure par des animaux venimeux
(serpent, scolopendre, scorpion, méduse, poisson, etc.) ou par un chien, un
rat, une chauve-souris, un singe : consulter rapidement un médecin local et
contacter un spécialiste régional de la drépanocytose.
■ donner des conseils de prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) ;
■ remettre la liste d’équipement sanitaire (encadré 10.1).

Encadré 10.1
Équipement sanitaire de voyage

Médicaments habituels en quantité nécessaire double avec l’ordonnance en déno-
mination commune internationale (DCI), dont antalgiques et antipyrétiques (para­
cétamol, anti-inflammatoires, codéine, etc.)

Antibiotiques (amoxicilline, azithromycine)

Antipaludiques si nécessaire

Moustiquaire imprégnée d’insecticide pyréthrinoïde si nécessaire

Perméthrine pour imprégnation des vêtements si nécessaire

Insectifuge : PMDRBO (Citriodiol®), IR35/35®, icaridine ou DEET si nécessaire

Soluté de réhydratation orale

Antisécrétoire (Acétorphan®)

Produit désinfectant l’eau (hypochlorite : Micropur forte®, Aquatabs®)

Savon, solution hydro-alcoolique

Antiseptique cutané (chlorhexidine)

Collyre antiseptique en unidoses

Crème mupirocine Mupiderm® 2 % (si surinfection cutanée)

Crème écran solaire FPS ≥ 50

Émulsion émolliente en cas de brûlure (trolamine, etc.)

Lunettes de soleil (CE 3-4)

Pansements, bande adhésive microporeuse (Sparadrap®, etc.)

Bandelettes de sutures adhésives (StériStrip®)

Filet de contention ± adhésif (Élastoplaste®)

Ciseaux, pince à épiler (à placer en soute dans l’avion)

Thermomètre incassable
72 La drépanocytose « vie entière »
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À l’arrivée dans le pays de destination


La famille doit :
■ identifier le centre de référence qualifié ou le médecin référent conseillé avant
le départ ;
■ en cas de besoin de transfusion : exiger que le sang provienne d’une banque
de sang agréée et noter les références de la poche de sang. La transfusion sera
signalée au médecin traitant dès le retour en France.
L’encadré 10.2 présente les consignes en cas de voyage de l’Afrique vers la France
ou l’Europe.

Encadré 10.2
Voyage de l’Afrique vers la France ou l’Europe
Conseils sur le contexte européen

Le climat est en général tempéré avec, pour la plupart des pays, des variations de tem-
pératures saisonnières importantes : il fait très froid en hiver et parfois très chaud en été.

Risque de grippe et d’infections des voies respiratoires pendant l’hiver.

Il existe des centres agréés pour la drépanocytose dans les grandes villes, mais la dré-
panocytose reste encore méconnue par beaucoup de praticiens, même aux urgences.

Il faut avoir une mutuelle de santé pour accéder aux soins ou avoir une assistance
sociale ; sinon, être en mesure de payer soi-même tous les frais médicaux.

Conseils à suivre avant de voyager



Vérifier le carnet de vaccination et s’assurer que l’on a déjà reçu au moins le BCG et
la vaccination contre la rougeole.

Demander à son médecin traitant un rapport médical et l’adresse d’un centre agréé
dans la ville où l’on se rend.

Prévoir des vêtements adaptés au froid.

Prévoir dans sa trousse personnelle des médicaments antipaludiques.

À l’arrivée en Europe

Signaler sa présence et son statut de drépanocytaire dès que possible au centre
conseillé.

Si on est reçu aux urgences : signaler dès l’arrivée au personnel que le patient est
drépanocytaire (en expliquant la spécificité de la symptomatologie douloureuse, etc.).

Hygiène de vie :
– en saison froide, il est conseillé de rester au chaud et d’éviter de sortir lorsqu’il fait
trop froid (le froid et les coups de vent peuvent déclencher une crise douloureuse) ;
– en cas de fièvre, signaler au personnel soignant que l’on vient d’Afrique où le
paludisme est endémique.

Conseils sanitaires pour enfants voyageurs 73
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Avant le retour en Afrique

Compléter si possible le bilan avec des explorations peu accessibles en Afrique
(groupage sanguin élargi, recherche d’anticorps irréguliers [RAI], Doppler transcrânien,
etc.) et demander un rapport médical.

Vérifier le calendrier vaccinal et le compléter avec les vaccins spécifiques pour les
patients drépanocytaires.

Prévoir dans sa trousse les produits en réserve peu accessibles en Afrique (opioïdes,
hydroxyurée, etc.).

Références
1. Ducrocq C, Sommet J, Levy D, et  al. Children with chronic health disorders travelling to the
tropics: a prospective observational study. Arch Dis Child 2016;101:1032-6.
2. Haute autorité de santé. Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent.
Recommandation de bonne pratique, septembre 2005. http://www.has-sante.fr/portail/
jcms/c_272479/prise-en-charge-de-la-drepanocytose-chez-l-enfant-et-l-adolescent.
3. Murano T, Fox A, Anjaria D. Acute splenic syndrome in an African-American male with sickle cell
trait on a commercial airplane flight. J Emerg Med 2013;45:e161-5.
4. Le calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2019. https://solidarites-sante.
gouv.fr/IMG/pdf/calendrier_vaccinal_mars_2019.pdf.
5. Centres de vaccinations internationales. https://www.mesvaccins.net/web/vaccinations_centers.
6. http://www.rofsed.fr.
7. Sorge F, Imbert P, Laurent C, et al. Protection antivectorielle de l’enfant : insecticides et insecti-
fuges. Arch Péd 2007;14:1442-50.
8. Société de médecine des voyages, Société française de parasitologie. Recommandations de
bonne pratique : Protection personnelle antivectorielle à l’attention des voyageurs, des expatriés,
des résidents et des nomades. Texte court. 29 septembre 2010. http://www.medecine-voyages.
fr/publications/ppavtextecourt.pdf.
9. Société de pathologie infectieuse de langue française. MAP 2017 de la prise en charge et préven-
tion du paludisme d’importation à Plasmodium falciparum. Recommandations pour la pratique
clinique 2017 ; texte court. https://www.infectiologie.com/UserFiles/File/spilf/recos/2017-palu-
texte-final-flash.pdf.
10. HCSP-CMVI. Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2018. BEH 2018, Hors-série.
https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/voyage/documents/magazines-
revues/bulletin-epidemiologique-hebdomadaire-25-mai-2018-n-hors-serie-recommandations-
sanitaires-pour-les-voyageurs-2018.
11. GPTrop. Prescriptions types et fiches de prévention hygiéno-diététique pour enfant voyageur.
http://gpt.sfpediatrie.com/recommandations.
12. http://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/rabies.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

11
Crise douloureuse

Ricardo Carbajal, Slimane Allali

Points clés

La crise vaso-occlusive (CVO) est une des manifestations principales de la
drépanocytose.

La prise en charge de la CVO doit tenir compte de sa physiopatholo-
gie qui est spécifique et différente d’autres situations douloureuses. La
composante inflammatoire et la sensibilisation centrale doivent être
considérées dans la prise en charge.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), le paracétamol et la mor-
phine constituent la base du traitement analgésique. Ces traitements
doivent être débutés dans les 30 minutes suivant l’arrivée du patient.

L’évaluation de l’efficacité analgésique ainsi que l’identification des éven-
tuels effets indésirables doivent guider le traitement analgésique.

Introduction
■ La crise vaso-occlusive (CVO) est une des manifestations principales de la
drépanocytose. Elle se caractérise par l’apparition d’une douleur aiguë intense, à
distinguer des syndromes de douleur chronique ou des douleurs neuropathiques
que peuvent présenter les patients drépanocytaires [1].
■ Classiquement, la polymérisation de l’hémoglobine S désoxygénée est respon-
sable de la falciformation des hématies qui occluent la microcirculation, condui-
sant à une vaso-occlusion et à une ischémie d’aval.
■ Les mécanismes qui sous-tendent la CVO sont complexes et comportent plu-
sieurs voies physiopathologiques impliquant non seulement les globules rouges
et les cellules endothéliales, mais également de nombreuses autres cellules du sys-
tème immunitaire [2].
■ La prise en charge de la CVO doit tenir compte de sa physiopathologie qui est
spécifique et différente d’autres situations douloureuses [1].
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
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78 Les situations d’urgence
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Présentation de la crise vaso-occlusive


■ La CVO est le motif le plus fréquent d’hospitalisation des patients atteints de
drépanocytose [2], mais sa fréquence est variable d’un patient à un autre. Elle est
souvent répétitive. Une large étude américaine a rapporté un taux de réhospitalisa-
tion de 17 % dans les 30 jours après une hospitalisation pour CVO chez l’enfant [3].
■ La survenue d’une CVO est imprévisible et peut être déclenchée par des fac-
teurs de risque connus ou inconnus [1].
■ Les premières CVO peuvent survenir dès l’âge de 6 mois et se manifestent générale­
ment par une dactylite (œdèmes douloureux des mains et pieds). Au-delà des deux
premières années de vie, elles touchent principalement les os longs (humérus, fémurs,
tibias), mais toutes les parties du corps peuvent être concernées.
■ La douleur peut être localisée ou migratoire ; elle est très intense, continue et
souvent lancinante [1]. Une métaphore la décrivant serait une sorte de « rage des
dents généralisée ».
■ Une fièvre est fréquemment associée et, lorsque la douleur est localisée, un diag-
nostic différentiel d’infection ostéoarticulaire doit systématiquement être évoqué,
conduisant en premier lieu à la réalisation d’une échographie à la recherche d’une
collection sous-périostée ou d’un épanchement articulaire ponctionnable. Une
imagerie par résonance magnétique (IRM) peut parfois aider à faire la distinction
entre un infarctus osseux de CVO et une ostéomyélite, mais son interprétation est
souvent très difficile et nécessite une grande expertise. La radiographie standard n’a
pas d’intérêt et ne devrait pas être réalisée chez un patient présentant une CVO.
■ Chez l’adulte et chez l’enfant, 4 à 8 phases de la CVO ont été décrites. Ballas [1]
et Jacob [4] en décrivent quatre : phase des prodromes, phase initiale, phase d’état
et phase résolutive.
• La phase des prodromes débute entre 1 et 4 jours avant l’apparition de la
douleur et comporte souvent fatigue, vertiges, sensation de faiblesse, pâleur
et des signes vagues gastro-intestinaux, respiratoires et musculaires. Durant la
phase des prodromes, trois mécanismes physiopathologiques s’associent : vaso-
occlusion, inflammation et nociception. Le contrôle de la crise durant cette
phase pourrait potentiellement prévenir ou réduire les atteintes tissulaires [1].
• La phase initiale est marquée par l’apparition d’une douleur qui peut être
progressive ou brutale.
• Durant la phase d’état, la douleur est la plus intense et elle s’associe à une
forte anxiété ; cette phase dure généralement 4 à 5 jours. Sur le plan clinique et
biologique, on observe des signes d’inflammation : sensibilité diffuse, œdème,
gonflement des articulations, fièvre, hyperleucocytose et élévation souvent
très importante de la CRP (protéine C réactive). Une accentuation de l’hémo-
lyse est aussi fréquemment observée.
• Durant la phase résolutive, la douleur diminue, les plages de sommeil aug-
mentent avec un retour à une activité normale durant les moments de veille.
Une thrombocytose est souvent présente durant cette phase.
Crise douloureuse 79
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■ La connaissance des phases de la CVO permet au personnel médical et


paramédical de suivre l’évolution pour adapter le traitement d’une manière
rationnelle [1].

Physiopathologie de la crise vaso-occlusive


■ La vaso-occlusion résulte d’interactions complexes faisant intervenir hématies,
leucocytes, cellules endothéliales et protéines plasmatiques [2].
■ Les hématies drépanocytaires possèdent des propriétés anormales d’activation
et expriment plusieurs molécules d’adhérence favorisant leur interaction avec
les cellules endothéliales ainsi qu’avec différentes cellules du compartiment vas-
culaire telles que les polynucléaires neutrophiles. L’endothélium activé par l’hémo-
lyse et l’inflammation exprime également de nombreuses molécules d’adhérence
(E-sélectine, P-sélectine, VCAM-1, etc.) participant au ralentissement du flux cir-
culatoire et à la vaso-occlusion.
■ La vaso-occlusion est à l’origine d’une ischémie avec hypoxie tissulaire.
■ La reperfusion tissulaire entraîne des lésions notamment endothéliales et parti-
cipe à l’activation des mécanismes inflammatoires de la drépanocytose.
■ L’origine de la douleur est très vraisemblablement l’ischémie secondaire à la
vaso-occlusion et l’inflammation qui s’ensuit [2]. Les médiateurs de l’inflammation
stimulent les nocicepteurs périphériques qui génèrent des influx afférents respon-
sables de la perception douloureuse. La répétition et la forte intensité de ces influx
dans les CVO sévères entraînent une sensibilisation centrale. Celle-ci suscite des
modifications dans la moelle épinière et dans les structures centrales supérieures
responsables d’une amplification de la sensation douloureuse. La sensibilisation
centrale se caractérise par une hyperalgésie (majoration de la réponse à une sti-
mulation douloureuse), une allodynie (les stimulations inoffensives deviennent
douloureuses), un élargissement de la zone douloureuse et une persistance de la
douleur après la fin de l’agression initiale.

Principes de la prise en charge de la crise


vaso-occlusive
■ La prise en charge doit commencer avec une évaluation rapide de l’intensité
de la douleur et de la prise préalable d’analgésiques. Les patients drépanocytaires
doivent être pris en charge de façon prioritaire aux urgences.
■ Le traitement antalgique aux urgences doit être administré le plus rapidement
possible et en moins de 30 minutes après l’arrivée du patient. La prise en charge
doit être protocolaire dans chaque institution avec des algorithmes décisionnaires
clairs, actualisés et connus de tous. Ces algorithmes doivent inclure l’évaluation de
l’efficacité analgésique avec des échelles validées, et le repérage des effets secon-
daires. La prise en charge doit être multimodale.
80 Les situations d’urgence
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ La base du traitement antalgique des enfants drépanocytaires est constituée


actuellement par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), le paracétamol et les
morphiniques En cas de douleur légère à modérée, les AINS et le paracétamol sont
les antalgiques conseillés. En cas de douleur sévère ou en l’absence de soulagement
par le paracétamol et les AINS, les morphiniques doivent être débutés rapidement.
■ Des moyens non médicamenteux doivent être associés au traitement médi-
camenteux : distraction (imagerie, tablettes, hypnose), réchauffement de la zone
douloureuse avec des bouillottes, massages par un parent (s’ils contribuent à
soulager la douleur).
■ Des emplâtres de lidocaïne (patchs de Versatis®) peuvent également être appli-
qués 12 heures par jour sur les zones douloureuses (trois sites au maximum).
■ Étant donné la variabilité des réponses individuelles aux antalgiques, chaque
enfant devrait, idéalement, avoir une fiche individualisée résumant la meilleure
stratégie antalgique en fonction des réponses aux crises précédentes.
■ La douleur est évaluée avec des échelles adaptées à l’âge : EVENDOL pour les
moins de 7  ans, échelle visuelle analogique (EVA) et échelle des visages (Faces
Pain Scale-Revised [FPS-R]) pour les plus de 6 ans, et échelle numérique (EN) pour
les plus de 8 ans. On considère habituellement qu’une douleur est sévère quand
la cotation EVA ou FPS-R est égale ou supérieure à 7/10 ou lorsque la cotation
EVENDOL est égale ou supérieure à 12/15. L’évaluation de la douleur doit être
répétée toutes les 15 à 30 minutes au début du traitement pour monitorer l’effi-
cacité des antalgiques. Un monitorage de la sédation est également nécessaire.
■ En plus du traitement antalgique, les patients doivent bénéficier de soins de
support : hydratation (le plus souvent intraveineuse en hospitalisation), spiromé-
trie incitative, anticoagulation préventive (si puberté et  alitement), traitement
laxatif en prévention de la constipation induite par les morphiniques, monitorage
des fonctions vitales, et, au besoin, de traitements anti-émétiques, antiprurigineux
voire anxiolytiques. Le niveau adéquat d’hydratation est encore source de débat,
mais il faut éviter une hyperhydratation excessive, car celle-ci pourrait favoriser
l’apparition d’un syndrome thoracique aigu. Une hydratation d’environ 2 litres/m2
de surface corporelle (sans dépasser 2,5 litres) par 24 heures semble adaptée.

Traitement médicamenteux
AINS
■ Les AINS constituent le premier traitement analgésique de la CVO d’inten-
sité légère à modérée. Ils doivent être donnés dès le domicile, avant l’arrivée aux
urgences.
■ Ils sont donnés aux urgences s’ils n’ont pas été administrés à domicile. On
utilise l’ibuprofène per os à la dose de 10 mg/kg/8 heures ou 7,5 mg/kg/6 heures
avec un maximum de 400 mg par prise. Lorsque la voie orale n’est pas possible, on
Crise douloureuse 81
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

peut utiliser le kétoprofène (autorisation de mise sur le marché [AMM] en France


> 15 ans) à la dose de 1 mg/kg/8-12 heures avec un maximum de 200 mg/jour.
■ Dans les CVO avec douleur sévère, les AINS sont donnés en association avec
les morphiniques pour accroître l’efficacité analgésique. Un effet d’épargne mor-
phinique a été rapporté avec l’adjonction des AINS au traitement morphinique.
■ Les AINS ne doivent pas être utilisés à domicile en cas de diarrhée et/ou de vomisse­
ments itératifs du fait du risque de toxicité rénale en contexte de déshydratation.

Paracétamol
■ En pratique, le paracétamol est largement utilisé en première ligne pour la
douleur légère à modérée, mais il existe peu de données dans la littérature sur
son efficacité. Une étude rétrospective a rapporté une diminution des scores de
douleur et une épargne morphinique avec l’administration de paracétamol  IV
dans les CVO de l’enfant [5].
■ En France, la Haute autorité de santé (HAS) a conseillé en 2005 l’utilisation du
paracétamol pour le traitement analgésique des CVO. Plusieurs équipes associent
le paracétamol aux AINS.
■ Le paracétamol ne possède pas d’effet anti-inflammatoire.

Morphiniques
■ Les morphiniques sont la pierre angulaire du traitement de la douleur sévère
de la CVO.
■ Ils doivent être administrés le plus rapidement possible en cas de douleur sévère.
Une étude rétrospective a montré, chez l’enfant, qu’un temps plus court pour
l’administration des morphiniques aux urgences était associé à une plus forte dimi-
nution de scores de douleur initiale, à une aire sous la courbe de douleur plus basse
durant les premières 4 heures, et à une durée de séjour aux urgences plus courte [6].
■ Les morphiniques les plus souvent utilisés sont la morphine et la nalbuphine.
Les autres morphiniques aussi utilisés dans certaines situations sont la codéine, le
tramadol, et plus rarement le fentanyl.

Morphine
■ Il s’agit de l’analgésique majeur de référence. La morphine peut être adminis-
trée par voie orale ou intraveineuse chez l’enfant présentant une CVO.
■ En cas de douleur modérée ne cédant pas aux AINS, avec ou sans paracétamol,
la morphine peut être donnée per os avec une première dose de 0,4 à 0,5 mg/kg
(maximum 20 mg) de morphine à libération immédiate (Oramorph®, Actiskenan®).
La douleur doit être réévaluée en 30  minutes. Si la douleur diminue, on peut
poursuivre la morphine orale avec des doses allant de 0,2 à 0,4 mg/kg/30 minutes
jusqu’à obtention d’une cotation EVENDOL < 7 ou EVA/FPS-R/EN < 5 puis un
82 Les situations d’urgence
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

relais par morphine à libération prolongée (Skenan® 2 à 5 mg/kg/j en 2 prises) avec


des interdoses de 0,2 à 0,3 mg/kg/4 heures de morphine à libération immédiate
si nécessaire. En revanche, si la douleur ne cède pas, il faut passer rapidement à la
morphine intraveineuse.
■ Pour la douleur très sévère ou ne cédant pas avec la morphine orale, la mor-
phine par voie intraveineuse doit être utilisée. On débute avec une titration
comportant une première dose de 0,1 mg/kg (maximum 5 mg) administrée sur
1 à 2 minutes. On évalue son efficacité au bout de 5 minutes. Si la douleur per-
siste, des doses supplémentaires de 0,025 mg/kg peuvent être administrées toutes
les 5  minutes jusqu’au soulagement ou jusqu’à l’apparition d’effets secondaires
(hypoventilation, sédation excessive). Chez le nourrisson de moins de 1 an, il faut
réduire ces doses de moitié.
■ Après la titration intraveineuse, il est conseillé de poursuivre le traitement par
morphine intraveineuse par l’intermédiaire d’une pompe PCA (patient-controlled
analgesia ou analgésie contrôlée par le patient). Les enfants de 6 ans et plus peu-
vent comprendre le principe de la PCA. En pédiatrie, on fixe habituellement un
débit continu initial de 0,02 mg/kg/heure et des bolus de 0,025 mg/kg. La période
réfractaire est fixée à 6 minutes. Si ces doses s’avèrent insuffisantes, on peut aug-
menter les doses en commençant par celles des bolus. Le principe de la PCA
peut être appliqué à la NCA (nurse-controlled analgesia ou analgésie contrôlée par
l’infirmière) pour les enfants de moins de 6 ans.
■ Toute administration de morphine doit se faire avec une surveillance rigou-
reuse et régulière de la fréquence respiratoire, de la saturation d’oxygène et de
l’état de sédation. En cas de dépression respiratoire, la morphine doit être arrêtée,
on stimule le patient, et on administre de la naloxone à des doses allant de 2 à
10 µg/kg jusqu’au réveil et jusqu’à la normalisation de la fréquence respiratoire. La
morphine peut aussi entraîner d’autres effets indésirables que sont la rétention
d’urines, le prurit, les nausées et les vomissements ainsi que la constipation.
■ Pour la rétention d’urines, on peut administrer de la naloxone à des doses de
0,5-1 µg/kg en bolus toutes les 5 minutes jusqu’à la miction.
■ Pour le prurit, les nausées ou les vomissements, on peut perfuser de la naloxone
à 0,25-0,5 µg/kg/heure.
■ En cas de persistance des vomissements, on peut administrer de l’ondansétron
à 0,1 mg/kg en IVL 15 minutes.
■ Il faut par ailleurs associer systématiquement à la morphine un laxatif à base de
macrogrol (Forlax®, Movicol®).

Nalbuphine
■ La nalbuphine est un morphinique de type agoniste-antagoniste. Bien que son
utilisation soit limitée dans la CVO au niveau international, elle est largement uti-
lisée en France [7]. L’efficacité analgésique de la nalbuphine est moindre que celle
Crise douloureuse 83
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

de la morphine, notamment en raison de son effet plafond. En cas d’inefficacité, il


est conseillé de passer à la morphine.
■ Elle est utilisée par voie intraveineuse à la dose de 0,2 à 0,3 mg/kg/4 heures ou
en perfusion continue à la même posologie.

Codéine
■ La codéine est transformée dans l’organisme en morphine.
■ Elle a été largement utilisée, notamment pour le traitement de la douleur à
domicile. Cependant, son utilisation a été limitée aux enfants de plus de 12 ans
depuis 2013 en raison des effets de dépression respiratoire rapportés chez certains
enfants.

Tramadol
Le tramadol est un analgésique central synthétique avec un double mécanisme
d’action : effet opioïde dû à la fixation sur les récepteurs opioïdes de type µ, et
effet monoaminergique central dû à une inhibition de la recapture de la noradré-
naline et de la sérotonine, mécanisme impliqué dans le contrôle de la transmission
nociceptive centrale. En France, seule la forme orale est disponible avec une AMM
à partir de 3 ans. L’efficacité est similaire à celle de la codéine. La posologie chez
l’enfant est de 1 mg/kg/6 heures. Le tramadol est utilisé pour la douleur légère à
modérée.

Fentanyl
Ce morphinique synthétique n’est pas encore entré dans les protocoles actuels
de prise en charge de la douleur chez l’enfant drépanocytaire. Cependant, des
publications récentes rapportent l’efficacité de son administration par voie intra-
nasale. Ainsi, dans une étude américaine, l’administration de 1,5 µg/kg de fentanyl
intranasal (maximum 100 µg) jusqu’à deux doses à 5 à 10 minutes d’intervalle a
réduit considérablement le temps pour l’administration des morphiniques paren-
téraux, le temps de mise en route d’une PCA de morphine et le temps de sortie
des urgences [8]. Dans une autre étude, l’adjonction d’une dose de fentanyl intra-
nasale de 2 µg/kg au traitement standard par morphine (morphine ou hydromor-
phone) a réduit significativement la douleur 20 minutes après l’administration de
fentanyl [9].
Protoxyde d’azote
Le mélange 50-50 % de protoxyde d’azote/oxygène (MEOPA) procure une analgé-
sie au bout de 3 minutes d’inhalation, qui persiste pendant toute la durée d’inha-
lation. Le MEOPA peut être utilisé rapidement à l’arrivée de l’enfant aux urgences
afin de soulager la douleur en attendant que les autres analgésiques fassent leur
effet. Il doit également être utilisé pour tous les gestes invasifs tels que les poses
de voies veineuses.
84 Les situations d’urgence
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Alors que le protoxyde d’azote n’a un effet analgésique que pendant l’inhalation,
il a été rapporté que, chez les enfants recevant de la morphine en perfusion
continue, une inhalation de 15 minutes de MEOPA procure une réduction de la
douleur qui se prolonge pendant 2 à 3 heures [10]. Le MEOPA peut être utilisé
jusqu’à un temps total d’une heure par jour.

Complémentarité des analgésiques


Les différents analgésiques utilisés dans la CVO ont des sites d’action différents et
peuvent être de ce fait complémentaires.
■ Ainsi, les AINS ont une action analgésique périphérique en inhibant les enzymes
de la cyclo-oxygénase et la production des prostanoïdes ; cette action contribue à
diminuer les influx périphériques qui génèrent une sensibilisation centrale.
■ La morphine agit au niveau périphérique, médullaire, du tronc cérébral, du
thalamus et du cortex somatosensoriel. Elle participe également au mécanisme
descendant inhibiteur.
■ La kétamine agit surtout au niveau de la moelle épinière pour réduire la pro-
pagation de l’influx nociceptif et réduire le développement d’une sensibilisation
centrale.

Perspectives sur d’autres options thérapeutiques


La kétamine est un anesthésique général possédant des propriétés psychotropes
dissociatives, analgésiques et sédatives. En raison de son effet antagoniste non
compétitif sur les récepteurs NMDA, il a été proposé de l’utiliser à faibles doses
pour prévenir l’hyperalgésie par opioïdes ou la tolérance aux morphiniques
induite par l’activation des récepteurs NMDA. Certaines études préliminaires ten-
dent à montrer que son utilisation en perfusion continue à faibles doses (0,15 à
0,30 mg/kg/heure) diminue la consommation en morphine et améliore l’efficacité
analgésique [11].
Des études sont en cours pour évaluer l’efficacité de la gabapentine, du magné-
sium et du rivipansel, entre autres [2].

Références
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Crise douloureuse 85
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crises. Pediatr Emerg Care 2019;35(1):78-9.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

12
Anémie aiguë

Valentine Brousse, Slimane Allali

Points clés

L’anémie hémolytique chronique est une caractéristique principale de la
drépanocytose.

Une aggravation transitoire de l’anémie est fréquemment observée au
cours des complications de la maladie, ne justifiant souvent pas d’un
traitement transfusionnel.

Chez l’enfant, les quatre principales situations à l’origine d’une aggrava-
tion potentiellement grave de l’anémie sont la séquestration splénique
aiguë, l’infection à parvovirus B19, les infections sévères, notamment le
paludisme, et l’hémolyse post-transfusionnelle.

L’hémolyse post-transfusionnelle constitue le plus souvent une contre-
indication à toute nouvelle transfusion érythrocytaire.

L’acte transfusionnel pour corriger une anémie se décide avant tout sur
des critères cliniques.

La transfusion, quand elle est justifiée, doit viser à rétablir le taux d’hémo-
globine de base, sans dépasser 11 g/dl ou 35 % d’hématocrite.

Introduction
■ La drépanocytose est caractérisée par une anémie hémolytique chronique.
■ Le taux d’hémoglobine (Hb) spontané (ou Hb de base) dans les génotypes SS/
Sβ° est de 8,1 ± 1,3 g/dl [1] et de 11,5 g/dl chez les SC [2].
■ La durée de vie raccourcie des globules rouges drépanocytaires (28 jours versus
120) est compensée par une forte réticulocytose.
■ Toute situation de réticulopénie ou d’hyperhémolyse va donc entraîner une
aggravation de l’anémie sur un mode aigu ou subaigu selon les étiologies.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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88 Les situations d’urgence
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Principales situations d’aggravation de l’anémie ne


nécessitant pas de traitement transfusionnel
■ Les principales complications de la drépanocytose (crise vaso-occlusive
[CVO], infection aiguë) entraînent généralement une baisse transitoire du taux
d’Hb d’origine multifactorielle  : inflammatoire, hémolyse physiologique accrue,
hémodilution.
■ Cette aggravation de l’anémie est souvent compensée par une érythropoïèse
efficace (réticulocytes > 100-150 000/mm3) et ne nécessite habituellement pas
de traitement spécifique [3].
■ Rarement, en cas de mauvaise tolérance clinique (chez un patient générale-
ment très anémique à l’état basal) et/ou en cas de complication sévère associée
(syndrome thoracique aigu notamment), une transfusion sera indiquée.

Principales situations d’aggravation de l’anémie


nécessitant un traitement transfusionnel
■ Les situations d’aggravation de l’anémie nécessitant un support transfusionnel
sont celles au cours desquelles l’anémie, par sa brutalité d’installation ou par sa
durée, va avoir comme conséquence une mauvaise tolérance clinique.
■ Les principales situations cliniques sont la séquestration splénique aiguë (SSA),
qui peut entraîner un choc par anémie aiguë mettant en jeu le pronostic vital,
et les réticulopénies profondes d’origine virale, notamment à parvovirus  B19. Il
existe également d’autres virus à tropisme médullaire comme le virus d’Epstein-
Barr (EBV), le cytomégalovirus (CMV) ou l’herpèsvirus humain 6 (HHV-6). Enfin,
le paludisme peut être responsable d’une anémie aiguë sévère.

Séquestration splénique aiguë


■ La SSA est une complication survenant le plus souvent chez le nourrisson entre
1 et 3 ans, caractérisée par l’augmentation brutale et habituellement douloureuse
du volume de la rate de plus de 2 cm, avec une baisse concomitante du taux d’Hb
de plus de 2 g/dl (ou 20 %) par rapport au taux d’Hb de base [4].
■ Il y a souvent une baisse concomitante des plaquettes. Les réticulocytes sont
normaux ou augmentés.
■ Il s’agit d’une situation d’urgence transfusionnelle afin de restaurer une volémie
efficace et d’éviter une défaillance viscérale par anémie aiguë.
■ La transfusion doit viser à rétablir le taux d’Hb de base, sans trop le dépasser,
afin d’éviter une hyperviscosité sanguine lors du relargage des hématies séques-
trées dans la rate.
Anémie aiguë 89
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Infection à parvovirus B19
■ C’est une maladie virale bénigne (cinquième maladie) dont les conséquences
hématologiques peuvent être sévères chez l’enfant drépanocytaire. En effet, le
virus a un tropisme pour les érythroblastes et va ainsi entraîner une réticulopénie
profonde à l’origine d’une aggravation progressive de l’anémie.
■ Au cours d’une infection à parvovirus B19, le recours transfusionnel est très
souvent nécessaire, en particulier chez les enfants homozygotes [5].
■ Il faudra être attentif à la très forte contagiosité pour les femmes enceintes et
les membres de la fratrie également drépanocytaires.
■ Après séroconversion, la protection est théoriquement définitive, mais plu-
sieurs réactivations virales avec réticulopénie à l’origine d’une aggravation de l’ané-
mie ont toutefois été décrites.

