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Le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme : les

débuts de la planification stratégique au niveau


intercommunal
François Priet
Dans Cahiers du GRIDAUH 2015/2 (N° 29), pages 265 à 276
Éditions GRIDAUH
ISSN 1291-9527
ISBN 9782913457287
DOI 10.3917/cdg.029.0265
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LE SCHÉMA DIRECTEUR D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME:


LES DÉBUTS DE LA PLANIFICATION STRATÉGIQUE AU NIVEAU
INTERCOMMUNAL
François PRIET
Professeur à l’École de droit d’Orléans
Centre de recherche juridique Pothier EA 1212
Directeur du GRIDAUH

Toute réflexion sur la planification urbaine — et partant sur l’encadrement juridique


qu’il convient de mettre en place à cet effet — est le produit à la fois d’un constat et d’une
volonté.
Lorsque le législateur crée les premiers plans d’aménagement, d’embellissement et
d’extension des villes, il cherche d’abord à mettre en cohérence l’aménagement des villes
avec les objectifs propres aux débuts du siècle : l’hygiène urbaine, l’adaptation de la voirie
aux besoins de la circulation, la protection de l’esthétique 1. Les projets d’aménagement de
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la loi du 15 juin 1943 doivent faire face notamment aux besoins de la reconstruction, et les
plans d’urbanisme, directeurs et de détail, prévus par le décret n° 58-1463 du 31 décembre
1958, entendent répondre à la croissance urbaine. Curieusement la technique juridique
évolue peu, puisque tous ces types de plan déclinent un même modèle, celui de la planifi-
cation dite réglementaire, c’est-à-dire génératrice de servitudes directement opposables
aux utilisateurs du sol 2.
C’est précisément l’accélération de la croissance urbaine qui va conduire les pouvoirs
publics à mieux prendre en compte l’aspect prospectif de la planification, et à en tirer les

1
Ce qui, comme on l’a montré, n’ira pas sans déceptions et désillusions, car, sitôt promulguée, la loi du 14 mars
1919 se révélera peu adaptée aux problèmes liés aux bouleversements issus du premier conflit mondial. Voir
J.-P. Demouveaux et J.-P. Lebreton, La naissance du droit de l’urbanisme : Éd. des Journaux officiels 2007,
notamment p. 73.
2
Comme l’indique H. Jacquot dans le présent ouvrage (Aux origines de la planification stratégique d’aménage-
ment et d’urbanisme : le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris de 1965), même
le projet d’aménagement de la région parisienne (PARP) prévu par la loi du 14 mai 1932 relevait de la planifica-
tion réglementaire.
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conséquences juridiques. Le visage du territoire national était en effet en train de se méta-


morphoser à une vitesse qu’il n’avait jamais connue dans son histoire 1. Mais le modèle des
plans d’urbanisme tel qu’il est conçu par le décret précité de 1958 ne répond que très
imparfaitement au problème posé.
Ce texte attribue deux fonctions distinctes aux plans d’urbanisme directeurs et aux
plans d’urbanisme de détail : tandis que les premiers doivent « [tracer] le cadre général de
l’aménagement et en [fixer] les éléments essentiels », les seconds peuvent — car c’est une
simple faculté — compléter les plans d’urbanisme directeurs au fur et à mesure des besoins
« sur certains secteurs ou quartiers ». La distinction devient moins nette quand on consi-
dère le régime de chacune des procédures. Tandis que les plans d’urbanisme directeurs
doivent, notamment, fixer « le tracé des principales voies de grande circulation », « les
emplacements réservés aux principales installations d’intérêt général et aux espaces
libres », et comporter « un règlement qui fixe les règles et servitudes relatives à l’utilisation
du sol […] », les plans d’urbanisme de détail doivent, parmi les objets qui leur sont assi-
gnés, déterminer « le tracé des voies principales ou secondaires », « les emplacements
réservés aux services publics, aux installations d’intérêt général et aux espaces libres »,
« les règles et servitudes de construction justifiées par le caractère des lieux ». C’est donc
essentiellement une distinction ratione materiae, elle-même assez incertaine, qui caracté-
rise les deux types de plan, et qui ignore la dimension ratione temporis de la planification.
Pourtant c’est pratiquement dans le même temps que sont menées un certain nombre
de réflexions qui consacrent l’émergence d’une planification stratégique territoriale,
consistant à dissocier la fixation de grandes orientations, à moyen et long terme, et leur
traduction en normes réglementaires, directement opposables aux utilisateurs du sol. On
présentera donc le contexte qui a présidé à la création des schémas directeurs d’aménage-
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ment et d’urbanisme (SDAU) par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 (I),
avant d’examiner dans quelle mesure leur contenu (II) et leurs effets juridiques (III) ont
permis de répondre à la fonction stratégique qui leur était assignée par la loi.

