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3 ABONDANCE ET FRACTIONNEMENT

DES ISOTOPES STABLES

En chimie classique, les isotopes d’un élément sont considérés comme ayant les même propriétés
chimiques. En réalité, les variations dans les abondances isotopiques se produisent bien au-delà de
la précision des mesures. Ce phénomène est le sujet de cette partie.

3.1 RAPPORTS ET CONCENTRATIONS ISOTOPIQUES


Avant de pouvoir donner une description plus quantitative des effets isotopiques, il faut définir plus
précisément les abondances isotopiques. Les rapports (abondances) isotopiques sont définis par
l’expression:

teneur de l' isotope rare


R= (3.1)
teneur de l' isotope abondant

Le rapport porte une notation en exposant avant le symbole R qui se réfère à l’isotope considéré. Par
exemple:

13 [13 CO 2 ] 18 [C18 O16 O]


R (CO 2 ) = R (CO 2 ) =
[12 CO 2 ] [C16 O 2 ]

(3.2)
18
2 [ 2 H1HO] 18 [ H 2 O]
R ( H 2 O) = 1 R ( H 2 O) = 16
[ H 2 O] [ H 2 O)

Nous devons clairement faire la distinction entre le rapport isotopique et la concentration isotopique.
Pour le CO2 par exemple, cette dernière est définie ainsi:

[13 CO 2 ] [13 CO 2 ] 13
R
13 12
= = 13
(3.3a)
[ CO 2 ] + [ CO 2 ] [CO 2 ] 1 + R
En particulier, si la composition de l’isotope rare est importante, comme c’est le cas pour les composés
marqués, la concentration en isotope rare est souvent donnée en atomes %. Ceci est à relier au rapport
isotopique par la relation:

R = (atome %/100) / [1 − (atome %/100)] (3.3b)

3.2 FRACTIONNEMENT ISOTOPIQUE

Selon la chimie classique, les caractéristiques chimiques des isotopes, ou plutôt des molécules qui
contiennent les différents isotopes d’un même élément (tels que 13CO2 et 12CO2) sont équivalentes.
31
Chapitre 3

Dans une large mesure, ceci est vrai. Toutefois, si une mesure est suffisamment précise –et c’est le cas
avec les spectromètres de masse modernes (Chapitre 11)- nous observons des différences infimes
dans le comportement chimique aussi bien que physique de ces molécules isotopiques ou composés
isotopiques. Le phénomène à l’origine de l’existence de ces différences isotopiques est appelé
fractionnement isotopique (certains auteurs nomment ce phénomène discrimination isotopique;
toutefois, nous ne voyons aucune raison de déformer l’expression originelle). Ce phénomène peut
survenir en tant que changement de la composition isotopique lors de la transition d’un composé d’un
état en un autre (eau liquide à vapeur), ou en un autre composé (dioxyde de carbone en carbone
organique végétal), ou il peut se manifester par une différence de composition isotopique entre deux
composés en équilibre chimique (bicarbonate dissous et dioxyde de carbone) ou en équilibre physique
(eau liquide et vapeur d’eau). Tout au long de ce volume, des exemples de tous ces phénomènes seront
discutés.

Les différences de propriétés physiques et chimiques des composés isotopiques (i.e. composés
chimiques consistant en des molécules contenant les différents isotopes d’un même élément) sont régis
par les différences de masse des noyaux atomiques. Les conséquences de ces différences de masse
sont de deux ordres:
1) Les molécules isotopiques les plus lourdes ont une mobilité réduite. L’énergie cinétique d’une
molécule est uniquement déterminée par la température: kT = ½mv2 (k = constante de Boltzmann,
T = température absolue, m= masse moléculaire, v = vitesse moléculaire moyenne). Ainsi, les
molécules ont la même ½mv2, quelle que soit leur teneur isotopique. Ceci veut dire que les
molécules avec un m important ont nécessairement une plus petite vitesse. Avec quelques
conséquences pratiques comme:
a) les molécules les plus lourdes ont une plus faible vitesse de diffusion;
b) la fréquence de collision avec les autres molécules – condition essentielle pour une réaction
chimique – est plus faible pour les molécules les plus lourdes; ceci est l’une des raisons pour
lesquelles, en règle générale, les molécules légères réagissent plus vite.
2) Les molécules les plus lourdes ont généralement des énergies de liaison plus fortes. Les ponts
chimiques entre deux molécules (dans un liquide ou dans un cristal par exemple, ou entre deux
atomes d’une même molécule) peuvent être représentés par le modèle simple suivant. Deux
particules exhibent des forces antagonistes entre elles. La force un est répulsive et s’accroît
rapidement avec une augmentation de la distance (~ 1/r13). L’autre force est attractive et augmente
moins vite avec la diminution de la distance (dans les cristaux ioniques (~ 1/r2, entre des
particules non-chargées ~ 1/r7). En résultante à ces deux forces, les deux particules seront
localisées à une certaine distance l’une de l’autre. Sur la Fig.3.1, les énergies potentielles
correspondant à chacune des forces et à la force nette résultante sont représentées
schématiquement. Si une particule est localisée à l’origine du système de coordonnées, l’autre
sera dans le creux énergétique. S’échapper du creux est possible seulement si la particule a
suffisamment d’énergie cinétique pour dépasser la force attractive nette. Cette énergie est
appelée énergie de liaison de la particule. Un exemple est fourni par la chaleur dégagée lors de
l’évaporation.