Situations réanimatoires de défaillance multiviscérale


ou d’inflammation majeure
Plus rarement, ces situations peuvent s’accompagner d’une sidération médullaire
avec anémie arégénérative. En pratique, ces situations aiguës graves sont générale-
ment traitées par une transfusion au cours d’un échange transfusionnel afin non
seulement de corriger le taux d’Hb, mais aussi de diminuer la concentration d’HbS.

Principale situation d’aggravation de l’anémie


contre-indiquant a priori tout acte transfusionnel
■ L’hémolyse post-transfusionnelle est une situation rare mais extrêmement sévère
d’hémolyse retardée par conflit immuno-hématologique survenant au décours
d’un acte transfusionnel préalable (en général dans les 15 jours précédents).
■ Le diagnostic est souvent difficile car elle peut mimer en tous points une
infection ou une CVO (douleurs, fièvre, pâleur, ictère, urines foncées), ce d’autant
que le test de Coombs avec élution et la recherche d’agglutinines irrégulières sont
négatifs dans environ un tiers des cas [6].
■ En outre, il existe fréquemment une réticulopénie, pouvant paraître paradoxale
au vu de l’hyperhémolyse.
■ Toute nouvelle transfusion dans ce contexte est à risque majeur d’aggravation
de l’hémolyse et est donc formellement contre-indiquée.
■ Le traitement relève d’un centre expert et repose sur l’association de médica­
ments immunomodulateurs (immunoglobulines polyvalentes, éculizumab,
rituximab, corticoïdes dans certaines équipes, etc.) et d’agents stimulant l’érythro-
poïèse (érythropoïétine à forte dose). En dernier recours en cas d’urgence vitale,
un nouvel acte transfusionnel peut être décidé après avis spécialisé en utilisant un
concentré érythrocytaire le plus phénocompatible possible.
90 Les situations d’urgence
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Modalités transfusionnelles
■ En dehors des indications spécifiques, l’acte transfusionnel doit être entrepris
sur des critères cliniques de mauvaise tolérance (tachycardie, tachypnée, a fortiori
hypotension, désaturation, troubles de conscience).
■ La transfusion doit viser à rétablir le taux d’Hb spontané, sans dépasser environ
11 g/dl ou 35 % d’hématocrite, afin d’éviter une hyperviscosité sanguine potentielle­
ment délétère.
■ La transfusion de concentrés érythrocytaires doit toujours respecter le phé-
notype Rhésus-Kell (ainsi que Duffy, Kidd et MNS en cas d’antécédent d’allo-
immunisation ou d’hémolyse post-transfusionnelle) et être précédée par la recherche
d’agglutinines irrégulières ainsi que par une épreuve directe de compatibilité (sérum
du malade testé sur les hématies du concentré érythrocytaire à transfuser).

Références
1. Bernaudin F, Arnaud C, Kamdem A, et al. Biological impact of alpha genes, beta haplotypes, and
G6PD activity in sickle cell anemia at baseline and with hydroxyurea. Blood Adv 2018;2(6):626-37.
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clinical study of 179 cases. Haematologica 2012;97(8):1136-41.
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5. Smith-Whitley K, Zhao H, Hodinka RL, et al. Epidemiology of human parvovirusB19 in children
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sickle-cell disease: presentations, outcomes, and treatments of 99 referral center episodes. Am J
Hematol 2016;91(10):989-94.
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

13
Infections
Traitement et prévention

Julie Toubiana, Isabelle Hau

Points clés

L’infection est une complication majeure de la drépanocytose.

La dysfonction splénique joue un rôle essentiel dans la susceptibilité
accrue aux infections bactériennes.

La morbidité liée aux infections invasives à pneumocoque reste élevée
malgré les mesures préventives.

Les infections ostéoarticulaires contribuent à la morbidité de la drépano-
cytose.

L’infection à parvovirus B19, le paludisme et toute infection sévère favori-
sent l’anémie aiguë.

Les virus respiratoires et les infections à mycoplasme favorisent l’appari-
tion d’un syndrome thoracique aigu.

Un traitement antibiotique doit tenir compte du risque d’infection grave
chez ces patients et doit être rapidement instauré dès qu’une infection
est suspectée.

Au cours d’une fièvre chez un enfant atteint de drépanocytose, une anti-
biothérapie probabiliste couvrant Streptococcus pneumoniae et les bacté-
ries à Gram négatif (comme une céphalosporine de troisième génération)
doit être mise en place après obtention de prélèvements bactériologiques
à visée diagnostique.

Il faut systématiquement rechercher l’agent du paludisme en cas de fièvre
si l’enfant revient d’un séjour en zone d’endémie.

L’association d’une antibioprophylaxie quotidienne, de l’utilisation d’un
programme spécifique de vaccination et d’une éducation répétée et
régulière des patients ainsi que de leurs familles permet de diminuer le
risque d’infection.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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92 Les situations d’urgence
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Introduction et épidémiologie
■ Les infections au cours de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent ne
sont plus une cause majeure de décès dans les pays développés depuis la mise en
place des mesures préventives (antibioprophylaxie et vaccinations élargies), mais
restent la première cause de décès en Afrique subsaharienne [1, 2].
■ Les agents communautaires actuellement les plus souvent retrouvés au cours
des bactériémies sont Streptococcus pneumoniae et les bactéries à Gram négatif
dont la salmonelle [3, 4].
■ La prise en charge plus intensive de la drépanocytose ces dernières années
est associée à une augmentation des infections liées aux cathéters veineux
centraux [3].
■ L’ostéomyélite est une complication non négligeable chez l’enfant avec une
prévalence estimée à 12  % [5], les pathogènes majoritairement en cause étant
Staphylococcus aureus et Salmonella spp.
■ Les entérobactéries à l’origine d’infections systémiques sont plus souvent résis-
tantes aux bêta-lactamines que dans la population générale, du fait de l’exposition
plus fréquente et prolongée aux antibiotiques.
■ La drépanocytose n’apporte pas de susceptibilité accrue au paludisme, mais
est associée à une forme plus sévère à l’origine de décès [6].
■ Les infections respiratoires bactériennes à S. pneumoniae, Mycoplasma pneu-
moniae, Chlamydia pneumoniae ou virales peuvent être à l’origine du syndrome
thoracique aigu ou survenir secondairement.
■ La primo-infection ou la réactivation à parvovirus  B19 entraînent fréquem-
ment une anémie aiguë par érythroblastopénie.
■ La grippe chez l’enfant drépanocytaire est plus grave, avec un taux d’hospitali-
sation et une évolution vers une détresse respiratoire aiguë plus fréquents [7].
■ Toute infection peut favoriser une crise vaso-occlusive (CVO).

Susceptibilité aux infections


■ L’hyposplénisme fonctionnel puis l’asplénie, conséquence de l’ischémie puis de
la fibrose de la rate par les hématies falciformes, diminuent l’éradication par les
macrophages spléniques des germes encapsulés tels que S. pneumoniae, Nesseiria
meningitidis et Haemophilus influenzae [8].
■ La perte des fonctions de filtration de la rate commence avant 12 mois chez la
majorité des enfants drépanocytaires [9].
■ Cette atteinte splénique est associée chez les patients drépanocytaires à une
proportion plus faible de plasmocytes et de lymphocytes B mémoires issus de la
zone marginale de la rate [10].
■ L’immunité adaptative cellulaire semble aussi être touchée chez les patients
drépanocytaires. Le taux de lymphocytes circulants est normal ou augmenté,
Infections 93
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

mais la proportion des lymphocytes T CD4+ et CD8+ mémoires circulants est


diminuée, principalement chez les patients en CVO [10].
■ Il a aussi été rapporté chez ces patients une orientation de la réponse plutôt
de type Th2/Th17 aux dépens d’une réponse protective Th1, les transfusions éry-
throcytaires répétées ayant été incriminées [10].
■ L’ischémie et l’inflammation observées au cours des CVO inhiberaient aussi
une réponse immunitaire efficace [11].

Principales situations cliniques où une infection


est suspectée
■ Une fièvre n’est pas toujours d’origine infectieuse, ni liée à une infection bac-
térienne, la CVO étant elle-même à l’origine d’un syndrome inflammatoire. En
revanche, il est nécessaire de suspecter une infection bactérienne devant toute
fièvre, a fortiori si elle est supérieure à 38,5  °C, du fait de la fréquence et de la
sévérité de ces infections chez l’enfant drépanocytaire même sous prophylaxie
anti-infectieuse.
■ Toute fièvre nécessite une consultation en urgence avec un examen clinique
complet.
■ Il est parfois difficile de distinguer une infection osseuse d’une CVO. Toutefois,
une infection ostéoarticulaire est à suspecter devant une fièvre accompagnée
d’une douleur osseuse localisée, fixe et persistante malgré un traitement antal-
gique adapté et/ou un épanchement articulaire.
■ Une polypnée et/ou une toux en contexte fébrile doit faire suspecter une
infection respiratoire basse. Les principaux pathogènes en cause sont les virus
respiratoires, S. pneumoniae, M. pneumoniae et C. pneumoniae. L’aggravation des
paramètres respiratoires doit faire évoquer un syndrome thoracique aigu.
■ Une douleur abdominale, surtout localisée à l’hypochondre droit, accompa-
gnée de fièvre doit faire penser à une infection des voies biliaires, plus fréquente
chez l’enfant drépanocytaire du fait de la présence de boue/lithiase vésiculaire.

Examens complémentaires en cas de suspicion


d’infection
■ Devant une fièvre isolée a fortiori >  38,5  °C, il est nécessaire de réaliser les
examens complémentaires suivants et de préférence avant toute antibiothérapie :
un hémogramme et une numération des réticulocytes, un dosage de la CRP
(protéine C réactive), une hémoculture et une bandelette urinaire avec en cas de
positivité un examen cytobactériologique des urines. Une radiographie de thorax
est à considérer à la moindre suspicion d’atteinte de l’arbre respiratoire.
94 Les situations d’urgence
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■ En cas de suspicion d’infection ostéoarticulaire, il est recommandé de réaliser


des hémocultures répétées de préférence avant toute antibiothérapie.
■ Une ponction-lavage articulaire nécessite systématiquement d’être discutée
avec le chirurgien devant toute suspicion clinique ou échographique d’arthrite,
si possible avant toute antibiothérapie. Des prélèvements peropératoires à visée
microbiologique devront alors être réalisés. Une transfusion érythrocytaire ou un
échange transfusionnel seront le plus souvent nécessaires avant le geste chirurgical.
■ Une imagerie de type échographie osseuse, voire une imagerie par résonance
magnétique (IRM) si l’échographie est douteuse, est nécessaire afin de détecter
des signes radiologiques de complication (abcès notamment) nécessitant une
prise en charge chirurgicale.
■ Une anémie aiguë arégénérative en contexte infectieux doit faire penser à une
infection à parvovirus B19. Il est alors nécessaire de réaliser une sérologie ou une
PCR parvovirus B19, même en cas d’antécédent d’infection à parvovirus B19, car
il est décrit des réactivations virales avec réticulocytopénie à l’origine d’une aggra-
vation de l’anémie.
■ Toute altération de la conscience ou tout syndrome méningé doit faire réaliser
en urgence une ponction lombaire, à la recherche d’une méningite bactérienne.
■ Toute suspicion d’infection hépatobiliaire doit faire réaliser une échographie
abdominale et un bilan hépatique complet, à la recherche de signes en faveur
d’une cholécystite ou d’une angiocholite.
■ Une fièvre en retour de voyage en zone d’endémie de paludisme doit systématique­
ment faire rechercher un accès palustre (frottis/goutte épaisse et/ou test antigé-
nique). Une hépatite A est aussi à évoquer de principe si l’enfant n’est pas vacciné.
■ Devant une fièvre prolongée avec altération de l’état général, une tuberculose
doit être évoquée. La recherche d’adénomégalies cliniques et radiologiques ainsi
que la réalisation d’une intradermoréaction ou d’un test interféron gamma peu-
vent orienter le diagnostic.

Modalités de traitement
■ Pour tout enfant fébrile, quel que soit son âge, se présentant avec une altéra-
tion de l’état général et/ou des signes méningés et/ou un trouble de la conscience
et/ou une fièvre supérieure à 39,5 °C et/ou une intolérance digestive totale, il est
recommandé de commencer rapidement un traitement antibiotique probabiliste
parentéral et de l’hospitaliser [12].
■ En dehors des urgences extrêmes comme des signes de sepsis ou des troubles
de la conscience, il est préférable de réaliser les examens microbiologiques avant
la mise en place d’une antibiothérapie.
Infections 95
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■ L’antibiotique probabiliste préconisé par voie parentérale est en général une


céphalosporine de troisième génération.
■ Une hospitalisation et une antibiothérapie par voie parentérale sont recom-
mandées si l’enfant a moins de 3 ans avec une fièvre > 38,5 °C ou pour tout
enfant fébrile quel que soit son âge ayant un antécédent d’infection sévère
ou de bactériémie et/ou s’il présente un foyer pulmonaire ou une désatura-
tion artérielle en oxygène, une infection urinaire, une suspicion d’infection
ostéoarticulaire ou hépatobiliaire, des douleurs ne cédant pas rapidement aux
antalgiques simples, une majoration de 20 % de l’anémie chronique, une hyper-
leucocytose > 30 000/µl ou une leucopénie < 5 000/µl et/ou des réticulocytes
< 50 000/µl [12].
■ Un traitement ambulatoire peut être discuté chez les enfants de plus de 3 ans
n’ayant aucun des symptômes ou paramètres biologiques cités précédemment.
L’enfant doit cependant avoir un environnement familial fiable et une bonne
compliance au traitement (première prise à l’hôpital), ainsi qu’une bonne acces-
sibilité à des urgences pédiatriques. Il doit aussi avoir la possibilité d’être réévalué
par un médecin dans les 24 heures suivantes. L’antibiotique probabiliste doit être
bactéricide, actif sur les pneumocoques et correctement absorbé par voie orale,
comme l’amoxicilline.
■ Au moindre doute sur une potentielle gravité de l’infection ou un risque
d’échec de la surveillance ambulatoire, une hospitalisation s’impose.
■ Le traitement probabiliste initial d’une infection ostéoarticulaire est une
céphalosporine de troisième génération par voie intraveineuse, de préférence le
céfotaxime à doses élevées (150-200 mg/kg/j) du fait des particularités de phar-
macocinétique chez l’enfant drépanocytaire [13], associée à un aminoside ou
une fluoroquinolone. Un relais per os est possible après amélioration clinique et
biologique, généralement après 8 à 10 jours, par amoxicilline-acide clavulanique et
ciprofloxacine en l’absence de documentation bactériologique, ou selon le patho-
gène en cause et son profil de sensibilité si l’infection est documentée. L’utilisation
probabiliste des fluoroquinolones est en cours de discussion, au vu de l’augmen-
tation récente de la fréquence des salmonelles résistantes aux quinolones. Le
traitement doit ensuite être adapté au pathogène en cause et la durée totale doit
être prolongée d’au moins 6 semaines.
■ En cas d’infection sévère comme une infection ostéoarticulaire, il est conseillé
de monitorer le taux sérique d’antibiotique.
■ Au cours d’un syndrome thoracique aigu, un traitement par céphalosporine de
troisième génération associé à un traitement pas macrolides est recommandé.
■ Au cours d’une infection à parvovirus B19, le recours transfusionnel est très
souvent nécessaire [14]. Il n’y a pas de traitement spécifique contre le parvovirus.
Une surveillance de la crise réticulocytaire est nécessaire.
96 Les situations d’urgence
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Prévention des infections


■ En l’absence de toute intervention (vaccination, antibioprophylaxie, etc.), le
risque d’infection à pneumocoque chez ces enfants est 600 fois plus important
que chez les enfants non drépanocytaires sans comorbidité [15].
■ Depuis l’avènement de l’antibioprophylaxie, des vaccins antipneumocoque
polysaccaridiques 23-valent (VPP  23) et enfin des vaccins polysaccharidiques
conjugués 13-valent (PCV 13), l’incidence des infections invasives à pneumocoque
a nettement diminué, estimée à 1,9 % par une revue récente de la littérature. En
revanche, les enfants drépanocytaires restent à plus haut risque d’infection inva-
sive à pneumocoque avec un taux de mortalité élevé (11,5 %) [16].
■ La combinaison de mesures préventives est donc primordiale. Une antibiopro-
phylaxie quotidienne, l’utilisation d’un programme vaccinal spécifique et l’admi-
nistration en urgence d’une antibiothérapie précoce et systématique en cas de
fièvre, ainsi qu’une éducation répétée et régulière des patients et de leurs familles
à l’importance de ces mesures permettent de diminuer le risque d’infection.

Antibioprophylaxie
■ Plus de la moitié des infections invasives à pneumocoque sont actuellement à
des sérotypes non couverts par le PCV 13 [16]. Malgré la généralisation du PCV 13
en Europe, une antibioprophylaxie visant le pneumocoque par pénicilline V est
donc toujours recommandée chez l’enfant atteint de drépanocytose.
■ À partir de l’âge de 2 mois, une pénicilline V est donnée quotidiennement en
deux prises, à la posologie de 100 000 UI/kg/jour jusqu’à 10 kg, puis 50 000 UI/kg/
jour au-delà de 10 kg sans dépasser 2 millions par jour [12].
■ La durée du maintien de l’antibioprophylaxie est beaucoup moins consen-
suelle. Les données de la littérature ne permettent pas de démontrer un bénéfice
après l’âge de 5 ans [17]. Les attitudes des équipes diffèrent, avec un arrêt après
l’âge de 5 ans, 18 ans, ou une antibioprophylaxie à vie. Le risque d’infection grave,
même s’il diminue avec l’âge, persiste toute la vie, d’autant plus que le patient est
splénectomisé et/ou a eu un antécédent d’infection invasive à pneumocoque. En
cas de décision d’arrêt de la prophylaxie, il est nécessaire de s’assurer que le patient
ait bien reçu son schéma complet de vaccination contre le pneumocoque [18].

Prévention vaccinale
■ Il est recommandé chez les enfants drépanocytaires de suivre la protection
vaccinale prévue par le calendrier vaccinal en vigueur.
■ Par analogie aux patients aspléniques, les enfants drépanocytaires suivent un
programme vaccinal impliquant l’ajout d’un rattrapage même après 5 ans chez
les enfants non vaccinés pour H. influenzae de type b, et un programme intensifié
Infections 97
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

vis-à-vis du pneumocoque et du méningocoque [19]. Ces recommandations


vaccinales sont principalement fondées sur des études d’immunogénicité et de
sécurité des vaccins chez l’enfant drépanocytaire [20, 21].
■ La vaccination contre la grippe saisonnière est recommandée chaque année, à
partir de 6 mois, du fait du risque accru d’infection par une bactérie encapsulée
au décours de l’infection par le virus influenzae, de CVO/syndrome thoracique
aigu secondaire et d’hospitalisation en cas de grippe [7]. Le vaccin grippe, mal-
gré sa faible efficacité, variable d’une saison à l’autre, reste le meilleur moyen de
prévention contre l’infection. Le schéma vaccinal comporte deux doses à un mois
d’intervalle la première année de vaccination, puis une dose annuelle lors des sai-
sons suivantes.
■ La vaccination contre les infections invasives à pneumocoque est recomman-
dée pour tous les patients drépanocytaires avec un schéma renforcé. Pour les
enfants avant l’âge de 2 ans, la vaccination par le vaccin PCV 13 suit le schéma
3 + 1 à M2, M3, M4 et un rappel à 11 mois. Les enfants âgés de 2 à 5 ans non
vaccinés préalablement sont vaccinés par deux doses de vaccin PCV 13 adminis-
trées avec un intervalle de 8  semaines. Chez l’enfant âgé de plus de 5  ans non
préalablement vacciné, il est recommandé une dose de PCV 13 suivie d’une dose
de vaccin polyosidique VPP 23 au moins 2 mois après la dose de vaccin 13-valent.
■ La vaccination par le PCV 13 sera suivie d’une dose de VPP 23, administrée
après l’âge de 2 ans, au moins 2 mois après la dernière dose de PCV 13.
■ Les grands enfants et les adultes préalablement vaccinés par le VPP 23 pour-
ront recevoir une injection du PCV 13 si la vaccination antérieure remonte à plus
de 1 an ; l’injection ultérieure du VPP 23 sera pratiquée avec un délai minimal de
5 ans par rapport à la date de l’injection du VPP 23.
■ À ce jour, des données complémentaires sont nécessaires avant de recom-
mander des injections de rappel antipneumococcique. En effet, le VPP 23 n’active
qu’une réponse  B, entraînant une réponse immunoglobuline  M (IgM) prédo-
minante sans immunité mémoire et disparaissant rapidement par rapport aux
réponses induites par les vaccins polysaccharidiques conjugués (PCV). Par ailleurs,
il existe un risque théorique de déplétion de cellules B mémoires après vaccina-
tion par le VPP 23 entraînant un phénomène appelé « hyporesponsiveness », c’est-
à-dire une réponse moins efficace aux doses suivantes de vaccin. La meilleure
stratégie à adopter pour maintenir une protection optimale tout au long de la vie
d’un patient drépanocytaire n’est donc pas encore établie [22]. Certaines équipes
pratiquent une seconde dose de VPP 23 5 ans après le premier comme dans les
recommandations américaines, alors que la Haute autorité de santé (HAS) préco-
nisait en 2010 une dose de rappel VPP 23 tous les 3 à 5 ans [12].
■ L’augmentation du risque d’infections invasives à méningocoque n’est pas aussi
bien documentée, aucune étude clinique n’ayant été conduite spécifiquement
chez le patient drépanocytaire [23].
98 Les situations d’urgence
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■ La vaccination contre les méningocoques de sérotype  B, A, C, Y, W135 est


recommandée pour tous les patients drépanocytaires [24]. Chez les patients asplé-
niques dont les patients atteints de drépanocytose, il n’existe pour le moment que
des données d’immunogénicité des vaccins polysaccharidiques conjugués C ou
ACYW135, et aucune concernant le les vaccins B [25].
■ Deux vaccins antiméningocoque ACYW135 sont actuellement commerciali-
sés en France, le MenACWY-CRM197 (Menveo®), utilisable à partir de l’âge de
2 ans, et le MenACWY-TT (Nimenrix®), à partir de 6 semaines. Pour ce dernier, la
primovaccination comprend deux doses chez l’enfant de moins de 6 mois ou une
dose à partir de 6 mois de vie, et un premier rappel à l’âge de 12 mois, en respec-
tant un intervalle de 2 mois entre deux injections. Un rappel de vaccin tétravalent
ACYW est recommandé tous les 5 ans chez le patient drépanocytaire.
■ Si le patient a reçu antérieurement un vaccin tétravalent polysaccharidique
non conjugué antiméningocoque ACYW (Mencevax®) ou un vaccin polyosi-
dique non conjugué A + C, un délai de 3 ans est recommandé avant de le vacciner
avec un vaccin conjugué monovalent C ou avec un vaccin conjugué tétravalent
ACYW. Ces vaccins polysaccharidiques non conjugués sont à proscrire et ne sont
plus commercialisés en France.
■ En ce qui concerne la vaccination contre le méningocoque de sérogroupe B,
seul le Bexsero® est commercialisé en France. Pour les enfants âgés de 2 à 11 mois
révolus, le vaccin antiméningocoque B est recommandé avec un schéma compor-
tant deux injections à M2, M4 et un rappel à l’âge de 12 mois. Pour les nourrissons
âgés de 12 à 23 mois, il est recommandé deux doses à 2 mois d’intervalle et une
dose de rappel avec un intervalle de 12 à 23 mois. Pour les enfants âgés de plus de
2 ans, il est recommandé deux doses à un mois d’écart. La nécessité d’une dose de
rappel n’est pas établie.

Antibiothérapie précoce et information des patients


et de leur famille
■ Grâce aux mesures préventives combinant antibioprophylaxie et vaccination,
le risque d’infection bactérienne documentée est devenu plus rare, mais cela ne
doit pas faire remettre en question l’importance d’une antibiothérapie systéma-
tique et précoce lorsqu’un épisode fébrile survient.
■ Le danger constant d’une infection grave est un concept difficile, mais impor-
tant à inculquer aux soignants, aux patients et à leur entourage. Ce n’est qu’avec
la vigilance de tous ces acteurs que l’on peut espérer rendre ce risque tout à fait
exceptionnel.
■ En cas de fièvre, une consultation en urgence est nécessaire, le plus fréquem-
ment aux urgences pédiatriques où ces patients ne doivent pas attendre en salle
d’attente et être évalués rapidement. Les patients et leur famille doivent signaler
Infections 99
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

dès l’accueil des urgences que leur enfant est drépanocytaire et demander un
accueil prioritaire.
■ Il est nécessaire d’expliquer aux familles de consulter sans attendre en cas de
fièvre ou de syndrome grippal. Lorsqu’il n’est pas possible de consulter immédiate­
ment (lors d’un voyage notamment), il est conseillé de prendre immédiatement
une antibiothérapie probabiliste par amoxicilline 100 mg/kg/j en 3 doses per os.
■ En cas de voyage en zone d’endémie de paludisme, il est essentiel de pres-
crire un traitement prophylactique antipalustre, en fonction de la tolérance du
traitement, de l’âge et du poids de l’enfant (Atovaquone-Proguanil®, méfloquine
ou doxycycline) et selon les recommandations du médicament. Ce sera aussi une
occasion de mettre à jour les vaccins indiqués en cas de voyage (contre l’hépa-
tite A, la typhoïde, la fièvre jaune, la rage, etc.) selon le risque associé à la destina-
tion et les conditions de voyage, et de rappeler les bonnes pratiques préventives
au cours du voyage.

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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

14
Syndrome thoracique
aigu

Michael Levy, Bérengère Koehl, Stéphane Dauger

Points clés

Le syndrome thoracique aigu (STA) est défini par la survenue chez un
patient drépanocytaire de symptômes respiratoires, en contexte fébrile
ou non, associés à des nouveaux infiltrats pulmonaires sur la radiographie
thoracique.

L’étiologie du STA est multifactorielle.

Le STA peut se déclarer d’emblée ou se développer au cours d’une hos-
pitalisation pour une complication aiguë, ce qui souligne l’importance de
la prévention (traitement antalgique adapté, spirométrie incitative).

Les facteurs favorisants sont l’hypoventilation, la surcharge volémique,
l’imprégnation opiacée excessive et des accidents thrombo-emboliques
(surtout chez l’adolescent et l’adulte).

Les patients ayant déjà présenté un STA sont à haut risque de récidive.

Les mesures thérapeutiques essentielles associent un traitement antal-
gique adapté et multimodal, de la spirométrie incitative et/ou de la ven-
tilation non invasive et, selon les cas, une prise en charge transfusionnelle
(transfusion simple ou échange transfusionnel).

Introduction
■ Le syndrome thoracique aigu (STA) est défini comme la survenue chez un
patient drépanocytaire d’une atteinte respiratoire aiguë, fébrile ou non, doulou-
reuse ou non, associée à des nouveaux infiltrats pulmonaires sur la radiographie
thoracique [1].

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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102 Les situations d’urgence
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■ Il s’agit d’une complication sévère de la drépanocytose qui peut mettre en


jeu le pronostic vital à court terme et qui a des conséquences sur le pronostic
fonctionnel à long terme.

Épidémiologie
■ Le STA représente la deuxième cause d’hospitalisation chez l’enfant drépano-
cytaire après les crises vaso-occlusives [2].
■ Il existe de nombreux facteurs favorisants connus, comme l’hypoventilation, la
surcharge volémique, l’imprégnation opiacée excessive et les accidents thrombo-
emboliques (surtout chez l’adolescent et l’adulte) [3].
■ Le STA peut survenir d’emblée (52 % des cas) ou au cours de l’évolution d’une
autre complication (48 % des cas, dans les trois premiers jours) [2].
■ La physiopathologie découle souvent d’une agression initiale associant à diffé-
rents degrés [3] :
• des phénomènes infectieux  : une infection est souvent retrouvée (54  %
des cas) incluant Chlamydiae pneumoniae (29  %), Mycoplasme pneumoniae
(22 %), virus respiratoire syncytial (10 %) [2, 3] ;
• des phénomènes d’œdème pulmonaire (augmentation de la perméabilité
capillaire par mécanismes inflammatoires, hyperhydratation) ;
• des phénomènes d’hypoventilation (douleurs abdominales ou osseuses
thoraciques, atélectasies, surdosage relatif en antalgiques) [3] ;
• des phénomènes d’occlusion microvasculaire avec infarcissement pulmo-
naire  : adhérence des globules rouges et des réticulocytes à l’endothélium
vasculaire, formation d’agrégats inflammatoires plaquettes-neutrophiles res-
ponsables de micro-emboles dans les artérioles pulmonaires, activation endo-
théliale et hyperplasie intimale menant aux thromboses et au vasospasme [4] ;
• des phénomènes d’embolie graisseuse  : survenue d’infarctus osseux avec
embolie graisseuse, activation de la phospholipase  A2 sécrétoire, libération
d’acides gras et de médiateurs de l’inflammation [3].
■ Ces différents mécanismes conduisent à la chute de l’oxygénation alvéolaire
avec induction de la polymérisation de l’hémoglobine S (HbS). Cela conduit à la fal-
ciformation des hématies et à la diminution du flux pulmonaire qui majore encore
la vaso-occlusion avec induction d’un cercle vicieux « hypoxie-polymérisation de
l’HbS-augmentation de la vaso-occlusion » [3].

Diagnostic
■ Les symptômes classiques selon la définition américaine sont les suivants  :
fièvre, toux, dyspnée, douleurs thoraciques, syndrome de condensation pulmo-
naire et hypoxémie (SaO2 < 95 % et PaO2 < 80 %) [1].
Syndrome thoracique aigu 103
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■ Les symptômes les plus constants chez l’enfant sont la fièvre, la toux et l’hypo-
xémie, contrairement à l’adulte où les principaux symptômes sont les douleurs
thoraciques et la dyspnée sans forcément de fièvre [2, 5].
■ L’examen physique retrouve de la fièvre, une hypoxémie avec SpO2 < 95 % en
air ambiant, une polypnée souvent superficielle et des signes de condensation
pulmonaire avec une matité et, à l’auscultation, des crépitants, des ronchi voire
un souffle tubaire [1].
■ Biologiquement, les signes les plus fréquents sont une majoration de l’anémie
(–0,7 g/dl en moyenne), une hyperleucocytose avec prédominance de polynu-
cléaires neutrophiles (PNN), une thrombocytose ou une thrombopénie, une
hyperbilirubinémie et une augmentation des lactates déshydrogénases (LDH).
L’hyponatrémie de déplétion est également fréquente [2] chez des patients pré-
sentant une tubulopathie tôt dans l’enfance.
■ Le diagnostic est affirmé par la radiographie thoracique standard qui retrouve
des condensations parenchymateuses avec infiltrats alvéolaires volontiers bilaté-
raux prédominants aux bases (figure 14.1). Il est important de rappeler qu’une
radiographie normale en présence de signes cliniques de STA n’exclut pas le
diagnostic du fait du possible retard radiologique [6]. L’échographie pulmonaire
pourrait potentiellement devenir une aide précieuse dans les années à venir en
diminuant l’exposition aux radiations ionisantes du fait de sa très bonne sensibilité
pour la détection des consolidations pulmonaires [7].
■ Un score a été développé récemment pour apprécier le degré de détresse res-
piratoire : le Clinical Respiratory Score (CRS) [8] (tableau 14.1). Il comporte 6 items
cotés de 0 à 2 (fréquence respiratoire, auscultation, utilisation des muscles acces-
soires, statut neurologique, saturation en air ambiant et coloration cutanée).

Figure 14.1. Patient de 12 ans hospitalisé pour crise vaso-occlusive hyperalgique


dorsale et abdominale et évoluant en quelques heures vers un syndrome
thoracique aigu.
Radiographies du thorax à 11 heures (a) et à 22 heures (b) réalisées le même jour.
104 Les situations d’urgence
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Tableau 14.1. Clinical Respiratory Score (CRS).


