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Communication, technologies et

développement 

11 | 2022
Intelligence artificielle et innovation sociale
Artificial Intelligence and Social Innovation
Inteligencia artificial e innovación social

Alain KIYINDOU, Etienne DAMOME et Noble AKAM (dir.)

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/ctd/6294
DOI : 10.4000/ctd.6294
ISSN : 2491-1437

Éditeur
Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée
ISBN : 2491-1437

Référence électronique
Alain KIYINDOU, Etienne DAMOME et Noble AKAM (dir.), Communication, technologies et
développement, 11 | 2022, « Intelligence artificielle et innovation sociale » [En ligne], mis en ligne le 03
février 2022, consulté le 31 janvier 2023. URL : https://journals.openedition.org/ctd/6294 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/ctd.6294

Ce document a été généré automatiquement le 31 janvier 2023.

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- CC BY-NC-ND 4.0
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
1

SOMMAIRE

Dossier

Et de l’esprit, alors ça, zéro !


Serge Agostinelli et Pierre-Michel Riccio

Virtual Community Digital Learning Nusantara


In online learning during pandemic period
Deni Darmawan, Dinn Wahyudin, Rizki Gumilar, Ghaliya Azhar Prameswara, Ateng Ali Hasyim et Deni

L’IA au prisme de l’altérité en Afrique


Tiasvi Yao Raoul AGBAVON

La vinculación de políticas públicas para la integración de la inteligencia artificial en la


educación mexicana
Miriam Herrera-Aguilar

Enjeux et pratiques de l’intelligence artificielle dans le secteur bancaire en Côte d’ivoire


Analyse à la lumière de la Société Générale de Banque de la Côte d’Ivoire (SG-CI)
Edmond DOUA

L’effet des variables de contingence configurationnelle personnelle sur le succès des projets
entrepreneuriaux basés sur l’intelligence artificielle en Tunisie
Lobna Affes

Artificial Intelligence (AI), The Media And Security Challenges In Nigeria


Ifeyinwa NSUDE

Contemporanéité et Intelligence artificielle


Sciences et data pour un développement de l’écologie humaine. Usages en pédagogie et défis éthiques
Catherine Pascal

Vulgarisation des théories d’adoption et d’appropriation des innovations technologiques


pour une intelligence artificielle africaine
Kouassi Touffouo Frederic PIRA

Numérique et innovation contrainte par une mise en contention


Une reconquête en ressourcement d’acteurs en PME
Annick SCHOTT

L’adoption de l’intelligence artificielle (IA) pour le développement de services publics


intelligents.
Le cas des conseils personnalisés aux demandeurs d’emploi
Aurélie Simard

La gouvernance au sein des pays de l’UEMOA : avantages de l’utilisation de l’intelligence


artificielle
Mamadou NDIONE et Diéne Kolly Ousseynou DIOUF

L’Intelligence Artificielle au prisme d’une approche intersectionnelle : entre négociations et


définitions
Julie Marques

Les solidarités territoriales à l’aune de l’intelligence artificielle : quelle fonction pour le


droit ?
Julien VIEIRA

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L’Intelligence Artificielle, une opportunité pour l’agriculture au Togo


Kondi Napo SONHAYE

Innovation technique et intelligence collective


Éric LACOMBE

La modernité ancrée au cœur des représentations des nouvelles urbanités africaines


technicisées
Emmanuelle JACQUES

L’intelligence artificielle : déni de conscience ou nouvel humanisme ?


Lise VIEIRA

Jeunesse de l’Université de Bouaké et socialisation, à l’ère de l’Intelligence Artificielle


Gnéré Laeticia Blama DAGNOGO et Arrouna SAMASSE

Design of e–Learning based Based on ADDIE model during the Covid-19 Pandemic
Dinn Wahyudin, Deni Darmawan et Suharti

L’intelligence artificielle et l’innovation dans les transports urbains à Cotonou


AMESSINOU Kossi

Varia

Ponctuation et domotique des crises : information, résilience et fiducies numériques


d’images
Gloria Awad

Recherches doctorales

L’activité du journaliste sportif (TV) au Cameroun à l’ère du numérique : entre changement


organisationnel et fracture générationnelle
Germaine ABOMO MBITA

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3

Dossier

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4

Et de l’esprit, alors ça, zéro !


And of the spirit, then zero !

Serge Agostinelli et Pierre-Michel Riccio

1 Ac o'r ysbryd, yna sero !


2 Geiriau : allweddol Ffantasi, anwybodaeth, uno
3 Crynodeb : Dim ond diffyg gwybodaeth am epistemoleg technegau sy'n gallu awgrymu
bod gwrthrychau deallus sy'n deillio o Ddeallusrwydd Artiffisial (AI) yn cael eu
datgysylltu oddi wrth ddimensiynau cymdeithasol ac yn esgeuluso ffactorau dynol.
Rydym yn egluro yn y cyfraniad hwn sut mae'r Dyniaethau a'r Gwyddorau
Cymdeithasol (SHS) wedi dargyfeirio defnyddioldeb technegau i iwtilitariaeth
dechnolegol sy'n pellhau dyn oddi wrth offer. Mae'r sefyllfa hon yn baradocsaidd pan
obeithiwn ddeillio o'n perthynas ag egwyddorion, ymddygiadau neu arferion da
gwrthrychau technegol, a fydd yn sylfaen neu'n ganllaw i greadigrwydd ac arloesedd.

Introduction
4 « Dès qu’il y a homme, il y a outil » (Mauss, 1926, 27) et l'usage d'outils dans la
connaissance de la Nature laisse supposer pour l'espèce humaine l’existence d'une
prédisposition biologique à la construction d’outils (Coppens, 1983). Une prédisposition
à prolonger notre corps pour organiser une société, développer les moyens de
communication entre les membres de cette société (Coppens, 1990) ou simplement
vivre mieux (Serres, 2012). Les outils n’existent pas indépendamment les uns des
autres, ils sont interdépendants (Leroi-Gourhan, 1973) jusqu’à constituer des familles
d’objets liées à des familles de gestes qui autorisent le progrès parce que la série initiale
de gestes s’est conservée de génération en génération (Leroi-Gourhan, 1991). En
d’autres termes, les outils sont essentiellement ce qui relie les hommes entre eux sur la
durée et c’est cette capacité qui détermine leur pérennité. Il en est ainsi pour tous les
outils manuels qui équipent la main, rendent les gestes plus efficaces et font le lien
entre les intentions et les pratiques (Sigaut, 2012).

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5 Pour les outils mi-matériels, mi-cognitifs, les artefacts et autres outils connectés, il en
va de même. Ceux-ci nous donnent la capacité à inventer, à remanier nos gestes et nos
intentions, nous permettant ainsi de développer notre intelligence, et non l’inverse.
Ainsi, il n’y a pas de mauvais outils ou dystopiques, il n’y a que de « mauvais »
utilisateurs. En effet, parfois, l’homme est dans l’incapacité à se servir de l’outil,
considéré comme un auxiliaire utile ou nécessaire à la condition qu’on sache l’utiliser
correctement (Sigaut, 2012). D’autres fois, l’outil est détourné en pleine conscience par
l’utilisateur de son usage premier, celui imaginé par les concepteurs, pour faciliter son
action (Scardigli, 1992).
6 Par exemple, le modèle ou schéma est un outil de simplification de la réalité (Leroudier,
1980). Et, pour Confucius « une image vaut 1000 mots » ceci est vrai uniquement pour
celui qui sait lire le schéma. Pour celui qui ne sait pas le lire, le schéma (de montage
d’un meuble Ikea par exemple) vient s’opposer à la compréhension alors qu’il a été
pensé et fabriqué par l’homme à son service exclusif pour expliquer la structure ou le
fonctionnement de quelque chose sous la forme d’un dessin. En revanche, celui qui sait
lire le schéma peut faire abstraction d’informations matérielles telles que spatialité ou
matériaux pour se concentrer sur les gestes sous-tendus par la finalité. Les gestes
effectués même par le non-spécialiste s’inscrivent alors dans la continuité d’un
processus d’imitation, de reproduction et d’appropriation des gestes initiaux de
production de l’objet que l’on retrouve dans sa genèse.
7 Avec les outils intelligents, il semble que ce soit la série initiale de gestes manuels ou
symboliques qu’il est difficile de retrouver, et même de reconstruire pour l’utilisateur.
Dès lors, la relation à l’outil est différente, car la série de gestes n’a pas été encore
transmise de génération en génération. Or, les technologies numériques et l’IA sont des
créations récentes, et l’on ne parle des digital natives que depuis les années 1980. Aussi,
il est probable que ces 40 dernières années ne suffisent pas pour déterminer le geste à
transmettre. Nous assistons d’ailleurs à un processus étonnant : ce sont pour le moment
les enfants qui transmettent les gestes aux parents, et les parents qui transmettent
ceux-ci aux grands-parents.
8 Il est assez facile de dire que les outils intelligents n’appartiennent pas à la même classe
que les outils manuels, pourtant, ils existent de moins en moins indépendamment les
uns des autres et constituent aussi des familles d’outils liées à des familles de gestes ou
de pratiques. Ce qui fait leur différence, c’est la nature intelligente que nous leur
accordons.
9 Les outils matériels ont une intelligence inscrite dans l’utilité de la forme et les
propriétés de la matière, alors que les outils intelligents dissocient leur utilité de la
forme ou des matériaux.

Pour une définition des limites du problème


10 Penser aujourd’hui que l’IA progresse sans intervention décisive de l’Homme, relève
soit d’un fantasme dépassé soit d’une incapacité à comprendre que l’intelligence
artificielle n’existe pas (Julia, 2019). L’intéressé illustrait ceci lors d’un entretien il y a
quelques mois1 en précisant qu’il est difficile de comprendre pourquoi il faut 30000
images pour que l’ordinateur reconnaisse un chat alors qu’un enfant en très bas âge qui
a déjà vu trois chats en reconnaît un nouveau sans difficulté. De la même façon

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pouvons-nous soutenir que les artefacts seraient hors nature humaine (Agostinelli,
2003). Les Sciences humaines ont généralement analysé les objets à partir de leur
utilitarisme apprécié uniquement en fonction des effets escomptés et c’est dans cet
esprit que le développement des technologies a nourri la dynamique sociale.
Dynamique essentiellement envisagée à travers l’étude des pratiques liées aux artefacts
porteurs de possibles et de contraintes. La technologie devient alors un facteur qui
oriente l’action (Suchman, 1996) et les recherches portent sur la compréhension
partagée de l’action entre individus et objets engagés dans une action commune, on
parle alors de communication ou interaction homme-machine (Suchman, 1985).
11 Parler ici, de communication ou d’interaction pose une première partie du problème.
Sans revenir sur les définitions, nous admettons ici que la communication n’est qu’une
forme particulière d’interaction (Agostinelli, 2020, 2009) dans laquelle le langage joue
un rôle essentiel (Vygotski, 1997). Dès lors, parler d’interaction avec les objets, c’est
mettre en place un anthropomorphisme qui donne un statut et une nature humaine
aux objets. Du moins, un statut et une nature équivalente qui conduisent aujourd’hui à
amalgamer la pensée humaine à celle de la machine et donc à interagir avec les objets
et non pas seulement les utiliser.
12 Une deuxième partie du problème (ou corollaire du premier point) réside dans
l’intentionnalité donnée aux objets qui de fait, pourrait leur donner une nature
communicationnelle liée à l’efficacité d’un langage formel (de computation) qui se
passerait des règles de conversation. Toutefois, si un système formel peut construire
une réalité à l’aide des systèmes de signes, en intégrant un certain nombre de principes
permettant l'échange et un certain nombre de règles le gérant (Ghiglione, 1986), deux
systèmes cognitifs qui partagent ces mêmes règles formelles, mais non les règles de
conversation ne pourront pas communiquer (Hymes, 1991).
13 Le troisième problème réside dans l’amalgame qui est fait entre : la structure et les
attributs qui représentent les caractéristiques descriptibles de l’objet, et la fonction et
ses méthodes qui donnent les traits généraux de son usage (Agostinelli et Riccio, à
paraître). Cet amalgame trouve sa source dans la possibilité d’établir un rapport direct
entre structure (ou forme) et fonction. Le principe de forme qui suit la fonction est
associé au design industriel. La forme d’un objet devrait principalement se rapporter à
sa fonction ou but prévu, car l’utilisateur élabore l’image du fonctionnement de l’objet
par l’intermédiaire d’un modèle conceptuel qui se construit à partir des aspects
visibles : affordances, associations et contraintes (Norman, 1993). Le design centré
utilisateur en est un parfait exemple, il se base sur les deux principes fondamentaux
suivants : fournir un bon modèle conceptuel qui explicite le fonctionnement d’un objet,
et rendre ces fonctionnements visibles (Norman, 1993). Dès lors, la nature de l’objet
technique est d’être un moyen utilisé pour une fin. C’est une perspective
anthropocentrique instrumentale stricte, car l’homme est à l’origine, et à la fin du
processus, comme le sujet exclusif de l’action. La fonction est amalgamée à un
fonctionnement et l’objet ne peut agir que dans les limites de sa fonction,
préalablement projetée par l’homme qui ne partage jamais son statut de sujet avec
l’objet. Même lorsqu’on reconnaît à la cognition distribuée (Hutchins, 2001) une forme
de partage de connaissances, l’objet reste un appui externe dépourvu de capacités
cognitives. Ce qui nous conduit au quatrième problème, celui de la nature de la
cognition attribuable à ces objets.

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14 Le problème est ici lié à la difficulté de définir ce qu’est une connaissance. Doit-on la
définir comme une représentation formelle d’un système conceptuel et ses effets
structurants, propagation de représentations à travers divers médias coordonnés par
un sujet humain (Hutchins, 1995) ; ou bien nous appuyer sur la notion de connaissance
actionnable issue du concept de rationalité limitée qui postule que l’acteur en situation
possède une capacité limitée à formuler et résoudre des problèmes complexes (Simon,
1976). Ces approximations sont suffisantes pour fournir des indications sur la
compréhension d’un processus sans substance et partiellement opératoire du
comportement humain (Agostinelli, 2012) qui conduisent à penser que la cognition n'a
rien à voir avec l’esprit ni avec les individus, mais avec le travail en groupe, au sein
d'une culture, avec de nombreux artefacts et qui pourrait avoir internalisé certaines
parties du processus (Hutchins, 1995). Le système de pertinence de l’acteur, même s’il
est strictement personnel, est un construit basé sur une culture partagée et des
apprentissages (Schutz, 1987). Les artefacts opèrent alors une distribution de
l’intelligence et nos capacités cognitives proviennent de notre aptitude à inventer des
appuis externes. Chaque artefact propose son utilisation à l'utilisateur comme un
problème cognitif différent nécessitant un ensemble différent de capacités cognitives
ou une organisation différente du même ensemble de capacités (Norman, 1993). Ceci est
particulièrement vrai en situation d’urgence où l’individu, en s’appuyant sur des
connaissances actionnables et dans un contexte de rationalité nécessairement limitée
(Simon, 1976), doit prendre une décision qui peut être vitale (Klein, 2004). Dès lors, les
connaissances sont invisibles au regard, c’est-à-dire qu’il faut, pour supposer les
reconnaître avec précision, comprendre des modes d’utilisation qui ne se laissent
déduire, ni de l’artefact lui-même ni des a priori (ou hypothèses) que nous pouvons
avoir de son utilisation. La connaissance n’est donc pas ici une propriété (un attribut)
de l’artefact, c’est au mieux une catégorie d’utilisations possibles. L’artefact ne peut
donc pas être défini par les connaissances qu’il supporte, mais par sa capacité à être
utilisé par l’homme à la demande. Les connaissances sont alors réduites à un
fonctionnement qui occulte la fonction inscrite dans le modèle conceptuel et
l'organisation des connaissances dans sa dualité structurelle comme produit
d'interactions et contraintes sur ces interactions. En fait, plus on pense faciliter
l’utilisation en désignant par connaissance à la fois ce qui se trouve dans la tête des
individus et ce qui se trouve dans le monde (Norman, 2013, 75) plus on perd la série
initiale de gestes conservée de génération en génération par les modèles et
l’expérience. Rien d’étonnant que ces outils aient perdu leur fonction de lien entre les
hommes sur la durée.
15 La difficulté de solutions à ces problèmes réside dans la volonté de donner une
interprétation acceptable par tous aux positions que les objets occupent dans l’espace
social. Dès lors, on réduit les concepts aux modèles fonctionnels en amalgamant
fonction et fonctionnement ce qui provoque un déséquilibre entre les connaissances et
l’expérience. L’expérience fondée sur l’utilité de l’objet devient prioritaire pour définir
les artefacts par des mesures physiques et des dimensions quantifiables. C’est
finalement une approche surprenante, car in fine, le social reconnaît la nature
matérielle des objets selon leurs propriétés qui permettent d’en saisir les mécanismes
selon des lois mathématiques et algorithmiques. Les artefacts sont alors envisagés
comme des entrepôts de connaissances (Norman, 1993 ; Hutchins, 1995) utilisables par
l’homme à la demande, mais dépourvus d’esprit.

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16 Rien d’étonnant, car si le fonctionnement est l’essentiel alors seules les fonctions
remplies par un système traitant l'information ont de l'importance, et sa nature
physique n'est pas essentielle. Rien d’étonnant, mais surprenant lorsque l’on sait que
notre intelligence est limitée à la fois par la structure de notre cerveau (nombre de
neurones, de connexion, poids…), mais aussi par nos rapports avec le langage.
17 Ces différents problèmes ont souvent été négligés et donnent probablement naissance
aux craintes que les technologies relient la nature mécanique des systèmes organiques
régis par des lois propres comme la fonction productive et la fonction auto-créatrice,
aux capacités opératoires des connaissances (Agostinelli, 2012) comme l’attention, la
mémoire, la manipulation de symboles, l'adaptation à des situations nouvelles, le choix
d’une réponse personnelle à chaque problème rencontré… Or, les objets révèlent
particulièrement ces capacités de l’intelligence humaine à travers leur cristallisation en
structures matérielles qui fonctionnent (Simondon, 1989). Le problème n’est donc pas
de savoir si les objets peuvent avoir une intentionnalité propre et indépendante de
l’homme, mais quelle part de notre intelligence nous sommes prêts à leur déléguer.
18 En fait, prenons pour exemple le troisième résumé de notre article. Il aurait été
beaucoup plus facile pour nous, Italiens d’origine, de proposer pour cet article ce
troisième résumé dans cette langue. Mais pour la démonstration, nous l’avons proposé
en gallois, une langue que nous ne maîtrisons pas du tout (de près ou de loin) afin de
montrer qu’il est peut-être possible de faire confiance à l’intelligence de la machine ou
à tout le moins au traducteur automatique du français vers le gallois. Nous reviendrons
sur ce résumé en conclusion et nous invitons les Gallois qui lisent cette contribution à
nous faire part de leur possible désarroi à la lecture du résumé, et probablement au-
delà du texte complet.

Statut et nature des artefacts


19 Statut et nature sont essentiellement un problème de rapport au monde et
particulièrement de rapport à nos connaissances et à la façon dont nous les organisons.
En d’autres termes, pour nous chercheurs, c’est à la fois un problème disciplinaire et un
problème de temporalité (Moscovici, 1968). Tout au long de l’évolution humaine, des
formes particulières d’humanité ont laissé place à d’autres, mais ces évolutions sont
peu visibles à l’échelle humaine, car les hommes changent avec la nature, ils naissent et
meurent avec leur état nature. La nature se rapporte à la matière d’un point de vue
particulier (Moscovici, 1968, 33). Celle-ci désigne l’organisation matérielle, la totalité
des rapports concrétisée en une configuration qui aboutit à un ordre naturel et peut
varier dans le temps et dans l’espace. Les facultés et les actions déployées dans chacun
de ces états reproduisent et expriment totalement une intelligence, un comportement,
des besoins qui sont consubstantiels. Les pouvoirs matériels, qu’ils soient ou non
modifiés par la technique, font écho aux contraintes de cet état et sont institués de
manière à le soutenir et à le fortifier (Moscovici, 1968, 134).
20 Aujourd’hui, peut-être pouvons-nous dire que nous sommes à l’âge des artefacts
comme nous avons été à l’âge de pierre ou de bronze. Pour certains, comme Jeremy
Rifkin, nous serions avec le numérique en plein cœur d’une troisième révolution
industrielle. Le futur nous dira ce qu’il en est, mais, quoi qu’il en soit, les connaissances
et les actions que nous exerçons sur le monde comme dans les autres âges de
l’humanité reproduisent et expriment une forme d’intelligence et nos capacités,

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qu’elles soient ou non modifiées par la technique, font écho aux contraintes de la vision
de la nature que nous avons hic et nunc.
21 Le problème actuellement est de savoir quelle est la place de l’homme dans cette vision.
Dans notre culture académique forgée par les auteurs cités plus haut, le monde est bien
ordonné et ses divisions sont clairement établies. D’un côté les humains qui façonnent,
transforment et contrôlent toujours plus le monde matériel et la part physique dont ils
sont composés. De l’autre côté, les non-humains de toutes sortes et à toutes les échelles,
des organismes, des artefacts, des écosystèmes, des phénomènes physiques et
biologiques, indépendants en principe, mais toujours en attente du sens, du devenir et
des fonctions au moyen desquels les hommes sauraient leur donner une identité propre
(Descola, 2011).

De la série initiale de gestes à la fonction


22 À travers les âges, l’outil est le résultat d’une série initiale de gestes qui s’est conservée
et qui est constituée de correspondances d’actions caractérisant un domaine d’utilité.
Toutefois, au-delà de cet ensemble de gestes bien exécutés ou bien reproduits, les outils
sont des modèles formels pertinents qui décrivent les conditions précises dans
lesquelles doit se dérouler l’action. C’est-à-dire, qu’ils ont un double rôle à jouer : celui
de moyen pour l’analyse de l’action à venir, et celui de témoin pour rendre compte de
façon intelligible de ce qui est fait. Il s’agit donc, de modèles qui rendent compte de
l’expérience comprise par l’esprit et pas uniquement par les sens. Ici la nature de ces
outils prend alors une forme d’intelligence transmissive avec pour effet regrettable un
manque de compétence (ou d’intelligence) si l’outil est mal utilisé. En revanche, si des
outils interdépendants relient les hommes sur la durée, on peut inverser la position et
considérer que les modèles formels sont une forme particulière d’interprétation de la
relation d’action. Cette relation y est vue comme un court espace de temps pendant
lequel existe un état particulier. Un moment d’intelligence ou de compétence qui
apparaît dès lors comme la reconnaissance d’une nature de l’outil entendue comme les
propriétés, les méthodes et conditions des possibilités d’utilisation.
23 Ce point de vue donne : d’une part, une intelligence computationnelle ou logico-
algébrique à l’outil qui supporte les relations formelles et l’application des règles, des
systèmes de signes et de symboles ; d’autre part, il impose la nécessaire création d’une
relation persistante aux objets, mais aussi par corollaire, la reconnaissance du statut et
de la nature des objets qui définissent le domaine d’application et non sa fonction de
service rendu.
24 Le glissement de la relation persistante témoin du lien dans le temps vers la solution
technique comme réponse à un besoin trouve sa source dans l’analyse fonctionnelle de
la valeur (Miles, 1983). En effet, celle-ci nous pousse à considérer un objet technique
comme une solution au détriment de sa fonction, et elle néglige totalement son
fonctionnement. La solution définit l’ensemble des caractéristiques matérielles, alors
que la fonction de service (usage et appréciation) est définie par la performance à
atteindre. Le statut et la nature sont alors inscrits dans le cahier des charges qui répond
à un contexte technique, économique, humain, chaque fois différent et la fonction est
appréciée comme une disposition, comparable aux dispositions physiques telles que la
fragilité, la force ou la vitesse de marche ou le lever de poids. Or, cette conception des
fonctions n’est pas adaptée (Kroes, 2001) et peut même constituer un obstacle à la

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compréhension des artefacts. Les fonctions s'intègrent difficilement dans l’ontologie


des Sciences qui discute de ce qui existe et de ce qui n’existe pas. Du point de vue de la
Physique, les objets n'ont pas de fonctions, mais des propriétés intrinsèques
indépendamment de toute autre chose. Les fonctions sont extrinsèques, c'est-à-dire
qu’elles sont attribuées aux objets par les utilisateurs.

De l’utilité à l’utilitarisme, entre fonction et


fonctionnement
25 Généralement, les sciences dites de la Nature et les sciences Humaines ont des
domaines respectifs bien délimités par les modèles théoriques (description des
phénomènes observés vs explication des phénomènes étudiés), les méthodes d’études
(quantitatives vs qualitatives) et l’organisation de diffusion des connaissances (UFR
Sciences vs UFR Lettres, Arts …). Cette division renforce l’idée que l’homme est hors
Nature, mais surtout, elle rend très difficile la compréhension des relations entre les
phénomènes sociaux et/ou culturels et les phénomènes physiques ou matériels. Ces
relations sont principalement envisagées à partir des contraintes qu’induisent l’usage,
le contrôle et la transformation des ressources de l’environnement. Elles déterminent
notre rapport aux objets à partir de nos connaissances du moment et de la série initiale
de gestes qui fonde la pratique.
26 C’est d’ailleurs, ce rapport aux objets et l’analyse des comportements liés à l’utilisation
des objets qui a permis la naissance du design centré sur l’utilisateur avec pour objectif
de créer des objets simples et faciles à comprendre (Norman, 2013). Lorsque nous
interagissons avec un produit, nous devons comprendre comment il fonctionne. Cela
signifie qu'il faut découvrir ce qu'il fait, comment il fonctionne et quelles sont les
opérations possibles (ibid., 10). Comme le précise Norman, un modèle conceptuel est
une explication, généralement très simplifiée, de la façon dont les choses fonctionnent.
Le modèle n’a pas besoin d’être complet et même adapté aussi longtemps qu’il est utile.
Les fichiers, répertoires et icônes que vous voyez sur l‘écran de votre ordinateur créent
un modèle conceptuel des documents et répertoires, mais en fait il n’y a pas de
véritables répertoires à l’intérieur de l’ordinateur… c’est une conceptualisation
imaginée pour en faciliter l’utilisation (ibid., 25).
27 Dans le même esprit, nous pouvons parler de la couleur des objets ou de leur
composition. En termes de couleur, l’étude de la population des Danis en Nouvelle
Guinée (Rosch, 1975) portait sur les catégories de couleurs et de formes chez les
indigènes. Les Danis présentent la particularité de n’utiliser que deux noms pour
désigner l’ensemble des couleurs : mola pour les nuances brillantes et chaudes, et mili
pour les nuances froides et sombres. Dans une première expérimentation, Eleanor
Rosch présente aux Danis 40 pièces de couleur (4 niveaux de brillance et 10 niveaux de
teinte), et leur demande de nommer les pièces. Il faut préciser qu’à cette époque de
nombreux chercheurs considéraient que la séparation entre couleurs était
l’aboutissement d’un processus culturel traduit sous une forme linguistique. A chaque
extrémité du spectre des couleurs, les Danis étaient d’accord entre eux, et le consensus
n’était pas complet concernant les couleurs intermédiaires. Dans une deuxième
expérimentation, Rosch présente à chaque individu une pièce, lui demande de
patienter dans l’obscurité, puis de retrouver cette pièce parmi l’ensemble des pièces
disponibles. Les résultats sont particulièrement étonnants : les Danis reconnaissent les

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couleurs d’une façon très semblable à celle des Occidentaux. En fait,« l'ironie fascinante
de cette recherche est qu'elle a commencé dans un esprit de fort relativisme et de
déterminisme linguistique et qu'elle est maintenant arrivée à une position
d'universalisme culturel et d'insignifiance linguistique. » (Brown, 1975, 152).
Finalement, on peut avancer que la façon dont l’individu se remémore les couleurs est
plus physiologique que culturelle : les mots permettent de qualifier avant tout un « déjà
là » (Riccio et Mahé, 2006).
28 En termes de composition : parler de composition ou de matière nous permet de
rebondir sur la notion d’innovation. En effet l’innovation n’est pas qu’une affaire de
technique, un objet n’est innovant que lorsque, en tant que signes, il occupe une place
visible, sensible, positive et inattendue dans le champ des valeurs (Fontanille, 1998). Cet
auteur prend comme exemples les emballages réalisés en maïs soufflé ou le carton en
fibres de courgettes. Bien entendu l’innovation sera ici perçue de façon très différente :
si l’on est un consommateur avant tout intéressé par le contenu de l’emballage, un
agriculteur qui perçoit ici une possibilité de valorisation des coproduits ou un
spécialiste du développement durable. Dans tous les cas et à bien y réfléchir,
l’innovation est bien une affaire de perception.

Conclusion
29 Lorsque nous étions étudiants, l’IA était avant tout caractérisée par les travaux sur les
systèmes à base de connaissance et in fine les systèmes experts. Aujourd’hui l’IA est un
label à la mode et dès lors qu’il y a la moindre opération réalisée par un processeur cela
devient de l’IA.
30 Aussi nous avons décidé de traduire une nouvelle fois le résumé de cet article que le
lecteur a trouvé en première page à l’aide d’un outil de traduction automatique, cette
fois du gallois au français. Le lecteur trouvera ci-dessous les termes qui ont changé en
gras et leur formulation originale en italique entre parenthèses.
31 Mots-clés : fantaisie clé (fantasme), ignorance (méconnaissance), unification
(amalgame)
32 Que peut-on en dire, la traduction est exacte, mais difficile de dire aujourd’hui que l’on
ne connaît pas l’I.A, la seule interprétation possible relève d’une possible
incompréhension. Unifier, c’est rendre (un ensemble) homogène, donner de la
cohérence à… ce qui n’est pas le cas ici, car l’amalgame est un mélange disparate de
choses ou de connaissances très différentes.
33 Résumé : Seul un manque de connaissances sur (une méconnaissance de)
l'épistémologie des techniques peut suggérer (laisser à penser) que les objets
intelligents issus de l'intelligence artificielle (IA) sont déconnectés (décorrélés) des
dimensions sociales et négligent les facteurs humains.
34 On ne revient pas sur la méconnaissance en revanche, si déconnecté s’applique bien
pour interrompre une liaison entre des objets on perd le rapport entre deux
phénomènes qui varient simultanément en fonction l’un de l’autre parce qu’il existe un
lien de causalité direct entre eux ou qu’ils ont une cause commune.
35 Résumé (suite) : Nous expliquons dans cette contribution comment les sciences
humaines et sociales (SHS) ont détourné (dévoyé) l'utilité des techniques vers l’(en un)
utilitarisme technologique qui éloigne l'homme des outils.

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12

36 Détourner indique une orientation différente de celle donnée initialement (même si


l’arrivée est la même ). Avec dévoyer on introduire une notion d’altération en
détournant de son but premier. Détourné ne permet pas de comprendre la différence
entre « utilité » et « utilitarisme ». Oui, on peut détourner des usages pour adapter
l’utilité des techniques, mais transformer cette utilité en principe et en norme de
toutes les valeurs est un conséquentialisme. Ce sont les conséquences heureuses des
outils qui déterminent leur valeur morale.
37 Résumé (suite) : Cette situation (position) est paradoxale lorsque l'on espère dériver
notre rapport aux principes (tirer de notre relation aux objets techniques des
principes), (de) comportements ou bonnes pratiques des objets techniques (de bons
usages), qui vont sous-tendre ou guider (serviront de fondement ou de guide à) la
créativité et l'innovation.
38 Force est de constater que la double traduction automatique (du français au gallois,
puis du gallois au français) réalisée par une machine sur la base de règles définie par
des spécialistes de la traduction donne in fine un résultat globalement assez cohérent,
mais dans le détail assez discutable.

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objets. In, L. Vierra, & A. Schott, (eds.). Les forces d’innovation de la subversion numérique.
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14

NOTES
1. Le 23 septembre 2020, Leader Alès et l’IMT Mines Alès ont reçu Luc Julia,
https://www.youtube.com/watch?v=QUb7hpUt2XA

RÉSUMÉS
Seule une méconnaissance de l’épistémologie des techniques peut laisser à penser que les objets
intelligents issus de l’Intelligence Artificielle (IA) sont décorrélés des dimensions sociales et
négligent les facteurs humains. Nous expliquons dans cette contribution comment les Sciences
humaines et sociales (SHS) ont dévoyé l’utilité des techniques en un utilitarisme technologique
qui éloigne l’homme des outils. Cette position est paradoxale lorsqu’on espère tirer de notre
relation aux objets techniques des principes, des comportements ou de bons usages, qui serviront
de fondement ou de guide à la créativité et aux innovations.

Only a lack of knowledge of the epistemology of techniques can suggest that intelligent objects
resulting in Artificial Intelligence (AI) are decorrelated from social dimensions and neglect
human factors. We explain in this contribution how the Humanities and Social Sciences (SHS)
have diverted the usefulness of techniques into a technological utilitarianism that distances man
from tools. This position is paradoxical when we hope to derive from our relationship to
technical objects principles, behaviors, or good practices, which will serve as a foundation or
guide to creativity and innovation.

INDEX
Mots-clés : Fantasme, méconnaissance, amalgame
Keywords : Fantasy, ignorance, amalgamation

AUTEURS
SERGE AGOSTINELLI
Université des Antilles, LaMIA

PIERRE-MICHEL RICCIO
IMT Mines-Ales,LSR

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Virtual Community Digital Learning


Nusantara
In online learning during pandemic period
Apprentissage numérique de la communauté virtuelle Nusantara.Utilisation
dans l'enseignement de cours en ligne pendant la période de pandémie

Deni Darmawan, Dinn Wahyudin, Rizki Gumilar, Ghaliya Azhar Prameswara,


Ateng Ali Hasyim and Deni

EDITOR'S NOTE
Penggunaan virtual community digital learning (vcdln) dalam pembelajaran online selama
pandemi
Kata kunci: Covid-19, Kursus online, VCDLN-TVUPI, Multiflatform.

1 Pada tanggal 27 April 2020, sekitar 1,7 miliar siswa di Indonesia terkena dampak
pandemi. Kebijakan yang diambil oleh pemerintah Indonesia untuk proses pendidikan
bagi siswa yaitu menggunakan pembelajaran online. Penelitian ini bertujuan untuk
mengetahui sejauh mana VCDLN menjadi media pembelajaran yang mampu
menerapkan pembelajaran jarak jauh bagi para mahasiswanya yang berstatus sebagai
guru guru untuk menempuh pendidikan di Institut Pendidikan Indonesia (IPI). Sebagai
alasan kenapa menggunakan VCDLN, karena VCDLN merupakan model Virtual
Community Digital Learning Nusantara yang ditujukan untuk layanan pembelajaran jarak
jauh secara Blended, Mobile, mudah, murah, luas, dan jangkauannya luas ke seluruh
pelosok nusantara. Teknologi yang digunakan oleh VCDLN bersifat multi-platform,
seperti Android, IOS, Streaming, Live Campus Journalis, YouTube, dan TVUPI berbasis
Satelit. Metode penelitian yang digunakan dalam penelitian ini adalah metode survey
dengan menggunakan Teknik pengumpulan data secara online melalui google form.
Sumber informasi mencakup guru-guru yang berstatus sebagai mahasiswa Pascasarjana
Magister Teknologi Pendidikan angkatan 16 dan 17 di Institut Pendidikan Indonesia
sebanyak 54 orang. Hasil pengolahan data menunjukkan bahwa pemanfaatkan VCDLN

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


16

sebagai platform untuk pembelajaran online, dinyatakan efektif dalam mendukung


pembelajaran yang dilakukan, yaitu sekitar 70%. Sisanya sekitar 30% menyatakan
kurang efektif. Dapat disimpulkan bahwa VCDLN dapat direkomendasikan efektif
dalam mendukung pembelajaran secara oleh di Institut Pendidikan Indonesia.

Introduction
2 The world is being plagued by coronavirus pandemic or covid-19 that is deadly and
crippling circles of society's activities. Covid has also changed the Education system
worldwide, leading to the closure of schools from elementary school to university. As of
April 27, 2020, approximately 1.7 billion students were affected by the pandemic. The
disease has spread in other provinces in China, Thailand, Japan, and South Korea in less
than a month. The samples studied showed the aetiology of the new coronavirus.
Initially, the disease was named the 2019 novel coronavirus (2019- nCoV), then
announced as Coronavirus Disease (COVID-19) on February 11, 2020. Coronavirus
Disease (COVID-19) caused by the Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus-2
virus (SARS-CoV-2). The virus can be transmitted from human to human and has
spread widely.
3 Covid is a mild to severe diseases, such as common cold and severe diseases like MERS
and SARS. The transmission is high-speed and spreading worldwide, and the covid-19
pandemic cannot be controlled as soon as possible. So, it requires proper management
from both the government and the public. One of the important actions taken by the
public now is to stay at home to stop the spreading of covid by conducting lockdown
and social distancing (Supriatna, 2020).
4 Gewin (2020) stated that many universities have postponed or cancelled campus events,
seminars, conferences, sports competitions, and other activities. The pandemic affects
about 98.5% of the world's student population (UNESCO, 2020). Many countries,
including Indonesia, must introduce policies by disbursing all educational activities,
making the government and related institutions present alternative educational
processes for students and students who cannot carry out the educational process at
educational institutions (Purwanto et al., 2020).
5 By avoiding all kinds of gatherings to prevent the COVID-19 transmission, all activities
such as teaching and learning activities in schools and universities must be conducted
at home while online to prevent the spread of COVID-19. The previous statement is one
of the government's policies as a necessary measure to maintain a relatively safe
condition for both students and teachers.
6 In conducting online learning, some particular media are needed to smooth the
learning process in school or university. In most universities, various ways are used for
learning online. They use existing media such as google classroom, google meet,
WhatsApp, zoom meeting, even YouTube. VCDLN existed to facilitate teachers by
providing teaching materials needed for every subject that can be used in the form of
learning videos. This platform is free and can be accessed by everyone who has been a
member of this community.
7 This research aims to determine how far VCDLN, as a learning medium, in the social
distancing period for students who study at Indonesian Education Institute (IPI), affects
their teaching method. In this online learning activity, we can find out how many

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17

teachers use this platform. Two theories can review the learning activities: first, the
behavioristic theory emphasizes the formation of behaviours seen from the learning
process results (Salamah et al., 2021). Second, the theory of scholarly communication is
also a cornerstone in this study. Because in the learning process, there will be a
communication process. In this study, whether the utilization of the VCDLN platform
by the Universitas Pendidikan Indonesia (UPI) is considered good enough in delivering
the materials to the students. The benefit is to know the impact and response of every
student who undergoes their study at the Indonesian Institute of Education (IPI)
towards distance learning using the VCDLN platform.

Research Methodology
8 This research was conducted in 2021. the research method is the qualitative research
method. Based on the Research Design Module (2019) published by Ministry of
Educational Research and Technology qualitative research can be defined as a research
procedure that utilizes descriptive data in the form of written or spoken words from
people and actors that can be observed. Qualitative research is conducted to explain
and analyze phenomena, events, social dynamics, belief attitudes, and perceptions of a
person or group towards something. Thus, the qualitative research process begins by
drawing up basic assumptions and thinking rules that will be used. The data collected
in the research is then interpreted. (Raco, 2018).
9 The data collecting technique used google form. Google form is used because it is faster
and wider to spread the questionnaire to the subject; on the other hand, it is impossible
to conduct the interview directly because of this social distancing policy. The research
subjects were Educational Technology Program Class 16 and 17 post-graduate students
of the Indonesian Institute of Education Garut domiciled in garut, Tasik, and Bandung.
This research was conducted to determine how far VCDLN, as a learning medium, in the
social distancing period for students studying at Indonesian Education Institute (IPI),
affects their teaching method. The research design was conducted through several
stages; (1) making some questions that were asked to students through a google form,
(2) disseminated questions online through social media in the form of WhatsApp, (3)
collected and filtered data that students had filled in for later analysis.
10 Data analysis techniques in this research used descriptive qualitative analysis
techniques. This research process was conducted by coding and categorizing data on
the phenomenon of VCDLN platform usage by Post-Graduate students of Education
Technology Class 16 and 17 IPI Garut on distance learning during the COVID-19
pandemic. In the data analysis, the research used grounded theory, starting with the
open coding process in which (1) identify the phenomenon of VCDLN platform usage by
Post-Graduate students of Education Technology Class 16 and 17 IPI Garut in Garut,
Tasik, and Bandung during on distance learning during the COVID-19 pandemic, (2)
through categorization and decomposition of symptoms contained in the interview
results through google form and WhatsApp.
11 Then after the open coding stage, followed by the axial coding stage, which at the axial
coding stage brings together various categories of research in the form of
arrangements and this is a combination of inductive and deductive ways of thinking to
respond to the phenomenon of VCDLN platform usage by Post-Graduate students of
Education Technology Class 16 and 17 IPI Garut on distance learning during the

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18

COVID-19 pandemic. And the last step that the research conducted was selective
coding. Selective coding aims to select core categorizations and connect other
categories to VCDLN platform usage by Post-Graduate students of Education
Technology Class 16 and 17 IPI Garut on distance learning during the COVID-19
pandemic.

Results and Discussion


12 This research was conducted on 54 students of classes 16 and 17 of IPI Post-graduate
program (Institut Pendidikan Indonesia). The research was titled "VCDLN (Virtual
Community Digital Learning Nusantara) in Online learning During Pandemic Period"
Data retrieval was used in this study using interviews and observations in online classes
through Zoom Meeting.

Table 1

Number of Respondents

No Year Number of Students

1 16 25

2 17 29

Total 54

13 Learning activities usually conducted conventionally in the classroom changed by the


Covid-19 Pandemic; now, learning can be conducted online, using the internet, and
through various existing platforms. The learning activities are variously carried out by
schools depending on their respective policies. The learning activities conducted
during the pandemic utilized several platforms. Among the class of 16 th and 17th, almost
all of the courses they teach used videos from the VCDLN platform. Out of 54 post-
graduate students, they have used VCDLN as a platform to teach their pupils during
online learning. So, it can be concluded that all respondents are a group of the same
character (they have used VCDLN as a platform to teach).
14 Based on the observations, before starting the online course through Zoom Meeting,
the class leader and teachers prepared a link to carry out the learning, then shared it
with the other students so that they could prepare before starting the lesson. There
was usually a predetermined schedule for each lesson so that students were not left
behind in attending the lesson. Then during the lesson period through Zoom Meeting,
students participated in the learning process enthusiastically, and some of them
seemed interested when the teacher shared a learning video from the VCDLN platform.
Students asked opinions and questions during the lesson. This phenomenon was seen in
various meetings; even in group discussions or presentations, students were more
active in discussing and expressing opinions. So, it can be concluded that the learning
videos from the VCDLN platform were quite adequate for teaching in online classes

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19

because the teaching activities that were usually conducted conventionally in the
classroom can be represented by using learning videos.
15 The results obtained in this study were based on interview questions conducted online
on Post-graduate program students of classes 16 and 17 of IPI (Institute Pendidikan
Indonesia) as follows.

Table 2

Student Opinion on The Effectiveness of the VCDLN platform

No Student Opinion percentage

1 effective 70%

2 Ineffective 30%

Total 100 %

16 Based on Table 2 shows that 70% of students of Post-graduate program students of


classes 16 and 17 thought that the use of learning videos from the VCDLN platform is
effective for online teaching activities. The results showed that the use of learning
videos from the VCDLN platform is quite effective in learning, namely:
17 It can be accessed easily
18 Presentation of the material is delivered well
19 Teachers can present the lesson material in a way that more interesting to their
students
20 Learning activities conducted online at home or other places require several
supporting tools, such as smartphones or personal computers. Being able to access the
VCDLN platform certainly requires an internet network. However, some students who
attend the lesson have difficulties in this matter, and they believe that the use of
learning videos from the VCDLN platform is considered less effective due to several
factors, namely:
21 Inadequate gadgets
22 Internet network that was sometimes unstable, so it became a nuisance to follow some
of the material that has been delivered
23 In some classes that require hands-on practice became elusive.
24 Lessons conducted online, facilitated by VCDLN platform are concidered to be effective
during the Covid-19 Pandemic, but students prefer to go to the school face-to-face,
attending the class conventionally because it is more effective than online. But because
of the current situation, it is recommended to study at home, making the VCDLN
platform one of the alternatives in delivering lesson materials during online classes.
Although there are various platforms or other applications that support learning
activities, the VCDLN platform is valuable and helpful in delivering lesson materials.

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20

Conclussion
25 It can be concluded that the VCDLN platform can be used during the social distancing
period that requires students to study online. Some of the subjects delivered using
learning videos are considered less effective, especially for courses that require direct
practice; there are often network or internet signal disturbances for students who do
not use Wi-Fi that will later impact the quality of learning they receive. But the
advantages of using learning videos from the VCDLN platform are considered practical
and efficient for teachers because using it makes the lessons delivered to the students
from the teachers more interesting than delivering the materials conventionally by
verbal or only textbook.
26 Although the VCDLN platform is considered less effective for some cases, on the other
hand, the learning videos that this platform offers are considered to be more efficient
and practical for students; therefore, the VCDLN platform is expected to help teachers
and students in terms of online-based learning. Hopefully, teachers students can make
the most of this platform.
27 Hence, the teachers and their students must understand each other in distance and
online learning during the COVID-19 pandemic to create a synergy that leads to an
ideal online course where a quality learning process can be achieved. Although
COVID-19 Pandemic has made millions of people experience hard times, this
phenomenon is a step of encouragement to every Educational Institution in utilizing
technology-based learning and is also a step towards the industrial revolution 4.0.

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21

ABSTRACTS
As of April 27, 2020, approximately 1.7 billion students were affected by the pandemic. Policies
taken by Indonesia were disbursing all educational activities, making the government and
related institutions present alternative educational processes for students by conducting online
learning. This research aims to determine how far VCDLN is a learning medium in social
distancing for teachers who study at Institut Pendidikan Indonesia (IPI). VCDLN is a Virtual
Community Digital Learning Network to confirm the design for distance, Blended, and Mobile
learning services that are easy, cheap, broad, and anchor to all corners of the archipelago
through multi-platform mobile telecommunications, such as Android, IOS, Streaming, LCJ,
YouTube, and TVUPI. Satellite. The research method is the qualitative research method. The data
collecting technique used google form. The research subjects were teachers from post-graduate
students of Educational Technology Program Class 16 and 17 at Institut Pendidikan Indonesia.
Out of 54 students, they have taken advantage of VCDLN as a platform to teach during online
learning. The data showed that 70% of the respondents thought that VCDLN is effective for online
course activities. The results showed that the VCDLN platform is quite effective in learning;
however, some participants believe that using the VCDLN platform is considered less effective
due to several factors. Although VCDLN is considered less effective in some cases, this platform is
considered more efficient and practical for students.

Au 27 avril 2020, environ 1,7 milliard d'élèves étaient touchés par la pandémie. Les politiques
prises par l'Indonésie bouleversaient toutes les activités éducatives, obligeant le gouvernement
et les institutions connexes à présenter des processus éducatifs alternatifs aux étudiants en
organisant un apprentissage en ligne. Cette recherche vise à déterminer dans quelle mesure le
VCDLN est un moyen d'apprentissage de la distanciation sociale pour les étudiants de l'Institut
Pendidikan Indonesia (IPI). En effet, VCDLN est un réseau d'apprentissage numérique
communautaire virtuel chargé de valider les dispositifs d'apprentissage en ligne, hybrides et
mobiles, faciles d'utilisation, bon marché, larges et accessibles dans l'ensemble de l'archipel
grâce aux télécommunications mobiles multiplateformes, telles qu'Android, IOS, Streaming, LCJ,
YouTube et TVUPI Satellite. L'étude est basée sur la méthode de recherche qualitative. La
technique de collecte de données s'est faite par le biais d'un formulaire Google. Les sujets de
recherche étaient des étudiants de troisième cycle des classes 16 et 17 du programme de
technologie éducative de l'Institut Pendidikan Indonesia. Les 54 étudiants concernés ont profité
du VCDLN comme plateforme pour enseigner pendant l'apprentissage en ligne. Les données ont
montré que 70 % des répondants pensaient que le VCDLN est efficace pour les activités de cours
en ligne. Les résultats ont montré que la plateforme VCDLN est assez efficace dans
l'apprentissage ; cependant, certains participants croient que l'utilisation de la plateforme
VCDLN est considérée comme moins efficace en raison de plusieurs facteurs. Bien que VCDLN soit
considéré comme moins efficace dans certains cas, cette plateforme est considérée comme plus
efficace et pratique pour les étudiants.

INDEX
Mots-clés: Covid-19, Cours en ligne, VCDLN-TVUPI, Multiplateforme
Keywords: Covid-19, Online learning, VCDLN-TVUPI, Multiflatform.

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22

AUTHORS
DENI DARMAWAN
Educational Technology and Communication Science Department, Universitas Pendidikan
Indonesia

DINN WAHYUDIN
Educational Technology and Communication Science Department, Universitas Pendidikan
Indonesia

RIZKI GUMILAR
Student Magister of Educational Technology Departmenet, Pendidikan Institut, Indonesia

GHALIYA AZHAR PRAMESWARA


Student Magister of Educational Technology Departmenet, Pendidikan Institut, Indonesia

ATENG ALI HASYIM


Student Magister of Educational Technology Departmenet, Pendidikan Institut, Indonesia

DENI
Student Magister of Educational Technology Departmenet, Pendidikan Institut, Indonesia

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23

L’IA au prisme de l’altérité en


Afrique
AI through the prism of otherness in Africa
KI durch das prisma der anderheit in Afrika

Tiasvi Yao Raoul AGBAVON

1 Ce n’est pas une incongruité d’affirmer que l’Afrique compte la grande majorité des
pays sous-développés. Une telle situation va de pair avec un développement
technoscientifique quasi inexistant. Toutefois, ceux-ci ne restent pas en marge des
progrès technologiques qui sont en cours dans le monde. De fait, « les nouvelles
technologies et l’intelligence augmentée vont avoir un impact très important dans les pays en
voie de développement. L’accessibilité à des dispositifs innovants et abordables, ainsi que
l’évolution des moyens de communication, vont transformer ces pays. Les téléphones mobiles ont
déjà un impact important en Afrique » (Julia, 116). Cette approche de l’IA par Luc Julia
montre clairement que celle-ci aura un impact considérable sur les sociétés africaines,
que la téléphonie mobile a fortement imprégnées. Cette invasion des téléphones
mobiles sur le continent démontre la pénétration assez rapide des produits de la
technologie qui ne saurait laisser les sociétés africaines sans transformations plus ou
moins profondes. Il va sans dire que les modèles de représentation de l’espace social et
de l’altérité ne sauraient rester inchangés face aux technologies qui ont un impact
considérable sur le quotidien des Africains.
2 Les nouvelles technologies, notamment les smartphones qui pullulent sur l’espace
africain, embarquent considérablement l’intelligence artificielle. Il semble alors que
celle-ci aura des impacts majeurs sur les sociétés africaines qui ont déjà intégré la
téléphonie mobile et les solutions du numérique. Si l’espace social et l’altérité en
Afrique ne peuvent se définir de la même manière qu’avant l’arrivée de la téléphonie
mobile, encore moins seraient-ils configurés de la même manière avec l’invasion des
technologies numériques et celles dites intelligentes. La question de leur configuration
au prisme du numérique et surtout de l’IA ne pourrait être fortuite et ne devrait pas
être passée sous silence, si tant est qu’il soit question du développement de l’Afrique
qui ne saurait se départir de ces outils. Dès lors, comment le numérique et l’IA

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


24

pourraient-ils reconfigurer davantage l’altérité et l’espace social africain ? Une telle


question n’implique-t-elle pas d’appréhender la conception de l’altérité et l’espace
social en contexte africain un tant soit peu avant ces technologies numériques et face à
celles-ci ?
3 L’objet de cette contribution est de montrer comment l’IA pourrait reconfigurer, aussi
bien positivement que négativement, l’altérité et l’espace social africain. De manière
subséquente, il est question d’identifier ce qu’est l’IA et comment elle se donne
aujourd’hui avec le numérique par la téléphonie mobile (notamment les smartphones)
en Afrique. À partir d’une approche épistémologique et d’une démarche analytique,
l’argumentation sera ternaire. Dans le premier axe, il sera question de mettre en
évidence l’invasion des technologies numériques et leurs corollaires en Afrique. Le
deuxième axe aura pour tâche de démontrer le lien viscéral entre le numérique et l’IA
en Afrique (surtout les pays en voie de développement) par l’expérience des
applications mobiles et l’utilisation des smartphones soumis au développement de la
société digitale. Enfin, dans le troisième axe, il sera question de justifier comment l’IA
pourrait reconfigurer profondément l’altérité et l’espace social africain, afin de
proposer des moyens par lesquels les Africains devraient s’approprier l’IA en
connaissance de cause.

L’Afrique face aux technologies numériques et leurs


incidences sur l’espace et les liaisons sociaux
4 Si l’Afrique est le continent qui compte le plus de pays en voie de développement,
mieux sous-développés, n’empêche qu’il n’est pas fermé aux produits de la technologie
issus des pays les plus développés. Par exemple, « en 2012, le continent africain comptait
plus de 200 opérateurs de téléphonie mobile. En quelques années, les pays africains ont atteint
des taux d’équipement en téléphone mobile qui surpassent les 50% » (Frère, 151). Cette
situation exprime à quel point les téléphones mobiles gagnent du terrain en Afrique. Ce
n’est pas tant une si grande révolution numérique, mais cela préconfigure cette
dernière. En termes de rapprochement spatio-temporel, il convient d’admettre que les
communications téléphoniques permettent des liaisons sociales qui, autrefois, étaient
presque impossibles.
5 Dans la société traditionnelle africaine, notamment subsaharienne, « la vie véritable n’est
pas celle de l’individu, mais celle du groupement : grande famille, clan ou ethnie. La destinée
individuelle repose sur le salut collectif » (Bruyas, 25). Cette conception de la vie fait
dépendre de l’autre toute réalisation individuelle. L’individu ne saurait être pensé
comme tel qu’en fonction de la communauté, donc de l’autre. À cet effet, l’altérité a une
importance capitale dans la société traditionnelle africaine et elle est solidaire de la
territorialité. À la vérité,
6 « il y a dans la Culture africaine en général un rapport de communion du « nous » au « je » et du
« je » au « nous », c’est-à-dire un rapport de communion entre chaque personne et la société, et
vice versa. (…) En réalité le « nous » africain développe une proximité à l’autre et engendre une
« culture » accentuée de sentiment. » (Kita, 46).
7 Au fond, le rapport communautaire exige une présence des membres de la
communauté sur un territoire bien circonscrit. C’est dans un tel contexte que se
construisaient les liaisons sociales en Afrique. Ainsi, au-delà de la famille et du clan, les

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25

liaisons sociales traditionnelles étaient essentiellement liées à la proximité,


dépendantes d’un contexte spatio-temporel reposant sur des territoires bien délimités.
Partant de là, même après l’époque coloniale, en Afrique, « on constate un renforcement et
une redéfinition de réseaux sociaux fondés sur des relations de réciprocité, réseaux qui ont un
fort ancrage territorial. » (Dulucq et Soubias, 114). À cette représentation que dépeignent
Dulucq et Soubias qui traduit le fondement territorial comme condition des réseaux
sociaux, s’ajoute la condition « du partage de valeurs communes » (Dulucq et Soubias, 114).
Pourtant, si la redéfinition des réseaux sociaux doit prendre en compte la dimension
spatiale et le partage de valeurs communes, l’espace où se partagent ces valeurs
communes est fondamental.
8 Avec la technologie téléphonique, l’espace semble être, à la fois, plus étendu et réduit.
Dès lors, en considérant que cet espace peut se donner d’une manière virtuelle par les
technologies de la téléphonie mobile, il faut en déduire une incidence de cette dernière
sur les configurations spatiales africaines, aussi subtiles soient-elles. De la sorte,
l’expansion du numérique sur le continent africain peut aussi avoir des répercussions
sur les liaisons sociales et l’espace social.
9 Selon Téné :
10 « La ruée vers la téléphonie mobile et l’internet, et depuis peu l’implantation de la fibre optique
dans une perspective d’amélioration de l’accessibilité et de l’utilisation des technologies de
l’information et de la communication, constituent des avancées très significatives et montrent
combien l’Afrique est déterminée à ne pas rester définitivement en marge du développement. »
(Téné, 63).
11 En tout état de cause, cette analyse illustre bien le processus par lequel, de la
téléphonie mobile et internet, l’Afrique avance inexorablement vers le numérique par
l’utilisation et l’accès aux technologies numériques. Si dans les « sociétés industrialisées,
on ne peut pas vivre « sans voiture », tout comme on ne peut plus vivre « sans numérique » »
(Vidalenc, 7), cette nécessité du numérique ne laisse pas en marge les sociétés
africaines, dont plusieurs sont moins industrialisées.
12 Le numérique implique « des pratiques qui changent nombre de nos habitudes et
comportements » (Vidalenc, 23), avec l’émergence de l’espace virtuel. Dès lors, il semble
convenable de parler d’un cyberespace africain, ce qui induit une redéfinition des
liaisons sociales et de l’espace en Afrique. D’une manière ou d’une autre, le cyberespace
dépend d’un environnement technologique, qu’il soit important ou moins. C’est en ce
sens que, soumis aux exigences d’un cadre technologique en général, il faut noter que :
« le cyberespace n’a cessé de croître, de s’étendre, dans un mouvement d’expansion que rien ne
semble devoir arrêter. Il a transformé le monde, au point d’accéder au statut de nouvel espace ou
nouvelle dimension, aux côtés de la terre, de la mer, de l’air et de l’espace. » (Ventre, 1). De
plus, il faut se rendre à l’évidence que « sur le plan politique et sociétal, les manifestations de
cette expansion se traduisent par un accès à Internet qui touche une population de plus en plus
grande, par des sociétés de plus en plus « numériques » » (Ventre, 1). Le fait que les sociétés
deviennent de plus en plus numériques est tel que les sociétés africaines ne sauraient
rester en marge, tant l’espace africain est envahi par les technologies numériques qui
tendent à en assurer la dimension virtuelle.
13 Face à l’envahissement des technologies numériques en Afrique impliquant un
cyberespace, l’espace social a plus que jamais besoin d’une redéfinition, les liens
sociaux aussi, d’autant plus que le numérique influence considérablement ces
dimensions de la vie sur le continent. L’espace social africain, c’est aussi un espace

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numérique ainsi que des liaisons ou une sociabilité numérique. En effet, il était estimé
qu’« En 2018, 75 % des foyers africains devraient être connectés à Internet via des technologies
mobiles et d’ici à 2020, 660 millions d’Africains devraient posséder un smartphone (soit un taux
de pénétration de près de 55 %) contre 336 millions en 2013 » (Michalowska, 2018). Dans cette
même optique, en citant Karim Koundi1, Michalowska (2018) rapporte ceci : « l’Afrique
est un continent de plus en plus équipé en technologies et de plus en plus connecté. Le
smartphone est devenu un équipement universel et les applications se multiplient ». C’est dire
que l’expansion des technologies numériques affecte considérablement le quotidien des
Africains par leurs usages et les applications qu’elles embarquent. Toutefois, vu que
« l’intelligence artificielle s’inscrit dans la continuité de l’informatique » (Soudoplatoff, 7) qui
est étroitement liée aux technologies numériques, notamment les smartphones, il
convient d’entrevoir une expansion de l’IA en Afrique à partir des smartphones et des
applications mobiles.

Applications mobiles et smartphones en Afrique :


l’expansion silencieuse de l’IA à partir des
technologies numériques
14 Il est vraisemblable de concevoir une distinction claire entre téléphonie mobile,
technologies numériques et l’IA. Cependant, ce serait manquer de percevoir,
aujourd’hui, le lien fondamental qui les unit en portant un regard univoque sur leurs
distinctions. Qu’est-ce que l’IA si ce n’est rien d’autre qu’une « série de formules
mathématiques donnant naissance à des algorithmes ayant des noms plus étranges les uns des
autres » (Vannieuwenhuyze, 27). Selon la définition de Marvin Minsky, l’IA est « une
science dont le but est de faire réaliser par une machine des tâches que l’Homme accomplit en
utilisant son intelligence. » (Vannieuwenhuyze, 28). Le lien entre ces deux définitions
réside en ce que la capacité d’une machine dite intelligente dépend entièrement
d’algorithmes élaborés en ce sens. Ainsi, dès qu’une technologie fonctionne à l’aide
d’algorithmes pour réaliser un certain nombre de tâches spécifiques à l’être l’humain et
même au-delà des capacités de celui-ci, nous sommes en présence d’une IA par le
truchement de cette technologie.
15 À la vérité l’IA est « inaudible, inodore et invisible. Les robots, les voitures autonomes ne sont
pas ce que l’on peut appeler des intelligences artificielles, ce sont des machines utilisant de cette
intelligence. » (Vannieuwenhuyze, 27). La distinction est claire entre une technologie
mécanique et une technologie équipée d’une IA. Toutefois, l’IA ne s’appréhende pas en
dehors des technologies qui fonctionnent avec elle, même si elle est une science qui a
un développement interne. De la sorte, il peut être dit des technologies mobiles et
numériques, notamment avec les smartphones, que même s’ils ne sont pas de
l’intelligence artificielle en soi, ils permettent le déploiement de celle-ci. À cet effet,
plus les technologies numériques équipées d’intelligence artificielle gagnent du terrain,
il convient d’entrevoir aussi une expansion de l’IA à travers celles-ci.
16 Un smartphone qui se définit comme un téléphone intelligent n’est pas une intelligence
artificielle, mais il fonctionne avec cette intelligence par l’utilisation des applications
qui y sont installées. Il y a une sorte de déterminisme numérique de l’intelligence
artificielle, au sens bernardien2 du terme, dont cette dernière ne saurait s’en départir.
Par exemple, « smartphone en main, Keberte Tsegaye profite de sa pause déjeuner à l’hôpital

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pour suivre sur Facebook Messenger les cours de français du robot conversationnel LangBot. Sa
langue maternelle est l’amharique. » (Belot L., 2018). Cet exemple illustre bien comment un
individu exploite une intelligence artificielle avec un smartphone pour apprendre la
langue française qui n’est pas sa langue maternelle. Ce cas de figure n’est pas unique, il
existe plusieurs types d’usage de l’IA à partir des smartphones en Afrique.
17 Avec les applications qui utilisent de l’intelligence artificielle comme Google Maps,
Facebook, etc., il faut noter que les utilisations ne se font pas sans smartphones ou sans
appareils qui peuvent prendre en compte cette intelligence. D’autant plus qu’il ne
faudrait pas perdre de vue qu’en 2018 les prédictions estimaient que les équipements
en appareils (smartphones) de 350 millions allaient doubler en 2020 sur le territoire
africain, il faut se rendre à l’évidence de l’expansion silencieuse de l’IA par le
truchement de ces technologies mobiles et numériques qui ne sauraient être anodines
sur le continent. Car, « l’IA est déjà partout présente autour de nous, dans notre quotidien,
sans que le plus souvent nous ne le sachions. » (Ventre, 3).

Reconfiguration de l’altérité et l’espace social en


Afrique avec l’IA : pour une approche éclairée de l’IA
18 L’IA a pénétré en Afrique avec les technologies numériques, et cela ne peut faire l’objet
d’un doute. C’est dire que la téléphonie mobile et l’usage des smartphones contribuent
largement à faire entrer l’IA dans le quotidien des Africains. Le développement de l’IA
sur l’espace africain n’est pas une illusion, c’est une réalité qui prend des allures
diverses dans certains pays d’Afrique. Il faut noter que :
19 « déjà, les nouvelles technologies liées au machine learning et à l’intelligence artificielle en
général font leur apparition en Afrique dans le secteur de la santé, facilitant ainsi l’accès aux
soins et le dépistage de maladies. En progression dans les pays d’Afrique anglophone (Nigeria,
Kenya, Afrique du Sud), la e-santé touche désormais la partie francophone, à commencer par la
Tunisie qui va jusqu’à proposer ses prestations de santé à la France mais aussi au Gabon et en
Côte d’Ivoire. » (Michalowska, 2018).
20 C’est déjà un grand pas réalisé par certains pays africains qui exploitent les solutions
numériques produites avec l’IA. De plus, « dans les domaines de la santé, de l’éducation, de
l’environnement, ces applications grand public [notamment les robots conversationnels et autres
applications] s’appuyant sur l’IA émergent sur un continent où le smartphone connaît une
croissance exponentielle. » (Belot, 2018). Au fond, l’IA est en plein essor dans le quotidien
des Africains, même si cela peut quelque peu échapper à la conscience de plusieurs.
21 La santé, le commerce, l’éducation sont autant de domaines qui, lorsqu’ils subissent une
forme de révolution quelconque, soulèvent des questions relatives à la société et à
l’altérité. Il va sans dire que les sociétés africaines qui intègrent de plus en plus le
numérique ne peuvent en aucun cas éluder les questions sociales liées à l’espace et à
l’altérité. L’usage du smartphone, support de plusieurs applications d’intelligence
artificielle, a une incidence sur les comportements sociaux et les rapports à l’autre.
22 Déjà que le numérique nous conduit vers une nouvelle forme de sociabilité, il faudrait
en dire autant avec l’IA qui ne se donne aucunement sans le numérique. Les sociétés
fonctionnent en réseau, et pour Casilli, la société en réseau « pouvait être lue comme un
espace social où des corps interagissent pour créer des liens de coexistence. » (Casilli, 11). Ainsi
pour lui, c’est à l’aune de l’espace social, de l’interaction des corps et des liens de

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coexistence qu’il faudrait évaluer les conséquences des technologies numériques. Cela
corrobore l’idée selon laquelle l’espace social et l’altérité permettent, un tant soit peu,
d’évaluer les répercussions des technologies numériques. Il n’en est pas autrement avec
l’IA qui est une extension des technologies numériques.
23 En ce qui concerne l’espace social, il convient de relever qu’avec le numérique et
surtout l’IA, « ce qui auparavant relevait du privé est désormais exposé dans l’espace public, et
inversement. (…) De même, les distances rétrécissent. Ce qu’on croyait éloigné se rapproche
abruptement. » (Casilli, 11). Cette transformation de l’espace social s’accentue plus
lorsque les technologies numériques sont considérablement améliorées. En considérant
que « de tous les continents, l’Afrique est celui qui change le plus vite, et sur tous les plans »
(Ben Yahmed, 3), il peut être soutenu que la réalité de l’espace social et de l’altérité ne
peut demeurer indemne au contact du numérique et de l’IA. Vu que les espaces sociaux
tendent à se réduire par le cyberespace, autant entrevoir une reconfiguration du
premier prenant en compte la dimension virtuelle offerte par les solutions du
numérique et de l’IA. Par exemple avec les moteurs de recherche, il devient plus aisé de
retrouver une personne, voire trouver des informations afférentes à cette dernière,
sans dépenser beaucoup d’énergie. La distance physique qui pouvait être considérée
comme un obstacle à la création et à l’entretien des relations sociales n’en est plus, car
l’autre n’est plus tant éloigné.
24 Alors que des projets de villes intelligentes et d’IA prennent forme en Afrique,
notamment avec les pays comme le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Sénégal, le
Ghana, etc., les bienfaits du numérique sur l’espace africain, tant au niveau de la santé
qu’au niveau socio-économique sont louables. Des applications basées sur l’IA, et
exploitables à partir des technologies numériques et téléphoniques avec les
smartphones, ne cessent de modifier les liaisons sociales et l’espace social des Africains.
La e-santé, par exemple, fondamentalement basée sur l’IA permet un accès facile au
soin et au dépistage, à condition d’avoir le support adéquat. Le commerce en ligne, avec
l’IA aussi, transforme et suit les habitudes de consommation dans le monde en général
et dans l’espace africain en particulier. Les banques mobiles en plein essor en Afrique
sont plus profitables sur le continent, là où le taux de bancarisation est relativement
faible. Toutes ces applications de l’IA semblent gagner du terrain, sans que parfois les
Africains se rendent à l’évidence des transformations sociales qu’ils subissent et des
mutations de l’altérité qui prend en compte désormais une dimension numérique.
25 Dès lors, que faut-il faire pour que cette reconfiguration de l’altérité et de l’espace
social africain soit plus profitable en ayant une approche éclairée de l’IA ? Utiliser l’IA
sans en avoir pleine conscience, c’est passer à côté de tout son potentiel. S’il est clair
que « le monde change et l’humanité sera désormais numérique. » (Vinck, 148), il va sans dire
que l’humanité ne pourra pas se passer de l’IA. Les pays développés qui l’ont compris
tôt en réfléchissant sur les enjeux de l’IA pour l’humanité ne sauraient donner de
réponses univoques, si tant est que toutes les configurations sociales ne soient pas les
mêmes. Certes, Google a « lancé son premier centre de recherche sur l’IA dans la capitale
ghanéenne » (The Era Of Africa, 2018), mais cela ne signifie aucunement que les
bénéfices seront absolument pour les Africains. Combien de fois les applications de
Google ne modifient-elles pas nos rapports à l’autre et notre espace, pourtant ces
applications ne sont pas à un stade final, elles continueront toujours d’évoluer. Dès lors,
les Africains devraient déjà s’approprier l’IA au risque de voir leur espace social

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davantage reconfiguré par des technologies numériques et l’IA sans pouvoir les
maîtriser, et qui n’émanent pas d’eux-mêmes ou de leurs réalités.
26 Les découpages spatiaux que l’Afrique a subis au lendemain des deux guerres mondiales
sont fort ancrés dans l’esprit des Africains, ainsi que les séquelles de la colonisation. Si
cette première reconfiguration spatiale est bien visible, les reconfigurations de l’espace
cyber africain sont invisibles. En analysant la question de l’identité numérique, il
ressort qu’elle est « éparpillée aux quatre coins d’Internet, soumise aux caprices des
fournisseurs de service et sans contrôle réel des utilisateurs. » (Iteanu, 165). L’idée qui
importe ici, c’est le fait que les utilisateurs qui ne sont que consommateurs n’ont, en
réalité, aucun contrôle sur les services numériques qu’ils utilisent. Il en sera ainsi pour
l’espace africain qui compte des millions d’utilisateurs d’IA, sans avoir le moindre
soupçon que leur société et les liens qui s’y créent seront davantage transformés,
faisant d’eux des consommateurs et non des producteurs d’IA. Ce n’est pas un fait
négligeable que certains pays africains comme le Kenya, l’Afrique du Sud, le Rwanda, le
Nigéria, le Ghana soient ouverts à l’IA, mais cela reste insuffisant sur un continent qui
regroupe une soixantaine de pays, dont le quotidien de la plupart de leurs populations
est fortement influencé par les technologies numériques et l’IA.
27 Il serait judicieux de saisir les véritables enjeux de l’IA de manière éclairée dans la
reconfiguration des liens et des espaces sociaux par les technologies numériques. Car,
la nouvelle forme de sociabilité qu’impose le numérique et l’IA est loin de s’estomper
sur un continent où foisonnent de plus en plus des technologies qui embarquent
l’intelligence artificielle. Ce qui importe, vu que l’altérité et l’espace social sont en train
d’être reconfigurés, c’est la prise de conscience d’un usage éclairé et libre de l’IA
adaptée aux réalités africaines et gérée par les Africains au risque de voir l’espace social
et l’altérité dirigés par des entités étrangères aux réalités africaines.
28 Que conclure au terme de cette analyse ? Il faut le noter, « riche ou pauvre, développé ou
sous-développé, l’homme demeure menacé par l’aliénation » (Njoh Mouellè, 127). Partant de
cette affirmation, l’on peut déduire que l’aliénation qui pèse sur l’humanité en général,
en particulier sur l’Afrique, est celle du numérique qui permet le développement de
l’IA. Plus que jamais, le numérique et l’IA sont en train de reconfigurer l’espace africain
et les liens sociaux par l’expansion de l’usage des technologies numériques basées sur
l’IA. Le danger de cette reconfiguration réside dans le fait que les Africains semblent ne
pas en avoir conscience, si tant est que l’IA se soit intégrée dans l’espace africain avec
les smartphones sans ébruitement. De plus, l’interaction avec l’autre est soumise au
numérique d’où l’avènement insidieux d’une altérité digitale.
29 Faut-il en avoir peur d’autant plus qu’elle n’est pas suffisamment développée par les
Africains ? Là n’est pas le problème, ce qui est fondamental, c’est comment les Africains
devraient s’approprier l’IA qui influence déjà leur quotidien en connaissance de cause.
Si l’on peut observer, avec le numérique, sa « force d’imprégnation sur les conduites
individuelles et sur les sociétés, ainsi que la vitesse sans cesse accélérée de ses développements »
(Sadin, 35), ce n’est pas avec l’IA que l’on verra le contraire. En ce qui concerne
l’Afrique, « il est indispensable que le continent s’approprie cette technologie en développant ses
propres modèles d’intelligence artificielle au risque de ne pas pouvoir bénéficier de tous les
avantages que renferme cet outil ou de subir certains de ses aspects parfois discriminants » (The
Era of Africa, 2018). Si l’IA reconfigure l’espace social et l’altérité en Afrique, cette
reconfiguration doit se faire avec les Africains eux-mêmes en s’appropriant l’IA qui
s’est désormais intégrée sur le continent.

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BIBLIOGRAPHIE
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Casilli A. (2010). Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ?. Paris : Éditions du Seuil.

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Bleu.

NOTES
1. Karim Koundi est associé responsable du secteur des technologies, médias et
télécommunications pour Deloitte Afrique Francophone.
2. Chez Claude Bernard, parler de déterminisme, c’est aussi parler de condition d’existence, de
conditions qui rendent possible un phénomène. Ici parler de déterminisme numérique, c’est faire
référence au numérique comme condition d’existence, pourrait-on le dire matériel, de l’IA.

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RÉSUMÉS
L’intelligence artificielle est en plein essor, et ses incidences sur les sociétés sont patentes. Les
sociétés les plus développées connaissent déjà une mutation des liaisons sociales avec les
technologies basées sur l’IA. Si les sociétés développées saisissent mieux les enjeux du numérique
et de l’IA et leurs implications sur elles, la grande majorité des sociétés africaines semblent ne
pas encore avoir perçu leurs implications sur elles. L’usage de technologies intelligentes au
quotidien par les smartphones est pourtant un fait à impacts réels sur la plupart des sociétés
africaines. De plus en plus, avec l’IA et ses corollaires qui tendent à renforcer le cyberespace,
l’espace social semble être restructuré n’étant plus soumis aux contraintes sensitives. Ainsi,
l’altérité, telle que conçue dans les sociétés africaines, ne sera-t-elle pas bouleversée ? L’objectif
de cette contribution est de montrer comment l’IA pourrait reconfigurer davantage l’espace
social et l’altérité en Afrique. À partir d’une approche analytique, il s’agira d’évaluer à juste titre
l’IA dans la configuration des sociétés africaines.

Artificial intelligence is on the rise, and the impact of AI on societies is evident. The most
developed societies are already experiencing a transformation of social connections with
technologies based on AI. While developed societies have a better grasp of the challenges of
digital and AI and their implications for them, the vast majority of African societies seem to have
yet to perceive the implications for them. The use of smart technologies in everyday life through
smartphones is however a fact with real impacts on most African societies. Increasingly, with AI
and its corollaries tending to reinforce the cyberspace, the social space seems to be restructured
away from sensory constraints. Thus, will otherness, as conceived in African societies, not be
upset? The aim of this paper is to show how AI could further reconfigure social space and alterity
in Africa. From an analytical approach, it will be a question of rightly evaluating AI in the
configuration of African societies.

Künstliche Intelligenz nimmt zu und die Auswirkungen der KI auf Gesellschaften sind
offensichtlich. Die am weitesten entwickelten Gesellschaften erleben bereits eine Transformation
der sozialen Verbindungen mit Technologien, die auf KI basieren. Während die entwickelten
Gesellschaften die Herausforderungen der Digitalisierung und der KI und ihre Auswirkungen auf
sie besser verstehen, scheint die große Mehrheit der afrikanischen Gesellschaften die
Auswirkungen auf sie noch nicht wahrgenommen zu haben. Die Nutzung intelligenter
Technologien im Alltag durch Smartphones ist jedoch eine Tatsache mit realen Auswirkungen
auf die meisten afrikanischen Gesellschaften. Mit der KI und ihren Begleiterscheinungen, die den
Cyberspace tendenziell stärken, scheint der soziale Raum zunehmend umstrukturiert zu werden,
da er nicht mehr den sinnlichen Zwängen unterliegt. Wird somit die Andersartigkeit, wie sie in
den afrikanischen Gesellschaften konzipiert ist, nicht erschüttert? Ziel dieses Beitrags ist es,
aufzuzeigen, wie KI den sozialen Raum und das Anderssein in Afrika weiter umgestalten könnte.
Anhand eines analytischen Ansatzes soll die KI in der Gestaltung der afrikanischen Gesellschaften
angemessen bewertet werden.

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INDEX
Mots-clés : Afrique, Altérité, Cyberespace, Espace social, Intelligence artificielle, numérique,
Smartphone
Schlüsselwörter : Afrika, Andersartigkeit, Cyberspace, sozialer Raum, künstliche Intelligenz,
digital, Smartphone
Keywords : Africa, Otherness, Cyberspace, Social space, Artificial intelligence, Digital,
Smartphone

AUTEUR
TIASVI YAO RAOUL AGBAVON
Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire

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La vinculación de políticas públicas


para la integración de la inteligencia
artificial en la educación mexicana
l’articulation des politiques publiques pour l’intégration de l’intelligence
artificielle dans l’éducation mexicaine
the linkage of public policies for the integration of artificial intelligence in
mexican education

Miriam Herrera-Aguilar

Del origen de la Inteligencia Artificial a su integración


en las políticas públicas en educación
1 El acelerado desarrollo de las Tecnologías digitales de la información y de la
comunicación (TDIC) que se ha dado en las últimas tres décadas, incluido el de la
inteligencia artificial (IA), las hace presentes en la cotidianidad de los diferentes
sectores de la sociedad actual, incluido el educativo. Lo anterior sin dejar de tomar en
cuenta la brecha digital; misma que separa a quienes no tienen acceso a tales
tecnologías de quienes sí lo tienen.
2 En lo que concierne a la Inteligencia Artificial, si bien sus antecedentes se identifican en
el ábaco –usado para efectuar cálculos por griegos, romanos, chinos y aztecas, entre
otros– (Farine, 1992; Gubern, 2000), en la “máquina lógica” del mallorquín Ramón Llull
(1232-1316), en la calculadora diseñada por el francés Pascal (1623-1662), en el sistema
binario formalizado por el alemán Leibniz (1646- 1716), en las máquinas analíticas del
inglés Charles Babbage (1791-1871), en la caja registradora inventada en 1879 por el
norteamericano James Ritty (1837-1918), en los ordenadores desarrollados durante la II
Guerra Mundial (1939-1945) con fines militares, en el invento de los transistores en
1947 –y más tarde del microprocesador en 1971–, es hasta la segunda mitad del siglo XX
que se habla al respecto: “cuando las computadoras pasaron de emplearse sólo para el cálculo

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numérico a utilizarse para el tratamiento de símbolos, como hace la inteligencia


humana” (Gubern, 2000, p. 82).
3 Al respecto, tres momentos se consideran clave. En primer lugar, en 1950, el británico
Alan Turing propone un test basado en la confrontación verbal entre un ser humano y
una máquina; si el primero juzga que la interacción se da con un agente humano y no
con una máquina, se asume que esta última presenta un comportamiento inteligente: la
prueba es superada. Tal conclusión es coherente desde una perspectiva conductista, en
la que la inteligencia artificial imita el comportamiento humano (Gubern, 2000; León
Rodríguez & Viña Brito, 2017; Romero, 2018; Moreno Padilla, 2019). En segundo lugar,
en una conferencia celebrada en Dartmouth College en 1956, John McCarthy acuña la
expresión inteligencia artificial al tiempo que propone desarrollar un nuevo lenguaje de
programación de alto nivel para dotar de inteligencia a las máquinas; así, se constituye
como disciplina de investigación sustentada en los trabajos de los también presentes
Marvin Minsky, Allen Newell, Herbert Simons, Nathaniel Rochester y Claude Shannon
(Gubern, 2000; León Rodríguez & Viña Brito, 2017; Moreno Padilla, 2019). Finalmente,
Marvin Minsky será considerado el padre de la IA; ya que en 1961 elabora “un elenco de
las funciones que debería cumplir una machina sapiens, tales como el reconocimiento de
patrones, el planeamiento, la capacidad para la inducción y la inferencia, etc. Además, afirma
que ésta dependería tanto de la ingeniería como de la psicología, de las neurociencias y de la
lingüística” (Gubern, 2000: 84). Tal carácter interdisciplinar del desarrollo de la IA se ha
visto enriquecido además con las contribuciones de la antropología, de la biología, y de
la filosofía (León Rodríguez & Viña Brito, 2017); mismo que es valorado hasta nuestros
días por quienes se interesan en el campo.
4 La investigación en IA continúa y a los nombres mencionados se suman los de Seymour
Papert, David Marr, Tomaso Poggio y Richard Bellman, entre otros. Tales avances, la
aparición del microprocesador diseñado por Federico Faggin, Ted Hoff y Stanley Mazor
en 1971, así como la miniaturización del hardware en general –y por ende su relativo
abaratamiento–, permiten la presencia de la microelectrónica y de la inteligencia
artificial, en mayor o menor medida, en la vida cotidiana, desde los años 80 hasta
nuestros días. Así, se abre una nueva fase en la automatización de la producción
industrial, de ciertos ámbitos del sector terciario (banca, seguros), así como de la
creación, la organización y la simulación en diferentes espacios de la sociedad: el
educativo, el creativo, el académico, el doméstico, el lúdico, etc.; principalmente de los
países desarrollados (Lévy, 1997; Gubern, 2000; Bollmer, 2019).
5 En lo que respecta a las numerosas posibilidades de uso que la IA ofrece en el ámbito
educativo, de manera general, se identifican: a) los agentes de software
conversacionales inteligentes (chatbot), encaminados a brindar educación
personalizada; b) el software para detectar qué temas necesitan más trabajo en clase; c)
los programas de gestión de información; d) la creación de plataformas online para el
auto-aprendizaje; e) la robótica educativa; y f) la automatización de tareas
administrativas docentes, entre otras (León Rodríguez y Viña Brito, 2017; Moreno
Padilla, 2019).
6 Como se observa, técnicamente, los potenciales aportes de la IA en la educación son
innegables. No obstante, su integración en la cotidianidad del contexto educativo de los
países en vías de desarrollo revela distintos retos y preguntas: ¿Qué políticas públicas se
encaminan a concretar la integración de la IA en la educación a nivel internacional,
regional y, particularmente, en México? De existir, ¿tales políticas toman en cuenta los

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financiamientos necesarios, la formación de los actores de la educación para el


apropiado aprovechamiento de la IA, incluidos los valores que se deben practicar
alrededor de su uso? ¿Qué potencialidades de la IA son susceptibles de concretarse en el
contexto educativo mexicano? Con base en tal cuestionamiento, el objetivo del presente
trabajo es llevar a cabo un análisis de contenido de los documentos internacionales,
regionales y nacionales que establecen las políticas públicas alrededor de la integración
de la IA en la educación. Lo anterior encaminado a conocer tanto de los frenos como de
los incentivos para el uso de la inteligencia artificial en la educación de los países en
desarrollo.
7 Teóricamente, este trabajo se sustenta, por un lado, en la educomunicación y, por otro,
en la teoría de la acción colectiva. En lo que concierne a la primera, también denominada
educación con y para los medios, entre otras propuestas, se parte de que, en un
universo cada vez más mediático, se tiene la necesidad de formar a los niños,
adolescentes y adultos para tomar distancia crítica ante los medios. Tal propuesta se
encamina, tanto a proporcionar herramientas a los individuos para entender los usos y
los contenidos de los medios, como a introducir a los actores en la producción de
contenidos mediáticos con el objetivo de llevarlos a una práctica esclarecida al
respecto. Con el desarrollo de las tecnologías de la información y de la comunicación
(TIC) e internet, la educación con y para los medios se revela más urgente, ya que en
este contexto –de manera similar que cuando se inventó la imprenta–, la relación de la
sociedad con el saber y el conocimiento se ha alterado (Corroy-Labardens, 2015).
8 En cuanto a la teoría de la acción colectiva (Shepsle, 2006, citado por Tassara, 2016), sus
proposiciones dejan ver que existe una interdependencia de las naciones, originada por
la globalización, “que a su vez genera la aspiración o necesidad de identificar y llevar a cabo
políticas públicas sinérgicas –o al menos no contradictorias– entre países vecinos y coherentes
con los escenarios internacionales existentes a nivel global” (Tassara, 2016: 82). Con base en
ello, se asume que la Agenda 2030 para el desarrollo sostenible (Naciones Unidas, 2015)
orienta la gobernanza del desarrollo global, tematiza el debate internacional e influye
en las prioridades y en los contenidos de las políticas públicas de los países.
9 A partir de una perspectiva cualitativa, centrada en la investigación documental, la
metodología propuesta es heurístico-hermenéutica. En un primer momento, la fase
heurística, “que implica la búsqueda, la recopilación y la organización de un inventario de
fuentes de información” (Naranjo, 2003; en Guevara Patiño, 2016: 175), permite hacer una
selección de documentos institucionales y académicos –internacionales, regionales y
nacionales– que abordan la integración de las TIC o de la IA en la educación; lo anterior
con base en una muestra cualitativa, no probabilística, “de casos
importantes” (Hernández Sampieri, Fernández Collado y Baptista Lucio, 2010). En un
segundo momento, en la fase hermenéutica, se lleva a cabo la lectura, interpretación,
análisis y sistematización de la información seleccionada, guiados por el objetivo de
investigación.
10 Los resultados obtenidos se exponen enseguida. En primera instancia se presenta una
síntesis del contenido y una discusión de los textos internacionales que han marcado la
pauta de las políticas públicas en lo que a la relación TIC, IA y educación se refiere. En
segundo lugar, se presentan los documentos regionales. Por último, se describen y
discuten los textos correspondientes a México.

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Las políticas públicas encaminadas a la integración de


la IA en la educación
11 El análisis de contenido de los documentos objeto de estudio permite identificar que el
origen de las políticas públicas encaminadas a la integración de la IA en la educación se
encuentra en la díada educación-TIC, que inicia en los años 90 y continua hasta
nuestros días. No obstante, la Agenda 2030 para el Desarrollo Sostenible, firmada el 2015, se
revela determinante en la generación de las actuales políticas públicas en diferentes
países del globo, incluido México.

Las TIC y la IA en la educación desde el ámbito internacional

12 En el umbral del actual milenio, las TIC se revelan de utilidad para la resolución de
distintas problemáticas en el ámbito internacional. En tal contexto, en 1999, el Consejo
económico y social de las Naciones Unidas solicita a la Comisión de ciencia y tecnología
para el desarrollo la publicación y difusión de “los informes sobre la combinación de
recursos para utilizar las tecnologías de la información y las comunicaciones en la
infraestructura de transmisión, la educación y la salud” (Naciones Unidas, 2000: 110). En ese
momento, la relación TIC y educación se plantea de manera general; de hecho, el eje de
las discusiones y propuestas al respecto es la educación. Las mencionadas tecnologías se
retomarán paulatinamente, con mayor énfasis, como auxiliares en tal quehacer, en
propuestas futuras.
13 El 25 de septiembre de 2015 se celebra en Nueva York la Cumbre de las Naciones Unidas
sobre el Desarrollo Sostenible. A ésta asisten más de 150 líderes mundiales y aprueban un
plan de acción en favor de las personas, el planeta y la prosperidad: Transformar Nuestro
Mundo: la Agenda 2030 para el Desarrollo Sostenible; misma que es adoptada por los 193
Estados miembros de las Naciones Unidas; entre los cuales se encuentra México. La
Agenda 2030 incluye 17 Objetivos del Desarrollo Sostenible y 169 metas que buscan
“poner fin a la pobreza, luchar contra la desigualdad y la injusticia, y hacer frente al cambio
climático sin que nadie quede rezagado. […]Los Objetivos y las metas son de carácter integrado e
indivisible y conjugan las tres dimensiones del desarrollo sostenible: económica, social y
ambiental” (Naciones Unidas, 2015: 1). Entre éstos se tiene el Objetivo de Desarrollo
Sostenible 4 (ODS 4) que busca: “garantizar una educación inclusiva, equitativa y de calidad y
promover las oportunidades de aprendizaje durante toda la vida para todos” (Naciones Unidas,
2015: 16). Aunado al anterior se tiene el ODS 9, cuyo propósito es “construir
infraestructuras resilientes, promover la industrialización inclusiva y sostenible y fomentar la
innovación” y una de sus metas es “aumentar significativamente el acceso a la tecnología de la
información y las comunicaciones y esforzarse por proporcionar acceso universal y asequible a
Internet en los países menos adelantados de aquí a 2020” (Naciones Unidas, 2015: 16-24). Al
margen de los logros que se han dado o no hasta nuestros días, este plan de acción
integra, a través de los dos objetivos citados, el acceso a una educación de calidad para
la vida con el acceso a las TIC e Internet para todos.
14 También en 2015, del 19 al 22 de mayo, en Incheon, República de Corea, se lleva a cabo
el Foro mundial sobre la educación. En éste, ministros, funcionarios de organizaciones
multilaterales y bilaterales, representantes de la sociedad civil, de docentes, de jóvenes
y del sector privado, reafirman el movimiento mundial en pro de una “Educación para
todos” (EPT), puesto en marcha en Jomtien, Tailandia, del 5 al 9 de marzo de 1990, y

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reiterado en Dakar, Senegal, del 26 al 28 de abril en 2000. Conscientes de estar lejos de


haber alcanzado sus metas, revalidan también “la visión y la voluntad política, reflejadas en
numerosos tratados de derechos humanos internacionales y regionales, […de] establecer el
derecho a la educación y su interrelación con otros derechos humanos” (Unesco, 2015a: 32).
Además, se rescata el Acuerdo de Mascate, resultado de un amplio quehacer de consulta,
aprobado en la Reunión Mundial sobre la educación para todos (EPT), en Omán, del 12 al 14
de mayo de 2014, como fundamento de los Objetivos de Desarrollo Sostenible (ODS); así
como las conclusiones del Informe de seguimiento de la EPT en el mundo 2015 y sus
informes regionales, entre otros (Unesco, 2015a). La Declaración de Incheon: Educación
2030 propone transformar las vidas mediante la educación, motor principal para la
consecución de los demás ODS; inspirada en una concepción humanista y
transformadora de la educación y del desarrollo, que reconozca y acredite los
conocimientos y habilidades adquiridos mediante la educación no formal e informal,
plantea “aprovechar las tecnologías de la información y la comunicación (TIC) para reforzar los
sistemas educativos, la difusión de conocimientos, el acceso a la información, el aprendizaje
efectivo y de calidad” (Unesco, 2015a: 35). Igualmente, se reconoce que la consecución de
tales metas exige políticas y planeaciones adecuadas, por lo que los firmantes se
comprometen a realizar los cambios necesarios en las políticas de educación. Este
último aspecto, encaminado a la acción, se revela significativo.
15 Enseguida, en la misma línea, del 23 al 25 de mayo, en Qingdao, República Popular
China, se celebra la Conferencia internacional sobre las tecnologías de la información y la
comunicación (TIC) y la educación después de 2015; donde actores del mismo perfil se
reúnen para afirmar una “comprensión común de las maneras de aprovechar plenamente el
potencial que encierran las TIC para la educación y para el logro de los Objetivos de Desarrollo
Sostenible (ODS)” (Unesco, 2015b: 21), al tiempo que reafirman la Declaración de Incheon.
La Declaración de Qingdao subraya, “desde una concepción humanista de la educación, … que
los progresos considerables en relación con las TIC y la rápida expansión del acceso a Internet
han convertido al mundo actual en un lugar cada vez más interconectado y han hecho que
conocer y estar familiarizado con las TIC sea esencial para cada niña y cada niño, y para cada
mujer y cada hombre” (Unesco, 2015b: 21). Se propone aprovechar el potencial de las TIC
como una oportunidad sin precedentes para reducir la brecha concerniente al
aprendizaje, en el entendido de que ya no son objeto de una competencia especializada
sino la clave de éxito en las sociedades actuales.
16 En esta declaración, se puntualiza la necesidad de replantear el papel de los docentes y
su formación –misma que debe incluir una preparación para utilizar las TIC e innovar
pedagógicamente con éstas–, así como su equipamiento en tecnología. Se propone
aprovechar el potencial de las TIC para mejorar la calidad de los libros de texto, de
diferentes contenidos didácticos, para ampliar la oferta educativa a través de la
formación en línea y tender puentes entre aprendizaje formal, no formal e informal. Se
estimula el fomentar la cooperación internacional, así como el compartir recursos
entre gobiernos, industrias y otras esferas dentro de cada país, para crear ecosistemas
de aprendizaje digital equitativos, dinámicos, responsables y sostenibles con
mecanismos de financiación innovadores y modulares. Se exhorta a formular políticas y
sistemas que garanticen un uso seguro, adecuado y ético de los datos, incluido el
respeto a la privacidad y a la confidencialidad de los datos personales de los alumnos
(Unesco, 2015b: 22-28).