I. L’émergence de la planification stratégique territoriale

Les débuts de la planification stratégique vont prendre deux formes, l’une purement
administrative, l’autre officielle puisqu’elle sera consacrée par la loi. Quelle que soit l’hypo-
thèse, ces débuts témoignent d’une très forte implication de l’État, soutenue au plus haut
niveau, et servie par une doctrine claire, quasi militante, et qui ne doute guère d’elle-même.
C’est tout d’abord l’administration qui élaborera des documents de planification à
caractère stratégique. Un premier document est spécifique à la région de Paris : il s’agit du

1 Sur la période 1954-1962, la population urbaine par rapport à la population globale passe de 57,3 % à 63,2 %,

pour grimper à 70,1 % en 1968.


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schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme publié en 1965, et présenté en détail dans


le présent ouvrage. Bien que n’ayant aucun caractère officiel, il ne sera pas dépourvu de
toute « force normative » puisqu’il inspirera assez largement l’aménagement régional
jusqu’à l’approbation de la première version du schéma directeur de la région Île-de-France
en 1976.
Une seconde catégorie, un peu oubliée aujourd’hui, est constituée par les schémas
d’aménagement des aires métropolitaines (SDAM).
L’existence de ces schémas est étroitement liée à la mise en place des « organisations
d’études et d’aménagement des aires métropolitaines » plus connues sous leur sigle
OREAM, elle-même liée à la définition et à la mise en œuvre de la politique nationale
d’aménagement du territoire. Créées par une décision en date du 24 février 1966 du Comité
interministériel d’aménagement du territoire, les OREAM sont des organismes d’études,
placés sous l’autorité du préfet de région et animés par le chef du service régional de l’équi-
pement 1. Ils ont, au moins à l’origine, une double mission : en amont, l’élaboration des
SDAM ; en aval, la détermination des moyens et des actions permettant aux autorités
responsables de les appliquer 2.
Certes, comme leur nom l’indique — et la recherche en sciences sociales a insisté sur cet
aspect 3 —, les OREAM visent à réfléchir sur les conditions d’un rééquilibrage du territoire
national par rapport à l’expansionnisme de la région d’Île-de-France autour d’un certain
nombre de « métropoles d’équilibre ». Mais au-delà de cet aspect politique, un aspect
méthodologique est intéressant à souligner en raison du concept d’« aires urbaines métro-
politaines » qui est au cœur de l’activité des OREAM. C’est l’idée qu’il convient de
« dépasser le niveau des agglomérations proprement dites pour considérer des ensembles
constituant des unités complexes, dans lesquelles le phénomène d’urbanisation n’est plus
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qu’un composant parmi d’autres : espaces agricoles, protection de la nature ou exploitation
des possibilités offertes par elle, grands équipements à l’échelle régionale, complexes
industriels, zones de loisirs, tourisme, etc. » 4. Autrement dit l’élaboration des SDAM
n’épuise pas toute la problématique de la planification territoriale stratégique, celle-ci se
déclinant à plusieurs échelles. Il y avait une division fonctionnelle parfaitement assumée
entre les études menées par les OREAM, et les études urbaines élaborées par les ateliers
d’urbanisme des villes, transformées par la suite en agences d’urbanisme, qui devaient
déboucher sur les SDAU 5.