Évaluation 0 1 2
Fréquence < 30 30-40 > 40
respiratoire/minute
(> 12 mois)
Auscultation Murmure vésiculaire Diminution Diminution
perçu, wheezing du murmure ou abolition du
expiratoire léger, vésiculaire, wheezing murmure vésiculaire,
crépitants légers inspiratoire wheezing sévère,
et expiratoire expiration prolongée
Utilisation des Légère à pas Signes de rétractions Signes de rétractions
muscles respiratoires d’utilisation ; léger modérés, utilisation intercostaux
accessoires à aucun signe des muscles et sus-sternaux,
de rétraction accessoires légère battement des ailes
à modérée, du nez
battements des ailes
du nez
Statut neurologique Normal ou Irritable, agité Léthargique
légèrement irritable
Saturation en air > 95 % 90-95 % < 90 %
ambiant
Couleur cutanée Normale Pâle Cyanosée, grise

Ce score peut aider le clinicien lors de la prise en charge, avec notamment une
décision de transfert en unité de soins continus pour des CRS ≥ 4 de manière à
instaurer une ventilation non invasive, mais également pour permettre un suivi
dans le temps (figure 14.2).

Prise en charge thérapeutique


La prise en charge comprend :
■ un traitement antalgique multimodal et adapté associant des morphiniques,
au mieux par perfusion continue avec dispositif de type PCA (patient-controlled
analgesia) ou NCA (nurse-controlled analgesia), bolus et débit continu de 0,020 à
0,040 mg/kg avec période réfractaire de 5 à 7 minutes (dose maximale de 3 mg/
kg/j) et du paracétamol (à la dose de 15 mg/kg/6 h sans dépasser 60 mg/kg/j)
[9]. En cas de douleurs intenses et à vertu d’épargne morphinique, on rajoutera
facilement du néfopam en perfusion continue (posologies jusqu’à 2 mg/kg/j en
IVC avec au maximum 120 mg/24 h) et, dans un second temps, en cas de douleur
réfractaire, de la kétamine (posologies de 0,06 à 0,1 mg/kg/h en IVC) ;
■ une hydratation IV en tenant compte des besoins de l’enfant et des risques de
surcharge pulmonaire menant à limiter les apports à 1,5 1/m2/24 h plutôt que 2 l/
m2/24 h (sans dépasser 3 l/24 h) [6, 9] ;
Syndrome thoracique aigu 105
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Figure 14.2. Démarche diagnostique en cas de syndrome thoracique aigu (STA).


MV : murmure vésiculaire.

■ une prise en charge respiratoire : installation en position demi-assise, oxygéno-


thérapie pour maintenir une saturation artérielle en oxygène ≥  95  % et spiro-
métrie incitative (SI  ; fréquence recommandée d’une séance de 10  inspirations
maximales toutes les 2 heures au minimum) [1, 5, 6].
En cas d’échec du traitement et d’aggravation de l’hypoxémie ou de forme sévère
d’emblée, une prise en charge en unité de soins intensifs est souhaitable pour une
assistance ventilatoire par ventilation non invasive (VNI) [1]. On utilisera volon-
tiers des modes ventilatoires à deux niveaux de pression (mode BIPAP [bi-level
positive airway pressure], VS-PEEP [ventilation spontanée avec pression expira-
toire positive] +  AI [aide inspiratoire]). On réalisera plus rapidement une assis-
tance ventilatoire type VNI chez les enfants de moins de 5 ans qui ne pourront
pas réaliser correctement la SI [8].
■ L’asthme étant fréquent dans cette population [10], le recours aux β2-mimétiques
est à évaluer au cas par cas et sera utilisé uniquement en cas de tableau obstructif
associé.
■ Une antibiothérapie à large spectre active sur les germes intracellulaires et le
pneumocoque (macrolides et céfotaxime) sera mise en place [1, 5].
■ La prise en charge transfusionnelle est à discuter au cas par cas en tenant
compte du risque d’allo-immunisation et de syndrome d’hyperhémolyse [11, 12].
En cas de STA avec critères de gravité et si l’hémoglobine < 8 g/dl, la transfusion
simple doit être discutée afin de corriger l’anémie tout en diminuant le taux
106 Les situations d’urgence
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Figure 14.3. Démarche thérapeutique en cas de STA.


C3G : céphalosporine de troisième génération ; VM : ventilation mécanique ; VNI :
ventilation non invasive.

d’HbS, avec un objectif transfusionnel de 10 g/dl d’hémoglobine totale, quel que


soit le taux d’hémoglobine de base de l’enfant. En cas de STA sévère avec un taux
d’hémoglobine >  8  g/dl, on discutera plutôt un échange transfusionnel ayant
pour objectif de diminuer le taux d’HbS < 40 % [1, 5].
■ Aucune efficacité du monoxyde d’azote (NO) [13] ou de la corticothérapie n’a
été démontrée à l’heure actuelle dans la prise en charge du STA à la phase initiale
[14]. En cas d’évolution vers un tableau de syndrome de détresse respiratoire aiguë
sévère et prolongé, le NO devra être discuté en cas d’hypertension artérielle pul-
monaire sévère voire de défaillance ventriculaire droite (figure 14.3).

Pronostic et suivi
■ Le STA est la première cause de mortalité dans la drépanocytose chez l’adulte [2].
■ Chez l’enfant, le risque de mortalité est nettement inférieur à celui retrouvé
chez l’adulte (< 2 % versus 9 %) [2] et le STA est la troisième cause de décès après
les complications infectieuses et hématologiques.
Syndrome thoracique aigu 107
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■ Il existe un haut risque de récidive qui peut atteindre jusqu’à 80 % après un premier
épisode [2], avec un risque d’autant plus grand que le premier épisode survient tôt.
■ Le STA est responsable d’une dégradation significative de la fonction res-
piratoire [15] avec, au fur et à mesure des récidives, induction d’une maladie
respiratoire chronique (notamment de type syndrome obstructif) avec risque
d’évolution vers l’hypertension artérielle pulmonaire secondaire.
■ La survie à long terme est significativement corrélée à l’existence et à l’intensité
de l’hypertension artérielle pulmonaire chez ces patients [3].

Prévention
Prévention primaire
La prévention primaire repose sur :
■ le diagnostic anténatal et le dépistage néonatal d’un syndrome drépanocytaire
majeur ;
■ la prise en charge précoce des parents, avec éducation sur la maladie, les
complications, les facteurs de risque de décompensation ;
■ des vaccinations rigoureuses (pneumocoque, grippe), une antibioprophylaxie
(pénicilline V dès 2 mois jusqu’à au moins 5 ans) et la supplémentation quoti-
dienne en acide folique ;
■ la recherche et le traitement de facteurs favorisants : hypoxie nocturne, apnées
du sommeil (polysomnographie), obstruction chronique des voies aériennes
supérieures (consultation ORL) et asthme (épreuves fonctionnelles respiratoires) ;
■ une spirométrie incitative chez tout patient drépanocytaire hospitalisé pour
une crise vaso-occlusive avec vigilance accrue chez les patients sous morphine, et
en particulier avec des doses importantes [5].
Il convient de faire attention à toute anesthésie générale programmée qui devra être
entourée d’une stratégie transfusionnelle et d’une prise en charge péri-opératoire
adaptée [5] à chaque patient selon la lourdeur et de la durée de la chirurgie.

Prévention secondaire
■ Le traitement par hydroxyurée stimule la synthèse d’hémoglobine fœtale, mais
diminue également le taux de PNN dont les interactions avec les hématies et les
plaquettes facilitent les phénomènes de vaso-occlusion. Il est recommandé en
cas de STA sévère et/ou de récidive de STA avec une efficacité démontrée sur le
risque de récidive [1].
■ Des programmes transfusionnels sont requis en cas de répétition de STA mal-
gré un traitement par hydroxyurée bien conduit avec objectif d’HbS < 40 % en
prétransfusion.
■ Une greffe de moelle est à discuter dans les formes les plus sévères avec échec
des mesures précédentes.
108 Les situations d’urgence
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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

15
Complications
neurologiques
chez l’enfant
Accidents vasculaires cérébraux,
céphalées

Manoëlle Kossorotoff

Points clés

La survenue brutale de signes neurologiques déficitaires focaux chez un
enfant drépanocytaire doit faire suspecter un accident vasculaire céré-
bral (AVC) et conduire à une imagerie urgente, imagerie par résonance
magnétique (IRM) en priorité.

À la prise en charge non spécifique de la drépanocytose s’associent la
réalisation en urgence d’un échange transfusionnel et le traitement d’un
éventuel anévrisme intracrânien.

Le suivi rééducatif est pluridisciplinaire et prolongé dans le temps pour
accompagner le développement, notamment cognitif, de l’enfant.

Les céphalées sont fréquentes chez l’enfant drépanocytaire et doivent
être prises en charge.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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110 Les situations d’urgence
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Quand suspecter un AVC et comment le confirmer ?


■ L’AVC est une urgence. La rapidité de prise en charge est un facteur important
pour diminuer la mortalité et la morbidité de ces événements.
■ Les signes cliniques des AVC sont similaires à ceux de l’adulte. Il s’agit de signes
neurologiques focaux d’installation brutale, tels qu’une hémiplégie avec ou sans
paralysie faciale, un trouble de la parole aigu (aphasie) [1].
■ Les céphalées qui doivent faire suspecter un AVC (hémorragie cérébrale en
particulier) sont des céphalées très intenses, de caractère inhabituel et résistant
aux antalgiques usuels. Ces céphalées sont rarement isolées et en général accom-
pagnées de signes neurologiques : trouble de conscience, signes déficitaires focaux
de début brutal.
■ En cas de fièvre, les étiologies infectieuses sont également à évoquer, notam-
ment méningo-encéphalite, paludisme, etc.
■ Le risque d’AVC est plus élevé chez l’enfant drépanocytaire que dans la popu-
lation pédiatrique générale [2]. Un premier AVC ischémique survient le plus
souvent chez des enfants jeunes (moins de 10 ans), avec ou sans vasculopathie
cérébrale connue. Un premier AVC hémorragique, ou une première hémorragie
méningée, survient en général après l’âge de 10 ans [2].
■ En l’absence de trouble de conscience, et si cette modalité est disponible
immédiatement, l’IRM cérébrale est la modalité d’imagerie privilégiée pour le
diagnostic d’AVC. Des séquences adaptées seront utilisées, notamment au mini-
mum séquences de diffusion (figure  15.1), T2/FLAIR, angio-IRM et si possible
séquence de perfusion [1].
■ Le scanner cérébral permet le diagnostic des hémorragies cérébrales et ménin-
gées, mais ne permet pas de distinguer dans les premières heures un infarctus
cérébral (AVC ischémique) d’une migraine accompagnée, contrairement à l’IRM.

Figure 15.1. Imagerie par IRM en séquence de diffusion d’infarctus artériels


cérébraux chez deux enfants drépanocytaires à la phase aiguë.
a. Infarctus jonctionnel postérieur gauche. b. Infarctus sylvien droit profond.
Complications neurologiques chez l’enfant 111
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Quelle prise en charge à la phase aiguë


pour les AVC ?
■ La prise en charge est une urgence et l’enfant doit intégrer une filière de soins
dédiée : filière neurochirurgicale pour les hémorragies cérébrales, filière AVC de
l’enfant pour les infarctus cérébraux.
■ Le maintien de l’homéostasie pour la prévention des ACSOS (agressions céré-
brales secondaires d’origine systémique) est primordial. Il est effectué en unité de
soins continus ou en réanimation : maintien de l’hémodynamique, de la glycémie,
de l’oxygénation et de la capnie, prise en charge de la douleur [3].
■ L’évacuation chirurgicale d’un hématome intracrânien, une dérivation du
liquide céphalorachidien (LCR) et/ou la mise en place d’une mesure invasive de
la pression intracrânienne peuvent être nécessaires en cas d’hypertension intra-
crânienne menaçante.
■ L’amélioration de la rhéologie et de l’oxygénation cérébrale est obtenue par
la réalisation d’un échange transfusionnel en urgence, avec un objectif d’hémo-
globine  S (HbS) post-échange <  30  %. Cet échange est réalisé manuellement
ou sur machine de cytaphérèse selon les ressources disponibles et la rapidité de
mise en œuvre, la dernière technique permettant d’assurer une meilleure stabilité
hémodynamique. Au besoin, une transfusion simple peut être réalisée le temps de
la mise en œuvre de l’échange, si l’Hb totale du patient est < 9 g/dl à l’arrivée [4].
■ En cas d’hémorragie méningée ou cérébrale liée à la rupture d’un anévrisme,
le traitement curatif de l’anévrisme sera réalisé rapidement du fait du risque de
récidive précoce, par voie endovasculaire ou chirurgicale selon sa localisation et
ses caractéristiques.

Quelle prévention secondaire pour éviter


la récidive ?
■ En cas d’infarctus cérébral lié à une vasculopathie cérébrale drépanocytaire, le
risque de récidive est important (70 % à 3 ans). Il est diminué par une stratégie
de prévention secondaire reposant sur des échanges transfusionnels mensuels au
long cours, parfois associés à un traitement par hydroxycarbamide [4].
■ Seule la transplantation de cellules souches hématopoïétiques peut permettre
l’arrêt de ces échanges transfusionnels par l’arrêt de l’évolutivité potentielle de la
vasculopathie cérébrale.
■ En cas d’anévrisme intracrânien non traité à la phase aiguë ou d’anévrismes
multiples (figure 15.2), le traitement curatif de ces lésions sera décidé selon les
caractéristiques anatomiques et angio-architecturales.
■ Lorsque l’angiopathie cérébrale est évoluée et qu’un aspect radiologique
d’angiopathie de Moya-Moya est observé (sténose progressive des terminaisons
112 Les situations d’urgence
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Figure 15.2. Anévrismes multiples de la circulation vertébrobasilaire


chez un enfant drépanocytaire ayant présenté une hémorragie méningée.
a. Angio-IRM avant traitement. b. Angio-IRM après embolisation des deux principaux
anévrismes (flèches noires).
Source : d’après Kossorotoff M, Brousse V, Grevent D, et al. Cerebral haemorrhagic risk in children with sickle-cell disease. Dev
Med Child Neurol 2015;57:187-93.

carotidiennes associée au développement d’un réseau de collatérales perforantes),


une chirurgie de revascularisation cérébrale peut également être proposée après
évaluation des lésions et de la perfusion cérébrales [5, 6].

Prise en charge rééducative et suivi au long cours


■ L’enfant récupère différemment de l’adulte et des séquelles peuvent apparaître
à distance avec l’augmentation de la charge cognitive ou scolaire.
■ Le suivi moteur, cognitif, scolaire et social de ces enfants au long cours est donc
crucial. La prise en charge rééducative est pluridisciplinaire, ajustée aux besoins et
projets de l’enfant ainsi que de sa famille et réévaluée régulièrement, notamment
à certaines périodes charnières : entrée en cours préparatoire, au collège, adoles-
cence, etc. afin d’actualiser les objectifs (ré)éducatifs et le projet de vie [7–9].

Céphalées
■ Les céphalées sont plus fréquentes chez l’enfant drépanocytaire que dans la
population pédiatrique générale. Plusieurs facteurs entrent en jeu, parmi eux la
viscosité sanguine avec de possibles phénomènes micro-occlusifs transitoires,
l’hypoxie cérébrale chronique, l’obstruction ORL fréquente [10].
■ Elles peuvent avoir un retentissement sur la participation aux activités quoti-
diennes, scolaires et sur la qualité de vie.
■ La prise en charge suit les règles de l’International Headache Society, avec des
traitements de crise reposant sur le paracétamol et les anti-inflammatoires non
stéroïdiens, et des traitements de fond en priorité non médicamenteux, reposant
sur des techniques de relaxation [11].
■ L’évaluation du degré d’obstruction ORL et de son retentissement peut conduire à
proposer une prise en charge chirurgicale (adénoïdo-amygdalectomie) associée [10].
Complications neurologiques chez l’enfant 113
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Références
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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

16
Priapisme

Éléna Foïs

Point clés

Le priapisme est une urgence.

La cause la plus fréquente chez l’enfant est la drépanocytose.

Il s’agit le plus souvent d’un priapisme ischémique, veino-occlusif.

Le traitement initial repose sur les sympathomimétiques per os puis en
intracaverneux.

Définition et généralités
Le priapisme, rare avant la puberté, est défini comme une érection prolongée,
douloureuse, complète ou partielle et survenant en dehors de toute stimulation
sexuelle ou traumatique [1].
Il en existe deux types, définis selon les mécanismes physiopathologiques :
■ le priapisme ischémique, veino-occlusif et à bas débit, forme la plus souvent
rencontrée chez l’enfant ;
■ le priapisme non ischémique, artériel et à haut débit.
Les étiologies diffèrent selon le type et celui le plus souvent rencontré dans la
drépanocytose est le priapisme de stase ou veino-occlusif.
On différencie les priapismes également selon leurs modes évolutifs :
■ celui durant moins d’une heure, avec des épisodes parfois récurrents, égale-
ment appelé priapisme « intermittent » ;
■ et celui se prolongeant au-delà d’une heure, communément dénommé pria-
pisme « aigu » et à l’origine de possibles séquelles [2].
Le priapisme ischémique est une urgence qui nécessite une prise en charge rapide
et adaptée en raison des risques de fibrose des corps caverneux à l’origine de
troubles de la fonction érectile.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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116 Les situations d’urgence
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Il est primordial de prévenir les parents et les jeunes garçons de la possibilité de


survenue de priapisme au cours de leur vie afin qu’ils puissent en reconnaître les
symptômes et en parler, car la difficulté et la réticence à rapporter ces événements
peuvent conduire à un retard de prise en charge potentiellement dramatique.
Ils pourront par ailleurs débuter une prise en charge adaptée à domicile et se
rendre rapidement aux urgences en cas d’inefficacité des premières mesures.
L’éducation thérapeutique du patient et la formation des soignants revêtent toute
leur importance dans ce contexte.

Épidémiologie
■ L’incidence dans la population générale, toutes causes confondues, est de
1,5 cas pour 100 000 hommes par an, l’étiologie la plus fréquente étant la drépa-
nocytose [3].
■ Chez l’enfant, les causes les plus fréquentes sont la drépanocytose (65 %), les
leucémies (10 %), les traumatismes (10 %) et les médicaments (5 %). Dans 10 %
des cas, aucune étiologie n’est retrouvée (priapismes idiopathiques) [1].
■ La prévalence du priapisme chez le patient drépanocytaire est de 2 à 11 % chez
l’enfant (jusqu’à 20 ans) [4–6] et de 20 à 42 % chez l’adulte [7–9]. Chez l’enfant,
il survient le plus souvent entre 12 et 15 ans et certaines études rapportent un
premier épisode dans 75 à 90 % des cas avant l’âge de 20 ans [4, 8, 10, 11].
■ Il est plus souvent observé dans la forme homozygote (SS) de la drépanocy-
tose [4, 5].
■ La dysfonction érectile séquellaire est rare chez l’enfant, mais observée chez 21
à 30 % des adultes souffrant de priapisme [8], le risque augmentant avec la durée
de l’épisode ou des épisodes de priapisme.

Physiopathologie
Rappels anatomiques et physiologiques
La verge est constituée des organes érectiles : corps caverneux, corps spongieux
et gland. Les corps érectiles peuvent être assimilés à un muscle lisse. L’état flaccide
est maintenu grâce à la contraction permanente des cellules musculaires lisses des
artères caverneuses qui empêchent ainsi l’afflux sanguin. La relaxation de celles-ci
induit une chute brutale des résistances tissulaires et permet l’augmentation du
flux sanguin dans les artères caverneuses, à l’origine d’une compression progres-
sive des veines dorsales de la verge et d’une gêne au retour veineux permettant le
maintien de l’érection [2, 11].
La physiologie de l’érection est complexe et fait intervenir entre autres le sys-
tème nerveux autonome et les androgènes par le biais de l’activation de la voie
Priapisme 117
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

de signalisation NO (monoxyde d’azote)/GMPc (guanosine monophosphate


cyclique)/phosphodiestérases notamment.

Physiopathologie du priapisme dans la drépanocytose


Plusieurs mécanismes physiopathologiques ont été évoqués pour expliquer la
survenue du priapisme au cours de la drépanocytose. Celui-ci serait notamment
la conséquence d’une anomalie de l’homéostasie vasculaire au sein des tissus
érectiles avec une dysrégulation de la voie de signalisation  NO/GMPc/phos-
phodiestérase 5 (PDE 5) dans les cellules musculaires lisses caverneuses et les cel-
lules endothéliales sinusoïdales : défaut de l’activité de la PDE 5, biodisponibilité
moindre du NO, hypersensibilité du tissu caverneux au NO, anomalies du système
RhoA-Rho kinase responsables de la contraction musculaire lisse [1,  12,  13]. Il
pourrait également y avoir des anomalies de la commande centrale neurologique.
La durée du priapisme est un facteur pronostique majeur car, au-delà de 12 heures,
les lésions musculaires lisses sont inéluctables et, au-delà de 48 heures, des lésions
de fibrose irréversibles sont inévitables.

Classification clinique
Il en existe deux types principaux  : le priapisme ischémique, veino-occlusif ou
de stase, et le priapisme non ischémique, artériel et à haut débit [1, 3, 11] (enca-
dré 16.1 et tableau 16.1).

Encadré 16.1
Étiologies des priapismes

Priapismes ischémiques
– hémoglobinopathies : drépanocytose, thalassémie
– déficit en G6PD, dysérythropoïèse congénitale
– leucémies
– tumeur testiculaire, rhabdomyosarcome
– infection
– neurologique (atteinte médullaire)
– toxines (paludisme, scorpions, araignées)
– purpura de Henoch-Schönlein
– hémodialyse et maladies rénales
– nutrition parentérale

Priapismes non ischémiques
– traumatismes
– hématologiques : drépanocytose, leucémies
– maladie de Fabry
– iatrogène postdrainage ou postchirurgie

118 Les situations d’urgence
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Priapismes médicamenteux ou toxiques
– psychotropes : neuroleptiques (chlorpromazine, clozapine, rispéridone, olanza-
pine, etc.)
– antidépresseurs (fluoxétine, sertraline, bupropion, trazodone), lithium
– antihypertenseurs
– érythropoïétine
– anticoagulants
– inhibiteurs de phosphodiestérase 5
– anticoagulants
– alpha-bloquants
– drogue : cocaïne, alcool, cannabis
– hormones : testostérone et GnRH
– injections intracaverneuses : papavérine ou prostaglandines

Priapismes néonataux
– polyglobulie
– infection (syphilis, infection périnéale)
– traumatisme crânien néonatal (forceps)
– détresse respiratoire
– cathétérisme de l’artère ombilicale

Tableau 16.1. Les différents types de priapisme.


Priapisme ischémique Priapisme non ischémique
Clinique Érection douloureuse sans Érection indolore, parfois partielle
atteinte du gland ni du corps des corps caverneux, spongieux
spongieux et du gland
Drainage Liquide noir, désoxygéné, Liquide rouge, oxygéné
visqueux et incoagulable
Doppler pénien Absence de flux artériel Augmentation du flux artériel
Pas de retour veineux Retour veineux normal ou augmenté

Priapisme ischémique (veineux, de bas débit)


Ce priapisme est dû à une stase sanguine dans les espaces sinusoïdes des corps
caverneux secondaire à un défaut de contraction des cellules musculaires lisses lié
à une perturbation de l’homéostasie vasculaire (voir plus haut). La stase sanguine
est à l’origine d’une hypoxie aggravant l’hypocontractilité musculaire et induisant
une ischémie caverneuse et des lésions cellulaires pouvant aboutir à la fibrose.
C’est le type le plus fréquemment rencontré chez l’enfant et au cours de la dré-
panocytose. Il est habituellement douloureux. Il ne concerne que les corps caver-
neux et, cliniquement, la verge est rigide alors que le gland reste souple. C’est la
forme la plus pourvoyeuse de séquelles érectiles.
Priapisme 119
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De même mécanisme physiopathologique, le priapisme intermittent se caractérise


par des épisodes récidivants de priapisme, de durée variable, souvent de moins de
3 heures, cédant spontanément et pouvant évoluer vers un priapisme prolongé.
Ils surviennent la plupart du temps la nuit, rarement dans les suites d’un rapport
sexuel et sont favorisés par la déshydratation, la fièvre, le manque de sommeil ou
l’endormissement tardif, l’exposition au froid ou les toxiques [1].

Priapisme non ischémique


On peut aussi l’observer dans la drépanocytose mais beaucoup plus rarement.
Il est du dû à une augmentation du flux sanguin dans les artères caverneuses.
L’érection est partielle, indolore ou produisant une sensation d’inconfort localisée.
Il concerne les trois compartiments, caverneux, spongieux et le gland. L’évolution
de fait souvent sur plusieurs jours.
Enfin, le priapisme peut être iatrogène, et dû à des injections intracaverneuses de
sympathomimétiques notamment, mais également à certains médicaments par
voie orale tels que les neuroleptiques ou les inhibiteurs de phosphodiestérases, ou
à des toxiques comme la cocaïne (voir encadré 16.1).

Prise en charge
La prise en charge du priapisme aigu est une urgence, requiert l’avis d’un centre
spécialisé et doit se faire en collaboration étroite avec des urologues formés aux
spécificités de la drépanocytose [1, 14–16].
Il est primordial que les garçons et leurs parents :
■ soient prévenus du risque de survenue de priapisme dès l’enfance ;
■ soient informés des mesures de prise en charge immédiate à domicile et de la
nécessité de se rendre aux urgences en cas de priapisme ne cédant pas au bout
d’une heure ;
■ connaissent les facteurs déclenchants possibles : fatigue, infection, traumatisme,
froid, déshydratation, alcool, drogues, prise de testostérone ou de psychotropes.

Mesures initiales
Il est recommandé que l’enfant :
■ prenne des boissons abondantes ;
■ prenne des antalgiques de palier 1 ou 2 ;
■ fasse un effort physique visant à créer un vol vasculaire (membres inférieurs
surtout) ;
■ tente d’uriner ;
■ prenne un bain chaud ;
■ prenne de l’étiléfrine per os (0,5 mg/kg) par analogie avec les adultes.
Si le priapisme ne cède pas au bout d’une heure, il est recommandé de se rendre
à l’hôpital.
120 Les situations d’urgence
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À l’hôpital
Il convient de ne pas retarder la prise en charge et de procéder aux mesures sui-
vantes :
■ évaluation de la durée d’évolution du priapisme ;
■ recherche d’un facteur déclenchant et notamment d’une prise médicamen-
teuse ;
■ examen physique complet ;
■ bilan biologique : NFS, réticulocytes, créatinine, LDH et CRP ;
■ ± Doppler pénien en urgence en cas de suspicion de priapisme artériel (voir
tableau 16.1).
■ analgésie par MEOPA et antalgiques de pallier 1, 2 et 3 (morphine) si néces-
saire. Certaines recommandations américaines préconisent l’utilisation de kéta-
mine d’emblée qui favoriserait la détumescence [1] ;
■ mesures associées : oxygénothérapie et hydratation, etc.
La prise en charge diffère ensuite suivant la durée du priapisme.
■ priapisme durant plus d’une heure :
• une injection intracaverneuse (sous MEOPA) d’un alpha-mimétique de
type étiléfrine (chez l’enfant de plus de 2 ans) est réalisée sur le bord latéral
d’un corps caverneux (5 mg) avec une aiguille à ailettes dont la taille dépend
de l’âge de l’enfant (21-23 G chez les enfants prépubères, 19 G chez les adoles-
cents) en surveillant la tension artérielle. En cas d’inefficacité, l’injection peut
être répétée 20 minutes après ;
• en cas d’indisponibilité de l’étiléfrine, la phényléphrine peut être utilisée
(100 µg par injection chez l’enfant de plus de 11 ans). On peut répéter deux à
trois fois les injections, sous surveillance hospitalière en raison des risques d’isché-
mie systémique en cas de passage du produit dans la circulation générale ;
• en cas d’inefficacité après deux injections d’étiléfrine ou de priapisme
durant plus de 3 heures, un drainage des corps caverneux est pratiqué (voir
ci-dessous).
■ priapisme de plus de 3 heures : un drainage sans lavage d’un des deux corps
caverneux est réalisé par insertion d’une aiguille à ailettes (identique à ci-dessus)
sous anesthésie locale (lidocaïne 1 %) sur le bord latéral de la verge. Il est impor-
tant de prendre le temps d’un drainage complet jusqu’à obtention de sang rouge
(20 à 30 minutes). Le drainage peut être associé à une injection locale d’étiléfrine ;
■ en cas d’inefficacité  : un traitement chirurgical peut être entrepris, son indi-
cation étant à discuter entre médecins spécialistes de la drépanocytose et uro-
logues  : création d’un shunt caverno-spongieux pour obtenir la détumescence
par vidange du sang caverneux (zone à hyperpression) vers les espaces sinusoïdes
spongieux (zone à basse pression).
Un échange transfusionnel est recommandé si un drainage est nécessaire. Il ne
doit cependant pas retarder ce dernier qui reste la priorité immédiate.
Priapisme 121
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Par ailleurs, on y associe souvent, mais uniquement chez les enfants déjà pubères,
un traitement par Androcur® (anti-androgène  ; 50-100  mg/j), en cure courte
d’environ 3 semaines.
Enfin, en cas de dysfonction érectile définitive, des prothèses péniennes peuvent
être proposées, mais essentiellement à partir de l’âge de 17 ans [3].

Priapisme récidivant
En cas de priapisme récidivant, le traitement préventif comprend les éléments
suivants :
■ recherche de facteur déclenchant (syndrome d’apnées obstructives du som-
meil secondaire à une hypertrophie amygdalienne, consommation de cannabis,
cocaïne, etc.) ;
■ oxygénothérapie nocturne ;
■ étiléfrine par voie orale à la dose de 0,5 mg/kg/j pendant un mois ;
■ programme de saignées en cas d’hyperviscosité sanguine. En cas de taux
d’hémoglobine élevé (>  10  g/dl chez les patients  SS et >  11  g/dl chez les
patients  SC), un programme de saignées pourra être mis en place à visée pro-
phylactique secondaire chez les patients présentant des récidives ;
■ traitements de fond par hydroxyurée [17] ou par échanges transfusionnels
mensuels, à discuter ;
■ chez l’enfant : les anti-androgènes, œstrogènes, analogues de la GnRH ne sont
pas recommandés [1, 3]. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase (type sildénafil)
n’ont pas été utilisés en dessous de 14 ans [18] et l’utilisation du finastéride (inhi-
biteur de la 5-alpha réductase) n’a été rapportée que dans quelques cas [19].
Par ailleurs, un bilan des complications associées (atteinte rénale, hypertension
artérielle pulmonaire, ulcères de jambe) quoique plutôt observées chez le jeune
adulte que chez l’enfant, est recommandé.
Enfin, une prise en charge psychologique est nécessaire en raison du retentis-
sement psychique majeur des priapismes récidivants et de la potentielle dysfonc-
tion érectile séquellaire.

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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

17
Spectre des atteintes
rénales

Vincent Audard, Olivia Boyer

Points clés

Le spectre des atteintes rénales au cours de la drépanocytose est très
hétérogène  : dysfonctions tubulaires (défaut de concentration et d’aci-
dification des urines), épisodes d’hématurie, d’insuffisance rénale aiguë,
néphropathie drépanocytaire.

Leur physiopathologie est complexe et leur prise en charge mal codifiée.

L’histoire naturelle de la néphropathie drépanocytaire semble compren-
dre plusieurs stades  : l’hyperfiltration, la survenue d’une microalbumi-
nurie, puis d’une macroalbuminurie, pouvant évoluer progressivement
vers un déclin de la fonction rénale jusqu’au stade d’insuffisance rénale
chronique terminale.