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17 Tales lineamientos serán ratificados en la misma ciudad, los días 10 y 11 de julio de


2017, durante el Foro internacional sobre TIC y educación 2030, en el reporte titulado
Aprovechar las TIC para alcanzar las metas de Educación 2030 (Unesco, 2017). Si bien hasta
ese momento no se habla de Inteligencia Artificial de manera específica, no significa
que no se tome en cuenta, ya que, en gran medida, las TIC la incluyen. Así, tales
eventos, entre otros del mismo corte, se concretan como un punto de partida para, en
2019, especializarse.
18 Así, en Beijing, República Popular China, del 16 al 18 de mayo de 2019, se lleva a cabo la
Conferencia Internacional sobre Inteligencia Artificial en la Educación, cuyo punto de partida
es reafirmar y renovar los compromisos de la Declaración de Qingdao 2015, con la
convicción de que “se avanza hacia una era caracterizada por la aplicación generalizada de la
inteligencia artificial” (Unesco, 2019a: 29). En ese sentido, con miras a acelerar el avance
hacia la consecución del ODS 4 de la Agenda 2030, se aprueba el Consenso de Beijing sobre
la inteligencia artificial y la educación (Unesco, 2019a).
19 Éste, tomando en cuenta la complejidad del campo de la inteligencia artificial, su rápido
desarrollo, su amplio alcance, sus múltiples interpretaciones, sus variadas definiciones,
la diversidad de sus aplicaciones, los desafíos éticos que plantea y los principios de la
Declaración Universal de Derechos Humanos, reafirma el enfoque humanista de la UNESCO
con respecto de su utilización, al tiempo que se reconocen las características distintivas
de la inteligencia humana; con base en ello, se busca proporcionar a todas las personas
los valores y las competencias necesarios para una colaboración eficaz entre el ser
humano y la máquina en el aprendizaje, el trabajo y la vida, para el desarrollo
sostenible (Unesco, 2019a).
20 Al igual que en los reportes, las declaraciones y los planes de acción precedentes, en el
marco de la consecución del ODS 4, se prevé la necesidad de inversiones con planes
innovadores, la implementación de políticas y programas educativos, así como de
marcos regulatorios y una postura ética alrededor de la propiedad de datos y la
protección de la privacidad. Con base en las especificidades de la IA, se exhorta a su
integración para una la gestión de una educación más equitativa, inclusiva, abierta y
personalizada; se alienta a introducir nuevos modelos para impartir educación y
formación en diferentes instituciones y entornos de aprendizaje, de tipo formal, no
formal e informal, en beneficio de estudiantes, docentes, padres de familia y
comunidades; la interacción humana entre docentes y educandos se considera esencial
en la educación y los primeros no pueden ser desplazados por las máquinas, al tiempo
que sus derechos y condiciones de trabajo deben estar protegidos; se acuerda contar
con planes de estudios de formación técnica y educación superior que prevean las
competencias necesarias actuales y futuras en relación con el desarrollo de la
inteligencia artificial, que afecta a los mercados laborales y las sociedades (Unesco,
2019a: 29-39).
21 En seguimiento a tal consenso, la UNESCO ha desarrollado un repertorio en línea, en
colaboración con Ericsson, que incluirá materiales para una formación centrada en la
IA, así como otros recursos pedagógicos clave para el desarrollo de las competencias
digitales, disponibles en todo el mundo; el objetivo es contribuir al quehacer de los
creadores de programas escolares. Otros colaboradores del proyecto son Microsoft, el
grupo Weidong y el Grupo TAL Education y sigue abierto a otras colaboraciones
(UNESCO, 2019b: 2-4). En el mismo sentido, anualmente, en la Sede de la UNESCO, en
París, Francia, desde 2011, se organiza la Semana del Aprendizaje Móvil (Vosloo, 2013). En

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2019, ésta se titula “Inteligencia artificial para el desarrollo sostenible” y su objetivo es


“descifrar la incidencia de la IA en la educación”, con acento en la ampliación de las
competencias respectivas en los jóvenes (Unesco, 2019b). En tal sentido, la relación
entre IA y educación se plantea de tres maneras:
22 a) aprender con la IA, al utilizar sus herramientas en el aula;
23 b) aprender sobre la IA, sus tecnologías y sus técnicas; y
24 c) prepararse para la IA, por ejemplo, permitir a todos los ciudadanos comprender su
impacto potencial sobre la vida humana.
25 El proyecto Enseñar la inteligencia artificial en la escuela, por parte de Naciones Unidas, se
concentra actualmente en los últimos dos aspectos (Unesco, 2019b). Como se observa, si
bien los recientes acuerdos internacionales ponen el acento en la utilidad de la IA en la
educación, hay mesura al seleccionar las maneras menos costosas, y por tanto viables,
para integrarla significativamente en la educación.

Las TIC, la IA y la educación en la región

26 En el contexto regional se hará eco a las propuestas de las Naciones Unidas. Así, con
base en las decisiones del Consejo Económico y Social, la colaboración de la CEPAL y la
cooperación internacional, representantes de los países de América Latina y el Caribe se
reúnen en Santa Catarina, Brasil, del 20 al 21 de junio de 2000, y suscriben la Declaración
de Florianópolis. Entre sus líneas de acción se destaca:
“diseñar programas públicos con vistas a asegurar a la totalidad de la población el
acceso, en el más breve plazo posible, a los productos y servicios de las tecnologías
de la información y comunicaciones […así como] crear condiciones y mecanismos
para la capacitación universal de la ciudadanía en las nuevas tecnologías y difundir
la alfabetización digital, en particular fomentando experiencias innovadoras en
educación a distancia, educación no formal y formación de los educadores como
condición necesaria para insertar favorablemente a la población en el marco de las
nuevas formas de producción basadas en el conocimiento” (CEPAL, 2000: 2-3).
27 En enero de 2003, el proceso continúa en Punta Cana, República Dominicana, con la
preparación de la región hacia la Cumbre Mundial sobre la Sociedad de la Información. A
través de la Declaración de Bávaro, también con base en la necesidad de buscar la
igualdad en el acceso y uso de las TIC, se establece el compromiso de “desarrollar
acciones tendientes a superar la brecha digital, la cual refleja e incide en las diferencias
económicas, sociales, culturales, educacionales, de salud y acceso al conocimiento, entre los
países y dentro de ellos” (Cepal, 2003: 119).
28 Las líneas de acción mencionadas se conforman como eje de una serie de reuniones
llevadas a cabo en la región: la Primera Conferencia Ministerial Regional de América Latina y
el Caribe preparatoria de la segunda fase de la Cumbre Mundial sobre la Sociedad de la
Información, llevada a cabo en Río de Janeiro, Brasil, del 8 al 10 de junio de 2005; donde
se aprueba la primera versión del Plan de Acción sobre la Sociedad de la Información de
América Latina y el Caribe, eLAC2007 (Amador-Bautista, 2019). La segunda se celebra en
San Salvador, El Salvador, del 6 al 8 de febrero de 2008, cuyo resultado es el plan
eLAC2010. La tercera se lleva a cabo en Lima, Perú, del 21 al 23 de noviembre de 2010 y se
acuerda el plan eLAC2015 (CEPAL, 2015). La cuarta tiene lugar en Montevideo, Uruguay,
del 3 al 5 de abril de 2013, donde se reafirma la vigencia del plan eLAC2015 y se acuerdan
acciones específicas para el periodo 2013-2015; el objetivo de esta conferencia es “que el

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acceso a Internet de banda ancha esté disponible para todas las personas de América
Latina y el Caribe” (CEPAL, 2013: 3). Como se observa, estos acuerdos ponen el acento en
el acceso universal a las TIC y a internet de calidad, en su integración en la educación,
así como en la alfabetización digital de la población; sus objetivos se muestran
modestos frente a los plasmados en ese momento a nivel internacional, dado en nivel
de desarrollo de los países de la región.
29 Las conferencias subsiguientes se revelan como una segunda época, ya que los acuerdos
dejan de congregarse en planes de acción para reunirse en agendas digitales. Así, del 5 al 7
de noviembre de 2014 tiene lugar la reunión preparatoria de la quinta conferencia en
San José, Costa Rica, con el objetivo de debatir la propuesta de la eLAC2018. Meses más
tarde, del 5 al 7 de agosto de 2015, se realiza la Quinta Conferencia Ministerial sobre la
Sociedad de la Información de América Latina y el Caribe en la Ciudad de México, México,
donde se firma la Agenda digital para América Latina y el Caribe, eLAC2018; cuyo objetivo es
“efectuar un balance sobre los acuerdos establecidos y renovar la conducción del dialogo político
con una visión más allá de 2015, incorporando los desafíos emergentes de la revolución digital y
su impacto sobre la política pública” (CEPAL, 2015: 2). Se reconoce que, después de más de
una década de políticas sobre TIC, América Latina y el Caribe muestran avances en el
establecimiento de marcos jurídicos, en los niveles de cobertura de los servicios de
telecomunicaciones –como telefonía móvil e Internet–, en la implementación de
programas en los ámbitos sociales –como educación y salud– y en el desarrollo del
gobierno electrónico. Sin embargo, se observa que los países avanzan a velocidades
distintas, con brechas dentro de ellos, entre ellos y frente a las economías más
desarrolladas (CEPAL, 2015). Esta agenda regional será el insumo para la Cumbre Mundial
sobre la Sociedad de la Información 2015. En la misma línea, del 18 al 20 de abril de 2018, se
celebra la sexta conferencia, en Cartagena de Indias, Colombia, donde se aprueba la
agenda eLAC2020 (CEPAL, 2020).
30 Más recientemente, del 23 al 26 de noviembre de 2020, se celebra a través de una
reunión virtual, debido a la pandemia por coronavirus (COVID-19), la séptima
conferencia, donde se aprueba la agenda eLAC2022 y, con base en los Objetivos de
Desarrollo Sostenible, entre otros aspectos, se resalta el uso de las TIC para mejorar la
calidad de la educación. Se pone de manifiesto que la actual coyuntura provocada por la
citada pandemia plantea un complejo escenario global, caracterizado por un colapso
económico y social, donde las tecnologías digitales se han revelado como herramientas
para facilitar el distanciamiento físico y mitigar los efectos económicos y sociales de la
crisis, al ofrecer soluciones para el comercio, el trabajo, la educación y la salud,
principalmente. Lo anterior sin obviar que su acceso y uso siguen condicionados por
factores estructurales y socioeconómicos (CEPAL, 2020: 3).
31 Así, con el objetivo de dar continuidad a los acuerdos de las conferencias previas, tanto
a nivel regional como internacional, en lo que concierne a las TIC y la educación, se
insiste, de manera general, en adoptar políticas para lograr el acceso universal a una
conexión a internet de calidad e impulsar el despliegue de la quinta generación de
tecnología móvil (5G) en todos los países de la región, a través de modelos de inversión
alternativos y sostenibles, para el fortalecimiento de la educación, la ciencia y la
tecnología (CEPAL, 2020: 4). Se plantea promover una cultura digital que incentive la
apropiación de la tecnología y el desarrollo de competencias digitales para su uso
innovador, responsable, ético y seguro; lo anterior dentro de marcos políticos y
regulatorios fortalecidos (CEPAL, 2020: 5-6). En el marco de la pandemia, se propone

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mejorar los programas de educación a distancia en los sistemas educativos nacionales,


desarrollar contenido educativo digital y usar herramientas digitales diseñadas para
contextos de baja conectividad, además de capacitar y alfabetizar digitalmente a los
maestros (CEPAL, 2020: 8). Hacia el desarrollo sostenible, se exhorta a usar las
“tecnologías emergentes, especialmente la aplicación de la inteligencia artificial y la tecnología
5G, de manera convergente e interoperable, teniendo en cuenta aspectos de ética, imparcialidad,
transparencia, responsabilidad, seguridad, privacidad y no discriminación” (CEPAL, 2020: 6).
32 El análisis de contenido de los documentos de la región permite afirmar que no es hasta
la agenda eLAC2022 que se menciona la Inteligencia Artificial; sin embargo, tal abordaje
es general y no alude específicamente al ámbito educativo.

Las TIC y la IA en la educación de México

33 México, como Miembro de las Naciones Unidas, se apega a las políticas de esta
organización. En tal marco, en el año 2000 se compromete a cumplir los 8 Objetivos de
Desarrollo del Milenio (ODM) y sus 21 metas; en 2015, adopta la nueva agenda global de
desarrollo sostenible 2030 y en 2017 elabora la Estrategia Nacional para su puesta en
marcha. Esta última plantea un análisis para vincular los ODS con la planeación
nacional y, con ello, estimar el presupuesto encaminado a su consecución; propone una
coordinación de los esfuerzos a nivel federal, estatal, municipal, además de los de
actores no gubernamentales (Gobierno de México, 2017). En la misma línea, la Agenda
2030 es tomada en cuenta para la elaboración de los Planes Nacionales de Desarrollo
con base en la Ley de planeación que, en 2018, adiciona el artículo transitorio V que
señala: “Las Administraciones Públicas Federales correspondientes a los períodos
2018-2024 y 2024- 2030 podrán considerar en su contenido las estrategias para el logro
de los Objetivos de Desarrollo Sostenible y sus metas, contenidos en la Agenda 2030
para el Desarrollo Sostenible” (Cámara de diputados, 2018 [1983]: 26).
34 En lo que concierne al ODS 4, en México se valora la Educación de Calidad como un
capital que contribuye a reducir las desigualdades. De manera puntual, la Constitución
política de los Estados Unidos Mexicanos señala en su Artículo 3º que “toda persona tiene
derecho a la educación. […] La educación inicial, preescolar, primaria y secundaria,
conforman la educación básica; ésta y la media superior serán obligatorias […].
Corresponde al Estado la rectoría de la educación, la impartida por éste, además de
obligatoria, será universal, inclusiva, pública, gratuita y laica. (Cámara de diputados,
2019 [1917]: 5). Sin embargo, en el país aún se tienen problemáticas de analfabetismo,
de falta de infraestructura, de recursos y de acceso, de deserción en los diferentes
niveles, de rezago, de un bajo grado de escolaridad a nivel nacional y de bajos
resultados en las evaluaciones internacionales sobre el aprendizaje –como PISA, SERCE
y TERCE–, especialmente en lectura, ciencias y matemáticas.
35 Entre otros aspectos, ello lleva a desarrollar la Reforma educativa para la educación básica
y la Reforma Integral de Educación Media Superior, así como a Ley General de Educación
(Gobierno de México, 2017); frente al objetivo de este trabajo, nos enfocamos en la
última.
36 Esta ley garantiza en primera instancia el derecho a la educación reconocido en el
artículo 3o. de la Constitución y en los tratados internacionales de los que México
participa. De manera general, y específicamente en su Capítulo XI, valora el uso de las
Tecnologías de la información, comunicación, conocimiento y aprendizaje digital

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(TICCAD en lugar de TIC) como parte de una educación integral; para fortalecer los
modelos pedagógicos de enseñanza aprendizaje, la innovación educativa, el desarrollo
de habilidades y saberes digitales de los educandos y docentes; como un complemento a
otros materiales educativos, incluidos los libros de texto gratuitos; como una opción
para la educación abierta, a distancia y semipresencial; como parte de la actualización y
excelencia educativa; como una herramienta para la selección y búsqueda de
información, la educación indígena, el fomento de las lenguas maternas y a una
convivencia libre de violencia; además de fomentar su uso responsable y seguro en el
sistema educativo y la vida cotidiana. Lo anterior a través del establecimiento de una
Agenda Digital Educativa, cuyos lineamientos son atribución de la autoridad educativa
federal (Cámara de diputados, 2019).
37 En tal contexto, con base en los acuerdos internacionales y regionales, el marco jurídico
nacional presentado, el Acuerdo educativo nacional y el proyecto Hacia una nueva escuela
mexicana (SEP, 2019), entre otros, se define la Agenda Digital Educativa ADE.mx,
“instrumento integrador y planificador a corto, mediano y largo plazo de todas aquellas
políticas públicas en torno al uso de […] TICCAD en el Sistema Educativo Nacional
(SEN)” (SEP, 2020: 58). Así, a partir de una evaluación de los aciertos y errores que se
han tenido en las últimas tres décadas alrededor de la integración de las TIC en la
educación, esta agenda propone “construir el nuevo paradigma de la digitalización de la
educación, de la que podemos esperar un aprendizaje continuo, personalizado, virtual y en línea
para toda la vida y en cualquier espacio y tiempo disponibles” (SEP, 2020: 6). Lo anterior
mediante cinco ejes rectores: 1) la formación docente; 2) la construcción de una cultura
digital en el SEN, incluida la formación ética, segura y responsable del uso de las
TICCAD; 3) la producción, difusión, acceso y uso social de recursos educativos digitales
en niñas, niños, adolescentes, jóvenes y adultos; 4) la modernización y ampliación de la
infraestructura TICCAD y fortalecimiento de la conectividad para abatir las brechas
digitales y educativas; y 5) el impulso de la investigación para el aprovechamiento
educativo de las TICCAD. Entre las acciones contempladas en el punto cuatro, se
propone el uso de una multiplataforma en red, de contenidos o recursos digitales para
educación básica y media superior, generados por y para docentes y estudiantes; así
como la incorporación de tecnologías inmersivas, de la robóticas y de inteligencia
artificial, sin que se abunde más al respecto.
38 Como se observa, en México se ha trabajado para hacer vinculantes los acuerdos
internacionales con su marco jurídico en lo que respecta a la búsqueda de una
educación de calidad con la ayuda de las TDIC. No obstante, si bien la Agenda Digital
Educativa da muestra de una evaluación completa y crítica de las experiencias de
integración de las TIC en la educación durante las últimas décadas, no deja de mostrar
un discurso tecnófilo y, en cierta medida, excluyente; ya que por momentos parece
dejar al margen el hecho de que tres de cada 10 mexicanos no tiene acceso a la red.

Reflexiones finales
39 El programa de integrar la educación y las TDIC, incluida la IA, a través de los acuerdos
internacionales, regionales y nacionales, busca el acceso universal a una educación de
calidad para toda la vida, en la que tales tecnologías se aprovecharían pedagógica y
didácticamente, en los diferentes niveles educativos y sus modalidades de oferta; lo
anterior en el marco de una concepción humanista de la educación, que integra

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alumnos, docentes, padres de familia y comunidades, que aprovechan tales recursos


desde una postura ética. Se propone también el desarrollo de modelos de
financiamiento innovadores para el logro de los objetivos correspondientes, con base el
la cooperación internacional, así como de políticas públicas y marcos regulatorios. Al
margen de la factibilidad de concretarlas cabalmente, el análisis llevado a cabo deja ver
que, con el paso del tiempo, se ha pasado de propuestas parciales a proyectos integrales
que toman en cuenta las diferentes necesidades para lograr los objetivos establecidos,
incluida la vinculación de las aspiraciones internacionales y nacionales.
40 Sin embargo, el orden geopolítico continúa marcando la pauta para el éxito o fracaso
ante tales objetivos. Por ello, habrá que establecer estrategias viables para que países
como México, a pesar de la falta de recursos, pueda integrar en sus programas
educativos la inteligencia artificial de manera crítica e innovadora, como parte de la
díada Educación-TDIC. Al respecto, se propone a) definir y comprender la inteligencia
humana (Romero, 2018) para comprender la IA; b) aprender sobre la IA, sus tecnologías
y sus técnicas; c) prepararse para la IA, al comprender su impacto potencial sobre la
vida humana (Unesco, 2019b); d) desarrollar un enfoque crítico y creativo de lo digital a
través de un pensamiento informático (Romero, 2018); e) comprender que detrás del
pensamiento informático hay un pensamiento matemático; y f) desarrollar una
perspectiva responsable, crítica y ética ante la IA, sensible ante el otro y ante el
contexto.

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RESÚMENES
El objetivo de este estudio es analizar el contenido de documentos internacionales, regionales y
nacionales que delinean las políticas públicas sobre la integración de las TIC y la inteligencia
artificial en la educación mexicana. Lo anterior encaminado a conocer tanto la estructura de las
mismas, como la factibilidad de su concreción. Teóricamente, el trabajo se sustenta en la
educomunicación y en la teoría de la acción colectiva. Desde una perspectiva cualitativa, la
metodología propuesta es heurístico-hermenéutica. Los resultados dejan ver que en México se ha
trabajado para hacer vinculantes los acuerdos internacionales con su marco jurídico en lo que
respecta a la búsqueda de una educación de calidad con la ayuda de las TIC, incluida la IA; sin que
ello excluya los aspectos estructurales que problematizan su concreción.

L’objectif de cette étude est de faire une analyse de contenu des documents internationaux,
régionaux et nationaux, qui décrivent les politiques publiques autour de l'intégration des TIC et
de l’intelligence artificielle dans l’éducation au Mexique. Cela vise à connaître tant leur structure
que leur faisabilité. Théoriquement, le travail se soutient sur l’éducommunication et la théorie de
l'action collective. Depuis une approche qualitatif, la méthodologie est heuristique-
herméneutique. Les résultats montrent que le Mexique relie les accords internationaux avec son
cadre juridique en ce qui concerne la mise en place d’une éducation de qualité à l’aide du TDIC el
l’IA. Cela sans exclure les aspects structurels qui problématisent sa réalisation.

This work searches to analyze the content of international, regional and national documents that
outline public policies around the integration of ICT and Artificial Intelligence in education, in
Mexico. That to knowing both their structure and the feasibility. Theoretically, the study is based
on educommunication and the theory of collective action. From a qualitative perspective, the
methodology is heuristic-hermeneutical. The results show that Mexico has worked to keep up
international agreements with its legal framework; without excluding the structural aspects that
problematize its realization.

ÍNDICE
Palabras claves: Inteligencia Artificial, TIC, educación, cooperación internacional, políticas
públicas.
Mots-clés: Intelligence Artificielle, TIC, éducation, coopération internationale, politiques
publiques.
Keywords: Artificial Intelligence, ICT, education, international cooperation, public policies.

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AUTOR
MIRIAM HERRERA-AGUILAR
Universidad Autónoma de Querétaro

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Enjeux et pratiques de l’intelligence


artificielle dans le secteur bancaire
en Côte d’ivoire
Analyse à la lumière de la Société Générale de Banque de la Côte d’Ivoire
(SG-CI)
Issues and practices of artificial intelligence in the banking sector in Côte
d'Ivoire:Analysis in the light of the Société Générale de Banque de la Côte d’Ivoire
(SG-CI)
Problemas y prácticas de inteligencia artificial en el sector bancario en Costa de
Marfil:Análisis a la luz de la Société Générale de Banque de la Côte d’Ivoire (SG-
CI)

Edmond DOUA

Introduction
1 La pratique du numérique se situe désormais au cœur des débats sur les
transformations sociales et économiques. En effet, induite par l’émergence des
Technologies de l’Information et de la Communication, l’Intelligence Artificielle (l’IA)
affecte tous les champs sociaux, avec un impact considérable sur le système
économique et politique de nombreux pays du monde. Comme il est donné de
constater, l’IA a bouleversé toutes les démarches communicationnelles et
informationnelles, au point de susciter des questionnements, quant à sa prégnance,
mais également ses limites dans les usages sociaux et en particulier dans le secteur
bancaire ivoirien. Il s’agira ici pour nous, de montrer la dynamique de transformation
structurelle de l’économie de ce pays, dans un contexte numérique, où l’IA semble
occuper une place de choix, dans les transactions financières.
2 En effet, conscient du rôle moteur de l’économie numérique, dans le progrès social, le
Gouvernement a décidé de faire des TIC un axe majeur de sa politique de

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développement. Pour ce faire, il s’est donné comme ambition d’assurer son progrès par
ces technologies, de sorte à créer les bases pour le déploiement d’une économie
numérique pouvant impacter durablement l’économie nationale, en changer en
profondeur son fonctionnement au plan social et créer les fondamentaux pour une
économie du savoir, au service des populations. Cet écosystème aidera le pays à
disposer à terme de services TIC compétitifs et accessibles à tous. Les TIC constituent
un levier pour le développement, à cause surtout de son impact considérable sur toutes
les branches de l’économie nationale en termes d’innovation, de productivité et
d’accélérateur de croissance. Le Gouvernement s’est donc engagé dans une politique
qui vise à promouvoir l’émergence par le développement d’une économie numérique
en intégrant l’utilisation des TIC dans toutes les sphères de la vie nationale 1.
3 Aussi, depuis un peu plus de dix ans, les fondements d’une économie numérique
inclusive, porteuse de valeurs, de richesses et de savoir ont été mis en place dans le
pays. Á cela s’ajoute également l’éclosion de nouveaux métiers générateurs d’emplois,
tels que le commerce électronique, le paiement mobile, l’infogérance, la production
d’applicatifs informatiques, la production audiovisuelle, la sécurité informatique, etc.
En définitive, l’objectif ultime est d’aider l’ensemble du secteur du numérique à donner
une plus forte impulsion à la croissance économique, au développement et à la
modernisation du pays. Plus concrètement, cette politique ambitionne de permettre au
pays de disposer de services TIC compétitifs et accessibles au plus grand nombre de
citoyens. Dans cette optique, à titre d’exemple, l’administration fiscale poursuit et
vulgarise les processus de modernisation et dématérialisation des procédures. Depuis
2016, en réalité, la Côte d’Ivoire a très fortement amélioré le fonctionnement de
l’administration fiscale (e-impôt, formulaire unique de déclaration fiscale, DGI mobile,
Net Collect Service, etc.). Le défi réside désormais dans la prolongation de ces efforts
dans la durée, en continuant d’investir dans les systèmes informatiques par exemple,
ou en assurant le suivi des différentes initiatives susmentionnées. 2
4 Dans le secteur financier, l’État s’est engagé à développer un écosystème favorisant
l’usage du numérique et permettant de réduire le numéraire en circulation, car cela
demeure une nécessité pour atteindre les objectifs de l’inclusion financière des
populations y compris celles exclues du système financier classique. Par exemple, les
solutions de paiement électronique chez les petits marchands ont la particularité
d’accélérer l’inclusion financière à travers la diversification de l’offre des services
financiers.
5 Toutefois, en dépit des progrès récents enregistrés en Côte d’Ivoire, avec plus de 1,4
milliard de FCFA de paiements électroniques en valeur en 2019, représentant 87 % des
paiements marchands mobiles de l’UEMOA, de nombreux défis restent à être relevés
sur le plan national par les secteurs public et privé. Conscient de l’ampleur de ces défis,
le Gouvernement ivoirien a inscrit la promotion du développement et de l’utilisation
des produits et services financiers numériques au nombre de ses actions prioritaires au
titre de l’année 2021. Cette volonté est d’ailleurs affirmée à travers le plan d’action de la
Stratégie Nationale d’Inclusion Financière 2019-2024 qui cible un taux de pénétration
de la finance numérique de 60 % en 2024 contre 40 % en 2017 3. Ainsi qu’il est donnée de
constater, l’IA revêt un enjeu important, dans les politiques sectorielles de
développement de la Côte d’Ivoire, pour la transformation structurelle de son
économie.

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6 La présente réflexion s’adosse donc au cas de la Société Générale de Banque de Côte


d’Ivoire (SG-CI), afin de dévoiler les véritables stratégies de l’IA, élaborées en vue de
satisfaire une clientèle devenue de plus en exigeante, en termes de qualité des offres de
produits ou de service. La raison est que, dans sa politique de modernisation de son
administration publique ou privée, l’État ivoirien s’est donné pour défis majeurs, entre
autres, l’accélération de la transformation digitale et du processus de simplification et
de dématérialisation des procédures administratives. Le but est d’améliorer également
les capacités des acteurs de l'Administration dans l'utilisation des nouvelles
technologies d'offre de services publics.
7 Dans son articulation, le travail décrit, dans un premier lieu, le cadre conceptuel et
théorique de l’étude. Au travers d’une approche générale, il interroge, dans un second
temps, les facteurs d’émergence de l’IA ainsi que les problématiques liées à la
gouvernance numérique. En fin de compte, il met en exergue les enjeux de l’IA en Côte
d’Ivoire, en s’appuyant sur l’exemple du secteur bancaire, qui convient-il de le
souligner, est en pleine expansion4.

Champ théorique et approche générale de l’étude


8 L’essor des supports numériques est si fulgurant que ces derniers sont en train
d'envahir peu à peu tous les secteurs de l’activité humaine. La digitalisation des
pratiques communicationnelles et informationnelles a eu de fortes incidences sur la vie
quotidienne de l’humanité. Par exemple, les TIC ont contribué à modifier les modes
d’achat, comme c’est le cas de la vente en ligne et les échanges de biens. Ces
bouleversements ont également atteint le rapport que l’on à l’information, avec la
création et les usages des sites en ligne. On note également que le domaine de la santé a
fortement été impacté par le numérique, avec la consultation des sites spécialisés en
ligne, pour des conseils pratiques et avec l’accès facile aux connaissances (Barbot et al,
2017). Dans ce dernier champ cité, à titre d’illustration, l’on a dorénavant la possibilité
d’accéder immédiatement aux moteurs de recherche, permettant de consulter les
encyclopédies, les dictionnaires, les articles de vulgarisation ou autres documents
disponibles en ligne.
9 La liste semble loin d’être exhaustive et témoigne des profonds bouleversements à
l’œuvre dans le domaine du commerce, des services, du travail, de l’enseignement, de la
culture, des médias. Ces transformations affectent aussi d’autres sphères telles que
celles de l’État, de l’administration, de l’économie, de la géopolitique et bien d’autres
secteurs (Rieffel, 2014). Toutefois, l’omniprésence des technologies numériques et leur
changement rapide peuvent conduire à perdre le sens historique de leur
développement et des conditions nécessaires à leur émergence (Boullier, 2016). Pour
cet auteur, il est souvent difficile de dissocier l’ensemble des transformations
numériques d’un changement économique majeur survenu exactement dans la même
période historique que celle de la financiarisation de l’économie capitaliste. Rappelons
que cette mutation, engagée à partir de 1980, a modifié le paysage des affaires pour le
numérique qui, en retour, en a constitué un booster indispensable, puisque la vitesse
des transactions financières dépend désormais entièrement de la performance des
réseaux numériques. Il convient de faire remarquer que la vitesse des transactions
financières constitue une qualité indispensable à une économie qui est devenue
spéculative. Les TIC possèdent, ainsi, une véritable capacité à simuler l’ensemble des

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outils invités jusque-là pour produire un travail intellectuel (Robert, 2010). Ces outils
qui sont utilisés pour accomplir des tâches, peuvent se concevoir sur le plan narratif ou
formel. Cependant, quels peuvent être les enjeux et les défis dont fait face l’Intelligence
Artificielle dans les pratiques sociétales d’une manière générale ?

Émergence, enjeux et défis de l’Intelligence Artificielle (IA)

10 L’intelligence artificielle (IA), qui se conçoit comme une brique technologique de la


transformation numérique, jouit d’une popularité qui remonte à quelques années
seulement. En effet, les réseaux de neurones formels ont été imaginés dès les années
1940 et le terme d’intelligence artificielle est apparu en 1956 (Henno, 2017). La pratique
de l’IA vient s’ajouter à de nombreuses transformations issues du numérique,
notamment l’essor des plateformes et l’exploitation des données. Toutes ces avancées
technologiques exercent une influence majeure sur les mutations du travail, des
décisions politiques et des dispositifs communicationnels. Ainsi l’informatique et plus
généralement les TIC vont se répandre dans les sociétés, au point de constituer des
objets de toutes les attentions politiques, économiques et industrielles (Goujon, 2007).
Cette transmutation de l’économie de marché se manifeste par une mise en réseau
planétaire des individus (le Web), par de nouvelles formes de communication
(courriels, réseaux sociaux), par une décentralisation dans la circulation des idées et
par une réappropriation de l’espace public par les citoyens. Enfin de compte, la
révolution numérique ouvre de nouvelles perspectives à la création du savoir, à
l’éducation et à la diffusion de l’information.
11 Á cet effet, certains observateurs conçoivent l’IA comme une opportunité économique
du fait des gains de productivité qu’elle peut générer à savoir : baisse de coûts due à
l’automatisation des opérations ; amélioration des processus de coordination,
optimisation des flux de production et de nouveaux marchés qui peuvent être créés
grâce à l’IA (Barlatier, 2016). Cette technologie est aussi perçue comme une opportunité
sociale, par rapport aux traitements massifs des données générées par les dispositifs
connectés. Ces dispositifs peuvent susciter de nouveaux métiers (data scientists,
programmeurs d’IA, etc.) et contribuer également à améliorer les conditions de travail,
par la prise en charge de tâches routinières et répétitives (Desbiolles, 2019). Ces
dernières années, l’IA a accompli des progrès considérables, grâce à la collecte massive
de données, à l’augmentation des capacités de calcul et aux progrès en algorithmique.
Elle permet aujourd’hui la réalisation de tâches compliquées, mais obéissant à une
régularité ou pour lesquelles un grand nombre d’exemples sont disponibles. Les
champs d’application de l’IA regroupent différents domaines comme c’est le cas du
raisonnement logique, de la représentation des connaissances, de la perception ou du
traitement du langage naturel. De nos jours, les principales applications de l’IA sont
liées aux avancées dans les techniques d’apprentissage machine et plus
particulièrement dans l’apprentissage profond, qui nécessite le plus souvent un grand
nombre de données d’apprentissage. Un premier type d’application consiste à
simplifier radicalement l’interaction humaine machine. Á titre d’illustration, l’on peut
citer la reconnaissance et la synthèse de la parole et le traitement du langage naturel,
que ce soit pour engager des conversations simples entre homme et machine ou pour la
traduction automatique. Un second type d’application est la reconnaissance de motifs
particuliers au sein de données massives. Celles-ci étant issues notamment de la
multiplication des capteurs ou de la collecte organisée. On peut, par exemple, faire

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allusion à l’analyse d’images ou de vidéos, à la reconnaissance de visages ou à la


détection de signaux précurseurs de panne (Villani, 2078). En termes de projection,
dans le futur, les progrès technologiques pourraient amener l’IA à exécuter des tâches
de plus en plus complexes, qui pourraient rivaliser encore davantage avec les capacités
cognitives humaines (Boullier 2016). Quid alors du secteur bancaire plus
concrètement ?

Enjeux de l’intelligence artificielle dans le secteur


bancaire
Aspects généraux

12 Pour les banques, à part le développement rapide de nouveaux acteurs devenus de plus
en plus très innovants, l’intégration de l’intelligence artificielle devrait avoir un impact
significatif et considérable sur la pratique professionnelle des gestionnaires, des
commerciaux. Ici, la pratique de l’IA devrait contribuer à accentuer la tendance à la
réduction de leur nombre en agences. Dans le cas de la banque de détail, par exemple,
les enjeux de l’IA sont réels, en raison de la numérisation avancée de cette activité et du
caractère immatériel de la «matière » traitée, comme c’est le cas des échanges
d’information sur les transactions. Les activités de la banque constituent donc un
domaine privilégié pour l’application de l’IA. Il faut noter que le secteur de la banque
repose largement sur l’exploitation des données et fait l’objet de longue date d’une
numérisation des processus, des échanges d’information et des transactions. Aussi,
n’est-il donc pas étonnant que les progrès récents de l’IA y soient exploités pour ces
différentes activités, comme dans bien d’autres secteurs d’activités (Duflot, 2006).
13 Par exemple, en France, le rapport de synthèse France Intelligence Artificielle de 2019
avait dressé la liste des utilisations potentielles de l’intelligence artificielle dans le
secteur : chabot, algorithmes prédictifs, orientation vers des produits adaptés, gestion
de la relation client, service client, etc. Pour en analyser les effets sur le travail, ce
rapport fait le choix de se concentrer sur les activités de la banque de détail, qui
représentent une part significative de l’emploi dans le secteur bancaire. La
commercialisation et la relation avec les clients sont des activités qui comptent
aujourd’hui 100 000 emplois environ, selon l’Observatoire des métiers de la banque, soit
un peu plus du quart de l’emploi du secteur. D’autres activités comme la banque de
marché sont concernées au premier chef par l’IA, mais ce sont là des pans qui ont déjà
connu récemment des transformations importantes liées à l’automatisation sans
intelligence artificielle : le déploiement des algorithmes de trading a par exemple
entraîné une disparition des traders au profit d’ingénieurs gérant les dispositifs
automatiques.
14 Toujours d’après ce même rapport, le secteur bancaire a été pionnier dans l’adoption
des outils informatiques pour la gestion des bases de données client et pour la mise en
place de réseaux permettant les opérations bancaires en ligne. La banque a également
été l’une des premières à mettre en œuvre des « systèmes experts », qui sont des
programmes informatiques conçus pour traiter des opérations techniques par
ordinateur. De fait, les solutions d’IA, employées dans la banque, recouvrent une
grande diversité de fonctions et de technologies ; celles-ci peuvent être divisées en
quatre catégories que sont : les applications orientées vers la relation client, les

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opérations de « back office », les applications de trading et de gestion de fortune. A cela


s’ajoutent, finalement, les applications orientées vers un usage réglementaire. En ce qui
concerne la relation client, les applications d’intelligence artificielle les plus
développées sont à chercher dans le domaine de la notation du risque crédit. Les
banques ont historiquement développé une capacité à analyser le risque associé à tout
demandeur de prêt en utilisant des modèles statistiques. Ces modèles sont aujourd’hui
enrichis par des sources de données supplémentaires qui peuvent requérir un
traitement par intelligence artificielle. Il faut noter que l’IA est utilisée par d’autres
secteurs d’activités, comme chez les assureurs, pour améliorer la granularité de leurs
offres et de leurs recommandations. Par exemple, une compagnie d’assurances pourrait
répondre aux demandes de son client en un seul appel téléphonique, grâce à une
banque de données centralisée permettant l’accès aux réclamations en cours de
traitement, aux réclamations déjà payées, à la liste des protections et au dossier de
l’assuré (BERNIER et al, 2003). Mais le principal champ d’application et celui qui porte le
plus grand potentiel de transformation du travail dans le secteur bancaire est celui des
assistants conversationnels ou chatbots5.
15 Parmi les opérations de « back office », certaines peuvent être liées aux activités
financières des banques, notamment dans le processus de modélisation des risques et
l’optimisation de l’utilisation des capitaux. Quant aux applications dans le domaine de
la gestion de fortune, par exemple, ces opérations de « back office » se consacrent
progressivement à l’analyse des signaux faibles, qui peuvent apporter des informations
utiles aux investissements. Dans le cadre du volet réglementaire, les applications de l’IA
sont en parfait rapport avec la détection des transactions irrégulières et peuvent aussi
intervenir dans l’optimisation des mécanismes de connaissances des clients. C’est le cas
au recours à la reconnaissance d’images pour extraire automatiquement les
informations utiles de l’image scannée d’une pièce d’identité 6. Enfin, sur le plan de
l’accès aux données, l’on constate que la banque a acquis une avance importante dans
sa capacité à traiter et à échanger l’information.

Les défis de l’IA dans le secteur bancaire en Côte d’Ivoire

16 En Afrique, et plus particulièrement en Côte d’Ivoire, le numérique a bouleversé le


champ des transactions financières, au point de se constituer en fer de lance, pour
booster l’économie du pays. A titre d’illustration, dans ledit pays, la vision des
gouvernants a consisté à introduire les technologies du numérique dans les plans de
progrès social, politique et économique. Dans le cadre de ce travail, nous avons essayé
de porter une analyser sur la dynamique en cours dans le champ bancaire, grâce à
l’intégration du digital dans les transactions financières. Les nouvelles pratiques
commerciales, induites par l’avènement du numérique ont appelé à une totale refonte
des modes opératoires des entreprises, sans omettre leur nouvelle vision de la relation
client. En réalité, comme nous l’avons constaté au travers de la présente étude, c’est
tout l’écosystème du management des organisations publiques et privées de ce pays qui
s’en est trouvé modifié.
17 L’exemple de la Société Générale Côte d’Ivoire (SG-CI) a servi de modèle d’analyse à
cette nouvelle pratique de l’IA dans les entreprises bancaires du pays Le choix de cet
établissement financier s’explique par le fait que dans sa démarche stratégique et
opérationnelle, pour acquérir et consolider son marché, une véritable révolution s’est

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opération dans sa gouvernance au plan numérique. En fait, au sein de cette banque, il a


été observé que l’ancienne stratégie, qui consistait à prioriser le produit au détriment
des clients a été abandonnée, au profit des usages du numérique. Dans leur quête
d’innovation, dans l’approche orientée client, les gestionnaires de la (SG-CI) ont
désormais mis le client au centre de l’attention de leurs activités financières. En réalité,
les managers du secteur se sont rendus à l’évidence que le client n’est plus juste un
simple consommateur, comme cela a été observé par le passé. Celui-ci est devenu à la
fois un consommateur et un acteur, dans un contexte du « tout numérique ». A
l’épreuve de cette nouvelle donne, des stratégies d’approche des plus novatrices et
intelligentes sont désormais conçues, aux fins d’attirer des clients ou de nouveaux
prospects vers les produits ou les services de l’entreprise. Selon Lambin et al (2021), en
effet, le domaine du marketing vit actuellement des transitions fondamentales qui
interpellent tous les acteurs de l’économie qu’il s’agisse de la digitalisation de
l’information, de l’intelligence artificielle, de la survenance de crises successives
(économiques, financières, climatiques, sanitaires ...).

Méthodologie et résultats de l’enquête

18 Afin de mener à bien cette étude, nous avons pris appui sur trois agences de la SG-CI
reparties dans trois communes du district Autonome d’Abidjan, pour la simple raison
qu’elles sont beaucoup plus accessibles, par rapport aux moyens mobilisés pour
l’enquête. Ainsi, les agences SG-CI de Yopougon Ananeraie, de Cocody Lycée technique
et du siège au Plateau ont –elles été approchées, dans le cadre de notre enquête de
terrain7. Le champ social est constitué en prise directe, de l’ensemble de la clientèle et
du personnel de cette banque. Le choix de la SB-CI s’explique par le fait que cette
institution est l’une des plus anciennes du pays et considérée comme celle qui regroupe
le plus de clients. Á titre d’illustration, au 31 décembre 2017, la SGBCI était la première
banque de Cote d’Ivoire, en termes d’encours crédit et de dépôts. Avec 15% de part de
marché, elle devance la Banque Atlantique de Cote d’Ivoire, au plan des ressources. Au
niveau des emplois, ses 19% de part de marché, la place bien loin devant ECOBANK CI.
Cette filiale ivoirienne du groupe français Société Générale LE a su faire preuve de
réactivité dans un secteur où la concurrence s’est renforcée ces dernières années. En
effet, il y’a dix ans (en 2008), le secteur ne comptait que 18 établissements. Désormais
ils sont 27 à se disputer les faveurs des populations ivoiriennes pour les services
financiers. Néanmoins, la SGBCI a su conserver ses parts de marché. Cette structure
propose une gamme diversifiée de produits ou de services digitaux et qui mise, pour
cela, sur l’IA, dans le but de mieux se positionner dans ce segment de marché. Il était
question ici de mieux cerner les stratégies, en matière du numérique de la banque, pour
faire adhérer un nombre élevé de clients. Les données obtenues ici sont de nature
qualitative et quantitative. Dans cette optique, nous avons pu observer les moyens ainsi
que les pratiques du numérique au sein de cette institution financière, en direction de
la clientèle. Cette méthodologie est basée sur des entretiens par questionnaires et de la
collecte de données qualitatives. Elle a permis de mesurer l’impact du service digital
sur le taux de bancarisation de la banque. Á rappeler que les groupes cibles étaient
composés (i) de clients ayant un compte bancaire ou non et utilisant le service
digital (ii), du personnel de la banque et (iii) des clients ayant un compte bancaire et
n’utilisant pas un compte digital. Nous avons également mis en lumière d’autres

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variables telles que (i) l’ancienneté des enquêté dans l’usage de la digitalisation et (ii) le
Rapport entre client et banque autour du digital.
19 Les résultats de l’enquête ont mis en évidence le fait que 37% des utilisateurs du digital
viennent de la SG-CI. Alors que le reste des 63% sont répartis entre les autres banques.
On peut comprendre que la SG-CIG détient une part importante des clients sur le
segment des marchés des services bancaires. Elle est également pionnière dans la
digitalisation puisqu’elle occupe la première place dans le domaine de la numérisation
des banques. La Société Générale a fait du processus de la numérisation une priorité en
mettant en place un service autonome décentralisé constitué en filial « YUP ». Dans ce
sens YUP conçoit les progiciels de la Générale et représente un véritable laboratoire des
services numériques.
20 En définitive, le fort taux de 37% des utilisateurs des services numériques traduit la
position de leader de la SG-CI. Ainsi il est important de mesurer le niveau de
satisfaction des clients face aux différents services proposés avec de l’avènement du
numérique dans les prestations bancaires. Concernant le degré de satisfaction des
enquêtés face à l’utilisation du digital, l’étude a montré que 65% des enquêtés sont
« plutôt satisfaits » des services proposés par la Générale. La numérisation des services
chez la Générale reste encore un projet inachevé laissant parfois les clients sur leur fin.
En fait, seulement 14,49% des utilisateurs sont entièrement satisfaits des services
proposés. Cela est imputable au fait que la numérisation est récente dans les habitudes
des consommateurs restés pendant longtemps attachés aux services traditionnels d’une
part et d’autre part ces insatisfactions sont liées aux défaillances notées au niveau des
réseaux mobiles.
21 En ce qui porte sur les enjeux du numérique dans ce secteur, 62,32% des clients
estiment qu’une banque digitale est une institution qui facilite l’accès aux services
proposés. Pour les clients de la Générale, la digitalisation de leur banque passe par un
rôle important joué par les mobiles dans la communication. En effet, les moyens d’accès
au service numérique de la Société Générale sont divers. Le plus utilisé est la
messagerie instantanée (48%) incluant la messagerie instantanée et l’internet. La
messagerie instantanée est toute information relative aux opérations telles que
consultation de soldes, retrait et dépôt via un opérateur mobile. Il est le service le plus
utilisé dans le cas de cette étude, car permettant aux usagers des services numériques
de recevoir spontanément des informations relatives à leur compte bancaire ou toute
autre opération. Il crée en ce sens un lien de confiance mutuelle entre la banque et ses
clients. La Société Générale pourrait améliorer les services de la messagerie instantanée
pour attirer davantage de clients. Ce service est un moyen permettant d’entretenir la
proximité entre le client et son compte, car favorisant un accès plus facilité par l’usage
du téléphone mobile. Les autres services notamment le « mailing » sont encore
marginalisés en raison de leur faible taux d’utilisation par les clients.
22 En fin de compte, l’on peut soutenir que l a numérisation des services de la SG-CI
ressente un fort enjeu pour sa clientèle. C’est un projet qui offre beaucoup d’avantages
parmi lesquels on peut citer « gain de temps 16% », « gain de temps et simplification
des opérations 23% », « réduction des procédures administratives 14% », « gain de
temps et réduction des frais 15%».
23 Á la lumière de ces enjeux globalement bénéfiques, seulement 14% d’insuffisance dont
8% liés au risque de piratage de données et 6% de perte de temps. Les avantages sont
plus mis en avant, par les enquêtés, par rapport aux usages de l’IA, dans le secteur de la

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banque en Côte d’Ivoire. La digitalisation se présente dès lors comme un projet qui va
impacter davantage le taux de bancarisation.

Contraintes et limites de l’IA dans le secteur bancaire

24 D’une manière générale, en Afrique, les contraintes sont liées à l’instabilité des réseaux
mobiles, aux coûts élevés et la lenteur des services dans le traitement des besoins des
clients des banques. Accoler à cela, de nombreuses menaces qui planent sur la stabilité
économique de plusieurs pays africains, en raison du nombre important des arnaques
réalisées à l’aide des outils numériques (téléphone cellulaire et Internet) aussi bien à
l’intérieur des pays qu’au plan international (Bogui et al, 2016). En Côte d’Ivoire, plus
précisément, l’on observe que malgré le fait que les applications de base, pour la bonne
maitrise de l’Internet, sont à la portée de l’utilisateur moyen, sa diffusion étendue
(socialement et spatialement) suppose un certain niveau de scolarisation qui
permettrait au moins de savoir lire et écrire. Toute chose qui, de toute évidence, n’est
pas le cas pour de nombreux Ivoiriens. Dans ces conditions, il est très difficile, pour la
grande majorité des populations, de pouvoir utiliser de façon autonome les différents
services qu’offre l’IA, même si elles en avaient les moyens. En effet, dans ce pays, bien
que la politique d’alphabétisation ait été conduite par l’État, depuis l’indépendance, en
1960, pour permettre à un grand nombre de citoyens de savoir lire et écrire, le fléau de
l’illettrisme sévit encore dans beaucoup de régions et de couches sociales. Le taux
officiel d’alphabétisation (proportion des individus âgés de 15 ans ou plus capables de
lire et d’écrire) est estimé à 49 % de la population en âge de lire et d’écrire. Cela revient
à dire que plus de la moitié des Ivoiriens ne sait ni lire ni écrire (Loukou, 2012).

Conclusion
25 La présente étude a révélé que les avancées technologiques étendront plus ou moins
vite le champ d’action potentiel de l’intelligence artificielle. Ces progrès pourront venir
d’une amélioration des capacités de traitement, d’une capacité d’apprentissage
optimisée à partir d’un nombre d’exemples plus restreint ou de la baisse du coût ou de
la consommation des puces informatiques permettant de déployer des systèmes à base
d’intelligence artificielle. Sur ces différents champs, des travaux de recherche sont
engagés. En termes de perspectives, on note que des avancées nouvelles spectaculaires
peuvent survenir dans les prochaines années. En fait, vue comme nouvelle technologie
du numérique, l’IA peut être intégrée au fonctionnement des entreprises et des
organisations dans la dynamique générale de leur transformation numérique. Cette
dernière est plus ou moins rapide selon les secteurs d’activité.
26 La présente réflexion, qui a porté sur les enjeux et les pratiques de l’intelligence
artificielle dans le secteur bancaire en Côte d’ivoire, a pris pour prétexte le cas de la
Société Générale de Banque de la Côte d’Ivoire (SG-CI), pour mesurer partiellement
l’écosystème de l’économique numérique du pays. Á cet effet, nous avons vu comment
la diffusion de l’IA, dans le contexte ivoirien pourrait intervenir dans la continuité de la
transformation numérique des entreprises et des organisations. La numérisation des
données pourrait conduire ici à des mutations progressives des tâches, des emplois, des
compétences et des organisations, avec la possibilité d’accompagner les évolutions pour
les travailleurs ainsi que pour les usagers du secteur de la banque. L’étude a également

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démontré que les enquêtés sont « plutôt satisfaits » des services proposés par cette
banque, bien que la numérisation des services ici reste encore à améliorer. Cela est dû
au fait de quelques difficultés techniques observées au niveau des réseaux mobiles, des
coûts élevés, et de la lenteur des services dans le traitement des besoins des clients.
27 Ainsi, notre étude a démontré que l’IA présente d’énormes avantages autant pour les
gestionnaires des banques que pour les consommateurs de ces produits et services.
Toutefois, des mesures doivent être prises pour rassurer davantage certains clients, qui
émettent encore de sérieuses réserves, quant à la fiabilité du système de sécurité mis en
place dans les transactions financières. La cybersécurité demeure une nébuleuse en
Afrique et une solution pérenne aiderait à mieux profiter des avantages de cette
pratique communicationnelle et informationnelle nouvelle.
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OpenEdition Journal.

NOTES
1. Le secteur de télécoms et des TIC en CI a été renforcé et est règlementé notamment par:
- L’ordonnance N° 2012-293 du 21/03/2012
- La loi NO 2013-451 de 2013 relative à la lutte contre la Cybercriminalité
- La loi N° 2013-546 de 2013 relative aux transactions électroniques
- La loi N°2013-450 de 2013 sur la protection des données à caractère personnel
- La loi défiscalisant le matériel téléphonique et informatique relative à l’ordonnance No
2015-503 de 2015 sur l’exonération des droits et taxes sur les matériels informatiques, les
tablettes électroniques et les téléphones portables.
2. Plan National de Développement (PND 2021-2025), Tome 1, Diagnostic stratégique, p. 11.
3. COULIBALY, A. (2021). Stimuler la numérisation des paiements marchands : des clients aux
fournisseurs. APIF-CI, novembre 2021.
4. Actual-IT n° 00, Le Magazine d’Information de l’Economie numérique, mars, 2016, p. 4.
5. Les Chatbots ou agents conversationnels, font partie des usages de l’intelligence artificielle dans
le secteur bancaire. Cette technique permet en principe de répondre aux questions des clients sur
la base de milliers de conversations analysées et enregistrées. Ces programmes font miroiter la
promesse d’une interface plus disponible et plus rapide pour les clients des banques, notamment
pour les opérations à distance. La première phase de déploiement d’un chatbot s’accompagne
donc de la mise en place d’une interface de conversation sur le site de la banque ou directement
intégrée dans l’environnement de messagerie de l’utilisateur (WhatsApp, Facebook, Slack,
WeChat, etc.). Après cette phase de collecte, les réponses peuvent progressivement être
automatisées et l’algorithme est ainsi entraîné à reconnaître les différentes façons de formuler la
même demande.
6. Source : La classification du Financial Stability Board (2017), Artificial Intelligence and Machine
Learning in Financial Services, novembre ; Association internationale des contrôleurs d’assurance
(IAIS) (2017).
7. L’enquête s’est déroulée de mai à juillet 2019.

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RÉSUMÉS
L’intelligence artificielle (IA) se présente comme l’ensemble des technologies ayant pour but de
réaliser, par l’informatique, des tâches cognitives habituellement effectuées par un être humain.
Cette nouvelle pratique se situe, de plus en plus, au cœur des débats sur les transformations
sociales. Provoquée par l’émergence des TIC, l’IA affecte tous les secteurs de la vie sociale. Cette
nouvelle donne a un fort impact sur les activités économiques de nombreux pays. Par exemple,
les pratiques d’achat, les modes de production et de distribution des biens de consommation sont
touchés par l’IA.
A l’aune donc de tout ce qui précède, cette réflexion questionne les véritables enjeux de
l’intelligence artificielle dans le domaine de la banque en Afrique d’une manière générale. De
façon particulière, l’auteur s’adosse au cas ivoirien, pour montrer la dynamique structurelle et
économique dans laquelle s’opèrent les activités bancaires du pays, dans un contexte du ‘’tout
numérique’’.

Artificial intelligence (AI) is presented as the set of technologies aimed at performing, through
computers, cognitive tasks usually performed by a human being. This new practice is
increasingly at the heart of debates on social transformations. Driven by the emergence of ICTs,
AI affects all areas of social life. This news has a strong impact on the economic activities of many
countries. For example, the purchasing practices, production and distribution patterns of
consumer goods are affected by AI.
In light of all of the above, this reflection questions the real issues of artificial intelligence in the
field of banking in Africa in general. In particular, the author leans on the Ivorian case, to show
the structural and economic dynamics in which the country's banking activities operate, in an
"all digital" context.

La inteligencia artificial (IA) es el conjunto de tecnologías cuyo fin es realizar, a través de la


computación, tareas cognitivas que habitualmente realiza un ser humano. Esta nueva práctica
está cada vez más en el centro de los debates sobre las transformaciones sociales. Provocada por
la aparición de las TIC, la IA afecta a todos los sectores de la vida social. Esta nueva situación tiene
un fuerte impacto en las actividades económicas de muchos países. Por ejemplo, las prácticas de
compra, los modos de producción y distribución de bienes de consumo se ven afectados por la IA.
A la luz de todo lo anterior, esta reflexión cuestiona los retos reales de la inteligencia artificial en
el ámbito de la banca en África en general. En particular, el autor se apoya en el caso marfileño,
para mostrar la dinámica estructural y económica en la que se desarrolla la actividad bancaria
del país, en un contexto de “totalmente digital”.

INDEX
Keywords : Digital, Economy, ICT, Emergence, Artificial intelligence Africa
Palabras claves : Digital, Economía, Emergencia, Inteligencia Artificial, África
Mots-clés : Numérique, Économie, Émergence, Intelligence Artificielle, Afrique

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L’effet des variables de contingence


configurationnelle personnelle sur
le succès des projets
entrepreneuriaux basés sur
l’intelligence artificielle en Tunisie
The effect of personal configurational contingency variables on the success of
AI-based entrepreneurial projects in Tunisia
L'effetto delle variabili di contingenza della configurazione personale sul
successo dei progetti imprenditoriali basati sull'AI in Tunisia

Lobna Affes

1 De nos jours, les autorités économiques s'efforcent de diffuser une culture


entrepreneuriale susceptible d’orienter les comportements des différents acteurs
sociaux vers la création des projets d’investissement à forte valeur ajoutée. Plusieurs
auteurs ont aussi essayé de détecter les facteurs qui motivent l’exploration et
l’exploitation des opportunités entrepreneuriales en la matière. La Gestion des
ressources humaines stratégiques évoquée par Delery et Doty (1996) a montré qu’il est
pertinent de soutenir la motivation et l’engagement au travail pour garantir
l’ambidextrie entrepreneuriale AM (Capacité d’exploration et d’exploitation simultanée
des opportunités entrepreneuriales). De ce fait, miser sur le développement, le design
et l’orientation des compétences entrepreneuriales d’une façon continuellement
révisée devient un défi pour garantir la vision des potentiels entrepreneurs au sein de
toutes les chaînes de valeurs réorganisées (Delery et Doty, 1996). Ces entrepreneurs
seront donc amenés à disposer d’une compétence générique requise en la matière.
Cette dernière compétence exige aussi la maîtrise de la connectivité et de la
collaboration qui sont orientées vers l’apprentissage digital tel que vécu par les équipes
de travail virtuel. Ceci est suggéré pour la finalisation des stratégies d’affaires
contemporaines faisant appel aux technologies du « Big Data », du « Block Chain », de

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l’« Internet of things » et de la Robotique (Nawaz, 2019). Ces dernières technologies


interactives nécessitent donc la présence combinée de certaines caractéristiques
personnelles ou individuelles spécifiques qui ont été souvent traitées selon une
approche de la contingence universaliste. Cependant l’impact séparé de chaque
spécificité personnelle de l’entrepreneur innovant n’a pas été souvent validé. C’est dans
ce cadre que s’inscrit l’objet de notre travail de recherche qui essaiera de résoudre le
problème cité selon une approche plutôt contingentielle de type configurationnel
qu’universaliste. Ainsi la problématique de la présente recherche consiste à étudier
comment les caractéristiques des entrepreneurs qui sont porteurs d’un Projet
Entrepreneurial Digitalisé (PED) selon une approche configurationnelle peuvent-elles
favoriser les Succès des Projets Entrepreneuriaux Digitalisés (SPED) qui sont censés être
à forte valeur ajoutée continuelle dans une société du savoir diversifié. L’objectif sera le
suivant : analyser et interpréter l’importance de quelques caractéristiques personnelles
spécifiques aux entrepreneurs qui sont de nature interactives, et ce dans une vision
holistique dans un contexte des PED faisant appel entre autres à l’IA.

Cadre théorique et développement des hypothèses


2 Plusieurs théoriciens ont cherché à soulever les défis de l'explication précise de l’effet
des variables personnelles des entrepreneurs sur la réussite entrepreneuriale (Ajzen,
1991). En effet, l’entrepreneuriat comme un cadre de réflexion et d’action
pluridisciplinaire a toujours présagé que tout succès dépend de la conformité à ses
paradigmes à savoir : l’opportunité, la création d’une organisation, la création de
valeurs et l’innovation (Verstraete et Fayolle, 2005). Cependant ces paradigmes ont
toujours négligé les études approfondies en matière des spécificités individuelles des
entrepreneurs dans le cadre de la digitalisation. En fait, l’IA influence souvent les
comportements entrepreneuriaux pouvant remettre en cause les derniers paradigmes.
Dans ce sens, la majorité des chercheurs avancent quelques compétences selon une
approche analytique non généralisable. Bien souvent, ces solutions apportées à la
création des affaires digitalisées diffèrent d’une personne à l'autre et d’un contexte à
l'autre. Ceci nous interpelle à maint égard à mettre en exergue l’importance de l’apport
de Lawrence et Lorsch, (1967) relatif à la théorie de la contingence en ce qui concerne
l’intégration et la différenciation technique et organisationnelle. Selon cette dernière
qui reste descriptive et unidirectionnelle ou monolithique lors de l’étude des réalités
productives des organisations, l’étude de l’efficacité relative aux paradigmes
entrepreneuriaux personnalisés devient trop subjective. L’intégration de la
digitalisation dans le domaine des projets entrepreneuriaux nous pousse donc à
intégrer la vision holistique dans l’approche contingent classique. Il s’agit de l’approche
de la Contingence configurationnelle (CC) qui considère que les variables qui lui
correspondent ne sont pas séparées, mais plutôt dyadiques (Pesqueux, 2020). En outre,
il est important de savoir qu’un projet entrepreneurial est un processus essai-erreur de
concrétisation d’une idée validée et exprimée à l’état d’une opportunité pouvant avoir
une valeur ajoutée potentielle pour ses utilisateurs (Verstraete et Fayolle, 2005). De nos
jours, ce projet est passé au stade de la digitalisation. Il s'en sert, et se permet d’en
exploiter les pratiques pour profiter des avantages avec vigilance, agilité et
ambidextrie. Parmi les qualités de ces projets profitant du Big data, de l’IA, du cloud
computing, du data analytics etc., nous pouvons inévitablement citer plusieurs
variantes comme le volume de données, la variété, la vélocité, l’innovation tous

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azimuts, la véracité, la valeur ajoutée, la traçabilité et la rapidité (Elragal, 2014 ;


Elgendy et al, 2014).

Le succès des projets entrepreneuriaux digitalisés SPED

3 La perspective de la contingence universaliste propose aussi de « meilleures pratiques »


qui, une fois adoptées et mises en œuvre, pourraient contribuer à expliquer le choix des
compétences qui peuvent profiter des synergies positives et qui se tracent dans la
transversalité, et ce entre les variables de la contingence engendrant le succès
stratégique entrepreneurial (Huselid, 1995). De plus, les chercheurs en la matière ont
toujours essayé de montrer que les comportements performants des entrepreneurs
émanent souvent des preneurs de risque, qui sont à l'affût continuel des opportunités
d'innovation, et qui possèdent une forte capacité d’engagement et de créativité, ce qui
peut améliorer leur résilience face aux changements induits par la digitalisation
(Nawaz, 2019). En outre, Pfeffer (1995) propose l'utilisation de plusieurs pratiques de
gestion des projets entrepreneuriaux pour atteindre une productivité et des succès plus
élevés. Bien que l'adéquation ou l’alignement interne soit la clé de succès des approches
universalistes, ces modèles ne tiennent pas explicitement compte de l'intégration des
spécificités internes et externes de la motivation et de la psychologie des
entrepreneurs, et ils ne les considèrent que d'un point de vue additif et non combiné
(Pfeffer 1995). Néanmoins ni les traits de personnalité ni la structure des
comportements qui sont à la base de la prise de décision, n’ont été étudiés avec
précision. À ce niveau, l’approche de la (CC) s’est imposée à l’évidence pour expliciter
cette réalité combinatoire complexe des variables qui pourraient avoir des effets
variables et évolutifs sur le succès et l’agilité des PED. Selon Khandwalla (1972), cette
approche configurationnelle soutient aussi qu'une organisation ne sera efficace que
lorsque la cohérence des variables personnelles avec les variables de l’environnement
interne et le pouvoir externe s’améliore (Mintzberg, 1981). Selon cette approche, il
n’existe pas un nombre représentatif de constellations spécifiques de variables
personnelles et organisationnelles ou autres qui traduisent la réalité du comportement
des entrepreneurs (Miller et Friesen, 1984). De même dans un PED, il est pertinent de
préparer un plan d’affaires pour vaincre la résistance au changement et pour garantir
la continuité du projet innovant avec l’amélioration des compétences. Selon Pfeiffer et
al (2000), un projet ne réussit que s’il arrive à survivre aux changements à court et à
long terme. Le succès entrepreneurial dans la présente étude a été aussi déterminé en
effectuant la fusion des résultats du succès individuel avec ceux du succès
organisationnel (Fatoki, 2018). En ce qui nous concerne, nous nous permettons
d’adopter cette démarche explicative puisque nous nous intéressons aux caractères
configurationnels individuels de l’entrepreneur. Cherchant à profiter de la
digitalisation, un entrepreneur va tenter d’adopter quelques comportements
structurés. Le locus de contrôle en est une caractéristique souvent évoquée par les
chercheurs en la matière.

Le locus de contrôle, l’auto efficacité et l’adoption de l’IA

4 Le locus de contrôle est un facteur déterminant de la personnalité des entrepreneurs


(Mat et al, 2015). Il assure l’adéquation de la croyance personnelle des entrepreneurs
innovants avec leur auto-efficacité pour donner lieu à un autocontrôle adéquat capable

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de mener vers la maîtrise des évènements externes. (Bandura, 2003). Ceci renforcera
leur attitude positive puis leurs intentions d’entreprendre malgré la complexité du
contexte et ses risques. Les attentes personnelles en ce qui concerne l’auto efficacité
individuelle affectent généralement l’efficacité de la réalisation des objectifs. En effet,
selon Bandura (2003), une personne dotée d’un niveau élevé d’estime de soi ou de
croyance en ses potentialités et capacités en auto efficacité pourra obtenir ce qu’il
désire beaucoup plus rapidement qu’une autre personne qui possède un niveau d’auto
efficacité faible.
5 Rotter (1990), en se basant sur les théories de l'apprentissage social, affirme que la
psychologie des preneurs de décision, exige l’étude des facteurs intrinsèques à leur
psychologie et ceux d’ordre externe qui échappent à leur volonté. Le comportement des
entrepreneurs croyant à l’effet positif de l’IA reste cartésien et peut s’apparenter au
modèle de l’action planifiée et des choix raisonnés d’Ajzen (1991). De même Bandura
(2003) a évoqué la théorie sociale cognitive qui interpelle trois éléments clés à savoir la
personne, le comportement et l’environnement. Donc l’auto efficacité et le niveau de
sensibilité de l’entrepreneur aux changements et aux imprévisions vont solliciter son
niveau de confiance en soi sans se référer aux attributions causales illustrées par
l’échec (Rotter, 1966). D’où nous proposons l’hypothèse suivante :
6 H1 : Le locus de contrôle entrepreneurial a un impact positif et significatif sur le SPED.
7 D’autres facteurs personnels peuvent être développés en la matière notamment l’agilité
de l’entrepreneur dans une situation du modèle d’affaires pour une startup.

L’agilité de l’entrepreneur face aux changements technologiques de


la digitalisation

8 L’accélération de l’innovation et l’Agilité Entrepreneuriale (AG), sont de nos jours deux


concepts clés et complémentaires pour le SPED (Boboc et al, 2020). Il est vrai que
l'innovation existe depuis la nuit des temps; mais la manière de s’adapter à ses
changements varie d’un projet à un autre. Ce niveau d’acceptation s’explique par la
résilience des entreprises face aux changements (Fatoki, 2018). De même, l’AG dans les
PED s’explique par leurs capacités d’interagir, de réfléchir, de critiquer et d’interpréter
les imprévisions et donc de leurs réactions mentale ou cognitive (Chakravarty et al,
2013). D’où gérer efficacement le changement technologique rapide dépend de l’effet de
la culture et de la vision stratégique des entrepreneurs.
9 Selon Harms et al (2009) et Fatoki (2018), l’entrepreneur contemporain doit songer à
transformer les changements environnementaux prévisibles et imprévisibles qui sont
de nature économique, sociétale et/ou technologique (exemple la révolution
Tunisienne en 2011 et la pandémie du Covid-19) en opportunités tout en profitant du
contexte démocratique. De ce fait, le rôle de l’agilité pourrait affaiblir la rigidité
culturelle et comportementale dans le milieu des affaires (Boboc et al, 2020). Bien
évidemment l’(AG) anticipera l’effet positif de la participation, de l’union des efforts, de
la solidarité et du travail collaboratif pour assurer la réussite des PED (Boboc et al,
2020). Donc, l’(AG) se résume dans l'habileté de l’équipe à affronter les imprévisions à
condition qu’elle soit bien implantée dans leur acceptation cognitive (Fatoki, 2018). Ceci
nous poussera à émettre l’hypothèse suivante :
10 H2 : L’agilité de l’entrepreneur a un impact positif et significatif sur le SPED

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


63

11 Face à la multiplicité des soucis, des événements et des circonstances, l’on sera amené
pour des raisons de commodité à étudier le rôle de l’(AM) dans le SPED déjà cité. Il va
sans dire qu’une personne ambidextre est celle qui est à la fois droitière et gauchère.
Pris dans un sens figuré, cela symbolise l’habilité de cette personne (la polyvalence).

L’ambidextrie des entrepreneurs innovants

12 L’étude du caractère ambidextre est essentielle dans notre étude, puisque notre cible
est l’ensemble des PED. Les caractéristiques de cette forme d’entrepreneuriat exigent
l’existence indispensable de l’innovation technologique qui présente à son tour une
problématique au niveau de la résistance aux changements (Brion, 2008). Pour faire
face à cette réalité, un état de résilience entrepreneuriale accompagné par un esprit
ambidextre pourrait contribuer à la résolution ou bien à la minimisation des chocs
socio-culturels au niveau de la pratique des affaires. Mais selon la constatation de
Yacoubi et al (2020), les études concernant la résilience des PME restent encore un sujet
peu étudié. En fait l’(AM) peut être un comportement complémentaire à la résilience au
sein des organisations. Rappelons encore que l’opportunité entrepreneuriale constitue
un paradigme essentiel de l’entrepreneuriat, et que l’entrepreneur ambidextre sera
ainsi celui qui a la capacité de l’exploiter et de l’explorer originalement (Brion, 2008).
March (1991) a énoncé que l’exploration et l’exploitation des opportunités relèvent de
l’apprentissage organisationnel de type essai-erreur et de l’expérience. Mothe et al
(2008) ont à leur tour relié ce phénomène à la présence d’un apprentissage
organisationnel orienté vers l’innovation technologique et vers un certain niveau
d’ambidextrie. Donc cela nous orientera vers la détection de l’opportunité et de
l’initiation au savoir-faire. Ainsi l’hypothèse trois pourra être énoncée comme suit :
13 H3 : la présence d’un entrepreneur ambidextre a un impact positif et significatif sur le
SPED.
14 Ainsi, une analyse isolée de chaque variable de contingence individuelle s’avère
insuffisante. Donc l’étude de la combinaison des caractéristiques des variables
individuelles devient cruciale.

L’interaction entre les facteurs de contingence individuelle

15 L’approche de la contingence configurationnelle (CC) explique clairement le rejet de


l’existence d’un « one best way » sous l’effet des variables environnementales,
organisationnelles, personnelles ou technologiques (Delery et Doty, 1996 ; Bargues,
2013). En effet, selon cette approche, les facteurs individuels peuvent être les mêmes,
mais leurs effets sur le succès des projets entrepreneuriaux diffèrent d’un mode
d’interaction à un autre (Delery et Doty, 1996). Ainsi Mintzberg (1981), a montré que les
variables de contingence telles que le système technique, l’environnement,
l’organisation et le pouvoir requis par les responsables forment avec les variables de
conception, les conditions de configuration de la structure de l’entreprise appelée
« Adhocratie ». Pesqueux (2020), propose d’autres variables individuelles de
contingence essentielles pour l’amélioration de la performance stratégique. Selon ce
dernier auteur l’(AG) se manifeste à travers son interaction avec les changements cités
et avec la culture entrepreneuriale créative correspondante tout en respectant
l’équilibre social. En outre, l’étude selon la théorie de la contingence suppose qu’il n’y a

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


64

pas un seul modèle réunissant tous les facteurs individuels qui puissent garantir le
succès entrepreneurial. En d’autres termes, il existe un ensemble de facteurs
individuels qui peuvent le garantir tout en provenant de circonstances familiales,
institutionnelles, culturelles, psychosociologiques ou technologiques (Harms et al,
2009). D’ailleurs parmi les facteurs internes nous citons le trait de caractères et les
styles de leadership, le locus de contrôle, l’auto-efficacité, l’ambidextrie, l’agilité et la
motivation interne. Parmi les facteurs externes nous citons à titre d’exemple le degré
du respect des normes sociales et le cadre politique et légal. (Rotter, 1966 ; Brion, 2008).
Dans ce sens, en se basant sur l’approche de la contingence configurationnelle (CC),
nous avons choisi d’arrêter notre choix sur les facteurs individuels internes, car ils
déterminent en priorité les sources de motivation interne pour tous les secteurs
d’activités d’affaires. De même, les recherches dans le domaine entrepreneurial tentent
d’expliquer l’effet des variables personnelles des entrepreneurs d’une façon directe sur
le succès entrepreneurial. Cependant ces dernières variables connaissent des
interactions qui modifient leurs impacts (Mat et al, 2015). À partir de ce qui précède, et
en rappelant que les variables personnelles interpellées dans cet article sont
l’ambidextrie, le locus de contrôle et l’agilité, nous pouvons alors proposer cette
dernière hypothèse :
16 H4 : l’interaction entre le locus de contrôle, l’agilité et l’ambidextrie de l’entrepreneur
ont un effet positif et significatif sur le SPED

Présentation du modèle, des variables, des données et


de la méthodologie
Modèle de recherche

17 Pour tester nos hypothèses relatives au SPED nous proposons le modèle suivant :
18 Y(i) = α 0+ α1 LOC + α2 AGIL + α3 AMBI + α4 F1*F2*F3+ α5 AGE + α6 EXP + α7 EDU +ε(i)
19 Avec Y : succès des projets entrepreneuriaux digitalisés SPED.
20 LOC : locus de contrôle entrepreneurial.
21 AGIL : agilité entrepreneuriale.
22 AMBI : ambidextrie entrepreneuriale.
23 F1*F2*F3 : variable interaction (LOC *AGIL* AMBI).
24 AGE, EXP, EDU : il s’agit de l’âge, l’expérience et le niveau d’éducation de l’entrepreneur
qui sont considérés comme des variables de contrôle.
25 D’où le modèle de la présente recherche sera le suivant :

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65

26 Figure 1 : Le modèle conceptuel de la recherche

Choix méthodologique

27 La relation entre les variables indépendantes et dépendantes est testée par un logiciel
SPSS 25 en appliquant la méthode d’analyse factorielle, l’analyse bi variée à travers la
matrice de corrélation et la régression linéaire multiple.

Le choix et la description de l’échantillon

28 L’enquête s’est déroulée durant la période allant du 12/04/2020 au 30/06/2020. L’âge, le


niveau d’éducation et l’expérience professionnelle dans notre échantillon sont des
facteurs importants. Aussi faut-il rappeler que notre échantillon est de convenance. La
méthode de collecte des données se base sur un questionnaire fondé sur une échelle de
type Likert allant de 1 à 5. Il s’adresse à des jeunes porteurs des projets digitalisés qui
sont en pleine activité (48) et à ceux qui se sont récemment lancés dans la
concrétisation de leurs projets (21). Après avoir testé le questionnaire à quatre reprises
pour ajuster son contenu conceptuel, nous l’avons adressé à l’échantillon déjà cité.
L’échantillon de départ a été de 150 personnes : 23 par Email dont 3 seulement nous ont
fourni une réponse acceptable et 127 par téléphone, par les réseaux sociaux et en face à
face sur les lieux de travail, auprès de la pépinière d’entreprises de Sfax Sakiet Ezzit,
située dans le technopole d’Al Ons, auprès de la pépinière de l’ENIS de Sfax et autres. 66
réponses seulement ont été retenues après la vérification de leur validité. Au total et
après rejet des cas de non réponse, des réponses incomplètes et des ratures, nous
n’avons retenu que 69 questionnaires. L’âge moyen des répondants est de 41 ans avec
un minimum de 25 ans et un maximum de 66 ans. Pour l’expérience des entrepreneurs,
il s’avère que la moyenne de l’expérience dans notre échantillon est de 12 ans. En ce qui
concerne le niveau d’éducation des répondants, 57 % des répondants ont un niveau
d’éducation Bac + 3 ans.

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66

Variables de recherche

29 Le tableau suivant présente les variables du modèle ci-dessus

Nom de la variable Code Item Explication Référence

Variable dépendante

Niveau de Satisfaction au niveau


SPD1
satisfaction personnel et professionnel

Faire ce que je veux au niveau


SPD2 Liberté
Succès des projets personnel et professionnel
entrepreneuriaux Fatoki (2018)
digitalisés(SPED) Entreprise Je pense que mon entreprise
SPD3
développé se développe

J'atteins les objectifs de travail


SPD4 Objectifs atteints
que je me suis fixé

Variables indépendante

Le locus de contrôle de Les bonnes choses remplacent


LOC1 Remplacement
l’entrepreneur les mauvaises choses

La plupart des malheurs


résultent d’un manque de
LOC2 Malheur
capacité, d’ignorance, de
paresse ou des trois

Ce qui m’arrive est mon


LOC3 Responsabilité
propre fait

Parfois je sens que je n’ai pas


LOC4 Contrôle de vie assez de contrôle sur la
direction de ma vie
Rotter (1966)

Admettre nos Nous devons être capable


LOC5
fautes d’admettre nos fautes

Cacher nos Il est préférable de cacher nos


LOC6
erreurs erreurs

La plupart des gens ne


réalisent pas à quel point leurs
LOC7 Vie contrôlée
vie est contrôlée par des
évènements accidentels

Il n’ y a pas vraiment de
LOC8 Pas de chance
chance

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67

Quoi que je fasse, je ne


LOC9 Pas de réussite réussirai probablement pas
dans mon travail

C’est mon propre


Comportement
LOC10 comportement qui détermine
de réussite
si je vais réussir au travail Paquet et al
(2014)
Je peux éviter d’avoir des
LOC11 Éviter l’échec échecs dans mon travail par
mon comportement

Volonté de Si je le veux vraiment, je peux


LOC12
réussite réussir dans mon travail

Capacités de Renforcer les capacités pour


AGIL1
prévision prévoir les changements

Profiter rapidement des


AGIL2 Profit rapide opportunités tant qu’elles se
présentent

Agilité de Être prêt à faire des Chakravarty


l’entrepreneur Changement changements organisationnels et al, (2013)
AGIL3
organisationnel pour répondre aux
opportunités

Être prêt à prendre


Changement rapidement des décisions de
AGIL4
stratégique changement stratégique pour
répondre aux opportunités

L’ambidextrie de Nouvelles Introduire de nouvelles Brion,(2008)


AMBI1
l’entrepreneur générations générations de produits

Proposer des produits


Nouveaux
AMBI2 complètement nouveaux pour
produits
le marché

Nouveaux Entrer dans de nouveaux


AMBI3
champs champs technologiques

Vendre à de nouveaux clients


AMBI4 Nouveaux clients
dans de nouveaux marchés

Améliorer le Améliorer la qualité des


AMBI5
produit produits existants

Produit
Introduire des produits
AMBI6 légèrement
légèrement différents
différent

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


68

Améliorer le Améliorer la flexibilité du


AMBI7
processus processus de production

Réduire les coûts de


AMBI8 Réduire les coûts production et/ou les
consommations

Variables de contrôle(binaire)

1 si l’âge de l’entrepreneur est moins de 25


Âge de l’entrepreneur AGE
ans/ 0 si non

1 si niveau d’éducation dépassent le BAC et


Niveau d’éducation EDU
+3/0 si non

Expérience 1 si l’expérience ne dépassent pas les 5 ans/ 0


EXP
professionnelle si non

L’analyse du modèle de la recherche et l’interprétation


des résultats
30 Eu égard à ce qui précède, nous présenterons brièvement dans la suite les résultats
statistiques.

Les résultats de l’analyse factorielle des variables

31 Après avoir testé les variables endogènes et exogènes, nous avons obtenu les résultats
de l’analyse factorielle exploratoire qui correspondent à :
32 « Y » : qui se sont avérés concluants : pour le SPED(4 items) nous n’avons retenu que
SPD 1 et 2.
33 « Locus de contrôle entrepreneurial » : pour le LOC (12 items), seul LOC 2, 8, 10, 11 et 12
ont été retenus.
34 « Ambidextrie » : pour l’AMBI (8 items), seuls AMBI 2, 3, 4, 5 et 8 ont été retenus.
35 « Agilité » : pour l’AGIL (4 items), les résultats ont permis de confirmer
l’unidimensionnalité.

Vérification des conditions de la régression linéaire multiple

36 La vérification des conditions d’application de la régression linéaire multiple est


effectuée par le logiciel SPSS (version 25). Ces conditions qui portent sur la linéarité du
modèle, la normalité des résidus, l’homoscédasticité des résidus et l’absence de
multicolinéarité bivariée et multivariée sont bien vérifiées.
37 En nous référant à la valeur de DW qui est égale à 1.31, nous constatons que les valeurs
obtenues appartiennent à l’intervalle [1.3]. Donc il n’existe aucun problème
d’autocorrélation entre les résidus. Les résultats empiriques montrent que 60.5 % de la
variation du niveau de SPED est expliquée par les variables de contingence personnelle

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


69

dans notre modèle. La statistique de Fisher (F) qui est égale à (6.020) confirme la bonne
qualité du modèle à un niveau de significativité inférieur à 1 %. De ce fait le pouvoir
explicatif du modèle apparaît satisfaisant puisque la statistique de Fisher est
significative au seuil de 1 %. Ainsi, on rejette l’hypothèse nulle et on stipule que la
régression est significative dans son ensemble. Nous pouvons conclure que le modèle
est statistiquement significatif et explicatif du phénomène étudié. Concernant la
significativité des variables indépendantes, nous pouvons constater que toutes les
variables sont statistiquement significatives. En ce qui concerne les variables de
contrôle introduites dans le modèle, les résultats montrent que ces variables ne sont
pas statistiquement significatives.

Les résultats de l’analyse de la régression

38 L’impact du locus de contrôle sur le succès des projets entrepreneuriaux digitalisés a


été statistiquement validé ce qui corrobore les prédications de H1.
39
F0
E0 Le locus de contrôle et exceptionnellement dans sa nature interne personnelle,
influence nécessairement le niveau de confiance en soi et puis de la prise de
responsabilité qui seront traduits à partir des comportements et des décisions prises
dans les situations difficiles du cycle de vie de l’entreprise. Ces dernières explications
représentent donc l'un des fondements les plus sollicités du succès entrepreneurial.
Rotter (1966) et Pandey et al (1979), ont pu trouver les mêmes résultats, puis ont
authentifié le rôle crucial du (LCE) dans la performance des entrepreneurs.
40 L’impact de l’agilité entrepreneuriale de l’entrepreneur sur le succès des projets
entrepreneuriaux digitalisés s’est avéré positif et significatif, donc H2 est validée.
41
F0
E0 Dans les étapes antérieures, nous avons remarqué que les quatre items de l’(AG) cités
par Chakravarty et al, (2013) ont été bien validés auprès de notre échantillon. Donc
nous pouvons confirmer l’existence d’une relation significative et positive entre l’(AG)
et la performance des PED.
42 L’impact de la présence d’un entrepreneur ambidextre sur le succès des projets
entrepreneuriaux digitalisés a été vérifié, d’où H3 est validée.
43
F0
E0 Le savoir-faire chez un entrepreneur agile réside dans la façon d’explorer et
exploiter les innovations qui lui sont exposées. Dans notre cas et à partir des résultats
dégagés, nous pouvons constater qu’en se référant aux apports de Brion, (2008) qui a
réparti les composantes de l’ambidextrie en deux parties (la première concerne les
quatre items d’exploration et le reste d’exploitation), nous pouvons déduire que les
entrepreneurs tunisiens de notre échantillon sont agiles et ils donnent de l’importance
aux deux formes d’agilité pour persister sur le marché contemporain. Nous pouvons
alors déduire avoir obtenu des résultats significatifs et positifs en ce qui concerne
l’ambidextrie. Ceci corrobore les résultats de Brion, (2008) et de Birkinshawet al (2004).
44 L’impact de l’interaction entre le locus de contrôle, l’agilité et l’ambidextrie sur le
succès des projets digitalisés a été positif et significatif, ce qui confirme H4.
45
F0
E0 Ainsi, il est évident que l’effet combiné et configurationnel s’avère plus significatif
que l’effet séparé de chaque variable explicative sur la variable dépendante de notre
modèle. Donc pour conclure nous pouvons dire que l’impact des variables de (CC)
personnelles est plus évident que leurs impacts selon la contingence universaliste sur
les PED. La complexité de notre modèle a été bénéfique à ce niveau.

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


70

46 L’impact des variables de contrôle sur le succès des projets digitalisés.


47 Les analyses ont donné les résultats suivants : AGE (p = 0.174), EXP (p = 0.052) et EDU
(p = 0.796). Donc les variables de contrôle pour notre modèle n’ont pas d’effet
significatif sur le SPED à l’exception de la variable expérience qui est significative au
seuil de 10 %.
48 Généralement, le modèle conceptuel est globalement significatif (R2 ajusté = 0.52 %).
Donc le locus de contrôle, l’agilité et l’(AM) et l’effet combiné de ces derniers facteurs
personnels expliquent à un niveau de 60.5 % le SPED. D’où il existe une relation positive
et significative entre les caractéristiques personnelles des entrepreneurs selon la
théorie de la (CC) lorsqu’elles sont en face des PED. Globalement, cette étude nous a
permis de découvrir à partir de la collecte et de l’analyse des données, que la culture de
digitalisation organisationnelle peut facilement s’améliorer et se développer. Donc
même si les entrepreneurs de notre échantillon sont agiles et ambidextres, ils seront
peut-être en face de quelques problèmes de résistance aux changements. Et c’est
évident, puisque les comportements humains sont toujours en relation solide avec leurs
cultures anciennes. Ainsi, la présente étude peut proposer comme nouvelle voie de
recherche, la prise en compte d‘autres facteurs environnementaux de contingence de
type culturel, technologique et de formation dans le domaine du numérique à l’ère de la
digitalisation en Tunisie.

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RÉSUMÉS
La présente étude vise à examiner l’impact des variables de contingence d’ordre configurationnel
personnel des entrepreneurs sur le succès de leurs projets entrepreneuriaux qui se basent sur
l’intelligence artificielle (IA). Nous nous sommes basés sur un échantillon de 69 nouvelles
entreprises ayant adopté l’IA afin d’y expliquer les processus d’exploitation et d’exploration des
opportunités entrepreneuriales. La collecte des données a été effectuée par le biais d’un
questionnaire administré auprès des entrepreneurs novices innovants en Tunisie. Les résultats
de l’analyse des données statistiques, montrent que les entrepreneurs auto-efficaces,
ambidextres et/ou agiles assurent le succès de leurs projets entrepreneuriaux innovants à leur
manière. Il faut rappeler que les effets combinés des facteurs de contingence personnelle d’ordre
configurationnel, sont les éléments qui expliquent le succès entrepreneurial dans le domaine de
l’IA.

The purpose of this study is to examine the impact of personal configurational contingency
variables of entrepreneurs on the success of their entrepreneurial projects based on artificial
intelligence. It is based on a sample of 69 new firms that have attempted to exploit and explore
entrepreneurial opportunities. We conducted an explanatory study. Data collection was carried
out through a questionnaire administered to innovative novice entrepreneurs in Tunisia. The
results of the statistical data analysis show that self-efficient, ambidextrous and/or agile
entrepreneurs ensure the success of their innovative entrepreneurial projects. It should be
remembered that the combined effects of these configurational explanatory factors are the
elements that explain entrepreneurial success in the AI domain.

Questo studio mira ad esaminare l'impatto delle variabili di contingenza della configurazione
personale degli imprenditori sul successo delle loro imprese imprenditoriali basate
sull'intelligenza artificiale (AI). Abbiamo usato un campione di 69 start-up (AI) per spiegare i
processi di sfruttamento ed esplorazione delle opportunità imprenditoriali. La raccolta dei dati è
stata effettuata attraverso un questionario somministrato agli imprenditori di start-up
innovative in Tunisia. I risultati dell'analisi statistica dei dati mostrano che gli imprenditori
autoefficacia, ambidestri e/o agili assicurano il successo dei loro progetti imprenditoriali
innovativi a modo loro. Bisogna ricordare che gli effetti di questi fattori contingenti personali di
natura configurazionale è alla base della spiegazione del successo imprenditoriale nel campo
dell'AI.

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


73

INDEX
Parole chiave : progetto imprenditoriale digitalizzato (DEP), successo del progetto
imprenditoriale digitalizzato (DEP), contingenza configurazionale (CC), agilità imprenditoriale
(AG), locus of control imprenditoriale (LCE), ambidestria imprenditoriale (AM).
Mots-clés : Projet entrepreneurial digitalisé (PED), succès du projet entrepreneurial digitalisé
(SPED), contingence configurationnelle (CC), agilité entrepreneuriale(AG), locus de contrôle
entrepreneurial (LCE), ambidextrie entrepreneuriale (AM).
Keywords : digitalized entrepreneurial project, digitalized entrepreneurial project success,
configurational contingency, entrepreneurial agility, entrepreneurial locus of control,
entrepreneurial ambidextrousness.

AUTEUR
LOBNA AFFES
Université de Sfax-Tunisie

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Artificial Intelligence (AI), The


Media And Security Challenges In
Nigeria
Intelligence artificielle (IA), les défis des médias et de la sécurité au Nigeria

Ifeyinwa NSUDE

Introduction
1 Unarguably, Nigeria in recent times has witnessed an unprecedented level of
insecurity. This has made national security threat to be a major issue for the
government and has prompted the senate to insist that increased budgets for the
security and defence sectors to address the current security challenges are crucial in
winning the war against insurgency, banditry, kidnappings and other crimes.
(Jimoh,Okwe,Abuh,Daka&Afolabi, 2021).In order to ameliorate the incidence of crime,
the federal government has embarked on criminalization of terrorism by passing the
Anti-Terrorism Act in 2011, and installation of Computer-based Closed Circuit
Television cameras (CCTV) in some parts of the country. Furthermore, the government
has enhanced surveillance in all parts of the country especially in the Northeast with
intensified surveillance and patrol activities along the Abuja – Kaduna road as well as
investigation of criminal related offences and heightening of physical security
measures in the country. (Angbulu, 2021). The government is also strengthening
security agencies through the provision of security facilities and the development and
broadcast of security tips in the mass media These measures are targeted at deterring
or disrupting potentials attacks. (Angbulu, 2021). Despite these efforts, the level of
insecurity in the country is still very high. Although the President of Nigeria claimed
during his first year in office that Islamist militant group Boko Haram had been
"technically" defeated, President Buhari now admits that his government is failing to
stop the insurgency, which began in the north-east. Hence, it could be argued that the
efforts of government have not yielded enough positive result.

