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Kaleb (titre provisoire) :

Quand il s'éveilla, le jour était tard. Il se leva en repoussant ses lourdes couvertures et se
dirigea vers sa seule fenêtre. La ville en témoignait par le vacarme qui s'en échappait : il était très,
très en retard.
Kaleb sourit. Dans ses yeux verts se reflétait toutes ses envies des heures à venir. Il récupéra
Leef et attrapa un pantalon de laine avant de s'échapper de cet espace, bien trop réduit pour lui,
maintenant qu'il était réveillé.
Une mélodie d'instruments à vent lui parvint depuis la porte voisine. Pris d'une vague de
contentement, il couru jusqu'au bout du couloir, pris appui sur la rambarde en bois des escaliers, et
sauta au bas de ceux-ci.
Leef cliqueta.
"T'oublies pas cette fois, chiure de primate !!" Kaleb murmura une approbation intelligible à
l'adresse du trop familier aîné qui l'avait invectivé : "Ranafout'".
Il sauta au vol sur un bus vers les Nords, mais, précipité, il loupa de quelques centimètres la
barre qu'il visait.
Dilatation instantanée de la respiration et de l'esprit. Diriger son attention autant que son
intention vers sa main droite. Imaginer son souffle dépasser ses extrémités.
Il atterrit sur le bus.

Kaleb filait à toute vitesse, navigant avec son moyen de transport sur et sous terre; profitant
en alternance du vent frais de la mi-journée lui fouettant le visage, puis des rais de lumière éclairant
les longs tunnels de Belle. C'est ainsi qu'on appelait Bélève, capitale du Grand Ouest Après les
Plaines.
Perdu dans ses pensées, Kaleb revint à la raison quelques instants avant d'arriver à
destination. Il se mit debout lestement, se campa légèrement en arrière et bondit une nouvelle fois.
Un lampadaire, une enseigne de magasin, quelques caisses opportunes et il toucha le béton. Kaleb
inspira et entama à pied les quelques mètres le séparant du Parc.
Le Parc Kaer Molin avait été conçu à l'origine en hommage à Molin, un Kaer ayant
accompli un quelconque Devoir ... Mais le respect religieux avait depuis longtemps quitté le Parc, et
plus personne n'y allait pour prier. A tel point que trouver l'autel de Molin était devenu un vrai
casse-tête, tant il est recouvert de feuillages et de plantes grimpantes.
Bien entendu, Kaleb n'était pas venu pour l'autel, si tant est qu'il ait eu seulement vent de son
existence. En entrant dans le Parc, le garçon se dirigea vers les morts, navigua un moment entre les
larges sépultures et enfin s'arrêta devant l'une d'entre elles. Il se mit à genoux et implora les mains
jointes : "Pardon, pardon, je suis encore en retard, mais je te promet que cette fois c'était la
dernière !" Il leva la tête, comme s'il guettait une sorte d'approbation venant de la primitive
sculpture qui lui faisait face; vraisemblablement satisfait, il continua : " J'ai un bon programme
aujourd'hui, je m'y met tout de suite. Merci d'ailleurs !" ajouta-t-il avant de s'allonger sur le ventre à
côté de la sépulture. Il plaça ses mains de chaque côté de sa poitrine et poussa : "1 ..., 2 ..., 3 ..."
Arrivé à la fin de ses exercices quotidiens, Kaleb s'agenouilla de nouveau et entama un
étrange geste de prière : ses paumes de mains glissèrent sur le dessus de ses cuisses, se croisèrent au
niveau du nombril pour finir posée sur chaque épaule. Là-dessus, il s'inclina, pris une grande
respiration en faisant mine de se lever et ... Vive douleur derrière le crâne, il sombra dans
l'inconscience.

Kaleb reprit connaissance, des fourmis plein la tête. Il ouvrit péniblement les yeux et faillit
sursauter une fois ses pupilles adaptées à la lumière environnante; pendant un bref instant il crut
distinguer des êtres humanoïdes marcher au plafond, quelques sources de lumières vacillantes
suspendues dans les airs ... Ou plus simplement, il était suspendu par les pieds, la tête en bas. Son
rythme cardiaque battait à ses tympans et semblait résonner depuis son lobe frontal jusqu'au milieu
de sa colonne. Luttant contre l'évanouissement due à la montée du sang, et s'accrochant à la réalité à
travers tout ce qu'il pouvait percevoir Kaleb essaya de clarifier ses sensations.
Il se trouvait dans une salle circulaire. Deux fenêtres laissaient voir la lumière doucereuse du
crépuscule ... De quel jour ? Tournant sa tête tant bien que mal, il aperçut une porte et un immense
poing qui fonçait vers son estomac. La douleur faillit le ramener à l'inconscience. Il inspira et expira
à fond.
"Il est réveillé lieutenant." sonna une voix caverneuse, émanant de l'armoire à glace à la
poigne vigoureuse.

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