Vous êtes sur la page 1sur 738
A, DUPUY LADMINISTRATION MUNICIPALE ‘EN BRETAGNE AU XVILIe SIECLE CHAPITRE HI Finances municipales. Emibartas financiers de toutes les villes de Bretagne au XVILIP sidele. Ses causes. 1e Charges imposées aux villes et aux paroisses pendant les vingt-six dernigres années du ragne de Louis XIV. Taxes sur les maisons; dons gratuits; offices dont la création entraine des taxes onéreuses. — Trafic des offices municipaux erdés sur les Villes et les paroisses pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg et la gueire de la Succession d’Autriche. Réunion aux communautés. Détresse des communautés a la fin da régne de Louis XIV, — Mesures prises pour liquider cette ‘situation. Systeme de Law. Ranqueroute imposée aux villes et aux’paroisses. — Abolition et nouveau trafic des olliees municipaux de 1722 4.1748. Efforts des villes pour racheter ces offices. — 2° Exigences du gouver- nement & l’égard des communautés. Renouvellement des oetrois; mare d'or; senregistrement. — Octrois municipaux ; hdpitaux choisis. — Droits dus & la ‘Chambre des comiptes. Deniers présidiaux. — Gages attribués aux gouverneurs et 4 différdbts officiors. — Entretion des auditoires et des prisons. — 3° Man- vaise.assiette des octrois; fraudes; abus des exemptions, Revenus' des -communautés, Deniers patrimoniaux: leur origine. — Octrois; mode de perception; prodiait. — Bail de Venlévement des boues. — Revenus des paroisses Deniers patrimoniaux ; revenus casuels; location des chaises; quétes. — Dépenses cles paroisses ; entretien du culte; réparation des églises ; emprunts; impositions extraordinaires; enfants troavés. — Surveillance du Parlement’sur les paroisses, de MIntendant sur les communautés, — Dépenses es. conimtmantés. Gages des employés. Entretien des pavés; réparation des édifi ntretien des pompes. — Dépenses d’apparat. Feux de joie; fetes ~ pubilqiigs ; réception des grands personnages; présents. — Procés; députations. ttibution aux frais du culte, & Ventretion des écoles, des hOpitaux. Assistance publique. — Expédients financiers; emprunts, : Budget de Nantes, Rennes, Brest, Saint-Malo. ‘Tableau des revenus des Etats et des quarante-deux communautés de Ia province, de 1762 & 1788. Parmj,les quaranté-deux communautés de la, province de Bretagne, au XVIII° siécle, il n’en est pas une dont les finances 4 CHARGES IMPOSEES AUX VILLES DE 1689 A 4745. ne soient embarrassées. Cette détresse générale a plusieurs causes, dont la premiére est le fardeau écrasant imposé aux villes par les expédients financiers destinés 4 couvrir les besoins du Trésor pendant les vingt-six dernigres années du régne de Louis XIV. Les charges qu’ont alors & subir les communautés peseront sur leur budget jusqu’au commencement du XIX® sitcle. Pour les armements formidables qu’exigeaient la guerre de la Ligue d’Augsbourg et la guerre de la Succession d’Espagne, les ressources ordinaires du Trésor étaient évidemment insuffisantes. Il fallut augmenter les anciennes impositions, telles que la iaille et les fouages, et en créer de nouvelles, telles que la capitation et le dixigme. On lave des taxes extraordinaires sur les maisons des villes et des bourgs, taxes souvent considérables, car celle qui fut percue en Bretagne en 1693 s’éléve & 990,000 livres (1). On impose au clergé des dons gratuits, aux bourgeois le rachat de la capitation (2) et l'emprunt forcé appelé taxe des aisés (3), aux artisans des taxes sur les corps de métier (4), aux cours sou-~ veraines, aux officiers de judicature et de finance des emprunts foreés déguisés sous le nom d’augmentations de gages. On multi~ plie les offices onéreux ou ridicules, dont les acquéreurs sont & leur tour rangonnés de plusieurs maniéres. On se garde bien de négliger les villes : la fiscalité au XVII° siécle les rangonne avec d’autant moins de scrupule que leurs revenus sont regardés comme « des graces qu’elles tiennent de la concession et libéralité de S. M.(5). » En vertu de ce principe, le gouvernement trouve tout naturel de puiser dans leurs coffres. Das année 1689 parait un édit qui, pour mieux mettre leurs revenus & la disposition du Trésor, leur ordonne de surseoir au payement de leurs dettes (6). En méme temps on pratique une premiere saignée dans leur budget. Un arrét du Conseil impose (1) Arch. d’Mle-ct-Vilaine, C. 2660, f° 221 19, — (2) Arch. de Brest, 1708-1711, £925 ve, — (8) Arch. d'Ille-et-Vilaine, A. 25, — (4) Archi, de Lamballe, D. 1, f°107, — () Arch. de Saint-Pol-de-Léon, 1687-1697, f° 52 x, — (6) Arch, d’Ille-et-Vi- laine, A. 13, CHARGES IMPOSEES AUX VILLES DE 1689 a 1715. 5 a toutes les villes de la province une subvention destinée & l'entre- tien des dragons de Bretagne. La taxe est répartie entre les villes suivant leur importance et le chiffre de leurs revenus. Vannes paye 8,000 livres(1), Saint-Pol-de-Léon 1,000(2), Montfort 500(3). Les procédés les plus ordinairement employés pour pressurer Jes villes sont au nombre de quatre : dons gratuits, concessions ou confirmations de privilages, création d’offices onéreux, création d’offices municipaux. En 1689, "Etat demande & toutes les com- munautés un don gratuit, en considération « des grandes dépenses que le roi est obligé de faire pour s’opposer 4 ses ennemis et la streté de]’Etat» La communauté de Vannes donne 100,000 livres. Avec un patriotisme touchant, « elle supplie S. M. de considérer moins la modicité de ce secours que la disposition des cceurs des habitants de la ville et leurs bonnes intentions, qui n’auront point de bornes lorsqu’il s'agira de contribuer a sa gloire et aux besoins de I’Etat (4). » La communauté de Nantes n’offre que 100,000 livres, somme qui est refusée comme insuffisante. Le gouvernement exige 150,000 livres (5). La ville de Rennes conclut un véritable marché avec le gouvernement. Pour obtenir le retour du Parlement exilé & Vannes, elle donne 500,000 livres, dont 300,000 prises sur le produit des octrois et 200,000 souscrites par les habitants (6). : En 1712, les villes ont & payer un nouveau don gratuit de 700,000 livres, destiné 4 empécher le doublement de leurs octrois au profit du Trésor. Dans,la répartition de cette taxe, Nantes figure pour 170,000 livres (7), Rennes pour 120,000 (8), Brest pour 70,000 (9), Morlaix pour 63,000 (10), Saint-Brieue pour 10,000 (11), Lesneven pour 2,000 (12). (@) Arch. de Vannes, 1685-1694, f9 64 1°, — (2) Arch, de Saint-Pol-de-Léon, 1687-1697, {9 62 1°, — (8) Arch, de Moutfort, BB. 6. — (4) Arch, de Vannes, 1685-1694, £052 re. — (5) Arch, de Nantes, BB. 58, £°9 1°, ~ (6) Arch, de Rennes, 1689, fo 2518. — (7) Arch. de Nantes, BB. 58, f° 168 ve, — (8) Arch. de Rennes, 1N12, £0 39-7. — (9) Arch. de Brest, 1711-1716, f° 11 ve, — (10) Arch, de Morlaix, 1710-1714, #60 v2, — (11) Areh, de Saint-Bricue, 1711-1714, £16 ve, — (12) Arch. de Lesneven, 1705-1719, £46 ve, 6 EDIT DES LANTERNES. Le systéme des dons gratuits imposés aux villes parait si commode, que le gouvernement y reviendra plus tard. En 1758, pendant la guerre de Sept-Ans, paraft un édit qui exige, pendant six ans, de toutes les villes du royaume, un don gratuit réparti entre elles, en laissant aux corps de villes le choix des moyens A employer pour se procurer les fonds. La taxe de la ville de Paris est de 1,200,000 livres, celle de Lyon 275,000, celle de Rouen 200,000, celle de Bordeaux 120,000. En Bretagne, Nantes payera 40,000 livres par an, Rennes 28,000, Brest 12,800, Lorient 11,700, Saint-Malo 7,800, Moncontour 700, Ancenis 500 (1). Les édits portant création ou confirmation de privilages sont moins onéreux pour les villes que les dons gratuits. Tantét ils ratteignent que quelques villes plus riches ou plus favorisées que les autres; tantot ils ne frappent les villes que par occasion, en leur imposant leur part d’une taxe générale qui frappe beaucoup d'autres contribuables. Parmi les mesures qui ne s'appliquent qu’a un petit nombre de villes florissantes, figure en 1697 l'édit des lanternes, un des expédients les plus ingénieux qu’ait imaginés la fiscalité du XVII° siécle. En vertu de cet édit, le roi établit que Jes villes de Rennes, Nantes, Brest et Saint- Malo seront éclairées la nuit comme Paris. Pour assurer le service de ¢ V'illumination, » il leur assigne en son trésor, « sur le fonds des lanternes, » une rente annuelle de 19,273 1. 17s, 2 d., qui est répartie entre les quatre villes, 4 Rennes 8,003 1]. 10 s., 4 Nantes 5,261 1. 17s. 2d., & Brest 3,379]. 2s., & Saint-Malo 2,628 1. 15s, C’est aux communantés,d’acheter et de faire poser les lanternes, les poteaux, les crochets; & Rennes, la dépense est de 8,252 1. 9 s, 2d. Le roi ne fournit que la somme nécessaire aux frais d'illumination ; encore ne la fournit-il pas gratuitement, les communautés sont forcées de verser au Trésor le capital au denier vingt et les 2 sous pour livre, soit une somme de 385,000 (1) Arch, d’Tlle-et-Vilaine, C. 236, LETTRES DE BOURGEOISIE. 7 livres et les 2 sous pour livre. C'est un véritable emprunt foreé au denier 20. D’ailleurs la rente due sur le fonds des lanternes ne sera jamais réguligrement payée, Au XVIII° sidcle elle subit des réductions qui la diminuent d’un premier quart en 1716, et d'un second en 1721 (1). En 1692, le gouvernement augmente les droits de franc-fief et poursuit avec rigueur les contribuables, méme dans les villes qui, par leurs privilages, sont exemptes de ce droit. Les villes de Nantes et Rennes, qui sont dans ce cas, protestent énergique- ment. Le chancelier de Pontchartrain fait insinuer aux deux communautés qu'il serait avantageux pour elles d’obtenir, moyennant finance, une confirmation générale de tous leurs priviléges, La communauté de Nantes marchande avec le fisc et offre une somme de’ 100,000 livres, qui est repoussée avec indignation comme dérisoire (2). La communauté est forcée de payer 200,000 livres (3). La communauté de Rennes est soumise a la méme taxe (4). On ne tarde pas a trouver que Ja ville de Nantes s‘en est tirée & trop bon compte; en 1702, on lui arrache un supplément de 20,000 livres pour confirmer I’exemption de franc-fief des habitants situés « sous le proche fief du roi (5). > Encouragé par le succds de cette opération, le gouvernement, en 1705, en imagine une autre plus complate et plus lucrative. Les bourgeois de toutes les villes possédent, dans les environs, des maisons de campagne, des jardins, des fermes qu’ils font valoir « par mains, » et ot leurs domestiques sont exempts de fouage. Les produits qu’ils en tirent pour leur consommation personnelle entrent en ville sans payer d’octroi. Un édit établit qu’ils ne conserveront ces privileges qu’& condition de se faire délivrer, moyennant finance, des lettres de bour- geoisie (6). Les communautés sont forcées de racheter cet édit. Il en coite 45,000 livres et les 2 sous pour livre & la ville de (2) Arch, @’Ille-et-Vilaine, C. 248. — (2) Arch, de Nantes, BB. 69, f° 16 vo. —'@) Ibid, 2 19 ve, — (4) Arch. de Rennes, 1603, f° 84 ve. — (6) Arch. de Nantes, BB. 65, f° 120 vo. — (6) Arch, d’le-et-Vilaine, A. 20. 