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75

2 Artificial intelligence (AI) is a rapidly developing field of technology that is capturing


the attention of commercial investors, defense intellectuals, policymakers, and
international competitors alike, as evidenced by a number of recent initiatives.
(Congressional Research Service Report, 2020).
3 On how artificial intelligence is transforming the world, West & Allen (2018) posit that
AI is not a futuristic vision rather something that is here with us. It is being deployed
into a variety of sectors such as finance, healthcare, criminal justice, transportation
and national security which is the focus of this work. Radulov (2019) explains that it
may even be possible for robots to perform basic police functions. Accordingly, if the
police has high-quality computerized systems with the scope of an AI, much of their
routine office work can be done by the intelligent security gadgets, resulting in new
reservations being made to increase police presence in urban areas. AI can also be
positioned to ensure the monitoring of video-data flows and data collected from a large
number of sensors and to warn security services of suspicious activity, Radulov (2019).
Similarly, AI can help companies prevent cyber-crime that can cause financial damage
and harm their reputation by training it to recognize keywords or topics related to
harmful content, thus stopping the potential cyber-attack (Radulov, 2019). Again, a
common method of combating crime using AI is the Face Detection Technology. It is
often used at airports to include mapping of human images into law enforcement
database files, which allows identification of the perpetrator. Prevention of crimes of a
terrorist nature through scanning of social networks to find people who can be
radicalized is another activity that AI can effectively perform after appropriate
training. Nowadays, some law enforcement agencies are already using social
networking monitoring and analysis to prevent attempts to recruit new members of
terrorist organizations such as Islamic State of Iraq and Syria (ISIS) and others like
them (Radulov, 2019).
4 While for many countries, the prospects of artificial intelligence (AI) are exciting, the
dawn of AI in Africa conjure up the kinds of innovations people see in science fiction
(Novitske, 2018). In Africa, the arrival of AI carries with it a fear of falling further
behind more-developed economies, rather than the anticipation of new technology
because of the fear that it will lead to loss of jobs by millions of people.
5 It is on this note that the media should create awareness on what AI has accomplished
in developed nations and how it can be adapted to reduce Farmers/Herders conflicts
and Boko- Haram insurgency in Nigeria, which is the focus of this study.

Overview of Boko Haram and Herdsmen Insurgency in Nigeria

6 Since 2003, Nigeria has continued to come face to face with security challenges,
prominent among which are Boko-Haram terrorism and armed herdsmen violence in
the North-Eastern region and the entire Nigeria (Agbu, Musa, & Zhema, 2020).
According to the authors, the activities/operations of these two groups over the years
have been with impunity, leaving in their trails, blood, death, wailing and destruction.
This has devastating social, political and economic effects on the progress and stability
of not only their direct victims, but the entire Northern region and Nigeria at large.
7 While the violent deeds of Boko-Haram, with threatening effects on peace and national
security, came to public notice in Yobe State in December 2003, the turn of the first
decade of the 21st century witnessed violent attacks by armed herdsmen which have

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been in the increase in Nigeria (Enor, Magor&Ekpo 2019). The activities of what came to
be known as Boko-Haram started when a group of Islamic fanatics who called
themselves the ‘Nigerian Taliban’ established settlements at Kanama, on the banks of
the River Kumadugu-Yobe and at a forest near Gaidam.(Enor, Magor&Ekpo 2019).
8 The activities of the Boko Haram members in their immediate environment brought
them into open confrontation with not only members of the community, but security
agents in places like Kanama, Geidam, Babangida, Dapchi and Damaturu, among others.
The arrest of two of their members by the police was met with violent reaction against
the police during which they launched attacks not only on police stations and
government buildings, but generally wreaked havoc on Yunusari, Tarmowa, Borsari,
Geidam, Kanama, Dapchi and Damaturu Local Government Areas of Yobe State between
21st December 2003 and 1st January 2004. Boko-Haram has killed thousands of
Nigerians and rendered millions of people homeless especially in the North-East
Nigeria. Unfortunately, Government has failed to curtail the activities of the group who
now control parts of some states in the North and hoist their flag to show autonomy
(Ayitogo, 2021).
9 In the same vein, the activities of armed herdsmen who have been terrorizing,
particularly farming communities in the Middle-Belt region of Nigeria (Plateau, Benue,
Taraba, Adamawa, Nasarawa and Southern Kaduna States) have equally been a grave
concern (Agbu, Musa, & Zhema, 2020). This group uses open grazing method which has
led to the destruction of farms. Farmer have pleaded repeatedly with Herdsmen to
control their cattle since the farms are their only source of income but they did not
listen rather they resorted to carrying of arms, raping and unprovoked killings. Since
2013, they crossed over from the MiddleBelt region to the Eastern and Southern parts
of Nigeria. Some scholars refer to the menace as Farmers/Herders conflicts (Gani,
2018). Since their emergence, the armed herders have terrorized, kidnapped, killed,
raped, burnt farming communities, property and taken-over lands belonging to the
farming communities for their grazing activities (Agbu, Musa, &Zhema, 2020). Their
activities have also resulted in the loss of revenue by the States, threatened national
unity, diversion of budgetary allocations for the maintenance of internally displaced
persons (IDPs) camps, loss of human capital and damage to the country’s international
image (Enor, Magor& Expo 2019).
10 Furthermore, their attacks have led to the displacement of thousands of the
inhabitants of the North East of Nigeria from their homes, paralyzed farming activities
and inhibited food production and transportation as well as contributed to
unprecedented food crises across Borno state. (Duerksen, 2021).

Objectives

11 1. The broad objective of this study is to find out the role of the media in creating
awareness on the use of AI in the fight against Farmers/Herders conflict and Boko-
Haram insurgency in Nigeria. To explore this objective, the following specific objectives
were put forward:
12 2. to investigate the effectiveness of AI in combating Farmers/Herders conflict and
Boko-Haram insurgency in Nigeria.
13 3. to ascertain the role of the media in awareness creation on Artificial Intelligence.

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14 4. to make recommendations on how AI could be deployed to check against insecurity


in Nigeria.

Statement of the Problem

15 The security challenges in Nigeria are multidimensional, arising from many angles:
Boko Haram, herdsmen, bandits, unknown gunmen, kidnapers, militants and separatist
agitators. Solutions to the problems seem not to be near as these insurgent groups are
growing in strength, capacity and sophistication. The activities of the various groups
have perpetuated human sufferings, loss of lives and living in fears in the country. It
looks like Nigeria is now a captured state existing at the mercy of its assailants because
the governments at all levels are not doing enough. So this study, sought to find out
how none human actors could be used in checking the rising activities of Herdsmen and
Boko-Haram in Nigeria and how the media could be used to create awareness.

Methodology

16 This study employed phenomenological approach in qualitative research.


Phenomenologists believe that the researcher cannot be detached from his/her own
presuppositions and that the researcher should not pretend otherwise In this study, the
experiences of the researcher are vital because the threats from Boko Haram and
herdsmen are daily experienced by the researcher, hence the researcher’s view
together with other scholarly views was considered sufficient to explore the
phenomenon under discussion and provide evidence-based reasons for the deployment
of AI in curbing the menace of Boko Haram and Herdsmen that pose security challenges
in Nigeria.

Theoretical Framework

17 The study was anchored on the Agenda Setting Theory and Value Change Theory.
18 Agenda Setting Theory
19 The term agenda setting was coined by Maxwell McCombs and Donald L. Shaw in 1972
and first published in Public Opinion Quarterly. (McQuail, &Deuze, 2020). The theory
describes the media as instruments which are used to influence public opinion by
emphasizing on issue and through such emphasis make the public to consider the
issues as important. The media do this by reporting certain issues frequently and, or
giving prominence to them. This implies that the more a news item is promoted in the
media in terms of frequency and prominence, the more important such news item
becomes to the audiences. In other words, the news media lead the public issues.
Hence, as the media emphasize on the need to fight against insurgency and expose the
heinous crimes insurgents commit, the people take them to be serious issues. Also, the
more the government and those affected by the activities of the insurgents take it
seriously.
20 Moreover, since the activities of Boko Haram and herdsmen in Nigeria affect the people
negatively, the media should expose the harm done to innocent Nigerian by these
groups. The theory was also considered suitable for this study because since media
have influence on the public, but can create mass awareness on the important issues

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concerning insurgency and how AI can be used to stop the insurgents from winning the
war.

Value Change Theory


21 Also the Value Change Theory was used to complement the Agenda Setting Theory.
This theory is a variant of the Psychodynamic theory. It employs the technique of
“Comparative feedback” to encourage attitudinal and behavioral change. The value
change theory does not just inform people about the benefits or negative effects of
certain behavior, it usually challenges them to test their own values against others,
which are assumed to be socially acceptable. The justification of this theory lies in the
fact that Nigerians need a change of value in order to accept AI solutions to security
challenges in the country.

Conceptual Clarifications
Artificial Intelligence AI, Robots and Machine Learning

22 Clarification of the relationships between these terms can be challenging, as they may
be used interchangeably in the literature and definitions often conflict with one
another (CRS Report, 2020). AI is “An artificial system designed to think or act like a
human, including cognitive architectures and neural networks; a set of techniques,
including machine learning that is designed to approximate a cognitive task.” (CRS
Report, 2020). AI is also defined by the US Government in 115th Congress Public Law
232 (2019) as an artificial system designed to act rationally, including an intelligent
software agent or embodied robot that achieves goals using perception, planning,
reasoning, learning, communicating, decision-making, and acting.
23 On the other hand, Robot is “a powered machine capable of executing a set of actions
by direct human control, computer control, or a combination of both. At a minimum it
is comprised of a platform, software, and a power source.” (Department of Defence, n.d
as cited in CRS Report, 2020).These definitions imply that AI is a combination of
machine learning and robots that are inbuilt with intelligence to act like human. It is
machine learning and robots given human characteristics. The difference between AI
and machine learning and robots is that the senses in machine learning and robot
cannot direct activities without direct human assistance - a feature that makes AI
unique. As noted earlier, machine learning makes use of statistical algorithms that
replicate human cognitive tasks by generating their own procedures through analysis
of large training data sets. (Allen, 2020). During the training process, the computer
system creates its own statistical model to accomplish the specified task in situations it
has not previously encountered (CRS Report). Experts generally agree that it will be
many decades before the field advances to develop General AI, which refers to systems
capable of human-level intelligence across a broad range of tasks. (Allen, 2020).

The Media:

24 The media have been operationalized in this paper to include both the traditional
media (newspaper, radio, television, magazine etc.) and social media.

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Application of Artificial Intelligence in Emerging Terrorists


Sophistication

25 The war against insurgency in Nigeria is increasingly getting more difficult to win. This
is because insurgencies are ultimately in competitions over information rather than
territory ideology (Meserole, 2018). However, the deployment of AI in the fight against
Boko Haram and armed herdsmen in Nigeria could be of strategic importance in
winning the war. AI technology could, for example, facilitate autonomous operations,
lead to more informed military decision making, and increase the speed and scale of
military action (CRS Report, 2020).
26 Seeing the strategic importance of AI, Vladimir Putin state, “Whoever becomes the
leader in AI will be the ruler of the world.” (Kania, 2017).
27 As AI is fast being incorporated into a number of intelligence, surveillance, and
reconnaissance applications, as well as in logistics, cyberspace operations, information
operations, command and control, semi-autonomous and autonomous vehicles, and
lethal autonomous weapon systems, there are chances that their application in the
fight against Boko Haram will provide the needed response that could dislodge the
insurgents from their enclaves. In intelligence operations, the application of AI will
mean that there are more sources than ever from which to establish the truth. (Allen
&Taniel, 2017).AI is expected to be particularly useful in intelligence due to the large
data sets available for analysis (CRS discussions with Dr. Richard Linderman, 2017 as
cited in CRS Report, 2020). For instance, the incorporation of computer vision and AI
algorithms into intelligence collection cells that would comb through footage from
uninhabited aerial vehicles and automatically identify hostile activity for targeting
(CRS, 2020) when achieved could go a long way in exploring the forest areas that are
the hideouts of the Boko Haram group and the armed herdsmen. In this capacity, AI
will automate the work of human analysts who currently spend hours sifting through
drone footage for actionable information, potentially freeing analysts to make more
efficient and timely decisions based on the data. (Corrigan,2017).
28 In the area of applying technology to reduce fratricide, AI technologies have
tremendous potentials for the joint force as well as potential hazards. It is possible to
envision scenarios in which AI can provide much more effective early identification in
protecting civilians as well as combatants from enemy fire (for example, more precise
targeting or minimizing collateral damage). (Hitchens, 2019). With regard to
developing a more robust and rapid response to emergency scenarios, the key for the
Nigerian army will be adopting AI technology and applying it to respond to Boko
Haram and Herdsmen attacks that enhance survivability as well as isolating the
negative impacts that result from accidents, biological hazards, and natural disasters.
(Koester, 2020).
29 In the area of passive defensive measures, AI could assist taking proactive/
precautionary steps to make it more difficult for a hostile force to locate and engage
personnel, assets/facilities, and various systems (such as communications). One could
imagine the use of deep learning systems (machines that are programmed to discern
when certain types of attacks are likely/imminent) conducting analysis quicker than
could be expected by human monitoring and/or reaction. (Hoehn&Smagh, 2021). Other
examples where deep learning systems could prove beneficial include cyber defense

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and electronic warfare attacks. In defense strategy, Autonomous systems (AS)could be


used to complement AI. In this respect, AS provides an advantage in defensive postures
to select and engage incoming enemy indirect fires (for example, mortars, artillery
shells, and rockets). An autonomous system designed to provide a rapid and robust
“counter-battery” response against the origin of an attack provides commanders with
additional time to focus on second- and third-order decisions given that the initial
response to the attack was “automatically initiated” with speed and accuracy (CRS
Report, 2020). Israel uses this type of force protection approach with its Iron Dome
defenses (Clark, 2017).
30 In the area of logistics, AI can be used to reduce the spate of military aircraft crashes
that the Nigeria military experience in its operations in enemy territory and sometimes
in war free zones. Such crashes are the result of undetected faults. In this case, AI may
have future utility in the field of military logistics. The Air Force, for example, is
beginning to use AI for predictive aircraft maintenance. Instead of making repairs
when an aircraft breaks or in accordance with standardized fleet-wide maintenance
schedules, the Air Force could use AI-enabled approach that tailors maintenance
schedules to the needs of individual aircraft (CRS, 2020).
31 Regarding the use of AI/AS in military operations, there are currently four capability
areas envisioned for unmanned systems: battlespace awareness, force application,
protection, and logistics. (Colin & Clark, 2017). For example, the use of robots would
mean that fewer troops would be needed to defend a certain piece of terrain (CRS,
2020). Robots also have the capability to operate for longer periods of time without the
human need for rest
32 Moreover, unmanned systems can operate in harsh and deadly environments (for
example, chemical, biological, radiological, or nuclear) with less degradation in
capabilities. These and other examples provide an economy-of-force advantage that
would allow army commanders the flexibility to allocate personnel to particular
aspects of a battle plan (for example, interpretive or conceptual work) that are not
conducive to or appropriate for unmanned systems. (Defense Innovation Board, 2019;
Tarraf, et al. 2019). An economy-of-force advantage from AI/AS would help address one
of General Dunford’s stated concerns, namely that the joint force currently lacks
sufficient capacity to meet all the combatant commands’ requirements for forces.
(Defense Innovation Board, 2019).
33 Also, AI has the potential to be integrated across a variety of applications, improving
the so-called “Internet of Things” in which disparate devices are networked together to
optimize performance. (Ranger, 2018). In addition, many AI applications are dual-use,
meaning they have both military and civil applications. For example, image recognition
algorithms can be trained to recognize cats in YouTube videos as well as terrorist
activity in full motion video captured by uninhabited aerial vehicles. In support, (Allen
& Taniel, 2017) states that future progress in AI has the potential to be a transformative
national security technology, on a par with nuclear weapons, aircraft, computers, and
biotech. According to the authors AI has led to significant changes in the strategy,
organization, priorities, and allocated resources of the U.S. national security
community. It could, therefore, be argued that in Nigeria, the use of AI will be at least
equally impactful. Allen & Taniel, (2017) state that advances in AI will affect national
security by driving change in three areas: military superiority, information superiority,
and economic superiority. In the area of military superiority, the application of AI in

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Nigeria will both enable new capabilities and make existing capabilities affordable to a
broader range of actors (Allen & Taniel, 2017). For example, commercially available, AI-
enabled technology (such as long-range drone package delivery) may give weak states
and non-state actors access to a type of long-range precision strike capability.
34 In summary, with the help of AI, joint military action could be enforced in the areas of
risk management, communicating and maintaining the status of information among
and across subordinate units, assessing progress toward accomplishing mission-related
tasks, and coordinating/controlling the employment of joint lethal and non lethal
capabilities. (CRS Report, 2020). Given these important tasks, it is clear that AI/AS could
play a significant role in creating efficiencies in a variety of Nigerian army decision
making processes. (National Defense Authorization Acts (NDAAs, 2019). As noted by
Samuel White, “Winning in the decision space is winning in the battle space.”
(Schwartz & Heidi, 2018).
35 Also, AI/AS could prove beneficial in providing more timely, accurate, and relevant
intelligence that results in a more robust common operating picture across the joint
force, something that would provide a staff with the opportunity to keep commanders
better apprised of developments in the battle space. (Department of Defense, 2020). AI/
AS can also assist automated analysis of volumes of daily Facebook posts by the so-
called Islamic State and its sympathizers, looking for actionable intelligence that even
the most robust team of humans could not possibly generate in a similarly efficient
manner. (Department of Defense, 2020). GeneralDunford has described these types of
scenarios as the ability of commanders to “make decisions at the speed of relevance.”
(Chalfant, 2017).
36 On the issue of intelligence process, AI will be important in six categories of intelligent
operations: planning and direction, collection, processing and exploitation, analysis
and production, dissemination and integration, and evaluation and feedback. (Smith,
2018). If correctly established and thoroughly vetted by subject matter experts from all
Services and intelligence disciplines, AI/AS tools offer a variety of opportunities and
provide the potential for mitigating cognitive analyst biases (for example, availability
heuristic or bandwagon effect). (CRS Report, 2020). Planning and direction will likely
continue to be a human-driven operation, although AI/AS can provide
recommendations using historical data, cultural knowledge, previous operational
design, and results. As with many applications of AI/AS, the likelihood of success with
the employment of these technologies is largely dependent on the quality and volume
of the data available for analysis. Critical to the success of AI/AS efforts in joint
intelligence will be the normalization of legacy stove pipe data segregation.
37 In the area of movement and maneuver, the objective is to gain positional advantage to
accomplish both operational and strategic goals. This is done primarily through five
key tasks: deploying forces within the operational area (OA), maneuvering to achieve
the advantage, providing constant ability to mobilize over terrain or obstacles without
delay, delaying or stopping the enemy, and controlling significant areas
38 In the area of movement and maneuver, an autonomous system such as a robot has
certain advantages over a human. For example, a robot has no instinctual need for self-
protection that could slow an advance. A robot does not have the emotions that could
otherwise distract/impair a warfighter’s judgment (for example, frustration, fear,
revenge, or rage). Conversely, robots have no innate appreciation for the sanctity of
human life or feelings such as compassion or mercy. (Stone, 2017). One example of new

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AI/AS technology in the movement and maneuver domain is the American Navy’s new
unmanned underwater vehicle, which is capable of operating for 5 months at a time
without maintenance or refueling. (Stone, 2017). However, the future challenge is
finding ways to enable these systems to autonomously predict, plan, track, and
optimize re-supply demands from military users. (Theohary, 2018). This idea of
interconnected autonomy will allow troops to focus more on the mission instead of
using precious time planning how they will maneuver from one place to another across
the battle space. (CRS Report, 2020).

Role of the Media (Traditional and Social media) in Information Dissemination

39 The media have critical role to play in creating awareness on the use of AI in counter
terrorism operations(Zhang, Huang, Su, Zhao & Zhang, 2016). Knowing the information
dissemination mechanisms of different media and having an efficient information
dissemination plan for disaster pre-warning plays a very important role in reducing
losses and ensuring the safety of humans.Natural and man-made disasters seriously
threaten human life and property. A more reliable and efficient pre-warning
information dissemination system could improve public emergency responses, and
enable people to evacuate and take protective measures before and during a disaster.
40 In Nigeria, for example, more than one million lives have been saved by the use of cell
phones to alert people on attacks by the Boko Haram group and the herdsmen in the
Northeast. Moreover, victims easily survived in an effective and efficient way if they
have more detailed information (Zhang, Huang, Su, Zhao & Zhang, 2016). This is in line
with the assertion of Dwivedi and Pandey (2013) who postulate that the media play very
constructive role in today’s society. Media play important role in increasing of public
awareness and collecting views, information and attitudes toward certain issues.
41 Information media can be divided into social and traditional media. Social media
including short messages, microblogs, and news portals, because of their high impact
and coverage ratio made possible by developments in information technology, are
becoming increasingly popular and therefore critical tools of information
dissemination. For instance, they can enhance the decision-making process since more
data is provided than it is the case with traditional media.
42 On the other hand, the media can also, in some cases, become an instrument for the
dissemination of false and inflammatory messages and values that do not promote
respect or well-tempered dialogue and discussion. Negative messages can divide
communities and can help perpetuate the stereotypes that nurture violence. Media
portrayals can sometimes serve to exacerbate the narrative of oppositional forces and
irreconcilable, value-based differences. The media often prefer to dwell on conflicts,
since conflicts and drama sell newspapers and attract an audience.
43 In addition to creating awareness on the issues of insurgency and its corresponding
challenges, the media also carry out surveillance function – scanning the environment
and reporting the security situations in Nigeria. Surveillance of the environment is a
more complex way of saying that a function of mass communications is to tell you
about what's happening around the world and deliver that information to the citizenry.
However, some scholars have spoken against the surveillance function of the media,
especially in the area of privacy violation and invasion.But in the crisis situation that
Nigeria faces, the role of circulating information and news which is one of the most

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important general roles of the mass media can be very germane in managing the crisis
as well as mobilization against life-threatening-diseases such as COVID-19. Surveillance
is in fact, the news and information role of the media since it has taken the place of
sentinels and lookouts. In performing this function, the digital platform as well as the
offering of the social media have made the media impressive in this functioning but not
without concerns. The surveillance function can be divided further into two main
types: warning or beware surveillance which occurs when the media inform us about
immediate or long term consequences, and the instrumental surveillance which has to
do with the transmission of information that is useful and helpful in everyday life.
Identified consequences include speed of delivery which sometimes leads to problems
since inaccuracies and distortions travel just as fast as truthful statements;
prescreening of news which condemns our conception of reality to second generation
information, whose authenticity we do not usually question. On the dysfunctional side,
media surveillance can create unnecessary anxiety, thus suggesting the praxis that this
functionality could be double-edged. The two major things that concern us in this work
on the role of the media include the speed at which the media disseminate information
and global coverage of issues particularly the social media. For instance, during the
period of End-SARS protest the rate at which information spread to all parts the
Federation was amazing because the protesters were carrying the activity in all the
states at the same time.
44 In fact, “national security in the Nigerian state has been severally threatened since its
independence by multidimensional issues. The challenges range from ethnic mistrust
and bigotry, religious acrimonies, ethnic and border disputes to political hooliganism
and violence as well as all forms of insurgencies against constituted authorities.”
(Omoera,Azeez, &Doghudje, 2017, p.80). The authors note that these challenges
threatened the oneness of the nation in the first republic to the extent that it led to the
incursion of the military into governance; the military using the excuse of coming in to
safeguard the integrity and continuous existence of the nation. However, in post-
independence Nigeria, the real threats to its national security are no more limited to
threats from other nation-states, but have been consistently built around internal
crises and violence emanating from religious, ethnic and political acrimonies or
differences. (Omoera, Azeez, &Doghudje, 2017). The most virulent of the challenges to
Nigeria’s national security is now terrorism as exemplified by a group of pseudo-
Islamic extremists known as Boko Haram sects.(Omoera, Azeez, &Doghudje, 2017). This
challenge has made the surveillance function of the media in Nigeria more important
than ever.

Challenges of Deploying AI to curb the excesses of Herdsmen and Boko Haram


Insurgents in Nigeria

45 AI is a powerful tool that is increasingly being used in both the public and private
sectors to make people and society at large healthier, wealthier, safer and more
sustainable (UN, 2021). The United Nations Secretary-General, AntónioGuterres, has
indicated that, if harnessed appropriately, AI can play a role in the fulfillment of the
2030 Agenda for Sustainable Development, ending poverty, protecting the planet and
ensuring peace and prosperity for all. It is, however, an enormously powerful
technology that is not without its challenges. If not used properly and with appropriate
safeguards, this technology can hamper fundamental freedoms and infringe upon

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human rights. Although AI has the potential to impart a number of advantages in the
military context, it could as well introduce distinct challenges. (CRS Report, 2020)
46 However, Artificial intelligence can be used to manipulate the common sense. For
instance, AI-enhanced forgery of audio and video media is rapidly improving in quality
and decreasing in cost. In the future, AI-generated forgeries will challenge the basis of
trust across many institutions. (Allen &Taniel, 2017). Hence, AI poses serious risks as it
could be far better than computer in the manipulating of contents, creation of fake
image, doctor speech that adequately captures cadence and tone and videos that would
be difficult if not impossible to distinguish from the authentic one. (CRS, 2020)
47 Also, the terrorists in Nigeria seem to have greater access to modern weapons of
warfare. However, Nigeria can successfully engage the services of AI to fight the war
against Boko Haram, but the problem is that the use of artificial intelligence could be
easier to learn than the use of military hardware. That is, artificial intelligence is less
likely to require massive logistics systems to deploy, not requiring large training or
acquisitions programmes. For instance, the techniques and skills of using weaponized
drone and the deployment of such AI could be easily learnt much faster than the use of
armored car which requires a trained military junta to operate. By implication,
insurgent groups will be able to make far more rapid gains in AI technology and
capability than previously possible, and with their advancement in Nigeria ahead of the
federal troops, it is possible that they can have advantage of the Nigerian combatants’
soldiers. (CRS, 2020)
48 However, it is not just the deployment of artificial intelligence that can give an edge to
Nigeria in the fight against Boko Haram and Herdsmen. The successful application of AI
lies more in the hands of which of the side – the government or the insurgent – that is
the first to do so. This is because it is arguable that the effects of the development of
information technology may reduce insurgents’ attacks by making it easier for the
states to gather intelligence about insurgents. On the other hand, it may increase
attacks by enabling insurgents to better coordinate with one another.
49 The use of machine learning in support of military intelligence, surveillance and
reconnaissance capabilities or command systems could create new avenues for
misperception or miscalculation (Kania, 2017). For instance, if a computer vision
algorithm used to process satellite imagery makes an error in identifying a perceived
threat or potential target, the result could be a mistake in analysis or even on the
battlefield. Similarly, if an algorithm used for machine translation or natural language
processing incorrectly renders a critical piece of intelligence, inaccurate information
could be introduced into analytical and decision-making processes. (Of course, in some
cases, the use of AI could serve to mitigate suboptimal analysis and decision-making
that might otherwise arise from human cognitive bias.) There is also the threat that
adversaries will develop countermeasures that deliberately damage or interfere with
each other’s AI systems, seeking to distort data or target the algorithm itself (Kania,
2017).
50 Another problem is that insurgents can easily blend in with their surrounding
populations hence regime force cannot defeat an insurgency unless the local
population identifies who and where the insurgents are. Unfortunately, the state and
the insurgents are engaged in a war of winning the local communities over to their side
while the challenge remains to convince local civilians to provide information while on
the other hand the insurgents continues to persuade or coax the civilians not to divulge

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what they know. (Meserole, 2018). Under this war of ideology, wining will be dependent
on the deployment of advanced technology like AI to gather and decode complex and
undisclosed information that matter.

Conclusion
51 The study revealed that the application of AI technologies in the fight against Boko
Haram and Herdsmen insurgency in Nigeria will be impactful if applied appropriately.
It will lead to significant changes in the strategy, organization, priorities, and allocated
resources of the Nigeria national security community. The deployment of AI will affect
national security by driving changes in three areas: military superiority, information
superiority, and economic superiority. For military superiority, progress in AI will both
enable new capabilities and make existing capabilities affordable to a broader range of
actors. For information superiority, AI will dramatically enhance capabilities for the
collection and analysis of data, but also the creation of data. In intelligence operations,
this will mean that there are more sources than ever from which to discern the truth.
AI-enhanced forgery of audio and video media is rapidly improving in quality and
decreasing in cost. In the future, AI-generated forgeries will challenge the basis of trust
across many institutions. Also the challenges of using AI were high lighted in the study.
Furthermore, the role of the media in information dissemination was high lighted.
They are expected to create awareness on the use of AI in combating the Boko Haram
and Herdsmen insurgency.

Recommendations
52 Based on the findings, the following recommendations are proffered :
53 1. The government should be realistic in the fight against Herdsmen and Boko Haram
insurgents in Nigeria by engaging the services of AI experts in all fronts. Also there
should be political will power on the part of the government to show sincerity in
curbing the excesses of these two groups.
54 2. The challenges as pointed out in this paper should be critically studied by AI experts
and researchers in order to bridge the gap.
55 3. The media should continue to create awareness on the use of AI in combating
farmers/Herders conflicts and Boko Hara insurgency in Nigeria in order to draw the
attention of both the government and the masses to see the need to urgently root out
these two deadly groups.
56 4. The researcher should discuss this paper at different fora in order to create the
needed awareness.

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ABSTRACTS
The topic of this study titled ‘Artificial Intelligence (AI), the media and security challenges in
Nigeria’ is a theoretical paper. To carry out this study phenomenological method in qualitative
research was used. The work was guided by three (3) objectives, one of which is to ascertain the
role of the media in awareness creation on artificial intelligence. Two (2) theories namely: agenda
setting theory and value change theory were used. The paper delved into - application of AI in
emerging terrorist sophistication, role of the media in information dissemination, challenges of
deploying AI to curb the excesses of herdsmen and Boko Haram insurgency in Nigeria. Four (4)
recommendations were proffered, one of which was that the media should continue to create
awareness on the use of AI in combating farmers/herders conflicts and Boko Haram insurgency
in Nigeria.

Intelligence artificielle (IA), les défis des médias et de la sécurité au Nigeria est une étude basée sur la
méthode phénoménologique en recherche qualitative. Il s'agit de déterminer le rôle des médias
dans la sensibilisation à l'intelligence artificielle. Deux théories, à savoir la théorie de l'agenda et
la théorie du changement de valeur, ont été mobilisées. Il s'agit à la fois d'examiner le rôle des
médias dans la diffusion de l'information et les défis du déploiement de l'IA dans la lutte contre
Boko Haram au Nigeria.

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INDEX
Mots-clés: Mots clés
Keywords: Keywords

AUTHOR
IFEYINWA NSUDE
Ebonyi State University

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Contemporanéité et Intelligence
artificielle
Sciences et data pour un développement de l’écologie humaine. Usages
en pédagogie et défis éthiques
Contemporaneity and Artificial Intelligence Science and Data and Development
Human Ecology. Uses in Pedagogy and Ethical Challenges
Contemporaneidad e Inteligencia Artificial: Ciencias y Datos para el Desarrollo
de la Ecología Humana. Usos en pedagogía y desafíos éticos

Catherine Pascal

1 Avec le développement des dispositifs numériques et de l’Intelligence Artificielle,


l’écosystème numérique nous inscrit dans un univers de reconfiguration permanente
où les innovations plurielles peuvent s’appréhender par des prismes différentiels et
antagonistes.
2 La variable durabilité nous fait comprendre cela aussi. Nous la croisons ici avec celle
des datas visibles dans le secteur tourisme, et plus particulièrement en formation au
tourisme : datas, intentions et idéologies se confrontent. Ces contradictions explicites
révèlent un implicite composé de nouvelles formes de phénomènes sensibles en
médiatisation des sciences et plus particulièrement en sciences humaines et sociales.
3 Notre objet est d’appréhender, dans ce texte, une approche contemporaine concernant
l’Intelligence Artificielle. Le droit à la science en tant que savoir évolutif peut rentrer
en collision avec le droit et le désir à la connaissance sachant que la prégnance des
données et métadonnées sous logiques métriques est plus qu’influente.
4 D’où ici notre principal questionnement : comment apporter une démarche critique sur
l’impact et l’influence des données et métadonnées dans le secteur du tourisme quand
il est question de durabilité autant humaine qu’environnementale.
5 Expertises, connaissances, cultures, savoirs et médiatisations sont à questionner
autrement, sous le prisme de l’Intelligence Artificielle.

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Territoires et expériences de connaissances et savoirs


(Big, small et open data en questions.)
Connaissances, savoirs et calculs

6 Alors que la littératie souvent idéologique et technicienne sur le développement


durable n’aborde pas souvent les usages innovants de L’Intelligence Artificielle, nous
développerons ici un angle d’évolution créatif et singulier, en prenant en compte par
exemple les écarts ou risques possibles entre le droit à la science en tant que savoir
évolutif (écologie humaine incluse avec discussion sur une modernité autre envisagée),
le droit à la connaissance, sous questionnements validés par les pairs et la prégnance
des données et métadonnées constituant des logiques métriques influentes.
7 Ces nouvelles formes de phénoménalités en connaissances et en engagements sont des
processus entendus ici comme formes de construction d’une réalité culturelle hybride
engageant l’homme face aux datas et dispositifs numériques de manière singulière.
8 De fait, en situation de risques territoriaux et de protections sanitaires les données sont
nombreuses et plurielles sous formes numériques comme physiques.
9 Les scientifiques peuvent mobiliser ces datas, mais si elles constituent un atout, elles
sont aussi une charge en raison de l’écosystème qu’elles engendrent en personnes, en
pratiques, en techniques, en technologies, en organisations. Ces datas sont des
structures infra et supra en mouvement permanent, car elles véhiculent objets-
matières et relations.
10 Leurs fluctuations fortes se révèlent dans les parties prenantes, les politiques et les jeux
de pouvoirs.
11 Ces data recomposées en savoirs et connaissances sont utilisées comme interprétations
stables ou éphémères, de fait elles créent une communication savante très complexe.

Pratiques par porosités de typologies de connaissances, cultures et


savoirs.

12 Former jeunes et moins jeunes à des recherches scientifiques en risques


environnementaux et sanitaires est un des enjeux primordiaux contemporains.
13 S’interroger sur la formation à donner en numérique et durabilité nécessite de croiser
des approches théoriques transversales : approches constructivistes (Piaget) et socio-
constructiviste (Vygotsky, Piaget, Doise, Clermont-Perret)1.
14 Les approches sur la complexité (Prigogine I., Stengers I., (1979), et les approches sur la
convergence (H. Jenkins, 2012) et les approches sémiotiques de la tiercéité (Pierce) 2 ne
sont pas non plus à écarter.
15 Si ce croisement se révèle transversal et transdiciplinaire il incarne de fait la
problématique même de la médiatisation des savoirs. L’impact des plateformes telles
que Instagram, Pinterest, TikTok, Twitch produisent des formes particulières de
médias, mais permettent aussi par les biais algorithmiques une mise en forme de nos
vies. Car ces types de structuration formalisent informations et connaissances.
16 Deuze l’a théorisé dés 2011 : « As media become pervasive and ubiquitous, forming the
building blocks for our constant remix of the categories of everyday life (the public and the

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private, the local and the global, the individual and the collective), they become invisible – in the
sense that, as Friedrich Kittler suggests, we become blind to that which shapes our lives the most.
I propose that the key challenge of communication and media studies in the 21st century is, or
will be, the disappearance of media. This is not a renewed claim for the kind of soft techno-
determinism espoused in the work of Marshall McLuhan and Manuel Castells .(Stalder, 2006:
153). The increasing invisibility of media is exemplified by their disappearing from consciousness
when used intensely by their logic of immediacy (Bolter and Grusin, 1996) », Deuze, 2011, p.
137.
17 En complément, cette médiatisation est puissante, car elle englobe technologies et
cultures : ce processus selon Jeanneret crée des changements forts qui doivent être
examinés en ce qui concerne les relations entre objets et pratiques d’aujourd’hui,
(Jeanneret, 2011.)
18 Ces approches théoriques, de type théorie critique, développées par Y Jeanneret de
2008 à 2019 dans Penser la trivialité : la vie triviale des êtres culturels / La fabrique de la trace
… sont prégnantes dès lors, car liées à l’ importance du cosmotechnique, elles révèlent
l’uniformité due à une mondialisation accrue. Et pourtant en effet paradoxal, ceci ne
fait que souligner une technodiversité primordiale à poser.
19 Un dialogue interculturel est nécessaire, car il permet un potentiel déconolisateur. Ceci
est finement discuté par l’auteur Yuk Hui, dans La question de la technique en Chine : Essai
de cosmotechnique, (Yuk Hui, 2019)
20 Ceci nous oblige à repenser la Communication comme « interaction médiatisée par des
objets», ceci en lien avec la « circulation de la culture ».
21 Un design renouvelé autour de l’« Etre culturel », de par son « activité
communicationnelle » autre pourrait engager autrement l’économie politique et
l’industrialisation de la communication.
22 Si les sciences mathématiques nous apportent logique et validation par le nombre elles
nous révèlent aussi, par leur subtilité, l’importance du contrôle, de l’ancrage factuel et
d’un nécessaire besoin d’équité.
23 Notre approche critique, ici, va se poursuivre sur l’impact de l’Intelligence Artificielle
dans la médiatisation de l’éducation à la durabilité de jeunes et de moins jeunes,
justement sous double influence des cultures et flux médiatiques et des datas en tant
que biais cognitifs et psychologiques par l’ influence des chiffres dans le domaine
économique.

Datas et logiques métriques


24 Pourquoi s’interroger sur les données ? Qu’est-ce qu’une donnée ?

Les données : de la donnée aux biais psychologiques et cognitifs

25 Voici la définition nominale du mot anglais data (donnée) dans l’Oxford English
dictionary : sens 1 : information, sens 2 informations surtout numériques utilisées à des fins de
références , d’analyse ou de calcul .

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26 Et pourtant ce terme présente une richesse et une variété de possibles en épistémique


et ontologie. Car admettre qu’un phénomène puisse être traité comme une donnée est
en soi un acte scientifique.
27 Dans cet article, nous traitons plus spécifiquement des données scientifiques et de leur
utilisation par les usagers . De fait la data est certes définie par son contenu utilitaire,
économiquement parlant, mais aussi par sa valeur d’usage (Rebouillat, 2019.)
28 Dans sa thèse concernant « L’ Ouverture des données de la recherche : de la vision politique
aux pratiques des chercheurs », Violaine Rebouillat précise :
29 « La diversité des propos tenus témoigne de la relativité des perceptions. La valeur de la donnée
dépend de l’utilisation qui en est faite. On qualifiera cette valeur de « valeur d’usage ». Un bien
est défini comme valeur d'usage lorsqu’il est considéré dans un rapport d'utilité. Il peut avoir
une valeur d’usage pour nous-mêmes ou pour autrui. Autrement dit, c’est l’utilisateur, par la
consommation du bien, qui lui confère une valeur d’usage. Ce concept a été étudié par
l'économiste Anne Mayère dans le domaine de l'information (Mayère 1990, chapitre III). L'objectif
de cette chercheuse est de sortir l'information du statut économique de marchandise, en
définissant sa valeur d’usage selon un critère d’utilité – l'information s'intègrant toujours dans
un processus déterminé par les événements ou les décisions de l'utilisateu r »:, (Rebouillat,
2019 : 176, Quatrième partie - Les données dans les pratiques de recherche.)
30 Si l'Intelligence Artificielle provient du raisonnement logique et de l'action
programmée, un méta processus est à l’œuvre qui lie appropriations et potentialités. Car
l’ intelligence de l’homme pose l’action en responsabilisation et implémentation des
biais cognitifs en genres, en représentations et en sens.
31 Quand la célèbre mathématicienne Catherine O Neil, nous prévient dés 2016, dans son
ouvrage original, Weapons of Math destruction. How Big Data Increases Inequality and
Threatens Democracy , (Cathy O’Neil, 2018/2016) que les calculs peuvent être en effet
biaisés par l’homme et son inconscient qualifiable de collectif, nous comprenons mieux ce
que l’auteure entend par « biais cognitifs et psychologiques ». Le titre français,
Algorithmes. La bombe à retardement révèle encore plus la mise en risques de ces
processus.
32 Nous savons évidemment que nos usages sur internet sont tracés et utilisés pour mieux
nous conforter voire nous orienter vers des achats confirmés ou pas. Ce processus
psychologique d’attente de confirmation supplémentaire est nommé « biais de
confirmation ». Cathy O’Neil conforte son approche par les disciplines de
neuropsychologie : « En psychologie, le « biais de confirmation » désigne le processus cognitif
qui pousse un individu à privilégier les informations qui viennent confirmer des convictions ou
hypothèses préexistantes, et rejeter celles qui pourraient les contredire », ceci est tiré d’une
note de l’auteure Cathy O’Neil, 2018/2016 : 42.
33 Ces biais psychologiques s’ajoutent aux dits biais cognitifs bien connus dans les
constructions de modèles codés en informatique et en numérique. Ces dites
confirmations psychologiques sont complémentaires aux effets des angles morts d’un
modèle soulignant le plus souvent les jugements et les priorités en formes, genres et
valeurs de ses concepteurs : « Lorsqu’on crée un modèle, il faut tout d’abord choisir les
données que l’on trouve pertinentes pour l’alimenter. Ce faisant, nous simplifions donc le monde
réel à une sorte de modèle réduit facile à comprendre, et dont on déduit des actions et des faits
essentiels. Nous attendons de ce modèle qu’il accomplisse une seule et unique tâche et nous nous
résignons au fait qu’il puisse agir de temps à autre comme une machine désorientée, comportant

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d’importants angles morts. » ceci est extrait du même ouvrage de Cathy O’Neil,
2018/2016 : 39.
34 Cette approche critique nous paraît essentielle, à une époque où justement l’OCDE
propose, au niveau mondial une harmonisation en responsabilités sociales, financières
(fiscalités) pour certaines multinationales concernées (GAFAM /acronyme des géants
du Web : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft parfois également nommées les
Big Five ; et aussi pour « The Five » ou NATU sigle du même acabit qui juxtapose les
initiales des quatre entreprises américaines du Web soient Netflix, Airbnb, Tesla et
Uber.

Cas étudié : Open Data, OCDE et territoires. : approches chiffrées en


questions

35 Nous proposons ici une courte synthèse historique sur l’édition en accès ouvert qui
remonte à la déclaration de Budapest en 2002, suite aux expériences d’édition
électronique des années 1970 (Budapest Open Access Initiative , 2002.)
36 A la suite de cela, l’OCDE, l’Organisation de Coopération et de Développement
Economique a marqué et codifié les principes de l’accès aux données de la recherche
issue de financements publics (OCDE, 2007).
37 Certes, l’accès ouvert est une réponse à la marchandisation des ressources
informationnelles, il crée des possibles changements de politiques dans les secteurs de
la propriété intellectuelle et de l’économie de l’information en raison d’une masse
importante de données fournies.
38 Ces nouveaux marchés ouvrant de nombreux enjeux économiques créent de nombreux
défis en actionnalités humaines. Car déplacer des données scientifiques ou autres, met
en équilibre sécurité, droits, protection personnelle et territoriale, mais aussi
interopérabilité et maîtrise politique. Ceci nous entraîne à réfléchir sur non seulement
les cultures médiatisées en tant que formes plurielles, mais aussi sur les obstacles que
créent ces cultures informationnelles non maîtrisées par des populations peu enclines
ou peu autorisées à débattre sur les réalités objectives de certaines organisations
numériques au pouvoir mondial et hégémonique.
39 En effet, de nouveaux modes de vies entraînent de nouvelles formes de mises en
connaissances et donc des formes sociales de partage qui sont encore à explorer,
(Jenkins, 2012).
40 En raison de tout cela, il nous importe de former et de travailler en interdisciplinarités
pour appréhender au mieux éthique et déontologies (Besse, Castets-Renard, Garivier
2017) en pratiques numériques, (Tricot 2020.)
41 Dans la partie 3, nous tenterons de montrer comment transformer ceci en pragmatique
pédagogique, afin d’apporter au mieux une réponse critique face à cette
gouvernementalité algorithmique.

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Immersion et conséquences en pratiques de formation


et idéologies : approches critiques.
42 Former à une culture scientifique est un enjeu essentiel pour poser démocratie et
citoyenneté, car cette question engage les chercheurs et permet de mieux faire
comprendre les défis actuels d’une formation adaptée au fait que le citoyen ne peut
être expert en tout .
43 Les scientifiques par la spécialisation accrue de leurs disciplines ne peuvent pas être
non plus experts en tout domaine, d’où la nécessité de favoriser, en université,
l’apprentissage à des méthodes de recherche, à des mises en problématiques par des
débats de groupe où connaissances et savoirs se construisent pas à pas. La culture
scientifique se doit d’être partagée et pourtant le partage est loin d’être aisé.
44 Les réseaux sociaux avivent les conflits d’intérêts et les radicalisations de pensées, de ce
fait, les débats scientifiques et les débats démocratiques ne peuvent que se penser
conjointement.
45 Seule une intelligence dite collective et composite peut aider à faire évoluer les
connaissances, sans cesse soumises à des évolutions d’approches.
46 Une expression collective raisonnée et créative de chaque communauté scientifique
compétente sur un sujet donné est primordiale afin de dépasser la somme
d’interventions individuelles chaotiques.

3.1 Objet d’études. Sciences et cultures : ambiguïtés.

47 Qu’est ce que les Sciences de l’Information et de la Communication peuvent apporter à


cet objet en construction qu’est une science certes accessible aux citoyens, mais surtout
déclinée pour apporter des réponses en valeurs et en cohérences démocratiques.
48 Est-ce possible que la recherche scientifique et les experts ou médiateurs puissent créer
un débat démocratique tout en assurant la confiance, l’honnêteté intellectuelle et la
mise en discussion des recherches et résultats ?
49 Ceci nous nous amène, en tant qu’enseignante-chercheure à questionner toutes les
ambiguïtés de l’écologisme contemporain, (Charbonnier, 2015).
50 L’opposition nette entre technique et nature ne peut être opérante à l’heure actuelle.
Certes, la compréhension de l’écologisme diffère en pays, continents et histoires, (Guha
R. (2000).
51 En ce qui concerne l’Europe, dans son article, sur Ellul : « Jacques Ellul ou l’écologie contre
la modernité », Pierre Charbonnier tend par une analyse historique et critique de
dépasser une mise en contradiction nette pour arriver à une prise en considération de
notre lien au vivant tout en assurant débat, délibération et ajustement avec toute
altérité ( technique comprise ).
52 Nous retenons, pour notre propos, la référence que cet auteur fait à Bruno Latour,
approche que nous percevons comme essentielle : « Nous empruntons à Bruno Latour cette
distinction entre une critique asymétrique, opposant vérités « faites » et vérités «trouvées», et
une critique visant à symétriser des opérations de pensée homogènes – tout en ne supposant pas
qu’elles se valent nécessairement. Voir, de cet auteur, Sur le culte moderne des dieux faitiches, La
Découverte, Paris, 2009 ». (Charbonnier 2015, note de l’auteur, p.18 réf. Note 38).

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53 Bruno Latour revendique, en effet, face aux enjeux contemporains une posture claire.
L’humain est responsable de ses relations avec toute autre créature ou actant de ce
monde. Comme, pour cet auteur et bien d’autres aussi, nous sommes dans l’Ere de
l’anthropocène, Age des humains où d’autres alliances politiques et sociales sont à
poser, de façon urgente et radicale, (Latour B. (2017).

3.2 Terrains et immersion d’étudiants : co-constructions


méthodologiques et formes sociales en questionnements

54 Des innovations sociétales et sociales n ‘existeront que si un croisement entre enjeux


publics, politiques et communs arriveront à se concrétiser.
55 Ceci nous a entraîné à proposer une approche épistémique transversale pour la
formation en TI LEA 3, exposée précédemment en Journées internationales EUTIC 2018 :
Tourisme et agilités : représentation et participation en terrains complexes. Pour une autre
actionnabilité collective en formation proposée : reconfiguration numérique. Pascal C., (2018)
56 Nous poursuivons ici l’exploration de cette actionnabilité pédagogique.
57 Cette année particulièrement, nous avons travaillé en équipe pluridisciplinaire, avec
nos étudiants LEA, Licence 3 sur des questions de patrimoine immatériel et durable, UNESCO
qui entraîne de nouveaux types d’engagements entre savoirs, cultures, connaissances
universelles, expériences et pratiques locales.
58 Ces perspectives du patrimoine immatériel : savoirs et connaissances en question
sollicitent par exemple des approches critiques sur les idéologies en cours de la science
ouverte concernant la durabilité et le développement (Unesco et Open Science, Projet
réflexif, chantier 2020-2021).
59 Les chantiers en cours, soutenus par l’UNESCO et les chaires UNESCO ont pu servir de
socles de références.
60 Une méthode critique de recherche avec débats contradictoires sous formes de
workshops a été développée et a été amplifiée par l’obligation de travailler à distance
en orchestrant libertés, contraintes et créativités rendues obligatoires pour chacun des
acteurs : étudiants et enseignants. Des aides concernant la mise en questionnement
contradictoire ont été primordiales pour permettre en premier, le repérage des thèmes
de savoirs qualifiables d’ « ouverts » sur la durabilité, l’économie afin de concrétiser
une mise en communication.
61 Une nécessaire balance a été posée entre attitudes, informations et interprétations ceci
en lien avec un cadrage réflexif sur la relation à la vérité, au pouvoir et à l’éthique. Cet
apprentissage d’un engagement en pensée raisonnée et en éthique est soumis à une
mise en agilité qui peut être constante et contradictoire avec les différents acteurs,
institutionnels, organisationnels et habitants locaux. Cette dynamique pourra créer
d’autres actionnabilités en durabilité et en pensée-action d’écologie politique sous
forme participative et coopérative, (Houllier, 2016 et Houllier et al., 2017.)
62 La crise sanitaire vécue nous contraint à poser un regard plus réflexif sur l’importance
à donner au temps surtout pour permettre une autre construction du Savoir à partir
des connaissances soumises au chaos et à l’évolution, Antigone Mouchtouris, sociologue
souligne l’importance du Kairos en tant que temps humain de mise en constructions de
relations humaines et de relations autres au Savoir, (Mouchtouris, 2021).

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63 « Dans notre monde contemporain, c’est le philosophe Cornelius Castoriadis qui a réactualisé et
réhabilité le Kairos. Pour lui, c’est le temps de l’action ; il lui a donné une dimension politique et
sociale, celle de l’action et de l’acteur qui agit dans le présent. Que peut-on retenir d’original et
de fécond dans ses écrits ? Les rapports de l’être humain avec le temps de l’action
transformatrice. Il considère également le Kairos comme un élément dans la décision et dans
l’action. Son approche donne aussi une réponse au temps historique qui a traversé deux siècles et
qui, au nom de l’histoire, a engendré des crimes et servi d’argument pour justifier les
institutions. » (Mouchtouris, 2021 : https://connaissance.hypotheses.org/186).
64 En effet, ces enjeux scientifiques, politiques et éthiques méritent d’être questionnés
entre partage, concertation, participation, expérience et engagement d’acteurs
différents en rôles et cultures, ceci avant d’envisager un Espace commun ou Espace
public qui nous permettrait de passer de la Techné au Corps Social, (Pascal C., 2019).
65 « Y aura-t-il un après Covid : Y’ aura un avant et un après Covid19 ? En matière d’éducation, il
s’agit désormais de former les élèves à faire face à des crises environnementales par nature
imprévisibles. La catastrophe que nous vivons actuellement pourrait modifier nos manières de
considérer l’éducation et nous encourager à développer des éducations au bien commun,
“vraiment” engagées, et à la construction collective de l’adaptation pour une résilience pour
tous. » A.- F. Gibert, (2020).

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NOTES
1. http://ll.univ-poitiers.fr/dime-serveur/theories-apprentissage/socioconstructivisme/
2. Savan D. (1980) La séméiotique de Charles S. Peirce

RÉSUMÉS
Avec le développement des dispositifs numériques et de l’Intelligence Artificielle, l’écosystème
numérique nous inscrit dans un univers de reconfiguration des possibles où les innovations
plurielles peuvent s’appréhender par des prismes différentiels et antagonistes. La variable
durabilité nous fait comprendre cela aussi. Notre contribution propose d’aborder la question de
la durabilité en innovation numérique et plus particulièrement les formations et expertises
concernant les sciences et data et les usages en développement de l’écologie humaine. Les défis
éthiques seront questionnés. Les problématiques de data, en contexte de crise sanitaire exigent
de nous une prise de responsabilités multiples. Ces nouvelles formes de phénoménalités en
connaissances, en cultures, en expertises et en engagements sont des processus entendus ici
comme formes de construction d’une réalité hybride qui engagent formateurs et étudiants face
aux dispositifs numériques. Alors que la littératie souvent idéologique et technicienne sur le
développement durable n’aborde pas souvent les usages innovants de L’Intelligence Artificielle,
nous développerons ici un angle d’évolution en co-construction créatif et singulier, en prenant

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en compte par exemple les écarts ou risques possibles entre le droit à la science (écologie
humaine incluse avec discussion sur une modernité autre envisagée) et le droit à la connaissance,
sous questionnements validés par les pairs, ceci dans un contexte où les big, small et open data
sont prégnantes, par exemple en tourisme avec les data et la gouvernance orchestrée par l’OCDE.

With the development of digital devices and Artificial Intelligence, the digital ecosystem places
us in a universe of reconfiguration of possibilities where plural innovations can be understood
through differential and antagonistic prisms. The sustainability variable makes us understand
that too.

Our contribution proposes to address the issue of sustainability in digital innovation and more
particularly training and expertise in science and data and developing uses of human ecology.
The ethical challenges will be questioned. Data issues in the context of a health crisis require us
to take on multiple responsibilities.
These new forms of phenomenality in knowledge, cultures, expertise and commitments are
processes understood here as forms of construction of a hybrid reality that engages trainers and
students in the face of digital devices.

While often ideological and technical literacy on sustainable development does not often address
the innovative uses of Artificial Intelligence, we will develop here an angle of evolution in
creative and singular co-construction, taking into account, for example, the gaps or possible risks
between the right to science (human ecology included with discussion on another envisaged
modernity) and the right to knowledge, under questioning validated by peers, this in a context
where big, small and open data are prevalent, for example in tourism with the data and
governance orchestrated by the OECD.

Con el desarrollo de los dispositivos digitales y la Inteligencia Artificial, el ecosistema digital nos
sitúa en un universo de reconfiguración de posibilidades donde las innovaciones plurales pueden
entenderse a través de prismas diferenciales y antagónicos. La variable sostenibilidad nos hace
entender eso también. Nuestra contribución propone abordar el tema de la sostenibilidad en la
innovación digital y, más en particular, la formación y la experiencia en ciencia y datos y el
desarrollo de usos de la ecología humana. Se cuestionarán los desafíos éticos. Los problemas de
datos en el contexto de una crisis de salud requieren que asumamos múltiples responsabilidades.
Estas nuevas formas de fenomenalidad en conocimiento, culturas, experiencia y compromisos
son procesos aquí entendidos como formas de construcción de una realidad híbrida que
involucran a formadores y estudiantes frente a los dispositivos digitales. Si bien a menudo la
alfabetización ideológica y técnica sobre el desarrollo sostenible no suele abordar los usos
innovadores de la inteligencia artificial, aquí desarrollaremos un ángulo de evolución en la co-
construcción creativa y singular, teniendo en cuenta, por ejemplo, las diferencias o posibles
riesgos entre los derechos a la ciencia (ecología humana incluida con discusión sobre otra
modernidad contemplada) y el derecho al conocimiento, bajo cuestionamiento validado por
pares, esto en un contexto donde los datos grandes, pequeños y abiertos son significativos, por
ejemplo en el turismo con datos y gobernanza orquestados por el OCDE.

INDEX
Keywords : Data, Knowledge, Metadata, Pedagogy, Artificial Intelligence
Palabras claves : Datos, Conocimiento, Metadatos, Pedagogía, Inteligencia Artificial
Mots-clés : Data, Connaissance, Métadonnées, Pédagogie, Intelligence artificielle

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AUTEUR
CATHERINE PASCAL
Université Bordeaux Montaigne/MICA, (EA 4426), Axe ICIN, Information, Connaissance,
Innovation, Numérique

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Vulgarisation des théories


d’adoption et d’appropriation des
innovations technologiques pour
une intelligence artificielle africaine
Popularización de teorías de adopción y apropiación de innovaciones
tecnológicas para una inteligencia artificial africana

Kouassi Touffouo Frederic PIRA

Introduction
1 Depuis le premier Forum sur l’IA à Benguérir (Maroc, 2018) à l’initiative de l’UNESCO, la
dernière innovation technologique tente de prendre une place importante dans la
réalisation et l’optimisation des objectifs de développement des pays africains. En effet,
après en avoir enrichi la réflexion globale en dressant un inventaire complet de la
situation africaine et des perspectives de l’IA, l’UNESCO par la voix de sa directrice
générale a reconnu son potentiel et ses possibilités de progrès pour l’Afrique :
« L’IA peut nous (Afrique) aider à avancer plus rapidement vers la réalisation des
objectifs de développement durable (ODD), en favorisant une meilleure évaluation
des risques, en optimisant la précision des prévisions et la vitesse de partage des
connaissances, en proposant des solutions innovantes dans les domaines de
l’éducation, de la santé, de l’écologie, de l’urbanisme, des industries créatives et en
améliorant les conditions de vie et le bien-être quotidien », (Azoulay, Chronique
Unesco, 2018,p.1)
2 Par ailleurs, plusieurs chercheurs et professionnels parmi lesquels Villani (2018),
Zhenmin (2018), Kiyindou (2019), Marwalla (2019), Cissé (2019), Ndiaye (2019, 2021), Le
Deuff (2020), Lebel (2020), Mountaga (2021) tiennent ce même discours, soutenant que
l’IA pourrait contribuer significativement au développement de l’Afrique. Mais, ces
discours prospectifs et enthousiastes n’évoquent que les réponses que l’IA pourrait
apporter aux multiples problématiques de développement de l’Afrique. En lui conférant

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103

unanimement des capacités à impulser ce changement positif multiforme, oublie-t-on


qu’elle est avant tout une technologique occidentale, exogène qui a besoin d’être
exportée avec intelligence en Afrique avant d’en expérimenter ses prouesses ? Pour
notre part, nous postulons que dans sa réception, l’IA doit prendre son ancrage dans les
potentialités du continent (population jeune, forte croissance démographique,
attractivité, etc.), tenir compte des défis, des opportunités et des enjeux propres au
contexte africain. Une posture sous-entendue dans la déclaration finale de Benguérir
qui invite :
«L’Union africaine, les communautés économiques régionales, les gouvernements,
les institutions académiques et associations professionnelles, le secteur privé, la
société civile et les organisations internationales à promouvoir une IA équitable,
basée sur les droits, ouverte et accessible à tous et multipartite, en tant
qu’instrument pour l’émancipation des peuples africains », (Chronique Unesco, 2018,
p.p.3-4)
3 Depuis 2018, à la suite de l’appel de Benguérir aux intelligences, compétences locales,
l’Afrique dans son ensemble a adoubé l’IA et décrit un inventoriel de conditions
captivantes à son épanouissement. Mais, selon plusieurs observateurs parmi lesquels
Bassolé et al (2021, p.4.) l’IA tarde à prendre son envol en Afrique :
« Les acteurs majeurs de l’IA investissent dans les pays riches en pariant sur
l’exploitation de données massives. Les pays en développement (PED) ne sont pas
des cibles prioritaires. (…) En Afrique, l’IA ne représente pas un marché très
important sous les formes qui font son très grand succès dans les pays riches. »
4 Ces propos qui sont à considérer ne sont pourtant pas suffisamment solides pour
cacher les obstacles majeurs propres à l’Afrique (impréparation à la réception de l’IA,
déficit d’expertise, manque d’infrastructures dédiées, modestes initiatives de
formation, absence de stratégies nationales et régionales de mise en valeur des
données, coût d’apprentissage des programmes d’IA, faible taux de connectivité et de
pénétration d’Internet…). En résonnance avec ces auteurs, le Centre de recherches pour
le développement international (CRDI) et l’Oxford Insights après avoir traité dans un
indice de préparation à l’IA révèlent que les pays Africains sont encore très en retard.
Alors que les auteurs précédemment cités affirment que le retard observé pourrait être
comblé par des actions de grande envergure, Dutton (2018) relève que seuls le Kenya et
la Tunisie intègrent dans leurs priorités politiques un volet IA propre. Cette
information est révélatrice du risque que nous prenons en abordant ce texte sous un
angle général africain. Par ailleurs, la lecture presque circonstanciée de Dutton (idem)
est non sans rappeler la thèse de Diaw (2004, p.37) qui affirme :
« (…) Il existe plusieurs Afriques, avec des trajectoires différentes, des histoires et
des mémoires diverses, des expériences du Politique qui sont loin d’être identiques.
Tout discours sur l’Afrique ne peut être validé que s’il postule l’idée d’une
déconstruction de l’Afrique comme réalité homogène. L’Afrique n’est pas un espace
géographique, mais plutôt une pluralité d’imaginaires, de cultures et de
temporalités.»
5 Si ces lectures parcellaires peuvent paraître judicieuses dans certains contextes, ce
texte tel que pensé ici ne cherche pas à tenir compte des réalités de chaque pays
africain. L’IA étant appréhendée comme une innovation technologique occidentale, la
démarche de vulgarisation vise à mettre à la disposition de tous les pays africains des
informations utiles pour en faciliter sa réception, son adoption et son appropriation. Il
est également incontestable que le besoin de réponses technologiques aux nombreux
problèmes du continent se fasse sentir à travers toute l’Afrique. Si depuis Benguérir,

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104

l’Afrique envoie quelques signaux de développement dans le domaine avec l’ouverture


du premier centre de recherche africain sur l’IA de Google au Ghana, le lancement (juin
2018) du premier hub pour l’IA au Nigéria, la création de pôles technologiques au Cap,
Addis-Abeba, Kigali et Nairobi, Schlegel (2015) fait savoir que l’UNESCO soutient que les
pays en développement (PED), y compris ceux de l’Afrique n’ont pas la structure
économique pour intégrer une IA occidentale sans adaptation. En Afrique, cette
information est à considérer sérieusement au regard de son difficile ʺdéveloppement à
l’occidentalʺ sous le prisme du déterminisme technologique. Par ailleurs avec la 4ème
révolution industrielle (4RI) qui marque une étape radicale entièrement guidée par les
données, le défi s’avère beaucoup plus important pour l’Afrique. Définissant la 4RI sur
le site www.siecledigital.fr le 17 juin 2021, Guinamard écrit :
« de manière très générale, la 4RI désigne les technologies de l’information et de la
communication. L'Internet des Objets (IoT), le big data, la 5G ou encore
l’Intelligence Artificielle (IA) sont considérés comme des technologies de la 4ème
révolution industrielle. »
6 Au regard des complexités des dernières innovations technologiques, filles de la 4RI,
Cissé (2019) prévient que : « tenter de s’agréger à des révolutions (technologiques) que nous
n’avions pas anticipées, malgré des conditions en apparence favorables, produit très rarement
les résultats escomptés », (Jeune Afrique, 7 juin, 2019). Cette préoccupation liée au
déploiement d’une technologie en Afrique n’est pas nouvelle. Elle trouve des références
chez des auteurs tels que Berthoud (1994) et Ondo (2004) qui ont ouvert le débat
relativement à l’internalisation de la technologie occidentale dans les politiques de
développement de l’Afrique. En effet, si la notion de développement est apparue après
la Seconde Guerre mondiale comme l’affirme Rist (1996), Volvey et al (2005)
soutiennent que l'occidentalisation de l'Afrique (c'est-à-dire l'exploration, l'occupation
et la colonisation) était justifiée par la nécessité d'aider les peuples "sauvages" à
accéder à la civilisation au nom de valeurs "universelles". Quant à Escudie (2004, p11)
qui se rapproche temporellement de Rist (idem), elle note que :
« Dès le début des années 50, le « développement » prend son sens transitif avec
l’invention du « sous-développement » qui en constitue le stade embryonnaire. Dès
lors, l’objectif des politiques mises en œuvre vise à reproduire le modèle de
développement né de la révolution industrielle. (…) L’idée qui s’impose alors, et qui
sera au cœur de toutes les stratégies, consiste à utiliser les techniques présentes
dans les pays les plus « avancés ». (…) Le processus d’industrialisation repose
essentiellement sur des « transferts de technologie. »
7 Alors que ces premières approches (colonisation, transfert technologique) évoquées par
ces auteurs n’ont pas pu produire les effets de développement escomptés, le «
consensus de Washington »1, corps de doctrine des plans d’ajustement structurel (PAS)
né au cours de la décennie 80 et prévu initialement pour les pays d’Amérique, s’est
étendu par la suite au continent africain sans succès, (Domergue, 2003). Face aux
critiques à l’encontre de la communauté du développement, des pays développés et
Institutions Financières, l’Afrique est restée un lieu de diffusion et d’expérimentation
de diverses théories et politiques de développement (théories de la croissance
endogène et évolutionniste, développement durable et humain, démocratie, bonne
gouvernance, etc.). Sans remettre entièrement en cause les bonds quantiques
provoqués par ces initiatives toujours exogènes, l’avènement de l’IA permet à l’Afrique
de rêver les nouveaux contours de son développement en mettant en place des plans
stratégiques de transformation technologique, industrielle, économique, etc. Les
objectifs visent à passer un nouveau cap, comme dans les pays asiatiques, considérés

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


105

comme des modèles du genre. Alors, au moment où l’IA renouvelle les espoirs de
développement de ce continent, elle n’en évacue pas pour autant plusieurs
interrogations: comment peut-on expliquer qu’avec la diversité des théories et des
politiques de développement qui se sont multipliées depuis les années 1950 la situation
de nombreux pays africains ne se soit pas améliorée ? Par ailleurs, l’IA semble susciter
davantage de questions. En effet, au moment où cette innovation technologique
exogène tente sa percée sur le continent africain, dans quelle perspective doit-on
envisager son intégration? L’Afrique éprouve-t-elle des difficultés à réceptionner les
technologies étrangères ? Ce questionnement qui prospère dans les possibilités de
l’Afrique à ʺdompterʺ l’IA appelle deux hypothèses. La première soutient que l’IA étant
à la fois innovation et technologie importée, à côté des politiques publiques, des
initiatives privées,…son intégration réussie ne peut être envisagée sans une campagne
de vulgarisation. La seconde dit que les objectifs de développement de l’Afrique
rattachés à l’IA ne peuvent être atteints que si ses acteurs solutionnent la
problématique de son adoption et de son déploiement. L’objectif général de cet article
s’attache à la démocratisation et à la mise en valeur de la pensée scientifique (théories
d’adoption). Mais plus spécifiquement, s’il vise la diffusion de certaines théories
d’adoption des technologiques de pointe, il les analyse également afin d’aiguiller les
acteurs africains de l’IA vers sa parfaite maîtrise.
8 Le texte propose une méthodologie centrée essentiellement sur une revue de
littérature (Sall, 1996 ; O’ Leary, 2004) qui nous a permis de revisiter un certain nombre
de théories déjà expérimentées dans les problématiques d’adoption des innovations
technologiques. Pour ce faire, nous avons considéré tous les documents, qu’ils soient
publiés ou pas dans des revues scientifiques contrairement à des auteurs tels que
Gooding et Wagner (1985); Robertson et Seneviratne, (1995) qui préfèrent exclure les
écrits non publiés dans des revues admises par la communauté scientifique
relativement à leur qualité. Nous avons circonscrit alors nos recherches électroniques
(ProQuest, ScienceDirect, Google, Google Scholar, Z-Library) en y insérant le titre, le
résumé et les mots clés (appropriation or adoption of new technology, innovation,
diffusion, vulgarisation, etc.). Pour aboutir aux objectifs visés, nous avons opté pour la
méthode de la classification (Diday, 1971), fondée sur le libre choix pour ne prendre en
compte que les théories exclusivement orientées sur les approches d’adoption et
d’usage des TIC et de l’IA.
9 Tableau1. Sources des théories

SOURCES NOMBRE D’ÉCRITS IDENTIFIÉS

ProQuest 15

ScienceDirect 12

Google Scholar 10

Google 10

Z-Library 16

(Source : données de l’étude)

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10 Les fondements théoriques de ce texte sont à rechercher auprès des auteurs tels que
Fontenelle (1686), Chambers (1728), Voltaire (1738), Diderot, D'Alembert, Jaucourt et al.
(1751-1766) désignés historiquement (Schiele, 1983) comme les instigateurs de la
vulgarisation scientifique (VS). Cette pratique de communication, Schiele (idem) la
situe au XVIIIe siècle au moment où se manifeste une volonté arrêtée de convier au
sens d’inviter et d’engager le public à partager avec les scientifiques les produits de la
connaissance. Il écrit alors :
« La vulgarisation scientifique consiste, en première approximation, à diffuser,
auprès du plus large public nanti d'un minimum de culture, les résultats de la
recherche scientifique et technique et, plus généralement, l'ensemble des
productions de la pensée scientifique en composant des messages facilement
assimilables », (Schiele, Op.cit.p.157).
11 Cet idéal d'un partage des connaissances tel que prôné par la vulgarisation scientifique
constitue une trame pour ce texte. En y posant la théorie comme un ensemble de lois
formant un système cohérent et servant de base à une science, sa mise en lumière pour
accompagner la conquête africaine de l’IA rejoint les intentions exprimées par les
vulgarisateurs (diffuseurs). À leur sujet, Roqueplo (1974) écrit qu’ils entendent
promouvoir et propager la culture scientifique et qu’ils se perçoivent comme les
artisans de la diffusion scientifique et de la formation continue des adultes. Quant à
Levy, Provost et Bourdouxhe (1980, p.7), ils précisent que : « dès le moment où l’on parle
d'une science au service de la société, l'information et la communication en deviennent les
éléments pivots. Il faut donc qu'une politique de la communication scientifique soit au centre de
la politique scientifique. » À leur tour, Delaforge et Moinet (2008) ont clairement isolé et
analysé le rôle de la communication dans la trajectoire d’une innovation. Ils ont conclu
que le succès d’une innovation s’édifie dans la mise en œuvre d’un processus de
communication, la co-construction de connaissances partagées par l’ensemble des
acteurs intéressés au sein d’un espace public. Si ces deux auteurs n’utilisent pas les
termes ʺvulgarisation scientifiqueʺ, ils ne s’en écartent pas non plus pour asseoir leur
démonstration. En contractant avec la théorie de la vulgarisation scientifique, notre
discours justificatif dominant fait état d'une diffusion de connaissances théoriques
pouvant contribuer à la réception et à l’adoption de l’IA par l’Afrique. Par ailleurs,
l’approche vulgarisatrice de ce texte lui permet d’offrir aux lecteurs, aux publics de l’IA
des théories qui se sont succédé chronologiquement et notamment depuis la fin de la
guerre Seconde Guerre mondiale et qui ont été jugées à l’épreuve de leurs apports dans
les initiatives de développement. Il ne s’agit donc pas de faire découvrir de nouvelles
théories d’adoption et d’usage des innovations technologiques à l’Afrique. Si la posture
que nous proposons dans ce texte semble neutre dans la mesure où elle ne fait que
mettre en lumière un ensemble de théories, nous l’inscrivons pourtant dans une
approche à la fois concurrentielle et compétitive. Ainsi, la spécification de la
vulgarisation des théories d’adoption des TIC et de l’IA peut être vue comme un
processus d’acquisition de connaissances et de production d’information. Nous la
posons également comme un processus décisionnel qui requiert des acteurs-décideurs
(dirigeant, chef de projet, prescripteur, etc.) de faire des choix, de définir des
orientations sur le dispositif, le discours d’accompagnement de l’IA en Afrique. En
définitive, l’approche théorique en vigueur dans ce texte a pour principal enjeu d’aider
l’Afrique à s’approprier cette technologie, de la domestiquer et d’en faire effectivement
un puissant levier de développement.

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


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Les raisons de la vulgarisation des théories d’adoption


et d’appropriation des innovations technologiques
12 Forgée dans les laboratoires occidentaux et attribuée à Alan Turing (1950), l’IA est
définie par le dictionnaire Le Larousse.fr comme : « un ensemble de théories et de
techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence
humaine. » Surnommée ʺle grand mythe de notre tempsʺ par Falque-Pierrotin (2017, p.
3) marquée par sa complexité, l’IA apparaît alors comme une somme de sciences, de
technologies, d’algorithmes et d’informatiques. Si l’Afrique a l’intention de l’intégrer
afin d’impulser son développement, elle doit alors relever les défis de son adoption et
de sa mise en œuvre. Car selon Zhenmin (2018): « (…) les technologies ne sont pas habilitées
à faire leurs propres choix. Nous, êtres humains, les développons et les déployons pour résoudre
nos problèmes. Elles ne peuvent pas, de leur propre initiative, toucher les populations qui en ont
le plus besoin », (Chronique ONU, 25 juin 2018). Mais, Ondo (2004, p.211) avait émis des
réserves quant à l’apport de la technologie occidentale dans le développement de
l’Afrique : « on a vite cru en effet que, pour engager le développement en Afrique, il suffisait
d’appliquer à cette dernière le paradigme dominant de la science moderne, paradigme qui a lui-
même conduit au développement de l’Europe ». Pour sa part, Lejosne (2010.p.191.) écrit :
« Outre le fait qu’il paraît bien difficile de définir ce qu’est une « bonne technologie
», l’observation des faits montre que, plus souvent qu’on ne le souhaiterait, la mise
en œuvre de ce que l’on croyait être une bonne technologie peut aussi se finaliser
par un échec retentissant. »
13 Certes, le désenchantement qui transparait chez Ondo (idem) n’est pas perceptible avec
Lejosne (idem), toutefois, ce dernier évoque l’incertitude des aventures technologiques.
Sans surprise, au moment où l’IA tente sa percée en Afrique, les réflexions sur sa
réception et son ancrage se multiplient. D’abord, Zhenmin que nous avons déjà cité
affirme :
« Les technologies mises au point dans une partie du monde peuvent facilement
être transportées dans une autre partie – souvent en cliquant simplement sur un
bouton. La transférabilité, la reproduction, l'accessibilité économique sont l'essence
de nombreuses technologies de pointe », (Zhenmin, ibid.).
14 Si ce discours tend à évacuer tous les obstacles au nom des commodités technologiques,
il ouvre le débat sur les processus d’adoption des technologies innovantes, dont l’IA.
Mais sa conception de la suprématie de la transférabilité technologique bute d’emblée
sur les considérations de Lebel (2019) qui prône une IA africaine propulsée par une
technologie appropriée. Pour lui : « le développement de l’IA et son utilisation doivent être
assurés par et pour les Africains de manière éthique et équitable », (Jeune Afrique, décembre
2019). Bien avant ces deux auteurs, Drouvot et Verna (1994, p.94) avaient estimé que :
« Le problème posé aujourd’hui par le développement économique ne peut être
résolu dans une perspective de ʺtransfertʺ de technologie dans la mesure où elle
fournit aux grands pays et aux grandes firmes, un instrument pour affirmer leur
domination technique et pour élargir l’empire de leurs modèles sociaux. »
15 Alors que les approches se succèdent, Weiss et Heide (1993), Vowles et al. (2011) pour
leur part lient ce type de processus au degré de sophistication et de complexité de
l’innovation technologique. Ils enseignent que, plus l’innovation est sophistiquée et
complexe, plus le processus d’adoption s’avère compliqué. Quant à Ransbotham et
Mitra (2010), ils expliquent que les processus d’adoption des innovations ne sont pas
réglés d’avance et qu’ils restent tributaires de la perception des consommateurs,

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


108

organisations, etc. Face à autant de littérature, le texte prend en compte trois théories
récurrentes, constamment invoquées quand il s’agit de technologie et de
développement. Cette approche est à inscrire au chapitre des efforts constructifs pour
l’avènement de l’IA en Afrique. Par ailleurs, le choix de la vulgarisation scientifique de
ces théories trouve chez Lacroix (1949) un soutien référentiel quand il affirme :
« Pas de théorie sans pratique, pas de pratique sans théorie. L'homme a besoin
d'une théorie pour observer les faits; il a besoin de faits pour construire une
théorie. Il ne pourra échapper à ce dilemme et ne connaîtra jamais rien tant qu'il ne
se décidera pas à trancher le nœud gordien de la connaissance et à imaginer une
théorie qui lui permettra de saisir les faits », (Lacroix, 1949, p. 53).
16 En avançant que la valeur théorique est à considérer dans la mise en place de la
pratique, Lacroix (idem) instruit sur la pertinence et la légitimité de ce texte. Ce faisant,
il nous impose de donner un large écho aux théories retenues. Mais d’entrée, alors que
Khalil (2014, p.22) spécifie que l’adoption d’une innovation technologique peut se
produire à deux niveaux (consommateurs / organisations productrices de biens ou de
services), nous optons dans ce texte pour une adoption au niveau des États, pouvoirs
publics, institutions de régulation des TIC/IA,...en Afrique. Si le processus d’adoption
est désigné pour jouer un rôle de premier plan (Becheikh et al. 2006), Gupta et
Raghunathan (1988) le définissent alors comme l’acquisition, l’implantation réussie et
l’utilisation de technologies par une organisation. Mais depuis plusieurs années et dans
plusieurs milieux, l’appui des technologies étrangères au développement des pays
moins avancés (PMA) fait débat. Pour certains auteurs (Perrin, 1983 ; Escudie, 1994 ;
Ondo, 2004 ; etc.), les technologies importées depuis la fin des deux guerres ont impacté
très peu le développement d’un groupe considérable de pays, ne consacrant que des
sociétés consommatrices. Alors, au tournant de la 4RI, nombreux sont ces Africains qui
souhaitent que l’IA puisse se déployer en s’appuyant sur un certain nombre d’éléments
susceptibles d’impulser une véritable évolution telle qu’observée dans les nouveaux
pays industrialisés (NPI)2. Derrière ces discours, l’idée de la maîtrise technologique qui
a fait ses preuves dans les NPI semble avoir leurs faveurs. Mais, le décollage espéré
pourrait ne pas survenir en dépit de ces intentions. En effet, au regard du retard de
l’Afrique, des auteurs tels que Mutume (Op.cit., 2007), Zhenmin (Op.cit., 2018.)
conseillent une politique de développement centrée sur le transfert des technologies,
rapide et simplifié. Face à cette thèse, Drouvot et Verna (1994), Escudie (2004) ainsi que
plusieurs auteurs avancent que le transfert des technologies, encouragé pour son
raccourci, ses facilités est une politique mimétique débutée depuis les années 50 et qui
n’a pas pu résoudre les problèmes des pays en développement. Pour eux, cette
approche présente des limites non négligeables et qu’il faille se tourner vers d’autres
politiques alternatives. Ils optent pour une technologie appropriée portée par Théry
(1981), Adair (1984), Durand (1994), Latouche (1998), mais durement combattue par
Arghiri (1981), Furtado (1981), Elsenhans (1981). Au terme de cet exercice émerge trois
approches théoriques relatives à l’adoption des technologies : le transfert des
technologies, la technologie appropriée et la maîtrise technologique. Dans ce contexte
de confrontation et de coexistence, ces trois tendances portent solidairement les
mêmes objectifs technologiques de développement des PMA. Ces trois théories que
nous avons réceptionnées comme une addition d’écoles, de courants, de méthodes et de
paradigmes irréductibles pourraient accompagner la mise en place de l’IA en Afrique
dans ce contexte de déterminisme technologique sans précédent.

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Le transfert des technologies : politique mimétique ?

17 Évoquée depuis les années 50-60, reprise par Valenduc et Warrant (2001), Becheikh et al
(2006) et adoubée par Zhenmin (2018) qui la réduit aujourd’hui en un ʺclic de boutonʺ,
cette première théorie préconise un transfert des technologies des pays industrialisés
vers les PMA pour combler leur retard de développement. Ses défenseurs dont Arghiri
(1981) cité par Ghertman (1981, p.8) la présentent comme une politique à forte valeur
ajoutée avant d’en présenter ses formes :
« Ce transfert peut prendre deux formes. La forme directe consiste en un achat par
le pays en voie de développement des usines « produits en main », avec leur mode
d'emploi et la formation de techniciens susceptibles d'assurer la réparation et la
bonne marche des usines. La seconde forme est indirecte : l'appel à l'investissement
local de sociétés multinationales qui transfèrent la technologie à leurs propres
filiales.»
18 Les arguments contenus dans cette citation dont l’élimination d’un grand nombre de
contraintes (financement, lourdeur ou lenteur, recherche, etc.), mais également
l’étalage d’un certain nombre de gains avérés (technologie prête à l’emploi, raccourci,
etc.) suffisent à bâtir l’incontournabilité du recours aux technologies des pays
industrialisés. Zhenmin (idem) s’adosse à un exemple pragmatique pour illustrer les
avantages du transfert technologique en écrivant : « la téléphonie mobile, Internet…, sont
des exemples de technologies clés utilisées par les communautés et les sociétés pour contourner
la voie linéaire du progrès ou en sauter certaines étapes ». Il tient pour exemple
l’industrialisation de plusieurs pays d’Asie de l’Est réussie en partie du moins, par un
transfert de technologies en provenance des pays industrialisés et par l’afflux
d’investissements étrangers. Il me semble que les exemples qui soutiennent la posture
de Zhenmin (idem) soient discutables. Le développement actuel des pays asiatiques
qu’il tient pour exemple est le fruit d’abord de la volonté politique des dirigeants
politiques de ces pays. Bien au contraire, ces derniers avaient fait l’option prioritaire
d’un long cheminent (40 à 50 ans de parcours) vers l’autonomie technologique en
investissant massivement dans la formation. Si objectant cette approche, Perrin (1983)
parle deʺ mimétisme abusif ʺ, Escudie (1994) retient les ʺ politiques de rattrapageʺ,
quand Ondo (2004, p.211) évoque une ʺtransplantation technologiqueʺ. Pour ce dernier
ce n’est pas en optant pour un tel processus que l’Afrique parviendra en quelques
décennies là où en effet l’Occident a mis des siècles pour se construire. Ses propos sont
repris par l’économiste Songwe (2018) dans une interview accordée à Caslin et publiée
par Jeuneafrique.com le 03 janvier 2018 à 13h37 : « Notre continent est jeune, et on lui
demande de faire en quelques décennies ce que les autres ont mis des siècles à accomplir ». S’il
est vrai que l’Afrique prend de plus en plus de place sur la scène internationale,
malheureusement la technologie qui devrait lui permettre de faire un bond en avant ne
se conçoit qu’en termes de réception, récupération, transfert, etc. En effet, depuis
plusieurs années, les planificateurs du développement ne vantent que les avantages du
transfert des technologies comme la solution miracle à l’industrialisation et au
développement des pays du Sud. Sall (2007) soutient même que de nombreuses
économies émergentes n’ont actuellement pas la capacité de satisfaire leurs besoins en
transferts de technologie pour soutenir un développement durable. Ses propos
semblent avoir été considérés par les porteurs du transfert technologique qui
suggèrent que le détenteur de l’innovation accepte de la transmettre pour des raisons

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


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humanitaires à d'autres usagers (États, organisations, individus, etc.). Se montrant


enthousiaste, Zhenmin que nous avons déjà cité écrit :
« Par le passé, il fallait des décennies pour que les technologies de pointe soient
diffusées dans les pays. Leur diffusion et leur adoption étaient lentes, freinées par
d'importants obstacles. Ce processus est différent pour un grand nombre de
nouvelles technologies. Les technologies de pointe offrent de nouvelles possibilités
aux communautés et aux pays pour rattraper leur retard et accélérer leur
développement », (Chronique ONU, Op.cit., 2018)
19 Dans une société mue par le déterminisme technologique, dans laquelle les innovations
apparaissent sans cesse, son discours pourrait enfermer les pays africains dans un
éternel conformisme, un suivisme technologique. En soutenant une telle vision,
l’auteur condamne les pays moins avancés et plus particulièrement ceux du continent
africain à garder leurs yeux sur les innovations technologiques extérieures, alors que
dans leur sous-sol et devant eux il y a tant de ressources utiles qui ne demandent qu’à
être exploitées. En outre, il semble oublier que le véritable défi de l’Afrique pour se
hisser au niveau des continents riches se pose en termes d’autonomie scientifique,
technologique. Pour rappel, le fossé scientifique et technologique entre l’Afrique et le
reste du monde n’a fait que s’accroître au fil des ans, et ce depuis bientôt un siècle. Pour
inverser cette tendance, dès 2005 avec le Plan d’action consolidé de l’Afrique dans le
domaine de la science et de la technologie3, les dirigeants africains se sont engagés à
consacrer davantage de ressources au développement de la science et de la technologie
à travers la revitalisation des universités et grandes écoles africaines. Derrière ces
nouvelles dynamiques, si l’objectif des dirigeants africains est de promouvoir la
formation chez les jeunes, ils recherchent surtout l’autonomie scientifique et
technologique pour libérer l’Afrique de la pauvreté et l’intégrer solidement dans
l’économie mondiale. Par ailleurs, son allusion à l’Internet et à la téléphonie mobile
marquée par le succès du ʺmobile-bankingʺ lancé en 2007 au Kenya (M-Pesa) sont à
inscrire dans le condensé des usages. Si tout comme lui, Songwe (2018) prétend que
l’Afrique emprunte sa propre voie et impose ses propres standards à travers cette
singularité, Chénau-Loquay (2012, p.83) y apporte une toute autre explication :
« La réussite de la téléphonie mobile en Afrique peut être expliquée par la mise en
œuvre du modèle néolibéral à l’échelle mondiale, mais aussi par les capacités
d’adaptation des opérateurs internationaux à la demande locale ; ils ont su changer
de modèle économique pour répondre aux besoins d’une population pauvre qui
cherche à minimiser ses dépenses. »
20 Quant à Cardon (2005), il écrit qu’il s’agit ʺd’innovations par l’usageʺ. Faut-il encore
rappeler qu’en dehors d’une infime ingéniosité (transaction monétaire électronique)
l’ensemble du dispositif (smartphone, Internet, économie numérique, génération
d’application) qui contribue au succès du ʺmobile-bankingʺ échappe au génie kényan
(africain). Par ailleurs, l’exemple évoqué ainsi que le discours de Chénau-Loquay (idem)
renvoient l’Afrique à sa vieille tradition de réception des innovations technologiques et
à sa logique consommatrice qui exaspère Ondo (2004, p.212) :
« L’Afrique s’apparente à un vaste laboratoire de collecte de matières premières
dont la finalisation est réalisée ailleurs. L’enjeu étant alors une recolonisation de
l’Afrique à travers des produits et des objets qui ont été extraits de son territoire et
que ses habitants vont, à la limite, consommer, mais sans partager les bénéfices ! ».
21 Quand bien même nous ne validons pas la totalité de ce discours, (recolonisation de
l’Afrique), quelques études dont le Rapport de la mission d’information sur l’inventaire
et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles (http://

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111

www.senat.fr/rap/r15-850/r15- 850.html ) pilotée par la sénatrice française,


l’écologiste Marie-Christine Blandin tendent pourtant à le rendre crédible. Vulgarisant
ce rapport, la journaliste Bolis publie dans la rubrique Planète que :
« L’extraction des matières premières qui entrent dans la composition du téléphone
portable pose plusieurs problèmes éthiques. Le plus emblématique se résume dans
l’expression de « minerais de sang », exploités dans des zones de conflit armé, en
particulier l’or, le tantale, l’étain et le tungstène. On estime par exemple que 80 %
des réserves de coltan, d’où vient le si rare et cher tantale, se trouvent en
République démocratique du Congo, notamment dans la région du Kivu. Leur
exploitation, contrôlée par des groupes armés qui captent une partie des revenus
au détriment des populations locales, alimente les conflits », (Le Monde.fr, 1 er
octobre 2016)
22 Douze ans après son article, ce paragraphe confirme les propos tenus par Ondo (idem)
et le changement de paradigme qu'opère l'émergence de l'ère algorithmique n’est pas
sur le point de l’ébranler profondément. En opinant que le transfert des technologies
reste une politique incontournable pour aider les pays africains à combler leurs retards
de développement, les tenants de cette ligne subsument que le continent africain a
pour unique vocation à copier les solutions venues d’ailleurs. En réponse à cette logique
jugée inadéquate, inopérante qui continue de maintenir les PMA dans un cercle vicieux,
certains théoriciens ont suscité la naissance de la technologie appropriée.

La technologie appropriée ou appauvrie?


23 Pour Escudie (2004.p11) :
« Dès le début des années 50 (…) le processus d’industrialisation repose
essentiellement sur des ʺtransferts de technologieʺ dont seules les modalités
diffèrent. La dépendance financière et technologique qui en résulte pour les ʺpays
en développementʺ soulève certaines interrogations sur les imperfections du
ʺmarché de la technologieʺ et les ʺtechnologies inappropriéesʺ ».
24 Deux décennies plus tard, nous notons avec elle que malgré la rupture des années 80
liée à la crise mondiale, le paradigme n’a pas évolué. Le développement et la
technologie sont toujours conçus de manière exogène continuant ainsi à imposer les
politiques de transfert. Dans le cadre de ce texte, nous pouvons citer les exemples tels
que la démocratie, la dévaluation des monnaies (Franc CFA), le développement durable
et humain, la bonne gouvernance, l’outil Internet et l’IA, conçus et planifiés hors du
continent africain, mais qui ont été tous proposés ou imposés à l’Afrique. Ce constat
que nous faisons est partagé par Vircoulon (Op.cit., 2018), lorsqu’il critique le concept
de l’émergence présent dans les éléments de discours des dirigeants africains ces
dernières années :
« Le paradigme de développement change, mais persiste. Des trois facteurs clés de
la croissance économique (technologie, capital et travail), deux viennent d’ailleurs.
(…) Du XXe au XXIe siècle, la dépendance de l’Afrique est résiliente et elle présente
toujours les mêmes symptômes. (…) Compte tenu du fait que le reste du monde
évolue économiquement et technologiquement de plus en plus vite, la course sera
longue et probablement pas en ligne droite, mais plutôt en zigzags. »
25 Face à ces anciennes logiques essoufflées, Lejosne (2010.p.194) soutient:
« Les échecs retentissants qui ont suivi pour un certain nombre d’entre eux ont été
à la hauteur des espoirs qu’avait suscités une telle politique : endettement, coûts

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sociaux élevés, apparition d’une économie dualiste, inadéquation des machines


avec la formation de la population, etc. »
26 Après de tels réquisitoires, le recours à une technologie plus appropriée apparaît alors
comme une alternative crédible à un procédé usé, contesté et discuté. Parlant de cette
nouvelle option, Lejosne (Op.Cit.p.195) affirme :
« Cette stratégie (la technologie appropriée) plus progressive offre le mérite de
réduire la dépendance financière et, dans une certaine mesure, la dépendance
technologique (elle permet en effet l’apprentissage par l’expérience, ce qui est
indispensable pour la maîtrise de la technique). »
27 Défendant à leur tour la théorie de la technologie appropriée, Théry (1981), Adair
(1984), Durand (1994), Latouche (1998) l’inscrivent dans une perspective de
développement endogène. D’abord, Théry (1981, p.879) écrit : « (…) il n'est plus possible
d'ignorer que la stratégie du transfert technologique mimétique contribue de façon essentielle
aux impasses de la croissance par inégalités internationale et interne accrues ». Ensuite, Adair
(1984, p. 780) trouve que les techniques provenant des pays occidentaux s'avèrent
parfois inappropriées, car trop onéreuses, peu durables voire contre-productives dans
certains cas. Enfin, si Latouche (1998, p.673) insiste pour dire que le transfert des
technologiques ne prend pas pleinement en compte les valeurs, les techniques de la
culture locale. Après ces récriminations, Adair (1984, p.781) présente la technologie
appropriée comme « privilégiant le contexte, l'approche locale en vertu de laquelle la
satisfaction des besoins doit d'abord procéder de la mobilisation des ressources internes, du
développement endogène ». Il s’agit pour cette théorie de s’appuyer sur les bénéficiaires
des projets technologiques afin qu’ils contribuent à identifier les besoins tout en
prenant en compte leurs ressources et leurs particularités culturelles. Partisans de
technologies fortifiées par les réalités endogènes, Berthoud (1990.p.18) assène que : «
l’Afrique a besoin, tout autant de grands scientifiques que de véritables ʺpasseursʺ, de
ʺtraducteursʺ », quand Ondo (Op.Cit.p.211) argue que : « l’Afrique a principalement besoin
d’instruments qui peuvent lui permettre d’élaborer dans sa propre culture, sa modernisation(…)
qui doit prendre appui sur ses capacités propres à inventer. » Alors qu’ils sous-tendent par la
même que la technologie appropriée est la solution face au mimétisme technologique,
Ahoulouma et Lawson (2016) préconisent :
« Les dirigeants africains, les acteurs de l'innovation en Afrique et les sociétés
civiles africaines doivent s'attacher à travailler la réplicabilité des innovations
technologiques africaines d'abord sur le continent, afin que lesdites innovations
participent réellement à son développement et permettent d'inscrire ce dernier
durablement dans la chaîne des valeurs internationales » (La Tribune Afrique, 20
décembre 2016)
28 En invoquant la réplicabilité, la prise d’initiative locale sans forcément appeler au rejet,
de principe, du transfert de technologies, ces auteurs plébiscitent la technologie
appropriée. Par ailleurs, ils invitent les africains à tempérer la course au transfert
technologique et à élaborer des voies médianes. Cette posture endogène qu’ils
encouragent pourrait alors dans le cas de l’IA par exemple emmener les inventeurs du
ʺdrone made in Camerounʺ à employer des matériaux de construction accessibles en
Afrique, collaborer avec des intelligences et des laboratoires africains, s’appuyer sur
des technologies développées sur place, etc. Á Contrario, l'adoption systématique de
matériaux étrangers, de technologies exogènes modernes, et le recours privilégié aux
canons occidentaux explosent les coûts (fabrication et achat), rallongent les délais
(fabrication et livraison) et, éjectent de ce fait plusieurs entreprises et une partie
importante des populations des privilèges de cet outil. Mais, cet exemple paraît anodin

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


113

au regard des préoccupations soulevées par Baumard (2015), Villani (2018), Miailhe
(2018), Badaoui et Najah (2021), etc. Alors qu’en Afrique les discours enthousiastes
plébiscitent l’avènement de l’IA comme hier à l’arrivée d’Internet, les préoccupations
légitimes liées à la sauvegarde des données personnelles, la sécurité des réseaux,
l’absence de cadres juridique et réglementaire, la dépendance et la vulnérabilité
numérique, la cybercolonisation n’ont toujours pas de réponses. L’annonce par Google le
mercredi 13 juin 2018 de la création de son premier centre de recherche en IA (Accra,
Ghana) n’assure pas pour autant une autonomie technologique à l’Afrique. C’est dans
cette logique qu’Adair (Op.cit., p.786) recommande une approche plurielle, systémique
et non linéaire de la technologie, car pour lui : « la modernisation n'implique pas pour
autant que la périphérie « passe sous les fourches caudines » des firmes transnationales », Adair
(Op.cit., p.875). Mais Arghiri (1981) s’insurge contre la théorie de la technologie
appropriée. Dans une démarche pamphlétaire, il la déconstruit et la qualifie de
ʺtechnologie appauvrieʺ, ʺsous-développéeʺ faite sur mesure pour les pays en voie de
développement et qu’elle ne fait qu'accroître leur retard et leur dépendance par
rapport aux pays développés. Pour lui : « une technologie "appropriée" aux pays sous-
développés serait une technologie sous-développée, c'est-à-dire une technologie qui fige et
reproduit le sous-développement. C'est précisément une chose à éviter », (1981, p.8). Pour
apporter donc cette réplicabilité souhaitée à l’aune de la 4RI et de l’IA, le continent
africain doit envisager la maîtrise de son secteur scientifique et technologique.