Introduction
■ Du fait d’une meilleure prise en charge globale, l’espérance de vie des patients
drépanocytaires s’est considérablement améliorée, entraînant une augmentation
de la prévalence des atteintes chroniques de certains organes et notamment des
atteintes rénales. Ainsi, la drépanocytose représente une cause croissante de mala-
die rénale chronique (MRC), laquelle constitue un facteur de risque indépendant
de mortalité chez ces patients [1–3].
■ Le spectre des atteintes rénales associées à la drépanocytose est hétérogène et
comprend entre autres des dysfonctions tubulaires à type de défaut de concen-
tration et d’acidification des urines, des épisodes d’hématurie parfois liés à des
nécroses papillaires, rarement des épisodes d’insuffisance rénale aiguë, notamment

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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126 Les atteintes chroniques d’organe
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au cours des crises vaso-occlusives (CVO) et plus précisément au cours des syn-
dromes thoraciques aigus [4], et enfin une entité particulière appelée la néphropa-
thie drépanocytaire [1, 3].
■ Même s’il n’existe pas à l’heure actuelle d’étude longitudinale permettant de
décrire l’histoire naturelle de la néphropathie drépanocytaire, son évolution semble
comprendre plusieurs stades : l’hyperfiltration, la survenue d’une microalbuminu-
rie, puis d’une macro-albuminurie, et enfin la progression vers l’insuffisance rénale.
Une étude récente réalisée chez des patients adultes a permis de montrer que les
patients drépanocytaires homozygotes ou Sβ0-thalassémiques présentaient un
déclin annuel du débit de filtration glomérulaire (DFG) de 2,05 ml/mn/1,73 m2 [5].
■ L’évolution vers l’insuffisance rénale terminale n’est pas systématique et le
déclin du DFG est souvent associé à l’augmentation de la protéinurie [1, 6, 7].
■ La physiopathologie de ces atteintes rénales est complexe et multifactorielle,
impliquant notamment des lésions vasculaires secondaires à l’hémolyse chro-
nique et des épisodes d’ischémie-reperfusion rénale, probablement en rapport
avec des obstructions microvasculaires intrarénales liées aux globules rouges falci-
formés [1, 6, 8, 9].
■ La prise en charge thérapeutique n’est pas clairement définie [2]. En cas d’insuf-
fisance rénale chronique terminale, la transplantation rénale semble être le traite-
ment de choix, sous réserve d’une prise en charge multidisciplinaire [10].

Dysfonctions tubulaires
Défaut de concentration des urines (hyposthénurie) [2]
■ C’est l’atteinte la plus fréquente, quel que soit le génotype, parfois dès le plus
jeune âge.
■ Il existe une atteinte tubulaire distale avec réduction de la concentration maxi-
male des urines.
■ 62 % des nourrissons ont une osmolarité urinaire maximale < 500 mOsmol/kg
H2O (tableau 17.1).

Tableau 17.1. Normes chez l’enfant [11].


Âge Pouvoir de concentration maximal des urines
après DDAVP (moyenne ± 2 DS)
Prématuré 500 ± 100 mOsmol/kg
< 3 mois 750 ± 300 mOsmol/kg
3 à 12 mois 1000 ± 300 mOsmol/kg
Après 2 ans 1050 ± 250 mOsmol/kg
DDAVP : 1-désamino-8-D-arginine vasopressine ; DS : déviation standard.
Spectre des atteintes rénales 127
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Chez le préadolescent, elle est habituellement < 400 mOsmol/kg H2O.


■ Le pouvoir de dilution des urines est généralement préservé.
Diagnostic
■ Les manifestations sont longtemps discrètes.
■ Plus tardivement, on retrouve : énurésie, polyuro-polydipsie (réveils nocturnes
pour boire), déshydratation qui favorise la survenue de CVO.
■ La diminution de l’osmolarité urinaire maximale est mesurée sur les premières
urines de matin à jeun.
■ Un test de restriction hydrique  ±  un test à la vasopressine permettent de
confirmer le diagnostic, mais ils ne sont pas indispensables à la prise en charge.
Traitement
■ L’hydratation est requise (+++).
■ L’hydroxyurée permettrait, selon certaines études, d’augmenter le pouvoir de
concentration des urines chez le nourrisson, mais cet effet semble inconstant
[12–15]).
■ À un stade plus tardif, les lésions histologiques et les anomalies biologiques
deviennent irréversibles [7].

Énurésie
■ La prévalence est élevée : 50 % entre 5 et 10 ans et 25 % entre 14 et 17 ans [15]
(9 % chez l’adulte) [16].
■ La physiopathologie est mal élucidée et probablement multifactorielle :
• rôle de l’hyposthénurie (mais ne touche pas tous les patients avec une
hyposthénurie) ?
• rôle d’anomalies vésicales ?
• rôle d’un syndrome d’apnée du sommeil ?
• rôle d’un sommeil profond ?
■ Un antécédent familial d’énurésie et le plus jeune âge sont des facteurs de
risque indépendants.
Prise en charge
■ En cas d’énurésie primaire isolée sans trouble mictionnel diurne  : diminuer
l’hydratation avant le coucher (mais risque de favoriser les CVO), système
d’alarme de type Pipi Stop® avec traitement comportemental – explications sur
le caractère bénin du trouble, réassurance, règles hygiéno-diététiques : bien vider
sa vessie avant de se coucher, enlever les couches ; en cas de fuites dans la nuit,
aider ses parents à retirer son pyjama, changer ses draps, les mettre à la machine
puis se recoucher. Ce traitement est efficace dans les deux tiers des cas environ au
bout d’un mois en moyenne avec 50 % de rechutes et une durée avant guérison
complète du trouble de 2 à 6 mois environ.
128 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Les médicaments de type desmopressine peuvent être inefficaces et surtout


sont à risque d’induire une hyponatrémie sévère chez un enfant qui doit bien
s’hydrater sur tout le nycthémère pour éviter les CVO et les déshydratations. Ils
ne sont donc pas recommandés.
■ En cas de troubles mictionnels diurnes associés à l’énurésie, une consultation
spécialisée en urologie est indiquée pour discuter de l’indication d’un traitement
anticholinergique notamment.
L’encadré 17.1 présente un questionnaire d’évaluation clinique de l’énurésie.

Défaut d’acidification des urines


■ Il s’agit de l’incapacité à diminuer le pH urinaire en dessous de 5,3 après admi-
nistration de chlorure d’ammonium.
■ La physiopathologie est non encore élucidée. Elle serait liée à l’ischémie médul-
laire et corrélée à l’importance de l’hémolyse.
■ Ce défaut peut favoriser une néphrocalcinose.
■ La prévalence est de 42 % à un âge moyen de 25 ans et avec une prédominance
féminine [17].

Encadré 17.1
Questionnaire d’évaluation clinique de l’énurésie chez un
enfant drépanocytaire (adapté de [16])
1. Évaluation initiale
Est-ce que le patient à plus de 5 ans ? Oui/Non
Est-ce qu’il fait pipi au lit ? Oui/Non
Combien de fois par semaine fait-il pipi au lit ? -------
Depuis combien de temps fait-il pipi au lit ? -------
Conclusion : le patient entre-t-il dans la définition de l’énurésie primaire ? Si oui, passer
à la deuxième série de questions.
2. Évaluation en cas d’énurésie avérée
Est-ce que l’enfant a déjà eu une période sans énurésie ? Oui/Non
Si oui, pendant combien de mois ? -------
Est-ce que l’enfant a des mictions fréquentes supérieures à 8 par jour ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a des urgences mictionnelles ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a des brûlures mictionnelles ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a des douleurs à la miction ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant doit pousser pendant la miction ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a du sang dans les urines ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a une incontinence diurne ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant est constipé ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a des antécédents familiaux d’énurésie ? Oui/Non
Est-ce que des traitements ou des systèmes d’alarme ont déjà été essayés Oui/Non
Si oui, lesquels ?
Spectre des atteintes rénales 129
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Diagnostic
■ Le diagnostic repose sur une acidose métabolique à trou anionique plasma-
tique normal et trou anionique urinaire positif.
■ Le test d’acidification des urines est rarement proposé en routine et n’a pas de
conséquence sur la prise en charge.
■ Le défaut est fréquemment associé à une hyperkaliémie nécessitant l’utilisa-
tion prudente de médicaments hyperkaliémiants et notamment des bloqueurs
du système rénine-angiotensine.

Prise en charge
■ Supplémentation en bicarbonate de sodium oral.
■ Recherche d’une néphrocalcinose par l’échographie rénale.

Hématurie et nécrose papillaire [7]


■ C’est l’une des manifestations rénales les plus fréquentes quels que soient l’âge
et le génotype des patients – jusqu’à 30 à 40 % chez les patients homozygotes.
■ Elle est le plus souvent microscopique, avec plus rarement des épisodes
d’hématurie macroscopique.
■ Elle est secondaire à des infarctus microthrombotiques, avec extravasation de
sang dans la médullaire interne et les papilles rénales, siège d’un milieu hyper-
tonique et hypoxique, favorisant la falciformation dans les vasa recta adjacents.

Diagnostic
■ La présentation clinique est variable : de l’hématurie microscopique isolée à un
tableau de nécrose papillaire avec hématurie macroscopique associée à des dou-
leurs lombaires, une fièvre, une hypertension artérielle et une insuffisance rénale
aiguë obstructive.
■ L’échographie retrouve une hyperéchogénicité des pyramides médullaires et
une augmentation de taille des reins.
■ En cas de doute diagnostique, un scanner avec injection de produit de
contraste iodé ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) est réalisé(e).

Traitement
■ En cas d’hématurie macroscopique, une hyperhydratation avec solutés alcalins
ou légèrement hypotoniques est indiquée [18].
■ En cas d’hématurie sévère ou persistante, la vasopressine pourrait favoriser
l’hydratation des globules rouges et diminuer leur falciformation. L’utilisation
de l’acide ε-aminocaproïque pourrait être envisagée en cas d’échec des autres
130 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

traitements, mais son efficacité n’a jamais été clairement démontrée [18, 19]. La
transfusion sanguine est à discuter pour limiter l’ischémie médullaire.
■ En cas d’hématurie sévère non contrôlée par le traitement médical, une arté-
riographie doit être discutée pour localiser le saignement et réaliser une emboli-
sation sélective du territoire concerné. La néphrectomie est à envisager en dernier
recours.

Carcinome médullaire [7]


■ Une hématurie peut parfois révéler un carcinome rénal dont l’incidence sem-
ble plus importante au cours de la drépanocytose chez l’adulte.
■ Il est rare chez l’enfant et survient surtout chez l’adulte jeune (19-22 ans).
■ Il s’agit d’une atteinte du rein droit dans > 75 % des cas.
■ Hématurie macroscopique, lombalgie et perte de poids sont retrouvées.

Insuffisance rénale aiguë (IRA)


■ Les causes sont variées  : IRA fonctionnelle (favorisée par l’hyposthénurie),
rhabdomyolyse, sepsis, hémolyse aiguë, néphrotoxicité médicamenteuse, throm-
bose des veines rénales, lithiase rénale, nécrose papillaire [1].
■ Le risque d’IRA est corrélé à la sévérité de la CVO [4].
■ L’incidence chez l’adulte est de : 2,3 % durant les CVO simples, 6,9 % durant les
syndromes thoraciques aigus non sévères et 13,6 % durant les syndromes thora-
ciques aigus (STA) sévères [4].
■ L’IRA au cours des CVO semble être associée à une dysfonction cardiaque
droite et pourrait être liée à des épisodes d’ischémie-reperfusion (I/R) rénale
entraînant une hypoxie cellulaire. Il est probable que des « crises rénales » infracli-
niques surviennent aussi au cours des CVO [8, 9].

Traitement
■ Le traitement dépend de la cause.
■ Il comprend une hydratation et l’arrêt des médicaments néphrotoxiques ++.
Chez l’adulte, une étude suggère que les anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS) ne devraient pas être utilisés systématiquement dans le traitement des
CVO [20].

Néphropathie drépanocytaire
Cette atteinte peut se voir dès le plus jeune âge et augmente avec l’âge des
patients [6].
Spectre des atteintes rénales 131
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Hyperfiltration
■ C’est l’une des manifestations les plus précoces et fréquentes de l’atteinte
rénale.
■ Elle est observée même chez le petit nourrisson dès l’âge de 9 mois [21].
■ La prévalence est de 87 % chez l’enfant, 66 % chez l’adulte.
■ Elle est inversement corrélée à l’âge des patients [22].
■ Chez l’enfant, on retrouve :
• un DFG moyen estimé selon formule de Schwartz : 134 ± 39 ml/min/1,73
m2 (62-273) ;
• un DFG moyen mesuré par la clairance au DTPA : 167 ± 46 ml/min/1,73 m2
(100-308).
■ L’hyperfiltration semble corrélée à l’intensité de l’hémolyse [23].
■ Elle est liée à l’augmentation du débit cardiaque secondaire à une diminution
du tonus vasculaire, à la synthèse de substances vasodilatatrices (prostaglandines,
monoxyde d’azote, etc.) en réaction à l’hypoxie, à l’anémie et l’hémolyse [1, 21].
■ Il existe un intérêt potentiel des biomarqueurs urinaires et sanguins tels que le
NAG urinaire (N acétyl-β-D-glucosaminidase) et la β2-microglobuline pour pré-
dire le risque de maladie rénale chronique avant même la diminution du DFG [24].

Diagnostic
■ Le diagnostic repose sur l’estimation régulière du DFG selon les formules CKD-
EPI (Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration) chez l’adulte [25] et la
formule de Schwartz chez l’enfant [22].
■ Une valeur de DFG considérée comme normale chez un patient drépanocy-
taire est faussement rassurante car elle témoigne en réalité d’un début de diminu-
tion du DFG.
Traitement
■ Le traitement est non réversible avec les transfusions sanguines répétées.
■ L’effet de l’hydroxyurée sur le DFG est discuté : réduction pour certains chez
l’enfant [14], sans effet pour d’autres [12].

Protéinurie
■ La protéinurie est relativement fréquente.
■ Elle peut se voir dès le plus jeune âge et la prévalence augmente avec l’âge [1, 3].
■ Elle peut être présente dès le stade d’hyperfiltration chez l’enfant [22] :
• prévalence de l’albuminurie (> 30 mg/g créatininurie) : 20,7 % de l’ensemble
des enfants drépanocytaires quel que soit le génotype et 23 % chez les patients
drépanocytaires homozygotes SS ;
• associée aux marqueurs d’hémolyse et à des chiffres de pressions artérielles
élévés.
132 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Chez l’adulte [26] :


• prévalence de la microalbuminurie  : 42  % des patients homozygotes SS,
32 % des patients drépanocytaires avec un autre génotype ;
• prévalence de la macroalbuminurie (> 300 mg/g de créatinine) : 26 %, des
patients homozygotes SS, 10  % des patients drépanocytaires avec un autre
génotype.
■ La présence d’une macroalbuminurie constitue un facteur de risque de pro-
gression de la maladie rénale chronique.
■ Un syndrome néphrotique, présent chez certains patients, constitue un fac-
teur de risque péjoratif pour la survie rénale.
■ Les lésions histologiques associées sont hétérogènes [27] :
• hyalinose segmentaire et focale (HSF) : 39 % (la plus fréquente) ;
• glomérulonéphrite membranoproliférative (GNMP) : 28 % ;
• microangiopathie thrombotique (MAT) : 17 %, fréquemment associées à
une rétinopathie ;
• sickle cell disease glomerulopathy : 17 % – hypertrophie glomérulaire isolée,
et dilatation et congestion des capillaires sans lésion typique d’HSF, de GNMP
ou de MAT ;
• dépôts d’hémosidérine dans les cellules épithéliales tubulaires fréquemment
retrouvés, et ce indépendamment des lésions glomérulaires sous-jacentes.

Traitement
■ inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine/antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine 2 (IEC/ARA2) : attention aux risques d’IRA et hyper-
kaliémie [2, 28–30]. Le débit de protéinurie pour lequel un traitement par IEC ou
ARA2 doit être introduit n’est pas clairement codifié. Ces médicaments doivent
être évités lorsque le DFG est inférieur à 30 ml/min/1,73 m2. Ces médicaments
pourraient aussi ralentir le déclin de la fonction rénale [31].
■ Chez l’adulte, l’hydroxyurée pourrait diminuer l’albuminurie [32], effet non
retrouvé dans une étude pédiatrique [33], mais retrouvé dans une autre [34].

Hypertension artérielle (HTA)


■ La plupart des enfants ont une pression artérielle normale ou basse.
■ Chez l’adulte, la fréquence de l’HTA chez les patients drépanocytaires est moin-
dre que dans la population générale afro-américaine et non drépanocytaire [1].
■ Lorsqu’elle est présente, l’HTA est un facteur de risque de progression de la
MRC.

Traitement
■ Viser une pression artérielle normale pour ralentir la progression de l’insuffi-
sance rénale chronique (IRC).
Spectre des atteintes rénales 133
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Attention aux risques d’IRA et d’hyperkaliémie sous IEC/ARA2.


■ Éviter les diurétiques (sauf en cas d’IRC avancée avec surcharge hydrosodée ou
de cardiomyopathie), du fait des risques de déshydratation qui majore le risque
de CVO.

Insuffisance rénale chronique/terminale (IRC/IRT)


■ Prévalence de l’IRC chez l’enfant : 8 à 11,6 % ont un DFG < 90 ml/min/1,73 m2
(MRC de stade 2) [22].
■ Prévalence chez l’adulte : elle varie selon les études et augmente avec l’âge des
patients [1].

Traitement
■ Le traitement est le même que pour les autres causes d’IRC/IRT.
■ Les doses d’érythropoïétine (EPO) nécessaires sont souvent plus élevées.
■ Éviter les médicaments néphrotoxiques (notamment les AINS pour traiter les
CVO, etc.).
■ La survie en hémodialyse est moins bonne que pour la population générale [35].
■ La transplantation rénale constitue le traitement de choix de l’IRT [10].
■ La récidive de la néphropathie sur le greffon est possible mais rare [1, 10].

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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

18
Dysfonction splénique

Valentine Brousse

Points clés

La taille de la rate n’est pas corrélée à sa fonction chez le sujet drépanocy-
taire.

Il existe une perte de fonctionnalité splénique précoce chez l’enfant dré-
panocytaire de génotype SS, plus tardive dans les autres génotypes.

La séquestration splénique aiguë est une complication très précoce met-
tant en jeu le pronostic vital par anémie aiguë.

L’antibioprophylaxie par pénicilline orale et la vaccination élargie contre
le pneumocoque, Haemophilus influenzae, le méningocoque et la grippe
permettent de réduire la mortalité secondaire à l’insuffisance splénique.

Introduction
La rate est un organe lymphoïde secondaire branché sur la circulation sanguine
qui a une fonction de filtration des cellules et particules sanguines d’une part et
une fonction immunologique d’autre part.
La filtration splénique des globules rouges s’effectue principalement grâce à la pré-
sence de signaux membranaires de sénescence et/ou d’anomalies de déformabilité.
Les propriétés modifiées des globules rouges dans la drépanocytose (déformabi-
lité diminuée, adhérence accrue) entraînent une interaction précoce dans la rate
et, à moyen terme, sa destruction par fibrose.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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136 Les atteintes chroniques d’organe
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Dysfonction splénique dans la drépanocytose


De l’altération de la fonction à l’autosplénectomie
■ Dans la forme sévère de drépanocytose SS ou Sβ°, la rate est le lieu électif et
sans doute le plus précoce d’interaction pathologique [1].
■ Cette atteinte aboutit d’abord à une perte de fonction (asplénie fonctionnelle),
puis à une atrophie (autosplénectomie) selon une progression interindividuelle
variable.
■ Une altération précoce de la fonction splénique a été montrée chez 87  %
d’enfants âgés en moyenne de 12,9 mois (8,1-18 mois, n = 193) [2].
■ La coexistence d’un trait α-thalassémique ou la persistance d’un taux élevé
d’hémoglobine fœtale (HbF) sont des facteurs protecteurs de la fonction splé-
nique [3].
■ Dans les formes  SC, l’asplénie fonctionnelle est plus tardive, probablement
après 10 ans [4].

Expression clinique de la dysfonction splénique


■ L’expression clinique de la dysfonction splénique est imprévisible.
■ Elle inclut la survenue de séquestration splénique aiguë (SSA), de séques-
tration splénique chronique (ou hypersplénisme), la splénomégalie et l’atrophie
splénique qui sont des manifestations non mutuellement exclusives.
■ Chacune de ces manifestations peut se combiner avec une perte de fonction
sans corrélation entre la taille de la rate et sa fonctionnalité.

Séquestration splénique aiguë (SSA)


■ La SSA est une complication clinique grave secondaire à la rétention anormale
et brutale de globules rouges dans la rate entraînant une défaillance circulatoire
en quelques heures par anémie aiguë.
■ La SSA est définie par une augmentation du volume splénique de plus de 2 cm
associée à une chute du taux d’hémoglobine (Hb) de plus de 2 g/dl, en l’absence
de réticulopénie.
■ Elle était historiquement à l’origine d’une mortalité élevée car survenant de
manière brutale et inaugurale chez des enfants par ailleurs souvent non diagnos-
tiqués.
■ La fréquence de la SSA est estimée entre 13 % et 25 % selon les séries [5, 6].
L’incidence de la SSA en Île-de-France a été estimée à 0,06 patient/année [7].
■ Cette complication survient principalement dans les formes homozygotes ou
Sβ°-thalassémiques [8] avec un âge médian au premier épisode de 1,4 an (0,1-7).
Dysfonction splénique 137
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Un événement clinique concomitant est retrouvé dans plus de la moitié (57 %)


des épisodes (infection fébrile, douleur).
■ Il y a un taux très élevé de récidive (67 %). L’âge de survenue au premier épisode
est le seul facteur prédictif de récidive avec un risque plus faible après 2 ans versus
avant 2 ans [6].

Hypersplénisme
■ L’hypersplénisme est caractérisé par une augmentation chronique du volume
de la rate s’accompagnant d’une bi- voire tricytopénie, avec une réticulocytose
réactionnelle élevée (> 15 %).
■ Sa prévalence n’est pas connue, mais est plus importante en cas d’HbF élevée
et d’α-thalassémie associée, par exemple chez les sujets originaires d’Arabie saou-
dite ou d’Inde [9].
■ L’hypersplénisme est souvent cliniquement difficile à différencier d’épisodes
modérés de SSA répétés.

Splénomégalie
■ Une splénomégalie modérée (1-2 cm sous le rebord costal gauche) sans consé-
quence hématologique est habituellement décrite chez le très jeune enfant avant
que ne survienne l’atrophie splénique.
■ La splénomégalie diminue avec l’âge dans les pays du Nord. En Amérique du
Nord, le volume splénique, évalué chez 199 enfants âgés de 7,5 à 18 mois en écho-
graphe, était de 105 ml versus 18 ml chez des enfants contrôles de même taille [10].
■ Une prévalence plus élevée de splénomégalie à un âge plus tardif est décrite
dans les pays du Sud. Au Kenya, par exemple, une splénomégalie était retrouvée
chez un tiers des enfants drépanocytaires à l’âge de 6 ans [11].
■ De manière générale, la splénomégalie est très influencée par des facteurs envi-
ronnementaux et génétiques, comme en atteste par exemple la plus grande préva-
lence de la splénomégalie rapportée au paludisme en Afrique subsaharienne [12].

Conséquences de l’insuffisance splénique dans la


drépanocytose
■ Outre la mortalité et la morbidité induite par la survenue de SSA ou d’hyper-
splénisme, les conséquences majeures relèvent surtout de la susceptibilité aux
infections à germes encapsulés (pneumocoque, Haemophilus influenzae, ménin-
gocoque), pour lesquels la rate a un rôle protecteur essentiel, particulièrement à
l’âge pédiatrique.
138 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Avant que l’antibioprophylaxie et la vaccination antipneumococcique ne


soient instaurées, le risque relatif d’infection à Streptococcus pneumoniae chez le
jeune enfant drépanocytaire était de 300 avec un taux de mortalité de 15 %.
■ L’instauration d’une antibioprophylaxie antipneumococcique a considérable-
ment diminué la mortalité liée aux infections pneumococciques invasives [13].
■ L’introduction du vaccin conjugué 7-valent a ensuite entraîné une diminution
de 68 % des infections invasives à pneumocoque chez les moins de 10 ans [14].
■ La susceptibilité infectieuse demeure néanmoins toujours préoccupante, parti-
culièrement chez le très jeune enfant. Le pneumocoque reste le premier germe en
cause dans les infections invasives de l’enfant drépanocytaire [15].

Traitement des complications spléniques


■ Le traitement de la SSA repose avant tout sur la transfusion de concentrés
érythrocytaires en urgence afin de restaurer une volémie et de corriger l’anémie
aiguë.
■ À ce jour, aucun traitement préventif de la SSA n’a fait la preuve de son effica-
cité. La possibilité de survenue d’un épisode de SSA est expliquée aux parents au
moment de l’annonce du diagnostic afin de leur apprendre à surveiller attentive-
ment les signes cliniques (pâleur, augmentation du volume de la rate à la palpa-
tion) et à consulter immédiatement aux urgences, le cas échéant.
■ La détection clinique précoce par les parents a démontré son efficacité dans la
réduction de la mortalité par SSA [5, 16].
■ Le risque élevé de récidive [17] impose une prise en charge thérapeutique pro-
phylactique pour laquelle il n’existe pas de consensus [18].
■ La prise en charge après la survenue d’un premier épisode de SSA peut consis-
ter en une surveillance attentive, si la famille est en mesure d’en comprendre les
modalités et a la possibilité de consulter sans délai, le cas échéant.
■ Après un deuxième épisode et malgré l’absence de consensus [18], la plupart
des équipes proposent un programme transfusionnel jusqu’à la splénectomie [19].
Ce traitement a pour but d’augmenter le taux d’Hb basal et de réduire l’anémie
aiguë en cas de récidive, mais n’a pas démontré son efficacité sur la diminution du
risque de récidive.
■ L’administration d’hydroxyurée n’a pas démontré sa capacité à modifier la
fonctionnalité splénique dans une étude randomisée [20] ; elle n’est pas indiquée
pour la prévention de la SSA.
■ La splénectomie, seul traitement définitif de la récidive, est discutée selon les
équipes à partir de 3 à 4 ans.
■ En cas de splénomégalie associée à une anémie marquée (par exemple Hb
< 7 g/dl), a fortiori associée à une leucopénie et/ou à une thrombopénie (hyper-
splénisme) chez un enfant de plus de 3 à 4 ans, une splénectomie est discutée
(figure 18.1).
Dysfonction splénique 139
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Figure 18.1. Coupe histologique de tissu splénique d’un enfant drépanocytaire


splénectomisé à 4 ans montrant une importante zone cicatricielle fibreuse (flèche).
Coloration HES ; ×40.

■ En l’absence de traduction biologique ou d’augmentation brutale, la spléno-


mégalie ne nécessite pas de traitement. La taille de la rate doit être toutefois notée
régulièrement (dans le carnet de santé par exemple) afin de servir de mesure de
référence.

Références
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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

19
Vasculopathie cérébrale
drépanocytaire
Diagnostic précoce, prévention

Françoise Bernaudin, Suzanne Verlhac

Points clés

En l’absence de détection et de prévention, le risque d’accident vasculaire
cérébral (AVC) avant l’âge de 18 ans est de 11 % [1].

L’écho-Doppler transcrânien (EDTC) permet la détection des enfants à
risque d’AVC chez lesquels un programme transfusionnel abaisse le risque
à moins de 2 % [2].

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale détecte les lésions
ischémiques infracliniques pourvoyeuses d’atteinte cognitive, qui sont le
témoin de la sévérité de la maladie.

La présence d’une vasculopathie cérébrale justifie d’intensifier le traite-
ment par programme transfusionnel, hydroxyurée ou greffe de cellules
souches hématopoïétiques selon les indications et les possibilités.

Physiopathologie
■ Il s’agit d’une artériopathie sténotique progressive des grosses artères céré-
brales : artères cérébrales moyennes cérébrales antérieures et carotides internes
dans leur portion intracrânienne mais aussi cervicale, pouvant aboutir à l’AVC
ischémique par baisse de la pression de perfusion, apport insuffisant d’oxygène,
hypodébit ou occlusion artérielle dont le pic de fréquence se situe entre 3 et 7 ans.
■ L’anémie est responsable d’une augmentation du débit sanguin cérébral avec
accélération et perturbation du flux au niveau du siphon carotidien, de la terminai-
son de l’artère carotide interne et des plicatures de la carotide interne cervicale, ce
qui favorise l’atteinte endothéliale avec hyperplasie de l’intima-media aboutissant à la
sténose (figure 19.1).
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
142 Les atteintes chroniques d’organe
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Figure 19.1. Formation des sténoses.


© Carole Fumat.

■ Un réseau de suppléance peut se développer (Moya-Moya), fragile ; sa rupture


est à l’origine d’AVC hémorragiques observés chez l’adulte.
■ À l’artériopathie sténotique peut s’associer une microvasculopathie en rapport
avec l’effet sludge lié à la polymérisation de l’hémoglobine S (HbS), l’hypoxie tis-
sulaire, responsable de lésions ischémiques cérébrales dites « infarctus silencieux »,
mais pourvoyeuses d’atteinte cognitive.
■ L’artériopathie sténotique ne concerne que les formes de syndrome drépa-
nocytaire majeur homozygotes SS et les Sβ0-thalassémies, alors que les lésions
ischémiques secondaires à la microvasculopathie peuvent se voir dans toutes les
formes de drépanocytose : SS, Sβ0, Sβ+ et SC.
■ Les facteurs de risque indépendants de la survenue d’EDTC pathologique et de
sténoses sont les suivants : anémie sévère, hémolyse, déficit en G6PD (glucose-6-
phosphate-déshydrogénase) et absence d’alpha-thalassémie associée survenue [3]
(figure 19.2).
■ Les facteurs de risque de la microvasculopathie sont les suivants : anémie chro-
nique et aiguë sévère, sténoses intra- et extracrâniennes, hypertension artérielle
relative, sexe masculin [4, 5] (voir figure 19.2).
Vasculopathie cérébrale drépanocytaire 143
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Figure 19.2. Facteurs de risque de la vasculopathie cérébrale.


ACA : artères cérébrales antérieures ; ACM : artères cérébrales moyennes ;
CI : carotides internes ; EDTC : écho-Dopler transcrânien.

Diagnostic précoce
■ L’écho-Doppler transcrânien (EDTC) est une technique non invasive (figure 19.3a,b)
qui permet de détecter les enfants drépanocytaires à haut risque d’AVC [6].
■ Les vitesses sont maximales entre 3 et 7 ans (figure 19.4), âge où le risque d’AVC
est maximal [7].

Figure 19.3. Technique de l’écho-Dopler transcrânien (EDTC).


a. Abord temporal. b. Exemple d’EDTC pathologique (TAMV = 211 cm/s).
Source : Suzanne Verlhac.
144 Les atteintes chroniques d’organe
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Figure 19.4. Évolution des vitesses (TAMV) selon l’âge chez les enfants drépanocytaires.
Les vitesses sont maximales entre 3 et 7 ans, âge auquel le risque d’AVC ischémique est
maximal. Les vitesses chez les enfants SS/Sβ0 sont toujours plus élevées que chez les
enfants SC/Sβ+. ACM : ACM : artères cérébrales moyennes.
Source : Françoise Bernaudin, Suzanne Verlhac (cohorte CHI Créteil).

■ Trente pour cent des enfants SS/Sβ0 sont concernés par l’apparition d’un EDTC
pathologique avant l’âge de 9 ans alors que les enfants SC/Sβ+ ne développent pas
d’EDTC pathologique (figure 19.5) [7].

Figure 19.5. Incidence cumulée d’EDTC pathologiques durant l’enfance.