8 CONFIRMATION DE PRIVILEGES. Nantes (1), autant a celle de Rennes (2), 30,000 livres et les 2 sous pour livre & Saint-Malo (3). En 1710 toutes-les commu- nautés sont forcées de faire enregistrer les titres de possession de leurs deniers d'octroi et de leurs deniers patrimoniaux et de verser 100 livres pour droit d’enregistrement (4). Le produit de cette mesure est minime, mais le Trésor ne dédaigne pas les petits profits. Parmi les édits qui ne frappent que par occasion Jes commu- nautés, nous pouvons citer celui des armoiries, en 1696. En vertu de cet édit, les corps constitués, les gentilshommes et les notables bourgeois qui ont des armoiries, sont tenus de les faire enregistrer; quand il n’en ont pas, on leur en impose. Le prix d'enregistrement varie suivant le rang des personnes, l’impor- tance des corporations et des corps constitués. Toute ville ot sidge soit un évéque, soit une cour souveraine, paye 100 livres et les 2 sous pour livre, toute ville moins importante, 50 livres et les 2 sous pour livre; sans compter 30 sous pour les commis du traitant (5). La communauté de Quintin a ainsi 56 1. 10 s. a verser (6), le général de Saint-Senoux est taxé & 20 livres pour la bannigre de la fabrique (7). La méme année survient un autre édit « par lequel S. M. * confirme tous les particuliers qui jouissent de foires et marchés et droits en dépendant, dans Jeurs possessions et-jouissances; savoir ceux qui justifieront par bons titres de la possession centenaire, en payant 4S. M. une année du revenu; et ceux qui ne rapporte- ront des actes de possession que précédemment l'année 1660, seront aussi confirmés en payant deux années de revenu; ceux qui ne justifieront leur possession que depuis l'année 1660, payeront quatre années du revenu desdits foires et marchés (8). » Les villes qui ne possédent aucun droit de foire ni’ marché @) Arch, de Nantes, BB. 67, f 48 ve, — (2) Arch, de Rennes, 1706, f 23 1°, —@) Arch, de Saint-Malo, BB. 18, f° 66 ve. — (4) Arch. du Croisic, BB. 9, f° 63 1°, — ©) Arch. a'Tlle-et-Vilaine, A. 10,— (6) Arch. de Quintin, BB. 14, fo 11 ve, — (@ Arch, de Saint-Senoux, 1698, — (8) Arch, d’Ille-et-Vilaine, A. 9. wy CONFIRMATION DE PRIVILEGES. 9 échappent non sans peine au traitant (1), les autres sont forcées de . s'exécuter. Nantes paye 3,000 livres pour droits de foire et marché (2), sans compter 1,600 livres pour la confirmation de son droit d’ancrage sur la Loire (3). Quimper est taxé a 1,206 livres et les inévitables 2-sous pour livre (4). En 1702, les villes qui ont la possession ou la jouissance de quelques biens ecclésiastiques, sont forcées de verser au Trésor le sixitme de la valeur de ces biens (5). En 1710, pour avoir de argent comptant, on opére une aliénation générale des droits domaniaux appartenant & Y'Etat. Les villes qui doivent des rentes au Trésor, sont obligées de « les franchir, » c’est-a-dire de les éteindre en versant le capital au denier 14, La communauté de Brest paye 9,600 livres et les 2 sous pour livre, pour une rente annuelle de 800 livres qu'elle » doit & cause de Ja jouissance du four banal (6). Celle de Quimper paye 288 livres et les 2 sous pour livre « pour le franchissement de la taillée de mai, » dont le produit est de 20 livres (7). La création des offices est l'expédient préféré de ]'ancienne fiscalité frangaise, expédient dont elle abuse du XVI* au XVIII° siécle. Les offices sont de deux sortes; ils conférent tanidt des attributions fiscales, tantét des fonctions adminisira- tives. Dans le premier cas, la création d’un office entratne avec elle Ja création d'une nouvelle taxe a percevoir sur les contri- buables. Celui qui achéte l’office acquiert en méme temps le droit de percevoir A son profit les taxes affectées A son office. L'Etat, pour avoir de l'argent comptant, aligne ainsi a perpétuité une partie de ses revenus. Dans le second cas, celui qui acquiert un office de caractére purement administratif regoit, comme intérét de sa finance, des gages soit sur le Trésor, soit sur le budget des villes ou des provinces. La création de ces sortes d’offices est done un véritable emprunt perpétuel et volontaire fait par 1’Etat (2) Arch de Rennes, 1686, 9 28 1°. — (2) Arch, de Nantes, BB. 63, f° 142 r°, — @) Ibid, BB. 62, f° 170 19, — (4) Arch. de Quimper, 1696-1702, 9 7 ve, — (5) Arch, de Nantes, BB. 65, f 12019, — () Arch, de Brest, 1708-1711, £° 119 v°. — (1) Arch, de Quimper, 1708-1714, f 62 vo, 10 CREATION D'OFFICES. a ses fonctionnaires. Des qu'un office est créé, le gouvernement Yabandonne & un traitant, qui Iui en avance le produit et se charge de percevoir les droits attribués aux offices dont I’établis- sement entraine Ja création d'un nouvel impdt, ou de vendre & son profit les offices qui ne conférent a leurs titulaires que des fonctions administratives. Les offices les plus onéreux sont évidemment ceux dont la création est accompagnée de l’établisse- ment d'un nouvel impot. Souvent il arrive que les acquéreurs ne se présentent pas, que la perception des droits attribués aux offices est difficile ou peu lucrative; le traitant ne tarde pas A reconnaitre qu'il a fait une mauvaise spéculation; quelquefois il demande au Trésor une: indemnité, En pareil cas, le gouvernement réunit sans fagon les offices aux communautés, qu'il force de rembourser, le traitant, en les autorisant & percevoir & leur profit les droits attribués aux offices malencontreux. C’est ce qui arrive en 1696 pour les offices de « jurés mouleurs, visiteurs, compteurs, mesureurs et peseurs de tous les bois a briler et charbons qui sont amenés tant par eau que par terre dans les villes et faubourgs du royaume (1). » Le traitant, M° Charles Goupillat, bourgeois de Paris, effrayé des difficultés que présente l’appli- cation de cet édit, fait résilier son bail. Les offices de jurés mouleurs sont réunis aux communautés, moyennant une somme de 350,000 livres qui est répartie entre elles. On, leur laisse toute liberté de répartir leur taxe entre leurs habitants ou d’affermer Jes droits & un entrepreneur qui leur avancera les fonds réclamés par le Trésor (2). Quelque parti qu’elles pren- nent, elles rencontrent des embarras. A Auray, la commu- nauté, pour le payement de la taxe, décide de percevoir une imposition directe sur les habitants. Aussitdt tous les habi- tants aisés se retirent A la campagne ou déguerpissent, pour échapper & imposition (3). A Quimper, le clergé réclame contre (1) Arch. de Landernean, 1696-1698, f° 8 r°. — (2) Arch. de Nantes, BB. 62, fo 46 19, — (8) Arch, d’Auray, BB, 4, £9 75 v8, CREATION D'OFFICES. A Ja part qu'on prétend lui imposer; il résiste si bien que la communauté, de guerre lasse, songe 4 recourir 4 une adjudi-~ cation (1). Mais la discussion a duré plusieurs mois, l'intendant déclare qu'il n'est plus temps de changer de systdme et qu'il n’y a plus qu’a égailler la taxe entre les habitants, y compris le clergé (2). A Saint-Brieuc, of la taxe est mise en adjudication, surviennent des démélés entre l’adjucataire, M° Jean Delaplace, et les contribuables. Delaplace soutient que les contribuables usent de fraude, « que leurs fagots sont plus grands qu’a la maniére accoutumée. » La communauté en est réduite 4 faire résilier son bail et & lui donner une indemnité (3). En 1704, les communautés subissent la réunion de deux autres fournées d’offices, celle des « essayeurs, visiteurs et contrdleurs des eaux-de-vie, » qui leur coite 200,000 livres et les 2 sous pour livre (4), et celle des inspectours aux boucheries « avec attribution de 3 livres par chaque boeuf ou vache, 12 sous par chaque veau ou génisse, 4 sous par chaque mouton, brebis ou chévre qui entrera & Rennes ou Nantes, 40 sous par boeuf ou vache et mémes droits que dessus pour les autres bétes qui entreront dans les autres villes (5). » C'est ce qu’on appelle le droit du pied fourché. Cette seconde fournée d’offices cofite aux villes 400,000 livres. Pour assurer le payement de la part affectée & chaque communauté, J'intendant adjuge la perception des droits A qui pour moins d’années de jouissance avancera la somme nécessaire (8). En 1705, on réunit encore aux corps de ville, moyennant 80,000 livres, les offices « d’'inspecteurs géné- raux des manufactures, commissaires contréleurs des draps, toiles et autres étoffes, gardes-concierges des bureaux ou halles aux draps et aux toiles. » La moitié de la taxe doit 6tre payée par les marchands et le resie pris sur les octrois (7). Les petites (2) Arch. de Quimper, 1696-1702, £9 28 1°, — (2) Ibid, f° 20 1°, — (3) Arch. de Saint-Bricuc, 1697-1699, f° 39 r°. — (4) Arch. de Brest, 1701-1704, f° 20 1°, — () Arch, de Vannes, BB. 9, f° 37. — (6) Arch. de Moncontour, 1703-1706, £9 15 v9, — (7) Arch, de Saint-Malo, BB, 18, f° 40 v2, 12 CREATION DES OFFICES MUNICIPAUX. villes, celle de Montfort par exemple, dont Ja taxe est de 300 livres, réclament parce qu’elles n'ont ni marchand, ni manufacture (1). On ne les écoute pas. La source de revenu la plus abondanie que les villes puissent offrir a I’Etat, est la création des offices municipaux investis de fonctions administratives. Chaque office, créé « par édit perpétuel et irrévocable, a titre d’office formé et héréditaire, » est une mine d'or, La vente de l’office produit d’abord immédiatement une finance respectable. Comme les gages des offices sont assignés sur les octrois, il y a la pour le Trésor un bénéfice net, qui ne lui impose aucune charge. L’office, une fois vendu, resie soumis & la pauleite ou droit annuel, et aux droits de mutation, ce qui aug- mente les « revenus casuels. » Les acquéreurs, aprds avoir payé la finanee et les 2 sous pour livre, le marc d’or, le sceau et ’enregis- trement, ne sont pas quittes avec le fisc. Bientdt on leur réclame un supplément de finance, suivi d'une taxe pour la confirmation de l'hérédité. Enfin on ne tarde pas & leur imposer une augmen- tation de gages, dont ils ont & payer Je capital. En un mot, les titulaires d'offices sont des victimes sur lesquelles I"Etat, toutes Jes fois que le Trésor est & sec, léve de nouvelles taxes. Les offices municipaux constituent une matigre imposable si souple, si féconde, que le gouvernement les multiplie & profusion. On analyse, on décompose les fonctions municipales, dont chaque branche est érigée « en titre d’office formé et héréditaire. » On crée ainsi des maires pour présider les communautés, des lieute- nants de maire, qui remplacent Jes maires en cas d’absence, des procureurs du roi syndics, qui formulent les propositions sur lesquelles il s'agit de délibérer, des substituts des procureurs du roi, des avocats du roi, des échevins, des assesseurs, des receveurs des deniers d’octroi et des deniers patrimoniaux, des controleurs de ces receveurs, des greffiers, des huissiers audienciers, des concierges gardes-meubles, concierges gardes des archives, sans (1) Arch, de Montfort, BB, 12, f° 3 1°, CREATION DES OFFICES MUNICIPAUX. 