La maîtrise technologique : unique catalyseur de


développement
29 En calibrant son développement sur le modèle occidental, l’Afrique s’est imposée un
processus irréversible d’adoption des technologies qui accompagnent constamment
l’évolution de l’humanité. Pourtant, en dépit des améliorations importantes
observables sur les plans technologique et scientifique, nous relevons que ces leviers
incontournables du développement ne sont pas universellement disponibles,
consacrant du coup des inégalités entre les pays. À l’ère de la 4RI, et alors que l’IA s’est
greffée dans les habitudes de divers pays occidentaux et asiatiques, le texte continue
son œuvre de vulgarisation des théories d’adoption des technologies au profit de
l’Afrique. Ainsi, après avoir épilogué sur le transfert technologique et la technologie
appropriée, deux théories constamment évoquées dans les processus d’adoption des
technologiques innovantes, nous proposons la maîtrise technologique, brandie par
Judet et Perrin (1977), Germidis (1977), Drouvot et Verna (1994), etc. Cette théorie est
envisagée par Judet et Perrin (idem) qui après avoir attiré l'attention sur les
manquements du transfert technologique tranchent :
« Le problème posé aujourd’hui par le développement économique ne peut être
résolu dans une perspective de “transfert” de technologie. (..). La solution se situe
au contraire dans une perspective de ʺmaîtriseʺ dans la mesure où cela signifie que
les dominés se donnent les moyens : ―de se familiariser, d’une part, avec les
techniques pour les contrôler et les acquérir, jusqu’à les adapter et à les créer ―de
sauvegarder et de construire, d’autre part, les bases des modèles sociaux propres
qu’ils décident eux-mêmes de se donner », (Drouvot et Verna, 1994.p.94).
30 Ce discours est une réponse précise aux interrogations sur les processus d’adoption et
d’appropriation des technologies et une invitation des PMA à acquérir une
connaissance approfondie de la technologie et de l’ensemble de ses éléments

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constitutifs. Pour eux, ce n’est qu’au prix de cette seule démarche qu’ils peuvent
aboutir à une autonomie technologique. Au moment où la plupart des observateurs de
qualité soutiennent que l’Afrique présente des atouts considérables en faveur du
développement de l’IA sur son sol, élevant peu à peu la confiance des citoyens envers
ces outils intelligents, elle ne peut prétendre atteindre ses objectifs d’industrialisation
et de développement que si elle se projette dans une perspective de maîtrise totale et
durable de la technologie. Cette vision est partagée par Germidis (1977) cité par
Drouvot et Verna (Op.cit.p.102) :
« Le développement scientifique et technologique des pays en voie de
développement peut être considéré comme un danger potentiel pour les pays
industrialisés, car il permet aux pays en voie de développement d’augmenter leur
pouvoir de négociation, d’améliorer leurs capacités de créations de technologie ; de
promouvoir la formation d’un système scientifique et technologique national
capable, non seulement de produire une technologie autochtone, (…). »
31 Ses propos sont repris par Drouvot et Verna (Op.cit., p.105) qui évoquent des cas
d’exaspération relativement à la maîtrise technologique en les étayant par la réussite
coréenne :
« Ces diverses percées technologiques inquiètent de plus en plus les leaders
mondiaux, les pressions américaines pour limiter l’essor des sociétés coréennes, dès
lors qu’elles ont conquis 10 % du marché mondial, deviennent de plus en plus vives.
De même les industriels japonais manifestent des réticences accrues pour céder des
savoir-faire considérés comme hautement stratégiques »,
32 Que les grandes puissances fassent des coudes aux petits pays dans leur quête
d’autonomie technologique et de développement semble plausible, les avancées des NPI
dans de nombreux secteurs modernes n’ont été possibles que par un volontarisme tout
aussi affirmé. Petrobras (Brésil), Compagnies, Daewoo, Lucky Goldstar, Samsung,
Sunkyong, (Corée du Sud) en sont les illustrations parfaites. C’est en marchant dans ces
sillons que l’Afrique atteindra la terre promise de l’IA. Portées par une combinaison
d’expertises variées (chercheurs, experts sectoriels, organisations, investisseurs,
politiques, etc.), les chances de son succès doivent obligatoirement reposer sur sa
maîtrise technologique. Elle pourrait s’appuyer sur les connaissances et les idées de
l’ensemble des Africains, à savoir les habitants des régions rurales (dépositaires des
connaissances indigènes) comme sur celles des étudiants, des chercheurs universitaires
et des représentants de l’industrie, des politiques, etc.

Plaidoyer pour l’autonomie technologique de l’Afrique


33 Dans le cadre de ce texte, des auteurs tels que Judet & Perrin (1977), Griffin (1989),
Drouvot et Verna (1994), Escudie (2004) ainsi que les partisans de la technologie
appropriée (Théry, 1981 ; Adair ,1984 ; Durand, 1994 ; Latouche, 1998 ont longuement
tenté de prouver les limites du transfert technologique. Expérimenté depuis le début
des années 50, cette théorie n’a pas réussi à faire décoller plusieurs PMA. En l’évoquant,
Escudie (Op.cit., p.8.) estime que rien n’a véritablement changé et elle avance que : « la
nécessité d’une alternative réelle s’impose. Celle-ci ne peut que s’appuyer sur la remise en cause
des conceptions exogènes fondées sur l’universalisme et la neutralité du développement et de la
technologie. » Quant à Germidis (1977), il émet des réserves sur la sincérité des pays
développés à opérer un véritable transfert technologique. Il fait remarquer que les
multinationales des pays industrialisés proposent des offres approximatives aux

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dominés sur le plan de la recherche et du développement dans la mesure où le transfert


technologique constitue un produit à forte maximisation de profits. Prenant la tête
d’un groupe d’auteurs hostiles à la technologie appropriée, proposée comme solution
alternative face au transfert technologique, Arghiri (1981) après l’avoir qualifiée de
ʺtechnologie appauvrieʺ, s’est fendu d’une œuvre pamphlétaire pour lui porter la
semonce. Face à ces deux théories constamment déconstruites, taxées d’avoir maintenu
plusieurs pays du monde dans un statuquo, nous prenons position pour un cadre
référentiel structuré autour de la seule maîtrise technologique. Face à la multiplicité
des offres technologiques Ellul (1990.p.74) écrivait : « il n’y a pas de choix entre deux
méthodes techniques : l’une s’impose fatalement parce que ses résultats se comptent, se
mesurent, se voient et sont indiscutables. » Le choix de la maîtrise technologique est ici
souhaitée pour conférer au continent africain son autonomie afin de lui confier les clés
de son développement.

Conclusion
34 Alors que l’Afrique tente d’intégrer l’IA dans ses plans de développement, ce texte dans
une approche vulgarisatrice met en lumière successivement le transfert des
technologies, la technologie appropriée et la maîtrise technologique pour contribuer à
réussir ce passage vers cette technologie innovante. Si toutes les trois dégagent une
unanimité sur les capacités de la technologie à accompagner les processus
d’industrialisation et de développement des PMA, elles se séparent toutefois sur leurs
approches. Alors que la première conseille aux pays en développement une
récupération des technologies étrangères (technologie exogène) pour rattraper leur
retard, la seconde suggère la mise en place d’une technologie endogène, conçue sur
place pour répondre plus efficacement aux objectifs d’industrialisation des
demandeurs, là où la troisième appelle à un long processus susceptible de conduire à
une maîtrise technologique, gage de développement durable. Pour revenir aux
divergences évoquées, les travaux de Escudie (1994), Lejosne (2010) qui recensent un
certain nombre d’auteurs ont permis de relever les limites et les échecs retentissants
du transfert technologique. Ce faisant, ce modèle du développement jugé mimétique et
parfois inapproprié a vu émerger la technologie appropriée, une proposition
alternative. Si elle cherche à tenir compte de l’ensemble des capacités locales (matières
premières locales, technologie intensive en main d’œuvre, réduction des coûts,
productivité raisonnée, technique assimilable, processus local d’apprentissage…), elle a
alimenté à son tour de nombreuses et vives controverses. Répliquant à ses initiateurs
dans une posture polémiste assumée, Arghiri (1981) fervent défenseur du transfert
technologique, qualifie la technologie appropriée de sous-développée, appauvrie,
inhumaine et à éviter. Aujourd’hui encore, sous l’impulsion du déterminisme
technologique plus que jamais influent, les acteurs de l’IA prophétisent un futur
glorieux à l’Afrique qu’ils prennent soin de lier au transfert des technologies. Ces
planificateurs s’approprient fidèlement les idées développées entre les années 50 et 80
en dépit de plusieurs contributions qui affirment que celles-ci n’ont pas pu réaliser les
objectifs de transformation profonde des PMA. Alors que l’Afrique n’a toujours pas
engagé de véritables programmes révolutionnaires pour impulser son développement
attendu depuis des décennies, le texte plébiscite la théorie de la maîtrise technologique
(Judet et Perrin, 1977 ; Germidis, 1977 ; Drouvot et Verna, 1994…) et exige des autorités
africaines à investir dans la formation scientifique et technologique, la recherche, les

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infrastructures susceptibles de conduire le continent à l’autonomie technologique.


C’est seulement avec de telles ambitions qu’ils parviendront à faire émerger des
intelligences locales, elles-mêmes capables d’inventer des technologies propres pour
irriguer le reste de la planète afin d’imposer l’Afrique comme une puissance. Les
exemples des NPI qui rivalisent aujourd’hui avec les puissances traditionnelles dans
bien de domaines sont à portée de main et doivent inspirer de nouvelles initiatives aux
africains qui doivent définitivement rompre avec les intentions pour passer aux actes.
En effet, depuis 2005, relativement au développement technologique, les dirigeants
africains s’étaient engagés à consacrer davantage de ressources au développement de la
science et de la technologie, domaine vital pour le développement économique,
pourtant longuement négligé et mal financé dans de nombreux pays. Faut-il peut-être
rappeler également que les dirigeants africains, réunis à Addis-Abeba (Ethiopie),
avaient proclamé ʺ2007, Année de la science et de la technologie en Afriqueʺ et
s’étaient mis d’accord sur une série d’initiatives dont, la création d’une organisation
africaine de la propriété intellectuelle pour aider à protéger les innovations
technologiques locales. Près d’une décennie après ces belles intentions, Vircoulon (Le
Monde, 4 juillet 2018) fait savoir que :
« Le paradigme de la dépendance change, mais persiste. Des trois facteurs clés de la
croissance économique (technologie, capital et travail), deux viennent d’ailleurs.
Les inventions de la troisième révolution industrielle qui changent le quotidien des
Africains n’ont pas eu lieu en Afrique. »
35 Les propos de Vircoulon (idem) traduisent la dépendance résiliente de l’Afrique et ses
faiblesses à se construire technologiquement. Face à un tel constat qui perdure, nous
postulons qu’à l’ère de l’IA, l’Afrique doit pouvoir modifier en profondeur et très
rapidement, bien que difficilement ses vieux réflexes. Si le ʺcontinent du futurʺ
l’Afrique veut s’offrir l’IA avec succès afin d’engager véritablement son développement
multisectoriel, les politiques qui reposent essentiellement sur les déclarations
d’intentions doivent être inversées au profit d’actes forts. Les gouvernements africains
doivent eux-mêmes s’approprier les actes de langages (Austin, 1976), élaborer des
politiques efficaces, pragmatiques, prioriser la formation des jeunes, soutenir la
recherche scientifique, investir dans les infrastructures de qualité, accompagner les
initiatives privées, afin de rechercher la maîtrise et l’autonomie technologique.

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NOTES
1. Le « consensus de Washington » désigne l’approche néo-classique du développement
qui fut élaborée durant les années 80, sous les pressions des États-Unis, de la Banque
Mondiale et du Fonds Monétaire International. Il concerne en premier lieu les pays
d’Amérique latine aux prises avec une violente crise de la dette, et qui ont été le
véritable laboratoire de cette logique ultra-libérale. Par la suite, il s’est imposé à
l’ensemble des « pays en développement ». On peut résumer le « consensus » en

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119

quelques lignes directrices : libéralisation financière et des échanges, privatisation,


discipline budgétaire, et protection des droits de propriété privée.
2. Les Nouveaux Pays Industrialisés sont des pays issus des pays en voie de
développement. Ils ont pour caractéristique d'avoir vu leur industrie décoller dans les
années 60. Ils ont de fait rattrapé aujourd'hui un grand nombre de pays développés. Les
quatre premiers NPI (Corée du Sud, Singapour, Hong Kong, Taïwan) à avoir décollé sont
d'ailleurs considérés aujourd'hui comme des pays développés. D'autres pays asiatiques
(Chine, Inde, Malaisie, Indonésie, Philippines, Vietnam, Thaïlande), Sud-américains
(Mexique, Chili, Colombie, Brésil), africains (Afrique du Sud), européen (Turquie) sont
en passe de devenir des NPI.
3. Ce plan a été lancé en 2005 par l’UA et le secrétariat du Nouveau partenariat pour le
développement de l’Afrique (NEPAD). Il a pour objet de développer un système africain
de recherche et d’innovation technologiques afin de soutenir les programmes de l’UA et
du NEPAD dans des domaines comme l’agriculture, l’environnement, les
infrastructures, l’industrie et l’éducation. Il envisage la mise sur pied d’un secteur
scientifique et technologique qui s’appuierait sur les connaissances et les idées des
habitants des régions rurales (dépositaires des connaissances indigènes) comme sur
celles des étudiants, des chercheurs universitaires et des représentants de l’industrie et
du gouvernement.

RÉSUMÉS
Après avoir saisi les multiples enjeux de l’IA, l’Afrique semble l’avoir accueillie avec
enthousiasme avant de l’ériger en nouveau levier de son développement. Si le monde reste
unanime que l’IA, innovation exogène, tend les bras aux Africains, les chances de son succès
résident alors dans leur savoir-faire technologique. Dans un tel contexte quelle peut être la
meilleure approche pour l’Afrique de l’intégrer ? Ce texte qui ne revendique pas à combler un
hypothétique fossé entre la science et le public vulgarise et analyse pour le compte des acteurs
africains de l’IA divers courants théoriques d’adoption des technologies de pointe (transfert
technologique, technologie appropriée et maîtrise technologique). Porté par une approche
méthodologique centrée essentiellement sur une revue de littérature scientifique en ligne, ses
résultats plaident pour une maîtrise, une autonomie technologique, gage d’une intelligence
artificielle africaine.

After grasping the multiple challenges of AI, Africa seems to have welcomed it with enthusiasm
before establishing it as a new lever for its development. If the world is unanimous that AI,
exogenous innovation, is reaching out to Africans, the chances of its success lie in their
technological know-how. In such a context what can be the best approach for Africa to integrate
it? This text, which does not claim to bridge a hypothetical gap between science and the public,
popularizes and analyzes on behalf of African AI actors various theoretical currents of adoption
of advanced technologies (technological transfer, appropriate technology and technological
mastery). Driven by a methodological approach centered essentially on an online scientific
literature review, its results plead for mastery and technological autonomy, a pledge of African
artificial intelligence.

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Después de comprender los múltiples desafíos de la IA, África parece haberla recibido con
entusiasmo antes de establecerla como una nueva palanca para su desarrollo. Si el mundo sigue
siendo unánime en que la IA, una innovación exógena, llega a los africanos, las posibilidades de
éxito radican en su conocimiento tecnológico. En tal contexto, ¿cuál puede ser el mejor enfoque
para que África lo integre? Este texto, que no pretende llenar un hipotético vacío entre la ciencia
y el público, populariza y analiza en nombre de los actores africanos de la IA varias corrientes
teóricas de adopción de tecnologías avanzadas (transferencia de tecnología, tecnología apropiada
y dominio tecnológico). Impulsado por un enfoque metodológico centrado esencialmente en la
revisión de la literatura científica en línea, sus resultados abogan por el dominio, la autonomía
tecnológica, garantía de la inteligencia artificial africana.

INDEX
Keywords : Popularization, Theories, Technological innovation, Artificial intelligence, Africa
Mots-clés : vulgarisation, théories, innovation technologique, intelligence artificielle, Afrique
Palabras claves : Popularización, Teorías, Innovación tecnológica, Inteligencia artificial, África

AUTEUR
KOUASSI TOUFFOUO FREDERIC PIRA
Université Alassane Ouattara, (Bouaké, Côte d’Ivoire)

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Numérique et innovation contrainte


par une mise en contention
Une reconquête en ressourcement d’acteurs en PME
Digital and innovation limited by a situation of contention. A reconquest in
resourcing of actors in SMEs
Digital und Innovation begrenzt durch eine Streitsituation. Eine Suche nach
Erfüllung von KMU-Akteuren

Annick SCHOTT

Introduction
1 Dans leur intentionnalité, les mises en procédure numérique s’apparentent à des
prophéties auto réalisatrices, derrière lesquelles se cache une opération de re-
catégorisation représentative des socio-professionnels (métiers, compétences, …). Le
contexte fiscal actuel1 pousse de plus en plus de PME à opérer une large et rapide
transition numérique.
2 La problématique soulevée ici est de décrypter : comment faire levier d’une
accélération - numérique - d’un plus vite pour un enrichissement de l’acteur vers un
plus loin.
3 Hypothèse : la subversion est caractérisée par la division du sujet, tant en termes de
perception que de représentation. Pour se re-totaliser et surmonter cette division, le
sujet va explorer des voies nouvelles comme autant de ressourcement. En entreprise,
par le jeu de l’Habitus des dirigeants, sont-elles autorisées et sous quelles conditions ?
4 Les architectures numériques excluent certains socio-professionnels (en particulier les
plus engagés psycho affectivement). Elles renvoient en effet à des codages en continu
d’opérations plus ou moins complexes. Ainsi elles ne tiennent pas toujours compte des
encodages de différents corps socio-professionnels les obligeant dans certains cas à se
percevoir en mal de corporéité, en mal de connivence avec d’autres, en mal
d’intercorporéité, en mal d’intersubjectivité (Merleau-Ponty, 1945/2009). Leur sont aussi

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assignés des étiquettes de « réticents » ou de non enthousiastes, de méfiants, bref


d’opposants, … L’assignation au négatif de ces catégories socioprofessionnelles se suffit
à elle-même. L’univers est clos ; point n’est besoin de mise en perspective
(compréhension) sociologique, psychologique, en contexte socio-économique général
et/ou singulier.
5 Trois approches préfigurent notre réflexion, celle concernant la perception et la
représentation, celle au sujet de leur mises en perspective, et celle portant sur la
Machinerie comme partenaire pas si crédible que cela.
6 Coté perception, il n’est autorisé à ces socio-professionnels qu’un mode de perception
aux seuls éléments codés d’opérations et de situations qu’ils savent tronqués.
7 Coté représentation, à partir du moment où ces socio-professionnels (tout ou partie)
sont catégorisés, ils deviennent groupe ou partie d’un groupe caractérisé par une
absence de qualité qui va dévaluer les requis de l’ensemble de leur compétences, de
leur métier.
8 Nous allons parcourir, dans le cas présenté, comment l'engagement des dirigeants de la
PME étudiée s’est rétréci dans la manière dont ils ne cultivent plus -assez ou pas du
tout- les façons de faire autrement de leurs partenaires internes.
9 Une première partie nous permettra d’établir un état des lieux, pour évoquer dans une
seconde partie une investigation idiographique à propos de cette PME girondine.

CONTEXTE et CADRAGE
10 La « robolution »2 (Stiegler et al., 2017) est accessible à un grand nombre
d’organisations3, notamment aux PME, encouragées en France par les dernières lois de
finances. Une PME est toujours en prise avec le réel, toujours en quête de
compréhension. Son cadre est celui de l’impasse concurrentielle, si ce n’est celui du
mythe de Sisyphe4. Les acteurs sont prisonniers du dilemme stratégique, avec les
mêmes effets. Pour continuer d’exister, certaines d’entre-elles n’hésitent pas à sortir du
cadre, à aller au-delà des préférences collectives, des tolérances autant électives
qu’ordinaires, sous l’énergie et l’envie de leurs dirigeants.
11 C’est l’une des raisons pour laquelle nos recherches portent sur le rôle de l’habitus
singulier du dirigeant dans la conduite de leur(s) entreprise(s).
12 C’est aussi la raison pour laquelle notre réflexion s’articule autour de trois approches
relatives, celle concernant la perception et la représentation (1.1.), celle au sujet de leur
mise en perceptive (1.2.) et celle portant sur la Machinerie comme partenaire pas si
crédible que cela (1.3.).

Approche limitée concernant la Perception et la Représentation

13 La Perception renvoie à la prise de conscience que l’on a d’une chose, d’un événement.
14 Cette capture de l’environnement n’est pas forcement consciente. Comme le souligne
Merleau-Ponty (1945/2009), le monde se perçoit également avant la connaissance, c’est-
à-dire sans l’influence de la conscience. La perception ne permet donc pas d’accéder à
une connaissance conforme au monde réel, mais à identifier des éléments du réel en soi
et à expérimenter. En effet, l’objet perçu nous apparait comme un réel extérieur

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123

étranger à nous, localisé dans l’espace. La perception porte avant tout sur les relations
à nos actions. En effet, le rôle de la perception est de préparer à l’action. Elle ne retient
du réel que ce qui est utile à notre action présente. Comme le souligne Henri Bergeson
(1907/2013) « chaque être découpe le monde selon les lignes même que son action doit
suivre ».
15 La perception personnelle est historique (Blondel, 1928/1952), car elle implique la
conscience de notre histoire du passé propre à chacun d’entre nous (mémoire,
attention, jugement). Elle procède par reconstitution.
16 Il s’agit donc a minima d’une expérience du tout, à la fois, sensorielle, affective
émotionnelle, au sein de laquelle le temps est suspendu, l’espace expérientiel dilaté.
Dilaté signifie dilatation de ses repères habituels, vers du penser, du voir, du ressentir
autrement.
17 Parce que contexte et individu sont enchevêtrés, lorsque une partie de son expérience
est mise en fragments, en déni, en rejet : c’est l’impasse. L’un des faire face (ou
stratégies d’adaptation) de l’individu confusément en diminution est de sur-mentaliser 5
cette mise en « étriquement » de son expérience afin de réduire ce qui lui est
désagréable. Car selon la loi de l’effet de Thorndike, la force de connexion entre une
situation et une réponse est augmentée si elle est accompagnée ou suivie d’un état de
satisfaction. En présence d’un état désagréable, cette force de connexion entre une
situation et une réponse est diminuée. Ce phénomène s’observe pour ce qui est de la
perception, comme de la représentation.

Représentation

18 Ce qui unifie les individus ne sont pas la présence et/ou la fréquence d’interaction, ni la
prise de conscience de partager le même sort, mais l’attendu et l’attitude que
l’entreprise (via ses dirigeants) adopte à leur égard, un peu à la manière d’un Georg
Simmel à propos de l’image du pauvre donnée par la Société. Arrivent-ils à dépasser le
stéréotype qui selon Rocheblave-Spenle (1970, p. 10) détermine les opinions des
membres d’un groupe, « cible un groupe particulier, résulte d'un différend ou d'un
conflit, varie d'une culture à l'autre et s'apprend lors d'interactions sociales » ?
19 Sahlins (1976) ou Geertz (1973) nous apprennent qu’il n’existe aucune meilleure
pratique universelle, applicable partout et dans tous les cas. Ce sont, en effet, les
contextes socio-historiques qui encadrent et déterminent les pratiques managériales.
Les pratiques de gestion évoluent donc à travers les interactions parfois confuses,
souvent opposées et même contradictoires (Ozbilgin et Tatli, 2008).
20 Par conséquent, la gestion ne devrait pas s’arrêter à ce qui immédiatement semble
marcher, et aller voir ce qui se cache derrière le bon ou le mauvais résultat.
21 En effet, derrière cette ligne de partage se cachent des « posé-là » 6 qui n’auraient plus
besoin d’être précisés, ni d’être questionnés et dont le seul avantage [danger] est
d’homogénéiser de manière artificielle des vécus et des contextes hétérogènes. Cette
homogénéisation artificielle produit en même temps une dissolution des individus et
une dislocation des usages ; ce qui conduit à une rigidité (voire stupeur) vis à vis de cet
Autre, est-il encore tout à fait un autre … En somme, soi-même n’est plus comme un
autre7.
22 Cependant, pour continuer à tenir leur poste, répondre au mieux à leur mission,
certains socio-professionnels opèrent une sorte de subversion en faire-face pour

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dépasser l’architecture numérique qui les contraints. Ils forcent la dynamique


d’interaction entre eux et ce contexte procédurisé prescrit. En d’autres termes, comme
le souligne Kurt Lewin (1951/2009), le comportement ne dépend ni du passé ni du futur,
mais des faits et des événements actuels et de la manière dont le sujet les perçoit.
Toutes ces interconnexions, l’homme lui-même et ce qui l’entoure, font totalité.
23 Cette totalité semble bien mutilée… La mutilation provient de ce que pour une part les
architectures numériques enferment certaines pratiques métiers dans une
simplification des éléments du vécu relationnel pour lier et/ou délier des données, ce
qui créé en conséquence :
24 -l’artifice d’un état statique parce que hors du dedans et du dehors de la relation,
25 -le dépassement de paradigme par les acteurs vers des ressources élargies, innovantes,
vers des voies autrement.

Au sujet de leur mises en perceptive

26 Les apprentissages d’applications numériques, à condition que celles-ci puissent être


jugées compatibles avec le cœur de métier, du socio-professionnel, instaurent des
ordres nouveaux de l’action, de la réaction et de l’appropriation (rendre propre) de
quelque chose en plus.
27 Question : un automate peut-il se créer des automatismes constitués et subversifs,
innovants ?
28 Sans doute pas, parce que cette faculté suppose une structure8 organisée de
comportements qui innovent. Autrement dit, avoir à sa source dans l’action une force
qui va au-delà du simple tracée d’une portée et permet ainsi d’accueillir l’écriture et la
lecture de la musique.
29 Au-delà de la simple actualisation, c’est bien mettre et remettre en jeu ses propres
aptitudes en consolidant ses créations passées de manière à rendre possibles des
créations nouvelles.
30 L’action Humaine est faite de cette dialectique qui consiste à faire monter en nous des
automatismes et en même temps à les dépasser pour les adapter à des conditions/
contingences nouvelles.
31 L’adaptation amortit les effets des contraintes externes, et nous permet de tenter de
nouvelles expériences, d’essayer, de se tromper et de trouver à nouveau.
32 Le procédé des essais / erreurs s’appuie sur la modification de l’action via des essais
successifs. Mais c’est bien sur la perception-représentation d’un désagréable modifié en
un agréable que va se construire l’acte modifié.
33 En somme tout changement d’acte dépend d’un remaniement structurel de la
perception-représentation ; l’apprentissage se fait ainsi en dynamique dans la mesure
où cette perception-représentation et l’action se répondent de manière stimulante. On
se situe dans un plus et la motivation affective est alors au rendez-vous.
34 Cette dynamique ne va pas de soi. Il se peut que le sujet (la personne) procède à une
réorganisation d’un déjà-là de ressources connues ou non de lui-même, qui lui
permettront d’accomplir des actes complexes. Il va, entre eux, lier, combiner et
synthétiser des éléments et de mieux en mieux. Dans son agir, il va atteindre une

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certaine souplesse, aisance, habileté qui constitue pour lui un quelque chose d’agréable.
Pour une part, cela peut devenir un automatisme.
35 Comme l’indiquait Edouard Le Roy (1928) « Organiser l’automatisme dans le connu pour
obtenir une aisance, une promptitude, une souplesse, une liberté d’effort
indispensables à l’énorme condensation de travail que suppose toute œuvre de
synthèse créatrice … monter par avance des mécanismes logiques prêts à jouer d’eux-
mêmes au premier besoin, schématiser des ensembles de pensées en visions sommaires,
voilà ce qu’il faut pour que notre force mentale reste disponible et se puisse appliquer
entière au travail d’invention Ici comme ailleurs la liberté se fait avec de
l’automatisme ».
36 Mais les automatismes ne « se cultivent » pas tous seuls et ont du mal à supporter les
courts-circuits.
37 Pourtant la disruption se nourrit de courts-circuits de modèles établis, sans délibération et
en toute transgression. Les risques encourus sont ici ceux liés aux nouvelles formes que prennent
la rationalisation, l'automatisation et le « mode de gouvernement des individus ».
38 Ce mode de gouvernement relève à la fois du « techno-mimétisme » (où l'individu aligne
inconsciemment son comportement afin de pouvoir utiliser efficacement l'intelligence
Informatique, Marosan 2019) et de la « sousveillance » (où l'individu n'est même plus surveillé,
mais plutôt « sous-veillé » (Sadin 2009, Quessada 2010) par ses traces numériques, de façon
discrète, immatérielle et omniprésente).
39 On est dans l’instantanéité informatique « tout, tout de suite », c’est-à-dire dans tout ce
qui disqualifie l’histoire, le temps et nous enferme dans des procédures
unidimensionnelles sans histoire ni contexte.
40 Les systèmes d’information ne sont donc pas des « vecteurs de performance », mais
avant tout des facteurs d’incertitudes parce que l’architecture numérique ne permet
pas de réaliser toutes les tâches nécessaires aux inter-relations avec l’Autre.

La Machinerie comme partenaire pas si crédible que cela

41 N’est-il pas est surprenant de trouver intelligentes les architectures numériques alors
qu’elles n'ont point besoin ni de créativité, ni d'esprit critique, ni d’émotions intra et
inter subjectives, et que ses éléments de perceptions et de représentations ne peuvent
pas être apparentés à ceux assis sur la reconstitution singulière opérée par un être
humain dans les dimensions de son état mental et de sa subjectivité si particulière et
qui dépend aussi de son rapport si particulier à ses partenaires ? Sont-elles intelligentes
parce que leur intelligence est sans désirs, sans ressentis ?
42 L’interaction avec les émotions (les siennes et celles des autres) est définie par Reuven
Bar-On (2006 :3) comme « un ensemble de compétences émotionnelles et sociales,
capacités et facilitateurs qui permet de se comprendre et de s’exprimer efficacement,
de comprendre les autres et d’avoir des liens avec eux, et de faire face aux demandes de
la vie quotidienne ».
43 Notre imaginaire et notre inconscient en sont le moteur, ce qui nous permet aussi de
nous alerter sur nos insuffisances. Ce que ne peut pas faire une machinerie, puisqu’elle
n’est pas capable d’esprit critique, c’est-à-dire qu’elle ne sait pas s'interroger sur la
valeur et les conséquences de ses actes.

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44 La plupart des scientifiques, quelle que soit leur discipline (neuroscience, psychologie,
médecine, …), s’accordent pour dire que notre cerveau possède au moins 7 grandes
fonctions : la conscience (capacité à se formuler des rapports subjectifs), la mémoire
(avec toute sa complexité), le langage (capable de produire la parole et l’écriture), les
émotions (état mental subjectif), la créativité (capacité à produire quelque chose de
nouveau et de l’adapter à un contexte différent), la prise de décision (avec tout ce que
cela implique comme alternative et incertitude), le contrôle des mouvements (maitrise
et coordination).
45 L’être humain a donc a minima :
46 -Conscience de penser dans un contexte social, en intégrant non seulement ses propres
expériences, mais aussi les connaissances de tiers de confiance et les controverses,
47 -Conscience de penser dans un contexte psychologique, en faisant interagir non
seulement plusieurs représentations qui sont connues, mais aussi des souvenirs et des
introspections qui associent le réel et l’imaginaire,
48 -Conscience de penser un contexte temporel, selon diverses logiques et objectifs qui
peuvent être non seulement subis, mais aussi choisis, initiés ou adaptés selon le
déroulement des circonstances.
49 Pour Cardon (2008), « il est encore temps de dire aux algorithmes que nous ne sommes
pas la somme imprécise et incomplète de nos comportements ». Nos comportements
sont empreints d’affect, c’est-à-dire de sensibilité, de contraste dans de l'intelligibilité.
50 Comme le soulignait Platon, le sensible se situe dans le domaine du changement et de
l’altérité perpétuels. Pour Aristote si le sensible n’est pas le savoir, c’est par lui que le
savoir commence nécessairement. Pour Montesquieu, il y a trois sortes de plaisir,
parmi ceux-ci, celui fondé « sur les plis et les préjugés que certaines institutions,
certains usages, certaines habitudes lui ont fait prendre ».
51 Pour Montaigne les douleurs sont « la fournaise à recuire l’âme ». « Le plus juste
partage que Nature nous ait fait de ses grâces, c’est celui du Jugement. » « Où que je
veuille donner, il me faut forcer quelques barrières de la coutume tant elle a
soigneusement bridé toutes nos avenues ».
52 Sans ces au-delà, plus grand-chose …
53 Dans son ouvrage Psychopathologie de la vie quotidienne, Freud tente de comprendre la
« mécanique » inconsciente des raisons de l’action humaine. Ce sont bien les « besoins »
ou « pulsions » (le ça) qui représentent la structure psychique essentielle, avant toutes
les autres (le moi et le surmoi). Le ça est le siège des forces qui agissent à l’arrière-plan,
qui constituent le creuset originel de toutes les actions humaines. Se distingue la
pulsion de conservation (de vie) de la pulsion de destruction (de mort).
54 Alors que faire pour rester en vie, dans l’envie ?
55 À travers des récits de vie, recueillis dans la PME girondine étudiée, dont le dirigeant a
engagé une politique volontariste de transition numérique, nombre de stratégies
d’acteurs se posent et s’opposent.
56 Il y a ceux qui font figure de bon usager de l’architecture numérique déployée et ceux
qui s’apparentent au mauvais usager, et tous oscillant entre fascination et répulsion.
Cette dualité évite ainsi de s’interroger.
57 Il ne s’agit pas seulement de constater que les engagements des décisionnels se
heurtent à une application et/ou une appropriation lacunaire-s de-par différents corps

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de socio-professionnels, ni de savoir s’ils ont de bonnes ou de mauvaises raisons de


résister. Il ne s’agit pas non plus de questionner l'engagement comportemental
appliqué au numérique.
58 La problématique soulevée est plutôt de décrypter : comment faire levier d’une
accélération - numérique - d’un plus vite pour un enrichissement de l’acteur vers un
plus loin. En d’autres termes, en quoi les trajectoires manifestes du dirigeant permettent ou
non accueillir l'expérience (le sensible, le savoir et le faire) de ce que peut faire le salarié de la
contingence numérique.
59 Nous nous appuyons sur l’habitus du dirigeant, puisqu’il donne la pulsation -
facilitatrice ou empêcheuse - d’un faire.
60 Nous entendons par habitus ce qui est acquis et intériorisé par l’éducation, « les
convenances et les modes, les prestiges » (Mauss, 1950/2013 : 32). Les habitus relèvent
(Bourdieu, 1972/2000) à la fois de la perception (manières de percevoir le monde), de
l’appréciation (manières de le juger) et de l’action (manières de s’y comporter). Ils sont
hérités puis mis en œuvre par les individus. Il s’agit de « systèmes de dispositions
réglées, durables et transposables… » (Bourdieu, 1980 : 174) qui ainsi résistent aux
permutations.
61 Ici l’habitus du dirigeant de PME sert d’entourage, de contexte (ou du moins dans sa
façon de l’envisager) qui accorde ou n’accorde pas au faire dans un autrement de se
révéler. C’est ce qui va exercer un attribut de la fonction contenante. Il remplit cette
fonction contenante dans laquelle s’enveloppe ce faire dans un autrement, qui ainsi se
libère. Il opère une fonction de barrière et de limite et d’attention de protection.
62 En effet, selon Albert Ciccone (2001) « une fonction de contenance [qui] consiste à
contenir et à transformer via le mécanisme d’identification projective ». L’habitus du
dirigeant est contenance dans la mesure où il autorise un « espace dans lequel
l’expérience quelle que soit sa nature va être reçue et contenue » (Ciccone, 2001).
Contenir une expérience signifie positivement la comprendre pour laisser accoucher
les points de vues et les expériences d’autrui. Pour Didier Anzieu (1994/2013) contenir
est une activité associée à la pensée.
63 Avant d’exposer la situation, de pratiquer à l’examen du cheminement au cœur de la
PME étudiée, dont nous connaissons un certain nombre d’acteurs puisque y travaillant,
ensemble, depuis une vingtaine années, il est donc nécessaire de mettre en
modélisation le cadre de référence actionné pour cette recherche.
64 Le cadre de référence mis en action :
65 Habitus ->en mode dégradé :
66 L’habitus est contenance dans la mesure où il autorise l’accueil des points de vue et les
expériences d’autrui.
67 Il n’est plus que contenant de processus instrumentaux DE L’EVIDENCE générateurs de
la substitution d’un système de penser et de faire par un autre figé, dans ses propres
rétrécissements conduisant à une non-intégration, une non-introjection, une non-
différenciation, une non-communication, un non-espace d’accueil et de partage,
une non-territorialité.
68 Processus instrumentaux :
69 Ils s’appuient sur les connaissances plus ou moins procédurales et les habiletés de la
personne. Il s’agit de réguler les + et les - : les + venant combler les – et les – venant

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vider les +. Ils agissent sur nos signaux automatiques à la manière de nos capteurs de
danger, renforçant ainsi certaines de nos routines. Ils activent une certaine forme de
mise en danger, mais par effraction, avec une dépendance à cet environnement-là pour
assurer la survie de missions dédiées. En conséquences les comportements qu’ils vont
générer sont le plus souvent ritualisés, s’infiltrant comme autant de régulateurs
d’énergie en conserve.
70 Cette objectivation d’automatisme qui est recherchée est dépouillée de toute émotion.
Ainsi ces processus instrumentaux font perdre leur vitalité aux équipages, autrement
dit, ils les font se rapprocher « des objets inanimés » (Bion 1962/2003 : 110).
71 Relations au(x) socio-professionnel(s) -> flottantes :
72 Notre agir se situe en particulier dans « l’état fluidique du psychisme
imaginant » (Bachelard, 1943/1992).
73 AU DEBUT ETAIT LE SENSIBLE ET PUIS EST VENU LE VERBE (Damàsio, 2021).
74 Juger que cette situation-là requiert un agir différent, donc une solution nouvelle,
innovante et pertinente, dépend DU contexte précis du problème, c’est à dire du socio-
culturel voire de l’inter-psychologique et du socio-historique ; de cet ici et de ce maintenant
dans sa mission avec ses collègues proches et/ou lointains. C’est comme une intrigue à
nouveau à l’image de celles ré-échafaudées dans les relations enfants-parents, l’endroit
où se développent mémoire, sentiments et motivations dans du pareil et du pas pareil.
75 Mais l’idéal du projet (ici numérique) mis sans arrêt en avant est si rigide DANS UNE SI
GRANDE EVIDENCE, que dépasser l’usage automatisé et les fixations préalables peut
devenir un obstacle dans sa ou ses relations à son socio-professionnel. Tout cela
engendre du flottant
76 Que faire lorsque les prescriptions, quelle que soit leur nature, nous enferment,
empoisonnent notre esprit, et notre agir convoqués à reproduire les mêmes
combinaisons de formules, de gestes, d’aptitudes ?
77 Les relations à notre socio-professionnel ne sont plus autorisées à plonger en
profondeur dans nos repères pour ragaillardir nos ressources connues ou non, elles
deviennent flottantes…
78 Niveaux d’engagement psycho-affectif -> déliés :
79 Les éléments du sensible et notre affect jouent pour Bachelard (1943/1992) le rôle
de « un bon conducteur qui donne la continuité au psychisme imaginant ». Ils
permettent de combiner des schèmes, des rapports, faire des va-et-vient, pour aller
vers des compositions nouvelles. Cette aptitude à saisir des rapports inopportuns,
inattendus demande à laisser place à de l’inattendu et de l’inopportun, au du moins du
contradictoire. Sinon comment faire pour détecter les relations cachées entre plusieurs
faits génératrices de pistes nouvelles ?
80 De surcroît, savoir créer une connaissance imaginée, anticipatrice et émancipatrice,
c’est prendre conscience de ses propres insuffisances, notablement dans les relations
avec et pour qui l’on travaille. Le niveau engagement psycho-affectif est différent en
fonction du niveau exigeant de la relation. C’est à la fois de la pensée et de la créativité,
au-delà de l’une et l’autre, c’est à dire à la fois de l’esprit critique, du libre arbitre et de
l’esprit d’invention. En aidant à franchir les obstacles, en le libérant des survivances
anciennes comme des nouveaux prédicats, l’esprit critique est la condition de l’esprit
d’invention.

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81 C’est bien au-delà de processus logico-mathématiques dont sont issues les architectures
numériques et certaines méthodes performant le management et donc ré-assurants
pour les dirigeants.
82 Le # caractérise le clivage d’interactions

PRESENTATION et DISCUSSION
83 Dans cette recherche notre option méthodologique se doit de reposer sur le récit de vie.
84 Approcher la méthodologie d'histoire de vie semblait incontournable. Selon ses
promoteurs (Pineau et Legrand, 1993/2013 :43), cette méthode valorise la « recherche
et la construction de sens à partir des faits temporels personnels », évite ainsi les
risques d'une lecture exclusivement événementielle, et la relégation au second plan
d'éléments réels.
85 Cette méthode d'observation place la focale autant sur les processus formels que sur les
qualités humaines d'intuition, de flair, y compris de système D., sans croire que ces
qualités pourraient être remplacées par des procédures et inversement. Elle permet de
saisir les interactions entre la personne (sa personnalité) et l’environnement auquel
elle participe, en d’autres termes sa représentation du monde (Morgan, 1986/1997,
2007).
86 Pense-t-on qu’il nécessaire ou pas de coopérer, de susciter la coopération en
échangeant, en partageant l’information ? Puisque le discours est un comportement
(Osgoog et Walker, 1959), les mots utilisés par les acteurs d’entreprise (dirigeant,
encadrant, compagnon) illustrent leurs croyances à propos de ce qu’ils pensent qu’il est
bien (valeurs, jugements, opinions) de faire ou de ne pas faire.
87 Comment examiner l'engagement d'un dirigeant, la manière dont il cultive les façons
de faire, de faire faire dans son entreprise avec ses partenaires internes ; victoire ou
ratage ?
88 Comment faire pour que les peurs, les peines, les épreuves sortent un peu, au-delà
d’une expression autorisée c’est-à-dire rationalisée, comment faire pour que se révèle
ce que la parole pourrait livrer ?
89 Il nous faut établir le diagnostic des phases du déploiement d’une architecture
numérique (2.1) puis d’entamer la discussion des résultats (2.2.)

Une entreprise de « fluide industriel » et sa plateforme « dé-


collaborative »

90 JED, entreprise familiale spécialisée en vide industriel et maîtrise technologique des


gaz neutres, est portée par une stratégie qui s’est assez vite (5 ans après sa création en
1990) focalisée sur de la Niche. L’ADN de cette PME est de penser le coup d’après,
(stratégie proactive) et de combiner produits spécifiques et clientèle singulière dont les
besoins (désirs) n’ont pas été couverts ou satisfaits par des entreprises présentes sur le
marché. Ce type de combinaison s’accroît en complexité (bancs d’essai, ingénierie et
recherche prototypés). JED compte 5 services : Commercial, Ingénierie, Installation,
Maintenance et Administratif. Ces dernières années (2016, 2017, 2018) la part du service
Ingénierie ramenée au CA global est passée de 27% à 40,7%. Au cours de cette même

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période, le chiffre d’affaires propre au service Ingénierie a progressé de 86%. Entre 2016
et 2018, l’effectif de JED est passé de 50 à 54 salariés, soit 4 salariés de plus, dont 3 (75%)
ont rejoint le service Ingénierie. Parmi ces nouvelles recrues, on compte 2 ingénieurs et
1 technicien supérieur. En 2019, JED compte 58 salariés (encore 4 nouvelles embauches
depuis 2018, pour garnir pour moitié le service Ingénierie).
91 Depuis 2013, JED a mis en place une démarche Lean Equipe qui semble efficace 9.
92 En vue de perfectionner cette démarche l’entreprise a introduit une plateforme
collaborative SLACK destinée à formaliser les relations entre les services, c’est-à-dire
faire remonter les problèmes inter services, ce qui permet en partie d’alimenter Le
Lean Equipe. Cependant, le fonctionnement et le management sont perturbés par les
dysfonctionnements d’usages de cette plateforme. En faisant ressortir non pas ce qui ne
va, mais qui ne va pas, il y a délitement des 3 C (Communication-Coordination-
Concertation). Les personnels ne parviennent plus par eux-mêmes à travailler en bonne
intelligence. Il y a un déficit dans le registre des interactions et de la prise en compte
des différents niveaux d’engagement.
93 Zoom sur les modus vivendi de JED :
94 Nous avons déjà présenté (Schott et Jurquet, 2013 et Schott, 2019) la PME étudiée.
L’activité centrale de JED, qui représente encore 60% de son résultat, reste le négoce et
l’installation à façon10 de compresseurs et autres matériels en vide et basse pression
pour des industriels. Les 40% restant sont générés par des activités en banc d’essais et
prototypage permettant d’effectuer des contrôles non destructif sur des sous-
ensembles produits par les industries de la défense, de l’aéronautique et du spatial -
marchés obtenus par appels d’offres.
95 Depuis plus de 8 ans, l’un des fils11, Mathieu, alors présent dans l’entreprise depuis 22
ans, a repris en totalité l’entreprise familiale. Il se positionne comme son père, dans
une posture d’apprentissage de ses collaborateurs, et bouscule ainsi les habitudes et les
contre habitudes. Comme son père Mathieu a un bac + 3. A la différence de son père,
dont la formation était affiliée aux métiers de la thermie et de l’énergie assortie d’une
spécialité dans les fluides industriels, la formation initiale de Mathieu est orientée
gestion et marketing. Au contact du père et de formations séquencées, et avant tout
auprès de ses équipes, il a acquis une bonne culture industrielle. Aujourd’hui, âgé près
de 48 ans, Mathieu poursuit toujours cette voie. Il sait combien l’histoire de Jacques,
son père, a infusé ses façons de conduire son entreprise. Il a toujours fait en sorte que
les relations entre chacun des salariés se fassent en mode jeu à somme non nulle : selon
sa propre formule « il n’y a pas vraiment de gagnant et pas vraiment de perdant, mais des
compromis où tout le monde y trouve son compte ».
96 Le grandissement de JED avec comme support de greffe le service ingénierie est en
train de transformer l’ensemble de l’entreprise. Avec le dirigeant, il donne la pulsation
aux autres services.
97 Cet ascendant du service Ingénierie se fait en accéléré.
98 Il apparait que la parole du dirigeant (Mathieu) s'inscrit toujours dans l'échange avec
tous, parce que ce dirigeant inscrit cet échange au rang d'une nécessité impérieuse ;
parce qu'il sait qu'il ne sait pas, que l’individu n’existe pas sans l’autre (Todorov, 2018) ;
mais il sait qu’il est divisé par des forces contradictoires qui le traversent. Alors dans
cette conjugaison information / relation (Watzlawick, 1971) … se peut-il, que se croyant
dans une posture participative et communicante, Mathieu dérive … vers une posture

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paradoxale persuasive ? Certes il continue de renforcer le climat de confiance pour


aller vers une sorte auto-régulation de l'information par les salariés. Mais, il conjugue
son désir de dynamique relationnelle avec ses salariés avec un trop plein trop
formatant et clivant dans les collectes et les traitements de données, un trop plein de
confiance… aussi.
99 Dans ces conditions, procéder à une enquête sur l’ensemble des salariés nous est
apparu nécessaire. En 2019 (25 et 26 avril), seuls 14 salariés, soit un quart de l’effectif,
mais l’intégralité du service Ingénierie, ont été interviewés. Le rachat d’une PME
savoyarde, dont les salariés avaient choisi JED comme repreneur, puis la Covid-19 ont
interrompu en grand partie notre travail, Mais nous avons pu réactualiser notre
enquête le 25 mai 2020. Il s'agissait de mettre en évidence leurs conditions de vie au
travail et parmi elles, leurs vécus et leurs perceptions-représentations concernant ce
qui se pratique dans leur entreprise. Pour ce faire, nous avons utilisé un baromètre de
satisfaction de leurs besoins et attentes.

Quelques résultats et discussion des résultats

100 À travers les dires des 14 salariés enquêtés recueillis en 2019 dont certains ont pu être
réactualisés par téléphone en mai 2020, parce que 6 d’entre eux étaient en activité, on
sent bien toute la densité de la représentation positive envers le dirigeant.

Tableau 1 : répartition par service des salariés enquêtés

25 et 26 Avril 2019 Mai 2020

4 salariés du service Ingénierie 3 salariés du service Ingénierie


6 salariés du service Commercial 1 salarié du service Commercial
4 salariés du service Installation 2 salariés du service Installation

101 Cette représentation positive renvoie à la propre perception d’eux-mêmes. Ils se


sentent bien dans cette entreprise, ils s’y projettent … mais ont parfois un peu de mal à
se sentir à la hauteur de certaines missions confiées en toute autonomie par le
dirigeant (c’est-à-dire pour eux sans assez de filtres de sécurité). Il leur est parfois
difficile de devoir satisfaire la trop haute estime du dirigeant.
102 Pour tout individu la perception d'autrui est fortement liée à la perception de soi. Cette
dynamique perception-projection est tout à la fois fondée sur un processus objectif,
personnel et subjectif (Baumard, 1996). Ainsi, s’ils se sentent relativement considérés
par la hiérarchie, ils souffrent parfois d’un manque de reconnaissance symbolique.
103 Les salariés du service Ingénierie, à l’origine de l’introduction de la plateforme SLACK,
ont du mal à cerner leur propre vulnérabilité ainsi que celle des salariés d’autres
services. Ils en viennent à négliger le fait que, pour certains de leurs collègues des
composantes Commerciale et Installation, seuls des éléments factuels ont été pris
en compte et qu’est donc exclue la complexité de leur mission générée par leurs
relations-clients. Ainsi, ces derniers se demandent comment va évoluer leur métier et
si leur champ d’actions assez conséquent aujourd’hui va pouvoir se pérenniser !
104 À partir de mon cadre de référence, les premiers résultats montrent que :

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105 -l’Habitus du dirigeant : il se situe dans une contenance qui n’enveloppe pas
suffisamment. Mathieu se demande, comment faire pour prendre une position
observante afin de faire mieux face aux situations complexes rencontrées. Il se
demande, en d’autres termes, comment faire pour prendre le temps d’observer chaque
fois qu’une situation complexe le plonge dans un état où il éprouve ce sentiment d’être
dépassé. Certes il peut encore se positionner dans son rôle et ses prérogatives comme
un diffuseur, animateur, organisateur, régulateur, ré-ajusteur. Mais, cela ne va plus de
soi. Il est le chef d'un orchestre qui ne peut orchestrer son orchestre qu'en
collaboration avec chacun des membres de celui-ci. Or, il sent bien les fissures qui
fragilisent ce triptyque communication-concertation-coordination qui constitue le
noyau dur de sa pulsation d’entrepreneur.
106 -l’Apprentissage instrumental met en retrait les facteurs d’apprentissage expérientiel.
Derrière cette mise en objectivation d’automatisation s’effacent des éléments du passé
et issus de l’expérience, notamment certains d’entre eux constitutifs à la démarche
LEAN en Équipes. Ce qui remet en cause le continuum expérientiel. Cet apprentissage
instrumental agit comme une bouche cousue, rendant inutile les récits de soi et de
l’Autre, des autres, par les uns les autres, sur son expérience dans l’usage de la
plateforme collaborative. On se situe dans la seule logique de la preuve dite efficace.
Sont ainsi mis en panne l’Anecdote, le Sens, la Compréhension, l’Habileté, l’Art.
107 Pourtant, la différenciation de ce que chacun vit dans sa singularité est génératrice du
désir d’apprendre, des efforts de tous dans l’identification, dans la compréhension de ce
qui s’est passé, ainsi que de la capacité à rester en empathie, en résonance émotionnelle
par rapport aux situations évoquées.
108 C’est aussi comme cela que pourraient se passer leurs apprentissages -
communicationnel et émancipateur- l’arbitrage de leurs autonomies, dans le
dévoilement de la vivacité des actions des collaborateurs.
109 -les Relations au(x) socio-professionnels : elles sont en train de se subir quelques
ruptures.
110 Mathieu consulte encore la plupart des salariés pour savoir de quelles informations ils
auraient besoin, mais surtout pour voir si les informations réajustées par les salariés
permettent de réajuster les éléments de résolutions de problèmes évoqués en
particulier par les clients. Mais qu’en est-il des clients internes entre eux (c’est-à-dire
les salariés ?). Ici ce qui se passe avec le SLACK est révélateur de manques qui peuvent
devenir des empêchements.
111 Parce qu’un peu dépassé, un peu trop pressé par l’introduction de ce dispositif, ce
dirigeant a favorisé le déploiement du SLACK en mode instrumental. Le numérique est
connu de tous, donc il suffit d’en appeler aux processus mentaux qui se rapportent à la
fonction de la connaissance…
112 C’est oublier l’affect et le communicationnel, tous ces éléments subjectifs, ces
jugements, ces préférences, ces émotions qui comme le souligne Emma Violand-
Sanchez (1998 : 28) avec « l'activation d'expériences antérieures sont essentielles à la
motivation » dans l’acte de prendre et d’apprendre. C’est oublié le conatif et
l’émancipatif destinés à faire réagir l’Autre dans un certain sens, à orienter son
comportement, son action. Ces processus psychiques permettant de conduire à une
action (Florin A. et Vrignaud P., 2007) ont donc été délaissés.

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133

113 Ne pouvant se ragaillardir en ressources connues ou non, les Relations au(x) socio-
professionnels deviennent alors flottantes.
114 -les Niveaux d’engagement psycho-affectif :
115 Le niveau engagement psycho-affectif est différent en fonction du niveau exigeant de la
relation. Il semblerait que ait été oubliée l’importance d’intégrer la personne en sa
totalité en particulier dans ses relations et notamment celles ancrée dans l’attention
particulière à porter à ses clients directs. Ce qui signifie que si les personnels
expérimentés dans ce type d’habilité restent motivés en raison de la satisfaction dans le
métier, ils vivent un clivage parce que le ressenti terrain implique des faires autrement
qui ne rentrent pas dans les cases du SLACK.
116 Comme peuvent-ils faire pour aller vers des compositions nouvelles requises par les
demandes du client s’ils ne peuvent se libérer d’un prédicat du toujours nouveau
forcement mieux parce que plus vite et en plus numérique !
117 En d’autres termes, la composante Commerciale subit un clivage d’interactions avec le
dirigeant. Si le ratio symbolique et inter-subjectif entre ce que la composante
Commerciale apporte à la structure JED par rapport à ce que la structure JED lui
apporte ne décolle pas plus de ce « négatif », les indices de souffrance vont s’accumuler
et présenteront un risque (psycho-social) pour cette PME, qui en 30 ans d’existence
n’en a jamais connu. Leurs niveaux d’engagement psycho-affectif risquent d’être déliés.
118 En fait pour la première fois chez JED, on est passé à côté du processus d’assimilation-
accommodation, ou autrement dit des processus communicationnel et émancipateur,
jusque-là opératoire en mode négocié. Les travaux de Piaget (1981) montrent bien que
la prise de conscience des différences entre ses propres centrations et celles d’autrui
contribue à l’intégration de nouvelles régulations cognitives. Il parle (1991) de
l’assimilation et de l’accommodation, comme éléments fondamentaux pour
comprendre les processus d’apprentissage et de changement humain. Cet
apprentissage-là ancré dans le communicationnel et l’émancipatif constitue une voie
d’accès à l’induction et à la déduction.
119 Il y a ainsi un déjà-là en termes de risque de mise en vulnérabilité intra-actionnelle,
certes qui peut être rectifiable et rectifié. Comme l’indique Montaigne, la qualité « d’un
gouvernement dépend de l’usage ». Stimuler l’énergie renouvelée de chacun, destinée à
réaliser, mieux, les objectifs de l’entreprise, renvoie à cet effort constant des dirigeants
et encadrants de « lier ou réconcilier l’homme et l’entreprise dans une relation
« gagnant / gagnant » durable » (Savall et Zardet, 1992).
120 Toute organisation produit et est le produit d’interactions permanentes entre
structures et comportements humains. La prise en considération de ces interactions,
leur régulation, sont vitales surtout lorsque les relations commencent à se disjoindre et
deviennent boiteuses.
121 L’entreprise JED se développe bien parce qu’au fil du temps elle est devenue un
territoire fédératif12 et non plus fédérateur, voire une appropriation commune, un tiers
symbolique au bénéfice de tous. Cet équilibre comme tout équilibre a besoin d’être mis
en résonnance avec tous ces interstices d’envie et de peurs en plus et en moins qui vont
permettre au moins une mise en dialogue, non pas pour convaincre, mais pour s’ouvrir
l’esprit et questionner le devenir d’une aventure, d’un projet.
122 Ce qui donne cohérence et stabilité, ce qui relie, c’est le symbolique et les valeurs
dédiées que JED imprime dans ses projets pour faire tenir l’ensemble.

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134

Conclusion
123 Ce travail empirique reste, bien sûr, limité à ce cas. Notre démarche inductive a montré
que le ratage de prendre soin des équipages génère des difficultés d’ajustements entre
compétences internes et éléments organisationnels. Gino Gramaccia (2017 : 13) constate
qu’ « en organisant la transition de la société industrielle à une société de l’information
et des services, le capitalisme du XXIe siècle a profondément transformé les relations
entre le politique, l’économique et le social ».
124 Au 19ème siècle l’entreprise vue comme un organisme qui signifiait depuis la
Renaissance l’agencement de divers éléments en vue d’atteindre un but, fut remplacée
par le concept de « la machine », c’est-à-dire « une rationalité moyen-fin » Depuis les
débuts du 21ème siècle, l’entreprise raisonne (ou résonne) en mode processus. Ce qui
signifie que le déroulement de situations se doit d’être articulé selon des rythmes quasi
invariants, des normes, règles et conventions censés être connus de tous ... Ce qui
constitue la même fiction cynique que celle qui précise que « nul n’est censé ignorer la
Loi ».
125 Certes, dans notre cas, il y a quelques déperditions dans l’approche globaliste,
interactionniste et réflexive… Rien qu’une mise sous tensions un peu plus dense avec à
venir la série traditionnelle des pathologies managériales telles que les risques
psychosociaux croissants, une démotivation pour ne pas dire un désengagement des
salariés et plus généralement le sentiment d’un « bien faire » de moins en moins au
rendez-vous, qui finit par affecter le travail du dirigeant. Le risque encouru devient
l’extrême difficulté de marier logiques économiques, comptables et sauvegarde des
cœurs de métiers.
126 Dans ce contexte structurel, l’obligation de se dépasser doit-elle signifier « prédater
l’autre » ?
127 Olive constaterait que rester à l’âge de fer (métal de moindre valeur-s) au cœur duquel
« la pudeur, la vérité, la loyauté se sont enfuies », pousse à mettre à leur place « les
tromperies, les ruses, les pièges et la violence, et la passion criminelle de la richesse ».
128 L’homo-technologicus ne s’abuse-t-il pas d’illusions qui l’excitent, notamment abolir la
mort !
129 Nous avons à prendre la mesure de notre aliénation aux machines digitales qui altèrent
nos facultés en les remplaçant (mémoire, écriture, orientation, conduite…) et qui nous
font confondre par leur action, formation et information ; transparence et
surveillance ; démocratie et communication ; calcul et réflexion ; évaluation et
jugement ; normes et valeurs ; efficacité et rationalité… Les écrans et les logiques
numériques transforment désormais nos cerveaux, définissent nos désirs et prescrivent
nos perceptions, nos représentations et enfin nos consommations…

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NOTES
1. L’article 55 de la loi de finances 2019 (repris dans l’article 60 de la loi de finances
2020) a instauré un sur-amortissement pour les PME/PMI en faveur d’investissements
dans des équipements robotiques et cobotiques et dans la transformation numérique
(l’automatisation). Il s’agit d’une déduction fiscale complémentaire de 40 % qui s'ajoute
à l'amortissement normal du bien éligible (1er janvier 2019 au 31 décembre 2020). Cela
concerne les PME de moins de 250 salariés dont le Chiffre d’Affaires annuel n’excède
pas 50 millions d’euros et 43 millions d’euros de total du bilan.
2. Le robot est et donne la solution.
3. En février 2020, le cabinet McKinsey estimait que, d’ici à 2030, 22% des emplois de
l’Union Européenne pourraient être automatisés avec la transformation numérique de
l’économie et la robotisation. Depuis, pour McKinsey, 50% des emplois en Europe sont
menacés à la fois par les conséquences du Covid-19 et par l’automatisation.
4. Sisyphe, dans les poèmes d'Homère, est le plus astucieux des Hommes. Mais il a aussi
suscité le courroux de Zeus qui condamna Sisyphe à faire rouler éternellement un
rocher au sommet d'une colline, lequel rocher dégringole ladite colline lorsqu'il est
parvenu au sommet.
5. Interpréter et réinterpréter pour comprendre et comprendre à nouveau les causes
psychologiques qui sous-tendent un comportement manifeste (le sien et celui des
autres).
6. Le terme « posé-là » veut dire : reconnaître que la question ou l’événement a déjà
trouvé à plusieurs reprises son aboutissement et ce sans prendre en compte des
facteurs peu connus et donc non reconnus ; ainsi ce mode de résolution par sa
répétition invite à ne plus rien interroger.

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138

7. Dans Soi-même comme un autre, Paul Ricoeur met en dialogue Soi et l'Autre, en
précisant que « l'Autre n'est pas seulement la contrepartie du Même, mais appartient à
la constitution intime de son sens » (1990, p.380).
8. Les structures sont des caractères immédiats du donné au même titre que leur contenu
(Köhler)
9. Cf. papier d’Annick Schott présenté lors de la journée d’étude du 4 juin 2019 I.P&M &
ICHEC intitulé « Les perspectives des Nouvelles Dynamiques du Travail en PME :
Eclairage à l’aune du dévoilement du faire autrement d’un Lean Equipe »
10. À façon signifie qu’un matériel courant est transformé en partie en fonctions des
exigences et besoins spécifiques du client.
11. Les autres fils ont construit leur vie professionnelle en dehors de l’entreprise
familiale.
12. Un territoire fédératif rayonne au profit au de tous alors qu’un territoire fédérateur
agrège les différents organes (services, ateliers) que constituent l’entreprise.

RÉSUMÉS
Les architectures numériques excluent certains socio-professionnels (en particulier les plus
engagés psycho affectivement). Elles renvoient en effet à des codages en continu d’opérations
plus ou moins complexes. Ainsi, elles ne tiennent pas toujours compte des encodages de
différents corps socio-professionnels les obligeant dans certains cas à se percevoir en mal de
corporéité, en mal de connivence avec d’autres, en mal d’intercorporéité, en mal d’intersubjectivité
(Merleau-Ponty, 1945/2009). Leur sont aussi assignés des étiquettes de « réticents » ; en
conséquence leur univers est clos.
Trois approches préfigurent notre réflexion, celle concernant la perception et la représentation,
celle au sujet de leur mises en perceptive, et celle portant sur la Machinerie comme partenaire
pas si crédible que cela.
Nous allons également parcourir comment l'engagement des dirigeants de la PME étudiée s’est
rétréci dans la manière dont ils ne cultivent plus -assez ou pas du tout- les façons de faire
autrement de leurs partenaires internes.

Digital architectures exclude socio-professionals (in particular the most psycho-affectively


committed). They refer to continuous coding of more or less complex operations. Thus, they do
not always take into account the encodings of different socio-professional bodies, forcing them in
some cases to perceive themselves in need of corporeality, in need of connivance with others, in
need of intercorporeality, in need of intersubjectivity (Merleau-Ponty, 1945/2009). They are also
assigned labels of "reluctant"; consequently their universe is closed.
Three approaches prefigure our reflection, that concerning perception and representation, that
concerning their perceptualization, and that concerning the Machinery as a not so credible
partner.
We will also take a look at how the commitment of the leaders of the SME studied has shrunk in
the way they no longer cultivate - enough or not at all - the ways of doing things differently from
their internal partners.

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Digitale Architekturen schließen bestimmte Sozio-Professionals (insbesondere die psychoaffektiv


engagiertesten) aus. Tatsächlich beziehen sie sich auf die kontinuierliche Codierung mehr oder
weniger komplexer Operationen.
Daher berücksichtigen sie nicht immer die Kodierungen der verschiedenen sozioprofessionellen
Körperschaften, was sie in bestimmten Fällen dazu zwingt, sich selbst in einem Bedürfnis nach
Körperlichkeit, in einem Bedürfnis nach Komplizenschaft mit anderen, in einem Bedürfnis nach
Interkorporalität, in einem Bedürfnis wahrzunehmen für Intersubjektivität (Merleau-Ponty,
1945/2009). Ihnen wird auch das Label „vorsichtig“ zugewiesen; Folglich ist ihr Universum
geschlossen.
Drei Ansätze prägen unsere Reflexion, der über Wahrnehmung und Repräsentation, der über ihr
Eigentum an der Situation und der Bezug auf die Maschinerie als nicht so glaubwürdiger Partner.
Wir werden auch sehen, wie die Führungskräfte der befragten KMU ihr Engagement verringert
haben, indem sie nicht genug Wege kultivierten, Dinge anders zu machen als ihre internen
Partner.

INDEX
Keywords : innovation, digital, SMEs, resourcing, life story, uses
Schlüsselwörter : eingeschränkte Innovation, Digital, KMU, Ressourcen, Lebensgeschichte,
Verwendungen.
Mots-clés : innovation contrainte, numérique, PME, ressourcement, récit de vie, usages

AUTEUR
ANNICK SCHOTT
Mica- Icin, Université Bordeaux Montaigne.fr

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L’adoption de l’intelligence
artificielle (IA) pour le
développement de services publics
intelligents.
Le cas des conseils personnalisés aux demandeurs d’emploi
Adoption of Artificial Intelligence (AI) for the development of smart
governements : the case of customized recommendations for job seekers
La adopción de la inteligencia artificial (IA) para el desarrollo de servicios
públicos inteligentes : el caso de las recomendaciones a los solicitantes de empleo

Aurélie Simard

Contexte
Le développement des services publics numériques intelligents : un
sujet récent et crucial

1 La diffusion des technologies d’Intelligence Artificielle (IA) présente des bénéfices


potentiels importants pour le service public, comme pour les autres secteurs. Plus
spécifiquement, l’IA pourrait améliorer la relation aux usagers « en première ligne »
(Jeffares 2021) sur quatre axes : la sécurisation du processus de délivrance (control), la
réduction des coûts (cost), l’adaptation aux besoins de l’usager (convinience) et le
renforcement de lien entre l’administration et ses usagers (connection), dans le
prolongement des bénéfices déjà observés de l’administration électronique
(egovernment) pour le service public (Newman 2001 ; Chadwick 2006 ; Busch et
Henriksen 2018).
2 C’est ainsi que les puissances publiques ont développé ces trois dernières années un
discours volontariste et des mesures d’incitation pour le développement de l'IA et pour

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son adoption dans le secteur public (Ministère de l’économie et des Finances, DG Trésor
2017 ; Villani et al. 2018 ; Commission Européenne 2020).
3 Le sens de l'IA est très large et porte de grands enjeux sous-jacents, comme en
témoigne la définition qui avait été donnée dans le rapport « Donner un sens à
l’Intelligence Artificielle » (Villani et al. 2018) : « elle a toujours constitué une frontière,
incessamment repoussée. …avec un objectif ambitieux : comprendre comment
fonctionne la cognition humaine et la reproduire (…) L’intelligence artificielle est
entrée, depuis quelques années, dans une nouvelle ère (…) due à l’essor de
l’apprentissage automatique (…) …Les imaginaires (…) jouent donc un rôle majeur (…)
dans la direction que prend le développement de cette discipline (…) »
4 L’IA permet de développer des cas d’usages pour la gestion de la relation usager,
automatiser la réponse aux questions (ex : Chatbot), rechercher de l’information (ex :
pour le remplissage automatique de formulaire), gérer des requêtes routinières (ex :
routage automatique de demande), réaliser des traductions ou encore rédiger des
réponses automatisées (Mehr 2017, 7). Plus globalement, même si elles sont encore
émergentes, les recherches relatives à l'IA dans le secteur public touchent tous les
domaines de l’administration (Sousa et al. 2019). De nombreuses expérimentations de
services publics numériques intégrant de l’IA sont actuellement menées ; notamment
en Europe (Misuraca et Van Noordt 2020). Son adoption à l’échelle « industrielle »
semble s’opérer lentement et devrait être accélérée (Commission Européenne 2020, 7).
5 Dans le même temps, il existe des risques de dérives qui doivent être anticipés et gérés
pour assurer le développement d’une IA de confiance, centrée sur l’humain (High level
experts group 2020). Les décisions automatisées qui peuvent avoir un impact sur la vie
des citoyens doivent tout particulièrement faire l’objet de la plus grande attention
(Besse et al. 2019). Plus particulièrement, la dématérialisation du service public fait déjà
peser des risques sur ses principes de continuité, d’égalité et d’adaptabilité de service
public (Défenseur des Droits 2019) et ne doivent pas être aggravés par l’IA.
6 Pour toutes ces raisons, il est intéressant de s’intéresser à l’adoption de l'IA dans
le secteur public, en s’appuyant sur le cadre théorique éprouvé de l’adoption des
innovations.

L’adoption des innovations bénéficie d’un cadre théorique éprouvé

7 Le management de l’innovation s’intéresse au processus qui conduit à la mise en


œuvre de produits, procédés, méthodes ou services, nouveaux ou améliorés,
susceptibles de répondre à des attentes implicites ou explicites du marché et de
générer une valeur économique, environnementale ou sociétale pour toutes les parties
prenantes (AFNOR 2013). Ce processus s’intéresse à toutes les phases d’une innovation,
leur génération, leur adoption, leur diffusion puis à leur implantation dans la durée.
8 L’adoption des innovations fait l’objet, depuis près de 60 ans, d’une abondante
littérature pour décrire ses facteurs et ses freins. On distingue quatre groupes de
théories sur l’adoption des innovations : Les théories institutionnelles et néo-
institutionnelles, les théories centrées sur les facteurs d’adoption des individus, les
théories qui s’attachent à étudier les déterminants dans une perspective
économétriques et enfin un groupe qui concernent les théories de leur diffusion (van
Oorschot, Hofman, et Halman 2018, 11, Table 4).

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9 Les principaux modèles d’adoption des innovations par les individus sont : le
Technology Acceptance Model (TAM) (Davis 1989), la Theory of Planned Behaviour –
(TPB) (Ajzen 1991) et l’Unified Theory of Acceptance and Use of Technology (UTAUT)
(Venkatesh et al. 2003), qui est à la fois le plus récent et celui qui a su, au fil des années,
continuer à intégrer les nouveaux éléments de la recherche. Ces théories cherchent à
mesurer l’intention d’utilisation de l’innovation, considérant que le comportement
d’un individu repose sur des actions planifiées et raisonnées dont découle une
intention consciente à adopter ou non un nouveau comportement. Ils sont issus des
travaux réalisés dans le domaine de la psychologie sociale et plus particulièrement les
théories de l’action raisonnée (TRA) (Ajzen et Fishbein, 1975) et la théorie du
comportement planifiée (TPB) (Ajzen, 1991). Selon ce courant théorique, deux notions
centrales fondent le comportement d’adoption des individus : l'utilité perçue (PU)
définie comme la probabilité que le système améliore la situation de l’utilisateur d’une
part ; la facilité d'utilisation, correspondant la notion d’effort à utiliser le système
d’autre part. Ces deux facteurs s’appuient sur différentes chaines de causalité. Un
modèle d’adoption de l’administration électronique basé sur le modèle unifié UTAUT a
récemment été proposé (Jacob et al. 2019). Ce modèle indique en particulier les
inducteurs de l'intention comportementale elle-même à l'origine du comportement
d'utilisation : d'abord l'espérance de performance, mais aussi l'espérance d'effort, la
confiance, la culture nationale et enfin l'influence sociale. La connaissance des services
et les conditions propices plus globalement induisent également le comportement
d'utilisation. Notons également que si de telles études ont déjà été réalisées du point de
vue des employés (Rana, Dwivedi, et Williams 2013 ; Bhaskar, Vinay, et Joshi 2021) ou
des citoyens (Costello et Moreton 2009 ; Gupta, Singh, et Bhaskar 2016 ; Jacob et al.
2019 ; Wertz, Weyerer, et Rösch 2019), il semblerait qu’il existe un gap de littérature
pour le traitement des deux perspectives simultanément.
10 Le traitement de l'IA par les sciences de gestion émerge et particulièrement le sujet de
son adoption. Les études récentes semblent surtout traiter de l’adoption au niveau des
organisations (Pumplun, Tauchert, et Heidt 2020 ; AlSheibani, Cheung, et Messom 2018 ;
Jöhnk, Weißert, et Wyrtki 2020), mais des premières études s’intéressent à l’adoption
de l’IA par les individus (Zhang 2020), notamment dans le secteur public (Johannessen
2020).
11 Le thème de l'IA dans le secteur public émerge progressivement sous le vocable de
smart government (ou gouvernement intelligent), mais très peu traite de son adoption
(Sousa et al., 2019).
12 Par ailleurs, si les travaux relatifs à l’administration électronique concernent
essentiellement son adoption (environ 80 % d’entre eux), les travaux empiriques
demeurent embryonnaires pour confirmer et valider les développements théoriques
déjà réalisés (Wirtz et Daiser 2018).
13 Pôle emploi a accepté d’accueillir cette recherche sur les conseils personnalisés
automatisées proposées aux demandeurs d’emploi, dans le cadre de l’expérimentation
du Journal de la Recherche d’Emploi (JRE) entre avril et septembre 2020.

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143

Présentation de l’étude de cas


Les recommandations personnalisées automatisées aux
demandeurs d’emploi au sein du JRE

14 Les conseils personnalisés constituent l’une des fonctionnalités du journal de la


recherche d’emploi (JRE), un service en ligne visant à la fois l’amélioration de la qualité
de l’accompagnement celle du respect des obligations des demandeurs d’emploi. Il
intervient dans le cadre de la loi « Avenir Professionnel » du 5 septembre 2018, mené à
titre expérimental en Centre-Val de Loire et Bourgogne Franche-Comté pour une durée
de 18 mois. Cette expérimentation implique aujourd’hui l’entièreté des quelques
500 000 demandeurs d’emploi et des 1 500 conseillers en agence environ au sein des
deux régions. Le JRE est un service numérique qui doit être visité chaque mois par les
demandeurs d’emploi pour répondre à leur obligation d’actualiser leur situation. Entre
un à trois nouveaux conseils personnalisés lui sont proposés dans ce contexte, relatifs à
ses candidatures ou entretiens, ses formations, ou, le cas échéant, sa reconversion vers
un nouveau métier ou encore sa création d’entreprise. Ce service s’appuie sur un
moteur de recommandations, qui sélectionne des démarches à lui proposer, à partir de
règles et d’algorithmes traitant des données relatives au demandeur d’emploi : ses
caractéristiques (ex : âge, code métier ROME), à sa situation actuelle et son projet,
tels que renseignés dans les systèmes d’information de Pôle emploi ainsi qu’à ses
comportements observés au sein du JRE (ex : suggestions appréciées, la présence ou
non d’une carte de visite).
15 Ce cas a permis de décrire le contexte d’utilisation de ce service, la perception de
conseillers et celle des demandeurs d’emploi et in fine son impact sur son utilisation
effective par les agents publics d’une part et les usagers d’autre part :

La méthode d’étude de cas : Une position constructiviste


pragmatique renforcée par des principes de recherche-intervention

16 Cette étude de cas s’inscrit dans le paradigme épistémologique constructiviste


pragmatique (Le Moigne 2001) à travers laquelle les questions sont construites
« chemin-faisant ». La description joue un rôle central dans cette démarche
exploratoire, en s’attachant à respecter plusieurs principes pour assurer la validité des

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144

résultats, tout particulièrement le fait d’assumer que le point de vue de la description


qui est celui des acteurs opérants (Dumez 2018). La démarche est résolument
qualitative alors que l’approche usuelle d’utilisation de ce type de modèle d’adoption en
plutôt quantitative, en étudiant la variance des facteurs à partir d’un grand nombre
d’études de cas.
17 Pour tendre vers des résultats valides, trois démarches de collecte de données ont été
mises en œuvre pour assurer triangulation des données (Eisenhardt 1989) : Tout
d’abord, l’analyse des statistiques d’utilisation du JRE par les demandeurs d’emploi (mai
2020), des entretiens semi-directifs conduits avec dix conseillers de l’agence de
Châteauroux-Balsan et enfin un questionnaire autoadministré adressé aux demandeurs
d’emploi du département de l’Indre (plus de 17 000 questionnaires auto-administrés
transmis, près de 650 réponses) avec le soutien de la direction du Centre-Val de Loire,
complété d’une vingtaine d’entretiens avec un panel représentatif de demandeurs
d’emploi. Ils utilisent à la fois des questions fermées analysées sur l’échelle de Lickert et
l’analyse des discours.

Résultats
Une perception d’utilité élevée tant pour les demandeurs d’emploi
que pour les conseillers

18 La première idée-reçue remise en cause est que les acteurs seraient toujours, par
principe « résistants au changement ».
19 La perception des conseils personnalisés s’inscrit plus globalement dans une perception
plutôt positive du JRE : les trois quarts des demandeurs d'emploi trouvent la saisie des
démarches utile, voire très utile et ne sont que 6 % la considérer totalement inutile. Il
s'agit selon eux d'un outil pour mieux s’organiser et d'un outil pour échanger avec Pôle
emploi. Les conseillers interrogés voient dans cet outil un gain de temps dans la
collecte d'information, pouvant être réalloué à l'accompagnement des demandeurs.
80 % des demandeurs d'emploi considèrent le développement des conseils
personnalisés comme positif voire très positif. Les conseillers les positionnent comme
"un plus", "une cerise sur le gâteau" qui peut utilement compléter leur
accompagnement, pour orienter les demandeurs d’emploi "vers les bons services de
Pôle emploi".
20 Cette perception générale très positive et convergente entre les demandeurs d'emploi
et les conseillers se fonde, sur la perception d’un service moderne, centré sur les
besoins individuels des personnes, et qui positionne l’administration dans un rôle
de soutien et d’accompagnement, « libérée » d’un rôle administratif et bureaucratique.
La communication interne et externe réalisée sur le projet semble avoir positivement
contribué à cette perception, compte tenu d’un discours très homogène des acteurs.

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Une bonne facilité d’utilisation perçue, malgré la question plus


globale d’éloignement du numérique qui préoccupe les acteurs

21 Une seconde idée reçue remise en cause par cette étude de cas est que les
utilisateurs rencontreraient des difficultés à appréhender la complexité de la
technologie ne parlons pas de l'IA.
22 Les demandeurs d'emploi sont 80 % à la déclarer la saisie des démarches très facile ou
plutôt facile d’utilisation. Ils ne sont que 5 % à la considérer comme complexe ou très
complexe. La barrière de l’éloignement du numérique est un point d'attention qui a été
néanmoins largement souligné par les conseillers interrogés et soulevé avec inquiétude
par environ un tiers des demandeurs d’emploi. Les demandeurs d'emploi ne l'ont pas
évoqué comme un frein, mais plutôt comme une évolution nécessaire pour eux.

Un bon niveau de confiance en l’institution et dans les évolutions à


venir sur le JRE et plus spécifiquement les conseils personnalisés

23 Ce constat se positionne à contre-courant de l'idée du risque de défiance des


utilisateurs largement développée par la littérature institutionnelle et
professionnelle, qui nuirait à l'adoption des technologies.
24 Ainsi, les demandeurs d'emploi n'ont pas évoqué de réticence à partager des
informations et développer l'usage du numérique dans ce contexte. Ils ont cependant
indiqué que ce type d'outils ne devait pas déshumaniser la relation, mais plutôt
l'enrichir. C'est un point de vigilance également exprimé par les conseillers, mais les
uns, comme les autres, ne sont pas allés jusqu'à exprimer un sentiment d’inquiétude.

Proposition d’un premier cadre théorique pour l’analyse des facteurs


de l’adoption

25 Le schéma ci-dessous présente en synthèse les facteurs et freins à l’adoption et leurs


principales interactions systémiques qui peuvent être déduites dans le cadre de la
présente étude de cas :

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(Jacob, 2019)

Néanmoins, on déplore une utilisation encore limitée des conseils


personnalisés

26 On pourrait s’étonner de ne pas mieux percevoir le lien fondateur du cadre


théorique entre perception et intention d’utilisation
27 Les conseils personnalisés sont essentiellement consultés par les demandeurs d’emploi
au moment de leur actualisation. Les conseils personnalisés sont mal connus par les
demandeurs d'emploi. Au moment de l’étude, 51 % d'entre eux déclarent ne pas avoir
remarqué leur existence. Ceux qui les ont identifiés n'en maîtrisent pas tous les
contours. Moins de 5 % des demandeurs d’emploi a consulté (au moins) un conseil
personnalisé le mois en cours. Environ 2 % des conseils proposés ont été consultés par
eux. Les conseillers utilisent également très peu les conseils personnalisés.

Une tentative d’explication de ce paradoxe avec les acteurs


opérants : une appréciation positive sur le principe du service et de
fortes attentes pour la suite

28 Il semblerait que la perception positive exprimée par les acteurs opérants porte
davantage sur l'image globale du projet. Cependant, le ratio entre l'utilité immédiate et
les efforts consentis ne semble pas transformer l'intention d'utilisation du JRE à ce
stade pour tous les profils d’adoptant.

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29 Les demandeurs d'emploi soulignent, quant à eux, la nécessité d’améliorer l'ergonomie


et de mieux faire le "pont" avec une relation avec un conseiller. Ils aspirent également
à pouvoir accéder à des services complémentaires (en particulier s'agissant
d'interconnexion avec d'autres services) et le cas échéant de pouvoir bénéficier d’un
parcours utilisateur en adéquation avec leur autonomie et de leur appétence
numérique.

Des attentes basées avant tout sur la dynamique de recherche


d’emploi, l’autonomie numérique le projet professionnel

30 Les profils d'adoption ne dépendent pas de critères à première vue attendus (âge, sexe
niveau de diplôme), mais plutôt de critères relatifs aux compétences et au projet du
demandeur d’emploi :

Figure – Synthèse des profils d'adoption des demandeurs d'emploi pour les recommandations
personnalisées

Source : Auteur, issue de la présente étude terrain, auprès des demandeurs d’emploi de l’Indre en mai
2020

Discussion
31 Le questionnement de la perception des utilisateurs finaux, basé sur les facteurs
d’adoption du modèle UTAUT permet de collecter une description riche de l’adoption
de l'IA par les utilisateurs finaux, basée sur leur expérience et leur ressenti et
permettant de nuancer les idées reçues portées par les acteurs plus loin du terrain
(ceux-là même interrogés lors de la plupart des études portées notamment par la
sphère professionnelle).
32 Cependant, la généralisation de ces résultats implique un traitement plus approfondi
des données, comme le propose notamment la théorie ancrée pour être en mesure, in
fine de « casser le mur » entre les données collectées sans l’influence de tout schéma
préexistant d’une part et les théories existantes d’autre part, afin de pouvoir proposer
des théories à partir du terrain (Walsh 2015). Plus spécifiquement, la généralisation
d’un modèle d’adoption peut s’avérer difficile, compte tenu de la place prédominante
du contexte sur le lien entre les variables (Ajibade 2018). Une analyse processuelle de
l’adoption prenant en compte les enjeux d’apprentissage des acteurs permettrait d’aller

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plus loin dans cette compréhension (Touati et Denis 2013) afin de proposer des
connaissances activables pour les acteurs publics en charge de ces transformations.

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RÉSUMÉS
L’adoption des services publics numériques « intelligents » par les utilisateurs est un processus
essentiel afin de libérer la valeur de l'IA pour le service public. Les études empiriques peuvent
apporter un éclairage sur le déroulement de ce processus pour en comprendre les facteurs, mais
aussi évaluer les risques de dérives éthiques. La présente étude de cas explore l’adoption d’un
service de conseils personnalisés automatisé par les demandeurs d’emploi et par les agents
publics, à partir du modèle UTAUT de Venkatesh & al., pour en montrer l’intérêt et les limites.

The user adoption of smart governments is a key element for unlocking the value of AI in public
services. Empirical studies can help us understand the user adoption process, its factors but also
the assessment of ethical risks and challenges. This case study explores the adoption of a
customized recommendation service for job seekers and public servant, using the UTAUT model
of Venkatesh & al., to show its value and limits.

La adopción por parte de los usuarios de servicios públicos digitales "inteligentes" es un proceso
clave para desbloquear el valor de la IA para el servicio público. Los estudios empíricos pueden
arrojar luz sobre el curso de este proceso a fin de comprender sus factores, pero también para
evaluar los riesgos de los abusos éticos. Este estudio de caso explora la adopción de un servicio de
recomendación personalizada por parte de los buscadores de empleo y los agentes públicos,
utilizando el modelo UTAUT de Venkatesh & al. para mostrar su interés y sus límites.

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INDEX
Mots-clés : Intelligence artificielle, adoption des innovations, UTAUT, administration
électronique
Palabras claves : Inteligencia artificial ; Innovación ; Modelos de adopción ; UTAUT, servicio
público, gobierno electrónico
Keywords : Artificial intelligence, adoption of innovations, UTAUT, e-government, smart-
government

AUTEUR
AURÉLIE SIMARD
Université Paris Saclay

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La gouvernance au sein des pays de


l’UEMOA : avantages de l’utilisation
de l’intelligence artificielle
Governance in WAEMU countries: benefits of using artificial intelligence
Gobernanza en los países de la UEMOA : Ventajas del uso de la inteligencia
artificial

Mamadou NDIONE et Diéne Kolly Ousseynou DIOUF

1 L’intérêt porté à l’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus croissant et celle-ci
suscite un grand espoir pour améliorer le quotidien d’un grand nombre de personnes
(Zouinar, 1) et pour cause, elle permet d’accroitre la productivité et la performance des
entreprises par la facilitation et l’humanisation du travail, donc de réduire
conséquemment les souffrances des travailleurs. Elle est considérée comme une
ressource stratégique pour un développement durable à travers les débouchés qu’elle
offre et ses possibilités d’application énormes grâce à la puissance des processeurs, le
big data ainsi que le développement des algorithmes (Portnoff et Soupizet, 5). « Elle est
arrivée à un tel point d’évolution qu’elle se transforme et progresse sans intervention décisive de
l’homme, par une sorte de force qui la pousse à la croissance et l’entraîne par nécessité à un
développement incessant » (Ellul, 274).
2 Si l’IA est source d’opportunité et peut s’appliquer dans plusieurs domaines (Crowston
et Bolici, 5961), quel peut être son apport dans la gouvernance, notamment dans les
pays en développement ? Ceux-ci sont caractérisés par des problèmes de gouvernance
complexes qui bloquent leur croissance économique (Ndione et Diouf, 309) et plombent
ainsi leur développement. La gouvernance d’un pays est définie par la commission sur
la gouvernance mondiale, dans son rapport publié en 1995 comme
« la somme des différentes façons dont les individus et les institutions publiques et
privées gèrent leurs affaires communes. C’est un processus continu de coopération
et d’accommodement entre des intérêts divers et conflictuels. Elle inclut les
institutions officielles et les régimes dotés de pouvoirs exécutoires aussi bien que
les arrangements informels sur lesquels les peuples et les institutions sont tombés
d’accord ou qu’ils perçoivent être de leurs intérêts ».

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153

3 Gouverner autrement est devenu un impératif dans ces pays et l’IA pourrait être une
solution si elle est utilisée pour aider les dirigeants à gouverner convenablement. De
fait, cette complexité croissante dans la gouvernance des pays en développement
bénéficierait positivement de la mise en place de l’intelligence artificielle. C’est dans ce
contexte que nous nous intéressons à la question de recherche suivante :
4 Quels sont les avantages de l’utilisation de l’IA dans la gouvernance des pays en
développement : le cas des pays de l’UEMOA ?
5 L’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est une organisation
intergouvernementale, qui regroupe huit États d’Afrique Sub-saharienne. En 1993, le
Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo ont signé
à Dakar le Traité de l’UEMOA, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1994. En 1997, la
Guinée-Bissau a également signé le traité et rejoint les premiers États membres. Il s’agit
du seul pays non francophone. Le choix de l’UEMOA se justifie par le fait que c’est une
zone souffrant énormément de problèmes de gouvernance et son corolaire est l’échec
endémique des politiques de développement ; sans omettre la corruption qui gangrène
des secteurs stratégiques (impôts, douanes, taxes, collectivités territoriales et autres),
les raquettes sur les corridors routiers dénoncées par l’observatoire pour les pratiques
anormales (OPA), etc. Ainsi l’objet de cet article est de montrer que l’IA pourrait
permettre de lutter contre la corruption, de promouvoir la stabilité politique et un
climat social apaisé, de mettre en place une gouvernance efficace basée sur le respect
des lois établies dans la transparence.
6 Sur la base de données quantitatives collectées sur la base de données de la banque
mondiale (World Governance Indicators- WGI) entre 1996 et 2019, nous allons montrer
les problèmes de gouvernance dans l’UEMOA et par la suite mettre en évidence les
avantages de l’utilisation de l’IA. Ainsi, après une première partie portant sur une revue
de la littérature, une seconde mettra l’accent sur le contexte de l’étude et enfin nous
montrerons les avantages de la mise en place de l’IA pour corriger les problèmes de mal
gouvernance.

