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CDG 029 0265
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Ce qui, comme on l’a montré, n’ira pas sans déceptions et désillusions, car, sitôt promulguée, la loi du 14 mars
1919 se révélera peu adaptée aux problèmes liés aux bouleversements issus du premier conflit mondial. Voir
J.-P. Demouveaux et J.-P. Lebreton, La naissance du droit de l’urbanisme : Éd. des Journaux officiels 2007,
notamment p. 73.
2
Comme l’indique H. Jacquot dans le présent ouvrage (Aux origines de la planification stratégique d’aménage-
ment et d’urbanisme : le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris de 1965), même
le projet d’aménagement de la région parisienne (PARP) prévu par la loi du 14 mai 1932 relevait de la planifica-
tion réglementaire.
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Les débuts de la planification stratégique vont prendre deux formes, l’une purement
administrative, l’autre officielle puisqu’elle sera consacrée par la loi. Quelle que soit l’hypo-
thèse, ces débuts témoignent d’une très forte implication de l’État, soutenue au plus haut
niveau, et servie par une doctrine claire, quasi militante, et qui ne doute guère d’elle-même.
C’est tout d’abord l’administration qui élaborera des documents de planification à
caractère stratégique. Un premier document est spécifique à la région de Paris : il s’agit du
1 Sur la période 1954-1962, la population urbaine par rapport à la population globale passe de 57,3 % à 63,2 %,
1Les services régionaux de l’équipement avaient été eux-mêmes créés par le décret n° 67-278 du 30 mars 1967
dans le cadre de l’organisation des services dits alors « extérieurs » du ministère de l’équipement.
2
B. Rémond, Les OREAM et l’aménagement du territoire 1966-1976 : La Documentation française 1977, p. 7.
3Voir notamment le résumé du séminaire La création des organisations d’études d’aménagement des aires
métropolitaines, Université de Lille I, 9 nov. 2006 : http://calenda.org/192078?lang=pt.
4
B. Rémond, Les OREAM…, op. cit., eod. loc.
5 B. Rémond, op. cit., p. 8.
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Dans l’esprit des concepteurs de cette planification stratégique, cette division fonction-
nelle devait nécessairement déboucher sur une articulation entre les deux étages de la
planification stratégique, et donc sur une articulation entre SDAM et SDAU.
Mais juridiquement, la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 et son décret
d’application sont sur ce point d’une grande sobriété, peut-être parce qu’à cette époque
c’était l’administration de l’État qui maîtrisait l’ensemble du processus. En vérité ce n’était
déjà plus tout à fait le cas puisque la loi précitée réintroduit les élus locaux dans la défini-
tion de l’aménagement urbain par la voie de « l’élaboration conjointe », même si, techni-
quement, les élus ne disposent pas de la capacité d’expertise suffisante pour contester les
choix stratégiques de l’État. Quoi qu’il en soit, l’article L. 122-1, alinéa 4 du code de l’urba-
nisme confie aux auteurs des SDAU le soin d’orienter et de coordonner les programmes de
l’État, des collectivités locales et des établissements et services publics, qui sont établis
dans le cadre du plan, et les dispositions des schémas s’imposent aux « programmes et
[aux] décisions administratives qui les concernent » selon un rapport de compatibilité.
Seule la partie réglementaire du code (art. R. 122-1, al. 2) prévoit une liaison explicite entre
les SDAU et la politique d’aménagement du territoire, les SDAU devant être établis « dans
le cadre » des directives nationales d’aménagement du territoire.
Il faut reconnaître que cette liaison est bien peu juridiquement organisée. L’expression
« dans le cadre » implique une subordination minimale de la planification urbaine straté-
gique par rapport à la politique d’aménagement du territoire, mais sans qu’on soit en
mesure de savoir quel degré de contrainte implique une telle subordination. En outre la
notion de « directive nationale d’aménagement du territoire » n’est pas autrement précisée
par le texte. La pratique a montré que c’était l’État qui pouvait conférer, au moment de l’ap-
probation en conseil des ministres d’un SDAM, la qualité de directive nationale d’aména-
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Voir notamment les cas des SDAU de Nantes, de Nancy-Toul-Lunéville, de Metz-Thionville-Fensch et Orne, de
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l’agglomération bordelaise, du Nord-Médoc, des Lacs girondins et du bassin d’Arcachon : B. Rémond, op. cit.,
pp. 66, 71, 130.