1Les services régionaux de l’équipement avaient été eux-mêmes créés par le décret n° 67-278 du 30 mars 1967
dans le cadre de l’organisation des services dits alors « extérieurs » du ministère de l’équipement.
2
B. Rémond, Les OREAM et l’aménagement du territoire 1966-1976 : La Documentation française 1977, p. 7.
3Voir notamment le résumé du séminaire La création des organisations d’études d’aménagement des aires
métropolitaines, Université de Lille I, 9 nov. 2006 : http://calenda.org/192078?lang=pt.
4
B. Rémond, Les OREAM…, op. cit., eod. loc.
5 B. Rémond, op. cit., p. 8.
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Dans l’esprit des concepteurs de cette planification stratégique, cette division fonction-
nelle devait nécessairement déboucher sur une articulation entre les deux étages de la
planification stratégique, et donc sur une articulation entre SDAM et SDAU.
Mais juridiquement, la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 et son décret
d’application sont sur ce point d’une grande sobriété, peut-être parce qu’à cette époque
c’était l’administration de l’État qui maîtrisait l’ensemble du processus. En vérité ce n’était
déjà plus tout à fait le cas puisque la loi précitée réintroduit les élus locaux dans la défini-
tion de l’aménagement urbain par la voie de « l’élaboration conjointe », même si, techni-
quement, les élus ne disposent pas de la capacité d’expertise suffisante pour contester les
choix stratégiques de l’État. Quoi qu’il en soit, l’article L. 122-1, alinéa 4 du code de l’urba-
nisme confie aux auteurs des SDAU le soin d’orienter et de coordonner les programmes de
l’État, des collectivités locales et des établissements et services publics, qui sont établis
dans le cadre du plan, et les dispositions des schémas s’imposent aux « programmes et
[aux] décisions administratives qui les concernent » selon un rapport de compatibilité.
Seule la partie réglementaire du code (art. R. 122-1, al. 2) prévoit une liaison explicite entre
les SDAU et la politique d’aménagement du territoire, les SDAU devant être établis « dans
le cadre » des directives nationales d’aménagement du territoire.
Il faut reconnaître que cette liaison est bien peu juridiquement organisée. L’expression
« dans le cadre » implique une subordination minimale de la planification urbaine straté-
gique par rapport à la politique d’aménagement du territoire, mais sans qu’on soit en
mesure de savoir quel degré de contrainte implique une telle subordination. En outre la
notion de « directive nationale d’aménagement du territoire » n’est pas autrement précisée
par le texte. La pratique a montré que c’était l’État qui pouvait conférer, au moment de l’ap-
probation en conseil des ministres d’un SDAM, la qualité de directive nationale d’aména-
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gement du territoire à un tel schéma. On pourrait pratiquement parler d’un mécanisme de
labellisation, dont naturellement l’État a la totale maîtrise.
En dépit de ce flou juridique — qui au demeurant suscitait à l’époque une certaine indif-
férence —, l’articulation entre la politique d’aménagement du territoire et la planification
urbaine stratégique a bien eu lieu, du moins, précisément, quand un territoire était
concerné par la politique des aires métropolitaines. Cette articulation s’est manifestée sous
deux formes, institutionnelle, et au fond. Elle se présente toutefois de manière très hétéro-
gène, en raison des caractéristiques des territoires concernés, et des rapports de force
locaux, de telle sorte que les SDAU traduisent plus ou moins fidèlement les orientations
fixées par les SDAM.
Sur le plan institutionnel, il n’est pas rare qu’un membre de l’OREAM ait participé régu-
lièrement aux travaux de la commission locale d’aménagement et d’urbanisme (CLAU),
instance chargée du suivi de l’élaboration du schéma directeur. C’est d’ailleurs lorsqu’il
apparaît que l’OREAM a été étroitement associée aux travaux d’élaboration du SDAU que
l’on peut constater la bonne qualité de la mise en œuvre du schéma par le SDAU 1.

1
Voir notamment les cas des SDAU de Nantes, de Nancy-Toul-Lunéville, de Metz-Thionville-Fensch et Orne, de
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Au-delà, l’intervention de l’OREAM, et son incidence sur le contenu du SDAU, peut se


présenter sous des formes particulières, avec des ambitions globales, ou plus sectorielles.
Au titre du SDAM de l’aire métropolitaine marseillaise, l’OREAM a préparé des directives
d’application du schéma, concernant à la fois l’élaboration non seulement des SDAU mais
également des plans d’occupation des sols (POS), le recours à la procédure de zone d’amé-
nagement concerté (ZAC), la programmation des équipements et le lancement ou la pour-
suite d’études. Si l’organisme régional pour l’aménagement de la Picardie (OREAP, équiva-
lent d’une OREAM) a décidé de ne pas élaborer un SDAM portant sur l’ensemble de son
aire d’intervention, il a établi, dans le cadre de l’élaboration du SDAU de la côte picarde,
une note relative à des préoccupations générales d’aménagement de l’espace qui a servi de
fondement aux « recommandations particulières » dont le préfet de région a assorti l’ap-
probation du schéma. Le travail d’étude de l’OREAP a d’ailleurs conduit à l’établissement
d’un schéma spécifique propre à régler les conflits d’usage du domaine public maritime, le
schéma d’aptitude et d’utilisation de la mer (SAUM) de la côte picarde 1.
C’est donc dans un champ géographique plus limité, celui des agglomérations, que
doivent intervenir les SDAU, dont le régime cherche à éviter les écueils des plans d’urba-
nisme directeurs.