32
Fractionnement en isotopes stables

Fig.3.1 Représentation schématique de la distribution d’énergie potentielle causée par les forces
d’attraction et de répulsion entre deux particules, dans ce cas entre des ions de charges
opposées. Le potentiel résultant est bien défini (ligne solide). La particule un est située à
l’origine (r = 0). La seconde particule est située dans le creux. Les petites lignes
horizontales dans le creux sont les niveaux du système, les lignes fines et épaisses se
référant aux particules légères et lourdes respectivement. Les flèches indiquent les
énergies de liaisons respectives à une température de zéro T0 et à plus haute température
T respectivement. A hautes températures, la différence entre les énergies de liaison pour
les particules isotopiques est plus petite, provoquant un effet isotopique plus faible.

Bien que la particule soit située dans le creux, elle ne se trouve pas au fond, même si l’on considère le
point zéro de l’échelle de température absolue (-273.15oC). Toutes les particules ont trois modes de
déplacement: translation, i.e. déplacement de la molécule dans son ensemble, vibrations des atomes
entre eux dans la molécule, et rotations des molécules autour d’axes moléculaires donnés. Dans la
représentation du creux d’énergie, la particule n’est pas au fond, mais à un certain niveau (d’énergie)
au-dessus de l’énergie zéro. Sur la Fig. 3.1, un niveau d’énergie est indiqué par une ligne horizontale.
Plus la température de la substance est élevée, plus le niveau d’énergie occupé par la particule sera
élevé.
L’énergie nécessaire pour quitter le creux - i.e. pour se séparer d’une autre particule- est présentée
comme l’énergie de liaison EB, tandis que EB' est l’énergie de liaison de la particule rare (lourde).
L’énergie d’une particule donnée à une température donnée dépend de sa masse. Une particule
isotopique lourde est située plus profondément dans le creux d’énergie qu’une particule légère (ligne
épaisse sur la Fig.3.1) et, ainsi, s’échappe moins facilement: la particule isotopique lourde (atome ou
molécule) a généralement une énergie de liaison supérieure: EB' > EB (Fig.3.2: cas normal).
33
Chapitre 3

On peut citer quelques exemples de ce phénomène:


1
1) H218O et 1H2H16O ont des pressions de vapeur plus faibles que 1H216O; ils s’évaporent donc
moins facilement, et
2) dans la plupart des réactions chimiques, les espèces à isotopes légers réagissent plus vite que
celles à isotopes lourds. Par exemple, Ca12CO3 se dissous plus vite dans une solution acide que ne
le fait Ca13CO3.
Lors de l’équilibre isotopique entre deux composés chimiques, l’isotope lourd est généralement
concentré dans le composé qui a le poids moléculaire le plus élevé.
La profondeur du puits d’énergie peut aussi dépendre de la masse des particules d’une façon beaucoup
plus complexe. Sous certaines conditions, si l’on considère les molécules poly-atomiques, le creux
d’énergie potentielle est plus profond pour les molécules légères que pour les molécules lourdes. Et
simplement en raison de ce phénomène, l’énergie de liaison des molécules lourdes peut être plus
faible. Parce que les effets isotopiques discutés plus haut produisent généralement des pressions de
vapeur plus faibles pour les espèces isotopiquement lourdes (effet isotopique normal), cet effet est à
rapprocher de l’effet isotopique inverse (Fig.3.2). Des exemples pratiques de l’effet isotopique inverse
sont la pression de vapeur élevée de 13CO2 dans la phase liquide ainsi que la plus faible solubilité de
13
CO2 par rapport à 12CO2, les deux processus se produisant à température ambiante (Vogel et al.,
1970).
Aux températures élevées, la différence entre les énergies de liaison des molécules isotopiques se
réduit, provoquant des effets isotopiques moindres, et disparaissant en phase ultime (Fig.3.1).

3.3 FRACTIONNEMENTS ISOTOPIQUES CINETIQUE ET A L’EQUILIBRE


Le processus de fractionnement isotopique est mathématiquement décrit en comparaison des rapports
isotopiques de deux composés en équilibre chimique (A ⇔ B) ou de deux composés avant et après un
processus de transition physique ou chimique (A → B). Le facteur de fractionnement isotopique est
alors défini comme le rapport de deux rapports isotopiques

R (B) R B
α A (B) = α B / A = = (3.4)
R ( A) R A

qui exprime le rapport isotopique de la phase ou le composé B par rapport à celui de la phase ou du
composé A.

Si nous considérons les changements de composition isotopique, par exemple C oxydé en CO2, le
fractionnement isotopique du carbone rapporte la « nouvelle » valeur 13R(CO2) à la valeur
« ancienne » 13R(C), ou, en d’autres termes : 13α = 13R(CO2)/13R(C).

34
Fractionnement en isotopes stables

Fig.3.2 Représentation schématique de l’effet isotopique normal (à gauche) et inverse (à droite).


Pour quelques interactions, le creux d’énergie potentielle pour les particules lourdes
(ligne épaisse) est moins profond que celui pour les particules légères (ligne fine).
Dépendant d’interactions spécifiques, l’énergie de liaison pour une particule
isotopiquement lourde peut être plus importante (côté gauche: effet normal) ou plus faible
(côté droit: effet inverse) que pour une particule légère.