13 compter les gouverneurs municipaux, lieutenants de roi, officiers de milice bourgeoise, juges et commissaires de police. Pour allécher les acquéreurs, on leur prodigue les exemptions et les priviléges; on les autorise & cumuler plusieurs offices, & pratiquer en méme temps le commerce et Vindustrie. On défend d’aug- menter, pour raison de leur office, le taux de leur capitation. Si, malgré tant d’avantages, le traitant ne trouve pas d’acheteurs, on réunit les offices aux communautés, en les forgant de payer la finance arrétée par le Conseil. Le trafic des offices municipaux commence en 1689, par un édit de décembre, qui crée en chaque communauté deux rece- veurs des deniers communs, patrimoniaux et dociroi, avec attribution de 13,000 livres de gages & répartir entre eux. L’édit leur accorde en outre, a titre de taxations, 2 sous pour livre sur le montant de leur recette. Les titulaires de ces offices sont l'un ancien, l'autre alternatif. Ils exercent alternativement leurs fonctions chacun pendant dix-huit mois. Le gouvernement ne tarde pas & trouver que leurs gages sont insuffisants. En 1694, leurs offices sont abolis et remboursés. On les remplace par d'autres offices, entre lesquels on répartit 200,000 livres de gages dont les titulaires fournissent le capital au denier 20 (1). En attendant Ja vente, le traitant établit dans toutes les villes des commis qui exercent les nouveaux offices et pergoivent consciencieusement leurs taxations (2). Ces officiers, qui gardent le titre de miseurs, renconirent des diflicultés. Certaines communautés leur disputent Je maniement d'une partie de leurs revenus (3), d'autres chicanent sur le chiffre de leurs deniers patrimoniaux (4), Néanmoins ces offices se vendent rapidement et atteignent un prix élevé (5). La méme année 1694, un édit de juillet leur enlave le maniement des deniers patrimoniaux, pour lesquels il établit d'autres offices de receveurs (6). Un autre édit crée en chaque (2) Arch. @Ille-et-Vilaine, C. 734, — (2) Arch. de Saint-Malo, BB. @) Arch. d’'Ille-ct-Vilaine, C. 784. — (4) Arch. de Saint-Malo, BB. 16, f9 31 7°. () Areh, de Vannes, 1685-1694, £984 ve. — (6) Arch. du Parlement, 80, f° 123 1°, 14 CREATION DES OFFICES MUNICIPAUX. communauté un office de contrdleur des deniers communs, avec 3,000 livres de gages 4 répartir entre les titulaires. Comme taxations, ces officiers regoivent 3 deniers pour livre sur les deniers communs, 2 sous par quittance de 100 livres et au-dessous, 5 sous par quittance au-dessus de 100 livres (1). Le traitant, J.-B. de Dommartin, trouve immédiatement des acquéreurs a Morlaix, Fougéres et Hennebont. Les offices de ces trois villes produisent 60,000 livres et les 2 sous pour livre. Dans le reste de la province, personne ne se présente. L’office est alors réuni aux communautés, avec ordre de payer la finance fixée par le Conseil (2), A savoir 1,500 livres Guingamp (3), 1,000 livres a Redon (4), et dans les autres villes & proportion. Le gouvernement ne réussit pas mieux & vendre le double office de procureur du roi syndic et de greffier secrétaire, créé par édit de juillet 1690. Cet office jette le trouble dans les communautés, qui ont déja un procureur syndic et un greffier et se demandent quelles seront les functions du procureur du roi syndic. Beaucoup demandent I'autorisation de réunir a leur corps le nouvel office. Le gouvernement se hate d’accorder aux unes et d'imposer aux autres cette faveur (5). Pour hater le payement, il leur permet soit de désunir les deux offices et de les vendre séparément, soit d’augmenter leurs octrois pour se pro- curer de l’argent (6). Il s’agit en effet pour elles de payer la finance arrétée par le Conseil, 16,000 livres & Nantes (7), 8,800 & Brest (8), 5,600, Landerneau (9), sans compter les 2 sous pour livre. On ne pouvait raisonnablement créer un procureur du roi sans lui adjoindre un substitut; un pareil oubli aurait été contraire a toutes les traditions. L'office de substitut est créé par édit de mars 1694. Aussitét les acquéreurs de l'office de procureur du (1) Arch, a’Mle-et-Vilaine, A. 8. — (2) Arch. du Croisic, BB. 6, — (8) Arch. de Guingamp, BB. 6, # 39 ter ve, — (4) Arch, de Redon, f° 15 1, — () Arch, du Croisic, BB. 6, f° 531°. — (6) Arch. de La 1691-1698, IL ve, — (7) Arch, de Nantes, BB. 59, fo 24 r¢.— (8) Arch, de Brest, 1704-1708, f» 95 ve, — (9) Arch. de Landermenn, 1691-1698, £9 1d ve, CREATION D’OFFICES MUNICIPAUX. 15 roi se plaignent que le nouvel office rend le leur inutile, les communautés qui ont réuni le premier office protestent que la eréation du second annule I'effet des sacrifices qu’elles se sont imposés pour se délivrer d’un membre embarrassant, que n’ayant pas de procureur du roi et n’en voulant point avoir, elles seront a la discrétion du substitut, qui envahira toutes leurs -séances. Un arrét du Conseil met fin aux réclamations en réunissant les deux offices de procureur du roi et de substitut. Les acquéreurs du premier office n’auront & verser pour le second que le cinquiéme de la finance qu’ils ont déja payée pour le premier et les 2 sous pour livre (1). En 1692 parait un édit qui, dans chaque communauté, crée un office de maire, des offices d’assesseurs en nombre proportionné aT'importance des villes, et un office de conseiller du roi, commis- saire aux revues et au logement des gens de guerre. En 1693 est établi dans chaque hétel de ville un office de premier huissier audiencier; en 1695 surgissent les offices de greffier présentateur des maisons de ville; en 1697, les offices de conseiller garde-scel. Le motif allégué pour la création de l'office de maire est la néces- sité de mettre fin aux cabules et aux abus de ]’administration municipale. Dans les villes qui ont déja un maire, malgré le soin avec lequel le gouvernement le choisit parmi les candidats présentés par le corps de ville, ]’élection des candidats suscite toujours des troubles et des intrigues. Les maires ménagent leurs partisans et leurs futurs successeurs et surchargent les autres habitants. Dans les villes qui n'ont pas de maire, les officiers de justice se disputent la présidence des communautés, Pour remédier A ces désordres, le roi crée, dans toutes les villes de son royaume, «en titre d’office formé et héréditaire, des maires « qui, n’étant pas redevables de leur charge au suffrage des particuliers, et n’ayant pas lieu d’appréhender leurs successeurs, exerceront leurs fonctions avec impartialité. » Ils présideront (2) Arch, d’Tile-et-Vilaine, A. 9 16 CREATION D'OFFICES MUNICIPAUX. le corps de ville, recevront le serment des officiers municipaux, allumeront les feux de joie, porteront la robe rouge et seront députés-nés de leur communauté aux Etats provinciaux. Is recevront des gages sur les octrois (1). Les assesseurs sont des officiers qui, recrutés parmi les plus notables bourgeois, « se rendant plus capables que les autres de remplir les charges et les fonctions d’échevin, par la connoissance qu’ils pourront acquérir des affaires communes, seront aussi plus en état de soulager les maires dans les affaires importantes (2). » Malgréles motifs spécieux allégués dans ]'édit de création, ]’éta- blissement des maires et des assesseurs n’a d'autre raison qu'un intérét fiscal. Pour attirer les acheteurs, on les dispense de I’obli- gation de préter serment devant le Parlement, « attendu que, se trouvant pour la plupart éloignés des villes ok siégent des Par- lements, ils n'y ont aucune habitude, ni connoissance qui puisse attester de leurs vie et moeurs, joint & cela qu’ils veulent se metire A couvert des sdjours qu’ils seroient obligés de faire dans les dites villes en attendant leur réception. » Pour Jeur permetire d'entrer plus vite en jouissance de leur office, défense est faite aux communautés de procéder a aucune élection avant que les offices de maire et assesseurs aient été levés. Pour les soustraire aux tracasseries des juges, mécontents de perdre leur ancienne influence sur les communautés, tous leurs procts sont enlevés aux juges de leur ressort et évoqués devant le plus prochain juge royal (3). En attendant que les offices soient levés, ils sont exercés par les commis du traitant. On s'apercoit bientét que ces commis « slopposent autant qu’ils peuvent a la vente des offices et se perpétuent dans la jouissance des exemptions et priviléges qui y sont attribués, ce qui porte un préjudice notable aux autres sujets de S. M. » Toutes les commissions délivrées par le traitant sont révoquées (4). On a peine d’abord & vendre les offices (2) Arch, d'llle-et-Vilaine, A. 9 — (2) Did, A. 6. > @B) Tidy AT. — @) Wid, A.» CREATION D’OFFICES MUNICIPAUX. 47 d’assesseur. Deux causes éloignent jes acquéreurs : l'absence de gages et une mauvaise interprétation d'un des articles de 'édit de 1692, qui semble ne leur accorder qu'une fois le titre d’échevin, ‘Une déclaration du roi leur confére le titre de conseillers du roi et leur attribue des gages sur les octrois (1). Un arrét du Conseil établit qu’ils seront échevins de droit aprés avoir Jevé leur office et pourront étre réélus aussi souvent qu’il leur plaira de briguer cet honneur (2). En somme, on finit par trouver des acquéreurs pour les offices de maire et d’assesseur. Le traitant n'a pas la peine d’en chercher pour 'office de premier huissier audiencier. En effet, les maires et autres officiers municipaux représentent que cet office « leur est préjudiciable et & plusieurs particuliers qui n’ont d'autres fonctions que celles attribuées auxdits offices de premier huissier; qu’ainsi il est de leur intérét, méme du bien du service des communautés, que ceux qui font les fonctions attribuées ” auxdits offices soient conservés et tellement dépendants des chefs desdites communautés, qu’ils puissent, quand bon leur semblera, les destituer et en mettre d’autres a leur place, parce que, sans cette autorité, ils ne pourroient se faire obéir et le service du public en souffriroit. » Sn conséquence, l'oflice de premier huissier audiencier est réuni aux communautés (3), qui regoivent aussitét la note a payer; 500 livres @ Quimper (4), 400 a Brest (5), 350 a Auray (6). A peine ont elles effectué ce payement, qu’on exige un supplément de finance : 150 livres & Brest (7) et & Quimper (8), 130 livres & Landerneau (9), 75 & Chateaubriant (10). Il est vrai que les communautés, devenues propriétaires de cet office, sont autorisées & le vendre au besoin. Plusieurs profitent de ceite faculté (11). (1) Arch, d’Ile-ct-Vilaine, A. 6. — @) Thid., A. 7. — (3) Arch, de Quimper, 1696-1702, f° 27 1°.— (4) Ibid, 1° 28 1°.— (5) Arch. de Brest, 1698-1701, f° 29 v2, — ) Arch, d’Auray, BB. 4, f 87 1°, — (7) Arch. de Brest, 1698-1701, f 62 vo, — @) Arch, de Quimper, 1696-1702, f 63 v%.