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Indépendance judiciaire en Haïti: les règles

juridiques comme facteur explicatif du


malfonctionnement judiciaire

Mémoire

Errilus Marc

Maîtrise en droit
Maître en droit (LL.M)

Québec, Canada

© Errilus Marc, 2016


Indépendance judiciaire en Haïti: les règles
juridiques comme facteur explicatif du
malfonctionnement judiciaire

Mémoire

Errilus Marc

Sous la direction de:

Louis-Philippe Lampron
Résumé

Ce mémoire s’est réclamé d’une étude des règles juridiques sous-tendant la fonction des
juges haïtiens. Ce sujet de recherche se rapporte au problème de l’indépendance judiciaire
constaté sur le terrain. Quant à l’hypothèse, elle consiste en cette idée que les lacunes des
règles juridiques qui garantissent l’indépendance judiciaire en Haïti pourraient être un
facteur explicatif du malfonctionnement judiciaire. On a conclu que les règles juridiques
portant la fonction judicaire ne garantissent pas l’indépendance judiciaire parce que les
conditions liées à l’indépendance individuelle et institutionnelle prévue dans le droit
international ne sont pas garanties. En termes d’inamovibilité, les juges sont soumis à
l’influence du gouvernement pouvant les révoquer arbitrairement. S’agissant de la sécurité
financière, le budget du pouvoir judiciaire est contrôlé par le gouvernement loin de tout
plan de carrière pour les juges au point que la fonction judiciaire est précaire. L’organe
administratif du pouvoir judiciaire, s’agissant de l’indépendance administrative, est
supplanté par le Ministère de la Justice contrôlant les affaires judiciaires. En ce sens, il
nécessite de repenser les règles juridiques en profondeur pour dynamiser véritablement le
système judiciaire haïtien.

iii
Table des matières

RÉSUMÉ………………………………………………………………………………….III
TABLE DES MATIERES………………………………………………………………..IV
DÉDICACE……………………………………………………………………………...VII
ÉPIGRAPHE…………………………………………………………………………...VIII
REMERCIEMENTS……………………………………………………………………..IX
INTRODUCTION ................................................................................................................ 1
LA MISE EN CONTEXTE ......................................................................................................... 1
LA PROBLÉMATIQUE ............................................................................................................ 1
LA PERTINENCE DU SUJET .................................................................................................... 7
LA QUESTION SPÉCIFIQUE ET L’HYPOTHÈSE DE RECHERCHE................................................. 8
LA MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ..................................................................................... 9
CHAPITRE 1: LE CADRE INTERNATIONAL DE L’INDÉPENDANCE
JUDICIAIRE: LES BALISES SUSCEPTIBLES DE RENDRE LA LÉGALITÉ
(RULE OF LAW) ET LA SÉPARATION DES POUVOIRS EFFECTIVES DANS LES
DIFFÉRENTES INSTITUTIONS JUDICIAIRES INTERNATIONALES ................. 12
1.1 LES BALISES INTERNATIONALES DE L ’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE PORTANT LE
RESPECT DE LA LÉGALITÉ ET DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS ................................ 13
1.1.1 Les balises internationales portant le respect de la légalité : les garanties relatives
à la conformité des décisions judiciaires aux normes supérieures ............................... 14
1.1.2 Les balises internationales de l’indépendance judiciaire portant le respect de la
séparation des pouvoirs: les garanties relatives à l’indépendance institutionnelle et
individuelle des juges et tribunaux ................................................................................ 21
1.1.2.1 Les principes convergeant dans le sens de l’indépendance institutionnelle: les
modalités de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance
administrative ............................................................................................................ 21
1.1.2.2 Les principes convergeant dans le sens de l’indépendance individuelle: des
modalités complémentaires visant au renforcement de l’indépendance autonome ... 32
1.2 LES RÉGIMES JURIDIQUES FRANÇAIS ET CANADIEN: LES SYSTÈMES JUDICIAIRES ET LES
EXIGENCES D’INDÉPENDANCE DES JUGES ET TRIBUNAUX ................................................... 36
1.2.1 Les systèmes judiciaires français et canadien: l’organisation, la compétence et le
fonctionnement des cours et tribunaux ......................................................................... 37
1.2.1.1 Le système judiciaire français: l’organisation, la compétence et le
fonctionnement des cours et tribunaux ...................................................................... 37
1.2.1.2 Le système judiciaire canadien: l’organisation, la compétence et le
fonctionnement des cours et tribunaux ...................................................................... 44
1.2.1.3 Le système judiciaire haïtien: l’organisation, la compétence et le
fonctionnement des cours et tribunaux ...................................................................... 51

iv
1.2.2 L’indépendance judiciaire dans les droits français et canadien: les garanties
constitutionnelles et statutaires relatives à l’indépendance institutionnelle et
individuelle .................................................................................................................... 58
1.2.2.1 L’indépendance judiciaire dans le droit français : les garanties
constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et individuelle des
juges et tribunaux ...................................................................................................... 58
1.2.2.1.1 Les balises constitutionnelles liées à l’indépendance institutionnelle et
individuelle: les modalités de l’inamovibilité et de l’indépendance administrative
............................................................................................................................... 59
1.2.2.1.2 Les principes statutaires liés à l’indépendance institutionnelle et
individuelle: les modalités de l’inamovibilité, la sécurité financière et
l’indépendance administrative ............................................................................... 61
1.2.2.1.3 Les conditions essentielles de l’indépendance judiciaire reconnues par le
juge constitutionnel français: les exigences d’indépendance de l’inamovibilité, de
la primauté du droit et de la séparation des pouvoirs............................................. 64
1.2.2.1.4 Les garanties constitutionnelles et statutaires liées à l’indépendance du
juge constitutionnel: des modalités souples de l’inamovibilité, de la sécurité
financière et de l’indépendance administrative...................................................... 66
1.2.2.2 L’indépendance judiciaire dans le droit canadien: les garanties
constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et individuelle ... 69
1.2.2.2.1 Les garanties constitutionnelles et statutaires de l’indépendance
institutionnelle et individuelle dans le droit canadien : les modalités de
l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance administrative ...... 70
1.2.2.2.2 Les critères essentiels de l’indépendance judiciaire préconisés par la
Cour suprême canadienne : les principes de l’inamovibilité, de la sécurité
financière et de l’indépendance administrative...................................................... 75
1.2.2.2.2.1 La perception de la Cour suprême de l’inamovibilité des juges et
tribunaux ............................................................................................................ 76
1.2.2.2.2.2 La perception de la Cour suprême de la sécurité financière des juges
et tribunaux......................................................................................................... 77
1.2.2.2.2.3 La perception de la Cour suprême de l’indépendance administrative
des juges et tribunaux ......................................................................................... 79
CHAPITRE 2 : LA PROBLÉMATIQUE DU DYSFONCTIONNEMENT DES
INSTITUTIONS JUDICIAIRES HAÏTIENNES: LA RÉALITÉ SOCIOPOLITIQUE
ET JURIDIQUE ET LA QUESTION DE L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE .......... 83
2.1 LES CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME JURIDIQUE HAÏTIEN, DU MODE DE
FONCTIONNEMENT DE SES INSTITUTIONS JUDICIAIRES ET LE CONTEXTE SOCIOPOLITIQUE
ACTUEL .............................................................................................................................. 84
2.1.2 La configuration du régime juridique haïtien: un droit national opérant par le
pluralisme juridique ...................................................................................................... 85
2.1.3 Le mode de fonctionnement des institutions judiciaires haïtiennes: les lacunes
susceptibles de nuire au processus décisionnel ............................................................. 86
2.1.4 Le contexte sociopolitique actuel: une crise politique défavorable à l’État de droit
....................................................................................................................................... 90

v vvvv
2.2 L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE EN HAÏTI: L’INSUFFISANCE DES SOURCES JURIDIQUES ET
LE CADRE DE LA DYNAMISATION VÉRITABLE DU POUVOIR JUDICIAIRE ............................... 94

2.2.1 Les régles juridiques liées à la fonction judiciaire en Haïti: les limites des
garanties constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et
individuelle………………………………………………………………………………
………………………………………………………94
2.2.1.1 Les limites des garanties constitutionnelles et statutaires liées à
l’inamovibilité des juges et tribunaux haïtiens .......................................................... 95
2.2.1.2 Les limites des garanties statutaires relatives à la sécurité financière des
juges et tribunaux haïtiens ....................................................................................... 102
2.2.1.3 Les limites des garanties statutaires relatives à l’indépendance
institutionnelle des juges et tribunaux haïtiens ........................................................ 108
2.2.2 Vers un pouvoir judiciaire dynamique en Haïti ................................................ 121
CONCLUSION ................................................................................................................ 129
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................... 133

vi
Dédicace

En l’honneur de ma Protectrice, Marie Conceptia Charles,


pour son investissement dans ma vie d’études…

Viii viii
vii
Épigraphe

« Je ne sais si j’ai besoin de dire que chez un peuple libre […] tous les citoyens
ont le droit d’accuser les fonctionnaires publics devant les juges ordinaires, et
que tous les juges ont le droit de condamner les fonctionnaires publics […]. »1
Alexis de Tocqueville, Philosophe.

1
Alexis de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique I, 1835, première partie du tomeI, p.93, par le Sociologue Jean
TREMBLAY, 2008, en ligne à : «http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/democratie_1/democratie_tome1.html»(Site
consulté le 29 septembre 2013).

x
viii
Remerciements

Je remercie d’abord la Faculté de Droit de l’Université Laval et celle de l’Université d’État


d’Haïti, tous ceux qui les composent et les gouvernements haïtien et canadien, pour m’avoir
permis de faire ces études.

Je suis particulièrement reconnaissant à mon Directeur de recherche, le Professeur Louis-


Philippe Lampron, pour le professionnalisme dont il a fait preuve au cours de la rédaction
de ce mémoire. En ce qu’il n’a pas fait marchander sa disponibilité, ses suggestions et ses
commentaires. Merci d’avoir été très patient cher Directeur de recherche.

Merci à Gélin I.Collot, l’ex-Doyen de la Faculté de Droit de Port-au-Prince, qui m’a


accompagné au cours des démarches liées à l’obtention de la Bourse d’études. Comptant
sur mon dynamisme, vous avez tout donné cher Professeur.

Je remercie le Directeur de l’École Nationale de la Magistrature, Michel Kesner Thermezi,


qui a mis la bibliothèque de ladite École à ma disposition dans le but de réaliser
d’importantes recherches liées à la rédaction de ce mémoire.

Je m’en voudrais de ne pas remercier Jean-Guerby Dorimain dont la contribution est


énorme. Merci, mon cher, de m’avoir donné de ton temps.

Merci à mes amis (es) adventistes du « Groupe de Croissance», notamment Guinko


Ferdinand, Hichem Kadachi, Johnson Prédin, Léon Germain et Victor Choute qui m’ont
tant soutenu. Dieu en tiendra compte mes chers amis!

Merci enfin à ma famille, notamment ma fille, Béa-Naissama Marc et Nadia Moreau Marc,
pour les sacrifices consentis dans le cadre de la réalisation de mon projet d’études.

xi

ix
INTRODUCTION

La mise en contexte

Selon le juge Jean-Etienne-Marie Portalis, il relève de la responsabilité du souverain qui


incarne l’État de garantir, sur son territoire, une administration saine et équitable de la
justice aux fins de la sécurité juridique de la personne2. Cette perception qu’a le juge de la
justice est inextricablement liée au principe de l’indépendance judiciaire. L’indépendance
judiciaire est une condition sine qua non pour un véritable État de droit parce qu’elle est,
dans toute société libre et démocratique, une garantie pour que les droits et libertés des
citoyens puissent être respectés3. En ce sens, comme le démontre le professeur Guy
Carcassonne, il est du devoir de l’État de définir explicitement les garanties statutaires,
garanties juridiques et matérielles relatives à la fonction judiciaire pour sauvegarder le
principe de l’indépendance judiciaire. Et il importe que ces garanties découlent de la
Constitution et des balises internationales4. De même, les tribunaux implantés par l’État,
pour reprendre le professeur Jacques Chevallier, doivent être dignes de confiance,
accessibles aux citoyens. Enfin, ils doivent pouvoir juger équitablement de la conformité
des actes gouvernementaux avec les lois applicables en toute indépendance des pouvoirs
publics. Et ce, partant des moyens de pressions jusqu’aux garanties juridiques en passant
par l’habeas corpus5.

La problématique

L’indépendance judiciaire occupe une place fondamentale dans le droit moderne6 si bien
que l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme porte que la personne

2
Jean-Étienne- Marie-PORTALIS, Discours préliminaire du premier projet de Code civil (1746-1807), 1801,par Claude Otcharenko,
Bordeaux, Courriel : :c.ovt@wanadoo.f, Éditions Confluentes, 2004, 78pp., collection :Voix de la Cité,p.84,enligne
à :http://classiques.uqac.ca/collection_documents/portalis/discours_1er_code_civil/discours_1er_code_civil.pdf(Site consulté le 29
novembre 2013).
3
CONSEIL DE L’EUROPE, Recommandation CM/Rec (2010) 12 du Comité des Ministres aux États membres sur les juges :
indépendance, efficacité et responsabilité ( adopté par le Comité des Ministres le 17 novembre 2010, lors 1098 e réunion des Délégués des
Ministres), art.5, en ligne à : https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=&Site=CM (Site consulté le 09 octobre 2013).
4
ASSOCIATION DES HAUTES JURIDICTIONS DE CASSATION AYANT EN PARTAGE L’USAGE DU FRANÇAIS (AHJUCAF,
ci-après Titre choisi), L’indépendance de la justice.Rapport introductif, Actes du deuxième congrès, Dakar, 2007, p.33, en ligne
à: ««http://www.ahjucaf.org/IMG/pdf/Independancejustice.pdf » (Site consulté le 15 novembre 2012).
5
Jacques CHEVALIER, Problèmes politiques et sociaux, L’État de droit, France, Paris, 2004, p.76.
6
Beverley .MACLACHLIN, Les rôles des juges dans la société moderne, The Fourth Worldwide Common Law Conference Vancouver,
Colombie-Britannique, 5 mai 2001.

1
humaine a droit à un tribunal indépendant et impartial7. Et que différents États travaillent,
conformément aux principes internationaux, à en assurer le respect dans leur régime
juridique8. En Haïti, la Constitution consacre le principe de l’indépendance judiciaire à
l’article 60 qui prévoit que :« Chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses
attributions qu’il exerce séparément»9. Selon la constitutionnaliste Mirlande Manigat,
cela signifie que le pouvoir de juger relève exclusivement de la compétence du pouvoir
judiciaire. Pour formuler autrement, le processus décisionnel des juges ne peut être
soumis à l’ingérence des pouvoirs publics10.

Pourtant, les études faites sur le terrain convergent généralement vers une même idée, soit
que l’indépendance judiciaire n’est pas adéquatement protégée en Haïti. En effet, Michel
Forst, l’expert indépendant des Nations Unies, a constaté que, lors de sa visite dans le pays
en 2012, l’indépendance judiciaire est loin d’être assurée. D’où sa déclaration:« Je ne peux
que redire ma profonde déception […], comme si l’indépendance de la magistrature ne
représentait pas l’un des enjeux pour la mise en œuvre de l’État de droit.»11 L’opinion du
juge Anel Alexis Joseph, Président de la Cour de cassation haïtienne, n’est pas divergente.
En effet, un article publié dans l’Alter Presse, un journal très réputé en Haïti, a rapporté
que, au cours de son installation, à titre de Président du Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire, il a déclaré que :« [...] une réforme judiciaire est mise en œuvre en Haïti, mais
les résultats demeurent bien maigres. […]ce système de justice n’arrive pas à gagner la
confiance du public »12. Cette déclaration du juge nous a conduit, dans le cadre de cette
recherche, à travailler sur le concept d’indépendance judiciaire.

L’indépendance judiciaire, telle qu’elle est présentée dans le droit international, n’est pas
explicitement définie. Toutefois, les instruments portant ledit principe sur le plan
universel convergent vers un même sens, c’est-à-dire l’indépendance judiciaire consiste

7
Déclaration universelle des droits de l’homme, art.10, en ligne à : «http://www.un.org/fr/documents/udhr/».
8
B, MACLACHLIN, préc., Note 6.
9
Constitution de la République d’Haïti du 29 mars 1987, art.160,en ligne à:
«http://pdba.georgetown.edu/Constitutions/Haiti/constitution_francais.pdf.(Site consulté le 11novembre2012)
10
Mirlande MANIGAT, Manuel de droit constitutionnel, Uniq, Port-au-Prince, Haïti, ch-3.
11
Michel FORST, expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, Point de presse de l’expert indépendant des
NationsUnies sur la situation des droits de l’homme en Haïti, MISSION DES Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTHA),
décembre 2012, publié dans la catégorie : Points de presse. Quoi de neuf? En ligne à : «http://minustah.org/?p=38988 » (Site consulté le
17 janvier 2012).
12
Alter Presse, « Haiti-Justice : un pas historique franchi avec l’installation du CSPJ, applaudissent Joseph et Martelly », Alter Presse,
03/07/2012, en ligne à : « (www.alterpresse.org) ».(Site consulté le 15 novembre 2012)

2
en la garantie du processus décisionnel des juges contre les ingérences des pouvoirs
publics. En effet, le juge, au regard de la Déclaration Universelle sur l’indépendance de
la magistrature13, rapport ayant vocation de proposer une norme juridique (ci-après : la
Déclaration) et des Trente deux articles de Syracuse14 (ci-après : Trente-deux articles)
doit jouir de deux types d’indépendance, soit l’indépendance personnelle et
l’indépendance substantielle15. La première signifie que les termes et conditions de la
fonction judiciaire garantissent que le processus décisionnel n’est pas soumis au contrôle
du gouvernement16. La seconde signifie que le juge est libre d’exercer son processus
décisionnel en fonction de la loi et selon la dictée de sa conscience17.

Cette définition de l’indépendance judiciaire tient dans la doctrine juridique internationale


que, selon le juriste Shimon Shetreet, elle tend à garantir, sur le plan universel,
l’effectivité de la fonction judiciaire en prévenant l’arbitraire dont la personne humaine a
été victime dans le passé18.

Force est de noter que s’impose dans le monde juridique international la conception selon
laquelle l’indépendance judiciaire vise à assurer que la fonction judiciaire ne servira pas
de simple paravent pour légitimer des décisions arbitraires des pouvoirs publics ou que
des puissances publiques ne respectent pas le « Rule of Law ». Delà les règles juridiques,
posées pour protéger ledit principe, n’importent que si elles sont susceptibles de prévenir
suffisamment l’arbitraire. En effet, cette conception de l’indépendance judiciaire, telle
qu’elle se présente, sous-tend l’opérationnalisation de trois (3) principes sacramentels

13
La Déclaration universelle sur l’indépendance de la magistrature, adoptée à la Conférence mondiale sur l’indépendance de la justice,
Montréal en juin 1983, (UNDOC.E/CN.4 /Subs.2/1985/18/Add.6.,Annexe 6), dans Shimon SHETREET,. and Deschênes, J., Judiciail
Indendence, Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht/Boston/Lancaster, 1985, p. 462, en ligne à:
« books.google.ca/books?isbn=9024731828« . (Site consulté le 06 décembre 2013).
14
Syracuse Draft on the Principles of the Judiciary Independence, Un Sub-Commission on the Protection of Minorities in the Prevention
of Discrimination, ( UNDoc.E/CN.4/Sub2/481/Add/), voir p.1, en ligne à: (http://cristidanilet.ro/docs/Siracusa%20Principles.pdf). (Site
consulté le 06 décembre 2013.
15
Id. p.1.
16
Trente-deux articles, préc., Note 14.
17
Déclaration, préc., Note 13.
18
S.SHETREET, Judges and trial. A study of the appointment and accountability of the English judiciairy, GodonJ. Borrie, North-
Holland Publishing company, Amsterdam, 1976, p.17.

3
considérés comme des garanties suffisantes contre l’arbitraire. Il s’agit de la légalité, de la
primauté du droit et la séparation des pouvoirs19.

Concernant le principe de la légalité, le Doyen Georges Vedel en a dégagé une


conception, à la fin du 20e siècle, non moins imposante20. Selon lui, ce principe est lié à la
hiérarchie des normes postulant l’application de la loi lato sensu, c’est-à-dire les actes des
décideurs ne valent que s’ils cadrent avec les règles supérieures, soit les règles découlées
de la Constitution et des balises internationales21. Une telle approche est étroitement liée à
la fameuse vision du juriste Hans Kelsen du droit selon laquelle toute norme juridique
reçoit sa validité de sa conformité à une norme supérieure, formant un ordre hiérarchisé
contrôlé par un juge indépendant22.

Ensuite, selon le professeur Albert V. Dicey, la primauté du droit postule la soumission de


tout individu à la loi tel que les détenteurs du pouvoir politique sont, eux-mêmes,
passibles des tribunaux et ne peuvent recourir à des prérogatives discrétionnaires pour y
échapper23. D’où l’une de ses idées non moins percutantes:

« [...]le règne de la loi » exclut de toute exemption des fonctionnaires […]de l’obligation
d’obéissance à la loi qui régit les autres citoyens ou de la juridiction des tribunaux
ordinaires. »24

La séparation des pouvoirs se veut contraignante s’agissant de confier « l’exercice du


pouvoir non à un organe unique, mais à plusieurs organes, chargés chacun d’une
fonction différente […]»25. Il s’agit en effet d’un principe prôné par John Locke au
17esiècle; et que Montesquieu a approfondi au 18e siècle26. En d’autres termes, Locke,

19
Shérif BASSIOUNI (dir), La démocratie : Principes et réalisation, Publications élaborées par l’Union Interparlementaire, B.P.438,
1211, Genève, 1998, voir p.2-15, en ligne à : «www.ipu.org/PDF/publications/DEMOCRACY_PR_f.pdf».(Site consulté le 20 décembre
2014).
20
Georges VEDEL, Manuel, p.118, cité dans Louis FAVOREU, Légalité et constitutionnalité, cahiers du Conseil constitutionnel No3-
novembre 1997, en ligne à : «http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-
n-3/legalite-et-constitutionnalite.52858.html » (Site consulté le 26 décembre 2014).
21
Id.
22
Hans KELSEN, Théorie pure du droit, Coll : la pensée juridique, L.G.D.J, en ligne à : «http://fr.wikipedia.org/wiki/Hans_Kelsen»
(Site consulté le 06 mars 2015).
23
Albert Venn DICEY, Introduction à l’étude du droit constitutionnel, traduction française de André BATUT et Gaston JÉZE,
Paris :V.Giard &E. Brière, 1902.-Ed. française/ complétée par l’auteur, en ligne à : http://www.numalire.com/devisables/735673-
introduction-etude-droit-constitutionnel-dicey-albert-venn-ribot-alexandre-batut-andre-jeze-gaston-
71290c4b90748221e4ed13bb042f598f.html(Site consulté le 03 novembre 2013).
24
Id., p.209-210.
25
Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 13e édition, Dalloz, Paris, 2001,p.507.
26
CONSEIL DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC, L’indépendance judiciaire :contrainte ou gage de liberté, Bibliothèque
Nationale du Québec, 2003,. p.19.

4
dans le « Traité du Gouvernement Civil »27, montre la nécessité d’organiser le pouvoir
politique pour limiter l’arbitraire. Il trouve, dans ce sens, trois grandes fonctions dans le
pouvoir politique, soit la législative, l’exécutive et la fédérative.

La fonction législative, selon Locke, consiste à adopter des lois dont l’exécutif est chargé
d’assurer l’application28 et la fonction fédérative consiste en l’établissement de la sécurité
publique. Il s’agit surtout, à comprendre l’auteur, d’éviter la concentration du pouvoir
susceptible de générer l’arbitraire. En effet, il a déclaré:

« La tentation de porter atteinte sur le pouvoir serait trop grande si les mêmes personnes qui ont
le pouvoir de faire les lois avaient aussi entre les mains le pouvoir de les faire exécuter, car
elles pourraient se dispenser de les faire exécuter. »29

Quant à Montesquieu, il prône, dans l’Esprit des lois30, un équilibre entre les trois
pouvoirs: « Le pouvoir doit arrêter le pouvoir.»31, a-t-il soutenu. Ce qui sous-tend que la
Constitution, la norme fondamentale, doit définir explicitement le champ de compétence
des trois pouvoirs de l’État tel qu’ils ne peuvent abuser de leur fonction32. D’où l’une de
ses formules lapidaires:

« Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance
législative et exécutive. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la
liberté des citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la
puissance exécutive, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur. »33

Notons en effet que la légalité, la primauté du droit et la séparation des pouvoirs, comme
l’explique le juriste Thomas Amico, sont d’autant plus significatifs qu’ils tiennent des
textes fondateurs de l’État de droit : soit la Magna Carta, la loi d’Habeas Corpus, le Bill
of Rights et l’Act of Settlement34. La Magna Carta réfère d’abord au document dans lequel
les barons anglais ont obligé Jean Sans Terre à négocier une charte des libertés, dite
27
John LOCKE, Traité du gouvernement (1690), Éditions de Londres, 1728, par David Mazel, 1795, en ligne à :
«http://classiques.uqac.ca/.../locke_john/traite_du_gouvernement/tr...»(Site consulté le 28 janvier 2013).
28
Id., p.98.
29
Id., p.97.
30
Charles-Louis de SECONDATMONTESQUIEU, De l’esprit des lois, TomeI, présentation, 1758, par Laurent VERSINI,
Paris,Gallimard,1995,en ligne à:
«http://classiques.uqac.ca/classiques/montesquieu/de_esprit_des_lois/de_esprit_des_lois_presentation.html ». (Site consulté le 06 janvier
2013).
31
Id., Tome II, p.46.
32
Id.
33
Id., p.47.
34
Thomas AMICO « La Magna Carta », p.6, en ligne à : http://www.tomamico.com/wp-content/uploads/2006/08/magnacarta.pdf, (Site
consulté le 27 juin 2013).

5
Magna Carta ou Grande Charte qui énonce un ensemble de mesures pratiques. Celles-ci
importent au point qu’elles sont essentiellement liées au droit de tout citoyen à un
jugement impartial et équitable35. D’où l’un de ses principes :«Aucun homme libre ne sera
arrêté ou emprisonné, […] ou déclaré hors la loi, […] sans un jugement loyal de ses pairs
conformément à la loi. » 36 La Magna Carta a certes conscientisé les décideurs quant à la
nécessité de lutter contre l’arbitraire, mais elle n’a pas eu immédiatement l’effet escompté
du fait que ses principes ont été trop implicites37. C’est d’autant vrai que le Parlement
allait adopter les trois autres textes susmentionnés qui vont désormais transformer la
pratique judiciaire.

En effet, l’Habeas Corpus s’impose si ses garanties peuvent se résumer en:1)


l’implantation des cours et tribunaux seuls compétents pour statuer sur tout acte
d’accusation; 2) l’obligation de présenter tout prisonnier, dans un délai raisonnable, à son
juge38. En ce sens, ledit texte prévoit clairement: «Toute personne arrêtée […]a le droit
de passer par devant un juge dans les trois jours pour que celui-ci statue sur la légalité
de son arrestation et décider éventuellement de sa remise en liberté.»39

Puis, le Bill of Rights est le texte par lequel le Parlement a limité considérablement la
monarchie en postulant la soumission du Roi à la loi40 . En effet, il préconise que« La loi
est au-dessus du roi »41. Ce qui signifie précisément qu’il ne peut abuser de ses
prérogatives pour attenter à la dignité de la personne humaine.

35
The British Library Board, Registre de la mémoire du monde, Magna Carta, promulguée en 1215, 96 Euston Road, Londres, NW12DB,
Réf. No2008-29, p.1, en ligne
à :«http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/mow/nomination_forms/magna_carta_fr.pdf»(Site consulté le 26
janvier 2013).
36
Id.
37
Magna Carta., préc.,Note35.
38
Joseph Dale ROBERTSON, “ Habeas Corpus, the most extraordinary writ”, (2002) Center for the preservation of Habeas Copus, p.1,
en ligne à:” http://www.habeascorpus.net/hcwrit.html»(Site consulté le27 janvier 2012).
39
Id.
40
Déclaration des droits, English Bill of Rights1689, Royaume-Uni, (2002-2008), en ligne à : «http://mjp.univ-
perp.fr/constit/uk1689.htm» (Site consulté le 27 janvier 2013).
41
Id.

6
Enfin, l’Act of settlement importe surtout du fait d’avoir prévu l’indépendance judiciaire
tout en prévoyant le droit des juges à des salaires fixes et l’interdiction de procéder à leur
révocation sans motif42.

Soulignons que cet ensemble de principes importent au point qu’ils constituent, selon le
juriste Thomas Amico, le véritable fondement de l’indépendance judiciaire. Autrement
dit, à comprendre l’auteur, ils ont inspiré la communauté juridique internationale
s’agissant de la définition des véritables paramètres dudit principe43 susceptibles
d’orienter les décideurs pour poser les conditions liées à sa garantie sur le plan interne44.

S’agissant en effet de garantir le respect de l’indépendance judiciaire, l’État haïtien a


défini les règles juridiques liées à la fonction judiciaire. En ce sens, l’inamovibilité se
pose à l’article 177 de la Constitution comme la condition essentielle de la fonction
judiciaire45. Cependant, l’interprétation judiciaire de ces normes, pour reprendre l’expert
des Nations Unies Michel Forst, va à l’encontre des principes qui y sont postulés46. C’est
pourquoi, notre objectif dans le cadre de ce travail de recherche, consiste spécifiquement
en l’étude, au regard des principes universels, des règles juridiques qui sous-tendent la
fonction des juges en Haïti.

La pertinence du sujet

Il est légitime d’étudier les règles juridiques relatives à la fonction des juges haïtiens. Car
le sujet intègre divers aspects du problème relatif au modèle de développement socio-
juridique et politique intéressant toute la collectivité. Il tient premièrement des lacunes de
ces règles. Il exprime ensuite les limites des différentes mesures prises par les décideurs
pour réformer le système judiciaire. Il permet enfin de s’interroger plus largement sur les
défis auxquels sont confrontés l’État et la communauté internationale quant à la
construction véritable de l’État de droit en Haïti.
42
The Acte of Settlement (1701) 12 &13 Will III, c.2, en ligne à: « http://web2.uvcs.uvic.ca/courses/lawdemo/DOCS/AS1701.htm « (Site
consulté le 03 octobre 2013).
43
T.AMICO, préc., Note34.
44
HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS-UNIES AUX DROITS DE L’HOMME (HCNH, ci-après Titre choisi), Principes
fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, approuvés par l’Assemblée générale dans sesrésolutions 40\32 du 29
novembre 1985 et 40/146 du 13 décembre 1985, en ligne à : « www2.ohchr.org/french/law/magistrature.htm ».
45
Constitution.,préc., Note 9, art.177.
46
M.FORST, préc., Note 11.

7
En fait, suite à la chute de Duvalier, le peuple haïtien a voté la Constitution de 1987
réaffirmant notamment l’indépendance du pouvoir judiciaire47, mais malgré toutes les
mesures prises par l’État, l’arbitraire est tel que l’impunité tend à devenir un phénomène
social dans le pays48.

En effet, il existe, à la lecture attentive de la littérature juridique haïtienne, de nombreuses


recherches portant sur la problématique du dysfonctionnement du système judiciaire. Ces
études de cas s’intéressent avant tout aux causes de cette problématique sans avoir
approché, par rapport aux principes universels, les sources juridiques qui sous-tendent la
fonction judiciaire. Par exemple, le juriste Patrick Pierre-Louis49 pense que la
problématique du dysfonctionnement du système judiciaire est liée au contexte
d’émergence de l’État. Il s’agit, selon lui, d’un pouvoir judiciaire établi par les pères
fondateurs pour assurer la défense nationale qui soumet les juges à l’exécutif. L’approche
de la Commission Préparatoire sur la Réforme du Droit et de la Justice (ci-après :
Commission Préparatoire) n’est pas différente si bien qu’elle postule que l’organisation
dudit pouvoir a été, dès la fondation de l’État, telle qu’elle allait reproduire les inégalités
sociales criantes du système esclavagiste50.

La question spécifique et l’hypothèse de recherche

Force est de préciser que nous voulons, dans le cadre de cette recherche, répondre à la
question suivante : est-ce que les règles juridiques liées à la fonction des juges haïtiens
sont susceptibles d’assurer, tel qu’elle est prévue dans le droit international, la garantie de
l’indépendance judiciaire?

Et l’hypothèse de recherche consiste en cette idée que les lacunes des règles juridiques qui
garantissent l’indépendance judiciaire pourraient être un facteur explicatif de la
problématique du dysfonctionnement du système judiciaire haïtien en facilitant les
47
Id., art.60.
48
MISSION CIVILE INTERNATIONALE EN HAITI (ci-après :MICIVH), La lutte contre l’impunité et pour la réparation en Haïti, un
rapport de la MICIVIH en Haïti, Port-au-Prince Haïti, 2000, p.125.
49
Patrick PIERRE-LOUIS, « La réforme de la justice en Haïti: les affres d’un défi », p.4, en ligne à :
« http://sistemasjudiciales.org/content/jud/archivos/notaarchivo/661.pdf ».(consulté le 18 janvier 2013).
50
COMMISSION PRÉPARATOIRE SUR LA RÉFORME DU DROIT ET DE LA JUSTICE, Document de politique générale (2 e
version), Ministère de la Justice et de la sécurité publique, p.32, en ligne à : «protectioncitoyenhaiti.org/index.php?option=com...id..»(Site
consulté le 30 avril 2015).

8
ingérences des pouvoirs publics dans le processus décisionnel. Cette hypothèse est liée au
fait qu’il est de principe que, sur le plan international, la garantie de l’indépendance
judiciaire doit passer nécessairement par la définition, au niveau des lois et normes
pertinentes, des conditions de la fonction judiciaire. En effet, l’attitude des décideurs
haïtiens et celle de la communauté internationale, au cours de la réforme judiciaire initiée
en 2007, a fortement illustré cette idée. Soit que le législateur a voté trois lois relatives au
pouvoir judiciaire dont la première porte le statut de la magistrature et les deux autres sont
respectivement liées à la création de l’organe administratif et à l’organisation de l’École
de la Magistrature51. Encore plus, ces lois, à comprendre l’expert des Nations Unies Forst,
sont encore plus importantes qu’elles sont susceptibles de garantir l’indépendance
judiciaire pour aboutir à la construction véritable d’un État de droit dans le pays52.

La méthodologie de recherche

Notre travail s’articule entre l’analyse exégétique traditionnelle53 et la proposition de


réforme du droit. Dans ce sens, nous analysons, d’une part, les données collectées et
agencées au cours de la recherche sur le terrain pour vérifier l’hypothèse. Il s’agit
précisément des règles de droit et des informations juridiques relatives à l’indépendance
judiciaire. D’autre part, nous essaierons de proposer des pistes de solution au problème
juridique constaté sur le terrain. Ce qui servira à orienter les décideurs dans le cadre des
jalons à poser pour dynamiser le système judiciaire.

L’indépendance judiciaire, selon le juriste Daniel C. Préfontaine, est en fait assurée par
plusieurs principes de portée universelle54. L’Assemblée générale de l’ONU, pour
reprendre le juriste Shimon Shetreet, a entériné ces principes par l’adoption des Principes

51
Loi du 13 novembre 2007 organisant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (ci-après :Loi du 13novembre), Loi du 27 novembre
2007 sur le statut de la Magistrature(ci-après :Loi du 27 novembre, ci-après), Loi du 15 novembre 2007 organisant l’École de la
Magistrature, Port-au-Prince, Haïti, Moniteur No 112 du 20 décembre 2007.
52
M., FORST, préc., Note 11.
53
L’analyse exégétique est une : « recherche visant à recueillir et agencer des données juridiques, à interpréter le droit positif, et à faire
l’analyse ou l’exégèse des sources juridiques fiables », voir Pierre TRUDEL, La recherche sur les rationalités de la règle de droit et les
techniques de règlementation-Éléments d’un modèle, Centre de recherche en droit public, Faculté de droit, Université Laval, Québec,
p.7, en ligne à : www.chairelrwilson.ca/cours/drt6929a/Rationalites-techregl (Site consulté le 14 mai 2013); La proposition de réforme
du droit est une : « recherche visant à apporter des modifications au droit, soit pour corriger certaines anomalies, rehausser son
efficacité ou assurer un changement d’orientation », P.TRUDEL, Id.
54
Daniel C. PRÉFONTAINE et Q.C Joane LEE, The rule of law in the judicial independence, Paper prepared for World Conference on
the Universal Declaration of Human Rightls , Montréal, December 7,8et1998, The International Centre for Criminal Law Reform and
Criminal Justice Policy, 1822, East Mall,Vancouver, B.C Canada ,tel:(604)822-9875Fax:(604)822-9317P.4.

9
fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature en 198555(ci-après :
Principes). Aussi, à comprendre encore Préfontaine, les Principes importe amplement en
ce qu’il a mis beaucoup plus d’importance sur les conditions liées à la fonction
judiciaire56. Dans ce cadre, notre recherche est liée aux énoncés de deux types de textes,
soit 1)le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques57(ci-après: Pacte), dont
les principes sont entérinés respectivement58 par les articles 659.et 860des Conventions
européennes (ci-après: Convention européenne)et américaine des droits de l’homme(ci-
après: Conventions américaine); 2) la Déclaration61, les Trente-deux articles62, les
Quarante normes de l’International Bar Association Code of Minimum Standards of
Judiciairy Independence63(ci-après: Quarante normes et les Principes64.

Comme le perçoit aussi Saâd Moummi, Président de la chambre à la Cour suprême du


Maroc, les divers systèmes judiciaires, tels qu’ils se présentent sur le plan international, se
distinguent quant à leurs cultures et leurs traditions juridiques. En ce sens, il se révèle
vraiment difficile de transposer l’expérience faite par un régime juridique déterminé dans
un autre. Toutefois, il est un fait que, pour reprendre le juriste, s’agissant de trouver des
solutions liées aux garanties de l’indépendance judiciaire, les divers régimes juridiques
nationaux dialoguent au point que chaque régime juridique est attentif aux réussites de son
voisin65. De ce point de vue, nous utiliserons deux illustrations nationales des principes
internationaux (les régimes juridiques français et canadien) visant à assurer la garantie de
l’indépendance judiciaire pour répondre à la question de recherche.

55
S.SHETREET and J.DESHÊNES, Judicial independence: The contempory Debate, Martinus Nihjoff Publishers, 1985, P.O. Box 163,
3300 AD Dordrecht, The Netherlands, p.8, en ligne à: “« books.google.ca/books?isbn=9024731828 « . (Site consulté le 06 décembre
2013).
56
D.C. PRÉFONTAINE., préc., Note 54.
57
Pacte International relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée
générale dans sa résolution 2200 A XXI du 16 décembre 1996, entrée en vigueur le 23 mars 1976, conformément aux dispositions de
l’article 49, en ligne à : «http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm»(Site consulté le 28 janvier 2013).
58
P.LEUPRECHT, « Conférence d’ouverture », dans CMQ, préc., Note 26,p.20.
59
CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME, Conseil de l’Europe,F-65075, Strasbourg, Cédex, art.5.4, en ligne à :
««www.echr.coe.int » (Site consulté le 28 janvier 2013).
60
Convention américaine relative aux droits de l’homme, Commission interaméricaine des droits de l’homme, Secrétariat Général de
l’O.E.A, série sur les traités, no36, 22 novembre 1969,enregistrée à l’O.N.U 27 août 1979, no.17955,art.8, en ligne :
«www.cidh.oas.org/Basicos/French/d.convention.rat.htm »(Site consulté le 23 octobre 2012).
61
Déclaration.,préc.,Note13.
62
Trente-deux articles,préc., Note 14, p.1.
63
INTERNATIONAL BAR ASSOCIATION, Code of Minimum Standards Judicial Independence, International Bar Association, par.44,
en ligne à:www.ibanet.org/Document/Default/.aspx?...52b1(Site consulté le 14 octobre 2011).
64
H.C.N.H., préc., Note 44.
65
Saâd MOUMMI, Sous-thème2 :Les protections personnelles du juge, dans AHJUCAF, préc., Note 4, p.136.

10
Notons que l’utilisation des régimes juridiques français et canadien s’impose en ce que
ces deux droits ont pris certaines mesures non moins pertinentes liées au respect de
l’indépendance judiciaire sur le plan interne. En effet, concernant le régime juridique
français, le Parlement a reconnu que, dans son avis sur l’indépendance judiciaire en juillet
2013, les dispositions constitutionnelles cohabitent avec plusieurs instruments
internationaux adoptés par l’ONU, notamment le Pacte66.

De même, selon le juge Dickson67 et l’auteur Peter Leuprecht68, le droit canadien travaille
au respect de l’indépendance judiciaire si bien que les juges et tribunaux s’inspirent des
énoncés des documents comme les Principes, le Pacte, les Conventions européennes et
américaines, la Déclaration, les Trente-deux articles et les Quarante normes.

Le travail comprend deux grands chapitres divisés chacun en deux sections. Le premier
chapitre est consacré au cadre international du principe de l’indépendance judiciaire et aux
incarnations de ces principes au sein de deux régimes juridiques nationaux, soit les régimes
juridiques français et canadien. Pour dire autrement, nous présentons, d’une part, les balises
susceptibles de rendre la légalité (Rule of Law) et la séparation des pouvoirs effectives dans
les différentes institutions judiciaires internationales. Et, d’autre part, les mesures posées
dans les régimes juridiques français et canadien pour mettre en œuvre ces principes.
Deuxièmement, nous abordons, dans le dernier chapitre, la problématique du
dysfonctionnement des institutions judiciaires haïtiennes. Ce faisant, nous décrivons,
premièrement, les caractéristiques du régime juridique haïtien, son mode de fonctionnement
et le contexte sociopolitique actuel. Deuxièmement, nous ferons une critique des règles
juridique relatives à la fonction des juges avant d’essayer de proposer, le cas échéant, des
pistes de solution susceptibles de dynamiser le système judiciaire.

66
FRANCE, ASSEMBLÉE GÉNÉRALE PLÉNIÈRE, Avis sur l’indépendance de la justice, « introduction », JORF n°017627, juillet
2013, page NOR:CDHX1320084V, en ligne à:
« http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027778844&dateTexte=&categorieLien=id»(Site consulté le
29 octobre 2013).
67
Beauregard c.Canada [1986]2RC.S.no56, par.33.
68
Peter LEUPRECHT, préc., Note 58, p.20.

11
CHAPITRE 1

Le cadre international de l’indépendance judiciaire : les balises susceptibles de


rendre la légalité (Rule of Law) et la séparation des pouvoirs effectives dans les
différentes institutions judiciaires internationales

12

12
La problématique du principe de l’indépendance judiciaire a été, à la fin du 20e siècle, si
préoccupante que la communauté juridique internationale, dans le but de faciliter le respect
dudit principe, a adopté plusieurs déclarations de principes de portée universelle dans
diverses conférences internationales. Citons, entre autres, la Déclaration, les Trente-deux
articles et les Quarante normes, trois documents que l’Assemblée générale de
l’Organisation des Nations Unies (l’ONU) a confirmés par l’adoption des Principes en
198569. Ces déclarations tiennent en ce qu’elles renferment vraisemblablement les
paramètres de l’indépendance judiciaire susceptibles de protéger le processus décisionnel
des juges contre les ingérences des pouvoirs publics, et ce, par la garantie de l’effectivité
des principes sacramentels de la légalité et de la séparation des pouvoirs. De même,
plusieurs régimes juridiques (par exemple, ceux des États français et canadien) s’en
inspirent dans le cadre de la définition des mesures liées à la garantie de la fonction
judiciaire sur le plan interne. D’où le contexte dans lequel nous abordons le premier
chapitre de notre travail de recherche, et il se divise précisément en deux grandes sections si
nous nous évertuons à présenter, d’une part, les balises susceptibles de rendre les principes
de la légalité et de la séparation des pouvoirs effectifs dans les grandes institutions
judiciaires internationales (1.1). Et, d’autre part, les mesures prises dans les régimes
juridiques français et canadien pour assurer la mise en œuvre des balises internationales de
l’indépendance judiciaire sur le plan interne (1.2).