Revue de la littérature
7 « Quand une technologie apparaît, les Américains en font un business, les Chinois la copient et
les Européens la régulent » (Laurent, 171). De fait l’évolution du numérique est plus notée
aux États unis et en Chine, l’Europe est en retard alors que l’Afrique voire les pays en
développement ne sont même pas encore dans les starting-blocks ; pendant ce temps le
développement du numérique et ses ramifications s’inscrivent dans le quotidien des
populations (Bertucci et al., 103) et avec la virtualisation, s’installe la coutume de
consulter en ligne les comptes bancaires, de payer les frais d’eau, d’électricité, de gaz,
de recharger son crédit téléphonique, etc. Ces nouveautés ont changé positivement nos
vies dans plusieurs domaines et nous disposons ainsi de machines intelligentes qui
interviennent de manière autonome dans les interactions entre les hommes, en
effectuant par exemple les activités des plus essentielles comme (lire, comprendre,
calculer et traduire), d’où l’intérêt de prendre en compte l’influence du numérique et
des nouvelles technologies.
8 Historiquement l’IA remonte vers les années 40 avec les travaux de McCulloch et Pitts
en 1943 sur la manière de fonctionner des neurones biologiques. Ces travaux ont promu

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154

le développement de l’approche connexionniste et la conférence de Macy en 1950 a jeté


de manière formelle la possibilité de programmer, à l’aide de l’informatique,
l’intelligence humaine. En 1980 s’est développée l’approche symbolique et celle-ci fait
reposer l’IA sur la manipulation de symboles. L’avènement de l’intelligence artificielle
distribuée est noté en 1970. Celle-ci repose sur les interactions entre des programmes
autonomes et leurs environnements (Weiss, 199). De nos jours, nous assistons au
développement du système expert et celui-ci est un système informatique qui stimule
l’activité humaine pour faire face aux problèmes dépassant ses capacités. Pendant une
décennie, l’IA a pris une autre dimension et a surpassé les attentes de bon nombre
d’observateurs avec des progrès spectaculaires (Mézard, 149). Ainsi les ordinateurs sont
appelés à fonctionner comme les humains notamment en termes de réflexion, de
mémorisation.
9 Si l’IA a fait l’objet de nombreuses définitions, la plupart d’entre elles se sont focalisées
sur la dimension humaine (Zouinar, 4). Elle est définie par Nilsson (2005) comme une
mécanisation de l’intelligence humaine alors que Shapiro (1992) l’appréhende comme
une science qui utilise l’informatique pour mettre en place des systèmes artificiels qui
agissent de manière intelligente. La mise en place de l’IA doit intégrer l’environnement
et le contexte de son application. Dans les pays en développement, Il urge de nos jours
de trouver une solution aux multiples problèmes de gouvernance qui entravent le
développement ; nous pouvons citer la corruption, les conflits d’intérêts qui sont entre
autres les bases de l’inhibition de toute possibilité d’émerger. Les projets économiques
le plus souvent mal ficelés et les détournements de fonds fréquents sont les causes
justifiées d’un manque de confiance des communautés vis-à-vis des autorités. Ainsi, les
populations de plus en plus avides de changement exigent le respect de leurs droits et
que les obligations de l’Etat soient remplies.
10 La gouvernance est l’exercice du pouvoir public dans la gestion d’un pays en mettant
l’accent sur le respect des droits de chacun et de tous, mais aussi de celui de la
communauté. Elle prend en compte une gestion macroéconomique stabilisée et une
gestion microéconomique basée sur la politique fiscale, la réglementation et le
développement des infrastructures. Selon Chammari (2000), la gouvernance d’un pays
se définit comme
« l’exercice de l’autorité politique, économique, et administrative pour gérer à tous
les niveaux les affaires d’un pays. Elle comprend, de ce fait, les processus, les
mécanismes et les institutions au moyen desquels les citoyens et les divers groupes
articulent leurs intérêts, exercent leurs droits, assurent leurs obligations et
négocient pacifiquement et conformément aux lois, donnant une chance égale à
tous et à toutes de régler leurs différends et leurs conflits ».
11 En d’autres termes la gouvernance est l’exercice de l’autorité politique, économique et
administrative pour gérer à tous les niveaux les affaires d’un pays.
12 L’IA serait donc cet outil providentiel qui permet de gérer, contrôler les interactions
continuelles entre les hommes et pourrait être une solution à la mal gouvernance
puisque des machines très puissantes capables de dépasser les capacités humaines
(Boström, 114) offrent cette possibilité.

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155

Contexte de l’étude
13 Dans cette partie, nous mettrons en évidence les problèmes de gouvernance dans les
pays de l’UEMOA particulièrement sur les dimensions qualité de la règlementation, le
respect des lois ainsi que la corruption, et ce dans les 8 pays de l’UEMOA. Nous
utiliserons à cette fin, les indicateurs de gouvernance mondiale (World Governance
Indicators- WGI) qui constituent un ensemble de données résumant les points de vue
sur la qualité de la gouvernance des États dans les pays en développement. Ces données
proviennent d'instituts de sondage, de groupes de réflexion, d'organisations non
gouvernementales, d'organisations internationales et d'entreprises du secteur privé.
14 Les résultats représentés dans les graphiques ci-dessous sont caractéristiques de la mal
gouvernance dans les pays de l’UEMAO. La corruption est présente dans tous les pays et
la lutte contre ce phénomène n’a enregistré un score de 60 % que pour le Burkina Faso
en 1996 et le Sénégal en 2002. Les pays comme la Guinée-Bissau, le Togo n’atteignent
pas un score de 30 % alors que le Niger et le Mali ont difficilement un score de 40 %.
Reste la Cote d’Ivoire avec un score maximal en 1996 ne dépassant pas 50 %, et qui a
enregistré des scores décroissants de 2003 à 2006 pour ensuite connaitre une croissance
de son indice de gouvernance jusqu’à 2014 avec un pic maximum de 40 %. Toutefois les
crises politiques auxquelles le pays s’est confronté ont sans doute eu une influence sur
la corruption.
15 Rares sont les pays qui respectent les lois, et ce pour toute la période d’étude. La Guinée
Bissau enregistre les résultats les plus mitigés, avec un maximum qui dépasse à peine
10 % en 2003 et 2004. Ces résultats peuvent s’expliquer par l’effet de son intégration
dans la zone UEMOA en 2001. Le Togo et le Niger enregistrent leurs meilleurs scores en
2016 et 2011 respectivement avec 30 % pour le premier, 42 % pour le second, la cote
d’ivoire et le Burkina Faso ne dépassent pas 40 %. Le bénin et le Sénégal font office de
bons élèves avec des résultats qui dépassent 50 % sur certaines années pendant que les
pays de l’OCDE ont des scores supérieurs à 60 %. Les résultats sont divers et variés pour
la qualité règlementation, toutefois il faut préciser qu’aucun pays n’enregistre de
progression constante. Certains oscillent alors que d’autres ont du mal à décoller à
l’instar de la Guinée-Bissau qui enregistre les scores les plus faibles. Ainsi il convient de
signaler que les instabilités politiques, les coups d’état dans cette ancienne colonie
portugaise ont vraiment bouleversé son système de gouvernance qui pourrait
grandement bénéficier de l’IA pour résorber le vide institutionnel dans certains
domaines et région du pays. De fait l’intelligence artificielle va faciliter la vie des gens
et surtout pallier aux nombreuses insuffisances notées.
16 Graphique : Evolution de la qualité de la règlementation, le respect des lois et la
corruption dans les 8 pays de l’UEMOA entre 1996-2019

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17 Si l’intelligence artificielle est source d’opportunité dans plusieurs domaines, alors il


est permis de penser que son utilisation dans les pays en développement peut se faire
en s’appuyant sur l’économie mobile. En effet, l’écosystème de la téléphonie mobile
contribue de manière significative au développement de l’économie en Afrique de
l’Ouest et représente une création de valeur ajoutée économique de 37 milliards de
dollars (soit 6,5 % du PIB). L’impact global englobe directement l’écosystème de la
téléphonie mobile, mais indirectement aussi, l’augmentation de la productivité relative
à l’utilisation des services et technologies mobiles. En Afrique de l’Ouest, la moitié
environ de la population vit dans des zones rurales, la téléphonie mobile joue donc un
rôle de plus en plus important pour ce qui est de la réduction des inégalités en matière
d’accès et d’utilisation de services clés du numérique. Au Sénégal, moins de 25 % des
adultes détiennent un compte bancaire par exemple, dans les zones rurales, ce
pourcentage atteint difficilement 10 %. Au Sénégal toujours, une grande partie des
impôts locaux sont détournés aux différentes étapes du processus de perception. Ce
manque à gagner empêche les communes d’améliorer les qualités des services publics
(soins de santé, écoles, etc.), ce qui a un impact négatif sur le mode de vie des
populations locales. Les services financiers mobiles cependant continuent à se
développer rapidement en Afrique de l’Ouest : le nombre de comptes associés à des
services financiers mobiles enregistrés dans la région a atteint les 104,5 millions en
2017, une augmentation de 20,9 % par rapport à l’année dernière. La valeur totale des
transactions au cours de cette même période a atteint 5,3 milliards de dollars. Il y a
désormais 57 services d’argent mobile actifs en Afrique de l’Ouest (contre 51 en Afrique
de l’Est) et, en 2017, la région comptait 34 % du total de comptes d’argent mobile
enregistrés en Afrique subsaharienne. Cette croissance est principalement due à
l’extension rapide des réseaux d’agents et à un environnement réglementaire
favorable. En Afrique de l’Ouest, il y a 13 fois plus d’agents de services financiers

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mobiles actifs que de succursales bancaires et de distributeurs automatiques 1 , et 13


pays sur 15 disposent d’un règlement d’habilitation pour leurs services d’argent mobile.

Les avantages de l’IA dans la gouvernance


18 L’IA demeure une solution à la lutte contre la mal gouvernance et peut offrir des
opportunités de régler les différents problèmes rencontrés dans beaucoup de
domaines, surtout dans les pays en développement. Le recours à l’intelligence
artificielle est une aubaine incroyable parce que des sujets clefs directement corrélées à
notre croissance comme la justice, la santé, la corruption, l’éthique sociale, la sécurité
et l’éducation sont dans ses domaines d’application.
19 En matière de justice, l’IA permet des rapprochements de textes juridiques et de
faciliter la lecture du droit (Guével, 52). Cela permettrait un gain de temps dans les pays
comme le Sénégal où de nombreux prisonniers attendent plusieurs années pour être
jugés. L’IA permet de stocker des données inimaginables et de traiter des informations
qu’aucun humain ne peut faire en temps normal ; dans ce cas, elle est donc une
alternative au papier dans la conservation des archives si on sait que dans les pays en
développement, beaucoup de citoyens ont du mal à retrouver leurs états civils, leurs
certificats de nationalité, etc.
20 Les pays en développement sont caractérisés aussi par un vide institutionnel dans
certaines zones, ce qui entrave la légitimité de leurs États. Ces derniers pourront à
travers l’IA retrouver leur souveraineté en affirmant leur présence (Portnoff et
Soupizet, 8) et résorber par ailleurs le manque de personnel qualifié, notamment pour
les zones les plus reculées. Le manque de médecin ou de sage-femme, d’agents de
sécurité dans les communautés rurales est une illustration. L’IA peut être mise à profit
pour diagnostiquer à distance des malades et pour cause, la télémédecine a permis à
des patients du tiers monde de bénéficier du traitement d’un spécialiste d’un autre
continent et guérir de pathologies graves. Grâce à leurs réseaux connectés, les
découvertes et les avancées médicales sont partagées démocratiquement, ce qui profite
aussi aux traitants des pays en développement ne disposant pas de technologie
appropriée. Le traitement à distance est ainsi un moyen de pallier au manque de
spécialistes dans les zones rurales et permet un gain de temps inestimable. Dans ce cas
l’IA « augmentera les capacités de diagnostic [des professionnels] en leur faisant gagner du
temps sur l’observation fastidieuse des images » (Eric Topol, 37) et augmente les chances de
guérison des malades.
21 Si l’IA est capable de remplacer l’humain dans des secteurs vitaux, aussi sensibles que la
médecine, alors il est donc possible d’en développer diverses applications en gestion
administrative et financière. Elle permet de lister toutes les parties prenantes
(assujetties et ayants droit) pour la distribution d’aide, de dons, la collecte des impôts et
aider à la transparence dans les activités. Avec ses réseaux connectés, l’IA peut
diminuer ainsi la corruption notamment dans les recouvrements de deniers publics,
pour cause l’automatisation des systèmes permet le contrôle permanent et laisse
toujours des traces ; les opérateurs et les citoyens sont instantanément identifiés, car
constamment dans leurs quotidiens, reliés au monde numérique (utilisation des
Smartphones, des serveurs, des machines, des GPS, des applications) et l’IA par sa
capacité à mémoriser des plaques, des visages, des textes, offrent aux pays en
développement les possibilités d’automatiser les divers paiements et sécuriser tous les

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processus. En matière d’éthique sociale, elle peut aider à faire les choix convenables,
indépendamment de la pression de toute personne en faisant le tri et le classement
(Guével, 57), notamment pour le cas des nécessiteux qui doivent bénéficier de l’aide ou
des subventions de l’État dont les orientations généralement se font vers une clientèle
politique dans la plupart des cas.
22 L’utilisation des technologies peut constituer un moyen de renforcer les dispositifs
sécuritaires avec la télésurveillance ou les reconnaissances faciales. L’intelligence
artificielle facilite par ailleurs le contrôle du respect des obligations des populations
envers l’état comme ce fut le cas en Chine avec les mesures prises pour éradiquer la
pandémie du Covid. Il faudrait juste une coopération avec l’humain pour intervenir en
cas de situation imprévue. Ainsi, il est possible par l’IA de trouver en partie une
solution aux problèmes d’insécurité (Cartron et al., 5). L’utilisation de l’ordinateur à
l’école, dans les universités virtuelles a permis une réduction du gap numérique, des
apprenants ont augmenté ainsi leurs capacités de documentation et élevé leurs chances
de réussite. L’IA permet donc une réduction de la fracture numérique et des échecs en
donnant la même chance à tous.
23 Les enjeux sont multiples, ils sont d’ordre humain, financier et organisationnel, mais
toutefois il faudra craindre pour le devenir des données personnelles recueillies avec le
respect des droits humains, les clauses de confidentialité et éviter le piratage (Bertucci
et al., 103). Ces données constituent une richesse inestimable pour des individus
malintentionnés qui pourraient les utiliser à d’autres fins ou les commercialiser.
Toutefois, il faudrait une étude approfondie de l’utilisation de l’IA sur la gouvernance
afin de voir son opérationnalisation (Winter et Dodou, 4). Les pays en développement
doivent revoir aussi leurs systèmes scolaires et réorienter leurs stratégies davantage en
direction des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Celles-ci
évoluent de manière exponentielle, influencent de nombreux domaines de la société, et
ce dans le but d’améliorer qualitativement les activités humaines. C’est donc une
technologie d’avenir postmoderniste (Ma, 105) et pour cause des secteurs aussi divers
et différenciés ont fait de l’intelligence artificielle un outil incontournable pour leur
croissance. C’est aussi le cas en science de gestion en ce qui concerne les traitements et
gestion de dossiers, les transferts d’argent, les retraits par carte bancaire, les
informations automatiques de mouvements des comptes, la sécurisation des documents
comptables et autres...
24 Toutes les sociétés du monde qu’elles soient urbaines ou rurales ont recours à
l’intelligence artificielle ; celle-ci semble quotidiennement intervenir dans nos vies en
renforçant notre bien-être. Il n’y a pas un seul domaine des activités de l’homme
hermétique ou insensible à son avancée. L’IA occupe donc une place centrale dans
l’avenir de l’humanité et s’impose de plus en plus comme une technologie futuriste
incontournable. Toutefois, il existe un grand fossé entre les États-Unis, la Chine et les
autres pays notamment ceux des pays en développement en termes de recours aux
nouvelles technologies de communication et pourtant ceux-ci souffrent de problèmes
structurels qui peuvent être rapidement résorbés par l’IA. En effet, les entorses à la
gouvernance plombent leurs développements. Cet article met l’accent sur les avantages
de l’utilisation de l’IA pour améliorer la gouvernance des pays en développement. Dans
notre cas, il s’agit des pays membres de l’UEMOA qui n’arrivent pas à faire face à la
corruption, d’avoir du personnel qualifié dans les zones les plus reculées, de faire des
choix rationnels dans la sélection de certaines personnes, voire de bien gérer les

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dossiers administratifs. Ainsi l’IA est une solution pour pallier au manque de personnel
sanitaire qualifié dans les zones rurales en permettant à des malades de bénéficier
localement de traitement de spécialistes très éloignés parfois. En gestion, les avantages
de l’IA sont multiples. Il faut dire qu’avec les avancées démocratiques et les exigences
des populations pour la satisfaction prompte de leurs affaires, l’IA est la solution idéale.
Du rangement au tri des documents, de la tenue des comptes aux transactions
financières, de multiples services sont offerts, il faut seulement une connexion à un
réseau pour en bénéficier ; sans omettre par ailleurs sa capacité à améliorer la sécurité
des populations avec la reconnaissance faciale. Nous signalerons cependant malgré
toutes ces facilités obtenues grâce à l’IA, que des dispositions doivent être prises par les
différents pays, surtout ceux en voie de développement pour la protection des données
personnelles de leurs citoyens. Ces Etats gagneraient à mutualiser leurs efforts en
matière de recherche, car pris individuellement, aucun parmi eux ne pourrait disposer
de moyens financiers suffisants pour relever tous les défis liés à la sécurisation des
données de masse et à son contrôle. Les pays en développement devraient surtout
coopérer dans le domaine de la recherche pour permettre à leurs ingénieurs d’être au
niveau de ceux des autres pays. Ce sont les conditions justes et équitables de
l’utilisation de l’IA au bénéfice de l’humanité.

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NOTES
1. Plus de 13 fois le nombre total de succursales bancaires et de distributeurs
automatiques de la région pour 12 pays sur 15 pour lesquels les données étaient
disponibles lors de l’enquête sur l’accès aux services financiers (Financial Access
Survey, FAS) en 2016.

RÉSUMÉS
L’intelligence artificielle (IA) est un pilier stratégique pour l’avenir de l’humanité. Dans cette
perspective, cet article s’intéresse aux avantages et potentialités de son utilisation dans les pays
en développement, notamment dans la gouvernance de ceux membres de l’UEMOA. Ainsi, il
convient de souligner que l’IA pourrait améliorer de manière significative la gouvernance des
pays de l’UEMOA en limitant les intermédiations dans les systèmes de collecte ou de paiement et
contribuer ainsi à une meilleure transparence des dispositifs . Elle peut suppléer par ailleurs le

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manque de personnel qualifié, surtout les médecins dans les zones les plus reculées, renforcer
aussi la sécurité par sa capacité à faire respecter la loi dans la mise en place de moyens
d’identification et de contrôle, notamment grâce à la télé caméra avec les reconnaissances
faciales. Toutefois, les pays en développement pour cause de retard technologique n’ont pas la
capacité d’exploiter pleinement l’IA à l’heure actuelle, il leur faudrait donc mutualiser les efforts
et orienter leurs systèmes scolaires à mieux préparer les générations présentes aux futures
mutations et aux enjeux planétaires.

Artificial intelligence (AI) is a strategic pillar for the future of humanity. In this perspective, this
article examines the advantages and potentials of its use in developing countries, particularly in
the governance of those members of UEMOA. Thus, it should be emphasized that AI could
significantly improve the governance of WAEMU countries by limiting intermediation in
collection or payment systems and thus contribute to better transparency of the systems. It also
makes up for the lack of qualified personnel, especially doctors in the most remote areas, it also
strengthens security through its ability to enforce the law in the establishment of means of
identification and control, in particular through the TV camera with facial recognition. However,
developing countries, due to technological backwardness, do not have the capacity to fully
exploit AI at the present time, so they should pool efforts and orient their school systems to
better prepare the present generations for future changes and planetary issues.

INDEX
Mots-clés : Intelligence artificielle ; Gouvernance ; Pays en développement ; UEMOA.
Keywords : Artificial intelligence ; Governance ; Developing countries ; UEMOA
Palabras claves : Inteligencia artificial ; Gobernanza ; País en desarrollo ; UEMOA

AUTEURS
MAMADOU NDIONE
Université de Bourgogne, France

DIÉNE KOLLY OUSSEYNOU DIOUF


Université de Ziguinchor, Sénégal

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L’Intelligence Artificielle au prisme


d’une approche intersectionnelle :
entre négociations et définitions
Artificial Intelligence through the lens of an intersectional approach : between
negotiations and definitions
Künstliche Intelligenz im Lichte eines intersektionalen Ansatzes: zwischen
Verhandlungen und Definitionen

Julie Marques

1 L’impact de l’Intelligence artificielle (IA) sur la société et la manière dont elle peut
automatiser des inégalités sociales n’ont pas toujours été pris en considération. Or,
depuis quelques années, nombre de dénonciations montrent que l’IA n’est pas neutre,
mais bien conçue à partir de nos données, sorte de miroir de notre société (O’Neil,
2018). Dans cette perspective l’IA doit se comprendre en tant que matérialité, c’est-à-
dire Technique1 profondément sociale (Jouët, 2003 ; Van Zoonen, 1992). Elle constitue,
réifie ou modifie, le réel tout autant qu’elle est construite par ce dernier. Le monde
social et l’IA en cela se co-construisent.
2 Afin d’appréhender la gouvernance de l’IA au prisme d’une approche intersectionnelle,
nous commençons par démontrer que l’IA n’est pas neutre, notamment en
l’appréhendant au prisme d’une approche intersectionnelle. Nous montrons ensuite
que face aux enjeux et problématiques posés par l’IA différentes formes
d’autorégulation sont déployées pour favoriser le développement d’une IA dite
inclusive, non-sexiste ou égalitaire. Tout en analysant la manière dont ces instruments
ouvrent un espace de négociation entre différentes instances dont les enjeux sont
hétérogènes.
3 Cette recherche s’appuie sur dix-huit mois d'observations au sein de différents groupes
de réflexions dont l’objectif est de produire des instruments d’autorégulation en
matière d’IA au prisme du genre, que nous complétons par des entretiens

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compréhensifs auprès des personnes qui produisent ces instruments, afin de


comprendre leurs représentations et intentions (Kaufmann, 1996).
4 Le terrain est rendu accessible grâce à la posture de recherche au sein d’une entreprise
de télécommunication, structure dans laquelle différents acteurs et actrices
s’interrogent sur les politiques et pratiques à mettre en place afin de favoriser une
gouvernance de l’IA éthique, voire égalitaire. La recherche dans sa globalité interroge
les dispositifs de gouvernance de l’IA mis en place par le secteur privé pour éviter la
reproduction des inégalités et oppressions, ainsi que la manière dont ceux-ci se
déploient dans l’organisation et les équipes techniques.

Matérialité de l’Intelligence artificielle : l’approche


intersectionnelle pour sortir de l’apparente neutralité
de la Technique
5 Pour commencer, la notion de genre est un préalable théorique, au prisme duquel nous
appréhendons la Technique. Le genre fait référence à la construction sociale du sexe et
du genre, des rôles et valeurs qu’on leur attribue socialement et qui ne relèvent pas de
l’inné. Il est un processus de différenciation et de hiérarchisation (Kergoat, 2010). C’est
un rapport de pouvoir à l’intersection de diverses formes de marginalisation et
systèmes d’oppressions qui varient selon les contextes sociaux, géographiques et
historiques. Il est avec les rapports sociaux : « multiples et déterminées simultanément et de
façon interactive par plusieurs axes d’organisation sociale significatifs » (Bilge, 71). Notre
approche est intersectionnelle et montre que l’articulation de plusieurs catégories
telles que le genre, la race2, la classe, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, et bien
plus, renvoient à différentes expériences d’oppression et de marginalisation.
L’intersectionnalité : « est une théorie transdisciplinaire visant à appréhender la complexité
des identités et des inégalités sociales par une approche intégrée. Elle réfute le cloisonnement et
la hiérarchisation des grands axes de la différenciation sociale » (Bilge, 70). Nous analysons
de fait l’IA et ses dispositifs de (auto-)régulation en prenant en compte la co-
construction et l’imbrication des rapports de pouvoir, qui avec ou à travers elle se
jouent forcément aussi.
6 Ainsi l’IA, parce qu’ elle n’est pas neutre, doit être entendue dans sa dimension
matérielle, idéologique, institutionnelle et historique, dans une perspective qui permet
de comprendre les conditions de production des rapports de pouvoir dans la technique
(Cockburn, 1981). Cela renvoie au concept « d’engendrement des choses » (Chabaud-
Rychter et Gardey, 2002), d’engendrement des machines et systèmes qui constituent la
technique. Le concept signale à quel point la technique est éminemment politique et
sociale (Winner, 1980). De fait, elle est porteuse d’idéologies ; est une manière de
réguler, de normer et d’ordonner le monde, en adoptant de la technique : « on adopte
généralement de l’économique, du social et du politique » (Chabaud-Rychter et Gardey, 15).
On sort ainsi d’une conception déterministe de la technique, de même que d’une
dichotomie entre technique et société pour penser le réseau qui façonne et mobilise :
« toute la cohorte des non-humains qui constituent au même titre que les humains, notre espace
social. » (Akrich, 128). Cette conceptualisation permet une critique féministe de la
neutralité de la technique et souligne l’imbrication de celle-ci dans les rapports sociaux
de sexe, de race et de classe. C. Cockburn avait d’ailleurs analysé le fait que le pouvoir

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masculin est maintenu grâce à une co-construction entre valeurs masculines qui
constituent la technique et technique qui renforce la masculinité. Analyse confortée
par le fait, qu’au XVIIe siècle, la construction de la figure du scientifique objectif et
modeste vient renforcer la dichotomique entre : femmes/hommes, nature/culture et
subjectivité/objectivité. Ce modèle a pour conséquence une absence des femmes, voire
l’interdiction de leur présence dans les domaines scientifiques, ce qui marque
durablement les sciences et techniques comme discipline masculine (Haraway, 1991).
Cette construction des sciences et l’imbrication dans les artefacts et la technique des
rapports sociaux impactent la construction du domaine, qui symbolise une certaine
culture masculine.
7 Le domaine technique, qui construit l’IA, par le manque de diversité 3 qu’il représente,
donne à voir des systèmes de pouvoir qui sont à l’oeuvre dans sa construction, mais
aussi la diffusion de sa culture ou de ses usages. De fait, tout autant qu’elle diffuse les
rapports sociaux liés au sexe, elle intègre également ceux liés à la race ou à la classe
(Mohamed et al, 2020). Sans compter que le secteur d’activité technique est en majeure
partie constitué d’hommes cis blancs (Chang, 2018 ; Collet, 2019). Cette diffusion d’une
Technique constituée par et pour un groupe social, construit en tant que norme
dominante, marginalise tout autre groupe qui devient autre ou outsider par rapport au
domaine (Delphy, 2008 ; Sénac, 2019). Ces rapports sociaux divisés entre dominant.e.s
détenant et construisant la Technique, et dominé.e.s la subissant, forme selon nous un
« capital technique » dont chacun.e ne dispose pas de la même manière selon son
groupe social. Le capital technique est perçu dans un sens bourdieusien de capital
social, c’est-à-dire : « [les] ressources, pour accroître ou conserver leur position à l’intérieur de
la hiérarchie sociale et bénéficier de privilèges matériels et symboliques qui y sont
attachés » (Méda, 36). Dans une perspective où la Technique est une forme de capital
économique, culturel et social. Il s’agit alors pour les personnes d’obtenir des
connaissances formelles et informelles de la Technique déployée, mais aussi de la
possibilité pour elles.eux d’(inter)agir avec/sur cette Technique qui (leur) est imposée
comme outil de gouvernance, d’organisation du monde et par affiliation des instances
de pouvoir. Avec le développement transverse de la Technique l’absence de capital
technique devient une impossibilité d’obtenir pour certain.e.s une participation dans la
transformation des rapports sociaux, les privant d'une capacité d’action 4 et d’une
parité de participation5, et donc d'une justice sociale (Fraser, 2011).
8 Sans compter qu’une capitalisation des savoirs et des dires sur la Technique est
exercée par les pays du Nord, qui peuvent alors imposer leurs idéologies sur ceux des
Suds6. Cette imprégnation des rapports sociaux de race dans l’IA est notamment
analysée dans l’article « Decolonial AI: Decolonial Theory as Sociotechnical Foresight in
Artificial Intelligence » de Mohamed et al, 2020. Il souligne la nécessité de penser l’IA
selon une approche décoloniale pour ne pas invisibiliser et reproduire les rapports de
domination des blanc.he.s sur les non-blanc.he.s7. Dans ce sens, l’IA prend la forme d’un
néo-colionalisme — les auteur.rice.s parlent d’algorithmes néo-coloniaux 8 — puisqu’ils
favorisent : « the continuation of power dynamics between those advantaged and
disadvantaged by “the historical processes of dispossession, enslavement, appropriation and
extraction » (Mohamed et al, 5). L’un des problèmes étant notamment que l’IA ignore les
contextes locaux et souvent des Sud (Mohamed et al, 2020 ; Wong, 2020), produisant
une analyse globale et normative de/par l’IA, ainsi « AI algorithms can quickly ingest,
perpetuate and legitimise forms of bias and harm » (Mohamed et al, 2020). Il faut donc
prendre en compte qui détient les savoirs, les faire et les dires de/sur l’IA, pour

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analyser comment et dans quelles mesures celle-ci réitère les rapports sociaux :
« whereas in a previous era, the intention to deepen racial inequities was more explicit, today
coded inequity is perpetuated precisely because those who design and adopt such tools are not
thinking carefully about systemic racism » (Benjamin, 2019 cité par Mohamed et al, 4). De
plus, le « capital technique » n’est pas qu’un savoir et un dire, mais c’est aussi un bien,
soit la possibilité pour les uns de capitaliser les biens physiques et monétaires ou
monétarisables de la Technique, et par affiliation de détenir le capital technique en tant
que savoir, faire et dire (Foucault, 1977 ; Haraway, 2020). Ainsi : « ‘ICTs are not
instruments for material gains alone’ but can be understood as a ‘new set of capabilities’, and so
a lack or limited access to ICTs is a form of ‘capability deprivation’« (Cummings and O’Neil, 1).
L’IA instruit des normes et (re)produit des schèmes de pouvoir, tout en favorisant la
subordination de certains groupes. Son analyse au prisme d’une approche
intersectionnelle rend compte de son impact macro-social, faisant d’elle une « matrice
de la domination » (Bilge, 73), car elle est une forme d’organisation sociale, de système,
mais aussi de son impact micro-social, producteur de « formes particulières […]
[d’]oppressions imbriquées dans l’expérience vécue des individus » (Bilge, 2009 : 73), entre
autres en imposant des schémas normatifs globaux issus de groupes sociaux dominants.
9 Une des inquiétudes concernant l’IA provient notamment des biais qu’on trouve dans
cette Technique, qui réitèrent, voire renforcent les inégalités, et peuvent aussi être
entendus comme ce que S. U. Noble nomme des « oppressions algorithmiques » 9. On peut
prendre l’exemple de COMPAS, système de définition des peines d’emprisonnement,
utilisé aux États-Unis. Cette IA est critiquée pour son caractère raciste. En effet, elle
attribue des peines plus lourdes pour les personnes racisées, car elle considère que leur
risque de récidive est plus élevé que pour les personnes non-racisées. Le système
s’appuie sur les peines données par le passé et automatise le racisme systémique.
10 La prise de conscience de l’impact de l’IA sur les rapports sociaux pose la question des
instruments déployés pour réguler cette Technique, les normes mises en place et les
instances qui en dessinent les contours.

Quels instruments pour (auto)réguler les formes


d’oppressions liés à l’IA ? : normes, négociations et
limites
11 Suite à ce type de scandales, différentes organisations soul èvent le sujet d’une
gouvernance de l’IA éthique. Ainsi depuis 2017, une multitude d’organisations travaille
sur le sujet de l’éthique de l’IA (Jobin et al, 2019). Ces instances semblent vouloir venir
en renfort d’un certain « vide juridique », bien que l’IA ne présente aucune
particularité qui la dispenserait de répondre aux lois en matière de respect des droits et
libertés fondamentaux, de traitement des données ou des lois contre les
discriminations. Cette prolifération de recommandations, principes, chartes, lignes
directrices laisse entrevoir des formes de négociations pour la gouvernance de l’IA.
Dont la justice, la non-discrimination, l’égalité ou l’équité sont considérées comme l’un
des piliers (Jobin et al, 2019).
12 Cependant, il reste à interroger en quoi consiste cette gouvernance éthique de l’IA ?
Comment est-elle négociée et définie entre les différentes instances, pour quels effets,
voire quelles limites ?

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13 Si l’on interroge les effets des instruments d’autorégulation pour une gouvernance de
l’IA éthique, on peut commencer par signaler que déterminer ou influencer cette
gouvernance a des incidences sociales, politiques, économiques et juridiques. Ces
négociations relèvent de ce que B. Latour nomme des controverses, au sens où elles
permettent de définir ce qu’est l’IA éthique ou ce qu’elle devrait être, mais où les
définitions publiées pour le moment sont très disparates (Jobin et al, 2019), et relèvent
de processus de production de savoirs sur l’IA.
14 La gouvernance de l’IA est sujette à négociations, parce que la technique, sa
construction, sa régulation et les usages qui en découlent sont imbriqués. Ces
négociations peuvent prendre place entre les gouvernements ou organismes
supranationaux, au travers de procédures de régulation ou encore au sein des
organisations privées avec des formes d’autorégulation. Les instruments produits dans
ce cadre s’apparentent à des énoncés de soft law ou droit souple et se caractérisent par
une hétérogénéité de formes, mais aussi d’effets, bien que ceux-ci soient marqués par
une diminution de la pression législative, passant du coercitif dans la hard law à du
volontarisme avec la soft law. Ils constituent des normes en cours d’élaboration dont la
« formulation est un enjeu crucial : il s’agit avant tout de se mettre d’accord sur ce qu’est la
norme, ce qu’elle fait, et comment, donc, on peut la qualifier » (Sire, 54). Ces négociations
pour la gouvernance de l’IA relèvent alors d’une forme de « gouvernementalité » telle
que définie par M. Foucault (1977), parce qu’elles s’inscrivent dans des rapports de
force pour définir/détenir : « l’interaction de formes de savoir, de stratégies de pouvoir et de
modalités de subjectivation. » (Lemke, 18). Cette notion permet d’appréhender deux
approches complémentaires de la gouvernance de l’IA, en interrogeant la gouvernance
de et par l’IA :
15 - La gouvernance de l’IA analyse comment se met en place ce que A. Rouvroy et T. Berns
nomme « gouvernementalité algorithmique », qui en dessine les contours et comment ils
sont négociés entre les différentes instances,
16 - tandis que la notion de « gouvernementalité algorithmique » appréhende la gouvernance
par l’IA c’est-à-dire le fait que la numérisation de la société et le recours à l’IA dans
toutes les strates de celle-ci devient une technique de gouvernement.
17 Ces instruments produisent une circulation des idées et des concepts, rappelant ainsi ce
que M. Foucault analyse avec la gouvernementalité, c’est-à-dire le fait que le droit n’est
pas autopoïétique, mais s’inscrit dans un ensemble de pratiques et productions
existantes, dans des négociations entre différents acteur.rice.s avec des enjeux
hétérogènes. Ils font également transparaitre les intérêts économiques, étant donné
que les instances du privé jouent un rôle croissant dans la production de ces énoncés et
dans la définition des normes : « Private sector actors are responsive to and seek to develop
commercial opportunities across national boundaries and are increasingly a part of the global
system's mechanisms and dynamics of cyberspace control. […] their decisions can have major
consequences for the character of cyber space and are examples of the growing exercise of
private authority in world politics. » (Deibert et Crete-Nishihata, 340). Ce que l’on observe
également sur la place du droit dans la gouvernementalité, puisque celui-ci au-delà de
jouer un rôle d’ordre juridique et politique évident, joue également un rôle économique
de par ce qu’il permet ou sanctionne, cautionne ou puni. Avec ces négociations, sous
forme de production d’énoncé de soft law, et dont l’objet est de définir l’IA éthique,
voire l’IA égalitaire, ce sont à la fois des enjeux sociaux, juridiques, politiques et
économiques qui transparaissent.

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18 Dans le cadre de la recherche, nous avons observé l’apparition de trois instruments, en


France, entre 2020 et 2021, qui ont pour objectifs d’éviter la production de
discriminations ou inégalités par l’IA. Bien qu’ayant des objectifs similaires, ils ne
procèdent pas de la même manière, n’ont pas les mêmes outils et n’utilisent pas les
mêmes termes pour traiter de l’IA et du genre. Ces instruments sont :
19 - la Charte internationale pour IA inclusive d’Arborus et Orange 10 et le label GEEIS AI 11. La
charte stipule n’être qu’une première étape en vue d’un engagement de la structure
signataire à se faire labeliser GEEIS AI. Le label certifie l’engagement et les actions
menées par l’entreprise en faveur d’une « IA éthique et inclusive » 12. Ce label vise « les
politiques de ressources humaines en faveur de l’égalité des chances envisagées sous l’angle de
l’IA [et] représentent une étape de plus dans la construction d’une stratégie inclusive et
éthique. »13.
20 - Ensuite, le Pacte pour une intelligence artificielle égalitaire entre les femmes et les hommes du
laboratoire de l’égalité14. Il s’agit d’un document dont l’objectif est d’interpeller les
différentes instances publiques et privées des risques que présente l’IA en matière
d’égalité femmes-hommes. Il propose des actions pour éviter que l’IA ne reproduise les
inégalités, et pour faire de cette technique : « un moteur de l’égalité entre les femmes et les
hommes »15. Il aborde la nécessité d’engager les acteurs de l’IA pour en faire une
technique non sexiste et éthique, ainsi que l’importance de la mixité dans les métiers
de l’IA.
21 - et enfin Le Pacte « femmes et IA » pour une Intelligence artificielle responsable et non-sexiste
par le groupe de travail « femmes et IA » du Cercle InterElles 16. Les principes du Pacte
reprennent particulièrement le vocabulaire de l’IA éthique et responsable, ce qui relève
d’un glissement sémantique et conceptuel du champ de l’éthique de l’IA vers celui de
l’IA au prisme du genre.
22 Ces instruments pour une gouvernance de l’IA au prisme du genre s’inscrivent dans
l’ensemble de productions plus vaste sur la gouvernance éthique de l’IA mentionné
auparavant. Ils constituent des instruments de négociation, de définitions et de
normalisation de cette Technique.
23 Ils sont des formes d’autorégulation mises à disposition des instances utilisatrices et
productrices d’IA, tout particulièrement du secteur privé. Les propositions s’inscrivent
dans l’un des 11 principes d’éthique en matière d’IA relevés par Anna Jobin, et qui est
celui de « fairness, justice and equity » (Jobin et al, 2019).
24 Les instruments contiennent des recommandations relativement similaires, bien que
formulées différemment. Toutefois, les terminologies pour définir la gouvernance de
l’IA au prisme du genre diffèrent. Les entretiens effectués auprès des personnes
productrices de ces instruments révèlent que ces expressions recouvrent divers
techno-imaginaires (Musso, 2020). Ainsi le Laboratoire de l’égalité préfère l’expression
d’IA égalitaire, voire d’IA à l’éthique égalitaire, définie par une représentante, comme
« une IA qui va intégrer les femmes dans tous les types de processus [...] au même titre que les
hommes et sans aucune discrimination liée au genre. [...] une IA qui va être aussi tournée vers le
durable et donc qui va être éthique ». Le Cercle InterElles parle d’IA non-sexiste, la
représentante du groupe interrogée la définit comme : « une IA qui ne renforce pas les
biais déjà existants dans la société et qui n’en crée pas de nouveau et non seulement des biais,
mais aussi des discriminations. [...] c’est une IA dont la production et l’utilisation ont été
étudiées, dans lequel il y a une action pro-active pour éviter qu’elle le soit. ». Enfin, Arborus

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utilise le terme d’IA inclusive, qu’une des représentantes considère comme une IA qui :
« ne laisse personne sur le bord du chemin. [...] qui va prendre en considération le fait qu’à
compétences égales on ne va pas discriminer d’aucune façon. En même temps, une IA inclusive
doit prendre en considération, si besoin est, des politiques stratégiques de ressources
humaines. ». De plus, l’expression « IA inclusive » ne suppose pas qu’une appréhension
du genre, mais inclusion signifie « qu’on va aussi parler de l’élimination potentielle qu’un
logiciel pourrait faire sur le handicap, sur l’âge, sur ton origine, etc. Et donc l’inclusion est
beaucoup plus globale ». On s’aperçoit de fait que les différentes structures utilisent des
termes différents pour parler d’IA au prisme du genre et que celles-ci portent des
philosophies, techno-imaginaires (Musso, 2020) différents et par affiliation des normes
qui diffèrent. Ces organisations travaillent actuellement ensemble pour mieux
comprendre leur complémentarité, ce qui rejoint le fait que ces instruments produisent
des formes de négociations en vue d’établir des normes techniques, dont l’acceptation
ou le rejet aura des conséquences sur la manière dont l’IA est conçue et évolue. La
définition qui va être adoptée a un impact sur ce qui va ensuite être considéré comme
juste. Elle porte des formalisations techniques de « justice » qui peuvent différer et
donc définir quelle IA est qualifiée de juste ou non. Il a d’ailleurs été démontré par
l’analyse des applications des différentes définitions de « Fairness » dans l’IA, que
l’algorithme peut être considéré comme « fair » ou non en fonction de la définition
choisie (Verma & Rubin, 2018).
25 De plus, la gouvernance de l’IA au prisme du genre telle que proposée actuellement par
les organisations présente certaines limites. Ainsi les observations montrent que ces
instances partent d’un même principe qui est que l’élimination des inégalités liées au
genre produira une élimination des autres formes d’oppressions. Il s’agit d’une
formalisation des inégalités cumulative ou additionnelle. Or il a bien été démontré que
lorsqu’il s’agit de dépasser les inégalités, on ne peut les cloisonner ou les hiérarchiser,
seule l’abolition de toutes les oppressions assure leur anéantissement et cette analyse
est valable pour les oppressions algorithmiques (Hampton, 2021). Dans les instruments
présentés, le traitement, dans un premier temps, du genre est perçu comme une
« gestion des priorités » et le fait de traiter le genre dans la « diversité » est analysé
comme un risque de « dissoudre » l’égalité femmes-hommes dans la diversité. Par
ailleurs, le terme d’inclusion ne dépasse pas forcément cette approche cumulative
puisqu’il suppose aussi une invisibilisation de la multitude des vécus dans une globalité.
Une approche intersectionnelle des formes d’oppressions produites par l’IA est
nécessaire et assure la prise en compte de tous les contextes et vécus, tout en mettant
en lumière le fait que celles-ci sont systémiques. Ainsi dans la production d’instruments
en faveur d’une justice sociale pour tou.te.s, une approche prenant en compte le genre
comme « base » de production de l’oppression est insuffisante pour construire une « IA
juste », l’approche intersectionnelle permet, elle, de comprendre : « que la domination est
par nature “intersectionnelle” : il n’y a pas d’additionnelle viable » (Drolin et Bidet-Mordel,
6). Considérer ainsi la formalisation de l’IA assurerait une production juste de cette
dernière, tout en garantissant qu’elle prend en compte les groupes marginalisés, la
réalité de leur vécu, sans imposer une approche globale et globalisante qui ne ferait que
perpétuer des formes d’oppression (Haraway, 2007).
26 Avec la multiplication des inquiétudes et alertes sur les risques que présente l’IA pour
l’humanité et plus particulièrement pour les minorités et personnes historiquement
marginalisées et subissant l’oppression, on semble avoir dépassé l’idée que cette
technique serait objective. Au contraire, celle-ci est un reflet de la société et donc de

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ces rapports sociaux. L’IA perpétue la production de système d’oppression sans une
attention particulière à la manière dont elle est développée et déployée. En réaction, de
nombreuses recommandations sur l’éthique de l’IA ont été publiées, ainsi que des
instruments dédiés à la gouvernance de l’IA au prisme du genre. Ces instruments font
transparaitre les enjeux de pouvoir qui peuvent être imbriqués dans la Technique et
l’importance qu’il y a à définir une gouvernance de l’IA pour différentes instances avec
des objectifs hétérogènes. Les instruments proposés par trois organisations en faveur
d’une gouvernance de l’IA au prisme du genre entrent dans ces formes de négociation
et présentent des enjeux importants en matière de définition, de norme et de techno-
imaginaires. Il est toutefois nécessaire de sortir d’une approche cumulative des
inégalités et penser la complexité des expériences par une approche intersectionnelle
qui permette d’abolir les oppressions algorithmiques.

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NOTES
1. Nous empruntons la graphie à J. Ellul (1954). Elle se réfère au phénomène de production de la
Technique dans son ensemble, tout en considérant celle-ci comme l’un des risques majeurs pour
les libertés humaines. Nous intégrons l’IA dans cette terminologie.
2. Le terme « race » est utilisé dans un perspective critique, il est utilisé pour venir nommer : « un
rapport de pouvoir qui structure, selon des modalités diverses en fonction des contextes et des époques, la
place sociale assignée à telle ou telle groupe au nom de ce qui est censé être la radicale altérité de son
origine. » (Mazouz, 2020).
3. Bien que la diversité ne soit pas un gage d’égalité ou de non-discrimination.
4. La capacité d’action est pensée en termes d’agentivité ou d’agency dans sa terminologie anglo-
saxonne. Nous le définissons comme une : « capacité à agir par-delà les déterminismes qui font, disait
Merleau-Ponty, « qu’il est agi par des causes hors de lui », sa capacité à se conformer certes, mais également
celle de résister, de jouer et déjouer, de transformer. » (Guilhaumou, 12).
5. La parité de participation doit être entendue comme une des conditions nécessaires à la justice
sociale telle que conceptualisée par N. Fraser (2004), qui allie redistribution et reconnaissance.
6. Réactualisant encore une fois une domination du Nord sur les Suds dans une démarche qui
peut être qualifiée de post-coloniale.

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7. Lorsque nous parlons de blanc.he.s, nous faisons référence aux travaux sur la blanchité. « Dans
cette perspective, quand on utilise les expressions « personnes non blanches » ou « personnes blanches », on
ne cherche pas à caractériser la couleur de peau, mais à désigner la position sociale que les unes et les
autres occupe en fonction de la manière dont les processus de rationalisation opère dans un contexte
particulier. » (Mazouz, 37).
8. Traduit de l’anglais « algorithmic coloniality » (Mohamed et al, 7).
9. Traduit de l’anglais : « algorithmic oppression » (Noble, 2018)
10. « Arborus Orange ». https://charteia.arborus.org/.
11. Bureau Veritas France. « Gender Equality & Diversity for European & International
Standard ». Consulté le 17 mars 2021. https://www.bureauveritas.fr/besoin/gender-equality-
diversity-european-international-standard.
12. Idem.
13. Idem.
14. « Le Laboratoire de l’égalité ? | Le laboratoire de l’égalité ». Consulté le 15 mars 2021. https://
www.laboratoiredelegalite.org/qui-sommes-nous/.
15. Idem.
16. « FEMMES & IA : LE PACTE | ». Consulté le 22 mars 2021. http://www.interelles.com/femmes-
et-ia/femmes-ia-les-chartes-ia-et-ethique-femmes-et-ia.

RÉSUMÉS
Nous proposons de présenter une réflexion sur l’Intelligence Artificielle (IA) au prisme du genre,
de la classe et de la race, dans une approche intersectionnelle qui questionne l’apparente
neutralité de cette Technique. L’objectif étant de mettre en visibilité les différents impacts de ces
technologies sur les rapports sociaux, notamment en démontrant que l’IA est une Technique
intrinsèquement sociale, idéologique et politique. Penser l’IA en co-construction avec la société
permet d’éviter de tomber dans un « maths washing » invisibilisant les rapports de pouvoir sous
couvert d’objectivité mathématique et d’interroger les dispositifs mis en place par les différentes
organisations pour veiller à ce que cette Technique n’automatise pas les injustices et inégalités.

We propose to present a reflection on Artificial Intelligence (AI) through the prism of gender,
class and race, in an intersectional approach that questions the apparent neutrality of this
Technique. The objective is to make visible the different impacts of these technologies on social
relations, notably by demonstrating that AI is an intrinsically social, ideological and political
Technique. Thinking AI in co-construction with society allows us to avoid falling into a "maths
washing" that makes power relationships invisible under the disguise of mathematical
objectivity, and to question the mechanisms put in place by the different organizations to ensure
that this Technique does not automate injustices and inequalities.
Wir schlagen vor, die Künstliche Intelligenz (KI) aus der Perspektive von Geschlecht, Klasse und
Rasse zu betrachten und dabei einen intersektionalen Ansatz zu verfolgen, der die scheinbare
Neutralität dieser Technik in Frage stellt. Ziel ist es, die verschiedenen Auswirkungen dieser
Technologien auf die sozialen Beziehungen sichtbar zu machen und insbesondere zu zeigen, dass
die KI eine inhärent soziale, ideologische und politische Technik ist. Wenn man KI in Ko-
Konstruktion mit der Gesellschaft denkt, kann man vermeiden, in ein "maths washing" zu
verfallen, das Machtverhältnisse unter dem Deckmantel mathematischer Objektivität unsichtbar

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macht, und die Vorkehrungen hinterfragen, die von verschiedenen Organisationen getroffen
wurden, um sicherzustellen, dass diese Technik Ungerechtigkeiten und Ungleichheiten nicht
automatisiert.

INDEX
Mots-clés : genre ; intersectionalité ; biais ; (auto-)régulation
Keywords : gender ; intersectionality ; bias ; (self) regulation
Schlüsselwörter : Gender ; Intersektionalität ; Bias ; (Selbst-)Regulierung

AUTEUR
JULIE MARQUES
Université Rennes 2, Laboratoire PREFICS

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Les solidarités territoriales à l’aune


de l’intelligence artificielle : quelle
fonction pour le droit ?
Territorials solidarities in the light of artificial intelligence : what function for
the law ?
Solidaridades territoriales a la luz de la inteligencia artificial : ¿qué función tiene
la ley ?

Julien VIEIRA

1 Si l’intelligence artificielle (IA) n’en finit plus de conquérir le monde privé de


l’entreprise, l’administration publique n’est pas en reste dans la transformation de ses
pratiques par le recours à cette technologie en plein essor.
2 Pouvant se définir comme l’« ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de
réaliser des machines capables de simuler l'intelligence » 1, l’IA constitue l’un des derniers
épisodes de la révolution numérique (Vieira, 2019, 130-144). De fait, cette technologie
constitue tant un frein qu’un élément facilitateur de la mise en œuvre des libertés
fondamentales : le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à la sécurité, la liberté
d’entreprendre, l’accès à la justice ou encore le droit à la vie privée sont par exemple
directement concernés. Cette ambivalence ne manque pas d’occuper le débat public
(Barthe, 2017, 23-24).
3 L’arrivée de l’IA dans les collectivités territoriales permet de s’interroger plus
particulièrement sur la bonne administration des services publics français ainsi que sur
la mise en œuvre des préceptes encadrant le fonctionnement de ces derniers : la notion
de solidarité a indéniablement une place au sein de ces questionnements. La doctrine
juridico-politique du solidarisme constitue tant l’un des fondements de la V e
République française (Amiel, 2009, 149-160) qu’« une transformation profonde du droit
public français » et de la théorisation du service public (Borgetto, 1993, 369). La pensée
solidariste prend sa source dans les travaux de Léon Bourgeois (Bourgeois, 1902) ainsi

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que dans ceux du juriste bordelais Léon Duguit considérant le service public comme un
facteur de lien social.
4 La conception de l’École de Bordeaux base l’action administrative sur la notion de
service public (Duguit, 1927, 59). En envisageant le service public comme notion
fondamentale du droit administratif, Léon Duguit le considère comme le ciment des
relations entre l’État et les citoyens. Le service public est, selon lui, facteur de lien
social. Ce raisonnement amène à affirmer que l’État ne doit pas être uniquement
considéré comme une entité dotée d’une puissance, il doit être lui-même soumis à un
ensemble de finalités qu'il a le devoir de remplir (Brunet, 2014, 21- 39) Selon cette
assertion, il y aurait donc une interdépendance sociale incarnée par une solidarité
entre individus, mais également entre les générations.
5 Par extension, cette théorie a connu des prolongements à travers la notion d’usager du
service public qui a pu être défini par certains auteurs comme « celui dont la satisfaction
est l’objet même du service » (Laroque, 1933, 15). De fait, le lien social généré par le service
public est synonyme de droits du citoyen dont l’administration est débitrice ainsi que
de l’exigence d’un rapprochement de l’usager et de l’administration dans leurs
relations. Cet aspect de la théorie de Léon Duguit constitue un apport important dans la
mesure où il préfigure ce que l’on nomme la démocratie administrative supposant des
droits et des devoirs pour l’usager du service public, le citoyen administratif (Dumont,
2002, 108-110). Ce raisonnement ne s’applique pas seulement à l’État, mais également à
l’ensemble des entités gouvernantes en son sein comme les collectivités territoriales ou
les établissements publics.
6 Face aux risques que l’intelligence artificielle fait peser sur les droits des citoyens,
usagers du service public, il est dans ce cas légitime de se demander ce qui reste des
éléments de la pensée solidariste. Plus exactement, cette thématique permet de
s’interroger sur l’impact que peut avoir l’IA sur le maintien de cette théorie qui irrigue
l’ensemble de l’action administrative. Si le recours à cette technologie est, à de
nombreux égards, synonyme d’efficacité dans la mise en œuvre des politiques de
service public, il convient d’apprécier ses effets sur les droits des citoyens et sur leur
satisfaction en tant qu’usager.
7 Comme dans de nombreux domaines en plein essor et dont les contours ne sont pas
suffisamment définis, le droit révèle toute sa fonction de remparts aux dérives que les
nouvelles technologies peuvent engendrer. Il s’agit donc, dans le contexte de
l’administration territoriale, de comprendre le rôle que le droit peut remplir face à
l’essor de l’IA de manière à lutter tant contre les atteintes aux droits et libertés
fondamentaux que contre la disparition du précepte fondateur de solidarité.
8 Deux interrogations peuvent alors s’imposer au vu de cette problématique : il est
important de s’interroger sur la place du solidarisme face aux enjeux juridiques
territoriaux du service public par l’IA (I) et de réfléchir au rôle joué par le droit de l’IA
dans la mise en œuvre des solidarités territoriales (II).

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Les enjeux juridiques territoriaux du service public par


l’IA : quelle place pour le solidarisme ?
L’essor progressif de l’IA dans l’administration des collectivités
territoriales

9 Depuis la remise au gouvernement en 2018 du rapport de Cédric Villani, Donner un sens


à l’intelligence artificielle. Pour une stratégie nationale et européenne, le développement de
l’IA n’a cessé de se développer au sein du fonctionnement de l’administration de l’État
(Nessi, 2019, 30-35). Ainsi en conditionnant l’exemplarité de l’État au développement de
l’IA au sein de l’administration, Cédric Villani préconisait dans son rapport que « de
même que les entreprises, l’État doit également se transformer afin d’être en mesure d’intégrer
l’IA à la conduite des politiques publiques » (Villani, 2018, 62).
10 Forte de ces recommandations, la France a développé une stratégie basée sur l’arrivée
de l’IA au sein des administrations. Ainsi l’État a, par exemple, prévu le financement de
différents projets. Il a ainsi prévu le versement de 100 millions d’euros par an de 2019 à
2025 au sein du ministère des armées afin que ce dernier développe l’apport de l’IA
dans l’aide à la décision et à la planification, le renseignement, le combat collaboratif, la
robotique et le cyberespace2. En outre, des outils d’IA ont été peu à peu déployés au sein
du ministères des finances publiques. D’autres exemples de cette propagation de l’IA
dans les services de l’État peuvent être pris à l’image de l’Agence française pour la
biodiversité (ministère de la Transition écologique) qui utilise également l’IA dans le
but de repérer des contrôles environnementaux non conformes et de les éviter pour
l’avenir. En s’appuyant sur des données environnementales, l’IA peut ainsi prédire des
contrôles non conformes.
11 S’étant vu confier la mission d’accompagner les territoires dans leur transition vers la
numérisation du service public, la Banque des territoires a réalisé en 2019 une étude
sur l’IA et les collectivités. À la suite d’une enquête nationale, cette institution a
constaté que malgré la présence encore timide de l’IA au sein des services des
collectivités, cette technologie tend à se développer assez rapidement à l’instar des
entreprises privées (Banque des territoires, 2019, 14). C’est ainsi que l’IA s’est
développée dans de nombreux domaines des services territoriaux comme les
transports, l’enseignement, l’environnement, l’agriculture, la relation avec les citoyens,
le social, la prévention des risques, l’urbanisme, la santé, les sports ou encore la culture.
12 Au final, les contextes européen et français liés au développement de divers projets et
règlementations sont favorables au développement de l’IA au sein des collectivités
territoriales. Ce contexte constitue en effet un terreau fertile pour l’établissement de
cette technologie au cœur des services publics territoriaux. Cependant, la présence
grandissante de l’IA comporte son lot d’inquiétude et de risque tant du côté de
l’administration que des citoyens en ce qui concerne la bonne mise en œuvre du service
public ainsi que le respect des libertés de chacun. Par conséquent, les enjeux quant au
maintien de la doctrine solidariste et plus particulièrement la survivance du lien social
en découlant se trouvent au centre des questions d’IA dans les collectivités
territoriales.

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Les solidarités territoriales à l’épreuve de l’intelligence artificielle

13 Si l’on se fie au rapport de la Banque des territoires de 2019, l’utilisation de l’IA par les
collectivités territoriales a principalement pour objet « la recherche d’efficacité et
d’optimisations » des services (Banque des territoires, 2019, 14). Force est de constater
que le déploiement de l’IA a principalement pour but de faciliter la relation entre les
citoyens et l’administration. L’IA étant bien souvent, dans ce contexte, conçue comme
un outil d’aide à la décision axé sur la collecte de données, l’enjeu premier de son usage
repose sur « une amélioration du service rendu aux citoyens et/ou aux agents et une économie
pour la collectivité territoriale » (Banque des territoires, 2019, 15).
14 Cette volonté d’améliorer la relation usager /administration se caractérise notamment
par la création de chatbots. Pouvant être également qualifié d’« agent conversationnel »,
ce type de logiciel permet d’avoir une conversation en ligne avec un robot afin que ce
dernier réponde aux diverses questions posée par l’usager à l’écrit (dans le cas des
chatbots) (Baudoin , 2020). Par exemple la communauté de communes Cœur Côte Fleurie
à Deauville3 a mis en place depuis 2018 sur son site internet une technologie nommée
Sophie qui a pour fonction de dialoguer avec les usagers. Ce chatbot permet aux
citoyens d’avoir des informations sur les déchets, l’eau, le signalement ou sur
l’institution intercommunale elle-même.
15 Ainsi, on peut penser que l’usage de l’IA dans l’optique d’une meilleure qualité du
service public et d’un rapprochement entre l’usager et l’administration est en parfaite
adéquation avec les préceptes du solidarisme basé sur la satisfaction du citoyen et la
création du lien social.
16 Cependant le recours au chatbot dont le fonctionnement repose en grande partie sur la
collecte de données pose de nombreuses questions en matière de droit des données et
de la réutilisation de celles-ci. Outre le chatbot, certaines collectivités territoriales
n’hésitent pas à avoir recours à des technologies plus poussées. La politique de
vidéoprotection par IA mise en œuvre notamment par les villes de Marseille et de Nice
pour assurer la sécurité des territoires permet également de se poser des questions en
matière de protection des libertés. Ce système a en effet vocation à « reconnaître la
silhouette d’un individu ou bien un véhicule et de le suivre automatiquement via les flux vidéo
envoyés à l’agent » (Banque des territoires, 2019, 16). De nombreux débats tant sur le
plan éthique que juridique ont notamment eu lieu sur la question de la reconnaissance
faciale par une entité dotée d’IA. Face à ces interrogations sur la reconnaissance faciale,
la CNIL a, à ce titre, entamé la tenue d’un débat entre acteurs, administration comme
citoyens4.
17 Le service des transports constitue également un secteur cible pour le recours à l’IA par
les collectivités territoriales. À l’instar de la Métropole de Rouen Normandie, certaines
collectivités mettent à disposition des usagers des véhicules autonomes 5. Ici encore ce
type de technologie comporte des risques de natures diverses pour l’usager comme
pour les riverains. La technique est souvent mise en cause dans la survenance des
accidents. Des questions sont régulièrement soulevées concernant les choix de
programmation des véhicules pour la gestion des risques sur la route. La
programmation des véhicules peut relever de certains choix controversés entre la
sécurité des passagers et celle des riverains en cas de risque d’accident… (Bensamoun et
Loiseau, 2019, 113).

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18 Les collectivités territoriales ont par conséquent progressivement recours à l’IA dans
un grand nombre de domaines : police, justice, environnement, urbanisme, transport…
(Castets-Renard, 2020, 225). Cet usage n’est pas cependant sans poser de nombreux
questionnements sur le plan éthico-juridique ainsi que divers risques d’un point de vue
social. Discriminations, violations de la vie privée ou encore erreurs judiciaires
imposent de la part de l’action publique une vigilance certaine pour le respect des
droits et libertés fondamentales. Dans ces cas là, ces pratiques s’éloignent à grands pas
des préceptes solidaristes. Ainsi l’administration est contrainte de s’adapter à ces
évolutions techniques tout en assurant la garantie de valeurs essentielles pour la
société. Le droit peut pleinement jouer une fonction dans le maintien de ces préceptes.

Le droit de l’IA au service des solidarités territoriales ?


Les limites du cadrage éthique de l’usage de l’IA par la Soft law

19 De nombreux spécialistes estiment qu’« à l'heure actuelle, aucun acteur ne peut à lui seul
prétendre pouvoir contrôler la loyauté algorithmique. Dans ce contexte encore flou, il paraît peu
pertinent de s'en remettre au législateur » (Besse, Castets-Renard, Garivier et Loubes, 2018).
C’est la raison pour laquelle, jusqu’à présent l’encadrement normatif de l’usage de l’IA,
dans le secteur public comme privé, se caractérise prioritairement par le recours à des
actes non contraignants, à du droit négocié, à du droit souple ou soft law comme
l’imposent bien souvent certains objets de droit (Chevallier, 2001, 827).
20 Influencé par les mutations technologiques, le droit est contraint de s’adapter à la fois
en termes de procédures et de contrôle juridictionnel de manière à garder la mainmise
sur l’encadrement d’un monde en constante évolution (Auby, 2018b, 835). Les
institutions se sont appropriées nombre de préceptes dits agilistes basés sur
l’interactions entre individus ou encore l’acceptation du changement des besoins
(Vieira, 2019, 130-144). Or dans le cadre de la gestion complexe de ces questions, le
droit a tendance à évoluer vers le solidarisme. La notion de régulation découlant de ces
préceptes renouvelés prend ici tout son sens.
21 Ainsi la régulation se traduit par le recours aux normes techniques et aux guides de
bonnes pratiques. Dans ce contexte, il s’agit pour les autorités publiques non d’édicter
une norme, mais de la recommander voire de la solliciter auprès des milieux intéressés.
En d’autres termes, les règles d’usage de l’IA découlent bien souvent de déclarations ou
de lignes directrices fixant une certaine éthique de cette technologie dont les contours
sont définis par les principaux acteurs en la matière (Bensamoun et Loiseau, 2019, 28).
Dans ces conditions, « l'éthique apparaît comme un renfort par la légitimation morale qu'elle
lui confère et/ou comme un expédient en attente de réponses de sa part » (Godefroy, 2020,
231).
22 L’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)
qui a rendu un rapport le 15 mars 2017 ayant pour sujet « Pour une intelligence artificielle
maîtrisée, utile et démystifiée » prône le recours à la soft law. Dans ce rapport, ils appellent
à « se garder d’une contrainte juridique trop forte sur la recherche en intelligence artificielle, qui
– en tout état de cause – gagnerait à être, autant que possible, européenne, voire internationale
plutôt que nationale » (Desmoulin-Canselier, 2017).
23 L’Union européenne semble également en phase avec le développement de la soft law si
l’on se fie à la résolution du Parlement européen du 16 février 2017 (2015/2103(INL) qui

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estime notamment qu’« il y a lieu d’adopter, au niveau de l’Union, une approche graduelle,
pragmatique et prudente, telle que la préconisait Jean Monnet, en ce qui concerne toute future
initiative relative à la robotique et à l’intelligence artificielle… ». C’est notamment la raison
pour laquelle le Comité économique et social européen (CESE) dans un avis d'initiative
du 31 mai 2017« les retombées de l'intelligence artificielle pour le marché unique (numérique),
la production, la consommation, l'emploi et la société » (INT/806) propose la consécration de
valeurs développées dans un « code éthique uniforme applicable à l'échelle mondiale … ».
24 Cependant le recours à la soft law a ses limites au rang desquelles figurent
principalement l’ineffectivité et l’illicéité. En effet, les usagers de l’IA ne peuvent
compter uniquement sur la mise en œuvre de règles de conduites non contraignantes
par les acteurs de ce secteur technologique qui ne risquent pas de voir leur
responsabilité engagée. De plus, le recours à la soft law fait courir le risque d’engendrer
des normes « qui, si elles étaient contraignantes, seraient des normes non conformes à des
normes supérieures » (Bensamoun et Loiseau, 2019, 29).
25 C’est la raison pour laquelle le droit dur tend à se développer progressivement afin
d’assurer davantage la sécurité des usagers de l’IA.

L’émergence d’un droit rigide pour la protection des libertés au sein


des territoires

26 Au vu de l’impuissance de la soft law dans la gestion de certains risques majeurs générés


par l’IA différents juristes spécialistes s’accordent à penser que, malgré son caractère
rigide, il apparaît nécessaire d’adopter « une norme solide et prévisible de l'IA » (Castets-
Renard, 2020, 225). Les responsables territoriaux, garants de la bonne mise en œuvre
des services publics, sont les premiers confrontés à ces problématiques et à cette
nécessité lorsqu’ils ont recours à ce type de technologie.
27 Dès lors, différents moyens permettent d’adopter un droit contraignant afin de
règlementer l’usage de l’IA (Bensamoun et Loiseau, 2019, 32-34). Certains de ces moyens
sont d’ores et déjà utilisés, d’autres sont en devenir.
28 Le recours à la contractualisation est une première solution. La formule de l'article
1103 du Code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faits » permet d’illustrer la force du contrat dans la règlementation de l’usage de l’IA.
Outre le développement du droit souple, le recours à l’outil contractuel correspond à
l’évolution de la pratique administrative. En effet, l’administration, et notamment les
collectivités territoriales, ont en partie abandonné le droit unilatéral pour le droit
négocié. Bien qu’il faille compter sur le bon vouloir des co-contractants rien n’empêche
les collectivités territoriales d’intégrer dans leurs contrats les règles de bonnes
pratiques qui se sont développées autour de l’IA.
29 La législation et la règlementation constituent une deuxième solution. Si certains
spécialistes envisagent de transformer en loi de manière générale certains principes
éthiques (Bensamoun et Loiseau, 2019, 32), certains usages de l’IA font d’ores et déjà
l’objet de lois et règlements. Si l’on considère la problématique de l’IA au sein des
collectivités territoriales, la question des smart cities est dès lors incontournable. Ces
villes dites intelligentes impliquent selon Jean-Bernard Auby « une triple transformation
dans le fonctionnement concret des villes : sont en cause une transformation des infrastructures,
une importance croissante des données et du numérique et des modifications dans la

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gouvernance » (Auby, 2018a). Or, comme ce même juriste a pu le dire, « le fonctionnement


particulier des "villes intelligentes", royaumes du numérique, repose, comme on l’a dit,
puissamment sur l’utilisation de montagnes de données transformées en outils des fonctions
urbaines » (Auby, 2018a). L’usage et le partage des données sont en effet au cœur de ce
modèle de ville6. Or la diversification de l’offre robotique, la fonction d’enregistrement
des robots et leur discrétion de plus en plus performante constituent un réel risque
d’atteinte à la vie privée (Delforge et Gérard, 2017, 143-188).
30 Il faut cependant préciser que la loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016
apporte des garanties en la matière dans la mesure où elle consacre un réel
renforcement de la transparence administrative. Ainsi, dans son article 54, la loi,
modifiant l’article 1er de la loi du 6 janvier 1978 Informatique et liberté prévoit
que « toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des
données à caractère personnel la concernant, dans les conditions fixées par la présente loi ». Ces
dispositions permettent la pleine consécration du principe de la maîtrise par l’individu
de ses données comme le Conseil d’État l’avait suggéré dans son étude annuelle de 2014
(Sauvé)7. Ainsi cette loi de 2016 exige de l’Administration une totale transparence lors
de l’exécution des traitements algorithmiques. De fait, avec cette loi, toute personne
concernée par une décision fondée sur un traitement algorithmique a le droit de
demander à l’administration quelles sont les règles qui définissent ce traitement. En ce
qui concerne la législation européenne, le règlement général sur la protection des
données (RGPD)8, applicable depuis le 25 mai 2018, impose beaucoup plus de
transparence qu’auparavant lorsqu’un traitement a vocation à porter sur les données
personnelles des individus.
31 L’usage du chatbot du site de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie prend en
compte cette règlementation européenne. En effet, avant que les citoyens débutent la
conversation avec le robot Sophie, le site les avertit du traitement de données à
caractère personnel les concernant et les informe de leurs droits d'accès, de correction,
d'effacement, et d'opposition des données découlant du RGPD.
32 En outre, en partenariat avec le programme Entrepreneurs d’Intérêt Général ainsi que la
mission Etalab du gouvernement, le service départemental d’incendie et de secours de
l’Essonne ont mis en place l’expérimentation de Previsecours. Ce projet basé sur
l’intelligence artificielle comme aide à la décision publique a pour but de réduire le
temps d’intervention des sapeurs-pompiers du département, d’ajuster les effectifs
entre casernes de façon temporaire et de créer éventuellement de nouvelles casernes.
Si la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles légalise les
décisions administratives relevant exclusivement de traitements automatisés le Conseil
constitutionnel, a estimé, dans sa décision du 12 juin 2018 a estimé que « le responsable
du traitement doit s’assurer de la maîtrise du traitement algorithmique et de ses évolutions afin
de pouvoir expliquer la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard. Il en résulte
que ne peuvent être utilisés, comme fondement exclusif d’une décision administrative
individuelle, des algorithmes susceptibles de réviser eux-mêmes les règles qu’ils appliquent, sans
le contrôle et la validation du responsable du traitement »9.

Conclusion
33 Les échelles locales constituent bien souvent une référence pour le développement du
lien social entre administration et citoyens. Marqués par les impératifs publics comme

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l’objectif du « vivre ensemble », le développement des services publics comme les


transports, la justice, la santé et l’urbanisme ou encore la prise en compte des
contraintes environnementales, les territoires incarnent de plus en plus des lieux de
solidarité, c’est-à-dire organisés selon des démarches humanistes, responsabilisantes et
inclusives visant le bien commun.
34 Si la doctrine solidariste caractérise la mise en œuvre du service public français, elle se
trouve bouleversée à certains égards par l’irruption de l’IA dans la modernisation de
l’action publique. Les machines, devenant intelligentes, amènent à réexaminer
l’ensemble des rapports entre systèmes humains et systèmes techniques. La menace
que font peser les systèmes informatiques intelligents sur les droits et libertés
fondamentaux impose de maintenir l’équilibre social par un droit fort et évolutif.

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Marc Sauvé lors de l’Assemblée générale de l'inspection générale de l'administration le 3 juillet
2017. https://www.conseil-etat.fr/actualites/discours-et-interventions/transparence-et-
efficacite-de-l-action-publique

Vieira, J. (2019). Intelligence artificielle, pouvoirs publics et libertés fondamentales : un capital


d’agilité en question. in : Vieira L., Schott A. et Akam N. (dir.), Conférence internationale EUTIC
2018, Adaptabilité, flexibilité, agilité des systèmes informationnels, Université Bordeaux
Montaigne (p.130-144) Pessac : PUB.

Villani, C. Schoenauer, M., Bonnet, Y., Berthet, C., Cornut, A. C., Levin, F., & Rondepierre, B.,
(2018). Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et
européenne. Rapport public, Premier ministre.

NOTES
1. https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/intelligence_artificielle/187257
2. https://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/l-innovation-une-priorite-absolue-
du-ministere-des-armees
3. https://www.coeurcotefleurie.org/
4. https://www.cnil.fr/fr/reconnaissance-faciale-pour-un-debat-la-hauteur-des-enjeux
5. https://www.metropole-rouen-normandie.fr/les-vehicules-autonomes-deja-sur-nos-
routes-5855
6. https://www.banquedesterritoires.fr/co-construire-le-smart-territoire?
pk_campaign=SEA_GEN_Smartcity&pk_source=Google&pk_medium=SEA&gclid=Cj0KCQjwl9GCBhDvARIsAFunhsk197o19sX
b4BtOMBp7jZp71Rm-sHBV20HDplYQaAo2fEALw_wcB&gclsrc=aw.ds

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7. Issu des règles du new public management, le principe de transparence repose sur un
contenu de qualité et les moyens à fournir au citoyen ou à l’usager pour qu’il dispose
d’une information claire, appropriée et intégrale.
8. Règlement no 2016/679 adopté le 14 avril 2016, promulgué le 27 avril 2016.
9. Décision n° 2018-765 DC du 12 juin 2018, Loi relative à la protection des données
personnelles.

RÉSUMÉS
La conception solidariste de l’action administrative qui s’est développée au sein des collectivités
territoriales peut, à certains égards, être bouleversée par l’arrivée de l’intelligence artificielle.
L’IA est autant synonyme d’opportunités que de risques dans la protection des droits et libertés
fondamentaux des citoyens. Il importe donc de s’intéresser au potentiel dont le droit dispose
pour maintenir la subsistance du lien social entre le citoyen et l’administration territoriale.

The solidarist conception of administrative action that has developed within local authorities
can, in certain respects, be upset by the arrival of artificial intelligence. AI is as much a synonym
of opportunities as it does risks in protecting the fundamental rights and freedoms of citizens. It
is therefore important to be interested in the potential available to the law to maintain the
subsistence of the social bond between the citizen and the territorial administration.

La concepción solidarista de la acción administrativa que se ha desarrollado dentro de las


administraciones locales puede, en ciertos aspectos, verse alterada por la llegada de la
inteligencia artificial. La IA se trata tanto de oportunidades como de riesgos en la protección de
los derechos y libertades fundamentales de los ciudadanos. Por tanto, es importante interesarse
por las potencialidades que tiene la ley para mantener la subsistencia del vínculo social entre el
ciudadano y la administración territorial.

INDEX
Mots-clés : lien social, services intelligents, modernisation de l’action administrative, libertés
fondamentales, soft law, droit dur.
Palabras claves : vínculo social, servicios inteligentes, modernización de la acción
administrativa, libertades fundamentales, soft law, hard law.
Keywords : social link, intelligent services, modernization of administrative action, fundamental
freedoms, soft law, hard law.

AUTEUR
JULIEN VIEIRA
Avocat au barreau de Bordeaux, Université de Bordeaux

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L’Intelligence Artificielle, une


opportunité pour l’agriculture au
Togo
Artificial Intelligence, an opportunity for agriculture in Togo
Inteligencia Artificial, una oportunidad para la agricultura en Togo

Kondi Napo SONHAYE

Introduction
1 La dernière révolution industrielle, celle de l’électron va fondamentalement changer
nos habitudes et nos vies. Caractérisée par la confluence des systèmes numériques,
physiques et biologiques, elle perturbe et révolutionne progressivement les chaînes de
valeur de multiples secteurs, notamment l’agriculture par le biais de l’Intelligence
Artificielle (IA). À une époque où le monde doit produire plus avec moins de ressources,
l’Intelligence Artificielle (IA) peut contribuer à transformer le monde agricole dans sa
globalité.
2 L’agriculture de demain n’est plus seulement une affaire de semis, d’engrais et
d’irrigation, mais aussi d’algorithmes et d’Intelligence Artificielle (IA) : la e-agriculture.
L’Afrique n’y échappe pas. La transformation numérique qui envahie de plus en plus ce
continent n’épargne pas le secteur primaire qui constitue la principale activité des
populations.
3 Au Togo, l’agriculture occupe une place prépondérante dans l’économie. Ce secteur
représente près de 40 % de la richesse nationale du pays et 65 % de la population active.
C’est près de 4 millions d’agriculteurs sur les 7 millions d’habitant, chiffres publiés au
premier trimestre 2021 par l’INSEED. Cependant face aux nombreuses difficultés
auxquelles elle fait face, l’IA apparait comme une solution incontournable pour une
agriculture de précision.
4 Les « paysans togolais » rajeunis, beaucoup plus instruits que leurs parents s’y mettent
aussi. L’Université de Lomé et les centres de formation agricole qui existent à travers le

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pays forment depuis plusieurs années des jeunes entrepreneurs agricoles qui
s’installent avec pleins de projets innovants.
5 Dans le présent travail, nous avons grâce à la plateforme numérique « agridigitale »
mené des enquêtes sur le terrain. Cette approche méthodologique nous a permis de
comprendre les enjeux liés au potentiel de développement du secteur agricole togolais
par le biais de l’Intelligence Artificielle et les défis à relever pour favoriser son
déploiement. L’IA est-elle une véritable opportunité pour l’agriculture au Togo ou un
effet de mode ? Le but de cette recherche est de savoir si cette nouvelle technologie
peut-elle transformer l’agriculture au Togo et augmenter la productivité.
6 L’objectif, est de pousser la réflexion et l’analyse prospective en matière d’IA en évitant
d’appliquer une innovation sans une étude approfondie sur les tenants et les
aboutissants.
7 Dans ce contexte, il s’avère pertinent de comprendre les répercussions liées à la mise
en œuvre des solutions IA dans le domaine agricole et d’examiner la manière dont
celles-ci pourraient répondre aux défis technologiques et ce dans un environnement
global affecté, entre autres, par le changement climatique.

Le contexte togolais
8 Avec ses 56 785 kilomètres carrés, le Togo est un petit corridor de la côte Ouest africain,
situé entre le Ghana à l’Ouest, le Benin à l’Est et le Burkina Faso au Nord. Selon l’Institut
National de la Statistique et des Études Economiques et Démographiques (INSEED), au
1er janvier 2021, la population togolaise était estimée à 7 886 000 habitants.
L’agriculture reste la principale activité économique du pays.
9 Elle représente plus de 40 % du PIB togolais, et occupe près de 65 % de sa population
active, pour une superficie cultivable évaluée à 3,6 millions d’hectares, soit 60 % de la
superficie globale du pays, dont 41 % sont emblavés (1,4 millions d’hectares), chiffres
publiés au premier trimestre 2021 par l’INSEED. Ce qui donne au secteur une place
prépondérante dans le récent Plan National de Développement (PND/ 2018 - 2022).
10 Les rendements de cette agriculture encore rudimentaire sont assez inégaux d’une
région à l’autre à cause des aléas climatiques. Certaines régions du pays sont moins
arrosées et d’autres sont exposés à la déforestation.
11 Des efforts de modernisation de l’agriculture sont observés allant de la formation des
acteurs dans les grandes universités du pays (Lomé et Kara) à l’accès au crédit. Ces
leviers importants viennent booster la production, l’innovation technologique, la
pratique de l’agroforesterie, l’intensification de la recherche agricole, la mécanisation,
l’utilisation d’engrais et intrants, le développement des chaines de valeur agricoles, et
l’émergence d’agro-entrepreneurs.
12 De ce fait, la transformation numérique qui s’opère dans tous les secteurs au Togo,
gagne aussi l’agriculture. Le cadre de vie et de travail des paysans change aussi grâce
aux nouvelles technologies. Par le vecteur de l’Internet, les opérateurs de numérique
innovent et proposent des solutions intelligentes qui viennent faciliter la chaine de
production agricole et aider à endiguer certains obstacles qui étaient difficiles à prévoir
et à surmonter.

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13 En Afrique en général et au Togo en particulier, cette révolution numérique est facilitée


par la téléphonie mobile. Le smartphone est devenu un outil multifonctionnel et
indispensable de la vie quotidienne des agro-entrepreneurs. C’est à travers cet outil
qu’ils gèrent et programment leurs activités sur le terrain par le biais des applications
intelligentes.

Retour aux concepts d’innovation et d’intelligence


artificielle
14 Concept d’Intelligence Artificielle (IA) a été utilisée pour la première fois en 1956, lors
d’une Conférence Internationale de Dartmouth au New Hampshire (États-Unis) au cours
de laquelle des scientifiques se sont mis à penser qu’ils pouvaient recréer dans des
machines les mécanismes du cerveau humain.
15 L’Encyclopédie Larousse 2021 définit l’IA comme un « Ensemble de théories et de
techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler
l'intelligence humaine (Encyclopédie Larousse).
16 Selon Marvin Minsky (1956), c’est « La construction de programmes informatiques qui
s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante
par des êtres humains. » Dans la même veine, Braunschweig Bertrand (2019), parle de
« programme visant à effectuer, au moins aussi bien que des humains, des tâches
nécessitant un certain niveau d’intelligence ». Nous comprenons donc que l’IA fait
référence à la technologie qui génère de l’intelligence humaine à l’aide de programmes
informatiques ordinaires. « C’est la science et l’ingénierie pour la fabrication de
machines intelligentes » (McCarthy, 1955).
17 Le concept renvoie en définitive à un système informatique qui effectue des tâches ou
des actions simples programmées par l’homme pour agir plus vite que lui et anticiper à
des prises de décisions. Nous rentrons dans une nouvelle ère ou les machines pourront
effectuer les mêmes activités que les hommes et mieux, elles pourront communiquer
avec eux et aussi communiquer entre elles.
18 Concept d’Innovation n’est pas forcément simple et facile à comprendre. Il renvoie à
une réorganisation structurelle et fonctionnelle de la base des connaissances. Dans
certains secteurs comme l’agriculture, c’est la construction d’un rapport personnel à
l’outil et l’appropriation de certaines pratiques et usages nouveaux jusqu’à leur
pérennisation.
19 D’autres travaux normalisés notamment ceux de l’Encyclopédie Larousse 2021 pour
revenir au contexte de notre étude définissent l'innovation comme « consistant à
appliquer une découverte à la sphère de la production, qu'il s'agisse de l'agriculture, de
l'industrie ou des services. » L’innovation tient à la nouveauté du produit par rapport
aux anciens usages et a apporté une amélioration.

Approche méthodologique de la recherche


20 Pour ce travail de recherche, nous avons opté pour une approche méthodologique
orientée vers plusieurs champs. La première nous a amené à faires des observations
empiriques sur le terrain à la rencontre des paysans et des promoteurs des solutions

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innovantes. Ce qui a été une bonne expérience afin de tester l’efficacité des outils
déployés.
21 Nous avons exploré et suivi parallèlement depuis 2019, des postes sur l’évolution
technologique du secteur agricole dans la plateforme « agridigitale » (plateforme
d’information médiatique sur l’agriculture, les innovations agricoles, le climat,
l’agroécologie et l’agroéconomie) à laquelle nous appartenons. Ce nous a permis de
faire une analyse du corpus du contenu en ligne (Facebook et WhatsApp).
22 Pour compléter le tout, nous avons à travers les entretiens interviewé quelques acteurs,
promoteurs, créateurs ou inventeurs des solutions sur le terrain.

Les enjeux de la transformation de l’agriculture au


Togo
23 Si l’intelligence artificielle (IA) bénéficie depuis quelque temps d’une attention sans
précédent, c’est parce qu’elle a accompli un véritable bond en avant sous l’effet
combiné de quatre facteurs : l’essor des communications permettant désormais, à
l’échelle planétaire et à la vitesse de la lumière, de transporter toutes les formes
d’expression, la puissance de calcul qui se mesure en millions de milliards d’opérations
par seconde, l’explosion des données disponibles et le progrès des algorithmes
apprenants. C’est ce sens que André-Yves Portnoff et Jean-François Soupizet (2018),
affirmaient que cette innovation fait émerger tout un écosystème nouveau.
24 Quelles peuvent donc être les enjeux de cette transformation de l’IA ? Elles sont déjà
innombrables, allant de la traite des chèvres pour les agriculteurs dans les régions les
plus reculées aux services de levée de fonds pour le financement des exploitations
agricoles.
25 Plusieurs enjeux motivent les agriculteurs à innover dans ce secteur de plus en
compétitif. En plus de la problématique du changement climatique, c’est l’exposition du
continent face à la mondialisation de l’agriculture.
26 Le deuxième enjeu majeur c’est l’augmentation rapide de la population en Afrique avec
les besoins de consommation qui explosent.
27 S’agissant du climat, on estime en effet qu’une augmentation des températures de deux
degrés en Afrique provoquera une baisse pouvant atteindre 20 % des rendements
agricoles. Si aucune adaptation n’a lieu, la production de maïs, qui est l’une des cultures
de base de l’Afrique, pourrait diminuer de 40 % d’ici 2050 selon l'Organisation des
Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et le Programme Alimentaire
Mondial (PAM).
28 Après les enjeux climatiques vient la gestion des populations. L’Afrique est le continent
dont la population connaît la plus forte croissance. Selon les estimations en 2050, elle
doublera pour passer de 1,2 milliards à plus de 2 milliards d’individus sur le continent
dont la majorité aura moins de 30 ans.
29 L’enjeu sera comment mobiliser les ressources pour nourrir une population aussi
importante. Ce qui implique une forte augmentation de la demande de production
agricole.

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30 Les enjeux climatiques avec la dégradation des écosystèmes étant étroitement liés à la
sécurité alimentaire, ces deux défis vont constituer les problèmes majeurs des
responsables africains dans les prochaines années.
31 Il faut donc trouver des moyens pour augmenter les rendements agricoles et réduire les
pertes liées au climat. Les nouvelles technologies sont donc un atout majeur. Il faut
donc repenser une agriculture de précision pour demain avec les méthodes plus
adaptées.
32 Grâce au nouveau modèle économique agricole, celle de l’IA, les néo agriculteurs
pourront libérer un potentiel de transformation agricole plus rentables et respectant
l’environnement tout en protégeant le potentiel social et humain et encore inexploré
au bénéfice de tous les acteurs de la chaîne de valeur agricole.

Les innovations constatées


33 Notre immersion sur la plateforme « agridigitale » et les rencontres avec les acteurs
locaux créateurs ou inventeurs des solutions d’IA, nous ont permis de constater
l’existence des solutions technologiques évoluées utilisées par les agriculteurs et pour
des développements innovants et l’accompagnement dans divers domaines.
34 Pour mieux les présenter, nous les avons regroupés en deux catégories : Les
plateformes mises en place en vue d’aider ou faciliter les producteurs dans leurs
techniques et les types de matériel intelligent (smart) et de précision déployée sur le
terrain pour le travail agricole.

Les plateformes mises en place


La plateforme « Agro Spaces » : pour l’investissement agricole

35 La plateforme numérique d’investissement agricole, Agro Spaces, vise le financement


participatif et d’investissement agricole, tournée essentiellement vers les Togolais de la
diaspora, les producteurs locaux ainsi que les jeunes qui veulent investir dans le secteur
agricole. Elle vise également la sécurité des investissements des maillons de la chaîne
de valeur agricole au sein d’un projet bien pensé, selon les propos de Eyram Togbetse,
Directeur d’Agro Spaces Entreprises lors de nos entretiens.
36 La location des espaces agricoles aménagés, la location d’équipements sur le site, la
gestion d’exploitation agricole et le parrainage des femmes agricoles sont les services
proposés pour sécuriser les investissements des acteurs agricoles.
37 Agro Spaces est une plateforme qui permet de suivre les étapes de la production et la
gestion par le biais des comités de contrôles et de suivi installé sur son site à Tado dans
la préfecture du Moyen-mono. Le parrainage consiste à booster l’investissement
extérieur vers le secteur agricole. La plateforme a aussi pour but de permettre à tous
les investisseurs de suivre la production depuis leurs Smartphones et avoir une
garantie de retour sur investissement.
38 L’investissement propre et l’investissement participatif sont les deux types développés
par Agro Spaces. La plateforme est développée par ailleurs pour mettre en confiance les
investissements de la diaspora.

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La plateforme « FeSeRWAM » : pour consulter la carte d’intrants agricoles

39 La carte d’intrants agricoles est un outil numérique qui facilite la prise de décision sur
les engrais et semences en limitant le hasard. Cette plateforme web, interactive,
géoréférencée et accessible à tous est lancée en septembre 2020 et est disponible en
ligne.
40 Cette carte d’intrants agricoles offre des recommandations sur les intrants agricoles
techniques, opérationnels et spécifiques au site ciblant divers utilisateurs potentiels, en
particulier les petits agriculteurs de l’Afrique de l’Ouest. Selon les experts, la faible
productivité agricole dans les pays d’Afrique Subsaharienne est liée à la faible
utilisation d’intrants agricole, des variétés de semences améliorées et les engrais
appropriés.
41 FeSeRWAM est donc une plateforme qui apporte toute expertise en termes de l’usage
d’intrants agricoles sur les espaces écologiques de la zone CEDEAO 1. Pour ce faire,
l’utilisateur entre ses coordonnées géographiques dans l’interface de la carte indique
son pays et la plateforme vous montre les zones agroécologiques spécifiques.
42 La plateforme est destinée aux petits producteurs, aux décideurs et organisations qui
développent les programmes de subventions agricoles, aux chercheurs, ainsi qu’à toute
personne de la société civile.
43 FeSeRWAM aide en fin à accroître les rendements agricoles et à améliorer la
productivité à partir des informations assez précises, techniques et fiables.

La plateforme « Drop shipping » : vitrine d’exposition et de vente des produits


agricoles

44 Le ministère de l’Agriculture togolaise a lancé en 2021, une plateforme de marché en


ligne pour les produits agricoles. Elle regroupe tous les producteurs et vendeurs en
ligne. Elle sert de vitrine fédérale des autres sites de e-commerce du secteur agricole.
Les produits commandés peuvent être livrés à domicile ou récupérés dans un point de
vente. Les frais de commande peuvent être envoyés par le système de payement
téléphonique des deux opérateurs de la place à travers Tmoney pour TogoCom ou Flooz
pour Moov Africa Togo. Ces frais sont facturés à partir de 1000 F CFA par livraison. Les
réserves et entrepôts qui desservent la plateforme sont presque détenus et sécurisés
par les partenaires grossistes et agrégateurs de produits agroalimentaires.
45 La plateforme de e-commerce standard conçu sur le modèle « Drop shipping 2 » est
constitué de 5 menus : « Panier », « Mon compte », « Liste des Négociations »,
« S’enregistrer » et « Pourquoi la bourse ? ». Elle facilite la commercialisation des
produits alimentaires et agricoles et permet de disposer d’un maximum de flux de
données sur les transactions effectuées en termes de volumes et de prix de stocks selon
le ministère de l’agriculture togolais.