Chez les enfants SS/Sβ0, l’incidence cumulée des EDTC pathologiques en intracrânien
atteint un plateau de 30 % à l’âge de 9 ans. Chez les patients SC/Sβ+, il n’est pas
observé d’EDTC pathologique.
Source : Françoise Bernaudin (cohorte CHI Créteil).
Vasculopathie cérébrale drépanocytaire 145
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■ En intracrânien, une vitesse moyenne maximale dite pathologique (ou TAMV


pour time-averaged mean of maximum velocities ≥ 200 cm/s) expose à un risque
d’AVC de 40 % dans les 3 ans, alors que le risque est de 7 % pour des vitesses limites
(170-199 cm/s) et n’est que de 2 % en cas d’EDTC normal (TAMV < 170 cm/s) [8].
■ L’EDTC doit être effectué chaque année dès la deuxième année de vie chez les
enfants SS et Sβ0 pour dépister les patients à risque d’AVC [7]. L’examen réalisé par
voie temporale doit être associé à l’étude des carotides internes dans leur portion
cervicale par voie sous-mandibulaire (figure 19.6) [9].
■ L’IRM cérébrale réalisée sans sédation à partir de l’âge de 5 ans permet de dépis-
ter d’éventuelles lésions ischémiques (AVC infracliniques) (figure 19.7) [7].
■ À l’âge de 14 ans, 37 % des enfants SS/Sβ0 ont des lésions ischémiques infracli-
niques à l’IRM (voir figure 19.8).
■ Les enfants SC/Sβ+ peuvent également avoir des lésions ischémiques (figure 19.8).
■ L’angiographie par résonance magnétique (ARM) cérébrale et cervicale est réali-
sée dans le même temps que l’IRM et dépiste les sténoses et occlusions artérielles.
■ La vasculopathie cérébrale concerne 50  % des enfants drépanocytaires SS/
Sβ0 : 30 % d’entre eux auront à un moment un EDTC pathologique associé éven-
tuellement à des lésions ischémiques infracliniques, et 20  % auront des lésions
ischémiques en l’absence d’antécédent d’EDTC pathologique.

Figure 19.6. Exploration de l’artère carotide interne extracrânienne.


a. Abord sous-mandibulaire de l’artère pour l’enregistrement des vitesses dans la portion
extracrânienne de l’artère carotide interne (sonde 2 Mhz). b. Cartographie Doppler
couleur de la portion extracrânienne d’une artère carotide interne avec plicature.
Source : Suzanne Verlhac.
146 Les atteintes chroniques d’organe
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Figure 19.7. Exemple de lésions ischémiques infracliniques des centres semi-ovales


(IRM, séquence FLAIR).
Source : Suzanne Verlhac.

Figure 19.8. Incidence cumulée des lésions ischémiques infracliniques selon l’âge
chez les enfants SS/Sβ0 et SC/Sβ+.
Chez les enfants SS/Sβ0, l’incidence cumulée des patients avec lésions ischémiques est
de 37 % à 14 ans. Les enfants SC/Sβ+ développent également des lésions ischémiques
dans l’enfance.
Source : Françoise Bernaudin (cohorte CHI Créteil).
Vasculopathie cérébrale drépanocytaire 147
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Prévention
■ La détection de vitesse pathologique (TAMV ≥ 200 cm/s) intra- ou extracrâ-
nienne impose de contrôler la NFS le même jour (figure 19.9). Si le taux d’hémo-
globine (Hb) correspond au taux basal, il convient d’organiser rapidement la mise
en route d’un programme transfusionnel mensuel visant à maintenir le taux d’Hb
entre 9 et 11 g/dl et l’HbS < 30 % de l’hémoglobine totale [2]. En cas d’anémie
aiguë détectée par la NFS, on organise une transfusion unique avec un contrôle
de l’EDTC à 1 et 3 mois, et le programme mensuel s’impose si les vitesses restent
pathologiques.
■ La prise en charge des patients à risque par programme transfusionnel permet
de réduire le risque d’AVC avant l’âge de 18 ans à moins de 2 % [7].
■ L’IRM/ARM cérébrale avec étude des artères cervicales sera réalisée après trois
transfusions pour une meilleure qualité des images et pour protéger l’enfant des
complications de la sédation qui peut être nécessaire à la réalisation de cet exa-
men [7].
■ En cas de normalisation des vitesses (< 170 cm/s) et en l’absence de sténose
à l’ARM, la sortie du programme transfusionnel avec relais par un traitement par

Figure 19.9. Algorithme décisionnel devant la mise en évidence de vitesses intra-


ou extracrâniennes pathologiques (TAMV ≥ 200 cm/s).
ARM : angiographie par résonance magnétique ; EDTC : écho-Dopler transcrânien ; Hb : hémoglobine ; HU : hydroxyurée ;
IRM : imagerie par résonance magnétique ; m : mois.
148 Les atteintes chroniques d’organe
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hydroxyurée peut être proposé, sous réserve d’une bonne observance et après
une période de chevauchement d’au moins 3 mois. L’EDTC doit être surveillé tous
les 3 mois. Le programme transfusionnel sera repris en cas de récidive de vitesses
anormales (TAMV ≥ 200 cm/s) [10]. Chez l’enfant plus jeune, les vitesses risquant
d’augmenter encore, il est conseillé de poursuivre les transfusions jusqu’à l’âge de
5 ans au moins.
■ Des vitesses limites (TAMV 170-199 cm/s) imposent une surveillance étroite
trimestrielle et incitent à débuter un traitement par hydroxyurée.
■ Dans les artères carotides internes extracrâniennes, dans lesquelles les vitesses
sont inférieures aux intracrâniennes, la vitesse ≥ 200 cm/s impose le programme
transfusionnel prolongé. Les vitesses comprises entre 1 et 199 cm/s, souvent asso-
ciées à une sténose, justifient la réalisation d’une IRM/ARM cérébrale avec étude
des artères cervicales et imposent, en cas de mise en évidence d’une sténose, le
démarrage d’un programme transfusionnel [9]. En l’absence de sténose, l’hydro-
xyurée peut être proposée.
■ La mise en évidence de lésions ischémiques à l’IRM en l’absence de sténoses
justifie une intensification de traitement par hydroxyurée permettant d’améliorer
l’anémie chronique et de réduire le risque d’anémie aiguë.
■ La présence d’une vasculopathie cérébrale est une indication de typage HLA
familial à la recherche d’un donneur géno-identique.
■ Seule la greffe permet une interruption sécuritaire des programmes trans-
fusionnels et/ou de l’hydroxyurée [11].

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CHAPITRE

20
Maladie du foie
et des voies biliaires

Florence Lacaille, Slimane Allali

Points clés

L’atteinte hépatique ou biliaire est fréquente. Elle peut être grave (cholé-
cystite), voire fatale (insuffisance hépatique aiguë).

La présence de bilirubine conjuguée est toujours anormale.

L’échographie abdominale doit être réalisée en première intention, pour
rechercher un calcul.

La cholécystectomie est recommandée dès l’apparition de calculs vésicu-
laires.

La crise hépatique ne doit pas être confondue avec une crise vaso-
occlusive abdominale. Elle nécessite un traitement urgent par échange
transfusionnel.

Atteinte biliaire
Rappels de physiologie
■ La sécrétion et l’excrétion de la bile, dans les voies biliaires puis l’intestin, sont
des fonctions majeures et vitales du foie.
■ La bile est composée de lipides, d’acides biliaires et de solutés organiques (pro-
duits finaux du métabolisme, bilirubine, etc.), en équilibre dans l’eau.
■ La bilirubine est un produit de dégradation de l’hémoglobine, circulant dans le
sang sous forme non conjuguée, puis conjuguée dans le foie, et excrétée dans la
bile. Normalement, il n’y a pas de bilirubine conjuguée dans le sang.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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152 Les atteintes chroniques d’organe
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Lithiase biliaire
■ La formation de calculs est due au déséquilibre des composés de la bile : excès
de bilirubine (hémolyse chronique), et précipitation de bilirubinate de calcium,
surtout dans la vésicule biliaire (là où la bile stagne) [1].
■ Les calculs sont expulsés dans le canal cystique puis le cholédoque, quand la
vésicule biliaire se vide au moment des repas.

Complications de la lithiase
■ Colique hépatique  : un calcul bloqué dans le canal cystique entraîne une
contraction pour l’expulser, ce qui est responsable d’une douleur sous-hépatique
irradiant à l’épaule, coupant le souffle, calmée par l’immobilité et augmentée par
l’inspiration (« hépatique apathique »).
■ Cholécystite : c’est une infection de la bile vésiculaire autour de calculs, entraî-
nant un sepsis avec coliques hépatiques, et parfois une majoration de l’ictère.
■ Cholangite (angiocholite)  : un calcul peut se bloquer dans le cholédoque,
entraînant des signes d’obstacle (colique hépatique, majoration de l’ictère, urines
foncées) et de sepsis en cas de surinfection.
■ Pancréatite  : un calcul migrant dans le bas du cholédoque peut obstruer le
canal de Wirsung, entraînant une douleur intense, transfixiante, parfois associée à
des signes généraux sévères.

Cholangiopathie
■ La physiopathologie est celle d’une ischémie biliaire chronique, à l’origine de
lésions fibrosantes des voies biliaires intra- et extrahépatiques, ressemblant à une
cholangite sclérosante primitive. D’autres facteurs, immunologiques ou génétiques,
peuvent être impliqués [2].
■ On retrouve des signes de cholestase (gêne à l’écoulement de la bile). Les
risques sont la cholangite (stase biliaire) et l’évolution vers la cirrhose biliaire
secondaire.

Examens complémentaires
Biologie
■ Bilirubine conjuguée dans le sang = cholestase (encadré 20.1).
■ Augmentation des GGT (gamma-glutamyl-transférase) : enzymes de l’épithé-
lium biliaire (encadré 20.2).
■ Augmentation variable des transaminases : surtout les ALAT (alanine amino-
transférases) – les ASAT (aspartate aminotransférases) se trouvent aussi dans les
hématies, et sont souvent élevées du fait de l’hémolyse (encadré 20.3).
■ Rechercher des signes d’infection (protéine C réactive [CRP], hémocultures).
Maladie du foie et des voies biliaires 153
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Radiologie
■ Échographie en première intention : diagnostic et localisation d’un calcul, paroi
de la vésicule biliaire (épaissie ?), voies biliaires (dilatation ?), pancréas.
■ Cholangio-IRM en cas de cholangiopathie suspectée : aspect de l’arbre biliaire
(sténoses et dilatations ?).

Encadré 20.1
Diagnostic d’un ictère à bilirubine conjuguée cholestatique

Obstacle sur la voie biliaire principale : calcul

Infection biliaire : cholécystite, cholangite

Maladie hépatique :
– crise drépanocytaire hépatique
– hépatite virale aiguë
– hépatite auto-immune
– hépatite toxique

Encadré 20.2
Diagnostic d’une augmentation des GGT (enzymes
de l’épithélium biliaire)

Peu élevées : toutes maladies hépatiques

Très élevées :
– cholécystite
– obstacle sur la voie biliaire principale
– cholangite

Encadré 20.3
Diagnostic d’une augmentation des transaminases

ASAT isolées : hémolyse

Peu élevées (± 100-200 UI) :
– surcharge en fer, hépatite toxique
– hépatite chronique B ou C, « virus de passage » (cytomégalovirus, virus d’Epstein-
Barr, adénovirus, etc.)
– crise drépanocytaire hépatique
– hépatite auto-immune

Très élevées (400 - > 2 000 UI) :
– hépatite virale aiguë A ou E
– hépatite toxique
– hépatite auto-immune
– crise drépanocytaire hépatique
154 Les atteintes chroniques d’organe
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Traitement d’une cholécystite ou d’une cholangite


Le traitement comprend :
■ une antibiothérapie intraveineuse ciblant les entérobactéries (éventuellement
les anaérobies) ;
■ une ablation du calcul  : en cas de cholécystite, «  refroidir », puis cholécys-
tectomie secondaire ; en cas de cholangite et en l’absence d’expulsion du calcul,
cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) ; dans les deux cas,
après préparation transfusionnelle.

Prévention
La prévention repose sur :
■ une échographie annuelle à partir de 6 ans pour dépister les calculs vésiculaires ;
■ une cholécystectomie préventive dès l’apparition de calculs, après préparation
transfusionnelle.

Atteinte hépatique
Atteinte secondaire à la drépanocytose
Crise vaso-occlusive (CVO) hépatique
■ Cette forme de CVO est due à l’occlusion aiguë des sinusoïdes par les drépano-
cytes.
■ Elle ressemble à une CVO abdominale : douleurs abdominales, mais de l’hypo-
chondre droit, souvent associées à une hépatomégalie (encadré  20.4) et à une

Encadré 20.4
Diagnostic d’une hépatomégalie
Hépatomégalie aiguë

Crise drépanocytaire hépatique

Séquestration hépatique (très rare)

Hépatite virale aiguë

Hépatomégalie chronique

Recherche d’une tumeur :
– hépatoblastome : 6 mois-4 ans
– hépatocarcinome : grand enfant, ou hépatite B chronique
– hyperplasie nodulaire focale : bénigne, adolescente
– rare : foie « pseudo-tumoral » drépanocytaire

Cirrhose compliquant la maladie – rare chez l’enfant :
– hépatite B chronique, hémosidérose, hépatite auto-immune
Maladie du foie et des voies biliaires 155
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majoration de l’ictère. On retrouve la présence de bilirubine conjuguée, des trans-


aminases augmentées et des facteurs de coagulation diminués de façon variable
(encadré 20.5) [3, 4].

Encadré 20.5
Diagnostic d’une anomalie de la coagulation

Facteurs II, VII, X : dépendants de la vitamine K

Demi-vie : VII < II < V

Si diminution II et VII, avec V normal :
– carence en vitamine K : cholestase (vitamines liposolubles malabsorbées) ?
– début d’insuffisance hépatique : crise drépanocytaire sévère ? hépatite aiguë ?

Si diminution V, avec II et VII peu abaissés :
– consommation périphérique  : coagulation intravasculaire disséminée (CIVD),
splénomégalie, thromboses vasculaires

■ Sans traitement, il existe un risque d’évolution vers l’insuffisance hépatique et


le décès.
■ Le traitement est le suivant : échange transfusionnel en urgence, quel que soit
le taux d’HbS ; arrêt de tout traitement potentiellement hépatotoxique (chélateur
du fer notamment)  ; hyperhydratation intraveineuse et traitement symptoma-
tique (plasma frais congelé, dialyse et intubation si nécessaire). La transplantation
hépatique est non indiquée, du fait de l’atteinte systémique avec risque majeur de
défaillance multiviscérale [5–8].

Cholestase intrahépatique
■ C’est une forme particulière, rare, de crise hépatique, avec ictère cholestatique
majeur, sans insuffisance hépatique [3, 7].
■ Les complications de la cholestase chronique sont la malabsorption des
graisses (malnutrition) et des vitamines liposolubles.
■ Le traitement repose sur des échanges transfusionnels, une alimentation
hypercalorique et des vitamines A, D, E, K.

Séquestration hépatique
■ Cette atteinte est très rare, avec une hépatomégalie douloureuse aiguë, une
anémie aiguë, et parfois une cholestase.
■ Le traitement consiste en une transfusion en urgence.

Complications iatrogènes
Hépatites virales
■ Hépatite B : elle est endémique en Afrique, en Asie et dans le bassin médi-
terranéen. La transmission est plus fréquemment néonatale que parentérale.
156 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

L’évolution est chronique en cas d’infection précoce. Les complications sont très rares
dans l’enfance : cirrhose, hépatocarcinome. Un traitement par analogues nucléos(t)
idiques est rarement indiqué.
■ Hépatite C : la transmission est parentérale (transfusions en Afrique) ou mater-
nofœtale (rare). Les complications sont exceptionnelles dans l’enfance : cirrhose.
Le traitement par antiprotéases est efficace chez l’adulte, avec peu de recul.
Certaines sont disponibles chez l’adolescent depuis 2019.
■ Pour toutes les hépatites virales chroniques, il faut limiter au maximum la
consommation d’alcool.

Surcharge en fer
■ La surcharge en fer est due aux transfusions répétées plus qu’à l’hémolyse chro-
nique. Le risque à long terme est la cirrhose.
■ L’évaluation repose sur la ferritine (peu spécifique) et l’IRM hépatique avec
mesure de la charge en fer [9].
■ Chélation : orale (déférasirox), sous-cutanée (déféroxamine).

Toxicité médicamenteuse
■ Les principaux traitements pouvant être responsables d’une toxicité hépatique
sont les chélateurs oraux, les antalgiques (paracétamol à doses suprathérapeu-
tiques) et les antituberculeux (à doses thérapeutiques).
■ Un risque d’évolution fulminante existe.

Autres maladies hépatiques


Hépatite auto-immune
■ L’auto-immunité est plus fréquente dans la drépanocytose [10].
■ On retrouve une augmentation des transaminases, parfois une majoration de
l’ictère avec bilirubine conjuguée, une hypergammaglobulinémie importante et la
présence d’autoanticorps.
■ On distingue le type I (adolescentes, anticorps anti-nucléaires et anti-muscle
lisse) du type II (jeunes enfants, anticorps anti-LKM ou liver-kidney microsomes).
■ Le traitement par prednisone (sous couvert d’échanges transfusionnels men-
suels) et azathioprine, très prolongé, est efficace [10, 11].

Hépatites virales A et E
■ Ces virus à transmission entérale sont endémiques en zones tropicales. Le
virus E est endémique en France métropolitaine, et il existe de petites épidémies
de virus A.
■ On retrouve des signes digestifs, une hépatomégalie, une augmentation des
transaminases, parfois une majoration de l’ictère avec bilirubine conjuguée.
■ Hépatite A fulminante : 0,1 % si ictère ; augmentation de l’ictère, coagulopathie.
Maladie du foie et des voies biliaires 157
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Biopsie hépatique
Si une biopsie est nécessaire (suspicion d’hépatite auto-immune, discussion
de traitement pour une hépatite virale chronique), elle doit être réalisée après
un échange transfusionnel, et ce quel que soit le taux d’HbS (risque majeur
d’accident) [6].

Références
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Jamaican cohort study. J Pediatr 2000;136:80-5.
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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

21
Hypertension pulmonaire

Alice Hadchouel-Duvergé, Christophe Delacourt

Points clés

L’échographie cardiaque est un examen de dépistage de l’hypertension
pulmonaire, mais seul le cathétérisme cardiaque permet d’affirmer le
diagnostic et de poser les indications d’un traitement spécifique.

L’hypertension pulmonaire de l’enfant drépanocytaire est d’origine mul-
tifactorielle, et ne correspond le plus souvent pas à une hypertension
artérielle pulmonaire.

La découverte d’une hypertension pulmonaire nécessite une évaluation
multidisciplinaire.

L’optimisation de la prise en charge de la maladie drépanocytaire et
des éventuelles comorbidités respiratoires associées permet le plus
souvent une normalisation des signes échographiques d’hypertension
pulmonaire.

Un cathétérisme cardiaque n’est discuté qu’en cas de persistance de
signes échographiques, après optimisation thérapeutique.

L’hypertension pulmonaire (HTP) est une complication fréquente de la drépa-


nocytose. Elle peut être révélée par une symptomatologie respiratoire à type
de dyspnée lorsqu’elle est importante mais reste longtemps asymptomatique,
notamment en pédiatrie. Son principal mode de découverte est donc le diagnos-
tic fortuit lors du suivi systématique. Les connaissances sur l’HTP chez l’enfant
drépanocytaire s’affinent et amènent à différencier cette atteinte de celle rencon-
trée chez l’adulte.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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160 Les atteintes chroniques d’organe
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Définition
La définition de l’HTP a évolué parallèlement aux connaissances acquises sur les
paramètres hémodynamiques mesurés en population contrôle et sur les signifi-
cations pronostiques des valeurs anormales. Cette définition a été révisée en 2018
[1, 2]. Comme chez l’adulte, l’HTP de l’enfant est désormais définie par une pres-
sion artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) > 20 mmHg.
Le caractère précapillaire de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), isolée
ou associée à d’autres pathologies, est défini par des résistances vasculaires pul-
monaires indexées sur la surface corporelle (pulmonary vascular resistance index
[PVRI]) ≥ 3 WU.m2. Les pressions capillaires bloquées sont basses, inférieures ou
égales à 15 mmHg [1].

Diagnostic
Si le diagnostic peut être suspecté par l’échographie cardiaque, sa confirmation
nécessite un cathétérisme cardiaque avant toute décision thérapeutique [1].
L’échocardiographie permet de visualiser des signes indirects d’HTP et de mesu-
rer le flux de régurgitation tricuspide (tricuspide regurgitant velocity [TRV]) qui a
été montré comme bien corrélé à la PAPm chez les sujets sains. Le seuil de TRV
> 2,5 m/s (correspondant à + 2 DS chez les adultes) est le plus utilisé. Dans la
drépanocytose, toutefois, un TRV élevé n’est que très partiellement corrélé à une
HTP prouvée par cathétérisme, avec une valeur prédictive positive retrouvée à
25 % par Parent et al. [3].
Le NT-pro-BNP est parfois utilisé pour affiner la prédiction échographique.
Chez l’enfant, il n’y a pas d’étude de corrélation entre l’échographie et le cathété-
risme, et le seuil de TRV > 2,5 m/s est utilisé à défaut de données plus précises.
Le cathétérisme doit être réalisé dans des centres pédiatriques expérimentés,
capables de prendre charge les potentielles complications associées à cette explo-
ration [1]. Ce n’est que dans les formes sévères d’HTP, avec un risque estimé trop
élevé de complication grave lors du cathétérisme, qu’un traitement pourra être
initié pour stabiliser l’enfant, sous surveillance spécialisée [1].
L’évaluation complète des HTP permet de les classer en cinq groupes physiopa-
thologiques [2]. L’HTP mesurée dans la drépanocytose appartient au groupe  5
des HTP, d’origine multifactorielle [1]. Chez l’adulte, les résultats obtenus dans
différentes cohortes montrent des profils identiques  : élévation modérée de la
PAPm, entre 30 et 60  mmHg, débit cardiaque élevé et élévation très modérée
des résistances vasculaires pulmonaires, restant dans la plupart des cas inférieure
au seuil de définition de l’HTAP [4]. Les quelques études autopsiques ne mon-
trent des lésions vasculaires pulmonaires d’HTAP que pour une minorité de cas.
Hypertension pulmonaire 161
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

En revanche, les aspects de microthrombus semblent plus fréquents [4]. Chez


l’enfant, les données sont peu nombreuses. Il n’y a notamment pas d’étude
histologique permettant de préciser le mécanisme physiopathologique prédomi-
nant. Toutefois, Chaudry et al. ont montré sur des critères échographiques chez
50enfants drépanocytaires que l’HTP s’accompagnait de résistances vasculaires
pulmonaires (RVP) normales estimées en Doppler et semblaient davantage dues
à un hyperdébit qu’à une atteinte vasculaire [5].

Physiopathologie
La pathogénie de l’HTP au cours de la drépanocytose PH n’est pas claire et sou-
vent multifactorielle. Les principaux facteurs impliqués sont des mécanismes
thrombo-emboliques chroniques, les conséquences d’une splénectomie, un débit
cardiaque élevé, une dysfonction du cœur gauche et une hyperviscosité [4].
L’hémolyse chronique joue un rôle probablement essentiel dans l’HTP des drépa-
nocytaires, et de nombreuses études ont montré une corrélation entre l’intensité
de l’hémolyse et les pressions pulmonaires, que ce soit chez l’adulte [6] ou chez
l’enfant [7]. Plusieurs mécanismes sont évoqués [8] :
■ l’hémolyse libère de l’arginase  1, qui va inhiber la synthèse de  novo de
monoxyde d’azote (NO), et de l’hémoglobine qui consomme le NO, induisant
la formation de dérivés réactifs de l’oxygène. La dysfonction endothéliale induite
par ces mécanismes est responsable d’une vasoconstriction, d’une prolifération
cellulaire et induit un stress oxydatif vasculaire ;
■ la privation en NO, associée à l’adénosine diphosphate (ADP) également libé-
rée par l’hémolyse, mène à une activation des plaquettes et de la coagulation au
niveau local ;
■ le stress oxydatif vasculaire dégrade l’hémoglobine en hème libre plasmatique
qui est reconnu par les TLR (Toll-like receptors) et induit une inflammation asep-
tique. Celle-ci est aggravée par la compensation médullaire qui active l’inflamma-
some, induisant la sécrétion d’interleukine 1β (IL-1β), pro-inflammatoire ;
■ l’hyperdébit cardiaque est provoqué par l’anémie chronique et est respon-
sable d’un aspect échographique d’hypertension pulmonaire sans élévation réelle
des RVP.
Une atteinte postcapillaire contribue également à l’élévation des pressions pulmo-
naires, secondaire à une dysfonction cardiaque diastolique gauche qui augmente
les pressions veineuses pulmonaires. Celle-ci est fréquente dans la drépanocytose.
Elle est due à une hypertrophie ventriculaire gauche dont le mécanisme principal
semble être une hypertension artérielle systémique relative chez les patients dré-
panocytaires.
162 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Données épidémiologiques
En se fondant sur l’échographie, la prévalence de l’HTP est en moyenne de 30 %
chez l’adulte et de 21 % chez l’enfant d’après la méta-analyse de Caughey et al. [9].
Les facteurs de risque retrouvés comme associés à une HTP sont variables suivant
les études. La sévérité de l’anémie hémolytique, évaluée par le taux d’hémoglo-
bine de base, de LDH, de bilirubine ou de réticulocytes, est souvent rapportée
comme le facteur de risque principal d’HTP [8]. Dans une méta-analyse, l’âge était
le seul paramètre corrélé à l’HTP [9]. Toutefois, parmi les indicateurs d’hémolyse,
cette méta-analyse ne considérait que le taux d’hémoglobine, mais pas les autres
marqueurs cités précédemment.
Plusieurs études ont également montré une moindre prévalence de l’HTP chez
les patients  SC ou Sβ+ que chez les patients  SS. La majorité des études n’ont
montré aucune association entre l’HTP et les antécédents de crise vaso-occlusive
(CVO) ou de syndrome thoracique aigu (STA) en analyse multivariée [8]. L’asso-
ciation entre hypoxémie et HTP chez l’enfant drépanocytaire est controversée.
Une saturation basse de l’hémoglobine est fréquemment observée chez l’enfant
[10–13], mais l’association avec une augmentation de la vitesse de régurgitation
tricuspide est inconstante selon les séries. Une association entre élévation de la
TRV et apnées obstructives du sommeil a également été montrée chez l’enfant
drépanocytaire [14]. La recherche d’une hypoxémie nocturne, associée ou non à
un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, reste néanmoins une démarche
diagnostique nécessaire chez un enfant drépanocytaire avec HTP.

Conséquences et évolution
Chez l’adulte, l’augmentation de la TRV est prédictive du risque de mortalité,
avec toutefois une forte hétérogénéité des odds ratio (OR) des différentes études
[9]. Chez l’enfant, en revanche, aucune étude n’a montré une augmentation de
la mortalité. Il a cependant été établi par Gordeuk et  al. chez 160  enfants dré-
panocytaires SS qu’une TRV élevée était associée à un risque plus important de
dégradation du test de marche de 6 minutes à 22 mois (OR = 4,4 p = 0,015 ; risque
de perdre 10 % ou plus de la distance initiale au test de marche) [15]. Cette dimi-
nution a été retrouvée chez les adultes. Une protéinurie a également été observée
avec une plus grande fréquence chez les enfants avec HTP [16].

Conduite à tenir et options thérapeutiques


La conduite diagnostique d’une HTP chez l’enfant a fait l’objet de recomman-
dations spécifiques [17]. Une approche multidisciplinaire est indispensable chez
ces enfants. Il n’y a toutefois pas de recommandations spécifiques à l’enfant dré-
panocytaire, et les recommandations proposées chez l’adulte drépanocytaire ne
paraissent pas adaptées aux spécificités pédiatriques [18, 19].
Hypertension pulmonaire 163
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

L’échocardiographie cardiaque permet de dépister une HTP et a été proposée


comme devant être réalisée annuellement chez l’enfant drépanocytaire de plus de
6 ans [20]. Une TRV supérieure à 2,5 m/s doit alerter et faire rechercher les facteurs
pouvant contribuer à cette élévation.
En premier lieu, une optimisation de la prise en charge de la maladie drépano-
cytaire elle-même est indispensable, incluant la discussion de l’initiation de
l’hydroxyurée ou d’un programme transfusionnel. La recherche de comorbidités
respiratoires est indispensable, ainsi que leur prise en charge : imagerie thoracique,
épreuves fonctionnelles respiratoires, enregistrement de la saturation nocturne et
polygraphie du sommeil sont nécessaires.
Au moins la moitié des enfants vont avoir une normalisation spontanée de leur
HTP par une prise en charge optimisée de leur pathologie, et sans aucun traite-
ment spécifique [14]. Le rôle spécifique de l’hydroxyurée ou d’un programme
transfusionnel sur l’HTP reste toutefois non démontré. Il est très probable que c’est
l’ensemble de la prise en charge qui a un effet bénéfique [21]. Seule la persistance
de TRV élevées à des échographies répétées, malgré l’optimisation thérapeutique,
doit faire considérer un cathétérisme diagnostique. Des TRV très élevées d’emblée,
supérieures à 3 m/s, ou s’associant à des symptômes cliniques, doivent faire rapide-
ment discuter un cathétérisme diagnostique, avant toute thérapeutique spécifique.
Un algorithme décisionnel est proposé à la figure 21.1.

Figure 21.1. Algorithme de prise en charge d’une hypertension pulmonaire (HTP)


de l’enfant drépanocytaire, découverte à l’occasion d’un bilan systématique.
TRV : tricuspide regurgitant velocity (flux de régurgitation tricuspide).
164 Les atteintes chroniques d’organe
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Conclusion
Les connaissances sur les mécanismes de l’hypertension pulmonaire (HTP) de
l’enfant drépanocytaire sont encore incomplètes mais montrent de nettes dif-
férences avec l’HTP chez l’adulte. Une normalisation spontanée des anomalies
échographiques est fréquemment observée chez l’enfant. Un cathétérisme car-
diaque diagnostique et un traitement spécifique doivent se discuter lorsqu’une
HTP persiste malgré une optimisation de la prise en charge de la maladie drépa-
nocytaire et des éventuelles comorbidités associées.

Références
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CHAPITRE

22
Complications
ostéoarticulaires

Pierre Mary

Points clés

Les crises vaso-occlusives (CVO) osseuses se situent surtout en zone
métaphysaire et touchent tous les os.

Les ostéomyélites sont 50 fois moins fréquentes que les CVO et survien-
nent le plus souvent sur un segment osseux ayant déjà subi des CVO.

Toute boiterie, douleur et/ou limitation de mobilité de hanche impose de
réaliser une radiographie du bassin de face.

La nécrose ischémique de l’épiphyse supérieure du fémur est favorisée
par sa vascularisation précaire et non anastomotique.

Toute nécrose ischémique de la tête fémorale nécessite un avis orthopé-
dique spécialisé car il existe des possibilités de chirurgie conservatrice.

Hyperplasie de la moelle osseuse


La moelle rouge, active (à l’imagerie par résonance magnétique [IRM] : hyposignal
en T1) et présente dans l’ensemble du squelette du nouveau-né, involue au fur et
à mesure de la croissance pour faire place à une moelle graisseuse (à l’IRM : hyper-
signal en T1). La stimulation permanente de la moelle osseuse chez le patient
drépanocytaire, conséquence de l’anémie chronique et d’une activité hémato-
poïétique intense pour tenter de compenser l’hémolyse, explique la persistance
de cette moelle rouge [1].
Cette hyperplasie médullaire se traduit par un amincissement de l’os cortical,
un grossissement de la trabéculation osseuse, un élargissement médullaire, une
ostéopénie et donc un risque accru de fracture pathologique.
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
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168 Les atteintes chroniques d’organe
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Syndrome pied-main
■ Ce syndrome touche les enfants entre 6 mois et 2 ans. Avant 6 mois, le nourris-
son est protégé par un taux élevé d’hémoglobine fœtale. Au-delà de 2 ans, les
métacarpiens et métatarsiens n’ont plus de moelle rouge, ce qui réduit le risque
de faire une crise vaso-occlusive (CVO).
■ La présentation clinique est celle d’une grosse main ou d’un gros pied doulou-
reux, inflammatoire, avec parfois de la fièvre.
■ La radiographie initialement est normale et non nécessaire au diagnostic. Par la
suite apparaissent des appositions périostées.
■ Ce type d’atteinte ne laisse pas de séquelle et pose peu de problème diagnos-
tique. Le traitement est symptomatique (antalgiques, hydratation) [2].