-— (9) Arch. de Landerneau, 1699-1704, f 9 re. — (10) Arch. de Chfiteanbriant, BB, 2. — (11) Arch. de Saint-Brieuc, 1697-1699, f° 37 1°, 2 48 CREATION D’OFFICES MUNICIPAUX. Quant aux offices de greffier présentateur et de conseiller garde-scel, on ne cherche pas méme a les vendre; ils sont immédiatement réunis aux communautés, & des conditions léonines pour elles, La somme imposée a la ville a Auray est de 4,000 livres. La communauté représente & l'intendant que cette somme est exorbitante, que l’acquisition de ces offices, si elle parvenait & les vendre pour ménager ses finances, ruinerait les acheteurs; que, depuis T’établissement du droit de petit sceau, attribué 4 I'office de garde-scel, les délivrances des _délibérations n’ont produit que 25 sous d’émolument, qu’on ne peut en espérer plus de 30 sous dans les meilleures années; que Ja somme de 4,000 livres et les 2 sous pour livre est donc hors de proportion avec la valeur réelle des deux offices (1). La communauté finit par obtenir une diminution de 1,000 livres (2). Les villes qui n’obtiennent pas de dégrévement sont foreées de s'exécuter. Quand elles font trop attendre le’ payement, le traitant place des garnisaires chez le miseur (3). En mars 1694 parait un édit érigeant en titre d’offices formés et héréditaires les fonctions de colonel, major, capitaine et lieutenant de milice bourgeoise. En chaque ville ou sige un archevéque, un évéque, un bureau de finance ou un présidial, il y aura un colonel, un’ major, 8 capitaines, 9 lieutenants; dang les autres villes et bourgs fermés, un nombre d'officiers qui sera fixé par le Conseil. Le motif allégué pour la création de cette fournée d’offices est la nécessité de mettre fin aux cabales qu'engendre dans les communautés V’élection des officiers, et de discipliner la milice bourgeoise, qui sera dés lors assujettie A quatre jours au moins d’exercice par an (4). Pour hater la vente des offices, un arrét du Conseil révoque tous les officiers élus et leur substitue les commis du traitant (5). Cependant l'exécution de l’édit rencontre des difficultés impré- (2) Arch, d'Auray, BB. 5, f 5 re. — (2) Ibid, f 16 1, — (3) Arch. de Lan- derneau, 1699-1704, f° 4 ve, — (4) Arch, a’Ile-ct-Vilaine, A, 8, — (5) Arch, de Landerneau, 1693-1696, f 20 1°, CREATION D'OFFICES MUNICIPAUX. : 19 vues : les bourgeois, quand ils sont convoqués pour l’exercice ou les cérémonies publiques, restent chez eux (1); la finance exigée pour l’acquisition des offices parait trop forte et personne ne se présente pour les acheter (2). Le gouvernement finit par recourir 4 son expédient ordinaire : il réunit les offices de milice bourgeoise aux municipalités moyennant 330,000 livres et les 2 sous pour livre (3). Nous n’avons & nous occuper ni de I’édit d’aoft 1696, qui crée des offices de gouverneurs municipaux (4), ni de celui d'octobre 1699 qui crée les offices de police (5), parce que ces * offices n’ayant pas de gages sur les octrois et n'ayant pas été réunis aux communautés, n’ont qu'une influence insignifiante sur les budgets municipaux. Les seuls qui intéressent dans une certaine mesure les communautés sont les offices de commissaire de police, que quelques-unes rachéteront plus tard. Pour hater Ja vente des offices de gouverneur municipal, le gouvernement engage les villes a Jes acheter et & les réunir a leur corps, quand elles ont des fonds (6). En Bretagne on n’en trouve aucune qui soit dans ce cas. Les charges imposées aux communautés les mettent quelque- fois dans un cruel embarras, Sommées de payer rapidement au Trésor des taxes énormes, elles en sont réduites & chercher elles- mémes des expédients. Les grandes villes, qui ont des ressources abondantes et un crédit assuré, se tirent encore d’affaire. Un de leurs procédés les plus ordinaires, quand elles ont une lourde taxe & payer, est d’engager leurs octrois & qui pour moins d’années de jouissance leur avancera les fonds, en réservant une somme annuelle pour Jes dépenses courantes. Quand il s’agit de payer le don gratuit de 1689, les communautés de Rennes et de Nantes engagent leurs octrois, l'une pour quinze (7), l'autre pour vingt et un ans (8). En 1698, la ville de Brest engage les siens Q) Arch, d’Mle-et-Vilaine, A. (2) Arch, de Vannes, 1685-1694, 19 27 1°, —(B) Arch. de Landerneau, 1693-1696, f° 29 ro, — (4) Arch, d’'Ille-et-Vilaine, A, 10. — () Jbid., C. 574. — (6) Ibid., A. 12. — (7) Arch. de Rennes, 1689, f 38 ve, — (8) Arch, de Nantes, BB, 58, £9 21 1°, 20 CREATION D'OFFIGES MUNICIPAUX. pour douze ans et demi (1). Les petites villes cherchent d’abord & vendre les offices qu’on a réunis 4 leur corps, Rarement elles en retirent la finance qu’elles ont versée au Trésor. En 1695, la communauté de Saint-Pol-de-Léon est réduite 4 vendre au prix de 1,000 livres l’office de contréleur de ses octrois, pour lequel elle a payé 3,000 livres et les 2 sous pour livre (2). Quand elles ne réussissent pas & recruter des acheteurs, elles cherchent & contracter des emprunts, ce qui n'est pas toujours facile. En 1692, le fisc réclame a la ville de Montfort 1,942 livres pour les * deux offices de procureur du roi et de greffier. La ville n'a que 810 livres de revenu, dont 700 absorbées par les dépenses cou- rantes. La communauté envoie & Rennes trois délégués chargés @emprunter pour elle la somme dont elle a besoin. Elle ne trouve personne qui consente a engager ses capitaux dans une si scabreuse aventure (3). La communauté de Redon, dans les méme§ circonstances, ne réussit pas davantage & emprunter 4,400 livres auxquelles elle est imposée (4). La plupart des petites villes ne parviennent a aligner leur budget et a satisfaire aux exigences du fisc qu’en doublant ou triplant leurs ocirois. Encore n’y parviennent-elles pas toujours. Das l'année 1692 la communauté de Rhuis est tellement obérée, qu'elle ne peut ni emprunter, ni méme couvrir les frais qu’entraine le renouyelle- ment de ses octrois (5). Celle du Croisic, en 1692, renonce & V'entretien de ses pavés, faute d'argent (6). En 1697, elle doit 6,921 1, 10 s. 11 d. avancés par son miseur et se trouve en présence d'un déficit de 50 °/, pour l'année courante (7). Aprés la guerre de la Ligue d'Ausbourg, le gouvernement essaye de liquider cette situation désastreuse, de rétablir les finances municipales et méme de débarrasser les communautés de tous les offices dont il les a accablées. Il révoque l’arrét de (@) Arch, de Brest, 1698-1701, #° 2 1°, — (2) Arch, de Saint-Pol-de-Léon, 1694. 1702, f° 30 ve, — (8) Arch. de Montfort, BB, 7.— (4) Arch. de Redon, 1688- 1692, £2 11 ter ve, — (6) Arch. de Sarzeau, BB, 2, f° 72 1°, — (6) Arch. du Croisic, BB, 6, f° 59 v9, — (7) Idid., BB. 7, £19 ve. EXPEDIENTS FINANCIERS DE 1701 a 4715. of surséance qu'il leur a imposé en 1689 pour le payement de leurs * dettes (1). I] les invite & racheter les offices de maire (2). Mais au moment méme oh commence cette wuvre réparatrice, éclate une nouvelle guerre, plus longue et plus terrible, qui impose a I’Etat et aux communautés de plus lourds sacrifices. On pourrait croire que la fiscalité a épuisé tous les expédients dont elle dispose pour rangonner les villes. En réalité, l’expé- rience de la derniére guerre n'a fait que développer le génie des agents du fisc. La guerre de la Succession d’Espagne, loin de les décourager, ouvre un champ plus vaste & leurs ingénieuses combinaisons et leur permet de déployer & laise toutes les ressources de leur esprit inventif. Ils ne changent rien & leur ancien systéme en ce qui concerne les dons gratuits, les taxes sur les maisons, les créations d’impéts déguisés sous le nom de créations d’offices. Ce qu'ils perfectionnent surtout, c'est lexploitation des offices municipaux. Ils trouvent moyen d’en établir d'autres, oubliés pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg. En 1702, un édit établit & la fois des lieutenants de maire, des échevins et des concierges des hotels de ville (3). Les échevins en titre d’office doivent former la moitié du nombre total des échevins de chaque communauté. Ceux qui ne sont pas érigés en titre d’office restent provisoirement électifs (4). En 1709, on supprime les échevins électifs et on les remplace par une seconde fournée de magistrats dont les fonctions sont érigées en titre d'office (5). La méme année on adjoint au greffier des hétels de ville un contrdleur (6). En 1708, le gouvernement crée a la fois un office d’avocat du roi dans les corps de ville et un office de garde des archives (7). Ce n’était pas tout que de créer de nouveaux offices : n'y avait il pas moyen de tirer profit des anciens? Le probléme semblait difficile; on trouva moyen de le résoudre. On eut|’idée ingénieuse (1) Arch, d'Ille-et-Vilaine, A. 13. — (2) 1hid., A. HM. — (8) Arch. de Nantes, BB. 66, £2 88 ve, — (4) Arch, @’Ille-et-Vilaine, A. 18, — @) Ibid, A. 22 — (6). Idid., A. 18. — (7) Wid., C, 240. : 22 EXPEDIENTS FINANCIERS DE 1704 A 1715. de dédoubler tous les offices créés pendant la guerre de Ja Ligue d'Augsbourg. Ils avaient déja produit au Trésor une finance abondante; ils fournirent ainsi une nouvelle récolte. En 1702 parait un édit qui, sous prétexte que les travaux des maires et lieutenants de maire ont singulitrement augmenté depuis le commencement de la guerre actuelle, « que plusieurs d'entre eux sont pourvus d’autres offices qui les empéchent de remplir Jes fonctions de maires et de leurs lieutenants avec toute l’ap- Plication qu’ils doivent et les obligent souvent de s'absenter, » dédouble leurs offices. I] y aura dans chaque communauté deux maires et deux lieutenants de maire, l'un ancien mi-triennal, V'autre mi-triennal alternatif, exergant successivement pendant dix-huit mois. De leur finance ils recevront l'intérét au denier vingt, les deux tiers & titre de gages, un tiers a titre d’augmen- tation de gages. Leurs gages seront assignés sur le Tré il ne lour sera imposé aucune augmentation de gages (1). Un arrét du Conseil établit que les offices de maires et lieutenants de maire pourront étre cumulés avec d’autres, sans incompatibilité; que les titulaires recevront leurs pro- visions dés l’age de vingt ans; que, s’ils réunissent plusieurs offices, ils n’auront qu'un seul droit de mare d'or & payer; celui qui lévera deux offices 4 la fois, pourra les dédoubler et les vendre séparément (2). Les communautés n‘ont qu'un seul contréleur pour leurs deniers d'octroi et leurs deniers patrimoniaux. Elles ont bien deux receveurs, l'un ancien, l'autre alternatif mi-triennal, pour leurs deniers d'ociroi; mais elles n’en ont qu'un pour leurs deniers patrimoniaux. Il y ala des anomalies auxquelles il est urgent de pourvoir. Un édit de 1703 sépare le contréle des deniers patrimoniaux et des deniers d’octroi et crée pour chaque espdce de deniers deux offices de contréleurs, l’un ancien, l'autre mi-triennal alternatif (3). Un édit de 1704 dédouble loffice de Q) Arch, d'Mle-et-Vilaine, A. 21. — (2) Ibid, A. 22.— (8) Ibid, 0, 784. EXPEDIENTS FINANCIERS DE 1701 a 1715. 