En général, les effets isotopiques sont faibles: α ≈ 1. Ainsi, une déviation d’α par rapport à 1 est
couramment utilisée plutôt que le facteur de fractionnement. Cette quantité, que nous nommons
fractionnement, est définie par:

RB
εB/ A = αB/ A −1 = −1 (×103 ‰) (3.5)
RA

ε représente l’enrichissement (ε > 0) ou l’appauvrissement (ε < 0) de l’isotope rare B par rapport à A.


Les symboles αB/A et εB/A sont équivalents à αA(B) et εA(B). Dans un processus irréversible (A → B), ε
est le changement de composition isotopique; en d’autres termes: la nouvelle composition isotopique
comparée à l’ancienne.

Parce que ε est un nombre petit, il est généralement donné en ‰ (pour mille, équivalent à 10−3).
Notons que nous ne définissons pas ε en ‰, comme de nombreux auteurs le proclament. (En fait, ils
ne le font pas réellement puisqu’ils ajoutent toujours le symbole ‰). Une valeur de ε de, par exemple,
5‰ est égale à 0.005. La conséquence est que, dans les équations mathématiques, il est incorrect
d’utiliser ε/103 à la place du simple ε. L’étudiant doit se souvenir que ε est un petit nombre; dans les
équations, il doit être numériquement écrit " −25‰ " à la place de " −25/103 ".

Le fractionnement de B par rapport à A est toujours noté εB/A ou εA(B). De cette définition de ε, nous
déduisons simplement:

35
Chapitre 3

− εA / B
εB/ A = ≈ −ε A / B (3.6)
1 + εA / B

en dernière étape, puisque dans les processus naturels, les valeurs de ε sont faibles.

Il est important de distinguer entre deux sortes de fractionnement isotopique: le fractionnement


cinétique et le fractionnement à l’équilibre. Le fractionnement cinétique provient de processus
chimique et physique irréversibles, i.e. en sens unique. C’est, par exemple, l’évaporation de l’eau
avec un éloignement immédiat de la vapeur, l’absorption et la diffusion des gaz, ainsi que d’autres
réactions chimiques irréversibles telles que la décomposition bactérienne des plantes ou la
précipitation rapide de calcite. Ces effets de fractionnement sont premièrement déterminés par les
énergies de liaison des composés originaux (Part.3.2) dans lesquels, lors des processus physiques, des
molécules isotopiquement légères ont des vitesses plus importantes et de plus faibles énergies de
liaison ; pendant les processus chimiques, les molécules légères réagissent plus rapidement que les
molécules lourdes. Dans quelques cas toutefois, c’est l’inverse. Cet effet isotopique cinétique inverse
se produit plus communément dans les réactions impliquant des atomes d’hydrogène (Bigeleisen et
Wolfsberg, 1958).
Le second type de fractionnement est le fractionnement à l’équilibre (ou thermodynamique). C’est
essentiellement cet effet qui est impliqué dans les réactions à l’équilibre (ou réactions
thermodynamiques). Comme exemple formel, nous avons choisi les réactions d’échanges isotopiques:

*A + B ⇔ A + *B (3.7)

dans lesquelles l’astérisque indique la présence de l’isotope rare. Le facteur de fractionnement pour cet
équilibre entre phases ou composés A et B est la constante d’équilibre pour l’équation d’échange 3.7:

[A] [*B] [*B] /[B] R B


K= = = = αB/ A (3.8)
[*A] [B] [*A] /[A] R A

Si des informations suffisantes sur les énergies de liaison des atomes et molécules sont disponibles, les
fractionnements peuvent être calculés, aussi bien pour l’effet cinétique (Bigeleisen, 1952) que pour
l’effet à l’équilibre (Urey, 1947). En pratique toutefois, ces données ne sont pas souvent connues avec
suffisamment de détails. Avec les effets isotopiques cinétiques, nous sommes confrontés à une
difficulté supplémentaire qui provient du fait que les processus naturels ne sont jamais purement
cinétiques ou irréversibles. De plus, le fractionnement cinétique est difficile à mesurer en laboratoire,
parce que (i) la complète irréversibilité ne peut pas être garantie (une partie de la vapeur d’eau va
retourner vers la phase liquide), pas plus que ne peut être quantifié le degré de cette irréversibilité; (ii)
la phase ou le composé qui disparaît aura une composition isotopique non-homogène et souvent non-
mesurable parce que l’effet isotopique se produit à la surface de ce composé. Par exemple, la pellicule
de surface d’une masse d’eau qui s’évapore peut s’enrichir en 18O et 2H si le mélange interne de la
masse d’eau n’est pas assez rapide pour conserver sa composition isotopique homogène durant tout le
processus.
Les processus de fractionnement isotopique dans la nature, qui ne sont pas purement cinétiques (i.e.
processus univoque) appartiendront à la catégorie des fractionnements hors équilibre). C’est, par

36
Fractionnement en isotopes stables

exemple, le cas de l’évaporation au-dessus d’océans ou d’étendues d’eau douce continentales :


l’évaporation n’est pas un processus irréversible (de la vapeur d’eau peut certainement se condenser),
mais n’est pas non plus un processus à l’équilibre puisqu’il existe une évaporation nette.
D’un autre côté, le fractionnement à l’équilibre peut être déterminé par des expériences de laboratoire
et, dans de nombreux cas, un accord raisonnable a été trouvé entre les données expérimentales et les
calculs thermodynamiques.
La condition générale pour l’établissement de l’équilibre isotopique entre deux composés est
l’existence d’un mécanisme d’échange isotopique. Ceci peut être un équilibre chimique réversible tel
que :