1
Bien qu’un projet de « Livre blanc » ait été établi, ce SAUM ne sera jamais approuvé. Pour la DATAR, le SAUM
devait être conçu « comme un document rattaché au SDAU sous forme d’annexe qui comprend deux volets : l’un
prolonge le SDAU sur une étroite frange maritime, l’autre le complète en définissant les principes de gestion de
l’espace maritime littoral au-delà de cette frange » (DATAR, Pour la gestion concertée des espaces maritimes
littoraux. Les schémas d’aptitude et d’utilisation de la mer : 1973, p. 10).
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l’époque, M. Ortoli, avait fortement insisté lors des débats parlementaires, n’apparaisse
explicitement que dans la partie réglementaire du code, à l’ancien article R. 122-5 I 1. La
jurisprudence aura l’occasion de mettre en évidence que l’exigence de compatibilité d’un
certain nombre de décisions avec le contenu du schéma ne s’apprécie pas seulement dans
l’espace, ou ratione materiae, mais également dans le temps 2.
Ce serait être victime d’une illusion d’optique que de croire que cette prise en compte
par le droit de la dimension temporelle de la planification, à travers la création, au niveau
des agglomérations, d’un document résolument nouveau de planification stratégique,
serait uniquement liée au contexte économique de l’époque. Les Trente Glorieuses appar-
tiennent au passé, mais la croissance urbaine ne s’est pas arrêtée. Elle a muté, a pris un
nouveau nom, à la connotation aussi péjorative que porteuse de menaces, celui d’étalement
urbain. Quelles que soient les évolutions affectant le contenu de la procédure, et les chan-
gements terminologiques, les territoires urbains ne peuvent pas faire l’économie d’un
schéma à vocation stratégique.
Il est un aspect lié à l’aspect programmatique du SDAU, et donc à sa dimension tempo-
relle, qui a été imparfaitement organisé par le législateur. Dans son analyse du régime juri-
dique du SDAU, M. Bazex notait que l’obligation de compatibilité posée par la loi avait une
double fonction : de contrôle tout d’abord, afin que les décisions de mise en œuvre du
schéma respectent ce dernier ; de correction ensuite, afin de laisser une certaine latitude à
l’administration en raison de la souplesse inhérente à la notion de compatibilité. Mais l’au-
teur faisait remarquer de manière très lucide que cette notion ne permettrait pas à elle
seule de corriger les erreurs de prévision, et qu’il serait nécessaire d’organiser la révision
du SDAU.
Si une telle procédure n’a pas été retenue par le législateur, c’est en définitive le décret
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Voir en particulier la présentation de la genèse de la loi d’orientation foncière par M. Bazex in L’élément pros-
pectif dans la loi d’orientation foncière : RD publ. 1970, notamment p. 862.
2CE, sect., 23 mars 1979, Commune de Bouchemaine : Rec. CE, p. 127. – CE, 8 janv. 1992, Mme Gaillard-Schouard :
Rec. CE, p. 9.
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créée une procédure plus légère de modification applicable cette fois aux schémas de cohé-
rence territoriale (SCoT), susceptible d’être mise en œuvre lorsque le projet de modifica-
tion ne porte pas atteinte à l’économie générale du projet d’aménagement et de développe-
ment durable du schéma.
Mais la plus grande question posée par les SDAU, qui a mobilisé fortement la doctrine,
est celle de leur autorité sur le plan juridique.
La volonté du législateur de 1967 de faire du SDAU un acte doté d’effets juridiques était
très nette. Comme l’avait parfaitement expliqué M. Bazex, le SDAU avait pour fonction de
mettre en place une programmation dans le temps de l’évolution d’une agglomération, et
pour que cette volonté puisse se traduire concrètement sur le terrain, la loi avait conféré
une portée juridique au schéma 1 : tel était l’objet de la fameuse phrase qui terminait l’ar-
ticle L. 122-1 dans sa rédaction de l’époque « Les programmes et les décisions administra-
tives qui les concernent doivent être compatibles avec leurs dispositions ».