1.1 Les balises internationales de l’indépendance judiciaire portant le respect de la


légalité et de la séparation des pouvoirs

Selon le Philosophe Jûrgen Habermas, l’accès à la justice relève, dans un État de droit, des
intérêts premiers des citoyens70 en ce qu’il est du devoir de l’État d’assurer conformément
à la loi l’accès de tous les citoyens aux recours judiciaires. Encore plus, les décisions
judiciaires doivent faire autorité au point qu’elles s’imposent envers et contre tous71. Dans
ce sens, les institutions judiciaires doivent être établies en vertu de la loi et ils doivent être
compétentes pour exercer librement le processus décisionnel et inspirent confiance aux

69
Martin Lawrence FRIEDLAND, Une place à parti: l’indépendance et la responsabilité, Ottawa, Conseil de la Magistrature, 1995.
70
Jurgen HARBERMAS, Droit et démocratie, Paris, Gallimard, 1997, p.151 et 152.
71
C.BASSIOUNI (dir.).,préc., Note 19, p.6.

1313
justiciables72. D’où les garanties de la légalité et de la séparation des pouvoirs formulées
dans les instruments internationaux. Nous présenterons, dans cette section divisée en deux
sous-sections, d’une part, des balises liées au respect de la légalité (1.1.1) et, d’autre part,
des balises liées au respect de la séparation du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics
(1.1.2).

1.1.1 Les balises internationales portant le respect de la légalité: les garanties relatives
à la conformité des décisions judiciaires aux normes supérieures

Comme le démontre aussi le philosophe Alexis de Tocqueville, les Agents de la puissance


publique, dans une société libre et démocratique, doivent être soumis à la loi en fonction
de laquelle les juges et tribunaux tranchent les litiges et ne doivent pas pouvoir recourir à
des prérogatives discrétionnaires pour échapper à la justice73. En ce sens, les garanties de
la conformité des décisions judiciaires aux normes supérieures (soit les principes
constitutionnels), pour reprendre le Professeur David Beetham, doivent être posées. Elles
doivent cadrer avec les balises internationales au point qu’elles sont susceptibles de
permettre aux juges et tribunaux d’exercer le processus décisionnel sans être soumis aux
influences des pouvoirs publics74. Ce qui signifie explicitement qu’elles doivent assurer
que l’interprétation de la règle de droit interne tient des garanties juridiques prévues dans
les instruments tels que le Pacte et les Conventions américaine et européenne précitées.
Précisons que plusieurs Cours ont interprété ces garanties pendant qu’ils posent un
ensemble de principes susceptibles de faciliter leur application dans les différents régimes
juridiques internes. Qui plus est, nombreux sont les commentaires doctrinaux y afférents.

72
Id.,p.6.
73
A. de TOCQUEVILLE, préc., Note1.Notons que Saâd Moummi ajoute aussi que « l’indépendance du judiciaire […]se situe au
fondement de l’État de droit et garantit non seulement une justice égale pour tous, mais la suprématie du droit sur le pouvoir », préc.,
Note 64, p.130.
74
C.BASSIOUNI (dir.), préc., Note19, p.27. Concernant le contrôle de la légalité, Nicole Duplé pense que, dès qu’il est exercé en toute
indépendance par rapport au pouvoir exécutif, n’importe quels tribunaux peuvent être compétents. Voir Nicole DUPLE, l’indépendance
et l’impartialité de la justice, dans AHJUCAF, préc., Note 4, p.85.

14
Concernant en effet ces garanties, il est de principe que, à la lecture de l’article 14.1du
Pacte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue, dans un délai raisonnable, par
un juge ou un tribunal indépendant75. Ledit article porte clairement que:

« […]Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement


par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera du bien-
fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil.»76

D’abord, interprétant cette garantie dans Golder c.Royaume-Uni, la Cour européenne


perçoit qu’elle met l’État devant sa véritable responsabilité sur le plan interne en termes de
respect de l’indépendance judiciaire. Parce que ce dernier doit prendre toutes les mesures
nécessaires pour assurer l’effectivité du principe de la prééminence du droit s’agissant de
créer les conditions pour permettre aux juges et tribunaux de donner l’apparence
d’indépendance et d’impartialité77. Ce principe importe que la Cour le renforce dans
Hornsby c.Grèce et elle postule que:« […]la protection effective du justiciable et le
rétablissement de la légalité impliquent l’obligation […]de se plier à un jugement ou arrêt
prononcé[…] »78. De même, cette obligation, selon ladite Cour, nécessite une exécution
rapide et effective de ce jugement ou arrêt79.

Et, au regard de la Cour constitutionnelle de la Suisse dans l’ABSL Union Professionnelle


de la Magistrature et autres c. l’État belge, le statut des magistrats, appelés à se prononcer
sur le litige, doit être pertinent en étant en mesure de priver le justiciable de tout doute lié à
l’exerce des fonctions de juger. Ce qui signifie que les garanties de la fonction judiciaire
doivent être telles que les pouvoirs publics ne sauraient utiliser les privilèges dont ils
disposent pour intervenir dans les activités judiciaires, nuisant à l’effectivité de la
légalité80.

Le juriste P.Nihoul pense que l’apparence d’indépendance et d’impartialité requise ne peut


être possible que si les garanties de la fonction judiciaire sont posées tel que les pouvoirs

75
Pacte., préc., Note 57.
76
Id., art.14.1.
77
Golder c.Royaume-Uni, série A no18, CEDDH1975, par.34-36.
78
Hornsby c.Grèce, no18357/91, CEDH1997-II.Voir aussi Recueil Dalloz 1998, par.42.
79
Id., p.74.
80
C.Const., req. en annulation, 10 juin2014, p.10.

15
publics ne peuvent faire des pressions sur les juges et tribunaux pour les empêcher
d’exercer le processus décisionnel selon la loi81. Notons cette idée du juriste Nihoul:

[…]les pressions du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et des pouvoirs de fait ne peuvent
affecter l’indépendance personnelle du magistrat. Il faut également y ajouter les pressions
provenant de l’intérieur de la magistrature. Cette indépendance n’est pas un privilège mais se
justifie par la nécessité de permettre aux juges de remplir leur mission de gardien des droits,
des libertés et de l’État de droit82.

Pour Alexis de Tocqueville, les pouvoirs publics sont dans l’obligation d’assurer le respect
de l’indépendance des juges et tribunaux étant donné que leur rôle de gardien des droits et
des libertés fondamentales comporte des implications importantes telle que : « […] tous les
citoyens ont le droit d’accuser les fonctionnaires publics devant les juges ordinaires, et
que tous les juges ont le droit de condamner les fonctionnaires publics, tant la chose est
naturelle »83. Ce droit de juger les agents de l’exécutif en cas de la violation de la loi tient
encore plus, au vu de l’auteur, qu’il se rapporte exclusivement à un droit qui lui en est
imposé par la nature que personne ne peut lui enlever84.

Gàbor Szeplaki-Nagy, Conseiller référendaire à la Cour suprême de Hongrie, juge que


l’État doit implanter les tribunaux si bien qu’ils sont en mesure d’exercer le processus
décisionnel en fonction de la loi découlée des textes généraux abstraits qu’il a déjà mis à
leur disposition85.Ce qui fait dire à l’auteur que: « un juge indépendant n’est pas libre de
faire ce qui lui plaît, ou même ce qui lui semble utile au bien de l’État ou de ses
concitoyens »86.

Et Ivan Verougstraete, Président de la Cour de cassation de la Belgique, postule que la


soumission des pouvoirs publics à la loi, au même titre que les citoyens, requiert que les
garanties constitutionnelles ou statutaires de l’indépendance judiciaire soient posées sur le
plan interne au point qu’elles sont susceptibles de mettre en œuvre les balises
internationales. Et les garanties juridiques liées au respect de la légalité doivent empêcher

81
P. NIHOUL, «L’indépendance et l’impartialité du juge», ADL [Vol.71] 2011, p.217, 254 et 255, dans L’ABL, Union Professionnelle
de la Magistrature et autres c.L’État belge, C.Const., préc., Note 77.
82
Id.
83
A.de TOCQUEVILLE, préc., Note 1, p.93.
84
Id., p.94.
85
Gàbor SZEPLAPLAKI-NAGY, Les protections de l’indépendance. Sous-thème1 :Les protections statutaires et matérielles, dans
AHJUCAF, préc., Note 4, p.116.
86
Id.

16
ces pouvoirs d’échapper à la justice administrée par des juges et tribunaux dont les
décisions font autorité envers et contre tous87. D’où la fameuse déclaration de l’auteur:
« Ce pouvoir du juge n’a pas toujours été admis facilement […], la situation a évolué et la
responsabilité des pouvoirs publics peut être dorénavant mise en cause.»88

Puis, l’article 14.5 dudit Pacte dispose que : « Toute personne déclarée coupable d’une
infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de
culpabilité et la condamnation, conformément à la loi»89.

Intervenant sur cette garantie, la CEDH dans X c. France, perçoit qu’il est de principe que
le gouvernement pose les garanties juridiques susceptibles d’assurer le justiciable que le
recours exercé sera réellement effectif. Soit qu’il ne sera pas confronté à des entraves
excessives au point que son droit d’accès à un tribunal indépendant ou à un procès
équitable va être bafoué90.

Ensuite, au regard de l’article 8 de la Convention américaine, il est du devoir de tout juge


ou tribunal de déterminer les droits et obligations du justiciable dans les différents
domaines du droit91 .

Cette garantie implique que, au regard de la CADH dans Affaire du Tribunal


Constitutionnel c. Pérou, le juge ou le tribunal compétent pour trancher une affaire d’être
d’abord indépendant92 et la Cour précise en effet:

« […]toute personne soumise à un jugement de quelque nature que ce soit devant un organe
de l’État devra disposer de la garantie que cet organe agisse selon les termes de la procédure
légalement prévue pour l’examen et la résolution de l’affaire qui lui est soumise.»93

Aussi, la mise en œuvre dudit principe, au regard de la CADH, nécessite que « l’État
fournisse un recours effectif qui respecte strictement ses garanties judiciaires»94.

87
Ivan VEROUGSTRAETE, Rapport de synthèse, dans AHJUCAF, préc., Note 4, p.161.
88
Id., p.165.
89
Id., art.14.(5).
90
X c. France, no5722/04, CEDH2003.
91
Convention américaine, préc., Note 60, art.8.
92
Affaire du Tribunal Constitutionnel c.Pérou Fond, Réparation et Frais. Arrêt du 15 septembre 2015. Série C.No134, par.59.
93
Id.

17
Du point de vue doctrinal, le juriste Ivan Verougstraete pense que: « la tâche du juge est
[…] de s’assurer, dans sa sphère de compétences que les intérêts du citoyen et des
collectivités soient adéquatement pris en compte »95. Et selon le Professeur François
Martineau, il s’agit pour le juge d’être cohérent en tranchant les litiges et il doit pouvoir
sélectionner la règle de droit applicable aux faits qui lui sont soumis par les parties. Et il
importe que la sélection de cette règle soit faite en fonction des demandes de justice
portées à sa connaissance, notamment les faits de l’espèce96.

Aussi, l’article 5.4 de la Convention européenne porte que la personne privée de sa liberté
doit pouvoir exercer un recours devant le juge ou tribunal compétent. Celui-ci doit statuer
sans délai sur la légalité de son arrestation ou de sa détention. Il doit ordonner sa remise
en liberté si l’arrestation ou la détention est jugée illégale97.

En principe, la CEDH, dans l’arrêt Schiesser c.Suisse, pose que le juge ou tribunal en
question doit fournir au justiciable des garanties appropriées à la fonction judiciaire. Dans
ce sens, le justiciable doit être assurée que ledit juge ou tribunal remplit véritablement les
conditions requises pour exercer les fonctions de juger, notamment son indépendance par
rapport aux pouvoirs publics98.De même, au regard de ladite Cour, le recours que doit
exercer la personne doit être d’autant plus effectif qu’il est « apte à donner des résultats
ou des réponses aux violations des droits garantis par la Convention»99. En ce sens, la
sécurité juridique des citoyens doit être assurée pour permettre aux juges et tribunaux
établis d’être réellement compétents pour décider des litiges en toute indépendance du
gouvernement100. En effet, la Cour précise: «Toute personne soumise à un jugement,
[…]devant un organe de l’État devra disposer de la garantie que cet organe […]agisse

94
Id., par.173.
95
I. VEROUGSTRAETE, préc., Note 87, p.160.
96
François MARTINEAU, Critères et standards rhétoriques de la bonne décision de justice, dans Pascal. MBONGO et coll., La qualité
des décisions de justice, Éditions du Conseil de l’Europe, p.96, en ligne à:
«www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=DRS_083_0155 ».(Site consulté le 16 mars 2015).
97
Convention européenne, préc., Note 59, art.5.4,
98
Schiesser c .Suisse, req no7710/76, CEDDH1979, par.10.
99
Yvon Neptune c. Haïti, arrêt du 6 mai 2008 (Fonds, Réparation et Frais), par.77.
100
Id., par.78.

18
selon les termes de la procédure légalement prévue pour l’examen et la résolution de
l’affaire […]. »101

Le Philosophe Alexis de Tocqueville conçoit que la fonction judiciaire se caractérise


essentiellement par la capacité des juges et tribunaux d’agir véritablement en fonction de
la loi dès qu’ils sont saisis des litiges102. Et la loi dont il s’agit se rapporte aux normes
supérieures, notamment la Constitution en ce que les juges et tribunaux ne sont pas
appelés à appliquer des lois qui sont contraires aux principes constitutionnels qui
délimitent le cadre de fonctionnement de l’État103. Notons en effet cette idée du
Philosophe de Tocqueville:

« Il est donc juste que les tribunaux obéissent à la Constitution, préférablement à toutes les
lois. Ceci tient à l’essence même du pouvoir judiciaire : choisir entre les dispositions légales
celles qui l’enchaînent le plus étroitement, est en quelque sorte le droit naturel du
magistrat. »104

L’auteur soutient encore que les juges et tribunaux sont dans l’obligation d’appliquer la loi
pour garder leur crédibilité à l’égard des citoyens et dès qu’ils refusent de le faire, ils
perdent leur puissance. En ce que:« Ceux qu’ils ont lésés sont alors avertis qu’il existe un
moyen de se soustraire à l’obligation de leur obéir [..:]»105.

De même, selon le professeur Pascal Mbongo, l’existence d’une autorité chargée du


contrôle de la qualité de la justice est nécessaire au respect de la légalité106. Et cette
autorité, pour des raisons de compétence et d’indépendance, ne saurait être ni un organe
juridictionnel ni un service du gouvernement107.

Le respect de la légalité s’impose, pour tout dire d’un mot, dans les différentes institutions
judiciaires internationales si bien que le cadre de la garantie de son effectivité véritable est
délimité dans les instruments internationaux. En fait, il importe que, comme il est prévu
101
Ivcher Bronstein c. Pérou. Compétence. Arrêt du 24 septembre 1999. Serie C No. 54, § 32. Voir aussi Tribunal Constitutionnel c.
Pérou. Compétence. Arrêt du 24 septembre 1999. Série C No. 55, § 31, et Nogueira de Carvalho et autres c. Brésil. Exceptions
Préliminaires et Fond. Arrêt du 28 novembre 2006. Serie C No. 161, § 43, et Almonacid Arellano et autres c. Chili. Exceptions
Préliminaires, Fond, Réparations et Frais. Arrêt du 26 septembre 2006. Série C No. 154, § 45.
102
A.de TOCQUEVILLE, préc., Note1, p.91.
103
Id.
104
Id., p.92.
105
Id.
106
P.MBONGO.,préc., Note 96.
107
Id., p.28.

19
dans ces textes, les différents régimes juridiques définissent les garanties juridiques liées à
la conformité des décisions judiciaires aux principes constitutionnels et aux balises
internationales108. D’où le principe de la primauté du droit selon lequel« nul n’est au-dessus
de la loi et tous les citoyens sont égaux devant la loi »109. Pourtant, à défaut des garanties
explicites de la fonction judiciaire, il est fort possible que la légalité et la primauté du droit
soient inopérantes. En ce que les pouvoirs publics, loin de la séparation effective des
pouvoirs, sont susceptibles d’abuser des prérogatives discrétionnaires qui leur sont
éventuellement préconisées pour nuire au processus décisionnel. En ce sens, les balises
internationales de l’indépendance judiciaire s’imposent en ce qu’elles portent aussi les
garanties de la séparation du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics. Nous allons d’emblée
les mettre en évidence.

108
C.BASSIOUNI., préc., Note 71.
109
Id., p.5.

20
1.1.2 Les balises internationales de l’indépendance judiciaire portant la séparation des
pouvoirs: les garanties de l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et
tribunaux

Les balises internationales visent à assurer la garantie de l’indépendance judiciaire qu’elles


réfèrent aux conditions susceptibles de rendre la séparation des pouvoirs effective dans les
différentes institutions judiciaires internationales. Ces conditions, comme le démontre
l’AHJUCAF, se rapportent à l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et
tribunaux reconnue aux juges au niveau international110. Force est de souligner que les
garanties liées à ces deux aspects de l’indépendance judiciaire, telles qu’elles se présentent,
réfèrent aux énoncés de la Déclaration (ayant vocation de norme juridique), des Trente
deux articles, des Quarante normes et des Principes. Aussi, pour reprendre Shetreet, ces
textes relèvent des déclarations de principes de portée universelle adoptées, dans les
diverses conférences organisées, à la fin du 20e siècle, par la communauté juridique
internationale. Ces déclarations sont encore plus pertinentes que l’Assemblée générale de
l’ONU les a confirmées en adoptant, en 1985, les Principes111. En effet, deux
catégories d’énoncés figurent vraisemblablement dans ces documents en ce que certains
convergent dans le sens de l’indépendance institutionnelle des juges et tribunaux (1.1.2.1),
et d’autres dans le sens de leur indépendance individuelle (1.1.2.2). Présentons-les, dans ce
contexte, dans la section subséquente.

1.1.2.1 Les principes convergeant dans le sens de l’indépendance institutionnelle: les


modalités de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance
administrative

L’indépendance institutionnelle des juges et tribunaux est de rigueur dans le droit


international et les principes convergeant dans le sens de cette indépendance sont relatifs
aux principes de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance
administrative. Concernant premièrement l’inamovibilité, l’article 10 de la Déclaration
reconnait que « la procédure de sélection des postulants magistrats doit être définie
110
AHJUCAF.,préc., Note 4, p.86.
111
S.SHETREET and J.DESHÊNES.,préc., Note 55.

21
conformément à la loi et les modalités doivent permettre de sélectionner les personnes en
fonction du mérite. Elles doivent aussi garantir la fonction des juges contre les nominations
arbitraires ».112 (Notre traduction)

Plusieurs, sur le plan doctrinal, véhiculent des idées convergeant dans le sens de ces
principes. Par exemple, s’agissant de garantir l’indépendance judiciaire, le juriste Alioune
Badara Fall conçoit que le problème ne se pose pas dans le recrutement en soi, mais dans le
contexte et la manière dont il se fait, soit par voie de concours, sous-titre ou les deux à la
fois. En effet, il est moins évident que l’indépendance, à comprendre ledit juriste, soit mise
en danger dans le premier cas que dans l’autre, c’est-à-dire les conditions du concours sont
publiques tel qu’il est fort impossible que l’appartenance politique prime113.

Pour la Professeure Nicole Duplé, la crainte est encore plus sérieuse si l’exécutif doit
procéder à la nomination des juges suite à plusieurs candidatures, pour un même poste,
recommandées par l’organe administratif114. Dans ce cadre, elle dit que: « La liberté de
choix de l’autorité de nomination, bien que restreinte, est néanmoins certaine et on peut
craindre que la personne nommée se sente redevable envers l’autorité qui l’a choisie»115.
Et le juriste Gàbor Szeplaki-Nagy ajoute que le problème est plus complexe si la procédure
de nomination, telle qu’elle est définie, préconise la prérogative discrétionnaire des
pouvoirs exécutif et législatif de choisir les juges116.

L’article 23 des Quarante normes postule que « les nominations des juges temporaires ou
des juges pour une période de probation ne cadrent pas avec l’indépendance judiciaire.
Toutefois, cet usage peut tenir dans les pays de droit civil ayant une magistrature de
carrière sous certaines conditions. Autrement dit, on doit s’assurer de leur intégrité et
prévenir les conflits d’intérêts »117.(Notre traduction)

112
Déclaration., préc., Note13, art.10.
113
Alioune Badara FALL, Les menaces de l’indépendance. Sous-thème1 : Les menaces internes, dans AHJUCAF, préc., Note 4, p.62.
114
N.DUPLÉ., préc., Note 74, p.94
115
Id.
116
G.SZÉPLAKI-NAGY, préc., Note 85, p.122.
117
Quarante normes.,préc., Note 63, art.23.I.

22
De même, au regard de ladite Déclaration, « les conditions de service et durée du mandat
doivent être prévues par la loi. S’agissant de ces conditions, il est de principe que les juges
sont élus ou nommés en fonction des dispositions constitutionnelles et statutaires
pertinentes. Et qu’ils soient élus ou nommés, les juges sont inamovibles dans la mesure où
ils n’atteignent pas l’âge de la retraite ou la fin de leur mandat »118.(Notre traduction). Les
Quarante normes, dans ce cadre, dispose en effet que:“The number of the members of the
highest court should be rigid and should not be subject to change except by
legislation”119.

De même, nombre de commentaires se rapportent à ces principes. Par exemple, la


Professeure Nicole Duplé pense que, si la période de la retraite est préalablement prévue
par la loi et que l’organe chargé de l’évaluation des manquements soit aussi indépendant
du gouvernement, il est inconcevable qu’un juge soit révoqué sans avoir manqué aux
devoirs liés à sa fonction. En ce sens, elle ajoute que : « Le principe de l’inamovibilité
suppose aussi qu’il ne puisse subir de changement dans sa carrière à moins que ceux-ci
résultent d’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions»120.

De même, de l’avis du CCJE, deux causes majeures peuvent conduire à mettre fin à la
fonction d’un juge, soit 1)le juge atteint l’âge de la retraite ou le mandat qui lui a été confié
pour une durée déterminée arrive à son terme121; 2) Si un poste à temps plein est confié
pour une durée limitée, la nomination ne peut être renouvelable que dans les deux
circonstances suivantes122 :

« i, l’organe de nomination examine la demande de reconduction si celui-ci le souhaite et

ii, la décision de reconduction est prise en toute objectivité et au mérite, sans que des
considérations politiques n’entre en ligne de compte. »123

118
.Déclaration.,préc., Note13, p.465.
119
Quarante normes.,préc., Note 63,art.24.
120
N.Duplé, préc., Note 74, p.89.
121
Déclaration de Bordeaux, Juges et Procureurs dans une société démocratique, préparée à Bordeaux (France) conjointement par les
Groupes de travail du CCJE et du CCPE et adoptée officiellement à Burda (Slovénie) le 18 novembre 2009, p.1, en ligne
à : « http://www.coe.int/t/cm/ » ,dans Conseil de l’Europe, comité des Ministres, Conseil consultatif de Juges européens (CCJE) et
Conseil consultatif des Procureurs européens(CCPE), Avis conjoint du CCJ E ET CCPE sur les relations entre les juges et les
Procureurs, CM (2009)192, 1075 Réunion, 20 janvier 2010, en ligne à : «http://www.coe.int/t/cm/ » (Site consulté le 15 février 2014). .
122
Id.
123
Id.

23
S’agissant, deuxièmement, de la sécurité financière, l’article 11 des Principes dispose que
les juges reçoivent, au cours de leur mandat, un traitement tout en ayant droit, pendant leur
retraite, à une pension124. De même, « les traitements et pensions des juges doivent être
raisonnables », selon les articles 14 et 15 des Quarante normes. « Ce qui sous-tend qu’ils
doivent correspondre aux exigences de leur fonction et aux besoins de leur famille. Dans
ce cadre, leur salaire et pension doivent être régulièrement ajustés au budget pour être
augmentés indépendamment du contrôle du gouvernement. Ils ne peuvent être diminués au
cours du service judiciaire qu’en cas de crise économique majeure »125(Notre traduction).

Comme le démontre encore la Professeure Nicole Duplé, le droit des juges à la sécurité
financière a une dimension individuelle et une dimension collective qui tendent toutes deux
à la garantie de l’autonomie financière du pouvoir judiciaire. En ce sens, il nécessite que
les tribunaux disposent d’un budget suffisant pour exercer normalement leur fonction, et
ce, étant conscient qu’une autonomie totale n’est pas à revendiquer compte tenu que des
fonds publics sont en jeu126.

L’essentiel, pour reprendre ladite Professeure, est qu’un budget autonome doit être en effet
octroyé aux juges et tribunaux et le vote de ce budget devrait être tel qu’une procédure
prend en considération l’avis du pouvoir judiciaire; et que l’organe administratif du pouvoir
judiciaire joue un rôle non moins important dans la coordination et la préparation des
demandes financières des tribunaux127. Et il s’agit, en termes de finalité, de mettre le salaire
des juges et tribunaux à l’abri de l’influence de l’exécutif. Car, « L’important […], comme
en matière de négociations des salaires des juges, est que la négociation sur le budget ne se
fasse pas avec l’exécutif directement»128.

En effet, il importe fortement, au vu de l’auteure, d’assurer la sécurité financière tant pour


les juges que pour les juridictions s’agissant de la protéger contre les ingérences arbitraires
du gouvernement, qui est susceptible de l’utiliser pour compromettre les deux types

124
H.C.N.H, préc. Note 44, art.11.
125
Quarante normes.,préc. Note 63, art. 14 et 15.
126
N.DUPLÉ, préc., Note 74, p.93.
127
Id.
128
Id.

24
d’indépendance préconisés aux juges au niveau international129. D’où l’opinion de la
Professeure Nicole Duplé à ce sujet:

« L’idée générale qui sous-tend cette proposition est que les rapports entre la Justice et les
deux autres organes de l’État doivent être dépolitisés. La magistrature doit être soustraite aux
débats politiques sur la rémunération des juges bien que ceux-ci soient payés à même les fonds
publics.»130

De même, cette sécurité financière, pour la reprendre, est suffisamment assurée si trois
conditions sont remplies : soit 1) le traitement est fixé non par le pouvoir exécutif, mais par
le pouvoir législatif; 2) s’il est prévu dans le budget national au lieu d’être l’objet
d’affectation de crédits annuels. De même, le salaire des juges doit participer du projet de
budget présenté au Parlement par l’exécutif sous certaines conditions. C’est-à-dire éviter
que le salaire et les autres avantages puissent être déterminés arbitrairement par lui et que
les conditions de travail des juges soient telles qu’ils négocient avec lui pour établir le
salaire131. Et l’auteure soutient :

« Les syndicats de la magistrature […] ne devraient pas négocier le salaire des juges avec le
gouvernement. […]. Ce qui est important est que les justiciables n’aient pas le sentiment que
les juges peuvent décider d’abandonner une part […] d’indépendance en contrepartie d’un
salaire.»132

Quant à la gestion du budget, « les pouvoirs exécutif et législatif peuvent s’occuper des
appointements »133, selon l’article 3 des Quarante normes. Sauf que le corps constitué à cet
effet doit se composer des membres du pouvoir judiciaire et de juristes en majorité134
(Notre traduction).

De même, diverses sont les réflexions relatives à ces principes. Par exemple, le CCJE croit
que le budget doit être géré par les juges de concert avec les procureurs si bien qu’il pense
que« […] des moyens budgétaires suffisants […] devraient être mis à la disposition des
juges et des procureurs et devraient être utilisés et gérés sous leur autorité »135. La

129
N.DUPLÉ, préc., Note 74, p.91.
130
Id., p.91-92.
131
Id.
132
Id.
133
Id., art.3. Notons que ledit article porte un bémol en précisant qu’un tel principe peut ne pas être applicable dans certains pays marqués
par une longue tradition judiciaire et démocratique, soit un corps non-judiciaire gère convenablement les appointements et la promotion.
134
Id.
135
Déclaration de Bordeaux, préc., Note 121, par.4.

25
Professeure Nicole Duplé, de son côté, pense que l’idéal est d’interposer un organisme
entre les pouvoirs exécutif et législatif, et lui-même indépendant d’eux pour négocier le
salaire. Et elle affirme que: « La composition et l’indépendance cet organisme conditionne
sa crédibilité et si celle-ci est établie, ses recommandations ne pourront être écartées […]
ni par l’exécutif, ni par le législatif»136.Il importe encore plus, pour reprendre l’auteure,
que les juges touchent un salaire raisonnable si ce dernier ne doit pas être insuffisant tel
qu’ils sont vulnérables à la manipulation financière tant des autorités étatiques que des
groupes sociaux137.

Pour le juriste Gàbor Szeplaki-Nagy, s’il est question, en termes de rémunération de


sauvegarder la fonction judiciaire contre la manipulation financière, il ne faudrait pas le
fixer par rapport aux rémunérations reçues par les titulaires des pouvoirs exécutif et
législatif. Puisque « […] les titulaires de ces fonctions sont loin d’être traités de façon
comparable d’un système national à un autre»138. De même, l’auteur croit qu’une certaine
inégalité peut tenir au niveau du traitement des juges si des critères tels que l’ancienneté, la
nature de la fonction occupée et l’importance des charges imposées peuvent jouer en fixant
le salaire. Toutefois, il est d’avis que, concernant ces charges, la transparence doit être de
rigueur pour prévenir les différences de traitement« étrangères à des considérations tenant
au travail accompli ou à la disponibilité requise»139.

Notons que, au final, les principes relatifs à l’indépendance administrative sont tel qu’ils
portent trois (3) grands aspects de la fonction judiciaire : soit 1) l’exercice du pouvoir de
contrôle et de discipline; 2) les obligations et l’immunité ;3) le rapport du pouvoir
judiciaire avec les pouvoirs exécutif ou législatif et l’incompatibilité. Concernant d’abord
l’exercice du pouvoir de contrôle et de discipline, l’article 10 des Trente deux articles pose
« que la promotion des juges doit se fonder sur des facteurs objectifs tels que leur
compétence, leur intégrité et leur expérience »140. En ce sens, tel que le veut l’article 11

136
Id.
137
Id.
138
G.SZÉPLAKI-NAGY, préc., Note 85, p.121-122.
139
Id.
140
Trente-deux articles, préc.,Note 14, art.10.

26
dudit texte, « une commission composée entièrement de juges doit être établie tout ayant la
charge de donner son avis sur la promotion à l’autorité appropriée »141(Notre traduction).

Et l’article 13 ajoute aussi que « la discipline judiciaire doit relever de la compétence d’un
organe composé entièrement de juges142 ». Et selon l’article 14, « toute action en justice
contre un juge doit être conforme aux critères préalablement définis dans une loi ou dans
les règlements du tribunal »143. Et « la décision prise éventuellement contre lui doit être
susceptible d’appel », selon l’article 15144 (Notre traduction).

De même, selon l’article 4 des Quarante normes, « le pouvoir exécutif peut intégrer
l’organe chargé de la discipline des juges sous certaines conditions, soit pour le saisir
contre les juges ou pour initier des procédures disciplinaires, mais pas pour décider des
affaires »145. Encore, « le pouvoir exécutif peut être investi du pouvoir de destitution des
juges, mais cela doit se faire sous la recommandation d’une commission
judiciaire »146(Notre traduction).

Ces principes, à comprendre encore la Professeure Nicole Duplé, s’imposent si bien que
l’étendue de la garantie de l’inamovibilité dont doit jouir un juge dépend énormément de la
composition de l’organe disciplinaire et du processus de désignation de ses membres. Et
l’inamovibilité est véritablement garantie si ledit organe est formé de juges désignés par
leurs pairs. Il convient toutefois que, selon la juriste, des personnes extérieures à la
fonction judiciaire intègrent un tel organe si la justice concerne le public aussi bien que ces
individus. Mais, cela tiendrait moyennant que les membres nommés par l’exécutif ne
soient pas majoritaires et que, si le Président de la République ou le ministre de la justice
intègre l’organe administratif, ils ne participent pas au processus disciplinaire147.

Au regard de l’article 17 des Principes, les mesures disciplinaires de suspension ou de


destitution doivent être non seulement prévues dans une procédure appropriée, mais elles

141
Id., art.11.
142
Trente-deux articles, préc., Note 14, art.13.
143
Id.,art.14.
144
Id.,art.15.
145
Quarante normes.,préc., Note 63, art.4.
146
Id.
147
N.DUPLÉ, Note 74, p.91.

27
doivent être telles que les plaintes portées contre les juges dans l’exercice de leur fonction
puissent être entendues sommairement et équitablement. Et l’autorité chargée d’initier
l’affaire est aussi liée par le secret professionnel. Ce qui ne tient pas si le juge en question
en décide le contraire148.

En ce sens, il relève de la compétence d’un organe indépendant, selon l’article 20 dudit


texte, de réviser les décisions relatives à la discipline, à la suspension ou destitution.
Toutefois, ce principe peut souffrir un tempérament, soit il est possible de s’attaquer aux
décisions rendues par les juridictions suprêmes ou par le Parlement dans le cadre d’une
procédure quasi-judiciaire149.

Notons que, dans le cadre des règles disciplinaires, « seule incapacité ou mauvaise conduite
peuvent justifier, dans l’exercice de leur fonction, la suspension ou la destitution des
juges »150, selon les articles 30 et 31 des Quarante normes (Notre traduction).

Quant à leur immunité, il est de principe, selon les articles 15 et 16 des Principes, que les
juges ne peuvent être poursuivis en matière civile en raison d’abus ou d’omission suite aux
décisions de justice. Toutefois, il est possible de les poursuivre en matière disciplinaire, de
faire appel de leur décision. On peut même exiger à l’État des réparations151.

Lord Denning, approchant dans l’affaire Sirros v.Moore, le principe de l’immunité perçoit
qu’elle tient parfaitement, soit qu’elle tend à assurer la liberté d’esprit et l’indépendance
de pensée des juges. Ce faisant, il croit que tous les juges doivent en bénéficier
indépendamment de leur rang152. En ce sens, il déclare :

« Tout juge doit être à l’abri de toute action en responsabilité lorsqu’il agit de façon
judiciaire. Tout juge devrait être en mesure de travailler en toute indépendance et à l’abri de
toute crainte. Il ne doit pas feuilleter ses recueils en tremblant et en se demandant ‘’ Si je
prends ce parti, suis-je exposé à une action en responsabilité »153.

148
H.C.N.H., préc., Note 44, art.17.
149
Id., art.20.
150
Quarante normes., préc., Note 63, arts.30 et 31.
151
H.C.N.H.,préc., Note44, arts.,15 -16.
152
Sirros v.Moore (1975)1.QB118, cité dans l’arrêt Morier c.Rivard (1985), 2RC.S.716, pp.739 et 740.Voir aussi R.c.Lippé (1990)
A.C.S.No 128, par.93.
153
Id.

28
En ce qui a trait au rapport du pouvoir judiciaire avec le pouvoir exécutif, les articles 5 et
7 des Principes prévoient que le pouvoir exécutif ne doit avoir aucun contrôle sur les
fonctions judiciaires. Les affaires judiciaires doivent relever exclusivement de la
compétence de l’administration centrale judiciaire ou de l’administration judiciaire au
niveau de chaque cours ou tribunaux. L’autorité chargée de l’administration centrale
judiciaire doit notamment être, en ce sens, issue du pouvoir judiciaire, mais il est possible
que le pouvoir judiciaire l’établisse de concert avec l’exécutif154. Il est aussi du devoir de
l’État, au vœu de l’article 10 du même texte, de lui fournir les ressources financières
nécessaires pour travailler au bon fonctionnement de la justice155.

L’autorité chargée de l’administration centrale de la justice, telle qu’elle est présentée sur
le plan doctrinal international, est essentielle à l’indépendance judiciaire. Car, comme le
démontre le Professeur Alioune B.Fall, sa fonction consiste substantiellement en la
garantie du respect des règles du fonctionnement du service public de la justice et la
protection des magistrats contre les éventuelles pressions du gouvernement. N’empêche
cependant que cette importante institution, à le comprendre, est soumise directement ou
indirectement à l’influence des pouvoirs publics dans plusieurs pays en ce que les
magistrats ne cessent pas de dénoncer notamment les manquements liés aux procédures de
nomination et à la discipline judiciaire156. L’auteur opine en ce sens : « Si des organes
spécialisés ont été créés pour s’occuper […]du pouvoir judiciaire […], les principes
proclamés tels que la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice, n’ont pas
fait l’objet d’une application exemplaire.»157

De même, la répartition des tâches entre les juges doit se faire, au regard de l’article 11,
selon un plan prédéterminé et qui ne peut être changé que dans certaines circonstances
clairement définies par la loi. De même, la distribution des affaires aux juges, dans une

154
H.C.N.H.,préc., Note 44, art.5 et 7.
155
Id., art.10.
156
A.B.FALL, préc., Note 112, p.58.Noter que le professeur A.B.Fall ajoute que la composition et le fonctionnement de l’organe
administratif du pouvoir judiciaire doivent être tel qu’il peut garantir l’indépendance et l’inamovibilité, p.61.
157
Id., p.64.

29
juridiction donnée, relève des prérogatives discrétionnaires de l’administration
judiciaire158.

De l’avis de la Professeure Nicole Duplé, la garantie de l’autonomie des tribunaux signifie


que ces derniers, en termes de décision, ont eux-mêmes la maîtrise des paramètres de
l’administration ayant une influence directe ou indirecte sur l’exercice du processus
décisionnel159. Soit, par exemple , « l’assignation des juges aux cause, les séances du
tribunal, la fixation du rôle ainsi que la durée du procès devraient échapper au contrôle du
pouvoir exécutif »160. Comme le perçoit encore le Professeur Alioune B.Fall, aux fins du
respect de ces facteurs, les pouvoirs des chefs de juridictions doivent être limités s’agissant
de les empêcher d’en disposer pour attenter à l’indépendance judiciaire161. Et ledit
Professeur précise en effet: « Il leur revient en effet le pouvoir de réglementer
l’organisation des audiences, de pourvoir aux affectations et d’évaluer l’activité
professionnelle de magistrats placés sous leur autorité […]. »162

Il relève encore exclusivement, selon l’article 12 des Principes, de la compétence de


l’autorité administrative du pouvoir judiciaire de transférer un juge d’une cour à une autre
et il revient au juge concerné de donner son consentement tout en le justifiant163. L’article
19 des Trente deux articles de Syracuse, en termes du respect de ces règles, nécessite que
les règlements intérieurs ou la loi de la cour définissent clairement la manière de procéder
dans chaque cas (Notre traduction).

La perception qu’a le juge Raymond E.Wyant du rapport du pouvoir judiciaire avec le


gouvernement, dans le rapport précité, cadre avec ces principes. Selon lui, le pouvoir
judiciaire, s’agissant de rendre le meilleur service à la société, peut toujours collaborer
avec le gouvernement. Mais, une telle collaboration ne peut être possible que dans le cadre
de la compréhension et du respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au
gouvernement. Parce que, s’il est de principe que certaines charges peuvent être confiées

158
Id.,art.11.
159
N.DUPLÉ., préc., Note 74, p.93.
160
Id.
161
A.B.FALL, ,préc., Note 112, p.57.
162
Id.
163
HC.N.H.,préc., Note 44, art..12.

30
au gouvernement, ce dernier ne doit pas les utiliser pour s’immiscer dans les affaires
judiciaires164.

Ledit juge ajoute encore que, pour être efficace, l’administration judiciaire doit être
coordonnée puisque les juges ont besoin d’un soutien administratif qui requiert que l’on
fixe leurs affectations, leurs vacances et leurs congés d’études, en leur accordant la
possibilité de participer au fonctionnement du système judiciaire165. Ce qui fait dire audit
juge que:« […] les intérêts de la population et la meilleure administration de la justice
doivent être mis en équilibre avec les besoins et les intérêts des juges»166.

Quant au rapport du pouvoir judiciaire avec le pouvoir législatif, les articles 19 et 20 des
Quarante normes ne sont pas moins clairs. En effet, au regard dudit texte, « le Parlement
ne peut pas prendre des lois rétroactives susceptibles d’influer les affaires et les nouvelles
lois portant termes et conditions des services judiciaires ne doivent être applicables aux
juges en fonction. Sauf si les changements visent à améliorer les termes de services
judiciaires. Et les juges en fonction, suite aux lois portant réorganisation des tribunaux, ne
peuvent être changés à moins qu’ils soient transférés à un autre tribunal du même
statut »167. (Notre traduction). L’article 21 renforce ces principles en ce qu’il dispose
que:“A citizen shall have the right to be tried by the ordinary courts of law , and shall be
tried before ad hoc tribunals168”.

En termes d’incompatibilité, les articles 35 et 37 des Principes s’imposent. Selon,


premièrement, l’article 35, l’exercice de la fonction judiciaire est incompatible avec toute
autre fonction publique. Ce qui sous-tend que les juges en fonction ne peuvent être
membres du gouvernement, ils ne peuvent non plus servir au pouvoir législatif à titre de
membres ou conseillers municipaux. Sauf si ces fonctions sont liées en vertu des traditions

164
Raymond E.WYANT, La Cour provinciale de Manitoba, 1er Rapport annuel, 2002-2003, p.17, en ligne
à : « www.manitobacourts.mb.ca/pdf/annual-report-fr-pdf(Siteconsulté le 15 février 2014) ».
165
Id., par.43.
166
Id.
167
Quarante normes.,préc., Note 63, arts.19 et 20.
168
Id.,art.21.

31
historiques du pays concerné169. Aussi, ils ne doivent pas prendre position dans les parties
politiques170.

En résumé, figurent dans les instruments internationaux plusieurs principes relatifs à


l’indépendance institutionnelle des juges et ces principes se rapportent à l’inamovibilité, la
sécurité financière et l’indépendance administrative. Cette dimension de l’indépendance
s’impose si bien que les principes convergeant dans le sens de l’indépendance individuelle
n’en sont apparemment qu’un complément. S’ils consistent en un ensemble de règles qui
tendent à renforcer davantage l’indépendance autonome des juges et tribunaux en les
mettant à l’abri de toute forme d’influence aux fins de l’exécution véritable du processus
décisionnel. Abordons, dans ce contexte, ces différents principes.

1.1.2.2 Les principes convergeant dans le sens de l’indépendance individuelle: des


modalités complémentaires visant au renforcement de l’indépendance autonome

Il existe, parallèlement aux principes liés à l’indépendance institutionnelle des juges et


tribunaux, plusieurs principes portant leur indépendance individuelle. Et ces deux types de
principes, en termes de contenu, sont liés si bien que les seconds visent à renforcer
l’indépendance autonome quant à l’exercice véritable du processus décisionnel. En effet,
les juges, à la lecture de l’article 2 des Principes, ne peuvent être, décidant des litiges,
l’objet d’influences, d’incitations, de pressions, menaces ou interventions indues, directes
ou indirectes de la part du gouvernement ou d’une autorité étrangère à leurs statuts et aux
intérêts de la justice internationale171.