23 receveur des deniers patrimoniaux en deux offices, l'un ancien, autre mi-triennal alternatif(1), La méme opération est appliquée aux offices d’assesseurs et d’échevins, aux offices de greffier (2). On ne dédouble pas l’office de premier huissier audiencier, mais on crée un office de second huissier, ce qui revient & peu pres au méme (3). Quand on ne dédouble pas un office, on le rangonne, ou plutot on rangonne les communautés auxquelles il a été réuni. Un édit de 1706 abolit les offices de milice bourgeoise. Un édit de 1708 les rétablit en leur attribuant 58,000 livres de gages au denier 16 a répartir entre eux (4). Un édit de 1709 supprime les offices de receveurs des deniers d'octroi et les rétablit en leur imposant 200,000 livres de gages et 100,000 livres d’augmentations de gages A répartir entre eux. Il est inutile d’ajouter que tous out a verser au Trésor le capital de leurs gages (5). A poine créés, la plupart des offices sont immédiatement réunis aux communautés. A lire les édits de création, il semble qu'il n’y ait rien de plus utile que l’établissement de ces offices. Rien ne montre mieux la vanité des motifs allégués dans ces édits que les considérants des arréts du Conseil qui ordonnent la réunion aux corps de ville. On réunit donc aux communautés les offices de maire et lieutenant de maire mi-triennal alternatif (6), avocat du roi (7), échevins, assesseurs, méme les offices de second huissier audiencier (8) et de commissaire de police (9). L’office d’avocat du roi dans les hétels de ville produit & lui seul au Trésor 148,023 1. 6 s. 8d. et les 2 sous pour livre (10). L’office de garde des archives n'est pas immédiatement réuni aux communautés, Les rdles arrétés au Conseil en fixaient les prix pour la province de Bretagne 4 92,000 livres. Un spécula- teur hardi en achéte la propriété en avancant au Trésor la somme + (1) Arch. du Parlement, 30, f 129 12, — (2) Arch. d’Tlle-et-Vilaine, A. 24, — (@) Arch, de Rennes, 1710, f° 41 ve, — (4) Arch, de Nantes, BB. 69, f° 6 vo. — (6) Arch, d'Ille-et-Vilaine, 0. 784. — (6) bid., A. 18. — (7) Ibid. C, 240. — (8) Arch, de Josselin, BB, 8, f° 7 1°. — (9) Arch. de Nantes, BB, 67, fo 111 1° et 176 ve. — (10) Arch, @’Ille-¢t-Vilaine, C. 240, oh EXPEDIENTS FINANCIERS DE 1704 4 1715. fixée par le Conseil, et se charge de vendre en détail J’office dans chaque ville. Il réalise 4 Rennes un beau bénéfice; l’office de garde des archives de la communauté lui a cofité 1,500 livres, il Je vend 4,000 livres au sieur Palasne (1). Ce qui caractérise le miewx les progrés de la fiscalité depuis le traitéde Riswick, ce n’est pas seulement la création des nouveaux offices et le dédoublement des anciens, c'est surtout la merveilleuse variété des expédients au moyen desquels elle exploite les offices qu'elle a établis, Cette exploitation s’exerce principalement aux dépens des malheureuses communautés. A chaque instant elles ont quelque iaxe imprévue & payer. Un édit de 1707 attribue, moyennant finance, de nouveaux droits de quittance & tous les officiers comptables. Les: villes auxquelles ont été réunis les offices de receveurs et de contréleurs de deniers patrimoniaux et des deniers d’octroi, sont forcées de verser au Trésor la finance exigée en retour de ces nouveaux droits. Rennes en est pour 1,546 livres (2), Saint-Brieuc pour 165 (3), le Croisic pour 152 (4). Le gouvernement ne trouve jamais que le prix arrété par le Conseil pour la vente d’un office soit suffisant : t6t ou tard il exige un supplément de finance. La ville d’Auray paye 450 livres et les 2 sous pour livre comme supplément de finance de Yoffice inutile de garde-scel (5), Josselin 22 livres et les 2 sous pour livre (6). Aprés avoir réuni Jes offices au corps des commu- nautés, on les force de payer la confirmation de cette réunion. Rennes, en 1715, est taxée & 1,350 livres et les 2 sous pour livre « pour confirmation dans la possession de Y'office de con- seiller garde-scel uni a son corps (7). » Un expédient encore plus lucratif est la confirmation d’héré- dité. Bien que tous les offices soient érigés « par édit perpétuel et irrévocable en titres d’offices formés et héréditaires, » le (1) Arch, de Rennes, 1711, f° 40 12, — (2) Zbid., 1711, f° 19 1, — (8) Arch. de Saint-Brieuc, 1708-1711, f° 30 ve, — (4) Arch. du Croisic, BB. 9, f° 61 1°, — (6) Arch, d’Auray, BB. 8, f° 80 v. — (6) Arch. de Josselin, BB. 8, f° 20 re, — (7) Arch, de Rennes, 1715, £2 19 w, EXPEDIENTS FINANCIERS DE 1704 a 4745. 25 gouvernement ne se fait aucun scrupule d’exiger des titulaires des taxes pour la confirmation de I'hérédité. Un édit de 1701 déclare que les maires et assesseurs, en payant une taxe pour la confirmation de Vhérédité, garderont A perpétuité la jouissance de leur office, sans pouvoir en étre dépossédés contre remboursement par les communautés. Les titulaires de ces offices font la sourde oreille et ne payent pas. Un arrét du Conseil autorise les villes & racheter les offices des récalcitrants, & condition de payer Ja confirmation d'héré- dité (1), Au fond la menace est peu sérieuse, parce que les villes sont trop obérées pour rembourser les titulaires. Avec les communautés qui ont acquis des offices de maires et assesseurs, T'Etat garde moins de ménagement. On ne leur propose pas Ja confirmation d'hérédité, on la leur impose pour tous les offices réunis a leur corps. Il n'y a d’exception que pour les offices « dont elles ont obtenu la réunion & leur corps avec extinction, et suppression desdits offices et fonctions, gages et droits y attri- bués (2).> Comme elles ont déja payé pour obtenir cette extinction, on les laisse en repos. Mais pour les offices non éteints, qu’elles peuvent vendre ou faire exercer a leur profit, il n'est point d’année of elles ne regoivent quelque note a payer. En 1703, Ja communauté de Josselin regoit ordre de payer 250 livres et les 2 sous pour livre pour I’hérédité des offices de milice bourgeoise, 50 livres et les 2 sous pour livre pour I"hérédité de I'office de substitut du procureur du roi (3). Nantes paye 3,083 1. 6s. 8d. pour I'hérédité des offices de milice bourgeoise (4); Rennes 4,250 livres et les 2 sous pour livre pour les offices de milice bourgeoise, 583 1. 6 s. 8 d. et les 2 sous pour livre pour Yoffice de substitut du procureur du roi (5). En 1705, les diverses taxes réclamées a la communauté de Vannes s’élévent & 20,000 livres (6). Ces sortes de taxes se succddent d’année en (1) Arch, d’Ille-ct-Vilaine, A. 15. — (Q) Tbid., A. 17. — @) Arch. de Jos. selin, BB, 5, # & v°, — (4) Arch. de Nantes, BB. 66, f° 57 v°. — (5) Arch. de Rennes, 1704, #29 ve, — (6) Arch. de Vannes, BB, 9, £9 64 1°, 26 EXPEDIENTS FINANCIERS DE 1701 A 1745. année. Les taxes arriérées sont liquidées en bloc aprés Ja guerre, au moyen d'une augmentation du chiffre de la capitation. En réalité, les concessions d’hérédité ne sont jamais que con- ditionnelles, elles n'ont de valeur que moyennant le payement régulier du droit annuel ou paulette. Le droit qu’exige I’Etat pour la confirmation de I’hérédité est destiné a l’indemniser pour Yabandon qu'il fait de la paulette. Cette confirmation méme ne garantit aux possesseurs d’office que la jouissance viagtre et rien de plus (1). La paulette donne au Trésor un revenu régulier appréciable en temps de paix. Au milieu des besoins effrayants qu’entraine la guerre, Etat préfére A ce revenu annuel une forte somme une fois payée. Aussi un édit de 1709 force tous les titulaires d’offices de racheter la paulette en payant le huitiame du prix de leurs offices (2). De tous les expédients imaginés pour I'exploitation des offices, le plus fécond, le plus productif est dans les emprunts forcés appelés augmentations de gages. Par la, le gouvernement impose aux acquéreurs des titres de rente dont ils ont & fournir le capital. Ces rentes, acquises par eux a leur corps défendant, peuvent étre détachées de leur office et vendues, en tout ou en partie, méme & des étrangers. Pour payer le capital, Tes posses- seurs d'offices peuvent emprunter avec hypothéque sur leurs titres de rente (3). En 1701, paratt un édit qui impose & tous les titulaires d’offices 500,000 livres de rente au denier 18 a répartir entre eux (4). Un second édit, en 1702, leur attribue 800,000 livres de rente au denier 16. Un troisiéme édit, en 1703, crée 300,000 livres de rente au denier 16 & partager entre les officiers de justice, police et finance. Jusqu’a présent, les officiers municipaux n'ont pas été spécialement atteints. Cependant, « par Je crédit que leur donnent leurs charges, les revenus qui y sont attachés et les gages dont ils jouissent, ils sont plus en état qu’aucuns autres de fournir des secours au roi. >» Un édit de 2) Arch. d'Ille-et-Vilaine, A. 18. — (2) Thid., A. 15, — (8) Ibid, A. 17. — CH) Dbid., A. 15, EXPEDIENTS FINANCIERS DE 1701 a 4715. 7 1703 leur attribue 300,000 livres de rente & partager entre eux (1). Comme la plupart des offices municipaux ont été réunis aux communautés, c’est sur elles que retombe la plus lourde part du fardeau. En énumérant les officiers compris dans cette distribution, l’édit a,oublié les lieutenants de maire, échevins, assesseurs, huissiers, concierges des hétels de ville; une décla- ration du roi répare cette omission (2). La répartition est > d’ailleurs faite par les intendants avec toute I’équité possible, en prenant pour base la finance des offices. A Rennes, 333 livres de rente et 5,334 livres de capital sont attribuées a V’office de procureur du roi; 166 1. 13 s. de rente et 2,667 livres de capital au greffier (3). La communauté de Brest ne paye que 1,867 livres pour I'oflice de procureur du roi et 1,067 pour celui de greffier (4). Auray paye 500 livres pour l'office de con- troleur des octrois, 267 livres pour celui de substitut (5). La communauté de Moncontour essaye de parlementer; ]"intendant lui signifie s’chement « qu'elle ne peut se dispenser d’acquérir les augmentations de gages (6). > Les possesseurs d'offices de milice bourgeoise‘sont l'objet d'une faveur spéciale : un édit de 1704 leur attribue 35,000 livres d’augmentation de gages au denier 16 (7). Les malheureux ne se pressent pas de payer, le traitant obtient un arrét du Conseil qui supprime les priviléges des récalcitrants (8). Les officiers municipaux suivent eux-mémes ce déplorable exemple, sous prétexte qu’on leur réclame des taxes exorbitantes. « Ces pré- tentions, quoique mal fondées, retardent le payement. » Une déclaration du roi, en 1708, les met & Ja raison (9). Parmi les offices municipaux, ceux des comptables sont réellement avan- tageux pour les titulaires, 4 cause des taxations dont ils jouissent. Le gouvernement leur témoigne des égards propor- (2) Arch, 4’lle-et-Vilaine, A. 17. — (2) Tid, A. 21, — (8) Arch. de Rennes, 1705, f° 7 1°, — (4) Arch. de Brest, 1704-1708, fo 73 10. — (5) Arch. d’Auray, BB. 5, f9 11 1, — (6) Arch. de Moncontour, 1708-1714, — (7) Arch. d’Ille- ot-Vilaine, A. 18, —~ (8) Zbid., A. 20, — (9) Ibid., A. 23. 