II. Le contenu des SDAU

La concision du législateur de 1967 laisse songeur aujourd’hui : le contenu et les effets


du SDAU sont réglés en quatre alinéas d’un unique article, le L. 122-1.
Le changement de philosophie qui caractérise la procédure de SDAU est manifeste par
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rapport au plan d’urbanisme directeur : les schémas doivent seulement fixer des « orienta-
tions fondamentales », et c’est dans cet esprit que la loi définit plus précisément leur
contenu. « Destination générale des sols », « tracé des grands équipements d’infrastruc-
ture », « organisation générale des transports », « localisation des services et activités les
plus importantes », « zones préférentielles d’extension et de rénovation » : le SDAU est en
quelque sorte chargé de fixer de grandes directions, dont la mise en œuvre devra être
assurée par un certain nombre de mesures d’exécution. En outre, le rapport du SDAU doit
indiquer les principales phases de réalisation du parti d’aménagement retenu. Certes on
peut s’étonner que cet aspect fondamental, sur lequel le ministre de l’équipement de

l’agglomération bordelaise, du Nord-Médoc, des Lacs girondins et du bassin d’Arcachon : B. Rémond, op. cit.,
pp. 66, 71, 130.
1
Bien qu’un projet de « Livre blanc » ait été établi, ce SAUM ne sera jamais approuvé. Pour la DATAR, le SAUM
devait être conçu « comme un document rattaché au SDAU sous forme d’annexe qui comprend deux volets : l’un
prolonge le SDAU sur une étroite frange maritime, l’autre le complète en définissant les principes de gestion de
l’espace maritime littoral au-delà de cette frange » (DATAR, Pour la gestion concertée des espaces maritimes
littoraux. Les schémas d’aptitude et d’utilisation de la mer : 1973, p. 10).
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l’époque, M. Ortoli, avait fortement insisté lors des débats parlementaires, n’apparaisse
explicitement que dans la partie réglementaire du code, à l’ancien article R. 122-5 I 1. La
jurisprudence aura l’occasion de mettre en évidence que l’exigence de compatibilité d’un
certain nombre de décisions avec le contenu du schéma ne s’apprécie pas seulement dans
l’espace, ou ratione materiae, mais également dans le temps 2.
Ce serait être victime d’une illusion d’optique que de croire que cette prise en compte
par le droit de la dimension temporelle de la planification, à travers la création, au niveau
des agglomérations, d’un document résolument nouveau de planification stratégique,
serait uniquement liée au contexte économique de l’époque. Les Trente Glorieuses appar-
tiennent au passé, mais la croissance urbaine ne s’est pas arrêtée. Elle a muté, a pris un
nouveau nom, à la connotation aussi péjorative que porteuse de menaces, celui d’étalement
urbain. Quelles que soient les évolutions affectant le contenu de la procédure, et les chan-
gements terminologiques, les territoires urbains ne peuvent pas faire l’économie d’un
schéma à vocation stratégique.
Il est un aspect lié à l’aspect programmatique du SDAU, et donc à sa dimension tempo-
relle, qui a été imparfaitement organisé par le législateur. Dans son analyse du régime juri-
dique du SDAU, M. Bazex notait que l’obligation de compatibilité posée par la loi avait une
double fonction : de contrôle tout d’abord, afin que les décisions de mise en œuvre du
schéma respectent ce dernier ; de correction ensuite, afin de laisser une certaine latitude à
l’administration en raison de la souplesse inhérente à la notion de compatibilité. Mais l’au-
teur faisait remarquer de manière très lucide que cette notion ne permettrait pas à elle
seule de corriger les erreurs de prévision, et qu’il serait nécessaire d’organiser la révision
du SDAU.
Si une telle procédure n’a pas été retenue par le législateur, c’est en définitive le décret
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d’application qui a prévu une procédure de modification à l’ancien article R. 122-16. La
terminologie est toutefois trompeuse : en disposant que le SDAU « est modifié dans les
formes prévues pour son établissement », cet article fait en réalité référence à ce qui est
considéré à présent comme une révision, c’est-à-dire une procédure lourde destinée à
apporter des changements substantiels. On ne sait en vérité si le législateur de 1967 a péché
par optimisme ou par ingénuité, en laissant croire que les « orientations », même seule-
ment « fondamentales », fixées par les documents de planification stratégique ne nécessi-
teraient pas d’être infléchies voire remises en cause dans le laps de temps prévu pour l’ap-
plication du schéma. Cette flexibilité tout à fait insuffisante des schémas pèsera lourd quant
à l’efficacité de la procédure, surtout quand de nombreux SDAU, restés en vigueur, appa-
raîtront, en raison de leur ancienneté, comme largement obsolètes du fait des évolutions
économiques. Il faudra attendre la loi Urbanisme et habitat du 2 juillet 2003 pour que soit

1
Voir en particulier la présentation de la genèse de la loi d’orientation foncière par M. Bazex in L’élément pros-
pectif dans la loi d’orientation foncière : RD publ. 1970, notamment p. 862.
2CE, sect., 23 mars 1979, Commune de Bouchemaine : Rec. CE, p. 127. – CE, 8 janv. 1992, Mme Gaillard-Schouard :
Rec. CE, p. 9.
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créée une procédure plus légère de modification applicable cette fois aux schémas de cohé-
rence territoriale (SCoT), susceptible d’être mise en œuvre lorsque le projet de modifica-
tion ne porte pas atteinte à l’économie générale du projet d’aménagement et de développe-
ment durable du schéma.
Mais la plus grande question posée par les SDAU, qui a mobilisé fortement la doctrine,
est celle de leur autorité sur le plan juridique.