S’agissant de cette dimension de l’indépendance, elle consiste, selon l’auteur Peter


Leuprecht, en le devoir du juge de juger en son âme et conscience sur la base des faits. En
ce sens, il doit être libre de toutes influences ou pressions extérieures, qui peuvent provenir
du pouvoir exécutif, des parties et même du pouvoir judiciaire. Concernant notamment le

169
H.C.N.H., préc., Note 44, art.35.
170
Id.,art.37.
171
H.C.N.H.,préc., Note 44, art.2.

32
dernier point, il signifie que, au regard de l’auteur, « […]le juge doit aussi être
indépendant à l’égard de ses collègues et de ses supérieurs »172.

De même, il relève, au regard de l’article 5 des Principes, du devoir de l’État d’établir


conformément à la loi des cours et tribunaux accessibles à tous les citoyens et ces derniers
doivent être jugés selon les procédures préalablement définies. Aussi, il est interdit de
créer des cours et tribunaux qui ne cadrent pas avec ces procédures en ce que toute
juridiction qui se créent en dehors d’elles visent à limiter la compétence des juridictions
ordinaires173. Ce qui cadre avec les dispositions des articles 18 et 7 des Quarante normes
qui portent en effet:

“The Executive shall refrain from any act or omission which pre-empts the judicial resolution
of a dispute or frustrate the proper execution of a court judgement. The Executive shall not
have the power to close down or suspend the operation of the court systeme at any nivel”174

“The State shall have a duty to provide for the executive of judgements of the Court. The
Judicial shall exercise supervision over the execution process175”

Comme le perçoit encore le juge Wyant, l’obligation faite aux juges de décider des litiges
en fonction de la loi ne doit pas être pris dans le sens restreint parce que les juges ont la
possibilité d’utiliser des décisions d’autres tribunaux pour mieux trancher les cas soumis à
leur appréciation. De même, ils doivent tenir compte, dans le processus décisionnel, des
critères liés aux principes de justice fondamentale176.

La justice, selon l’article 4 des Principes, doit être exercée loin de toute ingérence. En ce
sens, il relève, au vœu de l’article 3 du document, de leur pouvoir exclusif de déterminer
si la loi ne prévoit pas leur compétence quant à se prononcer sur une affaire dont ils sont

172
P.LEUPRECHT, « Conférence d’ouverture », dans CMQ, préc., Note, p.18.
173
Id., art.5. À comprendre encore Moummi, en termes d’indépendance individuelle, il importe de définir les processus de formation et
de recrutement tel que le Ministère de la justice n’ait pas de place importante dans ces processus. Car, cela peut être néfaste à ce type
d’indépendance. S.MOUMMI., préc., Note 65, p.132.
174
Quarante normes, préc., Note 63, art.18.
175
Id., art.7.
176
R.E.WYANT., préc., Note 164, p.19.

33
saisis177. De même, les décisions judiciaires, une fois prises, doivent faire autorité parce
qu’elles ne peuvent être sujettes à révision par une autorité gouvernementale178.

Aussi, intervenant sur l’indépendance individuelle des juges dans l’affaire Guja c.Moldova,
la Cour européenne perçoit que les tribunaux doivent être à l’abri de toute pression
politique. Et « […]qu’il est dans l’intérêt général de maintenir la confiance des citoyens
dans l’indépendance judiciaire[…] »179. La Cour est se veut directe, dans l’affaire
Schiesser c.Suisse, qu’elle préconise que les juges doivent, à la fois, être indépendants du
gouvernement et des parties, et ce, sans nuire à la possibilité que les juges soient sous le
contrôle d’un organe hiérarchique judiciaire indépendant180.

Or, comme le démontre la Professeure Gisèle Côté-Harper, la garantie de cette


indépendance par rapport au gouvernement n’a pas toujours été facile dans les différents
systèmes judiciaires internationaux. Autrement dit, malgré l’existence de législations, de
politiques, la création de capacités nationales et des structures régionales, la tension entre
les pouvoir publics, selon la Professeur, est telle que le principe de la séparation des
pouvoirs est fortement remise en question181.

La garantie de l’indépendance judiciaire nécessite que, enfin, les mesures soient


susceptibles de garantir ensemble l’effectivité des principes de la légalité et de la
séparation des pouvoirs dans la pratique judiciaire. Ce qui signifie que, outre la définition
des garanties juridiques liées à la conformité des décisions judiciaires aux principes
supérieurs, en termes de garantie de la prééminence du droit, les garanties de la séparation
du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics doivent être posées conformément à la loi.
Elles doivent être pertinentes au point qu’elles sont liées aux principes de l’inamovibilité,
de la sécurité financière et de l’indépendance administrative, les trois grands canons
essentiels de l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et tribunaux.
177
Déclaration de Bordeaux., préc., Note121., par.3. (Noter que le Comité des ministres des membres des États de l’Union européenne a
recommandé, au cours de son 1098e comité, aux États-membres de travailler au respect des « Principes fondamentaux »dans leur droit
interne).Voir Recommandation du CM/Rec (2010)12 du Comité des ministres aux États membres sur les juges : indépendance, efficacité
et responsabilité (adoptée par le comité des ministres le 17 novembre 2010, lors de 1098e réunion des délégués des ministres, en ligne à :
« https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1707137 » (Site consulté le 29 octobre 2013).
178
H.C.N.H.,préc., Note 44, art.4.
179
Guja c. Moldova, no14277/04, &85-91,CEDDH 2010-V.
180
Schiesser c. Suisse, Note 98, &27-3.
181
Gisèle CÔTÉ-HARPER, « L’État de droit et l’indépendance judiciaire», (1998)11.2 R.Q. D.I, p.152, en ligne à :
« www.sqdi.org/fr/revue-collection-v11n2-18.html » (Site consulté le 04 novembre 2013).

34
Notons que, comme le démontre le juriste Michel Salvia, s’agissant de rendre les balises
internationales de l’indépendance judiciaire opérationnelles dans leur régime juridique,
différents États entretiennent une forte coopération. Dans ce sens, ils se dotent des
« cours et tribunaux chargés à la fois d’interpréter les dispositions contenues dans les
instruments internationaux, et de trancher les différents pouvant surgir à leur égard»182.
Aussi, à comprendre ledit juriste, « le juge doit essayer d’envisager la règle de droit sous
un angle autre que celui du strict national, afin de donner à cette règle une interprétation
qui soit conforme aux principes élaborés au niveau international»183. Dans ce cadre,
s’agissant d’améliorer son cadre normatif lié à la garantie d’indépendance judiciaire,
aucun régime juridique ne peut prétendre passer outre l’expérience faite en la matière par
son voisin. D’où la nécessité de recourir aux droits français et canadien se posant comme
deux illustrations nationales visant à mettre en œuvre les garanties internationales de
l’indépendance judiciaire, pour résoudre notre problème de recherche. Abordons, dans la
section suivante, ces deux régimes juridiques en traitant précisément des systèmes
judiciaires et des exigences d’indépendance des juges et tribunaux.

182
Michel de SALVIA, L’indépendance judiciaire et la mondialisation de la justice, dans CMQ, préc., Note26, p.110-124.
183
Id.

35
1.2 Les régimes juridiques français et canadien: les systèmes judiciaires et les
exigences d’indépendance des juges et tribunaux

Comme le démontre ensuite le juriste Michel Salvia, la coopération entre divers États, en
termes de garantie de l’indépendance judiciaire, existe si bien qu’elle débouche sur des
systèmes judiciaires intégrés184 . En d’autres termes, les mesures prises, sur le plan
interne, pour assurer le respect dudit principe, sont à propos que plusieurs régimes
juridiques dépassent le simple cadre juridique national185. En effet, les régimes juridiques
français et canadien, sans les idéaliser, participent de ces droits nationaux que, dans le but
d’assurer le respect de l’indépendance judiciaire, ils ont respectivement posé un ensemble
de mesures visant à rendre les principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs
opérationnels. Nous voulons dire que, travaillant à l’application de la loi, ils ont, organisé
les institutions judiciaires tout en définissant les garanties de la séparation du pouvoir
judiciaire des pouvoirs publics. Dans ce cadre, ces deux régimes juridiques se poseraient
comme deux étalons de mesures susceptibles d’être utilisés s’agissant de proposer des
pistes de solution au problème constaté éventuellement en Haïti. Toutefois, nous jetons
notre dévolu exclusivement sur le droit canadien en raison de la particularité de ses juges
et tribunaux de mettre en œuvre les instruments juridiques internationaux utilisés pour
étudier le concept d’indépendance judiciaire en Haïti. Dans ce contexte, nous allons, dans
cette section subdivisée en deux grandes sous-sections, traiter des deux systèmes
judiciaires et des exigences d’indépendance des juges et tribunaux, c’est-à-dire nous
présentons, dans la première partie, les deux systèmes judiciaires ainsi que leurs
similitudes et différences avec le système judiciaire haïtien (1.2.1), avant de présenter les
exigences d’indépendance dans la deuxième partie (1.2.2).

184
Id.
185
Id.

36
1.2.1 Les systèmes judiciaires français et canadien: l’organisation, la compétence et le
fonctionnement des cours et tribunaux

Il importe que, d’évidence, les cours et tribunaux, en termes de mesures liées à la mise en
œuvre des balises internationales de l’indépendance judiciaire, soient implantés selon la loi
et puissent administrer la justice de manière saine et équitable : soit ils doivent être en
mesure de trancher les litiges susceptibles d’être soumis à leur appréciation qu’ils peuvent
interpréter la règle de droit interne conformément aux principes universels de
l’indépendance judiciaire. Voilà pourquoi les mesures prises dans les régimes juridiques
français et canadien, en matière d’organisation judiciaire, seraient pertinentes. Pour
formuler autrement, les institutions judiciaires sont établies dans ces deux droits nationaux
tel que les cours et tribunaux peuvent être compétents pour trancher généralement le litige
privé, public et constitutionnel. Il s’agit, dans cette section, de présenter le système
judiciaire français (1.2.1.1), celui du Canada (1.2.1.2) et leurs similitudes et différences
avec celui d’Haïti (1.2.1.3).

1.2.1.1 Le système judiciaire français: l’organisation, la compétence et le


fonctionnement des cours et tribunaux

Le système judiciaire français, à la lecture du Code de l’organisation judiciaire, se


compose de trois grandes branches, soit l’ordre judiciaire, l’ordre administratif et le
Conseil constitutionnel qui peuvent être compétents pour entendre les litiges186. En effet,
l’organigramme qui suit est une bonne illustration de ce système judiciaire:

186
Code de l’Organisation Judiciaire, en ligne à : «http://www.legifrance.gouv.fr /affich
Code.do;jsessionid=DD25F73C1EA3044867FCDAF4D155AF4.tpdjo15v-2?cidtexte=LEGITEX000006071164&dateTexte20140208 »
(site consulté le 15 février 2014).

37
Conseil constitutionnel

Cour de cassation Tribunal des conflits Conseil d’État

Cours d’appels Cours Administratives d’appels

Tribunaux de grande instance Tribunaux administratifs

Tribunal d’instance

Source: Jurigeek (Blog)-Licence:CCB-BY-NC-ND187.

En effet, les trois branches de l’appareil judiciaire sont implantées tel que le principe de
double degré de juridiction peut être effectif dans la pratique judiciaire188. S’agissant,
premièrement, de l’ordre judiciaire, y figurent les tribunaux dits de Grande instance,
d’instance, d’Appel et de cassation. En effet, il est de principe que les tribunaux de
Grande instance forment les juridictions de premier degré et peuvent, au regard de l’article
L211-1 du Code, décider en matière civile et pénale189. Ils ont, dans ce sens, en matière
civile, au vœu de l’article L211-3, une compétence commune et peuvent connaitre les
affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est attribuée, en raison de
leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction190. Mais certains
tribunaux de Grande instance spécialement désignés, selon L211-10, peuvent statuer sur
d’autres affaires. De même, le tribunal de Grande instance se transforme, en matière

187
En ligne à : «http://jurigeek.org/tag/systeme-judiciaire/» (Site consulté le 30 août 2015).
188
MINISTÈRE DE LA JUSTICE, « L’organisation de la Justice », Le portrait de la justice et du droit, en ligne
à : «www.justice.gouv.fr »(Site consulté le 15 février 2014).
189
COJ.,préc., Note186, art.L211-1.
190
Id.,art.L211-3.

38
pénale, en tribunal correctionnel et connait les infractions figurant entre les contraventions
et les crimes191.

Deuxièmement, le tribunal d’instance peut connaitre, pour reprendre les dispositions de


l’article L221-1, en première instance des affaires civiles et pénales conformément à la loi
et au règlement. De même, un seul juge, au regard de l’article L222-1, statue pour
trancher le litige privé192. En ce sens, le Tribunal de Grande instance, à la lecture de
l’article L212-1, se veut différent du tribunal d’instance si bien qu’il statue en formation
collégiale dès qu’il est saisi de certaines affaires. Il s’agit notamment, comme le démontre
l’article L212-2, des affaires relatives à l’objet du litige ou à la nature des questions à
juger.

Juridiction de rejugé, la Cour d’Appel, troisièmement, peut réviser, selon les dispositions
de l’article L311-1, dans les limites de sa compétence, les décisions judiciaires, civiles et
pénales rendues en premier ressort. En ce sens, elle statue souverainement sur le fond des
affaires, soit composée uniquement de juge professionnel, elle vérifie notamment qu’il n’y
a pas eu erreurs de droit en examinant les éléments matériels de l’affaire193. La Cour
d’Appel, comme le Tribunal de Grande instance, peut décider des affaires en formation
collégiale selon l’article L312-1. De même, les principes liés à la formation des collèges
respectifs, au regard des articles 312-2, 312-3 et 312-4, ne sont guère différents. Seulement,
le président de la Cour, assisté des Conseillers appartenant à plusieurs chambres, préside les
audiences solennelles194.

La Cour de cassation coiffe, enfin, au vœu de l’article L411-1, les cours et tribunaux
judiciaires dans le régime juridique français195. Elle peut, dans ce sens, statuer, selon
l’article L411-2, sur les pourvois en cassation formés contre les arrêts et les jugements
rendus en dernier ressort par ces tribunaux. Il s’agit notamment de vérifier la conformité
des décisions aux règles de droit. En ce sens, elle ne connait pas du fond de l’affaire, sauf

191
Id.,art.L211-10
192
Id.,art.222-1.
193
Id.,art.311-1et ss.
194
Id., arts.312-1 et ss.
195
Id.,art. L411-1

39
disposition législative contraire196. Les arrêts de la Cour de cassation, selon les dispositions
de l’article L421-3, sont rendus soit par l’une des chambres, soit par une chambre mixte,
soit par l’Assemblée plénière197.

Disons que, la Cour, au regard de l’article 431-4, en cas de cassation, a deux options : soit
qu’elle peut renvoyer l’affaire conformément à la loi devant une autre juridiction semblable
à celle dont émane l’arrêt ou le jugement cassé, soit qu’elle peut la renvoyer devant la
même juridiction composée d’autres magistrats. Par ailleurs, la juridiction de renvoi, en
termes de renvoi ordonné par l’Assemblée plénière, n’a pas beaucoup de marges de
manœuvre. En ce qu’elle doit se conformer à la décision de ladite Assemblée sur les points
de droit jugés par celle-ci198.

Notons que le système judiciaire français est implanté tel que les cours et tribunaux
judiciaires peuvent être exclusivement compétents pour trancher le litige privé C’est en
effet d’autant plus vrai que les juridictions administratives ont la particularité de pouvoir
être compétentes pour pouvoir statuer sur le litige public. Traitons, dans ce cadre, de ces
juridictions en décrivant notamment leur compétence.

L’importance des tribunaux administratifs, dans le régime juridique français, est telle qu’ils
peuvent être compétents pour trancher le litige public. En effet, cet ordre juridictionnel, au
regard du Code des tribunaux administratifs, comprend trois échelons : soit le tribunal
administratif, les Cours d’appel administratives et le Conseil d’État199. Le tribunal
administratif, en termes de compétence, peut, selon l’article L3 dudit Code, décider en
dernier ressort et sous réserve d’appel à la Cour d’appel administrative, des contentieux
administratifs en exerçant une fonction consultative200. Et les jugements, selon l’article L4,
sont rendus par des juges délibérant en nombre impair201.

196
Id., art. L411-2
197
Id.,art. L421-3.
198
Id.,arts.L431-3, 431-4.
199
Id..
200
Id., art.L3.
201
Id., art.L4.

40
Quant au Conseil d’État, il coiffe, au regard de l’article L111-1, les tribunaux administratifs
au point qu’il peut se prononcer souverainement sur les recours en cassation dirigés contre
les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions administratives. Y compris ceux
dont il est saisi en qualité de juge de premier ressort ou de juge d’appel202. Aussi, il peut
être compétent pour statuer, selon l’article L113-1, sur tout problème de droit important,
fréquent et susceptible d’aucun recours que lui renvoie éventuellement le tribunal
administratif ou la Cour administrative dans le délai requis.

La séparation des fonctions de juger est de rigueur dans le droit français au point que le
Tribunal des conflits se pose, au regard de la Loi du 4 février 1850203, comme l’arbitre
exclusif des litiges susceptibles de naitre entre les deux ordres juridictionnels. Soit que,
présidé, selon l’article 1 de ladite Loi, par le ministre de la justice, ledit tribunal peut
décider en nombre impair si bien qu’il faut neuf juges, pris dans les deux ordres de
juridictions participant de sa formation, pour trancher204. Aussi, les décisions du Tribunal
des conflits, au vœu de l’article de 4 de la même Loi, se rendent obligatoirement après un
rapport écrit fait par l’un de ses membres et sur les conclusions du Ministère public205.

Notons que les cours et tribunaux judiciaires et administratifs peuvent, dans le système
judiciaire français, entendre respectivement le litige privé et public. Ce partage des
fonctions de juger est encore plus de rigueur dans ce système judiciaire qu’une instance
indépendante dite Tribunal des conflits peut être compétente pour intervenir dans le cadre
des litiges mettant éventuellement en cause les deux ordres juridictionnels. Et ce, sous le
regard du Conseil constitutionnel qui se pose comme l’arbitre exclusif de beaucoup d’autres
questions liées notamment au litige constitutionnel et politique dont nous allons traiter.

C’est-à-dire, outre la possibilité d’être consulté dans des circonstances exceptionnelles, le


Conseil constitutionnel, selon la Loi organique de 1958206, peut être compétent pour

202
Id., L111-1.
203
Loi du 4 fév.1850, en ligne à : «http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000882538 » (Site consulté le
07Mars 2014).
204
Id., art.1.
205
Id.
206
Ordonnance n° 58-1067 du 7 nov.1958 portant loi organique relative au Conseil Constitutionnel, art L23-1, services du Conseil
Constitutionnel, Éd. Du 16 juillet 2008, en ligne à : « http ://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/français/le-conseil-
constitutionnel/les-membres-du-conseil/fondements-textuels/fondements-textuels.220.html»(Site consulté le 15 février 2014. Le Conseil,

41
exercer le contrôle de la constitutionnalité de la loi, trancher les contentieux politiques et
surveiller les opérations du référendum et proclamer les résultats. S’agissant notamment du
contrôle de la constitutionnalité des lois, il peut être a priori ou a posteriori. D’abord, le
contrôle a priori se rapporte, au regard des articles 21 à 23 aux lois et règlements votés par
le Parlement. Et il relève de la compétence du Président de la République, du Premier
Ministre, le président de l’une ou l’autre assemblée, soixante sénateurs ou soixante députés
de procéder au renvoi par devant le Conseil207.

De même, la procédure de contrôle est établie tel que le constituant prime l’esprit de la
Constitution en termes de respect de la légalité. En effet, le Conseil, une fois saisi d’une loi,
procède de trois façons. Soit que, premièrement, le délai de suspension de la promulgation
prend fin une fois que le Conseil déclare la loi conforme à la Constitution. Deuxièmement,
lorsqu’il estime que, selon l’article 22, la loi en question renferme une disposition contraire
à la loi fondamentale et inséparable de l’ensemble de cette loi, cette dernière ne peut être
promulguée.

Troisièmement, dans le cas où il estime que, au vœu de l’article 23, ladite loi n’est pas
conforme à la Constitution, et sans constater qu’elle soit inséparable de l’ensemble de cette
loi, il appartient au président de la République de trancher. Et il peut soit la promulguer à
l’exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture.
Concernant ensuite les règlements, le constituant, à la lecture dudit article, prime cependant
d’autant plus l’esprit et la lettre de la Constitution que les règlements parlementaires
déclarés inconstitutionnels ne peuvent être appliqués208.

Toutefois, la Loi constitutionnelle de 2008209 a tempéré ce contrôle si bien que l’article 30


porte qu’une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61210 de

au regard de l’article 56 (al.1) de ladite loi, est composé de neuf membres dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable; soit il
est toutefois renouvelé par tiers chaque trois (3) ans.
207
Constitution du 4 octobre.1958, en vigueur à jour de la révision constitutionnelle du23 juillet 2008, art.54,en ligne
à : «http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/texte-
integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur.5074.html#titre8 » (Site consulté le 10 octobre 2013).
208
Id., art.21 à 23.
209
Loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, Adoptée par le congrès,
JORF no 0171 du 24 juillet 2008 page 11890, texte no2, en ligne à: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/la-constitution/les-revisions-constitutionnelles/loi-constitutionnelle-n-2008-724-du-23-juillet-2008.16312.html
(Site consulté le 31 juillet 2015 ».

42
la Constitution ne peut être promulguée ni mise en application. De même, il prévoit qu’une
disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1211 est abrogée à
compter de la publication de la décision par le Conseil ou d’une date ultérieure fixée par
lui212.

Ensuite, la question prioritaire de constitutionnalité relève exclusivement, selon l’article 23-


1 de ladite Loi, de la compétence du Conseil et la procédure en cette matière est établie tel
que le renvoi se fait de juridiction à juridiction (il relève de la compétence du Conseil
d’État ou de la Cour de Cassation de transmettre)213. Et, une fois que la question est
transmise, la juridiction concernée, comme le veut l’article 23-3, doit suspendre de statuer
en attendant la décision du Conseil d’État, de la Cour de cassation, ou du Conseil
constitutionnel214.

De même, le constituant, dans la Loi constitutionnelle de 2008, a étendu la compétence du


Conseil quant au contrôle a posteriori de la constitutionnalité de la loi au point qu’il en a
fait le gardien exclusif des droits et libertés fondamentales. En fait, l’article 29 de ladite Loi
porte que toute juridiction devant laquelle une disposition législative est présumée porter
atteinte aux droits et libertés fondamentales, garantis par la Constitution, le Conseil peut
être saisi selon la même procédure215.

Enfin, la Loi constitutionnelle de 2008 a tempéré les prérogatives du Président de la


République quant à la possibilité de consulter le Conseil dans les circonstances
exceptionnelles prévues à l’article 16 de la Constitution. Parce qu’elle a disposé que, à
l’article 6 de ladite Loi, le président de l’Assemblée nationale, celui du Sénat, soixante

210
Cet article porte que des textes législatifs tels que les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à
l’article 11, avant d’être soumises au référendum, les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent
être soumises au Conseil pour qu’il puisse se prononcer sur leur conformité à la Constitution.
211
Notons que, ici, le constituant fait référence à la procédure de renvoi par devant le Conseil.
212
Loi constitutionnelle, préc., Note 209. Là le constituant réfère aux principes constitutionnels liés aux droits et libertés garanties par la
Constitution dans l’article 61-1.
213
COJ, préc., Note186, art.23-1 et ss.
214
Id., art23-3et ss.
215
Loi constitutionnelle, préc., Note 209.

43
députés ou soixante sénateurs peuvent saisir le Conseil aux fins de déterminer si les
conditions posées à l’alinéa 1 dudit article sont réunies216.

Soulignons que, mis à part, le pouvoir reconnu aux différentes juridictions de se prononcer
sur les litiges susceptibles d’être soumis à leur appréciation dans le régime juridique
français, il existe, au regard de la Loi organique de 1958, une école dite École nationale de
la magistrature, chargée, selon l’article14, de la formation des magistrats217.

En bref, le système judiciaire français se reconnait au fait que ses cours et tribunaux
peuvent être compétents pour trancher le litige privé, public, constitutionnel et politique.
Soit que les litiges privé et public relèvent respectivement des compétences des cours et
tribunaux judiciaires et administratifs. Et le Conseil constitutionnel peut être compétent
pour connaitre le litige constitutionnel et politique. Aussi, s’agissant notamment du contrôle
de la constitutionnalité de la loi, le Conseil d’État ou la Cour de cassation est chargé de
faire le renvoi en termes de contrôle a posteriori. Et les pouvoirs exécutif et législatif est
chargé de le faire en termes de contrôle a priori. Abordons, maintenant, le système
judiciaire canadien.

1.2.1.2 Le système judiciaire canadien: l’organisation, la compétence et le


fonctionnement des cours et tribunaux

Les principales Cours de justice canadiennes, au regard de la Constitution, peuvent être de


compétence provinciale ou fédérale218. En ce sens, chaque province, comme le démontre le
Professeur Louis-Philippe Lampron, est dotée « de deux Cours de justice dites supérieures,
soit une première instance (la Cour supérieure au Québec) et l’autre d’Appel (la Cour
d’Appel au Québec) »219. Et elles peuvent trancher, aux termes de l’article 91 et suivant de
la Loi constitutionnelle de 1867220, tout litige né « sur le territoire des provinces et dont la
compétence n’a pas été réservé à un autre tribunal de première instance (comme la Cour

216
Id., art.6.
217
Ordonnance no58 -1270 du 22 déc.1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, Version consolidée au 15 février
2012, art.14, en ligne à :«http://www.legifrance.gouv.fr » (Site consulté le 10 septembre 2013).
218
Loi Constitutionnelle de 1867(L.c1867, ci après :Titre choisi), 30 &31 Victoria, c3, Ch.VII, en ligne :« http://CanLii.ca/t/q3/x7 »
219
Louis-Philippe LAMPRON, « Les institutions judiciaires et le phénomène de la judiciarisation du politique au Québec et au
Canada », p.301, dans Alain G.GAGNON et Co, La politique québécoise et canadienne :une approche pluraliste, Presse de l’Université
du Québec, 2014, chapitre 11.
220
L.c1867, art.92.

44
fédérale ou la Cour de Québec)»221. Puis, en fonction de l’article 101 de la Loi sur la Cour
suprême, le législateur a créé en 1875 la Cour suprême du Canada222. Delà l’organisation
du système judiciaire est schématiquement représentée comme suit:

Cour suprême du Canada

Cour d’Appel de la Cour martiale Cours d’Appel provinciales Cour d’Appel fédérale

Tribunaux militaires Cour fédérale

Cour canadienne d’impôt

Cours supérieures provinciales Tribunaux administratifs fédéraux

Cours provinciales

Tribunaux administratifs provinciaux

Source : Parlement du Canada(2011)223.

Soit que la Cour suprême coiffe, d’évidence, les cours provinciales et territoriales, les cours
supérieures provinciales et territoriales, la Cour fédérale d’impôt, les Cours d’appel et
territoriales et la Cour d’appel fédérale224. S’agissant d’abord des cours provinciales et
territoriales, elles forment, pour reprendre l’Association Canadienne des Juges des Cours
Supérieures (ACJS), le palier inférieur du système judiciaire225. Et elles appliquent les lois
fédérales et provinciales tel qu’elles peuvent être d’abord compétentes pour trancher, au
regard du Code criminel, les infractions criminelles226. De même, elles peuvent tenir aussi

221
L-P.LAMPRON, préc., Note 219.
222
Loi sur la Cour suprême, L.R.C.(1985), ch.S-26, art.101.
223
Voir Parlement du Canada (2011), dans L-P.LAMPRON, préc., Note 219, p.301.
224
DIRECTION DES COMMUNICATIONS MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA, L’Appareil Judiciaire du Canada, publié
sous l’autorité du ministre de la justice et du procureur général du Canada Gouvernement du Canada, 2005, Éd.Rév., Texte en français et
en anglais disposé tête bêche, ISBN o-662-691-99-7 No de cat.J2-128/2005, en ligne à : www.canada.justice.gc.ca.
225
ASSOCIATION CANADIENNE DES JUGES DES COURS SUPÉRIEURES (ACJSC), Le système judiciaire, En ligne à :
«http://www.cscja-acjcs.ca/structure_of_courts-fr.asp?l=4 » (Site consulté le 15 avril 2015).
226
L.R.C. 1985, c. C-46

45
des audiences, dites enquêtes préliminaires, dans les affaires criminelles susceptibles d’être
entendues devant la cour supérieure227. Ensuite, elles peuvent trancher les infractions liées
aux lois fédérales228. Et, à la lecture du Code civil de Québec, elles se prononcent sur deux
types de litiges, soit les litiges à caractère civil relatif à un montant de 70.000 dollars et les
litiges portant sur les taxes et impôts229.

Viennent en deuxième lieu les cours supérieures, formées, comme nous l’avons
précédemment vu, d’un niveau de première instance et d’un niveau d’appel. Administrés
par les provinces et de nomination fédérale, la compétence de ces juges et tribunaux a deux
aspects, soit 1) ils peuvent être compétentes pour statuer sur les infractions criminelles, les
divorces, les affaires civiles liées à des montants élevés, les contestations fondées sur la
Charte comme tout autre tribunal; 2) ils peuvent réviser en appel les décisions des
tribunaux administratifs et de certains tribunaux inférieurs230. Et le principe de double degré
de juridiction tient, dans les juridictions provinciales, si bien qu’il est interjeté appel de ces
décisions devant la Cour d’appel compétente pour entendre les appels portés habituellement
à ladite Cour231.

Se rencontrent, troisièmement, dans la pyramide judiciaire les tribunaux dits fédéraux,


constitués par le Parlement, tels que les cours martiales, la Cour canadienne d’impôt dites
tribunaux fédéraux spécialisés et les Cours fédérales232. Concernant d’abord les cours
martiales, créés par la Loi sur la défense nationale233, elles peuvent être compétentes pour
statuer sur les litiges liés à la discipline militaire et il est interjeté appel de ces décisions à la
Cour d’appel de la cour martiale. La compétence de la Cour canadienne d’impôt, au regard
de la Loi sur la Cour canadienne d’impôt234, est dite exclusive et elle se prononce sur les

227
Id., art.555.
228
Id.
229
Jean-Maurice BRISSON, Nicholas KASIRER, Centre Paul-André CRÉPEAU de droit privé et comparé, Code civil du Québec,
Règlements relatifs au Code civil du Québec et lois connexes, 22ed, Yvon Blais, 2014-2015, En ligne à :
«http://www.editionsyvonblais.com/detail-du-produit/code-civil-du-quebec-edition-critique-civil-code-of-quebec-a-critical-edition-2014-
2015» (Site consulté le 06 mai 2015).
230
ACJS, préc., Note225.
231
Id.
232
DIRECTIONS DES COMMUNICATIONS, préc., Note 224, p.5.
233
L.R.C. 985, c.N-5.
234
L.R.C.1985, c.T-2, en ligne à « http://lois-laws.justice.gc.ca, » (consulté le 11 avril 2015).

46
causes relatives aux questions abordées dans les lois fédérales235. Et ces décisions sont
susceptibles d’appel devant la Cour d’appel fédérale236.

S’agissant des Cours fédérales, les juges et tribunaux y afférents sont à la fois constituées et
nommés par le Parlement tel qu’ils peuvent trancher les affaires relatives aux questions
prévues dans les lois fédérales. En ce sens, leurs compétences sont dites concurrentes et
attributives237. En effet, la compétence concurrente de ces juges et tribunaux s’étend à
quatre matières, soit qu’elle peut d’abord décider, selon l’article 17 (1), en première
instance, dans le cas de demande liée à la réparation contre la Couronne. Puis, elle peut
statuer, selon le paragraphe 4, en première instance, dans les procédures dans lesquelles
doivent être tranchés les litiges mettant en cause la Couronne. Cette même compétence tient
ensuite, selon le paragraphe5, encore dans les actions en réparation intentées, soit 1) au
civil par la Couronne ou le procureur général du Canada; 2) contre un fonctionnaire,
préposé ou mandataire de la Couronne pour des actes ou omission posés dans le cadre de
ses fonctions238. Enfin, la Cour peut se prononcer sur les actions liées à la propriété
industrielle et au droit maritime comme le prévoit respectivement le paragraphe 2 des
articles 20 (1) et 22, dans les cas déterminés par la loi239.

Quant aux compétences attributives de la Cour fédérale, elles tiennent en première instance
tel que la Cour a d’abord compétence exclusive quant aux litiges qui mettent
éventuellement en cause la Couronne aux termes d’une Convention tels que le paiement
d’une somme d’argent et une question de droit mixte240. Outre les compétences
concurrentes et attributives, la Cour, selon les articles 18.1(1) à (5), 18.3(1) et 19, peut être
compétente pour décider des affaires telles que les demandes liées au contrôle judiciaire, les
renvois et les différends éventuels entre les gouvernements du Canada ayant adopté une loi
semblable lorsqu’une loi d’une province prévoit sa compétence241.

235
Id., Voir, le cas échéant, l’article 12(1) pour plus d’informations liées à ces lois.
236
Id., art.27.
237
L.R.C.(1985), ch.F-7, par.2 et 3.
238
Id.,par.5.
239
Id., art.20. Notons que toute loi fédérale peut également, au regard de l’article 17(6) de ladite loi, attribuer compétence a la Cour.
240
Id., par.3.
241
Id., art.18.1 et ss.

47
Aussi, le principe de double degré de juridiction s’impose tel qu’il est interjeté appel, selon
l’article 5 (1) de la Loi sur la Cour d’appel fédérale, des décisions de ladite Cour à la Cour
d’appel fédérale relatives aux jugements définitifs, jugements sur une question de droit
rendu avant l’instruction, jugements interlocutoires et jugements sur un renvoi d’un office
fédéral ou du procureur général du Canada242. De même, la Cour d’appel fédérale peut se
prononcer sur les décisions de la Cour canadienne de l’impôt qui concernent par exemple
les jugements définitifs, jugement sur une question de droit rendu avant
l’instruction243.Selon l’article 28 (1), elle a aussi compétence sur les demandes de contrôle
judiciaire mettant en cause les offices fédéraux tels que le conseil d’arbitrage, la
commission de révision constituée par une loi et le gouverneur en conseil quand il prend
certains types de décrets244. La Cour peut aussi être compétente pour trancher des questions
constitutionnelles moyennant le respect d’une condition sine qua non. Soit que, selon
l’article 57 (1), la Cour ne peut déclarer les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes
d’application invalides, inapplicables ou sans effet devant les Cours fédérales ou un office
fédéral qu’après avoir tenu les procureurs fédéral et provinciaux informés de son intention
dans le délai requis245.

Cour supérieure d’appel du Canada, la Cour suprême, comme le prévoit la Loi sur la Cour
suprême est une juridiction d’appel en matière civile et pénale constituée par le Parlement.
Ce qui sous-tend que, de nomination fédérale, ses juges peuvent trancher en dernier ressort
les appels relatifs à tous les domaines du droit tant au niveau fédéral que provincial246. Par
exemple, comme le dispose l’article 35, elle peut décider des litiges mettant éventuellement
en cause les gouvernements fédéraux et provinciaux. De même, les décisions rendues par la
Cour d’appel relatives aux litiges mettant en cause le Canada et une province, deux ou
plusieurs provinces, sont susceptibles d’appel, selon l’article 35 (al.1) devant la Cour247.

Enfin, comme le démontre le juriste Gàbor Széplaki-Nagy, de tradition anglo-saxonne, le


régime juridique canadien, contrairement à celui de l’État français, n’est pas doté d’une

242
Id., art.27.
243
Id.
244
Id., art.28.
245
Id., art.57.
246
L.R.C.1985, c.S-26.
247
Id., art.35 et ss.

48
école de la magistrature chargée de la formation professionnelle des magistrats avant leur
nomination. Toutefois, ces derniers, une fois accédés à la fonction judiciaire, se voient
exposer à tout un ensemble de programmes de formations variés liés aux différents aspects
de la fonction judiciaire et aux divers domaines du droit248.

En résumé, les institutions judiciaires canadiennes portent les empreintes de l’État


fédéraliste et de la tradition anglo-saxonne. Soit que, premièrement, les principales Cours
de justice peuvent être compétentes pour entendre notamment le litige privé, public et
constitutionnel lié à des questions abordées soit dans les lois fédérales, soit dans les lois
provinciales. En ce sens, il n’existe pas, dans ce régime juridique, de tribunal spécialisé en
matière de contrôle d’inconstitutionnalité de la loi. De même, les renvois relatifs aux
grandes questions de droit relèvent généralement de la compétence des deux ordres de
gouvernement. Encore plus, les Cours judiciaires sont séparées des tribunaux administratifs
(considérés comme des tribunaux inférieurs dans l’appareil judiciaire) avec le pouvoir de se
prononcer parfois sur certaines questions administratives. Et, deuxièmement, les différents
magistrats reçoivent apparemment, une fois brigués la fonction judiciaire, une formation de
grande envergure relative aux exigences de la fonction judiciaire tel qu’ils n’avaient pas été
préalablement formés dans une école de la magistrature. Delà des similitudes et différences
entre les systèmes judiciaires français et canadien que nous allons mettre en évidence.

En effet, les cours et tribunaux supérieurs canadiens et français ont en commun trois grands
traits. D’abord, ils peuvent être compétents pour décider généralement du litige privé,
public et constitutionnel. Ensuite, les cours et tribunaux judiciaires sont séparés des
tribunaux administratifs si bien que ces derniers ne font pas partie des appareils judiciaires.
Enfin, ils peuvent veiller et statuer (soit presque tous les tribunaux canadiens et le Conseil
constitutionnel en France) sur les violations des droits et libertés fondamentales.

Or, il est constaté que les deux systèmes judiciaires diffèrent sur cinq points parce que,
premièrement, les cours et tribunaux supérieurs canadiens (qu’ils soient fédéraux ou
provinciaux), ont la particularité de pouvoir être compétents pour trancher tout litige
soumis éventuellement à son appréciation. Alors que, en France, une cour ou un tribunal ne
248
G.SZÉPLAKI-NAGY, préc., Note 85, p.120.

49
peut être compétent que pour trancher le type de litige prévu préalablement par la loi.
Deuxièmement, les tribunaux administratifs canadiens se distinguent de ceux de l’État
français en ce qu’ils sont considérés comme des juridictions inférieures auxquelles la loi
reconnait le pouvoir de trancher certaines matières déterminées.

Troisièmement, il n‘existe, dans le régime juridique canadien, que le contrôle a posteriori


de la constitutionnalité de la loi. C’est-à-dire, à comprendre le Professeur Louis-Philippe
Lampron, le principe est que la loi doit être non seulement votée « et produise donc des
effets pour qu’une cour de justice compétente puisse être saisie d’une question de
constitutionnalité», mais tous les tribunaux, sauf exception, sont compétents pour
l’exercer249. Ce que la Cour suprême a, en principe, reconnu dans l’arrêt Conway. Soit que
la Cour a perçu que, dès qu’un tribunal (même un tribunal administratif), peut être
compétent pour trancher des questions de droit, il peut traiter des questions
constitutionnelles250. Pourtant, en France, le Conseil constitutionnel exerce à la fois le
contrôle a priori et a posteriori de la constitutionnalité de la loi.

Quatrièmement, l’un des deux ordres de gouvernement (fédéral ou provincial), concernant


le contrôle a posteriori de la constitutionnalité de la loi, peut procéder au renvoi à un
tribunal supérieur (fédéral ou provincial). Ce qui ne se fait pas pourtant en France, en ce
que, non seulement, la loi ne permet pas de faire de renvoi à un tribunal supérieur, mais le
renvoi se fait de juridiction à juridiction (par le Conseil d’État ou la Cour de cassation
devant le Conseil) dans les cas fixés par la loi. Les pouvoirs exécutif et législatif ne
procèdent au renvoi qu’en matière de contrôle a priori.

Enfin, gardien des droits et libertés fondamentales, les cours et tribunaux de justice
canadiens peuvent être tous d’évidence compétents pour trancher les litiges y afférents. Ce
qui est différent en France en ce que le Conseil constitutionnel peut être chargé
exclusivement de traiter des questions relatives aux droits et libertés fondamentales.

249
L-P, LAMPRON, préc., Note 219, p.303.
250
R.c.Conway [2010]1 R.C.S, par.62.

50
Notons que figure dans le système judiciaire français une École chargée de la formation
professionnelle des juges appelés à exercer les fonctions de juger. Aussi s’y rencontre un
tribunal dit de conflit qui peut être compétent pour se prononcer sur les litiges mettant
éventuellement en cause les deux ordres judiciaires.

En tout état de cause, ces traits de similitudes et différences sont très significatifs en ce
que les deux systèmes judiciaires sont encore plus intégrés que, dans le cadre de
l’application de la loi, ils implantent des cours et tribunaux supérieurs capables de statuer
sur le litige privé, public et constitutionnel. Nous allons enfin traiter du système judiciaire
haïtien tel que nous mettrons en exergue ses similitudes et différences avec les deux autres.

1.2.1.3 Le système judiciaire haïtien: l’organisation, la compétence et le


fonctionnement des cours et tribunaux

S’agissant du système judiciaire haïtien, les différentes juridictions sont implantées tel que
le principe de double degré de juridiction peut être respecté251. Dans ce sens, la loi définit
la compétence spécifique de chaque cour ou tribunal en fonction de divers facteurs tels que
la nature de l’affaire qui est soumise à son appréciation, la situation géographique et le
montant252. En effet, les données recueillies sur le terrain nous ont permis de représenter
schématiquement le système judiciaire haïtien comme suit :

251
MISSION CIVILE INTERNATIONALE OEA/ONU :La Constitution de 1987 et les droits de l’homme, Actes du Colloque
International MICIVIH-PNUD Sous le patronage du Président de la République, Port-au-Prince, Haïti, 28-29 avril 1997, Bibliothèque
Nationale d’Haïti,1998, p.148.
252
Le système judiciaire (CRIJ)2002-2013, p.1, en ligne à http://www.haitijustice.com/le-systeme-judiciaire-haitien(Site consulté le 24
août 2013)

51
Conseil constitutionnel

Cour de cassation

Cours d’Appel Cour supérieure des Comptes

et du Contentieux administratif

Tribunaux de Première Instance

Tribunaux de Paix

Soit que nous trouvons en effet hiérarchiquement, tel que le prévoit l’article 173 de la
Constitution, au bas de l’échelle, les Tribunaux de Paix253. Ce sont des tribunaux à juge
unique, dont la compétence est limitée en matière civile qu’ils connaissent, selon l’article
18 du Code de Procédure Civile (C.p.c), des affaires personnelles ou mobilières ne
dépassant pas 25.000 gourdes254, soit un montant équivalant, dans le contexte actuel, à 100
dollars U.S. Ils ont encore, tel que le prévoit la Constitution, la compétence sur les
infractions pénales qualifiées de contraventions255.