Crises vaso-occlusives
■ Les CVO touchent préférentiellement les os longs, mais aussi les vertèbres, les
côtes, les os du crâne.
■ Elles sont dues à des occlusions vasculaires au niveau de la microcirculation.
Les atteintes sont plutôt métaphysaires car les réseaux anastomotiques présents
en zone diaphysaire protègent au moins au début de l’évolution de la maladie (la
répétition des accidents vaso-occlusifs modifie au fur et à mesure le mode de vas-
cularisation et réduit les anastomoses).
■ Elles se manifestent par des douleurs très violentes, empêchant toute mobi-
lisation. Une hyperthermie est souvent associée. Localement, le segment atteint
est sensible à la palpation et peut être chaud et inflammatoire. Un épanchement
réactionnel est possible au niveau de l’articulation de proximité.
■ La radiographie est normale à la phase aiguë et ne doit pas être réalisée car inutile
au diagnostic. Puis des appositions périostées régulières, des zones de clarté et de sclé-
rose intra-osseuse apparaissent lors de la répétition des CVO de même localisation.
■ L’importance des douleurs impose souvent d’avoir recours à des antalgiques
puissants de type morphinique. L’enfant est réhydraté soit oralement, soit par voie
parentérale. La zone douloureuse est immobilisée.

Infections ostéoarticulaires
■ Les infections ostéoarticulaires sont le plus fréquemment des ostéomyélites.
Les arthrites septiques vraies sont rares, les épanchements réactionnels fréquents.
Elles surviennent très souvent au niveau de segments osseux dont la microcircu-
lation a été endommagée par de multiples CVO.
■ Le tableau clinique est sensiblement le même que celui d’une CVO. La dou-
leur est intense, localisée et fixe. La fièvre est généralement élevée et le syndrome
inflammatoire est théoriquement un peu plus marqué que dans une CVO.
Complications ostéoarticulaires 169
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■ Devant un tel tableau, tous les prélèvements possibles à visée bactériologique


doivent être réalisés : hémocultures (positives dans 30 à 76 % des cas), ponction
d’un épanchement articulaire, d’une collection sous-périostée. La ponction
osseuse n’est pas systématique car il existe de nombreux faux négatifs [3]. Les
germes habituellement retrouvés sont les salmonelles non typhiques, puis les sta-
phylocoques (deux fois moins fréquents) et les entérobactéries.
■ En plus du traitement antalgique et de l’immobilisation, une bi-antibiothérapie
intraveineuse probabiliste est débutée. En l’absence de traitement, l’os risque d’être
totalement envahi par la pullulation microbienne, aboutissant à une pandiaphy-
site. Une trépanation et un nettoyage-drainage chirurgical sont alors indispen-
sables.

Infection ostéo-articulaire ou crise vaso-occlusive ?


Deux faits sont essentiels et guident le schéma que nous proposons :
■ les CVO sont 50 fois plus fréquentes que les infections [4] ;
■ les infections surviennent pratiquement toujours sur un segment osseux qui a
déjà été le siège de plusieurs CVO.
Dans les cas douteux, nous proposons le schéma suivant :
■ prise en charge médicale initiale comme s’il s’agissait d’une CVO ;
■ si, 48 heures après un traitement bien conduit, la symptomatologie ne s’est pas
nettement améliorée, prescription d’une radiographie afin de juger de l’état de l’os
et d’une échographie à la recherche d’une collection sous-périostée et/ou d’un
épanchement articulaire. La capacité de l’IRM à distinguer une infection osseuse
d’une CVO reste à préciser ;
■ réalisation de prélèvements à visée bactériologique classiques (hémocultures,
lésions cutanées, etc.) et spécialisés : prélèvements au bloc opératoire par le chirurgien
au niveau d’un épanchement articulaire, d’une collection sous-périostée, ponction
osseuse directe, après une préparation transfusionnelle. Une image de décollement
périosté liquidien est possible lors d’une CVO. Au-delà de 4 mm d’épaisseur, Howard
[5] a montré la probabilité plus élevée du diagnostic d’ostéomyélite ;
■ mise en route d’une bi-antibiothérapie seulement une fois que tous les prélè-
vements ont été faits, mais sans en attendre les résultats.

Nécrose ischémique de la tête fémorale


■ La vascularisation de l’épiphyse fémorale supérieure est de type terminale,
c’est-à-dire comme les branches d’un arbre, sans possibilité de suppléance en cas
d’occlusion.
■ L’ostéonécrose touche approximativement un patient drépanocytaire sur dix
au cours de sa vie, dont la moitié aura une atteinte bilatérale [6].
170 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Toute boiterie, toute douleur de hanche chez un enfant drépanocytaire impose


de rechercher une limitation de la mobilité et de faire au moins une radiographie
du bassin de face et un profil des deux hanches.
■ L’IRM est aussi un examen très intéressant, car elle donne très précocement et
précisément une idée de la localisation et de l’étendue de la zone nécrosée [7].
■ Le traitement de l’ostéonécrose de hanche chez l’enfant drépanocytaire n’est
pas codifié. Contrairement à l’adulte, il existe de véritables possibilités de revas-
cularisation et de réparation de la zone nécrosée.
■ La mise en décharge et une période de traction sont indiquées lorsque la
hanche est douloureuse et/ou raide. La remise en charge se fait de manière pro-
gressive, en expliquant bien que la récidive de la douleur doit inciter à la modé-
ration. Il ne nous semble pas possible de proposer des décharges avec l’idée
d’empêcher l’éventuelle déformation de l’épiphyse fémorale, car la reconstruction,
si elle se produit, va prendre de 12 à 24 mois selon l’âge de l’enfant.
■ La traction peut en revanche être utilisée en préopératoire pour assouplir la
hanche et la mettre au repos avant la chirurgie.
■ L’avis d’un orthopédiste pédiatre est indispensable. Son travail va consister,
avec l’aide des radiographies et de l’IRM, à estimer la localisation de la nécrose et
son étendue.
Plusieurs cas sont possibles :
■ la nécrose est limitée, centrale, et le pourtour sain la protège durant la période
où elle tente de se réparer (figure 22.1a) ;
■ la nécrose n’atteint qu’une partie de l’épiphyse, mais la zone saine ne la pro-
tège pas (figure 22.1b). Le chirurgien peut alors agir en proposant une interven-
tion dont le but sera de remettre en charge les zones saines et de diminuer les
contraintes sur les zones atteintes, par une ostéotomie fémorale, ou pelvienne,

Figure 22.1. Nécrose de la tête fémorale.


a. Nécrose centrale (en noir) avec pilier externe sain (étoile rouge) en appui sous le
toit du cotyle protégeant la reconstruction osseuse. b. Nécrose sans protection par un
pilier externe sain découvert : indication chirurgicale de remise en charge de la zone
saine découverte par ostéotomie de bassin (flèche en haut) ou de fémur (flèche en
bas) ou association des deux.
© Carole Fumat.
Complications ostéoarticulaires 171
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

ou associant les deux (figure 22.2). Pour pouvoir être réalisées, ces interventions
nécessitent que la hanche soit bien souple et puisse se recentrer ; une période de
traction préopératoire est parfois indispensable. Elles nécessitent également une
préparation médicale et transfusionnelle précise [8].
Les résultats de ces traitements sont encourageants sur la douleur et sur le remo-
delage de l’épiphyse fémorale [9].

Autres atteintes chroniques


Rachis
La répétition des CVO et l’ischémie centrale (zone où la vascularisation est moins riche)
vont aboutir à la vertèbre en H qui peut se déformer et être à l’origine d’une cyphose
locorégionale. On peut proposer un port de corset en cas de douleurs sévères.

Extrémité supérieure de l’humérus


Les infarctus osseux sont fréquents. La tête humérale est alors déformée,
parfois douloureuse. En pratique, cela ne pose pas de problème chez

Figure 22.2. Nécrose de hanche.


a. Nécrose très évoluée avec subluxation de hanche et déformation du cotyle.
b. Radiographie 3 mois après traitement chirurgical. c. Aspect radiologique
en fin de croissance.
172 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

l’adolescent et l’adulte jeune, même si parfois les images radiologiques sont


impressionnantes.

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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

23
Complications
ophtalmologiques
Gilles Martin, Matthieu Robert

Points clés

La rétinopathie proliférante est la complication potentiellement cécitante
la plus fréquente chez l’adulte drépanocytaire ; elle est rare chez l’enfant.
Elle prédomine dans les formes SC. Elle est asymptomatique jusqu’au stade
des complications qui peuvent être prévenues par un traitement laser.

Un fond d’œil annuel est recommandé à partir de 6 ans dans la drépano-
cytose SC et 10 ans dans la drépanocytose SS.

Toute baisse d’acuité visuelle brutale, même indolore, est une urgence
ophtalmologique.

Les complications ischémiques maculaires aiguës sont une cause non
exceptionnelle de perte indolore de la vision dans la drépanocytose SS
chez l’enfant.

Rétinopathie drépanocytaire
Épidémiologie
■ La rétinopathie drépanocytaire (RD) proliférante est rare avant 18 ans : 8,2 %
chez les SC, 0,6 % chez les SS [1].
■ Les cas de RD proliférante les plus précoces ont été rapportés à l’âge de 8 ans
dans le génotype SC [2] et de 13 ans dans le génotype SS [3].
■ Les principaux facteurs de risque associés au développement d’une RD prolifé-
rante sont les suivants [4] :
• le génotype (SC > SS > Sβ-thalassémique) ;
• l’âge et le sexe : chez les patients SC, le pic d’incidence de la RD proliférante
est entre 15 et 24 ans pour les hommes versus 25 et 39 ans pour les femmes,
alors qu’il est situé entre 25 et 39 ans dans les deux sexes chez les patients SS.
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
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174 Les atteintes chroniques d’organe
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Tableau 23.1. Classification de la rétinopathie proliférante drépanocytaire selon


Goldberg.
Stade I Occlusions artériolaires périphériques, aspect en « fil d’argent »
Stade II Anastomoses artérioveineuses à la frontière entre rétine perfusée et non perfusée
Stade III Prolifération néovasculaire en « éventail de mer » ou sea-fan
Stade IV Hémorragie intravitréenne
Stade V Décollement de rétine

Description clinique et classification


■ Les manifestations de la RD non proliférante sont principalement localisées en
périphérie rétinienne : tortuosité vasculaire, plages décolorées (« blanc sans pres-
sion »), hémorragies rétiniennes rose saumoné (salmon patches) pouvant laisser
un aspect cicatriciel de «  taches iridescentes » ou de zones hyperpigmentées
(black sunburst spots).
■ La RD dite proliférante a été décrite en cinq stades de gravité par Goldberg [5]
(tableau 23.1 et figure 23.1).

Physiopathologie
■ La falciformation des hématies résulte en l’occlusion d’artérioles rétiniennes.
■ La souffrance pariétale vasculaire provoque la survenue d’hémorragies réti-
niennes.
■ L’occlusion vasculaire périphérique et l’ischémie sectorielle d’aval qui en résulte
favorisent les connexions entre artérioles et veinules terminales adjacentes, puis la
sécrétion de facteurs pro-angiogéniques fait apparaître des lésions néovasculaires
à la frontière entre rétine perfusée et non perfusée.
■ Les néovaisseaux peuvent saigner ou se rétracter et provoquer un décollement
de la rétine sous-jacente.

Dépistage
■ La réalisation d’un fond d’œil annuel avec dilatation pupillaire est recommandée
à partir de l’âge de 6 ans chez les patients SC et de 10 ans chez les patients SS [6].
■ Les indications de l’angiographie rétinienne à la fluorescéine ne sont pas
consensuelles. L’imagerie grand champ du fond d’œil, examen photographique
non invasif, permet une bonne visualisation de la rétine périphérique et est de
plus en plus réalisée en routine, diminuant les indications de l’angiographie. Celle-
ci reste utile dans les cas suivants [7] : mauvaise visualisation de la périphérie réti-
nienne au fond d’œil et lésion rétinienne suspecte de RD proliférante.
Complications ophtalmologiques 175
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Figure 23.1. Stades I à IV de la classification de la rétinopathie dite proliférante


drépanocytaire selon Goldberg.
Stades I à III : clichés d’angiographies rétiniennes à la fluorescéine ; stade IV : cliché
couleur en grand champ de la rétine.
© DR.

Prise en charge
■ Une prise en charge thérapeutique n’est recommandée qu’à partir du stade III
de RD proliférante.
■ Les lésions de RD non proliférante ainsi que les stades I et II sont asymptoma-
tiques et régressent généralement de manière spontanée. La surveillance annuelle
reste la règle.
■ Les sea-fans du stade III sont traités par photocoagulation au laser Argon.
Un contrôle du fond d’œil quelques semaines après permettra de s’assurer de
l’efficacité du traitement et de l’absence de complication (déchirure rétinienne)
[6–8].
176 Les atteintes chroniques d’organe
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ En cas d’hémorragie intravitréenne, une échographie oculaire est nécessaire


pour évaluer les lésions en arrière de l’hémorragie. Surveillance et/ou chirurgie en
découlent.
■ Le traitement du décollement de rétine est chirurgical. Des précautions parti-
culières doivent être prises chez ces patients, en raison du risque d’hypertonie
oculaire, d’ischémie du segment antérieur, et de complications anesthésiques [9].

Baisse d’acuité visuelle brutale chez l’enfant


drépanocytaire
Introduction
Alors que l’hémorragie intravitréenne et le décollement de rétine réprésentent
les causes les plus fréquentes de baisse d’acuité visuelle brutale chez le patient
drépanocytaire adulte, la faible prévalence de la RD proliférante chez l’enfant doit
faire évoquer en priorité d’autres causes plus sévères et nécessitant une prise en
charge urgente ophtalmologique et/ou hématologique [10] (figure 23.2).

Cas particulier de l’hyphéma


■ Un hyphéma (saignement en chambre antérieure) peut survenir à tout âge
chez l’enfant drépanocytaire, suite à un traumatisme oculaire minime, voire de
manière spontanée.
■ Les principales complications sont l’hypertonie oculaire, l’opacification cornéenne
(hématocornée), avec un risque d’amblyopie, et les hémorragies récidivantes.
■ La prise en charge n’est pas standardisée. L’hospitalisation est systématique,
avec repos en position demi-assise et protection contre les ultraviolets, collyres
corticoïdes, cycloplégiques et hypotonisants. Le lavage chirurgical de chambre
antérieure est décidé au cas par cas selon l’âge, l’abondance du saignement, la
pression intraoculaire et le délai de survenue [11].
■ L’utilisation de l’acétazolamide par voie générale doit être prudente en raison
du risque accru d’acidose métabolique [7].

Cas particulier des ischémies maculaires aiguës


Ces atteintes sont indolores et de diagnostic parfois retardé chez l’enfant. Le
diagnostic peut être difficile à la phase aiguë, avant l’installation d’une atrophie
maculaire. Les occlusions de l’artère centrale de la rétine ou de ses branches sont
considérées comme des accidents vasculaires cérébraux patents dans le territoire
de l’artère carotide interne et requièrent donc le même type de prise en charge.
Complications ophtalmologiques 177
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Figure 23.2. Algorithme de raisonnement devant une baisse d’acuité visuelle


brutale chez l’enfant drépanocytaire.
AVC : accident vasculaire cérébral ; DR : décollement de rétine ; HIV : hémorragie
intravitréenne ; OACR : occlusion de l’artère centrale de la rétine ; OBACR : occlusion
de branche de l’artère centrale de la rétine.

Références
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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

24
Transfusion
érythrocytaire
Indications et complications
potentielles

Mariane de Montalembert, Thierry Peyrard, Slimane Allali

Points clés

La transfusion est un point majeur de la prise en charge des patients dré-
panocytaires : 90 % des patients sont transfusés au moins une fois avant
l’âge de 18 ans.

La décision de transfuser repose sur un faisceau d’éléments  : le taux
d’hémoglobine, mais aussi de réticulocytes, la tolérance clinique, le
groupe sanguin et d’éventuels antécédents d’allo-immunisation.

Introduction
Les buts de la transfusion dans la drépanocytose sont soit d’augmenter le taux
d’hémoglobine (Hb) et donc la capacité de transport d’O2, ce qui peut être effec-
tué par une transfusion simple, soit de remplacer des globules rouges falciformés
rigides par des globules rouges déformables pour restaurer le flux sanguin, ce qui
peut être obtenu par une transfusion simple ou un échange transfusionnel.
Un échange transfusionnel associe une transfusion et une saignée, ce qui réduit le
pourcentage d’hémoglobine S (HbS) tout en limitant l’augmentation de l’hémato-
crite. On sait en effet qu’une augmentation de l’hématocrite au-dessus d’environ 35 %
induit une hyperviscosité sanguine et une diminution de la distribution d’O2 aux
tissus, diminution modulée par la vitesse de circulation et la taille des vaisseaux [1].

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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182 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Près de 90  % des patients drépanocytaires homozygotes ont été transfusés au


moins une fois avant l’âge de 18 ans [2]. La possibilité d’être transfusé en urgence
avec des concentrés érythrocytaires sécurisés conditionne donc le pronostic.
Il existe peu d’études de bonne qualité sur les indications de la transfusion chez les
patients chez les enfants drépanocytaires, qui souvent reposent sur des consensus
professionnels forts.

Transfusion en urgence
Correction d’une anémie aiguë
La transfusion a pour but de remonter le taux d’Hb à sa valeur habituelle, sans la
dépasser pour éviter une hyperviscosité potentiellement délétère [3]. La décision
transfusionnelle repose sur un faisceau d’éléments :
■ le taux d’Hb (il est rare qu’on ait besoin de transfuser un patient qui a plus de 6 g/dl) ;
■ la rapidité de constitution de l’anémie et l’importance de la chute d’Hb (on ne
transfuse généralement pas quand le taux d’Hb n’est pas inférieur d’au moins 2 g
au taux habituel) ;
■ la tolérance clinique (objectivée notamment par le fréquence cardiaque) ;
■ la réponse réticulocytaire (elle est en règle insuffisante pour pallier l’anémie
quand les réticulocytes sont inférieurs à 200 G/L) ;
■ l’existence d’une défaillance d’organe associé (syndrome thoracique aigu [STA]
notamment) qui plaide pour transfuser.
Enfin, un groupe sanguin rare ou un antécédent d’allo-immunisation sont de forts
arguments pour réduire au minimum les indications transfusionnelles.
Les principales indications sont :
■ une séquestration splénique aiguë (urgence vitale). Il faut être attentif à ne
cibler en post-transfusionnel que le taux d’Hb basal, et pas un chiffre plus haut, car
la rate relargue dans la circulation de nombreux globules rouges après résolution
de la séquestration ;
■ une infection à parvovirus B19 avec érythroblastopénie ;
■ une aggravation de l’hémolyse lors d’un épisode infectieux (notamment un
accès palustre en Afrique) ou une crise vaso-occlusive.

Restauration du flux sanguin


Les épisodes d’occlusion vasculaire sont des indications de transfusion ou d’échange
transfusionnel, afin de diluer l’HbS et de restaurer le flux sanguin. Les échanges
transfusionnels peuvent se faire par voie manuelle ou grâce à des machines d’éry-
thraphérèse. On choisit l’une ou l’autre procédure transfusionnelle en fonction :
■ de la sévérité du tableau clinique : un STA sévère, un accident vasculaire cérébral
(AVC), une cholestase intrahépatique aiguë peuvent menacer le pronostic vital ;
Transfusion érythrocytaire 183
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

un priapisme est extrêmement douloureux et un retard au traitement menace le


pronostic fonctionnel ultérieur). Dans ces situations, l’échange assure une déplé-
tion de l’HbS plus efficace et plus rapide que la transfusion et doit être privilégié ;
■ du taux d’Hb dans les situations ne menaçant pas rapidement le pronostic
vital : au-dessus de 8 g/dl, la quantité de sang à transfuser pour diluer efficacement
le pourcentage d’HbS peut induire une hyperviscosité. On préférera donc faire un
échange plutôt qu’une transfusion simple ;
■ des moyens locaux (accès à une machine d’érythraphérèse notamment).

Préparation à une chirurgie


Une étude randomisée (transfusion versus pas de transfusion) chez les patients SS
et Sβ0-thalassémiques devant subir une intervention chirurgicale de risque faible
à moyen (en majorité des cholécystectomies et des adénoïdectomies) a montré
que les patients non transfusés avaient plus de risque de faire une complication
(STA surtout ; odds ratio [OR] 3,8, intervalle de confiance [IC] à 95 % 1,2-12,2, p
= 0,027) [4]. La préparation transfusionnelle peut être discutée au cas par cas pour
les patients SC et Sβ+-thalassémiques.

Programmes ponctuels de transfusion ou d’échange


transfusionnel mensuels
Beaucoup d’équipes recommandent de faire chez les enfants ayant présenté plus
de deux séquestrations spléniques aiguës des programmes transfusionnels pen-
dant la période où ils sont trop jeunes pour pouvoir être splénectomisés sans
encourir un risque infectieux sévère (donc jusqu’à l’âge de 4 à 5 ans pour la majo-
rité des équipes), pour diminuer le risque important de récidive [5].
La grossesse sort un peu du cadre de cet ouvrage pédiatrique mais est aussi une
indication fréquente pour une mise sous un programme de transfusions ponc-
tuelles.

Transfusions chroniques
Les transfusions chroniques ont pour but de réduire en permanence le taux d’HbS
en dessous d’un certain seuil.

Prévention et traitement de la vasculopathie cérébrale


L’atteinte vasculaire cérébrale peut être objectivable cliniquement sous la forme
d’un accident vasculaire cérébral (AVC), conséquence de l’occlusion d’une artère
carotide interne intra- ou extracrânienne, ou d’une artère cérébrale antérieure ou
184 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

moyenne, ou décelable seulement sur une imagerie par résonance magnétique


(IRM) sous la forme d’un infarctus cérébral silencieux, qui se définit comme
une lésion ischémique visible à l’IRM cérébrale sans signe clinique neurologique
associé.
Les anomalies des artères carotides et cérébrales peuvent être dépistées par la
mise en évidence par Doppler transcrânien (DTC) de vitesses de circulation anor-
malement élevées. Une vitesse au-dessus de 2 m/s définit un Doppler « patholo-
gique », une vitesse au-dessus de 1,7 m/s un Doppler « limite ».

Prévention d’un premier AVC


Un essai de phase 3 (étude Stroke Prevention Trial [STOP]) a randomisé la trans-
fusion et les soins courants chez les enfants ayant un DTC pathologique [6]. Les
enfants assignés au bras transfusion ont eu moins d’AVC (diminution de 92 % du
risque d’AVC, passé de 11 % à 2 %, p < 0,001). Un essai a ensuite randomisé chez
les patients sans anomalie vasculaire à l’IRM/ARM l’arrêt de transfusion après
un programme d’au moins un an, avec relais par hydroxyurée à dose maximale,
versus la poursuite des transfusions [7]. Dans ces conditions (période préalable
de transfusion, pas d’anomalie vasculaire, période de chevauchement entre les
transfusions et l’hydroxyurée), le risque d’AVC n’était pas augmenté sous hydro-
xyurée seule. La surveillance des DTC après switch vers l’hydroxyurée est indis-
pensable.

Prévention d’une récidive d’AVC


Aucune étude n’a randomisé la transfusion après un AVC. L’expérience profes-
sionnelle plaide fortement en faveur de la mise sous-programme transfusionnel
maintenant en permanence le taux d’HbS en dessous de 30 %. L’hydroxyurée n’a
pas fait la preuve de sa capacité à relayer la transfusion après un AVC [8].

Prise en charge des infarctus silencieux


Une étude randomisant la transfusion versus les soins courants a montré que la
transfusion diminuait le risque d’AVC, mais ne modifiait pas le nombre et la taille
des infarctus silencieux [9].

Prévention de récidives de crises douloureuses et de


syndrome thoracique aigu (STA)
Aucun essai n’a randomisé la transfusion dans la prévention de ces complications,
mais on observait dans l’étude STOP significativement moins de crises doulou-
reuses (9,7 versus 27,1 par 100  patient-année, p =  0,014) et de STA (2,2 versus
15,7 par 100 patient-année, p = 0,0001) chez les enfants transfusés [10]. La straté-
gie actuelle est donc de prescrire en première intention l’hydroxyurée et, en cas
d’échec de ce traitement bien conduit, de proposer des transfusions mensuelles.
Transfusion érythrocytaire 185
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

25
Allo-immunisation
anti-érythrocytaire
et hémolyse
post-transfusionnelle
retardée

Mariane de Montalembert, Slimane Allali, Thierry Peyrard

Points clés

Les patients drépanocytaires ont un risque accru d’allo-immunisation
anti-érythrocytaire post-transfusionnelle. Les indications de la trans-
fusion érythrocytaire doivent donc toujours être soigneusement pesées.

Les principaux facteurs de risque d’allo-immunisation anti-érythrocytaire
chez un patient drépanocytaire sont un antécédent d’allo-anticorps,
d’autoanticorps, une transfusion en contexte inflammatoire, et le nom-
bre de concentrés érythrocytaires reçus.

La recherche d’anticorps irréguliers (RAI) doit être contrôlée 3 semaines
à 3 mois après chaque transfusion érythrocytaire (période ou une allo-
immunisation post-transfusionnelle a la plus forte probabilité d’être
détectée) et avant toute nouvelle transfusion. Conformément aux bonnes
pratiques de la Haute autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), une épreuve
directe de compatibilité au laboratoire, entre le plasma du patient et les
hématies du donneur, est fortement recommandée, que le patient drépa-
nocytaire soit allo-immunisé ou non.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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188 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED


Une RAI négative de même qu’une épreuve directe de compatibilité
négative ne signifient pas l’absence totale de risque immunologique au
niveau transfusionnel.

Avant toute transfusion, il est impératif de récupérer l’ensemble des don-
nées immuno-hématologiques du patient (y compris les résultats de RAI
réalisées dans d’autres régions).

Des urines foncées, un tableau de crise vaso-occlusive, une anémie bru-
tale dans le mois (et a fortiori dans les 2 semaines) suivant une transfusion
doivent en priorité faire évoquer le diagnostic d’hémolyse post-trans-
fusionnelle retardée.

Une hémolyse post-transfusionnelle doit être prise en charge dans un
service expert, en évitant le plus possible de retransfuser l’enfant. Le syn-
drome d’hyperhémolyse, correspondant à la destruction des hématies
transfusées et d’une partie des propres hématies du patient (Hb post-
transfusionnelle < Hb prétransfusionnelle), représente une menace pour
le pronostic vital.

Le conseil transfusionnel pour les patients ayant un antécédent d’hémo-
lyse post-transfusionnelle, de poly-allo-immunisation, ou ayant un
groupe sanguin rare est complexe et repose sur une concertation entre
les médecins « drépanocytologues » et les médecins du site transfusion-
nel, avec l’aide possible du Centre national de référence pour les groupes
sanguins (CNRGS).

Introduction
■ L’allo-immunisation anti-érythrocytaire post-transfusionnelle correspond à la
formation, par le receveur d’un produit sanguin contenant des globules rouges,
d’un anticorps dirigé contre un antigène érythrocytaire du donneur dont il est
dépourvu. Un patient de phénotype D négatif a ainsi entre 20 et 30 % de risque
de s’immuniser contre l’antigène D s’il est transfusé avec du sang D positif.
■ Ses trois caractéristiques fondamentales sont qu’elle est imprévisible (même
si certains antigènes sont plus immunogènes que d’autres et que certains facteurs
génétiques favorisants ont été mis en évidence), irréversible et variable dans le temps.
■ La concentration des allo-anticorps varie en réponse aux stimulations antigé-
niques, et une nouvelle transfusion avec un concentré érythrocytaire incompa-
tible peut réactiver un anticorps « infrasérologique » (notamment un anti-Jka ou
un anti-Jkb dont la cinétique de « disparition » est très rapide) et être responsable
de la survenue d’une hémolyse post-transfusionnelle retardée (HPTR), poten-
tiellement fatale. Cela correspond au phénomène d’évanescence des anticorps au
cours du temps, avec le risque d’une RAI et d’une épreuve directe de compatibilité
faussement négatives.
■ La présence d’allo-anticorps anti-érythrocytaires a ainsi été identifiée comme un
facteur de risque de décès dans une cohorte de patients drépanocytaires adultes [1].
Allo-immunisation anti-érythrocytaire et hémolyse post-transfusionnelle retardée 189
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Les autres conséquences possibles de l’allo-immunisation anti-érythrocytaire


sont une compromission de l’avenir obstétrical, une compromission d’une éven-
tuelle greffe de cellules souches hématopoïétiques et le risque d’évolution vers
une situation d’impasse transfusionnelle du fait d’une immunisation contre un
antigène de fréquence élevée (anticorps antipublic) ou du fait d’une poly-allo-
immunisation (mélange complexe d’anticorps).
■ La prévention de l’allo-immunisation est donc un élément clé de la stratégie
transfusionnelle chez les patients drépanocytaires.

Mécanismes de l’allo-immunisation
anti-érythrocytaire dans la drépanocytose
■ La prévalence de l’allo-immunisation anti-érythrocytaire rapportée dans la
littérature est variable, mais globalement très élevée chez les patients drépanocy-
taires [2, 3].
■ Elle est la conséquence du polymorphisme des antigènes de groupe sanguin
immunogènes sur la membrane des globules rouges et de l’important écart phé-
notypique entre les donneurs de sang, majoritairement originaires d’Europe de
l’Ouest, et les receveurs, majoritairement d’origine afro-antillaise.
■ Un certain nombre de particularités immunohématologiques caractérisent en
effet les populations afro-antillaises, décrites ci-après.

L’existence de phénotypes érythrocytaires rares caractérisés


par l’absence d’expression d’un antigène érythrocytaire de
prévalence élevée dans la population générale
Cette situation représente une réelle difficulté transfusionnelle dès lors que le
patient présente l’anticorps correspondant (« antipublic »), car il est alors difficile
de trouver rapidement un concentré érythrocytaire phénocompatible. L’un des
exemples les plus fréquents de demande de sang rare chez les patients drépa-
nocytaires concerne le phénotype MNS  : -3,-4,-5 (U-), caractérisé par l’absence
d’expression de la glycophorine  B (perte des antigènes communs  S et s, et de
l’antigène public  U). La prévalence de ce phénotype est en moyenne de 1  %
dans la population d’origine afro-antillaise, avec un fort gradient vers l’équateur
(> 30 % dans certaines ethnies), alors qu’il est absolument exceptionnel dans la
population originaire d’Europe de l’Ouest. Il peut exister de ce fait une réelle ten-
sion en termes d’approvisionnement à la Banque nationale de sang de phénotype
rare pour de tels phénotypes érythrocytaires spécifiquement rencontrés dans la
population d’origine afro-antillaise : U-, U +  var, Js(b-), RH : -18, RH : -34, RH : -46,
Hy-, Jo(a-) pour ne citer que les principaux [4, 5].
190 Thérapeutique
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Pour tous les phénotypes érythrocytaires rares, une alternative thérapeutique à la


transfusion doit être discutée précocement afin d’éviter une allo-immunisation à
l’origine d’une possible situation d’impasse transfusionnelle.