La plateforme « SimulAgri Togo » : quand l’agriculture devient un jeu d’enfant

46 Le ministère en charge de l’agriculture togolais a mis au point une application de jeux


vidéo pour booster les pratiques agricoles au Togo. Cette application permet de
renforcer les capacités des agriculteurs et à leur enseigner les meilleures pratiques
agricoles de façon ludique à travers les jeux.

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47 Elle a pour but de changer le regard des jeunes sur les métiers de l’agriculture à travers
le témoignage des agriculteurs dans les jeux vidéo. C’est une application mobile qui est
accessible à tout le monde et téléchargeable gratuitement sur Google Play store.

L’application « ClinicAgro » : pour diagnostiquer les maladies des plantes

48 ClinicAgro est une technologie très innovante pour diagnostiquer les maladies des
plantes. Cette application intelligente est conçue pour aider les agriculteurs à trouver
des solutions aux agents pathogènes qui menacent les cultures. Elle répond aux besoins
des agriculteurs et des éleveurs qui sont confrontés aux difficultés de production.
49 L’application ClinicAgro peut diagnostiquer simultanément dix plantes et quatre types
d’animaux. Son utilisation est simple et efficace et téléchargeable aussi sur Google Play
store. ClinicAgro possède cinq fonctionnalités qui sont : l’analyse de l’image, les
symptômes, un module vétérinaire qui propose une liste d’images des animaux
malades, un blog de bonnes pratiques qui fournit deux articles par semaine aux
agriculteurs et une plateforme dédiée au forum sur laquelle les agriculteurs échangent
sur les questions liées au traitement proposé par l’application.
50 L’inventeur Pyrrus Koudjou rêve encore d’apporter des solutions concrètes à la
digitalisation de l’agriculture africaine, car pour lui, « les maladies des plantes sont une
cause importante de la baisse de la production alimentaire et de l’accentuation de la famine dans
le monde. »

Matériel intelligent (smart) et de précision


Une technologie pour protéger les cultures contre les oiseaux et autres
prédateurs

51 Face aux dégâts et effets dévastateurs causés chaque année par les oiseaux migrateurs
ravageurs, dans les exploitations agricoles avec des pertes estimées à plusieurs millions
de francs CFA, les producteurs demeurent généralement impuissants. On assiste au
déracinement des jeunes plants de riz et aussi à l’égrenage des épis avant la récolte.
52 Dans certains pays de l’Afrique spécialisés dans la culture du blé, les producteurs ont
recours à l’effaroucheur acoustique, une technologie pour protéger les cultures contre
l’attaque des oiseaux. L’effaroucheur acoustique est conçu pour le milieu agricole pour
des surfaces supérieures à l’hectare. C’est un système qui émet des signaux que
renvoient systématiquement tous types d’oiseaux et autres espèces nuisibles (rats,
souris etc.).
53 Cette solution écologique est développée au Togo par la société Calafi Carl qui recueille
en même temps les données qui sont traitées au laboratoire en vue d’un meilleur
ciblage des prédateurs. L’utilisation de l’effaroucheur acoustique permet la protection
des champs par les méthodes modernes, apporter un gain afin de rentabiliser les efforts
consentis par les paysans. Les agriculteurs privés ou en groupements au Togo ou dans
les autres pays en Afrique peuvent recouvrir à cette technologie dirigée par le groupe
Calafi. C’est une technologie innovante très efficace

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Les drones agricoles

54 Les drones agricoles sont aujourd’hui des microscopes numériques dotés d’intelligence
artificielle très rependus dans le monde agricole. Ils peuvent détecter le stress des
plants en agricultures de précision et y apporter des solutions de manières efficace et
rapide.
55 L’utilisation des drones en agriculture rentrent dans les habitudes de producteurs et
des structures de formation en aviation agricole. Les drones sont utilisés pour
cartographier, analyser et pulvériser une superficie donnée. La cartographie par drone
permet de diagnostiquer les problèmes qui interviennent sur les cultures, aussi de
compter les plants dans le but d’améliorer les rendements des producteurs.
L’agriculture de précision permet le comptage des plants, de détecter le nombre exact
des plants qui arrivent à la maturité pour une culture.
56 E-Agri Sky est un centre de certification de l’aviation agricole et d’agriculture de
précision de l’Afrique de l’ouest basé à Lomé. Il donne des cours en pilotes agricoles, en
agriculture de précision et en collecte de donnés par application mobile.
57 Les pilotes agricoles ont pour rôle de repérer et de diriger avec la technologie GPS 3 les
drones sur une surface agricole donnée. Ils peuvent cartographier une parcelle et avoir
une superficie avec les applications utilisées dans la pulvérisation. Ils savent comment
calculer les doses exactes des produits pour réaliser une pulvérisation.
58 Les pilotes en agriculture de précision s’intéressent à la pulvérisation et aux vols loisirs.
Ils font l’analyse de l’image pour déterminer les indices de végétation. La
modernisation du secteur agricole en Afrique permet aux jeunes de s’intéresser au
domaine et à le développer.
59 L’utilisation des drones agricoles a permis le développement de l’agriculture de
précision et intéresse les jeunes de plus en plus. Lors de nos entretiens, Dona Etchri,
promoteur d’e-agrobusiness, dit qu’il envisage former et déployer 500 pilotes de drones
agricoles d’ici 2025 qui vivront bien de leur métier tout en rendant service aux
agriculteurs.
60 Nombreux sont les avantages de l’utilisation du drone. Il permet la rapidité dans le
travail et détail les données précises collectées afin de prendre des décisions. Le drone
scanne le champ et détecte les maladies éventuelles et traite juste la partie qui est
attaquée. Il permet l’économie du produit utilisé et évite aux travailleurs qui répandent
les produits qui causent les maladies et les allergies.
61 Les drones agricoles permettent de suivre en temps réel l’évolution d’une parcelle de
plusieurs hectares, d’adapter les traitements phytosanitaires avec précision hors du
commun et permettent de rentabiliser l’utilisation d’engrais. L’agriculture de précision
permet aujourd’hui de minimiser les risques et assurer un bon rendement.
62 De nos jours, les drones deviennent indispensables dans l’agriculture moderne. Le
survol des champs par les drones munis de capteurs permet de collecter d’importantes
données, des images plus précises que celles renvoyées par les satellites. L’analyse de
ces données permet de savoir avec précision l’étendue des exploitations agricole,
détecter les mauvaises herbes et des maladies sur les cultures, et renseigne sur la
quantité d’engrais à utiliser.
63 La transition en cours vers la data-culture sera au cœur des enjeux de la transformation
agricole au Togo.

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Un Kit d’analyse du sol, ClinicSol

64 Une solution numérique testée avec succès et qui intervient après celle d’analyse des
plantes et pour faciliter la prise de décision à nombre d’agriculteurs. ClinicSol est un kit
électronique équipé d’un dispositif d’analyse du sol et d’un système Bluetooth
connectable aux Smartphones. Mise à la disposition de l’agriculteur ou du technicien, il
permet de prélever les informations du sol et renvoyer via Bluetooth au Smartphone.
Ces informations envoyer à un serveur d’analyses sera interpréter et renvoyer
instantanément sur votre Smartphone. Les résultats sont facilement compréhensibles
par l’agriculteur. Pour utiliser le kit, l’agriculteur doit creuser un petit trou d’une
cinquantaine de centimètres dans son champ et prélever un échantillon du sol. Cet
échantillon est versé dans un bocal contenant de l’eau distillée qui sera remué avec le
sable pour obtenir une solution homogène qui servira de tester le sol. Ensuite, il s’agira
de se connecter au kit d’analyse par Bluetooth afin d’immerger le dispositif dans une
solution homogène. Une fois la connexion établie, l’application ClinicSol donne
immédiatement le résultat d’analyse du sol.
65 Les potentielles cibles du kit d’analyse du sol sont les cabinets d’expertise agricole, les
ingénieurs agronomes ou techniciens agricoles ainsi que les agriculteurs dans les zones
reculées.

Conclusion
66 Eu égard aux enjeux relevés, l’Intelligence Artificielle (IA), est une opportunité
véritable pour l’agriculture au Togo. L’étude effectuée au Togo nous a permis de
constater qu’en mesurant et analysant les données du sol telles que la température, les
intrants, la météo, les nutriments et la santé végétative, les solutions big data et d’IA
aident les agriculteurs à utiliser les fertilisants adéquats par exemple ou à optimiser
l’irrigation de leur exploitation agricole indispensable pour une agriculture de
précision.
67 Ce fessant, un écosystème technologue est train de se mettre aussi en place avec le
développement des plateformes et applications. Cet environnement numérique et
intelligent permettra de stoker et traiter les données endogènes sur place afin
d’alimenter plusieurs bases de données nécessaires à une meilleure prise de décisions
des néo e-agriculteurs et ainsi augmenter leurs performances. Pour ce faire il faut :
68 Associer, formation, recherche, innovation en une cellule d’activation d’intelligence
numérique sur le territoire ;
69 Développer des dispositifs numériques qui fonctionnent en intelligence avec la société ;
70 Développer l’IA pour valoriser les savoirs locaux en agriculture ;
71 Développer les terminaux numériques mobiles, les services en lignes, les startups
72 Encourager la jeunesse nombreuse, confiante à s’intéresser à ce secteur porteur ;
73 Organiser la recherche dans l’IA pour une accessibilité croissante aux contenus
scientifiques ;
74 Mobiliser les forces vives : étudiants, entrepreneurs, chercheurs, enseignants,
incubateurs et valoriser leur implication ;

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75 Associer les parties prenantes du développement africain : agriculteurs, acteurs de


l’énergie, de l’eau, des télécommunications, des services de santé, de la logistique, etc.,
pour une synergie des actions.
76 En fin avec le développement des agropoles et des centres d’expérimentations pilotés
par les universités publiques du Togo (Lomé et Kara), l’encouragement de l’État pour
l’installation des jeunes agriculteurs formés et la promotion de l’agriculture à travers
divers plans (PND) par exemple, l’agriculture de précision peut espérer avoir de beaux
jours au Togo pour faire face aux besoins et enjeux avenirs. La deuxième phase de notre
étude dans les prochaines années, consistera avec beaucoup plus de reculées à
interroger ces néo-agriculteurs afin de connaitre le véritable impact de cette
innovation.

BIBLIOGRAPHIE
Braunschweig B. (2019). L'intelligence artificielle : passé, présent, futur. Presses Universitaires de
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Publiée par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.

NOTES
1. Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest
2. Le drop shipping est un système tripartite où le client passe commande sur le site internet du
distributeur, lequel transmet celle-ci au fournisseur pour que celui-ci assure la livraison et gère
les stocks.
3. Global Positioning System, est un Système de géolocalisation par satellite appartenant au
gouvernement fédéral des États-Unis.

RÉSUMÉS
Au Togo, l’agriculture est la principale activité du pays. Elle occupe une place prépondérante
dans l’économie. Mais le secteur fait face à de nombreuses difficultés pour assurer
l’autosuffisance alimentaire. Les enjeux sont donc innombrables eu égard à la croissance de la
population et aux défis climatiques de ces derniers temps. Des procédés intelligents commencent
aussi par voir le jour notamment le développement de l’agriculture de précision et l’introduction
de l’Intelligence Artificielle (IA) aux méthodes utilisées.
L’agriculture de demain ne sera plus seulement une affaire de semis, d’engrais et d’irrigation,
mais aussi d’algorithmes et de plateforme. Toute la planète sera concernée par cette
transformation numérique qui envahit progressivement le continent africain.
Avec ce présent travail, nous avons eu à mener des enquêtes sur le terrain afin de comprendre les
enjeux liés au potentiel de développement du secteur agricole togolais par le biais de
l’Intelligence Artificielle et les défis à relever afin de favoriser son déploiement. Le but de cette
recherche est de savoir si cette nouvelle technologie peut transformer l’agriculture au Togo et si
l’IA peut être une opportunité.
L’objectif est de pousser la réflexion et l’analyse prospective en matière d’IA en évitant
d’appliquer une innovation sans une étude approfondie sur les tenants et les aboutissants.
Dans ce contexte, il s’avère pertinent de comprendre les répercussions liées à la mise en œuvre
des solutions IA dans le domaine agricole et d’examiner la manière dont celles-ci pourraient
répondre aux défis technologiques et ce dans un environnement global affecté, entre autres, par
le changement climatique.
L’étude effectuée au Togo nous a permis de constater qu’en mesurant et analysant les données du

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sol telles que la température, les intrants, la météo, les nutriments et la santé végétale, les
solutions big data et d’IA aident les agriculteurs à utiliser les fertilisants adéquats par exemple ou
à optimiser l’irrigation de leur exploitation agricole indispensable pour une agriculture de
précision.
Ce faisant, un écosystème technologue est train de se mettre aussi en place avec le
développement des plateformes et applications. Cet environnement numérique et intelligent
permettra de stoker et traiter les données endogènes sur place afin d’alimenter plusieurs bases
de données nécessaires à une meilleure prise de décisions des néo e-agriculteurs et ainsi
augmenter leurs performances

In Togo, agriculture is the country’s main activity and occupies a prominent place in the
economy. But the sector faces many challenges in ensuring food self-sufficiency. The stakes are
therefore innumerable given population growth and the climate challenges of recent times.
Intelligent processes also begin to emerge, notably the development of precision agriculture and
the introduction of Artificial Intelligence (AI) to the methods used.
Tomorrow’s agriculture will no longer be just about planting, fertilizing and irrigation, but also
about algorithms and platforms. The entire planet will be affected by this digital transformation
that gradually invades the African continent.
With this work, we have to conduct field surveys in order to understand the issues related to the
development potential of the Togolese agricultural sector through Artificial Intelligence. The
objective is to further the reflection and forward-looking analysis of AI by avoiding applying
innovation without a thorough study of the ins and outs.
In this context, it is relevant to understand the implications of implementing AI solutions in
agriculture and to consider how they might respond to technological challenges in a global
environment affected by, inter alia, climate change.
The study in Togo found that by measuring and analyzing soil data such as temperature, inputs,
weather, nutrients and vegeble health, big data and AI solutions help farmers to use suitable
fertilizers, for example, or to optimize irrigation on their farm, which is essential for precision
agriculture.
In the meantime, a technologist ecosystem is also being established with the development of
platforms and applications. This intelligent, digital environment will allow endogenous data to
be stored on-site and processed in order to feed several databases needed for better decision-
making by new e-farmers and increase their performance

En Togo, la agricultura es la principal actividad del país y ocupa un lugar preponderante en la


economía. Pero el sector se enfrenta a numerosas dificultades para garantizar la autosuficiencia
alimentaria. Por lo tanto, hay mucho en juego en vista del crecimiento de la población y los
desafíos climáticos de los últimos tiempos. También están surgiendo procesos inteligentes, como
el desarrollo de la agricultura de precisión y la introducción de la inteligencia artificial (IA) en los
métodos utilizados.
La agricultura del futuro no será solo una cuestión de siembra, fertilizantes e irrigación, sino
también de algoritmos y plataformas. Todo el planeta se verá afectado por esta transformación
digital que invade progresivamente el continente africano.
Con este trabajo actual, hemos decidido llevar a cabo investigaciones sobre el terreno para
comprender los retos relacionados con el potencial de desarrollo del sector agrícola togolés a
través de la Inteligencia Artificial y los retos que hay que superar para favorecer su despliegue. El
objetivo de esta investigación es saber si esta nueva tecnología puede transformar la agricultura
en Togo y si la IA puede ser una oportunidad.
El objetivo es impulsar la reflexión y el análisis prospectivo en materia de IA evitando aplicar una
innovación sin un estudio en profundidad sobre los pormenores.
En este contexto, resulta pertinente comprender las repercusiones de la aplicación de las

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soluciones de IA en el ámbito agrícola y examinar cómo podrían responder a los retos


tecnológicos en un entorno global afectado, entre otras cosas, por el cambio climático.
El estudio realizado en Togo nos ha permitido constatar que, al medir y analizar los datos del
suelo como la temperatura, los insumos, el clima, los nutrientes y la salud vegetativa, las
soluciones big data y de IA ayudan a los agricultores a utilizar los fertilizantes adecuados, por
ejemplo, o a optimizar el riego de su explotación agrícola indispensable para una agricultura de
precisión.
Mientras tanto, un ecosistema tecnológico se está creando con el desarrollo de plataformas y
aplicaciones. Este entorno digital e inteligente permitirá almacenar los datos endógenos in situ y
su procesamiento para alimentar varias bases de datos necesarias para una mejor toma de
decisiones de los neoagricultores y aumentar su rendimiento

INDEX
Keywords : Artificial Intelligence, Innovation, E-agriculture, Agridigitale Togo
Palabras claves : Inteligencia Artificial, Innovación, E-agricultura, Agridigitale Togo
Mots-clés : Intelligence Artificielle, Innovation, E-agriculture, Agridigitale Togo

AUTEUR
KONDI NAPO SONHAYE
Université de Lomé, Togo

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Innovation technique et intelligence


collective
Technical innovation and collective intelligence
Innovación técnica e inteligencia colectiva

Éric LACOMBE

1 Considérant que l’intelligence artificielle est une innovation technique et que


l’innovation sociale suppose une intelligence collective, nous proposons d’aborder le
rapport entre intelligence artificielle et innovation sociale sous l’angle de l’innovation
technique et de l’intelligence collective. Cette recherche exploratoire s’inscrit dans la
continuité de nos travaux sur la transformation numérique des organisations en réseau
(Lacombe, 2021). Notre point de vue est celui d’un ingénieur qui s’est orienté vers la
recherche en sciences de l’information et de la communication, pour étudier les
conditions de la transformation numérique d’un point de vue réflexif, dépassant les
approches simplement instrumentales1 et communicationnelles, pour reprendre la
typologie de Mezirow (2001). Notre activité est centrée sur l’organisation de
l’information et le design de systèmes d’information. Elle s’inscrit dans le domaine de la
bioinspiration, changement de paradigme qui s’inspire de la nature pour développer de
nouveaux systèmes. Alors que les systèmes d’information sont avant tout centrés sur
les organisations qui les produisent, nous focalisons notre attention sur l’utilisateur, au
cœur d’un milieu hybride, à la fois naturel et technique, au sein d’un écosystème
numérique (Agostinelli & Koulayan, 2016).
2 Dans une première partie de cadrage, nous commençons par rappeler quelques
définitions de trois termes clés et leurs relations — intelligence, artificiel et collectif —
ce qui nous conduit à éclairer la notion de sens et de sensibilité. Nous précisons
également le contexte en rappelant d’une part les différentes orientations prises par
l’intelligence artificielle depuis son émergence dans les années 1950, d’autre part son
positionnement par rapport à l’intelligence collective et ses différentes formes.
3 Dans une seconde partie, nous rappelons brièvement quelques limites rencontrées par
l’innovation technique et l’intelligence collective, limites qui de notre point de vue

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relèvent avant tout d’une problématique d'architecture, d’interprétation et de


représentation.
4 Dans une troisième partie, nous questionnons le dépassement de ces limites et les
évolutions en sollicitant nos résultats de recherche sur la représentation de la
transformation des organisations, recherche qui nous a conduit à esquisser une
modélisation qui introduit les concepts d’onde, de fréquence, de phase et de résonance.
Nous présentons cette proposition sur la transformation des organisations 2 pour
éclairer les évolutions conjointes des systèmes techniques et sociaux, au-delà des
orientations fixées par les systèmes économiques. Les limites de cette interprétation
sont abordées en conclusion.

Cadrage
L’intelligence

5 D’après le CNRTL, intelligent signifie « doué de la fonction mentale d'organisation du


réel en pensées (chez l'homme), en actes (chez l'homme et l'animal) » 3. La faculté
d’intelligence chez l’homme est précisée ainsi : « doué de l'ensemble des fonctions
psychiques et psycho-physiologiques concourant à la connaissance et à la
compréhension de la nature des choses et de la signification des faits; doué de la faculté
de connaître et de comprendre. » Quant à l’adjectif artificiel, il désigne ce « qui est dû à
l'art, qui est fabriqué, fait de toutes pièces; qui imite la nature, qui se substitue à elle;
qui n'est pas naturel. » Juxtaposant ces deux termes, une intelligence artificielle est
donc une construction dotée de la faculté de connaître et de comprendre. Connaître et
comprendre ne sont pas de même niveau. Toujours selon le CNRTL, connaître signifie
« reconnaître, discerner », ce qui est aujourd’hui à la portée des machines; comprendre
est emprunté au latin classique compre(he)ndere, composé de cum « avec » et
prehendere « prendre, saisir » littéralement « saisir ensemble, embrasser quelque
chose, entourer quelque chose » d'où « saisir par l'intelligence, embrasser par la
pensée ». L’intelligence relève donc de l’opérationnalité, d’une faculté d'adaptation, qui
se développe chez l’homme à partir des schèmes sensori-moteurs comme l’observait
Piaget (1947) : l’intelligence sert l’action. Or selon le neurophysiologiste Alain Berthoz,
l’action précède la réflexion (Berthoz, 1997), qui apparaît donc comme une justification
de l’action, l’objectif étant alors de donner du sens à l’action. Rappelons que le terme
sens traduit trois notions complémentaires, de sensibilité, d’intelligibilité et de
direction (Cassar, 2015). Nous pouvons alors proposer une interprétation du rôle des
systèmes d’aide à la décision qui, en amont de l’action, visent à collecter des mesures
(sensibilité) et construire des indicateurs (intelligibilité) pour faciliter la sélection de la
meilleure option (direction). Ces systèmes servent évidemment avant tout
l’organisation qui les met en œuvre. Or le monde de l’organisation diffère du monde de
l’individu.

Le sensible

6 Dans son ouvrage Mondes animaux et monde humain (Uexküll, 1956), le biologiste et
philosophe allemand montre que chaque espèce a son propre Umwelt. Ce concept
traduit le fait que l’espèce humaine, comme chaque espèce vivante, vit dans un univers

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propre, qui lui impose ses propres déterminations, et auquel elle donne un sens. Nous
proposons d’appliquer récursivement ce schéma à différentes échelles, prenant en
compte la dimension holonique de l’individu (Koestler, 1967), considéré à la fois comme
un ensemble de parties, puisqu’il est constitué d’un ensemble d’organes sensibles, et
comme une partie d’un tout, organisation ou collectif au sein duquel se développent
des collaborations. Ainsi, au sein de l’espèce humaine, chaque individu construit ses
représentations personnelles du réel en fonction de ses capacités physiques
(structurelles), physiologiques (fonctionnelles) et psychiques (relevant de l’interprétation)
en s’appuyant sur ses multiples expériences personnelles qui alimentent
continuellement sa mémoire. Mais ses expériences relèvent d’interactions au sein d’une
variété d’organisations, chacune étant productrice de sa propre culture. De différents
niveaux et types, comme par exemple la famille, l’entreprise ou l’état, elles utilisent en
partie des outils numériques dans leurs interactions4. On notera que cette
représentation s’inscrit dans la « triade constitutive du concept d’homme » (Morin, 1977:13)
qui distingue les trois dimensions complémentaires de l’humain, biologique,
individuelle et sociale. L’appartenance double à une espèce et à de multiples groupes
sociaux pose alors la question des priorités données par l’individu à ses actions, qui
dérivent soit du biologique, soit du sociétal, les deux pouvant interférer 5; la direction
donnée aux actions dépendra ainsi autant de tropismes, d’habitudes, de contraintes,
que de décisions volontaires. Pour affiner cette analyse, précisons le rôle des sens dans
la perception, car si le spectre des fréquences perçues par l’humain est naturellement
réduit, la technologie a permis de dépasser ces limites, pour plusieurs de nos sens. Aux
cinq sens externes traditionnels identifiés par Aristote — qui s’exercent à distance, tels
la vue, l’ouïe, l’odorat, ou en présence comme le toucher et le goût — s’ajoutent
désormais de nouveaux sens (Le Core, 2014), un externe et trois internes,
respectivement la thermoception, ressenti des températures, la proprioception, savoir où
se situent nos propres membres, l’équilibrioception, ou sens vestibulaire, qui détermine
notre sens de l'équilibre indépendamment de la vue et de l’ouïe, nociception, sens de la
douleur. D’autres sens, considérés comme généralement absents chez l’homme 6, sont
développés chez certains animaux, comme l’électroception, capacité à percevoir les
champs électriques, et la magnétoception, capacité à percevoir des champs magnétiques.
Notons que compte tenu de l'existence de neurones multisensoriels, certains
chercheurs proposent de ne considérer qu’un seul sens (Stoffregen & Bardy, 2001).

L’intelligence artificielle

7 Considérons à présent l’intelligence artificielle, qui s’est développée en plusieurs


phases. Les experts distinguent généralement trois générations avant l’émergence
d’une quatrième. Ainsi d’après l’entrepreneur Mark Gupta : « La première génération d'IA
était l'"analyse descriptive", qui répond à la question "Que s'est-il passé ?" La seconde, l'analyse
diagnostique, répond à la question "Pourquoi cela s'est-il produit ?" La troisième génération
actuelle est l'"analyse prédictive", qui répond à la question "Sur la base de ce qui s'est déjà
produit, que pourrait-il se passer à l'avenir ?" » (Gupta, 2020) Selon cet auteur, une
quatrième est en émergence et se distingue radicalement des trois premières qui
s'appuyaient sur des données historiques. Comme la troisième génération, la nouvelle
génération qu’il qualifie d’intuition artificielle, s’appuie sur des réseaux de neurones.
Cependant elle n’est plus alimentée par des données, mais par sa propre expérience,
des essais et erreurs7, construisant son jeu de données par l'expérimentation. C’est par

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exemple le cas de MuZero, le nouveau système d'intelligence artificielle développé par


la société DeepMind, filiale de Google, qui succède à AlphaGo et Alphago Zero, qui s’étaient
illustrées dans le jeu de go. Le nouveau programme n’a pas besoin de connaître les
règles en amont, car il est « capable de s'adapter à un environnement qu'il ne connaît pas et
d'anticiper les règles à l'aide de simulations »8. Cette approche par apprentissage simule
ainsi le fonctionnement du vivant. Avec ses multiples entrées connectées à des
capteurs, et traitées par des multiples processeurs dans une architecture réticulaire qui
imite celle du cerveau humain apparaît une technologie d’une efficacité surprenante,
qui alimente désormais les progrès récents de la robotique. Elle intègre les deux
premières générations d’IA, celle symbolique dont le prémisses datent des années 1950
avec les frames, et celle procédurale avec les systèmes experts des années 1990. On
remarquera que cette dernière évolution, qualifiée d’intelligence hybride ou neuro-
symbolique, combine l’approche statistique qui s’appuie sur les chiffres et celle
symbolique qui s’appuie sur les lettres.
8 Une deuxième typologie distingue trois niveaux d’intelligence artificielle selon leur
champ d’intervention plus ou moins large, avec les sigles ANI, AGI, ASI pour désigner
des Artificial Intelligence respectivement Narrow, General et Super. Ces
développements technologiques ne sont pas sans poser de multiples questions dans
leurs rapports à l’intelligence humaine collective (Lévy, 2016A, 2016B) et aux risques
associés (Bostrom, 2014), jusqu’au rapport entre intelligence et conscience (Montes et
Goertzel, 2020). Si les limites de l’intelligence artificielle sont repoussées se pose la
question de la maîtrise, en particulier de la Superintelligence. A ce titre Gilbert Hottois
rappelait la préconisation de Nick Bostrom, le boxing, c’est-à-dire le confinement… Si le
développement de la technique se limite aujourd’hui aux ANI, nous appréhendons la
technique dans la filiation de Stiegler, comme une constituante anthropologique,
formant l'horizon de l'existence humaine (Stiegler, 1994). D’où notre approche de
l’intelligence collective dans le contexte de l’innovation technique.

L’intelligence collective

9 Les formes d’intelligence collective sont multiples. Pierre Lévy définit l’intelligence
collective humaine comme une « intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée,
coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences »
(Lévy, 1994). L’intelligence collective se décline en plusieurs formes. Les deux
premières sont la hiérarchie et le consensus, largement appliquées dans les
organisations humaines. La première peut s’appliquer à de très grands groupes,
plusieurs centaines de milliers d’individus, en multipliant les niveaux. Elle a permis le
développement d’organisations multinationales. La seconde s’applique plutôt au niveau
de groupes de taille réduite pour permettre à chaque participant de s’exprimer. Une
troisième forme d’intelligence collective a été observée dans le comportement des
insectes sociaux, la stigmergie : « on désigne sous le terme de stigmergie un ensemble
de réactions automatiques qu'exécutent des groupes d'insectes sociaux, aboutissant à
une œuvre cohérente, exigeant apparemment une étroite corrélation entre les actes. »
(Universalis). Cette forme qui permet l'édification de termitière de deux à trois mètres
de hauteur peuplées de millions d’individus9 est actuellement redécouverte par les
acteurs de l’économie sociale et solidaire. Ainsi, sans reprendre la notion de réaction
automatique attribuée aux animaux, la philosophe et activiste Heather Marsh définit la
stigmergie comme « une méthode de communication indirecte dans un environnement

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émergent auto-organisé, où les individus communiquent entre eux en modifiant leur


environnement.10 » (Marsh, 2012). Abordons à présent les limites de l'innovation
technique et de l’intelligence collective.

Limites
L’innovation technique

10 Nous privilégions un axe temporel pour aborder les limites de l’innovation technique,
partant de la conception pour aller vers l’usage, jusqu’à englober l’intégralité du cycle
de vie. La conception se heurte à une première limite du fait d’un découpage de la
connaissance en disciplines et une spécialisation accrue qui limite l’angle de vue,
faisant obstacle à la prise en compte des différentes problématiques à résoudre, dont
celle devenue critique de l’empreinte écologique, et freinant en conséquence
l’interopérabilité des systèmes. Pour donner un exemple précis, les bases de données
des systèmes d’information des entreprises restent majoritairement construites en
silos, et même les applications qui se veulent transversales comme celles de
planification des ressources d'une entreprise11 vont privilégier une dimension, en
l’occurrence l’économique, par rapport aux autres, technique, ergonomique ou
écologique, si l’on se réfère à la grille d’analyse du design circulaire. Cf. encadré n°1

Encadré n°1 — Le design circulaire

L’économie traditionnelle suit un modèle linéaire découpé en quatre temps


« prendre, fabriquer, consommer, éliminer » (en anglais, take, make, consume,
dispose12) alors que l’économie circulaire tient compte des limites de la nature,
tant en entrée pour ne pas prendre plus qu’elle ne peut produire qu’en sortie en
recyclant intégralement les déchets. Le design circulaire intègre cette circularité.
Le principe du cycle écologique de la nature est ajouté aux trois autres paramètres
que cherche à optimiser le design, désirabilité, ce dont l’homme souhaite,
faisabilité, ce qui est possible de faire, et viabilité, en tenant compte des critères
centrés sur la puissance et le pouvoir, apportés par la technique et l’économie.

11 La multiplicité des interdépendances relève de la complexité, qui appelle des approches


systémiques et simplexes13, mais la diffusion de ces notions progresse fort lentement en
rapport à l'accroissement du champ d’influence de la technique 14. Le développement
technologique est aujourd’hui accéléré par le numérique puisque données et messages
sont diffusés mondialement à la vitesse de la lumière. Les capacités de l'humain sont
dépassées au niveau de la sensibilité des capteurs, de la vitesse de calcul et de la
capacité de mémorisation. L'adaptation de l’humain à l’objet technique s’est
progressivement inversée, ce sont désormais les algorithmes qui s’adaptent au
comportement humain, voire qui les influencent. L’autonomie croissante acquise par
certaines machines ou produits, à l’instar des drones, pose alors questions : en premier
sur l’existant — utilité, usage et gouvernance — en second sur l'orientation actuelle du
développement de la technologie. Pour cette dernière question, prenons un exemple lié
aux télécommunications : selon le rapport de l'État sur les technologies clés 2020 les
premiers usages mentionnés de la 5G sont l’Internet des objets et le M2M (machine to
machine) (DGE, 2015:270). L’innovation technique ne sert donc plus directement

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l’humain, mais les technologies, technologies qui servent en priorité ceux qui
contrôlent les industries, c'est-à-dire qui les financent. Pour reprendre l’exemple de
l’évolution de l’intelligence artificielle, selon Mark Gupta « l'intuition artificielle peut
être appliquée à pratiquement tous les secteurs, mais elle fait actuellement des progrès
considérables dans les services financiers. Les grandes banques mondiales l'utilisent de
plus en plus pour détecter les nouveaux schémas sophistiqués de cybercriminalité
financière, notamment le blanchiment d'argent, la fraude et le piratage des
distributeurs automatiques de billets. » Rappelons également que les premiers
ordinateurs étaient au service de la finance15. Or comme l’a analysé Chomsky pour la
première puissance mondiale, le mécanisme de concentration des richesses s’inscrit
dans un programme politique de domination conscient (Chomsky, 2015). Face à ce
constat, les marges de l’innovation sociale semblent réduites. Cependant, si les règles
sont établies par les pouvoirs en place qui naturellement cherchent à conserver leur
position16, les jeux sont loin d’être faits et les cartes constamment rebattues, en
particulier par l’intelligence collective, qui a également ses limites.

L’intelligence collective

12 Plusieurs limites de l’intelligence collective sont couramment relevées, comme les


coûts de gestion liés à la présence de multiples parties prenantes, ou la dilution des
responsabilités et de l’autorité : « l’absence de vision, d’horizon, l’impossibilité de prendre des
décisions et d’appuyer l’organisation sur des responsabilités bien identifiées affaiblissent la
dynamique du corps social qui devrait animer l’entreprise et ses collaborateurs » (Chiquet,
2019). Au manque d’animation s’ajoutent parfois des effets pervers comme les décisions
absurdes (Morel, 2002, 2023, 2018). On notera également des limites dans la capacité et
la volonté à collaborer17, les enjeux de pouvoir et la volonté de conservation des acquis,
les habitudes et la résistance au changement. La taille est également un facteur limitant
de l’intelligence collective, même s’il existe des variantes au consensus pour des grands
groupes, comme le vote qui permet d’exprimer une préférence dans un choix réduit.
Notons que la communication entre les participants d’un collectif passe par différents
canaux avec un usage variable de la médiation, humaine ou technologique. Ainsi, pour
une coordination en direct en temps réel, les pratiques des équipes sportives ou des
ensembles de musique conduisent à considérer une limite à douze participants (Cornu,
2016). Au-delà, un médiateur devient nécessaire, par exemple un chef d’orchestre. Jean-
François Noubel propose le concept d’holoptisme pour exprimer ce mode de
fonctionnement (Noubel, 2004). Si la collaboration se heurte à des limites
anthropologiques, elle s’appuie également sur des comportements qui permettent la
synchronisation à grande échelle comme le mimétisme. Pour dépasser les limites
naturelles de l’intelligence collective, de nouveaux modèles sont proposés, comme
l'holacratie (Robertson, 2015) dont nous rappelons quelques concepts clés : des cercles
d’acteurs regroupés autour d’une raison d’être, une définition précise des rôles au sein de
ces cercles, une gestion des tensions visant à insuffler une dynamique intra et inter
cercles, avec deux formes de réunions : des réunions de triage purement opérationnelles,
qui traitent les sources de bifurcations, et les réunions de gouvernance, stratégiques. Nous
interprétons cette approche comme une architecture de collaboration, à rattacher au
processus d'accommodation assimilation piagétien.

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Rôle des architectures

13 Il nous semble pertinent d’interroger les limites de la coopération et de la collaboration 18


via l’architecture des organisations. En effet, l’architecte construit une structure qui va
induire des comportements qui en retour feront évoluer l’architecture. Rappelons que
l’architecture s’applique à différents niveaux en informatique, avec l’architecture des
réseaux, de l’ordinateur, des logiciels et de l’information. Les architectures se
construisent dans un milieu vivant, peuplant les écosystèmes d’objets techniques. En y
ajoutant en particulier avec le numérique une couche de commande, elles finissent par
faire écran, déconnectant progressivement nos représentations des cycles du vivant. La
découverte des principes de la physique (interactions fondamentales) ont ainsi conduit
à une libération et une maîtrise de la puissance énergétique qui s’est fait au détriment
du milieu, augmentant les inégalités de traitement, sources de tensions, de souffrances,
tant humaines qu’animales, et un triple effet, changement climatique, pollution, perte
de la biodiversité. Cet état nous paraît résulter d’un fonctionnement déséquilibré de la
conscience, considérée avant tout comme composante de l’individu, au détriment de
l’espèce et de la société, pour reprendre la triade d’Edgar Morin. Le mode de gestion de
l’information, centré sur l’unité manipulée par les machines, la data, nous semble
également être une des causes de ce déséquilibre, c’est pourquoi nous avons exploré
d’autres voies, proposant une architecture de l’information sémantique, développée à
partir d’un cadre de référence qui s’appuie sur un cadre logique, celui de la logique de
l’énergie (Lupasco, 1951).

Une architecture de l’information sémantique


14 Cette partie synthétise et actualise nos récents résultats de recherche (Lacombe, 2021).
Elle ne donnera qu’une vue d’ensemble des nombreux concepts introduits, présentant
essentiellement leur articulation afin d’identifier des axes d’approches de la
problématique considérée.

Cadre logique

15 La logique de l’énergie étend la logique binaire en considérant deux pôles antagonistes


d’actualisation et de potentialisation. Jamais absolus, ils laissent place au concept de tiers-
inclus. Contrairement à la logique aristotélicienne du tiers-exclu, la logique de l’énergie
accepte donc le contradictoire selon cette interprétation : l’actualisation d’un
phénomène s’accompagne de la potentialisation de son antagonisme. Sur ce cadre
logique, nous appuyons un cadre axiomatique qui articule trois concepts
complémentaires, définis en terme de rapport (d’après le CNRTL, un « lien que l'esprit
établit entre deux concepts ».)

Cadre axiomatique

16 Nous définissons la transformation comme un rapport universel noté [∀],


l’organisation, un rapport existentiel noté [∃], et l’information comme un rapport de
résonance noté [!] entre la transformation et l’organisation.

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


204

17 La transformation est considérée comme l’invariant premier, car tout se transforme,


selon des modes, à des échelles et des rythmes différents. Elle est la traduction de la
potentialisation, tout peut se transformer, et induit le concept d’espace : le sens
accordé au préfixe latin trans- est de passer d’ici à là. L’espace s’exprime par trois
dimensions, celle de lieu, d’étendue et de réseau.
18 Point d’équilibre entre ordre (homogénéité) et désordre (hétérogénéité), l’organisation
est la traduction du tiers-inclus. L’organisation induit le concept de temps. A
différentes échelles, nous avons constaté qu’elle passe par un certain nombre de
phases : elle émerge, se développe, se déploie, se stabilise, se déstabilise, lutte pour sa
survie, s’affaiblit et finit par disparaître. Comme pour l’espace, nous prenons en compte
trois dimensions du temps, reprenant celle des Grecs avec les notions de durée
(Chronos), marqueur de la chronologie, d’instant (Kairos), marqueur de la mémoire, et
de cycle (Aiôn) intervalle de temps séparant deux passages par un état comparable d'un
système oscillant.
19 Enfin, l’information, qui permet de décrire à la fois l’organisation et ses
transformations, est la traduction de l’actualisation, induisant le concept de sens, pris
dans ces trois significations précédemment considérées, celle de sensibilité,
d’intelligibilité et de direction. Un premier tableau résume ce cadre de référence,
précisant la modalité des rapports induits ainsi que les dynamiques associées aux trois
concepts clés. Nous en dérivons trois champs d’étude, informationnel, organisationnel
et de transformation, auxquels nous consacrons respectivement les tableaux 2, 3 et 4.
Pour chacun de ces champs, la modélisation présente des primitives, principes, formes
et produits, qui se déclinent ou s’expriment récursivement selon les trois dimensions
de la logique de l’énergie. Un cinquième tableau présente des exemples d'usage de
notre modélisation, sur trois niveaux d’analyse, en relation au vivant, à l’humain et au
groupe, autrement dit à l’organe, l’organisme et l’organisation.
20 Tableau n°1 : Cadre de référence

logique de l’énergie actualisation tiers-inclus potentialisation

concept clé information organisation transformation

concept induit sens temps espace

modalité des rapports causalité synchronicité similarité

contradictoire : énergie,
dynamique associée communication, langage
vie, mort champ→(*)

informationnel de transformation
.champ organisationnel [∇]
[⬡] [∆]

cf. Tableau n°4 n°3 n°2

21 (*) La flèche qui suit un concept signifie un renvoi vers un concept détaillé, précédé
d’un point ou de plusieurs points selon le niveau, dans la première colonne. Élément du
langage proposé, le symbole que nous associons au concept est indiqué entre crochets.

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


205

Champ de transformation

22 Nous modélisons la transformation par les trois notions d’attracteur [∞], défini comme
un espace d’évolution, d’écart [δ], entre les attracteurs, et de tensions [ρ] qui résultent de
ces deux concepts. Nous considérons trois types d'attracteurs, dont nous présentons les
opérations mathématiques associées, les effets et les limites. Nous distinguons quatre
types d’écarts, trois entre les attracteurs pris deux à deux et un entre les trois
attracteurs. Des tensions nous ne résumons que les processus de résolution, également
de trois types sous l’influence des attracteurs. Nous nommons ces processus à la source
des transformations organisationnelles primaires concrétisation, complexion et
propagation. Ils sont associés au concept d’opérateur [∂] pour décrire le phénomène de
propagation des tensions. Les concepts relatifs au champ de transformation sont
répertoriés dans le tableau n°2.
23 Tableau n°2 : Champ de transformation

logique (rappel) actualisation tiers inclus potentialisation

espace de transformation étendue réseau lieu

écart [δ]→ tension [ρ]→


primitives attracteur [∞]→
∞∩ ∞→ δ ∞∪ ∞→ ρ

multiple organisationnel unique


.attracteur
[ (m( ] [ (o) ] [ )u) ]

opérateur associé multiplication[x] intégration [∫] soustraction [-]

question quoi comment pourquoi

effet expansion vibration compression

limite ∞ 1 0

.écart négatif vide rien

écart triple oubli

.tension (résolution) propagation → complexion → concrétisation →

..concrétisation fission ondulation fusion

..complexion pression [ψ] vortex [ν] torsion [σ]

..propagation opérateur [∂] →

...opérateur inverseur animateur stabilisateur

opérateur triple extincteur

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206

Champ organisationnel

24 L’organisation est modélisée par trois entités opérantes, deux espaces antagonistes
interne et externe, et un centre organisateur, lié au principe d’incertitude. On notera le
rapport entre les opérateurs mathématiques associées aux entités et aux attracteurs.
Toujours en fonction de la logique de l’énergie, nous rattachons à l’organisation des
processus, propriétés, couplages structurels, formes, mouvements, signatures,
marqueurs, effets, et proposons un cadre d’observation de la transformation des
organisations sur quatre niveaux, qualifiés de macro, méso, micro et méta. Les concepts
relatifs au champ organisationnel sont répertoriés dans le tableau n°3.
25 Tableau n°3 : Champ organisationnel

logique (rappel) actualisation tiers inclus potentialisation

temps de
durée (chronos) cycle (aiôn) instant (kairos)
l’organisation

processus transduction autopoïèse homéorhésie

propriété holonique émergente fractale

couplage structurel
territoire social cognitif
au

espace externe centre espace interne


entité opérante
[ <e> ] organisateur [/c/] [ >i< ]

opérateur associé division [/] dérivation [∂] addition [+]

question où quand qui

expression
impression
forme générée (communication dans l’espace, orientation (mémoire)
transmission dans le temps)

mouvement déviation [ε] oscillation [θ] boucle [α]

signature phase [γ] spectre [s] trajectoire [ω]

marqueur seuil [λ] fréquence [ƒ] bifurcation [ß]

effet crise [κ] régime [ç] cycle de vie [Ω]

cadre concret
macro [H] méso [h] micro [µ]
d’observation

cadre abstrait méta [π]

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


207

Champ informationnel

26 Le champ informationnel est central. Nous en proposons une modélisation dont la


première formalisation résulte de notre expérience professionnelle en architecture de
l’information et conception de systèmes d’information éditoriaux. Le concept clé est la
graine d’information (Lacombe, 2015) succinctement présenté dans l’encadré n°2.

Encadré n°2 : la graine d’information

Atome de sens, la graine d’information est au cœur de notre proposition de


modélisation de l’information. Le terme de graine exprime à la fois un concentré,
l’objet graine, et un potentiel combinatoire, qui s’actualise par ses relations. Les
graines concrètes, appelées descripteurs, et les graines abstraites, appelées
interpréteurs, sont ainsi reliées à l’aide de constructeurs, pour donner forme à des
graphes évolutifs, descriptions interprétées d’une organisation en transformation,
appelés schémas de transformation ou schémas d’organisation, selon le processus
que l’on souhaite mettre en avant. Chaque schéma traduit un point de vue
personnel, mais en utilisant un jeu commun de descripteurs et d’interpréteurs, ils
peuvent être alignés, à l’aide de comparateurs, pour obtenir un point de vue
partagé. Applicable à tout type d’organisation, ce processus permet d’en mieux
comprendre le fonctionnement et par conséquent d’en optimiser la gestion.

27 Notre travail de recherche s’est poursuivi sur le rapport entre l’organisation de


l’information et la transformation de l’organisation nous conduisant à positionner le champ
informationnel à l’interface entre un champ de transformation et un champ organisationnel.
Pour mettre en œuvre ce modèle, nous avons initié le développement d’un instrument
d’observation, d’un langage de description et d’interprétation et d’une méthode
d’analyse, en cours d’expérimentation sur trois projets dans les secteurs du tourisme,
de l’archéologie et du médico-social. La méthodologie proposée prend en compte trois
axes d’observation, existentiel, opérationnel et architectural, et permet d’appréhender
trois boucles fondamentales associées aux champs précédemment introduits, de
création, connaissance et commande, sur trois périmètres d’analyse, personnel, collectif et
commun. Les principaux concepts sont répertoriés dans le tableau n°4 qui complète une
précédente représentation graphique (Lacombe, 2020).
28 Tableau n°4 : Champ informationnel

logique (rappel) actualisation tiers inclus potentialisation

sens de
sensibilité intelligibilité direction
l’information

boucle associée création commande connaissance

méthode langage instrument d’observation


outil proposé
d’analyse → graphique → →

.observation(axe) opérationnel [Y] architectural [Z] existentiel [X]

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208

graine [•] schéma [::]


graine [•] d’information
.langage d’information d’organisation
interpréteur [_ ]
concept clé descripteur [_ ] →
Δ ∪ ∇ → ⬡[0]
Δ ∩ ∇ → ⬡[1-9] pattern [#]

opérateur constructeur [–] sélecteur [?] comparateur [÷]

.analyse (périmètre) collectif commun personnel

Champ d’application

29 Le tableau n°5 répertorie différents champs généraux d’application de notre


modélisation dans trois cadres d’observation, micro, méso et macro, soit le vivant
(l’organe), l’humain (l’organisme) et le groupe (l’organisation). Nous réinterprétons
ainsi différentes modélisations ou théories au filtre de la logique de l’énergie, des
attracteurs de transformation et des entités opérantes de l’organisation. Nous mettons
en particulier en évidence des dynamiques et des modes de fonctionnement,
permettant d’analyser les tensions sous-jacentes et d’en proposer une succincte
interprétation dans la dernière section.
30 Tableau n°5 : Champs d’application

logique (rappel) actualisation tiers inclus potentialisation

en architecture vide (ouverture) forme plein (mur)

au niveau du vivant → organe

dynamique reproduction adaptation sélection

théorie de l’évolution darwinienne endosymbiotique

au niveau de l’humain → organisme

trinité (Morin) individu société espèce

boucle cognitive (Husserl,


protention attention rétention
Stiegler)

technique :
développement physique : psychique :
de l’individu couplage(*),
croissance, déclin quête, passation
production

besoins 1-3 appartenance sécurité physiologique


et 4-6 (Maslow) accomplissement transcendance estime

au niveau du groupe → organisation

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


209

coopération &
dynamique d’association coopétition compétition
collaboration(**)

coordination (modes) consensus stigmergie hiérarchie

type de système écosystème échosystème (ego)système

effet coévolution résonance pouvoir

31 (*) par couplage, nous désignons le couplage entre les capacités de l’individu et les
besoins de l’espèce évoluant au sein d’un milieu technique en développement (Umwelt,
pour le monde humain), qui est apporté par l’éducation et l’apprentissage de l’individu,
être intégré à la société
32 (**) la coopération désigne plutôt un mode d’interaction asynchrone tandis que la
collaboration privilégie le mode synchrone

Interprétation

33 Différents termes de notre questionnement sur la relation entre l’innovation technique


et l’intelligence collective se retrouvent dans les tableaux précédents permettant
d’approfondir le rapport entre intelligence et adaptation, le rapport entre le
développement technologique et l’évolution de la société19, les rapports croisés entre le
collectif, le social, l’individu, l’espèce et le commun, le rapport entre l’innovation et les
processus de transformation et d’organisation. La question qui se pose alors est celle de
la perspective, c’est-à-dire des différents points de vue complémentaires sur ces
notions et processus, sous l’influence des trois attracteurs de transformation. Notre
lecture en fait ressortir différents points.
34 1. Intégration technique. Dans un processus d’évolution de la société qui s’appuie sur le
développement technique, intégré génération après génération, l’innovation s’éteint
par le processus d’intégration dans la culture, similaire à celui d’assimilation de Piaget
et de concrétisation de l’objet technique (Simondon, 2012).
35 2. Organisation numérique. Le développement des technologies numériques, dont
l’intelligence artificielle est sans doute la composante la plus avancée, semble
particulièrement répondre à l’influence des trois attracteurs. Ils se retrouvent dans la
nature même du numérique, à la fois unificatrice, car toute information traduite en bit
est manipulable par un code, c’est-à-dire un « ensemble de règles ou contraintes » 20,
multiplicatrice en particulier avec le processus de copier/coller/éditer et le
développement des communications à haut-débit, et organisatrice par les nouvelles
possibilités de simulation et de création qu’elle intègre. Notons que ces effets se jouent
simultanément à différents niveaux, de micro et interne avec les nano et
biotechnologies, à macro et externe avec la construction d’un réseau mondial,
l’internet, et une exploration qui se poursuit même au delà du système solaire 21.
Combiné au précédent, ce point annonce une mutation de l’espèce humaine.
36 3. Direction de l’innovation sociale. Considérons à présent l’innovation sociale,
potentiellement portée par trois catégories d’acteurs, les entrepreneurs, les citoyens,
les pouvoirs publics, ces catégories traduisant globalement l’expression de nos trois
attracteurs, respectivement unique, multiple et organisateur. Or chacun de ces acteurs

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


210

suit une trajectoire particulière, soumise à l’antagonisme entre exploration des


multiples (processus de reproduction) et choix d’une solution (processus de sélection).
Leur enchaînement n’est pas neutre puisque la compétition correspond à la séquence
reproduction-sélection, qui conduit au modèle hiérarchique alors que c’est sur l’ordre
inverse sélection-reproduction que s’appuie le modèle collaboratif 22. Ces deux
enchaînements se retrouvent aussi bien dans la nature que dans nos systèmes, qu’ils
soient économiques, sociaux ou techniques. Ils sont à la fois porteurs de libertés et de
contraintes (ou subordination), les deux étant indissociables.
37 4. Déséquilibre. Notons également que le système éducatif occidental enseigne en
priorité la logique du tiers-exclu d’Aristote, l’analyse cartésienne et la théorie de
l’évolution de Darwin. Ces représentations semblent conduire à un déséquilibre au
profit d’une catégorie d’acteurs engagés dans une boucle de commande court-termiste
pilotant l’externe, c’est-à-dire l'environnement, et au développement d’une stratégie
qui privilégie avant tout la causalité et ses corollaires, la productivité et l’efficacité,
occultant les effets systémiques et cycliques, l’interne et le subjectif, ainsi que les
phénomènes de synchronicité.
38 5. Rééquilibrage en cours ? Le développement de l’intelligence artificielle appelle à
reconsidérer la direction prise pour conduire à un rééquilibrage vers l’interne, en
interrogeant et augmentant l’intelligence collective humaine, assimilable à notre
culture qui, selon Pierre Lévy, est composée de systèmes symboliques (langages),
systèmes sociaux (institutions) et systèmes techniques. L’innovation technique qui
s’appuie sur le numérique semble induire un changement de phase. Soumis à des
turbulences, nous observons ainsi vaciller bon nombre de systèmes existants,
conjointement à l’apparition de nouveaux acteurs. Loin d’être stabilisées, les règles du
jeu sont en constante évolution, chaque organisation tirant naturellement la
couverture à elle. L’interconnexion généralisée, l’automatisation des transformations,
et l’ubiquité permises par le numérique créent un maillage de plus en plus fin, dans
lequel aussi bien l’individu, l’espèce que le collectif, soumis tous les trois à la logique de
l’énergie, n’ont d’autres choix que de se réinventer, pour dépasser les antagonismes
binaires.
39 Rappelons pour conclure que la logique de l’énergie laisse toute sa place à
l’indéterminisme. Analysant la boucle de rétroaction entre intelligence artificielle et
innovation sociale sous le développement de celle entre innovation technique et
intelligence collective, nous ne pouvons donc aujourd’hui aller plus loin que la
description de ces dynamiques. Notre proposition de modélisation nous conduit en
revanche à faire l’hypothèse d’un changement de logique, dont la raison
computationnelle (Bachimont, 2004) constitue sans doute l’une des premières
composantes, et l’hypothèse de l’adoption de nouveaux modes de coordination comme
la stigmergie, pour co-construire un échosystème, résonant, raisonné et raisonnable,
intégrant les systèmes artificiels actuels aux écosystèmes naturels.

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


211

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NOTES
1. La transformation digitale est ainsi souvent présentée comme un « processus qui
revient à numériser une grande partie, voire la quasi totalité de ses services, internes et
externes » source : https://www.clubic.com/pro/actualite-e-business/article-859235-1-
consiste-transformation-digitale-entreprises.html [consultée le 2021-01-26]
2. Organisation est pris dans son sens le plus large, synonyme d’agencement
intentionnel, qui englobe donc les organisations sociales traitées ici
3. cf. https://www.cnrtl.fr/definition/intelligent
4. Ce phénomène s'est vu amplifié par les mesures de confinement suite à la pandémie
de Covid-19.
5. Selon un point de vue anthropologique, le développement social est lié au milieu, de
même que interfèrent inévitablement relations familiales et professionnelles.

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213

6. sauf chez les personnes électrosensibles voir électrohypersensibles


7. Cette approche permet d’éviter des biais d’alimentation liés aux données.
8. source, disponible en ligne [consulté le 2021-01-26] :
https://www.usine-digitale.fr/article/deepmind-devoile-sa-nouvelle-intelligence-
artificielle-muzero.N1043724
9. source :
https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/insecte-termitieres-leur-secret-
enfin-devoile-4416/
10. traduction de Lilian Ricaud,
http://www.lilianricaud.com/travail-en-reseau/la-stigmergie-un-nouvelle-modele-de-
gouvernance-collaborative/
11. qualifiés d’ERP, pour Enterprise Resource Planning, ou PGI, pour progiciels de gestion
intégrés
12. cf. https://www.circulareconomyclub.com/gd-home/what-is-the-circular-
economy/
13. le simplexe est au complexe, ce que le simple est au compliqué. Cf. (Berthoz, 2009)
14. Technique dont l’enseignement reste trop souvent réduit voire dévalorisé par
rapport à celui du management
15. Rappelons de même que l’ancêtre du réseau Internet, Arpanet, est né d’un
programme de l’armée américaine.
16. Appliquant par exemple la stratégie « diviser pour mieux régner »
17. Limites qui sont en partie le résultat de systèmes éducatifs sélectifs privilégiant la
performance personnelle et développant l’esprit de compétition
18. La temporalité est parfois utilisée pour distinguer ces deux modes, la première
étant plutôt asynchronique, la seconde synchronique.
19. Dans son interview du 15/02/2014 à l’émission place de la toile, Pierre Lévy rappelle
son point de vue : les technologies intellectuelles (écriture, imprimerie, informatique)
conduisent à une augmentation cognitive qui changerait notre manière de penser,
individuellement, mais aussi collectivement. Disponible en ligne [consulté le
2021-01-31] https://www.franceculture.fr/emissions/place-de-la-toile/pierre-levy-
lintelligence-collective Le point de vue du philosophe Bernard Stiegler et beaucoup plus
critique, conduisant à une prolétarisation d’un nombre croissant de métiers.
20. cf. https://www.cnrtl.fr/definition/code
21. Les instruments embarqués dans la sonde Voyager 2 lancée en 1977 continuent à
transmettre des messages en 2021. CF. https://voyager.jpl.nasa.gov/mission/status/
22. Ce point de vue nous conduit à mettre en parallèle et au même niveau la théorie de
Darwin et celle endosymbiotique, mis en avant par Lynn Margulis.

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214

RÉSUMÉS
Abordant le rapport entre intelligence artificielle et innovation sociale sous l’angle de
l’innovation technique et de l’intelligence collective, nous présentons une modélisation des
principes de transformation et d’organisation. Nous utilisons ces représentations que complète
un langage de description pour interpréter le rapport entre évolutions techniques récentes et
modes de coordination.

Addressing the relationship between artificial intelligence and social innovation from the
perspective of technical innovation and collective intelligence, we present a model of the
principles of transformation and organization. We use these representations supplemented by a
description language to interpret the relationship between recent technical developments and
modes of coordination.

Al abordar la relación entre la inteligencia artificial y la innovación social desde la perspectiva de


la innovación técnica y la inteligencia colectiva, presentamos un modelo de los principios de
transformación y organización. Utilizamos estas representaciones complementadas por un
lenguaje de descripción para interpretar la relación entre los recientes avances técnicos y los
modos de coordinación.

INDEX
Mots-clés : logique de l’énergie, transformation numérique, architecture de l’information,
stigmergie
Palabras claves : lógica energética, transformación digital, arquitectura de la información,
estigmergia
Keywords : energy logic, digital transformation, information architecture, stigmergy

AUTEUR
ÉRIC LACOMBE
eGuilde; Laboratoire MICA, Axe ICIN

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La modernité ancrée au cœur des


représentations des nouvelles
urbanités africaines technicisées
Modernity Anchored at the heart of representations of new technological African
Urbanities

Emmanuelle JACQUES

Introduction
1 Nous avons choisi en partant des représentations afrofuturistes nigériennes de la ville
de Numbani4 dans le jeu vidéo Overwatch de les confronter avec les projets de smart
cities issus d’une urbanité globalisée et les initiatives alternatives de L’Africaine
d’architecture au Togo. Le projet HubCités Africaines5 est un programme de ville
intelligente expérimenté depuis juillet 2012 au sein du Woélab 6 de Lomé au Togo. Celui-
ci s’appuie sur l’observation des sociétés traditionnelles, et vise à redonner aux citadins
l’initiative dans la transformation et la gestion de leur cadre de vie. Les objectifs sont
de favoriser la conscience du bien commun et l’action concertée 7 autour de différents
projets d’applications numériques permettant de résoudre des problématiques de
gestion de la vie collective : la collecte des déchets, l’autonomie alimentaire par des
jardins urbains et l’éducation pour favoriser la créativité des enfants grâce aux
imprimantes 3D. Le projet se base sur l’installation d’un réseau de petits agora-
fabriques de proximité sur le modèle des enclos d’initiation dans les sociétés
traditionnelles et se présente comme une solution alternative à la smart city (Rochet,
2018). Il s’inscrit dans une modernité ancrée. En même temps, au cœur de ces tiers
lieux les multinationales du numérique offrent sous le couvert de prestigieux
« concours à l’innovation » des financements et conseils et sont présentes au forum
NextTech Africa. Dans cet article, nous questionnons le potentiel émancipateur de ces
dispositifs urbains nommés Espace de Démocratie Technologique et leur plus ou moins
grande inscription dans ce que Jacques Ellul définit comme un bluff technologique. Ces

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dispositifs sont saisis comme un assemblage de matières, de rapports sociaux, de


pouvoirs politiques et économiques, historiquement situés (Pestre, 2013). Deux
scénarios reviennent inlassablement hanter nos rêves éveillés, une narration régressive
où l’humanité se retrouve au stade zéro de la civilisation sous le règne de la sauvagerie
et de la barbarie et où ce qui reste d’humanité va être sauvée par des machines en
Intelligence Artificielle et la figure d’un héros ou d’une héroïne rebelle, virtuose en
détournement de hautes technologies et initiant une révolution conservatrice. Sans
s’en rendre compte, les créateurs de jeux vidéo et les architectes urbanistes
transcrivent ces valeurs dans leurs créations. Les représentations africaines y oscillent
entre primitivisme, misérabilisme et source fantasmée d'une régénération de la
créativité occidentale. La ville africaine en tant que friche (Amselle, 2005) y est le lieu
d’expérimentation d’une économie informelle et dérégulée ainsi que d’une humanité
augmentée.

Méthodologie sociocritique : prendre au sérieux le


sens commun et comprendre d’où viennent nos
imaginaires
2 Au niveau méthodologique nous utilisons la théorie sociocritique d’Edmond Cros (2003)
afin de comprendre quels idéologèmes s’imposent dans les imaginaires
contemporains ? Quels mythes sont réactualisés ou créés ? Cette méthodologie
sociocritique postule l’existence de relations entre la création, l’histoire et le contexte
sociétal par l’intermédiaire de sociolectes et du concept de sujet culturel. C'est-à-dire
que les créations portent en elles dans leurs formes et leur expressivité, les lacunes et
contradictions de la société contemporaine. Nous prenons au sérieux le sens des
représentations dans les images, les formes et les structures des œuvres. A travers le
temps et l'espace, des réseaux de sens apparaissent, c'est ce que Claude Duchet nomme
les sociogrammes. Les représentations de la ville futuriste Numbani dans le jeu vidéo
Overwatch de Blizzard Entertainement, les expérimentations contre-culturelles des
Hubcités au Togo et la ville intelligente Konza Technopolis au Kenya sont comparées afin
d'essayer d'y saisir l'esprit du temps. Ces différentes représentations sont considérées
comme des « formes de connaissances socialement élaborées et partagées, ayant une
visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble
social » [Moscovici, 1981, p. 36]. Cette position théorique est à rapprocher des études
des mentalités des Annales et des représentations sociales qui s’intéressent au sens
commun construit par contraintes et avec la culture environnante où proverbes,
mythes, légendes et récits viennent teinter les croyances d’irrationalité et de
mysticisme (comme le démontre Freud dans son analyse des théories sexuelles chez les
enfants). Poser l’existence d’un sens commun comme une manière d’aborder le monde,
d’anticiper et de prescrire le comportement des individus peut permettre de
comprendre quelles valeurs se diffusent à travers les imaginaires d'une époque. Le
véhicule de ses imaginaires est le sujet culturel. Les concepteurs de jeu vidéo, les
architectes contemporains et les ingénieurs baignent dans un esprit du temps sans s'en
rendre compte. Leur non-conscient assimile les valeurs dominantes et les réinjecte
dans les créations. Ces imaginaires permettent de légitimer des valeurs et décisions
même quand celles-ci dégradent les conditions sociales et créent de la pauvreté sous le
couvert d'apporter bonheur et tolérance. Ils sont considérés comme des facteurs de

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transformations sociales via l’objectivation du langage et sa mise en acceptabilité par le


discours politique, ils permettent d’étudier les rapports à l’idéologie, aux systèmes
symboliques et aux attitudes sociales qui reflètent les mentalités [Shaw, Anthropy,
Kafai et al]. Comprendre ce qui se joue dans ces imaginaires permet de mesurer les
capacités de transformation d'une société, d'une époque et d'une culture. Ils pré
scénarisent les comportements à venir en les rendant possibles ou non. Dans cette
production représentative on peut observer le jeu de la fantasmatique individuelle et
l’imaginaire social [Embrick, D. et Lukàcs A., 2010]. Ils sont avant tout politique même
s'ils sont présentés comme neutres et apolitiques. Les réalisations médiatiques
industrielles et notamment vidéoludiques sont les nouveaux lieux de production
culturelle de mythes contemporains.

De la ville vidéoludique, aux Hubcités en passant par


les smart cities : les architectures du futur
Overwatch

3 Le jeu de tirs multijoueurs Overwatch, à la première personne met en scène dans un


environnement afrofuturiste8 et transhumaniste une nouvelle ville africaine Numbani
entièrement créée pour résoudre une guerre entre robots et humains. Plus de 40
millions de joueurs à travers le monde se retrouvent sur ce MMORPG 9. L'histoire
démarre en 2077, 30 ans après la crise des Omniums. Les Omniums représentent un
complexe industriel de production de robots intelligents qui se sont retournés contre
leurs créateurs les humains sans raison majeure déclarée, mais dont la révolte signe
une étape dans le transhumanisme, celle du franchissement du mur de conscience des
machines et l’avènement de la singularité technologique10. Afin d'éliminer ces insurgés,
l'institution Overwatch est crée par les Nations Unies et réunit une poignée de
militaires augmentés, elle sera dissoute, car suspectée de corruption puis reconstituée
pour combattre une organisation criminelle. Les ressorts narratifs se basent sur une
diversité de menaces des organisations mafieuses transformant l'espace public urbain
en terrain de combats terroristes. La rejouabilité s'inscrit dans la découverte de
nouvelles villes à travers le monde et l'arrivée de nouveaux personnages qui
permettent de reconstituer la trame narrative. La ville Numbani au Nigéria se présente
comme un nouveau havre de paix entre humains et omniums, sa valeur cardinale est la
tolérance. Orisa apparaît avec la carte de Numbani, elle est la gardienne de la paix.
Robot quadrupède, elle a été construite dans une sorte de Fablab à partir de pièces
récupérées sur d'anciens robots défensifs OR15 dont la durée de vie est extrêmement
courte. Efi Oladele sa créatrice gagne à 11 ans, la « bourse des génies » décernée par la
fondation Gabrielle Adawe et décide de créer Orisa suite à l'attaque que sa ville natale
vient de subir. Orisa est une Intelligence Artificielle qui apprend avec son utilisateur,
elle est un personnage jouable. A l’image des smart cities nommées villes intelligentes,
numériques, augmentées, Numbani repose sur un usage intensif des technologies de
l’information et de la communication.

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Les villes intelligentes, expérimentations africaines

4 Ces villes intelligentes sont une nouvelle proposition pour penser l'espace urbain. Elles
promettent de favoriser un développement durable et une qualité de vie grâce à une
meilleure gestion des infrastructures et ressources naturelles par le biais d'applications
et de captation en temps réel des données personnelles. Les technologies se substituent
aux politiques urbaines et aux institutions. Le design urbain de ces villes intelligentes
est le même partout dans le monde, ce sont des villes-monde qui ne se préoccupent pas
de la réalité locale, sociale et politique. En Afrique, le pari fait, est que le retard en
urbanisation si ce n'est l'absence totale de stratégie d'aménagement public ouvrirait
une opportunité aux Africains de pouvoir enfin entrer dans le progrès technologique.
Les smart cities deviennent alors la solution miracle aux mégalopoles et à leurs
bidonvilles, il est d’ailleurs intéressant de remarquer que la présentation marketing de
ses villes, montre des bidonvilles et suggère leur disparition vertueuse, comme dans
tout phénomène de gentrification. L'Afrique espère passer de la dernière place à la
première et ainsi développer une expertise en mixed design urbain. La banque mondiale
dans le rapport « State of Africa 2018 » estime que les gouvernements africains ont tout
intérêt à effectuer les réformes sur les marchés fonciers et les réglementations afin de
prendre le contrôle de l'urbanisation et concevoir des technopôles qui permettent
d'attirer des investisseurs étrangers. Le premier défi en Afrique est la stabilité du
réseau d'électricité afin de rendre possible ce développement. Ces villes
hypermodernes, hyper sécurisées et technicisées sont conçues comme des villes
multiculturelles visant une nouvelle classe dominante11. De nombreux projets en cours
font sortir de terre dans une zone aride ou atypique comme ce fut le cas de Las Vegas,
des villes comme Konza Technology au Kenya. Ainsi mers et déserts sont certainement
les dernières zones terrestres à coloniser. D’ailleurs les projets du Seasteading Institute
de Patrie Friedman sont installés sur des îles artificielles et des déserts où aucune
législation ou impôt ne peuvent entraver le développement et l'idéal libertarien de ces
cités-état. Délestées de toute législation du vivre ensemble, les technologies deviennent
l'organe politique, régulateur par excellence, les blockchains12 remplaçant à terme, les
gouvernements et états dans une consternante pantomine de démocratie dite
participative, autonome, autorégulatrice et issues d’innovations ascendantes
citoyennes. Pour créer ces villes au design futuriste les partenariats public-privés sont
privilégiés et Huawei, Google, Oracle, Microsoft, MasterCard, Sigfox, Orange Business
Services, Thales, Dassault entre autres investissent. Entièrement tournées vers
l'utilisateur final devenu un consommateur, ces villes promettent le bonheur dans les
datas. Ainsi grâce à la délégation de la gestion des biens collectifs, des espaces
communs et aux logiciels des bigs datas, la ville intelligente tend vers l'utopie hippy du
poète Richard Brautigan13 d'une écologie cybernétique où nature, mammifères et
humanité vivraient en harmonie comme des frères et sœurs sous la haute surveillance
de machines pleines d’amour et de grâce. Les diplômes sont remplacés par des concours
à l’innovation14au sein des Fablabs et tendent vers la création de start ups afin d'assurer
la constitution de Silicon Valleys africaines. La connaissance est entièrement
instrumentalisée aux intérêts économiques des GAFAM. Des milliards d'investissement
sont déployés dans les infrastructures et les applications en Intelligence Artificielle afin
de permettre à l'Internet des objets de fonctionner de façon fluide. L'enjeu est
d'accéder enfin à la postmodernité transhumaniste et prendre l'avantage

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technologique sur le reste du monde. Pour atteindre cet horizon, les décideurs se
moquent des paradoxes économiques et sociaux.

Les Hubcitées alternatives

5 En s'installant sur la post-frontière du Togo et du Ghana qui partage à angle droit la


ville de Lomé les objectifs du projet Hubcités sont aux antipodes des smart cities
[Rochet 2018] africaines et autres. L'expérimentation d'une action citoyenne s'effectue
sur le lieu même où sévit l’un des problèmes ethniques parmi les plus importants que
posent les frontières africaines de par leurs origines coloniales. La population Ewé se
retrouve partagée sur deux pays de façon arbitraire. Entre 1959 et 1966 le président
ghanéen, Kwamé N’krumah a fait pression sur le Togo pour intégrer au Ghana la
population Ewé afin de trouver une solution aux revendications de cette communauté.
Depuis, le gouvernement du Togo se désintéresse de cette partie de la ville. Les
inondations dues à la lagune qui se partage entre le Ghana et le Togo, rendent le
quotidien encore plus difficile. C'est donc dans cette zone urbaine délaissée par le
pouvoir politique, que Sémané Koffi implante les Woélab O et 1. Le premier projet se
constitue autour de la Wefat, une imprimante15 entièrement créée avec des déchets
électroniques et qui a pour première vocation, d'offrir des outils de création 3D aux
jeunes africains dans les écoles, collèges et lycées. La deuxième expérimentation est
l'application Scope qui permet d'organiser la collecte des déchets plastiques, répondant
ainsi à un véritable problème urbain dans une cité où n'existent pas de services
municipaux de ramassage des déchets. La troisième action citoyenne est Urbanatic,
celle-ci consiste à transformer chaque WoéLab en grenier avec l'application Food Lab qui
permet d'identifier dans la ville, les espaces disponibles pour les transformer en
potager bio et redistribuer leur production aux habitants situés à moins d'un kilomètre.
Les HubCités imbriquent technologies libres et modernité ancrée 16 dans les traditions.
Sémané Koffi s’appuie sur l’observation des sociétés traditionnelles afin de redonner
aux citadins l’initiative dans la transformation et la gestion de leur cadre de vie. Le
projet se base sur l’installation d’un réseau de petits agora-fabriques de proximité sur
le modèle des enclos d’initiation dans les sociétés traditionnelles. L'africaine
d'architecture est une sorte de maison mère d'où sont initiés des projets citoyens qui
utilisent les technologies des Fablabs et les logiciels libres afin de sortir de la logique
capitaliste actuelle. L'Afrique est ici considérée dans son potentiel émancipateur de
l'économie numérique marchande des GAFA, il souligne les problèmes que posent les
applications dans l'émergence d' une nouvelle forme d'exploitation, celui de capter les
données personnelles des usagers. Ce qui lui semble le plus dangereux est l'atomisation
du social par l'hyper individualisation du consommateur. Au lieu d'un humain
augmenté comme les gourous de l'Intelligence Artificielle l'argumentent, c'est un
humain diminué et isolé par délégation d'outils intelligents qui se profile dans les smart
cities selon Sémané Koffi. Un humain qui n'aura plus besoin de réfléchir ni de ressentir.
En même temps, il remarque l'étrange modernité des sociétés traditionnelles et
souligne les remarquables résistances des structures vernaculaires qui, sans être
idéales, permettent de dessiner de nouveaux chemins dans la technicisation du monde
et notamment le développement des outils d'intelligence collective. Il constate que la
fraternité et le développement des biens communs sont construits culturellement dans
les villages africains et qu'il est possible d'impulser ces valeurs dans les villes afin de
permettre une appropriation des espaces dans un souci d'habiter la terre et de faire

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monde en commun. Lors de sa découverte de l'éthique des hackers, il remarque une


parenté avec les valeurs vernaculaires qu'il connaît en Afrique. Leur approche modeste
du « faire soi-même » avec des technologies low-techs rend possible leur application
sans investissements importants. Peut-être a-t-il alors l’acuité de percevoir la racine
psychédélique des valeurs des hackers qui rejoignent les valeurs hippies technophiles.
Car ceux-ci en cherchant à fuir la société de consommation bourgeoise pour un mode
de vie plus écologiste et égalitaire s’inspirent ouvertement des philosophies orientales
et primitives [Turner, Fred, 2013]. Ainsi autour du projet HubCités, il détourne le
concept de smart city en privilégiant l'échange, le lien et la relation comme valeur
ajoutée à contrario de la valeur marchande. Les start ups issues de ces projets sont
atypiques même si elles portent la même dénomination, elles ont vocation à devenir un
bien commun aux utilisateurs dans une sorte de coopérative populaire. Il lui semble
qu'au cœur de la technologie numérique, le capitalisme pervertit les valeurs
communautaires et collectives. Il pense l'essence des technologies comme neutre.
Utopiste pragmatique, il envisage d'expérimenter ce qu'il nomme un futur décolonisé
et assume une action radicale rendue possible par leurs autofinancements 17.

Les nouvelles mythologies numériques


Le mythe de la technologie neutre

6 Penser que la technologie est neutre et peut-être implémentée d’une société à une
autre est une grave erreur, comme le montrent les expériences en Afrique. Moins que
les compétences nécessaires manquantes, ce sont les conséquences sur l’organisation
sociale qui expliquent la non utilisation des objets techniques tels que tracteurs,
machines et autres objets du progrès technique. Chaque nouvelle technologie
réorganise et redistribue le pouvoir d’où certainement la méfiance des organisations
corporatives18 envers les innovations qui déréglementent automatiquement la
hiérarchie, imposent de nouvelles circulations du pouvoir et donc de nouveaux
opérateurs et permettent ainsi une réorganisation du travail et une déconstruction des
structures traditionnelles [Jarrige, 2016]. De plus, pour qu’une innovation s’impose et se
diffuse, il faut qu’elle soit en phase avec les systèmes idéologiques qui favorisent son
extension en mettant en place l’environnement nécessaire à son fonctionnement et
c'est bien ce que montrent les vidéos sur Konza Technopolis19, l'importance de
l'investissement public dans la construction des infrastructures. Aucune technologie ne
peut se diffuser sans un soutien politique qui lui permette de s’arrimer socialement et
matériellement. Elle doit ainsi être en accord avec les intérêts économiques des élites
aux pouvoirs en même temps qu’elle déplace et déclasse ceux qui agissent ou pourront
agir sur la société20. Toute technologie a besoin d’énergie, de ressources et derrière ce
besoin s’organise toute une industrie d’extraction ou d’accumulation de ces ressources.
De la même façon, Les technologies numériques et ubiquitaires ont aussi leurs
infrastructures, ce qu’ Al gore nomma « Les autoroutes de l’information » avec des
investissements publics colossaux. Elles ont aussi besoin de matériaux rares, tels que
les minerais des batteries. Leur ubiquité à un coût matériel d’exploitation en ressources
naturelles et humaines. Derrière ces interfaces ubiquitaires et ces villes intelligentes,
bienveillantes et intimement incorporées, intuitives et naturelles, neutres et
transparentes, fluides et sans coutures, le capitalisme poursuit sa logique
d’accumulation primitive du capital aujourd’hui située au plus intime des corps des

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usagers de ces dispositifs technologiques. Consommateurs et travailleurs deviennent le


même lieu d’extraction des données personnelles qui permettent d’alimenter
l’immense machinerie des big datas. Cette nouvelle accumulation primitive, je la
nommerais l’hyper accumulation régressive et animiste21 dont les interfaces sont
devenues la nouvelle arme de domination : « Nous aurons réussi lorsque le monde sera
devenu notre interface »22 déclare Neil Gershenfeld, directeur du consortium Things
that think [Caccamo, Catoir-Brisson, 2016] et connu pour avoir créé, développé et dirigé
le projet de Fablab au MIT. Derrière le passage du Do it yourself (DIY) au Do It With Others
(DIWO), le modèle politique est libertarien23. Neil Gershenfeld se situe clairement dans
le mouvement transhumaniste de l'économie libérale, ces fablabs sont loin d'être
neutres et derrière une croisade de démocratisation de la conception des technologies
numériques, ce sont toutes les infrastructures économiques régulées qui sont visées et
donc les institutions démocratiques.
7 De la même façon, les valeurs libertariennes traversent les imaginaires du jeu Overwatch
et légitiment un avenir transhumaniste en mettant en scène par le biais de personnages
jouables différents débats autour du transhumanisme sans prendre position, alors que
l'ensemble des héros jouables sont des êtres augmentés et génétiquement modifiés
dont le devenir est entièrement instrumentalisé pour combattre. Dans la ville de
Numbani, le mythe du solutionnisme côtoie celui d'une technologie tolérante et
bienveillante toujours soumise à un équilibre fragile puisque le terrorisme et son
combat sont au cœur des mécaniques de jeu. En pleine savane, une cité-état
afrofuturiste émerge comme un havre de paix où les conflits entre humains et robots
intelligents se réactivent et s'apaisent suivant le rythme ludique. L'humain est
augmenté de pouvoirs et de prothèses électroniques et les robots pensent, ressentent et
développent par leur apprentissage une conscience. Ainsi l’histoire se déroule après
que le big bang électronique ait eu lieu, la singularité s’est réalisée et la ville de
Numbani se situe dans ce que les transhumanistes nomment la néo renaissance.

Le mythe de l’innovation ascendante citoyenne

8 Lomé est une ville bidonville avec un centre ville aux immeubles construits dans les
années 60-70 (première décennie de l'indépendance du pays) et où est encore inscrit
dans l'espace urbain l'époque coloniale des institutions. En dehors de ce périmètre aux
routes asphaltées, seuls des chemins en terre rouge permettent de se déplacer, les
cabanes de tôles rapiécées avoisinent des maisons étranges qui semblent figées dans
une autre temporalité et dont on ne pourrait décider si elles sont en construction ou en
cours de destruction. Sans écoles publiques, sans dispensaires médicaux les habitants
doivent se retourner vers des services privés onéreux alors que les seules activités
économiques sont informelles et permettent à peine de survivre (couture, cuisine,
transport). On oublie que l'économie informelle [Gourévitch, 2002], celle qui est
devenue vertueuse dans nos sociétés occidentales numériques est aussi une économie
mafieuse, violente et sans foi ni loi. Elle est au cœur de ce que nomme De Soto, un
« capitalisme aux pieds nus » (1994). Ainsi, il n'est pas rare de voir d’informels « chefs
de quartier » ou « chefs d'un morceau de route » revendiquer des loyers exorbitants ou
des droits de passages illégaux. Les pannes d'électricité, les inondations et les arnaques
rythment la vie des citadins. Sortir de l'espace urbain de Lomé prend plus de 4 heures,
aucune infrastructure publique de transports en commun n'est disponible [Assogba,
2013]. Au Togo comme ailleurs dans le monde où règnent des dictatures qui utilisent

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toutes les formes de violence politique pour garder le pouvoir et où l'état qui souvent
s'autoproclame « république » est corrompu, prédateur et barbare, la société civile
s'organise tant bien que mal. Des rues, des quartiers, des sortes de tontines, comités
locaux de citoyens clandestins se mettent en place afin de gérer l'espace commun et
assurer un accès aux services sociaux qu'ils soient médicaux ou scolaires, aidés par des
ONG, des bienfaiteurs, la diaspora ou des communautés religieuses 24. Cela crée un tissu
de dépendances plus ou moins heureuses et des conseils décisionnels plus ou moins
sages, mais dans des conditions de vie précaires cela permet de survivre. Pour une
population qui depuis de nombreuses années n'a pas le pouvoir d'agir au niveau
national, l'action ne peut être que locale, réduite et aléatoire, car incomplète. Alors les
initiatives lancées par Sémané Koffi, les Hubcités sont une véritable aubaine pour la
population locale. Même si cette action locale ne peut remplacer et contrer le pouvoir
distribué entre l'état25 et les organisations internationales telles que la banque
mondiale26, les Hubcitées redistribuent en dehors de l’enseignement payant, le savoir
technologique et permet à une population pauvre d’accéder à la connaissance qui
réagence le pouvoir. Mais pour initier des réformes, il faut des lois et des institutions,
et cela se passe au niveau national et international. En occident, les localisations et les
politiques participatives sont devenues des outils politiques stratégiques qui
permettent de soumettre les institutions et citoyens à une logique budgétaire
d'austérité grâce à un jeu de passe-passe où les responsabilités sont transférées, mais
pas la totalité des budgets nécessaires à leur mise en œuvre [Gourgues, 2015]. Il est ainsi
fréquent que le participatif soit totalement instrumentalisé aux logiques libérales. La
tendance libérale est de sur responsabiliser les citoyens afin qu'ils participent
gratuitement à la vie locale [Hache, 2007]. Ainsi chaque espace autogéré par des
associations de quartier est une façon d'appliquer des politiques de déréglementation
et de désinvestissement de l'État. Rien de mieux que d'encourager la créativité des
pauvres [Klein, 2000], comme vecteur de l’économie globalisée. Dans cet esprit, la Wefat
rend presque vertueux l'obsolescence informatique et les déchets électroniques
occidentaux envoyés en Afrique et en Asie. Dans cette situation, il est difficile sous les
arguments et valeurs détournés de la contre-culture à des fins marketing de saisir ce
qui est émancipateur. Dans un capitalisme qui se nourrit de la critique artistique et de
la contre-culture pour créer le carburant de son développement à savoir les
innovations, ce qui nous semble alternatif se révèle souvent instrumentalisé, et
l’innovation est un bluff technologique qui permet de nouveaux développements au
capitalisme. Comme l’argumentent Frédéric Dalsace et David Ménasc (2010), ces
expériences qui semblent issues d’une alternative au capitalisme, sont au mieux des
paravents visant à maintenir l’ordre établi (Boltanski et Chiapello, 1999), au pire des
accélérateurs de la marchandisation du monde imposant à ceux qui vivent encore dans
une économie traditionnelle les valeurs et les repères de l’économie mondialisée (Klein,
2000). Ainsi cette délégation faite au nom d'une politique participative est une façon de
se désengager des politiques publiques, elle répond d'une façon alternative au modèle
néolibéral qu'elle semble combattre. L'innovation ascendante est un instrument du
libéralisme et les technologies numériques sont de nouvelles armes à la colonisation du
monde27.

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Le mythe de la tolérance

9 La tolérance technologique s’appuie sur la métaphore du canevas permettant de


modéliser les marges de manœuvre dans le design d’interaction, métaphore essentielle
dans la modélisation des outils citoyens de démocratie 2.0 et des blockchains qui
proposent de déléguer aux systèmes informatiques horizontaux nos décisions, notre
jugement et à terme notre démocratie. La tolérance technologique est la valeur qui
permet à Numbani de devenir la ville internationale de tous les peuples du monde, de
toutes les communautés, réalisant ainsi l'utopie multiculturelle du libéralisme, alors
même que c’est un monde en guerre civile qui apparaît dans les mécaniques de jeu. La
prospérité de cette révolution scientifique s’exprime dans une architecture
monumentale proche des nouveaux architectes et du mouvement biomimétiques 28 où
les formes s’inspirent directement des végétaux et des animaux. Les objectifs assumés
des nouveaux architectes sont de réintégrer la ville dans la biosphère, de conquérir le
désert et d'habiter la mer. Les animaux de la savane et les objets tribaux créent une
situation spectaculaire et folklorique, la savane semble totalement domestiquée et
déifiée. Une géométrie parfaite empruntant à l'architecture gothique et aux pyramides
égyptiennes, offre des façades élancées vers le ciel, qui rivalise de hauteur et de force,
dans une sorte de performance technologique. Des jardins suspendus vides
matérialisent l'harmonie recherchée entre l'environnement et l'urbain. Numbani
déploie les dernières technologies en intelligence artificielle afin de permettre aux
robots et humains augmentés une parfaite adéquation avec l'environnement urbain.
L'espace est entièrement privatisé, la ville appartient à l'architecte qui l'a créée
Gabrielle Adawe. Sa fondation distribue des bourses et organise des concours à
l'innovation. La performance, la compétition et l'individualisme sont mis en scène par
un culte de la personnalité et une starification de la créatrice. Statues, monuments
commémoratifs, enseignes sur les bâtiments rappellent aux habitants l'histoire de cette
ville et de sa fondatrice. C’est la pensée de Ayn Rand, l’auteure ultralibérale référence
essentielle dans le milieu des technologies du numérique, qui est ici mise en scène.
Romancière du capitalisme des mythes, elle met en scène dans son roman La grève 29, la
personnalité la plus importante dans une société conservatrice selon ses idéaux, le
créateur libertarien. Pour Ayn Rand, n’a de valeur que le travail de création, le reste n’a
aucun sens.
10 Dans le jeu vidéo Overwatch, le lieu où se situe la connaissance innovante est le Fablab,
ou une petite fille de 11 ans30 va bricoler Orisa, le robot protecteur des humains, sans
aucune aide apparente. Orisa représente l’intelligence artificielle et notamment la
puissance des algorithmes d’apprentissage qui lui permettent de s’améliorer. Efi
devient d’ailleurs la deuxième personnalité célèbre après Adawe, multipliant les
entretiens avec la presse. Ici tout semble possible grâce à l'esprit ouvert de ses parents,
puisque Efi adjoindra une arme de destruction extrêmement puissante à sa création
sans que cela ne soulève de questions éthiques ou éducatives dans le jeu. Le monde
d'Overwatch banalise ainsi l’utilisation des armes à feu dans le quotidien, projet
hautement politique au USA. Cette ville écrase l'individu tout en le magnifiant, elle est
une démonstration de force et le contraire d'un espace démocratique. Cette dérive
individualiste et autoritaire est postmoderne et afrofuturiste. Le déni d'une modernité
et des valeurs humanistes ouvrent directement sur un capitalisme animiste (Mbembe,
2013, 2014) dont le fétichisme folklorique témoigne d'une domination culturelle et

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économique. Les représentations de l'Afrique dans le jeu Overwatch participent d'un


impérialisme des industries des divertissements occidentales.

Conclusion
11 Derrière ce que nous nommerons un bluff technologique de solutions dites
intelligentes, un nouveau impérialisme irradie les imaginaires des smart cities et de la
ville vidéoludique de Numbani. Ces imaginaires dominants se révèlent principalement
irrationnels, métaphysiques, conservateurs, traditionalistes et réactionnaires 31. En
phase avec les pensées libertariennes anti-humanistes [Sadin, 2021], les valeurs
humaines deviennent les qualités des technologies. Dans ce cadre, la rébellion est
technologique et vise à revendiquer un droit de conscience. Les idéologènes que nous
retrouvons dans les trois cas analysés sont (1) une croyance sans faille dans les
solutions technologiques pour résoudre des problèmes sociétaux et où les technologies
du numériques sont saisies comme la possibilité pour l’Afrique de rentrer (enfin !) dans
le contemporain (2) l’inégalable créativité des friches, décharges, lieux abandonnés
ainsi que des pauvres afin de régénérer la créativité occidentale, (3) le non
questionnement sur la relation entre démocratie et démocratie 2.0 comme si le
numérique devenait le garant d’une représentation populaire bienveillante, sans
questionnement sur le potentiel de surveillance et les dérives autoritaires de ces
technologies (4) un désintérêt pour les questions de classes sociales, de domination et
de pauvreté. Dans le projet de Sémané Koffi, le choix d’une modernité ancrée offre une
véritable alternative et l’émancipation se trouve dans le détournement des
technologies du libre pour créer d’autres modèles économiques où le social ne peut pas
devenir une marchandise et où le bien commun ainsi que le vivre ensemble sont au
cœur des préoccupations des ingénieurs. L’enjeu de l’Intelligence Artificielle est sérieux
pour l’Afrique, car une nouvelle forme de colonisation se déroule actuellement, comme
le souligne Mahamed Al Amine Fofana de l’université Félix Houphouët-Boigny en Côte
d’Ivoire dans sa communication L’Homme de l’IA32. Je dirais que cette colonisation est
en œuvre à un niveau planétaire et chaque smartphone est une arme de domination.

BIBLIOGRAPHIE
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Jeu vidéo :

Overwatch (2018), Jeu informatique, Blizzard.