Viennent ensuite les Tribunaux de Première instance. Aussi, tribunaux à juge unique, ils
ont, tel que le prévoit l’article 61 du Code de Procédure Civile, la plénitude de juridiction.
Et ils siègent conformément à la loi en matière commerciale ou en appel. Ils jugent en

253
Constitution, préc., Note 9, art.173.
254
Luc HECTOR, Code de Procédure Civile voté Par la Chambre Législative, le 17 septembre 1963 promulgué le 17 janvier 1964.
Annoté, mars 1988, art.18.
255
Constitution., préc., Note 9, art.26-2.

52
appel en ce qu’ils peuvent entendre les recours exercés contre les décisions prises par le
juge de Paix en premier ressort256.

Les Tribunaux de Première Instance sont suivis des Cours d’Appel et ces dernières, comme
leur nom l’indique, sont des juridictions de rejugé. Elles connaissent, selon l’article 412
C.p.c, toutes contestations déjà entendues en premier ressort par les Tribunaux civils en
leurs attributions civiles, commerciales, correctionnelles et criminelles257.

Enfin, tribunal de dernière instance du pays, la Cour de cassation, au regard de la


Constitution de 1987, peut exercer des fonctions contentieuses et politiques. Concernant,
premièrement, les fonctions contentieuses, il est, au regard des articles 178.1 et 183 de la
loi fondamentale, de principe que la Cour peut être compétente pour trancher les recours
exercés contre les décisions judiciaires et contrôler la constitutionnalité de la loi par voie
d’action258. Ce faisant, elle ne connait pas du fond des affaires, selon l’article 178, mais du
droit259. N’empêche que ledit article porte un bémol en ce qu’il dispose que :« […]en
toutes matières autres que celles soumises au jury lorsque sur un second recours, même
sur une exception, une affaire se présentera entre les mêmes parties, la Cour […]statuera
sur le fond, sections réunies»260. De même, au vœu de l’article 200-2, la Cour peut être
compétente pour se prononcer sur les recours exercés contre les arrêts de la Cour
supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CsCCa)261.

Mais, précisons que le pouvoir reconnu à la Cour d’exercer le contrôle de la Constitution


est dite transitoire en ce que la Loi constitutionnelle de 2011 a porté la création d’un
Conseil Constitutionnel et lui a transféré le pouvoir d’en exercer sur renvoi de la Cour de
cassation262.

256
Id., art.412.
257
Id.
258
Constitution., préc., Note 9, arts.178.1 et 183.
259
Id, art.178.
260
Id.
261
Id., art.200-2
262
Constitution Portant Amendement de la Constitution de 1987, Le Moniteur No58, J.O., Port-au-Prince, vendredi 13 mai 2011,
art.190ter.8, en ligne à : « http/fr.scrib.com/doc/55620609/La Constitution-Amendement-dans-le-Moniteur » (Site consulté le 29 janvier
2012).

53
La Constitution de 1987 a aussi reconnu des fonctions politiques à la Cour de cassation en
ce que, au regard de l’article 149, le président, vice-président ou le juge le plus ancien de la
Cour, en cas de vacances du Président de la République, a été d’office président de la
République263. Enfin, l’article 206 a donné au Président de la Cour le pouvoir de présider
les séances de la Commission de conciliation. Celle-ci a eu précisément pour fonction de
concilier l’exécutif et le législatif en cas de désaccords264.

Mais, ces deux articles sont aussi abrogés par la Loi constitutionnelle de 2011 qui porte,
d’une part, la compétence du Conseil des Ministres ou de l’Assemblée Nationale de
travailler, le cas échéant, quant à combler le vide présidentiel par la désignation d’un
nouveau président265. Et, d’autre part, elle a reconnu la compétence du Conseil
constitutionnel de se prononcer sur les conflits mettant éventuellement en cause les
pouvoirs exécutif et législatifs ou les deux branches du pouvoir législatif266.

N’empêche toutefois que, à notre avis, les fonctions à caractère politique de la Cour
demeurent encore dans le système judiciaire. En ce que, non seulement le Conseil
Constitutionnel est inactif, mais, selon l’article 192 de la Loi constitutionnelle de 2011, le
Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), présidé par le Président de la Cour de
cassation, doit désigner trois de ses pairs pour représenter le pouvoir judiciaire dans le
Conseil électoral permanent (voir la définition du Conseil dans la note de bas de page)267.

Soulignons que la Loi constitutionnelle de 2011 a reconnu beaucoup d’autres fonctions au


Conseil en ce que d’abord il peut veiller et statuer sur la constitutionnalité de la loi avant
leur promulgation; et les règlements des chambres des sénateurs et des députés avant leur
mise en application. Il veille ensuite à la constitutionnalité des autres règlements mais le
constituant ne précise pas dans quelles circonstances cela doit être fait. Lui seul peut être en
outre compétent pour statuer en matière de lois liées aux droits fondamentaux et les libertés

263
Constitution, préc., Note 9, art.149.
264
Id., arts.190 et 206.
265
Constitution Portant Amendement, préc., Note 267. art.191ter.7.
266
Id., art.190ter.7.
267
Constitution Portant Amendement, préc., Note267. Notons que le Conseil Électoral est, dans le régime juridique haïtien, un organe
politique non moins important : soit qu’il est chargé, au regard de l’article 191 de la Constitution de 1987, d’organiser et de contrôler en
toute indépendance, toutes les opérations électorales sur tout le Territoire de la République jusqu’à la proclamation des résultats du
scrutin.

54
publiques. Il peut être enfin compétent pour se prononcer sur les litiges mettant en cause les
tribunaux administratifs, tribunaux électoraux et les tribunaux judiciaires268.

Par ailleurs, à la lecture de la Loi du 15 novembre 2007269, est affectée au système judiciaire
haïtien l’École de la Magistrature (EMA) dite troisième pilier de la réforme judiciaire
initiée en 2007. En effet, il relève, selon l’article 2 de ladite Loi, de la compétence du
Ministre de la justice de déterminer les modalités du concours d’entrée à l’EMA270. De
même, ledit Ministre a la charge de transmettre la liste des élèves magistrats aptes aux
fonctions judiciaires au Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales pour suites
nécessaires271.

Il est enfin reconnu aux cours et tribunaux judiciaires haïtiens le pouvoir de trancher le
litige privé pendant que la Cour de cassation, tribunal de dernière instance, peut être
compétente pour trancher le litige public, constitutionnel et politique. Soit que, non
seulement, il y est interjeté appel des arrêts de la CsCCa, mais elle exerce le contrôle de la
constitutionnalité de la loi étant dotée de plusieurs attributions politiques. En ce sens, les
fonctions de juger posent problème, dans ce régime juridique au point qu’elles sont
étroitement liées à la fonction politique qui est susceptible de favoriser les ingérences des
pouvoirs publics dans le processus décisionnel des juges. Mettons, dans ce cadre, en
évidence, les similitudes et différences entre les cours et tribunaux judiciaires supérieurs
français, canadiens et ceux de l’État d’Haïti.

D’abord, outre certaines caractéristiques communes aux trois systèmes judiciaires, il est
constaté que le système judiciaire haïtien est relativement lié à chacun des deux autres.
S’agissant premièrement des caractéristiques communes, les cours et tribunaux supérieurs
relatifs aux trois régimes juridiques peuvent se prononcer généralement sur le litige privé,
public et constitutionnel.

268
Id., art.190ter.5 et ss.
269
Loi du 15 novembre 2007, préc., Note 51.
270
Îd., art.32.
271
Id., art.35.

55
Deuxièmement, le système judiciaire haïtien est relativement lié à celui de la France en ce
que la Cour de cassation haïtienne, comme le Conseil constitutionnel français, peut être
exclusivement compétente pour exercer le contrôle a posteriori de la constitutionnalité de la
loi. Puis, les cours et tribunaux judiciaires haïtiens sont, comme ceux de l’État français,
séparés de la juridiction administrative en ce que, hormis la possibilité d’interjeter appel des
arrêts de la CsCCa à la Cour de cassation haïtienne, ces cours et tribunaux ne peuvent être
compétents pour connaitre les litiges publics. Enfin, le renvoi, en termes de contrôle de la
constitutionnalité de la loi notamment, est encore plus similaire qu’il se fait de juridiction à
juridiction si bien que le contrôle n’est pas apparemment soumis à l’influence du
gouvernement.

Ensuite, le système judiciaire haïtien est aussi relativement lié à celui de l’État canadien en
ce que d’abord la Cour de cassation, comme la Cour suprême, est un tribunal d’appel qui
est chargé de trancher le litige à caractère politique et de contrôler la constitutionnalité de la
loi. De même, il est possible d’interjeter appel des décisions de la juridiction administrative
au niveau d’une instance judiciaire supérieure (soit la Cour de cassation en Haïti, les Cours
provinciales ou fédérales au Canada).

En termes de différences, il est constaté que, outre certaines particularités du système


judiciaire haïtien, certains traits de différences tant absolus que relatifs le distinguent des
deux autres. S’agissant en effet des premiers traits, les cours et tribunaux judiciaires
haïtiens, contrairement à ceux des États français et canadien, ne sont pas d’abord
suffisamment séparés de la juridiction administrative si bien que la Cour de cassation peut
être compétente pour réviser les arrêts rendus, au premier degré, par la CsCCa. Ensuite, le
rôle reconnu au Conseil constitutionnel haïtien pour garder les droits fondamentaux et les
libertés publiques ne peut être opérationnel si le Conseil n’est pas actif. Ce qui sous-tend
que le citoyen, face un problème lié à la violation de ces droits garantis par la Constitution,
ne peut valablement saisir une juridiction compétente.

Le système judiciaire haïtien diffère en effet relativement de celui de la France au point que
les cours et tribunaux judiciaires ne sont pas totalement séparés de la juridiction
administrative présentée comme l’instance supérieure qui peut être compétente pour

56
trancher le litige public au premier degré. La différence est encore plus marquante en ce
que la Cour de cassation peut être compétente pour entendre des conflits politiques. Aussi,
le contrôle à priori de la constitutionnalité de la loi ne peut être effectif si le Conseil n’est
pas encore actif. Enfin, aucune juridiction n’est formellement en mesure de se prononcer en
cas de conflits entre les différents tribunaux au point que le Conseil, appelé bien sûr à
exercer cette fonction, fait défaut dans le système judiciaire.

De même, le système judiciaire haïtien est relativement différent du système judiciaire


canadien en ce que chaque tribunal supérieur haïtien peut être compétent pour trancher le
type de litige (soit privé, public ou constitutionnel) délimité préalablement par la loi.
Encore plus, hormis la compétence reconnue à la Cour de cassation d’exercer le contrôle a
posteriori de la constitutionnalité de la loi, un tribunal supérieur haïtien ne peut être
compétent pour se prononcer sur une éventuelle question d’ordre constitutionnel, voire se
prononcer sur un renvoi ou une question relative aux violations des droits et libertés
fondamentales. Seul le Conseil constitutionnel pourrait être compétent mais il n’est pas
encore actif. Aussi, le renvoi, en matière de contrôle de la constitutionnalité de la loi en
Haïti, se fait de juridiction à juridiction au point que l’exécutif n’a pas de rôle déterminant.
De même, la juridiction administrative a, dans le système judiciaire haïtien, une importance
qu’elle n’a pas dans celui de l’État canadien en ce qu’elle se présente comme une instance
supérieure, détachée apparemment des cours judiciaires, qui peut être compétente pour
entendre le litige public au premier degré. Enfin, il est de principe que les juges haïtiens
doivent recevoir une formation à l’École Nationale de la Magistrature avant de se voir
accéder à la fonction judiciaire. Tel n’est pas, cependant, le cas dans le système judiciaire
canadien où les juges reçoivent, après avoir accédé à la fonction judiciaire, une formation
éventuellement adéquate.

Grosso modo, les systèmes judiciaires français, canadien et celui d’Haïti se veulent d’autant
plus intégrés qu’ils ont en commun plusieurs traits, soit que leurs cours et tribunaux
supérieurs peuvent être généralement compétentes pour trancher le litige privé, public et
constitutionnel. D’où l’existence possible d’un éventuel dialogue entre les trois systèmes
judiciaires au point que ceux des État français et canadien pourraient être utilisés comme
étalon de recherche s’agissant de proposer, dans le cadre de cette recherche, des pistes de

57
solution susceptibles de contribuer à l’amélioration du cadre normatif relatif à
l’indépendance judiciaire en Haïti. Aussi, les droits français et canadien s’imposent encore
plus que, mise à part l’organisation judiciaire, ils ont travaillé à l’effectivité de la séparation
des pouvoirs par la définition des garanties de l’indépendance des juges et tribunaux
supérieurs des pouvoirs publics. Voilà le contexte dans lequel nous allons border, dans la
section suivante, l’indépendance judiciaire dans ces deux régimes juridiques.

1.2.2 L’indépendance judiciaire dans les droits français et canadien: les garanties
constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et individuelle

Outre la compétence des institutions judiciaires respectives de pouvoir trancher le litige


privé, public et constitutionnel, sont posées, dans les régimes juridiques français et
canadien, les garanties susceptibles de rendre la séparation des pouvoirs effective dans la
pratique judiciaire. Ce qui sous-tend que les garanties constitutionnelles ou statutaires de la
fonction judiciaire sont définies, dans les deux régimes juridiques, et peuvent mettre le
processus décisionnel des juges à l’abri ingérences des pouvoirs publics. Notons que ces
garanties sont vraisemblablement liées à l’indépendance institutionnelle et individuelle
figurée dans le droit international. Il s’agit, ici, de mettre en exergue les garanties de
l’indépendance judiciaire posées dans ces deux régimes juridiques et, ce faisant, nous
présentons les garanties dudit principe dans le régime judiciaire français (1.2.2.1), avant de
les aborder dans le régime juridique canadien (1.2.2.2).

1.2.2.1 L’indépendance judiciaire dans le droit français : les garanties


constitutionnelles et statutaires liées à l’indépendance institutionnelle et individuelle

En France, s’agissant des mesures liées à la garantie de l’indépendance judiciaire, les cours
et tribunaux supérieurs peuvent être compétents pour connaître le litige privé, public et
constitutionnel. De même, se posent les garanties de la séparation du pouvoir judiciaire des
pouvoirs publics en ce que, non seulement, la Constitution a prévu les balises de
l’indépendance judiciaire, mais le législateur en a défini le cadre d’application. Encore
plus, le juge constitutionnel a interprété l’indépendance judiciaire au point qu’il en a
dégagé une perception conforme à la fois aux principes constitutionnels et statutaires.

58
Notre objectif, dans cette partie, consiste en la mise en évidence des garanties
constitutionnelles et statutaires relatives à l’indépendance judiciaire dans le régime
juridique français. Ce faisant, nous présenterons les garanties constitutionnelles liées à la
fonction des juges et tribunaux ordinaires (1.2.2.1.1), les garanties statutaires de la fonction
judiciaire confirmées par le législateur (1.2.2.1.2), les critères du principe de
l’indépendance judiciaire mis en évidence par le juge constitutionnel (1.2.2.1.3) et enfin les
exigences d’indépendance du juge constitutionnel (1.2.2.1.4).

1.2.2.1.1 Les balises constitutionnelles de l’indépendance institutionnelle et


individuelle: les modalités relatives à l’inamovibilité et à l’indépendance
administrative

Les balises constitutionnelles de l’indépendance judiciaire, en France, portent les modalités


liées à l’inamovibilité et à l’indépendance administrative des juges et tribunaux ordinaires.
En effet, l’article 64 de la loi fondamentale dispose que les juges sont inamovibles et pose
le Président de la République comme garant de l’indépendance. Mais, ce dernier doit être,
selon ledit article, assisté du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) dans l’exercice de
sa fonction272. Puis, l’article 65 porte que le Conseil fait des propositions pour les
nominations des juges à la Cour de cassation, y compris pour celles de premier président de
cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Quant aux autres
magistrats, ils sont nommés, selon ledit article, sur l’avis dudit Conseil273.

Plusieurs se retrouvent, du point de vue doctrinal, dans cet ensemble de principes. En effet,
selon le juriste Gàbor Szeplaki-Nagy, les garanties de l’indépendance judiciaire, tel qu’elles
se posent dans le régime juridique français, sont susceptibles de protéger l’inamovibilité
des juges qu’une procédure particulière dite la « transparence » est établie dans le cadre de
la nomination des juges. Ce qui sous-tend, à comprendre ledit juriste, le Ministère de la
justice, en cas de chaque poste vacant, porte à la connaissance du Conseil non seulement le
nom de la personne dont il souhaite proposer la nomination, mais les noms des candidats
au même poste. Et ces derniers, juste avant que ledit Conseil ne donne son avis, se voient

272
Constitution du 4 oct.1958, préc., Note 207, art.64.
273
Id., art.65.

59
octroyé un délai pour lui faire des réclamations. En ce sens, si le Conseil juge qu’une
réclamation tient, il émet un avis défavorable sur la proposition dudit Ministère qui se voit
obligé de la retirer et d’en faire une autre274.

De même, les membres du Conseil, selon le Président du Conseil constitutionnel Jean-


Louis Debré, jouissent de l’indépendance quant à émettre leur avis ou proposition. Cela
résulte, selon lui, de la manière dont ils accèdent à cette fonction au point qu’ils sont élus
pour partie par les magistrats, pour partie nommés par le Président de la République et les
Présidents des deux chambres275.

Notons que, à la lecture des articles 64 et 65 de la Constitution de 1958, la séparation du


pouvoir judiciaire des pouvoirs exécutif et législatif est de principe dans le régime juridique
français. En effet, cette séparation des pouvoirs repose sur les principes de l’inamovibilité
et l’indépendance administrative. Aussi, le principe de la séparation des pouvoirs s’impose
tel qu’elle est préconisée par la Déclaration des droits de l’homme de 1789 (ci-après :
Déclaration des droits), qui le pose comme un principe fondamental de la Constitution. En
effet elle prévoit que, en son article 16 que« Toute société dans laquelle la garantie des
droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée, n’a point de
Constitution.»276. Qui plus est, la Loi organique de 1958277 l’a reconnu en confirmant les
balises constitutionnelles de la fonction judiciaire. Présentons, dans cet ordre d’idée, les
garanties statutaires de la fonction judiciaire définies par le législateur français.

274
G.SZÉPLAKI-NAGY, Note 85, p.123. Soulignons que les guillemets sont de l’auteur.
275
Jean-Louis DEBREY, Justice et séparation des pouvoirs en droit constitutionnel français, Intervention lors de la deuxième conférence
régionale du monde arabe qui s’est tenue à DOHA, au Qatar, les 27 et 28 avril 2008, p.3, en ligne à : «www.conseil-
constitutionnel.fr/...constitutionnel/.../pdt_debre_doha_avri» (Site consulté le 05 novembre 2013).
276
Déclaration des droits de l’homme de 1789 art.16, en ligne à : «http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-
des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789 »(Site consulté le 09 septembre 2013).
277
Ordonnance no58 -1270 du 22 déc.1958, préc., Note 206.

60
1.2.2.1.2 Les principes statutaires liés à l’indépendance institutionnelle et individuelle
en France: les modalités de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de
l’indépendance administrative

De même, le législateur a, en France, défini le cadre de l’application des principes


constitutionnels dans la Loi organique de 1958278 au point qu’il a confirmé les conditions
de service et de mandat liées à l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et
tribunaux. En effet, l’article 4 de ladite Loi dispose que les juges sont inamovibles, c’est-à-
dire ils ne peuvent recevoir, sans leur consentement, une affectation nouvelle, et ce, même
en avancement279. Puis, l’article 14 prévoit deux modalités d’accès au corps judiciaire, soit
par l’École nationale de la magistrature ou par intégration directe. Dans le premier cas, le
législateur préconise d’abord que les auditeurs de justice sont recrutés par voie de concours
et sur titre dans les conditions fixées par la loi280. Les concours, pour le recrutement des
auditeurs de justice, sont précisément au nombre de trois (3). Et ils sont respectivement
relatifs aux candidats réunissant les conditions figurées dans le premier paragraphe de
l’article 16, à certains fonctionnaires régis par le statut général des fonctionnaires de l’État
et à certaines personnes ayant une carrière sur le plan professionnel281.

Comme le dit Jean-louis Ropers, ex-Secrétaire général de la Cour de cassation, le concours,


pour le recrutement des auditeurs de justice en France est fortement efficace en ce qu’il
présente des garanties suffisantes de l’indépendance judiciaire282.

En termes de responsabilité, les auditeurs de justice, au vœu de l’article 19, exercent


l’activité juridictionnelle sous la responsabilité des magistrats, mais, ils ne peuvent pas
recevoir délégation de signature. Le législateur préconise ensuite deux concours pour le
recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire. En ce
sens, outre les conditions prévues à l’article 16, ils doivent remplir tout un ensemble de

278
Id.
279
Id., art.4.
280
Id., art.14.
281
Id., art.42. Voir l’article 16 et suivants pour prendre éventuellement connaissance de ces formalités.
282
Jean-Louis ROPERS, « Un Colloque international sur l’indépendance des juges », in[Vol.5, No4] (1953)R.I.D.C, pp.699-709, p.701.
doi : 10.3406/ridc.1953.6644, en ligne à: «http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-
3337_1953_num_5_4_6644 ».(Site consulté le 01Avril 2015).

61
formalités prévues par la loi283. Il confirme la procédure tracée à l’article 65 de la
Constitution en termes de nomination des juges284 et, quant à la sécurité financière, l’article
42 dispose que le juge a droit à un traitement, formé du salaire et des accessoires, fixé par
décret en conseil des ministres285.

De même, l’article 8 porte que l’exercice de la fonction judiciaire est incompatible avec
toutes fonctions publiques, y compris, hormis les travaux scientifiques, littéraires ou
artistiques auxquels ils peuvent se livrer sans autorisation préalable, les fonctions
professionnelles ou salariées. Or, ce principe est tempéré si bien que le législateur
reconnait, dans ce cadre, des marges de manœuvres aux chefs de Cour et il prévoit en effet:

Des dérogations individuelles peuvent toutefois être accordées aux magistrats, par décision
des chefs de Cour, pour donner des renseignements ressortissant de leur compétence ou pour
exercer des fonctions ou des activités qui ne seraient pas de nature à porter atteinte à la
dignité du magistrat ou à son indépendance, à l’exception des activités d’arbitrage, sous
réserve des cas prévus par les dispositions législatives en vigueur286.

Comme le conçoit Jean-Louis Costa, le décideur a, dans ce sens, opté pour la neutralité
politique du juge tel que la justice devient une justice fonction (au service des justiciables)
et non une justice pouvoir (susceptible d’être utilisée par les politiques pour atteindre leurs
fins)287.

Les magistrats, au regard de l’article 11, bénéficient de l’immunité relative. En ce sens, ils
sont protégés contre les menaces, les attaques de quelque nature que ce soit, dont ils
peuvent être victimes. Mais ils sont, au même titre que les citoyens, soumis au droit
commun288. Ce principe ne tient toutefois pas lorsqu’ils agissent dans le cadre de leurs
fonctions en ce que ledit article dispose, par ailleurs, que : « La responsabilité des

283
Art.16 et ss.
284
Id., art.28.
285
Id., art.42.
286
Id.
287
Jean-Louis COSTA, « Nécessité, conditions et limites d’un pouvoir judiciaire en France »,[ vol 10, no3](R.f.s.p)1960, p.265., en ligne
à :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1960_num_10_2_392571(Siteconsulté le 01 novembre 2013).
Notons que les parenthèses ne sont pas de l’auteur.
288
Id., art.11.

62
magistrats qui ont commis une faute personnelle se rattachant au service public de la
justice ne peut être engagée que sur l’action récursoire de l’État »289.

À comprendre, de même, le juriste Michel Mazard, ce principe tient si bien que les juges
sont protégés des tentatives de déstabilisation sans que la fonction judiciaire ne soit
sacralisée290.

Le Conseil de la magistrature, au regard de l’article 50, est l’organe administratif du


pouvoir judiciaire et il est chargé de garantir son indépendance judiciaire. Et, concernant
cette charge, il relève, par exemple, de sa responsabilité, en cas d’urgence, d’interdire à un
juge, sur proposition du Ministre de la justice, l’exercice de sa fonction. Cette décision,
pour être valide, doit être conforme à certains principes tels qu’elle ne peut être ni publique
ni comporter privation du droit au traitement. Le pouvoir décisionnel du Conseil tient au
point qu’il lui est enfin reconnu la compétence, après un délai de deux mois, de mettre fin à
l’interdiction temporaire si ledit Ministre ne le saisit pas291.

Notons que, l’indépendance judiciaire se reconnait, dans le droit français, à l’inamovibilité,


la sécurité financière et l’indépendance administrative. Ces trois conditions de la fonction
judiciaire, sur lesquelles repose la séparation des pouvoirs, trouvent notamment leur sens
dans la pratique judiciaire au fait que le Conseil de la Magistrature est à même de garantir
l’indépendance judiciaire. Il est, pour dire autrement, doté de la compétence suffisante
pour exercer ses attributions tel que les pouvoirs publics ne peuvent guère intervenir dans
le cadre des décisions relatives à l’administrative du pouvoir judiciaire. Qui plus est, le
juge constitutionnel a interprété le principe de l’indépendance judiciaire au point qu’il a
confirmé les principes de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance
administrative. Traitons des critères de l’indépendance judiciaire définis par le juge
constitutionnel dans le point qui suit.

289
Id., Voir l’al.1 dudit article.
290
Michel MAZARD, “Justice et séparation des pouvoirs: aperçu de la situation en France » dans Auditions par la Commission des
Affaires juridiques du Parlement européen sur le thème « Justice et séparation des pouvoirs :l’indépendance des magistrats » 26 mars
2008, p.7, en ligne à : « http://www.europarl/.europa.eu/document/.../20080403ATT25683FR»(Site consulté le 30 octobre 2013).
291
Ordonnance no58 -1270.,préc., Note 217, art.50.

63
1.2.2.1.3 Les conditions de l’indépendance judiciaire reconnues par le juge
constitutionnel français: les principes de l’inamovibilité, de la primauté du droit et de
la séparation des pouvoirs

Force est de dire que le juge constitutionnel français a, en fait, interprété l’indépendance
judiciaire et a apparemment confirmé les conditions de service et de mandat liées à
l’indépendance institutionnelle et individuelles des juges posées dans la Constitution. En
effet, il se base sur les principes constitutionnels de l’indépendance de l’autorité judiciaire,
la règle de l’inamovibilité et le principe de l’égalité affirmée dans la Déclaration des
droits292 pour définir l’indépendance judiciaire. Et ces trois principes, tel qu’il le démontre
dans sa décision du 19 février 1998, réfèrent à deux critères essentiels, c’est-à-dire l’égalité
devant la loi et l’indépendance. S’agissant en effet de l’égalité devant la loi, elle signifie
que, selon le Conseil, en matière de recrutement, il importe exclusivement de prendre en
compte les capacités, les vertus et les talents. Et ces trois critères (les capacités, vertus et
talents), doivent être en adéquation avec les fonctions des juges et garantir l’égalité des
citoyens devant la justice. Encore, les magistrats doivent être traités de façon égale dans
l’exercice de leur carrière293.

En ce qui a trait à l’indépendance, elle a, au regard dudit juge, dans sa décision du 20


février 2003, deux grands aspects : soit elle se rapporte généralement, d’une part, au corps
judiciaire et, d’autre part, elle renvoie spécifiquement au juge et à sa fonction. En fait,
l’indépendance dans le premier cas implique que, pour ledit juge, les garanties sont telles
que l’autorité de nomination ne peut disposer des magistrats à son gré. Dans le deuxième
cas, elle implique les juges n’exercent pas une fonction autre que la fonction judiciaire
capable de l’exposer aux influences pernicieuses des justiciables294.

S’agissant des garanties relatives aux missions des magistrats du siège, elle comporte deux
aspects, c’est-à-dire la garantie d’indépendance spécifique au juge et le renforcement du

292
Guy CANIVET, Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Cahiers du Conseil constitutionnel no16
(Dossier : le Conseil constitutionnel et les diverses branches du droit-juin 2004), en ligne à : «http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/cahiers-du-conseil/cahier-n-16/le-juge-judiciaire-dans-la-jurisprudence-du-conseil-
constitutionnel.51975.html »(Site consulté le 10 septembre 2013).
293
Cons.Const. 19 fév.1998, D.98-336 DC.Rec.Cons.Const.
294
Cons.Const. 20 fév.2003, D.2003-466 DC.Rec.Cons.Const.

64
principe de l’égalité des citoyens devant la loi295. En ce qui a trait à l’indépendance
spécifique au juge, le juge constitutionnel l’approche dans ses décisions du 19 février1998
précité et 09 juillet 1970. En effet, il présente l’inamovibilité des magistrats du siège
comme une condition essentielle de leur fonction296 parce qu’elle assure aux juges
l’indépendance nécessaire pour exercer l’autorité judiciaire297.

Cette approche du juge, pour le juge Guy Canivet, a deux facettes en que, premièrement,
l’inamovibilité implique d’abord que le juge exerce sa fonction là où il a été nommé.
Deuxièmement, elle assure le justiciable qu’un tribunal ne va pas être éventuellement
formé pour décider d’un litige spécial298.

En outre, le juge constitutionnel a, en vertu de l’article 16 de la Déclaration, fait une


application étendue de l’égalité des citoyens devant la justice. En effet, il préconise que la
primauté du droit et la séparation des pouvoirs relèvent des modalités de recrutement. Il
fait, dans ce sens, obligation au législateur de poser des conditions susceptibles de garantir
une justice équitable et de qualité quel que soit le juge299.

Le Conseil a fait une application étendue du principe qu’il a lié, dans sa décision du
20février 2003, la primauté du droit et la séparation des pouvoirs aux exigences
d’indépendance du juge. Ce qui est, en principe, pertinent en ce que cela prévient
l’incompatibilité des fonctions capable de nuire à une distribution équitable de la justice300.

L’analyse des principes constitutionnels et statutaires relatifs à la fonction judiciaire en


France nous permettent de comprendre que les mesures liées à la garantie de
l’indépendance judiciaire se veulent pertinentes. Parce que les garanties de la séparation du
pouvoir sont définies tel que le processus décisionnel des juges et tribunaux peut être à
l’abri des ingérences des pouvoirs publics. En effet, si l’exécutif, par exemple, est appelé à
jouer le rôle de garant de l’indépendance judiciaire, il est apparemment fort impossible

295
G. CANIVET., préc., Note 292.
296
Con.Cont.,09 juill.1970, D.70-40 DC.Rec.Con.Const.
297
Id.
298
G.CANIVET., préc., Note 292.
299
Cons.Const., préc., Note 298.
300
Cons.Const. 20 fév.2003, D.98-336 DC.Rec.Cons.Const.)

65
qu’il puisse l’utiliser pour nuire à l’indépendance judiciaire. Car, le Conseil de la
Magistrature, en termes de nomination des juges, joue un rôle important qui peut lui
permettre de prévenir les nominations arbitraires. De même, son pouvoir, en termes de
contrôle judiciaire, n’est pas moindre en ce que, non seulement, il dispose des compétentes
adéquates quant exercer son processus décisionnel, mais les membres des pouvoirs publics
ne participent pas aux délibérations. Tel n’est pas, peut-être, le cas au niveau du Conseil
constitutionnel où les exigences d’indépendance du juge ont la particularité d’être très
souples. D’emblée, mettons en évidence ces garanties dans la sous-section subséquente.

1.2.2.1.4 Les garanties constitutionnelles et statutaires de l’indépendance du juge


constitutionnel: des modalités souples de l’inamovibilité, de la sécurité financière et
de l’indépendance administrative

Les principes constitutionnels et statutaires portant la fonction du Conseil constitutionnel


se révèlent si souples que le juge constitutionnel ne jouit pas du même degré
d’indépendance que le juge des cours et tribunaux de justice supérieurs. En effet, les
membres du Conseil, au regard de l’article 56 (al.1) de la Constitution, sont nommés par
tiers par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président
du sénat301. Ensuite, ledit article porte à l’alinéa 2 que les anciens Présidents sont de droit
membres du Conseil constitutionnel302. De même, selon l’alinéa 3 du même texte, le
président du Conseil est, non seulement nommé par le Président de la République, mais il a
voix prépondérante303.

Et, confirmant ces principes, l’alinéa 1 de la loi organique du 7 novembre, préconise le


pouvoir du gouvernement de nommer, hormis les membres de droit, les membres du
Conseil par décision. Puis, l’al.2 dispose que son président est nommé par décision du
Président de la République, qui peut le choisir parmi les membres nommés ou de droit304.

301
Constitution du 4 octobre 1958, préc., Note 207, art.56 ) al.1).
302
Id., art.56 (al.2).
303
Id., art.56 (al.3).
304
Loi organique du 7 novembre 1958, préc., Note 206, art.1 (al.1-2).

66
Mais, selon l’article 4 (al.1), on ne peut être à la fois membre du Conseil constitutionnel et
membre du gouvernement305.

S’agissant notamment des mécanismes liés à la nomination des membres du Conseil, ils
font, comme l’explique le Président du Conseil constitutionnel, Yves Guena, l’objet de
débats dans la doctrine juridique française. Et, selon les détracteurs, le Conseil est pris en
otage par les pouvoirs publics en raison de leurs prérogatives discrétionnaires de nommer
ses membres. Une thèse qui, à comprendre l’auteur, ne peut tenir s’il est fort impossible que
le Conseil se laisse influencer par l’autorité politique de nomination pour trancher les
questions en sa faveur306. D’où sa déclaration : « Adhérer à cette conception revient
implicitement à admettre que les membres du Conseil opinent pour la solution que leur
autorité de nomination, politique, par sa nature, a prise ou est sensée prendre sur la
question dont ils sont saisis. »307

Encore plus, le Président du Conseil ajoute:

« Les allégations selon lesquelles le Conseil constitutionnel serait soumis à des pressions
politiques auxquelles les modalités de désignation de ses membres les rendraient vulnérables,
s’expriment avec d’autant moins de retenue que ses décisions tranchent des conflits d’intérêts
partisans . »308

De même, les juristes Louis Favoreu et Xavier Philippe se démarquent des détracteurs du
Conseil en appréciant l’apport de ce dernier, dans le régime juridique français, à sa juste
valeur. En ce que, selon eux, le Conseil arrive à se poser comme cet acteur majeur qui
garantit l’équilibre du système constitutionnel et politique309. Aussi, il participe à la
construction véritable de l’État de droit « en assujettissant les lois à son contrôle et en
assurant le respect par le législateur des droits fondamentaux mais aussi provoqué une
mutation considérable de l’ordre juridique en déclenchant un processus de

305
Id., art.4, (al.1).
306
Yves GUENA, « Le rôle du Conseil constitutionnel français », exposé présenté à l’occasion du 150e anniversaire de l’État fédéral
suisse le 13 juin 1998, p.9 et ss, en ligne à: « http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil
constitutionnel/root/bank_mm/pdf/Conseil/role_Conseil_constitutionnel_francais_guena_juin98.pdf (Site consulté le 07 août 2015). (Site
consulté le 07 août 2015).
307
Id.
308
Id.
309
Louis FAVOREU ET Xavier PHILIPPE, « La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 », Constitution en 20
questions : question no18, p.5, en ligne à : «http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/
français /la-constitution-de-1958-en-20-questions/la-constitution-en-20-questions-question-n-1817365.html » (Site consulté le 30 juillet
2015).

67
constitutionnalisation des différentes branches du droit »310. Notons cette opinion desdits
juristes:

Le Conseil Constitutionnel reste encore aujourd’hui sous les feux de la critique avec toutefois
une différence majeure par rapport à ses premières années d’existence : ce n’est plus
l’institution qui est mise en cause à ses débuts mais les décisions qu’elle rend! Signe des temps,
sa jurisprudence-autrefois uniquement commentée par un cercle d’initiés-est régulièrement
sous les feux de l’actualité. Mais, plus encore que les inévitables querelles et critiques dont il a
pu faire l’objet, son meilleur gage de réussite est sa reconnaissance progressive par le grand
public, c’est-à-dire par les titulaires des droits et libertés311.

Les membres dudit Conseil, selon l’article 5, touchent un salaire égal au traitement de celui
des deux catégories supérieures des emplois de l’État. Mais, ce salaire est réduit de moitié
si un membre continuerait d’exercer une activité compatible avec sa fonction312. Mais, le
Décret no59-1292 du 13 nov.1959313porte plus largement les garanties liées à
l’indépendance des membres de l’institution. En effet, l’article 1er dudit Décret prévoit que
les membres ont l’obligation de s’abstenir de tout ce qui pourrait nuire à l’indépendance ou
à la dignité de leur fonction314. Et, au regard de l’article 5, il relève de la responsabilité du
Conseil d’apprécier toute plainte liée au comportement d’un membre ayant transgressé ces
obligations315. En ce sens, il se prononce, selon l’article 6, au scrutin secret à la majorité
simple de tous les membres susmentionnés316.

Notons que les prérogatives discrétionnaires des pouvoirs politiques de procéder


notamment à la nomination des membres du Conseil sont la preuve flagrante que le juge
constitutionnel ne jouit pas du même degré d’indépendance que les juges des cours et
tribunaux judiciaires. Et, c’est en effet à bon escient que, comme le démontre le Président
du Conseil, Yves Guena, les exigences d’indépendance de ce dernier diffèrent de celles des
cours et tribunaux judiciaires en ce que le Conseil est appelé à exercer un rôle non moins

310
Id.
311
Id.
312
Loi organique du 7 novembre, préc., Note 206, art.5.
313
Décret no59-1292 du 13 novembre 1959, en ligne à« http//www.conseil-constitutionnel..fr/conseil-constitutionnelfrançais/le-conseil-
constitutionnel/les-membres-du conseil/fondements-textuels-fondements-textuels.220.html »(Site consulté le 15 février 2014).
314
Id., art.1.
315
Id., art.5.
316
Id., art.6.

68
politique317 : soit qu’il s’agit précisément de « la protection des droits fondamentaux et de
la régulation de la vie politique»318.

S’agissant, au final, de la spécificité des mesures visant à la mise en œuvre des balises
internationales de l’indépendance judiciaire dans le droit français, les cours et tribunaux de
justice peuvent être compétents pour trancher les affaires judiciaires. Aussi, la séparation du
pouvoir judiciaire des pouvoirs publics peut être effective en ce que, concernant d’abord
l’inamovibilité, le Conseil a un rôle déterminant dans le recrutement des juges des
tribunaux supérieurs au point qu’il peut les protéger des nominations arbitraires. Le Conseil
est davantage capable de prévenir les ingérences des pouvoirs publics dans la pratique
judiciaire qu’il se pose comme l’unique autorité administrative compétente en termes de
l’exercice du pouvoir disciplinaire à l’égard des juges et tribunaux judiciaires. Pourtant,
ces mesures, en raison de son rôle politique, s’applique de manière différente à l’égard du
juge constitutionnel au point que les pouvoirs publics jouissent des prérogatives
discrétionnaires quant à la nomination des juges, leur sécurité financière et leur
indépendance institutionnelle. Approchons, maintenant, les garanties de l’indépendance
judiciaire définies dans le régime juridique canadien, posé comme notre étalon pour
proposer, le cas échéant, des pistes de solution au problème constaté éventuellement en
Haïti. Soit que, nous supposons que les lacunes des règles juridiques qui garantissent
l’indépendance judiciaire pourraient être un facteur explicatif de la problématique du
dysfonctionnement du système judiciaire en facilitant les ingérences des pouvoirs publics
dans le processus décisionnel.

1.2.2.2 L’indépendance judiciaire dans le droit canadien: les garanties


constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et individuelle

Il est de principe que, les juges et tribunaux supérieur canadiens peuvent être non
seulement compétents pour se prononcer sur le litige privé, public et constitutionnel, mais
sont posées les garanties de la séparation du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics. En
d’autres termes, la Constitution a prévu les balises de l’indépendance judiciaire en ce que

317
Yves GUENA, préc., Note 311. p.2.
318
Id.

69
la L.c de 1867 porte les conditions de service et de mandat des juges des cours supérieures.
Et que, enchâssée dans la Loi constitutionnelle de 1982, la Charte canadienne des droits et
libertés a consacré à l’al.11d) le droit de la personne accusée à un tribunal indépendant et
impartial319. De même, le législateur, dans la Loi sur les juges, a prévu la procédure de
contrôle et de discipline des juges des cours supérieures si bien que ladite Loi porte la
création du Conseil Canadien de la Magistrature320. Encore plus, la Cour suprême a
interprété ledit principe au point qu’il a mis en évidence les conditions essentielles de
l’indépendance des juges des cours et tribunaux supérieurs. D’où la pertinence de cette
section divisée en deux parties, soit que nous y traitons, d’une part, des garanties
constitutionnelles et statutaires de la fonction judiciaire établies dans le droit canadien
(1.2.2.2.1) et, d’autre part, des conditions essentielles de l’indépendance des juges des
cours et tribunaux judiciaire définies par la Cour suprême(1.2.2.2.2).

1.2.2.2.1 Les garanties constitutionnelles et statutaires de l’indépendance


institutionnelle et individuelle: les modalités de l’inamovibilité, de la sécurité
financière et de l’indépendance administrative

La séparation du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics est vraisemblablement de principe


dans le droit canadien et les garanties constitutionnelles et statutaires de la fonction
judiciaire sont relatives à l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et
tribunaux. S’agissant d’abord des balises constitutionnelles, l’article 96 de la L.c de 1862
porte les modalités liées à la nomination des juges des cours supérieures321. Il dispose en
effet que le gouverneur général nomme les juges des cours supérieures, de comté et de
district, à l’exception de ceux des cours de vérification de la Nouvelle-Écosse et du
Nouveau-Brunswick. Puis, les articles 97 et 98 prévoient les modalités du choix des juges
dans Ontario, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le Québec. Ils disposent en
effet que :

Jusqu’à ce que les lois relatives à la propriété et aux droits civils dans Ontario, la Nouvelle-
Écosse et le Nouveau-Brunswick, et la procédure dans les cours de ces provinces, soient

319
Charte canadienne des droits et libertés, partie I,de la Loi constitutionnelle de 982, [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada,1982,
c.11(R-U)], 1982, C11, al.11d).
320
L.R.C. (1985) , ch. J-1
321
L.c1867.,préc., Note 218., art.96.

70
rendues uniformes, les juges des cours de ces provinces qui seront nommés par le gouverneur
général devront être choisis par les membres des barreaux respectifs de ces provinces322

«Les juges des cours de Québec seront choisis parmi les membres du barreau de cette
province.323»

Notons que ces modalités, à la lecture de la littérature juridique canadienne, sont mises en
œuvre dans la pratique judiciaire. En effet, il est de principe que, selon le Ministre de la
justice, le gouvernement procède à une consultation très large dans le cadre de la
nomination des juges de la Cour suprême. Soit qu’il dresse d’abord la liste des candidats
éventuels qui sont des juges des cours d’appel provinciales en dépit de la possibilité de
choisir des membres chevronnés du barreau et du secteur universitaire. Et, une fois que
cette liste est complète, il consulte le juge en chef de la Cour suprême, et parfois les juges
puinés, les juges en chef du tribunal de la province ou de la région déplorant une vacance à
ladite Cour, les procureurs généraux de cette province ou région, et un membre chevronné
de l’Association du Barreau Canadien et du barreau de la région324.

Ensuite, le ministre évalue conformément à la loi les candidats en fonction des critères de
nomination relatifs à trois grandes catégories : soit la capacité professionnelle, les
caractéristiques personnelles et diversité. Notons que la capacité professionnelle, outre la
connaissance du droit, englobe des aptitudes telles que des compétences supérieures,
l’aptitude à écouter et à garder l’esprit ouvert, l’esprit de décision et la capacité de rendre
des décisions solides, la conscience du contexte social et l’expertise juridique propre aux
besoins éventuels de la Cour suprême325.