H216O + C18O16O ⇔ H2C18O16O ⇔ H218O + C16O (3.9a)

ou également un processus physique réversible comme l’évaporation/condensation:

H216O(vapeur) + H218O(liquide) ⇔ H218O(vapeur) + H216O(liquide) (3.9b)

Les taux de réaction des processus d’échange, et par conséquence, les périodes de temps nécessaires
pour atteindre l’équilibre isotopique, varient fortement. Par exemple, l’échange H2O ⇔ CO2 se
produit à une échelle de quelques minutes à plusieurs heures, à température ambiante, tandis que la
réaction H2O ⇔ SO2- demande des millénaires.

Le fractionnement résultant d’effets isotopiques cinétiques excède généralement celui des processus à
l’équilibre. De plus, dans un processus cinétique, le composé formé peut être appauvri par rapport à
l’isotope rare, tandis qu’il peut être enrichi dans le processus équivalent à l’équilibre. Ceci peut se
comprendre en comparant le facteur de fractionnement d’un équilibre réversible et les facteurs de
fractionnement cinétiques impliqués dans les deux réactions simples opposées. Comme exemple nous
avons choisi l’équilibre de l’acide carbonique, Eq.3.9a:

CO 2 + H 2 O ⇔ H + + HCO 3 −

Pour les réactions simples, i.e.

12
CO 2 + H 2 O → H + + H12 CO 3 −

et

13
CO 2 + H 2 O → H + + H13 CO 3 −

les taux de réaction sont respectivement:

12
r = 12 k[12 CO2 ] et 13
r = 13k[13 CO2 ] (3.10)

ou 12k et 13k sont les constantes de réaction. Le rapport isotopique du bicarbonate formé (∆HCO3-) est:

37
Chapitre 3

13
r 13
k[13 CO 2 ]
13
R (∆HCO 3 ) = 12 = 12 12
= α k 13 R (CO 2 ) (3.11)
r k[ CO 2 ]

ou αk est le facteur de fractionnement cinétique pour cette réaction. A l’inverse, pour:

H + + H12 CO 3 − → 12
CO 2 + H 2 O

et

H + + H13 CO 3 − → 13
CO 2 + H 2 O

les taux de réaction sont

− −
12
r ' = 12k '[ H 12CO3 ] et 13
r ' = 13k '[ H 13CO3 ] (3.12)

Le gaz carbonique formé (∆CO2) a un rapport isotopique:

13 −
r' 13
k '[H13 CO 3 ]
13
R (∆CO 2 ) = 12 = 12 12 −
= α 'k 13
R (HCO 3 − ) (3.13)
r' k '[H CO 3 ]

A l’équilibre isotopique, le bilan des effets isotopiques, en d’autres termes:

13
R (∆HCO 3 − ) = 13
R (∆CO 2 ) (3.14)

de telle manière qu ‘en combinant les résultats des Eqs.3.11 et 3.13:


αk ' 13
R (CO 2 ) [13 CO 2 ][H12 CO 3 ]
= −
= −
= αe (3.15)
αk 13
R (HCO 3 ) [12 CO 2 ][H13 CO 3 ]

ce qui montre que le fractionnement isotopique à l’équilibre αe est équivalent à la constante


d’équilibre de la réaction d’échange isotopique:

H13CO 3− + 12
CO 2 ⇔ H12 CO 3 + 13
CO 2 (3.16)

La plupart des valeurs de αk et αk' sont inférieures à 1 de plus de un pour cent. Les différences entre
leurs rapports sont moindres – de l’ordre de quelques pour mille -. Plus loin, nous verrons que
l’évaporation de l’eau peut provoquer un appauvrissement en 18O de la vapeur d’eau de plus de deux
fois supérieur à celui de la vapeur en équilibre avec l’eau. Ceci est du au fait que la molécule H216O est
également favorisée dans le processus de condensation.

En considérant l’ Eq.3.15, il est évident que, alors que αk d’une phase de transition donnée est plus
petit que 1, αe peut être supérieur à 1. On a un exemple dans le système CO2 dissous/gazeux : la
teneur en13C du CO2 retiré rapidement d’une solution à CO2 aqueux est inférieur à celui du CO2

38
Fractionnement en isotopes stables

dissous (i.e. le 12C se déplace plus vite: αk<1), tandis que, en conditions d’équilibre, le CO2 gazeux
contient relativement plus de 13C (αe>1; effet isotopique inverse, Part.3.2).