III. Le débat sur les effets juridiques des SDAU

La volonté du législateur de 1967 de faire du SDAU un acte doté d’effets juridiques était
très nette. Comme l’avait parfaitement expliqué M. Bazex, le SDAU avait pour fonction de
mettre en place une programmation dans le temps de l’évolution d’une agglomération, et
pour que cette volonté puisse se traduire concrètement sur le terrain, la loi avait conféré
une portée juridique au schéma 1 : tel était l’objet de la fameuse phrase qui terminait l’ar-
ticle L. 122-1 dans sa rédaction de l’époque « Les programmes et les décisions administra-
tives qui les concernent doivent être compatibles avec leurs dispositions ».
La spécificité juridique du SDAU apparaît clairement par rapport à l’autre document de
planification stratégique qu’était le SDAM. La portée juridique de ce dernier, comme on l’a
vu précédemment, était très faible. Présentant les SDAM, un administrateur de l’époque
pouvait écrire en 1970 : « les schémas d’aménagement doivent […] être considérés comme
de véritables instruments de travail pour toute personne, collectivité, administration,
entreprise ou organisme qui détient une part de responsabilité dans l’évolution des métro-
poles et de leur environnement régional » 2. La qualification d’« instruments de travail »
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paraît, avec le recul, parfaitement rendre compte de la portée que la technocratie de
l’époque entendait conférer aux SDAM. Si leur « force normative » n’était pas nulle, il était
clair que les SDAM n’étaient pas conçus pour que leur méconnaissance puisse être invo-
quée dans le cadre d’un recours contentieux.
Mais si évolution des effets juridiques du SDAU par rapport au SDAM il y a bien eue,
toute la difficulté a été d’en prendre l’exacte mesure. Le débat juridique engagé dans les
années soixante-dix sur cet aspect de la loi d’orientation foncière ne relève pas que de l’his-
toire du droit.
On ne saura jamais si le législateur a fait preuve de maladresse ou de rouerie en
prévoyant que les « décisions administratives », sans autre précision, devaient être compa-
tibles avec les orientations des SDAU, ce qui a généré une intense controverse sur le point
de savoir si les schémas avaient des effets envers les particuliers. La dissonance a été forte

1
M. Bazex, op. cit., p. 880.
2M. Colot, Les schémas d’aménagement des métropoles et aires métropolitaines : Mon. TP 12 sept. 1970, notam-
ment p. 32.
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entre doctrine et Conseil d’État, mais elle continue à interroger sur la portée juridique qu’il
convient d’attribuer à un document de planification stratégique.
Pour une partie de la doctrine, s’il est nécessaire que les SDAU soient opposables aux
tiers, et pas seulement à l’administration, c’est en raison du respect des droits du citoyen.
Des auteurs comme R. Savy ou Y.-M. Danan font une analyse juridique de la loi teintée
d’idéologie. Pour le premier auteur cité, « parce que le schéma est une norme de référence
nécessaire, il influe sur les droits des administrés dans la mesure où l’administration peut
trouver en lui les motifs légaux de s’opposer à leurs projets » 1. L’auteur considère dans ces
conditions que les administrés doivent pouvoir invoquer les dispositions d’un schéma à
l’appui d’un recours pour excès de pouvoir. Y.-M. Danan part du même postulat : admettre
la solution contraire, c’est « [tourner] à la fois le dos, dans un secteur important, à la parti-
cipation des citoyens en matière d’aménagement et à la garantie classique du contrôle de
l’action administrative par les juridictions, sur l’initiative des particuliers » 2. Deux idées
traditionnelles sous-tendent ces affirmations : d’une part la méfiance vis-à-vis de l’État,
considéré comme le Léviathan, dont l’administration il est vrai semble avoir atteint à cette
époque un degré de toute-puissance inégalé ; d’autre part l’idée que le recours au juge
administratif, par l’exercice du recours pour excès de pouvoir, constitue un outil efficace
contre le despotisme administratif.
Face à ces prises de position, le Conseil d’État se prononce progressivement mais de
manière conséquente sur l’invocabilité des schémas. Plus ambiguë est son attitude quant à
la recevabilité du recours direct des particuliers contre les SDAU.
Sur le premier point, le Conseil d’État a fait une lecture combinée de la loi et de son
décret d’application codifié à l’ancien article R. 122-20 qui liste les documents et opérations
qui doivent être compatibles avec le SDAU. Parmi ceux-ci figuraient « les grands travaux
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d’équipement », ce qui a permis à la Haute assemblée de renoncer au principe d’indépen-
dance des législations 3 et d’examiner, dans un arrêt Adam du 22 février 1974 4, la compa-
tibilité de la déclaration d’utilité publique d’une autoroute avec le SDAU de l’agglomération
strasbourgeoise. Contrairement à ce qui a pu être soutenu, le juge n’a pas donné dans cet
arrêt le moindre signal quant à la généralité des effets du SDAU vis-à-vis des particuliers 5,
mais seulement jugé que ces derniers pouvaient invoquer la violation d’un SDAU à l’en-
contre des seules décisions mentionnées par l’article R. 122-20. Dès lors c’est sans surprise
que la Haute assemblée a pu affirmer dans l’arrêt Domat du 2 mars 1977 6 que la légalité