Le processus de nomination des juges des cours supérieures et de la Cour fédérale, à


comprendre le Commissaire à la magistrature fédérale, diffère de celui lié à la nomination
des juges de la Cour suprême en ce que la personne qui s’intéresse à un poste de juge doit
soumettre leur dossier à son bureau. Puis, l’un des différents comités consultatifs des
nominations à la magistrature fédérale a la charge d’étudier les candidatures remplissant les

322
Id.,art.97.
323
Id.,art.98.
324
Derek, LEE et Co, Améliorer la procédure de nomination des juges de la Cour suprême du Canada, Rapport du Comité Permanent de
la Justice, des Droits de la personne, de la Sécurité publique et de la Protection civile, Chambres des Communes Canada, 2004, p.2 à 3,
en ligne à : «www.parl.gc.ca/content/hoc/Committee/373/JUST/.../justrp01-f.pdf » (Site consulté le 21 juillet 2015).

325
Id.

71
conditions requises par la loi telles que les compétences professionnelles, l’expérience, les
qualités personnelles et le mérite. Secrètes, comme les délibérations du comité, les
évaluations sont soumises au ministre seulement quand un poste devient vacant et les juges
sont nommés par le gouverneur général sur recommandation du Cabinet fédéral326.

Comme l’explique le juriste Luc Huppé, chaque gouvernement provincial et territorial,


s’agissant enfin du processus de nomination des juges des cours de droit commun
provinciales, définit les modalités en fonction de l’identité propre de la province en
question327. Et la condition requise pour être juge à une Cour au Québec est une bonne
illustration de cette idée. En ce qu’il est de principe que, au regard de la juge Nicole Duval
Hesler, « la personne nommée à une cour supérieure au Québec [doit être] membre ou
[doit avoir été] déjà membre du Barreau du Québec »328. Notons cette idée de ladite juge:

L’article 98 de la L.c1867 exige qu’une personne nommée à l’une des cours du Québec ait été
membre du Barreau du Québec dans le passé ou le soit au moment de sa nomination. Il
s’ensuit qu’une juge des Cours fédérales qui était membre du Barreau de Québec avant son
accession à la magistrature peut être nommé à la Cour d’appel du Québec ou à la cour
supérieure du Québec329.

En termes de durée des fonctions judiciaires et de leur cessation, l’article 99 pose deux
grands principes. D’abord, il dispose que les juges des cours supérieures resteront en
fonction durant bonne conduite. Et qu’ils pourront être révoqués par le gouverneur général
suite à une adresse du sénat et de la Chambre des communes. Ensuite, il prévoit que ces
juges cesseront d’occuper leur charge en atteignant l’âge de soixante-quinze ans.
L’article100 porte ensuite sur les traitements des juges, soit qu’il reconnait exclusivement
le droit des juges des cours supérieures à des salaires, allocations et pensions. Et il relève
du pouvoir du Parlement du Canada de les fixer330.

326
COMMISSARIAT À LA MAGISTRATURE FÉDÉRALE, Régime gouvernant une demande de nomination, en ligne à :
«http://www.fja.gc.ca/appointments-nominations/process-regime-fra.html » (Site consulté le 21 août 2015).
327
Luc HUPPÉ, Histoire des institutions judiciaires du Canada, Montréal, Éditions Wilson &Lafleur, 2002, p.591.
328
Renvoi sur l’article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867, Québec (Procureur général) c. Procureur général du Canada et
Association Canadienne des Juges des Cours Provinciales et le Grand conseil des cris, le gouvernement de la nation crie et
Constitutionnal Rights Center et Roco Galati, No.500-09-024618-142, p.6., en ligne à : « csc.lexum.umontreal.ca » (Site consulté le 21
août 2015). Noter que nous avons ajouté les crochets dans la citation du fait de la modification apportée dans le texte.
329
Id., p.25.
330
Id, art.100.

72
En fait, les principes constitutionnels vont être renforcés par la Loi sur les juges au point
qu’elle porte les garanties liées à l’indépendance administrative des juges et tribunaux. En
effet, chargé de garantir l’indépendance judiciaire, le Conseil Canadien de la Magistrature,
selon l’article 59 (1), est composé de magistrats issus du pouvoir judiciaire331. De même, le
pouvoir d’enquête est tel que ledit Conseil ou le comité chargé de l’enquête est réputé
constituer une juridiction supérieure. Ce qui sous-tend qu’il peut prendre toutes les
mesures nécessaires pour mener à bien le processus de délibération, telles que citer les
témoins, les obliger à déposer après avoir assermenté, interdire la publication de tous
renseignements ou documents présentés devant lui pendant l’enquête332.

Encore plus, l’article 64 porte le droit du juge qui est éventuellement mis en cause d’être
suffisamment tenu informé à l’avance des éléments liés à l’enquête tels que l’objet, la date,
l’heure et lieu de l’audition. Ce qui s’impose, au vœu dudit article, s’agissant de lui
permettre de préparer sa défense. En effet, ledit article pose aussi que ledit juge :« […] doit
avoir la possibilité de se faire entendre, contre-interroger les témoins et de présenter tous
les éléments de preuve utiles à sa décharge, personnellement ou par procureur »333.

Et, en termes de sanction, le Conseil peut recommander, à la fin de l’enquête, la révocation


s’il estime que les conditions relatives à l’inaptitude dudit juge à exercer les fonctions de
juger sont réunies, c’est-à-dire l’âge et l’invalidité, manquement à l’honneur ou à la
dignité, manquement aux devoirs de sa charge et situation d’incompatibilité334. Or,
ajoutons enfin que ladite Loi maintient les attributions des instances, entre autres le
Parlement et le gouverneur en conseil, quant à la possibilité de procéder à certaines
révocations. En ce que l’article 70 prévoit que les principes figurés à l’article 63 ne visent
pas à les attenter335.

Plusieurs, intervenant sur les règles constitutionnelles et statutaires relatives à la fonction


des juges et tribunaux supérieures canadiens, les trouvent fortement appropriées. En effet,
le juriste Saâd Moummi croit que le Canada participe des pays qui se distinguent en termes

331
L.R.C. (1985) , préc., Note 226.
332
Id., art.63 et ss
333
Id., art.64.
334
Id., art.65 et ss.
335
Id., art.70.

73
de garantie de l’inamovibilité qu’il est fort impossible que le Parlement procède à la
révocation des juges. De même, à comprendre encore l’auteur, les principes liés à l’enquête
que doit mener le Conseil sont à propos si bien qu’il existe, dans ce régime juridique, tout
un processus préalable de traitement des manquements aux règles disciplinaires336.

Le Professeur Louis-Philippe Lampron estime que la nomination des juges par l’un ou
l’autre des deux ordres constitutionnels de gouvernement canadien n’est pas susceptible
de s’attaquer au principe de la séparation des pouvoirs. En ce que ce principe repose sur
l’indépendance des cours de justice et l’impartialité des magistrats posées comme deux
garanties juridiques fondamentales337. D’où l’idée des juristes Pierre Issalys et Denis
Lemieux, cités par le Professeur:

[Le] principe de la séparation des pouvoirs doit être nuanc[é] : appliqu[é] inflexiblement, [il]
conduirait à l’absurde. Montesquieu ne l’entendait d’ailleurs pas ainsi. Il faut plutôt distinguer
en la concentration des pouvoirs, qui tend effectivement à la dictature, et une certaine
confusion des pouvoirs, qui-moyennant des garanties suffisantes- n’est pas forcément contraire
à la liberté des citoyens-et permet souvent un exercice efficace des fonctions de l’État338.

Le Professeur Lampron pense aussi que les principes de l’indépendance et d’impartialité


légitime d’autant plus la « confusion » des pouvoirs qu’ils sont consacrés à article 11d) de
la Charte, justifiant la nomination des membres de la magistrature par l’exécutif
gouvernemental339.Quant à la Professeure Nicole Duplé, elle postule que l’indépendance
judiciaire est assurée, au Canada, par des garanties explicites et des garanties implicites.
En effet, les garanties explicites réfèrent, selon la Professeure, aux conditions posées dans
les différents articles de la L.c de 1867, soit le pouvoir de nomination des juges des cours
supérieures provinciales, les qualifications qu’ils doivent remplir, la durée de leur
fonction, la destitution et le principe de la détermination du salaire. Il s’agit d’un
ensemble de garanties qui sont complétées par la Charte.

Les garanties implicites figurent ensuite dans le préambule de la L.c de 1867 : soit que ce
dernier porte que la Constitution du Canada : « repose sur les principes similaires à ceux

336
S.MOUMMI, préc., Note 65, p.134.
337
L-P. LAMPRON, préc., Note 219, p.303. Notons que les guillemets sont de l’auteur.
338
Pierre ISSALYS et Denis LEMIEUX, L’action gouvernementale, Cowansville, Yvon Blais, 2009, p.25. Cité dans LAMPRON, Id,
p.304 à 305.
339
L-P. LAMPRON, id, p.304.

74
du Royaume-Uni ». En ce sens, la Constitution intègre les garanties relatives à
l’indépendance judiciaire trouvées au Royaume-Uni en 1867340, soit notamment les
principes de l’inamovibilité et de la sécurité financière préconisés par l’Acte de settlement
de 1701 précité.

Force est de noter que, tout compte fait, la Constitution canadienne préconise la séparation
du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics. En effet, trois grands principes sont à la base
de cette séparation : soit l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance
administrative posées comme conditions objectives de l’indépendance des juges des cours
supérieures. Ces trois conditions de la fonction judiciaire vont tenir encore plus dans la
pratique judiciaire canadienne si bien que la Cour suprême, interprétant l’indépendance
judiciaire, allait les confirmer, les reconnaissant notamment comme critères essentiels de
l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges. Mettons d’emblée en exergue les
conditions essentielles de l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges
reconnues par la Cour suprême canadienne.

1.2.2.2.2 Les critères de l’indépendance judiciaire posés par la Cour suprême: les
principes de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance
administrative

La Cour suprême canadienne a interprété, au regard de l’al.11d) de la Charte qui consacre


le droit de la personne accusée d’être entendue par un tribunal indépendant et impartial, le
principe de l’indépendance judiciaire dans le célèbre arrêt Valente341. En ce sens, le juge
en chef le Dain a reconnu les principes de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de
l’indépendance administrative comme deux grandes dimensions de l’indépendance posées
dans le droit international, c’est-à-dire l’indépendance institutionnelle et individuelle des
juges342. Nous aborderons ici ces trois conditions essentielles de l’indépendance
judiciaire, traitant explicitement de la perception du juge constitutionnel de l’inamovibilité
(1.2.2.2.2.1), de la sécurité financière (1.2.2.2.2.2) et de l’indépendance administrative des
juges (1.2.2.2.2.3).
340
N. DUPLÉ, préc. Note74, p.101 (Note 97). De même, les guillemets figuraient déjà dans le texte de la Professeure.
341
R.c.Valente (1985), A.C.S, no77, par.27.
342
Id.

75
1.2.2.2.2.1 La perception de la Cour suprême canadienne de l’inamovibilité des juges
et tribunaux

L’inamovibilité, selon le juge en chef le Dain la définit dans Valente, est très
significative en ce qu’elle sous-tend que le juge peut être uniquement révoqué pour un
motif déterminé et valable. Il nécessite, en cas de son existence, que ce motif fasse l’objet
d’un examen indépendant ou d’une décision offrant au juge toute possibilité de se faire
entendre. Elle implique enfin que la charge judiciaire n’est pas soumise à l’intervention
discrétionnaire du pouvoir exécutif343. Le juge en chef le Dain, dans ce sens, déclare :« Il
suffit qu’un juge ne puisse être révoqué que pour un motif lié à sa capacité d’exercer ses
fonctions judiciaires.»344

En effet, le juge en chef Lamer a repris ces principes dans l’arrêt Généreux au point qu’il
perçu que l’inamovibilité se pose comme une garantie essentielle de la fonction judiciaire
contre la révocation arbitraire345.

Plusieurs dégagent des réflexions liés à cette perception. Par exemple, l’inamovibilité,
selon Karim Benyekhlef, prévient la nomination discrétionnaire ou arbitraire puisque le
gouvernement ne peut procéder à la révocation sans motif réel et loin du respect d’une
procédure stricte et préalablement établie346.

Le juriste Patrice Garant ajoute qu’un juge jouit suffisamment de l’inamovibilité


moyennant qu’il puisse faire l’objet de révocation pour un motif lié à sa capacité de
remplir la fonction judiciaire. Et, selon l’auteur, une telle sanction n’importe que s’il
résulte d’une enquête au courant de laquelle le juge est â même de se défendre347. Et
concernant la charge judiciaire, il ajoute:

343
Id., par.27.
344
Id., par.30.
345
R.c.Généreux1992 A.C.S.no 10.par.2.
346
Karim BENYEKHLEF, « Le principe de l’indépendance judiciaire et les juges de paix », (1987)47R. du B.307, 313.
347
Patrice GARANT, Droit Administratif, Montréal, Éditions Yvon Blais, Cowansville, Canada, p.715.

76
« La charge elle-même peut être d’une durée indéterminée jusqu’à l’âge de la retraite,
d’une durée fixe ou ad hoc. Il parait donc essentiel que le juge soit nommé suivant bonne
conduite, pour une durée déterminée ou pour une tâche déterminée ou ad hoc . »348

Globalement, les conditions de révocation et de renouvellement de mandat, en ce qui a


trait à la garantie de l’inamovibilité, doivent être prévues par la loi et garantir la fonction
judiciaire contre les nominations et les révocations arbitraires du gouvernement. Mais, si
la sécurité financière n’est pas suffisamment assurée, la fonction de juger ne serait guère
garantie de l’arbitraire du gouvernement, qui peut utiliser la rémunération pour
s’immiscer dans le processus décisionnel des juges. D’où les principes liés à la sécurité
financière des juges et tribunaux posés par la Cour suprême.

1.2.2.2.2.2 La perception de la Cour suprême canadienne de la sécurité financière des


juges et tribunaux

Deuxième condition essentielle de l’indépendance judiciaire, la sécurité financière, au


regard de la Cour suprême, n’est pas moins à propos. En effet, elle se rapporte, selon le
juge en chef le Dain, au traitement ou autre rémunération assurés ou une pension. Elle
signifie que le salaire, les allocations et les pensions du juge sont assurés au point qu’ils
sont prévus par la loi. Ils ne doivent être sujets à l’ingérence arbitraire au point qu’ils
nuisent à l’indépendance judiciaire. De même, il est nécessaire, en termes de pension
particulièrement, de distinguer le droit à une pension et une pension liée au bon vouloir ou
aux bonnes grâces du gouvernement349. En ce sens, le juge en chef conclut:

L’article 100 de la Loi constitutionnelle requiert que les traitements des juges des cours
supérieures [..] soient fixés par le Parlement. Le traitement de ceux-ci et des autres juges de
nomination fédérale par le législateur fédéral dans la loi sur les juges [...]. Dans les autres
provinces, les traitements des juges des cours provinciales sont [...] fixés par règlement par le
pouvoir exécutif350.

De même, le juge Lamer a repris ces principes dans le Renvoi relatif à la rémunération des
juges. Dans ce sens, il postule que l’essentiel, en matière de la sécurité financière des
juges, est que le gouvernement respecte les principes y afférents et, dès qu’il fait cela, il

348
Id.
349
Valente., préc., Note 341, par.40.
350
Id., par.42.

77
peut établir les régimes de rémunération liés aux tribunaux351. Encore, le respect de ces
principes nécessite, pour reprendre ledit juge, qu’un organisme indépendant, interposé
entre le gouvernement et le pouvoir judiciaire, s’occupe de la rémunération. Et cet
organisme, telle une commission, importerait si bien que sa fonction consisterait à
dépolitiser le processus de détermination tendant à modifier ou à bloquer la
rémunération352.

Plusieurs interviennent s’agissant des réflexions doctrinales. En effet, le juriste Gàbor


Szeplaki-Nagy pense que c’est à bon escient que la Cour, dans ses différents arrêts,
travaille à la garantie de la sécurité financière au point qu’elle prévoit la création des
commissions ad hoc pour examiner la rémunération des juges. Et deux raisons justifient,
au regard de l’auteur, le recours à ces commissions, c’est-à-dire :« […] l’interdiction des
négociations entre le judiciaire, d’une part, et l’exécutif et le législatif, d’autre part»353.
Cette interdiction, à comprendre l’auteur, tient que ces négociations sont susceptibles
d’être politisées354.

Pour le juriste Michel Robert, la pertinence de ces principes est liée au fait qu’ils visent à
mettre les juges à l’abri des pressions indues du gouvernement, y compris de celles qui
sont susceptibles d’être rencontrées au sein même des tribunaux355. De même, les idées de
Friedland sur la pension ne sont pas moins à propos en ce que la pension, à le comprendre,
est l’un des éléments primordiaux du salaire qui sont susceptibles d’être ce utilisés par le
gouvernement pour compromettre l’indépendance judiciaire.

Encore plus, il est fort possible que, à comprendre le juriste Friedland, le juge décide en sa
faveur si elle n’est pas raisonnable en espérant bénéficier de lui une pension satisfaisante

351
Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour Provinciale de l’Île-du Prince-Édouard. Renvoi relatif à l’indépendance et à
l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard [1997] A.C.S.no75, par.216. L’approche de la Cour, au regard
de la juge Kathleen E.McGowan, tient tel qu’elle a porté un coup dur à la relation de maître et de serveur existant autrefois entre les juges
et les ministres de la justice. Soit que « le ministre était le maître qui prenait soin de ses magistrats et débattait au conseil des ministres en
leur faveur », L’indépendance administrative du pouvoir judiciaire, la nouvelle frontière, dans ACJCP, Provincial Judge’s Journal,
L’indépendance administrative du pouvoir judiciaire, [vol.35](2012)1P.J.J.,p.12,en ligne
à :« judgesjuges.ca/.../publications/Journal%20Vol%2035%20No%201.pdf
352
Id.
353
G.SZÉPLAKI-NAGY, préc., Note 85, p.122.
354
Id.
355
Michel ROBERT, « Indépendance judiciaire de Valente à aujourd’hui :les zones claires et les zones grises », Montréal, Éd., Wilson&
Lafleur, 2008,p.129 à 130.

78
ou d’en recevoir des faveurs étant en fonction356. Ce qui fait dire en effet à
Friedland:« C’est donc dans l’intérêt de la société que les juges jouissent d’une pension
satisfaisante. Il vaut mieux, à mon avis, être trop généreux que ne pas l’être suffisamment,
et ce dans l’intérêt même de la société.357» Une pension satisfaisante est, poursuit l’auteur,
d’autant plus utile à la société qu’elle est susceptible d’attirer à la magistrature les juristes
les plus compétents358.

Quant à la juge Kathleen E.McGowan, elle pense que l’idée selon laquelle la sécurité
financière des juges et tribunaux vise à assurer la mainmise des magistrats sur l’argent des
contribuables ne peut pas tenir parce qu’il relève de la compétence d’un organe autre que
le pouvoir judiciaire de s’occuper du salaire affecté au budget de l’État lié à la
magistrature359.

S’agissant de garantir en effet la sécurité financière, les mesures doivent être si bien que
les juges et tribunaux sont financièrement autonomes et cette autonomie requiert qu’un
organisme indépendant du gouvernement et du pouvoir judiciaire gère la rémunération.
Toutefois, à défaut du pouvoir de l’organe administratif de contrôler suffisamment
l’administration judiciaire, l’autonomie en question n’est pas moins douteuse. Voilà ce qui
peut expliquer la définition des principes liés à l’indépendance administrative des juges et
tribunaux posés par la Cour suprême.

1.2.2.2.2.3 La perception de la Cour suprême canadienne de l’indépendance


administrative des juges et tribunaux

Troisième condition essentielle de l’indépendance judiciaire, l’indépendance


administrative tient, au regard de la Cour suprême, comme les deux autres conditions. Et
elle se rapporte en effet, selon le juge en chef le Dain, aux conditions administratives qui
sont susceptibles d’influer la fonction judiciaire. En ce sens, il est nécessaire que, pour
reprendre ledit juge, le pouvoir judiciaire exerce un degré de contrôle suffisant sur

356
M.L.FRIEDLAND., préc., Note 69.
357
Id.
358
Id.
359
K.E.MCGOWAN, préc., Note 351, p.14.

79
l’administration judiciaire360 . Et ce degré de contrôle (qui doit être d’ordre financier et
administratif) ne peut être efficace sans que ne se relèvent pas de la compétence du pouvoir
judiciaire des facteurs tels que 1) la préparation du budget, la présentation et la répartition
des dépenses; 2) le recrutement, la classification, la promotion, la rémunération et la
supervision du personnel de soutien361. Ce degré de contrôle, à comprendre ledit juge, est
nécessaire, sans pouvoir être considéré comme essentiel pour les fins de l’al.11d) de la
Charte. Et notons en effet cette lecture du juge en chef:

Les aspects essentiels de l’indépendance institutionnelle qui peuvent raisonnablement être


perçus comme suffisants pour les fins de l’al.11d) doivent, je pense, se limiter à ceux
mentionner par le juge en chef Howland. On peut les résumer comme étant le contrôle par le
tribunal des décisions administratives qui portent directement sur et immédiatement sur
l’exercice des fonctions judiciaires.[...]362.

Cette perception de l’indépendance administrative s’impose dans la pratique judiciaire en


ce que le juge Lamer les a confirmés dans les arrêts Beauregard et Généreux. Autrement
dit, dans le premier arrêt, il perçoit que l’essentiel est que les affaires judiciaires, telles
que l’assignation des juges aux causes, les séances et le rôle des cours, doivent relever
exclusivement de la compétence des tribunaux363. Puis, dans le dernier, il a délimité le
cadre de la relation que le pouvoir judiciaire doit entretenir avec le pouvoir exécutif:

« Certes, il est inévitable qu’il y ait des relations institutionnelles entre le pouvoir exécutif et le
pouvoir judiciaire, mais ces relations ne doivent pas empiéter sur la liberté des juges de
statuer sur une affaire donnée et de faire respecter la Constitution et les valeurs qu’elle
consacre.»364

Par ailleurs nombreux sont les commentaires. En effet, selon la juge McGowan,
l’indépendance administrative tend à permettre au pouvoir judiciaire de s’occuper des
politiques et de l’administration des tribunaux pour que « l’affectation des juges aux
différents tribunaux et l’assignation des cause »365 répondent aux exigences de
l’indépendance judiciaire. Dans ce cadre, les cours fédérales, à comprendre ladite juge, par

360
Valente., préc., Note 341, par.47.
361
Id., par.50.
362
Id.,par.52.
363
Beauregard., préc., Note 67, par. 253.
364
Généreux., préc., Note 345, p.ar408.
365
K.E.MCGOWAN, préc., Note 351.

80
leur organisation, représentent « un excellent modèle qui délègue au pouvoir judiciaire une
plus grande responsabilité dans l’administration des tribunaux »366.

Le juriste Jean-Claude Hébert, quant à lui, conçoit que ce type d’indépendance des juges
importe s’il vise, d’une part, à assurer les fonctions de juger des juges par la garantie de la
séparation du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics. Et, d’autre part, à mettre le pouvoir
judiciaire en mesure d’assurer la sécurité juridique des citoyens contre les abus des
pouvoirs publics367.

Force est de dire que, à la lecture des différentes considérations doctrinales, les trois
critères essentiels de l’indépendance judiciaire dégagés par la Cour suprême, s’imposent
parfaitement dans la pratique judiciaire canadienne. Car, selon le juriste Ivan
Verougstraete, ils sont un atout si bien qu’ils sont susceptibles de garantir la liberté des
juges pour exercer le processus décisionnel368. Puis, la Cour suprême, pour reprendre
Huppé, a eu un objectif précis en les posant. Il s’agit de dépolitiser, autant que fait se peut,
les rapports entre la magistrature et le gouvernement369. Enfin, de l’avis du juriste Patrice
Garant, il est de principe que les juges sont chargés, au Canada, de décider des litiges et le
rôle de l’exécutif consiste à mettre à leur disposition les moyens nécessaires à cette fin370.

En résumé, la séparation des pouvoirs est de principe dans le régime juridique canadien si
bien que l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance administrative se pose,
au regard de la Cour suprême, comme conditions essentielles de l’indépendance
judiciaire. Cette perception du juge constitutionnel tient si bien qu’il est parti du principe
fondamental de justice relatif au droit de la personne accusée d’être entendue par un
tribunal indépendant et impartial ( prévu à l’al.11d) de la Charte et consacré à l’article 10
de la Déclaration universelle des droits de l’homme) pour définir l’indépendance
judiciaire.

366
Id.
367
Jean-Claude HÉBERT, Fenêtre sur la justice, Canada, Boréal, 2006, p.39.
368
I.VEROUGSTRAETE, préc., Note 87, p.163.
369
Luc HUPPÉ., préc., Note 327, p.129.
370
P.GARANT., préc., Note 347, p.726.

81
Les régimes juridiques français et canadien, sans que nous ne les idéalisions, ont posé les
mesures liées à la garantie de l’indépendance judiciaire sur le plan interne. En effet, ils ont
procédé, dans le cadre de l’application de la loi, à l’organisation des institutions
judiciaires et les juges et tribunaux supérieurs sont compétents pour trancher généralement
le litige privé, public et constitutionnel. De même, s’agissant de garantir l’effectivité de la
séparation des pouvoirs, l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance
administrative sont reconnues comme conditions essentielles de la fonction judiciaire dans
les deux régimes juridiques. Ces conditions essentielles de l’indépendance judiciaire
tiennent non seulement des principes constitutionnels et statutaires, mais se rapportent aux
paramètres de l’indépendance judiciaire définis dans les documents internationaux.

Notons que les mesures liées au respect de l’indépendance judiciaire dans le régime
juridique canadien se distinguent surtout par le fait que le juge constitutionnel a interprété
la règle de droit interne en appliquant dans la pratique judiciaire le principe de justice
fondamental portant le droit de la personne accusée d’être entendue par un tribunal
indépendant et impartial. Delà abordons la problématique du dysfonctionnement des
institutions judiciaires haïtiennes en traitant notamment de la réalité sociopolitique et
juridique et de la question de l’indépendance judiciaire.

82
CHAPITRE 2

La problématique du dysfonctionnement du système judiciaire haïtien: la réalité


sociopolitique et juridique et la question de l’indépendance judiciaire

83
En effet, les cours et tribunaux supérieurs, en Haïti, peuvent être non seulement compétents
pour trancher les litiges privés, publics et constitutionnels, mais la Constitution porte à
l’article 60 précité la séparation du pouvoir judiciaire des pouvoir publics. Dans ce sens, il
importe que les garanties des fonctions de juger soient pertinentes, c’est-à-dire elles doivent
être établies selon la loi en mettant le processus décisionnel des juges à l’abri des
ingérences des pouvoirs publics. Aussi, la règle de droit mise en œuvre dans la pratique
judiciaire et le climat politique doivent être favorables à l’administration saine et équitable
de la justice dans la société. Pourtant, la problématique du dysfonctionnement des
institutions judiciaires haïtiennes est telle que l’interprétation judiciaire des lois et normes
qui garantissent l’indépendance judiciaire va à l’encontre des principes qui y sont postulés.
Il s’agit, dans ce chapitre de notre travail de recherche, d’aborder cette problématique et,
comme le premier, il compte deux grandes sections en ce que nous y traitons, d’une part,
des caractéristiques du régime juridique haïtien, de son mode de fonctionnement et du
contexte sociopolitique actuel (2.1). Et, d’autre part, nous terminerons en analysant les
règles juridiques portant la fonction des juges et tribunaux (2.2), et ce, pour finalement
vérifier notre hypothèse (nous supposons que les lacunes des règles juridiques peuvent être
un facteur explicatif de la problématique du dysfonctionnement des institutions judiciaires
en facilitant les ingérences des pouvoirs publics dans le processus décisionnel des juges).

2.1 Les caractéristiques du régime juridique haïtien, du mode de fonctionnement de


ses institutions judiciaires et le contexte sociopolitique actuel

S’agissant de permettre aux cours et tribunaux de pouvoir trancher les litiges sans être
soumis aux influences des pouvoirs publics, l’organisation judiciaire, pour reprendre le
juriste Guy Carcassonne, doit être efficace371. Pour dire autrement, la règle de droit mise
application dans la société doit être légitime et il est important que le contexte
sociopolitique favorise l’effectivité des institutions garantes de l’État de droit372. Autant de
facteurs qui peuvent, en cas de manquements, nuire au bon fonctionnement des institutions
judiciaires. Fort de ce postulat, précisons que les lacunes des règles juridiques dont il s’agit
dans l’hypothèse de recherche ne se posent pas, de manière exclusive comme le facteur

371
G. Carcassonne, préc., Note 4, p.33.
372
Id.

84
explicatif de la problématique du dysfonctionnement des institutions judiciaires.
Puisqu’elle peut tenir aussi des facteurs tels que l’organisation judiciaire, le régime
juridique, son mode de fonctionnement et le contexte sociopolitique. Delà, présentons,
dans cette section, trois grands facteurs étant donné que nous avons précédemment décrit
l’organisation judiciaire: soit la configuration du régime juridique haïtien (2.1.1), de son
mode de fonctionnement (2.1.3) et le contexte sociopolitique actuel (2.1.4). Il s’agit
notamment de décrire ces facteurs dans le but de mieux comprendre la problématique de
l’indépendance judiciaire dans le droit interne.

2.1.2 La configuration du régime juridique haïtien: un droit national opérant par le


pluralisme juridique

Le régime juridique haïtien, tel que le démontre le professeur Jacquelin Montalvo


Despeignes, est caractérisé par le pluralisme juridique373 . En effet, ce dernier s’explique
par une coexistence entre plusieurs modes de règlements de conflits, liée notamment au
contexte d’émergence de l’État. Car, celui-ci trouve son origine dans une conception
unitaire du droit si bien que les Pères fondateurs, au lendemain de l’indépendance, ont
transposé les Codes napoléoniens (liés précisément au droit civil français) pour l’organiser
sans tenir véritablement compte du droit coutumier auquel étaient liés les esclaves
emmenés d’Afrique374.

L’influence des Codes napoléoniens sur le droit haïtien est telle que la loi écrite,
permanente et générale, adoptée par le législateur, s’impose envers et contre tous dans la
pratique judiciaire. Ce que préconise le Code Civil qui porte en effet: « Nul n’est censé
ignorer la loi »375. Ce qui sous-tend que, une fois promulguée et entrée en vigueur, la loi

373
Jacquelin Montalvo DESPEIGNES, « Le droit informel haïtien », [Vol.29 No.1] (R.I.D.C) 1977, p.253, en ligne à : « http :
www.persée.f/web/revues/home/prescritp/article/ridc-0035-3337-1977-29-1-16905 » (Site consulté le 02 septembre 2013). Soulignons
que la vision du Sociologue Camille Myssa converge dans le même sens, soit que, selon lui,‘’[…]la société haïtienne opère selon un
pluralisme juridique. Il s’agit d’un pluralisme de fait, c’est-à-dire d’une coexistence de plusieurs modes de règlements de conflits. Il est
aisé de constater qu’il ya , en réalité, un divorce entre les juristes et la population en ce qui a trait à la coutume.[…]un divorce
considérable entre l’action planificatrice du législateur et de l’administrateur fondé sur une conception unitaire du Droit et les modalités
de régulation au jour le jour des conflits par les populations qui, elles, continuent à s’en tenir à leur vision plurielle de la « bonne
société ». Voir Camille MYSSA, La place de la coutume dans le droit positif haïtien. Cité in PNUD : La bonne gouvernance :un défi
majeur pour le développement humain durable en Haïti, Port-au-Prince, Henri Deschamps, 2002, p.116.
374
Id.
375
Menan PIERRE-LOUIS et collab., Code Civil Adopté par la Chambre des Communes le 4 mars, Décrété par le Sénat le 20mars et
promulgué le 27 mars 1825, Annoté et mis à jour, Port-au-Prince, Haïti.

85
est présumée connue sur toute l’étendue du territoire au point que personne ne saurait
prétexter l’ignorance pour nier son application.

Le droit civil s’impose dans le droit haïtien et les juges et tribunaux rendent leurs décisions
en fonction de la loi écrite et recourent, à défaut de cette loi, aux sources du droit telles que
la jurisprudence et la doctrine. Donc, la loi mise en application par l’État se rapporte
matériellement à la règle de droit que le Parlement a adoptée, au point que les juges et
tribunaux ne tiennent pas souvent comptent de la coutume jetée au second plan376.
Présentons, deuxièmement, le mode de fonctionnement des institutions judiciaires
haïtiennes, mettant en exergue les lacunes susceptibles de nuire au processus décisionnel
des juges et tribunaux.

2.1.3 Le mode de fonctionnement des institutions judiciaires haïtiennes: les lacunes


susceptibles de nuire au processus décisionnel

Comme le montre le juriste Léon Saint-Louis, le système judiciaire haïtien, de 1994 à


2012, a fait l’objet de plusieurs études; et les observateurs ont mis en évidence deux (2)
grandes lacunes susceptibles de nuire au processus décisionnel des juges et tribunaux. Il est
question du manque de concertation des acteurs et de l’incompétence des magistrats377.
S’agissant d’abord du problème de concertation, les intervenants, comme le montre la
MICIVIH OEA/ONU, ne travaillent guère à une justice efficace parce que la coordination
fait défaut dans les activités liées aux fonctions de juger378.

Le peu de relations, existant entre le Commissaire du Gouvernement (représentant du


gouvernement dans le système judiciaire), le juge de Paix et les tribunaux de Première
instance, est une bonne illustration de cette problématique. En effet, il est de principe que
le juge de Paix doit transmettre certains rapports audit Commissaire, mais ces derniers ne
lui sont guère envoyés alors qu’ils visent à l’informer des activités effectuées par le juge

376
Id.
377
Léon SAINT-LOUIS, Rapport sur l’état du pouvoir judiciaire : Haïti 2002-2003, IFES, p.128, en ligne
à : «http://www.ifes.org/Content/Publications/Reports/2004/Rapport-sur-l-etat-du-pouvoir-judiciaire-Haiti-2002-2003.aspx». (Site
consulté le 10 octobre 2012)., p.9.
378
MISSION CIVILE INTERNATIONALE en Haïti, Le système judiciaire, Analyse des aspects pénaux etde procédure pénale, 1996,
par.21, MH\MAD, 23\5\96, en ligne« http://www.un.org/rights/micivih/rapports/final.htm » ( Site consulté le 25 novembre 2012)

86
sur le terrain379. L’opinion de RNDDH, un organisme des droits humains évoluant sur le
terrain, est amplement à propos:« [...] souvent le Commissaire, alléguant le manque de
moyens matériels [...], de temps, ne se rend pas dans les différentes communes. »380

De même, les tribunaux de Première Instance et le Parquet travaillent quasiment loin de


toute communication pendant que le Code d’Instruction Criminelle381fait obligation à ce
dernier d’informer le Ministère de la justice du fonctionnement de ces tribunaux. Comme
le démontre l’ancien Ministre de la justice Jean J.Exumé, le manque de coordination
enregistré dans les actions des décideurs est tel que la justice est administrée de façon très
lente382. Et, dans le but de les conscientiser quant à se relever à la hauteur de leur
responsabilité, il leur a adressé en les mots ci-dessous en 2008:

L’opinion publique se plaint constamment de la scandaleuse lenteur de cette justice. Le retard


dans le prononcé d’une décision judiciaire est tenu pour une suprême injustice. En réalité, la
lenteur de la justice décourage les justiciables dans leurs justes prétentions ou dans leurs
justes défenses. Elle peut aussi entraîner des préjudices certains et même irréparables. C’est
pourquoi, comme chaque magistrat doit le comprendre, le législateur met l’accent sur la
régularité des audiences et la ponctualité des magistrats383.

En effet, les échanges entre les magistrats sont susceptibles de contribuer à l’effectivité de
la justice en ce qu’ils sont susceptibles d’harmoniser les décisions judiciaires et renforcer
la qualité de la justice384. Mais, sans nier qu’une justice de qualité ne saurait être
suffisamment possible loin de la compétence adéquate des juges appelés à exercer le
processus décisionnel.

N’empêche cependant que le problème de l’incompétence des magistrats est ensuite un fait
dans le système judiciaire haïtien; parce que certains intervenants n’ont pas réuni, en
termes de qualification, les conditions requises pour exercer la fonction judiciaire. En effet,
grâce à l’aide reçue des bailleurs de fonds, le gouvernement a fait beaucoup d’efforts ces

379
Id.
380
RÉSEAU NATIONAL DE DÉFENSE DES DROITS HUMAINS, (RNDDH), Observatoires sur le fonctionnement de l’appareil
judiciaire haïtien au cours de l’année 2011-2012, Port-au-Prince, Haïti, 2012, p.26, en ligne à:
« rnddh.org/content/uploads/2012/10/Rapport_Justice_2012.pdf ». (Site consulté le 26 décembre 2013).
381
Code d’Instruction Criminelle Voté à la Chambre des Représentants le 14 juillet, au Sénat de la République le 31 juillet, Promulgué le
31 juillet 1835.Annoté par Menan PIERRE-LOUIS, art.38 et ss.
382
Jean Joseph EXUMÉ. Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, «Appel solennel du Ministre de la Justice et de la Sécurité
Publique aux membres de la Magistrature Nationale», Bulletin du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, Vol1, No1,
Novembre 2008-Mars 2008.
383
Id.
384
AHJUCAF, préc., Note 4, p.141.

87
dernières années385. Certains magistrats, suite à leur formation à l’École de la Magistrature,
ont pu se rendre à l’étranger pour se perfectionner et plusieurs séminaires ont été organisés
à cette École386. De même, le législateur, dans les lois liées à la réforme judiciaire, initiée
en 2007, exige au juge une compétence plus adéquate pour exercer la fonction judiciaire387.
Encore plus, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) est chargé de veiller au
respect des modalités de recrutement à l’École de la Magistrature388.

Toutefois, se rencontrent encore dans certains tribunaux et Parquets beaucoup de juges et


de Commissaires sans qualification aucune. Il s’agit surtout de jeunes avocats qui viennent
de terminer leur stage et qui ont intégré le système judiciaire sans avoir subi le moindre test
d’évaluation389. Puis, ils se sont vus promouvoir, quelques mois après, à de nouvelles
fonctions judiciaires. Ce qui fait dire à RNDDH que le favoritisme prime les modalités de
recrutement des magistrats. En effet, comme le démontre ledit organisme, la nomination du
juge de Paix Jean Julien à titre de Doyen390 (voir les fonctions du Doyen présentées dans la
note de bas de page) à L’Anse-à-Veau est une bonne illustration de cet état de fait. Car
transféré au tribunal de Première Instance des Cayes, le juge Julien a prêté serment le 11
septembre 2012 et retourne, à titre de Doyen, à l’Anse-à-Veau où il prête serment le 18
septembre 2012391. Ces lacunes, à comprendre l’Organisation des Étudiants de l’Université
d’État d’Haïti (OEUEH), ne sont pas sans effet: « Ce manque de responsabilité entrave le
droit des citoyens d’être confiant en la justice de leur pays, et d’avoir droit à la
sécurité »392. Quant à la Commission Préparatoire, elle déclare:

Il est démontré que, malgré une certaine mutation du tissu social, l’administration judiciaire
actuelle participe encore et toujours du même modèle idéologique d’exclusion. Une justice
inaccessible, inefficace, dilatoire et irrespectueuse des droits fondamentaux en est la

385
MICIVIH., préc., Note 378.
386
CRISIS GROUP, Haïti :réforme de la justice et crise de la sécurité, Briefing Amérique latine/ Caraïbe No4, Port-au-Prince,
Bruxelles2007, p.1, en ligne à : « www.crisisgroup.org/.../haiti/b14_haiti___justice_reform_and_security_.».(Site consulté le 26 août
2013).
387
Voir Moniteur, préc., Note 50.
388
Id.
389
MICIVIH., préc., Note 378, p.127
390
Notons que le Doyen occupe apparemment des fonctions importantes dans le régime juridique haïtien. Par exemple, il peut statuer,
selon l’article 26.1 de la Constitution de 1987, sur la légalité de l’arrestation et de la détention. De même, il est chargé, au regard du
Décret du 22 août 1995, de l’administration du tribunal de première instance auquel il est affecté. Voir le Décret du 22 août, Décret
modifiant la Loi du 18 septembre 1985, abrogé par la Loi du 27 novembre 2007 portant statut de la Magistrature, Le Moniteur No 112,
Journal Officiel de la République D’Haïti, Port-au-Prince, Haïti, 2007.
391
RNDDH, préc., Note 380.
392
L’Organisation des Étudiants de l’Université de l’État d’Haïti (OEUEH) et Co., République d’Haïti, Soumission au Conseil des Droits
Humains des Nations Unies, 12e session du groupe de travail sur l’EPU (Octobre 3-13, 2011), La Souveraineté Nationale, p.8, en ligne à :
«lib.ohchr.org/HRBodies/UPR/.../HT/JS11-JointSubmission11-fr.pdf » (Site consulté le 18 avril 2015).

88
caractéristique indéniable. Il en résulte que la société civile est, somme toute privée, de service
juridique393.

Comme le démontre en effet l’AHJUCAF, l’intégration des magistrats compétents dans le


système judiciaire tient amplement s’agissant d’assurer réellement l’effectivité d’une
justice efficace parce que le magistrat, accédant à la fonction judiciaire sous la base du
népotisme ou du favoritisme, pourrait être facilement manipulé par les autorités politiques.
En ce qu’il leur devra probablement allégeance du fait d’avoir travaillé à son accession à la
fonction judiciaire loin de tout respect des règles y afférentes394. Et ladite Association fait
la considération suivante:

« Il ne serait pas exagéré de penser que la nomination ou le recrutement de ces magistrats


reste sous le contrôle des hommes politiques qui voudraient s’assurer, avant tout, que les
hommes installés à ces postes leur seraient acquis.»395

Du reste, il est de principe que la concertation et la compétence participent des différentes


conditions qui doivent être remplies pour garantir véritablement un système de justice
efficace. Ces deux facteurs, en cas de manquements, sont susceptibles de nuire au processus
décisionnel en empêchant les juges et tribunaux d’exercer convenablement leur fonction de
juger. Si la magistrature, pour reprendre l’AHJUCAF, se rapporte à un service public qui
est en concurrence avec les autres fonctionnaires. Ces derniers recherchent un statut
particulier et ce statut ne peut être obtenu que par le rapport de force de chaque catégorie
avec le gouvernement396. Aussi, il nécessite que, comme le démontre Saint-Louis, les
magistrats aient des qualifications adéquates pour appliquer les textes juridiques397.
N’empêche toutefois que, loin d’une atmosphère politique favorable aux activités
judiciaires, la garantie de ces deux facteurs soit loin d’être suffisante en ce que le non-
respect des valeurs démocratiques peut mettre en jeu le processus décisionnel. Là-dessus,
nous abordons le contexte sociopolitique actuel s’agissant de nous informer du
fonctionnement des institutions garantes de l’État de droit, notamment le pouvoir judiciaire.

393
COMMISSION PRÉPARATOIRE, préc., Note 50, p.3.
394
AHJUCAF., préc., Note 4, p.128.
395
Id.
396
Id., p.141.
397
L.SAINT-LOUIS, préc., Note 377, p.25.