28 CREATION D’OFFICES DANS LES PAROISSES. tionnés a leurs profits. On leur impose, en 1709, 500,000 livres d’augmentation de gage au denier 16 (1), en 1712, 200,000 livres au denier 20 (2). Ces emprunts forcés, qu’explique la détresse du Trésor, seraient jusqu’a un certain point excusables, si le service des rentes était régulier et assuré. Mais, pendant la désastreuse année 1709, 1'Btat ne paye que la moitié des arrérages auxquels il est obligd. En 1710, toutes les rentes, toutes Jes augmentations de gages émises au denier 16 ou au denier 18, sont réduites au denier 20(3). C'est une perte assez forte pour les particuliers. Quant aux rentes dues aux communautés, elles ne sont jamais payées (4). Pendant toute la période de 1689 & 1715 que nous venons de parcourir, les paroisses ont di subir des charges analogues & celles des villes. Elles n’ont pas de dons gratuits payer; mais Jes bourgs sont assujettis & la taxe des maisons. Les grosses paroisses rurales, qui ont le dangereux honneur de posséder une milice bourgeoise, sont pourvues d’ofliciers en titre pour cette milice, et forcées de payer pour leurs offices des confirmations d'hérédité et des augmentations de gages (). Les généraux tiennent trop au droit d’élire leurs officiers de milice pour y renoncer. Ils ne manquent jamais de réunir a leur corps les offices dont on les gratifie. Les uns les payent au moyen d’une surtaxe ajoutée & la capitation (6); les autres prennent l'argent nécessaire dans Jes coffres de la fabrique (7). Enfin on crée des offices paroissiaux, aussi bien que des offices municipaax. Parmi les offices paroissiaux, les uns n'ont pour gages et émoluments que les profits qui leur sont attribués pour l'exercice de leurs fonctions. Tels sont les jur'és crieurs des enter- rements, les contrdleurs des bans de mariage, les greffiers gardes-conservateurs des registres de baptéme, mariage et sépul- @) Arch, d’'Mle-et-Vilaine, A. 24. — (2) Tbid., A. 27, — (3) Idid., A. 25. — — @ Arch; de Redon, 1701-1704, f° 31 1°. — (6) Arch. de Pontchateau, 1701- 1727, f 11 1°, — (6) Arch. d'Ille-et-Vilaine, Antrain. — (7) Arch. de Pont- chfiteau, 1691-1701, f° 25 ve, CREATION D’OFFICES DANS LES PAROISSES. 29 ture, les trésoriers des fabriques. Les jurés crieurs d’enterrement, créés en 1690, avec monopole pour la fourniture des pompes funbbres, ne sont établis.que dans les villes et les gros bourgs (1). Leur monopole mécontente les fabriques qui tirent profit de li fourniture des draps et tentures fundbres, les hdpitaux qui perdent ainsi la fourniture des pleureurs, les communautés qui ont leur crieur public attitré. Le traitant Beaufort, qui a avancé 200,000 livres pour la vente de cet office en Bretagne, rencontre tant d'obstacles, qu'il fait résilier son bail (2). Les offices non vendus sont réunis aux fabriques et aux communautés (3), et payés moitié par les villes, moitié par les paroisses (4). En général, les hépitaux acquidrent la jouissance de cet office, soit par achat (5), soit par donation des villes (6) ou des particuliers (7), ce qui n’empéche pas le fisc de les pressurer comme les autres possesseurs d'offices (8). La seule ville ob office reste au pouvoir d'un particulier est Vitré, ott, en 1786, il appartient encore a la yeuve Campy (9). Les’ greffiers conservateurs des registres de baptéme, mariage et sépulture sont créés en 1691 (10), les conservateurs des bans de mariage en 1697 (11). Il parait que ce sont des offices Jucratifs; aussi un édit de 1712 leur impose une augmentation de gages au denier 80 (12). Les irésoriers receveurs et payeurs des revenus des fabriques, créés en 1704, regoivent 43,750 livres de gages & partager entre eux, et 1 sou pour livre de taxation sur les revenus des fabriques et confrairies (13). Cet office est si mal accueilli des curés et des fabriques, que le traitant renonce a l'espoir de le vendre et le fait réunir aux fabriques (14). Un arrét du Conseil en régle la finance, pour toute la province, a 25,000 livres et les 2 sous (1) Arch. a'Me-et-Vilaine, A. 4. — (2) Arch. de Quintin, 11, f° 36 ve, — @) Arch. de Moncontour, 1693-1695, f° 8 1°. — (4) Arch. de Redon, 1692-1696, £28 ve, — (5) Arch, d'Mlle-et-Vilaine, C. 2718, #2 89 1. — (6) Arch. de Cha teaubriant, BB, 2. — (7) Arch. dle Saint-Pol-de-Tiéon, 1694-1703, f 24 re, — (S) Arch. de Josselin, BB. 3, £10 ve, — (9) Arch. .de Vitré, D, 13, & 74 v2, — (10) Arch. d’Ille-ct-Vilaine, A. 15, — (11) Ibid, A. 16, — (12) Did, A. 26, = (18) Ibid, A. 18. — (14) Tbid., A. 20. 30 DETRESSE DES COMMUNAUTES. pour livre. Cette somme est répartie entre les paroisses, avec autorisation d'emprunter pour payer. A Rennes, la paroisse Saint-Germain est taxée 4 400 livres, Toussaints 4 350, Saint- Laurent & 50. Parmi les paroisses rurales, la plus forte taxe est de 50 livres, imposées 4 Melesse et a Bazouges-la-Pérouse; la plus faible est de 8 livres imposées A Moigné (1). Les autres offices paroissiaux pergoivent des droits qui se levent avec les fouages. Le plus important de tous est celui de syndic perpétuel, créé en 1702, avec 5,000 livres de gages sur Je Trésor, dans les paroisses non fouageres, et 6 deniers pour livre sur les fouages dans les paroisses fouagares. Les seigneurs sont autorisés & le lever et ale faire gérer en leur nom. A cause des pri- vilages attachés a cet office, le traitant trouve facilement des ac- quéreurs. Dans la plupart des villes surgissent aussit6t des conflits entre les syndics et le maire. Pour y metire fin, le gouvernement réunit Voffice de syndic aux communautés (2). Dans les paroisses rurales, le prix de cet office est assez élevé. A Saint-Servan, il est adjugé pour 4,000 livres au sieur du Pignon-Vert, qui en faitdon au général (3). Un grand nombre de généraux réunissent cet office & leur corps et en payent Ja finance soit au moyen d’un emprunt ou d'une imposition (4), soit en puisant dans les coffres de Ja fabrique (5). Comme les différents offices créés sur les fouages et rachetés plus tard par la province, l’office de syndic est onéreux pour les contribuables, mais il ne gréve pas le budget de la paroisse, attendu que ce budget n’existe pas. En somme, le plus lourd fardeau est celui qui pese sur les communautés. A chaque instant elles regoivent des sommations pour le payement des taxes imposées sur les offices municipaux. Elles ont beau faire connaftre leur déiresse et demander une « modération » des exigences du fisc, les traitants n’aiment pas & attendre. Ils commencent par verbaliser; si les exploits des ) Arch, d'Me-et-Vilaine, ©. 1135.— (2) Tbid., C. 138. — (3) Arch. de Saint Servan, BB. 3, f 18 1, — (4) Arch. de Pontchiteau, 1707-1727, # 12 vo, — (@) Arch, de Goulven, 1710, DETRESSE DES COMMUNAUTES. 3L huissiers restent infructueux, ils lancent des garnisaires ou font saisir les meubles des officiers municipaux. En 1706, & Montfort, ils font saisir & la fois les meubles du miseur, du procureur du roi et du substitut (1). Ea 1712, ils font saisir ceux du greffier de Saint-Brieuc (2). En 1713, ils font saisir & la fois le pro- cureur du roi et Je greffier de la communauté de Vannes (3). En général, dés qu’une ville tarde & verser les taxes imposées sur un office, le traitant frappe celui qui exerce cet office. Si cette exécution ne suffit pas, il frappe un certain nombre de notables. En 1708, six notables de Hennebont sont exécutés pour le payement d'une somme de 2,200 livres due par la commu- nauté (4). En 1710, 4 Moncontour survient une véritable pluie de contraintes pour une malheureuse somme de 500 livres et les 2 sous pour livre (5). Les communautés sont foreses de tout sacrifier au payement des taxes qu’on leur impose et qui souvent excedent leurs revyenus. Dés l'année 1703, la communauté de Moncontour ne peut plus ni payer ses dettes, ni entreprendre aucune réparation. « Notre fontaine ne donne point, par le défaut de rétablissement Gicelle, disent les échevins; Jes portes ne sont plus pavées, Varrivée de notre ville tombe en ruine et devient inaccessible, les charrettes et chevaux n'y peuvent entrer qu’a peine (6). > A Lesneven, en 1704, l'avenue des chemins qui ménent a Morlaix et & Landerneau est entisrement dégradée, « le pavé est défait, de sorte que, si on laisse passer I’été sans rétablir cing A six mauvais endroits qui la rendent inaccessible en hiver & pied et & cheval, on sera obligé d’abandonner le commerce dans ladite saison (7), » La communauté de Redon constate tristement en 1710 que, ¢ faute de fonds, on n’a pu faire depuis quatre, ans aucuns baux de réparation des avenues et du quai, @) Areb, de Montfort, BB. 12, f° 10 1, — (2) Arch. de Saint-Brieue, 1711-1714, f9 93 1, — (8) Arch, de Vannes, BB. 11, f 1 re. — (4) Arch. de Hennebont, BB, 10, f2 82 1, — (6) Arch. de Moncontonr, 1708-1711, fo 23 1%, — (6) Did, 1701-1708, f° 84 1°, — (7) Arch, de Lesneven, 1704-1708, fe 4 r°, 32 DETRESSE DES COMMUNAUTES. lequel quai est en tres mauvais état, dont la plus grande partis des murailles sont-crevées (1). » A Chateaubriant, on reste vingt ans sans pouvoir faire aux payés la moindre réparation, «en sorte que les avenues de la ville sont impraticables & pied, & cheval et en voiture. Il se trouve plus de charge actuelle sur les deniers d’octroi qu’ils ne se montent, en sorte que la ville augmente tous les ans ses dettes, au lieu de recevoir du soula- gement des deniers publics (2). » En 1714, la ville du Croisic, dont les reyenus s’élévent & 5,200 livres, doit 20,659 livres de capital et cing années d'intérét (3). Bien des communautés doivent 4 leur miseur des sommes considérables : 1,354 livres & Ploérmel (4), 6,896 livres 4 Saint-Brieuc (5). Une autre cause contribue encore A grever les budgets muni- cipaux, ce sont les brusques changements de valeur des monnaies opérés par le gouvernement dans les moments de détresse. En 1710, un arrét du Conseil ordonne une diminution de 10 °/, dans la valeur des pidces d’argent versées en payement au Trésor. C'est une véritable augmentation de taxe qu’'impose VEtat sur toutes ses recettes (6). Des qu’il survient une mesure de ce genre, les fermiers des octrois et les miseurs se hAtent de faire constater I’état de leur caisse et Je montant de la perte qu'ils subissent, perte qui retombe sur Jes communautés (7). La communauté de Brest,,en 1710, perd ainsi 1,533 1. 11s. 6d sur ses octrois (8). La ville la plus rudement éprouvée est Saint-Malo. Aux charges qui lui sont communes avec les autres villes de la province, elle en joint d'autres qui lui sont particulitres. Elle posséde un privilége auquel elle tient beaucoup, celui de se défendre elle-méme. Mais en méme temps, elle est seule chargée de l’armement et de !’entretien de ses remparts. Elle est forcée, (1) Arch, de Redon, 1708-1787. — (2) Arch, de Chateaubriant, BB. 4. — (@) Areh. du Croisic, BB. 9, # 112 1, — (4) Arch. de Ploérmel, BB. — () Arch. de Saint-Brieuc, 1708-1711, fe 4 ve, — (6) Arch. de Qt £9 25 1, — (7) Ibid., BB. 18, # 27 1, — (8) Arch, de Brest, 1708-1711, f 121 ve, DETRESSE DES COMMUNAUTES. 