3.4 THEORIE DU FRACTIONNEMENT ISOTOPIQUE


Dans cette section, nous allons présenter une discussion sur l’origine des effets isotopiques, et en
particulier le fractionnement isotopique dépendant de la masse, basée sur quelques principes de
mécanismes thermodynamiques et statistiques. Le traitement ici ne sera pas exhaustif, et donc, pour
plus de détails, le lecteur se réfèrera aux références relevant de ces sujets. Une discussion de base a été
donnée par Broecker and Oversby (1971) et Richet et al. (1977).
Un principe de base de la physique quantique stipule que l’énergie des particules ne peut prendre
seulement que certaines valeurs discrètes. Ceci est vrai pour n’importe quel déplacement. Ces énergies
discrètes ont déjà été mentionnées dans la partie 3.2, où nous avons discuté de la position d’une
particule à un instant donné et à un certain niveau dans le creux d’énergie (Figs.3.1 et 3.2).
Un principe de base des états de la mécanique statistique est que la « chance » qu’une particule se
trouve à un niveau d’énergie donné εr est:

e − εr / kT
pr =
q

ou k est la constante de Boltzmann et T la température absolue du composé. La valeur de q, la fonction


de partition, est déterminée par l’obligation que la somme de toutes les chances soit égale à l’unité :


∑ pr = 1
r =0

donc que :

q = ∑ e −ε r / kT (3.17)
r =0

La fonction de partition est donc la sommation de la population de tous les niveaux d’énergies pour un
système donné, et détermine ainsi l’état d’énergie dudit système. C’est une donnée importante, parce
que les considérations thermodynamiques montrent que les conditions d’équilibre peuvent être
exprimées en tant que rapport des fonctions de partition.
Considérons encore la réaction d’échange isotopique de l’ Eq.3.7:

*A + B ⇔ A + *B

ou A et B représentent deux composés différents (par exemple, CO2 et HCO3−) ou deux phases du
même composé (par exemple, H2O liquide et vapeur d’eau), et l’astérisque se rapporte à la présence de
l’isotope rare dans la molécule (13C, 18O, 2H, etc.). Dans la définition du facteur de fractionnement -i.e.
la constante d’équilibre- les concentrations, ou plutôt les activités, sont donc représentées par des
fonctions de partition:

39
Chapitre 3

qA *qB *qB / qB
α A (B) = K = = (3.18)
* qA qB * qA / qA

Nous devons maintenant évaluer les différentes fonctions de répartition.


Dans la Part.3.2, les trois modes de déplacement sont nommés translation, rotation et vibration. La
fonction de partition totale d’un système à un composé ou une phase est en relation avec les fonctions
de partition des différents déplacements par:

q = qtransqrotqvibr (3.19)

Chaque fonction de partition résulte de mouvements intramoléculaire (interne), tels les vibrations des
atomes les uns par rapport aux autres, les rotations de la molécule autour de l’axe moléculaire, et les
mouvements intermoléculaires (externes) telles les rotations et les vibrations des molécules les unes
par rapport aux autres, dans un treillis cristallin, par exemple ; La plupart des systèmes sont trop
compliqués pour permettre un calcul exact des fonctions de partition. Les gaz idéaux, mono ou
diatomiques, représentent les seuls sytèmes simples. Les translations ne sont pas gênées par les atomes
ou les molécules voisins et les vibrations et les rotations intermoléculaires n’existent pas, de telle
manière que seul les composants internes doivent être calculés.
Afin de montrer la dépendance des facteurs de fractionnement et pour illustrer l’influence de la
température sur le fractionnement, nous allons brièvement mentionner les diverses fonctions de
partition.
La translation d’une molécule dans son ensemble a la fonction de partition suivante:

3/ 2
⎡ 2πmkT ⎤
q trans = ⎢ V (3.20)
⎣ h 2 ⎥⎦

(V = volume dans lequel les molécules sont libres de se mouvoir, m est la masse de la molécule, h la
constante de Planck). Dans un gaz, la contribution du mouvement au rapport de la fonction de partition
est alors (M = poids moléculaire):
3/ 2 3/ 2
⎛*q ⎞ ⎛*m ⎞ ⎛*M ⎞
⎜⎜ ⎟⎟ =⎜ ⎟ =⎜ ⎟ (3.21)
⎝ q ⎠ trans ⎝ m ⎠ ⎝ M ⎠

qui est dépendante de la température.


La fonction de partition pour le mouvement de rotation interne d’une molécule diatomique est:

8π 2 µr0 2 kT
q rot = (3.22)
sh 2

ou ro est la distance d’équilibre entre deux atomes et µ la masse réduite de la molécule = m1m2/(m1 +
m2); l’énergie de rotation est égale à celle d’un système dans lequel µ tourne autour du centre de la
masse à la place de m1 et m2 autour de chacun d’eux. Nous devons de plus rappeler que µr02 est le
moment d’inertie d’une masse en rotation, et que s = 1, sauf si la molécule consiste en deux atomes

40
Fractionnement en isotopes stables

égaux, cas pour lequel s est égal à 2. Dans un gaz, la contribution de la rotation à la fonction de
partition est donc :

⎛*q ⎞ * µ * m1 M s
⎜⎜ ⎟⎟ = = (3.23)
⎝ q ⎠ rot µ m1 * M * s

avec *m1, isotope rare de l’atome m1. Ce rapport est également dépendant de la température.
La fonction de partition de la vibration est:

e − hν / 2 kT
q vibr = (3.24)
1 − e hν / kT
où ν est la fréquence de vibration de deux atomes l’un par rapport à l’autre. La fréquence est
généralement connue par données spectroscopiques expérimentales. Il peut être montré que la
dépendance vis-à-vis de la température de l’effet de fractionnement est du, en première hypothèse, à la
dépendance thermique de la vibration.
La dépendance de masse de la fréquence de vibration de l’oscillateur harmonique est donnée par:

1/ 2
1 ⎛ k' ⎞
ν= ⎜ ⎟ (3.25)
2π ⎜⎝ µ ⎟⎠

ou de nouveau µ est la masse réduite de la molécule et k' est la constante de force. Dans une
approximation de premier ordre, k' n’est pas altéré par la substitution d’un isotope dans la molécule, et
donc:

1/ 2
*ν ⎛ µ ⎞
=⎜ ⎟ (3.26)
ν ⎜⎝ * µ ⎟⎠

Aux températures normales (T < hv/k), la fonction exponentielle du dénominateur dans l’Eq..3.24 peut
être négligée. Le rapport de la fonction de partition est alors:

⎛*q ⎞
⎜⎜ ⎟⎟ = e h (ν −*ν ) / 2 kT (3.27)
⎝ q ⎠ vibr

ou, en insérant l’Eq.3.26:

⎛*q ⎞ ⎡ hν ⎛ µ ⎞⎤
⎜⎜ ⎟⎟ = exp ⎢ ⎜1 − ⎟⎥ (3.28)
⎜ * µ ⎟⎠⎥⎦
⎝ q ⎠ vibr ⎢⎣ 2kT ⎝

avec µ = m1m2(m1 + m2).


Le rapport de la fonction de partition d’un gaz diatomique aux températures normales est alors obtenu
en combinant les équations 3.19, 3.21, 3.23 et 3.28:

41
Chapitre 3

*q ⎛*M ⎞
1/ 2
*m s ⎡ hν ⎛ µ ⎞⎤
=⎜ ⎟ exp ⎢ ⎜1 − ⎟⎥ (3.29)
q ⎝ M ⎠ m *s ⎜ * µ ⎟⎠⎦⎥
⎣⎢ 2kT ⎝

où m et *m se réfèrent aux isotopes échangés. Le facteur de fractionnement à l’équilibre entre deux


gaz diatomiques A et B est donné par l’Eq.3.18. Il faut noter que, si A ou B consistent en deux atomes
équivalents (tels que O2 ou CO2), la véritable relation entre α et K contient un facteur 2, tel que ce
facteur 2 provenant de s/*s s’annule lorsque l’on calcule α. Un exemple numérique simple est donné
dans la partie 3.7.
Une expression générale approximative du facteur de fractionnement en tant que fonction de la
température est obtenue à partir des équations 3.18 et 3.29:

α = AeB/T (3.30)

où les coefficients A et B ne dépendent pas de la température mais contiennent toutes les quantités
thermiquement indépendantes (masse, fréquence de vibration). Le logarithme naturel du facteur de
fractionnement est approché par les séries de puissance:

C 2 C3
ln α = C1 + + (3.31a)
T T2
avec l’approximation souvent utilisée pour le fractionnement:

ε ≈ ln(1+ε) = C1 + C2/T (3.31b)

On peut de plus montrer qu’à très hautes températures, la contribution de la vibration au


fractionnement contrebalance le produit des facteurs translation et rotation, ce qui finalement équivaut
à α = 1, et donc les effets isotopiques disparaissent quand les températures sont suffisamment élevées.

A partir de ce qui précède, nous pouvons déduire les conclusions suivantes:


1) Dans un processus cinétique (irréversible), la phase ou le composé formé est appauvri en
isotopes lourds par rapport à la phase ou au composé originel (αk < 1); les prédictions théoriques
sur le degré de fractionnement ne peuvent être que qualitatives (un corps d’eau en évaporation
rapide sera appauvri en 18O relativement à l’eau elle-même) ;
2) Dans un processus d’équilibre isotopique (réversible), on ne peut pas prédire avec certitude si une
phase (ou un composé) sera enrichie ou appauvrie en isotopes lourds. Toutefois, la phase dense
(liquide plutôt que vapeur) ou le composé ayant la masse moléculaire la plus importante (CaCO3
vs CO2) contient normalement l’abondance la plus importante d’isotopes lourds.
3) En conditions d’équilibre et en supposant que des données spectroscopiques suffisantes sur les
énergies de liaison sont disponibles, αe peut être calculée; les mesures de αe de divers isotopes
sont reportées dans le chapitre 6.
4) En règle générale, le fractionnement décroît avec l’augmentation des températures; ceci est
montré, par exemple, dans le Chapitre 6, pour les échanges à l’équilibre CO2 ⇔ H2O et H2Oliquide
⇔ H2Ovapeur. A très hautes températures, les différences isotopiques entre les composés
disparaissent.
42
Fractionnement en isotopes stables

3.5 FRACTIONNEMENT PAR DIFFUSION


Comme cela a été mentionné en Part.3.2, le fractionnement isotopique peut survenir en raison des
mobilités différentes des molécules isotopiques. Dans la nature, la diffusion de CO2 ou H2O à travers
l’air en est un exemple.
Selon la loi de Fick, le flux net de gaz, F, à travers une unité de surface, est:

dC
F = −D (3.32)
dx

ou dC/dx est le gradient de concentration dans la direction de diffusion et D la constante de diffusion.


Cette dernière est proportionnelle à la température et à 1/√m, avec m, la masse moléculaire. Cette
proportionnalité résulte du fait que toutes les molécules dans un gaz (mélange) ont la même
température et donc un ½mv2 moyen équivalent. La vitesse moyenne des molécules, et donc, leur
mobilité sont inversement proportionnelles à √m.

Si le processus de diffusion implique le mouvement du gaz A au travers du gaz B, m doit toutefois être
remplacée par la masse réduite:

mAmB
µ= (3.33)
mA + mB

(voir le document sur la théorie cinétique des gaz).