La spécificité juridique du SDAU apparaît clairement par rapport à l’autre document de
planification stratégique qu’était le SDAM. La portée juridique de ce dernier, comme on l’a
vu précédemment, était très faible. Présentant les SDAM, un administrateur de l’époque
pouvait écrire en 1970 : « les schémas d’aménagement doivent […] être considérés comme
de véritables instruments de travail pour toute personne, collectivité, administration,
entreprise ou organisme qui détient une part de responsabilité dans l’évolution des métro-
poles et de leur environnement régional » 2. La qualification d’« instruments de travail »
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1
M. Bazex, op. cit., p. 880.
2M. Colot, Les schémas d’aménagement des métropoles et aires métropolitaines : Mon. TP 12 sept. 1970, notam-
ment p. 32.
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entre doctrine et Conseil d’État, mais elle continue à interroger sur la portée juridique qu’il
convient d’attribuer à un document de planification stratégique.
Pour une partie de la doctrine, s’il est nécessaire que les SDAU soient opposables aux
tiers, et pas seulement à l’administration, c’est en raison du respect des droits du citoyen.
Des auteurs comme R. Savy ou Y.-M. Danan font une analyse juridique de la loi teintée
d’idéologie. Pour le premier auteur cité, « parce que le schéma est une norme de référence
nécessaire, il influe sur les droits des administrés dans la mesure où l’administration peut
trouver en lui les motifs légaux de s’opposer à leurs projets » 1. L’auteur considère dans ces
conditions que les administrés doivent pouvoir invoquer les dispositions d’un schéma à
l’appui d’un recours pour excès de pouvoir. Y.-M. Danan part du même postulat : admettre
la solution contraire, c’est « [tourner] à la fois le dos, dans un secteur important, à la parti-
cipation des citoyens en matière d’aménagement et à la garantie classique du contrôle de
l’action administrative par les juridictions, sur l’initiative des particuliers » 2. Deux idées
traditionnelles sous-tendent ces affirmations : d’une part la méfiance vis-à-vis de l’État,
considéré comme le Léviathan, dont l’administration il est vrai semble avoir atteint à cette
époque un degré de toute-puissance inégalé ; d’autre part l’idée que le recours au juge
administratif, par l’exercice du recours pour excès de pouvoir, constitue un outil efficace
contre le despotisme administratif.
Face à ces prises de position, le Conseil d’État se prononce progressivement mais de
manière conséquente sur l’invocabilité des schémas. Plus ambiguë est son attitude quant à
la recevabilité du recours direct des particuliers contre les SDAU.
Sur le premier point, le Conseil d’État a fait une lecture combinée de la loi et de son
décret d’application codifié à l’ancien article R. 122-20 qui liste les documents et opérations
qui doivent être compatibles avec le SDAU. Parmi ceux-ci figuraient « les grands travaux
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1
R. Savy, Les effets des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme : AJDA 1970, p. 460.
2
Y.-M. Danan, La véritable force juridique du SDAU : Annales du CRU 1975, p. 104.
3Encore affirmée par l’abstrat au Recueil Lebon de l’arrêt CE, 4 nov. 1970, SCI les Héritiers A. Caubrière : Rec.
CE, p. 646.
4 Rec. CE, p. 145 ; RD publ. 1975, p. 485, concl. M. Gentot.
5
Y.-M. Danan, op. cit., p. 156.
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GADU n° 12.
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d’un permis de construire, décision qui n’était pas mentionnée par cet article, ne pouvait
pas être appréciée par rapport aux orientations contenues dans le SDAU. Le contraste est
grand entre l’émoi doctrinal suscité par cette décision de sous-sections réunies, et l’intérêt
limité que représentait l’affaire pour le Conseil d’État : son résumé aux Tables du Recueil
Lebon n’aborde pas, en tout état de cause, la question du champ de l’opposabilité des
SDAU.
Mais l’arrêt Domat, rapproché de l’arrêt Adam, condamne les efforts des auteurs qui
considéraient que la liste des décisions et opérations devant être compatibles avec le
schéma ne pouvait pas être limitative en raison de la généralité des termes de l’ancien
article L. 122-1. C’est dire implicitement mais nécessairement que le pouvoir réglementaire
avait illégalement restreint le champ d’application de la loi. Un tel raisonnement ne peut
être suivi : le pouvoir réglementaire n’a fait ici que mettre en œuvre, autrement dit concré-
tiser le principe fixé par la loi de l’opposabilité des schémas, principe qui pour sa part rele-
vait de la compétence du législateur car on peut considérer qu’il met en cause le régime de
la propriété, voire la libre administration des collectivités territoriales, à savoir deux
libertés placées sous la sauvegarde du législateur par l’article 34 de la Constitution. Au-
delà, le pouvoir réglementaire pouvait compétemment fixer la portée effective de l’opposa-
bilité des schémas 1.