L’existence d’antigènes de très faible prévalence dans


la population originaire d’Europe de l’Ouest mais de
prévalence équilibrée dans la population d’origine
afro-antillaise
Certains antigènes de très faible prévalence dans la population originaire d’Europe
de l’Ouest sont en revanche fréquemment exprimés dans la population d’origine
afro-antillaise. Les deux exemples principaux concernent les antigènes RH20
(VS) et KEL6 (Jsa), exceptionnels dans la population caucasienne, mais dont la
prévalence est de l’ordre de 20 à 40 % dans la population d’origine afro-antillaise,
et pour lesquels les anticorps correspondants peuvent présenter un réel intérêt
transfusionnel [6].
En raison du respect du phénotype RH-KEL, un patient drépanocytaire trans-
fusé a une probabilité importante de l’être avec un concentré érythrocytaire issu
d’un donneur d’origine afro-antillaise, les patients d’origine afro-antillaise étant en
effet le plus souvent de phénotype « R0 », c’est-à-dire D+C-E-c+e+ (prévalence
> 70 %), tandis que ce phénotype n’existe que chez 2 % des sujets originaires
d’Europe de l’Ouest. Il existe donc un risque significatif d’administrer à un patient
des globules rouges porteurs de tels antigènes et qu’il développe une allo-immu-
nisation s’il ne les exprime pas. Les panels d’hématies-tests de dépistage d’anti-
corps sont réalisés majoritairement avec des hématies de donneurs originaires
d’Europe de l’Ouest. Ainsi, si le patient transfusé développe de tels anticorps
(anti-VS ou anti-Jsa par exemple), ces derniers ne pourront pas être détectés
lors de la RAI, ce qui l’expose à un risque d’accident transfusionnel sévère lors
d’une transfusion ultérieure avec un concentré érythrocytaire issu d’un donneur
d’origine afro-antillaise.
Ce risque justifie la réalisation systématique avant toute transfusion érythrocy-
taire chez un patient drépanocytaire d’une épreuve directe de compatibilité entre
les hématies du donneur et le plasma du patient (recommandations de bonnes
pratiques de la HAS et de l’ANSM « Transfusion de globules rouges homologues :
produits, indications alternatives », 2014).

L’existence de phénotypes érythrocytaires impliquant des


antigènes à caractère partiel
■ Il existe un grand nombre de variants des produits du gène RHCE mais aussi du
gène RHD, caractéristiques des populations d’origine afro-antillaises.
Allo-immunisation anti-érythrocytaire et hémolyse post-transfusionnelle retardée 191
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■ Deux types de variants peuvent être décrits :


• les antigènes partiels, pour lesquels certains épitopes immunogènes font
défaut et pour lesquels les patients peuvent produire, en cas d’exposition à
l’antigène complet, un alloanticorps dirigé contre l’(les) épitope(s) man-
quant(s), ce qui justifie qu’ils soient transfusés avec des concentrés érythrocy-
taires qui n’expriment pas cet épitope ;
• les antigènes d’expression affaiblie, qui sont de moindre intérêt transfusion-
nel puisque les patients présentant ce type de variants ne s’immunisent géné-
ralement pas lorsqu’ils sont exposés à l’antigène correspondant.
■ Chez les patients drépanocytaires, d’origine afro-antillaise, les antigènes
partiels sont fréquents et concernent surtout les antigènes du système de groupe
sanguin  RH (antigènes RH1, RH2, RH4 et RH5), et tout particulièrement l’anti-
gène  RH1 (prévalence de l’ordre de 10  %) et RH2 (prévalence d’environ 35  %)
[7]. Lors du phénotypage érythrocytaire, l’utilisation d’un réactif anti-RH1 mono-
clonal ciblant un épitope manquant de la protéine RhD ferait conclure à tort à
un phénotype RH1 normal, alors que le patient est à risque de développer un
allo-anticorps anti-RH1.
■ La prévalence élevée des antigènes partiels dans le système de groupe sanguin
RH chez les patients et les donneurs d’origine afro-antillaise semble contribuer à
la persistance de taux d’allo-immunisation élevés malgré une stratégie de trans-
fusion phénocompatible RH(D,C,E,c,e)-KEL(K) mise en place depuis plusieurs
décennies en France. Ainsi, 45  % des patients drépanocytaires polytransfusés
seraient allo-immunisés contre un antigène du système RH dans une étude améri-
caine, motivant un changement des pratiques transfusionnelles avec proposition
de réalisation en routine d’un génotypage RH systématique des patients et des
donneurs d’origine afro-antillaise dans certains centres [2, 8].

Facteurs de risque de l’allo-immunisation


anti-érythrocytaire
■ La capacité de produire des anticorps anti-érythrocytaires varie en fonction
des sujets, certains patients recevant de très nombreux concentrés érythrocy-
taires sans s’immuniser alors que d’autres sont immunisés dès les toutes premières
transfusions.
■ Un antécédent d’allo-immunisation anti-érythrocytaire est un facteur de
risque majeur de nouvelle allo-immunisation.
■ Les patients présentant des autoanticorps anti-érythrocytaires ont également
un risque accru de produire des allo-anticorps anti-érythrocytaires après une
transfusion [3].
■ Globalement, le risque d’allo-immunisation augmente avec le nombre de
concentrés érythrocytaires reçus [3].
192 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Une transfusion en contexte inflammatoire est à plus haut risque [5,  9], ce
qui explique en partie que les taux d’allo-immunisation rapportés au nombre de
concentrés érythrocytaires soient moins élevés chez les patients en programme
d’échanges transfusionnels que chez ceux ne recevant que des transfusions ponc-
tuelles [3].
■ Une corrélation positive entre l’âge des concentrés érythrocytaires transfusés
et la survenue d’une allo-immunisation anti-érythrocytaire a été rapportée [10].
■ Enfin, le fait d’être suivi dans plusieurs centres serait associé à un risque accru
d’allo-immunisation [3], ce qui souligne l’intérêt d’une centralisation des données
immunohématologiques pour l’ensemble des patients.
■ La prévalence de l’allo-immunisation varie beaucoup selon les pays en fonc-
tion des modalités transfusionnelles et de la possibilité d’aller au-delà de la simple
compatibilité ABO et RH1.
■ La plupart des pays africains n’ont pas la possibilité de faire le test de RAI, et
beaucoup de patients transfusés en Afrique sont allo-immunisés.
■ Chez l’enfant, une étude publiée en 2017 a retrouvé une prévalence d’allo-anti-
corps anti-érythrocytaires (anticorps naturels irréguliers exclus) de 7,4 % chez des
enfants drépanocytaires suivis en France et transfusés au moins une fois [3].

Diagnostic et prise en charge d’une hémolyse


post-transfusionnelle retardée (HPTR)
■ L’HPTR survient classiquement quelques jours à 2 semaines après une trans-
fusion érythrocytaire mais doit être systématiquement évoquée devant tout
tableau d’hémolyse dans le mois suivant [11].
■ Les patients présentent des signes cliniques d’hémolyse (ictère, urines fon-
cées parfois couleur porto) et d’anémie (pâleur, tachycardie), généralement
associés à des symptômes de crise vaso-occlusive (CVO) sévère (douleurs
intenses, notamment lombaires, arthralgies ±  arthrites, fièvre, parfois syn-
drome thoracique aigu).
■ Le taux d’hémoglobine (Hb) peut parfois chuter en dessous de sa valeur
prétransfusionnelle quand l’hémolyse concerne non seulement les globules
rouges transfusés, mais aussi ceux du patient  ; on parle alors de syndrome
d’hyperhémolyse, particulièrement redoutable en termes de menace du pro-
nostic vital.
■ Une réticulocytopénie est fréquente. Les marqueurs d’hémolyse (LDH, biliru-
bine, ASAT) sont très élevés.
■ Les autres anomalies biologiques fréquemment observées sont une hyper-
leucocytose, une hyponatrémie et un syndrome inflammatoire majeur (CRP
généralement très élevée).
Allo-immunisation anti-érythrocytaire et hémolyse post-transfusionnelle retardée 193
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Le diagnostic est souvent difficile car l’enquête immunohématologique (test


direct à l’antiglobuline – anciennement appelé test de Coombs direct) avec élu-
tion systématique et RAI (au minimum en test indirect à l’antiglobuline sur héma-
ties natives et traitées par la papaïne) est négative dans la moitié des cas, amenant
à s’interroger sur les mécanismes précis impliqués au niveau de l’hémolyse (pro-
blème des HPTR dites « sans anticorps »).
■ Un normogramme a été élaboré en vue de classifier la probabilité du diagnos-
tic d’HPTR comme faible, intermédiaire ou élevée, en fonction de la cinétique
de décroissance de l’HbA, d’origine transfusionnelle (présente dans le sang des
donneurs) [12]. Toutefois, pour pouvoir l’utiliser, il est nécessaire de disposer du
taux d’HbA (ou d’HbS) après toute transfusion érythrocytaire et cette mesure
peut parfois être faussée dans le cas du recours à une transfusion avec un donneur
HbS hétérozygote (non recherché de manière systématique en France chez les
donneurs).
■ Il n’y a pas de consensus thérapeutique sur le traitement des HPTR, sauf celui
de limiter au maximum toute nouvelle transfusion et de prendre en charge le
patient dans une unité de soins continus ou de réanimation ayant l’expertise de
ces situations.
Nous proposons en première ligne :
■ une perfusion d’immunoglobulines intraveineuses (1  g/kg) à répéter éven-
tuellement 24 heures plus tard ;
■ si les réticulocytes sont < 150 000/mm3, un traitement par darbépoétine alfa
(Aranesp®) en sous-cutané (doses élevées de 5 µg/kg) n’aura pas d’effet instan-
tané, mais peut contribuer à éviter une nouvelle transfusion 3 à 4 jours après.
Si la probabilité d’une retransfusion est importante :
■ une injection IV de rituximab (Mabthera®), 375 mg/m2 (précédée d’une faible
dose de méthylprednisolone : 0,3 mg/kg – au maximum 10 mg – une heure avant
le rituximab) aura pour objectif de diminuer le risque de nouvelle allo-immunisa-
tion au décours de cette transfusion ;
■ en cas d’HPTR sévère (anémie menaçant le pronostic vital et hémoglobinu-
rie massive), le plus souvent de type hyperhémolyse, nous avons observé, avec
d’autres équipes, une évolution favorable après éculizumab (Soliris®, aux mêmes
doses que celles recommandées pour le traitement des syndromes hémolytiques
et urémiques de l’enfant) [13], l’hyperhémolyse faisant intervenir une activation
majeure du complément ;
Certains centres ont recours aux corticoïdes dans la prise en charge des HPTR,
mais leur utilisation est associée à une augmentation du risque de CVO et de syn-
drome thoracique aigu chez les patients drépanocytaires.
La surveillance se fait principalement sur la couleur des urines, le taux d’Hb et
des réticulocytes, ainsi que les marqueurs sanguins d’hémolyse (LDH, bilirubine,
ASAT).
194 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Prévention de l’allo-immunisation anti-érythrocytaire


et de l’hémolyse post-transfusionnelle
■ Le groupe sanguin phénotypé étendu de l’enfant (ABO, Rh, Kell, Kidd, Duffy,
MNS) doit être déterminé avant toute transfusion.
■ Chez un patient ayant déjà reçu dans sa vie des concentrés érythrocytaires, il
est impératif de récapituler l’ensemble des lieux où il a été transfusé et de récupé-
rer l’intégralité de son dossier immunohématologique, car il n’y a pas aujourd’hui
de transmission inter-régionale des dossiers transfusionnels. Une RAI peut tran-
sitoirement se négativer, mais l’anticorps latent peut être réactivé à la suite d’une
transfusion et entraîner une HPTR. Cette information doit donc systématique-
ment être transmise au site transfusionnel de l’hôpital prenant en charge ponc-
tuellement le patient.
■ La RAI doit être contrôlée 3 semaines à 3 mois après chaque transfusion éry-
throcytaire (période où une allo-immunisation post-transfusionnelle a la plus
forte probabilité d’être détectée) et avant toute nouvelle transfusion.
■ Chez tous les patients drépanocytaires, on recommande de pratiquer avant
chaque transfusion, en plus de la RAI, une épreuve directe de compatibilité au
laboratoire (entre le plasma du patient et un échantillon des concentrés érythro-
cytaires délivrés).
■ Étant donné la situation tendue au niveau des approvisionnements en pro-
duits sanguins issus de donneurs d’origine afro-antillaise, il est recommandé de
distribuer en routine des concentrés érythrocytaires ABO, RH et KEL compatibles.
La compatibilité antigénique sera étendue aux systèmes Duffy, Kidd et MNS pour
les patients déjà allo-immunisés ou ayant des antécédents d’hémolyse post-trans-
fusionnelle.
■ Il existe au niveau de la Banque nationale de sang de phénotype rare (Établisse­
ment français du sang [EFS] Île-de-France, Créteil) des réserves de sangs rares cryo-
préservés pour les patients ayant un groupe sanguin rare. La décision de transfuser
ce type de patients doit être prise collégialement par les médecins « drépanocyto-
logues » et les médecins du site transfusionnel, avec l’aide du CNRGS [14]. En cas
de groupe sanguin exceptionnel associé à un anticorps antipublic connu comme à
haut risque d’hémolyse en cas de transfusion incompatible, il est fortement recom-
mandé la sollicitation d’une réunion de concertation pluridisciplinaire [15].
■ Une fois la décision prise de transfuser du sang rare, il y a un délai incompres-
sible de plusieurs heures pour obtenir les unités de sang prêtes à être transfusées,
délai lié au temps de la décongélation (environ 2  heures), puis du transfert du
produit sanguin vers le site de délivrance.
■ Chez les patients ayant un antécédent d’hémolyse post-transfusionnelle ou
de poly-allo-immunisation, le conseil transfusionnel de préparation à la chirur-
gie est complexe. En contexte préchirurgical, si l’intervention ne présente pas de
risque hémorragique important (cholécystectomie par exemple), on conseille de
Allo-immunisation anti-érythrocytaire et hémolyse post-transfusionnelle retardée 195
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

ne pas faire précéder l’intervention par une transfusion, mais de maximiser les
autres précautions anesthésiques (réchauffement, hydratation, suivi postopéra-
toire prolongé). Si l’intervention est à haut risque hémorragique (chirurgie de la
hanche, du rachis par exemple), on conseille de faire précéder la chirurgie par
deux injections de rituximab, 1 mois et 15 jours avant la chirurgie, et de ne réaliser
de transfusion qu’en cas de réelle nécessité pendant l’intervention.
■ Certains centres pratiquent le génotypage, partiel ou plus complet, des groupes
sanguins chez les patients drépanocytaires et donneurs d’origine afro-antillaise en
vue d’appliquer le principe de génocompatibilité [16], du fait de la fréquence des
variants phénotypiques, variants alléliques (en particulier au niveau du gène RHCE)
et des phénotypes rares. Il a été montré qu’un génotypage qualifié de « standard »
associé à un génotypage des gènes RHD et RHCE conduirait à une modification
de la conduite transfusionnelle chez 34  % des enfants drépanocytaires [17]. Le
rapport coût/efficacité d’une telle stratégie rendue systématique demeure cepen-
dant encore en cours d’évaluation. Une nouvelle approche prometteuse consiste
à réaliser un séquençage à haut débit ciblé sur les principaux gènes de groupes
sanguins (targeted exome sequencing) [18], mais la systématisation d’une telle
pratique se confronte encore à plusieurs obstacles, en particulier sur le plan éco-
nomique, éthique et des nécessaires compétences en bio-informatique.

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CHAPITRE

26
Hémochromatose
post-transfusionnelle
et chélation du fer

Slimane Allali

Points clés

La surcharge en fer des patients drépanocytaires est la conséquence
directe des transfusions itératives.

Elle concerne essentiellement le foie et peut être à l’origine de cirrhoses
hépatiques.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) hépatique est la méthode
non invasive de référence pour évaluer la surcharge martiale chez les
patients drépanocytaires, la ferritine plasmatique étant un outil simple
mais limité par son manque de spécificité.

Les deux principaux traitements chélateurs utilisés chez les patients
drépanocytaires sont la déféroxamine (Desféral®) qui nécessite des
perfusions sous-cutanées quotidiennes de 8 à 12 heures, 5 à 7 jours par
semaine, et le déférasirox (Exjade®) qui a l’avantage de s’administrer par
voie orale en une prise quotidienne.

Surcharge en fer dans la drépanocytose


■ La surcharge en fer des patients drépanocytaires est la conséquence directe
des transfusions itératives, contrairement à celle des patients thalassémiques qui
s’observe également en l’absence de toute transfusion du fait de l’érythropoïèse
inefficace [1].

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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198 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Elle concerne essentiellement le foie et très peu les autres organes, le cœur étant
relativement épargné, à la différence de ce qui est observé dans la thalassémie [2, 3].
■ Elle est directement liée au nombre de concentrés érythrocytaires transfusés
et au protocole transfusionnel, les échanges transfusionnels étant moins pour-
voyeurs de surcharge martiale que les transfusions simples [4].
■ Les échanges transfusionnels par érythraphérèse exposent à un risque de sur-
charge martiale plus faible que celui des échanges manuels, mais ils nécessitent le
recours à un nombre plus élevé de concentrés érythrocytaires [5].
■ Un millilitre de concentré érythrocytaire apporte 1,08 mg de fer. Les volumes
transfusés doivent être consignés dans le dossier transfusionnel afin de pouvoir
estimer la quantité totale de fer apportée [6].
■ Le lien de causalité entre surcharge en fer et mortalité est difficile à établir dans
la drépanocytose car les patients avec la surcharge martiale la plus importante
sont ceux dont la sévérité de la maladie a motivé le recours à un programme
transfusionnel au long cours [7, 8].
■ Il a toutefois été rapporté une incidence accrue de cirrhose hépatique secon-
daire à la surcharge en fer sur des autopsies réalisées chez des patients drépanocy-
taires décédés à l’âge adulte [9].

Mesure de la surcharge en fer


■ Le dosage de la ferritine plasmatique est l’outil le plus simple et le plus utilisé
pour évaluer la surcharge martiale, mais il manque de spécificité et peut être élevé
en contexte inflammatoire. Il ne permet donc pas une estimation très fiable ni
précise de la surcharge en fer chez les patients drépanocytaires [10, 11].
■ La ponction-biopsie hépatique a longtemps été considérée comme le gold
standard, mais elle n’est plus réalisée actuellement chez les patients drépanocy-
taires en raison de son caractère invasif.
■ L’IRM hépatique est la méthode non invasive de référence pour évaluer la sur-
charge en fer chez les patients drépanocytaires. Elle mesure la concentration en
fer hépatique (CFH) dont une valeur supérieure à 7 mg Fe/g de poids sec indique
une surcharge modérée et une valeur supérieure à 15 mg Fe/g de poids sec une
surcharge sévère [12].
■ L’IRM cardiaque permet également d’évaluer la surcharge en fer du tissu myo-
cardique, qui est très rarement présente chez l’enfant et l’adolescent drépanocy-
taires (T2* normalement > 20 ms) [13].

Traitements chélateurs du fer


■ Un traitement chélateur du fer doit être instauré quand : 1) CFH > 7 mg Fe/g de
poids sec, ou 2) volume total des concentrés érythrocytaires transfusés > 100 ml/
kg, ou 3) ferritine > 1 000 ng/ml sur plusieurs prélèvements successifs [6].
Hémochromatose post-transfusionnelle et chélation du fer 199
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Tableau 26.1. Principales propriétés des différents traitements chélateurs du fer.


Déféroxamine Défériprone Déférasirox
Poids 657 139 373
moléculaire (Da)
Dose 30-60 mg/kg/j 75-100 mg/kg/j 14-28 mg/kg/j*
recommandée Les posologies On commence
doivent être adaptées généralement à 14 mg/
à la ferritine. Elles ne kg/j, puis on augmente
doivent pas dépasser (en fonction de la
40 mg/kg/j chez tolérance) par paliers
l’enfant de moins de 3,5-7 mg/kg/j tous
de 3 ans du fait des les 3 à 6 mois, si ferritine
risques de retard de > 2 500 µg/l, en visant un
croissance objectif de 500-1 000 µg/l
Mode SC ou IV sur 8-12 h Per os Per os
d’administration 5-7 jours/semaine 3 prises par jour 1 prise par jour
Demi-vie 8-10 min 1,5-4 h 12-18 h
Excrétion 40-60 % biliaire 90 % urinaire 90 % biliaire
Action sur le fer + +++ ++
myocardique
Action sur le fer +++ + +++
hépatique
Toxicité Oculaire, surdité Gastro-intestinale, Oculaire, surdité
neurosensorielle, arthralgies, neurosensorielle,
retard de croissance, neutropénie, élévation réversible de
réactions locales au agranulocytose la créatinine, cytolyse
site d’injection, allergie hépatique
* Posologies de déférasirox correspondant à la nouvelle présentation en comprimés pelliculés.

■ Trois traitements chélateurs sont actuellement disponibles  : la déféroxamine


(Desféral®), la défériprone (Ferriprox®) et le déférasirox (Exjade®) (tableau 26.1) [12].
■ Le premier traitement chélateur a été la déféroxamine (Desféral®) qui induit
une élimination du fer à la fois urinaire et biliaire et est très efficace sur l’atteinte
hépatique, mais pose généralement un problème d’observance en raison de
son mode d’administration par perfusions sous-cutanées quotidiennes de 8 à
12 heures, 5 à 7 jours par semaine [14].
■ La défériprone (Ferriprox®) a été le premier traitement chélateur oral déve-
loppé, mais elle n’a pas à ce jour d’autorisation de mise sur le marché (AMM)
dans la drépanocytose. Son utilisation impose une surveillance hebdomadaire de
la NFS en raison du risque d’agranulocytose.
■ Le déférasirox (Exjade®) est indiqué chez les patients âgés de plus de 2  ans,
lorsque le traitement par déféroxamine est contre-indiqué ou inadapté. Il induit
200 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

surtout une excrétion biliaire du fer et son efficacité sur l’atteinte hépatique est
comparable à celle de la déféroxamine. Afin d’en améliorer la palatabilité et les
modalités de prise, les comprimés dispersibles ont récemment été remplacés par
des comprimés pelliculés dont la posologie est inférieure à la posologie antérieure
du fait d’une meilleure biodisponibilité.
■ La tolérance du déférasirox est généralement bonne, mais il peut entraîner
des troubles digestifs et cutanés, une augmentation de la créatinine plasmatique
(chez un tiers des patients), ainsi qu’une cytolyse hépatique imposant parfois une
interruption du traitement. Une surveillance rapprochée (hebdomadaire le pre-
mier mois puis mensuelle) de la créatinine, de la protéinurie et des transaminases
est nécessaire.
■ La déféroxamine et le déférasirox nécessitent une surveillance annuelle de
l’audiogramme et de l’acuité visuelle (avec fond d’œil) en raison de leur potentielle
toxicité neurosensorielle.
■ L’instauration précoce d’un traitement par chélateurs oraux serait associée à
une amélioration de la survie globale dans la drépanocytose [15].

Références
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Hémochromatose post-transfusionnelle et chélation du fer 201
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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

27
Traitement par
hydroxyurée

Mariane de Montalembert, Slimane Allali

Points clés

L’hydroxyurée est un traitement majeur de la prise en charge des patients
drépanocytaires car il diminue dans la très grande majorité des cas la
fréquence des crises douloureuses, des syndromes thoraciques aigus et
les besoins transfusionnels.

Sa tolérance est excellente à court et à moyen terme.

Une surveillance de la numération-formule sanguine (NFS) est recom-
mandée tous les 2 mois.

Il existe une incertitude concernant les conséquences à long terme sur
la spermatogenèse. Cette incertitude explique qu’en Europe on préfère
proposer ce traitement uniquement pour les formes symptomatiques de
la maladie.

Introduction
■ L’hydroxyurée (ou hydroxycarbamide) est un agent cytostatique utilisé depuis
plus de 30 ans (gélules d’Hydréa®) pour traiter les syndromes myéloprolifératifs de
l’adulte.
■ L’observation que ce médicament augmente la synthèse de l’hémoglobine
fœtale (HbF) a amené à le prescrire chez les patients drépanocytaires, car un taux
élevé d’HbF est associé à une forme moins sévère de la maladie.
■ En France, l’hydroxyurée a obtenu une autorisation de mise sur le marché
(AMM) dans la drépanocytose, chez l’adulte et chez l’enfant, sous la forme de
comprimés de Siklos®.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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204 Thérapeutique
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Mécanismes d’action de l’hydroxyurée


■ Le mécanisme ayant motivé initialement la prescription d’hydroxyurée est sa
capacité à réactiver la production d’HbF, conséquence de l’induction d’une éry-
thropoïèse « de stress » pendant laquelle les progéniteurs des globules rouges les
plus riches en HbF sortent plus rapidement de la moelle. Les molécules d’HbF
s’interposent entre celles d’hémoglobine S (HbS), ce qui limite les processus de
polymérisation et de falciformation [1].
■ Toutefois, l’amélioration clinique peut précéder l’augmentation de la produc-
tion d’HbF et ne lui est pas strictement proportionnelle, ce qui s’explique par
d’autres mécanismes d’action, notamment une diminution de l’inflammation et
de l’adhésion des cellules sanguines à l’endothélium vasculaire (figure 27.1).

Indications de l’hydroxyurée chez l’enfant


drépanocytaire
Crises vaso-occlusives et syndromes thoraciques aigus
■ Deux essais contrôlés contre placebo ont montré que l’hydroxyurée réduit
nettement les récidives de crises douloureuses et de syndromes thoraciques aigus
chez le nourrisson et l’enfant drépanocytaire [2, 3].
■ Dans notre expérience, cet effet est d’autant plus net que l’enfant est plus
jeune.
■ Ces études ont permis au Siklos® d’obtenir une AMM en Europe chez les
enfants drépanocytaires âgés de plus de 2 ans souffrant de drépanocytose symp-

Figure 27.1. Principaux mécanismes d’action de l’hydroxyurée.


1. Sélection de progéniteurs érythroïdes riches en HbF. 2. Diminution du nombre et
de l’activation des polynucléaires neutrophiles. 3. Réhydratation des érythrocytes et
diminution de leur adhésion à l’endothélium vasculaire. 4. Production de monoxyde
d’azote (NO).
© Carole Fumat.
Traitement par hydroxyurée 205
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

tomatique, pour prévenir les récidives de crises vaso-occlusives et de syndromes


thoraciques aigus.
■ On ne définit plus aujourd’hui de nombre minimal de crises douloureuses
ou de syndrome thoraciques aigus pour poser l’indication du Siklos®, une seule
crise très douloureuse ou un seul syndrome thoracique aigu sévère pouvant être
considérés comme des indications de traitement.

Anémie
■ Une augmentation du taux d’hémoglobine et une réduction des besoins
transfusionnels, par probable atténuation de l’hyperhémolyse, ont été montrées
sous hydroxyurée [2, 3].
■ Il existe un consensus professionnel fort pour traiter par hydroxyurée les
enfants dont le taux d’hémoglobine de base est inférieur à 7 g/dl [4].

Prévention de la récidive d’un accident vasculaire cérébral


(prévention « secondaire »)
■ La drépanocytose peut provoquer des accidents vasculaires cérébraux (AVC)
chez les enfants drépanocytaires, avec une incidence maximale entre les âges de 2
et 5 ans [5].
■ Un programme d’échanges transfusionnels mensuels maintenant en perma-
nence le taux d’HbS en dessous de 30 % assure une protection relativement effi-
cace contre une récidive d’AVC [6].
■ Le programme d’échanges transfusionnels mensuels peut s’avérer impossible
chez des patients ayant un groupe sanguin rare, ou présentant une poly-allo-immu-
nisation (présence de nombreux anticorps anti-érythrocytaires post-transfusion-
nels), ou vivant dans des pays où la disponibilité en produits sanguins et la sécurité
transfusionnelle (risque infectieux et immunologique) ne sont pas suffisantes.
■ L’hydroxyurée est une alternative – moins efficace que la transfusion toute-
fois – pour diminuer le risque de récidive d’AVC [6].

Prévention de la survenue d’un premier AVC (prévention


« primaire »)
■ Des anomalies de la vascularisation cérébrale peuvent être décelées avant la
survenue d’un AVC grâce à la mesure des flux des vaisseaux cérébraux par Dop-
pler transcrânien (DTC).
■ Un essai randomisant un programme d’échanges transfusionnels mensuels et
une simple surveillance, en cas d’accélération pathologique des flux au DTC, a
montré que la transfusion chronique réduisait très significativement le risque de
survenue d’un premier AVC [7].
206 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ Il a été montré par la suite qu’après au moins un an d’échanges transfusionnels


mensuels, et à condition que l’imagerie par résonance magnétique cérébrale soit nor-
male, on pouvait alors remplacer les transfusions mensuelles par de l’hydroxyurée [8].
■ Ce remplacement se fait sur plusieurs mois, en introduisant d’abord l’hydro-
xyurée dont on augmente progressivement la dose tandis qu’on espace les
transfusions, si bien qu’il existe une période de chevauchement entre les deux
traitements.
■ L’hydroxyurée dans cette indication doit être donnée à la «  dose maximale
tolérée » (voir ci-dessous).
■ Il faut vérifier régulièrement après l’arrêt des transfusions que les vitesses céré-
brales restent normales, en répétant le DTC d’abord tous les 3 mois pendant un
an, puis tous les 6 mois pendant un an, puis tous les ans.
■ Certaines équipes associent l’hydroxyurée à la transfusion sanguine dans les
formes très sévères d’atteintes vasculaires cérébrales [9].

Autres indications
■ Ces autres indications ne reposent pas sur des essais randomisés mais sur l’hypo-
thèse qu’en augmentant la production d’HbF, en améliorant la rhéologie et en dimi-
nuant l’inflammation chronique, l’hydroxyurée limiterait les défaillances d’organes.
■ On a ainsi proposé ce traitement à des enfants ayant un infarctus cérébral silen-
cieux, une micro-albuminurie [10], ou une élévation de la fuite tricuspide faisant
craindre le développement ultérieur d’une hypertension artérielle pulmonaire [11].

Protocole aux États-Unis


■ Bien que la capacité de l’hydroxyurée à limiter les défaillances d’organes n’ait pas
été démontrée, une conférence d’experts américains a recommandé que ce médica-
ment soit proposé à tous les nourrissons drépanocytaires SS et S/β0-thalassémiques
dès l’âge de 9 mois, quelle que soit la sévérité clinique de leur maladie [12].
■ Cette stratégie thérapeutique n’est pas consensuelle en Europe, où la prescrip-
tion d’hydroxyurée est le plus souvent restreinte aux formes symptomatiques de la
maladie du fait d’incertitudes sur la tolérance à très long terme de ce médicament.

Modalités thérapeutiques et surveillance


du traitement
■ L’hydroxyurée est soumise à une prescription initiale hospitalière (avis de la
HAS du 25 mai 2011).
■ Le Siklos® existe sous deux conditionnements : comprimé pelliculé à 100 mg et
comprimé quadrisécable à 1 000 mg.
Traitement par hydroxyurée 207
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

■ L’Hydréa® continue d’être prescrit chez les patients drépanocytaires en raison


de son coût très inférieur à celui du Siklos®, mais il n’a pas d’AMM, et sa galénique
(gélules de 500 mg) ne permet ni les ajustements fins de posologie, ni de traiter
les enfants de petit poids.
■ Le traitement est commencé après avoir vérifié la NFS, dosé l’HbF et contrôlé
l’absence d’insuffisance hépatique et rénale, qui imposeraient de diminuer les
posologies.
■ La posologie de début de traitement est de 15 mg/kg/jour.
■ On recommande une surveillance de la NFS tous les 15 jours pendant 1 mois,
puis tous les 2 mois.
■ Il existe deux schémas d’adaptation des doses :
• le schéma américain consiste à augmenter la posologie toutes les 4 à
8  semaines de 2,5 à 5  mg/kg/jour, jusqu’à ce que les polynucléaires neutro-
philes (PNN) se situent entre 1,0 et 3,0 × 109/l. La dose provoquant cette myé-
lotoxicité limite est appelée la dose maximale tolérée [13]. Elle se situe le plus
souvent entre 14 et 35 mg/kg/jour ;
• la stratégie européenne est généralement de commencer à 15 mg/kg/jour,
et de n’augmenter la posologie qu’en cas de récurrence des crises douloureuses
et/ou des syndromes thoraciques aigus. En l’absence de complication, la dose
n’est augmentée qu’en fonction de la prise de poids. L’exception à cette stratégie
est le traitement de la vasculopathie cérébrale où, à la suite de l’étude TWiTCH,
la dose maximale tolérée est recommandée [8].
■ La myélotoxicité imposant de diminuer la dose d’hydroxyurée, ou de l’arrê-
ter provisoirement (selon la sévérité de l’atteinte) est définie sur les valeurs
suivantes : PNN < 2 000/mm3, ou plaquettes < 80 000/mm3, ou hémoglobine
<  4,5  g/dl, ou réticulocytes <  80  000  mm3 si hémoglobine <  9  g/dl (avis
de la HAS, 25 mai 2011). En pratique, le seuil des PNN est souvent abaissé à
1 500/mm3.
■ Si un patient ne présente pas de réduction de la fréquence des crises doulou-
reuses ou des syndromes thoraciques aigus alors qu’il reçoit 35 mg/kg/jour ou la
dose maximale tolérée depuis plus de 6 mois, on peut considérer qu’il est « non-
répondeur » et arrêter le traitement.