Les équations ci-dessus sont valables pour les isotopes abondants aussi bien que pour les isotopes
rares. Le fractionnement résultant est alors donné par le rapport des coefficients de diffusion pour les
deux espèces isotopiques. De plus, les masses moléculaires peuvent être remplacées par les poids
moléculaires M en numérateur et dénominateur:

*D * MA + MB MA ⋅ MB
α= = (3.34)
D * MA ⋅ MB MA + MB

Dans l’exemple de la diffusion de vapeur d’eau dans l’air, le facteur de fractionnement résultant pour
l’oxygène est (MB de l’air est considéré comme égal à 29, MA = 18, *MA = 20):

1/ 2
18 ⎡ 20 + 29 18 × 29 ⎤
α=⎢ = 0.969 (3.35)
⎣ 20 × 29 18 + 29 ⎥⎦

Par diffusion dans l’air, la vapeur d’eau s’appauvrie donc en 18O (en accord avec les lois données à la
fin de la Part.3.4) de 31 ‰: 18ε = −31 ‰.

Le facteur de fractionnement en 13C pour la diffusion du CO2 dans l’air est:

1/ 2
13 ⎡ 45 + 29 44 × 29 ⎤
α=⎢ = 0.9956 (3.36)
⎣ 45 × 29 44 + 29 ⎥⎦

43
Chapitre 3

13
en d’autres termes ε = −4.4 ‰, correspondant à un appauvrissement de 4.4 ‰.

3.6 RELATION ENTRE RAPPORTS ISOTOPIQUES ATOMIQUES ET


MOLECULAIRES
Nous devons considérer plus attentivement la signification du rapport isotopique dans le contexte de
l’abondance des isotopes rares d’un élément dans les molécules poly-atomiques contenant au moins
deux atomes de cet élément. Le rapport isotopique correspond à la « chance » que l’isotope abondant
soit remplacé par un isotope rare. Pour être plus précis, nous définissons le rapport isotopique
atomique (Ratom) comme l’abondance de tous les atomes isotopiquement rares du composé divisée par
l’abondance de tous les isotopes abondants. Pour être plus explicite, nous avons sélectionné un
exemple simple, les isotopes de l’hydrogène dans la molécule d’eau:

2 [ 2 H16 O1H] + [ 2 H17 O1H] + [ 2 H18 O1H] + 2[ 2 H16 O 2 H] + .........


R atom = (3.37)
2[ 1H16 O1H] + 2[ 1H17 O1H] + 2[ 1H18 O1H] + [ 1H16 O1H] + ........

Les abondances de “second ordre”, telles que par exemple 2H218O en nominateur et 1H2H18O en
dénominateur, ont été négligées. Dans ce contexte, le rapport isotopique moléculaire (Rmol) est défini
comme l’abondance de l’isotope rare d’un élément spécifique dans un type spécifique de molécule
divisée par l’abondance de l’isotope abondant. Dans notre exemple du deutérium dans la molécule
d’eau:

2 [ 2 H16 O1H]
R mol = (3.38)
2 [ 1H16 O1H]

La valeur réaliste de cette définition se réfère, par exemple, à la mesure des rapports isotopiques par
spectrométrie laser (voir Sect.10.2.1.2), ou l’absorption lumineuse permets la comparaison de deux
molécules, différant seulement d’un isotope, contrairement à la spectrométrie de masse (Kerstel et al.,
1999 ; comm. pers.).
L’équation 3.37 peut être ré -écrite telle que:

[ 2 H17 O1H] [ 2 H18 O1H] 2[ 2 H16 O 2 H]


1+ + + .......
2 [ 2 H16 O1H] [ 2 H16 O1H] [ 2 H16 O1H] [ 2 H16 O1H]
R atom = (3.39)
2 [ 1H16 O1H] [ 1H17 O1H] [ 1H18 O1H] [ 1H16 O 2 H]
1+ + + .......
[ 1H16 O1H] [ 1H16 O1H] 2[ 1H16 O1H]

Le premier facteur à droite dans l’équation Eq.3.39 est le rapport isotopique moléculaire. En bonne
approximation, les rapports isotopiques moléculaires dans le second facteur peuvent être remplacés
par les rapports isotopiques atomiques:

2 1 + 17 R + 18 R + 2 R + .......
R atom ≈ 2 R mol ⋅ 17 18 2
= 2 R mol (3.40)
1 + R + R + R + .......

44
Fractionnement en isotopes stables

Ce résultat signifie que, dans une approximation de premier ordre, le rapport isotopique atomique est
égal au rapport isotopique moléculaire. Montré pour une molécule spécifique, le raisonnement est
également valable pour les autres molécules dans l’Eq. 3.39.
Les approximations utilisées sont considérées comme de « premier ordre ». Cependant, en utilisant les
valeurs δ l’approximation est encore meilleure, car elles deviennent presque identiques pour R au
numérateur et au dénominateur de l’Eq.3.40 (cf. Part.4.3.1).