1
R. Savy, Les effets des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme : AJDA 1970, p. 460.
2
Y.-M. Danan, La véritable force juridique du SDAU : Annales du CRU 1975, p. 104.
3Encore affirmée par l’abstrat au Recueil Lebon de l’arrêt CE, 4 nov. 1970, SCI les Héritiers A. Caubrière : Rec.
CE, p. 646.
4 Rec. CE, p. 145 ; RD publ. 1975, p. 485, concl. M. Gentot.
5
Y.-M. Danan, op. cit., p. 156.
6
GADU n° 12.
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au niveau intercommunal

d’un permis de construire, décision qui n’était pas mentionnée par cet article, ne pouvait
pas être appréciée par rapport aux orientations contenues dans le SDAU. Le contraste est
grand entre l’émoi doctrinal suscité par cette décision de sous-sections réunies, et l’intérêt
limité que représentait l’affaire pour le Conseil d’État : son résumé aux Tables du Recueil
Lebon n’aborde pas, en tout état de cause, la question du champ de l’opposabilité des
SDAU.
Mais l’arrêt Domat, rapproché de l’arrêt Adam, condamne les efforts des auteurs qui
considéraient que la liste des décisions et opérations devant être compatibles avec le
schéma ne pouvait pas être limitative en raison de la généralité des termes de l’ancien
article L. 122-1. C’est dire implicitement mais nécessairement que le pouvoir réglementaire
avait illégalement restreint le champ d’application de la loi. Un tel raisonnement ne peut
être suivi : le pouvoir réglementaire n’a fait ici que mettre en œuvre, autrement dit concré-
tiser le principe fixé par la loi de l’opposabilité des schémas, principe qui pour sa part rele-
vait de la compétence du législateur car on peut considérer qu’il met en cause le régime de
la propriété, voire la libre administration des collectivités territoriales, à savoir deux
libertés placées sous la sauvegarde du législateur par l’article 34 de la Constitution. Au-
delà, le pouvoir réglementaire pouvait compétemment fixer la portée effective de l’opposa-
bilité des schémas 1.

Les choses sont peut-être moins claires qu’on a pu l’écrire en ce qui concerne la contes-
tation directe des schémas par les particuliers.
Dans l’ouvrage sur Les grands arrêts du droit de l’urbanisme, l’un des auteurs, Hubert
Charles, se demande si un schéma peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Si
un tel document, en principe, ne produit aucun effet direct à l’égard des administrés, son
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caractère d’acte faisant grief interroge. Cependant, l’auteur poursuit en constatant au vu de
la jurisprudence l’élargissement des personnes susceptibles de contester un schéma,
puisque même les tiers sont considérés comme recevables, non seulement des associations,
mais aussi de simples particuliers. L’arrêt du 19 février 1982 Consorts de Panisse-Passis,
statuant sur le recours de propriétaires et de diverses communes, en témoignerait 2. Mais
l’arrêt ne prend pas parti sur ce point dès lors que le Conseil d’État statue « sans qu’il soit
besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes » pour rejeter le recours au fond 3. Seul le
commissaire du gouvernement Bruno Genevois, dans des conclusions prononcées