Tolérance de l’hydroxyurée chez l’enfant


drépanocytaire
Tolérance à court et à moyen termes
■ La tolérance est excellente [14].
■ Il est juste nécessaire de surveiller la diminution des chiffres de leucocytes ou
de plaquettes, qui se normalise avec la diminution de la posologie.
208 Thérapeutique
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Tolérance à long terme


■ Bien que ce médicament soit cytostatique, il n’a pas été observé depuis bientôt
30 ans d’utilisation chez les patients drépanocytaires d’augmentation d’incidence
de leucémies ou de cancers.
■ Le risque tératogène est théorique et a justifié qu’on demande aux femmes
enceintes de suspendre le traitement, mais certaines équipes ont constaté un tel
bénéfice de l’hydroxyurée chez les femmes enceintes que cette recommandation
n’est pas constamment suivie.
■ L’hydroxyurée peut favoriser l’apparition d’ulcères de jambe chez les patients
non drépanocytaires, mais l’amélioration rhéologique qu’il provoque contreba-
lance ce risque chez les patients drépanocytaires, ne permettant pas d’émettre de
recommandation claire à ce sujet.
■ La seule véritable incertitude concerne la fertilité chez les garçons.
■ L’hydroxurée n’a aucun impact sur la fertilité des filles.
■ La molécule induit des anomalies du nombre et de la vitalité des spermato-
zoïdes [15].
■ La question non résolue aujourd’hui est celle de la réversibilité de ces anoma-
lies à l’arrêt du traitement, d’autant plus que le traitement aurait été instauré à un
très jeune âge et donné très longtemps.
■ La stratégie actuelle est de proposer une cryopréservation de sperme avant le
début du traitement chez les adolescents, ou de faire une pause thérapeutique
chez les adolescents pubères pour recueil de sperme (sous couvert transfusionnel
puisque les crises douloureuses elles-mêmes induisent des anomalies sperma-
tiques).
■ L’information sur ce risque concernant la spermatogenèse doit être donnée
aux parents, mais il faut le mettre en balance avec la sévérité de la maladie et les
risques, notamment sur le pronostic vital, qui ont conduit à proposer ce traite-
ment.

Références
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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

28
Greffe de cellules souches
hématopoïétiques

Jean-Hugues Dalle

Points clés

La greffe de cellules souches hématopoïétiques est le seul traitement
curatif disponible pour la drépanocytose.

Elle est réservée actuellement aux formes sévères, SS et Sβ0-thalasé-
mique.

Elle ne concerne pas les formes SC ni les formes Sβ+-thalassémiques.

Les résultats sont confirmés en situation géno-identique (à partir d’un
frère ou d’une sœur HLA-identique non atteint), avec une survie globale
autour de 92 à 95 %, survie sans maladie > 90 % [1, 2].

Le donneur peut être drépanocytaire hétérozygote.

Les risques de séquelles sont liés à l’intensité du conditionnement de
greffe et à la maladie du greffon contre l’hôte.

Un suivi au long terme est indispensable [3].

Il est nécessaire de discuter les indications en réunion de concertation
multidisciplinaire nationale.

Des greffes alternatives (donneur non apparenté, patients moins sévères,
conditionnement non myélo-ablatif, comorbidité, greffe préemptive)
sont indiquées uniquement dans le cadre de protocoles prospectifs.

La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent


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212 Thérapeutique
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Indications
Indications consensuelles
Ces indications sont définies dans les protocoles nationaux de diagnostics et
de soins (PNDS) «  Syndromes drépanocytaires majeurs de l’enfant et de l’ado-
lescent »  : patients présentant une vasculopathie cérébrale symptomatique ou
asymptomatique ou présentant des crises vaso-occlusives ou des syndromes tho-
raciques aigus à répétition malgré la mise en route d’un traitement bien conduit
par hydroxycarbamide. Il faut noter, d’une part, que ce PNDS date de 2010 et,
d’autre part, qu’il laisse la porte ouverte à « toute autre indication, au cas par cas »,
à la condition que cela soit discuté collégialement [4].
Des recommandations issues de conférences d’experts ou de sociétés scientifiques
proposent des indications plus larges :
■ recommandations du groupe pédiatrique de la Société européenne de greffe
de moelle et de thérapie cellulaire (Pediatric Diseases Working Group de l’Euro-
pean Bone Marrow Transplantation society)  : la greffe doit être proposée en
situation géno-identique pour tout patient drépanocytaire d’âge pédiatrique et
symptomatique sans plus de précision sur l’intensité et le type de symptômes [5] ;
■ opinions d’experts américains élargissant les indications en situation géno-
identiques aux patients présentant des ostéonécroses avasculaires ou une hyper-
tension artérielle pulmonaire [6–9].

Indications discutées
Les indications discutées sont les suivantes :
■ séquestrations spléniques ;
■ non-observance thérapeutique sous hydroxycarbamide ;
■ maladie suffisamment sévère pour indiquer une intensification thérapeutique
par hydroxycarbamide, programme d’échanges transfusionnels, ou allogreffe. Cer-
tains placent sur un même plan ces trois attitudes et estiment nécessaire de les
discuter globalement avec les patients et leur famille.
Des situations récurrentes tendent à faire consensus bien que non encore forma-
lisées : dépendance à un programme d’échanges transfusionnels ; inefficacité d’un
traitement par hydroxycarbamide bien conduit et bien pris.

Indication « maximaliste »
Le concept de greffe « préemptive » est proposé à tout patient drépanocytaire SS
ou Sβ0 ayant un donneur HLA-identique :
■ arguments en faveur d’une telle attitude :
• sévérité de la maladie drépanocytaire à l’âge adulte, y compris chez des patients
peu symptomatiques ou asymptomatiques durant l’enfance et l’adolescence ;
Greffe de cellules souches hématopoïétiques 213
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

• excellents résultats de l’allogreffe chez le patient drépanocytaire lorsque la


greffe est pratiquée avant l’adolescence [2].
■ arguments contre cette attitude :
• morbimortalité liée à la greffe elle-même, définie par la mortalité liée au
traitement (de l’ordre de 3 à 5 %) et par la maladie chronique du greffon contre
l’hôte [2] ;
• toxicité au long terme des conditionnements myéloablatifs utilisés actuelle-
ment (voir plus loin) [3].

Âge à la greffe
■ La majorité des patients sont greffés avant la puberté.
■ Les résultats des équipes françaises sont comparables avant et après 16 ans [10].
■ Les résultats internationaux montrent un facteur pronostique favorable statis-
tiquement significatif d’un âge de greffe < 12 ans [2].

Choix du donneur
■ Plus de 90 à 95 % des greffes rapportées à ce jour (> 1 000) ont été réalisées à
partir d’un frère ou d’une sœur HLA-identique (identité 10/10 en biologie molé-
culaire haute définition pour les groupes HLA A, B, C, DR et DQ) [2].
■ L’expérience à partir de donneurs non apparentés est limitée et décevante :
• faible représentation des haplotypes  HLA des patients drépanocytaires
dans les registres internationaux de donneurs limitant les chances d’identifica-
tion de donneurs phéno-identiques 10/10 ;
• très faible nombre de patients greffés en 9 et 10/10 non apparentés avec un
taux d’échecs élevé (rejet de greffe, décès de toxicité, maladie sévère du greffon
contre l’hôte) et des résultats globaux insuffisamment satisfaisants pour une
pathologie non maligne [11] ;
• échecs globaux des greffes de sang placentaire non apparenté (étude
rétrospective de l’EBMT et essai SCURT) : environ 50 % de rejet et des décès de
toxicité [12, 13].
■ Il existe des protocoles prospectifs de recours à un donneur parental haplo-
identique (un seul haplotype HLA en commun entre le donneur et le patient). De
premiers résultats intéressants ont été publiés par une équipe de Baltimore. Des
essais prospectifs sont en cours pour les valider [14, 15].

Choix du type de cellules souches hématopoïétiques


■ La moelle osseuse hématopoïétique est la source de cellules souches
majoritairement utilisées et à privilégier en l’absence de sang placentaire (sang
de cordon) intrafamilial compatible cryopréservé à la naissance de l’enfant
214 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

donneur [2]. Il est recommandé de proposer le recueil du sang de cordon à


la naissance des petits frères et sœurs des enfants drépanocytaires (sauf bien
entendu si un dépistage néonatal a été effectué et a démontré que l’enfant à
naître est lui-même drépanocytaire). Ce recueil ne peut avoir lieu que dans les
maternités identifiées par le Réseau français de sang placentaire à l’Agence de
la biomédecine.
■ Les résultats avec les greffons placentaires intrafamiliaux compatibles utili-
sés seuls ou complétés de moelle (afin d’avoir un nombre suffisant de cellules
souches) sont excellents [16].
■ Les cellules souches périphériques doivent être prohibées car vectrices d’une
incidence cumulée inacceptable de maladie chronique du greffon contre l’hôte
[1–3, 6, 7, 9, 11, 17].

Choix du conditionnement de greffe


Buts
■ Ce choix est indispensable pour obtenir une prise de greffe.
■ Il s’agit d’obtenir l’élimination de l’hématopoïèse drépanocytaire et l’instaura-
tion d’une immunosuppression suffisante pour éviter le rejet du greffon par le
système immunitaire du sujet greffé.
■ Plus de 85 % des patients rapportés à ce jour ont reçu un conditionnement
myéloablatif majoritairement fondé sur des agents alkylants (busulfan, cyclophos-
phamide voire tréosulfan) associés ou non à d’autres agents lymphotoxiques tels
que la fludarabine, le sérum antilymphocytaire ou les anticorps monoclonaux
dirigés contre le CD52 (alemtuzumab) [1–3, 6, 7, 9, 11, 17].

Effets secondaires
Les effets secondaires sont les suivants :
■ toxicité aiguë muqueuse très délabrante ;
■ pancytopénie profonde et prolongée avec risque d’infection potentiellement
létale ;
■ toxicité chronique avec essentiellement un risque majeur d’hypofertilité voire
de stérilité nécessitant impérativement la mise en place de techniques de préser-
vation de la fertilité avant toute procédure de greffe chez le patient drépanocy-
taire [18, 19] :
• cryopréservation de sperme chez l’adolescent pubère (Tanner > 3) ;
• cryopréservation de cortex ovarien ±  ovocytes chez la fillette et l’adoles-
cente ;
• cryopréservation de pulpe testiculaire chez le garçon avant la puberté
(expérimental).
Greffe de cellules souches hématopoïétiques 215
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Rôle du chimérisme postgreffe


L’augmentation de la dose de sérum antilymphocytaire favorise les chimérismes
mixtes (coexistence d’une part minoritaire de l’hématopoïèse drépanocytaire du
patient avec l’hématopoïèse non drépanocytaire du donneur) qui s’accompagnent
d’une moindre incidence cumulative de maladie chronique du greffon contre l’hôte.
Des techniques de greffe favorisant un chimérisme mixte (conditionnement non
myéloablatif à base d’irradiation corporelle totale et d’alemtuzumab, suivi de siro-
limus au long cours) sont actuellement développées. En effet, il est maintenant
bien démontré qu’un chimérisme mixte avec « seulement » 30 voire 20 % de cel-
lules du donneur est suffisant pour protéger de la drépanocytose grâce à un avan-
tage sélectif des globules rouges normaux issus de l’hématopoïèse du donneur sur
les globules rouges drépanocytaires du patient greffé [20, 21].

Évolutions possibles à venir


Les évolutions possibles sont les suivantes :
■ extension des indications :
• patients adultes avec comorbidités ;
• patients pédiatriques paucisymptomatiques ;
• rôle des parents, des associations dans l’indication de greffe : qui doit indi-
quer le typage HLA familial à l’heure de la mise à disposition des typages HLA
salivaires en « libre service » sur Internet ?
■ développement de conditionnements à toxicité voire intensité réduite :
• pour diminuer la toxicité aiguë et à long terme ;
• au risque de diminuer les résultats globaux (plus de rejets, moins de survie
sans maladie).
■ recours à des donneurs alternatifs :
• greffe pour les patients n’ayant pas de donneurs géno-identiques ;
• risque de toxicité accrue : quelles indications acceptables ?

Conclusion
L’allogreffe est actuellement le seul traitement curatif de la drépanocytose. Les
résultats obtenus en situation géno-identique sont parmi les meilleurs toutes indi-
cations confondues. Cependant, du fait de la toxicité de la procédure, des résis-
tances perdurent parmi certains professionnels, tandis que d’autres plaident pour
un recours plus large à la greffe soit pour des patients paucisymptomatiques, soit
pour des patients n’ayant pas de donneurs géno-identiques et une forme sévère
de la maladie. Le développement de techniques de greffe alternatives et l’avène-
ment de la thérapie génique sont susceptibles d’encore intensifier les débats dans
les années à venir.
216 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED
CHAPITRE

29
Thérapie génique

Marina Cavazzana, Jean-Sébastien Diana

Points clés

La thérapie génique correspond à une autogreffe de cellules souches
hématopoïétiques génétiquement modifiées.

Elle constitue une alternative de traitement des patients drépanocytaires
sévères en l’absence de possibilité de greffe de moelle  osseuse HLA-
identique.

Introduction
■ La thérapie génique consiste en l’introduction dans des cellules d’une informa-
tion génétique nouvelle. Elle confère aux cellules ainsi traitées de nouvelles pro-
priétés biologiques capables soit de soigner peut-être définitivement une maladie
génétique ou acquise, soit d’en améliorer les symptômes cliniques.
■ L’introduction d’une nouvelle information génétique se fait par l’intermédiaire
d’un vecteur, une construction virale non pathogène (figure 29.1).
■ Des succès thérapeutiques ont été observés pour des pathologies immuni-
taires monogéniques et plus récemment pour certaines hémoglobinopathies
dont la drépanocytose.

Historique
La greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) est le seul traitement curatif
de la drépanocytose. À ce jour, la majorité des greffes de CSH sont réalisées avec
des donneurs intrafamiliaux HLA compatibles (géno-identiques). Alors que la
population drépanocytaire est faiblement représentée dans le registre de donneurs
de moelle internationaux, les greffes réalisées dans les contextes de donneurs non
apparentés ou haplo-identiques (partiellement compatibles) sont sanctionnées de
plus fortes morbidité et mortalité, avec notamment un plus haut risque de compli-
cations liées à la procédure de greffe allogénique (conflit immunologique, rejet).
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
220 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Figure 29.1. Principe de la thérapie génique ex vivo dans la drépanocytose.


La thérapie génique consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules. Cette
intégration peut se faire in vivo, dans l’organisme du patient (adeno-associated virus
[AAV]) ou ex vivo après prélèvement des cellules d’intérêt. La modification génétique se
fait en laboratoire au moyen d’un vecteur avant de réinjecter les cellules au malade. On
peut ainsi suppléer l’expression d’un gène déficient ou transmettre une nouvelle fonction.
© Carole Fumat.

Parallèlement au développement de la greffe de CSH, la thérapie génique a mon-


tré des bénéfices cliniques indiscutables obtenus pour d’autres maladies géné-
tiques du système hématopoïétique.
Principes généraux
Les acteurs
La cellule souche hématopoïétique (CSH), cible de traitement
■ La CSH a des propriétés de prolifération et spécialisation adaptées à la tech-
nique de thérapie génique. Leur correction est transmise aux différents stades
de l’érythropoïèse, permettant la production d’hémoglobine thérapeutique
(« saine »), des proérythroblastes aux réticulocytes dans la moelle osseuse.
■ La CSH est accessible soit directement par ponction de moelle osseuse au bloc
opératoire, soit par aphérèse après mobilisation.
■ Les patients drépanocytaires ont une dysérythropoïèse importante avec un
excès de précurseurs érythroïdes et un état pro-inflammatoire médullaire :
Thérapie génique 221
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

• la production de nouvelles chaînes β de l’hémoglobine « saines » assure un


avantage sélectif des érythrocytes transduits vis-à-vis des SS ;
• ces altérations du micro-environnement et de l’érythropoïèse nécessitent
une adaptation des techniques de recueil et de transfection du vecteur.
Vecteur : cheval de Troie de l’information génétique
Vingt ans de recherche préclinique ont été nécessaires pour réussir l’introduction effi-
cace d’un transgène de la bêta-globine complet et fonctionnel dans les CSH. Plusieurs
éléments majeurs ont permis d’obtenir une correction génétique efficace des CSH :
■ développement de rétrovirus dérivés du virus de l’immunodéficience humaine
(VIH). Ces lentivirus ont la capacité de s’intégrer d’une façon stable dans des cel-
lules non en cycle avec une membrane nucléaire intègre. Ils n’ont pas d’activité
oncogénique, contrairement aux rétrovirus murins utilisés dans les premiers essais
de thérapie génique. Ces rétrovirus avaient été responsables de la survenue d’effets
indésirables graves de type leucémique par des insertions oncogéniques ;
■ amélioration de la construction génétique, selon la séquence :
• découverte des éléments génétiques appelés « enhanceurs » (locus control
region HS) capables de potentialiser l’expression dans les cellules humaines de
la bêta-globine ;
• introduction de ces éléments physiologiques potentialisateurs critiques
pour l’expression de la globine ;
• optimisation de la taille du vecteur.
Plusieurs laboratoires ont ainsi démontré que des lentivirus exprimant le gène de
la bêta-globine ou de la gammaglobine sous le contrôle transcriptionnel d’un pro-
moteur spécifique et d’éléments enhanceurs sont capables de restaurer une éry-
thropoïèse normale dans le cadre de modèles animaux, mais aussi chez l’homme.

Procédure de soins
La thérapie génique, dans le cadre de la drépanocytose, est une greffe de CSH
autologues génétiquement modifiées ayant la capacité de produire une lignée
érythroïde pouvant exprimer une hémoglobine thérapeutique.

Procédure de recueil et transfection


La procédure s’apparente à celle d’une autogreffe classique à laquelle s’ajoute la
transformation du greffon par transfection.

Recueil de cellules souches périphériques (CSP) après mobilisation


Deux protocoles différents de mobilisation sont utilisés chez les patients tha-
lassémiques et les patients drépanocytaires pour tenir compte de la physio-
pathologie propre à chacune de ces deux anémies chroniques héréditaires :
■ pour les patients thalassémiques, association de deux molécules :
• facteur de croissance granulocytaire (G-CSF) ;
222 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

• plerixaflor, une molécule qui antagonise la liaison entre le récepteur de la


chimiokine 4 (CXC-R4), présent sur les CSH, et son ligand (SDF-1), présent sur
les cellules stromales de la moelle osseuse.
■ pour les patients drépanocytaires
• plerixafor seul ;
• le G-CSF est contre-indiqué pour éviter une augmentation aiguë du
nombre des globules blancs circulants et le déclenchement d’une crise
vaso-occlusive grave et potentiellement létale, comme déjà rapporté dans
la littérature.

Transfection des cellules souches hématopoïétiques en laboratoire de


thérapie cellulaire
Cette procédure comprend :
■ la sélection des CSH parmi les CSP ;
■ la transduction  : intégration du matériel génétique de l’hémoglobine théra-
peutique dans les CSH grâce à l’incubation avec le vecteur ;
■ le contrôle de l’efficacité de l’intégration du matériel génétique et de la viabilité
des cellules ;
■ la congélation et le stockage des CSH transfectées.

Procédure de greffe
La procédure a les caractéristiques suivantes :
■ conditionnement requis pour la prise des cellules souches autologues moins
toxique avec utilisation d’un seul médicament cytotoxique ;
■ injection aux patients de leurs propres CSH génétiquement corrigées ;
■ gestion vigilante de l’aplasie médullaire en attendant la reconstitution hémato-
logique ;
■ pas de traitement immunosuppresseur ;
■ pas de risque de réaction du greffon contre l’hôte, ni de rejet de greffe ;
■ pas de risque d’infections au long cours, pas de problème de reconstitution
immunitaire au long cours.

Résultats
Les résultats cliniques de la thérapie génique dans la drépanocytose sont
encore limités et des essais cliniques sont actuellement en cours de recrute-
ment pour des patients atteints de thalassémie transfusion-dépendante ou
de drépanocytose.
L’indication actuelle de la thérapie génique dans les protocoles de recherche clinique
est le patient drépanocytaire sévère n’ayant pas de donneur compatible disponible.
Le premier patient atteint de drépanocytose ayant bénéficié d’une thérapie
génique a été traité selon le protocole français HGB-205 et cela a été rapporté
Thérapie génique 223
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

dans les détails il y a un peu plus de 2 ans. Plus de 4 ans après la ré-injection des
CSH génétiquement modifiées, l’hémoglobine totale est stable à 12 g/dl consti-
tuée pour moitié de l’HbS endogène et pour l’autre moitié de l’hémoglobine
thérapeutique. Le niveau important de correction des globules rouges a permis la
correction de tous les symptômes cliniques et des signes biologiques qui accom-
pagnent habituellement cette anémie.
Alors que les résultats dans la bêta-thalassémie sont encourageants avec une
correction des phénotypes cliniques, d’autres essais cliniques chez les patients
drépanocytaires ont obtenu des résultats décevants, avec obtention d’un niveau
d’hémoglobine thérapeutique insuffisant pour modifier le cours de la maladie. Les
raisons possibles de ces échecs sont multiples et variables :
■ impact néfaste de la pathologie médullaire sur la qualité des CSH ;
■ niveau insuffisant de myéloablation ;
■ niveau de correction des cellules hématopoïétiques réinjectées insuffisant.
Plusieurs essais cliniques avec différents vecteurs sont en cours, mais leurs résul-
tats ne sont pas encore disponibles.
Malgré ces progrès indiscutables obtenus par l’addition dans le génome d’une
copie fonctionnelle d’hémoglobine, des progrès sont encore nécessaires afin
d’augmenter l’expression du transgène dans la drépanocytose, car des niveaux
élevés d’hémoglobine thérapeutique semblent nécessaires pour empêcher les
effets délétères de l’HbS.
L’optimisation du choix des éléments enhanceurs, les propriétés antifalciformation
de nouvelles chaînes similaires-bêta, la qualité du prélèvement de CSH ainsi que leur
niveau de correction sont des éléments clés pour permettre d’améliorer les résultats.

Perspectives
■ À l’image des autres domaines d’application de la thérapie génique (déficit
immunitaire, maladies hématologiques, maladies métaboliques ou traitement
anticancérologique), le génie génétique par gene editing permet en théorie une
capacité infinie d’actions.
■ Les stratégies actuelles évaluent les capacités de la thérapie génique à ajouter
un gène alors que l’on ne retire pas la mutation en cause, ni n’ajoute de nouvelle
capacité en dehors de la chaîne bêta de l’hémoglobine.
■ D’autres approches font l’objet d’une littérature scientifique florissante et repo-
sent sur des stratégies de réexpression de l’HbF ou de correction de la mutation S
par édition du génome (figure 29.2).
224 Thérapeutique
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Figure 29.2. Diverses approches de la thérapie génique dans la drépanocytose.


a. Correction de gène. La correction de la production de chaînes βS ne peut se faire
que par technique de gene editing ciblant et corrigeant la substitution A-T (β6Glu →
Val) dans le premier exon de la β-globine. b. Addition de gène : technique actuelle où
l’on intègre une ou plusieurs copies du gène d’hémoglobine thérapeutique sans retirer
celle des chaînes βS. L’intégration s’effectue par un vecteur lentivirus portant une
construction avec une cassette de β-globine, de γ-globine ou d’antisickling β-globine
associée à des séquences potentialisatrices (Ldb1, facteur de transcription ; ZF/SA,
domaine d’auto-association de doigts de zinc). c. Induction de l’HbF (γ-globine) :
d’autres techniques visent à augmenter l’expression de γ-globine par l’intermédiaire
de mécanismes de régulation d’expression tels que l’inactivation du BCL11A, la
perturbation ciblée du site HS + I DNase I58 ou la formation de boucle de chromatine.
© Carole Fumat.

Pour en savoir plus


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DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Index

A Cholangite, 152, 154


Accident vasculaire cérébral, 109, 141, 183 Cholécystite, 152, 154
––hémorragique, 110 Cholestase intrahépatique, 155
––hydroxyurée et, 205 Coagulation, diagnostic d'une anomalie
––ischémique, 110 de la, 155
––transfusion et, 184 Codéine, 83
ACSOS (agressions cérébrales secondaires Colique hépatique, 152
d'origine systémique), 111 Complications de la drépanocytose
Adolescent, 48 ––chroniques, 62
Allo-immunisation anti-érythrocytaire, 187 ––neurologiques, 109
––facteurs de risque de l', 191 ––ophtalmologiques, 173
Analgésiques, complémentarité des, 84 ––ostéoarticulaires, 167
Anémie, 3 Conseil génétique, 9
––aiguë, 87 ––consultation de, 9
–– – transfusion et, 182 –– – étapes de la, 11
––avec traitement transfusionnel, 88 –– – motifs de la, 10
––hémolytique chronique, 87 Conseils sanitaires, voyage et, 65
––hydroxyurée et, 205 Consultation
––sans traitement transfusionnel, 88 ––au centre de référence de la drépanocytose,
Antibioprophylaxie, infections et, 96 66
Antibiothérapie précoce, infections et, 98 ––chez le médecin pour adultes, 58
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), 80 ––de pédiatrie spécialisée des voyages, 67
Antipaludiques, 69 Corps
Artériopathie sténotique, 142 ––image du, 48
Asplénie, 92, 136 ––relation au, 48
Autosplénectomie, 136 Crise(s) vaso-occlusive(s), 2, 77, 168
––hépatique, 154
B ––hydroxyurée et, 204
Baisse d'acuité visuelle brutale, 176 ––phases de la, 78
––physiopathologie de la, 79
C ––prise en charge de la, 79
Carcinome médullaire, 130 Croissance, 35
Cellules souches hématopoïétiques, 220 ––pondérale, retard de, 35
––choix des types de, 213 ––staturale, retard de, 36
––greffe de, 211 Cryopréservation de sang de cordon, 13
Céphalées, 110, 112
Chélateurs du fer, 199 D
Chélation du fer, 197 Dépistage néonatal, 9, 11, 15
Chimérisme postgreffe de cellules souches ––faux négatifs, 20
hématopoïétiques, 215 ––objectifs du, 16
Chimioprophylaxie antipaludique, 68 ––organisation des soins et, 27
Chlamydia pneumoniae, 92 ––organisation du, 17
Cholangiopathie, 152 ––techniques de, 18
226 Index
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

Diagnostic Hyperfiltration, 131


––biologique, 15 Hyperplasie de la moelle osseuse, 167
––de drépanocytose, annonce du, 28, 45 Hypersplénisme, 136, 137
––pré-implantatoire, 11, 13 Hypertension
––prénatal, 11 ––artérielle, 132
–– – cadre juridique du, 11 ––pulmonaire, 159
–– – indications, 12 Hyphéma, 176
Douleur, 47 Hypogonadisme central, 36
––évaluation de la, 80 Hyposthénurie, 126
Drépanocytose
––annonce du diagnostic de, 28, 45 I
––atteintes rénales et, 125 Ictère à bilirubine conjuguée cholestatique,
––définition, 1 153
––physiopathologie, 1 Indice de masse corporelle, 35
Dysfonction splénique, 135 Infection(s), 91
E ––examens complémentaires, 93
––ostéoarticulaires, 168
Éducation thérapeutique du patient (ETP), 39 ––prévention des, 96
––modalités de l', 42 ––susceptibilité aux, 92
––thèmes de l', 43 –– – insuffisance splénique et, 137
Enfants migrants primo-arrivants, 31 Insuffisance
Énurésie, 127 ––rénale
––questionnaire d'évaluation clinique de l', 128 –– – aiguë, 130
Examen physique, 60 –– – chronique, 132, 133
F –– – terminale, 133
––splénique, 137
Fentanyl, 83
Interruption médicale de grossesse, 11
Fièvre, 93
Ischémie maculaire aiguë, 176
G
Greffe de cellules souches hématopoïétiques, K
211, 219 Kétamine, 84
H
L
Haemophilus influenzae, 137, 137
Lithiase biliaire, 152
Hématurie, 129
Hémochromatose post-transfusionnelle, 197 M
Hémoglobine, interprétation d'une étude de l'
––en l'absence de variant, 23 Maladie
––en présence d'HbS, 24 ––du foie et des voies biliaires, 151
Hémolyse, 3 ––rénale chronique, 125
––post-transfusionnelle, 89 Microvasculopathie, 142
–– – retardée, 187, 192 Morphine, 81
Hépatite Morphiniques, 81
––A, 156 Mycoplasma pneumoniae, 92
––auto-immune, 156
––B, 155 N
––C, 156 Nalbuphine, 82
––E, 156 Nécrose
Hépatomégalie, 154 ––ischémique de la tête fémorale, 169
Hydroxycarbamide, 2 ––papillaire, 129
Hydroxyurée, 203 Néphropathie drépanocytaire, 125, 126, 130
––tolérance de l', 207 Nesseiria meningitidis, 92
Index 227
DR A.AMINE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCI-MED

O Surcharge en fer, 156, 197


Organisation des soins, 27 ––mesure de la, 198
Ostéomyélite, 92, 168 Syndrome
––d'hyperhémolyse, 192
P ––drépanocytaire majeur, 9, 15
Paludisme, 67 ––pied-main, 168
Pancréatite, 152 ––thoracique aigu, 93, 101
Paracétamol, 81 –– – hydroxyurée et, 204
Parvovirus B19, 89
T
Patient expert, 41
Phénotype Thérapie génique, 219
––hémolytique-dysfonction endothéliale, 3 Toxicité médicamenteuse, atteinte hépatique
––visqueux-vaso-occlusif, 3 et, 156
Phénoxyméthylpénicilline, 29 Traitement de la drépanocytose
Physiopathologie de la drépanocytose, 1 ––antalgique, 80
Priapisme ––médicamenteux, 80
––étiologies, 117 Tramadol, 83
––iatrogène, 119 Transaminases, diagnostic d'une augmenta-
––intermittent, 119 tion des, 153
––ischémique, 115, 118 Transfusion
––non ischémique, 115, 119 ––anémie et, 90
Prise en charge psychologique, 45 ––chronique, 183
Projets de vie, 59 ––en urgence, 182
Protéinurie, 131 ––érythrocytaire, 181
Protoxyde d'azote, 83 ––préparation à une chirurgie et, 183
Pubertaire, retard, 36, 49 Transition vers les soins pour adultes, 43, 51
Puberté, 35 ––première année de prise en charge, 57

R U
Rate, 135 Urines
Rénales, atteintes, drépanocytose et, 125 ––défaut d'acidification des, 128
Répercussions psychiques, 47 ––défaut de concentration des, 126
Réseau de soins, 30
Rétinopathie drépanocytaire proliférante, 173 V
Risque génétique, 11 Vaccinal, rattrapage, 34
Vaccination(s), 59
S ––prévention des infections et, 96
Salmonelle, 92 ––voyage et, 66, 70
Séquestration Vasculopathie cérébrale, 4, 141
––hépatique, 155 ––transfusion et, 183
––splénique Vaso-occlusion, 2, 79
–– – aiguë, 88, 136 Voyage
–– – chronique, 136 ––conseils sanitaires et, 65
Splénomégalie, 137 ––équipement sanitaire de, 71
Staphylococcus aureus, 92 ––préparation du, 66
Streptococcus pneumoniae, 92, 138 ––vaccinations et, 70

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