3.7 RELATION ENTRE LES FRACTIONNEMENTS POUR TROIS MOLECULES


ISOTOPIQUES
Pour quelques études isotopiques, il est intéressant de connaître la relation entre les facteurs de
fractionnement pour plus de deux molécules isotopiques. Par exemple, l’eau contient trois molécules
différentes lorsque l’on considère l’oxygène: H216O, H217O et H218O; pour le dioxyde de carbone on
aura 12CO2, 13CO2 et 14CO2. La question maintenant est de savoir si il existe une relation théorique
entre les fractionnement en 17O et 18O par rapport à l’16O (par exemple, pendant l’évaporation) et entre
les fractionnements en 13C et 14C par rapport au 12C (par exemple, pendant le prélèvement du CO2 par
les plantes).
Généralement, le fractionnement pour les isotopes les plus lourds est pris comme deux fois plus
important que celui considéré pour les isotopes les moins lourds:

α = (13 α ) α = (17 α )
14 2 18 2
et (3.41)

tandis que

14
α = 1+ 14
ε = 1+ ( 13
ε )
2
= 1+ 2 13
ε + (13 ε) 2 ≈ 1 + 2 13
ε

donc, nous avons pour le prélèvement du CO2 par les plantes ainsi que pour l’échange isotopique entre
le CO2 et l’eau, respectivement:

14
ε ≈ 2 13ε et 18
ε ≈ 2 17 ε (3.42)

L’approximation qui postule que ces fractionnements diffèrent d’un facteur 2 tire son origine de la
relation entre les masses moléculaires comme présentée dans les équations 3.21 et 3.23. Pour les
isotopes les plus lourds, m+2α est une fonction de type (M+2)/M, tandis que m+1
α est une fonction
similaire de type (M + 1)/M.
Ayant discuté les bases théoriques des effets isotopiques dans les paragraphes précédents, nous
pouvons faire une approximation de l’exposant θ dans la relation générale :

θ
m+2
RA ⎛ m +1
RA ⎞ ln m+2
α A/ B
=⎜ ⎟ ou =θ (3.43)
m+2
R B ⎜⎝ m +1
R B ⎟⎠ ln α A/ B
m +1

ou m = 12 pour le carbone, ou 16 pour l’oxygène. Les fractionnements par diffusion sont facilement
calculables. Pour la diffusion de vapeur d’eau dans l’air, les équations 3.35 et 3.43 impliquent

45
Chapitre 3

ln 18α / ln 17α = 1.93

tandis que, selon les équations 3.36 et 3.43 pour la diffusion du CO2 dans l’air:

ln 14α / ln 13α = 1.96

En terme de fractionnement, cela devient:

18
ε ≈ 1.93 17ε et 14
ε ≈ 1.96 13ε

Le calcul de l’exposant θ pour les effets de fractionnement en général est assez élaboré. Le cas
relativement simple de l’équilibre isotopique CO ⇔ O2 peut servir d’exemple (cf. Broecker et
Oversby, 1971). Les réactions d’échanges isotopiques sont:

18
O16O + 12C16O ⇔ 16O2 + 12C18O

et

17
O16O + 12C16O ⇔ 16O2 + 12C17O

En insérant les nombres de masse correspondant et les fréquences de vibration: ν(12C16O) = 6.50 x
1013/s et ν(16O16O) = 4.74 x 1013/s dans les équations 3.18 et 3.29, les valeurs de α à 20oC sont:

18
18 O / 16 O in CO
α CO / O2 = 18
= 1.023363
O / 16 O in O 2

et

17
17 O / 16 O in CO
α CO / O2 = 17
= 1.012245
O / 16 O in O 2

ainsi donc:

ln18 α CO / O 2 / ln17 α CO / O2 = 1.90

(h = 6.626 * 10-34 Js; k = 1.38 * 10-23 J/K).

Appliquer ces équations à des molécules poly-atomiques ne donner que des valeurs de θ
approximatives. Toutefois, les calculs des échanges à l’équilibre tels que pour CO ⇔ CO2 et CO2 ⇔
CH4 donnent:

ln m+2α / ln m+1α ≈ 1.9 (3.44)

plutôt que θ = 2 (Skaron et Wolfsberg, 1980).

Dans le premier cas, une détermination expérimentale de la relation entre 17O et 18O a été possible.
Une série d’échantillons d’eau naturelle a été électrolytiquement convertie en oxygène qui a alors été
46
Fractionnement en isotopes stables

analysé par spectrométrie de masse. La relation résultante entre les valeurs de 17δ et 18δ a été reportée
(Meijer et Li, 1998) selon:

1 + 18 δ = (1 + 17 δ) (1.8935 ± 0.005) (3.45)

Malgré cela, dans de nombreux cas de routine pour lesquels la précision obtenue est limitée ou
irréaliste, nous pouvons quand même utiliser la relation suivante:

α = ( m + 1α )
2
ln m + 2 α / ln m + 1 α = 2 et m+ 2
(3.46)

ou:

m+ 2 m +1
ε=2 ε (3.47)

avec, au minium, une précision de 10%. Dans cette optique, nous continuerons d’appliquer le facteur 2
dans les relations entre les rapports isotopiques 13C/12C et 14C/12C pour les processus naturels:

14
ε = 2 13ε

comme originellement utilisée par Craig (1954). La précision de l’analyse du 14C n’est pas suffisante
pour permettre une vérification expérimentale de la relation de l’équation 3.42 entre les
fractionnements pour les molécules contenant le 13C et le 14C.
D’un autre côté, l’équation 3.44 doit être appliquée si les fractionnements impliqués sont importants et
les mesures suffisamment précises.

47

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