1
Nous ne pensons pas encourir un reproche d’anachronisme en renvoyant à une décision, rendue par le Conseil
constitutionnel quarante après cette controverse (déc. n° 2010-95 QPC, 28 janv. 2011, SARL du Parc d’activités
de Blotzheim : Rec. Cons. const., p. 93), à propos du renvoi par le législateur à un décret en Conseil d’État des
conditions de définition de la notion de projet d’intérêt général et plus encore, à son commentaire sur le site
Internet du Conseil.
2
Voir également en ce sens les observations de F. Bouyssou : Droit et Ville 1982, n° 13, p. 191.
3Selon un procédé éprouvé de la pratique contentieuse : voir R. Chapus, Droit du contentieux administratif : éd.
Montchrestien, 13e éd. 2008, n° 470.
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Études en l’honneur de Jean-Pierre Lebreton

quelques semaines plus tôt sur une décision du 29 janvier 1982 Commune de Contes et
M. Dalbéra, avait estimé que, si les SDAU étaient bien inopposables aux particuliers, il
fallait considérer qu’ils emportaient des effets indirects ou différés sur la propriété : à ce
titre il convenait d’admettre la recevabilité du recours 1. Faut-il, néanmoins, considérer que
la question est en définitive tranchée par analogie dès lors que le Conseil d’État a admis par
la suite, de manière implicite mais dans une décision expressément fichée sur ce point, que
tout citoyen résidant dans la région pouvait attaquer un schéma d’aménagement 2 ? C’est
envisageable mais en réalité très contestable puisque la qualité de citoyen ne permet pas de
justifier en quoi l’intérêt d’un requérant serait susceptible d’être froissé par un document
dont les effets sur les tiers sont très limités 3.
La question a rebondi trente ans plus tard quand un arrêt de la cour administrative
d’appel de Nantes a répondu frontalement au problème en admettant que le propriétaire
de terrains situés sur un territoire couvert par un SCoT avait intérêt à contester la légalité
du schéma 4. Le fait qu’il s’agisse d’un SCoT est sans incidence puisque la loi a maintenu le
principe de l’inopposabilité aux particuliers, sauf exception, des orientations du schéma,
selon une logique analogue à celle des SDAU. La position des juges nantais est critiquée par
l’annotateur de la décision qui considère que s’il y a opposabilité du schéma, elle ne peut
être qu’indirecte, et ne deviendra effective que par le truchement du plan local d’urbanisme
(PLU).
On ne peut en définitive que regretter que le Conseil d’État n’ait pas clairement tiré, sur
le plan contentieux, la conséquence qui découlait de l’opposabilité limitée attribuée aux
SDAU par les textes alors applicables. Il n’eût pas été incohérent d’admettre au profit des
tiers l’invocabilité du SDAU à l’encontre de certains actes, tout en leur fermant le recours
direct faute d’un intérêt suffisant 5.
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Ces controverses sur les effets juridiques des SDAU éclairent rétrospectivement la
portée juridique de documents de planification stratégique chargés de fixer des orienta-
tions à l’échelle des agglomérations.

1 Voir concl. Genevois sur CE, 29 janv. 1982, Commune de Contes : JCP G 1982, II, 19869.
2 CE, 14 janv. 1994, Collectivité territoriale de Corse et M. Casalonga : Rec. CE, p. 16.
3
L’analogie avec une autre décision intéressant cette fois le schéma directeur routier national (CE, 21 oct. 1994,
M. Guttin et M. Guilly : Rec. CE, tables, p. 1101) serait très trompeuse : c’est en effet eu égard à la nature et la
portée de l’acte attaqué qu’une personne se prévalant de la seule qualité d’habitant d’une zone susceptible d’être
traversée par une autoroute justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité du décret approu-
vant un tel schéma.
4CAA Nantes, 28 déc. 2012, Syndicat mixte du SCoT du pays de Rennes : DAUH 2014, n° 817, chron.
Ch. Debouy.
5Le parallèle avec le statut contentieux des anciennes « directives type Crédit foncier de France », rebaptisées
« lignes directrices » peut être fait : ces actes sont invocables mais non contestables. Le parallèle s’arrête là : l’in-
contestabilité est ici absolue en raison de l’absence de caractère impératif. Or l’impérativité du SDAU ne peut être
niée du fait de l’obligation de compatibilité et non de conformité : il s’agit de deux notions distinctes.
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au niveau intercommunal