33 en 1691, de dépenser 72,000 livres pour achat de munitions (1), 250,000 livres en 1692 pour réparer ses fortifications (2). Elle ne se procure les fonds nécessaires qu’au moyen d'un emprunt au denier 14, Les sacrifices qui lui sont imposés sont d’autant plus onéreux, que Ja guerre a souvent pour elle des conséquences désastreuses. Quoique ses corsaires fassent beaucoup de mal a l’ennemi, elle perd, de 1689-8 1695, soixante-dix-sept navires, dune valeur totale de quatre millions (3). Elle est encore plus maltraitée pendant la guerre de la Succession d’Espagine. Malgré la situation lamentable de la plupart des communauiés, celle de Nantes résiste aux assauts livrés a ses finances. En prolongeant le contrat d'engagement de ses octrois, elle se procure des fonds pour relever ou racheter méme les offices dont on ne lui impose pas la réunion (4). Celle de Rennes échappe & bien des embarras au moyen d'un emprunt de 145,028 livres en 1707 (8). Celle de Quintin fait assez longtemps face & l'orage. Quintin est alors une ville trés florissante de 5,025 habitants (6). En 1692, quand l’intendant invite la communauté a chercher les moyens de payer ou de vendre les offices de procureur du roi et de secrétaire, elle répond fidrement « qu’elle a des fonds plus que suffisants pour le payement desdites charges (7). » En 1700, elle rachéte sans hésiter office de maire (8). Mais la guerre ruine le commerce et paralyse l'industrie, qui n’a plus de débouchés. Das J'année 1703, la misére devient extréme a Quintin et la commu- nauté se trouve bientdt aussi embarrassée que les autres (9). Epuisées par les exigences du fisc, les communantés essayent de- vendre les offices dont on les a dotées; elles les font bannir aux environs et les metient & l'enchére. La plupart du temps tous leurs efforts sont inutiles. Hn 1705, la communauté de Vannes met en vente trente-cing offices a la fois (10) : il ne se (2) Arch. de Saint-Malo, BB. 15. — (2) bid., BB. 16, #° 23 v9. — (8) Zbid., BB. 16 bis, f° 11 1. — (4) Areh. de Nantes, BB, 68, f° 93 16. — (6) Areh. de Rennes, 1707, f° 9 ve, — (6) Arch. de Quintin, BB. 17, fo 48 1. — (7) Did, BB, 11, # 22 1°. — (8) 2bid,, BB. 15, f° 14 1°, — (9) Ibid, BB. 16, £9 17 19, — (10) Arch. de Vannes, BB. 9, £9 67 v°, 3 34 DETRESSE DES COMMUNAUTES. présente qu’un acquéreur, qui brigue un des offices de lieutenant de maire, dont il offre un prix dérisoire, La communauté ne peut se résoudre & le lui adjuger (1). La communauté du Croisic recule de méme dans une occasion analogue et refuse de vendre a vil prix l'office de procureur du roi qu’elle a payé 3,522 livres et les 2 sous pour livre (2). Les communautés qui cherchent & aliéner leurs offices, n’en retirent jamais Ja finance qu’elles ont vers¢e au Trésor. Elles ne se résignent & les adjuger que lorsqu’elles sont absolument sans ressource, C'est toujours une bonne affaire pour les acquéreurs, Ainsi, le sieur Laigle de Runescop, qui achtte en 1700, au prix de 1,100 livres, l'office de premier huissier audiencier de Landerneau, le revend bientdt 1,500 livres (3). Cependant les spéculateurs de cette espéce sont rares, parce que les capitaux-se cachent ou font défaut. Les communautés ne tirent donc en général aucun profit de la vente des offices. . Pendant la guerre de la Succession d’Espagne comme pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, leur seule ressource efficace est Vaugmentation de leurs octrois. Aussitdt aprés le traité d’Utrecht, Je gouvernement cherche & fournir aux villes les moyens de rétablir leur ancienne cons- tution et de relever leurs finances. Pour les débarrasser de ce qu’elles peuvent encore devoir au Trésor & cause des derniers édits bursaux, Vintendant l'ajoute au principal de la capitation pour l'année 1714 (4). C’est une surtaxe de 5,857 1. 2s, 8 d. & Vannes (5), de 3,093 1. 1 s. 6d. & Landerneau (6). On invite les communautés & faire liquider les gages arriérés qui leur sont dus par le Trésor, mais elles ont & subir une réduction au denier 25 (7). On les autorise & emprunter au denier 20, afin de rembourser les emprunts onéreux qu’elles ont contractés pendant la guerre au denier 18, quelquefois méme au denier 16 et au (2) Arch. de Vannes, f° 68 ve, — (2) Arch, du Croisic, BB. 7, f° 116 1°, — (8) Arch, d’Ille-et-Vilaine, C, 628, — (4) Arch. de Morlaix, 1710-1714, f 102 1, — () Arch. de Vannes, BB. 10, f° 94 1°, — (6) Arch. de Landerneau, 1706-1714, £0 129 xe, — (7) Arch. de Lesneven, 1705-1719, f° 82 v9, LIQUIDATION, 35, denier 14 (1). Elles se hatent de profiter de cette autorisation. La communauté de Nantes trouve méme de }'argent au denier 22, mais comme elle connait la puissance du crédit et la nécessité de le ménager, elle a des égards pour ses créanciers, elle les invite a choisir entre le remboursement et la réduction au denier 22 (2). Le total de ses dettes s’éléve en 1718 4 346,517 livres, dont 105,920 au denier 16 et 240,597 au denier 18 (3). Aprés quelques hésitations, tous les créanciers acceptent Ja réduction (4), ce qui procure a la ville un bénéfice annuel de 2,660 1. 13 s. Bien des villes, qui ont engagé pour plusieurs années Jeurs octrois & des conditions usuraires, demandent a résilier ces marchés onéreux (5). Un arrét du Conseil les y autorise aussitét (6). Aux commu- nautés qui ne sollicitent pas cette résiliation, on impose (7). Grace a ces mesures réparatrices, les villes parviennent 4 rétablir en partie leurs finances, tout en restant chargées des dettes et des augmentations d’octroi qu’elles ont subies pendant la guerre. En méme temps, le gouvernement les invite 4 se débarrasser des offices dont il les a gratifiées. Un édit de septembre 1714, « perpétuel et irrévocable, » supprime tous les offices municipaux qui restent a vendre, permet aux commu- nautés de rembourser ceux qui ont été vendus, abolit d’une manidre générale tous les offices créés sur les villes « sans qu’ils puissent jamais étre rétablis, » et rend aux communautés leurs anciens droits électoraux (8). En communiquant cet édit aux communautés, ]’intendant les presse de s'y conformer et de rembourser les acquéreurs d’olfices municipaux (9). Le maréchal d'Estrées, commandant militaire en Bretagne, tient le méme langage dans une lettre a la communauté de Nantes (10). Un arrét du Conseil du 16 aofit 1715, défend aux possesseurs offices d’assister aux séances ot les communauiés discuteront (A) Arch, de Landerneau, 1714-1720, £9 56 1°. — (2) Arch, de Nantes, BB. 72, £ 89 1°, — (8) Tbid., f° 90 1°. — (4) Zdid., fe 110 et seg. — (5) Tbid., BB. 70, i939 1. — (6) Zdid., 2 123 ve. — (7) Arch. d'Mle-ct-Vilaine, ©. 15. — (8) Arch. de Brest, 1711-1716, £ 100 1°, — (9) Arch, de Morlaix, 1714-1717, £227 1°, — (10) Arch, dle Nantes, BB. 70, £ 128 ve, 36 SYSTEME DE LAW. la question de leur remboursement (1). La plupart des villes’ se hAtent de liquider leurs offices. L’opération est assez onéreuse, parce qu'il faut payer, outre la finance principale, les frais et loyaux coiits, c’est-a-dire les 2 sous pour livre, le mare d’or, les taxes d’hérédité, les augmentations de gages. A Nantes, l'office de maire ancien, avec une finance principale de 54,500 livres, revient 4 85,213 1. 15 s, (2). Celui de miseur, avec une finance principale de 45,500 livres, revient & 76,606 1. 4s. 10 d. (3). La communauté, en rachetant cet office, fait d’ailleurs une excellente spéculation, car les taxations et gages du miseur s'élevaient & plus de 6,000 livres (4). En 1717, la liquidation et le remboursement des offices municipaux paraissent tellement avancés, qu’un édit rétablit toutes les anciennes constitutions municipales, telles qu’elles fonctionnaient avant 1690 (5). La liquidation des embarras causés par les dernigres guerres semble achevée, quand survient la débacle du systme de Law. Ce systéme trouble profondément les finances des villes, des paroisses, des hépitaux, et en général de toutes les corporations. Une bonne partie des payements se sont faits en billets de banque. Au moment de la débicle, en 1720, que faire de ces billets? Les communautés regoivent ordre de les expédier au contréleur général, dans les bureaux duquel ils seront convertis en rentes sur |’Hétel-de-Ville (6). Comme I’Btat réduit toutes ses rentes au denier 50, il en résulte une perte énorme pour les yilles, les paroisses et les provinces. Pour Jes dédommager, le gouvernement leur impose une banqueroute semblable a la sienne et réduit l'intérét de toutes leurs dettes au denier 50 (7). Cette opération permet aux villes d’aligner sans peine leur budget aux dépens de leurs créanciers. Les possesseurs d’offices supprimés sont atteints comme les autres créanciers. En échange de leurs (1) Areh, de Brest, 1711-1716, f 113 ve, — (2) La Nicolliére, le Livre dové, t. 1, p. 0. — (8) Arch, de Nantes, BB. 72, f° 26 ve, — (4) Ibid., BB. 71, f 185 1°, — (5) Arch. d’lle-et-Vilaine, C. 238. — (6) Arch. de Saint-Brieuc, 1719-1722, f° 17 1°. — (7) Arch, A’'IMe-et-Vilaine, C. 237: SYSTEME DE LAW. 37 titres, I'Btat leur délivre des billets de liquidation portant intérét au denier 50 (1). Billets de liquidation, billets de banque affluent au Trésor, pour étre convertis en titres de rente au denier 50. Le gou- vernement s’effraye de cette affluence et cherche les moyens de liquider la situation au meilleur marché possible. Il s’agit d'émettre le moins de rentes qu'on pourra en détruisant le plus grand nombre possible de billets. Le gouvernement, pour résoudre ce probléme, ne trouve pas de meilleur expédient que de rétablir en 1722 les offices municipaux abolis en 1714 par édit perpétuel et irrévocable. Un édit du mois d’aodt les rétablit done en déclarant que I'Etat, en payement de ces offices, ne recevra que des rentes sur I’Hétel-de-Ville, des rentes provin- ciales, ou des billets de liquidation d’offices supprimés et autres dettes de I’Etat. L'édit, d’ailleurs, déclare hautement que Je seul but de cette mesure est de supprimer une partie des titres, pour dégrever le Trésor (2). Les acquéreurs d’offices recevront, comme gages assignés sur les octrois, Vintérét de leur finance au denier 50. Ils seront assujettis au payement de la paulette. Le gouvernement invite fortement les villes 4 acquérir en bloc tous les nouveaux offices. Elles peuvent consacrer a cette acquisition Jes titres de rente et les billets de liquidation dont elles disposent, sauf & en acheter, si elles n’en ont pas en qualité suffisante. Elles seront ainsi dispensées du payement des gages assignés & ces offices. Pour le payement de la paulette et des droits de mutation, elles donneront au roi « un homme vivant, mourant et confis- quant, » titulaire nominal des offices, 8 la mort duquel seront dus Jes droits de mutation (3). En un mot, I’Etat rejette sur