NOTES
1. Voir pour un rapide aperçu : https://www.youtube.com/watch?v=yokfAPtepes
2. https://www.lafricainedarchitecture.com/hubciteacute.html
3. https://www.facebook.com/woelab/
4. Voir pour un rapide aperçu : https://www.youtube.com/watch?v=yokfAPtepes
5. https://www.lafricainedarchitecture.com/hubciteacute.html
6. https://www.facebook.com/woelab/
7. https://www.facebook.com/woelab/videos/735219437011169/?t=51
8. L'afrofuturisme est un courant et une esthétique artistiques qui redéfinit la culture et la
conception de la communauté noire en jouant sur des éléments de science-fiction,
d’afrocentrisme et de croyances animistes. L’une des caractéristiques de ce mouvement
artistique est la négation des apports de la modernité et l’expression d’une nostalgie tribale.
9. Un jeu de rôle en ligne massivement multijoueur .
10. Prophétie de l’auteur de science fiction Vernor Vinge : une croissance exponentielle de la
puissance des microprocesseurs amènerait à une sorte de cataclysme, un big bang électronique,
permettant à l’intelligence Artificielle de franchir le mur de la singularité et de développer une
sorte de conscience réflexive. Cet événement signifierait la fin de l'ère humaine, car la nouvelle
forme de superintelligence continuerait de s'améliorer et d'évoluer technologiquement à une
vitesse incompréhensible pour les humains.
11. « gated communities », https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-villes-toujours-plus-grosses ,
consulté le 19 janvier 2021.
12. Pour en savoir plus : https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-
blockchain/, consulté le 19 janvier 2021.
13. Pour un approfondissement voir : https://www.paris-art.com/regard-de-machines-pleines-
damour-de-grace/ et http://www.latortuequivoulait.com/2018/01/all-watched-over-by-
machines-of-loving-grace-by-richard-brautigan.html, consultés le 19 janvier 2021.
14. Les villes, avenir de l’humanité ?, « Manière de voir » #175 , février-mars 2021, voir l’article
« A Boston, la façade de l’innovation » de Thomas Franck, p.69-71
15. Derrière cet outil de prototypage, une nouvelle économie personnalisée à contrario
d’industrielle apparaît possible. Un des enjeux par exemple, est la production de prothèses (une
des conséquences des guerres est l’amputation des corps) qui avec l’imprimante 3D permettrait
aux Africains de ne plus être dépendants d’une industrie occidentale. Ceci est essentiel pour un
continent qui n’a pas réalisé de révolution industrielle.
16. Le mouvement en modernité ancrée regroupe différents architectes qui défendent une
architecture vernaculaire. Ces architectes utilisent des matériaux et formes innovant.es tout en
respectant les traditions locales culturelles. Ils se réapproprient des matériaux en circuit court,
conçoivent des espaces dont le design réinstaure des traditions locales et travaillent avec les

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compétences et artisans locaux : Diébédo Françis Kéré, WallMakers, Charlotte Perriand, Zita Cobb
[...]
17. Écouter : https://soundcloud.com/afrotopiques/cosmo-ethiques-africaines-et-nouvelles-
technologies-pour-habiter-la-terre-en-commun, consulté le 19 janvier 2021.
18. Notamment le mouvement luddiste nommé « briseurs de machines » au début du 19 e en
Angleterre.
19. Voir par exemple : https:// www.youtube.com/watch?
v=omPqogyrOGU&ab_channel=CHAMSMEDIATV
20. Par exemple : l’automobile a besoin d’infrastructure : routes, chaussées et même code
d’utilisation, permis de conduire, pénalisation du non-respect, réparateur, pompes à essence sont
quelques exemples d’éléments constituant le dispositif permettant à l’automobile de fonctionner.
L’avènement de l’automobile a un coût humain (la stabilisation du système et de son
environnement fera des morts de la routes mais aussi nécessitera des travaux importants et sa
main-d’œuvre.
21. Car elle chosifie le vivant, le transforme en marchandise.
22. Gershenfeld Neil A. (1999). When Things Start to Think, Hodder and Stoughton, Londres.
23. Le libertarianisme privilégie l’approche de l’ École autrichienne et se développe en
Californie, avec un rejet de l’État-providence et de l’interventionnisme économique. Les penseurs
de ce mouvement sont herbert Spencer, Henry David Thoreau, Friedrich Hayek, Milton Friedman,
Robert Nozick ou encore Aynd Rand [..].
24. Ou toute organisation qui a l'immense avantage d'être une porte où arrivent les dons des
pays riches.
25. qui kidnape les ressources nationales.
26. qui impose depuis 40 ans des politiques d'économie libérale, de libre échange, d'austérité et
de diminution des services publiques, ainsi que les investissements vers l'innovation
technologique avant le progrès social.
27. Peu d’explorateur racontent combien les objets, navires, bateaux, automobiles, camions et
armes vont permettre une soumission rapide et souvent effarée des populations. Lorsqu’en
Centre Afrique circule une sorte de paquebot baleine entièrement démontable, la force de la
magie opère de façon spectaculaire et radicale (Tuquoi, Jean-Pierre, Oubangui-Chari, le pays qui
n’existait pas, la découverte, 2017).
28. Voir : https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/07/26/les-architectes-entrent-en-
resilience_5336249_3232.html , consulté le 20 janvier 2021.
29. Où les employés supplient l’entrepreneur créateur d’arrêter de faire grève !
30. figure singulière du marché des jeux occasionnels
31. Comme le rappelle Marc Jimenez dans l’article Rationalité et négativité dans la pensée
adornienne (2003) parue aux presses de l’université de Tunis sous la direction de Mélika
Ouelbani, Adorno et l’École de Francfort, Colloque 5-7 décembre 2003, p.117.
32. Colloque CONTECDEV, Intelligence Artificielle et innovation sociale, 17-18 juin 2021,
Bordeaux, France

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RÉSUMÉS
Dans cette communication, nous proposons une analyse sociocritique des représentations de la
ville contemporaine africaine. L’objectif est de croiser un corpus contrasté afin de mettre en
évidence les représentations dominantes. Nous avons choisi en partant des représentations
afrofuturistes nigériennes de la ville de Numbani1 dans le jeu vidéo Overwatch de Blizzard
Entertainement de les confronter avec les projets de smart cities africaines et les initiatives de
L’Africaine d’architecture. Notamment les projets de construction d'une smart city, Konza
Technopolis, au Kenya en pleine savane et les HubCités Africaines 2, programme de ville intelligente
alternative, expérimenté depuis juillet 2012 au sein du Fablab (abréviation de Fabrication
laboratory) nommé Woélab3, de Lomé au Togo. Trois mythes sont déconstruits, la neutralité de la
technologie, l’innovation ascendante et son corollaire la tolérance technologique.

In this communication, we propose a sociocritical analysis of the contemporary of


représentations african city. We have chosen, starting from Nigerian Afrofuturist
représentations of the city of Numbanu in the video game Overwatch, to confront them with the
projects of African smart cities. In particular, the builder project of smart city, Konza
Technopolis, in Kenya in the middle of savannah and the African HubCities, an alternative smart
city program, experimented since July 2012 to the Fablab (abbreviation of Fabrication laboratory)
Woélab from Lomé to Togo. Three contemporary myths are deconstructed, the neutrality of
technology, bottom-up innovation and tolérance technology.

INDEX
Mots-clés : Smart city, villes intelligentes, imaginaires contemporains, innovation sociale,
Overwatch, Hubcités, contre-culture hacker, Fablab, Woélab, capitalisme libertarien, économie
sociale et solidaires.
Keywords : Smart city, intelligent cities, contemporary imagination, social innovation,
Overwatch, Hubcities, counter-hacker culture, Fablab, Woélab, libertarian capitalism, social and
solidarity economy.

AUTEUR
EMMANUELLE JACQUES
Laboratoire : RIRRA 21, Université de Montpellier

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L’intelligence artificielle : déni de


conscience ou nouvel humanisme ?
Artificial intelligence : denial of conscience or new humanism ?
Inteligencia artificial : ¿negación de la conciencia o nuevo humanismo ?

Lise VIEIRA

Cadrage et problématisation
1 Depuis son apparition au milieu du siècle dernier (McCarthy, Minsky & alii. 1955)
l’intelligence artificielle (IA) exerce une certaine attraction, parfois même une
fascination devant les nouveaux horizons qu’elle ouvre à l’humanité.
2 Aujourd’hui, ce concept en plein essor soulève de vives polémiques : eu égard aux
nombreuses applications positives développées dans maints domaines, L’IA est-elle
l’expression la plus avancée du génie humain et du progrès, ou bien est-elle
annonciatrice d’un asservissement imminent de l’Homme aux robots de toutes sortes ?
D’outil de pointe elle deviendrait alors une force potentiellement destructrice.
3 La problématique est ardue car le champ considéré est à la fois vaste, complexe,
extrêmement mouvant et évolutif. Nous proposerons quelques pistes de réflexion en
nous appuyant sur deux notions qui paraissent centrales pour approcher la question de
l’impact sociétal de l’IA : la conscience/déni de conscience et l’humanisme numérique.
4 Le cadre méthodologique de cette étude consiste en une approche essentiellement
conceptuelle et théorique, s’appuyant sur l'analyse de textes appartenant à un éventail
de disciplines (philosophie, sociologie, physique et S.I.C).

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IA : l’avers et le revers de la médaille


Les potentiels de l’IA

5 C’est en en 1955 que John McCarthy et Marvin Minsky ont les premiers développé ce
concept lors de la conférence du Dartmouth College à Hanover (Etats-Unis). L’IA
consiste à élaborer des ensembles d'algorithmes, des programmes informatiques
capables de réaliser des actions habituellement effectuées par des humains. L'objectif
est de doter une machine, un "robot", de fonctions propres au vivant : la mémoire et la
rationalité mais aussi la perception et le raisonnement. En simplifiant notre quotidien
dans nos environnements personnels ainsi qu’au travail, l’IA qui n’est pas sujette aux
contraintes physiques, qui est disponible en continu, peut stocker de grandes quantités
de données et remplacer l'homme dans des tâches pénibles ou dangereuses. C’est donc
a priori un bienfait pour l’humanité si cet ensemble d’inventions arrive à alléger la
charge de travail, à améliorer les performances, voire à favoriser les relations
humaines, l’entraide, le lien social.
6 Cependant, avec le développement incessant des technologies numériques et
l’élaboration de nouveaux programmes et de nouvelles fonctionnalités, le doute arrive
à poindre.
7 Le développement de l'intelligence artificielle : risque ou opportunité ? C’est le titre d’une
récente parution de La vie Publique 1 (Décembre 2020) qui montre l’ambivalence de cet
ensemble de concepts et de techniques regroupés sous cette appellation. En effet l’IA
s’attache à imiter l’intelligence humaine dans l’objectif de répondre à des besoins
d’ordre sociétal, économique et environnemental. De nombreuses applications existent
dans les domaines de l’industrie, de l’économie, de la médecine, des transports avec
pour objectif d’améliorer les conditions de vie et la productivité et la sauvegarde des
écosystèmes.
8 En matière de sauvegarde de l’environnement, une équipe de chercheurs a pu recenser
près de 1,8 milliard d’arbres au Sahara et au Sahel, ce qui n’aurait pu être fait sans
outils d'automatisation. Pour réaliser ce décompte, les scientifiques ont collecté des
images satellitaires à haute résolution de la zone via le programme européen
Copernicus, puis les a analysées à l'aide d'algorithmes d'intelligence artificielle. 2 Une
étude, exposant cette démarche, a été publiée dans la revue Nature (Brandt & al, 2020).
D’autres démarches de préservation des espèces animales ont pu également être
opérées récemment (2020) grâce à l’IA. Citons pour exemples un programme Google AI
de détection des sons qui a permis de mener à bien une campagne de localisation les
orques en mer de Salish au large de Seattle, et un recensement des mammifères marins
protégés en Alaska qui a été effectué grâce à un algorithme développé par Microsoft.

Le revers de la médaille

9 A l’inverse, on peut aussi citer de nombreux exemples d’usages de l’IA qui vont à
l’encontre des libertés et des droits de l’homme.3 En Chine, des employés d’usine sont
sous la surveillance d’algorithmes qui traquent le moindre de leurs retards.
L’intelligence artificielle se substitue alors aux dirigeants de l’entreprise, ce qui amène
ce type d’organisation à un état de profonde déshumanisation.

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10 Peut-on cependant penser que l’homme gardera la main ? Le transhumanisme continue


son cheminement. A l’origine, il s’agit d’accroître les capacités physiques et
intellectuelles, souvent dans un contexte médical. C’est le cas la puce Neurolink pour
les personnes atteintes de handicap physique ou de maladies neurologiques. 4 Toutefois,
le caractère intrusif de cette implantation dans le cerveau peut laisser craindre des
dérives et des utilisations moins légitimes visant à prendre le contrôle et à enlever tout
libre arbitre aux porteurs de la puce.
11 Les inconvénients réels et potentiels sont dus au rôle prépondérant des algorithmes
qui, constitués d'instructions et d'opérations réalisées sur des données, peuvent être
détournés. Le risque de piratage est très prégnant et la perte de contrôle des objets
(drone, voiture autonome) ou des systèmes d’IA peuvent avoir de lourdes conséquences
notamment lors de conflits.
12 En outre, le fait de « déléguer » aux algorithmes la sélection d’informations ciblées, de
publicités sélectives présente aussi de réels dangers de déviance informationnelle,
d’autant que les fausses informations (fake news) ne manquent pas de proliférer par
effet de répétition et d’amplification.
13 Cela nécessite donc la mise en place de mesures de sécurité et de vérifications qui ne
sont pas toujours aptes à surmonter ces inconvénients. Mais parmi ces derniers, les
plus graves sont certainement que ces programmes automatiques pourtant créés par
l’Homme, arrivent à lui échapper, à le dépasser et à entraîner des conséquences
désastreuses. Les dilemmes sont certes d’ordre moral mais aussi juridique en
particulier en ce qui concerne la détermination de la responsabilité de ces dérives.
14 Les questions majeures qui se posent alors sont de tenter de discerner si les avantages
que l’IA représente ne sont pas au détriment du libre arbitre des humains et si la
dangereuse porosité des frontières entre l’Homme et la machine n’amène pas
finalement cette dernière à le supplanter.

Conscience et déni de conscience : le débat éthique


15 Nous considérons ici la double acception du terme conscience : l’homme est à la fois
16 - un être conscient, un être éclairé ayant connaissance de ses actes, ce qui « lui permet de
se sentir exister, d'être présent à lui-même »5
17 - un être doué de conscience au sens moral, capable « de porter des jugements normatifs
immédiats, fondés sur la distinction du bien et du mal, sur la valeur morale de ses actes ;
connaissance intuitive, sentiment intime de cette valeur. »6 Dénier ou renier cette
conscience, c’est perdre son humanité.
18 Rattrapée par son rêve prométhéen de vouloir égaler la force créatrice des dieux,
l’humanité court le risque de se faire dépasser par ses propres inventions et de perdre
la double quintessence de sa conscience.

La tentation prométhéenne

19 Dans des écrits antérieurs (Vieira, 2020), nous avons abordé cette propension des
hommes à vouloir se croire tout puissants depuis les temps les plus reculés. C’est
l’origine du mythe antique de Prométhée qui prétendait être le rival des dieux. Alors
que les évolutions de la science ont toujours été marques de progrès, c’est cette

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prétention qui pose problème, particulièrement lorsque l’invention arrive à échapper à


son créateur. « Ce n'est pas certes le progrès de la science qui est dangereux, mais l'utilisation
que l'on en fait. Sous prétexte de liberté de la recherche, certains apprentis-sorciers peuvent
mettre en danger l'homme lui-même. » (Quoist, 1997 : 145, n. 2)
20 Devons nous craindre le syndrome de l’Apprenti sorcier ? Tant que l’enjeu est une
compétition d’échecs face à un ordinateur7 les conséquences restent mineures. Mais
lorsque des robots arrivent à dominer, voire à se substituer à l’humain, il y a matière à
s’alarmer. En 2019 la presse8 a fait état d’un générateur automatique de texte très
performant au point d’inquiéter ses concepteurs eux-mêmes qui ont pris la décision de
ne pas le rendre public.
21 Il est donc primordial pour les scientifiques, les créateurs, les décideurs, les
responsables politiques de rester vigilants à tous les niveaux et de prendre en compte
les principes fondamentaux de l’éthique. Dans leur rapport public au Gouvernement 9,
Cédric Villani (2018) et ses co-auteurs, tout en soulignant la dimensioin stratégique de
L’IA ont abordé explicitement la question de l’éthique dans le chapitre intitulé
« Comment garder la main ? » Jusqu’à quel point l’intelligence artificielle peut- elle
remplacer l’Homme sans qu’elle représente une menace en échappant à son contrôle ?

L’imitation de l’être humain

22 Tom Stonier (1992) dans ses travaux a établi le lien profond entre l’intelligence
naturelle et l’intelligence artificielle. Par ses retombées à de multiples niveaux dont les
effets se poursuivent aujourd’hui, l’émergence de l’IA au cours de la seconde moitié du
XXe siècle a généré des développements parmi les plus importants de notre planète. Il
est donc fondamental d’approfondir la réflexion sur les différents aspects de
l’intelligence artificielle par rapport à son but fondamental qui est d’imiter, si ce n’est
de se susbstituer à l’intelligence humaine.
23 Les puces miment les neurones : les recherches de pointe en matière d’intelligence
artificielle s’inspirent en effet de la nature. IBM a mis au point un microprocesseur
capable de s’adapter lorsqu’il rencontre de nouvelles informations, sur le modèle de
fonctionnement des synapses du cerveau humain. Les avancées sont telles que certains
scientifiques comme Yann LeCun10 (2019) sont persuadés que les machines vont arriver
à une intelligence de niveau humain. Spécialiste du Deep learning il est responsable de la
recherche en intelligence artificielle chez Facebook (Tual, 2015). L’apprentissage
profond, également connu sous le nom de réseaux convolutifs (Vieira, 2015) est utilisé
pour comprendre la voix, reconnaître des sons, des caractères, des langages. Il est
fondé sur des réseaux de neurones artificiels.
24 Deep Face11, programme de reconnaissance de visage présenté par Facebook en 2014, est
fondé sur le deep learning. L’objectif à l’origine était d’améliorer l’adéquation de l’offre
aux usagers. Depuis, avec l’apparition en progression constante des Deepfakes 12 et de la
cohorte de risques de manipulation et de désinformation qu’ils génèrent, le laboratoire
FAIR de Facebook travaille sur un programme de désentification. La CNIL (Commission
nationale de l'informatique et des libertés), défend depuis 2019 un projet de mise en
place d’un cadre législatif concernant la reconnaissance faciale.
25 Très récemment, une équipe de chercheurs appartenant à plusieurs laboratoires
européens a créé artificiellement un génome humain à l'aide de machine learning 13.
Selon les auteurs (Yelmen &al., 2021), ces génomes artificiels permettraient de

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générer des données génétiques d’humains imaginaires et d’extrapoler les


caractéristiques biologiques qui découlent de cet ADN (visage, corps…). Cette
réalisation qui reste partielle, est destinée à être investie dans la recherche
biomédicale. Alors qu’elles fourniraient une ressource riche pour l'exploration de
données et l'avancement des études génétiques, l’accès aux bases de données
génétiques réelles est limité afin de sauvegarder la vie privée des personnes.
L’utilisation des données artificielles est présentée par les auteurs comme une solution
pour faire avancer la recherche tout en préservant la confidentialité. Ces scientifiques
demeurent très évasifs sur les éventuelles implications plus larges d’une telle
réalisation en matière d’ingénierie génétique, ce qui peut laisser craindre de possibles
dérives.
26 D’autres spécialistes comme Luc Julia l’inventeur de SIRI, avancent que « l’ IA n’existe
pas ». C’est ce qu’il soutient dans une des nombreuses interviews données lors de la
parution de son ouvrage portant ce titre. Ce qui est communément appelé IA consiste
en « une masse de données et un peu de statistiques », il s’agit d’une modélisation de
données. « L’intelligence artificielle n’est que de la reconnaissance. Nous apprenons des choses
aux machines, on leur donne des exemples. Elles s’appuient sur la reconnaissance. L’humain
utilise également cela mais il a quelque chose en plus : la connaissance. D’où cela vient, est-ce de
l’inné, de l’acquis ? Je n’en sais rien. Mais l’humain a quelque chose en plus. » 14 (Julia, 2019)

Le nouvel humanisme
27 Les chercheurs se heurtent à cette évidence : leurs réalisations les plus sophistiquées
n’ont pas les potentialités et les qualités du cerveau humain (Vieira, 2016-a). TrueNorth
créée en août 2014 par IBM est une puce de silicium comptant un million de neurones
artificiels et 256 millions de synapses. Apte à réaliser des tâches complexes, elle
consomme beaucoup moins d’énergie qu’un ordinateur. L’ordinateur biologique qu’est
le cerveau humain compte 100 milliards de neurones et 150 milliards de milliards de
synapses. (Cardon, Baquiast, 2003).

L’humanisme numérique

28 A la suite de Claude Lévi-Strauss (2011) qui a mis en lumière trois formes


d’humanisme15, Milad Doueihi (2012) dans son ouvrage Pour un humanisme numérique,
révèle l’émergence de ce quatrième humanisme, « l’humanisme numérique »,
largement soutenu par le déploiement des technologies fondées sur les réseaux.
29 D’usage très répandu et désormais indispensable à la plupart des activités humaines, les
TIC ne sont pas seulement un ensemble d’outils, leur portée est plus large : elles
modifient le rapport de l’Homme à son environnement, à la connaissance et sa relation
à l’autre. De nombreux exemples concernant l’évolution des liens sociaux dans les
environnements urbains, y compris dans les nouveaux ensembles formés par les Smart
cities, dans les situations de crise ou de catastrophe, montrent que les avancées de l’IA
contribuent largement à la co-construction et à l’entraide. C’est aussi à ce titre que l’on
peut parler d’humanisme numérique.
30 Le fait de considérer que le cerveau humain a des potentiels à ce jour inégalés ne résout
pas la question fondamentale posée par Turing (1948) : une machine peut-elle être
réellement douée de pensée ? Il semble pour l’instant que les sensations, les créations

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de l’esprit, l'émotion, la conscience, ne peuvent pas être produits par des machines
(Picard, 1997). De la taille de la puce ou de la taille d’une armoire, aussi sophistiquées
soient-elles, elles ne peuvent encore rivaliser avec l’intelligence et la sensibilité
humaines.

Potentiels de l’humain et failles de la machine

31 A la différence des organismes vivants, les machines ne peuvent pallier l’usure de leurs
organes. Le système du vivant est en effet un processus d’auto-organisation et de
réorganisation permanente capable de s’adapter aux variations extérieures, ce que ne
peut pas faire le robot aussi sophistiqué soit il.
32 La performance des machines est essentiellement fondée sur leur régularité, sur
l’exactitude des moindres détails de leur programmation selon un ordre
rigoureusement prédéterminé. Aucune faille n’est admissible, aucun imprévu n’est
acceptable. Et c’est là justement que résident leurs faiblesses, ainsi que le souligne
Edgar Morin : « Leur déterminisme et leur obéissance inconditionnelle à une logique binaire les
rend inaptes à traiter l’aléatoire et l’alea » (Morin, 2001 : 287).
33 La mémoire humaine, est aléatoire, soumise aux possibles défaillances et à
l’incomplétude, mais sa qualité dépend justement de cette incomplétude qui préserve
sa capacité créatrice grâce à ces « zones d’ombre ». Pour les systèmes logiques cette
incomplétude est une faiblesse, pour l’intelligence humaine c’est une richesse. C’est ce
que souligne Joël Thomas (2015) qui en se référant à l’œuvre de Gilbert Durand (1984)
relève les points de ressemblance entre l’imaginaire humain et le cosmos, entre ordre
et désordre. « Car c’est justement la spécificité de l’ordre humain que de se déployer sous le
signe du désordre.. Homo sapiens est créateur parce qu’il est aussi homo demens, homo necans,
homo ludens, homo religiosus, et même (E. Morin dixit), homo deconans (Morin, 2001 : 142)… ; il
se trompe, il est fragile, il fait des erreurs, il a des coups de folie, il recherche des états
paroxystiques, qui semblent unir le désordre extrême et l’ordre suprême ; et c’est ainsi qu’il est
créateur, qu’il avance. » (Thomas, 2015 : 199).

Perspectives
34 Les notions d'ouverture, de liberté, d’abondance, sont reconnues depuis toujours
comme des facteurs favorisant l’innovation créatrice et constituent de réelles plus-
values pour l'accès à la connaissance. Devant cette situation typique de la double
contrainte (ou double bind), plutôt que de chercher à réduire l’entropie à l’aide de
moyens ou d’outils conçus selon la classique logique cartésienne, il semble plus
approprié d’adopter des modalités prenant en compte les réalités de la surabondance
informationnelle qui nous environne. (Vieira, 2016-b)
35 Morin dans le 6e et ultime volume de La Méthode, intitulé Éthique (2004 : 187), donne une
vision inquiétante de la Terre, vaisseau spatial propulsé vers sa perte par quatre
moteurs en furie : la science, la technique, l’économie et l’industrie. « Chacun d’eux n’est
pas mauvais en lui‐même, mais à eux tous ils conservent une carence éthique radicale, et sont
donc mortifères » (Thomas, 2015). En évoluant de façon fulgurante, l’intelligence
artificielle ouvre à l’humanité des possibilités gigantesques qui posent des problèmes
d’éthique fondamentaux mais dont on ne voit ni les contours ni les limites.

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235

36 Les difficultés sont proportionnelles à l’enjeu, mais puisqu’à la différence de la


machine, l’homme est apte à faire une force de ses faiblesses peut-on encore croire à
l’intelligibilité de notre présence dans l’univers ?

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https://www.cnrtl.fr/definition/conscience

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https://www.futura-sciences.com/tech/questions-reponses/intelligence-artificielle-sont-
pionniers-intelligence-artificielle-4907/

https://www.artificiel.net/test-de-turing

NOTES
1. Le développement de l'intelligence artificielle : risque ou opportunité ? 2 décembre
2020
https://www.vie-publique.fr/eclairage/18495-le-developpement-de-lintelligence-artificielle-
risque-ou-opportunite
Vie-publique.fr est un site édité par la direction de l'information légale et administrative (DILA)
dans le cadre de sa mission générale d'information sur l'actualité politique, économique, sociale,
nationale et européenne. Il a pour objectif de faciliter l'accès des citoyens aux ressources et
données utiles pour appréhender les grands sujets du débat public français.

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237

2. Lena Corot (16 octobre 2020). 1,8 milliard d'arbres recensés au Sahara et au Sahel grâce à
l'intelligence artificielle, Usine digitale,
https://www.usine-digitale.fr/article/1-8-milliard-d-arbres-recenses-au-sahara-et-au-sahel-
grace-a-l-intelligence-artificielle.N1017684
3. En Chine, des employés sous la surveillance de l’intelligence artificielle, Courrier International,
15/01/2021
https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/travail-en-chine-des-employes-sous-
la-surveillance-de-lintelligence-artificielle
4. Neuralink : Elon Musk fait une démo de la puce connectée à portée médicale sur des truies. Les essais
cliniques sur un petit nombre de personnes atteintes de paraplégie auront bientôt lieu. 30 Août 2020
https://intelligence-artificielle.developpez.com/actu/308362/Neuralink-Elon-Musk-fait-une-
demo-de-la-puce-connectee-a-portee-medicale-sur-des-truies-les-essais-cliniques-sur-un-petit-
nombre-de-personnes-atteintes-de-paraplegie-auront-bientot-lieu/
5. Cnrtl.fr
6. Cnrtl.fr
7. Multiple champion du monde aux échecs, Kasparov s’est fait battre par Deep Blue en 1997.
8. Intelligence artificielle. Un générateur automatique de texte très performant inquiète ses concepteurs.
https://www.ouest-france.fr/high-tech/etats-unis-un-generateur-automatique-de-texte-trop-
performant-pour-etre-public-6225618 (Publié le 16/02/ 2019)
9. Donner un sens à l’intelligence artificielle: pour une stratégie nationale et européenne
10. Chercheur Français, un des inventeurs de l’apprentissage profond ou Deep Learning, directeur
de recherche en intelligence artificielle chez Facebook
11. https://research.facebook.com/publications/480567225376225/deepface-closing-the-gap-to-
human-level-performance-in-face-verification/
12. Le deepfake, est une technique de synthèse d’images fondée sur l’IA et destinée à falsifier des
vidéos existantes en superposant d’autres fichiers. On peut ainsi changer le visage d’une
personne sur une video et créer des contrefaçons plus vraies que nature.
13. https://www.numerama.com/sciences/688083-cette-ia-genere-un-genome-artificiel-de-ladn-
humain-qui-nappartient-a-personne.html
14. https://www.journaldugeek.com/dossier/lintelligence-artificielle-nexiste-interview-de-luc-
julia-cocreateur-de-siri/ Anne Cagan, Intelligence artificielle, Le journal du Geek, 24 janvier 2019
15. Les trois humanismes de Claude Lévi-Strauss : l’humanisme aristocratique de la Renaissance,
l’humanisme bourgeois et exotique du XIXe siècle et l’humanisme démocratique du XXe siècle.

RÉSUMÉS
Aujourd’hui plus que jamais, l’intelligence artificielle soulève de vifs débats dus en partie à sa
fulgurante extension alors que le concept n’est apparu que depuis une soixantaine d’années. Tout
d’abord destiné à seconder l’Homme dans l’avancée de la recherche et dans les tâches au
quotidien, cet ensemble d’inventions prend des formes de plus en plus sophistiquées au point de
laisser craindre une supplantation. L’IA est-elle l’expression la plus avancée du génie humain et
du progrès ou bien est-elle annonciatrice d’un asservissement imminent de l’Homme aux
algorithmes et robots de toutes sortes ? Quelle est la place de l’Humanisme dans cette évolution ?

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Today more than ever, artificial intelligence is the subject of heated debates, due in part to its
rapid expansion, when the concept has only emerged for about sixty years. First intended to
assist humans in the advancement of research and in day-to-day tasks, this set of inventions is
taking increasingly sophisticated forms to the point of giving rise to fears of supplanting. Is
Artificial Intelligence the most advanced expression of human genius and progress or does it
herald an impending enslavement of humans to algorithms and robots of all kinds ? What is the
place of Humanism in this evolution ?

Ahora más que nunca, la inteligencia artificial es objeto de intensos debates debido en parte a su
rápida expansión después de que el concepto solo ha surgido durante unos sesenta años. Este
conjunto de invenciones, cuyo objetivo inicial era ayudar a los humanos en el avance de la
investigación y en las tareas del día a día, está adquiriendo formas cada vez más sofisticadas
hasta el punto de generar temores de suplantación. ¿Es la inteligencia artificial la expresión más
avanzada del genio y el progreso humanos o presagia una inminente esclavitud de los humanos a
los robots y algoritmos de todo tipo ? ¿Cuál es el lugar del Humanismo en esta evolución ?

INDEX
Mots-clés : conscience ; technologie ; dimension sociale ; humanisme ; éthique
Keywords : consciousness ; technology ; social dimension ; humanism ; ethics
Palabras claves : conciencia ; tecnología ; dimensión social ; humanismo ; ética

AUTEUR
LISE VIEIRA
MICA- ICIN, Université Bordeaux- Montaigne

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Jeunesse de l’Université de Bouaké


et socialisation, à l’ère de
l’Intelligence Artificielle
Gnéré Laeticia Blama DAGNOGO et Arrouna SAMASSE

1 Este estudio investiga el impacto de la Inteligencia Artificial en la socialización de los


jóvenes estudiantes de la ciudad de Bouaké (Costa de Marfil) a través de los
smartphones y el desarrollo de aplicaciones móviles. El objetivo es analizar la influencia
del uso de los teléfonos inteligentes en el proceso de socialización de los jóvenes en
general y, en particular, en el espacio universitario. A través de un estudio de datos
cuantitativos y cualitativos combinados, la IA se presenta como una tecnología con una
doble tendencia, tanto luminosa que oscura. En el lado luminoso, vemos la aparición de
auténticas actuaciones capaces de revolucionar las actividades académicas y
pedagógicas de la formación universitaria. En el lado oscuro, la propensión de los
jóvenes a la adicción se presenta como un freno a la sociabilidad física y un
enfrentamiento a la alteridad.
2 Jóvenes, Socialización, Smartphone, Inteligencia Artificial

Introduction
3 Les technologies numériques transforment rapidement notre cadre de vie quotidien.
Les êtres humains ne sont plus les seuls à être interconnectés. Les appareils le sont
aussi. Par le vecteur de l’Internet, ils sont capables de communiquer avec les humains,
de communiquer entre eux, d’agir, d’imiter et parfois de remplacer l’humain dans
certaines tâches quotidiennes. Nous sommes à l’ère de l’intelligence artificielle (IA), une
technologie qui revêt différentes formes et permet de faire une somme d’actions
impressionnantes, en agissant sur notre vie tant publique que privée.
4 En Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier, cette révolution numérique est
portée par le téléphone mobile intelligent ou smartphone. Outil multifonctionnel et
indispensable de la vie quotidienne, le smartphone s’élève dorénavant au même rang

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que des services de base tels que l’électricité, l’eau potable, pour lesquels les taux de
couverture sont parfois analogues, voire inférieurs (Peyroux E et Ninot O, 2019, p. 6). En
milieu universitaire à Bouaké (Côte d’Ivoire), l’usage abusif du smartphone semble se
poser comme une remise en cause de l’humain et de ses actions. En plus de charmer ses
usagers, les nombreuses applications intelligentes du smartphone ont tendance à
rendre autrui facultatif, mettant ainsi en mal l’altérité physique, la socialisation.
Comment l’usage du smartphone constitue-t-il un frein à la socialisation chez les
étudiants à l’Université de Bouaké ?
5 Nous partons du postulat selon lequel une addiction à la connexion technologique et
artificielle entraine une déconnexion avec l’altérité physique. Il convient donc
d’analyser ces rapports d’influences entre les jeunes et l’Intelligence Artificielle dans
une perspective de socialisation. Mais avant, qu’est-ce que l’IA ? Quels sont ses attraits
auprès des jeunes et en quoi menace-t-elle la socialisation chez ces jeunes, notamment
ceux de l’Université de Bouaké ?
6 Ainsi donc, après avoir déterminé le cadre définitionnel de l’Intelligence Artificielle et
présenté l’ancrage théorique de cette recherche, l’analyse des données issues de
l’enquête nous permettra certainement d’esquisser quelques réponses à cette dernière
question.

Cadre définitionnel de l’Intelligence Artificielle (IA)


7 Si l’on reprend les bases, l’Encyclopédie Larousse définit l’intelligence artificielle
comme « L’ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des
machines capables de simuler l’intelligence ». Cette définition, loin d’être exhaustive et
la seule, circule avec plusieurs autres dizaines, voire des centaines de différentes.
Comme dit Braunchweig B. (2019, p. 8), « on se rend rapidement compte qu’une seule
définition ne suffit pas à comprendre une notion si complexe ni même à se faire une
véritable opinion éclairée sur les enjeux, les limites et les apports de l’intelligence
artificielle. » Pour lui, l’IA est « Un programme visant à effectuer, au moins aussi bien
que des humains, des tâches nécessitant un certain niveau d’intelligence. »
(Braunschweig Bertrand, 2019, p. 34.).
8 Déjà évoquée en 1956 au congrès de Dartmouth, la première approche de l’IA fut émise
avec le projet d’avancer avec « l’hypothèse que tous les aspects de l’apprentissage ou
d’autres caractéristiques de l’intelligence peuvent être décrits si précisément qu’une
machine devienne capable de les reproduire. » L’un des précurseurs présents à ce
congrès (John McCarthy)1 avait proposé une définition qui insiste sur l’idée de la
réalisation d’objectif, avec des degrés d’intelligence distincts entre humains, animaux
et machines. Pour sa part, « l’intelligence est la part computationnelle de la capacité de
réaliser des objectifs. Des sortes et degrés divers d’intelligence se trouvent chez les
humains, de nombreux animaux et quelques machines. »
9 On peut également retenir la définition du binôme de McCarthy, Marvin Minsky qui,
quant à lui, définit l’intelligence artificielle comme « la construction de programmes
informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon
plus satisfaisante par des êtres humains, car elles demandent des processus mentaux de
haut niveau tels que l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le
raisonnement critique. »

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241

10 En somme, lorsqu’on considère l’intelligence artificielle dans une approche large, elle
couvre une très grande partie de l’informatique et fait référence à des technologies
puissantes et performantes qui se développent au fil du temps et s’imposent
insidieusement dans notre vie au quotidien. Ces technologies font référence à des
applications installées sur les ordinateurs ainsi que les téléphones portables version
smartphones, pour le « bien-être » des usagers. Il s’agit d’applications ou de
programmes tels que la reconnaissance d’images, l’annotation d’images, la
reconnaissance vocale, la traduction automatique, la conduite autonome,
l’apprentissage sur la base de corrélations, l’apprentissage grâce à des milliers
d’exemples, les jeux de plateau ou d’arcade…2 Parler de l’intelligence artificielle, c’est
aussi retracer les grandes lignes de son histoire3, rappeler les faits marquants tels que
le congrès de Dartmouth en 1956, qui font d’elle ce qu’elle est aujourd’hui, dresser un
état des lieux des technologies maîtrisées et identifier celles qui sont encore à
développer. En attendant, cette étude s’inscrit dans le cadre théorique et
méthodologique ci-après.

Approches théorique et méthodologique


11 La théorie des comportements interpersonnels (Triandis, 1980), est celle qui est
mobilisée dans le cadre de cette recherche. Elle stipule que l'individu appartient à un
groupe de référence avec lequel il interagit selon ses intérêts, ses attitudes, ses
opinions et conformément à ce que pensent les membres de son groupe. D’autres
études (Paré et Elam, 1995), ont démontré que les facteurs individuels, tels que
l’habitude, l’affect et les conséquences perçues, étaient les principaux déterminants du
comportement. Ainsi, de même que l’habitude exerce une influence incontestable sur le
comportement, l’individu adoptera un comportement en fonction des sentiments de
joie, de plaisir, gaieté, ou de mécontentement, de dégoût, de haine, que lui procure ce
comportement.
12 L’Université Alassane Ouattara située dans la ville de Bouaké, au centre de la Côte
d’Ivoire est le terrain de la présente étude. Le travail allie à la fois les approches
quantitative et qualitative, auxquelles s’ajoutent les sources documentaires, complétées
par l’immersion à travers l’observation in situ. La collecte des données qualitatives s’est
faite à travers des entretiens directifs et semi-directifs avec les enseignants aux profils
divers sur le campus pour certains et à domicile pour d’autres. Quant à la collecte des
données quantitatives, elle a été réalisée par l’administration des questionnaires auprès
des étudiants à l’Université Alassane Ouattara. Par ailleurs, l’immersion à travers
l’observation in-situ a permis de collecter des données à partir des pratiques et
comportements des étudiants usagers des smartphones.

Présentation et analyse des données


13 Le questionnaire administré aux étudiants de manière aléatoire sur le campus permet
de faire un premier bilan concernant l’identité des enquêtés. Ainsi, sur un total de 131
personnes interrogées, 89, soit 67,9 % étaient des filles et 42, soit 32,1 %, des garçons. La
forte prévalence des filles pourrait s’expliquer par le fait qu’elles sont plus ouvertes aux
échanges lorsqu’elles sont interpellées. Elles se sentent ainsi considérées et

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importantes, tandis que la majorité des jeunes garçons estiment que c’est une perte de
temps.
14 Par ailleurs, sur les 131 personnes, 104 soit 79,4 % ont un âge compris entre 18 et 25
ans, 24 soit 18,3 % en ont entre 26 et 30 ans et nous avons également interrogé 02
personnes soit 1,5 % dont l’âge se situe entre 31 et 35 ans. La tranche d’âge de 18 à 25
ans est plus représentée parce qu’elle correspond généralement aux étudiants de
niveau Licence (Licence 1, 2, 3). Ils sont plus réguliers sur le campus pour suivre les
cours, ceux de niveau Master et Doctorat étant beaucoup plus sur le terrain pour leurs
travaux de recherches. À ces jeunes, il leur a été posé des questions sur la notoriété de
l’IA et ses applications, les principaux usages de leurs smartphones, leur appréciation
sur l’utilité des applications liées à l’IA et sur les rapports de sociabilité avec l’altérité.

De la notoriété de l’IA chez les jeunes étudiants de Bouaké.

15 À la question de savoir s’ils connaissent l’IA, 80 soit 61,1 % de notre échantillon ont
répondu par l’affirmative, tandis que 50 soit 38,2 % ont répondu par la négative.
Évidemment, il a fallu expliquer certaines fonctions de cette technologie, notamment
les applications couramment utilisées et adulées par ces jeunes, telles que l’assistant
vocal de Google et siri sur l’Iphone, pour qu’à près de 100 % nous ayons des réponses
affirmatives.
16 En effet, l’émergence de la technologie mobile ayant facilité l’accès aux smartphones,
les jeunes sont les plus émerveillés par ces appareils qu’ils se procurent parfois en
double ou triple, pour des raisons diverses, notamment le besoin de frimer. Ils se
retrouvent ainsi dans l’incapacité de s’en séparer, ne serait-ce que pour quelques
minutes. Dès lors, le téléphone devient le moyen, le support et même l’interlocuteur
pour toute situation de communication. Comme dit Balleys (2017, p. 2), « les échanges
entre jeunes via le téléphone portable sont totalement inscrits dans le déroulement de
leur quotidien (…) : ils rythment leur existence ». Toutefois, force est de constater que
les fonctions didactiques de ces appareils sont reléguées au second plan, au profit de
celles ludiques. Certains étudiants préfèrent d’ailleurs s’acheter des smartphones de
hautes capacités, sans être à jour de leurs scolarités. Quels sont donc les principaux
usages de ces appareils ?

Des usages des applications de l’IA sur smartphones par les


étudiants de l’UAO

17 Nous avons sélectionné une série d’applications généralement installées par défaut sur
les smartphones, que nous avons proposé aux enquêtés en termes d’usages. Il s’agit de
l’assistant vocal Google, Google maps, l’assistant vocal pour Iphone (siri), la
reconnaissance faciale, auxquelles ils pouvaient ajouter d’autres applications qu’ils
connaissent. À la question de savoir quelles sont les applications les plus utilisées,
l’assistant vocal Google a été cité 111 fois, siri 48 fois ; la reconnaissance faciale 57 fois ;
Google map 10 fois ; et le master cleaner (booster) 103 fois. Ensuite, nous leur avons
demandé de citer les autres usages qu’ils font avec leurs smartphones. Les réponses à
cette question font presque toutes référence aux applications des réseaux sociaux
numériques. Ainsi, WhatsApp a été cité 112 fois ; Facebook 102 fois ; Google 52 fois ;
Snap chats 42 fois ; YouTube 21 fois ; Instagram 17 fois et twitter 05 fois. En plus d’être

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constamment sur les réseaux sociaux, 125 enquêtés ont reconnu passer plusieurs
heures de la journée et de la nuit, scotchés à leur téléphone en train de jouer à des jeux
de diverses natures. Ces réponses viennent confirmer le fait que le virtuel s’installe
insidieusement comme l’espace de prédilection des activités de socialisation chez les
jeunes. Ceux-ci créent une communauté virtuelle avec laquelle ils partagent du contenu
social, entretiennent et conservent des liens sociaux. Cette facilité et liberté d’accès à
du contenu sous toutes formes sans autres formes de procédure pourrait être ce qui
fascine et attire chez ces jeunes. En décloisonnant les frontières et en réduisant les
distances, l’usage du smartphone offrirait une certaine démocratisation sociale. Pour
aller dans le sens de Braunschweig B. (2019, 15), on dirait que « l’intelligence artificielle
sort des laboratoires pour démontrer ses applications concrètes dans la vie réelle : c’est
le début de sa démocratisation. »
18 Par ailleurs, en relevant le fait qu’ils utilisent leur smartphone pour accéder à des
documents ou faire des recherches en ligne, 22 % des enquêtés ont mis l’accent sur les
potentialités de formation et d’apprentissage via le smartphone. Comme dit M.
Lassina4, « le smartphone nous permet d’apprendre en tout temps et en tout lieu sans
aucune restriction ». Toutefois, les recherches ne sont pas toujours d’ordre
pédagogique ou académique, mais liées à d’autres sujets de passion tels que le football
ou la politique. De plus, lorsque l’accès à la connexion Internet est facilité, plusieurs
autres activités académiques et pédagogiques telles que les enseignements et les
évaluations sont possibles avec le smartphone. D’ailleurs avec la pandémie de la Covid
19 qui continue de sévir, le smartphone devient un outil incontournable pour assurer la
continuité pédagogique dans une perspective de refonte des systèmes de formation et
d’apprentissage dans les Universités. Jean Louis Dupaire (2015, p. 136) dira que « le
numérique invite à rendre les apprenants plus actif et plus responsable dans
l’apprentissage. » Toutefois, il faut compter avec les risques de tricheries lors des
examens. Comme dit M. Silué,5 « Lors des compositions il y’a des étudiants qui cachent
des téléphones sur eux dans le but de tricher. Or l’objectif des smartphones est de nous
aider à nous former et non tricher ». En somme, les usages du smartphone diversement
exprimés par les enquêtés témoignent de son utilité dans le quotidien des usagers. Mais
qu’en est-il de sa mise en mal de l’altérité physique ?

De la mise en mal de l’altérité physique par le smartphone.

19 À la question de savoir si nos enquêtés manipulent leurs smartphones en présence de


leurs amis, ils ont répondu oui, à 77,10 % c’est-à-dire 101 personnes sur 131. Les 30
autres personnes, même si elles ont répondu par la négative ont confessé que ce n’est
pas toujours évident. La question suivante demandait s’ils pensent être accrocs à leurs
téléphones. 77 enquêtés soit 58,8 % ont reconnu en avoir conscience en répondant par
l’affirmative tandis que 51 soit 38,9 % ont répondu par la négation.
20 Les raisons évoquées par la majorité accroc font référence au fait que le smartphone est
un compagnon avec lequel les sentiments tels que la solitude, l’oisiveté et l’ennui n’ont
pas de répondants. Certains s’en servent d’ailleurs comme un remède à la dépression
alors que d’autres y trouvent un effet de mode pour la frime. Quoi qu’il en soit, le
smartphone occupe une place prépondérante dans le quotidien des étudiants, pour qui
il est de plus en plus impossible de se concentrer ne serait-ce que pour suivre les cours
ou avoir une discussion suivie avec des amis proches. Parce qu’il peut accomplir des

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tâches extraordinaires et combler une absence humaine, le smartphone se présente


comme une alternative à l’altérité. Comme dit Feugere Laurène (2017, p. 9), « la mise en
scène de soi donne l’impression d’une proximité ». Ainsi, les étudiants, habitués à être
connectés en tout lieu et instantanément, plébiscitent le smartphone, dont l’essor est
exponentiel. Parfois, quand bien même qu’ils soient dans un même espace, ils préfèrent
se parler par portables interposés, utilisent de moins en moins la voix et préfèrent se
connecter par les applications telles que Facebook, Messenger ou WhatsApp. Toutefois,
il faut préciser que les opérateurs de téléphonie mobile ont développé des offres
adaptées aux modes de consommation, à savoir « les forfaits prépayés comprenant la
communication et navigation sur Internet, les rechargements de crédits par petites
sommes, les nombreuses et fréquentes promotions etc. », y compris la possibilité
d’envoyer et de recevoir des messages sur les réseaux sociaux, parfois sans connexion
Internet. (Peyroux E et Ninot O. 2019, op-cit, p. 6).
21 Par ailleurs, dans la société africaine, la socialisation se présente comme un processus
originellement physique et visible. Elle se manifeste par le soutien mutuel et
l’assistance réciproque dans tous les domaines de la vie quotidienne. En restant
scotchés à leurs téléphones, ce processus se trouve remis en cause par les jeunes, au
profit d’un espace virtuel, qui grâce à Internet est comparable à un empire de sens et de
non-sens. Quasiment indissociables, Internet et le smartphone sont l’objet d’addiction
chez la plupart des usagers, notamment la classe juvénile. « La forte corrélation entre
les scores d’addiction aux smartphones et à internet et le très fort pouvoir prédictif de
l’addiction à internet sur l’addiction aux smartphones tendent à mettre en évidence, la
très forte relation entre ces deux entités cliniques » (Berault S. 2017, P.3). En
conséquence, de l’addiction à Internet et aux smartphones émerge une entrave à la
socialisation physique ordinaire tout en faisant la place à une socialisation
déterritorialisée et relocalisée.

Vers une déterritorialisation de la socialisation


« Elle est sur toutes les lèvres. On en parle à la télévision, à la radio, dans les
journaux, sur les réseaux sociaux. On la voit au cinéma, on la lit dans les romans de
science-fiction. On la rencontre en achetant nos billets de train en ligne ou en
surfant sur notre réseau social favori. Quand on tape son nom sur un moteur de
recherche, l’algorithme retrouve jusqu’à plus de 16 millions de références… Qu’elle
nous fascine ou qu’elle nous inquiète parfois, ce qui est certain c’est qu’elle nous
pousse à nous interroger, car nous sommes encore loin de tout savoir d’elle. Pour
autant, et c’est une certitude, l’Intelligence artificielle est bel et bien parmi nous ! »
(Bertrand Braunchweig, 2019, p. 5).
22 En d’autres termes, « L’intelligence artificielle est partout ! » Cette formule de plus en
plus galvaudée rappelle à quel point la révolution numérique est bouleversante. Les
transformations sont en cours dans tous les secteurs d’activités et dans tous les
domaines de la vie au quotidien. Au niveau de l’éducation, l’approche est centrée sur le
contenu et les usages via l’Internet et la téléphonie mobile. On parle d’Universités en
ligne, de campus numérique, de plateforme numérique de cours en accès libre appelées
MOOC (Massive open online course) ou de plateformes portables d’accès à Internet,
permettant un accès gratuit du contenu en Bluetooth ou Wifi sur des téléphones
portables ou des appareils compatibles. La tendance est également à une hybridation
des dispositifs pédagogiques pour l’éducation de base, la formation continue ou
l’apprentissage ; la mise à disposition de programmes d’excellence conformes aux

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245

standards internationaux et adaptés à des besoins spécifiques. (Peyroux E et Ninot O.


2019, op-cit, p. 8).
23 Dans le cadre de cette recherche, les données issues de nos enquêtes, notamment celle
faite par interview ont mis l’accent sur d’autres avantages liés à l’implémentation de
ces nouvelles technologies. Plusieurs répondants ont souligné le fait qu’en dehors du
fait que le téléphone mobile leur permet de suivre des formations, des conférences et
autres partages d’expériences, ils s’adonnent à des initiatives telles que le tutorat en
ligne via des groupes WhatsApp. L’appareil photo sur les smartphones leur permet
également de scanner rapidement les supports de cours plutôt que d’avoir à aller les
photocopier moyennant de l’argent. Ils ont par ailleurs signifié la pléiade d’applications
de jeux ludiques ou didactiques disponibles en téléchargement. En termes de jeux, les
progrès de l’intelligence artificielle sont considérables. Elle serait capable de battre
n’importe quel joueur humain sur un grand nombre de jeux de plateau ou d’arcade, et
la maîtrise des jeux de bluff serait la prochaine grande étape. (Braunschweig, op-cit,
p. 50)
24 En somme, le principal enjeu du déploiement de l’IA dans les systèmes éducatifs,
notamment ceux des pays africains, serait, selon Cédric Villani (2018), de commencer
par une refonte et une réingénierie de ces systèmes et programmes scolaires, qui
devraient s’atteler à produire des compétences capables de tirer pleinement profit de
cette intelligence artificielle.
25 En attendant de relever ces défis qui, objectivement sont à encourager et à promouvoir,
ce sont toutes ces potentialités offertes par le smartphone de nos jours, qui créent une
addiction à cet artefact de communication par défaut, contribuant ainsi à sérieusement
éloigner ceux qui sont physiquement proches et rapprocher ceux qui sont loin. Tout se
passe comme si la socialisation avait changé de territoire pour se relocaliser ailleurs.
Dorénavant, l’espace public est un espace virtuel, ce sont des plateformes en ligne de
groupes d’amis, de familles et de tous autres centres d’intérêt sur les réseaux sociaux
numériques, les réseaux professionnels. Les communautés virtuelles d’échange et de
partage de liens sociaux sont devenues des espaces de refuge, de détente et de
défoulement pour les individus, notamment les jeunes. Le fait de pouvoir échanger
librement et instantanément avec des amis ou même des inconnus est un facteur qui
enchante et accroche.

Conclusion
26 Une chose est sure, l’Afrique a définitivement basculé dans l’ère du mobile. En Côte
d’Ivoire, le taux d’équipement pourrait même avoisiner les 100 % et dans de multiples
endroits, le mobile est en train de devenir le seul moyen de communication. En milieu
universitaire, les jeunes de plus en plus habitués à être connectés, plébiscitent le
smartphone dont l’essor est également des plus exponentiels. Grâce à la connexion
Internet, le smartphone leur offre la possibilité et la liberté d’entrer en relation avec
des personnes connues ou inconnues, démocratisant ainsi les rapports sociaux entre
eux jeunes. Cette étude qui a fait un état de l’art de l’intelligence artificielle dans le
milieu estudiantin de Bouaké en Côte d’Ivoire a révélé que la technologie est déferlante
dans ce milieu. Elle est d’une part mise à contribution pour faciliter et adapter les
activités académiques dans le cadre de la continuité pédagogique mise en mal par la
pandémie de la Covid 19. D’autre part, les communautés virtuelles d’échange et de

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partage de liens sociaux prennent de l’ampleur et sont devenues des espaces de


détente, de refuge et de défoulement de ces jeunes, de plus en plus en état d’addiction.
Une situation qui se présente comme un frein à la socialisation classique, puisqu’elle
remet en cause l’altérité physique.
27 Du reste, cette intelligence artificielle qui confère de la superintelligence à des
machines suscite des inquiétudes chez bien d’autres. Comme dit Stephen Hawking, 6
« réussir à créer une intelligence artificielle serait un grand événement dans l’histoire
de l’homme. Mais ce pourrait aussi être le dernier… ». C’est pourquoi Elon Musk 7
recommande la prudence et il le dit en ces termes : « je pense que nous devrions être
très prudents. Si je devais deviner ce qui représente la plus grande menace pour notre
existence, je dirais probablement l’intelligence artificielle. Je suis de plus en plus enclin
à penser qu’il devrait y avoir une régulation, à un niveau national ou international,
simplement pour être sûr que nous ne sommes pas en train de faire quelque chose de
stupide. Avec l’intelligence artificielle, nous invoquons un démon ». Tels sont pour nous
les prodromes d’une éthique de l’intelligence artificielle.

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NOTES
1. John McCarthy et Marvin Minsky sont considérés comme les deux précurseurs de
l’intelligence artificielle, présents au congrès de Dartmouth en 1956.
2. Bertrand Braunchweig, 2019, l’intelligence artificielle : passé, présent et futur, Presses
Universitaires de Bordeaux, Presses de l’Université de Pau et des pays de l’Adour, p.51.
3. Si l’intelligence artificielle est une discipline récente qui a connu plusieurs évolutions, elle est
tout de même bien plus âgée que ce que le grand public n’imagine. Il faut remonter aux années
1940 et à la seconde guerre mondiale avec la conception, par Warren McCullock (chercheur
américain en neurophysiologie et cybernétique) et Walter Pitts (chercheur américian en
psychologie cognitive) du premier modèle de neurone formel en 1943. Les deux scientifiques
mirent au point une représentation très simple capable de faire la somme pondérée de données
en entrée, d’activier une fonction seuil et de donner une sortie. Aujourd’hui, cette représentation
reste un élément de base des réseaux de neurones artificiels.
4. Koné L., étudiant en Licence 3 histoire, enquêté le 25-11-2020.
5. Silué N, doctorant en anglais, enquêté le 11-10-2020
6. Stephen Hawking, in Luc Ferry, La révolution transhumaniste, Comment la technomédecine et
l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies, éditions j’ai lu, p.294.
7. Elon Musk, in Luc Ferry, La révolution transhumaniste, Comment la technomédecine et
l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies, éditions j’ai lu, p.295

RÉSUMÉS
La présente étude interroge sur les impacts de l’Intelligence Artificielle sur la socialisation des
jeunes étudiants de la ville de Bouaké (Côte d’Ivoire) à travers les smartphones et le
développement des applications mobiles. L’objectif est d’analyser l’influence de l’usage des
smartphones sur le processus de socialisation des jeunes en général, et en particulier ceux sur
l’espace universitaire. À travers une étude issue de données quantitativement et qualitativement
combinées, l’IA se présente comme une technologie à double tendance, à la fois du clair et du
sombre. En clair, on voit émerger de véritables performances capables de révolutionner les

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activités académiques et pédagogiques de la formation universitaire. En sombre, la propension


des jeunes à en faire une addiction se présente comme un frein à la sociabilité physique et une
remise en cause de l’altérité.

This study investigates the impacts of Artificial Intelligence on the socialization of young
students in the city of Bouaké (Côte d'Ivoire) through smartphones and development of mobile
applications. The objective is to analyze the influence of the use of smartphones on the
socialization process of young people in general, and in particular those that take place in the
university space. Through a study resulting from quantitatively and qualitatively combined data,
AI is presented as a technology with a double tendency, light and dark at the same time. On the
light side, we see the emergence of real performances able to revolutionize the academic and
pedagogical activities of university training. On the dark side, the propensity of young people to
become addicted to it presents itself as a brake on physical sociability and a challenge to
otherness

INDEX
Mots-clés : Jeunesse, Socialisation, Smartphone, Intelligence artificielle
Keywords : Socialization, Smartphone, Artificial intelligence

AUTEURS
GNÉRÉ LAETICIA BLAMA DAGNOGO
Université Alassane Ouattara

ARROUNA SAMASSE
Université Alassane Ouattara

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Design of e–Learning based Based


on ADDIE model during the Covid-19
Pandemic
Conception d'un dispositif d'apprentissage en ligne basée sur le modèle ADDIE
durant la Pandémie Covid-19

Dinn Wahyudin, Deni Darmawan and Suharti

Introduction
1 The term of information technology became popular in the late of 1970s. According to
Martin (in Munir 2010, p. 9), state that the information technology and communication
have a close relationship that the information technology is closed to the information
processing systems, while the communication technology has function to transmit
information. E-learning was the first introduced by the University of Illinos at Urbana-
Champaign with a computer- based instruction system (Computer Assisted instruction)
and Plato's computer. The era of CBT (Computer-Based Training), e-learning
application was in the form of CD-ROM packaging. It is filled in the writing material or
multimedia (Video and Audio) in mov, mped-1, or avi format ; In 1994, along with the
receipt of CBT by the community. Since 1994, CBT was appeared in the form of more
attractive and mass-produced packages ; In 1997, there was LMS (Learning
Management System). Currently the community is starting to connect the internet.
Everything can be obtained and felt the absolute needs, and the location is not an
obstacle anymore ; and in 1999, the year that was a Web-based e-learning application.
The development of LMS towards a fully developed Web-based e-learning application.
2 E-learning is one of the fields that cultivate in communication technology . In addition,
e-learning is familiar and widely used by educational institutions and training to
facilitate the learning implementation. E-learning can be seen as a developing system
to improve the quality of learning by trying to penetrate the limitations of space and.

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3 In Indonesia, the use of internet technology for education officially began from the
establishment of telematics in 1996. In the same year, the Asian Internet
Interconnections Initiatives were formed. Until now, there are 21 higher education/
institutions (public and private), national research institutions, and related agencies
that have joined. Recently, electronic learning (e-learning) services such as online
learning resources and learning management systems (LMS) have widely been adopted
by higher education institutions due to the rapid advancement of internet-based
technology (Allen and Seaman 2017 ; GoConqr 2017, in Rajak, et al, 2018, p. 2).
4 To support english skill achievement, innovation technology like e-learning is
suggested. The problem that hamper an effectiveness showed that the challenge is lack
of both technical and social skills required for the implementation of e-learning which
contributes to failure of e-learning projects (Ong, 2017, p. 2). There is also inability of
teachers to assist the students develop the ability and knowledge necessary to make
them use e-learning effectively. Some e-learning studies were conducted in developing
countries show lack of vision and framework in implementing e-learning leading to
failure of these e-learning projects (Kizito & Bijan, 2006 ; Pal, 2006). In addition, the
problem of e-learning is that web and software development can be expensive and
schools of all levels might have to invest much money in it if they want to have a sound
e-learning system. Finally, technological problems might be another factor we need to
address in e-learning. “Even students with extensive technology experience can
become confused and lost on the Web” (Roberts, 2004, p. 77).
5 Those obstacles need some solving to sustain e-learning based English learning. We
need design to identify the weaknesses of EFL teachers which will contribute in making
informed decisions about the adoption, implementation, and integration of e-learning
that meet the requirements of EFL teachers (Furaydi, 2013, p. 2). English have to be
prepared by updating themselves with current trends in language teaching such that e-
learning is employed. According to U.S Departement of Education (2017, p. 35) that the
schools should be able to rely on teacher preparation programs to ensure that new
teachers come to them prepared to use technology in meaningful ways. They have to
keep up with the latest developments in teaching especially that language trends
constantly change and higher technology are introduced daily (Ong, 2017, p. 2). One of
the teacher preparation is training applied. The factor that affects successful of ICT
integration in language education is the training (Albirini 2006 : Almozaini 1998, in
Furaydi, 2013, p. 2). Here, how to increase student competence in English, actually it
comes from teacher innovation to engage student in learning process. What and how’s
the material associated with E-learning technology will effect for student achievement.
And also to encourage learners to use e-learning programs, technicians need to work
out more user-friendly systems (Song, 2012, p. 2).
6 Secondly, the teacher has role to make the pattern development by utilize and design
based on product innovation. How the concept of teaching materials can be packaged
and delivered, to form a instructional innovation. This will conduct from how
individuals learn and active with new method, which they can access at the same time
or at different times.

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Instructional Design
7 Instructional design (ID) is a systematic method of development of education and
training programs for improved learner performance (Almomen, et al, 2016, p. 2).
Instructional design refers to understanding, improving, and implementation of
learning methods (Reigeluth, 2014, p. 4). Instructional design is systematically designed
for educational program. The instructional systems design is a systematic method of
development of education and trainings programs for improved student performance
(Hadi, et al, 2017, p. 2). ADDIE instructional model, ADDIE first appeared in 1975
(Branson 1975). It was created by the Centre for Educational Technology at Florida
State University. The ADDIE model developed by Dick and Cary in 1978 and Russell
Watson revised in 1981, and was considered essential in the development of
educational and training programs (Hannum,2005, in Muruganantham, 2015, p. 1 ). The
essense of this is directly to increasing education and instruction quality as
systematically and sustainability.

E-Learning
8 The concept of e-learning has been existing since the second half of the 1990s. It was
first used at a seminar and from there spread very quickly, (Belaya, 2018, p. 2). In
annually, E-learning have many terms in applied. ASTD (The American Society for
Training and Development, in Rusman, et al, 2013, p. 263) state that e-learning is a
broad set of applications and processes which include web based learning, computer-
based learning, virtual, and digital classrooms. Much of this is delivered via internet,
intranets, audio, and videotape, satelite broadcast, interactive TV, and CD-ROM. E-
learning application was showed in every moment as an era demand. So, e-learning was
implemented based on the organization and the purpose of used.
9 Indeed, the transformation is an inevitable matter, with the emergence of various new
technological terms as an innovation. It shows that the develop and progress of science
and technology is increasingly competitive. But whatever it is, whatever its form,
everything will appropriate with the context of learning that will be carried out.
10 E-learning has a function as a tools of communication that transmits a knowledge via
media, either synchronous or asynchronous. E-learning is the process of education that
uses innovative methods of transmitting knowledge via the Internet, extranet and
intranet technologies, audio, video, and flash animations (Zielińska, 2011, in Kiliçkaya,
Krajka, and Zielińska, 2014, p. 4-5). Reinmann-Rothmeier (2003) argues that e-learning
is used as a collective term for all types of media-based learning, including both
intranet and internet based (Belaya, 2018, p. 2).

Synchronous and Asynchronous in E-learning in


Pandemi Covid-19
11 The term “e-learning” was first used to asynchronous learning, specifically, online
discussion groups. Asynchronous learning is also referred to as “on demand” or
“anytime” learning (Eaton, et al. 2017, p. 8).

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12 Basically, e-learning has two types, namely synchronous and asynchronous.


Synchronous means at the same time and asynchronous for different time.
Synchronous learning connotes the instructor-led type of learning where there is
collaboration and exchange of ideas and knowledge among participants at the same
time. It could be in the form of video conferencing, chat room or virtual classrooms
that bring all participants online working collaboratively at the same time in real-time
for instruction and feedback (Robinson, 2008 ; Murali, 2010). Manprit, (2011).
Asynchronous learning which is self-paced uses e-mail, blogs, wikis, discussion boards,
web-supported textbooks, audio, video courses, web networks, hypertext documents
(in Obuekwe & Eze, 2017, p. 2).
13 The synchronous teaching proceeds in a real time, in which all participants accept the
presented experience simultaneously and they can react mutually. The asynchronous
teaching is usually applied in different times to different students. They can choose the
pace and the way of accepting experience, but they cannot react mutually in a real time
(Hubackova, 2015, p. 2).
14 Asynchronous tools are used by learners at their own choice of time. The messages or
information held by the system are read by the users when they choose to come online
unlike synchronous tools, which take place in real time. Synchronous tools are live
communication like conversations on the telephone (Rajaram, 2009, p. 2)

Impact of E-learning in English Language Learning


15 E-learning have some kinds of application media. These media, such as ; audio-visual
(Recording, Transparancy, Slide, Film, and Computer), Text Based Tools Visual, Web
and CD. Those are used based on learning context. Here, English consists of four skills,
among other ; Listening, Speaking, Reading, and Writing. They are can use e-learning as
a skill achievement
16 Learners can work according to their own pace and they were supported by using some
tools like audio recording, pronunciation and special monolingual and bilingual
dictionaries, in order to facilitate understanding of the lexical items provided in
exercises or reading passages. Grammar and writing activities were also supported by
virtual classrooms. Listening skill was practiced through several audio and video
materials. Moreover, learners can have speaking sessions with online tutors on dates
announced in advance. The sessions held with learners are recorded for subsequent
review (Kiliçkaya, Krajka, & Zielińska, 2014, p. 14 ).
17 Web and CD-based learning programs aim to provide intensive language activities to
improve language learning skills such as reading and listening. Web-based learning
environments could be a very efficient way of conducting reading and listening classes.
(Sagin-Simsek, 2008 ; Tanyeli, 2009, in Kiliçkaya, Krajka, & Zielińska, 2014, p. 15 ). Also
CD based Instruction was really provided the student mastery in reading and listening,
the student can access some native language speeches by Audio-Visual.
18 In terms of developing speaking skills, for those students who rarely have an opening
to speak with native speakers, and for others who are shy, automatic speech
recognition technology provides opportunities for them to practice speaking (Yang &
Chen, 2007). As noted by other researchers, including (Chiu, Liou, & Yeh, 2007), the use
of automatic speech recognition systems that allow students to engage in speech

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interactions with a computer is an advantage of E-learning. A web-based conversation


environment called Candle Talk has also been developed to enable students to
communicate with their computers interactively (Chiu et al., 2007), This software
allows EFL learners to access explicit speech training programmes, thereby enhancing
their oral skills (in Mutambik, 2018, p. 2).
19 Examining the significance of such text based tools, Al-Menei (2008) investigated the
effectiveness of the computer-assisted English writing skills of Saudi students. His
study demonstrated a significant improvement in the writing capabilities of Saudi EFL
students when they had used computer-assisted programmes to correct their grammar
and paragraph writing, as the E-learning setting provides ample time for students to
reflect and focus. Farzi (2016) also observed that computers can be programmed to
provide corrective instruction to identify any mistakes in writing. This arguably helps
students to correct their mistakes, enriching their writing. (in Mutambik, 2018, p. 3).
20 Furthermore, E-learning was provided for unprecedent opportunities when developing
their reading skills, due to the unrestricted availability of course materials online
(Brandl, 2002). Online information enables students to overcome the confines of
textbook based learning, by promoting access to knowledge at any time and from
anywhere. Opportunities for listening to authentic language also abound online.
Indeed, Romeo (2008) observed the importance of listening exercises to understand
relative clauses and audio prompts available through online applications. He reports on
evidence that suggests that when more syntactically complex clauses are used, learners
alter their method of approach to learning and understanding (in Mutambik, 2018,
p. 3).
21 The students are able to have considerable degree of choice over place and time in
learning and they are also able to decide how much to learn as long as they have access
to computer and internet. Apart from the flexibility and convenience, e-Learning also
provides opportunity for “repeated practice and ease of review” (Long, 2004, p. 69),
which are essential in the learning of foreign languages. e-Learning can simply be
viewed as : “online access to learning resources, anywhere and anytime”(Holmes, 2006,
in Soong, 2012, p. 2). Some E-learning applications permit students learning English to
readily access beneficial language resources and communicate directly with native
English speakers. Furthermore, the students can study English listening, verbal
communication, reading, and written communication skills in authentic contexts
(Debski & Gruba, 1999 ; Yang & Chen, 2007 ; Al-Qahtani, 2016 ; Al-Hassan & Shukri,
2017) (in Mutambik, 2018, p. 1).
22 A significant component of this technology advancement is the development of e-
learning environment which has been recognised as having transformative potential in
terms of English language teaching and learning methodology (Hellebrandt, 1999).
Yang & Chen, 2007 ; Shuchi, & Islam, 2016, specifically, students can use E-learning
resources to acquire the four main English language skills (in Mutambik, 2018, p. 2). In
many countries of the world, for different fields of life such as business, travel,
banking, entertainment, governance, security have witnessed rapid revolution as a
result of the emergence of ICT (e-learning). Teachers can access a lot of information
which they can transmit to the students (Obuekwe, & Eze, 2017, p. 1)

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Framework Education Technology


23 English Learning is an achieved through an innovation in e-learning education. English
skills are adapted from various learning media that are part of e-learning. The next is
educational technology framework in English learning.

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Fig.1. Framework English Instructional

Fig. 2. Framework E-learning technology based English Learning in Pandemic Covid-19

24 There are some components of educational technology have. They are : area, pattern,
diffusion and innovation, and practical innovation.
1. Area

25 English instruction was effected from technology area. They are included ; Design,
Develop, Utilization, management, and evaluation.
a. Design

26 Design of english instruction by using E-learning means that how the material is
conveyed and evaluated. The teacher are packing learning material (learning
innovation engineering) to make a match between teacher as a messenger and student
as a receiver. It is really better when the teacher make and develop the system until the
current of theory and practice of study are easy to do and assess. Teacher ability to
design study system will get more free and simple to access student understanding and
student achievement because they are created and held on alone. Even though, the
school need many infrastructure and tool for designing systems.
a. Develop

27 Here, English consists of four skills ; listening, speaking, reading, and writing. E –
learning also have some kinds of application, like ; Audiovisual technology, technology
based computer (Computer based instruction), and integrated technology. Three of
them are chosen based on skill requirement. An example ; the student need speaking
skill, and dominate listening, and it can be provided by using audiovisual, there is
sound and picture that shows the student to listen and see the mouth of speaker. An

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another example ; if the student study about lexical item, so the hypermedia that
effected to “Integrated technology” is
28 recommended. That is supported by Audio-Visual material. The audio and visual
material was provided.
a. Utilization

29 In utilization, this part try to make the content to implement. The content of E-learning
is effected by utilizing. Where we use a product innovation. We make and fill the
content of e-learning. Many materials that can be took and build for student activities
but it needs an ability to present in online.
a. Management

30 Management is indispensible for teacher. They have centered position to manage


information until the learning process will be presented. To actuate e-learning for
English. The teacher should be able in mastering computer based instruction that will
be applied e-learning. Because they are there, and teach English by using e-learning.
The learning message information will be given to student.
a. Evaluation

31 Evaluation consists of formative and summative.


i. Formative, the student, how the learning message was accepted in their mind. Here, we can
see and observe student understanding and ability to the learning with timing. This
evaluation give some better suggestion and input for the next learning and goals.
ii. Sumative, the teacher, related with the teacher who has important role in presented English
by using e-learning. If the teacher false to prepare and implement this instruction, so, it
should be upgraded or improved. And summatif, for student, we can use competence test by
using computer based instruction, then appropriate it with English instruction. We can see
the student can meet with the instructional standard based e-learning.

32 The evaluation system that can be developed is the evaluation processes with
indicators and references to learning completion from spent of time allocation ;
completed e-learning pages ; whether or not able to read and interpret ; after that
correct the answer from some questions ; and able to go through the entire learning
process. In addition, the scoring system that can be applied is the scoring system with
indicators of online learning completeness, the ability to make reports and upload
them via online, able to answer all questions, and self assessment. The score can be
done on an interval scale so that the score can be confirmed more quickly in online to
students.
1. Pattern

33 Fig. 3. Pattern of English based E-learning Technology

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34 The objectives are analyzed based on the taxonomy level in three competencies.
English instruction is greater in the cognitive domain, the goal must be based on
cognitive levels of Bloom and Anderson and Krathwohl's Taxonomies. The ability
structure in Bloom's Taxonomy, namely Knowledge, Understanding, application,
analysis, synthesis, and evaluation. While the composition of abilities in Anderson and
Krathwohl from the bottom to the top : Remembering, Understanding, Applying,
Analyzing, Evaluating, and
35 Creating. If we look the ability sections both of lower and higher levels. The low level
began from remembering - application, while the high level category start from
analyzing to creating.
36 The context of English Instructional from listening, speaking, reading and writing skills
will determine the purpose based on three competencies (attitudes, knowledge and
skills). For example, on writing skills, with aims that the students are able to create a
text from the expostition text, based on Synchronous and Asynchronous. What is the
purpose of writing skill in terms of online learning, which is at the same and different
time. Everything must be considered.
37 After analyze the goal, then this will start to select the contents and methods. The
content related with the level that the students should be achieved, the selection of
materials should not inversely proportional to the level of ability, this can be seen in
Bloom and Anderson and Krathwohl's Taxonomy. Then, what is the method for
learning process. Computer based English itself in writing skill, can be done by reading,
question and answer, drill and practice. Based on Synchronous, there will be the
dialogue and discussion. If Asynchronous, the learning process is asked the existence of
projects individually, as well as groups, and discovery.
38 Media and teacher are the bridge in conveying the information, the teachers will not
always play an active role to deliver messages, so the media is needed. E-learning
becomes a medium to give the messages in class anywhere. But it's just requires the
teacher's ability to manage computer-based information, even not mastery all of them,
it’s important know and understand how to use technology. Soong, (2012, p. 2), modern
teachers are not supposed to be technicians, but they are required to have basic
knowledge ofcomputers.
39 The student, create learning innovations. Teachers will be guided student to the
independent learning systems. With helping of media that has been specifically
designed by media experts themselves, teachers or even other staff academic e-
learning program.
1. Diffusion and Innovation

40 This Web-based E-learning is the use of media as a way to deliver information on


English learning, for example to make the student mastery in speaking skills, the
teacher must familiarize students with presenting various video / audio sources such as
speech, and conversation from native, which improve children's vocabulary, accent,
fluency, grammar, and understand what the speaker conveys through various e-
learning applications. This applied is to make students easy to access learning without
limits of any space and time.
1. Practical Innovation

41 Whatever that the benefit of innovations is better for innovation targets, it will be very
difficult to accept if the innovator does not understand the innovation strategy, or it

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can be assumed that the innovation failure is one of the innovators who does not
comprehensively understand innovation strategies.
42 E-learning is a learning technology. Electronic learning is changing the way to
communicate learning. The application of this technological innovation refers to the
implementation of the educational process in the form of teaching and learning
processes in schools, the implementation of which is the elaboration of these
technology products as a medium of learning in schools.
43 Research Questions
44 This research aims to design e-learning-based English instruction by using ADDIE
model, with Analyze, Design, Develop, Implement and Evaluate.
45 Methods
46 This study will design e-learning based English Instruction for English Education
Departement by using ADDIE model. This study is used Design based Research (DBR).
Amiel and Reeves (2008, p. 6), state that design-based research consists of four stages :
Analysis of practical problems by researchers and practitioners in collaboration ;
Development of solutions informed by existing design principles and technological
innovations ; Iterative cycles of testing and refinement of solutions in practice ; and
Reflection to produce “design principles” and enhance solution implementation. In this
case, the writer only get two stages, both need analysis and organizing design.
47 The procedure that adresses instructional design is ADDIE model, with Analyze, Design,
Develop, Implement and Evaluate.
48 Result
49 Implementation E-learning toward English Learning
50 The internet application was facilitated by e-learning in connecting information
management activities and delivered messages in learning. This is helped to introduce
an innovation in English learning. Also as an innovation technology that has role to get
information via Web. Theories and applications will be packaged well, so that they are
able to attract and increase students' interest in learning, then do the meaningfull
learning for student. There is the cone experience of Dale, this is presented by whole
instructional experiences especially by using Web in English purposes, as follows.

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Picture 1. Cone Experience of Dale (1984)


51 Students who learn English will meet this cone as an appropriate purpose, as like what
the content of English skill that can be used in some kinds of Web of e-learning. E-
learning has recently become an integral component of modern education system
(Khan, 2016, p. 3). Then what is the media that match with content from those skills.
We can identify the learning experience that will be used in each of the skills, then take
an e-learning Web of inovation technology to collaborate.
a. Implementation of verbal receiving via e-learning. The student accept learning by using
computer. There is a content that facilitated student work. This part give a student habit to
the word, reading or even listening skill. It also helps the student who difficult in visual
study. Other meaning, the student who different of learning style and accept.
a. Implementation of visual receiving via e-learning. This is easy for student visual mastery.
The student use visual form to acquire meaning of four skills in English. Because there is
student who has dominant for this. Not verbal section.
b. Implementation of receiving and producing via e-learning. The student get some learning of
e-learning then will be received, and interacted with computer. The student be receiver as a
passive, and producer as an active student.
c. Implementation of doing via e-learning. This the last of cone experience that address
student to do and habit in action. The student do the real in the field. So that, the student
really have better experience in learning process. Give the student chance to access
workplace temporally. This will be showed the student achievement. To overcome doing the
real teaching, it will be contemplated the simulation and others.

52 To support the implementation of E-learning based English Learning, we can do the


steps of ADDIE (Branch, 2009, p. 57) ; analyze, design, develop, implement, and
evaluation.
53 Table 1. Implementation of English Instruction in Pandemic Era

Analyze Design Develop Implement Evaluate

Concept

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Verify the Assess the


Prepare the
desired quality of
Identify the Generate learning
performances the instructional
probable and validate environment
and products and
causes for a the learning and
appropriate processes, both
performance gap resources engage the
testing before and after
students
methods implementation

Validate the
performance gap Generate
Determine content
instructional Select or
goals Conduct a task develop
Confirm the inventory supporting
intended Compose media Determine
audience performance Develop evaluation
Prepare the
objectives guidance for criteria
Identify required teacher
resources Generate the student Select evaluation
Prepare the
Common testing Develop tools
Determine student
Procedures strategie guidance for Conduct
potential
delivery systems Calculate the teacher Evaluations
(including cost return on Conduct
estimate) investment formative
Compose a revisions
project Conduct a
management Pilot Test
plan

Analysis Design Learning Implementation Evaluation


Summary Brief Resources Strategy Plan

54 Table above show that the procedure from how to implement the instructional. Here,
the instruction that supported by e-learning. The explanation of e-learning based
English Instruction can be seen below ;
a. Analyze

55 The teacher should conduct an analysis to identify the gaps of student in different
background. Among other ; what student need to study, why the student need it, the
student in learning style, then the student difficulties, the student low achievement
who have not motivation and have anxiety to study.
56 The teacher should deliver some questionare and interview to student, and questionare
to the teachers. Until the teacher get direction to make a presented plan.
1. Validate the performance gap

57 To master the English skills is not easy for teachers and students. Many obstacles and
challenges that will be passed, then step by step would be felt. There are several gaps

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that occur in achieving English skills. The following details are based on several related
journals.
a. The lack of various learning innovations based on learning goals and needs.
b. The students lack motivation to be active because they are afraid of being wrong and
laughed.
c. The students do not appreciate and help other friends who are late in English achieving.
d. The teachers are lack to become a model in improving students' English language habits.
The students do not make English as a habit, because the teacher as an educator does not
apply the same thing. Many teachers use their mother tongue, in the classroom, such as
clarifying difficult concepts or explaining new vocabulary and grammatical points (Alabdan,
1993 ; Alnofaie, 2010 ; Alshammari, 2011, in Alharbi, 2015, p. 3).
e. Learning English is limited in class, it does not provide authentic learning for students.
According to Alharbi (2015, p. 2) EFL context, classroom practice is crucial given the lack of
opportunities to use English outside the classroom.
1. Determine instructional goals

58 The objectives can be realized according to the description of competence. The


competencies that will be achieved are inseparable from some aspects of attitude,
knowledge, skill, and creating competences.
a. Attitude

59 The students can always be grateful of their abilities, because all of them are from the
gift of Allah SWT ; the students can appreciate their friends' efforts and help friends
when they are in trouble ; the students can be brave, confident, and responsible for
what they want to do, because everything will affect the process of improving their
abilities.
a. Knowledge

60 The students can understand and master the elements in achieving English language
skills (Listening, Speaking, Reading, and Writing), and the students are able to
understand the basics in using ICT. The students can browse materials, assignments,
answer and submit the answers.
a. Skill

61 The students can explore and apply the English ability with various media in
technological innovation.
a. Creating competence

62 The student can create a media that can improve their english abilities in all time.
1. Confirm the intended audience

63 In improving English language skills using e-learning is generally used by universities,


still rarely applied in primary and secondary education. In this case, e-learning in
English learning is good in higher education (S1), considering that the age of students
has an average ability and stronger in learning ICT. For the selection of e-learning
applications and the depth and limitation of the material can be carried out based on
the identification of learning needs and the circumstances of the students.
1. Identify required resources

64 Learning resources are important to conform learning goals. Learning resources can be
obtained through various links or materials that can be obtained from the expert that

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are willing to facilitate such learning. E-learning can make it easier for students to
access learning anywhere, it requires the ability of teachers to design and apply e-
learning as well as possible. Resources can be facilitated by ;
a. CD-ROM, the contents that are various audio-visuals to help students learn and understand
the elements of English skill
b. Web-Based Instruction, able to assist the student in communicating. Web-Based
Conversation Environment called Candle Talk has also been developed to enable students to
communicate with their computers interactively (Chiu et al., 2007), This software allows EFL
learners to access explicit speech training programmes, thereby enhancing their oral skills.
(in Mutambik, 2018, p. 2). The students who are lack of willing to learn english can freely
express their abilities without any shame.
1. Determine potential delivery systems

65 Learning delivery systems depend on the selection of methods. For delivery systems
can be done in various ways, this is written below ;
a. 1. Online presentations and discussions, with virtual learning. Learners can interact in a
discussion at the same time (Synchronous).
2. Learning can be done by browsing material through the link provided by the teacher on
the internet (Asynchronous).
a. Design

66 E-learning has feature as an online activities in unlimited space and time. Whether
from syncronous and asyncronous. Syncronous, the teacher and student do learning
together via online at the same time. Asyncronous, the teacher can provide the
content, and the student can access in different time.
67 In this case, the teacher will design E-learning based English learning : learning
objective, material/content, media/strategy, and assessment, flowcart of learning to
facilitate the student experience. The design should be supported between student
learning experience in English with e-learning both syncronous and asyncronous. The
description of teaching and learning will implement in the same way and different way.
Example in one/two semester, at the same time, the teacher and student set the day for
two days in a time as an usually want to learn. While, different time, the student can
access anytime in anyplace.
68 Other thing, the teacher can design system alone in platfrom and take all sources that
construct student learning experience. The teacher can easy and understand to access
learning because some plots were conducted by themselves.
69 Based on the ADDIE procedure, in the design stage, can be seen below ;
1. Conduct a task inventory

70 This can be done with several efforts, it is related with how to be able to improve the
ability to dominate English via e-learning.
a. 1. The students should be gotten good attitudes, values or ethics in using English through e-
learning media.
2. The students must be studied and understood the surrounding environment and the life
changing from society in all times.
3. The students must be prepared and thought about e-learning based English learning.
4. The students must have soul in innovating learning with e-learning.
1. Compose performance objectives

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71 Creating a performance objective, when it’s known how to do and solve the gap. The
objective will be achieved by designing detailed indicators of English achievement.
a. Familiarize attitudes, values and ethics with students towards themselves and others.
b. Understanding the concepts of English : Mention the components of mastering English
language skills (listening, speaking, reading, and writing) ; Explain the meaning of
components in English ; Give examples from English components.
c. Analyzing the components of English language skills based on audio-visual (speaking),
virtual communication tools (writing), Web-CD-based learning (reading and listening), and
another media.
d. Analyzing the components of English skills based on British and American English.
e. Identify and compare the components of English skills based on the contents of media that
used.
f. Designing an implementation plan to observe English language skills can be through ;
i. Speaking : it shows the film (audio-visual) from american and british english
(asynchronous), and video-conferencing, student to student in conversation (synchronous).
ii. Writing : the media of e-mail, and blogs as communication tools to transmit and receive the
writing (Asynchronous), and chat as tools of communication through groups and private as
the real time (Synchronous).
iii. Reading and listening : they can learn in various text and audio contents, that are obtained
on web-CD. Listening is in CD by audio (Asynchronous), while Web media, the students are
asked to open an audio link, audio is listened at the same time and they can answer the
questions that the teacher ask (Synchronous). Reading have a text from CD (Asynchronous),
and web, students are asked to download a text in a link, and identify the questions that was
given, the next, it submitted to the teacher based on the time that determined
(Synchronous).

72 Organizing the instruments to explore and identify the components in English skills.
a. Collecting data through observation ; Process the results of data collection ; Make the
reports in the form of articles.
b. Presenting the report results : Make a presentation ; Review articles designed.
1. Generate testing strategie

73 Values can be obtained by the tests or non-tests. A description of the valuation


strategies is listed below ;
a. Oral Test. This test is used because the aims to improve the English speaking ability. This can
be done with some questions or speaking performance from

74 students in conversation, speeches, or role play. The students achievement can be


marked in standard of English speaking.
a. Listening test : To test the students understand and accept the conversation from the
speaker. It will be given the question for students to answer.
b. Written test : this test is carried out with multiple choice questions that will test the
students ability (Reading), and the description test (writing).
c. Non test. This test can be done by observing from attitudes, values and ethics were shown by
the students in English practice.
a. Develop

75 In this case, for Synchronous, The teacher can develop media from all material to
facilitate student English skill, and support student to do that. On the other hand,

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Asynchronous, the teacher can develop by learning setting that can be accessed for all
students. Here, possibly, the teacher want to facilitate the student with some media. So,
make a list for a task based on the requirement.
76 In this case, the development stage will be described according to the steps below ;
1. Generate content

77 The point of the material was presented as follows ;


a. Implant the values, attitudes, and ethics in English applied.
b. Understand the concept of English language skills (component of mastery skills)
c. Analyze the English language skills based on the sources requested and provided.
d. Write the research reports in the form of articles.
e. Present the reports based on English skill components
1. Select or develop supporting media

78 Media is tools of message delivery. In this case, you can use audio-visual media, web-
CD, text based tools and / virtual communication tools, etc.
1. Develop guidance for the student

79 The competencies that have been proclaimed and written will be realized with
guidance for students in achieving their abilities. The guideline is a series of written
descriptions that contains RPS.
1. Conduct formative revisions

80 To improve students' English skills intensivelly, this used formative evaluation in the
middle of semester to improve and upgrade the weaknesses in the learning process.
1. Conduct a Pilot Test

81 To develop a pilot test, it really depends on the material with the depth and limits. The
test that facilitated in improving English skills as follows ;
82 a) Attitude assessment
83 b) Written assessment
84 c) Performance assessment
85 d) Observation guidelines
a. Implement

86 Implementation is realization document into practice. In Synchronous and


Asynhronous , the student was given a link to acces a task that should be accomplished
in all time based on the teacher instruction. All information that the teacher provided
in that link adresess student to understand and work. Then the program in one/two
semester like resources (text, and videos), task, remedial, feedback and score, etc were
presented.
87 For all English skills are communicated for student. For Synchronous. An example ;
speaking skill is applied through student and teacher or even student with other
student to see that the student able and mastery in oral communication. In
Asynchronous, writing skill is involved, the teacher can give the student module of the
text that will give student
88 time to analyze main idea, supporting sentence, or the problem that will identify
according the teacher’s requirements.

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89 Those are able to use in Synchronous and Asynhronous based on the context of
learning experience.
1. Prepare the teacher

90 However the teacher must have preparation in teaching, even though the teacher is a
facilitator or mediator, but the role of teacher is very important in addressing,
perfecting, and directing students to the actuate learning outcomes. Then the teacher
both individual and team, should have the ability to choose and establish goals,
materials, methods, and evaluations that are suitable and appropriate in
implementation for students with education level. Everything is related to e-learning
applications.
1. Prepare the student

91 The students in the study should have initial preparation to start the learning process
for one semester. So, the students must obtain ; Semester Learning Plan (RPS), explain
the RPS that involves students in conducting the ideas, by arguing about learning
design to be considered, do the contract learning, prepare students to enter the
instruction via e-learning.
a. Evaluate

92 In this part, the evaluation can use as individual and group. As individually, each
student able to achieve the standard with the scale in each of the skill. For group, each
group can be seen from responsibility to work better cooperatively with the teacher
demand to collect an assignment. The score will presented based on indicators.
1. Determine evaluation criteria

93 Firstly, the evaluation must be determined the criteria. This criterion becomes the
basis to consider and decide the results of student achievement. The assessment
criteria are determined by the educational institutions.
1. Select evaluation tools

94 The evaluation tools have two types, including ; test, and non test evaluation. Test,
assess the performance and written test from students. While non-test, assess the
students attitude in their performance.
1. Conduct Evaluations

95 To conduct the evaluation, it can be done from pre-test before the students have
learning process, this is to find out the extent of students ability in the field. The next is
the assessment of process, this used to the learning process takes place, by assessing
the attitudes, written activities and performance of students. Then the assessment of
assignments, midterm test and final exam.
96 Conclusion
97 English is not a new field of the study. English as tools of communication for human in
the world. Many ways to learn english as our goals. They are conventional and modern
part. Globalization era demands an innovation technology in modern learning.
98 E-learning as an innovation technology has great potential for foreign language
instruction. With increased mobility of Web based Instruction will play more important
role, and the teacher power should not always be used. The education doers should
conduct the material based on the student needs and grade. The student and teachers
demonstrated the ability to align the ICT materials with the proficiency levels of the

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266

students. The materials also needed to be relevant to the rural context of the school.
ICT materials for language learning available on the Internet do not usually fit the local
context (Keong, et al, 2016, p. 4).
99 Two ways of learning both synchronous and asynchronous have learning designed each
other. It is to be hoped that the discussion of e-learning types will contribute in
increasing the English teachers competence for their future teaching experiences and
the student ability in understand, applied of English, and specific for organizing
learning via e-learning. ADDIE model was addressed e-learning based english
instruction.
100 The reason why e-learning- based english instruction should be designed. Some
students have not time to get face to face learning. The alternatif action is provided
online learning to facilitate student needs and achievement. The student that is unable
to stay along, can answer teacher question in other times. They can access in unlimited
time as the teacher instruction. For learning in the same time, it needs the student in
multiple live such as conferencing, chat, or another media that used in pandemic
covid-19.
101 E-learning demonstrates a huge advantage if it were employed and utilized adequately.
This case will promote the effectiveness and enhance instructional delivery to satisfy
needs of all stakeholders to a large extent.
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English —Taking a Taiwanese University as an Example. English Language Teaching. 5
(4) ; April 2012.

ABSTRACTS
English is more influence in all aspects of life. It has function as a tools of communication in the
world. English in each of the country to be the first language, second language, and foreign
language. In Indonesia, as long as pandemic covid-19 the status of English instruction as a
interesting foreign language. This aim refers to design e –learning based english language

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learning by using ADDIE model for English Education Departement. Designing instruction that
involves five procedures ; Analyze, Design, Develop, Implement, and Evaluate (ADDIE). Analyze, it
will be identify the probable causes for a performance gap of Virtual Community Digital Learning
Nusantara (VCDLN) to know student needs, and determine the objective of learning . Design,
verify the desired performances and appropriate testing methods. Develop, generate and validate
the learning resources. Implement, prepare the learning environment and engage the students.
Evaluate, assess the quality of the instructional products and processes, both before and after
implementation. DBR method was chosen to support the design. Mastery in English was effected
from synchronous and asynchronous of e-learning. ADDIE model will bring E-learning based-
English instruction in English Education Department as VCDLN Strategic Implementation in
Pandemic Covid-19.

L'anglais a plus d'influence dans tous les aspects de la vie. Il a fonction d'outil de communication
dans le monde. Dans la des pays, elle est la première langue, la deuxième ou la langue étrangère.
Le statut de l'enseignement de l'anglais comme langue étrangère est intéressante à observer
notamment pendant la pandémie du Covid 19 en Indonésie. Il s'agira ici d'observer la conception
d'un dispositif d'apprentissage de la langue anglaise basé sur l'apprentissage en ligne suivant le
modèle ADDIE. Cela consiste à concevoir une instruction qui implique cinq procédures ; Analyser,
concevoir, développer, mettre en œuvre et évaluer (ADDIE). Analyser, cela signifie identifier les
causes probables d'un écart de performance du Virtual Community Digital Learning Nusantara
(VCDLN) afin de connaître les besoins des élèves, et de déterminer l'objectif d'apprentissage.
Concevoir revient à vérifier les performances souhaitées et les méthodes d'essai appropriées.
Développer c'est générer et valider les ressources d'apprentissage. Mettre en œuvre consiste à
préparer l'environnement d'apprentissage et engager les étudiants. Évaluer concerne la qualité
des produits et processus pédagogiques, avant et après la mise en œuvre. La méthode DBR a été
choisie pour soutenir la conception. La maîtrise de l'anglais s'est effectuée à partir de l'e-learning
synchrone et asynchrone. Le modèle ADDIE apportera un enseignement en anglais basé sur
l'apprentissage en ligne dans le département de l'éducation anglaise dans le cadre de la mise en
œuvre stratégique du VCDLN durant la pandémie de Covid-19.