En premier lieu, elles montrent combien la création des SDAU a constitué une innova-
tion radicalement nouvelle, au point de susciter la contestation, voire l’incompréhension.
Le débat sur l’opposabilité a montré que celle-ci pouvait difficilement être interprétée de
manière autre que traditionnelle. Autrement dit pour une partie de la doctrine, ou bien un
document approuvé par l’administration est inopposable parce que la loi ne l’a pas prévu,
ou bien la loi a prévu une telle opposabilité, et celle-ci doit se déployer erga omnes. Ce
faisant, cette analyse ne prend pas la mesure de ce que doit être une planification dite stra-
tégique, qui doit se limiter à la fixation d’orientations fondamentales.
Certes l’administration et, à sa suite, le pouvoir réglementaire, ont contribué à
complexifier le régime des SDAU, et à susciter de nouvelles critiques doctrinales. Un décret
du 7 juillet 1977 a rendu opposables aux demandes de permis de construire les dispositions
des SDAU adoptés par décret simple, dans les cas où ces schémas intéressent de grandes
villes dont la liste était fixée par arrêté ministériel, ou des opérations d’intérêt national, en
vue notamment de la création de villes nouvelles (ancien art. R. 111-15). Ce décret ne faisait
qu’étendre une possibilité ouverte par un décret du 30 novembre 1961 permettant de s’op-
poser à des constructions qui contrarieraient l’action d’aménagement du territoire et d’ur-
banisme telle qu’elle résulte des plans régionaux de développement économique et social
et d’aménagement du territoire ainsi que des directives d’aménagement national arrêtées
par le gouvernement 1. Mais il s’agit d’une exception qui s’explique assez bien : l’implanta-
tion des constructions ne doit pas remettre en cause les choix stratégiques prévus par cette
catégorie de SDAU dans la mesure où les territoires visés sont considérés comme structu-
rants au regard de la politique nationale d’aménagement du territoire. En tout état de
cause, la faculté de refus ouverte à l’administration était conditionnée par « l’importance »,
« la situation » ou « l’affectation » des constructions, ce qui montre bien que, en dehors de
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ces cas, les SDAU n’avaient pas vocation à régir les projets immobiliers des particuliers.
En second lieu il semble qu’il ait existé une certaine confusion entre deux questions :
celle de la précision de la norme, et celle de son opposabilité directe aux particuliers.
La précision de la norme est assurément une condition de son efficacité, et Y.-M. Danan
avait bien vu à l’époque le danger qu’il y aurait à fixer dans les SDAU des normes exagéré-
ment floues, plus proches de déclarations d’intention que de commandements, sauf à
dévoyer la notion d’« orientations fondamentales » voulue par le législateur 2.
La précision de la norme est aussi une condition de son opposabilité. On l’a bien vu
lorsque le Conseil d’État a dû s’interroger sur la légalité d’un refus de permis de construire
fondé sur un SDAM qui prévoyait des « coupures vertes » pour contenir l’urbanisation.
L’ancien article R. 111-15, déjà cité, permettait de refuser le permis si la construction
contrariait la politique d’aménagement du territoire telle qu’elle résultait de « directives

1
Le décret du 7 juillet 1977 avait abrogé l’hypothèse de l’atteinte aux plans régionaux de développement écono-
mique et social et d’aménagement du territoire, devenue obsolète.
2 Y.-M. Danan, La véritable force juridique du SDAU, op. cit., pp. 162-166.
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Études en l’honneur de Jean-Pierre Lebreton

d’aménagement national » approuvées par décret. Le Conseil d’État n’a pas entendu dénier
par principe au SDAM le caractère de directive d’aménagement national, il a seulement
considéré que faute de précisions apportées par le schéma tant sur l’étendue que sur la
localisation de ces coupures vertes, le SDAM en cause ne présentait pas, sur ce point, le
caractère d’une telle directive 1. Ce que demande le juge c’est simplement que le document
de planification stratégique comprenne les précisions indispensables pour que la norme
soit effectivement opposable, de surcroît quand il s’agit par exception de l’appliquer à une
autorisation d’occupation du sol. Mais il n’en découle pas nécessairement — et c’est tout le
sens de l’ancien article R. 122-20 — que la précision des normes entraîne nécessairement
leur opposabilité aux particuliers. Il s’agit d’un problème de qualité de la norme, afin
qu’elle puisse répondre à la fonction de programmation d’un document de planification
stratégique.

*
* *

Profondément innovant sur le plan de l’ingénierie juridique, le régime du SDAU a


montré les difficultés de concevoir un outil apte à régir l’évolution sur le long terme des
agglomérations. Mais par là même, il a tracé la voie aux changements qui ont présidé au
remplacement des SDAU par les SCoT, et certaines des questions qu’il a pu susciter conti-
nuent à intéresser la réflexion sur la planification stratégique territoriale, et l’encadrement
juridique qu’il convient de fixer.
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1
CE, sect., 31 janv. 1975, Min. de l’aménagement du territoire, de l’équipement, du logement et du tourisme c/
Soc. des magasins périphériques de l’ouest « Rallye » : Rec. CE, p. 68 ; GADU n° 24.

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