89
2.1.4 Le contexte sociopolitique actuel: une crise politique défavorable à l’État de
droit

La situation sociopolitique d’Haïti occupe, ces dernières années, une place non moins
importante dans la littérature politique en ce qu’il s’agit d’un pays qui « se cherche » après
le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010. Et les observateurs, à considérer
les données recueillies, ont tous quasiment constaté que le pays est encore plus paralysé
que les institutions garantes de l’État de droit sont, comme l’affirmait le Secrétaire général
des Nations Unies sur la stabilisation en Haïti, dysfonctionnelles398. Les problèmes
auxquels sont confrontés notamment le système judiciaire est une bonne illustration de
cette idée en ce que, selon plusieurs, les juges ne sont pas en mesure d’exercer
efficacement le processus décisionnel. En effet, les pouvoirs publics, selon Crisis Group,
ne travaillent guère à la mise en œuvre des conditions de service et de mandat des juges au
point qu’ils ont longtemps refusé d’installer le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire
nécessaire à la garantie de l’indépendance judiciaire399. Ce qui lui fait dire: « En 2007, les
espoirs d’une amélioration durable du secteur de la justice ont été ravivés par l’adoption
des trois lois fondamentales mais ont été anéantis par l’inaction consécutive de
l’exécutif.»400 Or, la perception suivante dudit organisme témoigne encore plus du
désintéressement du gouvernement quant à la dynamisation véritable du pouvoir
judiciaire :

L’incapacité du président Préval et de ses trois Premiers ministres successifs de mettre en


place le CSPJ a mis les réformes en suspens pendant près de quatre ans. Sa préoccupation
selon laquelle le Sénat présenterait une liste de personnes corrompues, politiquement liées ou
incompétentes, l’a rendu incapable de procéder à quelque nomination que ce soit, y compris
celle du président de la Cour de cassation401.

En effet, porté au pouvoir en 2011, le Président de la République Michel Joseph Martelly a


décidé de redorer le blason tel qu’il allait travailler, conformément à la Constitution, à la
nomination des membres de la Cour de cassation. Il a, cependant, abusé de sa fonction si
bien qu’il n’a pas respecté la sélection de candidats proposée par le Sénat : en nommant
398
Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti S/2013/139 Conseil de sécurité,
Distr.général, 8 mai 2013, p.1, en ligne à: «http://www.minustah.org%2Fpdfs%2FrapportsSG%2FRSG-
MINUSTAH_20130308_FR.pdf ». (Site consulté le 27 août 2013).
399
CRISIS GROUP,préc., Note 386, p.1.
400
Id.
401
Id., p.9 à10.

90
uniquement le président de la Cour et un autre membre402. Notons encore cette idée de
Crisis Group:

« Le président Martelley semblait d’abord partager ces inquiétudes, puisqu’il a rendu au Sénat
sa liste de nominés. Quelque jours plus tard, cependant, après la discussion avec la haute
chambre, il a nommé le président de la Cour ainsi qu’un autre juge de la liste.»403

Aussi, les différentes couches sociales, comme le perçoit le Secrétaire général, ne cachent
pas leur indignation par rapport à cette situation, soit qu’elles s’en prennent au
gouvernement pour n’avoir pas respecté ses promesses relatives à la poursuite de la
réforme judiciaire au point que l’indépendance judiciaire est davantage remise en
question404. Dans ce sens, Crisis Group ajoute que : «des obstacles politiques ont empêché
la formation d’organes judiciaires clés tels que le CSPJ et la Cour de cassation»405.

Encore plus, l’ensemble des magistrats du pays, comme l’explique l’Alter Presse, ont
procédé, au mois de juillet 2014, à deux journées de grève. Il s’est agi notamment de
contraindre le gouvernement à renouveler le mandat de 85 juges arrivé à terme depuis plus
d’une année406. Ce qui fait dire au juge Durin Duret Junior cité dans ledit journal:«[…].
C’est pour prouver notre bonne foi. S’ils ne répondent pas, les juges vont continuer la
grève. »407Ledit juge s’en prend énormément au gouvernement qui ne travaille guère quant
à mettre les juges en conditions pour exercer le processus décisionnel au point qu’il a
déclaré:

« L’exécutif n’a rien fait, malgré les démarches entreprises, depuis plus d’un an, du côté du
Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), pour acheminer les noms. Toutes ces
démarches sont restées lettre morte. Il y a pas de volonté, le système est resté entièrement
bloqué. Plus de la moitié des juges d’instruction n’ont pas de mandat. »408

402
CLAUDE GILLES, « Un président à la tête de la Cour de cassation », Le Nouvelliste 5 octobre 2011. Anel Alexis Joseph, ancien
président de la Cour d’appel de Port-au-Prince, a été nommé président de la Cour de cassation le 5 octobre et Jean Louis J.Mécène, un
ancien juge de la Cour d’appel de Gonaïves a été nommé juge. Dans CRISIS GROUP, préc., Note386, voir p.10 et ss.
403
Id.
404
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, préc., Note 398, p.2.
405
CRISIS GROUP, préc., Note 386, p.11.
406
Alter Presse., préc., Note12, No du 19 juillet 2014, en ligne à: http://www.alterpresse.org/spip.php?article16715. (Site consulté le 31
juillet 2014).
407
Id.
408
Id.

91
De même, plusieurs juges, selon le RNDDH, exercent le processus décisionnel dans une
juridiction différente de celles où ils habitent409. En ce sens, ils violent l’article 38 de la
Loi liée au statut de la magistrature qui leur fait obligation de demeurer dans la ville où ils
exercent la fonction judiciaire410. De même, il y en a qui exercent des fonctions
incompatibles tel qu’ils violent l’article 41 de ladite loi411 et c’est le cas, comme le montre
la Commission Préparatoire dans les extraits suivants, des juges de paix et d’instruction
dont les fonctions sont hybrides. En ce que les premiers participent à l’information
préliminaire en qualité de police judiciaire et le second partage des fonctions non
juridictionnelles avec le Commissaire, représentant du gouvernement dans le système
judiciaire.

« Il faut donc soumettre l’institution à une profonde transformation. Le juge de paix doit se
reconcentrer sur sa mission essentielle qui est de juger. Il convient, à cette fin, de le libérer des
fonctions non juridictionnelles attachées à son statut d’officier de police judiciaire[…] »412.

« Il s’agit dès lors, de confier les fonctions non juridictionnelles à des officiers ministériels. Le
juge de paix et le juge d’instruction demeurent les seuls magistrats de la République dont les
fonctions sont hybrides »413.

« Le juge doit se concentrer sur ces fonctions de juger. Il suit que la fonction d’investiguer qui
était rattachée à son statut doit être maintenant dévolue à une organisation spécifique. Il ne
peut s’agir que du ministère public dont la fonction essentielle sera dès lors, de recherche la
vérité, c’est-à-dire de s’employer à la reconstruction des faits et à leur qualification »414.

En gros, les institutions garantes de l’État de droit, en Haïti, se révèlent dysfonctionnelles


parce que les pouvoirs publics refusent souvent de prendre des mesures pour mettre en
œuvre les principes constitutionnels et statutaires relatifs à la garantie de l’effectivité d’une
justice efficace. Et le peu de mesures prises, dans le cadre de la mise en œuvre de ces
règles, se révèlent insuffisantes si bien que les procédures liées à la mise en œuvre des
organes importants, tels que la Cour de cassation et le CSPJ, ont été bafouées en 2011 par
le pouvoir exécutif.

409
RNDDH, préc., Note 380, p.38.
410
Loi du 17 Novembre 2007, préc., Note 51, art.38.
411
Id., art.41.
412
COMMISSION PRÉPARATOIRE, préc., Note 50, p.32,
413
Id., p.33.
414
Id., p.35.

92
À faire, grosso modo, la radiographie de la réalité sociopolitique et juridique d’Haïti, la
problématique du dysfonctionnement du système judiciaire découle fortement des sources
sociopolitiques. En effet, outre les fonctions à caractère politique reconnues à la Cour de
cassation et au CSPJ, la concertation et la compétence font défaut si bien que l’effectivité
d’une justice efficace est douteuse. De même, le processus décisionnel des juges s’exerce
en fonction d’un droit positif dont la légitimité est mise en question dans la société tel que
le droit coutumier est souvent utilisé comme mode de règlement de conflits. Encore plus,
les institutions garantes de l’État de droit sont révélées peu efficaces si bien que les
pouvoirs publics ont apparemment bafoué les modalités liées à la mise en œuvre de la Cour
de cassation et du CSPJ en 2011. Mais, à notre avis, cet état de fait tient au fait que les
règles juridiques liées à la fonction judiciaire poseraient avant tout problème en ce qu’elles
comporteraient des lacunes importantes qui facilitent les ingérences des pouvoirs publics
dans le processus décisionnel. Delà le contexte dans lequel nous allons aborder la question
de l’indépendance judiciaire en Haïti et notre objectif consiste à démontrer en quoi les
règles juridiques pourraient rendre possibles les sources sociopolitiques, qui sont à l’origine
de la problématique du dysfonctionnement du système judiciaire.

93
2.2 L’indépendance judiciaire en Haïti: les lacunes des règles juridiques et le cadre de
la dynamisation véritable du pouvoir judiciaire

En Haïti, la Cour de cassation, tribunal de dernière instance, peut être compétente pour
trancher à la fois le litige privé, public, constitutionnel et politique. De même, les balises
constitutionnelles et statutaires de l’indépendance judiciaire sont posées parce que, d’une
part, il relève, au regard de l’article 175 de la Constitution, de la compétence du Sénat de
soumettre la liste des candidats au Président de la République pour nommer les juges suite
à l’avis du CSPJ415; et que l’inamovibilité est posée à l’article 177 du même texte comme
la condition essentielle de la fonction judiciaire. Et, d’autre part, le législateur a confirmé
ces principes en définissant les garanties statutaires. Cependant, le contexte sociopolitique
et juridique, malgré l’existence de ces normes, ne favorise pas l’effectivité d’une justice
efficace au point que le processus décisionnel des juges est apparemment soumis à
l’influence des pouvoirs publics. D’où la nécessité de vérifier l’hypothèse selon laquelle
les lacunes des lois et normes qui garantissent l’indépendance judiciaire pourraient être un
facteur explicatif de la problématique du dysfonctionnement du système judiciaire en
facilitant les ingérences des pouvoirs publics dans les affaires judiciaires. Ainsi, nous
analysons d’abord, dans cette section, les règles et informations juridiques relatives à
l’indépendance judiciaire en Haïti (2.2.1) et nous proposons ensuite, selon le problème
éventuellement constaté, des pistes de solution susceptibles de rendre le système judiciaire
opérationnel (2.2.2).

2.2.1 Les règles juridiques liées à la fonction judiciaire en Haïti: les limites des
garanties constitutionnelles et statutaires relatives à l’indépendance institutionnelle et
individuelle

Les règles juridiques qui garantissent l’indépendance judiciaire en Haïti ne sont pas
susceptibles de protéger l’indépendance institutionnelle et individuelle posée dans le droit
international. Car, ces textes posent problème au point que les garanties constitutionnelles
et statutaires relatives aux trois critères auxquels se reconnait cette indépendance
(l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance administrative) ne sont pas

415
Constitution, préc., Note 9, art.177 et 175.

94
effectives dans le système judiciaire. En effet, cette section, divisée en trois (3) grandes
parties, est consacrée à ce problème et nous mettrons, premièrement, en évidence les
lacunes des lois et normes portant les principes constitutionnels et statutaires relatifs à
l’inamovibilité des juges et tribunaux (2.2.1.1). Deuxièmement, nous présentons les
lacunes des règles juridiques relatives aux principes statutaires liés à leur sécurité
financière (2.2.1.2). Nous terminerons, en traitant des lacunes des règles juridiques traitant
des principes statutaires liés à leur indépendance institutionnelle (2.2.1.3).

2.2.1.1 Les limites des garanties constitutionnelles et statutaires liées à l’inamovibilité


des juges et tribunaux haïtiens

Les principes constitutionnels et statutaires relatifs à l’inamovibilité des juges et tribunaux


haïtiens sont limités au point que les conditions de révocation, de renouvellement de
mandat et d’affectation nouvelle prévue à l’article 177416 (voir ces conditions dans la note
de bas de page) de la Constitution de 1987 sont, comme le démontrent plusieurs,
inopérantes dans la pratique judiciaire. En effet, selon la constitutionnaliste Mirlande
Manigat, l’inamovibilité est le véritable problème de la fonction judiciaire. En ce que cette
dernière est liée à la fonction politique au point que les juges sont, non seulement,
nommés par le Président de la République, mais il a aussi le pouvoir de les révoquer dans
certains cas malgré l’affirmation à tort et à travers de leur inamovibilité417. Ce qui fait dire
à ladite constitutionnaliste que: «Le cordon ombilical qui relie les deux pouvoirs subsiste,
dans la tradition haïtienne comme ailleurs et le débat [...] se poursuit au sujet des
relations souvent trouble entre le glaive et la toge [...] »418. Encore, la Commission
Préparatoire affirme que:« […]dans le contexte haïtien, l’étroitesse des liens entre le
gouvernement et l’organisation judiciaire transforme les cours supérieures en institutions
politiques […].»419

416
Id., art.177. Notons que cet article, confirmé par le législateur, porte, en termes de conditions de révocation, de renouvellement de
mandat et d’affectation, que les juges des cours et tribunaux supérieurs sont inamovibles. « Ils ne peuvent être destitués que pour
forfaiture légalement prononcée ou suspendus qu’à la suite d’une inculpation. Ils ne peuvent être l’objet d’affectation nouvelle, sans leur
consentement, même en cas de promotion. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu’en cas d’incapacité physique ou
mentale permanent dûment constatée.
417
M.MANIGAT., préc., Note 10.
418
Id.
419
COMMISSION PRÉPARATOIRE, préc., Note 50, p.12.

95
De même, à comprendre l’ancien Ministre de la justice Bernard H.Gousse, la procédure de
révocation des juges est loin de rendre effectives les garanties de transparence établies
dans la Constitution. Car, les règles liées à l’inamovibilité sont inefficaces si bien qu’il est
difficile de faire carrière dans la magistrature420. Et l’auteur ajoute en effet:

« L’exécutif prend aussi des libertés avec le principe de l’inamovibilité des magistrats et l’on
ne s’étonne pas de voir des magistrats arrêtés sur l’ordre du Ministre de la Justice au mépris
du Code d’Instruction criminelle. »421

La Constitution, selon encore la constitutionnaliste Mirlande Manigat, allait compliquer


cette problématique par son souci de démocratiser les mécanismes de nomination et de
révocation. Autrement formulé, elle a exposé davantage la fonction judiciaire aux
ingérences des pouvoirs publics en reconnaissant le rôle des Collectivités territoriales pour
proposer des candidats au niveau des troisième, deuxième et quatrième degrés de la
hiérarchie judiciaire422. Or, coiffées par le Ministère de l’intérieur, ces entités locales sont
susceptibles d’être redevables au gouvernement qui aura éventuellement davantage de
marges de manœuvre pour nommer et révoquer les juges à son gré423.

Plusieurs ont avancé des idées allant dans le même sens. En effet, selon le juriste Rigaud
Duplan, la dépendance des juges des autorités de nomination et politiques est lié au fait
qu’il appartient au Sénat de la République et aux Collectivités territoriales de soumettre la
liste des candidats au Président de la République424.

De l’avis de la MICIVIH, les ingérences des pouvoirs publics dans les affaires judiciaires
sont à la fois directes et indirectes parce qu’elles résultent des membres du gouvernement
ou d’autorités locales représentées par des délégués ou des vice-délégués. Et ils

420
Bernard H. GOUSSE, « L’indépendance judiciaire en Haïti », article produit sous la rubrique du programme de l’IFES, pour le
Soutien à la Société Civile pour l’indépendance judiciaire p..4., en ligne
à «http://www.sistemasjudiciales.org/content/jud/archivos/notaarchivo/619.pdf» (Site
consulté le 20 novembre 2012).
421
Id., p.4.
422
M.MANIGAT .,préc., Note 10.
423
COMMISSION PRÉPARATOIRE, préc., Note 50.
424
Rigaud DUPLAN, « Problème du dysfonctionnement du système judiciaire haïtien », en ligne
à : « http://www.hrdf.org/oldwebsite/Forum- Juridique/rigaud.htm » (Site consulté le 03 septembre 2013).

96
interviennent dans les affaires judiciaires aux fins de la protection des intérêts de leurs
partisans425. En effet, ladite Mission conclut:

[…]le 12 novembre 1995, le Président Aristide avait destitué de leurs fonctions le Doyen des
Cayes et le Commissaire d’Aquin et procédé à la nomination de leurs remplaçants.[…]
certains des témoignages recueillis sont à l’effet de justifier ces changements par des pressions
provenant de la population alors que d’autres identifient le délégué départemental comme
étant à la source.426

Comme l’expliquent d’autres observateurs, la précarité de la fonction judiciaire en Haïti


est un fait si bien que les juges et tribunaux ne sauraient être en mesure d’exercer, en toute
quiétude, leur processus décisionnel. En effet, selon le juriste Ivan Verougstraete, « […]
Haïti en est un exemple, les juges de paix pouvant être révoqués à tout instant et les
mandats des juges n’étant pas forcément renouvelés »427. La MUNISTHA, comme le
montre le Secrétaire général, a donné un soutien important au CSPJ pouvant lui permettre
de prendre des mesures appropriées pour limiter les atteintes des pouvoirs publics au
principe de l’inamovibilité. Toutefois, les mesures prises n’ont guère débouché sur le
résultat escompté en ce que :« des juges de paix continuent néanmoins d’être nommés au
mépris de la nouvelle réglementation»428.

Pour le Rapporteur du Département d’État des États-Unis sur les pratiques en matière des
Droits de l’Homme, le nombre de nominations et de révocations arbitraires dans le régime
juridique est tel qu’il est difficile de faire carrière dans le système judiciaire429. En fait,
plusieurs transferts ou révocations peuvent illustrer ces ingérences indues des membres du
gouvernement dans les affaires judiciaires. En effet, selon ledit Rapporteur, le magistrat
Jean R. Sénatus a déclaré avoir été révoqué, en septembre 2012, pour avoir refusé
d’avancer des dossiers à caractère politique, suite aux pressions exercées par les membres
du gouvernement, notamment le Ministre de la justice430.

425
MICIVIH., préc., Note378, par.26.
426
Id., par.27.
427
I.VEROUGSTRAETE, préc., Note 87, p.176.
428
CONSEIL DE SÉCURITÉ, Rapport du Secrétaire général des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, Nations Unies,
Distr.général, S/2013/493, 19 août 2013, par.34, p.9, en ligne à : «www.minustah.org/pdfs/rapportsSG/Rapport%20SG_2013-1.pdf »
(Site consulté le 15 avril 2015).
429
DÉPARTEMENT D’ÉTAT DES ÉTATS-UNIS, Rapport sur les pratiques des pays en matière des droits de l’homme, Bureau pour la
démocratie, les droits de l’homme et le travail, p.13, en ligne à : «photos.state.gov/…/haiti/Haiti/%202012%20HRR%20-%20french-
001… »(Site consulté le 25 mars 2015).
430
Id.

97
De même, comme l’explique Crisis Group, trois juges de la Cour de cassation ont été
renvoyés par le gouvernement Boniface-Alexandre (2004-2006431). Mais, le nombre de
révocations le plus élevé dans la magistrature, comme le constate la MICIVIH, remonte
aux années 1995 et 1996. En effet, 16 magistrats ont été révoqués sur la seule région de
Port-au-Prince, la moitié à Petit-Goâve et 13 sur les 23 magistrats évoluant à Anse-veau.
Puis, on a assisté, au début de l’année 1996, à une vague de révocations de juges de Paix
dans le département du Nord432. S’agissant de l’effet de ces révocations sur le
fonctionnement du pouvoir judiciaire, la Mission a fait la remarque suivante:

« Ce nombre anormalement élevé de révocations, lié à l’incertitude qui pèse sur le statut des
magistrats, a plongé le pays dans une situation d’instabilité judiciaire préjudiciable à la
crédibilité de l’institution. Nombre sont en effet les juges révoqués par simple lettre du
Ministre de la Justice, mettant fin à leur fonction, sans que la décision ne soit motivée. »433

La nomination de trois juges à la Cour de cassation en 2011434et les transferts des Doyens
de Cayes en 2013435 illustrent encore plus cette problématique qu’ils ont défrayé la
chronique. S’agissant d’abord de la nomination des juges, la législature antérieure, à
comprendre la Commission de Justice du Sénat, n’a pas respecté les modalités liées à la
fonction des juges de la Cour de cassation au point que ces juges sont nommés
arbitrairement436. D’où sa note: «Me Arnel Alexis, alors président de la Cour de cassation,
était âgé de 74 ans au moment de sa désignation. Ce qui est contraire au prescrits légaux
qui fixe l’âge à 65 ans.»437 La nomination de ces juges pose problème parce que les noms
de certains juges ne figuraient pas sur la liste que le Sénat a soumise au Président de la
République. Pourquoi, ladite Commission a fait la demande suivante au Président de la
République dans le cadre des mesures nécessaires pour corriger de telles irrégularités:

Article 2: Le Sénat de la République demande que le Président de la République, garant de la


bonne marche des institutions, adopte avec promptitudes toutes les mesures nécessaires pour
mettre un terme à ces violations manifestes qui tendent à mettre en cause les principes

431
CRISIS GROUP., préc., Note 386, p.14.
432
MICIVIH., préc., Note 378, p.13.
433
Id.
434
Le Sénat de la République. Parlement haïtien, Résolution du Sénat autour de la nomination des six(6) membres de la Cour de
cassation, en ligne à : «http://www.leparlementhaitien.info/lesenat/fr/article/38-travaux-parlementaires/resolutions-adoptees/137-
resolution-du-senat-autour-de-la-nomination-des-six-6-membres-de-la-cours-de-cassation.html»(Siteconsulté le 01 mai 2015).
435
HL/HaïtiLibre, Le Ministère de la Justice transfère des juges sans l’approbation du CSPJ, en ligne
à : http://www.haitilibre.com/article-6612-haiti-justice-le-ministere-de-la-justice-transfert-des-juges-sans-l-approbation-du-cspj.html.
(Site consulté le 12 août 2013).
436
Id.
437
Id.

98
fondamentaux de la séparation des pouvoirs et l’équilibre institutionnel garantis par la
Constitution438.

Article3 :Le Sénat de la République recommande au Président de la République de faire retrait


des nominations en cause, soit celles des citoyens Kesner Michel THERMEZI, Frantzi
PHILEMON et Anel Alexis JOSEPH, pour pouvoir reprendre le processus de nomination dans
de bonne condition, conformément aux prescrit de la Constitution et de la loi439.

Aussi, Gervais Charles, l’ancien Bâtonnier de Port-au-Prince, comme le rapporte « Le


Nouvelliste », l’un des quotidiens les plus réputés en Haïti, n’a pas caché sa déception.
Pour lui, « La nomination du Président de la Cour de cassation est un parachutage qui
risque de vassaliser le pouvoir judiciaire. […]ce choix de Michel Martelly est
techniquement légal, mais il ne respecte pas le principe de carrière des juges […] »440.
Une telle nomination est problématique que ledit juriste dit craindre que le juge Anel
Alexis Joseph ne soit redevable au Président de la République qui l’a nommé. Dans ce
sens, il poursuit:

« Anel, c’est un juge que j’apprécie énormément. Je ne porte aucun critique contre le
personnage. Mais, il ya déjà six juges qui siègent à la Cour de cassation. Je pensais que le
Président allait sortir l’un de ces six juges. La nomination du juge Anel Alexis Joseph au poste
de la Cour de cassation est un parachutage. »441

Le juriste Gervais Charles se veut inquiet si le juge Anel Alexis préside à la fois la Cour
de cassation et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). Car sa nomination, à le
comprendre, peut être liée à une stratégie du gouvernement pour réduire le rôle du CSPJ
en compétence et en budget. Et ledit juriste a bien vu en pensant que:« Un président du
CSPJ qui ne doit rien au pouvoir serait plus à même de demander la restitution des
pouvoirs usurpés par le ministère de la Justice »442. Notons aussi cette idée du juriste
Gervais Charles:

« Nous voulons un pouvoir judiciaire indépendant, comme le dit la Constitution. Si vous avez
un CSPJ influençable par son président, cela veut dire que le troisième pouvoir, encore une
fois, est sous l’obédience de l’exécutif. »443

438
Id.
439
Id.
440
Robenson ALPHONSE, « Un Président parachuté à la Cour de cassation », Gervais Charles-Courtoisie « Le Nouvelliste »,
7/10/2011 12 :32 :00, en ligne à «https://haiti3d.wordpress.com/page/13/ » (Site consulté le 20 avril 2014).
441
Id.
442
Id.
443
Id.

99
Le parachutage du juge Anel A.Joseph, pour reprendre ledit juriste Gervais Charles, a été
inévitable en ce que la procédure adoptée par le Sénat dans le cadre de la proposition des
noms était biaisée, empêchant le recrutement des meilleurs candidats. En effet, cette
perception de l’auteur est, à notre avis, pertinente si même un juge de paix s’était porté
candidat et que le Président de la République n’a pas tenu compte de la proposition que lui
avait faite le Pouvoir législatif. D’où la considération du juriste Gervais Charles:

« Ou bien on écarte la liste totalement, ou bien on l’accepte .Il n’est pas question de choisir
deux noms…Ce n’est pas uniquement la Cour de cassation qui est en jeu. Il s’agit aussi du
CSPJ, la direction du pouvoir judiciaire.»444

Comme le démontre aussi le Sénateur Stevenson Benoit, le Président de la République a


abusé de sa fonction et tous les trois juges nommés sans recommandation du Sénat sont
indésirables au sein de la Cour de cassation445 . Aussi, la composition de la Cour de
cassation, comme le constate le RNDDH, est pose problème qu’elle est faite complètement
en dehors de la procédure établie par la Constitution446 . Notons en effet cette lecture de
RNDDH:

«Les juges Kesner M.Thermezi et Frantz Philémon sont nommés sans que leur nom ait été
portés sur une quelconque liste soumise par le sénat de la République. Il convient de rappeler
que pour les six (6)postes vacants, les choix du Président sur un juge par liste de trois (3)
personnalités proposées pour chacun des postes spécifiques vacants447».

Quant aux transferts ou révocation des juges, le juge Marx Elibert les trouve fortement
contraires à la loi parce que le gouvernement empiète sur la compétence du Conseil
Supérieur du Pouvoir judiciaire. Pour dire autrement, lui seul, au regard dudit juge, est
habilité à prendre conformément à la loi de telles décisions448. Et le président de
l’Association Nationale des Magistrats haïtiens, le juge Durin Duret Junior, reconnait que
ces révocations sont sans doute liées à une stratégie du gouvernement pour contrôler tout

444
Id.
445
Nancy ROCK., « Des sénateurs réclament la démission de 3 juges à la Cour de Cassation », [No.10 septembre 2012] Metropolis,
LLM/Radio Métropole Haïti, p.1, en ligne à : «http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_poli_fr.php?id=21354» (Site consulté le 14
juillet 2013).
446
RNDDH., préc., Note 380, p.20.
447
Id.
448
HL/Haiti Libre, préc., Note 445.

100
l’appareil judiciaire449. Et il soutient:« Depuis que je suis président de l’ANAMAH, je
constate que [...] le pouvoir exécutif cherche à contrôler l’appareil judiciaire [...] »450.

Ce lien inextricable entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement, à comprendre l’opinion


de la Commission Préparatoire, est lié à l’adoption d’un système inquisitoire qui consiste
en l’utilisation du droit comme outil de contrôle social. Or, ce système qui est lié au
modèle napoléonien, «articule le corps judiciaire en une série d’échelons dans une
structure pyramidal analogue à celle de l’armée»451. La fonction judiciaire, fondée sur ce
modèle, est énormément en danger au point que ladite Commission postule:

Elle reprend la logique des cours militaires où la promotion du subalterne dépend


essentiellement du supérieur. Il en résulte une concentration des pouvoirs à l’échelon
supérieur. Puisque dans un système inquisitoire tout juge est aussi procureur, l’image du juge
s’estompe au profit de sa fonction policière. Directeur des enquêtes policières, il devient à la
fois juge et partie452.

L’inamovibilité se pose enfin, dans le régime juridique haïtien, comme la seule condition
essentielle de l’indépendance des cours et tribunaux judiciaires prévue par la Constitution,
et que le législateur a confirmée en définissant le cadre d’application des balises de
l’indépendance judiciaire. Cependant, elle n’est, à considérer globalement les données
recueillies sur le terrain, qu’un vain mot dans la pratique judiciaire parce que les détenteurs
du pouvoir politique, dotés des prérogatives discrétionnaires en termes de sélection et de
révocations arbitraires, s’y attaquent fortement. Delà les conditions liées à la carrière du
juge sont bafouées au point qu’il est impossible d’assister à la distribution d’une justice de
qualité dans le pays, c’est-à-dire, conscient qu’il peut être arbitrairement révoqué, le juge
est loin d’être psychologiquement en état de rendre la justice453. Ainsi, le Procureur Dupin
a bien vu en déclarant que « un juge qui craint pour sa place ne rend pas la justice ».454Et
le droit des citoyens à une justice équitable est, à notre avis, d’autant plus en jeu quand ce
juge ne serait pas financièrement en sécurité. Voilà le contexte dans lequel nous abordons
les lacunes des principes statutaires liés à la sécurité financière.
449
Id.
450
Id.
451
Id.
452
COMMISSION PRÉPARATOIRE, préc., Note 50.
453
Olivier PLUEN, Thèse de Doctorat, Novembre 2011, p.29, en ligne à : « https//docassas.u-paris2.fr/nuxeo/site/esupervisions/0c5bec53-
71c8-4569-91b3-3f5e0f4e0143// »(Site consulté le 23 juillet 2014).
454
Dupin, Séance du 26 novembre 1830, Chambre des députés. Cité par Marcel ROUSSELET, Histoire de la Magistrature française des
origines à nos jours, t.2, Plon, Paris, 1974, dans O.PLUEN, id.

101
2.2.1.2 Les limites des garanties statutaires relatives à la sécurité financière des juges
et tribunaux haïtiens

Les principes relatifs à la sécurité financière des juges et tribunaux sont aussi limités. En
effet, le budget alloué à la magistrature, à la lecture de la Loi du 17 novembre 2007 portant
Statut de la Magistrature, est contrôlé par le gouvernement qui peut utiliser le salaire pour
nuire au processus décisionnel des juges. En effet, l’article 49 de ladite Loi reconnait au
ministre de la justice le pouvoir de suspendre le versement du salaire suite à une simple
recommandation de l’organe administratif du pouvoir judiciaire. Notons la disposition de
l’article 49 :

Le traitement est la contrepartie du service assuré par le Magistrat. En cas de carence dûment
constatée aux obligations de service ou de résidence, le Ministre de la Justice [...] sur le
rapport du chef de juridiction pour un juge ou du Commissaire du Gouvernement pour un
Officier du Ministère Public, ou sur le rapport de l’inspection judiciaire suspend le versement
sur recommandation du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire455.

De même, à considérer de nombreuses autres données recueillies sur le terrain, les critiques
liées aux lacunes de ces dispositions sont légion. Pour le juriste Bernard H.Gousse,
l’influence du gouvernement sur le salaire des juges et tribunaux est telle que l’apparence
d’indépendance qui leur est exigée est un mythe dans la pratique judiciaire. En ce que le
salaire ne s’inscrit pas réellement dans le cadre d’une politique salariale et de plan de
carrière. Puis, le traitement, les congés et la retraite s’apparentent à une faveur plutôt qu’à
un droit si bien que des magistrats de même calibre se voient octroyer un traitement ou un
congé différent456. Ledit juriste déclare dans ce sens:

« Le budget alloué n’est pas administré de manière autonome par le système judiciaire, mais
directement par le Ministère de la Justice. Ce qui dans la pratique offre chaque fin de mois le
spectacle désolant de magistrats faisant l’antichambre au local du Ministère de la Justice pour
recevoir leurs appointements .»457

De l’avis du juriste Rigaud Duplan, les magistrats favorisés méprisent certains recours en
habeas corpus pour plaire au gouvernement ou ils refusent de statuer lorsqu’ils

455
Loi du 17 novembre 2007, préc., Note 51, art.49.
456
B.H.GOUSSE., préc., Note 420, p.4.
457
Id., p.4.

102
l’impliquent directement458. Pour l’Unité de Lutte contre la corruption, le juge n’est guère
libre s’agissant de décider dans les affaires qui mettent en cause les membres du
gouvernement et les groupes économiques dont le poids est tel qu’ils lui inspirent la peur
quand ils lui viennent de décider contre eux459.

De même, le budget dont il s’agit, à lire le juriste Bernard H.Gousse dans l’extrait qui suit,
est loin d’égaliser celui octroyé à la Police si bien que la misère matérielle est patente dans
les différents tribunaux du pays:

Les salaires des juges ne leur permettent pas d’assumer avec prestige leurs fonctions, surtout
vis-à-vis de leurs auxiliaires que sont les policiers. Il en résulte un manque de respect dont les
informations se font occasionnellement l’écho. Le relèvement occasionnel des salaires ne
s’inscrit pas dans le cadre d’une véritable politique salariale ni dans celui de la gestion des
carrières. Et la distribution de matériel roulant s’apparente alors davantage à de faveurs qu’à
un effort généralisé et structuré d’équipement460.

Pour la MICIVIH, les juges touchent non seulement irrégulièrement leur salaire, mais ce
modique salaire constitue des situations matérielles et financières difficiles. Ils se voient
obligés de se livrer parfois à l’enseignement pour tenir bon, c’est-à-dire la seule activité
professionnelle extérieure qu’ils sont autorisés à exercer au vœu de la Constitution461.
Aussi, ils touchent parfois irrégulièrement le salaire et sont contraints même de recourir à
la grève pour faire passer leur revendication. En fait, une grève, réalisée par le personnel
judicaire en 1995, a handicapé le fonctionnement de la magistrature, retardant les assises
criminelles en cours462.

De même, l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens (ANAMAH) a tenu plusieurs


journées de grève au mois de juillet 2014 pour exiger au gouvernement de payer aux juges

458
R.DUPLAN., préc., Note 424.
459
Unité de Lutte Contre la Corruption, Rapport final, Gouvernance et Corruption en Haïti, Résultat de l’Enquête Diagnostique, sur la
Gouvernance, Janvier 2007, p.26 à 27, en ligne à : http://ulcc.gouv.ht/wp-content/uploads/2014/02/Enquete-corruption-et-gouvernance-
2005.pdf (Site consulté le 20 avril 2015).Lire aussi Michel-Ange BONTEMPS, La justice haïtienne : structure, défis et perspectives,
dans Congrès 2008 de Lomé : le rôle du droit dans le développement économique, Institut international de Droit d’Expression et
d’inspiration Françaises (IDEF), Port-au-Prince, 2008, en ligne à : http://www.institut-idef.org/La-justice-haitienne-structure.html (Site
consulté le 21 avril 2015).
460
Id.
461
MICIVIH.,préc., Note 378, p..20 à 21.
462
Id., p.21.

103
les 24 mois d’arriérés de salaire et s’étaient donc enregistrés les mêmes problèmes dans le
système judiciaire463.

Comme le démontre le juriste Jean-Robert Fleury, les conditions de travail du juge sont
délicates que, même après avoir reçu le salaire après cette longue durée, il est obligé
d’attendre encore longtemps avant de se voir payer les arriérés de salaire de plusieurs
tranches. Encore plus:« il doit, de surcroit, entreprendre des démarches auprès des
autorités tant exécutives que législatives pour que ce qui lui revient de droit soit enfin
débloqué »464. Ce qui fait dire plus loin audit juriste que l’indignation des juges est telle
qu’ils ne sont pas psychologiquement en état de travailler véritablement à une justice saine
et équitable465 et il postule:

Ce qui porte certains d’entre eux à la réflexion, c’est lorsqu’ils croisent, soit dans les couloirs
des tribunaux, soit dans les rues des personnes sans titre ni qualité qui jouissent des biens et
des richesses de l’État en raison de leur appartenance politique. L’ironie du sort, le magistrat,
toge sur le bras et dossiers en main, reste sur le trottoir et dans l’insécurité, attend très souvent
une moto pour se rendre à la maison466.

Le juriste Bernard H.Gousse ajoute que« L’état d’indigence et de sujétion du système


judiciaire enhardit certains élus[…]affranchis de toute retenue pour se livrer sur personne
de magistrats à des actes d’humiliation jusqu’ici malheureusement impunis »467. Ledit
juriste poursuit en faisant la considération suivante:

Si nous plaidons aujourd’hui pour une justice indépendante, et si nous lamentons de son état
actuel de dépendance, ces préoccupations et ces inquiétudes dépassent le cadre des
professions judiciaires. Elles intéressent le tissu social en son entier et influent sur le respect
des citoyens pour la magistrature. Si la magistrature est perçue comme assujettie, elle n’est
plus regardée comme la voie normale et régulière de la résolution des conflits; la paix sociale
s’en trouve menacée. Une justice perçue comme influençable politiquement […] constitue un
épouvantail éloignant les investisseurs méfiants. […]la garantie de leurs propriétés physiques
et intellectuelles ne bénéficiant pas d’une protection essentielle : la prévisibilité des décisions
judiciaires468.

463
Alter presse.,préc., Note 406.
464
Jean-Robert FLEURY., « Les magistrats sont-ils bien traités?», Au palais de justice, « Le Nouvelliste » publié le 18 février 2014,
http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/articleprint/127704.
465
Id.
466
Id.
467
B.H.GOUSSE, préc., Note 420, p.5.
468
Id.

104
Aussi, cette problématique, au regard de plusieurs, n’est guère favorable à l’exercice
normal du processus décisionnel des juges et tribunaux. Selon le juge d’instruction Heidi
Fortuné, cité par HF/HPN, le budget octroyé à la justice haïtienne est inapproprié, étant le
plus bas dans tout le continent américain. Les conséquences sont néfastes si les juges ne
peuvent pas faire les enquêtes pour que le procès puisse tenir dans le délai raisonnable.
Ledit juge conclut en effet: « Et si vous croyez que c’est du flanc, allez dans les
Tribunaux, vous voyez la misère dans laquelle travaillent les juges. »469 Le
gouvernement, ajoute-t-il, est le véritable responsable si la Constitution fait du Président
de la République le garant de la bonne marche des institutions470. Il renchérit:

« Et le principal responsable de cet état de fait n’est autre que le Président de la République,
le chef de l’État, garant de la bonne marche des institutions, qui n’a en réalité, veillé ni au
respect ni à la stabilité ni au fonctionnement régulier du Pouvoir judiciaire comme lui exige la
Constitution.»471

La justice haïtienne, pour reprendre le juge Fortuné, est en jeu et elle tient encore grâce à
la détermination de certains magistrats qui gardent leur dignité. Ce faisant, « ils portent le
système judiciaire à bout de bras, par passion, mais leur moral est au plus bas. Et cela ne
crée pas un environnement de travail très stimulant pour assurer une saine justice ».472 Il
est impertinent qu’un magistrat puisse disposer de la modique somme touchée
irrégulièrement pour acheter des stylos et du papier selon l’auteur. Et que, du fait du non-
renouvellement des mandats des juges, les dossiers ne soient pas traités dans le délai
requis473. Et « le pire, c’est que certaines personnes se sentent confortables et
parfaitement en phase avec le ressenti de cette situation délirante»474. Il complète en
déclarant:

« Les conditions de travail sont, on ne plus, déplorables, et c’est sûr que le responsable de la
sécurité du Palais National, le chauffeur du Premier Ministre et d’autres affiliés du régime
touchent mieux qu’un juge d’instruction.»475

469
Heidi FORTUNÉ, Haïti-justice :un magistrat dénonce les mauvaises conditions de travail des juges, HF/HPN, 04 avril 2014, en ligne
à : «http://www.hpnhaiti.com/site/index.php?option=com_content&view=article&id=12313%3Ahaiti-justiceun-magistrat-denonce-les-
mauvaises-conditions-de-travail-des-juges&catid=38%3Ajustice-a-securite&Itemid=9» (Site consulté le 19 avril 2015).
470
Id.
471
Id.
472
Id.
473
Id.
474
Id.
475
Id.

105
La MICIVIH476 et le juriste Bernard H.Gousse477croient que les juristes les plus
compétents boudent la magistrature alors que la fonction judiciaire, par sa complexité et sa
sensibilité, nécessite du juge une certaine qualification pour l’exercer. Les juges sont aussi
vulnérables aux influences pernicieuses des justiciables et des groupes sociaux et certains
hommes d’affaires, lorsque leur intérêt est en jeu, leur font des offres énormes pour avoir
leur faveur. De même, tel que le montre le RNDDH, beaucoup de magistrats incompétents
font l’affaire des politiciens qui les ont nommés au point que le système judiciaire est pris
en otage478.

Ce qui fait, à comprendre Bernard H.Gousse, l’objet de tout un questionnement:

Comment s’étonner alors que la magistrature n’attire pas les plus brillants étudiants en droit?
D’où les reproches d’incompétence qui lui sont parfois adressés. Comment s’étonner encore
de la vulnérabilité de certains juges aux sollicitations malhonnêtes de certains justiciables?
Dans ces circonstances, je ne m’empressais pas de parler de juges corrompus. Mais, pour
reprendre le titre du roman Tahar Ben Jelloun, je plaindrais l’homme corrompu par les
nécessités de la vie, rompu par les menaces d’éviction de son logement, rompu par le spectre
de l’expulsion scolaire de ses enfants479.

Les magistrats devront bénéficier d’une véritable carrière qui les mette à l’abri des foucades
d’un Exécutif capricieux. Il est à nos yeux souhaitables que leur carrière ne soit pas
abandonnée aux seules mains de l’Exécutif. Leur sécurité salariale, matérielle et sociale devra
être assurée[…]480.

Des mesures urgentes, comme l’explique ledit juriste dans l’extrait qui suit, s’imposent
s’agissant de donner une autre image à la justice haïtienne et ces mesures doivent être
susceptibles d’assurer la responsabilité des juges quant à la manière dont ils exercent leur
fonction:

« La qualité de la justice sera l’aune à laquelle sera mesurée notre civilisation. Elle sera le
critère nous permettant d’être qualifié ou d’être éliminé de l’aventure du XXIe siècle Car, ainsi
que le prévient le titre d’un rapport du Sénat français : « Justice sinistrée, démocratie en
danger.»481

476
MICIVIH, préc., Note 378, p.31.
477
B.H.GOUSSE, préc., Note 420.
478
RNDDH., préc., Note 380.
479
Id.
480
B.H.GOUSSE, préc., Note 420.
481
Id.

106
Intervenant en effet, lors du Congrès de Lomé, sur cette problématique, l’auteur Michel-
Ange Bontemps a démontré que la solution consisterait inévitablement à initier une
réforme articulée autour de deux grands axes : soit lutter contre la corruption et l’influence
politique. Car la trop faible rémunération favorise l’ingérence des membres du
gouvernement dans les affaires judiciaires et est incompatible avec un corps de justice
ayant l’apparence d’indépendance. D’où un extrait de son intervention:

[…]la justice haïtienne s’est dotée d’une structure en vue de s’acquitter de sa mission
fondamentale qui est celle de trouver un dénouement aux litiges opposant les membres de la
collectivité. Cependant, la réalisation d’une pareille mission se heurte à des obstacles majeurs
et suscite l’émergence des actes revendicatifs; d’où la promotion de l’idée de réforme
judiciaire […]482.