Les choses sont peut-être moins claires qu’on a pu l’écrire en ce qui concerne la contes-
tation directe des schémas par les particuliers.
Dans l’ouvrage sur Les grands arrêts du droit de l’urbanisme, l’un des auteurs, Hubert
Charles, se demande si un schéma peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Si
un tel document, en principe, ne produit aucun effet direct à l’égard des administrés, son
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Nous ne pensons pas encourir un reproche d’anachronisme en renvoyant à une décision, rendue par le Conseil
constitutionnel quarante après cette controverse (déc. n° 2010-95 QPC, 28 janv. 2011, SARL du Parc d’activités
de Blotzheim : Rec. Cons. const., p. 93), à propos du renvoi par le législateur à un décret en Conseil d’État des
conditions de définition de la notion de projet d’intérêt général et plus encore, à son commentaire sur le site
Internet du Conseil.
2
Voir également en ce sens les observations de F. Bouyssou : Droit et Ville 1982, n° 13, p. 191.
3Selon un procédé éprouvé de la pratique contentieuse : voir R. Chapus, Droit du contentieux administratif : éd.
Montchrestien, 13e éd. 2008, n° 470.
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quelques semaines plus tôt sur une décision du 29 janvier 1982 Commune de Contes et
M. Dalbéra, avait estimé que, si les SDAU étaient bien inopposables aux particuliers, il
fallait considérer qu’ils emportaient des effets indirects ou différés sur la propriété : à ce
titre il convenait d’admettre la recevabilité du recours 1. Faut-il, néanmoins, considérer que
la question est en définitive tranchée par analogie dès lors que le Conseil d’État a admis par
la suite, de manière implicite mais dans une décision expressément fichée sur ce point, que
tout citoyen résidant dans la région pouvait attaquer un schéma d’aménagement 2 ? C’est
envisageable mais en réalité très contestable puisque la qualité de citoyen ne permet pas de
justifier en quoi l’intérêt d’un requérant serait susceptible d’être froissé par un document
dont les effets sur les tiers sont très limités 3.
La question a rebondi trente ans plus tard quand un arrêt de la cour administrative
d’appel de Nantes a répondu frontalement au problème en admettant que le propriétaire
de terrains situés sur un territoire couvert par un SCoT avait intérêt à contester la légalité
du schéma 4. Le fait qu’il s’agisse d’un SCoT est sans incidence puisque la loi a maintenu le
principe de l’inopposabilité aux particuliers, sauf exception, des orientations du schéma,
selon une logique analogue à celle des SDAU. La position des juges nantais est critiquée par
l’annotateur de la décision qui considère que s’il y a opposabilité du schéma, elle ne peut
être qu’indirecte, et ne deviendra effective que par le truchement du plan local d’urbanisme
(PLU).
On ne peut en définitive que regretter que le Conseil d’État n’ait pas clairement tiré, sur
le plan contentieux, la conséquence qui découlait de l’opposabilité limitée attribuée aux
SDAU par les textes alors applicables. Il n’eût pas été incohérent d’admettre au profit des
tiers l’invocabilité du SDAU à l’encontre de certains actes, tout en leur fermant le recours
direct faute d’un intérêt suffisant 5.
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1 Voir concl. Genevois sur CE, 29 janv. 1982, Commune de Contes : JCP G 1982, II, 19869.
2 CE, 14 janv. 1994, Collectivité territoriale de Corse et M. Casalonga : Rec. CE, p. 16.
3
L’analogie avec une autre décision intéressant cette fois le schéma directeur routier national (CE, 21 oct. 1994,
M. Guttin et M. Guilly : Rec. CE, tables, p. 1101) serait très trompeuse : c’est en effet eu égard à la nature et la
portée de l’acte attaqué qu’une personne se prévalant de la seule qualité d’habitant d’une zone susceptible d’être
traversée par une autoroute justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité du décret approu-
vant un tel schéma.