INDEX
Keywords: Instructional Design, E-learning, English Language, ADDIE Model, Pandemic, Covid-19
Mots-clés: Conception pédagogique, E-learning, Langue anglaise, Modèle ADDIE, Pandémie,
Covid-19

AUTHORS
DINN WAHYUDIN
Curriculum Development, Postgraduate School, Universitas Pendidikan Indonesia

DENI DARMAWAN
Educational Technology and Communication Science Department, Universitas Pendidikan
Indonesia

SUHARTI
Curriculum Development, Postgraduate School, Universitas Pendidikan Indonesia,

Communication, technologies et développement, 11 | 2022


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L’intelligence artificielle et
l’innovation dans les transports
urbains à Cotonou
Artificial intelligence and innovation in urban transport in Cotonou
Inteligencia artificial e innovación en el transporte urbano en Cotonou

AMESSINOU Kossi

Introduction
1 L’intelligence artificielle est passée de l’incantation à une réalité observable dans les
pays en développement depuis peu. Tous les secteurs de la vie économique, sociale et
culturelle ont connu leurs lots de transformations. Nous nous intéresserons au secteur
des transports afin d'y observer les transformations apportées par l’intelligence
artificielle. Pour être plus illustratif, nous proposons de faire un zoom sur
l’environnement du transport urbain à Cotonou, la capitale économique du Bénin, afin
de décrire l'innovation qui y a cours actuellement, ainsi que celles envisageables à
moyen et à long termes. L’environnement du transport étant assez vaste, nous nous
appesantirons sur les transformations opérées par l'intelligence artificielle sur le
transport des patients par les ambulances.
2 Pour conférer à cet article une plus grande utilité publique, nous nous sommes
proposés de commencer par clarifier le concept d'intelligence artificielle, d’observer
son influence sur le déplacement des ambulances dans la ville de Cotonou, et de passer
en revue leurs impacts sur la vie des citadins.

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Objectif, question et hypothèse


3 L’objectif principal de la recherche est d'apprécier les changements qualitatifs que
l’émergence de nouvelles initiatives d’intelligence artificielle pourraient induire dans la
préservation de la vie des patients transportés par des ambulances à Cotonou.
4 Notre question centrale est la suivante : Comment plus de vies pourraient-elles être
sauvées à Cotonou par l'intégration au système des feux tricolores, d'une priorité
spécifique aux véhicules de secours, par le biais de l’intelligence artificielle ?
5 Nous formulons l’hypothèse que l’intelligence artificielle est une solution alternative
pour réduire les pertes de temps occasionnées par l’encombrement du trafic routier
lors du transport des patients par les ambulances.

Concept et méthodologie
6 Pour cerner les contours de notre étude nous avons fait le choix de nous intéresser
exclusivement au concept de l'« intelligence artificielle ». Une revue de littérature a été
initiée pour nous convaincre de la pertinence du sujet avant de nous concentrer sur
l’angle de son applicabilité. La revue de littérature apprécie à suffisance l’impact de
l’intelligence artificielle dans l’environement des transports avec toutes les
implications de manipulation de données massives que cela induit. Ces données
massives sont mises à contribution pour mettre en place des algorithmes personnalisés,
à implémenter sur les capteurs et autres dispositifs de localisation spatiale.

Observation de terrain
7 Une observation de la circulation routière urbaine et péri urbaine à Cotonou aux heures
de pointe a été faite, du mois d'octobre à décembre 2020. Elle a permis de voir des
ambulances ralentir, et même s'arrêter carrément quelques minutes en raison des
embouteillages denses qui se forment à ces heures. Nos investigations en milieu
hospitalier ont révélé que des décès imputables au délai trop long observé entre
l’annonce du départ de l’ambulance de son point initial et son arrivée au point de
destination sont régulièrement enregistrés. Le nombre de vies humaines perdues dans
ces conditions pourrait être réduit, voire rendu nul en agissant sur le fonctionnement
des feux tricolores aux carrefours. En effet, avec la combinaison de l’intelligence
artificielle à des capteurs multifonctions de télé-détection visuelle et sonore, une
régulation routière spécifique est possible pour les véhicules de secours. Mais avant
d'aller plus loin, il nous semble utile de préciser ce qu'est l’intelligence artificielle et de
voir certaines de ses applications.

Définition de l’intelligence artificielle (IA)


8 L'intelligence artificielle peut être présentée comme un procédé algorithmique visant à
prêter à une machine, à partir d’une chaîne de codes informatiques, des capacités
comparables à celles de l'homme dans la prise de décisions. En d’autres termes, elle
« consiste à mettre en œuvre un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines
d'imiter une forme d'intelligence réelle (Futura, s. d.)». C’est tout simplement « l’imitation de

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271

l'intelligence humaine à l'aide de procédés informatiques (Intelligence artificielle, s. d.) ». Elle


« vise à permettre à des machines, et plus particulièrement à des systèmes informatiques, de
simuler les processus cognitifs humains(Que signifie Intelligence artificielle (IA, AI)? -
Definition IT de Whatis.fr, s. d.)». Le professeur Jean Gabriel GANASCIA (Agora Des
Savoirs, 2018) assertait dans l’une de ses interventions sur l’intelligence artificielle qu’il
faut appréhender ce concept en lien avec les fonctions cognitives (les fonctions
réceptives, la mémoire et l’apprentissage, le raisonnement et la pensée, les fonctions
expressives et les fonctions exécutives). Partant des sciences cognitives, la
reconnaissance d’images est l’une des applications expérimentales de l’efficacité de
l’intelligence artificielle. Nous pourrions avoir avec les machines des décisions
algorithmiques dont tous les contours ne nous sont pas forcément clairs. Avec la
neuroscience, les machines seraient capables appréhender mieux que nous-mêmes nos
propres dispositions somatiques et psychologiques. L’intelligence artificielle permet
d’anticiper et de faire des prédictions. Elle est d’application dans plusieurs domaines
dont entre autres, l'agriculture, la sécurité des personnes et des biens, la santé, le
secteur bancaire et financier, le commerce, le transport.

Application de l’intelligence artificielle dans les


transports à Cotonou
9 À Cotonou au Bénin, une telle innovation s’observe à travers un système de covoiturage
promu par une compagnie officiant sous le nom commercial « Gozem (Gozem –
Applications sur Google Play, s. d.) ». Grâce à des capteurs dont sont dotés les véhicules à
deux roues, à trois roues et à quatre roues, tout habitant de la cité a la possibilité de
solliciter le service de transport le plus proche. À l'identification, l’application indique
la position géographique du client par le biais d'un système GPS, ensuite il lui est
demandé d’indiquer son adresse de destination. Lorsque la destination finale est
précisée, l’application affiche automatiquement la durée du trajet en fonction du type
de moyen de transport choisi. Seule une intelligence artificielle permet d'opérer
instantanément ce type de calcul qui prend par ailleurs en compte tous les paramètres
liés à la circulation routière au moment de la soumission de la requête. L’application
indique aussi le coût du déplacement et invite le client à faire l'option d'un mode de
paiement : espèce, portefeuille ou carte. Si le client dispose d'un code promotionel une
réduction lui est faite. À la fin des courses, l’application rappelle au client la commande
retour, et c'est le moyen de locomotion le plus proche et libre de tout autre
engagement qui le récupère. Cette activité implique plusieurs expertises qu’il faut
continuer à mobiliser continuellement pour bâtir un cadre législatif et règlementaire
adapté. En plus de la maîtrise d’une chaîne de valeurs des transports urbains,
« Gozem » offre un cadre de sécurité pour les véhicules et leurs passagers car tous ses
conducteurs sont fichés.

Prochaine étape de l’innovation


10 À moyen terme, l’intelligence artificielle devrait permettre le contrôle à distance des
feux tricolores de nos artères afin de réduire le temps passé en circulation par les
véhicules prioritaires, notamment les ambulances. Des capteurs compatibles
intégrables à la fois aux feux tricolores et aux véhicules de secours seront acquis pour

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272

permettre l'échange de données et l'établissement de la priorité de passage pour


l’ambulance.

Applications futures
11 L’un des effets notoires de l’impact de l’intelligence artificielle dans les transports est la
mise en place des véhicules autonomes, c'est-à-dire sans conducteur. Cette innovation
encore au stade expérimentale en Europe pourrait voir le jour à Cotonou à long terme.
L'avènement du véhicule autonome entraînera certainement la perte de nombreux
emploi, imposant du coup aux salariés des transports une reconversion, ou le chômage.
Les véhicules en circulation en Afrique en général sont soit montés in situ soit venus
tout faits de l’étranger, notamment des pays d’Europe, d’Amérique ou d’Asie, qui
mettent un point d’orgue à la recherche dans la production de véhicules respectueux
de l'environnement.

Intelligence artificielle et la collecte de données


12 Par ailleurs, les firmes automobiles collectent des données massives sur le
comportement des utilisateurs, sur le trafic routier et sur la mobilité, aux fins
d'attribuer une plus grande autonomie aux véhicules. La gestion de la conduite de
chaque automobile de ce type est laissée à des algorithmes spécifiques. La prise de
décision devient alors complexe et implique la collaboration entre plusieurs entités
complémentaires notamment les constructeurs, les équipementiers, les concepteurs de
logiciels et les sociétés de covoiturage. Dans une vidéo intitulée : McKinsey & Company,
l'associé principal Asutosh Padhi parle des percées technologiques qui modifient
l'écosystème de la mobilité et explique ce que ces changements signifient pour
l'industrie automobile et d'autres industries (Video | McKinsey & Company, s. d.) » Ces
véhicules sont monitorés à distance grâce à la performance offerte par l’internet,
notamment la 5G. Le marché de distribution sera impacté par la performance des
véhicules autonomes pour lesquels un minimum de connaissances liées à la prise en
main et à l'appropriation est indispensable.

Intelligence artificielle et les défis sécuritaires


13 Dans cette perspective le cadre légal et règlementaire du Bénin mérite d'être revu pour
permettre à tous la jouissance du potentiel bénéfice inhérent à ces technologies. Les
véhicules autonomes imposent aussi le défi majeur de la sécurité informatique. Il faut
donc travailler à prévenir et à éloigner les velléités d'attaques de toutes origines
notamment celles induites par :
• les malware adaptatifs ;
• le déni de service distribué (DDoS) ;
• le hameçonnage ;
• l’exfiltration de données (espionnage) ; et
• l’exploitation des vulnérabilités dans des systèmes existants.

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273

Principes de l’intelligence artificielle


14 La rigueur dans l’implémentation de l’intelligence artificielle impose de respecter des
principes, notamment ceux recommandés par le groupe d’experts gouvernementaux en
charge des systèmes d’armes autonomes. Une intelligence artificielle doit répondre aux
trois principes ci-après :
• la prévisibilité: il faut renseigner sur la possibilité pour l’opérateur de prévoir le bon
fonctionnement du système ;
• l’explicabilité: il faut garantir que l’on soit capable de comprendre le fonctionnement
spécifique d’un système ;
• la fiabilité: il faut veiller à ce que le système fonctionne comme prévu en toute circonstance.

Gouvernance de l’intelligence artificielle


15 La rigidité des trois principes appelle une gouvernance de l’intelligence artificielle pour
en limiter les impacts négatifs sur la société, notamment la violation des standards
universels tels que les droits humains. Pour ce faire, il est souhaitable de recourir à une
gouvernance multipartie-prenante où tous les acteurs concernés seront effectivement
impliqués, qu'ils soient du secteur public, du privé ou de la société civile. Les normes et
les principes doivent être mis en place, vulgarisés et respectés de tous. Le bien-être de
l'Homme doit être privilégié par-dessus tout. Il faut veiller au code d’éthique dans la
mise en place des algorithmes pour éviter les failles susceptibles d’induire des
conséquences désastreuses ; respecter les normes internationalement admises et veiller
à la transparente dans le contenu des algorithmes. Il faut aussi établir la confiance en
faisant la distinction entre la responsabilité personnelle des innovateurs du secteur
automobile, les conducteurs, et les véhicules eux-mêmes. L'éducation des personnes à
son usage et leur capacité à faire la nuance entre les avantages et les inconvénients y
relatifs sont tout aussi importants. Il faut tenir compte du rôle de l’intelligence
artificielle dans la prise de décision dans l’écosystème des transports urbains. Et, pour
ne pas ramer à contre-courant, le Bénin doit se doter d'une stratégie nationale
d’intelligence artificielle en mettant un accent particulier sur les secteurs d'application
les plus utilitaires et les plus contextualisés. Le transport en sera vraisemblablement
l’un.

Résultat de terrain
16 Au terme de la collecte de données, nous avons abouti à des résultats qui méritent
d’être examinés au prisme de l’appropriation de l’intelligence artificielle dans
l’environnement des transports. Pour rendre la circulation fluide pour les véhicules de
secours notamment les ambulances, il faut une gestion intelligente du fonctionnement
des feux de signalisation. L’algorithme de fonctionnement actuel des feux doit être revu
pour y intégrer un déclencheur automatique dès la détection du son de la sirène et du
jeu de lumière de l’ambulance à une distance d'environ deux kilomètres. Dès la
réunification des deux conditions (son et jeu de lumière), la circulation reprend
normalement pour le reste des usagers. Au cas où deux ambulances devraient traverser
un même carrefour, la priorité sera accordée à l’ambulance détectée en premier par le
dispositif. La régulation de son fonctionnement sera prise en charge par le capteur sur

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274

la base de l’algorithme d’intelligence artificielle implémenté en son sein. L’on peut se


demander aussi ce qui adviendrait par exemple si un véhicule de sapeurs-pompiers
empruntait le même trafic ou le trafic opposé à celui de l’ambulance. La priorité devra
être accordée par ordre d'arrivée. L’ambulance devrait donc être retenue pour priorité
absolue, et le véhicule des sapeurs-pompiers pour la priorité intermédiaire. Dans tous
les cas de figures, l’ambulance et le véhicule des sapeurs-pompiers prendraient
normalement la priorité de passage comme codifié dans les règlements de la circulation
routière. Les capteurs disponibles sur le marché actuellement ont des portées
maximales de trente-deux mètres. Nous devons encourager les équipementiers à
produire de nouveaux capteurs ayant des portées comprises entre un et cinq
kilomètres afin d’offrir une meilleure précision à la contribution du dispositif
d’intelligence artificielle au système de régulation routière.

Conclusion
17 L’intelligence artificielle permet de traiter une énorme masse d'informations diverses
avec plus de célérité que le cerveau humain, c'est un fait. Dans le transport routier, elle
n'est pas seulement implémentable au niveau des feux tricolores comme présenté ci-
dessus. En effet, l'IA peut aussi se retrouver à d'autres niveaux : de la maintenance
prédictive pour signaler les pièces à changer, de la sécurité où elle peut être d'une
précieuse aide, de l'anticipation des risques selon les dangers de la route ; elle peut aussi
offrir des applications pour économiser du carburant, etc.
18 Eu égard à ce qui précède, et dans le cas du Bénin, on peut affirmer que l'intégration
aux transports urbains d'une certaine intelligence artificielle pourra induire plus de
facilitation dans la mobilité des biens et des personnes en réduisant les pertes de
temps, en raccourcissant le délai des trajets, mais surtout en offrant aux véhicules
prioritaires, un espace de circulation sans encombrement, même aux heures de pointe.
Ainsi de nombreuses vies pourront être sauvées grâce au contrôle à distance des feux
tricolores au bénéfice des ambulances et des véhicules de sapeurs-pompiers. Elle ne
manquera certainement pas de faire perdre des emplois dès l’introduction des
véhicules autonomes, ce qui n'est pas envisagé à court terme vu le niveau de
développement de ce type d'automobile. Mais une régulation de l'intelligence
artificielle est d'ores et déjà nécessaire pour en réduire l’impact négatif sur les humains
à son avènement.

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276

Video | McKinsey & Company. (s. d.). Consulté 28 janvier 2021, à l’adresse https://
www.mckinsey.com/Videos/video?vid=6131390343001&plyrid=HkOJqCPWdb

RÉSUMÉS
La préservation de la vie fait partie des enjeux les plus grands pour lesquels toutes les sciences ou
presque, ont toujours travaillé depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Et aujourd'hui où
plus que jamais se sont révélés de nouveaux défis dans l'ensemble des secteurs vitaux pour
l'humanité, les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC), notamment
l'intelligence artificielle, se trouvent de plus en plus sollicitées. Et pour répondre aux impératifs
de survie et de facilitation des conditions d'existence, les hommes ne manquent pas
d'ingéniosité. Un espace où la résolution des défis prend tout son sens est celui de l'homme en
état d'urgence sanitaire vitale, qu'il faut évacuer vers un centre hospitalier mieux équipé pour
une prise en charge plus efficace. Nonobstant les règles universelles de circulation routière qui
font de l'ambulance un véhicule prioritaire, l'ambulancier de Cotonou subit régulièrement des
contingences d'engorgement du trafic, qui privent le malade référé d'un précieux temps porteur
de salvation. Cet engorgement routier est malheureusement pointé comme l'une des causes de
décès de personnes qui auraient pu être encore sauvées. Si jadis cela pouvait passer inaperçu, les
progrès technologiques nous les révèlent aujourd'hui en temps réel. Ainsi, les TIC plus
précisément l'intelligence artificielle et ses applications ont montré leur capacité à parer au plus
pressé dans un délai court, aux contingences susmentionnées par le biais de capteurs équipés de
système de détection de son et d'image, capteurs eux-mêmes monitorés par des algorithmes
d'intelligence artificielle. Il s'agit d'un dispositif qui atténuerait les pertes de temps dans la
circulation d'une ambulance en transit. Cette technologie peut être mise en place à coût
abordable au Bénin pour sauver la vie aux patients en situation d'évacuation sanitaire urbaine et
péri urbaine.

Keeping on life is one of the greatest challenges for which almost all sciences have always worked
since the end of the World War II. Nowadays, when more than ever, new challenges have been
taken up in all sectors, Information and Communication Technologies (ICT) and in particular
artificial intelligence are increasingly in demand. To overcome these survival necessities and
facilitate living conditions, men do not lack ingenuity. One of the space where the resolution of
challenges takes on its full meaning is that of man in a state of vital health emergency, who must
be evacuated to a better equipped hospital center for effective treatment. But notwithstanding
the universal rules of road traffic which makes the ambulance a priority vehicle, the Cotonou
ambulance drivers regularly face the contingencies of traffic jam, which deprives the referred
patient of precious salvation time. This road congestion is unfortunately pointed out as one of
the causes of death of people who could still have been saved. While this could have gone
unnoticed in the past, technological progress now reveals it to us in real time. Thus, ICT,
precisely artificial intelligence and its applications have shown their ability to deal with the most
urgent needs within a fairly short period of time to these aforementioned contingencies through
sensors equipped with a sound detection system and image sensors, which are as far as they are
concerned monitored by artificial intelligence algorithms. It's a device that would reduce the loss
of time for ambulances in transit. This technological progress can be implemented at an
affordable cost in Benin to save lives of patients in urban mobility situations

La preservación de la vida es uno de los grandes temas por los que todas las ciencias, o casi, han
trabajado siempre desde el final de la Segunda Guerra Mundial. Y hoy, cuando más que nunca
han surgido nuevos desafíos en todos los sectores vitales para la humanidad, las Tecnologías de la

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277

Información y la Comunicación (TIC), en particular la inteligencia artificial, son cada vez más
demandadas. Y para hacer frente a los imperativos de supervivencia y facilitación de las
condiciones de vida, a los hombres no les falta ingenio. Un espacio donde la resolución de
desafíos cobra todo su sentido es el del hombre enfermo en estado de emergencia vital , que debe
ser evacuado a un centro hospitalario mejor equipado para una atención más eficaz. A pesar de
las normas universales de circulación vial que hacen de la ambulancia un vehículo prioritario, el
paramédico de Cotonou sufre regularmente de congestión del tráfico, que privan al enfermo
derivado de un tiempo precioso que trae la salvación. Lamentablemente, este atasco de tráfico se
señala como una de las causas de muerte de personas que aún podrían haberse salvado. Si esto
pudo pasar desapercibido en el pasado, el progreso tecnológico nos lo revela hoy en tiempo real.
Así, las TIC, más concretamente la inteligencia artificial y sus aplicaciones, han demostrado su
capacidad para hacer frente a las más urgentes en poco tiempo, las mencionadas contingencias a
través de sensores dotados de sistemas de detección de sonido e imagen, sensores mismos
monitorizados por inteligencia artificial. algoritmos Se trata de un dispositivo que aliviaría el
tiempo perdido en el tránsito de una ambulancia en tránsito. Esta tecnología se puede
implementar a un costo asequible en Benin para salvar la vida de los pacientes en situaciones de
evacuación médica urbana y periurbana.

INDEX
Mots-clés : Intelligence artificielle, ambulance, patient
Palabras claves : Inteligencia artificial, ambulancia, enfermo
Keywords : Artificial intelligence, ambulance, patient

AUTEUR
AMESSINOU KOSSI
Mica, Université Bordeaux-Montaigne

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278

Varia

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Ponctuation et domotique des


crises : information, résilience et
fiducies numériques d’images
Gloria Awad

Introduction
1 Deux concepts et leur conjonction structurent cette recherche : la ponctuation et
l’image. Ils fournissent à cette analyse son ancrage théorique dans une communication
fondamentalement ouverte, visuelle et mobile. L’ouverture de la communication est un
effet de sens opéré par la sémioticité même de son matériau qui associe comportements
linguistique et non linguistique, codification linguistique, normativité culturelle et
perceptions ou réceptions individuelles. Cette ouverture est particulièrement mise en
lumière par la médiatisatisation de la communication, son inscription sur des
véhicularités technologiques qui permettent une restitution tant de son iconicité que
de sa mobilité, en addition à sa discursivité linguistique, dans un arraisonnement des
identités en acte et en action.
2 Le concept de ponctuation émerge de l’application des modèles saussurien linguistique
et de la théorie mathématique de la communication aux comportements
communicationnels non linguistiques, au croisement entre communication
interpersonnelle et technologies médiatiques d’enregistrement et donc d’analyse de
cette communication. (Winkin, 1981) Le modèle linguistique fournit au concept sa
dimension séquentielle de découpage épisodique signifiant dans un flux
communicationnel donné. Le modèle mathématique donne au concept sa dimension de
rétroaction circulaire distribuée entre les interactants et donc ouverte en spirale avec
un feedback continu tout au long du processus de communication. Il en résulte une
formalisation du concept de ponctuation en tant que potentialité et faculté pour
chacun des acteurs d’un processus communicationnel d’effectuer, d’une part, un
découpage de séquences événementielles et, d’autre part, d’attribuer du sens à ces
séquences. Cet effet de sens relève ainsi d’une « grammaire de la reconnaissance », ou

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lecture d’une séquence événementielle donnée, plutôt que de sa production, même si


l’une et l’autre sont interdépendantes. (Veron, 1987) La dynamique de la ponctuation
est donc celle d’une communication qui ne peut être qu’ouverte et où la confiance est le
résultat sinon d’une concordance, du moins d’une prise en compte et d’une
reconnaissance des différentes ponctuations effectuées, à partir des justifications, des
explications et même des objections qui leur sont ainsi accordées.

Ponctuation et domotique des crises


3 La conjonction entre ponctuation et image est opérée par l’environnement médiatique
numérique actuel, comme d’ailleurs la conjonction entre cadrage médiatique et
internationalisation des images a-t-elle été opérée par la globalisation satellitaire et
numérique des médias et de la communication, notamment des chaînes satellitaires
d’information continue, avec les attentats du 11 septembre et les guerres du Golf.
(Awad, 2006) L’une et l’autre correspondent à une mutualisation du champ dans les
limites duquel est sélectionné et traité ce qui est retenu comme information, mais à des
constructions différentes de cette information en fonction des différents contextes
culturel, politique et économique dans lequel elle est opérée, tout autant que des
identités du média qui la diffuse et du public qui la reçoit. Les images des crises
exotiques configuraient déjà des « fiducies d’usage » (Awad, 2017) par leur circulation
et leur appropriation en réception par les différentes audiences. Les chercheurs en
communication de crise distinguent les dimensions domotique et exotique de celles-ci,
pour différencier, par exemple, la guerre et le terrorisme des crises internes « sans
ennemi », même si le paradigme de la guerre est systématiquement convoqué pour le
traitement des crises dans leurs différences. (Zack, 2009 ; Gilbert, 1998 et 1992) La
problématique de cet article considère Youtube comme étant le lieu médiatique
domotique d’une ponctuation par l’image – de fiducies d’images – et d’une production
égérique de la valeur, plutôt qu’un simple « point zéro » (Jenkins, 2013 [2006]) où est
seule opérée la production et la diffusion de médias amateurs. Elle s’inscrit dans une
perspective d’identification et de positionnement des nouveaux appareillages
médiatiques et de leur articulation avec des formes de médiatisation propres qui les
caractérisent. L’écologie médiatique actuelle où se conjuguent institutions
d’informations médiatiques, en l’occurrence journalistiques, et médias institutionnels
d’information, de promotion et d’auto-promotion, ainsi que l’expression d’acteurs tant
institutionnels qu’individuels sur les médias socionumériques est le lieu de production
de multiples ponctuations des événements critiques ou crises, dont elle permet
également la veille. (Balagué, 2013) Il s’agit tout autant de fiducies d’usage,
caractéritiques de la postchirographie numérique (Awad, 2017) et définies comme étant
la matérialisation par le contact des événementialités sociales et de leur épidémiologie
de production et de circulation. (Foucault, 2011 [1970-1971]) La co-construction d’un
agenda médiatique ancré dans ces ponctuations se traduirait par une intégration de
l’information de résilience à la dimension sociale de la communication de crise, dans ce
qui a déjà été qualifié par Eliseo Veron de « sur-information » caractéristique (Veron,
1981).
When a crisis interrupts the slow, ongoing rhythms of communication – scanning
the environment, disposing of the day-to-day needs and problems of the system,
filing away and sharing the increment of experience – the rate of information flow
is enormously increased. A message signals the emergency. Information rushes to

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and from the point of crisis, which becomes a new focus of attention as the system
strives to adjust to the problem. (Schramm, 1965 : 5-6)
4 Cet article articule ainsi ponctuation et cadrage de l’information, en appui sur un
rappel des dimensions archéologiques des médias numériques ainsi que des dimensions
sémiotiques fondamentales de l’image que sont sa matiérité, sa référentialité et sa
publicité dans le sens d’envergure et d’emphase de ses possibilités de perception et de
réception, qu’il s’agisse d’un dessin graphique, d’une empreinte photographique ou
d’une image numérique de synthèse. Il montre dans un premier temps que l’objectivité
de l’image d’information est le fait de sa motivation par son référent, et cela même dès
son origine dessinée et gravée d’illustration, avant sa période photographique
d’enregistrement fixe ou mobile. Et que cette motivation caractéristique du discours
journalistique lui donne franchise et emphase. Aujourd’hui, l’analyse de l’authenticité
et de la véracité des images et vidéos numériques constitue l’objet de projets
gouvernementaux et européens. La falsification et le détournement des images sont
détectés à partir d’une analyse logicielle des formats. (Maigrot, Kilak, Claveau, 2018) Ce
qui permet de repérer des doubles compressions qui indiquent des modifications. Un
autre processus s’appuie sur des recherches automatiques appareillées de descriptions
et de comparaisons d’images dans des bases de données existantes. Mais cela ne
concerne en rien la fabrication ou le détournement de la scène littérale capturée et son
insertion dans de nouvelles grammaires numériques qui articulent reconnaissance et
connaissance.

Ponctuation et cadrage de l’information


5 Ainsi la ponctuation est un concept qui rend compte de l’ouverture de tout processus
de communication, à fortiori de la communication en temps de crise où elle fournit une
nouvelle base au cadrage de l’information en émission. Le concept de cadrage relève de
la définition des séquences de la communication dans la vie quotidienne et de leur
stratification (Goffman, 1991 [1974] ; Veron, 1981), de la définition de la réalité sociale
par la construction de l’information effectuée par les journalistes et leurs sources
(Charron, 2000), et de la structuration et la focalisation dans le monde pictural fixe et
mobile de la représentation (Barthes, 1994). Dans tous ces cas, ainsi que dans sa
dimension de communication organisationnelle de recadrage, il renvoie à la fois à une
autorité et à une perspective selon lesquelles est défini et construit le sens de ce qui est
représenté. Le cadrage et la ponctuation rendent compte à la fois de l’alternance de la
communication de l’information entre émission et réception ainsi que de l’asymétrie de
l’autorité sur l’information ainsi communiquée, forte avec le cadrage, faible avec la
ponctuation. Ainsi, par exemple, qualifier de fake news certaines informations diffusées
par les médias, relève de la ponctuation s’il s’agit d’un tweet de l’ancien président des
Etats-Unis et d’un recadrage si cette qualification est produite par une autorité
professionnelle compétente. Il en est de même, par exemple, de la qualification de
certaines actions de la police de violences policières. L’alternance et l’asymétrie dans la
communication de l’information nous permettent ainsi une articulation entre cadrage
et ponctuation selon la figure ci-après.

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Figure : Articulation entre cadrage et ponctuation de l'information

6 Le cadrage journalistique de l’information est effectué, tant en périodes de routine que


de non-routine, à la fois par les sources institutionnelles et par les journalistes (Gilbert,
1992 ; Ogrizek, Guillery, 1997). Il s’avère en temps de crise insuffisant à arraisonner le
sens des séquences événementielles, à en produire le réel, tout autant du fait de leur
inscription dans ce qui peut être qualifié de champ de bataille de la communication
(information) de crise qu’en raison du renforcement manifeste de l’immémoriale
articulation entre l’individuel et le collectif. (Zack, 2009) A cela s’ajoute le fait que
l’écologie médiatique actuelle où se conjuguent institutions d’information médiatiques,
en l’occurrence journalistiques, et médias institutionnels d’information, de promotion
et d’autopromotion, ainsi que l’expression d’acteurs tant institutionnels qu’individuels
sur les médias socionumériques est productrice de multiples ponctuations des
événements critiques ou crises. Dans cette perspective, avec la pandémie du Covid-19,
par exemple, l’annonce télévisuelle du confinement effectuée en mars par le chef de
l’Etat français est un cadrage, de même que les multiples conférences de presse
successivement organisées par le chef du gouvernement français où les cadrages sont
configurés par les multiples experts convoqués, qui reprennent, clarifient, réfutent et
expliquent les causes, effets et mesures relatives à la crise sanitaire en ancrage dans
une veille stratégique à l’environnement médiatique, tant classique que
socionumérique. Alors que l’explosion début août 2020 au port de Beyrouth, au Liban, a
été cadrée dans un premier temps comme une catastrophe due à un accident industriel,
recadrée par la visite sur place du chef de l’Etat français et ponctuée par de multiples
acteurs institutionnels comme une catastrophe liée à un blocage du pouvoir, ainsi qu’à
une incompétence et à une corruption des autorités de tutelle. La prise en compte de
ces ponctuations, dans leur multiplicité, par les acteurs de la communication publique
et par la médiation journalistique est ainsi considérée comme productrice potentielle
d’une information de résilience et d’une restauration de la confiance dont l’agenda
dépasserait la sortie de crise limitée à la seule dimension de prévention d’un risque
futur. Ainsi que l’indiquent les chercheurs en communication de crise, la « réponse » à
une situation de crise inclut de facto la co-construction d’un agenda médiatique dont
l’ancrage dans ces ponctuations permettrait une intégration de l’information de
résilience à la dimension sociale de la communication de crise.
The National Research Council’s studies of disaster identified five stages in society’s
response to crisis. These are (1) the pre-disaster period, (2) the period of detection
and communication of a specific threat, (3) the period of immediate, relatively
unorganized response, (4) the period of organized social response, and (5) the long-
run post-disaster period when the society is restored to equilibrium and the
“permanent” effects of the disaster have been incorporated into it. (Schramm,
1965 : 6.)

Image et effet de sens


7 Le sens commun désigne avec le mot image des représentations et écritures visuelles
comme la photographie, la carte, le dessin, les croquis, les schémas, les plans, les
fresques, peintures et autres tableaux, la bande dessinée, la caricature, l’image vidéo et
l’image cinématographique, les portraits et autres selfies. Une définition plus
spécialisée du terme en fait le socle de la communication humaine, dans ses dimensions
tant biologiques cognitives que sociales médiatisées et technologiquement appareillées.

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Les pensées ou concepts sont ainsi des images ou représentations mentales du monde,
de ses objets et de ses sujets. Et les mots sonores de la langue, selon les théories
sémiotiques tant peircienne que saussurienne, sont des images acoustiques de ces
concepts et pensées. Quant aux représentations sociales, elles sont le lieu dynamique de
construction et de réfraction mythologique et imaginaire des acteurs sociaux et des
actions sociales.
8 L’image, effigie concrète, sculptée, dessinée, peinte, gravée, fixe et mobile, ou esquisse,
schéma et maquette « utilitaire » plus sémantique qu’esthétique, icône logique et
analogique selon la nomenclature peircienne des signes, est « imitation » créatrice du
réel. Bien avant le tournant pictural ou pictorial turn (Dubuisson, Raux, 2015), la
dimension picturale de reflet identique ou fantasmé et de double imitatif et projeté
fonde l’« effet » de l’image en réception. Ainsi, même
9 Les choses qui nous sont pénibles à voir, quand nous en voyons des images
particulièrement réussies par leur précision, nous nous plaisons à les regarder, images
d’animaux les plus répugnants, et même de cadavre. (Aristote, Poétique, 1448 b)
10 Empreinte imitative et simulacre de présence, l’image manifeste ainsi tout autant le
contact motivé à un référent que la perte de ce même contact, notamment du fait de sa
commutation médiatisée (Didi-Huberman, 2008). Média, ou message-médium dans le
sens mcluhanien du terme, l’image est le lieu de contact et donc de coagulation et
d’effectuation d’une communication médiatisée qui implique tout autant son ou ses
émetteurs, son ou ses récepteurs et son ou ses référents.
11 La matiérité sémiotique de l’image – quels qu’en soient les techniques et les supports
dans leurs « transferts » successifs (Berthier, 2005) –, se constitue de points, de lignes et
de couleurs, auxquels s’est ajouté le mouvement depuis les débuts du siècle dernier. Le
jeu de l’image en tant que « donnée mimée » ou projetée serait ainsi
12 Celui d’une appropriation magique : la quasi-observation d’un « objet-sujet » qui ne
nous échappe plus, ou encore le mensonge d’une fantastique de l’absence, que nous
conjurons et que nous nous efforçons de rendre présente (au sens de présentifier) ?
(Dagognet, 1984).
13 Points et lignes constituent également la substance ou matériau des signes de l’écriture,
notamment avec les pictogrammes, réalisations graphiques à fort degré d’iconicité : il
figurent les objets du réel par analogie. L’apparition de l’idéogramme, forme plus
abstraite et simplifiée, marque le passage à l’écriture phonétique, à la codification
alphabétique de l’écrit. C’est ainsi que dans son traité classique de la peinture, Leon
Battista Alberti indique qu’une représentation visuelle, en l’occurrence picturale, est
une composition structurée par des points et des lignes, le point étant le signe le plus
indivisible qui soit et, comme l’indiquait déjà Boece, il est le principe de la ligne et de
l’intervalle, tout en n’étant ni une ligne ni un intervalle. (Alberti, 2019 [1435]) Il en est
de même pour l’image pliée aux règles des machines à communiquer, avec le grain
d’une photographie, les points de balayage de l’image télévisuelle ou les pixels
numériques. Aux débuts du siècle dernier, en plein essor de la l’image photographique
fixe, mobile, sonore et en couleurs, Lazlo Moholy-Nagy distingue la technicité de base
de la composition des couleurs et des jeux de lumière dont l’opérativité est comparable
aux sonorités musicales acoustiques et la composition de représentation proprement
dite qui associe ces matières premières avec des substrats de la culture, de l’expérience
et de la créativité des compositeurs. (Moholy-Nagy, 1987 [1929])

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14 La sémiotique peircienne permet de rendre compte de la question complexe de la


référentialité de l’image. Charles Sanders Peirce distingue trois grands catégories de
signes en fonction du type de relation qui existe entre le representamen, la face
perceptible du signe, et l’objet du signe, ou le représenté. Il s’agit de l’icône, l’index et le
symbole. (Peirce, 1978 [1868]) Selon Peirce, une icône est un signe lié à son objet par
une relation logique ou analogique de ressemblance. L’index ou indice est lié
physiquement à son objet. Enfin, le symbole selon Peirce, comme d’ailleurs selon
Saussure, est lié à son objet par une convention, une loi, une habitude. Les signes de la
langue sont des symboles. L’image photographique, qu’elle soit argentique, filmique ou
numérique, a été qualifiée d’indicielle en raison de son opérativité technologique
motivée qui en fait le résultat d’une empreinte transférée sur une surface sensible par
les réflexions de la lumière. Ce que Roland Barthes avait qualifié par le « cela a été » du
message photographique et qui s’appuie sur une captation de scènes du « réel littéral »
(Barthes, 1994) dont les signes ostentatoires ainsi montrés, présentés et représentés,
sont les corps, les objets, les lieux, dans leur plasticité, leur agencement et leur
mouvement.
15 En tant que technique de reproductibilité mécanique, selon l’expression de Walter
Benjamin, la presse apporte à l’image sa répétabilité et sa réitérabilité ubiquitaires, son
omniprésence par reproduction et dissémination. Plutôt qu’une perte de l’aura des
images comme œuvres, tel que le déplore Benjamin avec ce passage aux arts graphiques
mécaniques ou industriels (Benjamin, 2003), la presse démultiplie la visibilité des
images et cette démultiplication même apporte à l’original, qu’il soit connu ou inconnu,
une aura tout aussi inédite, du fait de son insertion en réception dans « la vie de
centaines de millions de gens sur toute la planète » (Heinich, 2012). L’image télévisuelle
cadrée en émission avait constitué, avant le numérique, un enjeu de pouvoir et
d’influence du fait de la réception massive que lui assuraient les chaines de télévision
qui dominaient alors le champ médiatique. Walter Lippmann indiquait à ce propos :
16 Networks, which are few in number, have a virtual monopoly of a whole medium of
communication. The newspapers of mass circulation have no monopoly of the medium
of print. A virtual monopoly of a whole medium of communication is not something a
democratic people should blithely ignore. (Walter Lippmann, cité par Goldstein, 1989 :
70)
17 Les médias numériques portent à une dimension inédite cette visibilité, à laquelle ils
ajoutent aussi une disponibilité à la demande. L’écriture vidéographique fait partie des
panoplies numériques des médias classiques, tout comme des pure players, les deux
opérant des choix de publication associant ou privilégiant sémioticités discursives
linguistiques et/ou audiovisuelles mobiles en addition à des visibilités réticulaires sur
les pages Facebook ou les fils Twitter, par exemple. Ce qui a fait du smartphone un
nouvel outil d’écriture vidéograpique de presse et du numérique. (De Loynes, 2015 ;
Desormeaux, 2015). L’image, qu’elle occupe les espaces des journaux et réseaux
d’information ou les parois, les vitraux et les cadres imposants, n’est pas, selon
l’expression de Michel Foucault, « une pure vision » « dont les significations muettes et
indéfiniment vides devraient être libérées par des interprétations ultérieures », mais
elle est « toute traversée par la positivité d’un savoir ». (Foucault, 1969 : 253)

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Le journalisme et l’empirisme des images


18 Dans une formule classique encore célèbre, Hubert Beuve-Méry écrivait à l’occasion
d’une précédente mutation de l’écologie médiatique que la radio annonce l’événement,
la télévision le montre et la presse l’explique. Il s’agissait pour le fondateur du Monde de
saisir la portée des bouleversements qui affectaient alors l’espace public médiatique.
Plutôt qu’une théorisation de ces changements, ce diagnostic effectué par le directeur
du Monde avait pour objectif de repositionner le support, jusqu’alors quotidien de
référence, dans la panoplie médiatique du moment.
19 Pour autant, tout un courant de recherche s’était attelé, dès les débuts du siècle
dernier, à rendre compte de l’articulation entre outillages technologiques, formes et
formats de médiatisation, et médiations ou constructions médiatiques de la réalité.
Ainsi le Canadien Harold Innis mettait-il en lumière les « biais » de la communication
en articulant médias, formes et formats médiatiques, culture et savoirs, notamment
l’essor du roman et de la nouvelle et l’institution du journal en tant qu’objet
médiatique. (Innis, 1964 [1951]) Plus proche de nous, les théories du cadrage
médiatique relèvent d’une perspective similaire, ancrée dans l’extension du système
médiatique audiovisuel et la multiplication des acteurs participant à la configuration de
ses fables ou intrigues et donc de ses récits. De même, la différenciation et le
positionnement du journal en tant qu’objet médiatique dans le continuum numérique
se sont effectués par un ancrage transversal, tous supports confondus, dans la
médiation opérée par le journalisme, par opposition aux autres contenus de
l’environnement numérique. Ils ont permis l’avènement du constat de l’indexation du
réel et du présent configuré par la presse – classique, audiovisuelle et numérique – tant
sur le champ dans les limites duquel est sélectionné et traité ce qui est retenu comme
information, que sur le contexte culturel, politique et économique dans lequel elle est
opérée et sur l’identité du support qui prend en charge sa construction et sa diffusion.
Enfin, l’oralité secondaire politique sur les médias sociaux rend compte de la nouvelle
dimension fragmentaire de ces médias, notamment Twitter, et de l’ancrage des
fragments dans une nébuleuse sociomédiatique qui les porte et leur donne sens. (Awad,
2020)
20 En tant que média, la presse, au sens de l’ensemble des journaux quels qu’en soient les
supports matériels – de journalisme en tant que médiation – commercialise des
contenus ou biens culturels. Ces contenus se différencient par ce que Peirce appelle
leur relation à la « totalité des réalités » (Peirce, 2002). Ce qui permet de distinguer
trois grandes familles de contenus : le discours de la fiction, le discours de la (auto)
promotion et le discours journalistique défini comme étant un discours distancié,
objectif sur le réel. Tout comme l’écriture de presse, l’image de presse est ainsi motivée
par son référent. Elle est en ce sens objective, et cela même dès son origine dessinée et
gravée d’illustration, avant sa période photographique d’enregistrement. Il s’agit d’une
objectivité visuelle que Benjamin, paraphrasant Goethe, avait qualifiée d’« empirisme
tendre » qui, déjà avant la photographie de presse, aspirerait « l’aura du réel »
(Benjamin, 2012 [1931]), en tant qu’illustration visuellement narrative et non pas en
tant qu’enregistrement indiciel d’un déjà-là. Ainsi les nombreuses photographies prises
pendant la guerre de Sécession par le photographe américain Mathew Brady n’ont pu
être publiées par un certain nombre de journaux et périodiques américains à cause de
leur manque d’équipement pour reproduire lisiblement les photos. C’est la raison pour

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laquelle les artistes de guerre, plutôt que les photographes de guerre, se sont alors
multipliés notamment dans les journaux illustrés. Ainsi, environ 80 artistes
dessinateurs étaient employés par la presse et plus de 3000 dessins de « batailles,
sièges, bombardements » ont été publiés pendant les quatre années de guerre
(Knightley, 1975).
21 Quant à la caricature de presse, elle
22 Entre dans les yeux et remue ce qu’il y a de plus sensible en nous, l’imagination, elle est
intelligible, elle arrête au passage … et nous force à la regarder aux vitrines où elle est
suspendue. (Francisque Sarcey, cité par Mollier, 2004 : 52)
23 La presse d’opinion la mobilise dans les batailles d’images, le plus souvent politiques. Ce
qui relève encore aujourd’hui de sa pratique journalistique. A tel point que le
législateur avait interdit en 1852 la publication de la caricature d’une personne sauf
autorisation expresse de sa part. (Mollier, 2004) La plupart des titres de presse auraient
alors trouvé avec les Comics et la bande dessinée de fiction, une autre capitalisation du
dessin de presse, parallèlement à l’avènement de la photographie. (Waugh, 1991 [1947])
24 Cette pratique journalistique de l’illustration dessinée relève de la multimodalité
caractéristique, dès le départ, du discours journalistique où s’imbriquent par collage
dans l’espace du support de presse des textualités multiples, linguistiques, visuelles, et
audiovisuelles par la suite. (Awad, 2010) L’image de presse dessinée, tout d’ailleurs
comme la photographie par la suite, s’inscrit ainsi dans la continuité de l’adhésion
entre imageries visuelles et cultures où circulent les récits écrits et oraux, grands et
petits, et les légendes, lesquels sont autant de mythologies qui donnent leur ancrage
aux images et auxquelles les images donnent corps selon les rhétoriques culturelles du
moment. (Panofsky, 1967 [1939]) La médiation journalistique instaure un impératif de
« représentance », c’est-à-dire de vérité, entre l’écriture de presse, qu’elle soit
linguistique ou photographique, et son référent. Ce qui transforme en fautes
professionnelles, en matière de photo puis de vidéo de presse, les retouches, trucages et
autres mises en scènes non rituelles.
25 Pour autant, nombreuses sont les photographies de presse qui n’ont pas respecté cette
obligation de représentance. Les manuels et ouvrages traitant de la photographie de
presse évoquent le plus souvent l’image de Joe Rosenthal, prix Pulitzer en 1945, qui
montre des Marines hissant la bannière étoilée sur l’île d’Iwojima (Thibault-Laulan,
1971), et celle de Robert Capa, prise lors de la guerre civile espagnole et intitulée The
Falling Soldier, montrant un combattant fauché par une balle (Lavoie, 2017). La photo de
Rosenthal ne serait pas une capture instantanée de l’événement, mais une photo faite
après-coup, à partir d’une mise en scène fabriquée par le photographe. La photo de
Capa, tout aussi mythique, serait également suspectée d’être le résultat d’une mise en
scène. A cela, on peut ajouter, entre autres, les images du faux charnier de Timisoara.
D’où le paradoxe de la photographie tant fixe que mobile en tant que message, comme
le souligne Barthes. Celle-ci est le résultat de sa double écriture en tant
qu’enregistrement indiciel et en tant que rhétorique et codification narrative, comme
tout autre discours. (Barthes, 1994)

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Ponctuations digitales et analogiques


26 Avant de référer à des systèmes technologiques de médiatisation, les concepts
originellement sémiotiques de digital et d’analogique rendent compte de la motivation
des signes par leurs référents. Un signe digital est arbitraire, dans le sens où il n’est pas
motivé par son référent, comme les alphabets ou les chiffres par exemple. Un signe
analogique est lié par une relation logique ou analogique à son référent, par indicialité
ou engendrement, par ressemblance ou par contiguïté. La ponctuation associe cette
double caractéristique sémiotique, dans la mesure où elle relève des procédures
ordinaires d’encadrement qui articulent des multimodalités sémiotiques et des
perspectives interprétatives issues du positionnement, de la perception et de la
compréhension des acteurs. (Marin, 1994)
27 Persistent shortsightedness, selectivity, and tolerated contradiction are usually not so
much signs of perceptual weakness as signs of strong intention to protect certain
values and their accompanying institutional forms. The current gaps in research in risk
perception can be used as a paradigmatic example. (Douglas, 2003 [1985] : 2-3)
28 L’intérêt inédit de la ponctuation se trouve sans doute dans sa matérialisation
technologique numérique tardive en tant qu’effet de sens en reconnaissance ou en
réception. Les approches idéologiques déjà évoquées du cadrage médiatique ont insisté
sur l’hégémonie dont il est producteur dans le processus de construction de l’agenda
médiatique et donc de construction de la réalité sociale. La multidirectionnalité des
médias socionumériques, tant en émission, qu’en réception, leur instantanéité inédite
et leur facilité apparente d’écriture postchirographique, associant sémioticités
linguistique, sonore et visuelle, en fait des lieux de ponctuation par des acteurs à faible
capital en autorité, en légitimité et en reconnaissance tout autant qu’un lieu
stratégique de pratiques tant médiatiques qu’institutionnelles et professionnelles
d’information et de communication. C’est ainsi que
29 YouTube est devenu le symbole par excellence des sites de production alternatifs, qui
offrent un cadre dans lequel il est possible de débattre des évolutions en cours. Ensuite,
YouTube fonctionne comme une archive médiatique, où des curateurs amateurs
fouillent l’environnement médiatique à la recherche d’informations et les tiennent à la
disposition d’un large public. (Jenkins, 2013 [2006] : 313)
30 La généalogie de la plateforme de vidéodiffusion permet d’éclairer le double outillage,
technologique et sociocognitif, de l’articulation entre pratiques amateurs et pratiques
professionnelles et semi-professionnelles. En effet, l’objectif de départ de la plateforme
fondée par trois anciens employés de Paypal était plus technologique que culturel : il
s’agissait de permettre le transfert des images mobiles par des non experts en leur
permettant de télécharger, de publier et de visionner des vidéos grâce à un interface
d’usage facile. (Burgess, Green, 2018 [2009]) L’imaginaire des médias socionumériques
met l’accent sur les pratiques profanes et communes qui en sont non seulement
caractéristiques, mais qui en constituent l’ancrage opérationnel. Comme l’indiquent les
chercheurs du numérique, celui-ci s’est construit sur un usage paradoxal associant
profane ou amateur, professionnel et institutionnel. Ils considèrent l’usage libre et
ouvert comme étant un « appel à la foule » et une « intégration en aval » de
l’innovation vers « le service final des biens » (Williamson, 1994), qui a permis le
développement du numérique et de ses plateformes avec les contenus générés par leurs
utilisateurs, par appropriation des équipements et applications proposés et leur

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ancrage dans la vie quotidienne des usagers connectés, ainsi que par correction et
évolution progressive de leur implémentation. Il est intéressant de rappeler l’« exemple
de premier type » à cet égard qu’a été le film photographique Kodak, développé à la fin
du dix-neuvième siècle pour remplacer les plaques de verre des photographes, mais
porté à ses débuts par le marché amateur. (Williamson, 1994) Ce qui pourrait être
comparé également aux équipements sans fil d’émission et de réception et leur
appropriation par des amateurs, puis par des institutions, des semi-professionnels et
des professionnels dans les premiers temps de la radio ou « Wireless Age », aux Etats-
Unis.
Radio’s first incarnation, however, was not as entertainment broadcasting, and
radio listening was not the first leisure use of radio. (…) Some amateurs not only
used the wireless to talk to each other but also to make announcements and play
music recordings for anyone listening.(…) Numerous others soon followed.
Broadcasting mushroomed in 1922. (…) Churches, high schools, newspapers,
theatres, garages, music stores, department stores, electric shops installed sending
sets and began broadcasting phonograph music, talk and anything else. (Butsch,
2000 : 174)
31 Tout comme pour les autres réseaux socionumériques, le modèle économique
caractéristique de la plateforme a servi d’assise à la transformation de YouTube en un
media désormais institutionnel avec un modèle associant abonnés, acteurs
professionnels et semi-professionnels, médiatiques et institutionnels et dont
l’opérativité s’effectue avec le format chaîne. Ce format se distingue du format site ou
portail, caractéristique de la présence des différents acteurs sur le web, ainsi que des
formats page Facebook ou fil Twitter.
Format denotes a whole range of decisions that affect the look, feel, experience, and
working of a medium. It also names a set of rules according to which a technology
can operate. (…) The format is what specifies the protocols by which a medium will
operate. This specification operates as a code – whether in software, policy, or
instructions for manufacture and use – that conditions the experience of a medium
and its processing protocols. (Stern, 2012 : 7-8)
32 La vidéo et le streaming sont caractéristiques de l’opérativité de tous les médias
socionumériques, y compris des médias classiques qui sont présent sur ces réseaux,
avec d’autres formes sémiotiques qui encodent la substance de l’information, selon
l’expression du sémioticien Louis Hjelmslev. En appui sur les travaux de Saussure,
Hjelmslev considère que tout système de signification comporte deux plans : le plan de
l’expression (signifiant) et le plan du contenu (signifié), chacun de ces plans ayant une
forme (le code) et une substance (le matériau). (Hjelmslev, 1985 [1946-1965]) La forme
vidéo donne ainsi son ancrage à l’opérativité du format chaine YouTube : elle en détient
« la charge informative » (Barthes, 1994). Ce format peut être défini comme étant celui
d’un média numérique identifié qui publie des contenus audiovisuels dans le cadre d’un
modèle économique de plateforme, pour une réception le plus souvent faite sur
smartphone. Cette définition s’applique tout autant aux chaines historiques de
télévision présentes sur YouTube qu’aux chaînes des autres médias et autres acteurs
institutionnels, professionnels, semi-professionnels et amateurs. Les uns et les autres y
capitalisent leur production vidéo en allant à la rencontre et à la recherche de fiducies
numériques d’usage et d’images, matérialisées et comptabilisées par les abonnements,
les vues et la circulation.

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289

Conclusion
33 La dimension domotique des crises associe la participation, la collaboration, la
coopération tout autant que la compétition et même la concurrence des acteurs, dans
des ponctuations ancrées dans leur positionnement et leur statut ainsi que dans
l’alternance entre émetteur et récepteur permise par le numérique. Cet ancrage dans
des identités et des identifications visibles des acteurs différencie ponctuation et
rumeur et montre l’articulation entre le modèle et l’imaginaire originel de la
communication numérique et le modèle et la normativité tout aussi originels de la
communication directe en face à face, où les acteurs effectuent des ponctuations des
séquences événementielles qui rendent comptent tant de leur identité que de leur
autorité et de leur compétence à co-construire la réalité du cadrage de ces séquences.
La ponctuation de crise montre ainsi une correspondance entre l’usage effectif du
numérique et son imaginaire démocratique fondateur, où sont associés à la fois liberté,
contrôle et consensus.
34 “We reject : kings, presidents and voting. We believe in : rough consensus and running
code.” (Lessig, 2006 [1999] : 2)
35 Le numérique permet une matérialisation, une représentation et une réception selon le
modèle de la longue traîne (Anderson, 2012 [2006]) à cet équilibre instable entre
cadrages et ponctuations, caractéristique de l’environnement interne des crises. La
plateforme YouTube marque l’avènement d’une libéralisation des images et vidéos
d’actualité où les acteurs opèrent avec un format chaine mis en collection. Ceux-ci y
effectuent des productions originales et en collage, « parfois totalement imprévisibles »
et « alternatives » (Jenkins, 2013 [2006]), mais systématiquement productrices d’une
valeur égérique des images et des identités, du fait même de leurs fiducies numériques
d’usage.

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292

RÉSUMÉS
Cet article propose une analyse de la ponctuation effectuée par les acteurs institutionnels dans le
cadre de communication domotique des crises, dans une problématique qui articule information,
confiance et résilience, à partir d’une approche comparative avec le cadrage médiatique. Il
examine également la ponctuation par l’image en tant que médiatisation caractéristique du
positionnement de nouveaux appareillages médiatiques numériques, notamment la plateforme
YouTube. Il montre enfin la pertinence de la ponctuation en tant qu’opérateur
communicationnel de confiance et de résilience domotique en temps de crise ainsi que de
fiducies numériques d’usage et d’images de l’information.

Este artículo propone un análisis de la puntuación que realizan los actores institucionales en la
comunicación de crisis interna, en un enfoque comparativo con el encuadre mediático basado en
la interconexión entre información, confianza y resiliencia. Este artículo estudia igualmente la
puntuación por imágenes como mediatización característica de los nuevos dispositivos digitales
de información, en particular de la plataforma YouTube. Muestra finalmente la pertinencia del
concepto de puntuación como operador comunicacional de confianza y resiliencia en crisis
internas, con fiduciarios digitales de imágenes de información.

INDEX
Keywords : Punctuation and Internal Crisis : Information, Resilience and Digital Fiduciaries of
ImagesThis article proposes an analysis of the punctuation performed by institutional actors in
the communication of internal crisis, in a comparative approach with the media framing based
on the interconnection between information, trust and resilience. This paper studies equally the
punctuation by images as a characteristical mediatisation of the new digital information devices,
particularly the platform YouTube. It shows finally the pertinence of the concept of punctuation
as a communicational operator of trust and resilience in internal crisis, with digital fiduciaries of
information images. Punctuation, Information, Journalism, Crisis, Images, Resilience, YouTube
Palabras claves : Puntuación, Información, Periodismo, Crisis, Imágenes, Resiliencia, YouTube

AUTEUR
GLORIA AWAD
Université d'Artois

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Recherches doctorales

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L’activité du journaliste sportif (TV)


au Cameroun à l’ère du numérique :
entre changement organisationnel
et fracture générationnelle
The activity of the sports journalist (TV) in Cameroon in the digital era: between
organisational change and generational fracture

Germaine ABOMO MBITA

15/02/2022
Introduction
1 Au Cameroun, l’information sportive s’est développée dans les années 1970 et s’est
vivifiée avec la télévision qui fait son entrée dans le paysage médiatique camerounais
en 1987, et surtout avec la spécialisation de journaliste sportif 1. L’étape suivante est
constituée par la délivrance des premières licences officielles à deux télévisions
privées : Spectrum Télévision (Stv), et Canal 2 International.
2 L’arrivée du numérique a ouvert une nouvelle ère dans le paysage audiovisuel mondial
et les pays africains. Après une tentative en 2006, 2020 est devenue la date de passage
au numérique pour l’ensemble du continent. Ce passage est alternativement présenté
comme une étape historique, une révolution, « un bouleversement technologique » propice
« au développement de l’économie numérique et la génération d’emplois et de richesses » 2. Cette
transition marquerait les « débuts d’une nouvelle ère »3.
3 Mais cet optimisme est-il justifié ? Pour certains auteurs, les télévisions africaines ont
maille à partir avec la modernité (Bilé 2015). Qu’en est -il sur le terrain ? Cela demande
réflexion ce qui a conduit à s’interroger sur le numérique dans la TV sportive.

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295

4 Notre corpus est constitué de deux chaines : la Cameroon Radio and Télévision
(CRTV) qui compte deux chaînes thématiques : CRTV News créée le 28 janvier 2018 et
CRTV Sports & Entertainment dont le lancement s’est effectué le 6 juin 2019, et Canal 2
International, chaîne privée qui est axée sur l’information en continu, le divertissement
et le sport.
5 Dans nos deux corpus, la principale particularité des journalistes sportifs réside dans
leur âge. Si pour la CRTV (chaine centrale), 70 % des journalistes ont plus de 35 ans,
pour la chaine spécialisée sports (CRTV Sports And Entertainment), 70 % des
journalistes ont moins de 35 ans. Il en est de même pour Canal 2 International. Dans les
deux cas, les journalistes sportifs qui occupent des postes comme chef de chaine,
rédacteur en chef et autres postes à grande responsabilité ont un âge supérieur à 40
ans.
6 Cet article a pour but de présenter la question du numérique et son impact chez les
journalistes sportifs de nos corpus. Mais également de voir comment l’introduction du
numérique a modifié les organisations et les pratiques individuelles et collectives des
journalistes. Nous allons dans une première partie aborder la question du changement
organisationnel avec le numérique et ensuite dans une deuxième partie nous allons
revenir sur les changements des pratiques individuelles et collective ayant entrainé
une fracture intergénérationnelle.

Présentation des changements organisationnels à


l’ère du numérique dans nos corpus
Les nouvelles pratiques numériques dans les changements
organisationnels

7 Le changement, c’est le passage d’un état à un autre, qui est observé dans
l’environnement et qui a un caractère relativement durable (Collerette, 1997). La valeur
d’un changement est jugée par les notions de progrès et de régression.
8 Dans le cas des journalistes sportifs de la télévision, la facilité d’accès à l’information
apportée par le numérique a donné lieu à de nouvelles pratiques professionnelles qui
ont à leur tour apporté des changements sans précédent dans le traitement de
l’information sportive. La «   pratique  » est définie comme une manière concrète
d’exercer une activité (Rey, 2005). On y trouve une dimension de réalisation, de
conduite efficace de l’action ; elle est un moyen complet d’atteindre un objectif fixé.

Les changements dans la télévision à l’ère du


numérique
9 Qu’il s’agisse des médias traditionnels ou des nouveaux médias, le numérique conduit à
l’affirmation de traits saillants en matière de traitement de l’information. Le premier
des traits de l’information lié au numérique dès les années 1980 en télévision en
particulier, c’est l’accélération du traitement de celle-ci. Cette accélération est telle
qu’il est possible de parler de quasi-immédiateté.

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296

10 Un second trait de l’information à l’ère du numérique serait la part sans cesse


importante de sources auxquelles les rédactions accèdent via les réseaux,
téléphoniques bien sûr, mais surtout internet sous toutes ses formes. La construction
des récits et la conception des contenus multimédias constituent le troisième trait
caractéristique de l’information à l’ère du numérique. Il est le plus valorisé depuis
l’origine par les journalistes « expérimentateurs » du Web.
11 Un autre trait caractéristique de l’information, valorisé par les tenants de la « Révolution
Internet » (Bouquillion, Matthews, 2010) consiste dans le participatif ou le contributif.
C’est le symbole du Web 2.0, soit l’interrelation entre le journaliste et l’amateur : thème
développé par Patrice Flichy (2010).

Les changements dans les pratiques des journalistes


sportifs à l’ère du numérique
12 L’analyse de nos données de terrain nous a permis d’identifier des changements qui
sont apparus dans l’environnement professionnel des journalistes sportifs. Les
journalistes expriment des pensées fondées sur leurs expériences, nous permettant
ainsi de mieux identifier ces nouvelles pratiques. Les discours ont été analysé dans une
situation de pratiques.
13 Nous avons abordé la question de l’utilisation d’internet comme source d’information
sportive en demandant dans un premier temps comment le développement du web
avait changé le travail du journaliste sportif, avec un accent particulier sur la phase de
la recherche des informations et de leur vérification. Pour les journalistes, « le
numérique impose de repenser le rapport traditionnel entre le journaliste et ses sources. Il
permet un accès direct à certaines informations qui autrefois n’arrivaient aux journalistes que
par les agences de presse » (Journaliste CRTV, Mai 2019). Aujourd’hui, les possibilités
qu’offrent les moteurs de recherches en ligne (Google, Yahoo, Bing…) ont
considérablement modifié le rapport aux sources qui se sont virtualisées (Degand et
Grevisse, 2011). Certains journalistes estiment que leurs sources d’information sont
désormais plus nombreuses : « en journalisme sportif, en dehors des matchs en direct et des
événements sportifs, l’on n’a pas toujours des informations à faire passer au téléspectateur,
internet devient donc notre principale source d’information » (Journaliste Canal 2
International, Juin 2019). Les journalistes sportifs estiment que la veille sur internet fait
aujourd’hui partie de 90 % de leur travail « travaillant dans une chaine qui fait de
l’information sportive 24/24, je passe mon temps sur les différentes pages sportives pour être au
courant de tout ce qui se passe et pouvoir réagir très vite » (Journaliste CRTV Sports, Juin
2021).
14 Mais si le numérique a changé le rapport aux sources de l’information sportive, certains
journalistes n’ont pas tout à fait changé leurs pratiques professionnelles, ils ont plutôt
adapté les nouvelles pratiques aux anciennes « j’adapte ma manière de travailler, mais sans
pour autant oublier l’essentiel. Par exemple, si j’ai une information sur un sportif qui circule sur
internet, j’ai la possibilité de la vérifier en contactant directement le joueur via ses comptes
officiels : c’est aussi ça la magie du numérique et d’internet » (Journaliste CRTV, Mai 2019).
L’émergence du numérique a donc permit de démocratiser l’accès à l’information.

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297

Les nouvelles pratiques dans le traitement de l’information sportive

15 Le journaliste est un intermédiaire entre les faits, qu’il obtient auprès de sources
d’information, et le public envers qui le journaliste est, par obligation professionnelle,
redevable (Ponthieu, 1998, p. 22).
16 Avec l’apparition du numérique, plusieurs journalistes considèrent que leurs pratiques
professionnelles ont beaucoup changé notamment en ce qui concerne l’ampleur des
tâches qui incombent désormais au journaliste, « les journalistes sont amenés à faire des
interviews, des montages, des face-caméra, des prises de vue et même la diffusion. Ce n’est pas
facile, et ça pour moi, c’est le principal changement dans le métier. Nous effectuons déjà des
tâches que nous ne sommes pas censés effectuer » (Journalistes CRTV, Mai 2019). La plupart
des journalistes avec lesquelles nous nous sommes entretenus à la CRTV chaine
centrale adoptent un point de vue à peu près similaire, centré sur la nature des tâches à
accomplir. Parfois certains journalistes vont encore plus loin « j’ai été formé en tant que
journaliste et non en tant que caméraman où monteur, chacun doit faire son boulot »
(Journaliste CRTV, Mai 2019).
17 Le journaliste, si on devait résumer, deviendrait donc média de communication, au
même titre que la polyvalence que pressentait déjà Rémy Rieffel en 2001, « on peut
demander aujourd’hui, comme c’est le cas actuellement dans certaines équipes de journalistes,
de préparer un papier pour une édition locale d’un journal, d’assurer des interventions dans
plusieurs émissions de télévision et plusieurs services sur internet. Un reporter peut donc écrire
un article pour l’édition du soir, présenter cette information à l’antenne et approfondir le sujet
pour sa mise en ligne » (Rieffel, 2001, p. 161). Le sociologue soulignait alors combien cette
adaptabilité professionnelle témoignait de nouvelles contraintes et conditions de
travail liées à la « compression du temps et de l’espace ». Évidemment, les impératifs de
rentabilité, d’efficience ou d’audience expliquent en partie cette évolution.

Les sportifs et les réseaux sociaux : une nouvelle forme de


journalisme

18 L’ère des médias sociaux a révolutionné la communication des sportifs. L’athlète


devient son propre média avec ses plateformes de réseaux sociaux. « Il y a encore
quelques temps, le rôle de communication d’un sportif se limitait à son site web et quelques
références de presse. Aujourd’hui tout est différent et ça nous aide dans la recherche de
l’information. » (Journaliste CRTV Sport, Juin 2019). Pour les journalistes les cartes ont
été redistribuées et la notion de scoop ne reste que par le nom « les sportifs donnent leurs
propres informations sur leurs réseaux et nous on se contente juste de la relayer. Il n’y a
véritablement plus de scoop à proprement parlé en dehors de quelques informations qu’ils
veulent cacher et qui parfois ne sont pas en rapport avec le sport » (Journaliste Canal 2
International, Juin 2019). La présence massive des sportifs, des clubs, des fédérations et
de tout ce qui gravite autour du sport sur les réseaux sociaux contribue à changer les
pratiques des journalistes sportifs, et certains articles de presse sont écrits à partir d’un
Tweet. De plus, aujourd’hui avec les réseaux sociaux, les fans, la presse ou les
commanditaires peuvent interagir avec le sportif.
19 Outils numériques dans la présentation et la diffusion des informations sportives

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20 Le commentaire sportif télévisé est la manifestation première de la médiatisation du


sport, celle de la retransmission. Pour les journalistes que nous avons interrogés,
l’arrivée du numérique allège les commentaires sportifs « avec internet, nous n’avons plus
besoin d’avoir une grosse paperasse dans les cabines de presse comme c’était le cas avant.
Aujourd’hui les cabines sont équipées de tout le confort possible pour être dans les meilleurs
conditions de commenter une rencontre sportive » (Journaliste CRTV Sports, Juin 2019). Mais
certains journalistes font le constat qu’au Cameroun seule la CRTV a droit à des cabines
équipées lors des rencontres sportives qui ne sont pas à caractère international « pour
des matchs de ligue 1 ici au Cameroun, les cabines ne sont pas toutes équipées du matériel
nécessaire pour les journalistes commentateurs. Seuls les journalistes de la CRTV en bénéficient
donc il faut dire que de ce côté-là le numérique ne nous sert pas à grand-chose ». (Journaliste
Canal 2 International, Juin 2019).
21 D’autres encore profitent des compétitions organisées par la Confédération Africaine
de Football (CAF), où alors par la Fédération Internationale de Football et Associations
(FIFA) pour se mettre à jour dans les nouvelles pratiques apportées par le numérique
« quand je vais couvrir une compétition hors du Cameroun je profite pour travailler toutes les
nouvelles pratiques apportées par le numérique. Pendant la compétition, toutes les conditions
sont réunies pour que vous puissiez vous exprimer quel que soit l’organe de presse auquel vous
appartenez » (Journaliste Canal 2 International, Juin 2019).
22 Les évènements sportifs favorisent la consommation d’information multi-support et
augmentent les publications sur les réseaux sociaux. Mieux connaître ces nouveaux
usages représente un enjeu stratégique pour les médias4. Dans le cas de notre corpus,
en démocratisant l’accès à l’information, le numérique a également démocratisé sa
consommation. Les journalistes sportifs expliquent que « le spectateur choisi ce qu’il veut
voir et comment il veut le voir c’est à nous de nous arranger à ce qu’il puisse avoir accès à ce
dont il a besoin. Même si pour cela nous devons changer notre façon de faire » (Journaliste
Canal 2 International, Juin 2019).
23 Au Cameroun, les innovations technologiques sont encore basiques et de ce fait,
l’information sportive est encore centrée sur la télévision et la radio « nous ne sommes
pas au même niveau que les anciennes chaines de sports. Nous avons décidé de créer une chaine
de sports indépendante il n’y a pas longtemps » (Chef de chaine CRTV Sports, Juin 2019).
Mais, les journalistes avec lesquelles nous nous sommes entretenus sont parfaitement
au courant de tous les changements apportés par le numérique dans la mise en place de
l’information sportive « on regarde les autres chaines pour essayer de copier ce qu’ils font
même si le reste ne suit pas. Le téléspectateur regarde ce qui se passe ailleurs et veut le voir dans
son pays donc notre rôle est d’être prêt à leurs offrir ça le moment venu » (Journaliste Canal 2
International, Juin 2019). Les journalistes expliquent qu’ils utilisent la plupart des
applications créées par les chaines de sports étrangères et de préciser dans leur version
gratuite « j’ai l’application Canal Football App et celle de l’Équipe, elles me permettent de suivre
certains matchs en direct, de voir et de revoir les actions principales selon les axes caméra les
plus intéressants. Mais j’utilise la version gratuite, car pour le moment ce n’est pas remboursé
par l’entreprise » (Journaliste CRTV Sports, Juin 2019). La présence de ces différentes
applications de chaines de sports internationales justifie en quelque sorte la prise en
compte des outils mobiles par les journalistes sportifs « avec ma tablette où mon téléphone,
je peux revoir les buts et les plus belles actions d’un match. Mais aussi avoir accès à énormément
d’informations complémentaires » (Journaliste Canal 2 International Juin 2019). « L’on peut

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par exemple savoir combien de buts le footballeur Sadio Mane a marqué dans une compétition
donnée » (Journaliste CRTV Sports, Juin 2019)
24 Cette connectivité accrue et tous les supports contribuent au développement de
nouveaux usages auxquels s’empressent de répondre les journalistes et les médias en
réinventant non seulement les pratiques, mais aussi les contenus.

Les changements des pratiques individuelles et


collectives : une fracture générationnelle
25 Dans l’analyse de notre corpus, plusieurs journalistes ont exprimé leurs doutes par
rapport à toutes ces nouvelles pratiques qui sont introduites dans leur profession. Nos
recherches sur le terrain ont donc fait ressortir des conflits qui existent entre les
journalistes sportifs à propos du numérique. Ces conflits que nous avons appelés
conflits intergénérationnels mettant aux prises des journalistes issus de ce que nous
avons appelé la génération 2.0 où génération androïde (constituée de jeunes qui sont
nés et qui ont grandi avec le numérique, elle s’approprie rapidement, facilement, et
adopte très tôt le numérique dans leur mode de vie et leur travail. Les données 5
suggèrent par exemple que c’est surtout auprès de ces jeunes, les nouveaux venus que
le numérique trouve ses partisans), et la troisième génération que nous avons appelé la
génération réfractaire où vieille génération (composée de personnes qui n’ont pas fait
le processus d’appropriation du numérique, car ils ne voulaient pas changer leur mode
de travail. dans leur cas, les nouvelles pratiques apportées par le numérique et ses
composantes sont considérées comme non professionnelles et ont un impact sur
l’identité du journaliste sportif).

La perception des nouvelles pratiques par les


journalistes de la troisième génération (vieille
génération, génération réfractaire)
26 Les journalistes de la troisième génération avec lesquels nous nous sommes entretenus
se sont montrés assez sceptiques quant à la pertinence des nouvelles pratiques dans
l’environnement professionnel des journalistes sportifs de la télévision. Mais, cette
position de doute n’était pas totalement claire. Lorsqu’on leur demandait de donner
leur position par rapport aux nouvelles pratiques apportées par le numérique, ces
journalistes avaient des réactions qui variaient entre enthousiasme et méfiance. À
travers cette variété de réponses, nous avons constaté qu’il existait une autre sous-
catégorie chez les journalistes de la troisième génération et nous l’avons appelé : la
troisième génération 2.0.
27 L’apparition de cette nouvelle sous-catégorie vient contribuer à justifier le processus
d’adoption d’une nouvelle pratique professionnelle prônée par le modèle
d’institutionnalisation de Goodman, Bazerman et Conlon (1980). En effet comme nous
l’avons constaté au cours de notre travail, l’adoption des nouvelles pratiques
professionnelles par les journalistes sportifs de la télévision s’est faite de manière
progressive. Cette adoption progressive rejoint également le concept de « traduction »
c’est-à-dire le « processus d’adaptation des définitions (usages, attentes) d’une technologie aux
propres besoins de chaque acteur » (Domingo, 2008, p. 684). Au sein de cette procédure de

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300

traduction, il est possible d’identifier des éléments qui constituent des facilitations ou
des contraintes (ou comme le nomme Winston (1998) des accélérateurs ou des freins), qui
pèsent positivement ou négativement sur le processus d’adoption. Dans ce contexte, les
journalistes de la troisième génération 1.0 tiennent des propos expressément
défavorables sur les nouvelles pratiques professionnelles. Et chez ceux de la troisième
génération 2.0, on retrouve des propos plus mitigés et beaucoup plus enthousiastes. En
effet, on peut observer que chez les journalistes de la troisième génération 2.0, l’usage
du numérique se fait en dehors de leur champ professionnel. Ils affirment que le
numérique et ses composantes concerne surtout les autres aspects du métier de la
communication (marketing, l’informatique, ou le webdesign), mais pas le métier de
journaliste en lui-même « j’étais réticent au début parce que je trouvais que c’était du travail
en plus. Mais à la longue ça reste juste des outils supplémentaires, mais qui ne changent pas mon
travail en profondeur » (Journaliste CRTV, Juin 2019). Mais il convient de préciser que,
même si l’introduction du numérique dans l’écosystème du journalisme ne semble pas
être un problème pour les journalistes de la troisième génération 2.0, il est rare que
cette approbation soit intégrale « même si je peux aller tout seul en reportage grâce à la
numérisation des outils qui les rend plus faciles à transporter, je préfère y aller avec toute une
équipe au moins chacun ferra son travail » (Journaliste Canal 2 International Juin 2019).
28 Au final, on peut donc affirmer que la méfiance envers le numérique et les nouvelles
pratiques qu’il apporte est tantôt explicite, tantôt latent.
29 En ce qui concerne le processus de de l’information c’est-à-dire la collecte, le
traitement et la diffusion, les journalistes de la troisième génération (troisième
génération 1.0 et troisième génération 2.0) accordent tout de même leurs discours sur
les effets néfastes des nouvelles pratiques sur l’environnement professionnel des
journalistes sportifs de la télévision. En effet, pour les journalistes de la troisième
génération, le flot d’information apporté par internet représente un risque pour le
travail des journalistes « internet nous facilite le travail, mais il risque aussi de nous noyer
sous un flot d’information » (Journaliste CRTV, Juillet 2019). Face à une telle masse de
données, beaucoup se sentent désemparés et éprouvent des difficultés à mettre la main
sur une information fiable et pertinente, « internet nous submerge d’informations. Nous
avons tous les types d’informations parfois nous avons du mal à démêler le vrais du faux, des
simples commentaires au vrais interventions. » (Journaliste CRTV, Mai 2019). Pour les
journalistes de la troisième génération, le journaliste ne doit pas perdre son rôle
d’ordonnateur des informations. Entre les différentes sources et l’interactivité des
publics, le journaliste doit être celui qui garantit la qualité et la crédibilité d’une
information.
30 Pour eux, internet donne la possibilité à tout le monde de faire l’information et de là
diffuser, « si tout le monde devient journaliste plus personne ne l’est. Et trop d’information de
faible valeur tue l’information. Il existe de nombreuses personnes non professionnelles qui
analysent et relatent les faits sans pour autant avoir les qualités pour le faire » (Journaliste
CRTV, Juillet 2019). Force est de constater que les inquiétudes des journalistes de la
troisième génération sont légitimes, on trouve même aujourd’hui sur internet des
articles entièrement écrits par les robots. C’est le cas du site web Statsheet un site
d’informations sportives américain. Pour les journalistes la réinvention des pratiques
par rapport au numérique devrait se faire « à partir de ce qui fait l’essence du journalisme :
l’enquête, la vérification, le recoupement des faits, la contextualisation, la mise en forme, le ton,
l’angle, le style, mais aussi la déontologie. Des attributs qui créent de la valeur, de la rareté et qui

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ne sont pas ou peu mécanisables, donc transférables à des machines » (Journaliste CRTV,
Juillet 2029), car l’on assiste à une importante déshumanisation du métier de
journaliste alors que ce dernier est justement basé sur l’humain, la rencontre.

La multiplication des tâches : les compétences à la


dérive
31 Pour les journalistes de la troisième génération, il convient de revenir sur la définition
même du mot multitâche, car pour eux tout le monde est capable de faire plusieurs
choses en même temps ce qui est très différent en journalisme. « Être multitâche c’est le
fait pour un journaliste d’être capable de filmer à l’aide d’une caméra, de faire des montages
vidéos, de poser la voix sur son reportage et parfois de s’occuper de la diffusion en faisant une
promotion et une communication autour de son travail. C’est l’accumulation de plusieurs
compétences en même temps et c’est très difficile » (Journaliste CRTV, Mai 2019). Le
psychologue et expert en sécurité Juni Daalmans convient également « qu’on ne peut
consciemment faire qu’une chose à la fois »6. Pour les journalistes les conséquences d’être
multitâches se font ressentir dans la manière de travailler « nous travaillons moins
efficacement si nous avons besoin de diviser notre attention consciente sur deux ou plusieurs
tâches » (Journaliste CRTV, Mai 2019). De plus, de l’avis des journalistes de la troisième
génération, la multicompétence de leurs collègues pourrait se retourner contre eux « tu
ne peux pas tout faire, tu ne peux pas être compétent en tout. C’est soit tu es compétent soit tu ne
l’es pas. Parce qu’au final tu ne sauras rien faire » (Journaliste CRTV, Mai 2019).
32 De plus, les journalistes pensent que le nouveau contexte apporté par le numérique
amène les journalistes à être dans une urgence généralisée. Cette surcharge serait
causée par le fait d’être multitâches ils rejoignent de ce fait les conclusions de Caroline
Sauvajol-Rialland (2014) qui disait que « le sentiment de surcharge vient du fait que
l’information s’ajoute à la production et que la part communicationnelle du travail ne cesse de
croître » (pp. 110-118). Cette question de la surcharge de l’information a aussi été
soulevée par les journalistes des autres générations (1ère et 2 éme génération) « Oui, nous
croulons sous l’information, je reçois un nombre impressionnant de mails par jours, je passe
beaucoup de temps sur les réseaux sociaux à la recherche d’une information que je pourrais
utiliser. Nous avons des tonnes et des tonnes d’informations à notre disposition tous les jours.
Donc oui trop d’informations pourraient rendre nos cerveaux obèses. » (Journaliste Canal 2
International Juin 2019). Pour les journalistes, la surinformation est un risque pour la
qualité de l’information à transmettre « avec cette grande quantité d’informations, il y a un
risque de désinformation lié à la dégradation de la qualité de l’information » (Journaliste CRTV,
Mai 2019)

Dimension participative des réseaux sociaux

33 En ce qui concerne les réseaux sociaux, les journalistes de la troisième génération sont
d’avis qu’ils ont changé le monopole que les journalistes avaient sur l’information.
Grâce à ces nouveaux moyens de communication, tout le monde peut être témoin d’un
évènement et le partager avec le monde entier dans la seconde qui suit. Une pratique
qui donne naissance au « journalisme citoyen » qui de l’avis des journalistes de la
troisième génération fait repenser le rôle du journaliste « la rapidité de diffusion de
l’information prime aux dépens de l’analyse. Si de nouveaux volets comme le journalisme citoyen

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apparaissent, paradoxalement, cela entraîne aussi une vraie réflexion sur le rôle des
journalistes » (Journaliste CRTV, Mai 2019). Ce questionnement rejoint la définition du
rôle du journaliste prôné par Patrick Champagne (1995) « les médias ont le pouvoir de
constituer les problèmes de la société, de dire les mots qui font les choses, bref d’imposer une
certaine vision du monde » (pp :215-219). Ici le journaliste est censé fournir à l’opinion
publique des pistes de réflexion lui permettant de comprendre la société à travers des
reportages, des enquêtes, des interviews…
34 Dans les différents discours des journalistes sportifs de la troisième génération que
nous avons interrogés, nous avons pu constater que le numérique représente un
véritable danger pour la profession. Un constat qui fait ressortir une résistance aux
changements.

Le poids des traditions dans la résistance au


changement
35 Pour les journalistes de la troisième génération, internet a certes bouleversé le travail
des journalistes, mais la vérification de l’information doit rester essentielle chez ceux-
ci « la vérification des sources est devenue une tâche colossale vu le nombre important
d’informations qui circulent sur le web. Le travail des journalistes consiste plus à filtrer qu’à
produire de l’information, mais cela ne doit pas empêcher la vérification des sources qui sont à
mon avis le rôle même du journaliste » (Journaliste CRTV, Mai 2019).
36 Les journalistes sont d’avis que les réseaux sociaux ont changé leur profession, mais ces
outils ne doivent et ne peuvent pas changer leur rôle de gatekeeper c’est-à-dire « (l’)
individu qui filtre et élimine les informations indésirables, inintéressantes ou insignifiantes et
s’occupe d’informations de plus ample importance » (Franklin 2005, p. 92). Pour les
journalistes de la troisième génération, « voir un événement et le mettre en ligne comme le
font tous les pseudo journalistes tout le monde est capable de le faire. A l’inverse, tout le monde
n’a pas les compétences suffisantes pour analyser et comprendre un sujet » (Journaliste CRTV,
Mai 2019). Mais dans le modèle de Boczkowski (2004), le rôle de gatekeeper est considéré
comme appartenant au journalisme traditionnel, et constitue un frein à l’innovation
(pp. 197-213).
37 Les journalistes de la troisième génération craignent de voir leurs tâches intellectuelles
réduites au profit des tâches techniques. Plusieurs journalistes constatent en effet qu’ils
ont moins le temps pour pratiquer un journalisme d’investigation, pour enquêter, pour
écrire « ce métier change profondément, je suis très pessimiste sur l’état actuel des choses. J’ai
une vision très sombre parce que ce métier est en train de se banaliser. Et je pense que le web a
accéléré cette banalisation qui a tendance à réduire le journaliste à un opérateur. Aujourd’hui le
numérique à fait apparaitre de nouveaux acteurs dans le métier qui ne partagent plus ni la
ferveur ni la passion des journalistes. » (Journaliste CRTV, Mai 2019).
38 La résistance identitaire est la relation que l’individu entretient avec son entreprise.
Pour Saparnot (2013), l’organisation nourrit l’individu en termes de représentation de
lui-même. Par la suite, l’individu commence à exister, à créer son identité à travers son
travail et son appartenance à ce monde (un service, un métier) et à son entreprise. Le
changement peut donc provoquer une remise en cause profonde de l’identité de la
personne et modifier la nature qui la lie à l’organisation.

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39 En pensant au double rôle des anciens dans les structures étudiées (le responsable plus
âgé qui dirige et le journaliste expérimenté qui est donné comme modèle ) nous avons
réfléchi à une hypothèse : l’opposition 3ème génération-1ere génération est-elle plus forte
dans un pays africain que dans les pays européens suite à la tradition de l’ancien 7 ? La
question de l’impact des anciens était déjà évoqué par Khadidiatou Konaré Dembélé
(2019), « dans nos sociétés fortement imprégnées des relents de la tradition, les anciens
incarnent la sagesse et orientent encore la vie de la communauté. Ils représentent les ancêtres
sur terre pour la transmission des valeurs et occupent ainsi une place incontournable dans la
marche des affaires de la communauté ». Dans ce contexte, l’âge détermine l’importance et
la position hiérarchique d’un individu « le respect des aînés à toujours constitué une
valeur traditionnelle très importante dans la culture africaine » (Ogandago, 2017), et ce
même dans le milieu professionnel. Nous pouvons nous rendre compte que c’est un
espace de la persistance de cette valeur qui semble plutôt en décalage dans le sens où
elle favorise un système gérontocratique au détriment de la hiérarchie des postes et des
compétences. « Il s’agit donc de mettre en évidence la persistance d’une conception de
l’autorité (basée uniquement sur l’âge) en référence à la tradition, au sein d’une organisation qui
propose un autre modèle d’autorité et de hiérarchie entre les personnes Le respect de l’âge serait
donc une source possible de dysfonctionnement organisationnel » Ogandago, 2017). Nous
constatons que dans l’organisation il semble exister une préférence pour un homme
âgé à un poste à hautes responsabilités.
40 Les individus intègrent des comportements mettant en scène les différentes classes
d’âge. C’est pourquoi les jeunes ont du mal à exercer leur pouvoir et les aînés, à se
soumettre à l’autorité d’un jeune, dans la situation inverse. Pour les journalistes de la
première génération, la collaboration n’est pas toujours facile, car ils « se retrouvent à
faire un double travail, le leur et celui des journalistes traditionnels qui ne maîtrise pas les
usages du numérique » (Journaliste CRTV Sports, interrogé en Juin 2019). Mais on
remarquera que sur le terrain, le ressenti des anciens est autre : pour les journalistes de
la troisième génération, l’introduction des changements apportées par les nouveaux
outils numériques dans leur environnement de travail leur apporte un sentiment de
mise au placard, « je suis un peu désorienté parfois, j’ai l’impression que tout ce que j’ai fait
pour l’entreprise n’a jamais servi à rien toutes ces années ont été inutiles. Aujourd’hui les plus
jeunes ont des postes à responsabilité et sont mes supérieurs hiérarchiques juste parce qu’ils
maitrisent les nouvelles technologies mieux que moi » (Journaliste CRTV, Mai 2019).

Conclusion
41 On a cru que les nouvelles technologies créaient de « nouvelles opportunités… donnant
à l’Afrique l’occasion de « sauter les étapes du développement », « d’accélérer sa marche vers
un avenir meilleur » et de « faciliter le grand bond technologique » (Bonjawo, 2002, p. 18,
p. 145). L’on a également évoqué la « fracture numérique que cause internet comme
opportunité de développement,… toujours présente dans les pays d’Afrique » (El Mehdi, 2011),
explicable par les coûts, les problèmes de l’électricité, et des réseaux de transport. Mais
le problème est autre, car comme le dit Anne-Marie Laulan (2018), s’il y a eu un « espoir
né des technologies numériques (qui) permettraient, de conjuguer l’instantanéité, la mobilité, le
libre accès, la délocalisation avec des sources indéfinies d’information » (Laulan, 2018). Il faut
mettre en avant « les lois longue durée, répétitives quel que soit le continent : Changer les

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mentalités (c’est-à-dire durer) s’inscrire dans des comportements, des réflexes intégrés ; cela
demande au moins une génération ».
42 Le changement planifié (programmatique, qui impose des procédures) évoqué par
Mintzberg et al. (1999) parait trop directionnel et venant de l’extérieur. Pierre
Collerette avait en 1995 avancé que pour comprendre la problématique du changement
organisationnel, il faut examiner l’expérience des acteurs qui « vivent » le changement,
et pour cela, il faut au préalable comprendre comment ceux-ci s’adaptent à la réalité
quotidienne, réalité qui par ailleurs comporte naturellement des précisions du
changement. Le changement prescrit doit se « fonde sur une vision claire de l’avenir et
détermine avec précision les éléments de l’organisation actuelle qu’il faut changer pour atteindre
cette vision » (Vandangeon-Derumez, 1998).
43 Dans notre cas, nous constatons que le changement apporté par le numérique est certes
un gage de développement et qui pourrait aider les journalistes à être au rendez-vous
de la modernité, mais son introduction dans l’environnement de travail nécessite la
prise en compte des journalistes de la troisième. En effet, il est clairement apparu que
les points de vue sont différents entre les journalistes de la première génération et ceux
de la troisième génération, mais les relents de la tradition sont encore fortement
présents dans les entreprises et les anciens incarnent non seulement la sagesse, mais
semblent encore détenir les clés de la transmission du métier de journaliste, dans ce
contexte, ils occupent encore une place incontournable dans l’entreprise. Il importe
donc de trouver une méthode de changement organisationnelle prenant en compte le
contexte particulier de l’Afrique. Car, les principes de transmission sont différents d’un
continent à un autre.

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Paris, Éditions Vuibert.

Sauvajol-Rialland C. (2014), Infobésité, gros risques et vrais remèdes, L’expansion Management


Review, N° 152, p. 110-118, en ligne sur cairn-info.

NOTES
1. Les professionnels de l’information sportive sont regroupés au sein de l’Association des
journalistes sportifs du Cameroun (AJSC).
2. CONTAN : Comité National de pilotage de la transition de l’analogique au numérique au
Sénégal, plaquette d’information, consulté le 25 Avril 2021
3. Communiqué de l’UIT, 26 Février 2015
4. Arnaud Miquel in larevuedesmedias.ina.fr « Les fans de sports, champions de nouveaux
usages », consulté le 4 Février 2021

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5. Abomo Mbita Germaine, l’appropriation du numérique par les professionnels du journalisme


spécialisé. Cas du service des sports de la CRTV-TV, 2015.
6. Entretien réaliser sur le site https://www.tempo-team.be/fr/entreprises/blog-hrm/detail/s/
news/c0745b90-a674-4143-8ecf-6c210ea0be73/Multitache-et-securite-ne-font-pas-bon-menage
7. Dans un domaine proche , a signalé « Myriam Donsimoni, Les populations africaines sont
encore fortement attachées aux communautés traditionnelles où elles puisent leur mode de vie,
leur identité. Le risque inhérent aux communautés traditionnelles est un certain
communautarisme que certains accusent d’entraver le processus de développement. « l’Afrique
entre communautés traditionnelles et monde virtuel », Communication, technologies et
développement [En ligne], 5 | 2018, mis en ligne le 02 janvier 2018,

RÉSUMÉS
L’introduction du numérique dans le monde du journalisme a considérablement changé le travail
des journalistes. dans cet article, nous avons analysé les nouvelles pratiques des journalistes
sportifs avec l’arrivée du numérique dans le monde des médias au Cameroun. Il faut dire que le
numérique a fait naitre de nouvelles pratiques professionnelles notamment avec l’arrivée des
réseaux sociaux numérique, l’immédiateté de l’information, la présente très nombreuse des
amateurs, la multiplication des tâches qui est désormais nécessaire pour tout journaliste. Notre
analyse des nouvelles pratiques à fait ressortir l’existence des conflits intergénérationnels entre
les journalistes mais aussi l’impact de la tradition dans l’appropriation des nouvelles pratiques
professionnelles apportées par le numérique.

The introduction of digital technology in the world of journalism has considerably changed the
work of journalists. In this article, we have analysed the new practices of sports journalists with
the arrival of digital technology in the world of the media in Cameroon. It must be said that
digital technology has given rise to new professional practices, especially with the arrival of
digital social networks, the immediacy of information, the large number of amateurs, and the
multiplication of tasks that is now necessary for any journalist. Our analysis of the new practices
revealed the existence of inter-generational conflicts between journalists, but also the impact of
tradition in the appropriation of the new professional practices brought about by digital
technology.

INDEX
Mots-clés : Journalisme numérique, pratiques, fracture générationnelle, traditions
Keywords : Digital journalism, practices, generational divide, traditions

AUTEUR
GERMAINE ABOMO MBITA
Laboratoire du LERASS-CERIC, Université Paul Valéry Montpellier

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