Des mesures urgentes s’imposent pour remédier à ce problème, à considérer d’autres


commentaires, si la corruption tend à s’institutionnaliser dans la pratique judiciaire. De
nombreux fonctionnaires, selon le Rapporteur du Département d’État, paient des frais
divers pour porter les juges à considérer leur dossier au point que la justice est à la portée
des plus offrants483. Dans ce sens, Crisis Group a en effet noté que: «L’accès à la justice
est un bien rare et précieux. Seule une minorité de citoyens peut[…]payer des pots-de vin
qui, en raison des distorsions du système, sont nécessaires pour assurer un procès
équitable »484.

La corruption entraîne, selon le juriste Jaêl Destin, la compromission des intervenants dans
le système judiciaire en ce que :« tout est une question de réseautage et de clientélisme qui
l’emportent malheureusement sur le droit »485. Et la justice n’inspire pas confiance au
justiciable qui accepte d’être victime de l’injustice au lieu de recourir aux tribunaux.
Parfois,:« il préfère de loin cette situation au lieu de se lancer dans les labyrinthes

482
Michel-Ange BONTEMPS, La justice haïtienne : structure, défis et perspectives, dans Congrès 2008 de Lomé : le rôle du droit dans
le développement économique, Institut international de Droit d’Expression et d’inspiration Françaises (IDEF), Port-au-Prince, 2008, en
ligne à : http://www.institut-idef.org/La-justice-haitienne-structure.html (Site consulté le 21 avril 2015).
483
DÉPARTEMENT D’ÉTAT., préc., Note 429, p.13.
484
CRISIS GROUP., préc., Note 386, p.8.
485
Jaêl DESTIN, « La réforme de la justice en Haïti : un avenir prometteur? », Conseil canadien de droit international, p.2, en ligne
à : «www.pfhs.ch/.../12.01.09%20CCDI%20(Ca)%20Réforme%20justice.pdf» (Site consulté le 25 avril 2015).

107
procéduraux sans issues; ou encore dans un processus dont les résultats sont déterminés
d’avance»486. Notons l’affirmation de RNDDH relative à cet état de fait:

« Le fait par le système judiciaire d’être bourré de Raquetteurs semble faire l’affaire de tout le
monde, sauf des justiciables qui se perdent dans ce labyrinthe d’individus à la moralité
douteuse qui se donnent à cœur joie à l’extorsion d’argent.»487

À comprendre encore l’Unité de lutte contre la Corruption, le système judiciaire haïtien


est, dans ce cadre, fortement défavorable à la bonne gouvernance. Pour dire autrement,
l’administration de la justice n’est pas saine et équitable, c’est-à-dire le processus
décisionnel, tel qu’il est exercé, est injuste et exposé à la manipulation des intérêts non
moins puissants. En fait, les données recueillies permettent de conclure qu’un pourcentage
élevé des ménages et des dirigeants d’entreprises méfient la justice du fait que les
tribunaux sont manipulés par le gouvernement et des groupes économiques puissants488.

Enfin, les règles relatives au traitement des juges et tribunaux haïtiens sont lacunaires en ce
que, posées à défaut des principes constitutionnels pertinents, elles soumettent le processus
décisionnel des juges à l’ingérence des pouvoirs publics si bien que le budget est contrôlé
par le Ministre de la justice. Ce dernier participe à la préparation du budget, en discute au
Parlement et est chargé de payer aux juges. De même, beaucoup de juges sont exposés à
l’influence pernicieuse des fonctionnaires de l’État et des groupes sociaux, qui les
corrompent au détriment du droit des citoyens à une justice équitable. Il est, dans ce
contexte, incertain de nous attendre au respect de l’indépendance administrative si,
d’évidence, toute atteinte à l’une des trois conditions de l’indépendance des juges et
tribunaux est susceptible de nuire aux autres.

2.2.1.3 Les limites des garanties statutaires relatives à l’indépendance institutionnelle


des juges et tribunaux haïtiens

De même, les principes relatifs à l’indépendance institutionnelle des juges et tribunaux


comportent des limites importantes. Par exemple, l’organe administratif du pouvoir

486
Id.
487
RNDDH, préc., Note 380, p.38.
488
ULLCC, préc., Note 459.

108
judiciaire (CSPJ), à la lecture de la Loi du 13 novembre 2007 portant sa création, est
soumis à l’influence pernicieuse du gouvernement. En effet, il se compose, à la lecture de
l’article 4 de ladite Loi, non seulement de magistrats de siège qui exercent encore leur
fonction dans le système judiciaire, mais des commissaires du gouvernement qui
participent aux délibérations489. Ce qui sous-tend que la garantie de l’apparence
d’indépendance et d’impartialité, comme le démontre le juriste Liez Édouard, est
inexistante et il parait énormément impossible de voir le CSPJ statuer sur une plainte
mettant éventuellement en cause l’un de ses pairs ou un membre du gouvernement lors de
l’exercice des fonctions de juger490. Le juriste Liez Édouard perçoit en effet:

« […]le CSPJ […]a en son sein trop d’Agents de l’exécutif. Ces derniers auront toujours
tendance à imposer la suprématie de l’exécutif au judiciaire. Jusqu’à présent le Conseil
n’arrive pas à certifier les magistrats ni à présenter à la nation un état des lieux de la
justice.»491

« […]il n’est pas bon ton qu’un magistrat en fonction soit membre de cette structure. Dans ce
cas, il faudra modifier la loi de 2007 créant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Cette
modification devrait prendre en considération d’autres secteurs vitaux de la nation[…].»492

La garantie de l’indépendance administrative est, à notre avis, en jeu si l’article 22 de la


Loi fait obligation à toute personne victime d’un comportement d’un juge de passer par le
Ministre de la justice pour déposer une plainte à l’institution493.

Plusieurs hésitent quant au pouvoir du Conseil de mettre en œuvre la procédure de contrôle


et de discipline. En effet, le juriste Rigaud Duplan pense qu’elle échappe au Conseil du fait
qu’il ne gère pas la destitution, la suspension ou la remise à la retraite des juges si bien que
le renouvellement ou non-renouvellement du mandat des magistrats se fait en fonction des
considérations politiques ou amicales. Notons cette opinion du juriste Duplan:

« Les vieux routiers de la basoche[…] proclament que la promotion d’un magistrat devrait
être accordée suivant des critères bien définis comme : l’ancienneté, la compétence,

489
Loi du 13 novembre, préc., Note 51, art.4.
490
Liez ÉDOUARD, « Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire :structure mort-née », « Nouvelliste », no du 8 novembre 2013, en
ligne à : « http//lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/123261/le.Conseil-supérieur-du-pouvoir-judiciaire-structure-mort-née» (Site
consulté le 10 mars 2015).
491
Id.
492
Id.
493
Loi du 13 novembre 2007, préc., Note 51, art.22.

109
l’honnêteté, l’intégrité, la qualité des décisions rendues, la performance, la personnalité et non
suivant le zèle et la servilité du magistrat face au pouvoir exécutif .»494

La Cour de cassation haïtienne, citée par le Professeur Abdou Badaral Fall, a dégagé, au
célèbre congrès de l’AHJUCAF, une perception qui converge dans ce sens. Répondant à la
question 22-c (p.72) du questionnaire sur l’indépendance de la justice : « En particulier, y
a-t-il des critères de promotion au mérite ou d’autres critères en dehors de
l’ancienneté? », elle a déclaré sans ambages:

« […]On peut présumer que pour accorder une promotion à un juge, c’est-à-dire le faire
passer à un tribunal supérieur, l’autorité de nomination considère son ancienneté, rarement
son mérite personnel, mais souvent ce n’est pas le cas, l’avancement se fait sur la base des
relations personnelles ou de recommandation.»495

Cette perception de ladite Cour est encore, à notre avis, à propos en ce que l’article 32 de la
Loi en question496 fait du Ministre de la justice le véritable chef hiérarchique des
magistrats. Puisque, sans être partie à une affaire mettant éventuellement en cause un juge,
le législateur exige que la décision prise par ledit Conseil lui soit notifiée avant qu’elle ne
soit signifié au magistrat concerné et au justiciable. En effet, ledit article dispose :

« Dans les cas, la décision du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire est notifiée au Ministre
de la Justice et de la Sécurité Publique, au magistrat concerné et à l’auteur de la plainte, dans
les quinze (15) jours de son prononcé.»‘497

Il y a lieu d’hésiter si le législateur ne prévoit pas la suite que ledit Ministre, une fois reçu
la décision, doit lui donner. Dans ce cadre, la considération du juriste Bernard
H.Gousse sur les lacunes de bon nombre de règles juridiques adoptées au Parlement tient.
Autrement formulé, ces textes sont inopérants en ce que, au lieu d’assurer la fonction
judiciaire contre les abus des pouvoirs publics, ils sont de véritables stratégies pour réduire
le pouvoir judiciaire à ses plus simples expressions. En d’autres termes, ces textes «[…]ne
sont que des pétitions de principe sans aucune organisation véritable du pouvoir en tant

494
R.DUPLAN., préc., Note424. Soulignons que l’OEUEH a fait une lecture semblable en disant que: «[…]le pouvoir judiciaire dépend
grandement du pouvoir exécutif; car les juges doivent être nommés par le président de la République »., OEUEH, préc., Note 392, p.8.
495
A.B.FALL, préc., Note112, p.73.
496
Loi du 13 novembre, préc., Note 51, , art.67.
497
Id, art.32.

110
que tel. C’est un salut à la Constitution qui ne coûte rien. Dès le troisième article […], ce
pouvoir exalté devient un corps »498.

La lecture du juriste Patrick Pierre-Louis du rôle confié au CSPJ quant au choix de trois de
ses membres pour représenter le pouvoir judiciaire au Conseil Électoral converge dans le
même sens. Soit qu’il s’agit précisément, à comprendre l’idée suivante dudit juriste, d’une
véritable stratégie du gouvernement pour instrumentaliser le pouvoir judiciaire dans le but
de contrôler les éventuelles élections499:

[…]la constitutionnalisation du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire se fera sur la base de


son engagement dans la mise en place du Conseil Électoral Permanent et deviendra ipso facto
un enjeu majeur de la lutte en vue du contrôle des élections. Ainsi, comme par l’effet d’un
retour d’un refoulé, le politique réinvestira le champ judiciaire, retrouvant une place qu’il
n’avait jamais véritablement abandonné et ramenant la neutralité postulée de l’organe
judiciaire à son statut de fiction métaphysique500 .

De l’avis de plusieurs, le Conseil ne peut pas répondre, sur le plan financier et


administratif, à ses besoins. Pour l’auteur Jean Michel Cadet, le gouvernement ne lui
octroie pas, sur le plan financier, de ressources financières suffisantes pour exercer sa
fonction, c’est-à-dire ses moyens sont limités tel qu’il ne peut pas disposer de son
personnel administratif et s’occuper de la gestion des magistrats501. En ce sens, il ajoute
que : «[…]il ne parvient pas à assurer ses principales attributions de contrôle et
d’administration[…]tant les moyens financiers, techniques et matériels l’empêchent de
mener à bien son dessein»502.

Le juriste Néhémie Joseph, membre dudit organe cité par l’auteur, estime que le
gouvernement ne prend guère en compte les besoins de l’institution en lui accordant
l’allocation budgétaire. Parce qu’il a banalisé, au cours de l’année fiscale 2011-2012, le
budget de 300 millions de gourdes qui lui a été soumis et a accordé audit organe un budget
de 50 millions de gourdes qui ne peut guère faciliter son fonctionnement normal503. Et

498
B.H.GOUSSE, préc., Note420, p.3.
499
Patrick PIERRE-LOUIS, « Pouvoir judiciaire et État de droit en Haïti, exigences théoriques et
contraintespolitiques »,(2013)R.H.S.C,no26-29,p.77,enligneà : www.cresfed-haiti.org/IMG/pdf/rencontre_28-29.pdf.
500
Id.
501
Jean Michel CADET, CSPJ ET MJSP : difficile cohabitation, en ligne à : «http://www.lematinhaiti.com/contenu.php?idtexte=33149»
(Site consulté le 26 avril 2014).
502
Id.
503
Id.

111
l’auteur rapporte: « Aussi, le juriste croit que les limitations budgétaires de celle-ci, émane
de l’Exécutif et du Parlement dont l’objectif inavoué est d’affaiblir cet organe
judiciaire. »504

La constitutionnaliste Mirlande Manigat, de son côté, affirme que le Ministre de la justice


se pose comme le véritable administrateur du système judiciaire parce qu’il lui appartient
le pouvoir de rendre compte au Parlement du mode de fonctionnement du système
judiciaire et de répondre en cas de manquements et de dérives révélés par des affaires505. Et
pour le RNDDH, les magistrats échappent au contrôle du CSPJ et ne sont redevables qu’à
l’autorité politique qui a supporté leur nomination506. Ce qui lui fait dire que «[…]la justice
est plus que jamais décriée et plusieurs s’interrogent sur le rôle du CSPJ fraichement
installé dans l’administration de la justice»507.

Le juriste Bernard H.Gousse ajoute que le pouvoir judiciaire est soumis au gouvernement
et les officiels de l’État se croient au-dessus de la loi. D’où sa lecture des faits:

Il n’est pas jusqu’au vocabulaire des officiels du gouvernement qui ne trahisse le complexe de
supériorité du politique par rapport au judiciaire. Nous avons encore en mémoire le mépris
public affiché vis-à-vis d’un « petit juge ». Dans le même ordre d’idée, il est inacceptable
d’entendre de la bouche d’un Ministre ou d’un Secrétaire d’État de la Justice qu’un juge a été
convoqué. On convoque un subalterne. Si, comme le veut la Constitution, le juge appartient à
un pouvoir indépendant, égal à l’Exécutif, il peut, tout au plus, être invité. Et même alors on
peut se demander pourquoi508.

Le Ministère de la Justice détermine les congés et vacances des cours et tribunaux, de même
que les congés personnels des juges. Les règlements intérieurs des cours et tribunaux ne
rentrent en vigueur qu’après avoir été adoptés par le Ministre de la Justice. Ce dernier reçoit
copie des procès-verbaux des assemblées générales des juges. Il reçoit chaque semaine un
extrait du registre de pointe509.

Ces manquements, à comprendre la Commission Préparatoire, tiennent de l’organisation


constitutionnelle des trois pouvoirs de l’État en ce que la structure du pouvoir judiciaire
établie par le constituant est trop complexe. Car elle rend la fonction de juger tributaire des
pouvoirs publics avec lesquels il est appelé à collaborer et, par conséquent, les juges et

504
Id.
505
M.MANIGAT., préc., Note 10.
506
RNDDH., préc., Note 380, p.38.
507
Id.
508
B.H.GOUSSE, préc., Note 420, p.5.
509
Id.

112
tribunaux tendent à servir les fonctionnaires de l’État, auxquels ils font allégeance pour
voir une promotion, plutôt que les justiciables510. En effet, la Commission a davantage
expliqué:

« Le magistrat ne peut concevoir sa carrière qu’en fonction d’un accès aux échelons
supérieurs qui le rapprochent du pouvoir. Il occupe, de ce fait, une position pour le moins
ambivalente : sous des apparences apolitiques, il est coincé dans un rapport de subordination
au politique. »511

Le scandale qu’a connu le CSPJ, en 2012, a fortement illustré la soumission du pouvoir


judiciaire aux pouvoirs publics. En effet, deux membres du Conseil, Me Dilia Lemaire et
Me Néhémie Joseph, ont démissionné et ont évoqué que le juge Arnel Alexis Joseph,
président dudit Conseil, avait abusé de sa fonction en ce qu’il avait unilatéralement désigné
les membres de l’institution qui doivent éventuellement représenter le pouvoir judiciaire au
Conseil Électoral512. L’attitude dudit juge (président aussi de la Cour de cassation)513, est, à
les comprendre, la preuve la plus concrète de la dépendance du pouvoir judiciaire des
pouvoirs publics. Et ils ont conçu que:« [...] il paraissait impossible de continuer à
fonctionner avec le CSPJC, quand son président [...] décide sans prendre en compte la
position des autres membres.»514

Le juriste Liez Édouard le trouve davantage incertain que le CSPJ puisse inspirer confiance
en délibérant en ce que, outre le comportement affiché en 2012, le juge Arnel Alexis
Joseph a arbitrairement constaté la fin du mandat du Représentant de la Fédération des
Barreaux, Me Néhémie Joseph le 30 janvier 2013. Qui pis est, il a désigné un autre
membre pour le remplacer dans l’organe administratif du pouvoir judiciaire515. Le pouvoir
du Président du Conseil, selon certains membres dudit organe cités par ledit juriste, est
encore plus démesuré qu’il prend l’institution en otage. Il est arrivé même à refuser de
faciliter la recherche de la vérité dans le cadre des dossiers qui mettent en cause les

510
COMMISSION PRÉPARATOIRE, préc., Note 50.
511
Id.
512
Alter presse,Haïti-Justice : « le CSPJ s’effrite et perd deux membres », samedi 11 août 2012,« www.alterpresse.org» (Site consulté le
15 novembre 2012)
513
Id.
514
Id.
515
L. ÉDOUARD, préc., Note 490.

113
membres du gouvernement, notamment le dossier lié à la mort du juge Jean Serge
Joseph516. Ce qui faire dire audit juriste:

« Ces actions ont une fois de plus augmenté la méfiance de la population assoiffée d’une
justice indépendante qui soit à même de trancher dans les conflits sociaux. On aurait pu dire
que cette structure est le prolongement de l’exécutif, et n’a encore rien fait en vue de garantir
l’indépendance […]du système judiciaire.»517

«[…]le principe de la séparation des pouvoirs n’est pas garanti.[…]l’exécutif est trop présent
au conseil. Cette présence s’explique par une nette occupation du système judiciaire. »518

De même, trois autres membres de l’institution, comme le rapporte HL/Haïti Libre, un


autre journal non moins réputé dans le pays, sont montés au créneau pour condamner
l’attitude de son Président, et ce, pour avoir refusé, cette fois, de renouveler le contrat du
Secrétaire technique du conseil sous l’ordre de l’exécutif519. Lisons en effet cet extrait:

Ces trois membres « condamnent fermement la conduite mal à propos du pouvoir exécutif qui
se permet d’empiéter sur les attributions du CSPJ » et exhorte une nouvelle fois » le pouvoir
exécutif à cesser ces mauvaises pratiques, en violations du principe de la séparation des
pouvoirs consacrés dans la Constitution »ils demandent également au Président du CSPJ « de
faire preuve de sa capacité à assurer pleinement ses fonctions en cessant de violer le principe
de la collégialité dans l’adoption des mesures unilatérales520.

Il faut bien un peu de tout pour faire un monde. Mais, cette fois, c’est assez. Cette logique
continue de presse-citron a trop duré. Tout le monde s’accorde à dire que la justice haïtienne a
atteint ses limites et qu’il faut lui donner une bouffée d’air pour éviter son implosion.
Malheureusement, avec le laxisme des dirigeants, les choses ne sont pas prêtes à s’arranger.
Mais attention, quand on tire une corde, elle finit pas s’effilocher et par casser net, et quand
une institution vitale comme la Justice ne voit plus que le pire comme solution au mal qui la
ronge…alors, elle est à bout de souffle521.

Cet état de fait, à considérer beaucoup d’autres informations recueillies sur le terrain, est si
délicat que l’organe administratif, n’existe que de nom dans la pratique judiciaire. En effet,
le juge Heidi Fortuné conçoit qu’il est nécessaire de mettre fin au funambulisme de ses
membres en ce que le justiciable est fatigué de voir le système judiciaire charger de juges
qui n’ont ni qualifications requises ni mérite pour exercer la fonction judiciaire. C’est-à-
dire :« la Justice lui fait peur non parce qu’elle est forte et souveraine mais bien le

516
Id.
517
Id.
518
Id.
519
HL/ HaïtiLibre, « 3 Membres du CSPJ protestent contre l’ingérence de l’exécutif », http://www.haitilibre.com/article-12278-haiti-
justice-3-membres-du-cspj-protestent-contre-l-ingerence-de-l-executif.html (Site consulté le 13 mars 205).
520
Id.
521
Id.

114
contraire. Elle lui fait peur par l’insupportable longueur de ses procédures, par
l’arbitraire de sa coercition et par l’aléatoire de ses décisions »522. Ledit juge s’explique
dans cet extrait:

[…]parce qu’elle ne cesse d’apparaitre comme une institution politisée et vassalisée[…]la


Magistrature fêle sa réputation depuis le premier degré de juridiction jusqu’à la Cour de
cassation. Jadis, yeux bandés, dame Justice abattait son glaive destructeur et tenait sa balance
en équilibre sans parti pris. Aujourd’hui, yeux grands ouverts, elle obéit aux ordres, dépose le
glaive et se défait de sa balance encombrante523.

Cette méfiance des justiciables à l’égard du système judiciaire est, comme l’explique la
Commission Préparatoire, compréhensible en ce que les autorités politiques, sous les
régimes dictatoriaux, se sont souvent mis sous couvert de la sécurité de l’État pour porter
les juges à prendre des décisions contraires au principe de la légalité; des décisions qui
soustraient les membres du gouvernement au respect de la loi. En ce sens, la justice se
présente comme une machinerie lourde « capable de broyer celui qui a la malchance ou
l’audace de s’en approcher»524. Retenons cette idée de ladite Commission:

En raison même du dysfonctionnement du système et de l’inexistence de services adéquats,


l’administration de la justice en vient à être personnalisé au détriment d’un service public à la
collectivité. En cela, elle profite à une minorité. Mis à distance et, tout compte fait, convaincus
de l’inaccessibilité de l’institution, les citoyens finissent par se soustraire eux-mêmes à toutes
tracasseries judiciaires525

La fonction du CSPJ, pour reprendre Fortuné, laisse à désirer si « institué pourtant pour
régler les problèmes et donner un nouvel élan à la Magistrature, il ne fait que les
empirer»526. Un commentaire qui n’est pas différent du constat du RNDDH:

[…]les premiers actes posés par le Président de cette structure démontrent que l’exécutif
détient le contrôle du CSPJ et, conséquemment, la volonté du Président de la République de
parvenir à l’indépendance réelle du pouvoir judiciaire est questionnable. En effet, tout laisse
croire que le SCPJ est mis en place non pas pour consacrer l’indépendance du pouvoir
judiciaire mais pour le montage du Conseil Électoral Permanent (CEP)527.

[…]la justice est plus que jamais décriée et plusieurs s’interrogent sur le rôle du CSPJ
fraichement installé dans l’administration de la justice. En effet, le système judiciaire, pris en

522
H.FORTUNÉ, préc., Note 469.
523
Id.
524
Id., p.15.
525
Id., p.17.
526
H.FORTUNÉ, préc., Note 469.
527
RNDDH, préc., Note 380. Notons que le caractère gras figurait déjà dans le texte de RNDDH.

115
otage par les politiciens, est truffé de magistrats […]. Cette manie qu’ont les autorités de caser
tous leurs partisans, leurs sympathisants, les membres de leur famille, constitue une manœuvre
inquiétante car, ces Magistrats nouvellement nommés échappent totalement au contrôle du
système et ne sont redevables qu’à leur bienfaiteur. De plus, ils passent des mois, voire, des
années sans recevoir leur salaire. Cet état de fait est aussi révoltant qu’inquiétant, car il ouvre
la voie à des actes de corruption528.

De même, l’existence de certains services judiciaires, dont dispose le Ministère de la


justice, contribuent au dysfonctionnement du Conseil en facilitant l’influence du
gouvernement dans les affaires judiciaires. C’est, par exemple, le cas du service
d’inspection judiciaire529 (voir sa fonction dans la note) qui contraste avec celui du CSPJ
selon l’auteur Eddy Laguerre530. Le corps des inspecteurs judiciaires dudit ministère se
pose, au vu du juriste Bernard H.Gousse, comme un véritable service d’espionnage des
magistrats des cours et tribunaux. Et ce service, « composé de jeunes licenciés, n’ayant pas
une expérience éprouvée des tribunaux, […]n’a encore fait la preuve de son utilité»531. Le
juriste Bernard Gousse précise:

« La dépendance judiciaire n’est pas seulement une question d’habitude, telle qu’elle se
pratique, ou telle qu’elle est subie par les magistrats […]. Elle est d’abord et avant tout
systémique et se traduit tant au niveau institutionnel […]que budgétaire […].»532

« La dépendance de la magistrature, aux mépris du prescrit constitutionnel tient à la fois du


rôle et de l’organisation du Ministère de la Justice, de l’organisation judiciaire et du
processus de nomination des juges. »533

En fait, les données qui suivent, recueillies par l’ULCC, au cours de l’enquête réalisée en
2007, ont fortement illustré cette ingérence du gouvernement dans les affaires judiciaires:

« (…) Une moyenne de 84% pense que le système judiciaire est « manipulé par le
gouvernement » et jusqu’à 96% des ménages sont d’accord ou tout à fait d’accord avec cette
déclaration. De plus une moyenne de 75% des répondants ont estimé que le système judiciaire
était « dépendant » du gouvernement. »534

528
COMMISSION PRÉPARATOIRE, préc., Note 50, p.2.
529
Notons que, au regard de l’article 164 de la Loi du 22 août 1995 portant organisation du pouvoir judiciaire, la fonction de l’inspecteur
judiciaire consiste, au niveau du Ministère de la justice, à inspecter les activités judiciaires et à dresser au Ministre de la justice un
rapport après chaque inspection. Alors que, au vœu de l’article 20 de la Loi du 13 novembre 2007, il occupe, au niveau du CSPJ,
plusieurs fonctions telles que veiller au fonctionnement normal des tribunaux, contrôler le respect des règles statutaires, recevoir les
plaintes et doléances. Voir le Décret du 22 août, préc., Note394 et la Loi du 13 novembre, préc., Note51.
530
Eddy LAGUERRE, « Le Ministère de la Justice, un partenaire incontournable pour l’appareil judiciaire »« Le Matin », no du
19/07/2013, en ligne à : «http://lematinhaiti.com/contenu.php?idtexte=36463». (Site consulté le 20 avril 2014).
531
Id., p.3.
532
Id., p.2.
533
Id.
534
ULCC., préc., Note459, p.87. Notons que le verbe « manipulé « et l’adjectif « dépendant » étaient déjà entre guillemets dans le texte.

116
À comprendre diverses autres lectures, il nécessite que les décideurs agissent en prenant
notamment les mesures nécessaires pour dynamiser le CSPJ. Dans ce cadre, la
MUNISTHA, comme l’explique le Secrétaire général, a fourni une aide technique non
moins importante à l’organe qui, malgré tout, « […]continue d’avoir des difficultés dans
ses délibérations […]»535.

La Plateforme Haïtienne des Organisation des Droits Humains (POHDH), dans une lettre
adressée aux membres de l’institution, a attiré l’attention de ses membres sur les difficultés
importantes liées à son dysfonctionnement: soit 1) certains juges de paix sont nommés en
dehors des principes constitutionnels; 2) le processus de certification des magistrats,
quoique nécessaire au fonctionnement normal du pouvoir judiciaire, n’est jamais
entamé536. Ladite Organisation a écrit:

La Plateforme des Organisation Haïtiennes des Droits Humains, la Commission Épiscopale


Nationale Justice et Paix et le Réseau National de défense des Droits Humains souhaitent que
la nouvelle année qui s’ouvre permettra au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ)
d’être plus rayonnante dans ses actions positives qui se situent résolument dans le chemin d’un
Pouvoir Judiciaire digne du nom537.

L’Amnesty International le juge impertinent que le Ministre de la Justice a procédé, en


octobre 2014, à la nomination, au transfert et au licenciement de plusieurs juges loin de
tout accord préalable avec ledit organe538. Et qu’un juge d’instruction, nommé
illégalement, se voient confier la plupart des affaires qui mettent en cause le
gouvernement. Notons que, selon ledit organisme, ce juge a été sanctionné au niveau du
Barreau539 : « Le manque d’indépendance affiché par ce juge dans la gestion de l’un des
cas a conduit le Barreau de Port-au-Prince à lui interdire d’exercer la profession
d’avocat pour 10 ans en 2013. »540

535
Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, Nations Unies, Conseil de Sécurité,
distr.général, 7 mars 2014, S/2014/162, p.8., en ligne à : «http://www.minustha.org/wp-content/uploads/2014/03/N1424889.pf» (Site
consulté le 25 avril 2014).
536
PLATEFORME DES ORGANISATIONS HAITIENNES DES DROITS DE L’HOMME (POHDH), « Lettre ouverte aux membres du
CSPJ », en ligne à : http://pohdh.org/article.php3?id-article=317. (Site consulté le 20 avril 2015).
537
Id.
538
Amnesty International, « Lettre ouverte à Evans Paul, Nouveau Premier ministre d’Haïti », en ligne à :
http://parolnarchipel.com/2015/02/02/amnesty-international-lettre-ouverte-à-evans-paul-nouveau-premier-ministre-dhaiti (Site consulté le
17 avril 2015).
539
Id.
540
Id.

117
Crisis Group pense que le CSPJ est loin d’être un nouveau lieu de pouvoir s’il est
incapable de remplir son mandat consistant au renforcement de la justice civile et l’accès
équitable de tous les haïtiens à la justice541. Et il recommande en ce qui a trait aux mesures
à prendre:

« Il doit notamment accomplir sa mission grâce à la dépolitisation du système judiciaire,


notamment en vérifiant que les juges ont les qualifications requises en évaluant leur
performance et en prenant les mesures nécessaires aux cas de corruption, incompétence et de
malversation.»542

La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), quant à elle, a profité de la


visite du Président haïtien en France, le 31 octobre 2014, pour attirer l’attention du
Président Hollande sur la dépendance de plus en plus marquée du pouvoir judiciaire du
gouvernement. Dans ce sens, dans une lettre adressée à ce dernier, il lui a été notamment
requis ce qui suit:

« il est essentiel que la France puisse rappeler au Président haïtien […]l’importance de


respecter la séparation des pouvoirs judiciaires et exécutifs, et de mettre à l’abri la justice
hattienne de toute instrumentalisation à des fins politiques. »543

La FIDH l’estime inappropriée que, malgré les différentes dénonciations, le pouvoir


judiciaire demeure sous l’emprise du pouvoir exécutif et que le Président de son organe
administratif reçoit des ordres du Palais National qu’il respecte fidèlement. Qui pis est, les
mandats des juges, malgré l’avis favorable dudit Conseil, tardent à se renouveler pendant
que les nominations et les révocations vont croissantes dans le système judiciaire544. Ledit
organisme a enfin pris cette position:

« La France doit[…] apporter son soutien au renforcement de l’indépendance et des capacités


de la justice haïtienne, afin de contribuer à en faire un pouvoir indépendant, à même de
répondre au besoin de justice des victimes.»545

541
CRISIS GROUP, Gouverner Haïti : le temps du consensus national, Rapport Amérique latine/Caraibes no46, Port-au-
Prince/Bruxelles, 4 février 2013, p.24, en ligne à : « http://www.crisisgroup.org/.../média/files/latin-america/haiti/French/046.governing-
haiti-time-for national-consensus-french.pdf
542
Id.
543
FIDH :mouvement mondial des droits de l’homme, « Haïti :Lettre ouverte à François Hollande à l’occasion de la visite du Président
Martelly », Amérique, Haïti, jeudi 31 octobre 2014, p.2, en ligne à : « http// :www.fidh.org/La-Federation-international-des-ligues-des-
droits-de-l-homme/amériques/haiti/16369-haiti-lettre-ouverte-à-françois-hollande-à-l’occasion-de-la-visite-du-
544
Id., p.3.
545
Id.

118
Quant au New England Human Right Organisation, elle n’a pas caché son indignation par
rapport à cette situation et, dans sa lettre envoyée aux membres du CSPJ, elle a écrit:

Le[…]NEHRO veut vous croire encore capables d’indignation, de sursaut patriotique,


d’orgueil national face à l’indigence de la justice haïtienne, le népotisme, le désarroi, la
corruption, l’incompétence qui caractérisent aujourd’hui le système judiciaire haïtien. La
perte de confiance dans son honnêteté, dans sa capacité à s’élever au-dessus des clans, des
intérêts individuels ou de groupes est quasi-totale546.

[…]en tout cas, sous votre regard impassible, vous CSPJ instance de supervision, de contrôle
devant vous assurer le bon fonctionnement du système judiciaire! La honte, l’avilissement,
l’humiliation de toute une nation face à ce que, même publiquement, on ne peut plus appeler
des dérives[…]. Le ver est dans le fruit et le pourrit entièrement. Comment passer devant un
tribunal haïtien aujourd’hui sans que vous viennent à l’idée ou à l’esprit nos marchés
traditionnels à même le sol où selon que vous serez puissants ou misérables les jugements de
cour vous rendront noir ou blanc. Qui délivrera la nation de ces juges incapables de se
soulever au-dessus de ses petites personnes?547

Force est de noter que le CSPJ a été décrié au point que la Commission Consultative (créée
par le Président de la République aux fins des perspectives de solution à la crise
institutionnelle qu’a connue le pays en décembre 2014), a requis la démission de son
Président. Cette décision, selon elle, s’explique par le fait que le CSPJ n’a plus de
légitimité et de crédibilité considérant que la procédure de nomination de son Président a
été baisée, et que de nombreux juges partisans envahissent le pouvoir judiciaire en raison
des ingérences des pouvoirs publics dans les affaires judiciaires548.

En un mot, la Commission a recommandé au Président de la République:« Du Président


du CSPJ: faire un geste patriotique en offrant sa démission au Président de la République
pour faciliter le dénouement de la crise.»549 Des réformes dans le système judiciaire, pour
reprendre la Commission, s’imposent pour rétablir la confiance de tous les citoyens dans la
Justice et «ces réformes passent obligatoirement par la reconstitution du CSPJ et la mise
en place d’un processus non partisan des juges du système judiciaire»550.

546
Jean RENAUD et Co, NEW EGLAND HUMAN RIGHT ORGANISATION/NEHRO :Lettre ouverte au Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire (CSPJ), Boston le 23 avril 2015, en ligne à : «Relations Publiques :http://www.actunews7.com/lettre-ouverte-de-new-england-
human-rigth-organisationnehro-au-conseil-supérieur-du-pouvoir-judiciaire-cspj» (Site consulté le 04 mai 2015).
547
Id.
548
Odette Roy FOMBRUN et al.,Recommandation de la Commission Consultative, 8 décembre 2014, p.3, en ligne à :
«http://www.radiotelevisioncaraibes.com/opinion/la-commission-consultative-a-rempli-sa-mission.html » (Site consulté le 30 avril
2014).
549
Id., p.7. Prière de noter que le caractère gras était déjà dans le texte.
550
Id.

119
En résumé, les règles liées à l’indépendance institutionnelle des juges haïtiens sont
révélées lacunaires parce que, définissant la responsabilité du CSPJ, à défaut des garanties
constitutionnelles pertinentes et explicites, le législateur l’a exposé aux ingérences des
pouvoirs publics. En effet, il est supplanté par le Ministère de la justice jouissant des
privilèges énormes qui nuisent à son fonctionnement normal. Par exemple, certains
membres du gouvernement arrivent non seulement à l’intégrer, mais à participer à ses
délibérations.

Au final, les règles juridiques qui garantissent l’indépendance judiciaire en Haïti


soumettent le processus décisionnel aux ingérences des pouvoirs publics. Ces derniers,
abusant des prérogatives discrétionnaires que leur préconise la Constitution, nomment,
révoquent souvent des juges et contrôlent le budget du pouvoir judiciaire. De même, ces
pouvoirs participent aux délibérations de l’organe administratif du pouvoir judiciaire si
bien que les commissaires du gouvernement jouent des rôles importants dans les
assemblées plénières du CSPJ551. Ils sont encore plus confortables que leur intervention
dans les affaires judiciaires parait légitimée par certains membres de l’organe administratif
qui leur sont redevables du fait d’avoir été nommés loin de tout respect des modalités
requises par la loi. Et que la fonction judiciaire est si liée à la fonction politique que la
Constitution préconise des attributions politiques à la Cour de cassation et au CSPJ.

En effet, il est nécessaire, s’agissant de construire un véritable État de droit, de repenser


les lois et normes assurant la garantie de l’indépendance judiciaire si elles se posent
comme un véritable facteur explicatif du dysfonctionnement du système judiciaire,
facilitant les ingérences des pouvoirs publics dans le processus décisionnel. Delà la portée
de la section subséquente dans laquelle nous allons essayer de proposer précisément des
pistes de solution à la dimension de ces difficultés.

551
Loi du 13 novembre 2007, préc., Note 51, sous-tireII.

120
2.2.2 Vers un pouvoir judiciaire dynamique en Haïti

Les règles juridiques qui garantissent l’indépendance judiciaire en Haïti renferment, de


façon générale, deux grands problèmes qui sont à la base des lacunes constatées. D’une
part, la Constitution reconnait certaines prérogatives discrétionnaires aux pouvoirs publics
quant à sélection et la nomination des juges. Et, d’autre part, définissant l’organisation du
pouvoir judiciaire, elle prévoit des fonctions politiques aux cours et tribunaux judiciaires
qui nuisent au processus décisionnel. Et, concernant les solutions, il importe de s’attaquer,
premièrement, aux articles 175 et 177 de la Constitution avant que les lois statutaires ne
soient modifiées.

En effet, il s’agirait d’abord à l’article 175 de poser les balises de l’indépendance judiciaire
si bien que les pouvoirs exécutif et législatif ne sauraient contrôler les mécanismes relatifs
au recrutement et à la nomination des juges. En ce sens, il faudrait responsabiliser le CSPJ
en le rendant exclusivement compétent pour recruter les candidats par voie de concours et
faire des propositions au Président de la République pour nommer les juges.

Le principe de recrutement par concours, pour reprendre le juriste Gàbor Széplaki-Nagy,


serait efficace parce qu’il garantirait le respect des modalités requises dans le cadre de la
sélection des candidats, favorisant l’égalité des chances dans l’accès à la profession de
magistrat et un bon niveau de base des personnes recrutées552. Notons que l’auteur arrive
même à croire que ce principe se pose comme l’un des moyens essentiels pour mettre la
procédure de nomination à l’abri des influences des décideurs politiques dotés souvent des
privilèges importants. Et il ajoute dans ce sens:

La procédure de nomination fait souvent intervenir une instance politique, en général le chef
de l’exécutif, parfois le parlement. Si la première nomination ne fait intervenir de telles
instances que pour ratifier, authentifier en quelque sorte, un processus de recrutement
antérieur, une sélection fondée sur l’appréciation la plus objectif des mérites, il n’y a pas à
s’interroger vraiment sur la procédure formelle de nomination. L’acte du chef de l’État vient
simplement conférer une« légitimité étatique » à la nomination du juge, et signifie qu’il
exercera une fonction d’ordre étatique.»553

552
G.SZÉPLAKI-NAGY, préc., Note 85, p.114.
553
Id., p.122.

121
« En revanche, si dans la procédure de nomination elle-même l’intervention de l’exécutif ou
du parlement représente l’exercice du pouvoir discrétionnaire de choisir les juges, cela peut
poser des problèmes beaucoup plus délicats du point de vue de l’indépendance des juges.»554

Il mériterait de reconsidérer ensuite l’article 177 de la Constitution en prévoyant les


modalités des trois conditions de la fonction judiciaire. Si le constituant y a fait preuve
d’un manque énorme en posant l’inamovibilité comme la condition essentielle pendant
qu’il reste silencieux sur principes relatifs aux deux autres. En effet, la Cour suprême
canadienne, dans Mackin c. Nouveau-Brunswick, a été claire en mettant en exergue la
portée des trois conditions statutaires de la fonction judiciaire. Selon la Cour, il est difficile
de concevoir la relation d’indépendance devant exister entre le pouvoir judiciaire et les
pouvoirs politiques sans les prendre ensemble555. La Cour prévoit:

« […]En somme, la protection constitutionnelle de l’indépendance judiciaire requiert à la fois


l’existence en fait de ces trois caractéristiques essentielles et la perception qu’elles existent.
Ainsi, chacune d’elles doit être institutionnalisées à travers des mécanismes juridiques
appropriés.»556

Intervenant sur les trois conditions de la fonction judiciaire, la juriste Nicole Duplé pense
que la constitutionnalisation du principe de l’indépendance judiciaire tient, dans la pratique
judiciaire, d’un régime juridique donné si deux conditions sont remplies : soit que, outre sa
définition précise, ses exigences sont posées de façon nette et claire dans le but de s’en
remettre aux règles de droit applicables pour poser les conditions objectives relatives à
l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et tribunaux557.

Il faudrait, deuxièmement, revoir logiquement les lois statutaires et l’accent devrait être
premièrement mis sur l’article 15 de la loi portant le statut de la magistrature dans le cadre
de la redéfinition du rôle limité que le législateur a reconnu au CSPJ dans le processus de
nomination. En ce qu’il appartient à ce dernier de donner uniquement son avis au Président
de la République558. Encore, il serait nécessaire de modifier l’article 49 de la même loi
pour mettre le budget à l’abri de l’influence du gouvernement, et ce, référant à la
perception de la Cour suprême canadienne de la gestion du budget du pouvoir judiciaire.

554
Id.
555
Mackin c. Nouveau-Brunswick (Ministres des Finances) ; Rice c. Nouveau-Brunswick (2002) A.C.S.no13,par.40.
556
Id.
557
N.DUPLÉ, préc., Note74, p.88.
558
L.oi du 17 novembre 2007, préc., Note 51, art.15.

122
En effet, il est obligatoire, selon la Cour, de confier cette gestion à un organe indépendant
composé des membres des trois pouvoirs de l’État et une commission indépendante, plutôt
que le Ministre de la justice, serait chargée de payer aux juges.

Comme l’explique la juriste Nicole Duplé, de telles mesures seraient effectives si l’organe
interposé entre les deux pouvoirs pour gérer le budget peut être efficace au point que sa
composition et son indépendance conditionne sa crédibilité559. Et ladite juriste poursuit en
disant que: « si [celui-ci] est [établi] ses recommandations ne pourront être écartées à la
légère ni par l’exécutif, ni par le législatif.»560 Seulement, l’auteure montre que cette
garantie ne saurait déboucher sur le résultat escompté sans rompre tout lien entre le
pouvoir judiciaire et le gouvernement.

De même, le CSPJ, aux articles 4 et 22 de la Loi liée à sa création, devrait se composer


exclusivement de juges nommés par leurs pairs sous la base de leur mérite, de leur intégrité
et de leur expérience. De même, il se révèlerait pertinent que ledit organe soit chargé de
l’exécution de ses décisions suite aux délibérations et de l’administration centrale du
pouvoir judiciaire; en s’occupant de la préparation du budget, de l’administration des
tribunaux, de la discipline judiciaire et de la promotion des juges.

Nous opterions davantage pour que le CSPJ soit composé des magistrats nommés par leurs
pairs en ce que l’intégration des membres de l’exécutif dans l’organe administratif d’un
pouvoir judiciaire d’un État donné, comme le démontre le juriste Fall, est susceptible de
l’empêcher de s’acquitter de sa mission essentielle. C’est-à-dire « garantir le respect des
règles de fonctionnement du service public de la justice et la protection des magistrats
contre les éventuelles pressions du pouvoir politique »561. Il s’agit de deux principes dont
le respect, pour reprendre ledit juriste, passent, au niveau dudit organe, par la garantie du
processus de recrutement et de la nomination de ses membres562. Or, cette garantie, à
comprendre Duplé, s’impose s’agissant de mettre le Conseil en condition pour accomplir

559
N.DUPLÉ, préc., Note74, p.90.
560
Id.
561
A.B. FALL, préc., Note 112, p.58.
562
Id., p.59.

123
sa tâche consistant en la protection de la fonction de juger des juges contre la révocation
arbitraire563.