4CAA Nantes, 28 déc. 2012, Syndicat mixte du SCoT du pays de Rennes : DAUH 2014, n° 817, chron.
Ch. Debouy.
5Le parallèle avec le statut contentieux des anciennes « directives type Crédit foncier de France », rebaptisées
« lignes directrices » peut être fait : ces actes sont invocables mais non contestables. Le parallèle s’arrête là : l’in-
contestabilité est ici absolue en raison de l’absence de caractère impératif. Or l’impérativité du SDAU ne peut être
niée du fait de l’obligation de compatibilité et non de conformité : il s’agit de deux notions distinctes.
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En premier lieu, elles montrent combien la création des SDAU a constitué une innova-
tion radicalement nouvelle, au point de susciter la contestation, voire l’incompréhension.
Le débat sur l’opposabilité a montré que celle-ci pouvait difficilement être interprétée de
manière autre que traditionnelle. Autrement dit pour une partie de la doctrine, ou bien un
document approuvé par l’administration est inopposable parce que la loi ne l’a pas prévu,
ou bien la loi a prévu une telle opposabilité, et celle-ci doit se déployer erga omnes. Ce
faisant, cette analyse ne prend pas la mesure de ce que doit être une planification dite stra-
tégique, qui doit se limiter à la fixation d’orientations fondamentales.
Certes l’administration et, à sa suite, le pouvoir réglementaire, ont contribué à
complexifier le régime des SDAU, et à susciter de nouvelles critiques doctrinales. Un décret
du 7 juillet 1977 a rendu opposables aux demandes de permis de construire les dispositions
des SDAU adoptés par décret simple, dans les cas où ces schémas intéressent de grandes
villes dont la liste était fixée par arrêté ministériel, ou des opérations d’intérêt national, en
vue notamment de la création de villes nouvelles (ancien art. R. 111-15). Ce décret ne faisait
qu’étendre une possibilité ouverte par un décret du 30 novembre 1961 permettant de s’op-
poser à des constructions qui contrarieraient l’action d’aménagement du territoire et d’ur-
banisme telle qu’elle résulte des plans régionaux de développement économique et social
et d’aménagement du territoire ainsi que des directives d’aménagement national arrêtées
par le gouvernement 1. Mais il s’agit d’une exception qui s’explique assez bien : l’implanta-
tion des constructions ne doit pas remettre en cause les choix stratégiques prévus par cette
catégorie de SDAU dans la mesure où les territoires visés sont considérés comme structu-
rants au regard de la politique nationale d’aménagement du territoire. En tout état de
cause, la faculté de refus ouverte à l’administration était conditionnée par « l’importance »,
« la situation » ou « l’affectation » des constructions, ce qui montre bien que, en dehors de
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Le décret du 7 juillet 1977 avait abrogé l’hypothèse de l’atteinte aux plans régionaux de développement écono-
mique et social et d’aménagement du territoire, devenue obsolète.
2 Y.-M. Danan, La véritable force juridique du SDAU, op. cit., pp. 162-166.
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d’aménagement national » approuvées par décret. Le Conseil d’État n’a pas entendu dénier
par principe au SDAM le caractère de directive d’aménagement national, il a seulement
considéré que faute de précisions apportées par le schéma tant sur l’étendue que sur la
localisation de ces coupures vertes, le SDAM en cause ne présentait pas, sur ce point, le
caractère d’une telle directive 1. Ce que demande le juge c’est simplement que le document
de planification stratégique comprenne les précisions indispensables pour que la norme
soit effectivement opposable, de surcroît quand il s’agit par exception de l’appliquer à une
autorisation d’occupation du sol. Mais il n’en découle pas nécessairement — et c’est tout le
sens de l’ancien article R. 122-20 — que la précision des normes entraîne nécessairement
leur opposabilité aux particuliers. Il s’agit d’un problème de qualité de la norme, afin
qu’elle puisse répondre à la fonction de programmation d’un document de planification
stratégique.
*
* *
1
CE, sect., 31 janv. 1975, Min. de l’aménagement du territoire, de l’équipement, du logement et du tourisme c/
Soc. des magasins périphériques de l’ouest « Rallye » : Rec. CE, p. 68 ; GADU n° 24.