les villes une bonne partie du fardeau de la dette publique, notam- ment toutes les charges que pourrait imposer au Trésor la liqui- dation des offices municipaux eréés de 1689 & 1715. Tout en les (1) Arch, de Rennes, 1723, f° 4 1, — (2) Arch, d’Tlle-et-Vilaine, C. 238, — 3) Wid, C. 16, 38 SYSTEME DE LAW. poussant au rachat des nouveaux offices, i] se réserve les droits « casuels, > c’est-a-dire la paulette et Jes droits de mutation. Les communautés de Nantes et de Morlaix se hdtent d’ac~ quérir les nouveaux offices. Celle de Nantes verse au Trésor un capital nominal de 1,069,420 livres. Pour se procurer les billets et les titres qui lui manquent, elle contracte un emprunt de 235,000 livres (1). La finance a laquelle sont évalués les autres offices de la province est fixée d’abord a 5,584,750 livres, puis modérée & 2,436,200 livres, avec 48,724 livres de gages sur les octrois. Pour Je payement de ces gages, le roi accorde aux villes de nouveaux octrois (2). La plupart des communautés hésitent & suivre ]’exemple de Nantes et de Morlaix; elles sont partagées entre le désir de conserver leurs droits électoraux et la crainte de grever de nouveau leur budget. Celle de Concarneau refuse nettement de faire aucun sacrifice pour le rachat des offices municipaux (3). Sur ces entrefaites, le gouvernement s'apergoit que la liquidation du systéme de Law est terminée, que les résultats sont meilleurs et la situation moins sombre qu'on n’avait supposé d’abord, enfin que le chiffre de la dette consolidée n’a rien d'écrasant. Un édit de juillet 1724 abolit encore une fois les offices muni- cipaux rétablis en 1722, rembourse Ia finance regue des acquéreurs et la convertit en rentes au denier 50. Enfin il rend aux villes la liberté d’élire leurs magistrats et diminue les octrois créés pour le payement des gages de ces offices (4). L'année suivante le gouvernement regrette la générosité “dont il a fait preuve & I'égard des villes, en prenant A son compte et en convertissant en rentes sar le Trésor les bons de liquidation qui représentaient la valeur des anciens offices. I] y aurait eu scandale a rétablir les offices supprimés un an auparavant. On se borne au rétablissement des offices de rece- 2) Arch, de Nantes, BB. 77, £9 931°, ~ (2) Arch, d’Tlle-et-Vilaine, C. 238. — (8) Arch, de Concarneau, 1720-1731, f° 11 bis r°, — (4) Arch, d'Tlle-et-Vilaine, C, 238, SYSTEME DE LAW. 39 veurs et contréleurs des deniers municipaux. Un édit de juillet 1725 abolit tous les offices de ce genre créés a diverses époques et institue & leur place, dans chaque communauté, deux offices de receveurs alternatifs et deux offices de contréleurs alternatifs des deniers d'octroi, deux offices de receveurs et deux de contrdleurs des deniers patrimoniaux, en attribuant comme taxations, pendant leur exercice, 2 sous pour livre aux receveurs des deniers d'octroi, 16 deniers pour livre aux receveurs des deniers patrimoniaux, et 1 sou pour livre aux contréleurs, sur les deniers de leur maniement. La finance de ces offices sera payée moitié en argent comptant, moitié en assignations sur la finance des offices remboursés, avec les 2 sous pour livre en sus (1). Le gouvernement engage fortement les communautés & acquérir et & réunir & leur corps les nouveaux offices, Mais fatiguées de se voir sans cesse rangonnées et pressurées, elles repoussent les conseils de ]’administration. La communauté de Saint-Malo déclare « qu'elle n'a aucun fonds et qu’elle est hors d'état d'acquérir lesdits offices (2). » Celle de Nantes répond aigrement que, loin d’ayoir des fonds libres, elle a & peine de quoi couvrir ses dépenses ordinaires, « que dailleurs elle n'est point payée des arrérages qui lui sont dus & cause de la suppression des offices municipaux créés en 1722 et supprimés depuis (3). » Les offices de miseurs et contréleurs eréés en 1725 sont done levés par des particuliers. Le produit total est de 521,985 livres et les 2 sous pour livre (4). Grace a leurs taxations, les acquéreurs retirent généralement l’intérét de leur finance au denier 12 et méme quelquefois au de- nier 10 (5). Ces offices cependant ne sont pas levés dans toutes les villes. A partir de 1724, les communautés de Bretagne reprennent pour quelques années leur organisation primitive. Les séances (2) Arch. d’llle-et-Vilaine, C. 784.— (2) Arch. de Saint-Malo, BB. 25, f° 260°, — (3) Arch. de Nantes, BB, 78, f° 159 ve, — (4) Arch, d’Mlle-et-Vilaine, ©. 787. — 6) Wid, . 783. : i 40 NOUVELLES CREATIONS D’OFFICES MUNICIPAUX. sont présidées-par les officiers de justice, sauf dans les quatre villes qui, en vertu d’ordonnances du XVI° siécle, ont un maire leur téte. Dans les autres villes, le procureur syndic s'arroge assez souvent le titre de maire; mais & la moindre contestation, Vintendant ou le gouverneur de la province lui rappelle sévérement que ce titre ne lui appartient pas. Quand éclate en 1738 la guerre de la Succession de Pologne, le gouvernement songe aussitét & batire monnaie aux dépens des communautés. Un édit de novembre 1733 rétablit les offices municipaux abolis en 1724, La finance en doit tre payée un tiers en argent, un tiers en titres de rentes sur I’Hotel de Ville, un tiers en titres de rentes sur les tailles. Les acquéreurs recevront A titre de gages V'intérdt de leur finance & raison de 3 0/0. Ces gages seront assignés sur les octrois, ou. en cas d’insuffisance sur le Trésor (1). Toutes les élections sont suspendues jusqu’a ce que les offices aient été levés (2). Les communautés de Monifort et de Lesneven, pour avoir, malgré la défense formulée dans un arrét du Conseil, procédé & de nouvelles élections, regoivent un blame sévére du Conseil d’Etat, qui casse leurs élections (3). La valeur des offices municipaux est fixée A 2,850,000 livres pour la Bretagne (4). Un arrét du Conseil invite les seigneurs & Jes acquérir dans les villes de leurs domaines, avec autorisation de les faire gérer par des commis, qui jouiront de tous les droits et privileges attachés & ces offices. Pour attirer les acquéreurs, le contréleur général Orry exempte du tirage au sort pour la milice quiconque s'engage & lever un office (5). Le gouver- nement autorise les communautés a réunir & leur corps les offices municipaux, mais il compte si bien sur la vente et les profits qu'il en tirera, qu'il ne leur accorde qu'une autorisation conditionnelle. I ne leur permet pas d’acquérir en bloc tous Jes offices créés pour elles. Elles ne peuvent Jes acheter qu'un a un, (2) Areh, d'Mle-ct-Vilaine, C, 288. — (2) Thid., ©. 288. — (8) Ibid., C. 2459. — (A) Did, ©. 288, — (6) Did, C. 238. NOUVELLES CREATIONS D’OFFICES MUNICIPAUX. a aux enchéres publiques, et en fournissant pour chaque office «un homme vivant et mourant (1). > Le gouvernement est trompé dans ses calculs. Quelques seigneurs se décident a lever les offices de leurs villes importantes. Le duc de Lorges acquiert les deux offices de maire 4 Quintin; le duc de Villeroy lave tous les offices municipaux de la Guerche. La Compagnie des Indes se fait adjuger tous ceux qu’un édit vient de créer & Lorient (2). Les autres seigneurs ne suivent pas cet exemple, Les gens aisés, que pourrait tenter l'appat des priviléges, se montrent tout aussi réservés. « Les offices, par leurs variations et les différentes fagons dont il y a été pourvu en différents temps, ont perdu tout leur brillant aux yeux du public; les fonctions en sont pénibles et toutes gratuites, de sorte qu'elles ne présentent plus rien qui puisse flatter l’ambition ni l'avarice. L'inconstance des priviléges, qui ne sont pas & toute épreuve, fait, par lexpérience du passé, qu’on est plus réservé pour l'avenir (3).> Les communautés ne témoignent pas plus d'enthousiasme que les particuliers. elle de Nantes ne consent 4 lever les offices que si le Trésor accepte en payement le capital de 1,097,061 livres qu'elle y posséde et qui lui procure, au denier cent, un intérét annuel de 10,970 1. 12s. fort irrégu- ligrement payé (4). Dans le but de stimuler l’ardeur des communautés, le contréleur général ordonne de nommer immédiatement des commis pour exercer les fonctions municipales & la place des magistrats élus, en attendant la vente des offices. L’intendant et ses subdélégués ont une peine infinie & trouver des notables qui consentent a accepter ces fonctions; « chacun dit hautement qu'il se donnera bien de garde d’étre commis, » écrit le subdé- Iégué d’Auray. A Dinan, les notables avec lesquels négocie le subdélégué, lui répondent « qu’ils craignent les Grecs et leurs présents. » A Saint-Malo, a Morlaix les subdélégués sont () Arch, d'Tile-et-Vilaine, 0. 288, — (2) Idid., 0. 782, — (8) Arch. de Nantes, BB, 88, f9 102 ro. — (4) Zbid.., BB, 82, f° 81 vo. 42 NOUVELLES CREATIONS D'OFFICES MUNICIPAUX. repoussés dans toutes leurs tentatives pour faire accepter des commissions (1). Les fonctions des commis sont en effet pé- rilleuses. Elles leur attirent I'hostilité des officiers municipaux élus, qui les regardent comme des intrus. Ceux qui ont la faiblesse de les accepter ne peuvent plus s’en débarrasser. Ils ont beau alléguer J'intérét de leur santé, le soin de leurs affaires : le gouvernement, ne sachant comment les remplacer, refuse d’accepter leur démission (2). En somme la vente des offices rétablis échoue complétement et ne produit que des sommes insignifiantes. Le 4 décembre 1737, un arrét du Conseil ordonne de surseoir a la vente et révoque toutes les commissions délivrées pendant Ja guerre. Les communautés sont autorisées & pourvoir par élection aux offices non vendus, et & racheter A l’amiable ceux qui ont trouvé des acquéreurs (3). : Pendantla guerre de la Succession d'Autriche, le gouvernement fait une nouvelle tentative pour vendre les offices qui n'ont pas été levés de 1733 a 1737, Les élections municipales sont de nou- veau suspendues (4). Un arrét du Conseil diminue a finance des offices et augmente leurs priviléges, en les étendant méme aux veuves des acquéreurs (5). On réussit A en vendre un peu plus que pendant la guerre précédente, mais sans parvenir & les vendre tous. Les offices municipaux n’excitent plus que de la dé- fiance, aussi bien dans les communautés que chez les particuliers. En 1748, il reste trente-sept communautés ot ils n’ont pas été levés. Le prix des offices qui restent & vendre est évalué & 600,000 livres. Le gouvernement se décide & abandonner cet expédient usé. Il réunit les offices non vendus aux communautés, en leur. imposant une taxe destinée 4 indemniser le Trésor. Le total de cette taxe s’éléve 4 77,786 livres. La taxe n'est établie que pour dix ans, mais elle subsistera jusqu’a la Révolution. C'est ce qu’on appelle la taxe des octrois municipaux (6). (2) Arch, de la Loire-Inférieure, 0, 4.— (4) Arch, de Nantes, BB. 87, f° 51 1%, — (6) Caton, 163. (2) Arch. a’Ille-et-Vilaine, C. 240, (8) Arch, d’Me-et-Vilaine, ©, 2 @) id., BB. 88, f° 93’ v2,

Vous aimerez peut-être aussi