L’article 192 de la Loi constitutionnelle de 2011 devrait être enfin modifié s’agissant de
rendre le CSPJ plus efficace dans le cadre de l’accomplissement de sa mission par rapport
aux pouvoirs publics. Ce qui signifie qu’il serait nécessaire de le détacher du rôle
consistant à désigner trois de ses pairs pour représenter le pouvoir judiciaire dans le
Conseil Électoral Permanent. Car un tel rôle serait d’autant plus politique qu’elle tendrait à
nuire à l’apparence d’indépendance et d’impartialité dont les juges et tribunaux devraient
faire preuve dans l’exercice du processus décisionnel. Puisque l’institution, dans le cadre
du processus de désignation de ces membres, serait énormément exposée à l’influence
pernicieuse des acteurs politiques qui chercheraient à les corrompre pour contrôler les
éventuelles élections.

Concernant, troisièmement, les principes liés à l’organisation du pouvoir judiciaire, il


importerait de reconsidérer notamment les règles posées à l’article 173 de la Constitution si
bien que l’appareil judiciaire comprendrait formellement trois branches : soit 1) les
juridictions judiciaires pour connaitre le litige privé; 2) les juridictions administratives pour
trancher le litige public; 3) le tribunal constitutionnel pour, non seulement, trancher les
questions relatives aux litiges constitutionnel, politique, mais contrôler la conformité des
lois interprétées par le Parlement avec la Constitution. D’abord, il serait encore plus
pertinent de prendre une telle mesure que l’intégration de la juridiction administrative
(CsCCa) dans le système judiciaire représenterait, à notre avis, un véritable danger pour
l’indépendance judiciaire. Parce que la Constitution prévoit la compétence de la Cour de
cassation pour se prononcer sur les arrêts de la CsCCa pendant qu’elle reste silencieuse sur
le degré d’indépendance dont doit bénéficier une telle juridiction.

Delà il y a lieu de se demander comment la Cour de cassation procède pour garantir à la


fois l’indépendance des cours et tribunaux judiciaire et administratif si en principe, comme
le prévoit, la Cour suprême canadienne, les deux types de juridictions ne sont pas appelés à
jouir du même degré d’indépendance. Soit que, selon la Cour dans Océan Port Hotel, les
563
N.DUPLÉ, préc., Note 74, p.91.

124
tribunaux judiciaires sont constitutionnellement obligés d’assurer les dimensions
institutionnelles et individuelles d’indépendance et tel n’est pas le cas pour les tribunaux
administratifs qui ne sont pas constitutionnellement séparés de l’exécutif. Puisqu’ils
participent de ses instruments pour réaliser sa politique gouvernementale via le Parlement
qui est compètent pour déterminer la composition et l’organisation susceptibles de leur
permettre d’exercer leur fonction564. D’où l’une des idées percutantes de la Cour:

« Même si certains tribunaux administratifs peuvent parfois être assujettis aux exigences de la
Charte relatives à l’indépendance. Ce n’est généralement pas le cas. Ainsi, le degré
d’indépendance exigée d’un tribunal administratif donné est fonction de l’intention du
législateur et, en l’absence de contraintes constitutionnelles, il convient de respecter ce
choix. »565

Comme le comprend encore la Professeure Nicole Duplé, les décisions des tribunaux
administratifs sont liées à leur fonction juridictionnelle qui se rapporte au processus
d’application de la loi, soit:« […] l’exigence d’indépendance devient considérablement
plus élevée lorsqu’il s’agit des juges et des juridictions qui contrôlent la légalité des actes
de ces mêmes « tribunaux administratifs.»566

De même, la création d’un tribunal constitutionnel, dotée éventuellement des compétences


définies ci-dessus, serait un atout en ce qu’elle contribuerait à limiter les influences des
pouvoirs publics sur les cours et tribunaux judiciaires. Notons que, dans ce cadre, la Loi
constitutionnelle de 2011 a beau porter la création d’un Conseil constitutionnel, mais elle
ne s’est pas véritablement attaquée au problème posé par l’organisation du pouvoir
judiciaire. Pour formuler autrement, elle a préconisé le pouvoir du Conseil de décider des
questions complexes de droit telles que contrôler la constitutionnalité de la loi, trancher le
litige politique et les conflits éventuels entre les différents tribunaux. Pourtant, le Conseil
est non seulement inactif, mais ladite loi ne touche pas à la problématique liée à la
prérogative discrétionnaire du Parlement d’interpréter, au regard de la Constitution de
1987, les lois par voie d’autorité567.

564
Océan Port HotelLtd.c.Colombie britannique [2001]2R.C.S.781.
565
Id.
566
N.DUPLÉ, préc., Note74, p.88. Prière de noter que les guillemets sont de l’auteure.
567
Voir la Constitution., préc., Note 9, art.128.

125
Soit que, souverain, le parlement est susceptible de mettre en question l’effectivité de la
légalité (rule of law) en interprétant la loi au point que le processus décisionnel soit soumis
aux influences des pouvoirs publics qui s’attaqueraient au droit des citoyens à un procès
équitable. En effet, se dégage dans le droit canadien de nombreuses réflexions doctrinales
convergeant dans ce sens. Par exemple, selon les juristes Pierre Issalys et Denis Lemieux,
la soumission de tous les citoyens à la loi requiert que la souveraineté du parlement soit
limitée s’agissant de l’interprétation de la loi. En ce que le législateur est susceptible de
changer cette situation et de décider que des règles diverses s’appliqueront relativement
aux justiciables568. De même, selon lesdits juristes, il peut décider: « que les mêmes lois
s’appliqueront différemment à certaines catégories de personnes, ou encore que différents
tribunaux pourront trancher les litiges selon le statut juridique d’une partie»569.

Aussi, cette question fait l’objet de débats dans la doctrine juridique haïtienne. En effet,
lors du célèbre Colloque International MICIVIH-PNUD tenu à Port-au-Prince, le
constitutionnaliste Monferrier Dorval a reconnu que cette prérogative du parlement pose
problème au point qu’il constitue un véritable obstacle à l’effectivité de la légalité.
Autrement formulé, il limite le pouvoir des juges de décider équitablement des affaires
judiciaires570. D’où en effet l’idée du juriste Carré de Malberg Raymond cité par le
constitutionnaliste:« tout pouvoir institué est par essence limité et ne saurait être considéré
comme souverain.»571

De même, le juriste Léon Saint-Louis est d’avis que le législateur peut abuser de ses
privilèges pour nuire au processus décisionnel, s’attaquant aux droits et libertés
fondamentales des citoyens. En ce que, puisque la loi interprétative va incorporer la loi
interprétée, le juge sera dans l’obligation de l’appliquer, et ce, sans tenir compte des
dangers éventuels pour les droits et les libertés publiques. Et ce qui s’est en effet produit,
selon ledit juriste, lors de l’interprétation de la loi prévue à l’article 295 de la Constitution
de 1987 qui définit le cadre d’application des réformes dans l’administration publique et
dans la Magistrature. Autrement dit, les juges allaient se conformer au vœu du parlement à
568
Pierre ISSALYS et Denis LEMIEUX, préc., Note 328, p.1325.
569
Id.
570
MISSION CIVILE INTERNATIONALE OEA/ONU, préc., Note 251, p.70.
571
Carré de Malberg RAYMOND, Constitution à la théorie générale de l’État, p.616 in Chevalier, p.33, dans MISSION CIVILE
INTERNATIONALE, id.

126
la lettre en appliquant la loi interprétée et les personnes, qui interviennent dans
l’administration publique, ont assisté à la violation de leurs droits garantis par la
Constitution572.

Comme le démontre encore les juristes Pierre Issalys et Denis Lemieux, la prérogative du
Parlement d’interpréter la loi avait été d’autant plus préoccupante dans le régime juridique
canadien que les décideurs ont pris des mesures plus ou moins satisfaisante pour la
limiter573. En effet, la Charte canadienne, enchâssée dans la Loi constitutionnelle de 1982,
l’a atténuée en ce qu’elle a prévu de façon nette et claire que les droits à l’égalité qu’elle
consacre prime toute loi postérieure à son adoption574. Et ce principe, pour reprendre
lesdits juristes, s’étend, depuis 1986, aux lois adoptées antérieurement575. De même, la
Charte, pour les reprendre, est allée encore plus loin576 en ce qu’elle porte que tout doute,
dans le cadre de l’interprétation de la loi, doit être profitable au justiciable»577.Ce qui fait
dire aux deux juristes que: « [la Charte] assujettit expressément le gouvernement et ses
mandataires à son application»578.

S’agissant en effet du régime juridique haïtien, la solution à cette difficulté peut être
différente considérant notamment ses particularités par rapport à celui de l’État canadien.
Mais, à notre avis, il serait nécessaire d’implanter une Cour constitutionnelle et lui
reconnaitre entre autres le pouvoir de contrôler la constitutionnalité de la loi interprétée
avant qu’elle ne soit publiée. Un tel contrôle serait encore plus efficace qu’il favoriserait
l’effectivité de la légalité et inspirerait confiance à la société ; parce que ladite Cour se
poserait comme un simple arbitre indépendant qui déciderait de la conformité de ladite loi
à la Constitution, contrairement au législateur qui se révèle à la fois juge et partie (il est
compétent pour interpréter la loi qu’il avait lui-même adoptée).

Du reste, condition sine qua non pour un véritable État de droit, l’indépendance judiciaire
s’impose dans le droit international et l’État qui incarne la souveraineté doit prendre les

572
L.SAINT-LOUIS, préc., Note 377, p.17.
573
P. ISSALYS et D. LEMIEUX, préc., Note 328, p.1327.
574
Charte, préc., Note 319, art.7.
575
P. ISSALYS et D. LEMIEUX, préc., Note 328.
576
Id.
577
Charte, préc., Note 319, art.1.
578
P.ISSALYS et D.LEMIEUX, préc., Note 328.

127
mesures susceptibles d’en assurer la garantie. Il s’agit surtout de poser les garanties
constitutionnelles ou statutaires tel que les juges et tribunaux interprètent la règle de droit
nationale conformément aux balises internationales de l’indépendance judiciaire. Ce qui
signifie que les garanties constitutionnelles ou statutaires de la fonction judiciaire doivent
être prévues au point que les juges jouissent de l’indépendance institutionnelle et
individuelle des juges. Cependant, l’étude des règles juridiques, dans lesquelles sont
définies les garanties de la fonction judiciaire en Haïti, n’est pas moins révélatrice, en ce
qu’elles contiennent de nombreuses lacunes facilitant la dépendance du pouvoir judiciaire
des pouvoirs publics. Aussi, les ingérences des pouvoirs publics dans le processus
décisionnel sont d’autant plus néfastes qu’elles sont défavorables à l’effectivité d’une
justice efficace dans la société. De ce fait, dans le cadre d’une véritable réforme, la
modification de la Constitution s’imposerait pour, d’une part, adapter les règles juridiques
relatives à l’indépendance judiciaire aux principes universels. Et, d’autre part, repenser
l’organisation du pouvoir judiciaire tel que le système judiciaire se composerait de trois
grandes branches : soit les tribunaux judiciaires et administratifs pour trancher
respectivement le litige privé et public; et une Cour constitutionnelle pour décider des
questions constitutionnelles, politiques et contrôler la conformité de la loi interprétée, par
le législateur, avec la Constitution.

128
CONCLUSION

Somme toute, aucun régime juridique ne peut prétendre, à l’ère de la mondialisation,


résoudre les problèmes confrontés en matière d’indépendance judiciaire sans référence
aucune aux balises internationales. Ce qui sous-tend que, s’agissant de trouver une
solution à la problématique de l’indépendance judiciaire, le régime juridique haïtien ne
saurait passer outre les balises internationales et certaines mesures prises dans les grandes
institutions judiciaires internationales pour garantir ledit principe. En fonction de ce
postulat, nous sommes partis des balises internationales de l’indépendance judiciaire pour
poser le problème des règles juridiques liées à l’indépendance judiciaire en Haïti. Ce
faisant, nous avons utilisé deux illustrations nationales assurant la mise en œuvre des
balises internationales, soit les régimes juridiques français et canadien. Toutefois, le droit
canadien a été notre étalon de mesure pour proposer les pistes de solution au problème
constaté sur le terrain étant donné qu’il s’est posé comme le régime juridique qui a mis
spécifiquement en œuvre les instruments internationaux utilisés pour mener cette
recherche.

En effet, on a voulu répondre à la question posée dans l’introduction : est-ce que les règles
juridiques sont susceptibles de garantir, tel qu’elle est prévue dans les balises universelles,
l’indépendance judiciaire? En guise de réponse, on pourrait répondre que les règles
juridiques liées à la fonction des juges haïtiens comportent de nombreuses lacunes nuisant
à l’indépendance judiciaire. Concernant l’hypothèse, nous avons supposé que les lacunes
des règles juridiques qui garantissent l’indépendance judiciaire peuvent être un facteur
explicatif de la problématique du dysfonctionnement des institutions judiciaires haïtiennes
en facilitant les ingérences des pouvoirs publics dans le processus décisionnel.

Cette hypothèse a certes été vérifiée positivement. Toutefois, il se révèle nécessaire de


présenter ici les grandes idées permettant de la confirmer. En effet, les règles juridiques qui
garantissent l’indépendance judiciaire en Haïti participent énormément de cette
problématique. Soit qu’elles portent certaines conditions liées à l’indépendance
institutionnelle et individuelle des juges qui sont révélées inopérantes dans la pratique

129

129
judiciaire. Concernant d’abord l’inamovibilité (la seule condition essentielle de la fonction
judiciaire prévue par la Constitution), les pouvoirs exécutif et législatif abusent des
prérogatives discrétionnaires dans le cadre de la sélection et de la nomination des juges si
bien que beaucoup de juges sont nommés et révoqués souvent arbitrairement.

Ensuite, le législateur a beau poser, à défaut des balises constitutionnelles, les conditions
de la sécurité financière et de l’indépendance administrative des juges lors de la réforme
judiciaire initiée en 2007. Mais, les lacunes des lois dont il s’agit sont telles qu’elles
renforcent l’influence des détenteurs du pouvoir politique dans les affaires judiciaires. En
fait, le budget des juges et tribunaux est non seulement contrôlé par le Ministère de la
justice, mais il est géré loin de tout plan de carrière au point que la fonction judiciaire est
précaire. C’est-à-dire les hommes politiques et certains groupes sociaux profitent de la
faiblesse des juges et tribunaux en matière de ressources financières et matérielles pour
intervenir dans le processus décisionnel des juges.

Aussi, l’indépendance administrative est bafouée au point que le Conseil Supérieur du


Pouvoir Judiciaire (CSPJ) n’est pas en mesure de garantir l’indépendance judiciaire. En ce
que ledit Conseil est supplanté par le Ministère de la Justice. La mainmise de ce Ministère
sur le pouvoir judiciaire est telle qu’il se soumet la procédure de contrôle et discipline des
juges. La crise qu’a connue en effet le Conseil en 2012 (débouchant sur la démission de
plusieurs de ses membres), a été sans doute une bonne illustration de la soumission du
pouvoir judiciaire aux ingérences des pouvoirs publics. La fonction judiciaire est encore
plus soumise aux ingérences de ces pouvoirs que la Cour de cassation (tribunal de dernière
instance) peut être, non seulement, compétent pour trancher le litige privé, mais peut
décider du litige public, constitutionnel et politique.

Enfin, l’État haïtien a initié la réforme du pouvoir judiciaire en 2007 et a pris tout un
ensemble de mesures pour garantir l’effectivité du principe de l’indépendance judiciaire.
Le Parlement, définissant le cadre d’application des balises constitutionnelles de
l’indépendance judiciaire, a posé les principes statutaires de la fonction judiciaire. Ensuite,
la Loi constitutionnelle de 2011 a porté la création d’un Conseil constitutionnel qui peut
être éventuellement compétent pour trancher le litige constitutionnel et politique.

130
Toutefois, ces mesures se révèlent lacunaires que la problématique de l’indépendance
judiciaire continue de défrayer la chronique. D’où la nécessité de repenser en profondeur
les règles juridiques liées à la fonction judiciaire pour dynamiser véritablement le pouvoir
judiciaire. Cette réforme devrait être en effet articulée autour de deux grands axes.
Autrement formulé, il nécessiterait que les principes constitutionnels et statutaires et
l’organisation constitutionnelle du pouvoir judiciaire soient modifiés. En ce sens, il
importerait de s’attaquer, premièrement, aux lacunes des articles 175 et 177 de la
Constitution. Et il faudrait d’abord à l’article 175 limiter les prérogatives des pouvoirs
publics liées à la nomination des juges. Ce faisant, il faudrait reconnaitre explicitement le
pouvoir exclusif du CSPJ de recruter les candidats par voie de concours et faire des
propositions au Président de la République pour nommer les juges. Il s’agirait ensuite à
l’article 177 de prévoir clairement les trois conditions de l’indépendance judiciaire si
l’inamovibilité est loin d’être l’unique condition essentielle. En ce sens, les principes y
afférents doivent être pertinents si bien qu’ils cadrent avec les balises internationales de
l’indépendance judiciaire.

De toute évidence, les mesures précédentes ne sauraient être logiquement effectives sans
que les lois liées à la création du CSPJ et au statut des magistrats ne soient abrogées
s’agissant de les adapter notamment aux balises internationales de l’indépendance
judiciaire. En ce sens, il faudrait remettre d’abord en question le rôle limité que le
législateur a reconnu à l’article 15 de la Loi relative au statut de la magistrature au CSPJ
dans le processus de sélection et de nomination des juges des tribunaux supérieurs en ce
que le Président de la République les nomme suite à un simple avis de l’institution.
S’agissant ensuite de la sécurité financière, les principes posés à l’article 49 de la même
Loi devrait porter que le budget des juges et tribunaux serait écarté de l’influence du
gouvernement. En ce sens, il faudrait interposer un organe entre le gouvernement et le
pouvoir judiciaire pour gérer le budget et responsabiliser une commission pour pouvoir
payer aux juges.

Concernant l’indépendance administrative, il faudrait reconsidérer surtout les principes


figurés aux articles 4 et 22 de la Loi relative à la création du CSPJ et les conditions
devraient prévoir que les membres du Conseil seraient nommés par leurs pairs en fonction

131
des critères précis comme leur mérite, leur intégrité et leur expérience. De même, il
nécessiterait de permettre audit Conseil de contrôler exclusivement ses délibérations au
point qu’il exécute lui-même ses décisions. Aussi, en termes d’administration du pouvoir
judiciaire, il importerait de renforcer le pouvoir du Conseil, le rendant compétent pour
s’occuper de la préparation du budget, de l’administration des tribunaux, des procédures
disciplinaires et de la promotion des juges. Il faudrait, en outre, s’agissant d’assurer
généralement l’indépendance du Conseil des pouvoirs publics, éliminer son rôle lié à la
désignation de ses membres pour représenter le pouvoir judiciaire au Conseil Électoral
Permanent. Soit que, dans le cadre du processus de désignation de ces membres, il serait
exposé à l’influence pernicieuse des acteurs politiques qui chercheraient à les corrompre
pour contrôler les éventuelles élections.

En ce qui a trait, au final, à l’organisation du pouvoir judiciaire, il importerait fortement de


modifier les dispositions de l’article 173 de la Constitution en prévoyant que l’appareil
judiciaire compterait trois (3) grandes branches :soit 1) les juridictions judiciaires et
administratives pour connaitre respectivement les litiges privé et public; et 2) le tribunal
constitutionnel pour, non seulement, trancher les litiges constitutionnel et politique, mais se
prononcer sur la conformité de la loi interprétée, par le législateur, avec la Constitution.

132
BIBLIOGRAPHIE

I Droit international

1.1Documents et Publications internationaux

Code of Minimum Standards of Judicial Independence, UN INTERNATIONAL BAR


ASSOCIATION, 1982, en ligne: « www.ibanet.org/About...IBA/IBA_resolutions.asp...En
cache - Similaires-« .

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par la Conférence mondiale sur l’indépendance de la justice
(UNDOC.E/CN.4 /Subs.2/1985/18/Add.6., Annexe 6) dans S. Shetreet and Deschênes, J.,
Judiciail Indendence, Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht/Boston/Lancaster, 1985, en
ligne à : « books.google.ca/books?isbn=9024731828« .

Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, approuvés par


l’assemblée générale dans ses résolutions 40/32 du 29 novembre 1985 et 40 /146 du 13
décembre 1985, Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, en
ligne : « www2.ohchr.org/french/law/magistrature.htm » .

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Recueil d’instruments internationaux, Droit de l’homme, Volume I (deuxième partie)


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«http://www2.ohchr.org/english/about/publications/docs/compil2_fr.pdf ».

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the Protection of Minorities in the Prevention of Discrimination,(UN
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en 1215, 96 Euston Road, Londres, NW12DB, Réf. No2008-29 en ligne à :
«http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/mow/nomination_for
ms/magna_carta_fr.pdf».

133
133
1.2 Traités

1.2.1 Traités régionaux

Avis no5 du Conseil Consultatif des Juges Européens à l’attention du Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe sur les règles et pratiques relatives aux nominations à la Cour
européenne des droits de l’homme, CCJE (2003) OP.no5, Strasbourg, le 27 novembre
2003, p.1, en ligne à : ««http://www.coe.int/t/cm/ ».

Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, (2000/C364/01) Journal officiel


des Communautés européennes, en
ligne a« www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf ».

Convention américaine relative aux droits de l’Homme, Secrétariat Général de l’O.E.A.,


série sur les traités, no 36, 22 novembre 1969, enregistrée à l’ONU 27 Août 1979,
no17955, en ligne : « www.cidh.oas.org/Basicos/French/d.convention.rat.htm ».

Convention européenne des droits de l’homme, Conseil de l’Europe F-65075, Strasbourg


Cedex , en ligne à : «www.echr.coe.int ».

Déclaration de Bordeaux, Juges et Procureurs dans une société démocratique, préparée à


Bordeaux (France) conjointement par les Groupes de travail du CCJE et du CCPE et
adoptée officiellement à Burdo (Slovénie) le 18 novembre 2009, par.4, en ligne
à : « http://www.coe.int/t/cm/ » , dans Conseil de l’Europe, comité des Ministres, Conseil
consultatif de Juges européens (CCJE) et Conseil consultatif des Procureurs
européens(CCPE), Avis conjoint du CCJ E ET CCPE sur les relations entre les juges et les
Procureurs, CM (2009)192, 1075 Réunion, 20 janvier 2010, en ligne
à : «http://www.coe.int/t/cm/ ».

Recommandation du CM/Rec (2010)12 du Comité des ministres aux États membres sur les
juges : indépendance, efficacité et responsabilité (adoptée par le comité des ministres le 17
novembre 2010, lors de 1098e réunion des délégués des ministres, en ligne
à »https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1707137 ».

Recommandation No R (94) du Comité des Ministres aux Etats membres sur la Promotion
d’un service volontaire, adoptée par le Comité des Ministres le 24 mai 1994, lors de la
513e réunion des Délégués des Ministres), en ligne à:
«http://www.coe.int/t/dg4/youth/Source/IG_Coop/Documents/CM_Rec_94_promotion_vol
untary_service_fr.pdf ».

134
1.2.2 Traités Multilatéraux

Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Adopté et ouvert à la signature à
la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 2200 A XXI du
16 décembre 1966, entrée en vigueur : le 23 mars 1976, conformément aux dispositions de
l’article 49, en ligne à : «http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm».

UNITED NATIONs, ECONOMIC AND SOCIAL COUNCIL, Question on Human Rights of


all Persons subjected to any form of detention or imprisonment, Report of the Special
Rapporteur on the independence of judges and lawyers, Dato’ParamCumaraswany,
sumitted pursuant to Commission on Human Rights Resolution 1995/36, District Général /
CN.4/1996/37, 1 march 1996, Office the United Nations, High Commissioner for Human
Rights, Geneva, Switzerland, 1996-200, p.72 (e), en ligne
àhttp://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/TestFrame/75bbf673df4b38ed802566b10
03dd2d1?Opendocument .

Déclaration universelle des droits de l’Homme, 10 décembre 1948, Département de


l’information de l’ONU, DPI/876-40156-Octobre 1998-20M.

1.3 Jurisprudence internationale

Daktaras c .Lituanie, no42095/98, CEDH, 2000.

Guja c. Moldova, no14277/04,CEDH, 2010.

Hornsby c.Grèce, no18357/91, CEDH1997-II.

Ivcher Bronstein c. Pérou. Compétence. Arrêt du 24 septembre 1999. Serie C No. 54, § 32.

Juan Humberto Sánchez c. Honduras. Arrêt du 7 juin 2003. Série C N° 99 § 82.

Medvedyev et autres c. France, no3394/03, CEDH 2010-II.

Nogueira de Carvalho et autres c. Brésil. Arrêt du 28 novembre 2006. Serie C No. 161, §
43

Olujic c.Croatie, no22330/05, CEDH

Saygili et autres c. Turquie, no19353/03, CEDH, 2008.

Schiesser c. Suisse, no29973/96, CEDH, 1979.

135
Sent.no515 de 1990, Giur.Cost.,1990, p.3005-3006.

Yvon Neptune c. Haïti, arrêt du 6 mai 2008.

II Droit canadien

2.1.- Textes constitutionnels

Loi Constitutionnelle de 1867, 30 &31 Victoria, c3, en ligne :« http://CanLii.ca/t/q3/x7 »

Loi Constitutionnelle de 1982, Annexe de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, C11,
en ligne :« http:canLii.ca/t/q3x8 » .

The Acte of Settlement (1701) 12 &13 Will III, c.2, en ligne à:


« http://web2.uvcs.uvic.ca/courses/lawdemo/DOCS/AS1701.htm.

2.2 Jurisprudence

Beauregard.c. La Reine [1986]2 R.S.C.no 56

Ell.c.Alberta [2003] A.C.S.no 99

Mackeiga.c.Hicman [1989] A.C.S.no 99.

Mackin.c.Nouveau-Brunswick ( Ministère des Finances) [2002]1R.C.S.no 405.

Océan Port HotelLtd.c.Colombie britannique [2001]2R.C.S.781.

R.c. Valente [1985] A.C.S.no 77.

R.c.C.; R.c.Sawyer [2001].C.S.C 42, [2001]2R.C.S.344.

R.c.Généreux [1992] A.C.S.no 10

R.c.Lippé [1990] A.C.S.no 128.

R.c.Morales [1992]2R.C.S.711, Chapitre IV (2i.).

R.c.Oakes [1986]1R.S.103.

136
Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour Provinciale de l’Île-du Prince-
Édouard. Renvoi relatif à l’indépendance et à l’impartialité des juges de la Cour
provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard [1997] A.C.S.no75

Sirros v.Moore [1975]1.Q.B118, cité dans l’arrêt Morier c.Rivard, [1985], 2R.C.S.716,
pp.739 et 740.Voir aussi R.c Lippé [1990] A.C.S.No128, par.93.

III Droit français

3.1Textes constitutionnels

Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur, à jour de la révision constitutionnelle du 23


juillet 2008, arts.64 et 65, en ligne à : «http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/texte-integral-de-
la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur.5074.html#titre8 ».

Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, art.16, en ligne à :


«http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-
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3.2Textes juridiques

Code de l’Organisation judiciaire, en ligne à : «http://www.legifrance.gouv.fr /affich


Code.do;jsessionid=DD25F73C1EA3044867FCDAF4D155AF4.tpdjo15v-
2?cidtexte=LEGITEX000006071164&dateTexte20140208 ».

Code des Tribunaux Administratif, art.L1, en ligne à:


«http://www.legifrance.gouv.fr /affich
Code.do;jsessionid=8582901095ED58C198DB5D67BB39FB87.tpdjov05v-
1?cidtexte=LEGITEX000006071344&dateTexte20001231 ».

Décret no59-1292 du 13 novembre 1959.en ligne


à : «www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte».

Loi du 4 février 1850, en ligne


à : «http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000882538 ».

Ordonnance no58 -1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de
la magistrature. Version consolidée au 15 février 2012, en ligne à :
«http://www.legifrance.gouv.fr».

137
Ordonnance no58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil
Constitutionnel en services du Conseil Constitutionnel, Éd. Du 16 juillet 2008,
ligneà : «http ://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/français/le-conseil-
constitutionnel/les-membres-du-conseil/fondements-textuels/fondements-
textuels.220.html».

3.3Jurisprudence

Cons.Const. 19 fév.1998,D.98-336 DC.Rec.Cons.Const.

Cons.Const. 20 fév.2003, D.2003-466 DC.Rec.Cons.Const.

Cons.Const.09 juill.1970,D.70-40 DC.Rec.Con.Const.

Moulin c France, (no37104/06), CEDH, 2010,par.56.

IV Droit haïtien

4.1 Textes constitutionnels

Constitution de la République d’Haïti du 29 mars 1987, en ligne à:


«http://pdba.georgetown.edu/Constitutions/Haiti/constitution_francais.pdf.

Loi Constitutionnelle Portant Amendement de la Constitution de 1987, Le Moniteur No58,


Journal officiel de la République d’Haïti, Port-au-Prince, vendredi 13 mai 2011, en ligne
à : «http://fr.scribd.com/doc/55620609/La-Constitution-Amendee-dans-le-Moniteur ».

4.2 Législation haïtienne

DÉCRET du 30 mars 1984 portant l’organisation du Ministère de la Justice et de la


Sécurité Publique, la Moniteur No. 31 du 30 Avril 1984, abrogé par la Loi du 13 novembre
2007 créant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, Le Moniteur No 112, Journal
Officiel de la République D’Haïti, Port-au-Prince, Haïti, 2007.

DÉCRET du 22 août 1995 relatif à l’organisation judiciaire, Décret modifiant la loi du 18


septembre 1985, abrogé par la Loi du 27 novembre 2007 portant statut de la Magistrature,
Le Moniteur No 112, Journal Officiel de la République D’Haïti, Port-au-Prince, Haïti,
2007.

Loi du 15 novembre 2007 organisant l’École de la Magistrature, Le Moniteur No 112,


Journal Officiel de la République D’Haïti, Port-au-Prince, Haïti, 2007.

138
V Doctrine

5.1 Monographies

BASSIOUNI, C.(dir.), La Démocratie : Principes et Réalisation, publié par l’Union


Interparlementaire, B.P.438, 1211, Genève 19, Suisse, 1998, P.35, en ligne à :
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constitutionnel.fr/...constitutionnel/.../pdt_debre_doha_avri..».

DICEY, A.V., Introduction à l’étude du droit constitutionnel, traduction française de


André BATUT et Gaston JÉZE, Paris :V.Giard&E.Brière, 1902.-Ed.française/ complètée
par l’auteur, en ligne à : http://www.numalire.com/devisables/735673-introduction-etude-
droit-constitutionnel-dicey-albert-venn-ribot-alexandre-batut-andre-jeze-gaston-
71290c4b90748221e4ed13bb042f598f.html.

FRIEDLAND, M.L. Une place à parti : l’indépendance et la responsabilité, Ottawa,


Conseil de la magistrature, 1995.

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HÉBERT, J-C., Fenêtres sur la justice, Canada, Boréal, 2006.

HUPPÉ, L., Histoire des institutions judiciaires du Canada, Montréal, Éditions, Wilson&
Lafleur, 2002.

ISSALYS, P et LEMIEUX., Denis, L’action gouvernementale, Cowansville, Yvon Blais,


2009.

KARIM. B., Les garanties constitutionnelles relatives à l’indépendance du pouvoir


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LOCKE, J., Traité du gouvernement (1690), Éditions de Londres, 1728, par David Mazel,
1795, en ligne à : «http://classiques.uqac.ca/.../locke_john/traite_du_gouvernement/tr...».

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2008, en ligne : « http://www.europarl/.europa.eu/document/.../ 20080403ATT25683 FR ».

MBONGO, P.(dir.), La qualité des décisions de justice, Éditions Europe, en ligne


à :www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=DRS_083_0155.

Ministère de la Justice, « L’organisation de la Justice », Le portrait de la justice et du droit,


en ligne à : « www.justice.gouv.fr».

MONTESQUIEU, C.L.d.S., De l’esprit des lois, TomeI, présentation, 1758, par Laurent
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«http://classiques.uqac.ca/classiques/montesquieu/de_esprit_des_lois/de_esprit_des_lois_p
resentation.html ».

PRÉFONTAINE, D.C.et LEE, Q.C J., The rule of law in the judicial independence, Paper
prepared for World Conference on the Universal Declaration of Human Rightls, Montréal,
December 7,8et 1998, The International Centre for Criminal Law Reform and Criminal
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9317.

SHETREET, S.and DESHÊNES, J., Judicial independence: The contempory Debate,


Martinus Nihjoff Publishers, 1985.

TOCQUEVILLE, A.d., De la démocratie en Amérique I, 1835, première partie du tome I,


p.93, par le sociologue Jean TREMBLAY, 2008, en ligne
à : «http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/democratie_1/democratie_t
ome1.html».

TREMBLAY, G., Les tribunaux et les questions politiques : les limites de la justiciabilité,
Montréal, Wilson & Lafleur, 1999.

5.2 Thèses

PLUEN, O., Thèse de Doctorat, Novembre 2011, en ligne à : https://docassas.u-


paris2.fr/.../0c5bec53-71c8-4569-91b3-3f5e0f4e0143.

5.3 Articles

140
5.3.1 Articles de périodiques et de Revues spécialisées

ASSOCIATION CANADIENNE DES JUGES DES COURS PROVINCIALES,


« L’indépendance administrative du pouvoir judiciaire », (P.J.J.)1[vol.35],2012,p.12,en
ligne à :« judgesjuges.ca/.../publications/Journal%20Vol%2035%20No%201.pdf ».

BENYEKHLEF,K., « L’indépendance institutionnelle du pouvoir : Légitimité et


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ligne :https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/42.

CANIVET, G., Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel,


Cahiers du Conseil constitutionnel no16 (Dossier : le Conseil constitutionnel et les diverses
branches du droit-juin 2004), en ligne à : «http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/cahiers-du-conseil/cahier-n-16/le-juge-judiciaire-dans-la-
jurisprudence-du-conseil-constitutionnel.51975.html ».

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[Vol.10,no3](1960)R.f.s.p.,1960,p.265.,en ligne
à :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-
2950_1960_num_10_2_392571 ».

CÔTÉ-HARPER,G., « L’État de droit et l’indépendance judiciaire », (1998)11.2 R.Q.D.I.


En ligne : « rs.sqdi.org/volumes/11.2-côte.pdf ».

DESPEIGNES, J.M., « Le droit informel haïtien », [Vol.29 No.1] (R.I.D.C) 1977, p.253,
en ligne à : « http : www.persée.f/web/revues/home/prescritp/article/ridc-0035-3337-1977-
29-1-16905 ».

France, Assemblée générale Plénière du 27 juillet 2013, Avis sur l’indépendance de la


justice, JORF n°0176 du 31 juillet 2013 page NOR: CDHX1320084V, introduction, en
ligne à:
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027778844&dateT
exte=&categorieLien=id ».

HUPPÉ,L., «Les Déclarations de principes internationales relatives à l’indépendance


judiciaire »,(2002)[Vol.43,fascicule2],C.d.D,pp.229326,enligne : « www.erudit.org/revue/
cd/2002/v43/n2/043709ar.pdf »

LAMPRON, L-P., « Les institutions judiciaires et le phénomène de la judiciarisation du


politique au Québec et au Canada », dans Alain G.GAGNON et Co, La politique
québécoise et canadienne :une approche pluraliste, Presse de l’Université du Québec,
2014, chapitre 11.

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PIERRE, L-N., « La juridicisation de la vie sociopolitique et économique en Haïti. Enjeux
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«http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/pdf/ds65/ds065-08.pdf».

Revue Haïtienne de Société et de Culture, no26-29, Publications du CRESFED et de la


Fondation Gérard Pierre Charles, RÉSOPRESSE, Haïti, 2013, en ligne à : « www.cresfed-
haiti.org/IMG/pdf/rencontre_28-29.pdf ».

ROPERS,J-L., « Un Colloque international sur l’indépendance des juges », in[Vol.5, No4]


(1953)R.I.D.C, pp.699-709, p.701. doi : 10.3406/ridc.1953.6644, en ligne à :
«http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-
3337_1953_num_5_4_6644 ».

5.3.2 Articles publiés en ligne

Alter Presse, « Haïti-Justice : le CSPJ s’effrite et perd deux membres, samedi 11 août 2012,
en ligne à : « www.alterpresse.org».

Alter Presse, « Haïti-Justice : »un pas historique franchi avec l’installation du CSPJ,
applaudissent Joseph et Martelly », Alter Presse, 03/07/2012, en ligne
à : « www.alterpresse.org».

DUPLAN,R.,Bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince et Président de la


Fédération des Barreaux d’Haïti, « Problématique du fonctionnement du système judiciaire
haïtien », en ligne à : http://www.hrdf.org/oldwebsite/Forum-Juridique/rigaud.htm.

ÉDOUARD,L., « Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire :structure mort-née », « Le


Nouvelliste », no du 8 novembre 2013, en ligne à:
« http//lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/123261/le.Conseil-supérieur-du-pouvoir-
judiciaire-structure-mort-née ».

GOUSSE, B.H., L’indépendance judiciaire en Haïti, article produit sous la rubrique du


Programme de l’IFES pour le Soutien à la Société Civile pour l’indépendance judiciaire, en
ligne à : « http://www.sistemasjudiciales.org/content/jud/archivos/notaarchivo/619.pdf ».

HL/ Haïti Libre, « M. Carlos Hercule demande la mise en accusation du président du


CSPJ (Lettre)», Port-au-Prince, Haïti, 20 août 2012, en ligne à:
« www.haitilibre.com/article-6425-haiti-justice-me-hercule-demande-la.... ».

HL/ HaïtiLibre, « 3 Membres du CSPJ protestent contre l’ingérence de l’exécutif »,


http://www.haitilibre.com/article-12278-haiti-justice-3-membres-du-cspj-protestent-contre-
l-ingerence-de-l-executif.html.

142
HL/HaïtiLibre, Le Ministère de la Justice transfère des juges sans l’approbation du CSPJ,
en ligne à : http://www.haitilibre.com/article-6612-haiti-justice-le-ministere-de-la-justice-
transfert-des-juges-sans-l-approbation-du-cspj.html.

Le système judiciaire (CRIJ)2002-2013, p.1, en ligne à http://www.haitijustice.com/le-


systeme-judiciaire-haitien.

MAURY, J-P., Royaume-Uni, Déclaration des droits, English Bill of Rights 1689, (2002-
2008) Dithèque MJP, en ligne à : «http://mjp.univ-perp.fr/constit/uk1689.htm».

ROBERTSON, J.D., “ Habeas Corpus, the most extraordinary writ”, (2002) Center for the
preservation of Habeas Corpus, en ligne à:” http://www.habeascorpus.net/hcwrit.html».

5.3.3 Les documents ou rapports publiés par des organismes

ASSOCIATION DES HAUTES JURIDICTIONS DE CASSATION DES PAYS AYANT


EN PATAGE L’USAGE DU FRANÇAIS (AHJUCAF), L’indépendance judiciaire de la
justice, Actes du deuxième congrès, Dakar, 2007, en ligne à:
«http://www.ahjucaf.org/IMG/pdf/Independancejustice.pdf ».

CONSEIL DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC, L’indépendance judiciaire :


contrainte ou gage de liberté, Bibliothèque nationale du Québec, 2003, en ligne à
«http://www.conseildelamagistrature.qc.ca/fr/medias/fichiers/pages/Colloque_2002_20.pdf
».

CRISIS GROUP, Haïti : réforme de la justice et la crise de la sécurité, Briefing Amérique


latine/Caraïbes No14, Port-au-Prince/ Bruxelles, 2007,en ligne
à : http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/latin-
america/haiti/b14_haiti___justice_reform_and_security_crisis_french.pdf ».

MISSION CIVILE INTERNATIONALE EN HAITI, Impunité et Réparation, les projets


de principes des N-U, Port-au-Prince, Haïti, 1998.

MISSION CIVILE INTERNATIONALE EN HAITI, Le système judiciaire en Haïti,


Analyse des aspects pénaux et de procédure pénale, 1996, par.21, MH/MAD 23/5/1996,en
ligne à : « http://www.un.org/rights/micivih/rapports/final.htm ».

MISSION CIVILE INTERNATIONALE EN HAITI, OEA/ONU : la Constitution de 1987


et les Droits de l’homme, Actes du Colloque Internationale MICIVIH-PNUD sous le
patronage du Président de la République, Port-au-Prince, Haïti, 28-29 avril 1997,
bibliothèque Nationale d’Haïti, 1998.

143
MISSION CIVILE INTERNATIONALE EN HAITI, OEA/ONU, La lutte contre
l’impunité et pour la réparation en Haïti, un rapport de la MICIVIH en Haïti, Port-au-
Prince, Haïti, 2000.

Rapport du Sécrétaire général sur la Mission des Nations-Unies pour la stabilisation en


Haiti S/2013/139, Distr.général, 8 mai 2013, p.1, en ligne à:
«http://www.minustah.org%2Fpdfs%2FrapportsSG%2FRSG-
MINUSTAH_20130308_FR.pdf ». (Site consulté le 27 août 2013).

RÉSEAU NATIONAL DE DÉFENSE DES DROITS HUMAINS (RNDDH), Observation


sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien au cours de l’année2011-2012, en
ligne à http://rnddh.org/content/uploads/2012/10/Rapport_Justice_2012.pdf ».

SAINT-LOUIS, L., Rapport sur l’état du pouvoir judiciaire : Haïti 2002-2003, IFES,2003,
en ligne à : «http://www.ifes.org/Content/Publications/Reports/2004/Rapport-sur-l-etat-du-
pouvoir-judiciaire-Haiti-2002-2003.aspx». (Site consulté le 10 octobre 2012).

WYANT, R.E., La Cour provinciale de Manitoba, 1er rapport annuel, 2002-2003, en ligne
à : « www.manitobacourts.mb.ca/pdf/annual-report-fr-pdf ».

5.3.4 Les codes annotés

D.HECTOR, L.D.Code de Procédure Civile annoté, voté par la Chambre Législative, le 17


septembre 1963, promulgué le 17 janvier 1964, Henri Deschamps, Port-au-Prince, Haïti,
1989.

PIERRE-LOUIS, M., Code d’Instruction Criminelle, voté à la Chambre des Représentants,


le 14 juillet, au Sénat de la République, le 31 juillet 1835, promulgué, le 31 juillet 1835,
Bibliothèque Nationale d’Haïti, annoté, Port-au-Prince, Haïti, 1995.

144
VI Outils méthodologiques

AZZARIA,G., Recueil du Cours DRT-700, Québec, Université Laval, Coop Droit,2011.

LLUELLES, D., Guide de Référence juridique, Montréal, Thémis, 2003.

TREMBLAY, R.R..et PERRIER, Y., Savoir plus : les outils et méthodes de travail
intellectuel, 2 éd., Cheneli, 2006.

TRUDEL, P., La recherche sur les rationalités de la règle de droit et les techniques de
règlementation-Éléments d’un modèle, Centre de recherche en droit public, Faculté de
droit, Université Laval, Québec, p.7, en ligne
à : « www.chairelrwilson.ca/cours/drt6929a/Rationalites-techregl ».

145

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